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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 11 décembre 1997 - Vol. 35 N° 147

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Dépôt de documents

Dépôt de pétitions

Questions et réponses orales

Votes reportés

Motions sans préavis

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Alors, présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Excusez-moi, M. le Président. Vous allez prendre en considération l'article a.


Projet de loi n° 187

Le Président: Alors, à l'article a du feuilleton, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances présente le projet de loi n° 187, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les valeurs mobilières. Alors, M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, ce projet de loi a principalement pour objet de modifier les dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières, comme vous venez de le dire, qui régissent les marchés financiers afin de permettre leur adaptation à l'émergence rapide de nouveaux produits financiers et de nouveaux types d'intervenants dans le contexte de la mondialisation des marchés et de doter la Commission des valeurs mobilières du Québec de moyens d'intervention propres à assurer la protection des investisseurs.

À cette fin, ce projet prévoit l'établissement de régimes particuliers d'information prescrivant les exigences auxquelles doivent satisfaire certains documents déposés auprès de la Commission ou transmis aux épargnants et à quelles conditions un document peut tenir lieu de prospectus. Il prévoit également le dépôt ou la transmission de documents sur support électronique. Il assujettit à l'obligation d'inscription les promoteurs de systèmes électroniques de négociation et les personnes exerçant l'activité de courtier ou de conseiller en valeurs auprès d'acquéreurs avertis sauf, dans ce dernier cas, s'il s'agit de personnes déjà autorisées à exercer à l'extérieur du Québec une telle activité.

De plus, ce projet attribue à la Commission le pouvoir d'imposer des pénalités administratives aux personnes inscrites qui font défaut de respecter une obligation prévue par cette loi et permet l'institution de régimes de concertation avec des organismes poursuivant une fin analogue à celle de la Commission. Il énonce des règles de conduite applicables aux personnes inscrites dans leurs relations avec leurs clients et des obligations particulières destinées à prévenir des situations de conflit d'intérêts.

Ce projet de loi attribue à la Commission le pouvoir réglementaire requis et prévoit en outre diverses mesures visant à habiliter la Commission à intervenir dans des situations où la protection des investisseurs le requiert.

Enfin, ce projet assure la concordance de la terminologie de la Loi sur les valeurs mobilières avec celle du Code civil et contient d'autres dispositions de concordance ainsi que des dispositions de nature corrective ou technique.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Veuillez prendre en considération, M. le Président, l'article b.


Projet de loi n° 188

Le Président: Alors, à l'article b du feuilleton, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances présente le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Ce projet de loi, M. le Président, remplace la Loi sur les intermédiaires de marché. Il crée un organisme unique, le Bureau des services financiers, qui a pour mission de veiller à la protection du public. Le Bureau est administré par un conseil d'administration composé de 15 membres dont 10 sont nommés par le ministre. Les cinq autres membres sont élus par les représentants.

Le Bureau délivre aux représentants qui se qualifient un certificat les autorisant à agir comme représentants en assurance de personnes, agents ou courtiers en assurance de dommages, experts en sinistres, planificateurs financiers, représentants en épargne collective, en fonds d'investissement et en plans de bourses d'études. Les représentants pourront obtenir du Bureau un certificat les autorisant à agir dans plusieurs disciplines.

Les représentants exercent leurs activités pour le compte d'un cabinet qui doit s'inscrire auprès du Bureau pour agir, par leur entremise, dans les différentes disciplines régies par ce projet de loi. Plutôt que d'être rattachés à un cabinet, ils pourront aussi s'inscrire auprès du Bureau comme représentants autonomes ou travailler au sein d'une société inscrite comme société autonome. Les cabinets devront détenir une police d'assurance pour couvrir la responsabilité qui leur incombe pour toute faute commise par un de leurs représentants. Les représentants et les sociétés autonomes devront aussi souscrire une police d'assurance pour couvrir leur responsabilité et ils devront en plus cotiser à un fonds d'indemnisation chargé d'indemniser les victimes de fraude, de manoeuvres dolosives ou de détournement de fonds dont est responsable un de ces représentants.

Toute personne morale ayant un établissement au Québec pourra s'inscrire comme cabinet pour offrir, par l'entremise des représentants, des produits et services financiers. Cette possibilité est offerte aux institutions de dépôts comme les fiducies et les caisses populaires. Les institutions de dépôts qui s'inscrivent dans une discipline de l'assurance devront respecter des règles particulières pour éviter des conflits entre leur rôle d'institution de crédit et celui de distributeur de produits d'assurance et pour assurer la protection des renseignements de nature médicale qui pourront être portés à la connaissance de leurs représentants.

Les pouvoirs de réglementer les représentants seront répartis entre le Bureau et la Commission des valeurs mobilières du Québec selon que l'on soit dans le domaine de l'assurance, celui de la planification financière ou celui des valeurs mobilières, mais le Bureau sera le seul organisme à voir à l'application des règles adoptées. À cette fin, un comité de discipline sera chargé de décider de toute plainte qui pourra être déposée contre un représentant.

Certains produits d'assurance vont être offerts par des distributeurs qui ne sont pas des représentants en assurance. Le distributeur est la personne qui, dans le cadre de ses activités qui ne sont pas du domaine de l'assurance, offre de façon accessoire, pour le compte d'un assureur, une couverture d'assurance afférente à un bien qu'elle distribue. Il en est ainsi de l'assurance-voyage, de l'assurance location de véhicule et de l'assurance sur les cartes de crédit et de débit. Le projet de loi prévoit que l'assurance sur la vie, la santé et la perte d'emploi d'un débiteur et sur la vie des épargnants entre aussi dans cette catégorie. S'il estime qu'un certain encadrement est nécessaire pour la vente d'un produit par un distributeur, le gouvernement pourra lui imposer l'obligation d'être titulaire d'un certificat restreint.

Le projet de loi prévoit la création de la Chambre de la sécurité financière, dont les membres sont élus par les représentants en assurance de personnes, les représentants en valeurs mobilières et les planificateurs financiers, et de la Chambre de l'assurance de dommages, dont les membres sont élus par les agents et les courtiers en assurance de dommages et les experts en sinistres. Leurs présidents et leurs vice-présidents sont d'office membres du conseil d'administration du Bureau. Les chambres déterminent les règles de déontologie applicables aux représentants. Elles font des recommandations au Bureau sur toute question relevant de sa compétence. Elles organisent des cours de formation permanente et elles offrent des services aux représentants.

Enfin, ce projet de loi contient des dispositions de nature transitoire et de concordance.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, est-ce qu'on pourrait savoir, à ce moment-ci, si le ministre a l'intention d'avoir des audiences publiques sur ce projet de loi?

Le Président: M. le leader du gouvernement. M. le ministre.

M. Landry (Verchères): La réponse est très certainement oui, M. le Président, puisque, déjà, ce projet de loi a été l'objet d'un long cheminement bien connu, et que ce cheminement continue en audiences publiques m'apparaît tout à fait normal.

Le Président: Très bien. Donc, l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Justice.


Rapports annuels de l'Ordre des agronomes, de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux et du Collège des médecins

M. Ménard: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1996-1997 des ordres professionnels suivants: les agronomes du Québec, le Collège des médecins du Québec et les travailleurs sociaux du Québec.

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le ministre délégué au Tourisme.


Rapport annuel de la Société du Centre des congrès de Québec

M. Cliche: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1996-1997 de la Société du Centre des congrès de Québec.

Le Président: Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.

(10 h 10)


Réponse à une question inscrite au feuilleton

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je dépose la réponse à la question 36 inscrite au feuilleton du 19 juin 1997 par le député de Robert-Baldwin.

Le Président: Très bien. Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ou de dépôt de pétitions.

M. le député d'Orford.


Dépôt de pétitions

M. Benoit: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de l'Assemblée nationale pour déposer une pétition.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Oui.

Le Président: Oui.

M. Benoit: Je voudrais d'ailleurs souligner, M. le Président, si vous me permettez, la présence dans les estrades de Lyne et Bill Fisher qui ont déposé cette pétition.

M. Jolivet: M. le Président, là.

Le Président: M. le député d'Orford.


Obliger les entreprises ayant un minimum de cinq conducteurs à leur service à respecter un code de conduite préventive

M. Benoit: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par plus de 4 567 noms, accompagnée de centaines de noms, de lettres et de dessins d'enfants.

«Considérant les malheureux événements survenus à la famille de Lyne et Bill Fisher – présents avec nous – en regard du décès de leur fils Clifford dans des circonstances pour le moins inquiétantes et tragiques;

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale que toutes les entreprises ayant un nombre minimum de cinq conducteurs à leur service soient obligées par le Code de sécurité routière du Québec de respecter un code de conduite préventive élaboré par la Société de l'assurance automobile du Québec.

«De plus, êtes-vous en faveur que ces mêmes conducteurs aient l'obligation de suivre, à tous les cinq ans, un cours de conduite préventive reconnu par les conseils aux ligues de sécurité?»

Merci, M. le Président.

Le Président: J'ai compris que l'extrait de la pétition, malgré tout, était conforme. Alors, la pétition est déposée. M. le député de Johnson, maintenant.

M. Boucher: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée nationale pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement.


Modifier la Loi sur la Société de l'assurance automobile du Québec afin de permettre le recours en responsabilité civile

M. Boucher: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 7 020 pétitionnaires du comité Clifford Fisher.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant les malheureux événements survenus à la famille de Lyne et Bill Fisher en regard du décès de leur fils Clifford dans des circonstances pour le moins inquiétantes et tragiques;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'apporter des modifications à la loi régissant la Société de l'assurance automobile du Québec afin de permettre le recours en responsabilité civile pour les victimes de négligence grossière ou criminelle.»

Je certifie que cet extrait est conforme à une partie de l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Avant d'aborder la période des questions et des réponses orales, je vous indique que sera par la suite tenu le vote reporté sur la motion sans préavis de M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Alors, nous abordons... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, strictement une question d'information au leader du gouvernement, avant le début de la période de questions. Comme la coutume le veut, nous avons été prévenus de l'absence du premier ministre, de l'absence du ministre de l'Environnement et de la Faune, de l'absence du ministre des Affaires intergouvernementales et des Transports, de l'absence du ministre de l'Énergie, de l'absence du ministre des Affaires internationales. Ce n'est toutefois qu'en toute dernière minute que nous avons été prévenus de l'absence de Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Tout simplement pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un malaise subit, pour rassurer les parlementaires, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, pour vous rappeler que le premier ministre et M. le ministre des Transports se trouvent à la Conférence fédérale-provinciale des premiers ministres. Vous avez M. le ministre des Ressources naturelles qui prononce une allocution devant la l'Association des manufacturiers exportateurs du Québec. Vous avez M. le ministre de l'Environnement et de la Faune qui est en mission au Japon pour défendre la position du Québec à Kyoto. Et vous avez le ministre des Relations internationales qui est actuellement au Symposium sur l'eau, à Montréal. Et je vous dirai que, dans le cas de la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité, c'est une raison personnelle.


Questions et réponses orales

Le Président: Très bien. Alors, nous allons aborder la période de questions et de réponses orales. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, en principale.


Envoi d'avis de perception de pension alimentaire par télécopieur à l'employeur du débiteur

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Hier, je questionnais la ministre déléguée au Revenu sur le fait que des avis de perception de pension alimentaire étaient transmis par fax à l'employeur du débiteur, quand on sait très bien qu'un document transmis par fax est à la portée, est à la vue et est à la connaissance de tout le monde. Vous vous souviendrez, M. le Président, que la ministre déléguée au Revenu, hier, a pris avis de la question.


Document déposé

J'aimerais ce matin aider la ministre en lui déposant, avec évidemment la permission de la personne concernée, le bordereau de transmission provenant de la Direction de la perception automatique des pensions alimentaires de la section Direction générale des contribuables, ministère du Revenu du Québec. J'aimerais avoir le consentement, M. le Président, pour déposer ce document.

Le Président: Il y a consentement, Mme la députée.

Mme Loiselle: Merci. Maintenant que l'opposition a encore une fois informé la ministre déléguée au Revenu de ce qui se passe dans son propre ministère, la ministre peut-elle nous dire si elle trouve normal et acceptable que son ministère transmette des avis de perception de pension alimentaire par télécopieur, par fax chez l'employeur du débiteur, des documents qui révèlent des renseignements aussi confidentiels que le nom, le prénom d'une personne, son numéro d'assurance sociale, son salaire et le montant de sa pension alimentaire, renseignements qui sont à la portée et à la connaissance de tous les collègues du débiteur?

Le Président: Mme la ministre déléguée au Revenu.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, l'avis qui est transmis à l'employeur, c'est pour faciliter la tâche de l'employeur et lui permettre de mettre en oeuvre la retenue rapidement. Or, l'employeur est tenu à la confidentialité au sujet des informations qu'il contient en vertu, justement, de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, et, sur le document qui est transmis par télécopie figurent un nombre limité de renseignements parmi lesquels seul le montant de la retenue n'est pas connu de l'employeur. Alors, à la suite de cette transmission, le véritable avis de retenue prévu par l'article 16 est envoyé par courrier régulier.

Et je pense que, dans la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, il n'y a pas de mode de transmission spécifique qui soit permis. Et j'aimerais rappeler aussi à la députée que le jugement qui constate le montant des versements périodiques du débiteur alimentaire, il est accessible au public au greffe de la cour.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, comment la ministre déléguée au Revenu peut-elle me donner une telle réponse? Je viens de déposer le document qu'on envoie par fax dans les bureaux des employeurs, qui traîne sur les bureaux, et, sur ce même bordereau de transmission, c'est exactement la même copie, il y a exactement le salaire du débiteur, il y a exactement le montant de retenue à la source que l'employeur doit retirer du salaire du débiteur, il y a toutes les informations personnelles, privées et confidentielles d'un débiteur sur ce bordereau, et ça traîne partout dans les compagnies, et la ministre trouve ça normal.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: D'abord, M. le Président, ce n'est pas exact de dire que ce document-là traîne partout parce que le document, il est transmis à une personne, et le fait que ce document-là soit transmis n'est pas une violation de l'article 75. Au contraire, il faut aviser l'employeur de l'information parce que c'est lui qui doit faire la retenue. Et je pense que la transmission se fait dans le respect de la confidentialité.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

(10 h 20)

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que la ministre déléguée au Revenu aimerait qu'on transmette à un employeur ou à quelqu'un d'autre ses informations à elle? Sur le même bordereau de transmission, M. le Président – il n'y a même pas une autre page attachée à ça – sur le même bordereau, vous avez le nom de la personne, son prénom, son numéro d'assurance sociale, son numéro de dossier au ministère du Revenu, le salaire de la ministre, le montant de la pension que la ministre doit payer et le montant de la pension que la ministre a payé à date, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre déléguée au Revenu.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, je rappelle que le jugement qui constate les montants des versements requis du débiteur alimentaire, il est accessible au public, au greffe de la cour. C'est public, ça.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: La ministre, à l'évidence, n'a pas compris la question. Est-ce qu'elle trouve que c'est la même chose, la publicité qui est donnée en vertu des règles d'accès à des jugements de cour, c'est la même chose, ça, que d'envoyer par fax, à la salle du courrier d'une entreprise, un bordereau de transmission avec des informations dont on peut penser que l'employé n'a pas peut-être parlé ou publicisé auprès de ses collègues? Est-ce que la ministre trouve qu'il y a une différence entre quelqu'un qui va creuser, au palais de justice, pour voir s'il y a un jugement, peut-être, qui touche la ministre personnellement, ou qui que ce soit ici, ou qui que ce soit de nos concitoyens, par opposition à envoyer ça par fax chez l'employeur, puis tout le monde s'amuse à se promener avec ça?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, l'information n'est pas transmise à tout le monde, elle est transmise à une personne.

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, je répète, l'information, elle est transmise à l'employeur pour l'aviser d'une démarche qu'il doit suivre, elle n'est pas transmise à tout le monde. Il ne faut pas s'imaginer que ce que dit l'opposition, c'est ce qui se passe. C'est transmis à une personne qui est responsable de faire une retenue, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.

M. Dumont: En complémentaire, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, simplement pour valider ce que la ministre nous avance. Est-ce que la ministre ramasse elle-même les fax à son bureau?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Je serais tentée de répondre, M. le Président: Pas plus que le courrier. Mais ce qu'il faut aussi savoir, c'est que l'employeur, il est tenu à la confidentialité...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Frontenac, s'il vous plaît! Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Je rappelle à cette Assemblée, M. le Président, que l'employeur, il est tenu à la confidentialité au sujet des informations qu'il reçoit pour son employé. Alors, la confidentialité est respectée, M. le Président.

Le Président: En complémentaire? M. le député de Montmorency, en complémentaire.

M. Filion: Oui, M. le Président. Est-ce que la ministre du Revenu est consciente qu'il existe une différence entre l'employé et l'employeur? L'employeur, c'est une foule d'employés qui travaillent dans une entreprise, et tout le monde peut être effectivement mis au courant d'informations confidentielles, et ça n'a rien à voir avec l'employé. Une correspondance confidentielle, une information confidentielle, ça se transmet par courrier et non pas par fax, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: Je répète, M. le Président, l'employeur est lié à la confidentialité des renseignements qu'il reçoit pour faire son travail.

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, si on veut que les employeurs fassent la retenue, il faut quand même les informer. Alors, l'objectif, c'est de les informer à l'intérieur du respect de la confidentialité, oui, M. le Président. Et il y a des fax qui arrivent directement dans les bureaux de certains employeurs, aussi.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, je comprends que les membres du gouvernement sont aussi des députés de l'Assemblée et que la présidence n'a pas à catégoriser, mais je crois que... En tout cas, à ma connaissance, ce serait bien la première fois qu'un ministre voudrait poser une question à un de ses collègues à l'occasion de la période de questions. Vous voulez répondre?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bon, d'accord. Très bien. Alors, je m'excuse, je pense que la présidence s'est complètement fourvoyée, ce matin. Alors, en complément de réponse, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Des voix: ...

Le Président: Un instant! Un instant. Je pense que nos règles de fonctionnement prévoient que plus d'un membre du gouvernement peut répondre à une question soulevée par un député de l'opposition, dans la mesure où le temps imparti pour les réponses est respecté. En l'occurrence il reste du temps pour M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration pour ajouter un complément d'information. Et c'est à la partie gouvernementale de choisir si, oui ou non, elle veut apporter ce complément.

M. Boisclair: M. le Président, je pense qu'il est opportun de confirmer les dires de ma collègue la ministre déléguée au Revenu et de rappeler le contenu d'un document publié par la Commission d'accès à l'information en janvier 1995 et qui se lit ainsi: «En vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, les organismes publics, propriétaires et exploiteurs d'entreprises doivent assurer la confidentialité de tous les renseignements personnels qu'ils recueillent, détiennent ou communiquent.»

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. M. le député de Chomedey, en principale.


Processus d'enquête sur la divulgation de renseignements personnels au ministère du Revenu

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Est-ce que la ministre déléguée au Revenu peut nous expliquer si, au sein de son ministère, le mode d'enquête variera en fonction du bris de confidentialité dont il s'agirait? Par exemple, M. le Président, nous voulons savoir si la ministre déléguée au Revenu peut nous dire si une personne qui viole la confidentialité de l'information concernant un contribuable pour la vendre à une compagnie de détectives privés, si cette personne-là verrait son cas traité de la même manière qu'une personne qui viole ce même secret...

Le Président: Permettez. Une question de règlement de M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je tiens à vous demander une directive à ce moment-ci, M. le Président. Il y a des questions qui ne peuvent, en aucune façon, être hypothétiques. Le député est en train de demander une opinion sur une hypothèse. Alors, M. le Président, je vous pose la question: Qu'est-ce qu'on fait dans ces circonstances-là?

Le Président: À ce moment-ci, M. le leader du gouvernement, d'abord, le député de Chomedey était en préambule, d'une part. Deuxièmement, je crois que les questions portent sur les pratiques du ministère du Revenu à l'égard de la confidentialité. Il s'agit de voir différentes possibilités qui peuvent survenir et de voir dans quelle mesure, je pense, la gestion de ces questions-là est faite de la part du gouvernement. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Est-ce que la ministre déléguée au Revenu peut nous dire si, dans le ministère dont elle est responsable, on traiterait de la même manière un bris de confidentialité où la personne à l'intérieur a vendu l'information à l'extérieur et un bris de confidentialité où une personne à l'intérieur a pris de l'information secrète pour ses propres fins?

En d'autres mots, M. le Président, est-ce qu'au ministère, en ce qui concerne la manière de faire l'enquête ou le traitement de l'infraction ou de la faute, il y aurait une différence en raison du pourquoi le secret a été violé? Est-ce que la raison du viol de la confidentialité importerait dans la manière d'enquêter, la manière dont elle gère son ministère? C'est ça qu'on veut savoir de la part de la ministre responsable du ministre du Revenu, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre déléguée au Revenu.

(10 h 30)

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, il n'y a pas deux sortes de façons de faire des enquêtes quand on cherche à savoir la vérité. Les enquêtes qui sont faites au ministère du Revenu visent à trouver la vérité. Les congédiements que nous avons effectués dans les derniers mois confirment qu'il y a pas deux façons de faire des enquêtes au ministère du Revenu.

Le Président: Mme la députée de Mégantic-Compton, en principale.


Augmentation des plaintes reçues par le Protecteur du citoyen à l'endroit de l'appareil gouvernemental

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le Protecteur du citoyen a déposé son rapport à l'Assemblée nationale mardi de cette semaine. Ce rapport confirme que, depuis un an, le Protecteur du citoyen a reçu 23 000 plaintes, soit 2 000 de plus que l'année dernière. M. le Président, une plainte sur trois, affirme le Protecteur, venait des citoyens qui ont été victimes d'injustice, d'erreur ou de négligence de la part des ministères et organismes du gouvernement du Québec.

En plus, M. le Président, l'augmentation des plaintes pour des actes déraisonnables ou inéquitables, pour l'année 1996-1997, a augmenté à près de 80 %.

Ma question s'adresse au vice-premier ministre et ministre des Finances: Suite au rapport du Protecteur du citoyen, le vice-premier ministre croit-il encore, comme son premier ministre, que les citoyens du Québec ne sont pas touchés ni lésés dans sa façon de couper aveuglément les services aux citoyens?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): La députée était bien partie dans sa question mais, dans la dernière phrase, elle l'a rendue triviale et partisane. Ce dont elle avait commencé à parler est une chose sérieuse. Un fonctionnaire nommé par notre Assemblée, donc ce n'est pas un fonctionnaire du gouvernement, c'est le Protecteur du citoyen, qui émane de cette Chambre, fait un rapport. Ce rapport doit être considéré avec beaucoup de sérieux de la part de tous les membres de cette Assemblée; nous, parce que nous avons, dans notre formation politique, les membres de l'exécutif qui doivent légiférer, donc s'inspirer de toutes les remarques pertinentes, et, de l'autre côté, au lieu d'essayer de faire de la partisanerie avec ça, vous êtes aussi des législateurs, des hommes et des femmes qui venez en commission parlementaire, qui votez les lois, traitez donc ce rapport avec respect, essayez d'en chercher, essayez d'en sortir les plus grandes valeurs et ça vous permettra de mieux faire votre travail de législateurs, comme nous avons l'intention de le faire nous-mêmes.

Le Président: Mme la députée.

Mme Bélanger: M. le Président, la question que j'ai posée au vice-premier ministre et ministre des Finances, c'est de lui demander s'il croit encore que les coupures aveugles qu'il fait ne touchent pas les citoyens.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): D'abord, ce n'était pas ça, votre question. C'était d'essayer de faire d'un document important et solennel, le rapport annuel du Protecteur du citoyen, une arme politique triviale dans une période de questions, premièrement.

Deuxièmement, faire un rapport entre les compressions qui ont été faites, et il y en a eu, hein, on en a assez débattu dans cette Chambre, vous et nous, et le climat d'injustice qui règne au Québec, c'est une pente dangereuse, parce qu'il me semble qu'on vous a très bien démontré au cours des derniers jours, le premier ministre, moi-même à la Conférence des ministres des Finances, avec l'appui de tous les ministres des Finances du Canada, sauf celui du gouvernement du Canada, que le gouvernement central s'est livré depuis quelques années à ce qu'un de mes célèbres prédécesseurs, Gérard D. Levesque, appelait du fédéralisme prédateur. Et quand on est victime de prédateurs, et c'est ça qui est arrivé aux finances publiques du Québec depuis cinq ans, il est sûr que les citoyens souffrent. Et on a tous le devoir de combattre l'injustice, mais ils devraient commencer à le faire à partir d'Ottawa.

Le Président: Mme la députée.

Mme Bélanger: Je n'ai pas demandé au vice-premier ministre de faire le procès du fédéral, je lui ai demandé s'il est conscient que les coupures aveugles qu'ils font, les citoyens ne sont pas, ni touchés ni lésés. C'est ça, la question.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): La députée, semble-t-il, cherche à me conscientiser? Je vais lui rendre la pareille, M. le Président. La députée, M. le Président, devrait savoir que, cette seule année, il manque 4 000 000 000 $ dans les finances publiques du Québec parce que le gouvernement central nous les a brutalement et unilatéralement coupés. Si nous les avions, nous n'aurions pas un déficit, nous aurions un surplus de 2 000 000 000 $ et, avec ça, on pourrait peut-être donner satisfaction à plus de citoyens et de citoyennes.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, en principale.


Plaintes reçues par le Protecteur du citoyen concernant le régime d'assurance-médicaments

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Un peu plus tôt cette semaine, le Protecteur du citoyen est venu confirmer ce que nous dénonçons depuis plus de deux ans, c'est-à-dire les iniquités et les effets pervers qui découlent du régime d'assurance-médicaments. Le Protecteur du citoyen dénonçait particulièrement l'injustice entre les familles québécoises qui sont obligées d'adhérer à leur assurance collective privée et les autres familles québécoises qui peuvent bénéficier du régime de la RAMQ.

Comment le ministre de la Santé peut-il trouver acceptable que deux familles québécoises avec des revenus identiques se retrouvent à débourser 1 400 $ dans un cas et 350 $ dans l'autre cas pour être couvertes par l'assurance-médicaments?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, c'est peut-être utile de rappeler que les 800 ou 850 plaintes qui ont été reçues par le Protecteur du citoyen sont réelles, elles ont toutes été examinées de près et traitées cas par cas par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Mais, encore une fois, mettons peut-être les choses en proportion. Sur un régime qui s'est appliqué rapidement et qui visait 7 000 000 de personnes, il y a eu 850 plaintes qui ont été faites au Protecteur du citoyen. Ça aurait été mieux qu'il n'y en ait pas du tout, mais c'est quand même un rapport qu'il est intéressant de regarder pour la mise en place d'un aussi vaste programme que celui-là.

Maintenant, les plaintes. Sur les 850 plaintes, il y en a plus de 500 qui étaient reliées à différentes difficultés comme, par exemple, 200 sur des problèmes d'accès téléphonique, qui a été le problème dans les premiers jours de la mise en place du régime. Alors, quand on décale tout ça, il y a avait deux types de problèmes plus importants, un qui était celui des coûts à payer au moment de l'acquisition du médicament et l'autre était l'équilibrage à faire avec effectivement les régimes privés, parce que c'était un système mixte, public et privé.

Depuis ce temps-là, ce qu'il faut dire, c'est qu'il y a beaucoup de ces situations-là qui ont été améliorées. On sait que le paiement a été mensualisé, que, pour quelqu'un qui est prestataire de la sécurité du revenu, ça ne peut pas coûter plus cher que 16 $ par mois.

Pour les régimes privés, il s'agit d'un ajustement qui a commencé à se faire. C'était déjà prévu quand le régime a été mis en place. Il faut retenir deux choses, là-dessus. C'est des régimes négociés entre les assureurs, les employeurs et les syndicats, qui, à échéance, doivent rajuster leur programme. Et, quand le programme est plus cher, il faut dire que c'est souvent des programmes qui couvrent beaucoup plus que le médicament et qu'il y a un tas d'autres bénéfices, alors, les assureurs en sont conscients, les syndicats et les employeurs, et, lors des négociations, les ajustements se font présentement pour que ça devienne possible pour quelqu'un d'isoler, si c'est nécessaire, la partie du médicament ou au moins de voir quel est l'ensemble des bénéfices qui sont offerts par rapport au régime de la RAMQ, qui n'offre que les médicaments, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, la réalité, c'est qu'actuellement il y a des familles avec les mêmes...

Le Président: Mme la députée, vous êtes en complémentaire.

Mme Loiselle: Est-ce que le ministre est bien conscient, M. le Président, que la réalité, aujourd'hui, c'est qu'il y a des familles avec des revenus identiques qui paient 1 400 $ pour être couvertes et une autre se retourne et paie 350 $, quatre fois plus cher? Allez-vous donner suite aux recommandations du Protecteur du citoyen ou vous allez continuer à dire que le libre jeu du marché va un jour peut-être régler cette iniquité, pendant que des familles québécoises paient quatre fois plus cher, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je n'ai pas dit un jour, plus tard, éventuellement. Déjà, depuis plusieurs mois, depuis le début de l'application de ce programme, la Régie de l'assurance-maladie du Québec travaille régulièrement avec les assureurs, et des ajustements se font progressivement à l'échéance des différents programmes. Mais encore faut-il qu'on compare des pommes avec des pommes. Il y a certains de ces programmes d'assurance, des régimes collectifs privés, qui coûtent plus cher, mais qui offrent beaucoup plus que le médicament. Alors, à un moment donné, si on compare des pommes avec des oranges, si on en a beaucoup plus comme couverture, c'est sûr que ça va coûter plus cher.

(10 h 40)

Maintenant, en plus de ça – ça, ça se met en place, ça se tasse tranquillement à mesure qu'on avance – et en comparant les pommes avec les pommes, il faut aussi dire que ce régime, on est aussi très conscient au Québec, et tout le monde l'est beaucoup, qu'il a aussi offert le médicament, une couverture à 1 300 000 personnes qui n'en avaient pas, des gens à tellement petits revenus qu'il y a plus que la moitié de ces gens-là qui ne vont même pas payer de prime; puis il y a à peu près 300 000 à 400 000 enfants, là-dedans. Alors, il faut voir globalement. C'est un programme beaucoup plus équitable, beaucoup plus solidaire. Et les derniers ajustements sont en train de se faire au cours des prochains mois, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, en comparant, comme dit le ministre, des pommes avec des pommes ou, si on veut, des navets avec des navets, est-ce que le ministre peut nous donner l'engagement dans cette Chambre qu'il va prendre des ententes avec les compagnies privées afin que des familles ne soient pas forcées à prendre des forfaits? Des familles qui ont à peu près 20 000 $ par année qui vont se retrouver à payer 1 400 $ pendant que d'autres paient 350 $.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Je vais le redire encore: ce n'est pas que je vais m'engager à le faire, on est déjà après le faire. J'ai rencontré encore les représentants des principales compagnies, d'associations d'assureurs privés, il y a 15 jours, pour refaire le point. On a convenu de se redonner un agenda de travail pour la prochaine année, et c'est une situation qui évolue depuis la mise en place du régime. Il y a beaucoup moins de différence entre les programmes. À mesure que ces programmes privés viennent à échéance et sont renégociés, les arrangements se font. Et ça, ça avait été prévu dès le début. Dès la commission parlementaire, ça avait été souligné. Et, encore une fois, il s'agit de distinguer pour isoler le médicament par rapport au reste et ajuster les programmes. Oui, c'est une chose qu'il reste à ajuster. Il s'est fait un bon bout de chemin depuis un an, on a un agenda très actif avec les représentants des assureurs et on va continuer à travailler là-dessus, M. le Président. C'est en cours.

Le Président: En principale, M. le député de Rivière-du-Loup.


Fardeau fiscal des contribuables

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. En vue de la Conférence des premiers ministres, le premier ministre du Québec s'est voulu un bien sage conseiller du ministre des Finances fédéral sur deux points. D'abord sur celui des transferts, où il a demandé que le fédéral cesse les coupures, compense les coupures de transferts aux provinces. Par contre, son propre gouvernement vient de procéder à un transfert avec ses municipalités. Il a demandé au ministre des Finances fédéral de baisser le fardeau fiscal des contribuables, pourtant, la semaine prochaine, et probablement par bâillon, le même gouvernement, son gouvernement, ici, au Québec, va hausser la TVQ de 1 %. Alors, ça ressemble à: Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.

Ma question au ministre des Finances est bien simple: Pourquoi ce qui est bon pour le ministre fédéral des Finances, qui serait bon pour l'économie ne serait pas bon aussi à appliquer au Québec?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président – et tant mieux pour lui – le député de Rivière-du-Loup est plus près des enseignements d'arithmétique élémentaire que je ne le suis. Mais, à tous âges, on doit les respecter. En algèbre, il y a des plus puis il y a des moins; et, le 1er janvier, en termes de fiscalité, au Québec, il va y avoir un plus, c'est-à-dire que la taxe de vente va augmenter, mais il va y avoir d'énormes moins pour deux catégories de citoyens. Tous ceux qui gagnent en bas de 50 000 $ vont voir une baisse d'impôts de 15 % en moyenne, et ceux qui gagnent en haut de 50 000 $ vont voir une baisse de 3 %. Alors, tout le monde va baisser et, globalement, pour les deux prochaines années. Je l'ai dit, la réforme sera neutre – les plus et les moins s'annulent – mais, la troisième année, il y aura 350 000 000 $ de plus dans la poche du contribuable, et cette algèbre élémentaire sera très bien comprise par nos concitoyens et concitoyennes à partir du 1er janvier, j'en suis sûr.

Le Président: M. le député Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Est-ce que le ministre, qui sait très bien l'impact d'une hausse de la taxe de vente sur l'économie, ne trouve pas que, au moment où on commence enfin, au Québec, à voir certains signes encourageants de reprise bien en retard sur nos voisins, qui, eux, ont baissé considérablement les taxes et les impôts, il ne devrait pas souffler dans les voiles de cette reprise-là plutôt que de mettre un frein avec une hausse de la taxe de vente?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Bien, justement, là, on était dans la mathématique élémentaire, on va être obligé de passer à l'économie élémentaire. La taxe de vente a la vertu, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Tout ça se raisonne très facilement, M. le Président. Jacques Parizeau, à mon avis le plus grand économiste contemporain vivant au Québec, avait coutume de dire que l'économie, c'est du gros bon sens un peu compliqué. Et, pour la taxe de vente, c'est ça. La taxe de vente, c'est une TVA, une taxe à la valeur ajoutée, qui a la vertu de pouvoir être soustraite à certaines étapes. Or, l'étape cruciale pour l'économie du Québec qui exporte 1 $ sur 2 $ de tout ce qu'il produit, c'est l'exportation, et la TVA est justement soustraite à l'exportation pour ne pas la charger à nos clients étrangers. Alors, on a choisi le meilleur de deux mondes. On ne ralentit pas l'économie parce que notre taxe est plus basse que celle de l'Ontario et nos impôts sur le revenu – le député de Rivière-du-Loup a tout à fait raison – sont plus hauts que ceux de l'Ontario et c'est pour ça qu'on les baisse.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Est-ce que le ministre des Finances peut nous expliquer dans quel livre d'économie il a trouvé qu'un gouvernement qui augmente année après année, comme son gouvernement l'a fait, de 1 000 000 000 $ chaque année, l'argent qu'il vient chercher dans les poches des contribuables, qu'il a augmenté avec le transfert aux municipalités et qu'il va encore augmenter au 1er janvier avec la hausse de la TVQ, dans quel livre d'économie a-t-il trouvé que l'argent que le monde a de moins dans ses poches, ils peuvent quand même le dépenser puis que ça ne ralentit pas l'économie?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Ce n'est pas dans un livre d'économie que j'ai trouvé ça, c'est dans l'histoire de la taxation du Parti libéral qui nous a précédés. J'en ai tellement trouvé que j'ai failli me faire un ennemi du président, parce que vous savez que j'avais une litanie, je voulais toujours réciter toutes les taxes, et le président, ça l'horripilait parce que ça faisait perdre le temps de la Chambre. Les vraies personnes qui ont imposé des taxes, vous avez eu une certaine coopération avec elles autrefois, vous l'avez rompue au bon moment et vous avez bien fait, c'est elles qui alourdissaient le fardeau fiscal et c'est nous qui faisons tout ce qu'il faut. Et je vous le redis, M. le député de Rivière-du-Loup, dans deux brèves années, 350 000 000 $ vont être ristournés aux contribuables québécois. Et, dès que nous serons arrivés à déficit zéro, et nous y allons, pas un jour à la fois, une année à la fois, dès qu'on sera à déficit zéro, on lui donnera totalement raison sur ce qu'il vient de dire ce matin et il aura été visionnaire sur ce point de vue.

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Est-ce que le déficit zéro à partir duquel les citoyens du Québec peuvent espérer enfin, comme leurs voisins, une pause sur les taxes et les impôts, est-ce que c'est le déficit zéro du ministre des Finances ou celui du Vérificateur général?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je pense que tous les observateurs neutres ont déjà répondu à cette question. Ce que le Vérificateur général préconise, ce sont des changements en cours de route de méthodes comptables, et on regarde la chose avec lui, et on a un comité à cette fin qui, je l'espère, donnera des résultats. Mais il ne faut pas monter la barre du saut en hauteur pendant que le coureur ou la coureuse a commencé à avancer sur la piste, et c'est malheureusement l'impression qui a été ressortie du propos du Vérificateur général. Ce n'est pas de ça qu'il s'agit, il s'agit d'appliquer les mêmes méthodes comptables qu'appliquaient nos amis d'en face. Mais, avec ces méthodes, leur gestion a été un désastre, et la nôtre sera un succès.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Toujours sur le même sujet. Est-ce qu'on ne conviendra pas que la véritable mesure de la prospérité des Québécois, c'est leur revenu disponible? Et est-ce que le ministre ne sait pas, comme tout le monde devrait le savoir, que la chute dans le revenu disponible des Québécois est de plus de 2 %? Plus de 2 % de chute du revenu disponible des Québécois alors que, dans les autres provinces canadiennes, c'est moins de 0,5 % et que ça, c'est l'effet de l'alourdissement du fardeau fiscal du Parti québécois, personne d'autre?

M. Landry (Verchères): Non.

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Premièrement, ce n'est pas ça, la vraie mesure. La vraie mesure, c'est que tous nos concitoyens et concitoyennes, d'après toutes les enquêtes du Conseil du patronat – j'en ai parlé hier – de deux autres associations patronales, aujourd'hui, sont plus optimistes et plus confiants dans le présent et l'avenir de notre économie qu'ils ne l'ont jamais été. Nous allons avoir la meilleure année économique des 10 dernières. Nous créons dans un mois une quantité infinitésimalement plus élevée d'emplois que vous n'en avez jamais créés. En cinq ans, vous avez...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

(10 h 50)

M. Landry (Verchères): L'infini, c'est l'infini, et, entre le zéro et l'infini, il y a une dimension à laquelle j'ai fait allusion. En cinq ans, vous avez trouvé le moyen de créer zéro emploi net. Alors, quand on en crée 5 000 par mois depuis 12 mois, on est à l'infini par rapport à vous.


Cohabitation d'enfants souffrant de maladie psychiatrique et d'adultes toxicomanes à L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur de Jésus de Québec

Le Président: Mme la députée de Bourassa, en principale.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, en raison des compressions budgétaires imposées par le ministre de la Santé, on apprenait dans Le Soleil de samedi que la régie régionale de Québec, contre tout bon sens, veut forcer, à L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur, la cohabitation d'enfants souffrant de maladie psychiatrique avec des adultes toxicomanes. Le ministre de la Santé ne trouve-t-il pas qu'il vient de toucher le fond du baril en s'attaquant ainsi aux enfants souffrant de maladie psychiatrique?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, il faut faire attention, quand les gens dans la réorganisation des services mettent différents scénarios et différentes hypothèses sur la table pour les discuter, de ne pas lancer des nouvelles et dramatiser hors contexte comme on vient de le faire. Non, non. C'est ça. Il y a une hypothèse de réorganisation qui a été mise sur la table, qu'un même campus, qu'un même édifice pourrait peut-être recevoir des gens adultes ou des enfants qui ont des problèmes et qui pourraient être traités dans le même établissement. Des médecins se sont opposés à cela, soulignant des problèmes possibles. Les gens en discutent. Alors, il n'y a rien. C'est faux de dire qu'il y a eu une décision de prise, qu'on a imposé une solution ou une situation à des gens. C'est un scénario qui a été soulevé, les gens en discutent et, pour le moment, on pourrait peut-être leur faire confiance. Ils ont réglé pas mal de problèmes jusqu'ici. Quand on fait confiance aux gens, les gens sont intelligents, savent prendre leurs responsabilités, et on va voir jusqu'où ils vont aller dans l'examen de cette situation-là. Si jamais, en bout de ligne, la décision qu'ils vont finalement prendre pose problème ou demande un autre examen, on le fera. Mais faisons confiance aux gens plutôt que de faire des procès d'intention à tout bout de champ comme ça, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, le ministre de la Santé a-t-il l'intention de s'opposer à cette décision qui m'apparaît inhumaine et inacceptable en raison des conséquences et des risques graves que devront subir ces enfants déjà fragilisés et vivant une détresse importante?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, est-ce que la députée de Bourassa écoute les réponses aux questions et peut comprendre et faire confiance qu'il y a des gens qui discutent d'une situation et qui peuvent avoir un peu la liberté de regarder différentes possibilités? Si des gens trouvent qu'une solution proposée n'est pas bonne ou n'a pas d'allure, ils le disent et les gens en discutent. Ce n'est pas vrai de dire qu'il y a une décision de prise. Ce n'est pas vrai de dire qu'on impose quoi que ce soit à personne actuellement. Tout le monde, autant les médecins que les administrations, est très soucieux du bien des patients, des adultes, des enfants aussi, et des enfants fragiles. Tout le monde est très conscient de ça. Alors, la députée de Bourassa n'est pas la seule en possession de la vérité, là. Laissons les gens faire un bout de chemin. S'il y a problème, on s'en occupera. Mais on ne va pas travailler sur des problèmes hypothétiques parce qu'on ne trouve pas des problèmes réels sur lesquels on peut s'esquinter, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, on parle ici, contre tout bon sens, de faire cohabiter des enfants...

Le Président: En complémentaire, Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, comment se fait-il que, à ce stade-ci, contre tout bon sens, on envisage de faire cohabiter des enfants souffrant de maladie psychiatrique avec des adultes toxicomanes? Est-ce que, dès maintenant, le ministre de la Santé peut intervenir pour s'opposer à cette décision?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je pense que, clairement...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je le dis encore, il y a des gens qui ont suggéré que, dans un établissement, dans un édifice, sur un campus, qui est assez grand d'ailleurs, il y aurait peut-être une possibilité... Quand on dit cohabitation, il n'y a personne qui a proposé que des adultes soient... même pas sur le même étage et encore moins dans la même chambre, ou des choses du genre. Il y a des gens qui ont fait une proposition. Il y a beaucoup d'autres scénarios qui sont regardés. Il y a déjà beaucoup de gens qui ont dit: Non, on ne peut pas avoir le type de rapprochement ou, entre guillemets, de cohabitation. Mais laissons les gens aller au bout.

Pourquoi décider, ce matin, qu'il y a un scandale, qu'il y a un problème parce qu'il y a une suggestion qui a été faite et qu'elle est déjà rejetée? Ça, c'est vraiment vouloir créer des problèmes pour énerver le monde, M. le Président. Il n'y a pas de décision prise en ce sens. Laissons les gens prendre leurs responsabilités. Et, s'il le faut, comme ça a été la situation dans certains cas, au besoin, le ministre interviendra. Mais on ne va pas intervenir de façon intempestive, on fait confiance aux gens. Et, jusqu'ici, ça a été à l'avantage de la population, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé peut nous dire ce qu'il pense, lui-même, de ce scénario?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, quand le ministre de la Santé verra la situation complète, verra les choix qui ont été faits... Il y a des éléments de considération dont les gens discutent que je n'ai pas au complet. Alors, au lieu de faire comme la députée de Bourassa, de porter des jugements de valeur, de critiquer des gens, de conclure sans avoir toute l'information, je vais attendre d'avoir le portrait complet avant de prendre une position là-dedans, si c'est nécessaire de la prendre, de toute façon, M. le Président.

M. Sirros: En principale, M. le Président.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en principale.


Moratoire sur tout nouveau captage des eaux souterraines par les embouteilleurs commerciaux

M. Sirros: M. le Président, on se rappellera que, depuis plusieurs mois maintenant, dans le dossier de l'eau, le gouvernement refuse de donner suite à des demandes multiples de groupes et de citoyens affectés, pour un moratoire sur des nouveaux prélèvements des eaux souterraines. Hier matin, s'ouvrait à Montréal le Symposium sur l'eau. Hier matin aussi, avant l'ouverture officielle, le gouvernement du Québec, par la voix de son premier ministre, réitérait cette position: «Il faudrait éviter d'imposer un moratoire», entre guillemets, citation du premier ministre, hier matin.

Dans la même matinée, le même gouvernement, par la voix du même premier ministre, disait, une heure plus tard, exactement le contraire: «Imposer un moratoire? Évidemment, on ne donnera pas d'autres permis, ça, c'est sûr», déclarait le premier ministre.

Tenant compte de la capacité très développée du premier ministre de dire une chose et son contraire avec la même conviction, est-ce que le vice-premier ministre, qui le connaît quand même un peu mieux que nous, peut nous dire quand il disait vrai, hier? À 8 heures le matin ou à 9 heures le matin?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Tenant compte de la faible capacité du député de comprendre la mécanique des fluides, il ne peut pas comprendre non plus ce que le premier ministre a quand même dit très clairement. Il a dit qu'il y aurait un moratoire sur une certaine catégorie de prélèvements, c'est-à-dire l'eau destinée à être embouteillée, c'est-à-dire une toute petite fraction des eaux qui sont puisées dans le sous-sol québécois. Alors, c'est clair que les deux déclarations du premier ministre sont parfaitement cohérentes, l'une, en très grand volume, l'autre, en volume infime, les eaux embouteillées.

Et le premier ministre m'a bien chargé de dire à cette Assemblée que ce moratoire devra être le plus court possible. En d'autres termes, il faudra qu'il y ait sur la table le plus rapidement possible une politique de l'eau, à laquelle nous travaillons par des analyses, vous le savez, déjà depuis de nombreux mois. Le Sommet économique s'en est mêlé. Et une chance qu'on a commencé à s'en occuper, parce que, pendant 10 ans, il ne s'était rien passé.

(11 heures)

Le Président: M. le député.

M. Sirros: M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre est au courant que c'est précisément sur ce petit moratoire de presque rien que le premier ministre disait: Il n'y aura pas de moratoire, à 8 heures, et, à 9 heures, il disait que oui, c'est exactement ça? Et deuxièmement, M. le Président, quand est-ce que le gouvernement entreprendra les mesures légales nécessaires pour imposer ce moratoire? Où sont-elles? Quand est-ce qu'elles seront déposées?

M. Landry (Verchères): Les services juridiques sont déjà à l'oeuvre, M. le Président. Et je maintiens que le Québec entier connaît la différence entre – mon collègue des Ressources naturelles en a beaucoup parlé – les prélèvements faits pour l'agriculture, les prélèvements faits pour la brasserie, pour l'industrie des jus qui ne sont pas du tout liés au moratoire dont a parlé le premier ministre.

Il y a un problème crucial, on l'a vu à Franklin, on l'a vu en quelques autres endroits, c'est les eaux embouteillées. C'est de ça que le premier ministre s'occupe, et nos services de législation sont déjà à l'oeuvre.

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée pour aujourd'hui.


Votes reportés


Motion proposant de souligner le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de la personne et le 11e anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales

Comme je l'ai indiqué au préalable, il y a maintenant un vote reporté sur la motion sans préavis de M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Cette motion se lit d'ailleurs comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de la personne et le 11e anniversaire de la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), Mme Caron (Terrebonne), M. Bertrand (Portneuf), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Filion (Montmorency).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever. Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:105

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration est adoptée.


Motions sans préavis

Nous allons aborder l'étape des motions sans préavis. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Féliciter l'historien Denis Vaugeois, lauréat du prix Samuel de Champlain

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec félicite l'historien Denis Vaugeois qui a reçu le prix Samuel de Champlain, décerné par l'Institut France-Canada, pour l'ensemble de sa production et plus particulièrement pour son livre La fin des alliances franco-indiennes


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre? La motion est-elle adoptée? Adopté. M. le député de Taschereau.


Signaler le 160e anniversaire de l'arrivée des Frères des écoles chrétiennes ainsi que le 125e anniversaire de l'arrivée des Frères du Sacré-Coeur en terre québécoise

M. Gaulin: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec signale le 160e anniversaire de l'arrivée des Frères des écoles chrétiennes ainsi que le 125e anniversaire de l'arrivée des Frères du Sacré-Coeur en terre québécoise et qu'elle souligne par la même occasion l'action remarquable de ces enseignants au profit de l'éducation au Québec.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolivet: M. le Président, un de chaque côté.

Le Président: Alors, une intervention de chaque côté. Je demanderais aux députés qui doivent travailler à l'extérieur de l'enceinte du salon bleu de quitter rapidement et en silence pour permettre au député de Taschereau d'intervenir. Alors, M. le député de Taschereau.


M. André Gaulin

M. Gaulin: M. le Président, c'est en 1837 que les Frères des écoles chrétiennes vinrent s'établir dans le Bas-Canada. Ces quatre premiers fils spirituels de Jean-Baptiste de la Salle, dans la vallée saint-laurentienne, réalisaient ainsi le désir ancien de leur fondateur d'y envoyer ses frères, déjà sous le règne de Louis XIV. Depuis 160 ans, donc, ces religieux laïcs voués à l'instruction populaire ont été les promoteurs d'un long combat contre l'ignorance et ils ont diffusé le savoir du cours primaire des écoles de campagne et des villes à des institutions de prestige comme l'Académie de Québec, le Mont Saint-Louis, l'Académie de la Salle de Trois-Rivières ou la Faculté de commerce de l'Université Laval.

Ces pionniers parmi les religieux enseignants et ayant une tradition pédagogique de plus de trois siècles, comme le rappelait le frère Untel dans ses célèbres Insolences , ont ouvert, avec les Frères du Sacré-Coeur ou les frères Maristes, les cadres conventionnels de l'instruction publique. Par leur action inventive et courageuse, ces frères ont fait déboucher le cours primaire sur le primaire supérieur, comme on disait alors, puis sur le secondaire commercial ou scientifique. Ils ont fondé le cours classique latin-sciences. Ils ont même forcé les portes de l'université en faveur de la classe populaire, quand ils n'ont pas été les instigateurs de l'université même, comme à Sherbrooke, ou de certaines facultés, comme à Montréal ou à Québec.

M. le Président, vous étonnerai-je en vous affirmant que notre société n'a pas toujours reconnu à sa juste valeur le mérite de plusieurs générations d'hommes, des plus humbles et anonymes aux plus remarquables, qui se nommaient Palasis Prince, Clément Lockwell ou Marie-Victorin. Ou, dans d'autres communautés, Jean-Paul Desbiens, Théodore, Jérôme.

Né dans Taschereau, que je représente dans cette Assemblée, et ayant fréquenté l'école du Sacré-Coeur de Québec, je peux témoigner de l'influence que ces éducateurs ont exercée sur moi, du frère Jacques Rochette, qui, avec ma grand-mère paternelle, m'enseigna le langage, au frère Exupère, par qui j'ai accédé à un répertoire vivant de la culture musicale, en passant par le frère Romuald, dont l'aventure en Afrique nous faisait, à sa manière, déboucher sur le monde.

M. le Président, dans cette Assemblée des élus du peuple du Québec, hommage soit rendu aujourd'hui aux Frères des écoles chrétiennes, qui depuis 160 ans ont contribué à nous enraciner dans la langue française, à enseigner l'histoire québécoise et à enrichir remarquablement l'éducation nationale.

(11 h 10)

Le Président: M. le député d'Outremont, sur la même motion.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, l'Institut des Frères du Sacré-Coeur a été fondé en France vers 1821. Quant à son implantation chez nous, elle remonte à 1872, au mois d'octobre 1872. Nous commémorons donc aujourd'hui, par cette motion de l'Assemblée nationale, le 125e anniversaire de l'implantation en terre canadienne, au Québec et au Canada français – parce que, à l'époque, M. le Président, les trois réalités étaient indissociables – de l'Institut des Frères du Sacré-Coeur, mieux connu dans le parler courant comme la congrégation ou la communauté des Frères du Sacré-Coeur.

M. le Président, afin de se représenter mentalement ce que fut l'ampleur de la vocation éducative des Frères du Sacré-Coeur, il faut se transporter en imagination dans une autre société que celle dans laquelle notre conscience historique contemporaine s'enracine. En 1960, donc à l'aurore de la Révolution tranquille, il y avait plus de 1 500 frères du Sacré-Coeur au Québec répartis dans 160 maisons d'enseignement et dispensant des cours au primaire et au secondaire à environ 52 000 jeunes gens. Une vocation éducative impressionnante.

En plus de cette vocation éducative, les Frères du Sacré-Coeur oeuvraient dans plusieurs autres domaines: celui de l'édition, des associations de défense et de promotion de la langue française – ce que, à l'époque, on appelait «le bon parler français» – des loisirs et des sports, des mouvements de jeunesse et des clubs sociaux. Un rôle social majeur, mais également progressif, M. le Président. Les Frères du Sacré-Coeur ont milité en faveur de la démocratisation de l'enseignement classique en mettant sur pied plusieurs maisons d'enseignement ouvertes aux jeunes de toutes origines sociales. Ils ont été actifs dans la naissance de l'Université de Sherbrooke. Par l'aide financière accordée à de nombreux jeunes étudiants, les frères ont permis à ces jeunes étudiants de s'épanouir.

En plus de leur rôle dans l'éducation et la formation des jeunes au Québec, la congrégation s'est implantée en Acadie et en Nouvelle-Angleterre. Elle a joué de plus un rôle de missionnaire important dans plusieurs pays du monde. Ce rôle, d'ailleurs, est toujours actif. Les Frères du Sacré-Coeur, malgré un déclin marqué de leurs effectifs depuis la fin des années soixante, continuent d'être actifs dans l'enseignement privé au Québec et participent à plusieurs oeuvres religieuses et sociales. Ils ont également continué leur vocation missionnaire.

M. le Président, je voudrais dire qu'il m'apparaissait essentiel de profiter de l'occasion de ce 125e anniversaire afin de témoigner du caractère universel de l'oeuvre des Frères du Sacré-Coeur, une oeuvre qui, à sa façon, préfigurait nos aspirations actuelles les plus importantes.

En terminant, M. le Président, permettez-moi de citer l'un des anciens étudiants des Frères du Sacré-Coeur, et pas le moindre. Dans son autobiographie, À visage découvert , l'actuel député de Jonquière et premier ministre du Québec, M. Lucien Bouchard, écrivait ce qui suit au sujet de ses anciens professeurs: «Quand la société québécoise réglera-t-elle ses comptes avec les frères enseignants? J'utilise ici l'expression littéralement, dans le sens de payer ses dettes, mais, avant de les payer, il faut les reconnaître, et cela, nous mettons une incompréhensible obstination à ne pas le faire. Pourtant, des milliers de religieux nous ont donné le meilleur d'eux-mêmes dans un secteur vital, celui de l'éducation, et le plus souvent dans des milieux défavorisés. Ils l'ont fait avec humilité, je dirais même dans l'obscurité, sans rechercher le prestige et encore moins le pouvoir.»

M. le Président, la motion de ce matin, espérons-le, aura réussi à rendre justice à l'immense contribution des Frères du Sacré-Coeur au Québec. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends que la motion est adoptée. Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: premièrement, le projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, deuxièmement, le projet de loi n° 183, Loi concernant le budget de la Ville de Montréal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Troisièmement, que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre – deuxièmement, dis-je plutôt: projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, aujourd'hui, de 11 h 45 à 13 heures, de 15 heures à 17 h 45 et de 20 h 30 à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'éducation, quant à elle, procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives, ainsi que le projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Bien. Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Je n'ai pas saisi...

Le Président: Ah bon!

M. Ouimet: ...de la part du leader adjoint, à quel moment, précisément, on étudierait le projet de loi n° 180 en commission de l'éducation.

M. Boulerice: Le projet de loi n° 180 est étudié dans l'ordre, c'est-à-dire qu'il y aura le projet de loi n° 166, qui est la Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives, et, dans l'ordre, après, le projet de loi n° 180, qui est la loi à laquelle vous faites référence, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives. Ceci se fait, M. le député Marquette, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Il va de soi que le projet de loi n° 180 sera sans doute étudié très rapidement. Il dépend de l'attitude et du comportement des députés de l'opposition.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, à quelle heure est-ce que la commission de l'éducation sera convoquée pour étudier le projet de loi n° 180? C'est un projet de loi qui comporte 63 pages, des centaines d'articles, puis ça se fait trop rapidement.

M. Boulerice: M. le Président, ce que je pourrais répondre au député de Marquette, c'est que le projet de loi n° 180 sera étudié immédiatement après le projet de loi n° 166. Maintenant, quelle sera la progression de l'étude du projet n° 166? Je pense qu'il peut poser la question à son leader.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Jusqu'à preuve du contraire, à moins qu'il n'y ait eu un changement au règlement dans la réforme parlementaire qui nous soit passé sous le nez – on ne s'en serait pas aperçu – les commissions parlementaires sont composées de députés de toutes les formations politiques. À partir de ce moment-là – et on constate dans quel imbroglio... et le sérieux de la question du député de Marquette – à partir du moment où on ne peut pas répondre ni l'un ni l'autre à quelle heure l'autre projet de loi va être appelé... Il est de coutume que l'on appelle un projet de loi, que l'on indique à partir de telle heure et à telle autre heure l'autre projet de loi sera appelé. Je pense que ce que le leader adjoint fait présentement, ça constitue un précédent et ça empêche le déroulement sain et normal des travaux de la commission. Les députés ne savent pas s'ils doivent se déplacer – c'est souvent le cas en fin de session – d'une commission à l'autre.

On lui demande tout simplement de nous indiquer si le projet de loi dont le député de Marquette a fait état va être appelé à 13 heures, à 14 heures, à 15 heures, à 22 heures, à 23 heures, simplement pour qu'il le sache, pour qu'il puisse agencer son agenda au cours de la journée.

M. Boulerice: Je crois que ma réponse était très claire, M. le Président. Il y a d'abord l'étude du projet de loi n° 166, et nous sommes prêts à voter la loi n° 166. Maintenant, si l'opposition nous dit qu'à 11 h 45 le projet de loi n° 166 est voté, je peux assurer le député de Marquette qu'à 11 h 50, au plus tard, nous abordons le projet de loi n° 180. Voilà, c'est très clair.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

(11 h 20)

M. Fournier: Je veux dire, on participe à ces travaux de commission. Vous savez comment ça fonctionne. C'est sous l'autorité de l'Assemblée, sous votre autorité. Lorsqu'on va en commission, il y a des collègues des deux côtés et on fait du travail. Le genre de travail qu'on fait, c'est qu'on apporte des arguments sur un projet de loi. Or, il s'adonne que, lorsque l'opposition, notamment, apporte un argument, un amendement qui améliorerait, qui irait dans le sens des intérêts des Québécois, il peut arriver à l'occasion – on peut espérer – que le parti ministériel dise: Ah bien, oui, voilà! Et là le travail se poursuit. C'est comme ça, le travail en commission.

Ce n'est pas une machine à saucisses qui part de l'exécutif, les gens de la partie ministérielle n'ont rien à dire, puis on dit à l'opposition: Apportez des solutions, mais, vite, votez! Ça ne marche pas comme ça, M. le Président. Le législatif est indépendant de l'exécutif, et ce qu'on est en train de nous dire en ce moment, c'est qu'on s'en fout pas mal, finalement, du travail législatif, du côté ministériel. C'est la machine à saucisses.

Ça ne fonctionne pas comme ça et il faut tenir compte du rôle positif que joue l'opposition lorsqu'on plaide pour des améliorations. On ne peut pas nous dire: Ça dépend de vous quand vous allez voter. Ça dépend de l'ensemble des parlementaires qui veulent travailler de façon constructive à améliorer les lois pour le bénéfice de l'ensemble des Québécois. Décider d'adopter une logique contraire, c'est fermer la porte de l'Assemblée législative et dire à l'exécutif: Vous avez toutes les clés du Québec. Ce que, M. le Président, je suis persuadé que vous ne voulez pas faire.

Le Président: Bon. À ce moment-ci, à moins qu'il y ait d'autres interventions, je crois que les informations concernant la question qui était posée – en fait, les demandes de précisions au député de Marquette – ont été données. On peut être d'accord ou pas, là, je peux comprendre. Mais, à moins qu'il y ait d'autres indications, ce que je décode des questions et des réponses, c'est que dans l'ordre il y aurait deux projets de loi qui seraient étudiés par la même commission parlementaire et qu'on en viendrait au projet de loi qui intéresse particulièrement le député de Marquette après l'étude du premier projet de loi qui a été indiqué par le leader du gouvernement. C'est ce que j'ai compris de la... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, simplement pour qu'on procède correctement au niveau de l'ensemble des députés. Vous avez, en vertu de l'article 2 du règlement de l'Assemblée nationale, des fonctions. Au moment où on se parle, on donne des avis qui ne permettent pas aux députés des deux côtés de la Chambre de procéder correctement pour agencer leur horaire dans des travaux de fin de session.

Je vous demande à ce moment-ci, M. le Président, d'intervenir et de demander au leader du gouvernement, qui demeure maître d'appeler les projets de loi ou les commissions, c'est sa responsabilité comme telle, de le faire d'une façon où les députés peuvent se présenter à une heure déterminée de façon à assumer correctement et complètement leur fonction de député. De la façon dont s'est fait présentement, M. le Président, on ne peut pas, comme députés, planifier notre journée, se préparer correctement, proposer des amendements qui vont dans... Et ça vient parfois même des ministériels, des amendements aux projets de loi, là. Autrement, les technocrates rédigent des projets de loi, et c'est terminé.

Si on veut que ce processus législatif là fonctionne comme il faut, je fais appel à l'autorité qui est la vôtre, M. le Président, de façon à ce que vous exigiez du leader du gouvernement qu'il indique à quelle heure les gens auront à se présenter et pour quel projet de loi.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je ne pense pas, selon nos traditions, qu'il appartienne à la présidence d'établir l'ordre des travaux parlementaires. Je crois que c'est la responsabilité de la partie gouvernementale et en l'occurrence du leader du gouvernement.

Quant aux heures, encore une fois, ça fait partie de l'organisation des travaux et ça n'appartient pas à la présidence de faire en sorte... Je pense que le message que vous avez fait est un message qui a été envoyé directement au gouvernement, puisqu'il vient d'être fait à l'Assemblée. Je ne crois pas que ce soit à la présidence de faire en sorte qu'il y ait une heure particulière qui soit attribuée pour l'étude d'un projet de loi déterminé.

Je ne peux pas présumer, moi, comme président, du temps que les collègues députés prendront pour l'étude du premier projet de loi qui a été appelé par la partie gouvernementale. Et je serais, je pense, très mal placé à ce moment-là d'indiquer au leader du gouvernement de fixer telle heure en particulier, ne sachant pas moi-même pendant combien de temps vous voudrez vous-mêmes vous attarder sur le projet de loi pour l'étudier, le bonifier, ainsi de suite. Alors, je pense qu'en l'occurrence vous avez fait vos représentations au leader du gouvernement. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, la meilleure façon d'agencer serait d'abord et avant tout de commencer, il va de soi.

Deuxièmement, il est inexact de prétendre qu'on ne peut agencer, puisque tout le monde sait que dans ce Parlement il y a une radiodiffusion et une télédiffusion des débats. Donc, le député de Marquette comme le député de Fabre sont informés minute par minute de façon auditive et de façon visuelle de la progression des travaux de l'Assemblée nationale.

Troisièmement, M. le Président, la chose me serait beaucoup plus facile de déterminer une heure précise si l'opposition officielle voulait bien m'indiquer à quelle heure ils sont prêts à adopter le projet de loi n° 166. Si je fixais une heure très précise, on m'accuserait sans doute de vouloir bâillonner le débat sur la loi n° 166, ce qui n'est pas du tout mon intention à titre de leader adjoint du gouvernement, au contraire. Donc, je donne la latitude aux députés, qu'ils soient du parti ministériel ou de la minorité, de faire leur travail au niveau de la loi n° 166. Une fois complété, le député est informé, et nous procéderons à la loi n° 180. Je crois que les choses sont très claires. Je demanderais, M. le Président, que l'on procède.

Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, ça, c'est une façon très indirecte pour le leader adjoint du gouvernement d'abdiquer ses responsabilités. Ce qu'il fait pratiquement, c'est qu'il nous dit: Tel projet de loi est appelé en commission parlementaire, voici la responsabilité de la commission parlementaire, et je les liste, et, quand un sera fini, l'autre embarquera, et, quand l'autre sera fini, l'autre embarquera. M. le Président, ce n'est pas ça, planifier des travaux de fin de session.

À ce moment-ci, les députés sont dans d'autres commissions. Il n'y a pas un argument qu'il nous a mentionné qui tient. Les gens ne sont pas assis devant leur télévision, en train de regarder ce qui se passe dans l'autre commission au cas où elle finirait et qu'ils pourraient commencer à embarquer. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, M. le Président.

Dans les circonstances, l'article 2 de notre règlement vous donne les pouvoirs nécessaires d'intervenir. Vous avez plusieurs façons d'intervenir. À ce moment-ci, je suggérerais peut-être la façon la plus simple, la plus facile et la plus constructive. Vous pourriez convoquer et présider une réunion des leaders, de façon à ce que nous puissions nous entendre sur ce sur quoi il est possible de s'entendre et que le leader, ensuite de ça, procède en respectant les droits et privilèges des membres de l'Assemblée, pas simplement de l'opposition. Il y a des députés de l'autre côté aussi qui vont dans plusieurs commissions et qui sont à la merci d'un agenda qui n'est pas dicté.

Si c'est fait de la façon dont le leader adjoint du gouvernement accepte de le faire, tout ce qu'il a à faire, le matin, c'est de dire: Tel projet de loi a été adopté, le principe a été adopté, ils sont sous la responsabilité de telle commission parlementaire, procédez; quand vous en aurez fini avec un, ça sera un deuxième, un troisième ou un quatrième. Ce n'est pas comme ça, M. le Président, que les travaux ont été organisés en cette Chambre depuis 200 ans. Et aujourd'hui on ne commencera pas à se décharger des responsabilités. Vous êtes leader adjoint, vous avez une responsabilité, assumez-la.

Et, s'il ne l'assume pas, M. le Président, vous, vous êtes le gardien des droits et des privilèges des membres de l'Assemblée nationale. Et, au nom de ces droits et de ces privilèges, je vous demande d'intervenir, pour le moment, de la façon la plus facile, sans vous prononcer, en convoquant une réunion des leaders où on tentera d'en arriver à une solution qui respecte les droits et privilèges, sinon une décision de la présidence.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, lorsque j'ai fait cette motion au nom du gouvernement, j'ai fait état de trois commissions qui siégeaient: celle de l'aménagement du territoire, celle des finances publiques et celle de l'éducation. Dans le cas de l'aménagement, il y a également deux projets de loi. Dans le cas des finances publiques, il y a très exactement deux projets de loi. En aucun cas, dans ces commissions, un député n'est intervenu en Chambre me disant qu'il avait des problèmes d'agencement d'agenda.

Je veux bien comprendre que le député de Marquette puisse être un cas distinct et unique, mais, écoutez, le député de Marquette doit, comme tous les autres parlementaires, être disponible toute la journée en cette Assemblée nationale. La boule de cristal n'existe pas, M. le Président, et on ne sait véritablement jamais d'avance, ni au Salon bleu ni en commission, combien de temps vont durer les débats. C'est dans la nature même du Parlement. Et j'aimerais dire au leader de l'opposition que, même si on fait des blagues au sujet de ma circonscription, que c'est une monarchie, jamais je n'ai abdiqué et n'abdiquerai.

Le Président: Un dernier commentaire sur ça, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Fournier: Un dernier détail, M. le Président. Si vous acceptez de suivre la voie que vous trace le leader adjoint du gouvernement, qui prétend qu'il n'y a pas d'heure à donner, qu'on peut juste aligner les projets de loi les uns derrière les autres, vous allez donc vous-même permettre qu'on ouvre la porte à ce qu'un jour un leader adjoint du gouvernement se lève et nous dise: Voici telle commission, voici les six, sept ou huit projets de loi, il s'enligne là-dedans, et tout serait permis. Ce serait ça, les avis touchant les travaux.

M. le Président, je pense qu'on ne peut pas. Jamais on n'a procédé ainsi et on ne peut pas se permettre d'ouvrir la porte à une façon de procéder qui ferait en sorte que non seulement les parlementaires du côté de l'opposition, mais les parlementaires du côté du parti ministériel seraient dans un fouillis total. Parce que, si vous être membre d'une commission et que vous avez affaire avec un projet de loi d'une autre commission mais que vous ne savez jamais quand l'une et l'autre vont pouvoir siéger, comment pouvez-vous organiser vos travaux, à vous, comme parlementaire? Et, si je comprends bien notre règlement où on parle des avis touchant les travaux des commissions, ma foi, M. le Président, c'est que nous puissions faire ces travaux en commission, que nous puissions nous organiser en conséquence pour être présents et que nous puissions agencer les différents horaires.

(11 h 30)

Si vous ouvrez la porte à un tel agissement, c'est le fouillis total qui va s'installer à l'égard des travaux de nos commissions, les travaux, comme parlementaires, que nous devons faire sérieusement. Et la responsabilité vous incombe de vous assurer que les travaux que nous faisons en cette Assemblée et dans les commissions, qui sont évidemment des fruits de cette Assemblée, que ces travaux procèdent normalement, correctement et dans l'intérêt de tous les Québécois, qui s'attendent à ce que nous fassions notre travail correctement. Et c'est simple que d'agencer les horaires en disant: Voici, c'est à tel moment que ça va siéger.

Le Président: Alors, écoutez, je pense que j'ai entendu les représentations des deux côtés. Je crois que je devrais rappeler à tout le monde que la présidence n'est pas investie des pouvoirs qui sont dévolus aux leaders parlementaires. C'est aux leaders parlementaires à organiser les travaux de l'Assemblée. Le député de Brome-Missisquoi, leader de l'opposition officielle, avait raison de dire que je peux convoquer et présider des réunions de leaders des groupes parlementaires. Si la présidence peut permettre un dialogue plus direct, plus constructif, moi, je n'ai aucun problème avec ça, sauf que je ne crois pas pouvoir d'autorité imposer des règles qui feraient en sorte que finalement je me substituerais au leader du gouvernement pour indiquer l'ordre des travaux.

Notre tradition parlementaire veut que la partie de la majorité, par son leader gouvernemental, organise les travaux de l'Assemblée, organise l'ordre et choisisse finalement l'ordre dans lequel les projets de loi ou les motions peuvent être appelés. Ce n'est pas à la présidence à faire ça. Ce n'est pas non plus à la présidence à déterminer à quelle heure tel projet de loi doit être étudié; c'est aux deux groupes parlementaires en l'occurrence, parce qu'il y en a deux dans cette législature, à s'entendre entre eux pour l'organisation des travaux. S'il y a impasse, moi, je suis bien prêt à me mettre à la disposition des leaders pour essayer de les aider à dénouer une impasse qui pourrait se produire, mais je n'ai certainement pas l'intention de me substituer aux uns et aux autres pour jouer, comme président, le rôle de leader des travaux. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, l'article 2, alinéa 8, confie à la présidence les fonctions suivantes: «Outre les pouvoirs que la loi lui confère, le président exerce les autres pouvoirs nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions et au maintien des droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres.»

M. le Président, est-ce que vous considérez que pour un député ne pas savoir à quelle heure il est convoqué à une commission parlementaire, donc que la commission parlementaire peut procéder, commencer ses travaux sans que le député soit là, puisse faire valoir son point de vue, qu'il soit ministériel ou qu'il soit de l'opposition, ça ne constitue pas un droit fondamental d'un parlementaire d'être avisé de l'heure où on va jaser de l'affaire qui l'intéresse?

Si, à ce moment-là, vous laissez passer la nouvelle façon de planifier les travaux du leader adjoint du gouvernement, ça va vouloir dire que plusieurs collègues, de quelque côté de la Chambre qu'ils se retrouvent, vont se trouver privés d'assister et d'intervenir parce qu'ils ne sauront pas à quelle heure commence le débat sur la question qui les préoccupe et qui les intéresse. Et à ce moment-là, M. le Président, le huitième alinéa vous commande d'intervenir et de demander au leader, s'il ne le sait pas au moment où on procède, s'il ne le sait pas ce matin, qu'à ce moment-là on revienne à l'Assemblée nationale en cours de journée, qu'on sonne les cloches, qu'on alerte tous les députés, que les députés reviennent, et qu'il dise: On a terminé le premier projet de loi dans la commission parlementaire, on passe maintenant au deuxième de façon à ce qu'aucun député, qu'il soit ministériel, indépendant ou de l'opposition, ne soit privé de son droit et de son privilège d'intervenir complètement et en tout temps à l'intérieur d'une commission parlementaire.

M. Boulerice: M. le Président...

Le Président: Une dernière intervention, M. le leader.

M. Boulerice: Oui, une dernière intervention, M. le Président, je n'ai pas du tout l'intention de prolonger. D'ailleurs la majorité de nos collègues attendent en commission.

M. le Président, tantôt, aux autres affaires, je vous demanderai de considérer le projet de loi n° 185, comme je vous demanderai de considérer le projet de loi n° 178. Est-ce que le leader de l'opposition sait dans quel ordre je vais les appeler? Je pourrais être appelé à modifier. Donc, c'est la même chose pour une commission parlementaire, M. le Président, c'est dans la nature même des choses. Nous en avons suffisamment débattu, j'ai donné une réponse, je souhaite que l'on procède aux travaux de la commission.

Le Président: Une dernière intervention.

M. Paradis: Oui, on le sait, M. le Président, parce que les bureaux de leader sont en contact. On indique même, dans la très grande majorité des cas, vers quelle heure et, lorsqu'un député, ou un ministre, ou un député ministériel, ou un député indépendant ou un député de l'opposition nous a indiqué qu'il souhaitait intervenir et qu'il n'est pas en Chambre, il y a suspension des débats pour permettre à ce député-là de se joindre au groupe.

Le Président: Très bien. Alors, je pense que votre dernière intervention, M. le l'opposition officielle, confirme ce que j'indiquais tantôt. C'est aux leaders parlementaires de s'entendre entre eux, eux et leurs collaborateurs. S'il n'y a pas entente, ce que je vous indique, c'est qu'à ce moment-là la présidence peut se mettre à la disposition des leaders pour... Mais je voudrais aussi vous rappeler les dispositions de l'article 147, Convocation sur avis du leader du gouvernement: «La commission qui a reçu un mandat de l'Assemblée est convoquée par son président, sur avis du leader du gouvernement. L'avis, dont copie est adressée au Président de l'Assemblée, indique l'objet, la date, l'heure et l'endroit de la réunion. Si l'Assemblée tient séance, le leader du gouvernement convoque la commission au moment prévu de la période des affaires courantes.»

Alors, en l'occurrence, la responsabilité, je pense que l'article 147 est clair, elle appartient au leader du gouvernement et non pas à la présidence de l'Assemblée nationale. Alors, encore une fois, quand il y a des difficultés d'entente entre les leaders, je suis à la disposition des leaders s'ils souhaitent que la présidence arbitre une réunion ou un dialogue entre eux pour faire en sorte qu'une impasse soit solutionnée.

Alors, à ce moment-ci, nous allons passer aux renseignement sur les travaux de l'Assemblée et, s'il n'y en a pas, aux affaires du jour. Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'opposition officielle.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Paradis: Oui, compte tenu d'une certaine nouvelle efficacité démontrée par le leader adjoint du gouvernement hier, simplement lui redemander d'intervenir. Et, là je le préviens, la situation peut être un petit peu plus difficile parce qu'il s'agit d'un ministre un peu plus senior. Mais j'interviens non pas en mon nom personnel, M. le Président, mais au nom de tous les membres de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale qui se souviendront avoir posé des questions au ministre de la Santé. Là, je fais appel à leur mémoire parce que c'était au moment de l'étude des crédits, donc il y a pratiquement un an. Le ministre de la Santé avait pris des engagements formels à l'égard des membres et de la commission des affaires sociales, et on n'a toujours pas reçu du ministre de la Santé les réponses aux questions qui lui avaient été adressées. Moi, je m'inquiète au nom de tous les membres. Est-ce qu'on a été mis sur la liste d'attente du ministre de la Santé?

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Bon, M. le Président, je vais quand même remercier le leader de l'opposition qui me félicite pour mon efficacité. La deuxième chose, je vais lui répondre que, dans les minutes qui suivent, nous allons communiquer avec le cabinet du ministre concerné, car les communications ne se font pas à cette Assemblée. Et maintenant, lui ayant donné l'assurance qu'il sera aussi bien servi qu'il l'a été aujourd'hui, je souhaite que nous procédions aux commissions le plus rapidement possible.

Le Président: Toujours aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Le 28 avril dernier, c'était l'étude des crédits du ministère de l'Environnement. À cette occasion, nous discutions des lagunes de Mercier et des rapports du BAPE – de certains rapports – et j'avais demandé au ministre de l'Environnement de déposer ces documents. Le ministre avait dit: Oui – il n'avait pas les documents avec lui – je les déposerai à la commission. Le 12 mai 1997, le secrétaire de la commission a demandé au ministre de procéder selon l'engagement qu'il avait pris. Le 29 septembre, le secrétaire de la commission relance une deuxième fois pour demander au ministre de respecter son engagement. Nous sommes maintenant le 11 décembre, et l'engagement pris en date du 28 avril n'est toujours pas tenu. Est-ce qu'il est possible de demander au leader adjoint de s'assurer que, lorsque les secrétaires de commission font des demandes pour que le ministre respecte ses engagements, ces appels soient entendus et que les engagements soient respectés dans les délais les plus courts, M. le Président? Et je m'en remets à votre autorité.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Soucieux de faciliter l'aménagement de l'agenda du député de Marquette, je serai bref: Même réponse.


Affaires du jour

Le Président: Très bien. Alors, aux affaires du jour maintenant. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: ...vouloir considérer l'article 27 de l'ordre du jour.


Projet de loi n° 178


Adoption

Le Président: Alors, à l'article 27, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes. M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Alors, M. le Président, nous voici parvenus au terme de l'étude du projet de loi n° 178 pour procéder à son adoption, donc en troisième lecture. Je veux simplement dire quelques mots pour rappeler ce dont il s'agit, ici, à l'Assemblée nationale, alors qu'en commission parlementaire nous en avons débattu et que nous avons donné déjà beaucoup d'explications.

(11 h 40)

Vous vous rappellerez, M. le Président, que cette loi donne suite au mandat qui avait été donné le 9 avril 1997, par le gouvernement du Québec, au Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux. Ce groupe de travail qui était présidé par le député de Fabre comprenait également les députés de Terrebonne, de Crémazie, de Bourget, de La Peltrie et de Roberval. Alors, le projet de loi réalise aujourd'hui certaines des recommandations qui apparaissent dans le rapport de ce groupe de travail, qui a été remis plus tôt cet automne. Il abroge certaines dispositions législatives qui permettaient d'instituer des organismes.

Ceci nous amène à la révision proposée par le groupe de travail. C'est la nécessité de poursuivre la modernisation de l'État du Québec et de faire en sorte qu'il s'impose le même effort que celui demandé à nos concitoyens. Cette initiative n'est pas une idée neuve. Sous le précédent gouvernement, à quatre reprises, entre 1986 et 1993, du rapport Gobeil aux efforts de l'actuel chef de l'opposition alors qu'il était président du Conseil du trésor et en passant par le rapport Poulin-Morin, des exercices similaires ont été tentés.

Certaines des fusions d'organismes proposées, en raison de leur importance, demandent toutefois plus de recherches et de consultations, et je fais référence évidemment à d'autres recommandations du rapport de ce groupe de députés que celles dont nous traitons aujourd'hui. Mais les ministères seront mis à contribution pour leur donner suite le plus rapidement possible et les ministres, par ailleurs, devront faire rapport ou devront faire connaître leurs recommandations au plus tard le 31 mars prochain. C'est la date limite que nous nous sommes fixée pour donner suite au rapport.

Les dispositions du projet de loi actuel se rapportent à l'Office des autoroutes du Québec, au Comité d'études musicales, au Comité d'études dramatiques, au Bureau d'examinateurs des mesureurs de bois, au Bureau des examinateurs en tuyauterie, au Bureau des examinateurs électriciens, à la Régie des télécommunications, à la Société de la Maison des sciences et des techniques, à la Société québécoise des transports et à toute personne morale dont elle contrôle le capital-actions et au Conseil de recherche et du développement en transport. Il y a évidemment de multiples concordances qui ont été apportées par les différents articles du projet de loi qui ont été étudiés en commission parlementaire.

Je voudrais remercier mes collègues de la commission parlementaire qui ont fait preuve d'un travail efficace en commission. Je remercie aussi l'opposition officielle de sa collaboration, en particulier le député de Robert-Baldwin qui, je pense, dira quelques mots après moi. Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité, quant à tous ses articles aussi, y compris les amendements. Alors, je voudrais, en particulier, remercier tous les députés qui ont fait partie du Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux, en particulier le député de Fabre qui en a été le président.

Nous devons constater, M. le Président, que la rigueur méthodologique dont on a fait preuve dans le rapport a impressionné le public et a impressionné le gouvernement. Alors, je voudrais remercier aussi tous les autres artisans du rapport, mais remercier aussi toutes les personnes qui ont travaillé à l'intérieur des organismes qui disparaissent aujourd'hui. Ils ont vécu tout un historique. J'ai eu l'occasion de le rappeler, en particulier, dans le cas des transports, l'Office des autoroutes qui a été une institution en son temps, qui remonte à 1957-1958, je crois, alors que le premier ministre Duplessis était au pouvoir, qui a fait construire la première autoroute du Québec dans les Laurentides.

Également, je pourrais rappeler toute une série d'éléments dans d'autres secteurs. Je ne voudrais pas allonger ces débats. Mais, M. le Président, je voudrais remercier tous les fonctionnaires et toutes les personnes qui ont contribué à la vie de ces organismes et aux services qu'ils ont rendus au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Alors, à mon tour de reprendre en résumé, d'abord, les dispositions qui se rapportent à ce projet de loi. On nous demande aujourd'hui d'abolir une dizaine d'organisations qui sont à peu près inopérantes, et ces organisations sont l'Office des autoroutes du Québec, en passant par le Comité d'études musicales au Comité d'études dramatiques, au Bureau d'examinateurs des mesureurs de bois, au Bureau des examinateurs en tuyauterie, au Bureau des examinateurs électriciens, à la Régie des télécommunications, à la Société de la Maison des sciences et des techniques, à la Société québécoise des transports et à toute personne morale dont elle contrôle le capital-actions et aussi au Conseil de la recherche et du développement en transport.

M. le Président, tout au long des différentes étapes de ce projet de loi, l'opposition officielle a toujours signifié que tout geste qui va viser la réduction de la taille de l'État et la réduction des dépenses de fonctionnement, ces gestes-là vont assez facilement obtenir notre accord. J'aime rappeler au président du Conseil du trésor que, d'un côté, on ne peut pas être contre la vertu. Mais encore faut-il avoir la vertu, et, lorsqu'on nous a présenté ce projet de loi, eh bien, on a eu quand même un élément de surprise parce que le projet de loi faisait suite à un travail qui avait été fait par le groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux, et, si je me souviens, il y avait au moins 127 pages, on a étudié plus de 200 organisations et on a fait des recommandations sur à peu près 80 de ces organisations, soit de les abolir, soit de les intégrer, et la surprise que nous avons, c'est d'arriver avec un projet de loi qui est très mince et qui n'abolit que 10 organisations qui sont inopérantes. Nous aurions aimé, du côté de l'opposition officielle, pouvoir discuter davantage du rapport qui a été fait par des députés, mais nous devons malheureusement constater que c'est un bien faible résultat, que le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui.

Je voulais aussi signifier les économies à réaliser, mais je pense que c'est très faible par rapport à l'ampleur. Quelque part dans le rapport, on nous indique que toutes les organisations qui ont été touchées coûtent, bon an mal an, près de 1 000 000 000 $, dans celles qui ont été examinées. Eh bien, aujourd'hui, l'abolition des 10 organisations nous permet de faire à peu près pas d'économies.

Un autre constat, c'est que, au moment où on veut abolir les dizaines d'organisations présentées dans le projet de loi, depuis l'arrivée du gouvernement péquiste, nous avons assisté au développement d'un nombre d'organisations extrêmement important, puis je pourrais en énumérer longtemps, je l'ai fait dans d'autres circonstances. Quand même, tout simplement rappeler différentes agences autonomes: Tourisme Québec, Agence métropolitaine de transport; différentes commissions: Commission de la capitale nationale, Commission de développement de la métropole – avec le peu de résultats qu'on connaît – Commission de protection de la langue française. On a ajouté des ministères et aussi, ce qui est un peu plus litigieux, on a développé des fonds.

(11 h 50)

Et, à ce sujet-là, je pense que le Vérificateur a été assez clair. Je voudrais simplement rappeler que, dans le dernier rapport du Vérificateur... Il y a eu deux rapports dans le courant de l'année: un au mois de juin, un au mois de décembre. Celui du mois de juin, déjà, dénonçait déjà le nombre de fonds et entités qui étaient en voie d'augmenter avec ce gouvernement-là. Et on sait que, lorsqu'on développe des fonds, bien, les dépenses n'apparaissent plus aux comptes publics, ils apparaissent dans les fonds, et là il semble y avoir une difficulté majeure de la part du Vérificateur. Je voulais simplement rappeler ce que disait le Vérificateur de ces fonds: «À l'aide de ces fonds, le gouvernement peut en effet contourner les règles comptables qu'il s'est données en inscrivant, par amortissement ou par tranches, des dépenses qu'il devrait porter à ses livres.» Bien, c'est une façon un peu astucieuse, M. le Président, de dire: Écoutez, on est dans l'atteinte du déficit zéro pour l'an 2000, mais, comme on n'est pas capable de faire toutes les économies qu'on avait prévues, bien on va la cacher, avec toutes les réserves qu'on peut dire à ce mot-là, on va la mettre dans des fonds d'une façon plus particulière.

Je veux simplement, pour terminer dans cette partie du dossier, rappeler la conférence de presse du Vérificateur général qui dit que 1 500 000 000 $ du déficit serait camouflé. Poursuivant son inlassable cabale afin que le gouvernement inscrive dans son comptabilité générale ses obligations de l'ordre de 10 000 000 000 $ à l'égard des régimes de retraite et les 500 000 000 $ qui se cachent derrière la kyrielle de fonds spéciaux, le Vérificateur général estime que le ministère des Finances a sous-estimé son déficit d'au moins 1 500 000 000 $, M. le Président. Il a, de plus, manifesté son inquiétude devant la prolifération des fonds spéciaux. Quinze fonds spéciaux – ça, c'était à ce moment-là, il y en a d'autres depuis, on les a vus, ils ont été amenés sous des formes de projets de loi – ont vu le jour depuis le 1er avril 1996, ce qui porte leur nombre à 45 dans l'univers gouvernemental. Nous sommes la dernière province à ne pas le faire. Ici, il nous parle des états financiers consolidés.

Donc, M. le Président, une difficulté sérieuse, au moment où on nous présente le projet de loi qui veut réduire la taille de l'État, on s'aperçoit que le projet de loi ne réduit que de 10 les organisations et, en même temps, on a augmenté d'un nombre extrêmement important soit les fonds, soit les ministères, soit les commissions. Alors, ça fait partie des nuances qu'on voulait aussi apporter à l'accord qu'on a donné au projet de loi.

Je me permets aussi d'ajouter une critique, M. le Président. Celle-ci, elle s'adresse davantage au rapport qui ne semble pas avoir été suffisamment explicite sur les consultations qui ont eu lieu. Il semble y avoir eu des consultations de certains dirigeants d'organismes, mais, en même temps, on passe sous silence les consultations qui auraient dû être faites, si elles n'ont pas été faites, des principaux syndicats concernés.

J'ai avec moi, M. le Président, une lettre de la coalition des syndicats de la fonction publique qui avait été adressée en juin 1997 au député de Fabre qui présidait le groupe de travail, et qui dit – je vous la lis très rapidement, ce n'est pas long: «Le gouvernement vient de nommer sous votre présidence et en vertu du décret [...] – avec le numéro – un groupe de travail chargé d'examiner l'ensemble des organismes gouvernementaux avec dépôt d'un rapport le 30 septembre – dernier. Étant donné l'ampleur de ce mandat et les conséquences de cet examen sur l'ensemble du personnel oeuvrant dans la fonction publique, nous vous demandons d'entendre le point de vue de la coalition des syndicats de la fonction publique qui regroupe les organisations syndicales représentant quelque 60 000 employées et employés de l'État. Nous estimons qu'un tel réexamen ne peut se faire sans consulter les principaux concernés et nous désirons vous soumettre nos représentations sur la redéfinition des missions étatiques, le transfert des activités gouvernementales, les réorganisations administratives, le regroupement d'organismes gouvernementaux.»

M. le Président, je voudrais dire, à ce moment-ci... C'est signé par le président du Syndicat de la fonction publique, M. Serge Roy, le président du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, M. Robert Caron, et le président du Syndicat des professeurs de l'État du Québec, M. Luc Perron.


Document déposé

Je voudrais demander la permission du gouvernement de déposer cette lettre dans le cadre de ce dossier, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Vous pouvez déposer la lettre.

M. Marsan: M. le Président, nous aurions aimé en savoir davantage sur le rapport qu'on convient d'appeler le «rapport du député de Fabre», le rapport du groupe de travail. Nous aurions aimé connaître davantage les modes de consultation. Qui a été consulté? Qu'est-ce que les gens ont dit? De quelle façon ça a procédé? J'ai dit au président du Conseil du trésor que nous aurions sûrement aimé, comme opposition, être impliqués davantage, parce que ça a toujours été un sujet – lui-même l'a mentionné tantôt – qui a préoccupé les libéraux, de voir à la diminution de la taille de l'État. Sûrement qu'on aurait pu, soit ensemble, sous forme de commission parlementaire, ou sous autre forme, trouver une façon d'impliquer plus de députés et de parlementaires dans un dossier aussi important, ce qui nous aurait permis, M. le Président, d'avoir un questionnement, en tout cas à tout le moins peut-être plus exhaustif où on aurait aimé entendre les syndicats dont j'ai mentionné les noms tantôt. J'aurais aimé entendre les organisations, ce qu'elles en pensaient, mais toujours avec cet objectif de réduire la taille de l'État. Je n'aurais pas voulu entendre des gens qui viennent nous dire: Voici, on a une organisation, il faut la garder. Je pense qu'on aurait voulu nuancer et vraiment travailler avec le groupe de députés qui avait fait ce travail.

Plusieurs recommandations, M. le Président, qui touchent au soutien, à la recherche des regroupements potentiels, je pense, méritent une attention. Et là aussi l'opposition officielle, nous aurions aimé pouvoir, avec le groupe de travail, peut-être questionner les raisons profondes de ces regroupements, les avantages, les inconvénients, d'une façon très positive.

Collecte de statistiques. Là aussi je pense que nous avons tous intérêt à avoir et à se servir d'éléments statistiques qui vont refléter la réalité. Puis je mets de côté ce que j'ai dit tantôt sur les astuces comptables, ça, c'est un autre dossier; ici on parle vraiment de statistiques. Aussi, voir jusqu'à quel point il n'y aurait pas de dédoublements et de chevauchements avec Statistique Canada. Je pense que c'est des choses qui auraient pu être questionnées.

Les sociétés d'État et les regroupements. Alors, je pense que là aussi il y a des avenues. Le comité nous dit que ça pourrait amener une création d'emplois. Moi, je ne dis pas non de prime abord. J'aurais aimé voir comment ç'aurait pu se réaliser, mais tout en rationalisant; en tout cas il y avait peut-être des éléments à questionner, et toujours dans une optique des plus positives, M. le Président. Il y avait des recommandations également en agriculture. Et là ç'aurait été intéressant d'entendre les agriculteurs eux-mêmes, ce qu'ils pensent des différents programmes qui sont à leur disposition, les regroupements aussi des agriculteurs. D'autres recommandations intéressantes sur les autochtones; là aussi je pense que c'est toujours des sujets qui demandent beaucoup d'attention et de préoccupation, et ç'aurait été intéressant d'entendre les autochtones et leurs représentants sur différentes recommandations.

On a suggéré dans le rapport des regroupements qui, dans certains cas, peuvent être intéressants; dans d'autres cas, on parle d'abolitions. Eh bien, M. le Président, je pense encore une fois que l'opposition officielle aurait voulu travailler avec le président du Conseil du trésor, avec le groupe de travail, pour voir jusqu'à quel point on aurait pu ensemble partager une vision, en tout cas, de la diminution de la taille de l'État.

M. le Président, une autre nuance importante dans le projet de loi, c'est les économies à réaliser. J'ai mentionné tantôt le peu d'économies du projet de loi aujourd'hui. Il semble qu'on puisse regarder, si on revoit de nouveau le travail qui est fait par le groupe sur l'examen des organismes gouvernementaux, qu'il puisse y avoir certaines économies, et on sait qu'en période de grandes restrictions budgétaires, bien, il n'y en a pas, de mauvaises économies. Et on pense à des rationalisations.

Peut-être un oubli du comité, c'est dans le domaine de la santé, toutes les dépenses qui sont associées aux structures au niveau des régies régionales. On sait que ça coûte 100 000 000 $. Vous et moi, nous savons très bien qu'une fois qu'on a dépensé ce 100 000 000 $ là il n'y a pas encore un patient qui a été soigné, M. le Président. On sait également que nous avons présenté une alternative, c'est dans le cadre du programme du Parti libéral du Québec, où on s'est attaqué avec des résolutions très pertinentes à la diminution de la taille de l'État dans la santé, dans l'éducation et au niveau de la fonction publique. Et je pense que ça démontre là aussi que l'opposition officielle est vraiment intéressée par ce dossier.

(12 heures)

M. le Président, nous arrivons au moment où le projet de loi doit être adopté en troisième lecture. Nous avons fait les commentaires, les nuances et les recommandations appropriées. C'est peut-être à notre tour aussi de souligner que les 10 organisations qui sont abolies dans le projet de loi, il y a des gens qui étaient en arrière de ces organisations-là. Aujourd'hui, elles sont inopérantes, c'est vrai, mais dans un passé pas tellement lointain il y a des gens qui ont travaillé à oeuvrer et à bâtir le Québec moderne à travers certaines de ces organisations. Alors, c'est à notre tour, M. le Président, de les remercier et de souligner leur contribution.

En terminant, une dernière fois nous trouvons que ce qui a été fait par le Groupe de travail, c'est quand même intéressant. On a aurait aimé en discuter, travailler avec le gouvernement, mais ce qui est déposé aujourd'hui, ce n'est malheureusement qu'une faible... C'est 1 % peut-être, ou 0,5 % de l'ensemble, ou 0,6 % de l'ensemble des recommandations, et nous trouvons que c'est bien peu. Mais, comme nous nous sommes engagés, comme formation politique, à réduire la taille de l'État, eh bien, tout projet de loi qui va dans ce sens-là obtiendra notre accord. C'est pour ça que nous allons voter en faveur du projet de loi, en troisième lecture, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Fabre. M. le député.


M. Joseph Facal

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je prends acte que le député de Robert-Baldwin nous reproche surtout de ne pas livrer tous les morceaux en même temps, mais que par ailleurs il voit d'un bon oeil ce que j'appellerais les orientations générales du rapport, et je m'en réjouis.

Cela dit, sur quelques-uns des points qu'il a abordés, le député de Robert-Baldwin fait la démonstration qu'il n'a pas tout à fait fait ses devoirs. Je m'explique. Il commence en déposant la lettre des trois présidents des syndicats regroupant les employés et professionnels du gouvernement du Québec et il déplore que ces gens n'aient pas été consultés. Il me fait plaisir d'informer le député de Robert-Baldwin que MM. Perron, Roy et Caron ont été rencontrés par moi, accompagné du député de La Peltrie et de l'équipe technique du secrétariat, quelques jours à peine après la réception de la lettre.

Cela dit, j'ai à ce moment-là gentiment et poliment informé nos interlocuteurs syndicaux qu'il s'agissait d'une démarche gouvernementale, que le rapport serait ensuite remis à notre ministre de tutelle, le président du Conseil du trésor, et que, s'ils souhaitaient faire des représentations sur les contenus, ils auraient à les faire à ce moment. Mais ils furent longuement rencontrés pour se faire expliquer exactement le mandat et l'orientation qui était la nôtre, et nous le fîmes à l'aube de l'exercice et non à la fin complètement.

Le député de Robert-Baldwin déplore aussi l'insuffisance de ce qu'il appelle les consultations. Il ne faudrait pas confondre consultation insuffisante et consultation privée. Nous consultâmes longuement, sauf que nous avons jugé préférable de ne pas consulter sur la place publique, parce que, si nous avions fait ça, toutes sortes d'inquiétudes non fondées auraient pu voir le jour. Il faut que le député de Robert-Baldwin sache, s'il ne le sait pas, que tous les organismes qui n'étaient pas des organismes inopérants ont reçu une lettre questionnaire leur demandant de nous fournir toute une série de renseignements sur eux-mêmes et dans laquelle nous leur demandions aussi leur point de vue sur leur situation et sur leur avenir. Ils ont donc eu largement l'occasion de s'exprimer.

Le député de Robert-Baldwin déplore également que des députés de l'opposition n'aient pas été associés à l'exercice. Je prends bonne note et je me réjouis de savoir que l'opposition se soucie également d'éviter la prolifération d'organismes. Mais il faut bien comprendre qu'il s'agissait ici d'une démarche gouvernementale, issue d'un décret du Conseil des ministres, donc de l'Exécutif, et non d'une démarche parlementaire initiée par l'Assemblée nationale.

Il faut aussi se rappeler que des exercices similaires avaient été conduits du temps où le Parti libéral était au pouvoir à quatre reprises à l'occasion des rapports Gobeil, Morin, Poulin ainsi que de ce qui s'est appelé le groupe de pilotage politique présidé par le président du Conseil du trésor de l'époque, et aujourd'hui chef de l'opposition. Et à aucune de ces occasions les députés de l'opposition du temps ne furent associés à l'exercice, ce qui tombe sous le sens. Quand une démarche est initiée par l'Exécutif, l'opposition n'y est pas associée. C'est lorsque la démarche est initiée par l'Assemblée nationale qu'il est peut-être envisageable de fonctionner de façon bipartite.

Je reviendrai ultérieurement sur d'autres remarques faites par le député de Robert-Baldwin. Je voudrais simplement revenir maintenant à l'essentiel de mon propos, qui sera très bref. Ce projet de loi n'a pas fait l'objet de bien longs débats, puisqu'il consiste en l'abrogation des dispositions législatives instituant 10 organismes aujourd'hui inopérants. Une fois cette loi adoptée, ces organismes cesseront donc d'exister. Comme il s'agit d'organismes aujourd'hui inopérants, c'est ce qui explique que le projet de loi a un caractère assez strictement technique. Cela dit, plusieurs de ces organismes jouèrent jadis un rôle important dans la société québécoise. Et je voudrais, moi aussi, remercier chaleureusement tous les employés qui jadis, et souvent pendant de longues années, servirent loyalement et de leur mieux l'État et la société au sein de ces organismes.

Je rappelle, cela dit, que ce projet de loi est une partie, une petite partie d'un chantier beaucoup plus vaste dont les autres volets – si cela peut rassurer le député de Robert-Baldwin – sont en voie d'élaboration. Bientôt seront également soustraits de la liste des organismes gouvernementaux des organismes qui devraient être intégrés à des ministères, des organismes qui devraient aussi être considérés comme des comités de travail des ministres ou comme des comités internes d'autres organismes.

Le gouvernement a également annoncé et est déjà au travail sur le regroupement, à très brève échéance, des divers organismes voués à la cueillette et au traitement des données statistiques dans une seule entité appelée Statistique Québec. Ces quatre organismes à être regroupés sont l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, le Bureau de la statistique du Québec, le Centre de recherche en statistique sur le marché du travail et l'Institut national de santé publique, pour sa partie portant sur les enquêtes en matière sanitaire.

Le député de Robert-Baldwin apprendra sûrement avec joie que, depuis la mi-novembre de cette année, le secrétariat aux organismes gouvernementaux du ministère du Conseil exécutif a mis en place un comité aviseur formé de représentants de ces quatre institutions afin d'amorcer le processus créant Statistique Québec. Un mandat a été confié au Bureau de la statistique du Québec de nous soumettre une première proposition-cadre portant sur la manière dont pourrait se faire le regroupement de ces organismes. Bref, le travail est déjà bien amorcé là-dessus.

Cela dit, M. le Président, il tombe absolument sous le sens que certaines des fusions proposées par le rapport du Groupe, en raison de leur importance, demandent plus de recherches et plus de consultations. Les ministères ont déjà été mis à contribution pour en faire l'analyse et leur donner suite le plus rapidement possible. Parmi ces propositions qui sont en train de faire l'objet d'études plus approfondies figurent notamment le regroupement en un lieu unique de l'ensemble des organismes s'occupant des questions autochtones, et le ministre concerné fera les annonces requises en temps et lieu.

Nous sommes également au travail sur la proposition consistant à mieux coordonner le soutien financier gouvernemental à la recherche scientifique. Nous sommes aussi au travail sur la rationalisation des organismes régissant le monde du bâtiment et de la construction. Mais il faut bien comprendre que, dans ce domaine sensible entre tous, la collaboration et l'accord de nos partenaires patronaux et syndicaux est absolument vital. De même, en ce qui a trait à la simplification des services gouvernementaux de soutien aux agriculteurs, il faut se rappeler qu'au début de l'année 1998 une consultation très large aura lieu, du monde agricole. À cette occasion, ils auront tout le loisir de nous dire ce qu'ils pensent de cette proposition. De même, la proposition de mieux coordonner l'action économique de quelques-unes de nos sociétés d'État est à l'étude au ministère des Finances. Bref, toutes ces choses sont en voie d'étude et de concrétisation.

(12 h 10)

Si tous ces pans majeurs avaient été déposés en vrac entre la date du dépôt du rapport, le 23 septembre, et aujourd'hui, le 11 décembre, sans aucun doute que le député de Robert-Baldwin nous aurait accusés de bousculer les gens et de ne pas consulter. Parce que nous prenons le temps – et dans des délais relativement courts, puisque nous parlons d'ici au 31 mars – de vouloir consulter les gens, il nous dit que nous n'allons pas assez vite.

Pour ce qui est maintenant de ses autres remarques sur les fonds constitués par le gouvernement, M. le Président, en tout respect, je crois que le député de Robert-Baldwin enfonce des portes ouvertes, puisqu'il n'y a rien dans cette pratique qui ne se faisait pas du temps du précédent gouvernement. Si la pratique est si répréhensible que cela, j'aimerais que le député de Robert-Baldwin nous explique pourquoi, alors que le Parti libéral a eu neuf ans pour abolir cette pratique, il ne l'a pas fait, entre 1985 et 1994.

Pour le reste, en ce qui a trait aux autres démarches actuellement en cours, le secrétariat aux organismes gouvernementaux est en train de mettre sur pied un registre unique des organismes gouvernementaux. Car, il faut incidemment le rappeler, M. le Président, quelle ne fut notre surprise, quand nous avons débuté nos travaux, de voir que, au sein de l'État québécois, il n'existait pas une liste unique, un registre unique et tenu à jour de nos organismes gouvernementaux. Il n'existait même pas une définition claire, au plan légal, de ce qu'est un organisme gouvernemental. Et nous avons travaillé à partir d'une série de listes éparses. Nous sommes en train de mettre de l'ordre là-dedans.

Ce secrétariat aux organismes gouvernementaux, qui a été créé dans la foulée du rapport, est aussi en train d'examiner les modes de gestion des organismes les plus aptes à concilier l'impératif d'une reddition de comptes efficace et la nécessité d'assurer aux organismes un degré d'autonomie adéquat. Par ailleurs, le secrétariat aux organismes gouvernementaux, issu du rapport, est régulièrement consulté et donne des avis au Conseil des ministres sur toute création ou modification d'organismes existants ou à venir.

Je n'abuserai pas plus longtemps, M. le Président. Je termine simplement en disant que, à mon humble avis, des exercices du genre de celui qu'a mené le Groupe de travail ne sont évidemment pas une solution définitive et permanente au problème de la prolifération bureaucratique. Idéalement, la vraie solution serait de faire en sorte qu'émerge peu à peu une nouvelle culture d'autodiscipline de la part des élus et de la part de la haute fonction publique afin que ne soient créés de nouveaux organismes que quand cela est rigoureusement nécessaire. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Fabre. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: En vertu de l'article 213, est-ce que ce serait possible de poser une question d'information au député de Fabre?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, pour une question d'information, vous acceptez, M. le... Oui, très bien. Alors, M. le député de Robert-Baldwin, oui.

M. Marsan: Vous mentionnez que vous avez rencontré des représentants des syndicats suite à la lettre, mais je pense qu'en aucun cas on n'en fait rapport, en tout cas de façon précise. Est-ce que les représentants syndicaux sont d'accord avec les recommandations du Groupe de travail?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Fabre.

M. Facal: Je suggère au député de Robert-Baldwin d'adresser directement cette question aux représentants syndicaux. C'est à eux de dire ce qu'ils pensent du rapport, je ne suis pas une voix autorisée pour parler à leur place.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vais céder la parole, maintenant, à M. le ministre pour les remarques de réplique, s'il vous plaît.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: Oui, merci, M. le Président. Je vois que le député de Robert-Baldwin fait semblant qu'il n'y aura pas d'autres projets de loi par la suite pour donner suite au rapport Facal, au rapport du député de Fabre. Il y en aura d'autres, gestes qui seront posés, qui vont s'étaler dans le temps, et la date ultime, c'est le 31 mars. Nous allons prendre le temps de bien peser chacune des recommandations de ce rapport parce qu'elles sont lourdes, pour certaines, et très importantes. En ce qui concerne la réorganisation de l'État, je ne referai pas ce débat parce que nous aurons l'occasion de revenir, et il aura l'occasion de retravailler avec nous. Nous n'avons pas fini de travailler aujourd'hui.

M. le Président, je veux relever un point. Le député de Robert-Baldwin s'amène avec des remarques sur les fonds spéciaux en interprétant à sa façon les déclarations du Vérificateur général. Je veux juste donner ou illustrer ce qui se passe en ce qui concerne les fonds spéciaux par un exemple.

Il n'y a rien qui ne soit transparent; tout est clair, tous les chiffres sont sur la place publique actuellement, et les règles comptables qui sont suivies par le gouvernement sont celles qui ont été adoptées, et les mêmes, par le Parti libéral lorsqu'il était au gouvernement. Nous n'avons pas changé les règles comptables. Ce qui s'est passé au cours de l'année, c'est que, compte tenu de l'ampleur des départs en particulier, nous avons évidemment eu le fonds des départs volontaires qui a impliqué des sommes considérables. Et nous les amortissons selon la décision prise par l'ancien président du Conseil du trésor, actuel chef de l'opposition, ces coûts, sur 16 ans, selon ce qui se fait dans le privé notamment. Cette décision a été prise en avril 1990, et nous l'appliquons.

Mais quel est l'effet? Je prends un exemple. Supposons que ces coûts sont de 1 600 000 000 $, toute la question est de savoir si le 1 600 000 000 $ est absorbé dans une seule année ou réparti sur les 16 ans de vie utile d'un tel fonds. C'est ça, la question. Il n'y a rien de camouflé là-dedans. Est-ce que le tout est passé dans une dépense dans une année, une dépense extraordinaire, ou amortie sur 16 ans? Le résultat, si nous passions cette dépense dans une seule année, il y aurait 1 600 000 000 $ comme dépense extraordinaire, non comme une dépense courante. Mais par la suite le déficit serait moins élevé de 100 000 000 $ par année. Donc, la conclusion que nous devrions tirer, c'est que nous atteindrions le déficit zéro plus rapidement, du moins sur le plan comptable, que selon ce que nous faisons maintenant.

Or, nous avons pris la décision de nous conformer à la politique énoncée par le gouvernement en avril 1990 d'amortir ces fonds sur 16 ans. Donc, nous aurons une charge aux livres sur 16 ans de 100 000 000 $. Je prends cet exemple de 1 600 000 000 $, ce ne sont pas les chiffres exacts, mais simplement pour illustrer ce que cela signifie. M. le Président, vous voyez très bien que la charge comptable va être passée aux livres et dans les états financiers du gouvernement d'une façon ou de l'autre, et nous proposons de l'amortir. Est-ce que nous avons raison de procéder comme ça, de nous conformer finalement à la décision prise par l'ancien gouvernement? C'est en fait beaucoup plus proche à l'heure actuelle des recommandations du Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés. Alors, c'est l'autorité en la matière. Aux États-Unis, ce sont les CPA qui font cela, les Certified Public Accountants; ici, ce sont les C.A.

Alors, nous nous conformons aux règles qui sont émises, et il faut comprendre que dans l'évolution de la question on en vient de plus en plus à amortir des dépenses de capital, ce que le gouvernement ne faisait pas traditionnellement. Le gouvernement, lorsqu'il construisait des routes, il passait ça dans ses comptes comme étant une dépense de l'année, même si les routes durent 20, 25, 30 ans. C'est ça.

De la même façon, toute espèce de dépenses de capital, la construction d'un édifice étaient passées au compte courant plutôt que capitalisées et amorties. De plus en plus, nous allons vers un amortissement sur la durée de vie utile des équipements, des installations que nous faisons, des constructions que nous faisons, des routes que nous bâtissons. Donc, nous nous acheminons vers l'amortissement sur plusieurs années de ces actifs. Et c'est tant mieux parce qu'un gestionnaire qui aurait un budget de 100 000 000 $, disons, cette année, qui devrait passer ses dépenses de capital dans une année, serait handicapé pour le faire parce qu'il n'aurait pas d'argent pour assumer les dépenses courantes. Donc, ce qu'il faut, c'est répartir le coût d'un tel équipement, d'un tel actif, sur sa durée de vie utile.

(12 h 20)

En quelque sorte, aussi, l'adoption du principe des enveloppes fermées à l'intérieur du gouvernement nous amène à amortir les dépenses de capital sur la durée de vie utile, de sorte que les décisions de gestion sont prises de façon beaucoup mieux fondée qu'auparavant. Au fond, pour m'exprimer en langage technique, nous passons graduellement de la comptabilité de caisse, recettes et déboursés à une comptabilité d'exercice qui consiste, en simplifiant, à amortir les actifs sur leur vie utile. C'est ce que nous faisons, nous nous alignons simplement sur cette orientation. Et, donc, M. le Président, il n'y a rien, actuellement, qui change par rapport aux règles passées. Je pense que nous faisons ce qu'il faut faire pour que les gestionnaires aient une meilleure information financière à leur disposition pour prendre leurs décisions. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre.

M. Marsan: M. le Président, est-ce que le président du Conseil du trésor accepterait qu'on lui pose une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre, est-ce que vous acceptez une question de la part du député de Robert-Baldwin? Oui? M. le député, votre question.

M. Marsan: Je voudrais d'abord souligner que le Vérificateur général ne dit pas qu'on ne peut pas créer des fonds. Ce qu'il dit, c'est que votre gouvernement a créé trop de fonds, que vous les avez trop multipliés. Deuxièmement, dans les réseaux, sous l'ancien gouvernement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, c'est une question, ce n'est pas encore un débat qui doit se poursuivre à ce moment-là, parce que la réplique va terminer l'élément débat. C'est simplement une question, peut-être, que vous pourrez poser.

M. Marsan: Oui. Et est-ce que le ministre sait que, sous l'ancien gouvernement, lorsqu'il y avait des déficits, il n'y avait pas de déficits dans les réseaux, que, maintenant, il y en a de très gros déficits et qu'ils n'apparaissent pas aux comptes publics?

Ma question, M. le Président, c'est: Est-ce que le président du Conseil du trésor va reconnaître que le Vérificateur a raison, qu'on a camouflé dans le déficit 1 500 000 000 $ et que, au lieu d'avoir 2 200 000 000 $ cette année, on va avoir 3 700 000 000 $?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il ne faut pas faire indirectement, là. Vous ne pouvez apporter aucun élément pour relancer le débat quand vous avez à poser une question au terme de la conclusion du débat qui est la réplique du ministre. Maintenant, je vais accorder au ministre, là, encore une réplique prolongée un peu, si vous voulez, de quelques minutes.

M. Léonard: M. le Président, le député de Robert-Baldwin manifeste qu'il n'a rien compris de ce que j'ai dit. Le Vérificateur parle, disons, de 1 500 000 000 $, est-ce que c'est passé dans une dépense courante ou si c'est amorti? Et j'ai simplement dit que la politique du gouvernement, c'est de l'amortir sur la durée de vie utile des fonds ou des actifs ainsi acquis par des fonds. Et c'est une décision qui a été prise antérieurement, que nous n'avons pas changée et qui est conforme à ce qui se fait ailleurs. Nous n'avons rien camouflé. Je récuse absolument les paroles qui viennent d'être dites par le député de Robert-Baldwin. Tout est public, tous les chiffres sont sur la table, et la seule chose, c'est de savoir si c'est amorti sur la durée de la vie utile ou non.

Et le Vérificateur n'est pas contre la création de fonds spéciaux. Non, ce n'est pas ça qu'il dit. C'est qu'il veut que nous discutions sur la consolidation des états financiers de ces fonds spéciaux et la façon de le faire, ainsi que du périmètre couvert par la consolidation. Il n'a pas dit que nous créons trop de fonds spéciaux. Au contraire, je pense que, dans une gestion moderne, nous allons être amenés à en créer d'autres, fonds spéciaux, parce qu'il faut que les gestionnaires connaissent exactement leurs responsabilités et prennent des décisions conformes aux intérêts de la boîte qu'ils gèrent, et, donc, ils doivent tenir compte de la durée de vie utile des actifs. Et le Vérificateur général n'a pas dit qu'il ne fallait pas créer de fonds spéciaux, loin de là. Il n'a même pas dit que nous en avons créé trop, loin de là.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin à ce débat. Le projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je vous demande de bien vouloir considérer l'article 4 du feuilleton.


Projet de loi n° 176


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 10 décembre 1997 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, je m'en vais céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, je vous cède la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Alors, nous sommes sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176. Je répète pour ceux qui se joignent à nous que le projet de loi n° 176 est la Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

On dit dans les notes explicatives, M. le Président, que ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux afin que le ministre puisse, par entente, déléguer à un organisme l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par cette loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application. Le projet de loi modifie également la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de permettre à la Régie d'exercer toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec le ministre. Cette loi modifie donc deux lois qui sont la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie puis la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Mine de rien, M. le Président, quand on regarde le projet de loi, c'est relativement court, trois articles. Ça vaut la peine de les lire. Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé.

Le Parlement du Québec décrète ce qui suit:

1. La Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux est modifiée par l'insertion, avant l'article 10, de l'article suivant:

«Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

L'article 2 concerne la Régie. L'article 2 de la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant:

«La Régie exerce également toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.»

Puis l'article 3, bien, c'est l'article, le dernier article d'un projet de loi qu'on retrouve dans tous nos projets de loi, c'est-à-dire que la loi entre en vigueur à telle date, tel jour, à telle heure, quand elle sera sanctionnée par le lieutenant-gouverneur.

Donc, dans le fond, deux articles dans le projet de loi, ça a l'air un peu insignifiant comme cela, mais ce projet de loi cache un danger extrêmement important pour l'ensemble des parlementaires qui s'intéressent à ce que fait le ministre de la Santé, M. le Président. Le ministre de la Santé cherche, par ce projet de loi, à déléguer à un organisme, on ne sait pas lequel, l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi, par la loi constitutive du ministère de la Santé.

Puis la loi constitutive du ministère de la Santé, qu'est-ce qu'elle dit? Bien, il faut faire un exercice de recherche, aller regarder ce que la loi du ministère de la Santé nous dit. La loi du ministère de la Santé nous dit ceci... Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ça, c'est la loi constitutive du ministère, là, M. le Président. On ne joue pas avec les mots. On n'essaie pas d'inventer des histoires pour faire peur aux corneilles. C'est la loi constitutive du ministère.

La première chose, évidemment, dans une loi constitutive d'un ministère, on donne ce que sont les pouvoirs et les devoirs d'un ministre. C'est bien beau d'avoir un ministère, mais, si, dans n'importe quel ministère, les ministres n'ont pas d'indiqué dans leur loi constitutive leur rôle, eh bien, évidemment ils ont un problème pour leur fonctionnement. Si le rôle du ministre n'est pas précisé dans la loi, le ministre va avoir un problème de fonctionnement. C'est ses sous-ministres qui auront l'ensemble de l'administration à s'occuper. Mais les sous-ministres ne sont imputables en commission parlementaire que maintenant, depuis quelques années. Et, encore une fois, ils n'y vont que quelques fois par année, contrairement au ministre, qui, lui, est imputable devant l'Assemblée nationale, donc devant les 124 autres membres de l'Assemblée nationale qui sont ses pairs. Or, c'est le principe de l'imputabilité que l'on retrouve à chacune des périodes de questions, en particulier, M. le Président.

Or, le projet de loi n° 176 vient créer une entorse très profonde au principe de l'imputabilité du ministre dans le futur, puisqu'il permettrait au ministre, par entente, de déléguer à un organisme, quel qu'il soit, l'exercice de ses fonctions qui lui sont attribuées par sa loi constitutive. En fait, le projet de loi n'est pas clair, n'est pas précis, vient nous dire que le ministre peut déléguer n'importe lequel de ses pouvoirs à n'importe qui. C'est compliqué parce que, un jour, quand on questionnera le ministre, tout ce qu'il aura à nous répondre, c'est: Bien, ce n'est pas moi qui s'occupe de ça. Remarquez que le ministre, il nous dit ça déjà. Donc, le ministre est quasiment en avance sur son projet de loi.

(12 h 30)

Si je me fie aujourd'hui à la période questions, lorsque ma collègue la députée de Bourassa s'interrogeait, suite à ce que l'on retrouvait dans un article, dans la livraison du Soleil de samedi dernier, si je ne m'abuse, qui traitait d'un cas extrêmement sérieux, si je me rappelle bien, à l'hôpital L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur de Québec qui cherche à mettre ensemble des clientèles qui sont extrêmement différentes, soit de jeunes enfants paralysés avec des adultes toxicomanes. La nouvelle prétendait que le ministère de la Santé et les gens de la Régie régionale cherchaient à mettre dans le même édifice ces clientèles qui sont tout à fait disparates et qu'il était absolument et tellement incongru d'y penser, que les médecins de l'hôpital Hôtel-Dieu de Québec se révoltaient à l'idée de voir des clientèles aussi disparates dans le même édifice, dans le même complexe.

Questionné sur ce sujet, le ministre de la Santé actuel s'est réfugié évidemment vers: Je ne sais pas, laissons les gens de la Régie, laissons les gens qui travaillent ensemble trouver la solution, à faire en sorte que cette promiscuité de clientèles aussi différentes puisse se réaliser. Mais le ministre n'a jamais fait ce dont on aurait dû s'attendre d'un ministre aujourd'hui, c'est-à-dire nous dire: Moi, comme ministre, j'ai le pouvoir – puis je vais vous énumérer les pouvoirs du ministre de la Santé actuellement dans sa loi constitutive – d'empêcher que des enfants paralysés soient presque, entre guillemets, condamnés à vivre avec des clientèles avec lesquelles ils n'ont aucune espèce de rapport, des gens qui sont des adultes toxicomanes, problème qu'on juge important de ce côté-ci, puis je présume que tout le monde juge important.

Mais tout le monde qui a un peu de bon sens peut comprendre qu'on ne peut pas mélanger des clientèles aussi disparates. Le ministre aurait dû nous dire: Moi, comme ministre de la Santé, je suis sensible à ce que vous nous dites, je suis sensible à ce que j'ai vu dans le journal, je suis sensible à ce que l'opposition nous a soulevé, puis, moi, comme ministre de la Santé, je m'engage à parler à la Régie, à parler aux gens de l'hôpital, à faire en sorte que cela ne se produise pas puis qu'on ne fasse une situation aussi déplorable, une situation qui n'a vraiment aucun sens.

Le ministre de la Santé, on aurait dû s'attendre à ça de lui aujourd'hui: Moi, je m'engage à appeler à la Régie pour faire en sorte qu'on ne mélange pas des clientèles aussi disparates, encore une fois, des enfants paralysés avec des adultes toxicomanes. Je résume, mais c'est exactement ça que ça voulait dire. Là, on a un projet de loi qui nous dit: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi...» Regardons ce que la loi lui attribue. L'article 1 de sa loi constitutive, la loi constitutive du ministère de la Santé, dit ceci: «Le ministre de la Santé et des Services sociaux, désigné dans la présente loi sous le nom de "ministre", est chargé de la direction et de l'administration du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il est également chargé de l'application des lois et des règlements relatifs à la santé et aux services sociaux.»

Jusque là, personne n'a rien à redire, le premier article de tout projet de loi constitutif d'un ministère. L'article 2, Fonctions du ministre: «Le ministre a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux. Le ministre doit voir à la mise en oeuvre de ces politiques, en surveiller l'application et en coordonner l'exécution.» Bien, l'exemple que je soulevais tout à l'heure en est un de coordination, d'exécution d'une politique de la santé. On doit savoir comment les clientèles vont vivre dans des établissements, et de faire du cumul de clientèles ou de mélanger des clientèles ensemble, il y a une responsabilité qui définitivement va finir par découler ou retomber un jour dans les mains du ministre. Il peut s'en occuper tout de suite ou il peut attendre que le mal soit fait puis tenter de corriger par la suite. Nous, on pense que le ministre doit être proactif et faire en sorte d'éviter que des drames humains se réalisent dans nos institutions, tant dans le domaine de la santé que dans le domaine des affaires sociales.

Les devoirs du ministre, M. le Président: «Le ministre doit plus particulièrement assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes.» Est-ce que c'est là l'intention du ministre que de déléguer cette responsabilité, celle d'assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes? Si c'est le cas, le ministre devrait le préciser dans sa loi, dire: Moi, c'est ça que je veux déléguer; désormais, je veux être le ministre de n'importe quoi, sauf le ministre qui va assurer... je veux être le ministre de la Santé, on m'appellera ministre de la Santé, mais je ne veux plus assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes. Ça serait clair, on saurait à quoi s'en tenir.

Mais là, dans ce projet de loi là, le projet de loi qu'on nous amène aujourd'hui, un peu insidieusement, on laisse entendre que le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il chargé de l'application. On ne sait pas ce qu'il va déléguer. Théoriquement, M. le Président, le ministre peut déléguer les 14 points qui sont ses devoirs et responsabilités dans son projet de loi constitutif. Le ministre pourrait être en train de nous faire le projet de loi pour abolir le ministre de la Santé.

«Le ministre doit plus particulièrement: b) prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique.» À qui le ministre veut-il déléguer cette responsabilité? Aux régies? À qui? Aux établissements? À qui? C'est assez important. Nous, comme opposition, les autres présument, et les autres membres de cette Assemblée sont intéressés de savoir que le ministre doit prendre des mesures requises pour assurer la protection de la santé publique. C'est assez important dans une société. Pourquoi le ministre veut-il déléguer cette responsabilité? Si ce n'est pas le cas, pourquoi le ministre n'indique-t-il pas dans sa loi n° 176 que, à l'exclusion du rôle et du devoir que le ministre a de prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique, il est prêt à déléguer d'autres responsabilités. Quelles sont les responsabilités que le ministre veut déléguer? Quelles sont-elles? On ne le saura jamais, ce n'est pas marqué dans sa loi. Silence! Silence de la part du ministre sur ce qu'il pourrait déléguer et à qui.

Troisième devoir du ministre, M. le Président: «voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population.» J'aurais peine à croire que ça n'intéresse pas un ministre de la Santé que de favoriser l'amélioration de l'état de la santé des individus et du niveau de santé de la population. Je ne ferai pas de procès d'intention au ministre, on me connaît pour savoir éviter ça, mais, une chose est certaine, son projet de loi tel que libellé peut permettre à n'importe qui, sans mal-fondé, de déterminer que dorénavant, s'il était adopté tel quel, ce projet de loi, il pourrait permettre au ministre de la Santé de déléguer de voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population. C'est assez inquiétant. Vous me permettrez de penser que c'est extrêmement inquiétant pour n'importe qui qui est assis dans cette Chambre.

Le ministre a aussi le devoir de «favoriser l'étude et la recherche scientifique dans le domaine de la santé et des services sociaux». Il y a déjà un programme d'investissements dans la recherche en santé et le ministre a le devoir de faire en sorte que la recherche puisse fonctionner dans chacun des centres universitaires en particulier. Dans ce cadre-ci, je voudrais bien savoir, moi, si le ministre a l'intention de déléguer cette responsabilité qu'il a. Parce que des centres universitaires en santé, moi, dans mon comté, j'en ai quatre, j'en ai plus que quatre, d'ailleurs, j'en ai sept: l'Hôtel-Dieu de Montréal et l'hôpital Saint-Luc qui forment maintenant le CHUM, j'ai l'hôpital Royal Victoria, L'Hôpital de Montréal pour enfants, l'Hôpital général de Montréal, tous des centres où il se fait de la recherche, de la recherche scientifique, de la recherche clinique et de la recherche médicale.

Dans les devoirs du ministre, lorsque celui-ci sait, j'imagine, qu'il doit favoriser l'étude et la recherche scientifique dans le domaine de la santé et des services sociaux, moi, je voudrais comprendre s'il a l'intention de déléguer ce pouvoir-là et à qui il a l'intention de le déléguer. Motus et bouche cousue dans son projet de loi d'aujourd'hui.

«Le ministre doit [...] participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des programmes d'assainissement du milieu physique dans lequel vit la population à laquelle ces programmes sont destinés.» Ce n'est pas rien, ça, M. le Président, l'amélioration de la qualité du milieu physique dans lequel les gens vivent. Le ministre a la responsabilité et le devoir de s'assurer de cette fonction. À qui veut-il déléguer cette responsabilité? À qui?

(12 h 40)

Le ministre a le devoir, selon sa loi constitutive, de «consulter les individus et les groupes sur l'établissement des politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux». Comment pourrait-il déléguer une responsabilité qui lui est, le ministre de la Santé, lui-même déléguée par le gouvernement? Le ministre de la Santé a fait son droit, il connaît les règles de droit élémentaires: delegatus non potest delegare, ce qui nous est délégué ne peut être redélégué à quelqu'un d'autre. Comment, pourquoi et à qui veut-il déléguer cette responsabilité, et comment pourrait-il le faire?

Le ministre de la Santé doit «promouvoir le développement et la mise en oeuvre de programmes et de services en fonction des besoins des individus, des familles et des autres groupes». Ça non plus, ce n'est pas rien. On le questionne là-dessus en Chambre. Outre le fait qu'on peut, à la rigueur, ne pas être satisfait des réponses du ministre, on voudrait bien savoir aujourd'hui à qui il a l'intention de déléguer cette responsabilité, pourquoi il veut le faire, comment il va le faire puis comment nous, les membres de cette Assemblée, pourrons rendre le ministre imputable de ce qu'il aura délégué. Ce sont des questions absolument fondamentales, M. le Président, auxquelles le ministre ne répond pas dans son très court projet de loi, mais qui n'est pas aussi innocent qu'il puisse le paraître – je parle du projet de loi.

Le ministre a aussi le devoir d'«établir des normes applicables en matière de services, d'équipement, de finance et de personnel dans l'utilisation des subventions accordées par le gouvernement dans le domaine de la santé et des services sociaux, et en surveiller l'utilisation». Ça, c'est le financement. Le ministre a un devoir, un rôle de s'organiser puis de s'assurer que des subventions soient accordées dans les hôpitaux, dans les centres d'accueil, dans les CLSC, partout. Est-ce là un des pouvoirs, un des devoirs que le ministre entend déléguer? À qui veut-il déléguer le pouvoir de donner un financement dans chacune des institutions à travers le Québec? Pourquoi il veut faire ça?

Ce qui est un peu choquant, c'est qu'on peut avoir l'impression que le projet de loi peut cacher quelque chose. On n'imputera pas de motifs ou d'intentions déraisonnables. M. le Président, vous me connaissez, vous savez que ce serait une imputation que je ne saurais faire, mais une chose est certaine, le projet de loi est tellement vague qu'il peut appeler à n'importe quelle espèce de critique sur le fond, comme sur la forme évidemment. Mais je ne m'en tiendrai pas à la forme, je ne vais m'en tenir qu'au fond.

M. le Président, quelques autres des devoirs – il en reste trois – au ministre de la Santé: le ministre de la Santé doit «assurer l'organisation et le maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux, lui-même ou par un tiers». Assurer l'organisation et le maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux. Je veux bien croire que le ministre en a fermé déjà plusieurs, des établissements de santé, particulièrement des hôpitaux dans la région de Montréal, mais, si ce n'est plus le ministre qui les ferme, à qui veut-il déléguer le pouvoir d'ouvrir ou de fermer des hôpitaux?

Il y a moins d'un an et demi, le ministre est arrivé ici puis il a dit: Moi, je veux changer les choses ici, au Québec; je n'ai pas le pouvoir de fermer des hôpitaux, je veux que l'Assemblée nationale me donne ces pouvoirs. L'Assemblée nationale, sans le concours de l'opposition, je peux vous le dire, a finalement donné le pouvoir au ministre de fermer des hôpitaux. Il a fermé des hôpitaux. Puis, aujourd'hui, qu'est-ce qu'il veut faire? Il veut donner le pouvoir à d'autres de fermer des hôpitaux, des CLSC, des centres d'accueil, d'autres établissements de son réseau. Pourquoi il veut faire ça? Pour qui il veut faire ça? Est-ce un pouvoir qu'il tient à déléguer?

Le ministre «doit obtenir des ministères du gouvernement et de tout organisme public ou privé les renseignements disponibles aux fins de la mise en oeuvre de la politique du ministère». Ça, c'est assez normal, mais à qui pourrait-il déléguer ça, M. le Président? C'est un des éléments d'un devoir d'un ministre de n'importe fonction ministérielle, dans n'importe quel cabinet, dans n'importe quel ministère. C'est un des éléments constitutifs d'un devoir d'un ministre dans n'importe quoi, dans n'importe quel ministère. Que vous soyez ministre de la Santé, de l'Éducation, ministre des Richesses naturelles ou de n'importe quoi, c'est un des éléments que vous retrouvez dans toutes les lois constitutives, toutes les lois constitutives. Pourquoi le ministre cherche-t-il à vouloir déléguer cette fonction? À qui puis comment?

M. le Président, simple conclusion. La lecture du projet de loi n° 176 qui nous est déposé aujourd'hui, lorsqu'on l'applique et lorsqu'on le regarde sous l'angle de la loi constitutive du ministère, nous amène à tirer la conclusion que le ministre est en train de vouloir abolir non pas le ministère de la Santé, mais le poste de ministre de la Santé. Peut-être ne veut-il plus être imputable devant cette Assemblée. Et cela est, pour nous, absolument condamnable et non défendable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député Westmount–Saint-Louis. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Tout comme mes collègues, je voudrais intervenir sur le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

M. le Président, j'étais ici, en cette Chambre, mardi soir dernier, lorsque mon collègue de Brome-Missisquoi a fait une motion pour reporter de trois mois l'adoption du projet de loi et je n'ai pas compris pourquoi le ministre n'a pas attrapé cette perche pour retarder son projet de loi, justement, afin de le formuler autrement ou de le formuler dans le sens des informations qu'on a eues en Chambre depuis qu'on a commencé à discuter de ce projet de loi.

Mardi dernier, j'entendais, entre autres, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui nous a parlé de feu son père, Paul Boulerice. J'ai entendu aussi le député de Joliette qui nous parlait également de ses parents et qui nous disait: Quel mal y a-t-il à ce qu'on puisse laisser à des personnes en centre d'hébergement des sommes d'argent dont on peut se servir pour acheter des effets pour ces personnes-là, des effets personnels. Moi, M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec ça, tout à fait d'accord avec ça aussi, sauf que, en lisant le projet de loi, je voudrais qu'on m'indique où il est mentionné dans le projet de loi qu'on peut laisser des sommes ainsi aux personnes qui sont hébergées. Il n'y a absolument rien dans le projet de loi qui l'indique, M. le Président, et c'est ça qui m'inquiète.

Et je vais vous lire les notes explicatives, c'est-à-dire, même, je pense que je vais passer directement à l'article 1, qui est le 9.2 qui modifie. Ce qu'on dit dans le projet de loi, on dit:

«Le ministre peut – il n'est pas obligé, il peut – par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

Le premier article, c'était tout simplement pour modifier l'insertion, avant l'article 10, où on disait: Bon, cet article-là, on veut qu'il soit juste avant l'article 10 de la présente loi.

Et l'article 2, c'est tout simplement pour mentionner que l'article 2 de la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec est modifié par l'addition, à la fin, de l'alinéa suivant:

«La Régie exerce également toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.»

Et le dernier article, c'est pour la mise en vigueur de la présente loi.

Donc, M. le Président, dans ce projet de loi, rien ne m'indique que c'est pour permettre à des personnes hébergées de conserver certaines sommes afin de les utiliser pour des services personnels. Absolument rien. On n'est pas capable de me l'indiquer. Et en plus, quand je compare cet article avec l'article 10 de la loi actuelle, on voit que: «Le ministre peut, conformément à la loi, conclure des ententes avec tout gouvernement, l'un de ses ministères, une organisation internationale ou un organisme de ce gouvernement ou de cette organisation pour: l'application de la loi ou de toute autre loi relevant de compétences du ministre; permettre sur une base de réciprocité à toute personne qui ne réside pas au Québec, y séjourne, de bénéficier, aux conditions qui y sont fixées, de la totalité ou partie [...] des services...», et j'en passe, M. le Président.

On voit que cet article qui existe déjà dans le projet de loi peut... le ministre peut conclure des ententes. Mais tout à fait différent avec le projet de loi actuel qu'on nous apporte, «le ministre peut, par entente, déléguer...», ce qui est très différent. Dans un premier temps, il pouvait le faire, c'est-à-dire qu'il pouvait conclure des ententes, mais maintenant ce n'est pas une question de conclure juste entre lui et un organisme, c'est conclure des ententes pour déléguer ses fonctions. Ça, c'est très différent, M. le Président, et il n'y a absolument rien qui m'indique ici que c'est dans ce but très précis dont nous parlaient le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et le député de Joliette.

(12 h 50)

En plus, M. le Président, le ministre de la Santé nous disait: Oui, mais il y a des balises, ce sera balisé, il y a des balises. Mais il n'y a absolument rien dans le projet de loi qui m'indique qu'il y a des balises. Il n'y a absolument rien. Je relis l'entente: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.» Je ne retrouve dans le projet de loi absolument aucune balise. Est-ce qu'on nous présentera une réglementation par la suite? Je n'en ai aucune idée, M. le Président, le ministre ne nous l'a pas dit. Mais il n'y a absolument aucune balise dans ce projet de loi.

Et le ministre ne m'a pas convaincue de l'importance de ce projet de loi, sauf bien sûr vouloir transporter ses responsabilités à d'autres, transmettre ses responsabilités à d'autres, ses devoirs qu'il doit normalement exercer lui-même. Et, M. le Président, on nous donne ce cas précis de personnes hébergées, mais il y en a combien d'autres? Dans combien d'autres cas, à ce moment-là, le ministre pourrait transférer ses responsabilités, ses pouvoirs, que ce soit à un organisme ou à d'autres?

M. le Président, est-ce que le ministre veut transférer ses pouvoirs, veut transférer ses responsabilités parce qu'il ne peut pas prendre actuellement ses responsabilités, ou il ne veut pas actuellement porter l'odieux de certaines responsabilités? Pourquoi, par exemple, n'a-t-il pas jusqu'à maintenant accepté les plans d'accès aux soins de santé qui ont été soumis au ministre depuis le début de l'année? Et ces plans qui ne sont pas encore acceptés, des plans qui ont été faits par les régies régionales, par le milieu, en concertation avec le milieu, les centres hospitaliers, pourquoi ces plans-là ne sont pas encore acceptés par le ministre? Pourquoi le ministre transfère ses responsabilités, si on n'était pas porté à croire, à se demander: Est-ce que c'est parce que l'affichage dans les hôpitaux, entre autres, le fatigue?

On sait, par exemple, et pour l'avoir vécu en centre hospitalier dans la région de Sherbrooke, M. le Président, que ce n'est pas les anglophones qui ont décidé de l'affichage, que c'est la régie régionale, avec les gens du milieu, qui s'est dit, après la fermeture du Sherbrooke Hospital, après avoir transféré tous les services aux anglophones au niveau du centre hospitalier: Je pense qu'il est tout à fait normal et raisonnable que l'on puisse avoir des pancartes qui sont en mesure d'afficher, par exemple, l'urgence, les prises de sang, et ainsi de suite, et je pense que c'est tout à fait normal. Mais, naturellement, un bon fanatique, une bonne journée, est entré dans l'hôpital, a décidé de porter plainte, et le ministre, sur ça, bien sûr, a délégué ses responsabilités à l'Office de la langue française pour étudier, entre autres, les plans d'accès non pas au niveau de la santé, mais au point de vue linguistique. Je trouve ça dommage.

Par contre, je me dis que le ministre aurait dû céder. Si ce projet de loi là avait été adopté avant et que c'était dans le but de permettre au ministre de céder ses responsabilités en gestion des départs assistés, j'aurais voté pour. Là, le ministre a failli à sa tâche. Il a failli à sa tâche parce qu'il n'a pas voulu donner la gestion des départs assistés, des personnes à qui on offrait des primes pour quitter le milieu hospitalier, il n'a pas laissé le milieu, les hôpitaux gérer ces départs. Bien sûr que le ministre, à ce moment-là, a donné une date limite à l'ensemble des gens qui voulaient quitter la fonction publique, entre autres dans le milieu hospitalier, une date butoir, et sans même se soucier si on avait besoin de ces personnes dans des secteurs très importants. Alors, le savoir ne s'est pas transmis, l'expertise ne s'est pas transmise, vous avez des personnes qui étaient très expérimentées et qui ont quitté, alors que bien souvent on ne les a même pas remplacées.

J'ai eu, M. le Président, en fin de semaine, à subir justement un de ces effets dans ma propre famille alors qu'un petit bébé prématuré est venu au monde et qu'il a passé presque quatre mois à l'hôpital Sainte-Justine. On a décidé de le transférer dans un hôpital régional par la suite. Je vais taire le nom de l'hôpital pour ne pas faire tort, justement, à l'hôpital. Et, lorsque le petit bébé est arrivé, on était tous très heureux parce que enfin il y avait une bonne infirmière qui avait 25 ans d'expérience, une bonne maman qui prenait soin du petit bébé, puis que le petit bébé était presque seul dans la pouponnière. On était très heureux. Les parents se réjouissaient des traitements que le petit bébé avait.

Mais arrive la fin de semaine, M. le Président, et cette bonne infirmière qui a 25 ans d'expérience, elle n'est plus là. On est obligé de la remplacer par du personnel inexpérimenté. Alors, c'est une jeune infirmière, qui est sûrement bien intentionnée, qui arrive, mais qui n'a pas l'expertise, qui n'a pas l'expérience. Les parents arrivent et le lait de la mère est encore congelé, on demande: Est-ce que le petit bébé a été nourri à 15 heures? On ne le sait pas, on vient d'arriver et il n'y a rien d'indiqué sur la fiche. Mais ce n'est pas grave. Après ça, M. le Président, le bébé ne peut pas manger au biberon, on le gave avec un tube, le bébé s'étouffe. Alors, vous imaginez dans quelle inquiétude les parents se retrouvent. C'est leur bébé. Je comprends que ce n'est peut-être pas grave pour les soins médicaux comme tels, mais, quand c'est un petit bébé fragile qui s'étouffe parce qu'on ne sait pas comment le gaver, qu'on ne sait même pas s'il avait bu son boire de 15 heures, vous imaginez quelle est l'inquiétude des parents.

Donc, tout ça parce que la gestion des gens à qui on a donné des primes de départ n'a pas été bien faite. On n'a pas permis aux institutions de la faire, cette gestion qui aurait été quand même une amélioration, mais on ne l'a pas fait, M. le Président. Je dois vous dire que c'est dommage parce que, si c'est pour transférer ses responsabilités sans imputabilité, je trouve ça tout à fait désolant, parce qu'on sait très bien qu'on n'avait pas besoin, dans notre système de santé, de chambouler et de chambarder tout. Tout s'est fait trop vite. Ce n'est pas vrai que ça a été pensé dans ses moindres détails.

Encore ce matin, M. le Président, il y avait, dans La Tribune de Sherbrooke, une lettre du président de la Coalition estrienne d'associations de personnes retraitées qui disait, et je cite: «La population ne le comprend pas et les administrations nous lancent des messages contradictoires. C'est ainsi que le ministre Rochon, lors de sa tournée provinciale de l'automne, a dit à la fois que tout allait bien, que ce n'était qu'une question de temps, pour ensuite présenter des excuses aux personnes attendant dans des salles d'urgence débordées et même avouer implicitement l'existence de problèmes, mais en les mettant sur le dos des autres.» «Il faut que chacun fasse son job et le fasse mieux. Si une urgence a des problèmes, c'est aussi parce qu'il y a des dirigeants qui ne font pas leur job.» Ça, c'était le ministre qui parlait, M. le Président.

Je reviens à la question que pose la Coalition estrienne d'associations de personnes retraitées: «M. le ministre, se pourrait-il que ces dirigeants doivent exécuter des coupures venant d'en haut et gérer des situations aussi imposées par en haut? Et c'est à l'échelle de la province que les médecins se sentent bousculés, les infirmières et infirmiers sont rendus au bout du rouleau, et c'est à l'échelle de la province que les listes d'attente s'allongent régulièrement, que la privatisation des services augmente, que les CLSC manquent de ressources. Et, pour chacun de ces éléments qu'on mentionne, on a des réponses bien ficelées pour tenter de renverser la vapeur.

Se pourrait-il que nous ayons un ministre de la Santé qui a de bonnes idées mais qui soit dur d'oreille et peu apte à l'écoute? Et on se surprendra que la population ait perdu confiance! M. le Président, on est obligé d'envoyer des tonnes de documents, dans nos bureaux, pour essayer de rassurer la population, en termes de publicité, des boîtes complètes, une boîte complète de documents qui m'est arrivée à mon bureau, pour pouvoir remettre à la population pour les rassurer sur le système de santé.

On est obligé de faire de la publicité à la télévision pour rassurer la population parce qu'on n'a pas fait notre travail, on a tout chambardé, on a tout bousculé, et la santé n'a pas été une priorité pour la population. Je trouve ça dommage, parce qu'encore lorsque... Vous me dites qu'il me reste une minute, M. le Président, j'aurais pu parler encore une demi-heure.

Mais c'est la raison pour laquelle je me dis, on ne peut pas, M. le Président, accepter un projet... Et je ne comprends pas pourquoi le ministre ne l'a pas reporté, étant donné que dans ce projet de loi il n'y a absolument rien qui nous indique les motifs pour lesquels le ministre veut déléguer ses responsabilités. Et je reviens encore, que c'est une chose que de signer des ententes pour faire faire des choses, mais c'est une autre chose que de signer des ententes pour déléguer ses pouvoirs tel que le fait le ministre dans son projet de loi actuel. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Vous savez qu'il vous reste encore six minutes à votre temps, si jamais vous voulez les reprendre.

Alors, nous allons à ce moment-ci suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous reprenons nos travaux aux affaires du jour, et je vais céder la parole à M. le leader du gouvernement. M. le leader.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Avant de continuer à procéder là où nous étions rendus à 13 heures cet après-midi, suite à une discussion que j'ai eue avec le représentant du Parti libéral concernant les élections, je serais prêt à revenir, avec son consentement, aux motions sans préavis pour présenter une motion qui serait la suivante.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement. Alors, vous pouvez procéder.


Motions sans préavis


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 185

M. Jolivet: Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 185, Loi sur l'élection des premiers commissaires des commissions scolaires nouvelles et modifiant diverses dispositions législatives, le lundi 15 décembre 1997 et, à cette fin, entende les organismes suivants: de 15 heures à 16 heures, la Fédération des commissions scolaires; de 16 heures à 17 heures, l'Association des commissions scolaires; de 17 heures à 18 heures, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires catholiques;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre délégué à la réforme électorale et parlementaire soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.» En conséquence, moi-même, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Sirros: Adopté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement, pour la suite.

M. Jolivet: La suite. Donc, on continue où on était rendu ce matin, M. le Président.


Projet de loi n° 176


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Nous allons céder la parole maintenant à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 176, intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, quand on le regarde, on dirait qu'il n'y a rien là. Il s'agit d'un projet de loi avec trois articles. Mais, quand on lit les articles, on constate que ça peut amener à des changements énormes dans notre façon de fonctionner, dans la façon dont le réseau de la santé est géré. Et, comme nous sommes au Parlement, il serait bon de rappeler à ceux qui nous écoutent le pourquoi, finalement, d'un Parlement où il y a une opposition puis un gouvernement, où on a chaque jour l'occasion d'essayer, tout au moins, de questionner le gouvernement sur sa gestion des choses qui relèvent de sa compétence et de son autorité.

Puis on constate, depuis l'arrivée de ce gouvernement, que, du premier ministre au ministre du Revenu, comme on l'a vu ce matin, c'est presque impossible d'avoir des réponses, même claires, disons, sans qu'on nous réfère, dans le cas du premier ministre, par exemple, au fait que lui n'est qu'un simple messager, quand il s'agit de la question de l'information, et qu'il ne peut pas dire exactement de quoi il s'agit quand un dossier, tel qu'on avait ici, l'enquête sur la violation des informations privilégiées... Ou la ministre du Revenu ne fait que lire les notes qu'elle a, même quand ça n'a aucun rapport par rapport à la question. Mais, au moins, on est en mesure de poser des questions sur des choses qui relèvent de leur compétence.

Ici, nous avons le cas du ministre de la Santé, M. le Président, qui est responsable d'une des missions les plus importantes de l'État, la santé, plus importante au niveau de la correspondance que fait ce réseau vis-à-vis des besoins humains. C'est reflété par le fait que c'est le ministère qui a le plus grand budget par rapport à l'ensemble des dépenses de l'État, un ministère qui a une loi qui est assez imposante, merci, avec un listing de fonctions du ministre assez important.

Pour qu'on comprenne un peu l'ampleur de ce qui relève du ministère, M. le Président, faisons juste la lecture de l'article, dans la loi de la santé et des services sociaux, qui établit, qui campe ses fonctions avant de parler plus spécifiquement des fonctions particulières: «Le ministre – on dit – a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux. Le ministre doit voir à la mise en oeuvre de ces politiques, en surveiller l'application et en coordonner l'exécution.» Ça, c'est la loi actuelle qui donne les fonctions de mise en oeuvre des politiques, de surveillance de leur application et de coordination de leur exécution au ministre.

(15 h 10)

Le projet de loi qui nous est présenté – puis on n'a pas trop bien saisi pourquoi exactement c'est présenté, M. le Président... C'est de là que coulent nos inquiétudes face à ce projet de loi et ce qui nous amène à questionner longuement le gouvernement sur l'à-propos de l'adoption de ce projet de loi. Mon collègue responsable de la santé pour l'opposition officielle aura l'occasion, j'imagine, quelque part la semaine prochaine, d'aller en étude plus approfondie article par article avec le ministre pour essayer de comprendre le pourquoi de ce projet de loi.

Ce qui devrait m'amener, M. le Président, à expliquer l'essentiel de ce qui est proposé, en lien avec ce que je lisais tantôt sur les fonctions du ministère. Ce qui nous est proposé, c'est de faire un amendement à la loi, qui permettra au ministre – et je cite la proposition de loi que nous avons devant nous – de, «par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application».

Autrement dit, si on adopte cette loi telle qu'elle est, sans aucune balise, sans aucune identification du quand, comment l'entente sera faite, etc., le ministre pourra, par simple délégation qu'il décidera lui-même avec un organisme quelconque, qui pourrait être un organisme public, qui pourrait être un organisme privé, qui pourrait être un organisme semi-privé, qui pourrait être finalement, tel que la loi est libellée, n'importe quel organisme que le ministre, lui, choisira, il pourra déléguer une partie, une ou l'ensemble des fonctions que la loi lui attribue.

Comme la loi lui attribue la fonction la plus importante que nous avons dans la société, c'est-à-dire de veiller à la mise en oeuvre des politiques sur la santé, leur application et coordonner leur exécution... La loi que nous avons actuellement est aussi plus spécifique, M. le Président. Pour tenir compte et pour bien comprendre l'étendue de ce que le ministre pourra déléguer si on adopte la loi telle qu'elle nous est proposée, il faut aller un peu plus en détail et examiner l'autre article par la suite, l'article 3 de la loi sur la santé et des services sociaux, qui énumère plus particulièrement les fonctions que le ministre a.

On pourrait peut-être essayer de comprendre ce que, au juste, il cherche, le ministre. Parce que, quand on a écouté ou on a lu son intervention pour expliquer le pourquoi de la présentation de la loi n° 176, moi, je vous avoue, je n'ai pas tout à fait compris le pourquoi. Il semblait vouloir dire qu'il y avait un problème particulier qu'il voulait régler au niveau de l'hébergement des personnes âgées et de la gestion des programmes qui les touchent pour que les personnes âgées puissent, à la fin de cette opération... qu'on puisse s'assurer, comme la loi, en tout cas l'esprit de la loi le veut, qu'il leur reste en poche un certain montant pour subvenir à leurs besoins essentiels après que les établissements dans lesquels ils sont hébergés ont pris les prestations que les personnes âgées reçoivent, que ce soit la sécurité de la vieillesse ou les pensions, M. le Président.

Mais nulle part dans la loi on ne trouve aucune référence qui nous permet de comprendre que c'est vraiment un pouvoir de délégation balisé que le ministre cherche pour régler un problème ou des problèmes particuliers. Ce qu'on a dans ce qui nous est proposé, c'est un article qui permettra donc au ministre de prendre une ou des fonctions ou toutes les fonctions qui lui sont attribuées par la loi sur la santé et les services sociaux et de les déléguer à un organisme quelconque qu'il choisira. Alors, ça vaut la peine de regarder d'un peu plus près les fonctions que la loi actuelle attribue au ministre, M. le Président, pour qu'on se demande si c'est telle ou telle fonction que le ministre pourrait être intéressé à déléguer.

Est-ce que, par exemple, quand on lit que «le ministre doit plus particulièrement assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes», c'est ces fonctions-là que le ministre cherche à abdiquer ou à déléguer, pour prendre le mot que le projet de loi n° 176 lui-même utilise? Et ce serait finalement quel organisme qui pourrait, à la place du ministre, assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes? Et qui, nous de l'opposition, ici, en cette Chambre, on pourra questionner par rapport à la fonction du ministre pour avoir des réponses si, oui ou non, ça fonctionne comme ça devrait fonctionner? Sans que le ministre puisse nous dire: Je prends avis de la question parce que ça a été délégué, cette affaire-là, à quelqu'un et je vais m'enquérir et je vous reviendrai, en disant finalement: Vous voyez, ce n'est pas vraiment moi, s'il y a un problème, c'est l'organisme à qui je l'avais délégué et je vais vérifier.

Ce n'est pas comme ça que le système parlementaire a été conçu, M. le Président. C'est conçu à partir de la responsabilité ministérielle, et ça ne suffira pas, que le ministre nous dise que de toute façon, même s'il délègue, il reste responsable, parce qu'on sait qu'il y a la responsabilité directe ou la responsabilité indirecte. Et là on est ici dans la situation où le ministre a une responsabilité directe, immédiate par rapport aux fonctions qui lui sont énumérées, et il se propose de créer une responsabilité indirecte de pouvoir toujours se mettre un peu à l'écart de la gestion des choses et finalement de gérer son ministère par sous-traitance, en quelque sorte. Ça pourrait aller jusque-là, il pourrait sous-traiter la protection sociale, dans le cas d'une des premières fonctions qui lui sont attribuées dans la loi actuelle.

La deuxième fonction qui lui est attribuée, c'est de «prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique». Et il doit être redevable ici, directement, pour l'exercice de cette fonction, non pas venir nous dire: J'ai délégué cette responsabilité-là, de veiller à la protection publique, à un organisme quelconque, avec une entente que j'ai conclue avec eux-autres. Ou est-ce que, M. le Président, ce qu'il voudrait déléguer, c'est sa fonction de «favoriser l'étude et la recherche scientifique dans le domaine de la santé et des services sociaux» ou encore sa fonction de «participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des programmes d'assainissement du milieu physique dans lequel vit la population à laquelle ces programmes sont destinés»? Ça, c'est le pouvoir ou le devoir qui est décrit dans la loi sur la santé et les services sociaux.

Au point f, on lit qu'il doit «promouvoir la participation des individus et des groupes à la détermination des moyens de satisfaire leurs besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux». Ou encore, plus particulièrement, il doit «consulter les individus et les groupes sur l'établissement des politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux». Est-ce qu'il va déléguer la consultation qu'il doit faire? Le projet de loi actuel le permettrait. Il pourrait dire: Dorénavant, ce n'est pas moi, ce n'est pas le ministère qui va consulter les gens, ça va être l'organisme Untel qui va consulter les individus et les groupes sur l'établissement des politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux. Ils vont me faire rapport. Je vais analyser le rapport et je vais, par la suite, mettre en oeuvre des politiques que je pourrai décider. On ne sait pas, M. le Président, et il ne faut surtout pas décider des pouvoirs que le ministre a en fonction des personnes qui sont là présentement, mais surtout en fonction de la fonction, si je peux m'exprimer ainsi.

(15 h 20)

Ou encore le ministre actuellement doit – c'est dans ses devoirs qui découlent de ses fonctions – «promouvoir le développement et la mise en oeuvre de programmes et de services en fonction des besoins des individus, des familles et des autres groupes»; ou encore «établir des normes applicables en matière de services, d'équipement, de finance et de personnel dans l'utilisation des subventions accordées par le gouvernement dans le domaine de la santé et des services sociaux, et en surveiller l'utilisation»; ou encore «assurer l'organisation et le maintient des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux, lui même ou par un tiers». «Assurer l'organisation et le maintient des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux, lui même ou par un tiers.» Là, il avait déjà un certain pouvoir de délégation, c'était rattaché spécifiquement à l'organisation et au maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux. Il pouvait désigner un tiers pour assurer cette organisation.

Mais, M. le Président, ici, nous avons une possibilité, par le projet de loi n° 176, que ce... La possibilité qu'avait le ministre de déléguer à un tiers l'exercice de cette fonction, de ce devoir particulier, il est maintenant possible de l'étendre à l'ensemble des fonctions du ministre, et c'est ce qui est inquiétant.

Ou est-ce que c'est quelqu'un d'autre avec lequel le ministre va conclure une entente? Et – comme je le disais – ça pourrait être, tel que libellé, un organisme public, semi-public, un organisme privé. Pourquoi pas? Ce n'est pas indiqué que ça serait nécessairement un organisme public.

Ça serait donc possible pour le ministre de sous-traiter sa fonction de «déterminer les possibilités d'adoption des enfants domiciliés hors du Québec en tenant compte des objectifs définis par le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles – d'ailleurs, je pense qu'il faudrait qu'il change le nom de ce ministère – en vertu de la Loi sur ministère des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles et de la Loi sur l'immigration au Québec». Est-ce que c'est l'adoption internationale que le ministre voudrait pouvoir déléguer par entente à un organisme? Et, si oui, quel organisme? Pour quelle raison? Ça «serait-u»... Quelles seraient les balises qu'on aurait, M. le Président, pour s'assurer que l'organisme qui serait ainsi choisi par le ministre serait un organisme acceptable dans le cas précis, par exemple, de la situation des enfants concernés par l'adoption internationale?

Et, vous voyez, si je peux juste terminer la lecture de ces devoirs qui sont attribués à un ministre par la loi sur la santé et les services sociaux, il reste un autre pouvoir spécifique ou particulier plutôt, sans que ça soit nécessairement exhaustif – parce que c'est «plus particulièrement» et pas «uniquement»: «obtenir des ministères du gouvernement et de tout organisme public ou privé les renseignements disponibles aux fins de la mise en oeuvre de la politique du ministère». Est-ce que c'est ça qu'on va déléguer à quelqu'un d'autre? Ça pourrait. On pourrait, tel que la loi n° 176 est libellée actuellement, voir un ministre – ce ministre ou un autre – décider que, lui, il va déléguer à un organisme privé l'obtention de la part des ministères du gouvernement ou de tout organisme public ou privé des renseignements disponibles aux fins de la mise en oeuvre de la politique du ministère.

Vous allez me dire: Non, non, non, il n'ira pas jusque-là, quand même, il faut être raisonnable, il faut quand même accepter une certaine bonne volonté, il faudrait quand même accepter un certain sens commun. Le projet de loi, tel que présenté, ne vise sûrement pas à permettre, à l'extrême, à un organisme privé d'avoir la délégation de pouvoirs que le ministre pourrait lui donner pour aller cueillir des informations auprès des organismes publics sur l'application des politiques du ministère lui-même. Vous allez me dire: Ça n'a pas de sens.

Oui, mais, si je prends le projet de loi tel que ça nous est présenté, c'est exactement ça qui pourrait arriver. Peut-être que ce ministre conclurait que ce n'est pas comme ça qu'il devrait fonctionner, parce qu'il se ferait quand même questionner en Chambre par l'opposition puis il serait obligé d'admettre, effectivement, qu'il est allé un peu beaucoup trop loin dans la délégation ou la décentralisation de ses fonctions et de ses pouvoirs. Mais, comme on est constamment, chaque jour, confrontés à des réponses de la part du gouvernement actuel qui ne tiennent absolument pas compte des questions qui sont posées et qu'ils répondent, finalement, n'importe quoi quand on leur pose des questions...

J'avais le ministre des Finances ce matin, M. le Président. Je lui posais des questions puis je lui disais: Mais dites-moi à quel moment le premier ministre disait vrai. Est-ce que c'était quand il disait noir ou quand il disait blanc? Est-ce que c'était quand il disait: Non, il n'y aura pas de moratoire sur l'embouteillage de l'eau, ou est-ce que c'est quand, quelque temps plus tard, il a dit: Oui, il va y avoir un moratoire sur l'embouteillage de l'eau? Le ministre des Finances se lève puis me dit: Ah oui! Mais, quand il a dit qu'il n'y aura pas de moratoire, il ne parlait pas de l'embouteillage, il parlait de toutes les autres utilisations.

Mais non, ce n'est pas vrai, M. le Président. Il parlait de l'embouteillage, et il avait dit: Non, il n'y aura pas de moratoire concernant les embouteilleurs. Mais ça n'a pas empêché le ministre des Finances de se lever puis de me dire que le premier ministre avait dit que ce n'était pas par rapport aux embouteilleurs d'eau. C'était carrément pas tout à fait concordant avec ce que le premier ministre avait dit. Son problème, au ministre des Finances, c'est que le premier ministre avait dit le contraire quelque temps plus tard. Il ne savait pas trop comment le défendre.

Ça, c'est un exemple des réponses qu'on peut avoir à des questions très pertinentes, très correctes. Alors, qu'est-ce qui nous empêcherait... Même si on avait la possibilité de questionner le ministre ici, M. le Président, sur des décisions de délégation par entente qu'il aurait conclue avec un organisme, tel que la loi n° 176 lui donnerait l'opportunité de faire, qu'est-ce qui l'empêcherait de nous répondre à peu près n'importe quoi, même quand on poserait des questions qui, à leur face même, feraient ressortir le fait que ça n'a pas de sens de fonctionner de cette façon.

On me dit... Et j'ai devant moi la présentation du ministre quand il a introduit ce projet de loi. C'est très, très court. J'avais commencé à le lire une deuxième fois, M. le Président, parce que je n'avais pas saisi tout de suite, en le parcourant la première fois, c'était quoi au juste qu'il visait à faire par ce projet de loi. Si c'est, comme je crois comprendre à travers une lecture de sa présentation, que ça a quelque chose à faire avec la prestation qui est versée à la personne, de sorte que toute personne hébergée contribuant selon ses moyens au gîte et au couvert pour l'hébergement conserve une allocation de départ de ses avoirs ou qu'elle le reçoit sous forme de prestations... Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vingt secondes.

M. Sirros: À peu près 20 secondes. Mon Dieu! Mais je suis certain que mon collègue qui va suivre va pouvoir prendre la relève et essayer de vous expliquer que, lui non plus, il n'a pas compris exactement quoi le ministre voulait atteindre. Mais je conclus, M. le Président, en vous disant: Dans sa forme actuelle, le projet de loi va nettement trop largement augmenter le pouvoir qu'aura le ministre d'abdiquer ses responsabilités par une délégation de ses responsabilités directes, et c'est pour ces raisons-là que nous questionnons le ministre pour mieux comprendre ses intentions. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci. M. le Président, le projet de loi n° 176, comme le mentionnait si bien mon collègue député de Laurier, est un projet de loi de deux articles qui, de prime abord, ont l'air assez sibyllins et pourraient se prêter à une adoption rapide, si ce n'était de l'attention et des réserves que l'opposition peut voir dans ces articles. Car, en effet, normalement, les gens auraient un peu de difficultés à comprendre, les gens qui nous regardent, les téléspectateurs, ainsi que nos collègues d'en face, d'ailleurs, pourquoi un projet de loi avec deux articles prend autant de temps, pourquoi on parle, les députés, les uns après les autres, depuis plusieurs jours, jusqu'à des fois minuit.

M. le Président, il y a plusieurs raisons à cela. La première, c'est que c'est une loi qui va modifier un projet de loi fondamental qui est celui de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. Si on sait, au Québec, qu'il y a une loi importante, c'est bien celle-là, car c'est elle qui définit les pouvoirs ainsi que les obligations que le ministre de la Santé a envers les citoyens. On se rappellera aussi que ce ministère dépense, bon an, mal an, à peu près ou un peu plus de 30 % d'un tiers de toutes les dépenses gouvernementales, donc de tous les impôts perçus auprès des Québécois et des Québécoises.

Il a aussi la charge d'assurer la santé, je dirais, la sécurité de nos concitoyens. Alors, vous comprendrez l'importance qu'un projet de loi qui va le modifier peut avoir pour nous, surtout que l'on rencontre actuellement au Québec et dans le réseau de la santé des bouleversements majeurs. Il y a en effet quelques années, le ministre de la Santé a entrepris ce qu'il appelle un virage ambulatoire, non sans dérapage, d'ailleurs, M. le Président. Cela a pour but et pour effet de bouleverser complètement les habitudes des Québécois et des Québécoises en ce qui a trait aux services de santé, à leur hospitalisation, aux consultations en clinique, au temps qu'ils passent dans les hôpitaux, aux prix qui peuvent être chargés dans différents secteurs pour des activités connexes mais reliées quand même à l'hospitalisation.

(15 h 30)

Donc, c'est très important pour nous, et on ne peut pas laisser un projet de loi comme celui-là être adopté sans essayer de percevoir pourquoi le ministre passe ce projet de loi là. Pourquoi, en deux articles, il décide de modifier la Loi sur la santé et les services sociaux et peut, par entente, déléguer ses prérogatives, déléguer les fonctions qui lui sont attribuées comme gardien, comme grand responsable devant le peuple, comme élu devant le peuple, de la santé et du système qui garantit la santé des Québécois: des jeunes, des personnes âgées, des centres d'accueil. Enfin, ça touche à peu près toute l'activité au Québec, M. le Président.

Moi-même, dans ma circonscription, nous avons actuellement un certain nombre de difficultés. On sait qu'elles ne sont pas toujours dues, bien sûr, au fait que le ministre veut déléguer ses pouvoirs. Il n'en reste pas moins que, dans le bout de l'île de Montréal, dans l'est de Montréal, dans la circonscription de LaFontaine, dont je suis le député à l'Assemblée nationale depuis maintenant 12 ans, et dans celle de Pointe-aux-Trembles, dont la députée est membre du gouvernement depuis une année maintenant, M. le Président, nous avons une situation particulière, et c'est là qu'on a besoin de voir que le ministre a tous ses pouvoirs et non pas de les déléguer à quelqu'un, et je vais vous dire pourquoi.

Le CLSC de Pointe-aux-Trembles existe depuis 20 ans. C'est un CLSC qui est un des précurseurs de la médecine de première ligne. Quand je dis «de première ligne», M. le Président, c'est-à-dire que c'est le premier CLSC au Québec qui a établi une clinique d'urgence qui fait en sorte que les Québécois et les Québécoises, les citoyens de Pointe-aux-Trembles peuvent aller se faire soigner, pour les soins de première ligne, à leur CLSC, au lieu d'aller dans un hôpital. Et on sait que, dans le bout de l'île de Montréal, nous sommes assez loin des hôpitaux en termes de temps de transport, parce que, vous savez, les transports en commun ne sont pas toujours très nombreux ni très efficaces, et c'est comme ça depuis de nombreuses années.

Alors, il y avait une solution qui avait été pensée par notre parti lorsque nous étions au gouvernement, qui était d'implanter un hôpital dans ce bout de l'île. Pour des raisons d'appréciation, le gouvernement actuel a jugé préférable d'aller en annoncer un à Lachenaie, qui est un peu plus loin, de l'autre côté du bout de l'île, et de ne pas le construire dans cette zone-là. Je ne reviendrai pas sur le passé; moi, je regarde les choses au présent, M. le Président, et j'essaie de les corriger pour l'avenir.

Pour en revenir au CLSC de Pointe-aux-Trembles, je rappellerai que ce CLSC est aussi la première unité de médecine familiale. C'est là, M. le Président, que, grâce à une affiliation avec l'Université de Montréal, des médecins qui se destinent à la médecine familiale vont faire leur stage et vont donc apprendre sur le tas à soigner les familles, à soigner les enfants, à répondre un peu à cette médecine un peu particulière par rapport aux généralistes ou à d'autres genres de médecine qu'est la médecine familiale.

M. le Président, nous avions, au CLSC de Pointe-aux-Trembles, il y a trois ans, 21 médecins. Nous avons, à ce moment-là, obtenu une fréquentation à l'urgence qui était, l'an dernier, de 30 000 personnes; 30 000 citoyens du bout de l'île qui vont à l'urgence. Puis quand je parle d'urgence, ce n'est pas juste pour une consultation parce qu'on a mal à la gorge. On allait faire des plâtres, on allait faire des sutures, il y a un appareil pour défibrilliser lorsque les gens ont un problème cardiovasculaire, une attaque cardiaque, en d'autres termes. Il y a là aussi une radiologie. Et il y a une petite anecdote pour la radiologie. Elle était installée dans un placard parce que nous n'avions pas assez de place, le CLSC ayant pris tellement d'envergure avec ses cliniques qu'il avait fallu relocaliser ce vieil appareil de radiographie dans un fond de couloir et dans un placard

Mais, quand même, il était là et ça permettait de donner les soins d'urgence au tout début, dès que les gens arrivaient au CLSC, au lieu de les recevoir, les faire attendre sur la chaise du médecin, de faire une prescription, les mettre dans leur voiture ou dans l'autobus ou dans un taxi – je ne sais pas trop comment – et les envoyer à l'hôpital, qui était 30 minutes plus loin en termes de transport. Et là ils auraient dû attendre trois, quatre, cinq, six heures pour se faire soigner et faire leurs radiographies puis faire mettre un plâtre, si encore c'était ouvert quand ils avaient eu leur consultation. Même, des fois, plus que quatre, cinq, six heures; ça peut être une journée ou deux.

Nous avons donc ce service unique au Québec et qui, même, doit servir et a déjà servi d'exemple au gouvernement et au ministère pour l'implantation de services dans les CLSC. Seulement, on a un problème, M. le Président. Je rencontrais, la semaine dernière, la direction du CLSC. J'étais d'ailleurs en compagnie de ma collègue la députée de Pointe-aux-Trembles, membre de ce gouvernement. J'ai rencontré la direction du CLSC ainsi que les gens du conseil d'administration.

Pourquoi je les ai rencontrés, M. le Président? C'est parce qu'ils nous avaient invités à venir les rencontrer pour nous faire part d'une situation particulière et urgente qui sévit actuellement et avec laquelle ils vont devoir bientôt vivre et prendre des décisions qui peuvent être pénibles et difficiles s'ils n'y font pas un correctif. Alors, c'est quoi la situation, M. le Président? C'est quoi la problématique de ce CLSC qui est, comme je disais, peut-être le phare de la médecine de première ligne en CLSC et qui fonctionne très bien? Eh bien, sa problématique, c'est que, vers la fin des années 1993-1994 – comme vous savez, mais peut-être, pour nos téléspectateurs qui nous écoutent, faire un rappel; vous allez voir pourquoi c'est important que le ministre conserve toutes ses prérogatives dans les dossiers de la santé – une décision a été prise d'arrêter l'exemption qui permettait à des jeunes médecins ayant moins de trois ans d'ancienneté, de pratique de pouvoir pratiquer dans ce CLSC sans avoir à payer ou à être victimes, pas forcément victimes, mais devoir assumer une baisse de salaire de 30 %, parce qu'on voulait que les jeunes médecins aillent en région. Et ceux qui travaillaient sur l'île de Montréal, bien, étaient soumis à cette pénalité.

Or, jusque là, M. le Président, ça semblait, à l'époque, quelque chose de très logique, et la décision fut prise, donc, pour encourager les médecins à aller à l'extérieur parce qu'on avait un problème de médecine en région. On se rappellera qu'il y avait des centres importants qui ne pouvaient pas avoir de médecins. Alors, en les incitant avec cette espèce, pas de pénalité mais de déductible, de salaire moins élevé à Montréal mais plus élevé à l'extérieur, pas à s'expatrier mais aller résider en région, le gouvernement a essayé, a réussi en beaucoup de cas à régler le problème des centres éloignés ou moins éloignés mais régionaux qui n'avaient pas un nombre suffisant de médecins.

Maintenant, M. le Président, cette exemption a été enlevée il y a quelques années. La situation a tranquillement évolué dans la région du CLSC de Pointe-aux-Trembles sans avoir vraiment un impact immédiat. Seulement, M. le Président, la situation a changé drastiquement il y a quelques mois. Et on ne peut pas dire que c'est parce que le ministre l'a voulu, mais c'est là qu'il va comprendre qu'on a besoin d'avoir un ministre avec tous ses droits de décision et ses prérogatives. Il ne peut pas les déléguer ailleurs.

Ce qui est arrivé, M. le Président, c'est qu'il y a plusieurs mois, depuis presque une année bientôt, il y a eu un programme de départs assistés pour permettre aux employés de la fonction publique de prendre leur retraite avant d'avoir atteint leur maximum de carrière. On a vu ça, 30 000 sont partis. Et pour les médecins il y a eu aussi un programme de départs assistés qui fait que les médecins, un certain nombre de médecins, rendus à un certain âge, peuvent quitter leur pratique et reçoivent un montant d'argent assez important pour compenser, bien sûr, les revenus qu'ils n'auraient pas, et en même temps ils s'engagent à ne plus pratiquer la médecine.

Voilà, M. le Président, un projet qui de prime abord, ma foi, est somme toute raisonnable et se défend. Sauf que, comme tous les bons projets de loi ou comme tous les projets de loi, M. le Président, qu'ils soient bons... Parce que généralement avec les parlementaires, quand ils passent au gouvernement et à l'opposition, à moins qu'ils ne soient bâillonnés à nous... mais quand ils ont passé tout le processus, ils finissent par correspondre en général assez bien aux meilleurs intérêts de la population, du moins au moment où ils sont votés. Quand le gouvernement les met dans un bâillon, c'est parce qu'il ne veut pas faire le processus de discuter avec l'opposition, qui trop bien souvent représente des groupes de citoyens et désire faire changer le projet de loi. Lorsque le gouvernement ne veut pas, bien là, il passe un bâillon, et bien souvent on se rend compte que les projets de loi, à ce moment-là, sont un peu bancals et que tôt ou tard ils créent des irritants et des problèmes sur le terrain. Mais ce n'est pas le cas pour celui là.

(15 h 40)

Alors, M. le Président, avec ce Programme de départs assistés, un certain nombre de médecins sur l'île de Montréal ont quitté. Il reste à peu près 1 600 médecins sur l'île de Montréal maintenant; à peu près 400, 500 ont quitté. Et ça a créé une pression. Parce que ce n'est pas parce qu'il y a moins de médecins qu'il y a moins de malades. Il y a autant de malades. Donc, les malades, les Québécois, les Montréalais et Montréalaises qui sont malades et dont leur médecin est parti grâce au programme d'incitation à partir à la retraite se sont rapatriés, reposés sur d'autres médecins.

Prenons dans le cas de Pointe-aux-Trembles, entre autres, quatre médecins sont partis à la retraite, quatre médecins qui faisaient de la pratique générale. La clientèle, donc, s'est rapatriée sur le CLSC parce que les citoyens ne peuvent pas trouver de médecin. Les médecins sont pleins. Et je ne dis pas ça en catastrophe ou pour apeurer les citoyens. Je dis que quelqu'un qui est malade, qui a vu son médecin partir à la retraite avec un programme d'incitation du gouvernement, eh bien, sonne à la porte, on lui dit: Bien, voilà, je m'excuse, mais je ne pratique plus la médecine. Voulez-vous vous trouver un autre médecin? Alors, il fait le tour et les autres médecins, ils disent: Bien non, moi, j'ai trop de clientèle. Je ne suis pas capable. J'en ai trop. Alors, une fois que la personne a fait le tour un peu dans la région de Pointe-aux-Trembles où elle habite, eh bien, elle s'en va au CLSC parce qu'elle sait qu'il y a là un service d'urgence et de médecine familiale. M. le Président, on aura donc vu encore là l'accroissement de la clientèle du CLSC, 30 000 cette année.

Mais là, en même temps, vu que les jeunes médecins dans les CLSC ont cette exemption de 30 % de leur salaire, bien, ils sont moins intéressés à y aller. Certains ont quitté parce que, d'abord, ils avaient un accroissement de charge et préfèrent faire de la médecine générale ailleurs. Ils prennent cette clientèle-là en dehors du CLSC et ils travaillent ailleurs, bien souvent dans d'autres quartiers que celui de Pointe-aux-Trembles. Eh bien, M. le Président, nous sommes passés, au CLSC, de 21 médecins à 10 médecins, 10 médecins pour traiter 30 000 urgences par année. Et je rencontrais le responsable de l'urgence cette semaine, avec ma collègue la députée de Pointe-aux-Trembles, un médecin qui nous expliquait qu'il ne pouvait plus y arriver, il n'était plus capable.

Parce que ce qui se produit aussi, c'est que, quand vous allez au CLSC voir un médecin familial parce que vous n'en trouvez pas dans le secteur puisqu'ils ont pris leur retraite, eh bien, vous dites à ce docteur-là, une fois qu'il a fait le premier diagnostic: Est-ce que je peux revenir vous revoir, docteur? Est-ce que vous pourriez vous occuper de mon cas? Et c'est très difficile pour ce médecin-là ou ces médecins-là de dire: Bien non, vous savez... Si bien que, eux aussi, ils se sont retrouvés pris dans une autre partie de leur pratique, en dehors du CLSC, avec un débordement de clientèle.

Vous voyez, M. le Président, un peu toute la situation que je trace. Alors, 10 médecins, 30 000 personnes par année. La direction du CLSC et le conseil d'administration nous ont fait savoir qu'ils étaient en situation difficile et qu'ils demandaient au ministre, pour une période d'une année, afin de voir un peu comment ça va se stabiliser puis voir comment ça va s'en aller, de bien vouloir faire une exemption pour que les jeunes médecins qui n'ont pas trois ans de médecine puissent ne pas avoir à subir l'exemption de 30 % de salaire pour les inciter à revenir à Pointe-aux-Trembles.

Parce que, là, il y a une autre problématique que je n'ai pas expliquée. C'est que le CLSC de Pointe-aux-Trembles, le bout de l'île, nous sommes situés tout près de Repentigny, on est à 10 km de Repentigny. À 10 km de là, M. le Président, même pas 10 km si on traverse le pont, c'est 6, 7 km, eh bien, c'est une autre région, c'est Lanaudière. Dans cette région, il n'y a pas d'exemption de 30 % de salaire pour les médecins de moins de trois ans. On a vu des médecins qui, au début, ont commencé à travailler au CLSC de Pointe-aux-Trembles qui, devant ce fait de 30 % de salaire en moins, d'accroissement de clientèle et de lourdeur de travail, eh bien, ont décidé de déménager leurs pénates huit kilomètres plus loin, à Repentigny, dans une autre zone administrative, parce que là ils ont le plein salaire, qu'il y a plus de médecins et que la clientèle tourne plus facilement.

Alors, il y a là une espèce de situation, M. le Président, qui est particulière au bout de l'île. Je ne mets pas la responsabilité sur M. le ministre. Je pense qu'il vient seulement de la découvrir cette semaine, lorsque ma collègue et moi avons signé une lettre ensemble pour lui faire part de cette situation.

Je profite de ce discours sur le projet de loi n° 176, M. le Président, parce que c'est là qu'on voit toute l'importance qu'un ministre de la Santé puisse conserver ses prérogatives et son pouvoir de décision, parce qu'il peut lui-même décider, oui, pour un an, à partir du début de janvier... Le conseil d'administration va se réunir au début de janvier et c'est là qu'ils vont décider s'ils maintiennent ouverte ou fermée l'urgence. Bien, il faut agir rapidement. D'où l'importance d'avoir un ministre qui d'abord est à l'écoute, premièrement, des représentations des citoyens et des organismes qui dépendent de lui, aussi des députés lorsqu'ils le font de bonne foi, sans partisanerie politique, dans le meilleur intérêt de leurs commettants, et aussi qu'il soit capable, à ce moment-là, d'agir rapidement et non pas de déléguer ses pouvoirs à quelque bureaucratie ou quelque agence qui, elle, peut-être, parce que moins proche de la situation, moins proche du milieu politique ou des représentants élus par la population, ne prendrait pas ses décisions.

M. le Président, ça illustre un peu, même très bien, je pense, l'importance pour le ministre d'être le capitaine à bord, d'être le maître à bord, de conserver le plein contrôle sur ses décisions, le plein contrôle sur son appareil, sur ce gros bateau, ce vaisseau immense que sont les services sociaux ici, au Québec. Moi, j'ai un peu de difficultés à voir que, en fin de session, par une loi comme la loi n° 176, eh bien, on se prépare à déléguer un certain nombre de pouvoirs. J'aurais aimé, moi, que le ministre puisse peut-être faire un peu de consultations publiques là-dessus, hein? Il y a certainement des groupes, des organismes, les médecins, la régie de la santé, enfin les groupes de bénéficiaires qui auraient eu des commentaires, des remarques ou des propositions à faire au ministre. Il ne l'a pas fait. Moi, personnellement, je déplore qu'il ne le fasse pas. Je crois qu'un projet de loi en cette Chambre ne devrait jamais être adopté sans qu'il y ait eu demande au public s'il veut se prononcer sur le projet par des consultations publiques ou par des consultations privées sur invitation. L'opposition est toujours prête à regarder avec le ministre la meilleure manière de fonctionner.

M. le Président, je vois que mon temps se termine. Vous me permettrez de réserver mon vote sur ce projet de loi là pour avoir plus d'explications de la part du ministre, pour ainsi qu'en ses répliques il nous explique, il nous convainque, et à ce moment-là nous verrons peut-être ce que nous pourrons faire. Mais surtout, en terminant, je rappelle à M. le ministre que les citoyens du bout de l'île, de Pointe-aux-Trembles, les usagers du CLSC de Pointe-aux-Trembles, en particulier les 30 000 qui fréquentent l'urgence en cette veille des Fêtes, ont besoin de cette exemption de salaire pour quatre médecins afin de pouvoir conserver la qualité et le volume des urgences qui s'y rendent et de ne pas envoyer ces gens-là aller grossir ou aller dans les couloirs d'attente des hôpitaux qui sont situés à 30 ou 40 minutes ou une heure de là, ce qui serait une catastrophe et ce qui serait vraiment dommage, car vous avez là un joyau, un bijou de médecine familiale, d'urgence de première ligne.

Je pense qu'il doit être conservé et je vous exhorte, au nom des Québécois et des Québécoises du comté de LaFontaine et aussi de ceux du comté de Pointe-aux-Trembles que je représente, M. le ministre, à prendre votre décision le plus rapidement possible.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Alors, le prochain intervenant sera M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Moi aussi, je me lève pour intervenir sur le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Vous savez, M. le Président, c'est une loi qui est très brève, hein? Il n'y a pas beaucoup d'articles là-dedans, trois articles. Mais, dans trois articles, on pourrait quasiment dire que le ministre peut se délester de tous ses pouvoirs, dans trois articles – ce n'est pas long, trois articles – puis on pourrait quasiment dire: Il n'y a plus de ministre. Or, je connais assez bien le ministre de la Santé pour savoir qu'il n'a aucunement l'intention de se délester de ses pouvoirs. Je pense qu'on comprend ça, puis on va l'accepter. Mais vous allez aussi comprendre que le poste de ministre est parfois très éphémère à l'intérieur d'un même gouvernement, ou évidemment quand on change de gouvernement. Et, même si on change de gouvernement, les lois étant ce qu'elles sont, elles sont longues à changer, c'est fastidieux, et à ce moment-là on va peut-être se ramasser avec une situation où il y a un ministre qui est moins travaillant, moins intéressé, qui va vouloir se délester de toutes ses prérogatives, et ça, ça m'inquiète.

(15 h 50)

On pourrait passer, à l'intérieur de la loi sur les services de santé et les services sociaux, plusieurs éléments qui relèveraient toutes les prérogatives du ministre, et je ne les passerai sûrement pas toutes, mais je voudrais m'adresser à quelques-unes d'entres elles. Exemple, à l'article 3, au paragraphe c: «voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population.» Est-ce que le ministre essaie de nous dire que, tout d'un coup, il va dire à une firme privée: Bien, écoutez, moi, je suis fatigué d'écouter les gens se plaindre que l'état de santé des Québécois n'est pas bon, qu'ils manquent de vitamines et de nourriture, que le lait n'est pas suffisamment relevé, que d'autres éléments ne sont pas propices à améliorer leur santé, puis je voudrais que vous gériez ça.

Moi, j'appelle ça l'abandon de ses responsabilités, M. le Président. Et je ne pense pas que, dans le contexte actuel, ce soit souhaitable qu'un ministre se déleste de ses responsabilités. Puis comme je l'ai dit tantôt, et je le répète, tout dépend du ministre. Et je ne pense pas que le ministre actuel a l'intention de se délester de tous ses pouvoirs, parce qu'il va se ramasser avec rien à faire. Puis comme je pense que c'est un homme qui aime travailler, il va s'ennuyer, puis il ne veut pas ça. Alors, à cause de cette situation-là, il va vouloir les garder, ses pouvoirs, puis il va s'en occuper, de tous les éléments qui sont là. On pourrait discuter si c'est bon ou pas bon, mais il va vouloir s'en occuper.

Mais qui me dit que le futur ministre de la Santé va vouloir faire la même chose? Ça, c'est une autre paire de manche, M. le Président. Ça, ce n'est pas évident, ce n'est pas évident que le futur ministre de la Santé va vouloir prendre toutes ses responsabilités, s'en occuper du matin jusqu'au soir et s'assurer que l'état de santé des Québécois est bien maintenu à tous les niveaux, que ce soit au niveau agricole, au niveau des habitations, au niveau de la qualité de l'air, au niveau des gens en perte d'autonomie. On pourrait en mettre, sans limite! Alors vous comprendrez que, ça, ça m'inquiète.

Prenons un autre élément. L'article f: «promouvoir la participation des individus et des groupes à la détermination des moyens de satisfaire leurs besoins dans le domaine de la santé.» Est-ce que le ministre est après nous dire qu'il va favoriser les groupes de consultants qui, eux, vont aller dans la population, vont aller les écouter, écouter leurs récriminations, leurs plaintes, leurs doléances et puis qu'ils vont prendre des actions? Parce que c'est ça qu'on nous dit, là: Si le ministre se déleste de ces pouvoirs-là, il va leur permettre de prendre des actions.

Vous comprendrez que, comme responsable, la personne qui délègue a toujours la même responsabilité au sujet des gestes posés. Et lorsqu'il aura délégué à une firme de consultants ou à un groupe organisé de s'occuper de la participation des individus et des groupes pour voir à satisfaire leurs besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux, le ministre va rester responsable des gestes posés et des actions prises, puis il n'aura rien à dire parce qu'il aura donné, il leur aura donné le pouvoir d'agir! Alors, ça m'inquiète, ça, M. le Président, puis je n'ai pas la notion que le ministre va mettre des balises là-dedans. Ça, ça m'inquiète.

Un autre élément, qui m'inquiète encore probablement plus que l'autre, M. le Président, parce que, dans l'autre, il y avait quand même l'évaluation du milieu. Il faut qu'il fasse une mise en situation, qu'il prenne en considération les événements, la situation, les gens, le milieu puis, enfin, qu'il fasse des recommandations; il y a plusieurs étapes. Mais quand on s'en va à l'item g, où c'est marqué de «consulter les individus et les groupes sur l'établissement de politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux», le ministre veut se délester de sa responsabilité d'écouter la population. Y a-t-il quelque chose de plus important pour un politicien que d'écouter la population?

Récemment, M. le Président, j'étais à écrire une lettre dans laquelle je dis spécifiquement qu'une des responsabilités les plus importantes des élus, c'est justement d'être à l'écoute de la population. Et, dans la responsabilité qui lui est échue par la loi, à l'article 3, paragraphe g, le ministre a la responsabilité de consulter les groupes puis de les écouter. Puis là, bien, il nous dit que, par cette loi, il se donne tous les pouvoirs de transférer cette responsabilité à qui que ce soit, à une tierce personne, à un groupe, une entreprise, enfin, qui que ce soit. Vous allez comprendre que c'est encore plus alarmant que le ministre se retire de cette situation.

Je sais que le ministre a fait récemment le tour de toutes les régions du Québec pour aller écouter leurs doléances suite à la réforme qu'il a mise en place. Alors, je ne pense pas qu'il ait l'intention de se délester de cette responsabilité, mais je ne sais pas s'il est après préparer son successeur puis lui mettre en place un ministère dans lequel il n'aurait plus rien à faire.

Le ministre va avoir délégué ou pourra déléguer à qui que ce soit toute fonction. Là, M. le Président, moi, je me dis: Il ne restera plus rien. Aussi bien démembrer le ministère de la Santé. Puis je répète: Je suis convaincu que ce n'est pas le ministre actuel qui a cette intention-là, parce qu'il vient de le faire, le tour des régions. Donc, il est à l'écoute. Il essaie, en tout cas, d'écouter. Il nous dit qu'il écoute, mais la loi va lui permettre de déléguer même ça.

Alors vous, comme politicien, M. le Président, puis moi, comme politicien, je sais combien il est important d'être à l'écoute des demandes, des besoins de la population. Alors, on ne peut déléguer ça à personne. C'est une responsabilité qu'on doit garder nous-mêmes, comme politiciens, parce que les gens nous élisent justement pour que nous puissions faire passer leurs messages, alors il faut qu'on soit à l'écoute. Ça m'apparaît essentiel et primordial.

Un autre élément, M. le Président, celui d'«établir des normes applicables en matière des services d'équipement, de finance et de personnel dans l'utilisation des subventions accordées par le gouvernement dans le domaine de la santé et des services sociaux, et en surveiller l'utilisation». Ça peut aller loin, ça, M. le Président. Ça peut aller jusqu'à – j'allais dire «by-passer», utilisons un mot français – contourner, détourner l'utilisation d'un département de génie biomédical dans une institution puis de confier ça à une firme privée. Puis tu vas choisir la sorte d'équipement qu'on veut, là, ce n'est pas important, ce dont les gens ont besoin dans le milieu, tu vas choisir l'équipement, tu vas t'arranger avec ça puis c'est toi qui vas décider comment ça marche.

Puis, après ça, bien, il y a des bourses qu'on donne, des subventions. Bien là, on va confier ça à un organisme particulier. Je le sais bien qu'il y en a, des organismes qui fonctionnent. Le Fonds de la recherche en santé du Québec, M. le Président, ça en est déjà un qui fonctionne, auquel le ministre alloue une somme x par année pour distribuer aux chercheurs ou aux milieux de recherche, centres de recherche, pour leur permettre d'essayer d'améliorer la condition de nos citoyens et citoyennes du Québec en apportant des améliorations, et des découvertes dans certains cas. De là à ouvrir ça toute grande porte battante pour permettre à n'importe quel groupe à la bonne volonté du ministre, au bon vouloir du ministre, pour qu'il puisse aller gérer ce genre d'institution ou ce genre d'équipement, c'est très inquiétant.

On pourrait nommer une firme comptable, M. le Président, pour s'assurer que les bourses ou les subventions sont allouées conformément à la loi. Mais je répète qu'une fois que la situation est posée, une fois que le geste est posé, que la subvention a été accordée, le ministre a bien beau dire ultimement: C'est moi qui suis responsable, quand c'est fait, c'est fait. Celui qui se jette en bas du pont, il a bien beau dire: Il est trop tard puis je voudrais revenir, il est trop tard, il est déjà en chemin. Alors, c'est la même chose. Le ministre va être responsable ultimement de gestes qui pourraient être néfastes pour le ministère de la Santé et des Services sociaux ou pour la population. Puis il va être trop tard. Il va être trop tard parce que les gestes auront déjà été posés.

Il y a aussi d'«assurer l'organisation et le maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux, lui-même ou par un tiers». «C'est-y» la porte ouverte à la privatisation, M. le Président? Quel sera le rôle de la régie dans cette situation-là où le ministre se donne le pouvoir de «by-passer», de contourner la Régie, puis qu'il va avoir une gestion tout à fait différente de celle que nous connaissons aujourd'hui?

(16 heures)

Je sais bien que ce n'est pas ça que le ministre a en tête aujourd'hui, je le sais qu'il consulte les régies à tous les jours, je le sais qu'il utilise les régies à leur maximum pour être capable de rentabiliser le système, de s'assurer de sa bonne gestion puis de contrôler les excès, mais, M. le Président, est-ce que le prochain ministre de la Santé qui sera là aura la même vision, la même mentalité, le même dévouement au travail? Ce n'est pas évident. Et c'est pour ça que cette loi-là nous inquiète, dans l'opposition. Elle nous inquiète beaucoup.

Je vais citer, M. le Président – on pourrait continuer longtemps là-dessus: «déterminer les possibilités d'adoption des enfants domiciliés hors du Québec en tenant compte des objectifs définis par le ministre des Affaires internationales, de l'Immigration et des Communautés culturelles».

Je vais toucher à quelque chose qui est un petit peu tragique puis qu'on n'a heureusement jamais ou si peu connu au Québec. Jamais on ne touche à ça, c'est le commerce des enfants, mais on sait que ça existe. On sait très bien que c'est quelque chose qui se passe dans le monde, dans plusieurs pays. Est-ce que le ministre, en se déchargeant de sa responsabilité vers une agence d'adoption... Une agence d'adoption sur laquelle le ministre garde le contrôle, ce n'est pas si pire, mais une agence d'adoption privée qui pourrait ultimement entreprendre le commerce des enfants, ça peut être tragique sur le plan humain, et sur le plan moral ce serait inacceptable.

On décrie tous sans exception, j'en suis convaincu, de l'autre côté comme de ce côté-ci de la Chambre, le commerce des enfants. On trouve ça une aberration, quelque chose d'amoral et d'inacceptable. Pourtant, on sait tous aussi que ça se fait. Ça se fait régulièrement. Et je vois le ministre du Travail, lorsque nous parlions, il n'y a pas si longtemps, en commission, du travail des enfants... Bien, le travail des enfants au Québec, ce n'est pas si pire, mais imaginez ce que c'est dans certains pays que nous connaissons où les enfants qui ont quatre, cinq ans sont déjà utilisés par des exploiteurs. Il ne faudrait pas que, par ce projet de loi, le ministre s'attribue le pouvoir d'ouvrir la porte à des agences privées d'adoption par lesquelles pourrait venir éventuellement, M. le Président, le commerce des enfants. Ce serait une tragédie que nous n'avons jamais connue au Québec et que nous regretterions amèrement.

Rappelons-nous aussi, M. le Président, que, dans toute cette démarche de ce projet de loi n° 176, le ministre demeure toujours l'ultime responsable. Quand on délègue, il y a une chose qu'on ne peut jamais, mais jamais déléguer, c'est la responsabilité. Tant que nous sommes en poste, nous sommes toujours l'ultime responsable. Un ministre peut déléguer des actions, peut déléguer des facilités, peut déléguer des droits, mais la responsabilité demeurera toujours la sienne. Ultimement, ça lui reviendra dans les mains. C'est pourquoi ce projet de loi est inquiétant, de voir comment le ministre va s'octroyer le pouvoir de déléguer à des personnes ou à des institutions, des organismes qui nous sont totalement inconnus, et que lui va demeurer responsable des gestes posés et des actions entreprises. C'est très inquiétant.

On connaît le fonctionnement du système actuellement, M. le Président. Il y a les médecins, il y a les CLSC, il y a les hôpitaux, il y a les régies, il y a le ministère puis il y a le ministre. Alors, la séquence est bien connue. On la suit. Mais là on va introduire toutes sortes d'intermédiaires qui ne répondront à personne d'autre qu'au ministre. Si le ministre, pour la moindre raison, néglige un individu ou un groupe auquel il a délégué certains pouvoirs, bien ça pourrait être la catastrophe parce qu'on aura introduit un autre intervenant.

Qu'est-ce qui va advenir des régies, M. le Président, si on peut déléguer à une entreprise, à un groupe, à une firme comptable, à des consultants... Remarquez bien, s'il refile ça à des consultants puis que je suis un de ceux-là, ça va me faire plaisir de l'avoir, son contrat. Je vais être très heureux d'avoir le contrat du ministre de m'occuper de gérer telle, telle, telle affaire. Mais, M. le Président, s'il me donne ça à moi, je peux bien me complaire dans mon potentiel, dans mes capacités. Je ne peux pas évaluer ni déterminer celle des autres, et on ne les connaît pas. Alors, je pense que c'est important. La responsabilité sera toujours ultimement la sienne, mais les décisions qui auront été prises sur le terrain n'auront pas nécessairement été les siennes.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, dans cette situation, on est très inquiets devant ce projet de loi n° 176. C'est pour ça qu'on demande au ministre tant d'éclaircissements, tant d'éléments, de questions auxquelles nous n'avons pas de réponses et pour lesquelles le ministre devrait nous donner des réponses avant que nous puissions endosser ce projet de loi et l'appuyer dans sa démarche pour délester à son successeur une grande partie des pouvoirs qui lui sont attribués comme ministre de la Santé et des Services sociaux. Parce que la loi est très explicite, elle lui donne des grandes responsabilités. Et le ministre va s'ajouter une responsabilité énorme et qui est sans limite, c'est-à-dire le pouvoir de déléguer à qui que ce soit certains droits, certaines actions, certaines charges, dont ultimement il aura la responsabilité.

Alors, vous allez comprendre que, devant cette situation, M. le Président, nous ne pourrons supporter le projet de loi n° 176 tel qu'il est rédigé, et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que vous avez pu... et j'ai vu que vous n'étiez pas le seul à observer les liens de profession qui transcendent les partis politiques dans les propos qu'a tenus mon collègue qui m'a précédé. Mon collègue faisait valoir de quelle façon le ministre est un homme travaillant, puis il craignait que peut-être son successeur n'aurait pas les mêmes qualités. Moi, personnellement, je suis convaincu que, parmi les gens qui nous écoutent, il y en a énormément au Québec qui auraient souhaité que le ministre en fasse un peu moins, mais le fasse beaucoup mieux. Ça, j'en suis convaincu – ha, ha, ha! – je n'ai pas de misère, on n'a pas de besoin de faire un sondage Léger & Léger ni Gallup là-dessus, là, ça, c'est bien, bien clair.

On a peut-être une leçon, M. le Président, à tirer de la situation qui nous préoccupe, c'est qu'on fait peut-être collectivement une erreur quand on confie un mandat comme celui qui a été confié à celui qui en est le titulaire aujourd'hui et qu'on fait porter le nom du rapport... le nom de famille à celui qui préside. On dirait qu'il se sent lié, attaché à une espèce de paternité, puis là, quand tu veux lui faire changer ça dans le but de l'améliorer, ça devient quelque chose qui... Tu sais, c'est comme s'il trahissait le fruit du travail qui a été fait pendant de nombreuses années.

Alors, M. le Président, on a devant nous un projet de loi – ça a déjà été dit – de très peu d'articles et dont l'objectif est bien clair, c'est que «le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application». Et, quand on va au deuxième paragraphe de l'article 2, «la régie exerce également toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre». Donc, le but du projet de loi qu'il y a devant nous, même s'il a très peu d'articles, c'est pour permettre au ministre de pouvoir se décharger de certaines responsabilités, de pouvoir confier à d'autres des responsabilités qui sont présentement, par la loi, de sa responsabilité.

(16 h 10)

Celui qui a été élu comme premier ministre du Québec en septembre 1994, M. Jacques Parizeau, a dit dans cette Chambre – et vous vous en souviendrez, vous étiez présent, M. le Président, quelques semaines avant son départ: En politique, on est responsable de tout, même de ce qu'on ne sait pas, même de ce qu'on ignore. C'était une façon pour lui de dire que, quand on accepte une responsabilité ministérielle, quand on accepte un rôle comme celui-là, nous sommes responsables, nous sommes redevables devant l'Assemblée nationale, nous avons accepté la responsabilité.

Le ministre, lui, il veut tellement s'assurer qu'il pourra toujours se prévaloir de: Bien, écoutez, ce n'est pas moi... Il le fait déjà de façon tellement fréquente. Ce n'est pas lui, c'est la régie. Il y a toujours quelqu'un, il y a toujours un rapport, il a formé un comité. Et c'est pourtant, et vous vous en souviendrez, quand il était au moment de sa gloire puis que tous les gens étaient convaincus que l'application de cette réforme-là... Il le répétait à chaque occasion qu'il avait: Nous avons tout planifié dans les moindres détails, disait-il. Et, à chaque fois que mon collègue de Robert-Baldwin lui soulevait des propos, c'était toujours pour dire: Bien non, le député de Robert-Baldwin, il ne comprend pas. On est en avant dans notre réforme, ça va mieux qu'on pense.

Il s'agit de faire un peu de bureau de comté ou, à l'occasion d'élections partielles, d'aller faire un peu de porte-à-porte, et on s'aperçoit que... Je ne sais pas qui lui dit que ça va bien dans la réforme de la santé, mais, quand les collègues même de sa formation politique reviennent de bureaux de comté dans leur circonscription, ils ont sûrement, quand la porte du caucus est fermée, des messages pour lui par rapport à la façon dont les citoyens reçoivent.

Alors, là, le ministre, il veut pouvoir se lever en Chambre puis dire: Ce n'est pas moi, c'est la régie. La régie fait dire que... Et ce matin – tiens, je prends l'exemple le plus récent – en période des questions, une collègue se lève et dit au ministre: Est-ce que vous n'êtes pas conscient qu'il y a un scénario qui est étudié, qui, s'il était appliqué, aurait comme conséquence que, à l'intérieur de la même institution, du même bâtiment, on pourrait mettre ensemble de jeunes enfants déjà en difficulté avec des adultes qui ont des problèmes de drogue, de toxicomanie? Tout ce qu'elle voulait savoir, notre collègue de Bourassa, M. le Président, c'est pourquoi le ministre permet que des fonctionnaires – permettez-moi l'expression – perdent même du temps à se pencher sur un scénario comme celui-là.

En d'autres mots, si le ministre se lève puis il dit: Ça n'a pas de bon sens, un scénario comme ça, comme ministre de la Santé, jamais je ne vais permettre une chose comme ça; puis il dit: Je profite de l'occasion pour dire à mes fonctionnaires: Arrêtez de perdre du temps là-dessus, consacrez vos énergies à d'autres pistes de solution, mais celle-là ne peut pas en être une, c'est ma volonté comme ministre... Mais non. Qu'est-ce qu'il a fait à matin? Est-ce qu'il a exprimé de façon catégorique que, non, lui, comme ministre de la Santé, ne permettrait pas... Il dit: Écoutez, on forme des comités, laissez-les donc travailler, puis, si jamais ils nous arrivaient avec une solution qui ne fait pas notre affaire, on pourra leur dire, on pourra les retourner former un autre comité pour étudier le rapport du comité qui ne fait pas...

Mais, M. le Président, c'est exactement avec des réponses comme ça que la population qui nous écoute trouve que ça ne fonctionne pas bien dans l'appareil. Ce n'est pas des comités qui vont étudier des rapports de comités sur des pistes de solution qui n'ont pas de bon sens. La responsabilité d'un ministre de la Santé, quant à sa face même, lui, comme premier responsable, il trouve que cette piste de solution n'a pas de bon sens, c'est, à la première occasion, quand il en a connaissance, qu'il doit dire à ses fonctionnaires: Mettez-moi ça de côté, ne gaspillez pas de temps, ça ne peut même pas être le début du commencement de l'ombre d'une solution. Mais non! Ce n'est pas ça qu'il a fait à matin, le ministre de la Santé. Le ministre de la Santé, il dit: Non, non, non, écoutez, si ça ne fait pas, on verra. Aïe! c'est inquiétant pour la population, M. le Président, d'avoir un ministre de la Santé qui accepte même que des gens, dans son ministère, puissent accepter comme piste de solution quelque chose de cette nature-là. Mais le ministre dit: Non, non. Laissons-les faire d'abord, on corrigera après.

Vous savez, quand le ministre aime que la perception que nous ayons, c'est qu'il est à l'écoute... Il dit: J'ai fait le tour des régions, j'ai écouté. Il a d'abord choisi le monde qui écoute. Tu sais, ça facilite l'écoute quand tu as dans la salle du monde de qui c'est toi qui es l'autorité, de la plupart des gens qui sont assis dans la salle. Ça, ça va bien. Vous vous souvenez, M. le Président, le premier ministre, en Chambre, pour tenter de défendre son ministre de la Santé – parce que les gens, ils ne sont pas naïfs de la situation, ceux qui sont dans les salles d'attente puis ceux qui sont dans les salles d'urgence, ils savent, eux-autres, c'est quoi, l'état de la situation – le premier ministre a dit: Écoutez, là, on a même un sondage ici, un rapport qui nous dit que 80 % des gens sont satisfaits de la qualité des soins qu'ils reçoivent. Ils sont satisfaits d'avoir été bien traités. Et le premier ministre disait qu'on devrait être content. Parfait!

Une fois que les gens réussissent à se faire accepter pour se faire soigner, il n'y a personne qui met en doute, là, le dévouement et la volonté du personnel médical, du personnel infirmier. Ce n'est pas ça qui est en doute, M. le Président. À moins que, vous-même, vous ayez des connaissances médicales, si vous avez, vous, à accepter, à recevoir des services, vous pouvez dire: Bon, la propreté des lieux, est-ce que le personnel était dévoué, attentif, répondait? puis la qualité des repas, mais comment pouvez-vous, vous, poser un jugement de valeur par rapport à la qualité des soins qui vous sont distribués, à part de ceux que je viens de décrire? Comment pouvez-vous dire si ce qui vous est administré est le meilleur médicament? Comment pouvez-vous dire: Oui, l'hôpital est doté du meilleur équipement pour me donner les soins dont j'ai besoin? Il n'y a, M. le Président, que le personnel médical et le personnel infirmier qui peuvent porter un jugement de valeur sur la qualité des soins.

Mais, quand on soulève ce que dit l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, quand on soulève ce que dit le Syndicat des infirmières du Québec, quand un groupe de médecins fait valoir les arguments, eux autres étant conscients des responsabilités, le ministre dit: Non, non, non, ce n'est pas ça. Et là, évidemment, le premier ministre – comme je disais tantôt – pour venir à la rescousse de son ministre, nous dit que les patients, une fois hospitalisés... Imaginez-vous, vous êtes dans votre lit à l'hôpital, puis il dit: Et puis, ça va bien, ce matin? Oui. Comment vous trouvez la propreté du lit? C'est bon? Oui. La nourriture qu'on vous sert, ça va?

Vous êtes là, vous n'êtes pas pour faire des commentaires contraires aux gens qui vous soignent, parce qu'ils le font de bonne foi. Mais, pour avoir le véritable portrait de la qualité des soins, il faut écouter ceux qui dispensent ces soins-là. Ceux-là, le premier ministre, comme son ministre de la Santé, préfère les ignorer parce que ces gens-là savent de quoi ils parlent. Alors, dans ce temps-là, le ministre dit: C'est la faute du gouvernement précédent. C'est la faute du fédéral. C'est la faute d'à peu près tout le monde, excepté lui.

Quand le ministre dit qu'il fait le tour des régions puis qu'il écoute le monde, on a plus l'impression qu'il choisit ses interlocuteurs. D'ailleurs, il y avait une scène qui faisait partie des nouvelles l'an passé, dont tout le monde se souviendra. Le ministre se présente à la Cité de la santé à Laval pour aller rencontrer les gens. Et, quand il a vu que les gens qui voulaient le rencontrer étaient des gens qui dispensaient les soins infirmiers, qui savaient de quoi ils parlaient, il a essayé de retourner. Comme il n'y avait pas d'espace, il a même dit à son chauffeur: Mets-toi de reculons, puis envoye donc, on se sauve. Ça, c'est le ministre qui dit: Je fais la tournée puis je consulte les gens. Aïe! Aïe! Aïe! Il n'écoute que ceux qu'il a choisis. Je n'ai jamais douté qu'il ne comprend pas, qu'il n'entend pas. Il entend, je suis certain; qu'il comprend, je ne suis pas certain, à la façon dont il s'acquitte de ses responsabilités envers la population.

Et, M. le Président, permettez-moi de vous dire que, dans le domaine de la santé... Et le ministre est le grand responsable de ce que je vais vous décrire là, parce qu'il a accepté la responsabilité ministérielle. Quand M. Parizeau lui a dit: Je vous nomme ministre de la Santé et je vous demande de faire telle et telle chose pour les jeunes à Sainte-Justine, il a accepté cette responsabilité-là. De tous temps, M. le Président – vous êtes comme moi né au Québec, nous avons passé notre vie ici – au Québec, bien sûr, personne ne souhaite être malade, mais, de tous temps, on a toujours été confiants que, quand on aura besoin ou si on a besoin, nous obtiendrons des soins de qualité et le plus rapidement possible. On a toujours eu confiance en notre système de santé. On s'est toujours, au Québec, glorifiés que nous avons le meilleur système de santé au monde. On a entendu ça souvent.

(16 h 20)

Qu'est-ce qui s'est passé, M. le Président, depuis deux ans, à cause du virage ambulatoire puis à cause de toutes les pièces de législations qui sont devant nous? C'est que la population qui était si fière et si confiante autrefois en est maintenant, M. le Président, dans la situation suivante: elle souhaite de tout coeur ne pas avoir à utiliser les services parce qu'elle est loin d'être confiante de la qualité et de la rapidité avec laquelle elle va recevoir les soins dont elle a besoin. Ça, c'est un changement extrêmement majeur. Notre système de santé a toujours été quelque chose d'extrêmement sécurisant au Québec.

Et là maintenant le virage ambulatoire, permettez-moi l'expression, a saccagé la confiance que la population avait dans notre système. Ça, c'est lourd, c'est lourd à porter pour la population qui fait des sacrifices dans de nombreux domaines, qui est taxée, surtaxée, plus taxée, puis encore. Le ministre, encore une fois, le même ministre, qui se levait en Chambre – il l'a fait encore à matin – pour nous expliquer qu'avec la réforme de l'assurance-médicaments il y avait plus de gens qui étaient couverts qu'avant, qui avaient accès à de nouveaux médicaments... On est tous conscients de ça, on est tous fiers de ça. Mais normalement, quand vous assurez plus de gens pour plus de médicaments, ça devrait coûter plus cher à l'État, c'est lui qui les assure. Mais c'est quoi, le bilan total de sa réforme de l'assurance-médicaments? C'est que le gouvernement économise 300 000 000 $. Aïe! ce n'est pas pire, tu donnes plus de médicaments, puis le gouvernement fait plus d'argent.

Tu sais, ça n'a pas été long quand les gens ont compris. Ceux qui maintenant doivent s'acquitter de paiements qu'ils n'avaient pas à faire avant, ceux qui n'ont pas les moyens de le faire... Si vous en voulez un, sondage, si le ministre en veut, les gens qui dispensent les services... Combien de fois, depuis le virage ambulatoire, on sort les gens de l'hôpital beaucoup trop rapidement, on pense que l'encadrement des CLSC va donner suite aux traitements qui ont été donnés à l'hôpital mais que ça ne s'avère pas le cas? Qu'on donne aux gens des prescriptions qui, quand on les gardait à l'hôpital, c'est l'hôpital qui distribuait les médicaments... Vous savez que ce n'est pas ça qui arrive maintenant, M. le Président, vous savez que ce n'est pas ça qui arrive, on les envoie chez eux avec une prescription, puis va te chercher ça.

Alors, quand les gens n'ont pas les moyens financiers de se procurer les médicaments qui sont prescrits parce que ça arrive dans la moins bonne période du mois, c'est quoi, les conséquences? Dans de nombreux cas, M. le Président, dans de nombreux cas – et ça, vous le savez – qu'est-ce qu'il arrive? C'est quoi, les conséquences? C'est que les gens retournent à l'hôpital, et bien souvent le personnel qui les reçoit dit: Mais est-ce que vous avez pris vos médicaments qu'on vous a prescrits? Et les gens répondent – informez-vous: Je n'avais pas l'argent pour aller les acheter.

Dans certains cas, des plaies... Les gens ont subi une opération, et la plaie est infectée. Les gens retournent à l'hôpital dans les jours qui suivent parce que soit ce qui avait été suggéré, que la famille prendrait soin de, dans les faits ne s'est pas avéré exact, que les heures du CLSC, la disponibilité, la fréquence du changement des pansements par rapport aux besoins du patient ou de la patiente ne se sont pas avérés ce que ça devait être s'il était resté à l'hôpital. Mais les conséquences, M. le Président, font que ces gens-là sont réhospitalisés à nouveau.

Tout ça là, tout ça, à chaque fois que j'entends ces témoignages-là dans mon bureau de comté, je me rappelle toujours le ministre qui nous a répété qu'il avait tout prévu dans les moindres détails. Alors, ce qu'il avait prévu, c'était la réforme sur papier: comment ça fonctionnerait entre fonctionnaires, comment ils avaient, eux, tout planifié. Mais les gens qui ont planifié sont très loin de la réalité. Ils sont très loin de ce que sont les véritables besoins quotidiens de la population.

On a organisé les départs accélérés dans le milieu de la santé. Vous savez comme moi, M. le Président, parmi les problèmes: du personnel qualifié avec de l'expérience a profité du programme de départs assistés, mais ça a eu comme résultat la désorganisation d'équipes opératoires. Alors, ça fait quoi, comme conséquence? Que les salles d'opération peuvent être moins utilisées qu'elles le devraient parce que justement... Ou, même si vous remplacez 10 personnes par 10 personnes, la compétence, l'expérience qu'avaient ces gens-là... Et on sait qu'en salle d'opération ça fonctionne par équipes. Quand le médecin tend la main pour prendre son instrument dont il a besoin pour compléter, vous savez, M. le Président, il n'a pas le temps de donner un cours là. Il faut que ça fonctionne.

Alors, vous m'indiquez, M. le Président, qu'il reste deux minutes à mon intervention. Moi, personnellement, quand je vois que le ministre nous propose un projet de loi qui a comme résultat de lui permettre de pouvoir se relever à l'Assemblée nationale et de nous dire que ce n'est pas de sa faute à lui, que c'est la faute de la régie, c'est quelqu'un d'autre à qui il a délégué, je lui rappelle que sa première responsabilité, celle qu'il a acceptée quand il a accepté la responsabilité du ministre de la Santé, c'est d'être responsable de ce qui arrive comme services dont on a besoin au Québec.

Et ce n'est pas avec des projets comme celui-là, ce n'est pas en se déchargeant de ses responsabilités, ce n'est pas en se levant en Chambre et en disant: Ce n'est pas de ma faute, c'est la faute de quelqu'un d'autre, et: Si j'avais su! Ça, quand on pense que c'est de cette façon-là qu'un ministre de la Santé peut s'acquitter de ses responsabilités, on est loin de l'engagement de l'État. Mais ça ressemble de plus en plus au désengagement que la population ressent de plus en plus fréquemment quand elle a besoin d'un service aussi essentiel que celui de la santé.

Une voix: Bravo! Bravo!

M. Cherry: Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Roberval. M. le député.


M. Benoît Laprise

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Je n'avais pas prévu adresser la parole au niveau de ce projet de loi. Mais, face aux opinions qui sont émises, je tenais quand même à donner la mienne et à faire une mise au point importante, car je ne voudrais pas qu'on reste avec l'idée que les gens qui souffrent de maladie mentale, comme ceux qui sont pris avec un problème d'alcoolisme ou de toxicomanie, sont des monstres dans la société. Parce que, dans mon comté, dans le comté de Roberval, vous savez que l'hôpital de Roberval a eu une vocation de sanatorium et également une vocation pour hospitaliser les gens qui étaient malades et qui avaient des besoins particuliers. Mais le sanatorium, qui est venu par après, recevait les gens qui souffraient de la tuberculose.

Vous savez que, dans le temps, la tuberculose, c'était la lèpre du temps, c'était une maladie qui était fuie par l'ensemble de la population. Alors, on prenait les gens dans les grands centres et on les envoyait dans les régions où il y avait du grand air, il y avait de l'air pur et il y avait une possibilité de réhabilitation, de guérison, même. Je crois que le sanatorium qui était greffé après l'hôpital du temps a fait un travail extraordinaire dans le comté de Roberval, et en particulier pour l'ensemble des malades qui souffraient de la tuberculose.

Aujourd'hui, suite au départ du sanatorium, après que cette maladie-là a été contrôlée par beaucoup de recherche et des médicaments très efficaces, on a créé à même l'hôpital de Roberval, dans une aile de l'hôpital, un centre de réhabilitation et de toxicomanie, qui était voisin de la maternité, voisin des femmes qui avaient besoin de soins particuliers, voisin également de la pouponnière. Mais, par contre, c'était quand même séparé, et il y avait des services qui se donnaient en commun. Moi, pour avoir eu l'occasion de visiter des gens dans cette aile-là, c'était très paisible, c'était très silencieux.

D'abord, il y avait un silence là-dedans qui amenait les gens à la réflexion, et je peux vous dire que cette option-là qu'il y avait, qu'on appelait le «département Saint-Antoine», qui avait été mise en place par soeur Jeanne d'Arc Bouchard, a fait un travail extraordinaire au niveau de la réhabilitation de l'alcoolisme, des gens qui souffraient d'alcoolisme et de toxicomanie. Ils ont reçu des hommes politiques, ils ont reçu des grands artistes, ils ont reçu des gens de toute la province et même des États-Unis, et ils en reçoivent encore. Et ils font un travail extraordinaire dans le but de permettre à des gens de se réhabiliter, de prendre le contrôle sur cette tendance-là qu'ils ont, qui devient quand même une maladie de l'époque, une maladie qu'il faut soigner, qu'il faut réhabiliter.

(16 h 30)

Et, même, je dirais, moi, que, si ces gens-là avaient l'opportunité d'aller travailler avec des enfants, d'aller travailler avec des handicapés... J'ai eu l'occasion de siéger sur un conseil d'administration d'ateliers protégés et de logements pour des handicapés, et on avait des prisonniers qui venaient travailler auprès des handicapés, et c'était pour eux – et ils nous le disaient – un plateau de réhabilitation extraordinaire. Ils avaient l'occasion de rencontrer des gens qui étaient blessés par la vie physiquement, intellectuellement, et eux autres aussi l'étaient, intérieurement, blessés par la vie. Alors, c'étaient des gens qui se comprenaient assez facilement et qui pouvaient s'apporter, je pense, les uns comme les autres, des ressources et des valeurs qui leur permettaient d'acquérir une certaine prise de conscience qu'ils devaient vraiment se prendre en main.

Vous savez, quand on voit un enfant qui est pris par un handicap quelconque et qui a besoin d'aide pour se déplacer, un handicapé qui est bien costaud, qui a peut-être fait des coups excessivement importants, même criminels, quand il prend ça dans ses bras, ça fait réfléchir. C'est le témoignage qu'on avait à ce moment-là de la part de ces gens-là.

Vous avez également, dans le comté de Roberval, l'hôpital Sainte-Élisabeth, qui est aujourd'hui le Claire Fontaine, dans lequel il y avait 800 malades, dans le temps, qui était barricadé dans les fenêtres, avec une cour de 10, 12 pieds de hauteur pour ne pas qu'ils s'échappent, et ces malades n'avaient aucun contact avec le monde ordinaire, aucun contact avec la société de tous les jours, aucun contact avec l'homme de la rue, avec le centre d'achats, en fait, avec l'ensemble de la collectivité. Ils étaient isolés, même enfermés dans des chambres à coeur de jour. On a pris la décision de sortir ces gens-là de là. C'est sûr que ça créait un impact économique parce qu'il y avait 800 malades. Il y avait 1 000 emplois là-dedans. On a dispersé à travers la région, dans des maisons privées, dans des locaux, des petites maisons, des petites cellules familiales, l'ensemble de ces personnes-là, du moins en bonne majorité, sauf celles qui avaient besoin de plus grands soins, qu'on a ramenées à l'hôpital régulier, à l'Hôtel-Dieu de Roberval, dans une aile bien cernée, bien protégée dans laquelle elles peuvent recevoir quand même de bons services.

Mais je pense que, dans cette démarche-là, qui était une démarche quand même très osée, on est les premiers dans la province de Québec à avoir fait cette démarche de décentralisation et cette démarche d'intégration du malade mental à l'ensemble de la collectivité. Aujourd'hui, ces gens-là se promènent sur les trottoirs, ils vont faire leurs achats, on leur a appris. On les encadre, il y a des gens qui les encadrent, mais ces gens-là ont appris à vivre en collectivité. Je crois que les plus grands bénéficiaires de cette démarche-là, qui est une démarche qui a été faite avec beaucoup de prudence mais que tout le monde craignait... Les gens de la rue craignaient ça, de voir arriver ces gens-là sur le trottoir, de voir arriver ces gens-là dans les centres d'achats, de voir arriver ces gens-là dans les commerces, mais on s'aperçoit après coup que les gens qui ont bénéficié de cette démarche-là, c'est justement ceux-là qui étaient à l'intérieur de l'hôpital.

C'est sûr que ça a dérangé des gens qui y travaillaient, que ça a dérangé des gens qui voyaient ça d'un mauvais oeil. Quand ils rencontraient ces personnes-là, ils changeaient de trottoir, mais aujourd'hui on voit de moins en moins ça. Les gens rencontrent ces gens-là, ils nous donnent la main, ils sont très cordiaux, très chaleureux et ils nous connaissent comme il n'y a pas un citoyen, bien souvent, qui nous connaît parmi la population. Ils sont chaleureux envers les gens, mais envers les enfants aussi. Vous savez, ce n'est pas ces gens-là qui font le plus de mauvais coups, au contraire.

La société s'est ouverte, a rendu accessibles ces services à l'ensemble de cette population-là qui était pénalisée, qu'on avait mise à l'écart dans différentes bâtisses. Alors, moi, je crois que le contact de réhabilitation, qui est à la fois pour les uns et pour les autres, ce contact-là de M. Tout-le-Monde avec des gens qui vivaient certains problèmes intellectuels comme certains problèmes physiques, tout le monde en a été enrichi. C'est sûr qu'il y a des protections à prendre, qu'il y a des précautions à prendre, qu'il y a de la prudence là-dedans, mais je pense qu'on aurait avantage à regarder de très près cette alternative-là afin qu'elle se répande tranquillement. Il ne faut pas faire ça à coups de spectaculaire à la grandeur de la province, mais je pense que le faire par étapes, c'est de nature, d'abord, à avoir un plus grand respect pour la personne humaine, peu importent ses handicaps, peu importe sa situation financière, peu importe également sa situation économique.

Alors, moi, pour un, suite aux propos qui étaient tenus dans cette Chambre, M. le Président, je ne voulais pas qu'on regarde ces gens-là avec le mur de la honte, qu'on les regarde comme des monstres, puis ni d'un côté ni de l'autre. Je crois que les gens qui sont pris avec un problème de toxicomanie ou d'alcoolisme ont besoin du plus grand respect de l'ensemble de la collectivité et je suis persuadé que ceux qui auront à prendre cette décision-là la prendront en fonction du bien commun, du bien de l'ensemble, du bien des jeunes, des enfants, mais aussi du bien de ceux-là qui sont en réhabilitation et qui ont besoin de la confiance et du respect de l'ensemble de la collectivité. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Roberval. Nous allons maintenant céder la parole au député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole en ce qui concerne le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, Bill 176, An Act to amend the Act respecting the Ministère de la Santé et des Services sociaux and the Act respecting the Régie de l'assurance-maladie du Québec.

As we've often had the obligation to say in this Chamber, Mr. Speaker, whatever else that is, it's not an English title, and given the fact that the Constitution Act of 1867 requires, under Section 133, that Québec and Manitoba, and now New-Brunswick, under the 1982 Constitution, must, by law, enact all legislation in both languages, it's at least surprising to see that Québec still obstinately refuses to do so, giving us this type of title. I'll read the English – the supposedly English title – one more time, Mr. Speaker. It's The Act to amend the Act respecting the Ministère de la Santé et des Services sociaux and the Act respecting the Régie de l'assurance-maladie du Québec. That is the English title as presented by this Government, the English title of Bill 176.

When it comes time to look at the actual bills and the statutes being amended, it's interesting to note that the translators use a certain amount of creativity to get some English words into the English statute. Because, instead of using the word «Régie» throughout the English statutes, Chapter R-5 of the Revised Statutes of Québec, what they do is, under – and, again, this is the actual English title – the Act respecting the Régie de l'assurance-maladie du Québec, well, they've gone ahead and they've defined the word «board», instead of «Health Insurance Board» being used throughout, they used to define the word «board» as being the Act respecting the Régie de l'assurance-maladie du Québec.

I guess that, given the fact that there are literally dozens of «boards», they couldn't very well entitle the act an Act respecting the Board. But since this Government doesn't see fit to correct this type of anomaly, I feel compelled, at least, every time to bring it up, to raise it and to explain that, whatever else that is... As one of my colleagues from Manitoba said when I worked there on the translation of all the laws towards French... And I can assure you, Mr. Speaker, that, in Manitoba, when we have a French bill, when we have a French statute, guess what? The title of the French statute is in French! And the name of the board, the commission, the agency that's created under the French statute exists in French.

Since 1977, the enactment of what is still referred to is Bill 101, despite the fact that it's been voted into law for over 20 years, since then, the agencies and organizations – what are called the public administration under that statute – are given only their French title.

That, Mr. Speaker, is a choice that perhaps pertains to the public administration itself. It is quite arguable that the government can, as a matter of policy, say: When we put up a sign on a building that houses the Québec Health Insurance Board, we will only put up the French words: Régie de l'assurance-maladie du Québec. No problem with that, whatsoever. That's a choice that the public administration can make. No problem with that, whatsoever.

Where it is a problem is where, in this House, we are asked to work with rules. The rules can be internal: the regulation of this House; the rules can be external: the Constitution. We are asking all of our fellow citizens to respect the laws that we enact, and yet we, ourselves, in presenting legislation, are failing to comply with the basic law of this country: the Constitution. That's what we're doing every time, and it's been going on for 20 years. I'm not saying that it's something that's just been invented last week. But when you read a so-called English title – and today's title, Mr. Speaker, is particularly galling: An Act to amend the Act respecting the Ministère de la Santé et des Services sociaux and the Act respecting the Régie de l'assurance-maladie du Québec – why claim that there is an English version if that's the English version? There are far more French words than English words in that title, and the Constitution requires an English version. That's our only point in that regard, Mr. Speaker.

When we look at the actual Statutes themselves, as many speakers on this issue before me have already had occasion to say, we notice that the Minister is in the process of giving himself the power to delegate almost all of his authority to anybody else.

Le pouvoir que le ministre de la Santé et des Services sociaux est en train de se conférer, aux termes du projet de loi n° 176, est absolument incroyable. Il y a deux articles substantiels dans le projet de loi. Je me permets de lire le premier, qui est l'article 1.

(16 h 40)

«Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

«Le ministre peut, par entente». M. le Président, la règle première d'interprétation des lois, du moins d'après tous les auteurs modernes, c'est qu'il faut lire une disposition que l'on cherche à comprendre dans son contexte. Le contexte peut être tantôt extérieur, c'est-à-dire qu'on fait référence à telle entité. C'est en relation avec quel sujet? Est-ce que c'est dans le domaine des mines? Dans le domaine de la santé? Est-ce qu'on est dans le domaine des institutions financières? Pour interpréter une clause d'un article, il faut savoir où on se situe. Ça s'appelle le contexte extérieur. Il y a aussi un contexte intérieur à une loi, c'est-à-dire que les articles d'une loi doivent se lire les uns par rapport aux autres. On est ici à l'intérieur du chapitre M-19.2, la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, et on propose d'ajouter un article qui se lirait comme suit, je relis le premier bout: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice».

Regardons ça en rapport avec l'article 10 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, le même chapitre M-19.2 des lois refondues du Québec. L'article 10 se lit comme suit: «Le ministre peut, conformément à la loi, conclure des ententes». Ça, c'est dans la loi actuelle: «Le ministre peut, conformément à la loi, conclure des ententes». Qu'est-ce qu'on propose d'ajouter? «Le ministre peut, par entente, déléguer». Qu'est-ce qui manque, M. le Président? C'est quoi la nuance? Évidemment, vous l'avez vite compris. Il manque la référence, que l'on trouve à l'article 10, que tout ça doit se faire conformément à la loi.

Ça donne une excellente indication des réelles intentions du ministre de la Santé et des Services sociaux. Il ne retient même pas le bout de phrase qui prévoit que tout cela doit se faire seulement conformément à la loi. On comprend pourquoi un ministre, avec de tels desseins, veut justement se donner le pouvoir de faire cette délégation-là, et il ne fait même pas référence au fait que ça devrait se faire selon la loi.

Si on regarde ce qui s'est fait depuis le début, depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement du Parti québécois, en septembre 1994 – ils sont maintenant dans leur quatrième année au pouvoir – ce qui s'est produit notamment surtout dans le domaine de la santé, on comprend pourquoi un ministre qui a fait tous les grabuges qu'on a vus depuis trois ans chercherait à se départir un peu de la responsabilité de sa faute. Ça ne marchera pas, M. le Président, parce que de notre côté on va s'objecter avec toute notre force à ce «délestement» de responsabilités ministérielles.

Les gens d'en face cherchent à changer le système politique en coupant le pays, en séparant le Québec du reste du Canada. Le brillant et talentueux ministre de l'Environnement, le député de Vimont, est en train de me dire oui de la tête. Du tourisme, c'est vrai. He got fired from the heavy ministry. He is now a junior minister. He is reminding me that he got fired a few months ago. I had forgotten. Il est en train de me dire oui de la tête, que c'est ça, leur but, ils veulent se séparer. Mais, malheureusement pour eux autres, jusqu'à nouvel ordre, au sens figuré et au sens propre, on est dans un système du type parlementaire inspiré par les règles de la Bretagne, démocratique, n'en déplaise au gouvernement du Parti québécois. Et une des pierres d'assise de notre système démocratique d'inspiration britannique, c'est la responsabilité ministérielle. Un ministre qui a charge d'une loi, de l'application des lois par le biais d'un ministère dont il est titulaire, dont il est responsable, doit porter la charge des décisions qui lui incombent en vertu de cette loi-là.

Ce que l'on voit ici avec le projet de loi n° 176, M. le Président, c'est une manière d'ériger un système, cette tendance que l'on constate tous les jours de ce gouvernement de toujours trouver quelqu'un d'autre dont c'est la faute. On a le ministre des Finances qui, jour après jour, dit: C'est n'est pas de ma faute si je suis en train d'augmenter la taxe de vente de 15 % à partir du 1er janvier. Ce n'est pas de ma faute, c'est la faute à Ottawa. Ce n'est jamais leur faute. Ils n'ont pas de responsabilité, eux autres. Ils ont de l'argent pour l'option, par exemple. C'est le seul moment où il se trouve qu'ils ont de l'argent: 100 000 000 $ pour le dernier référendum, au bas mot, parce qu'on ne compte pas là-dedans toutes les études qu'on a fait faire. Là il y avait de l'argent. On ne compte pas les audiences publiques qui ont été menées à travers la province. Là il y avait de l'argent. On ne compte pas les 350 000 000 $ qui ont été garochés par la fenêtre avec le plan Paillé. Par hasard, surtout auprès des copains, on l'a vu avec Richard Holden encore – c'est dans les journaux de ce temps-ci – Richard Holden, lui, il a eu de l'argent, 46 000 $, si je ne m'abuse, du plan Paillé, avant d'être nommé commissaire à la Régie du logement. Là les péquistes avaient de l'argent!


Motion de scission

M. le Président, vous me faites signe que le temps achève, et j'ai déjà indiqué que le projet de loi comportait deux sujets. Je me permet de faire la motion suivante:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 176 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, comprenant les articles 1 et 3, et un deuxième intitulé Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, comprenant les articles 2 et 3», qui serait repris, le troisième.

Alors, nous espérons qu'avec ça, M. le Président, on sera mieux en mesure de débattre.


Débat sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Pinard): La motion de scission est déposée. Alors, avant de suspendre pour l'analyser et rendre une décision, j'apprécierais à ce stade-ci recevoir de part et d'autre... Allons-y, je pense que vous êtes en mesure, par... Une personne de chaque côté pourrait me faire ses remarques, ce qui me permettrait de le prendre en délibéré et de rendre jugement. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, vous m'avez reconnu à ce moment-ci?

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, monsieur.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, la motion présentée par le député de Chomedey s'impose à l'Assemblée nationale du Québec. Si le ministre de la Santé était parmi nous, il pourrait vous réitérer, comme il l'a bien expliqué au cours de son allocution sur l'objet du présent projet de loi, quel est l'objet du présent projet de loi. Je vais tenter de résumer très brièvement le discours du ministre, parce que c'est le meilleur témoin pour nous indiquer que ce projet de loi est scindable.

Vous vous en souviendrez, M. le Président, c'est vous qui présidiez à ce moment-là, le ministre nous a demandé, aux parlementaires des deux côtés de la Chambre, de lui donner législativement les moyens de faire en sorte que la Régie de l'assurance-maladie du Québec puisse, à partir de l'adoption du projet de loi, de sa mise en vigueur, administrer un programme de sécurité du revenu, si vous me passez l'expression, qui permet aux personnes âgées qui sont hébergées dans les centres d'accueil, dans les centres hospitaliers de longue durée, après avoir payé pour leur gîte et leur couvert, de conserver un léger pécule. Et ça, ce principe-là dont le ministre nous a parlé, M. le Président, vous le retrouvez à l'article 2 du présent projet de loi: «La Régie exerce également toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.»

Donc, ça permet de régler cet objet-là. Et nous l'avons déjà indiqué – nous profitons de l'occasion pour le réindiquer – s'il s'agissait du seul principe qui sous-tend le projet de loi dont l'Assemblée nationale est présentement saisie, M. le Président, il pourrait y avoir adoption, sous réserve des commentaires de mon collègue à la Sécurité du revenu, assez rapide du projet de loi. Nous n'avons pas de difficulté fondamentale, de ce coté-ci, avec cet élément.

D'ailleurs, M. le Président, si vous vous référez à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie, particulièrement aux articles 3 et 23 de cette loi, vous pouvez constater que la Régie, en divisant le projet de loi, conserve toute sa possibilité d'agir en combinant l'article 2 avec l'article 3 qui énonce déjà certains pouvoirs de la Régie: «La Régie est une corporation au sens du Code civil du Bas-Canada et elle est investie des pouvoirs généraux d'une telle corporation et des pouvoirs particuliers que la présente loi lui confère.» Donc, en additionnant les pouvoirs contenus dans la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie, les pouvoirs contenus au Code civil du Bas-Canada en ce qui concerne une corporation et en additionnant les pouvoirs contenus dans la présente loi, qui sont sous-tendus par le principe énoncé à l'article 2, cette Régie a tous les pouvoirs.

(16 h 50)

D'ailleurs, l'article 23 va encore un petit peu plus loin en stipulant ce qui suit: «Accords autorisés. Le gouvernement peut, sous réserve de l'article 19 de la Loi sur l'assurance-maladie, autoriser le ministre de la Santé et des Services sociaux ou la Régie – donc, les deux peuvent être autorisés – à conclure des accords avec tout gouvernement ou organisme, ainsi qu'avec toute personne, association, société ou corporation pour les fins de la présente loi ou de la Loi sur l'assurance-maladie.» Donc, tous les pouvoirs, en additionnant ceux contenus à l'article 2 du présent projet de loi aux articles 3 et 23 de la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie, permettent au ministre d'atteindre le principe qu'il nous a décrit lui-même comme soutenant son projet de loi.

D'ailleurs, les notes explicatives peuvent vous apporter un éclaircissement additionnel, M. le Président. Le deuxième paragraphe sous-tend exactement le discours du ministre. Il dit ce qui suit: Le projet de loi modifie également la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de permettre à la Régie d'exercer toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre. Tout ça, en soi, se tient, c'est un principe qui vaut la peine d'être étudié par l'Assemblée nationale du Québec, qui pourra porter une décision sur ce principe.

Maintenant, il y a un autre principe dans ce projet de loi, et c'est le principe que l'on retrouve à l'article 1 de cette loi. Là, il n'est plus question de la Régie de l'assurance-maladie, M. le Président, il est question d'à peu près tout ce qui bouge dans le domaine de la santé. D'ailleurs, ça ne modifie pas la même loi, ça modifie la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Le texte est très simple, il se lit comme suit: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.» Toute autre question, toute autre affaire. D'ailleurs, vous vous en êtes rendu compte à écouter les discours de part et d'autre, autant des députés de l'opposition que des députés ministériels. Là, le ministre ne cherche plus à protéger les gens qui ont un petit pécule après avoir payé le couvert et le gîte; là, il cherche à se délester de tous ses pouvoirs, de tous ses devoirs et de toutes ses responsabilités envers un quelconque organisme ou plusieurs organismes. Il ne nous dit pas qui, il ne nous dit pas comment. Ça fait que le premier article et les notes explicatives, encore une fois, sont clairs, peuvent vous éclairer.

Au premier paragraphe: «Ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère de la santé et des services sociaux afin que le ministre puisse, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par cette loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

Donc, vous avez comme créneaux deux lois très distinctes et très différentes qui ont déjà fait l'objet d'analyses spécifiques par l'Assemblée nationale parce que chacune a son principe, la loi de l'assurance-maladie et la Loi sur la santé et des services sociaux. Les notes explicatives sont très claires, elles nous expliquent qu'il y a deux principes qui vont être modifiés: un pour la Loi sur l'assurance-maladie, l'autre pour la loi sur les services sociaux. Vous avez le discours du ministre, au moment de l'adoption du principe, qui nous dit clairement qu'il plaide en fonction d'un principe, et il a plaidé strictement – vous relirez les notes, M. le Président – en fonction du principe contenu à la Loi sur l'assurance-maladie comme telle. Il n'a pas pris la peine de plaider le second principe.

Et vous avez, pour vous éclairer, les précédents à l'Assemblée nationale du Québec. Il n'y a jamais, dans le cas de motions de scission, sauf exceptions très rares, des faits qui peuvent être comparés ou comparables. Les lois sont toutes différentes, mais les principes qui sous-tendent l'argumentation à l'endroit d'une motion de scission demeurent les mêmes. Je vous rappellerais tout simplement une décision d'un éminent prédécesseur qui vous a précédé sur le trône, rendue le 4 décembre 1990 par le président de l'époque. Je pense que c'est une autorité, pour ne pas dire une sommité, quant aux décisions qu'il a rendues. Il s'agit de Roger Lefebvre, député de Frontenac, alors vice-président de l'Assemblée nationale. La décision se résume comme suit: «Compte tenu de certains critères élaborés par la jurisprudence permettant d'évaluer si un projet de loi contient ou non plus d'un principe, la motion de scission...» Dans ce cas-là, elle était recevable. Il énumère les principes, et c'est ce sur quoi je voudrais attirer votre attention. «Un premier critère veut que chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout constituant un principe.»

Je vais répéter parce que je pense que le leader du gouvernement n'est pas familier avec cette décision: «Un premier critère veut que chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas une fraction d'un tout, le tout constituant le principe.»

Donc, M. le Président, si l'ensemble du projet de loi constituait un seul principe, vous n'auriez d'autre choix que de rejeter la motion de scission présentée par le député de Chomedey. Si vous en venez à la conclusion que chaque partie du projet de loi constitue un principe, donc peut se tenir par elle-même, vous vous devez de suivre, je vous le soumets respectueusement, la jurisprudence qui a été établie par le député de Frontenac qui, lui, suivait une longue jurisprudence de l'Assemblée nationale.

Un second critère, M. le Président, qui fait partie des critères de décision consiste à distinguer entre l'essence et les modalités du projet de loi. À titre d'exemple, dans le cas qui nous concerne, le président s'exprimait comme suit: «Il est difficile de considérer les dispositions du projet de loi relatives à l'administration de la loi fédérale comme des modalités de la taxation du Québec, cette partie étant l'essence du projet de loi.»

L'essence du projet de loi qui est devant nous, c'est de permettre à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de faire ce que le ministre souhaite qu'elle fasse. Il y a une autre essence au projet de loi, c'est de permettre au ministre de se départir de ses devoirs et de ses fonctions en faveur d'un quelconque organisme. Et ça, c'est ce qu'on appelle en termes juridiques «the pith and substance is completely different», M. le Président. Et ça, le député de Laviolette va le reconnaître. Le ministre l'a reconnu. À moins qu'il veuille contredire son propre ministre au moment de ses représentations.

Et je vous souligne, M. le Président, que, si la motion de scission est accueillie, je le répète, on pourra procéder rapidement avec le principe que le ministre a mis de l'avant. Quant à l'autre principe, il fera l'objet de longues discussions de part et d'autre, autant au niveau de son adoption qu'en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. M. le leader du gouvernement.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je remercie le leader de l'opposition pour son argumentation, en vous rappelant, M. le Président, qu'il y a un principe qui est contenu dans ce projet de loi qui est un principe de délégation.

Dans un premier cas, le ministre indique – et, par les notes explicatives, on le conçoit très bien: Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées. Donc, quel est le principe? C'est une délégation de l'exercice des fonctions.

Dans le cas qui préoccupe le député de l'autre côté, M. le Président, c'est la deuxième partie. Qui est le réceptacle qui va recevoir la fonction qui va être déléguée? C'est la Régie de l'assurance-maladie du Québec. En conséquence, M. le Président, on dit qu'il faut modifier la loi de la Régie pour qu'elle puisse recevoir la délégation. Il n'y a pas d'autre raison que celle-là.

Dans ce contexte-là, le député vous sert l'argumentation sur la recevabilité de cette motion de scission. Moi, je dois dire qu'elle est, à mon avis, irrecevable. Je pourrais argumenter longtemps. Comme le disait le leader de l'opposition, j'ai moins d'expérience. J'ai quand même connu beaucoup de motions de scission qui ont été des motions dilatoires, M. le Président. C'est évident, c'est ce que cherche le député de l'opposition. Mais, en conséquence du principe de départ, de délégation de l'exercice de certaines fonctions, si le ministre décide de les déléguer, il faut qu'il les délègue quelque part. Il décide de le déléguer à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Donc, il était normal qu'on modifie en conséquence la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Donc, un seul principe: modalités d'application. Voilà ce que vous avez à décider, M. le Président, à ce moment-ci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader.

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Non, ça va aller. J'ai suffisamment écouté pour être en mesure, à ce stade-ci, de prendre le tout en délibéré et de vous revenir le plus rapidement possible, je l'espère.

(Suspension de la séance à 16 h 59)

(Reprise à 17 h 30)


Décision du président sur la recevabilité

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous sommes maintenant prêts à rendre notre décision concernant la recevabilité de la motion de scission du projet de loi n° 176 présentée par M. le député de Chomedey. Il s'agit en fait d'une motion qui vise à scinder le projet de loi n° 176 en deux projets de loi: le premier intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et le deuxième intitulé Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Tout d'abord, une analyse du projet de loi m'amène à conclure qu'il comporte deux principes. Le premier principe a trait au pouvoir accordé au ministre de la Santé et des Services sociaux de déléguer à un organisme, par entente, l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées. Le second principe est relatif à l'exercice, par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, de toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.

Le fait, pour un projet de loi, de comporter plus d'un principe ne signifie pas forcément qu'il est scindable. Pour ce faire, d'autres conditions ont été élaborées au fil du temps par la jurisprudence parlementaire. Parmi ces conditions, il y a les suivantes: chaque partie du projet de loi scindé doit pouvoir être considérée distinctement; chaque partie du projet de loi scindé doit constituer plus qu'une modalité; les projets qui résulteraient de la scission doivent constituer des projets de loi cohérents en eux-mêmes. À mon avis, la motion de scission présentée par M. le député de Chomedey rencontre toutes les conditions précitées.

De plus, j'aimerais ajouter que, lorsqu'elle doit décider de la recevabilité d'une motion de scission, la présidence n'a pas à porter d'opinion juridique sur le fond du projet de loi. Eu égard au projet de loi n° 176, il n'appartient donc pas à la présidence de rechercher si l'organisme à qui le ministre de la Santé et des Services sociaux peut déléguer l'exercice de fonctions en vertu de l'article 1 est nécessairement et exclusivement la Régie de l'assurance-maladie dont il est fait mention à l'article 2. De même, la présidence ne peut interpréter que les termes «un ministre» utilisés à l'article 2 visent nécessairement et exclusivement le ministre de la Santé et des Services sociaux. Il peut exister un lien entre les articles 1 et 2 du projet de loi, comme ils peuvent être indépendants l'un de l'autre. Toutefois, la présidence n'a pas à rechercher l'intention du législateur, elle se limite à la lecture du texte sans l'interpréter, d'où les deux principes.

En conséquence, la motion de scission du projet de loi n° 176 présentée par M. le député de Chomedey est recevable. Je vais donc suspendre les travaux de l'Assemblée pendant quelques minutes afin de tenir une réunion avec les deux leaders, du gouvernement et de l'opposition, pour répartir le temps du débat restreint auquel nous donne lieu la motion de scission. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, strictement, M. le Président, nous sommes liés par votre décision. Les dispositions de l'article 41 sont claires à cet effet; nous ne pouvons ni la discuter ni la contester. En l'occurrence, ça ne serait pas approprié de le faire, c'est une décision bien fondée.

Maintenant, à ce moment-ci, dans le but d'accélérer le fonctionnement de nos travaux et également de permettre au leader de consulter le ministre et de s'assurer que les gens qui, suivant le discours du ministre, pourraient être appelés à bénéficier des retombées d'un des principes du projet de loi ne soient pas pénalisés, moi, j'offre au leader du gouvernement, si le ministre y consent, que la scission se produise immédiatement, que deux projets de loi soient réintroduits. Et j'accepterais, M. le Président, dans les circonstances, que le projet de loi qui touche la Régie de l'assurance-maladie comme tel soit repris à l'étape où nous sommes rendus, ne pas recommencer au début, de façon à ce que, s'il y a des gens qui peuvent en bénéficier avant les Fêtes, ils puissent en bénéficier avant les Fêtes.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, je remercie beaucoup le leader de l'opposition pour son astuce, mais on va faire le débat. On votera. Et, quand le vote sera fait, on passera à l'étape que décidera cette Assemblée. Et je pense que, à ce moment-là, nous aurons donc un bon débat sur le fait que vous ayez accepté la scission. Mais il faut la voter, cette motion-là. On la votera en temps et lieu, M. le Président, après un débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous ayant entendus de part et d'autre, je vous invite maintenant à me suivre pour une petite réunion.

(Suspension de la séance à 17 h 36)

(Reprise à 17 h 46)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Avant que l'on prenne la décision de continuer le débat sur cette question, j'aimerais prendre quelques moments de répit et de vérification et je vous demanderais de suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous conviendrez également que c'est à ce moment, à 20 heures, que je vous dévoilerai l'entente que nous avons eue ensemble concernant la répartition du droit de parole. Mmes, MM. les députés, je suspends donc nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 47)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Lorsque nous avons suspendu les travaux, j'étais rendu à vous révéler le fruit de l'entretien que nous avons eu, les deux leaders ainsi que la présidence. Le temps de parole pour le débat sera comme suit: 10 minutes pour le groupe des députés indépendants, la balance du temps sera partagée en parts égales entre l'opposition et le parti gouvernemental. Le temps qui ne sera pas pris par les députés indépendants sera réparti équitablement entre les deux groupes parlementaires, bien entendu. Ensuite, si l'un des groupes parlementaires ne prend pas le temps qui lui est alloué, ce même temps sera bien entendu dévolu à l'autre groupe parlementaire. Enfin, pour terminer, permettez-moi de vous dire que les allocutions des députés ne seront pas limitées à un temps défini. Alors, elles seront illimitées.


Débat sur la motion de scission

Donc, je serais prêt maintenant à céder la parole au leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi. M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Merci, M. le Président. Vous me permettrez de souligner à ce moment-ci que nous assistons possiblement, sur le plan de la législation qui touche un sujet qui nous préoccupe tous et toutes, le sujet de la santé... Un sujet important dans lequel le ministre, qui est connu pour se vanter en cette Chambre de tout planifier dans le moindre détail, nous présente un projet de loi de trois articles – trois articles – qui contient, suivant la décision – ce n'est pas l'opposition libérale qui le dit mais la présidence de l'Assemblée nationale, qui est neutre – deux principes.

(20 h 10)

Comment quelqu'un qui se vante quotidiennement de tout avoir planifié dans le moindre détail quand il nous parle de son virage ambulatoire peut présenter un projet de loi qui contrevient, dans trois articles, à la base même du règlement de l'Assemblée nationale qui permet aux députés de ne se prononcer que sur un seul principe à la fois? M. le Président, c'est un record. C'est du jamais vu; c'est sans précédent. Mais les députés, autant ministériels que du côté de l'opposition, savent très bien que ce ministre est capable des pires gaffes. Qui n'a pas eu dans son comté de nombreux citoyens ou citoyennes qui ne sont pas intervenus pour leur dire que peut-être que, sur papier, sa réforme de la santé, ça fonctionnait, mais, dans la réalité, ça ne fonctionnait pas? Ce soir, nous sommes dans un cas où, même sur papier, ça ne fonctionne pas, M. le Président. Deux principes dans trois articles. On tente de mélanger le monde. J'avais débuté mon intervention au niveau de l'adoption du principe du projet de loi en disant, après une lecture rapide du projet de loi: Comment le ministre de la Santé, au lieu de faire simple, peut faire compliqué?

M. le Président, pour replacer les gens qui nous écoutent dans le contexte du projet de loi, permettons-nous dans un premier temps de le résumer. Le ministre est venu devant cette Assemblée nationale faire appel à la collaboration de tous les membres de l'Assemblée nationale pour que nous adoptions le plus rapidement possible un projet de loi qui, suivant ses propres dires, ferait en sorte que les personnes âgées – que nous représentons tous et toutes dans l'Assemblée nationale – puissent bénéficier le plus rapidement possible d'une certaine protection quant au revenu minime que ces personnes ont droit de recevoir du gouvernement après avoir assumé le coût de ce qu'on appelle la nourriture et le logement. Ces personnes sont généralement hébergées en centre d'accueil ou en centre hospitalier de longue durée, ce qu'on appelle communément les CA et les CHLD.

Bien sûr, M. le Président, il n'y a pas personne ici qui veut voter contre, qui veut retarder d'une seule minute une protection accrue pour les personnes âgées. Le ministre nous a expliqué que c'était dû à une «complexificité» – je pense que c'est le mot qu'il a utilisé – administrative. Sa collègue la ministre de l'Emploi et de la Concertation, responsable de la sécurité du revenu, est responsable de cette tranche d'argent qui va au-delà de ce qui est prévu pour l'hébergement et pour la nourriture. Il y a des ententes administratives présentement entre le ministère de l'Emploi et de la Concertation, sécurité du revenu, et le ministère de la Santé et des Services sociaux. Le ministre nous dit: J'ai besoin de vous, les législateurs, pour simplifier l'administration d'une telle mesure. À partir de l'adoption de ce projet de loi, ça sera la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui va administrer ça de façon beaucoup plus simple. On ne sera pas pris entre deux ministères. On ne sera pas pris entre des ententes administratives complexes et compliquées.

M. le Président, on tente, là, depuis quelques jours, de convaincre le ministre que, si c'était là l'intention véritable qui l'animait, s'il avait à coeur la protection du revenu minimum qui reste aux personnes âgées après avoir assumé leurs coûts de logement et leurs coûts de nourriture, il pouvait compter sur la collaboration de l'opposition. Nous sommes même allés – et je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de précédents à cet égard – jusqu'à offrir à notre bon ami le leader du gouvernement notre collaboration la plus complète et la plus totale après que vous avez eu rendu la décision de la présidence à l'effet qu'un projet de loi de trois articles contenait deux principes et qu'il fallait le scinder.

M. le Président, nous avons offert au ministre de la Santé de cesser de s'entêter. Nous avons offert au ministre de la Santé d'accepter votre décision; s'il ne croit pas les libéraux, s'il pense que nous sommes partisans, au moins d'accepter la décision de la présidence et de présenter deux projets de loi, le premier qui viendrait lui permettre de réaliser l'objectif premier qu'il poursuit. Nous avons même renoncé à des prérogatives qui sont celles des parlementaires pour accélérer le débat. Nous avons même offert au ministre de la Santé de reprendre le débat sur le projet de loi qui est au coeur... qui contient un des principes, qui vise à protéger les personnes hébergées, au stade où nous en sommes, de façon à ce que le débat puisse se terminer le plus rapidement possible et que les gens puissent profiter le plus rapidement possible des mesures que le ministre met de l'avant.

Mais il y a un autre principe dans ce projet de loi là, M. le Président, puis on commence à comprendre que le ministre ne nous a peut-être pas conté la vraie histoire. Ce n'est pas pour venir en aide aux personnes âgées, ce n'est pas pour faire en sorte que le petit pécule qui leur reste après avoir payé leur hébergement puis leur nourriture soit protégé, ce n'est pas ça. Ça, c'est le faux prétexte du projet de loi. Parce que, si c'était le vrai prétexte du projet de loi, si c'était le vrai principe du projet de loi, nous serions en train de finaliser son adoption au moment où nous nous parlons. Le vrai objectif, le vrai principe que tente de défendre le ministre...

Là, j'attire l'attention des députés péquistes. Vous allez vous rappeler qu'il n'était pas question de fermer d'hôpitaux au Québec, quand il nous disait qu'il voulait plus de pouvoirs. C'était pour mieux soigner le monde. Il est venu à l'Assemblée nationale nous dire: J'ai besoin de plus de pouvoirs comme ministre pour mieux soigner le monde. Qu'est-ce qui est arrivé? Il a fermé sept hôpitaux à Montréal: plus de 1 500 lits dans les hôpitaux qui existent; fermé deux hôpitaux à Québec: l'hôpital Chauveau, le Jeffery Hale. Il est en train sournoisement de fermer l'hôpital Saint-Sacrement, menace de fermeture... Et je vois mon bon ami le député de Roberval, là-bas, qui ne peut même plus se fier à la parole du ministre et qui a demandé des garanties écrites du premier ministre pour s'assurer que le ministre de la Santé ne ferme pas son hôpital, dans son comté, ou ne le réduise pas à une quantité quasi inexistante.

Là, ce même ministre là qui voulait plus de pouvoirs il y a à peine quelques mois pour faire mal au système de santé, pour faire mal aux patients et aux patientes qui sont vulnérables quand ils sont malades, nous revient devant l'Assemblée nationale dire, sous le couvert encore une fois: Bon, je fais ça pour aider le monde. Il met un autre principe ou inclut un autre principe dans son projet de loi, et ce principe-là, M. le Président, il vise à déresponsabiliser le ministre de l'Environnement... de la Santé.

Le ministre de la Santé se rend compte que ça ne marche pas. Ça ne fonctionne pas. Les députés du Parti québécois, dans les caucus, lui disent privément: M. le ministre de la Santé, vous êtes un dur boulet à traîner dans mon comté. Moi, je veux être réélu.

Il y a le leader du gouvernement qui, de l'autre côté, M. le Président, malgré que le règlement l'interdise, me dit que ce n'est pas vrai. Ça, c'est le même leader qui, sous les ordres du ministre de la Santé, s'est rendu à Clova, dans son comté, fermer un dispensaire qui était la seule place où les gens de Clova puis les gens qui allaient à la chasse et à la pêche pouvaient se faire soigner. Il ne coûtait pas cher, ce dispensaire-là – il y avait, dans ce dispensaire-là, une seule infirmière – le salaire d'une infirmière et un local, là, bien modeste. Ça coûtait moins cher que l'ajout d'une limousine ministérielle que le député a acceptée en échange de la fermeture de son dispensaire de Clova.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, celui qui tient lieu de leader de l'opposition, comme il me plaît à le dire, a sans doute oublié quelques articles, quelques paragraphes, dis-je plutôt, de l'article 35.

M. le Président, si vous me le permettez... S'adresser directement à un autre député, c'est interdit. Attaquer la conduite d'un député, c'est interdit. Imputer des motifs indignes à un député, c'est interdit. Se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit, c'est interdit.

La seule chose que l'on retient de son discours, c'est le fondement psychologique des lapsus. Il a dit: ministre de l'Environnement. Il est probablement honteux de son passé comme ministre de l'Environnement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, j'avais retenu 90 % de votre allocution et de votre intervention, mais me permettez-vous de vous mentionner que ce que vous reprochez exactement au leader de l'opposition, vous l'avez véritablement et exactement repris dans le 10 % en terminant votre intervention. Toutefois, je tiens à vous mentionner, M. le leader de l'opposition, et je suis convaincu que vous l'admettrez avec moi, que, effectivement, vous avez enfreint quelques paragraphes de l'article 35, pas seulement un, mais quelques-uns. Alors, je vous prierais de continuer, tout en respectant, comme vous savez très bien le faire et à l'habitude, votre règlement. M. le leader.

(20 h 20)

M. Paradis: Oui, M. le Président, certainement pas le quatrième alinéa de l'article 35. Je m'adresse toujours à la présidence de l'Assemblée nationale et, contrairement aux affirmations du leader adjoint du gouvernement qui est venu à la défense du leader en titre du gouvernement, jamais je ne me suis adressé directement au leader du gouvernement sans passer par votre personnage, M. le Président. Et je continuerai toujours à m'adresser à la présidence pour transmettre les messages. De cette façon-là, au moins, on risque qu'ils soient compris par au moins un des intervenants!

Dans le deuxième aspect de la question soulevée par le leader adjoint du gouvernement, je vous indiquerai que je n'ai jamais voulu prêter de motifs indignes à bon ami le leader du gouvernement. Je pense que le geste qu'il a posé est digne de sa conduite, M. le Président. Ce sera à ses électeurs de juger à l'occasion de la prochaine élection, et on surveillera particulièrement les résultats du bureau de scrutin de la région de Clova. Ce sont eux qui auront le dernier mot quant aux propos que j'ai prononcés en cette Chambre et l'analyse que j'en ai faite.

Mais revenons à notre bon ami, M. le Président, le ministre de la Santé. Il avait l'occasion, pendant l'intermission de nos délibérés, pendant plus de deux heures, de choisir entre un certain entêtement, ou – et c'est peut-être là, là, qu'il faut nuancer les propos – l'approche technocratique de ses fonctionnaires, et la protection des patients ou des personnes âgées. Moi, j'ai fait confiance. Je me suis dit: Peut-être qu'il y a quelqu'un, là, dans ce gouvernement-là, peut-être des députés d'arrière-ban qui vont le convaincre que la protection du petit pécule qui reste aux personnes âgées après avoir couvert le coût de logement puis de nourriture, ça va primer sur l'approche technocratique, ça va primer sur l'entêtement.

M. le Président, j'ai été encore une fois désappointé et déçu, ce qui ne m'empêchera pas à l'avenir, encore une fois, de faire des propositions au ministre de la Santé qui vont dans le sens de la protection des plus faibles, des plus démunis et des gens qui en ont le plus besoin dans la société. Ça n'empêchera pas non plus certains députés de l'autre côté qui l'ont fait, certains publiquement – je fais référence au député de Saint-Jean, qui est parmi nous ce soir, je fais référence au député de Roberval, que j'ai mentionné tantôt, je pourrais parler du député de Lévis, je pourrais parler, M. le Président, là c'est beaucoup plus délicat, de votre collègue à la vice-présidence, qui est condamné à la neutralité et qui, malgré tout, s'est porté à la défense de l'Hôpital Chauveau – ça n'empêchera pas les députés de ce côté-ci...

Ça commence à faire pas mal de monde, ça, élus par pas mal de monde, qui disent au ministre de la Santé: C'est quoi qui ne va pas? C'est quoi, le problème? Puis, une fois qu'on a regardé le dossier puis qu'on a regardé ce qui pourrait être bon pour la population, il y a des gens qui commencent à dire que le problème, c'est le ministre. Puis je pense que le ministre a commencé à le réaliser. Le ministre a commencé à penser que c'est peut-être ça, le problème. Mais là c'est la solution qu'il envisage qui ne fonctionne plus. En se disant que c'était lui le problème, lui le responsable, il s'est dit: De quelle façon je peux me déresponsabiliser quant à mes pouvoirs, quant à mes devoirs, quant à mes fonctions? De quelle façon je peux faire passer ça sur le dos de quelqu'un d'autre?

C'est déjà un pas dans la bonne direction d'admettre qu'on s'est trompé, mais de tenter de passer le blâme sur quelqu'un d'autre, ça, ce n'est pas faire preuve de ce qu'on appelle du courage, ce n'est pas faire preuve de responsabilité envers ceux et celles qui sont les plus fragiles et les plus démunis dans notre société. Il y a une façon noble de le faire. Il y en a déjà d'autres qui l'ont fait dans le passé. Quand on s'aperçoit que, comme ministre, on nuit plus qu'on aide, on écrit une petite lettre au premier ministre puis on lui demande: M. le premier ministre, dans les circonstances, j'ai échoué ce que j'ai entrepris, je suis devenu un boulet pour mes collègues, je suis devenu un boulet pour ma formation politique, tout indique qu'il y a des collègues qui vont perdre leur siège aux prochaines élections à cause de mes actions ou de mes inactions. J'ai le sens de l'honneur, M. le premier ministre, puis, dans les circonstances, voici ma lettre de démission. Et ça, ça se fait généralement dans une missive assez privée. Ce n'est pas quelque chose que l'on retrouve sur les fax du ministère du Revenu ou sur la place publique.

Mais le ministre de la Santé, lui, a toujours une façon originale: plutôt que de faire simple, faire compliqué, il l'écrit dans un projet de loi. Ça, ça devient assez public, puis il n'y a plus de renseignements confidentiels, là. À partir du moment où c'est dans un projet de loi, c'est discuté à l'Assemblée nationale, c'est partout dans la population. Puis sa lettre de démission, il l'a écrite de façon subtile. C'est une qualité qu'on ne lui connaissait pas encore, mais on est prêt à reconnaître son évolution dans ce sens-là.

On retrouve sa lettre de démission, le contenu de sa lettre de démission à l'article 1 du projet de loi n° 176. Il a essayé de nous dire que c'était pour aider les personnes. Vous avez dit: C'est deux principes. Mais là sa lettre de démission se lit comme suit: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

M. le Président, est-ce que vous réalisez la portée? Je m'excuse, vous avez réalisé la portée de cette lettre de démission: Je ne veux plus, comme ministre de la Santé, être responsable de l'exercice de mes fonctions qui me sont dévolues en vertu de la présente loi ou de toute autre loi dont j'ai la charge. C'est un remaniement ministériel assez subtil, ça, là!

Et le ministre de la Santé, quand on retourne à ses pouvoirs, à ses devoirs puis à ses fonctions, ce n'est pas n'importe quels pouvoirs, M. le Président, ce n'est pas n'importe quels devoirs, ce n'est pas n'importe quelles fonctions dont il veut se départir. Ce n'est pas le cas d'un ministre qui dit: Moi, là, j'en ai assez de voir au dernier détail de l'administration ou de la gestion de mon ministère. Ce pour quoi il demande la possibilité à l'Assemblée nationale... Il y a des gens tantôt de l'autre côté qui, inconsciemment ou consciemment, vont voter pour que le ministre «s'autodémissionne». Mais les pouvoirs, il va les confier à qui, à quel organisme? Ça, on ne le sait pas. On verra ça plus tard, lorsqu'on lui aura donné, comme législateurs, un chèque en blanc. On verra ce qui arrivera. Puis, après ça, on ira se plaindre au caucus du Parti québécois ou on posera des questions à l'Assemblée nationale pour se demander: Qu'est-ce qui arrive? Pourquoi les gens ne sont pas soignés? Pourquoi ils manquent d'argent? Pourquoi ils manquent de moyens? Pourquoi les employés du secteur hospitalier sont en burnout? Pourquoi les médecins ne peuvent pas traiter les cas les plus criants, même des cas de tumeur au cerveau, même des cas de cancer de poumon, même des cas orthopédiques quant à la hanche, pourquoi les listes d'attente sont aussi longues? Là, le ministre nous dira: Ce n'est plus moi qui suis responsable de ça. Mme la députée de Papineau, Mme la députée de Rimouski, Mme la députée de Prévost m'ont donné le pouvoir de déléguer ces responsabilités-là à tout genre d'organisme. Adressez-vous, à partir de ce jour, aux organismes à qui j'ai délégué ça.

(20 h 30)

Et quels sont ces pouvoirs, M. le Président? Ils sont prévus à la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. L'article 2 donne les fonctions du ministre qui veut déléguer à on ne sait pas quel organisme. Il veut déléguer la fonction suivante: «Le ministre a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux.» C'est qui qui va faire ça? Puis pourquoi vous voulez vous débarrasser de cette responsabilité-là qui est la vôtre quand vous avez prêté serment? Il y a un de mes collègues qui vous a parlé hier de votre serment de médecin, qui a parlé au ministre de la Santé de son serment de médecin, M. le Président. Il paraît qu'il y a des problèmes de ce côté-là. Mais, aujourd'hui, on lui parle de son serment de ministre et on doit constater que, là aussi, il a des problèmes, puis des problèmes graves et sérieux.

«Le ministre doit voir à la mise en oeuvre de ces politiques, en surveiller l'application et en coordonner l'exécution.» Mais à quel organisme il veut déléguer cette responsabilité-là? Vous autres, de l'autre côté, les députés, vous le savez peut-être; nous autres, on ne le sait pas. Moi, je prends pour acquis, M. le Président, que, vous non plus, vous ne le savez pas. Votre neutralité vous condamne à ne pas le savoir. Si, de l'autre côté, on nous dit que c'est un organisme bien sérieux puis bien responsable, ça ne passera même pas, parce que la dernière responsabilité, elle appartient à celui qui est élu député de Charlesbourg, que le premier ministre a assermenté comme ministre de la Santé et qui, à tous les jours, tente de se décharger, dans ses réponses, de ses responsabilités.

Ce matin, la députée de Bourassa lui a adressé une question concernant la cohabitation de jeunes déficients avec des adultes toxicomanes. Vous avez écouté sa réponse, M. le Président, vous étiez parmi nous. Les autres députés ont écouté sa réponse: Je n'ai pas à m'immiscer dans ce genre d'affaire. Mme la députée de Bourassa lui a rappelé qu'il était ministre de la Santé. Il a répété qu'il fallait faire confiance aux gens de la régie régionale qui avaient proposé cette façon de faire et qu'il verrait en toute fin d'analyse. Bien, M. le Président, des médecins, des vrais médecins, des vrais docteurs, ceux qui quotidiennement soignent les gens, ont dit que ça n'avait pas de bon sens. La question, ce matin, était adressée à un docteur ministre de la Santé. Lui, il dit: Je n'ai pas d'opinion. Comme s'il avait déjà son adoption de projet de loi: Demandez ça aux technocrates, ils vont vous répondre, ils vont vous dire quoi faire. Moi, je leur fais confiance, je n'ai pas à répondre devant l'Assemblée nationale.

Ça, M. le Président, c'est avant l'adoption de la présente loi. Imaginez-vous ce qui va arriver lorsque sa réponse va devenir légale. Parce que ce que le projet de loi vise à faire, c'est de rendre ce genre de réponse là légal. La semaine dernière, quand je lui ai parlé de 13 patients cancéreux en attente à l'hôpital Hôtel-Dieu... Je vois Mme la députée du comté de Prévost qui est au courant du problème puis qui savait très bien que le ministre, en répondant, ne disait pas nécessairement ou ne reflétait pas dans sa réponse – je vais être prudent dans mes termes – la réalité de terrain, parce que, elle, elle connaît le médecin puis elle connaît les patients qui disaient que le ministre ne disait pas la vérité, puis qu'il y en avait 13, qu'il n'y en avait pas quatre, comme le ministre a dit en cette Chambre. Mais le ministre nous a répondu, à ce moment-là, sans le bénéfice de cette loi-là, M. le Président, qu'il y en avait quatre, parce que sa régie régionale lui avait dit qu'il y en avait quatre, donc il y en avait quatre. Mais le docteur, lui, qui devait les opérer, il le savait qu'il y en avait 13. Il fallait qu'il procède à 13 opérations. Les patients, eux autres, savaient qu'ils étaient 13, ils sont dans le même hôpital. Puis le personnel de l'hôpital, il savait qu'ils étaient 13 parce qu'il y a des infirmières qui soignent 13 patients. Puis la députée, elle le savait qu'ils étaient 13, les gens lui avaient dit qu'ils étaient 13.

Mais, là, suite à la question à l'Assemblée nationale, je tiens à féliciter le ministre, le docteur a pu en opérer deux vendredi passé. Puis je tiens à remercier le ministre d'avoir permis au médecin d'en opérer deux. Mais, là, 13 moins deux, il en reste 11, puis ça, c'est ce qui restait hier, M. le Président. Puis là il faut que le docteur obtienne l'ouverture de blocs opératoires qui ont été fermés suite aux compressions du ministre de la Santé, parce que ces gens-là, à chaque jour qu'ils attendent, leur tumeur grossit. Puis le vrai docteur qui est chargé de leur opération – pas le docteur ministre de la Santé, pas le directeur régional de la régie régionale, là – lui, il sait qu'à chaque jour qui passe la vie de ces gens-là est un peu plus en danger.

Moi, je vais continuer à suivre la situation de très près. Je vais demander à la députée de Prévost également de confirmer qu'il en a opéré deux vendredi passé, suite à la question à l'Assemblée nationale, et qu'il en restait 11 en début de semaine et que, cette semaine, les indications étaient à l'effet que, suite à l'intervention à l'Assemblée nationale, il y aurait peut-être deux jours, possiblement trois jours d'opération. Puis, moi, je tiens à remercier le ministre puis je tiens à remercier tous les gens qui ont fait des efforts pour faire soigner ces gens-là. Je veux, puis vous aussi, M. le Président, puis tous les députés ici, qu'ils soient tous opérés avant Noël, avant les Fêtes puis qu'on mette les ressources nécessaires.

Mais, là, si on adopte ce projet de loi là, faut comprendre qu'on ne pourra plus faire ça, parce que le ministre, non seulement il va pouvoir nous répondre que c'est la régie régionale qui est responsable, il va pouvoir nous répondre qu'on a voté son irresponsabilité. S'il y a un sujet dans lequel on est tous interpellés soit personnellement, soit parce qu'on est des députés et qu'on représente des personnes à l'Assemblée nationale, soit parce qu'on a des amis, de la famille, de la parenté qui sont malades, c'est le sujet de la santé, puis, moi, je ne peux pas voir comment, de façon responsable, si on assume pleinement notre rôle...

Vous avez été un témoin privilégié, vous, du système de santé, M. le Président – «privilégié», c'est un mot qui n'est peut-être pas approprié dans les circonstances – au cours des derniers mois. Mais la journée où, comme parlementaires, ensemble, on va permettre au ministre de la Santé, à l'un des nôtres, à celui qui est responsable de la Santé d'abdiquer ses responsabilités, de démissionner au profit d'organismes, de structures, de la bureaucratie, de la technocratie, on s'en voudra personnellement puis les gens qui nous suivront en cette Chambre nous en voudront également.

Qu'un ministre de la Santé commette des gaffes, il n'y a personne de parfait. Il n'y a pas un ministre de parfait, il n'y a pas un parlementaire de parfait. Mais qu'il n'en assume pas la responsabilité et qu'il demande aux législateurs de cautionner son geste d'irresponsabilité, M. le Président, c'est peut-être le geste le plus grave. Sur le plan budgétaire, on peut se tromper. Le ministre des Finances...

Une voix: ...

M. Paradis: Non, non, le ministre des Finances peut se tromper, le Vérificateur général peut dire qu'il va hésiter à signer les états financiers du Québec, que, s'il les signe, il devra mettre une note à l'effet qu'il y a des grossière erreurs commises par le gouvernement d'en face, mais ça ne fera pas mourir personne, ça. Un autre parti, un autre gouvernement pourra dire: Il était pire que nous autres ou meilleur que, etc., ça ne fera pas mourir personne. Mais que le ministre de la Santé n'ait plus de responsabilités quant à la santé des Québécois et des Québécoises, que l'Assemblée nationale du Québec accepte sa lettre de démission sans le remplacer, parce qu'il n'y a pas de remplacement... Sa lettre de démission, s'il y avait un remplacement, on pourrait s'en parler, on pourrait discuter de ses bons côtés comme de ses mauvais côtés, M. le Président. Mais il y aurait quelqu'un qui demeurerait responsable, à l'Assemblée nationale du Québec, de la santé des Québécois et des Québécoises. Bien non, le ministre veut se débarrasser de ses fonctions.

La loi a été bien rédigée, M. le Président. Les législateurs qui nous ont précédés, des deux côtés de la Chambre, ont également parlé des devoirs du ministre de la Santé, ils nous ont parlé des devoirs. C'est une des rares lois où on parle des devoirs d'un ministre. On parle des fonctions, des prérogatives, mais, en santé, les gens qui nous ont précédés en cette Chambre ont pensé créer des obligations au ministre de la Santé, parce qu'il n'y a pas personne qui est à l'abri d'être malade. Puis ces obligations-là que les gens qui nous ont précédés ici ont données au ministre de la Santé péquiste, libéral, de l'Union nationale, le ministre actuel de la Santé veut les confier à divers organismes.

M. le Président, c'est un aveu de faiblesse. Quels sont ces devoirs que nos prédécesseurs ont voulu confier à un ministre de la Santé? Puis ils ne savaient pas que c'était le député de Charlesbourg, libéral ou péquiste, je peux le dire, ça a été le cas. Ils se sont succédés. Ils ne savaient pas qu'ils étaient pour être Thérèse Lavoie-Roux ou Pierre Marc Johnson. Ils ne savaient pas. Mais ils ont dit: Vous allez avoir des devoirs comme ministre de la Santé. Puis tous les ministres de la Santé qui ont précédé ce ministre de la Santé ont accepté ces devoirs, les ont assumés au meilleur de leurs capacités et de leurs connaissances. Même le ministre de l'Énergie actuel a été ministre de la Santé. Il a fait ce qu'il a pu, M. le Président.

(20 h 40)

Mais il n'y en a pas un seul ou une seule qui un seul instant a pensé démissionner. Il n'y en a pas un seul ou une seule qui est venu devant l'Assemblée nationale du Québec demander la possibilité de transférer sa responsabilité à des organismes non identifiés. Il n'y en a pas un seul qui a tenté, dans un même projet de loi de trois articles, de nous faire croire qu'il faisait ça pour les personnes âgées du Québec. Il n'y en a jamais un, M. le Président, il n'y en a jamais une qui est venue à l'Assemblée nationale nous demander la permission de ne plus assumer la responsabilité, de ne plus avoir comme devoir d'assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes. Ils ont tous assumé, en commettant des erreurs, en faisant des bons coups, ce devoir que l'Assemblée nationale lui avait confié. Il n'y en a pas un ou une, M. le Président, qui est venu à l'Assemblée nationale pour nous demander, comme législateurs, qu'on soit péquistes ou qu'on soit libéraux, de ne plus avoir la responsabilité de prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique.

C'est d'autant plus surprenant, quand on connaît l'actuel ministre de la Santé, qui était à l'Organisation mondiale de la santé avant et qui s'occupait particulièrement de santé publique. Qu'il sente qu'il n'a plus la capacité d'assumer ce devoir que les législateurs qui nous ont précédés lui ont confié, ça devient très inquiétant. On n'a jamais vu un ministre de la Santé venir en cette Chambre nous demander, comme parlementaires, de se décharger de sa responsabilité de voir à l'amélioration de la santé des individus, au niveau de la santé de la population. On n'a jamais vu un ministre de la Santé, qu'il ait été péquiste ou libéral ou Union nationale, venir en cette Chambre nous demander la possibilité de ne plus avoir la responsabilité de favoriser l'étude et la recherche scientifique dans le domaine de la santé et des services sociaux, de confier ça à un organisme.

M. le Président, vous avez, dans tous ces paragraphes, l'ensemble des devoirs qui incombent à un ministre de la Santé. Et au lieu d'en être fier, au lieu de nous demander, comme parlementaires, de l'appuyer dans ses fonctions, dans ses devoirs – et l'appuyer, ça veut dire le féliciter pour ses bons coups et le dénoncer pour ses mauvais coups, c'est ça que ça veut dire, l'appuyer – au lieu d'assumer sa responsabilité, le ministre de la Santé nous dit: Moi, je démissionne. Mais je veux garder ma limousine. Je veux garder mon chauffeur. Je veux garder mon staff politique. Je veux garder mon budget discrétionnaire. Je veux garder tout ce qui va avec ça, mais je ne veux plus avoir la responsabilité, ou je veux pouvoir déléguer à un organisme quelconque ce qui touche ce que les gens ont de plus précieux dans leur vie. On ne peut pas, dans ces jobs-là – et vous le savez – en tirer que les avantages et éviter les inconvénients. Ça, ça s'appelle être responsable.

Et il n'y a pas un autre ministre de la Santé dans aucun autre Parlement, dans aucune autre Assemblée législative, qui est allé devant ses pairs – parce que nous sommes ses pairs – demander d'être déresponsabilisé. Mais il y en a d'autres qui, sentant qu'ils avaient commis des erreurs graves, ont envoyé une véritable lettre de démission au premier ministre. Ça, ça veut dire: plus de limousine, plus de staff politique, plus de budget discrétionnaire, plus d'avantages.

Moi, M. le Président, je vous l'ai indiqué tantôt, on est devant un projet de loi sans précédent, dans un secteur qui mérite l'attention de tous les députés en cette Chambre. S'il y a des députés de l'autre côté de la Chambre qui n'ont jamais eu de concitoyens qui les ont appelés, qui les ont visités pour se plaindre de la façon dont l'actuel ministre de la Santé a administré le système de la santé, qu'ils se lèvent immédiatement et qu'ils m'interrompent.

M. le Président, j'attends encore. Il n'y en a pas un. Tout le monde a eu de la visite dans son bureau de comté, tout le monde a vécu des expériences pénibles et difficiles à cause des politiques du ministre de la Santé. D'un côté, on devrait se dire: Peut-être que, si ce n'est plus lui qui est le responsable, que c'est un autre organisme, ça va aller mieux. On n'a pas le droit de se dire ça. On n'a pas le droit, comme parlementaires, d'abdiquer les responsabilités qui sont les nôtres, parce que, à partir du moment où on va accepter la démission du ministre de la Santé sans le remplacer comme parlementaire et comme membre de l'Exécutif, on aura accepté, chacun d'entre nous, de démissionner quant aux représentations que l'on se doit de faire pour nos commettants qui sont aux prises avec le système de santé. Tantôt, lorsque vous voterez, je vous demande de vous rappeler que vous n'avez pas le droit, vous, M. le Président, vous, M. le député de Saint-Jean, vous, M. le député de Roberval, vous, Mme la députée de Prévost – l'Hôtel-Dieu – de démissionner quant à votre responsabilité première, quant à la santé des gens que vous représentez.

M. le Président, je vais tenter encore une fois de revenir à la charge en offrant au ministre de la Santé la collaboration de l'opposition. Vous avez rendu une décision tantôt qui nous permet, comme parlementaires, de rappeler à l'ordre le ministre de la Santé, qui nous permet, comme parlementaires... C'est de valeur à dire, parce qu'on ne devrait jamais parler de ça dans le système de santé, mais on a la possibilité, grâce à votre décision, de démasquer le ministre de la Santé ou d'honorer le ministre de la Santé. Vous lui permettez, grâce à votre décision, si ce qu'il nous a dit était vrai, que son projet de loi vise à faire en sorte que les personnes âgées dans les centres d'accueil puis dans les centres hospitaliers de longue durée puissent conserver de façon administrative et plus simple un petit pécule, qu'on souhaite un petit peu plus gros, après avoir payé leur logement puis leur nourriture... Le ministre va se lever, là, en réplique et va me dire: J'accepte l'offre de l'opposition.

On est allé plus loin, M. le Président. On a dit au ministre: Vous n'aurez pas besoin de recommencer votre projet de loi à zéro. On vous offre la possibilité de reprendre ce projet de loi où on en est présentement et on vous dit même qu'on est prêt à transformer cette Assemblée, lorsque le principe sera adopté, en commission plénière et à procéder à l'étude article par article. Ça va être simple, il y a un article. Ça va être fini ce soir, et le ministre aura accompli ou aura réalisé ce qu'il dit qu'il souhaite réaliser. Ou le ministre pourra dire: Malgré les discours de l'opposition, malgré les représentations que j'ai de mes députés au caucus, malgré le fait que je suis interpellé publiquement par plusieurs de mes collègues, malgré le fait que je constitue un boulet politique pour mon parti, je m'entête. Je continue parce que je veux «m'autodémissionner», parce que je veux «m'autodéresponsabiliser».

Mais, ça, il ne peut pas le faire tout seul, M. le Président. Ça prend l'appui du député de Sainte-Marie– Saint-Jacques, ça prend l'appui du ministre de la Justice, ça prend l'appui du ministre du... Ça prend même l'appui du député de Saint-Jean. Moi, j'ai hâte de voir, tantôt. Ça prend l'appui – je ne suis pas habitué de pointer dans cette direction-là, vous m'excuserez – du leader du gouvernement, ça prend l'appui de Mme la députée de Prévost, ça prend l'appui du député de Roberval qui demandait des garanties écrites du premier ministre parce qu'il n'avait plus confiance au ministre de la Santé. Ça prend l'appui de tous ces gens-là.

(20 h 50)

Puis, je ne sais pas comment le dire, je vais peut-être vous référer... Et c'est le ministre responsable des Relations avec les citoyens qui m'y a fait penser, l'autre jour, à l'occasion d'un débat sur ce même projet de loi. Si vous doutez de l'intervention d'un député de l'opposition, si vous doutez de la décision du président qui dit: Il y a deux principes là-dedans, si vous doutez de tout ça, allez donc relire le dernier reportage publié dans L'actualité de décembre. C'est assez récent, M. le Président. Si vous allez, là, chez le dentiste ou dans un cabinet, là, si vous allez à l'urgence de l'hôpital, vous allez avoir le temps de le lire, là, dans plusieurs hôpitaux. Ça s'intitule: La faute à – je n'ai pas le droit de le mentionner, M. le Président, bien, je l'exhibe pour que les gens le voient, là – au ministre de la Santé, et, là-dedans, il y a une description du caractère du ministre de la Santé. Il y a des choses qui sont révélatrices. Moi, quand quelqu'un change, puis qu'il se corrige, puis qu'il devient préoccupé par la santé des gens, je suis prêt, là, à passer l'éponge puis à dire: Bon, bien, L'actualité écrira un autre article en janvier puis ils diront qu'ils se sont trompés. Mais je ne pense pas, là, dans le contexte actuel, si vous continuez de l'appuyer, que L'actualité va se corriger, au mois de janvier ou au mois de février; je pense qu'ils vont peut-être faire un autre portrait au mois de juin.

Les sous-titres, M. le Président, ne sont pas agréables à entendre pour le ministre de la Santé puis ils ne sont pas agréables à lire non plus pour quelqu'un de l'opposition. En parlant d'un dossier semblable à celui que nous traitons ce soir, L'actualité titre: La gaffe d'un ministre entêté . Je ne sais pas si le ministre a eu le temps , malgré ses nombreuses occupations, de lire cet article. Je vais vous lire deux passages qui vont peut-être faire réfléchir ceux et celles qui, de l'autre côté, depuis le début ont fait confiance aveuglément au ministre de la Santé en lui donnant le pouvoir de fermer des hôpitaux, en lui donnant le pouvoir de fermer des lits d'hôpitaux, en lui donnant le pouvoir d'allonger les listes d'attente. Pas tous aveuglément; je dois souligner que quelques-uns de l'autre côté, même publiquement à un moment donné, ont dit: Assez, c'est assez, là. Il y a des gens chez nous qui meurent à cause de ces décisions-là.

Je cite à partir de l'article de L'actualité où on cite le ministre. Parce que sa réponse est toujours la même – moi, je suis habitué, il l'a servie ce matin à Mme la députée de Bourassa: quand on questionne le ministre, on est démagogue. Donc, M. le Président, quand L'actualité l'a questionné, il a répondu, et je le cite au texte: «On a été démagogique à ce sujet-là, dit le ministre qui refuse de s'expliquer – une autre belle façon, ça, de s'esquiver – mais promet de régler ses comptes quand il écrira ses mémoires!» Moi, je ne lui demande pas de me réserver un chapitre, là. Je lui demande strictement – strictement – M. le Président, de changer d'attitude et de prendre soin des malades.

«Des rumeurs ont circulé. Des cadres de Notre-Dame qui veulent conserver l'anonymat – des cadres de l'hôpital Notre-Dame qui veulent conserver l'anonymat – affirment que – et là je n'ai pas le droit de mentionner son nom; je vais l'appeler le ministre de la Santé, M. le Président, pour me conformer au règlement – a été "très agressif, vengeur et rancunier".» Ce n'est pas gentil, ça, M. le Président, à l'endroit d'un ministre!

Des membres du Parti québécois auraient tenté d'intimider, de bâillonner les spécialistes de l'hôpital.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: De l'autre côté, là, on rit. Moi, je prends pour acquis qu'il ne s'agit pas de ces membres-là du Parti québécois, d'autres. «Le président du Collège des médecins, Roch Bernier, considéré comme l'homme de main du ministre, aurait menacé de traduire des spécialistes – des médecins spécialistes – devant le comité de discipline de l'Ordre pour désobéissance au ministre!»

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Des médecins spécialistes ont été menacés d'être traduits devant le comité de discipline de l'ordre professionnel pour désobéissance au ministre. Vous savez c'est quoi, la plus grave accusation qu'on peut porter contre ces médecins? De s'être portés à la défense de leurs patients. Et, pour s'être portés à la défense de leurs patients, on menace, dans une société qu'on dit libre et démocratique, société québécoise, de les traduire devant un tribunal – l'Ordre – pour désobéissance au ministre.

M. le Président, L'actualité conclut de la façon suivante, et je lis la conclusion: «Désormais, les gens se taisent, craignant les amis que – je n'ai pas le droit de mentionner le nom; je vais substituer – le ministre de la Santé a placés au ministère et dans les organismes de contrôle du système, amis qui seraient chargés de régler ses comptes...»

M. le Président, on ne parle pas, là... On parle de la revue L'actualité du mois de décembre dernier, et je sais, là, que le ministre va dire que c'est démagogue. Mais, moi, je ne fais que citer au texte une revue parmi les plus sérieuses au Québec, qui a fait le tour de la question et qui conclut: «Désormais, les gens se taisent, craignant les amis que le ministre de la Santé a placés au ministère et dans les organismes de contrôle du système, amis qui seraient chargés de régler ses comptes...»

M. le Président, on comprend qu'il n'y a pas beaucoup de députés péquistes qui se lèvent de l'autre côté. Il y a un petit régime qui s'est installé, qui est décrit par L'actualité , et qui fait en sorte qu'après avoir détruit ce que les Québécois et les Québécoises avaient de plus essentiel, on tente d'empêcher les gens de parler.

Si la Révolution tranquille, au Québec, nous a apporté un joyau, si la Révolution tranquille veut dire quelque chose, c'est qu'aujourd'hui, que vous soyez riche ou pauvre, que vous soyez président de l'Assemblée nationale ou vice-président ou que vous soyez travailleur ou assisté social, ce que la Révolution tranquille nous a amené... On se disait: On paie beaucoup d'impôts, on paie beaucoup de taxes, mais si on tombe malades on va être soignés, puis on va être soignés correctement.

Ce que l'actuel ministre de la Santé nous a amené, puis ce dont il tente de se déresponsabiliser aujourd'hui, de s'éloigner, c'est d'un régime où on se dit: Maudit que je suis chanceux d'être en santé. J'ai peur de tomber malade parce que je ne sais pas si je vais être soigné correctement. Puis on ne peut pas blâmer les médecins, on ne peut pas blâmer les infirmières et les infirmiers. Le système, le ministre actuel de la Santé l'a amené à un point de rupture qui fait en sorte que le personnel soignant, qui se dévoue encore malgré tout auprès des malades, est en cas de burnout ou proche d'un burnout.

On n'avait jamais vu – puis il n'y a pas personne qui va l'endosser – un débrayage des travailleurs de la santé non pas pour améliorer leur condition, mais pour améliorer la condition de leurs patients. Un geste de débrayage dans le domaine de la santé, ce n'est pas acceptable en aucune circonstance. Mais jamais on n'avait vu les travailleurs et travailleuses de la santé débrayer pas pour leurs conditions à eux autres, mais pour que leurs gens soient soignés.

Jamais on n'avait vu des spécialistes avoir besoin de référer par députés de l'opposition ou députés ministériels les cas de leurs patients, à l'Assemblée nationale, pour que ces cas soient discutés publiquement, pour que les gens soient sauvés, pour que les gens soient soignés.

On a détruit, et j'espère que ce n'est pas de façon irrémédiable... Les plus optimistes nous disent que ça va nous prendre de trois à cinq ans, si on prend les bonnes décisions maintenant, à replacer le système de santé sur ses roues. Le Dr Yves Lamontagne, il y a à peu près un mois, à la télévision, déclarait que, quant à lui, il ne voit pas la lumière au bout du tunnel avant cinq ans.

Le personnel infirmier-infirmière est encore plus critique. Le Protecteur du citoyen – et ça, on n'avait jamais vu ça parce qu'on sait qu'on lui avait enlevé la juridiction, qu'il ne l'a pas en matière de santé – dans son dernier rapport, dénonçait vertement le ministère de la Santé. Lui, il n'a pas le droit de dénoncer le ministre.

M. le Président, dans moins d'une heure, on va être appelés, comme parlementaires, à avoir le choix entre accepter légalement la déresponsabilisation du ministre de la Santé, entre accepter légalement qu'il puisse nous répondre privément comme publiquement qu'il n'est plus responsable des gens que nous représentons à l'Assemblée nationale et qui sont malades, ou nous allons avoir le choix de nous ranger en arrière de votre sage décision de dire au ministre que son projet de loi contient deux principes, que le principe qui est supposé être là pour aider le pauvre monde en cache un plus gros qui est là pour nuire au pauvre monde.

(21 heures)

Et on va avoir le choix, peut-être pour la dernière fois, de suivre l'exemple que nos prédécesseurs nous ont donné, qui est de dire au ministre: Vous avez des fonctions, M. le ministre, vous avez des devoirs, M. le ministre, au nom des gens que je représente à l'Assemblée nationale, que je sois un député ministériel ou un député de l'opposition, s'il vous plaît, assumez-les; et, si vous n'êtes pas capable de les assumer, démissionnez pour de vrai. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. Nous cédons maintenant la parole au député de Roberval. M. le député.

M. Laprise: En fonction de l'article 212, M. le Président, je voudrais quand même rectifier quelques propos. C'est que, il n'y a pas tellement longtemps, j'ai déposé ici, en Chambre, une requête des aînés de ma région qui, suite à certaines rumeurs qui avaient parcouru dans le secteur, s'étaient inquiétés de l'hôpital de Roberval, une inquiétude, remarquez bien, que je n'ai jamais partagée parce que je sais que l'hôpital de Roberval est très bien assis sur les services qu'il a donné à l'ensemble de la région. Alors, c'est une requête que j'ai déposée, et j'ai lu le texte de la requête. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous avez tous compris que c'était une rectification en vertu de l'article 212 et non pas l'article 213 de notre règlement. Alors, nous cédons maintenant la parole au leader adjoint du gouvernement et député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. M. le leader adjoint.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Je me dois de m'adresser à mes compatriotes en leur soulignant qu'ils captent actuellement la radiotélédiffusion des débats de l'Assemblée nationale, contrairement à ce qu'ils ont pu croire il y a quelques minutes. Ils n'ont pas, si vous me permettez l'expression, zappé et capté une autre chaîne où ils auraient assisté à une reprise d'une pièce du théâtre classique, et le personnage qu'ils avaient devant eux n'était pas Tartuffe, c'était le leader de l'opposition. La population étant informée de ce qu'elle a vu et entendu tantôt, nous reprendrons, si vous me permettez, M. le Président, les débats de l'Assemblée nationale.

C'était, le moins qu'on puisse dire, une pléthore de mots dans un désert d'idées. Si j'ai fait, M. le Président, allusion à nos grands classiques – Dieu seul sait qu'on pourrait invoquer beaucoup plus que Molière – après entendu les propos de l'intervenant précédent, qui étaient d'ailleurs en complète contradiction avec l'article 211 de notre règlement qui dit que «tout discours doit porter sur le sujet en discussion», je crois que nous devons malheureusement... Et je suis triste que cela se passe en ce Parlement, en cette Assemblée nationale. Je crois que c'était un personnage qui se rapprochait beaucoup plus d'une triste période de notre histoire contemporaine, probablement au milieu des années trente, et ça se disait, dans une langue étrangère, «propagandstaffel». Je crois qu'il y a un ministre tristement célèbre à l'époque qui l'aurait sans doute pris comme élève. Il l'aurait sans doute pris comme élève.

C'était, M. le Président, et je sais que le règlement m'empêche d'employer des mots comme «menteur», «mensonge»... Disons qu'il y avait des inexactitudes vraiment grosses, pour ne pas dire grossières. Il a parlé de l'hôpital de Saint-Jérôme où 13 patients... Eh bien, ma collègue députée de Prévost, le matin même, s'était informée: le médecin en question n'avait inscrit que quatre patients en chirurgie. Il n'y en avait pas 13, il n'y en avait que quatre. Il nous a refait ce soir le même discours qu'hier soir, avec un petit peu plus d'ignominie, en parlant du Centre hospitalier universitaire de Montréal et surtout du pavillon Notre-Dame, et vous savez qu'il est situé dans ma circonscription. Eh bien, voyez-vous, le médecin, encore une fois, dont il parlait s'est plaint, oui, qu'il n'avait pas pu faire opérer ses patients. Oui. Oui, oui. Mais ce que monsieur tantôt a dit, c'est que ce médecin n'avait pas fait le contact, n'avait pas appelé, n'avait pas rencontré le chef du département de chirurgie de façon à planifier l'intervention chirurgicale des patients, de ses patients. Et ses patients d'ailleurs n'étaient pas tous à l'hôpital. La majorité, je crois, était à l'extérieur, à la maison, n'était pas hospitalisée. Il a oublié de le dire.

On va lui pardonner. C'est humain, oublier, M. le Président. Trop oublier, ce n'est peut-être pas nécessairement très, très humain. Je ne sais pas s'il veut aller lui-même profiter des services de santé excellents qu'on trouve dans les hôpitaux du Québec, mais ça m'inquiète de voir qu'il oublie des choses à ce point. De discours en discours, il en a oublié une partie.

Et puis, là, il nous a parlé de la députée de Bourassa qui, ce matin, adressait une question au ministre de la Santé et des Services sociaux, en disant: Le ministre n'a pas répondu. Oui, mais, au départ, il aurait peut-être pu prévenir la députée de Bourassa que sa question était en contradiction avec l'article 77 de notre règlement qui dit: On ne peut poser une question sur une supposition. Écoutez, je sais qu'il est libéral, qu'il est rouge. Je pourrais lui poser une question en disant: Si votre oncle était un camion de pompier, qu'est-ce qui arriverait? Bien, c'est une supposition. On peut faire toutes les suppositions possibles au monde. Aie! Je crois que je vais répondre: Ça ne tient pas, ça ne tient pas.

Mais, en plus, M. le Président, je ne sais pas s'il n'essayait pas de faire, d'une façon détournée, ce qu'il ne peut pas faire directement. Enfin, j'essaie d'analyser, là. J'essaie de puiser à travers ma formation professionnelle pour essayer de comprendre. Il traitait le ministre de la santé de technocrate. On sait qu'il y a une très grave dissension à l'intérieur du Parti libéral quant à la chefferie. Le chef du Parti libéral, leader de l'opposition, est contesté dans sa formation politique et par des députés. L'épithète qu'on accole au chef de l'opposition est qu'il est technocrate. Est-ce qu'il veut négativer encore plus, si vous me permettez ce néologisme, l'épithète technocrate, de façon à ce qu'elle colle mieux à son chef et s'en débarrasser? Est-ce que c'est cela? Je m'interroge sur les mobiles.

Par contre, il y a une chose qu'il a oubliée: la racine grecque de technocrate. Vous vous rappelez, M. le Président? Teknos kratos, la science de faire. C'est un terme qui fait noble, technocrate, hein? Démocratie dêmos kratos, science de la maison. L'économie, tiens. On va quand même se lasser à faire l'étymologie grecque toute la soirée, mais il y en a. Et puis là je ne sais pas d'où ça vient, dans un discours, là il parle de la limousine du ministre. Ah bon! Moi, je ne savais pas qu'une Ford identique à celle des véhicules de la police ou de la sûreté nationale était une limousine. Pour moi, une limousine, ça a huit roues puis les portes ouvrent par en dedans. Ce n'est pas ce que le ministre a. Il a parlé du personnel du ministre. Bon, c'est vrai que l'actuel ministre en a cinq, là où son prédécesseur libéral en avait 22. On peut dire que c'est quand même un ministre raisonnable. C'est vrai que, si le ministre démissionnait, par contre, il aurait quand même un privilège, à ce moment-là. Il n'aurait plus à subir les questions que je n'oserais qualifier qui proviennent de l'opposition officielle. Je pense que ça ferait du bien parce qu'à la qualité des questions qui sont posées, M. le Président, vous devrez avouer que ça devient un petit peu difficile.

(21 h 10)

Et puis il nous offre sa collaboration. Vous savez, il y a un vieux dicton qui dit que, quand on soupe avec le diable, on prend une cuiller à long manche. Toujours être prudent. C'est Un vieil adage: Quand on soupe avec le diable, on prend une cuiller avec un long manche parce que ça brûle. Donc, il faut être prudent. Il dit que le ministre, s'il disait ses véritables intentions, s'il les livrait, il apporterait son concours. Mais le ministre les a livrées, ses véritables intentions. Il est en train, au nom de je ne sais quel partisanerie... Et je vais lui rappeler ce soir ce que je lui disais hier citant Talleyrand: L'ambition, c'est comme le feu, ça se nourrit des matières les plus nobles comme des plus viles. Au nom de quoi essaie-t-il actuellement de faire croire que les personnes âgées, celles qui sont dans des centres d'accueil, des hôpitaux pour malades chroniques, sont soudainement menacées par un ministre qui serait, selon ses yeux, mais vraiment Satan en personne, alors que c'est plutôt l'inverse.

Mais le ministre l'a clairement expliqué, on le sait, il est perçu à chacun et chacune qui est soit dans un centre d'accueil, soit dans un hôpital pour malades chroniques. Je pourrai donner en exemples le centre Jacques Viger qui est pour malades chroniques, qui est dans ma circonscription électorale, où la qualité des soins, d'ailleurs, ne fait aucun doute et surtout l'engagement, à tous égards, du personnel, ou le centre Ernest Routhier où, là, les personnes heureusement sont plus agiles, plus autonomes, etc. Ces gens-là, actuellement, la perception se fait par le ministère de la Santé et des Services sociaux et par le ministère d'État à l'Économie et à la Solidarité, puisqu'il peut y avoir des personnes qui n'ont pas ce revenu minimum. Donc, c'est ce ministère qui fait, avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, la perception.

Le ministre veut se donner le pouvoir de déléguer cet acte de perception. Là, à entendre l'opposition, c'est cosmique. Si le ministre obtient ça, il va y avoir un «big bang», un immense trou noir où on ne sait pas ce qui va arriver de notre planète et de toutes les étoiles qui nous entourent. Où allons-nous nous engouffrer? Ça va être cosmique que le ministre se décharge de l'exécution d'un acte de perception pour que son ministère se consacre à ce pour quoi il a été prévu, c'est-à-dire tracer les grandes politiques nationales en termes de santé ou pour les services sociaux, alors que l'on sait très bien, tous les textes juridiques sont là et appuient mon affirmation, que le ministre, même par délégation, conserve toujours l'entière responsabilité à la fois administrative et politique des gestes qui sont posés par ceux à qui il y a une délégation d'exécution. Et le ministre continue d'y répondre en cette Assemblée.

Que veut vraiment l'opposition? Elle ne répond pas, M. le Président. Elle ne répond pas. Que veut vraiment l'opposition? Que veut-elle? Posons-nous la question: Que veut-elle? Ils ne cessent, depuis des mois, de s'acharner sur un ministre de la Santé et des Services sociaux qui a eu le courage, mais qui a eu l'appui de son gouvernement pour faire une réforme qui devenait nécessaire, sinon nous risquions de tout perdre.

D'ailleurs, son prédécesseur, et qui était député de la même circonscription, l'ancien ministre libéral de la Santé a dit publiquement: Je l'envie. J'aurais voulu, moi aussi, faire la même chose parce que je sentais le besoin urgent de faire cette réforme si nous voulions conserver nos acquis dans le domaine de la santé. Mais mon gouvernement et mon parti politique – parti, gouvernement à courte vue – ne m'a pas laissé faire, n'a pas voulu me laisser faire. Résultat: nous avons perdu combien d'années? Nous aurions déjà traversé cette phase d'adaptation. Un peu comme la souveraineté. Si on s'était décidé en 1980 – vous rendez-vous compte? – ça ferait 17 ans qu'on serait un pays souverain. 17 ans. Mon Dieu! On raconterait ça à nos petits-enfants en disant: Si vous saviez, grand-papa était là. Dix-sept ans se seraient passés, tout serait sur place. Mais les Québécois auront ce courage prochainement. Nous les inviterons d'ailleurs. Oui.

Eh bien, que veut l'opposition? Ça va mal, disent-ils. Ah bon! Si ça va mal, comment se fait-il? S'il y avait une élection demain, nous serions reportés au pouvoir. Quand ça va mal, c'est très rare qu'un gouvernement est réélu. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le Parti libéral est 10 points derrière la formation ministérielle? Est-ce que c'est uniquement parce qu'on n'aime pas la tronche du chef de l'opposition? Non, des raisons plus profondes que cela. Je pense que les gens, M. le Président, sont de moins en moins dupes des discours et surtout du discours de l'opposition officielle.

C'est vrai qu'on disait: Répétez, répétez, répétez, cela va s'inscrire dans la tête des gens. C'était une théorie valable avant que la télévision n'arrive. La télévision est un médium extrêmement puissant, et tout ce qui est exagéré est forcément grossi à travers ce médium. L'effet qu'ils recherchent a un effet boomerang, ça leur revient dessus. Les gens ne sont pas dupes, les gens savent qu'il y a exagération, les gens savent qu'il y a acharnement, les gens savent qu'il y a désinformation.

M. le Président, c'est quand même de la désinformation. Quand on vous donne un chiffre, qu'on fait une vérification et que le chiffre est deux fois, trois fois, quatre fois moins que le chiffre qu'on a donné, écoutez, c'est de la désinformation. Je vais vous donner un exemple très simple. Il a parlé de la limousine du ministre. C'est une Ford, comme les voitures de police. Et, pour employer une expression bien québécoise: Elle n'a même pas de «tires» blancs, c'est-à-dire des pneus à flancs blancs. C'est ça, une limousine? À ce moment-là, il y a plusieurs millions de Québécois qui ont le bonheur de se promener en limousine. Donc, M. le Président, c'est de la désinformation.

(21 h 20)

On essaie d'employer des mots... ils sont peut-être habiles en psycholinguistique, mais c'est sans effet. Il s'agit tout simplement pour eux d'essayer de vouloir projeter une image. Mais, comme je vous le disais hier, le grand drame, c'est qu'avec le discours qu'ils tiennent ils veulent s'adresser à une classe de la société qui est fragilisée. Quand on vieillit, M. le Président, et que de surcroît malheureusement on est malade, on est fragilisé, on est anxieux, inquiet, angoissé. Quelqu'un qui est responsable, qui est véritablement responsable – et je pense que dans une nation les premiers à être responsables ou les premiers qui doivent être responsables, ce sont les femmes et les hommes politiques – donc, quand on est responsable, on prend tous les moyens nécessaires pour sécuriser les gens, les rassurer, ne pas leur raconter des sornettes, ne pas créer un climat de panique. Ils agissent comme quelqu'un qui dans un cinéma, profitant de l'obscurité, s'amuserait à crier: Au feu! Et on sait ce que ça donne: une panique, une bousculade. Il y a des blessés et il y a des morts. Ce n'est pas tellement noble comme motif.

Donc, interrogeons-nous, M. le Président. Que cherche l'opposition? Est-ce que c'est un intérêt national, le bien-être de nos concitoyens et concitoyennes, l'avancement et le progrès de nos institutions ou y aurait-il – nonobstant l'article 77, supposition, M. le Président – des intérêts bassement partisans? Je crois que nos compatriotes, celles et ceux qui nous écoutent par le truchement de la radiotélédiffusion des débats, déjà répondent à la question que je me pose. L'opposition est de moins en moins crédible. Elle est de moins en moins crédible. Je vais citer un autre dicton: À force de crier au loup – vous connaissez, M. le Président – il n'y a personne qui vous croit. Il y a manifestement exagération. Quelqu'un qui suit périodiquement les travaux peut voir immédiatement que le ton de voix du leader de l'opposition change. Les mots deviennent saccadés. Il y a, hors de tout doute, quelque chose en arrière. Qu'est-ce que c'est? Qu'est-ce que c'est?

Il se peut, M. le Président, que, quand on fait des transformations de cette nature – et le ministre a été suffisamment honnête pour le reconnaître, suffisamment humain pour dire: On va y voir – il y ait malheureusement des ratées. Oui, il y a des ratées. Mais est-ce qu'ils sont vraiment, comme ils le prétendent, à la recherche d'une solution ou ne veulent-ils pas uniquement exploiter la question? La question se pose. Mon sentiment est qu'ils ne veulent qu'exploiter la question. S'ils voulaient faire partie de la solution, je pense qu'ils emploieraient d'autres moyens.

La solution est peut-être que le ministère s'occupe beaucoup plus des programmes, supervise plus de recherches, s'intéresse à autre chose qu'une simple fonction de collection, d'aller chercher des sous. Ils font autre chose que Household Finance. Ce n'est pas une agence de perception. Pourquoi ne pas confier cela à un organisme qui a déjà l'habitude de le faire, qui est la Régie de l'assurance-maladie? Elle vous cotise, M. le Président. Elle nous cotise tous. Ils ont cette expertise. Ils ont le personnel nécessaire. Ils ont les moyens techniques de le faire. Et, durant ce temps-là, ceux qui, au ministère, étaient chargés de cela, comme ceux qui le sont au ministère d'État de l'Emploi et de la Solidarité, ils feront des choses qui sont directement beaucoup plus utiles.

Pourquoi également – et je vais conclure là-dessus – tente-t-on de faire croire aux personnes âgées hospitalisées ou en résidence d'accueil, leur faire croire qu'on va tout leur enlever leurs sous, qu'il ne leur en restera plus? C'est quoi, le motif? C'est quoi? Qu'est-ce qu'il y a en arrière de cela? Est-ce qu'ils peuvent donner la preuve que ce sont les intentions du gouvernement? Ce ne sont pas les intentions du gouvernement. L'État ne percevra que la part qu'il perçoit et les gens continueront à avoir cette partie de leur rente qui leur revient et qui sert à leurs dépenses personnelles, comme je l'ai expliqué hier soir et comme je dois de nouveau l'expliquer aujourd'hui, en fait ce soir.

Que cherche véritablement l'opposition, M. le Président? Que cherche-t-elle? Elle cherche une cause. C'est normal. Mais, quand on cherche une cause, on a l'obligation de trouver la bonne cause, et actuellement l'opposition n'a pas trouvé la bonne cause. Ils se comportent en pyromanes, mettent le feu partout. Ils disent: Oui, mais vous n'éteignez pas les feux. Oui, mais c'est eux qui mettent le feu. C'est eux qui inquiètent inutilement la population. M. le Président, on nous dit: Le système hospitalier, c'est épouvantable.

M. le Président, le monsieur d'en face tantôt y a fait allusion, vous avez eu des petits problèmes de santé qui heureusement se sont résorbés, et nous en sommes très heureux. Vous avez été hospitalisé. Pourriez-vous, s'il vous plaît, M. le Président, témoigner de la qualité des soins reçus par toutes les catégories de personnel présent dans nos hôpitaux? Pourriez-vous, M. le Président, au nom de la justice, au nom des intérêts supérieurs du Québec, dire comment vous avez été bien traité à l'hôpital de votre ville?

J'ai dit hier soir comment mon père a été bien traité à L'hôpital Saint-Luc. Le député de Joliette, ministre d'État à l'énergie et aux richesses naturelles, a dit comment son père a été bien traité. J'ai été moi-même, durant la réforme – j'avais même reçu vos voeux, M. le Président, et je vous en remercie – hospitalisé moi aussi, une intervention mineure, mais, quand même, je ne sais quoi dire de la qualité des soins en passant par le Dr Korban qui était mon médecin oto-rhino-laryngologiste jusqu'à ce monsieur qui venait me porter mon repas dans la chambre, le sourire, la gentillesse. Mais pourquoi ont-ils ce plaisir à vouloir ancrer dans la tête des gens que nos hôpitaux, c'est épouvantable, que c'est épouvantable?

Pas plus tard que la semaine dernière, je suis allé visiter un ami à L'Hôpital général juif de Montréal, puis tout va bien. Je pense être reconnu par quelques personnes, pas reconnu comme le premier ministre ou comme vous, M. le Président, mais il y a quand même quelques personnes qui, à l'occasion, me reconnaissent. Il y en a qui m'ont salué, m'ont salué. Il n'y a personne qui m'a agressé en disant: Mais c'est épouvantable! Beyrouth dans notre hôpital. Non, il n'y en a pas. Il n'y en a pas du tout.

(21 h 30)

Alors, c'est quoi, le motif? C'est quoi, le motif? J'aimerais bien le savoir. C'est quoi, le motif? Vous savez, je vais revenir un petit peu en arrière, M. le Président. Quand il a dit, en parlant de ce médecin de l'hôpital Notre-Dame: Il a été vertement dénoncé, ou sermonné ou il a eu des remontrances, je ne sais plus quel terme il a utilisé, ce n'est pas de la direction, puis ce n'est pas du ministre. Savez-vous par qui il a eu ce sermon, cette remontrance? Par ses collègues qui lui ont dit probablement... Imaginons le discours qu'ils ont eu entre eux: T'imagines-tu que t'es en train de détruire l'image de notre hôpital? Parce que ces médecins-là sont fiers d'être des médecins de Notre-Dame, et je les comprends qu'ils soient fiers d'être des médecins de Notre-Dame. Je connais bien cet hôpital, M. le Président, je vous le répète, vous le savez, l'hôpital Notre-Dame comme l'hôpital Saint-Luc, c'est dans la circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Mais que cherche l'opposition? Que cherche l'opposition? Le député de Hull pourrait peut-être y répondre, je sais que c'est un homme honnête. Que cherchent-ils? Que cherchent-ils? Je ne peux pas croire qu'un homme comme lui, lui qui connaît les hôpitaux, mais même au sud du 45e parallèle...

Une voix: En Floride.

M. Boulerice: Oui. Il connaît les hôpitaux du Québec, du Canada, des États-Unis, de Floride, tout cela, l'Ontario, parce qu'il est tout près de la frontière qui déjà nous sépare du Canada, hein? J'espère qu'il va pouvoir y répondre, mais je serais surpris, étonné, qu'un homme affable, intègre comme lui ait des mobiles qui seraient inavouables. Il sait fort bien, puisque lentement mais sûrement il s'en rapproche, il arrive à un âge, comme je le disais tantôt, où nous sommes fragilisés, insécurisés, angoissés, et je sais le député d'Outremont sensible à ces réalités. Est-ce que le député d'Outremont, qui est un homme que j'apprécie beaucoup...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...à l'exception de certaines positions qu'il a sur des équipements culturels... Parce que le député d'Outremont est un homme que j'apprécie, je pourrais même dire pour qui j'ai, oui, une certaine amitié. Il est d'un commerce agréable. Est-ce qu'il pourrait nous dire pourquoi cette désinformation? Pourquoi tenter de faire peur à un segment de notre population qui est fragilisé?

C'est ce que nous appelons, et je vais terminer là-dessus, M. le Président, véritablement du terrorisme psychologique. On terrorise psychologiquement des gens en faisant croire qu'il y a telle, ou telle, ou telle, ou telle situation, alors que certes il peut y avoir des difficultés, mais entre le portrait qu'on dessine et le portrait réel, il y a un écart vraiment immense. Donc, moins de partisanerie, plus de respect et surtout, au lieu de chercher de profiter de la question, inscrivez-vous donc dans la solution. Ça demande au leader de l'opposition de se hausser. Est-ce impossible?

Des voix: Impossible.

M. Boulerice: Je suis sceptique, mais j'ai toujours conservé au fond de moi un fond d'optimisme, M. le Président. Les heures et les jours à venir me le diront. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et leader adjoint du gouvernement. Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Hull. M. le député, je vous avise qu'il vous reste un temps de parole, à votre formation politique, de quatre minutes ainsi que le partage que je fais immédiatement du temps de parole des députés indépendants. Donc, il vous reste effectivement un temps de parole total de neuf minutes pour l'instant. M. le député.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. Normalement, lorsque l'on prend la parole dans cette Chambre pour discuter d'un projet de loi, ça nous fait toujours plaisir et on entend les députés le dire fréquemment: Ça nous fait plaisir d'intervenir sur tel ou tel projet de loi. Pour ma part, ce soir, je suis navré d'être obligé de tenter de rappeler aux députés ministériels qu'ils font fausse route en appuyant le ministre de la Santé et des Services sociaux. J'écoutais tantôt le député de Laurier-Saint-Jacques dire...

Une voix: Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. LeSage: ...de Sainte-Marie–Saint-Jacques dire: Imaginez-vous, si, en 1980 on s'était séparés, on pourrait dire à nos petits-enfants: On était là. Aïe! C'est quelque chose. On aurait pu depuis ce temps rapatrier tous les pouvoirs d'Ottawa. C'est quelque chose. Mais ce qu'on fait ce soir, c'est qu'on veut se départir des pouvoirs. Imaginez si on avait récupéré des pouvoirs pour les redonner à des organismes publics. Imaginez si le ministre des Affaires municipales venait nous voir demain avec un projet de loi nous disant dans trois articles: Je ne m'occupe plus des affaires municipales, je laisse ça à la Commission municipale; le ministre de l'Énergie viendrait nous voir: Je ne m'occupe plus des orientations d'Hydro-Québec et du développement du réseau, je laisse ça à Hydro-Québec

C'est ça que le ministre de la Santé vient faire ce soir. C'est ça qu'il nous dit, c'est écrit noir sur blanc. Le ministre peut... Ça, c'est le projet de loi qui nous est présenté ce soir. «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.» C'est clair. Il ne veut plus s'occuper de son bébé. Son bébé, il l'a créé.

Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques disait tantôt qu'on met le feu de ce côté-ci. Je m'excuse, ce n'est pas nous autres qui avons fermé les hôpitaux. Vous pouvez allumer votre briquet si vous voulez, vous pouvez en faire une farce, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, mais je vous dirai que la situation est très sérieuse.

Tantôt, j'écoutais le même député mentionner que certains députés dans cette Chambre avaient eu l'occasion de vivre la situation des services dans les hôpitaux en nous mentionnant que le père de l'un avait été soigné dans un hôpital et le père de l'autre avait été soigné dans un autre hôpital, puis ça avait bien été. Tant mieux, M. le Président, puis je suis content pour les pères de ces députés.

Mais je vais vous parler d'un cas précis qui me concerne et qui concerne mon père. Il y a quelques mois, ma mère l'a amené à l'hôpital, à l'urgence, en ambulance. On l'a vérifié vite fait parce qu'il y avait beaucoup de monde à l'hôpital. Je suis convaincu qu'on n'a pas fait le diagnostic qu'on aurait dû faire, parce qu'on n'avait pas le temps de le faire. On l'a retourné chez lui en lui disant: Si vous pouvez marcher, vous êtes correct. Mais oui, il pouvait marcher. Deux jours après, on l'a ramené à l'hôpital, à l'urgence, en ambulance, puis il est décédé. Si les gens... Je ne veux pas blâmer les médecins à l'hôpital; ils sont débordés. D'ailleurs, le ministre le sait, que les médecins sont débordés.

J'étais avec lui dans le Bas-du-Fleuve, il y a quelques mois, alors qu'on entendait les régies régionales de la Côte-Nord, de la Gaspésie, des Îles et du Bas-Saint-Laurent. Qu'est-ce qu'ils nous disaient, les gens des régies? Nous avons une pénurie de médecins. Il manque des médecins. Moi, j'ai posé la question: Qu'est-ce que vous faites? Il doit y avoir quelqu'un qui en souffre au bout de la ligne. Mais le ministre leur avait parlé un petit peu avant la réunion de la commission. Il ne fallait pas que ça paraisse trop mal. On m'a répondu: On prend les bouchées en double ou en triple.

(21 h 40)

M. le Président, s'il y a un domaine qui est très sérieux, c'est le domaine de la santé. C'est pour ça qu'on a voulu dans les années passées s'assurer que tout le monde puisse avoir accès à un service de santé qui était efficace. Quand on va voir un médecin à son cabinet, on discute avec puis, si on sent qu'on n'est pas bien bienvenu ou si on sent qu'il faut que ça presse, qu'il faut que ça roule vite, on n'est pas obligé d'y retourner, voir le médecin. On peut aller en voir un autre. Mais, quand on se présente dans une salle d'urgence, mais qu'il y a un seul médecin qui vous écoute puis qu'il n'a pas le temps de vous écouter parce qu'il y a six autres patients qui attendent – puis six autres patients, je suis généreux, il peut y en avoir 80 dans la salle parce que ça refoule partout. Ça refoule tellement qu'on a dit, avec raison probablement: On va tenter d'enlever les gens de l'urgence puis on va envoyer ça dans les CLSC. Mais ça refoule, là aussi, parce que les hôpitaux ferment, les salles d'urgence ferment. Ça refoule des deux bouts, maintenant. Le feu est pris à deux places, puis ça va les rejoindre bientôt. Ce qu'on dit au ministre, c'est: S'il vous plaît, arrêtez et prenez vos responsabilités. Vous avez mis le feu, vous avez fermé des hôpitaux, vous avez commis une erreur; ayez au moins le courage d'assumer vos responsabilités.

M. le Président, s'il y a un endroit, un domaine dont tous les gens devraient pouvoir bénéficier, c'est de soins de santé, comme je le disais tantôt, adéquats. On n'a pas ce système, présentement, on est en train de dilapider le système, on est en train de mettre la hache dedans. D'ailleurs, tous les intervenants du milieu de la santé le disent. Si c'était juste l'opposition qui se plaignait... Mais c'est tout le monde qui se plaint. Qu'on vienne me dire que ça va bien dans les hôpitaux. Je m'excuse, ça ne va pas bien. Les gens se demandent... et ont peur même de dire: Si jamais je suis malade, je me demande ce que je vais faire. Les gens se disent: Je ne pense pas que j'irais à tel hôpital. Mais on est en train de faire en sorte que chacun des hôpitaux ait une spécialité.

On va prendre l'Outaouais québécois. Si quelqu'un a un problème du coeur, il va aller au CHRO. S'il y a une naissance pour un bébé, on va aller au CH de Gatineau. Et, si quelqu'un a des problèmes d'oesophage, d'estomac, de cancer, à Gatineau. M. le Président, il y a des gens qui commencent à se poser de sérieuses questions sur les soins qui sont donnés à différents hôpitaux, puis ils n'auront plus le choix, tantôt. Si t'as mal aux dents, tu t'en vas là. Que t'aimes ça ou pas, c'est là que tu vas aller puis c'est là que tu va tenter de recevoir des traitements. On est en train de faire en sorte que les gens seront dirigés à un endroit donné, peu importe le service qui sera donné.

Je me rappelle, M. le Président, qu'on avait parlé à un moment donné d'avoir un ticket modérateur, ici, en Chambre. L'opposition, qui maintenant forme le gouvernement... Les péquistes déchiraient leur chemise là-dessus. Ça n'avait pas de bon sens, un ticket modérateur. Il fallait que les services soient gratuits pour tout le monde. Eux autres, ils n'en ont pas besoin, de ticket modérateur, ils mettent la hache dans les services. C'est beaucoup mieux, ça paraît mieux. Je vais vous dire quelque chose: aux prochaines élections, les gens, là, vont y penser sérieusement avant de dire au Parti québécois: Nous allons vous donner notre support, nous allons voter pour vous autres. Quand ils se sont présentés aux dernières élections, il n'était pas question de mettre la hache dans les services de santé. On ne voyait pas dans le programme du Parti québécois: Nous allons faire fermer vos hôpitaux, là.

Vous m'indiquez, M. le Président, qu'il me reste une minute. Je suis convaincu que je vais avoir de la difficulté à convaincre ces gens qu'ils font fausse route dans une minute, sauf que j'aimerais tout simplement vous dire: Si les Québécois et les Québécoises pensent qu'ils sont bien servis en acceptant que le ministre de la Santé se départisse des pouvoirs qui lui sont conférés présentement par une loi, le projet de loi que nous avons ce soir va faire en sorte qu'il n'aura plus ces devoirs-là, qu'il n'aura plus ces pouvoirs-là. Mais ça va arrêter où? C'est un précédent. On a des pouvoirs et on veut s'en départir. Bien, s'il veut démissionner comme ministre de la Santé, qu'il écrive une lettre puis qu'il la signe, sa lettre. Ça va être bien plus simple que de dire: Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de ses fonctions. Il ne veut plus les exercer, ses fonctions; bien, qu'il le dise, qu'il envoie une lettre puis qu'il la signe.

M. le Président, en terminant, je regrette sincèrement que la majorité ministérielle se voie dans l'obligation d'appuyer... Parce que je suis convaincu qu'individuellement il y a des gens du gouvernement, des députés ministériels qui sont contre ce projet de loi, mais ils devront, par mesure de solidarité, appuyer le ministre, et ça, j'en suis très peiné. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Hull. Nous cédons maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre, vous avez un temps de parole de 21 minutes plus les cinq minutes qui étaient allouées aux députés indépendants pour un total de 26 minutes. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Après tout ce qu'on vient d'entendre et ce qu'on a entendu pendant une bonne partie de la journée de verbiage, de dérapage et de charriage, je vais d'abord, par respect pour l'intelligence de ceux qui nous écoutent au petit écran, prendre quelques minutes pour rappeler de quoi il s'agit vraiment à travers tout ce qu'on a entendu. Après ça, j'essaierai quand même, pendant quelques minutes, de répliquer aux pires énormités et bêtises qu'on a entendues pendant la dernière heure.

Bon, de quoi il s'agit présentement? Il s'agit d'un projet de loi, comme on a dit, qui est assez simple et qui dit deux choses. Il dit d'abord que «le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application». Donc, le ministre peut, pas n'importe comment, dans une entente, il peut déléguer à un organisme. Dans le cadre du droit administratif, on parle d'un organisme gouvernemental ou d'un organisme public, pas de n'importe quelle organisation qui existe n'importe où, et on parle de déléguer l'exercice d'une fonction, pas de déléguer une fonction, l'exercice de la fonction. C'est ça qu'on dit.

Et le deuxième article, comme ce pouvoir on veut l'exercer rapidement dans un cas particulier – puis on l'a très bien expliqué – où il s'agit de permettre à la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'assumer la gestion de programmes de prélèvement de tarification et de distribution de prestations d'aide sociale à des gens qui sont hébergés dans des centres de longue durée, comme ce sera le premier cas d'application, le deuxième article de la loi, afin d'être complet et logique et cohérent, prévoit que la Régie de l'assurance-maladie du Québec exerce toute fonction qui peut lui être déléguée aux termes d'une entente conclue avec le ministre, comme le définit le premier article.

Alors, voilà tout simplement ce dont il s'agit. Alors, le cas précis dont il s'agit, c'est de créer un guichet unique de sorte qu'au lieu d'avoir deux ministères... Le ministère de l'Emploi et de la Solidarité gère les chèques de prestations à des gens à qui on doit donner un peu d'argent pour qu'ils puissent voir à leurs besoins personnels, leurs dépenses personnelles, dans les établissements de soins de longue durée. Toute personne hébergée au Québec a le droit de garder un minimum d'argent pour ses petits besoins personnels, et les tarifs qui sont demandés aux gens tiennent compte de leurs revenus et respectent, par exonération des coûts qu'ils doivent payer pour le gîte et le couvert, ce minimum qu'on donne aux gens. Mais il y a des gens qui sont trop pauvres, qui n'ont même pas ce minimum-là, alors dans ce cas-là le ministère de l'Emploi et de la Solidarité leur donne une prestation d'aide sociale. Et la tarification, c'est le ministère de la Santé qui s'en occupe.

Deux ministères, deux grosses machines gouvernementales qui ont été obligées de faire des ententes administratives obligent les citoyens à travailler puis à transiger avec deux groupes différents. Alors, pour faire ça plus simple, plus efficace, on crée un guichet unique et on demande à un organisme... Un organisme, ça veut dire une organisation comme la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y en a d'autres qui relèvent du ministre de la Santé et des Services sociaux; on parle de l'Office des personnes handicapées, on parle du Fonds de recherche en santé du Québec. C'est ça, un organisme; ce n'est pas n'importe quelle organisation, ce n'est pas une entreprise privée. Dans le sens du droit administratif, ça veut dire ce genre d'organisation.

Alors, pour pouvoir faire ça, ou bien on fait comme nous propose l'opposition dans la motion de scinder, ou bien on va faire, dans une loi, un article particulier pour dire que le ministre peut déléguer ces programmes-là pour les remettre à la Régie. Et, quand il y aura un autre programme ou une autre délégation de l'exercice d'une fonction, on reviendra encore puis on va encore passer une loi. Ça, c'est demander au législateur de commencer à gérer des programmes. Alors, une loi, ce n'est pas ça. Une loi, c'est fait pour donner des pouvoirs, décrire des situations, baliser des situations et dire comment les choses vont se passer. Et c'est pour ça que la loi explique dans quel cadre, de quelle façon le ministre va pouvoir, pas déléguer ses fonctions mais l'exercice de ses fonctions, pas à n'importe qui, à des organismes, et ça veut dire des organismes publics ou gouvernementaux, tout ce que les spécialistes du droit administratif nous disent, et ça veut dire aussi par une entente, donc en assumant ses responsabilités.

(21 h 50)

Quand un ministre fait ça, on dit: Il se décharge de tout, il ne s'occupe plus de rien, il démissionne. Absolument pas. Ce qui est très bien connu, chez les gens de l'opposition. Ou c'est de l'ignorance ou c'est... je n'ai pas de qualificatif parlementaire pour ça. Ils doivent sûrement savoir que, quand un ministre délègue l'exercice d'une fonction, il en garde toute la responsabilité et toute l'imputabilité. Une fois qu'il a délégué l'exercice par une entente, il peut et même doit intervenir en tout temps pour corriger, pour modifier, pour s'assurer que les résultats obtenus sont ceux dont il est responsable. Parce qu'il répond toujours devant l'Assemblée nationale de ce qu'il a délégué.

De toute façon, un ministre a deux fonctions: une première qui est politique, qui est celle, comme membre du gouvernement, de participer, de contribuer à l'élaboration des politiques du gouvernement, et une fonction administrative, qui est celle de gérer les activités d'un ministère. Pour gérer les activités d'un ministère, nécessairement un ministre doit déléguer. Surtout un ministère avec un réseau, ce n'est pas possible qu'il fasse tout. Alors, il délègue, un ministre, d'abord à son ministère, et ça, c'est prévu dans la loi du ministère, il n'a pas besoin de délégation spécifique, ou il délègue à des organismes, des organismes publics, des organismes gouvernementaux, mais là il faut, disent les techniciens, une habilitation spécifique dans la loi. Dans le cas qui nous concerne, c'est important d'avoir cet amendement parce que c'est deux ministères: l'Emploi et la Solidarité qui a une partie du programme, la Santé et les Services sociaux qui a l'autre.

Et pour qu'on soit logique et cohérent en modernisant la gestion de l'État, on a prévu directement dans la loi, en juillet dernier, qui crée le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, un article, l'article 6, qui dit essentiellement la même chose que ce qu'on demande ici comme amendement, qui dit qu'une entente conclue par le ministre – on parle du ministère de l'Emploi et de la Solidarité – peut prévoir la délégation à un organisme – dans le même sens de ce qu'on vient de dire, un organisme public ou gouvernemental – dans la mesure et aux conditions qui y sont prévues, l'exercice de fonctions – la même chose – qui sont attribuées au ministre par une loi qui relève de lui.

Alors, là, la ministre peut marcher parce qu'elle est habilitée par la loi. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui a une loi qui est plus ancienne, qui est plus vieille et qui n'avait pas prévu à l'époque ce genre de pouvoir là, parce qu'à l'époque on ne faisait pas ce genre de délégation là, doit avoir un article semblable pour être capable de compléter le transfert. Ce qui montre très bien que ces deux articles-là, qu'ils soient de deux principes ou d'un seul principe, sont complémentaires, et que la cohérence veut que l'Assemblée nationale ne se mette pas à gérer le réseau, qu'elle crée les conditions, qu'elle balise les modalités et qu'on donne au ministre les pouvoirs de fonctionner dans les deux cas pour qu'on puisse faire quelque chose qui va être bénéfique pour tous les citoyens. Quand il va se représenter d'autres cas de figure, d'autres cas d'espèce, de la même façon, bien, on va fonctionner de la même façon. On ne reviendra pas nécessairement à l'Assemblée nationale pour ça, ce qui serait une perte de temps pour tout le monde.

Évidemment, on a affaire à une opposition qui est d'une autre école. Eux autres, c'est clair qu'ils ne déléguaient pas. Ils centralisaient tout. Ils alourdissaient le système de l'État. Ils l'ont assez alourdi qu'ils ont arrêté la machine. Ils ont essayé de trouver comme moyen pour la partir de pomper de l'argent dedans, au-delà de ce qu'on était capable d'avoir, de payer des choses, de l'argent qu'on n'avait pas, pensant que ça repartirait. Ils ont fait ça pendant 10 ans. Ils nous ont endettés, ils nous ont mis dans la dèche, puis ils n'ont pas bougé, puis il ne s'est rien passé.

Surtout le député de Brome-Missisquoi, qui se targue d'avoir toutes les qualités et qui reproche aux gens du gouvernement et au ministre qui vous parle de vouloir se délester de tout, lui, c'était un typique de tout vouloir faire lui-même. Il peut bien accuser le ministre de la Santé de tout vouloir... Ou bien il l'accuse, certains jours, de tout vouloir contrôler puis de laisser personne rien faire, de terroriser son réseau, puis, le lendemain, il l'accuse de vouloir s'occuper de rien puis de démissionner de tout.

Il cite évidemment des références; c'est toujours les journaux. Je ne pense pas qu'il lise d'autres choses que ça, il ne doit pas avoir le temps. On peut citer le même genre de revues auxquelles il a fait référence aujourd'hui. L'actualité de septembre 1994, qui parlait du ministère de l'Environnement et de la Faune dont le titulaire est aujourd'hui le député de Brome-Missisquoi, sous un titre de Muet . Muet, pas comme une carpe, on disait Muet comme un fonctionnaire . L'article disait – on est en septembre 1994: «La transparence du gouvernement est chose du passé si elle a déjà existé.» On parlait du gouvernement qui nous a précédés. «Au ministère de l'Environnement et de la Faune, par exemple, pas question pour les membres des médias de parler – les membres des médias ne peuvent pas parler – de saumons, de perdrix ou même de ouaouarons avec un biologiste qui est un fonctionnaire du gouvernement sans que le cabinet du ministre de l'Environnement et de la Faune – à l'époque – ait donné son accord.» Le contrôle sur tout, et même chez les ouaouarons! Chaque ouaouaron est contrôlé au Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: D'ailleurs, on a ici un petit exemple intéressant. Il y a une préposée du service des pourvoiries du ministère, une biologiste du Québec, qui s'est arrêtée net quand le journaliste de L'actualité s'est identifié. Elle devait avoir eu des exemples de ce qui pourrait se passer si elle n'arrêtait pas de parler. Et pourtant, continue l'article, le journaliste voulait juste demander le numéro de téléphone d'une pourvoirie. Il n'a même pas pu se rendre à la fin de sa phrase.

Évidemment, c'étaient des gens qui avaient une haute opinion de tout ce qui est un gros contrôle pour s'assurer que tout soit très confidentiel. Ça les a amenés à prendre des décisions brillantes sur la fin de leur régime, à peu près au même temps, à bazarder ce qui était sous leur responsabilité. Quand tu ne délègues pas à des gens qui ont la compétence administrative ou technique pour faire quelque chose, que tu essaies de tout faire, bien, tu bazardes. Moi, je le sais, dans mon comté, quelque chose qui s'appelle le parc zoologique du Québec, ça a été bazardé pour un plat de lentilles, puis on a travaillé pendant quelques années, tellement le travail avait été mal fait, pour récupérer ça puis remettre ça sur les rails. Et des exemples comme ça, on pourrait en sortir beaucoup.

Évidemment, quand on a ce genre de mentalité là, quand on a géré le Québec de cette façon-là pendant 10 ans, quand on a mis le Québec dans la dèche comme on l'a mis, ce n'est pas surprenant d'entendre ce qu'on a entendu aujourd'hui puis ce n'est pas surprenant de réaliser qu'ils ne peuvent pas comprendre qu'un État moderne fonctionne différemment, qu'un État moderne décentralise, ne contrôle pas tout le monde en voulant les empêcher de parler, donne des responsabilités, donne des moyens, permet aux gens de faire des choses et que ceux qui sont responsables politiquement, parce qu'ils savent travailler avec le monde, parce qu'ils savent faire confiance au monde, peuvent continuer à répondre et à être imputables devant l'Assemblée nationale et, finalement, en faire pas mal plus, comme ce qui se passe dans le domaine de la santé et des services sociaux depuis quelques années. Et là je vais essayer de ramasser une couple des plus grosses bêtises qu'on a entendues tout à l'heure parce que la population a quand même droit à la vérité, a quand même droit de savoir ce qui se passe vraiment, M. le Président.

On a entendu parler encore une fois des patients, par exemple, qui avaient une tumeur au cerveau et dont la vie pouvait être menacée parce qu'ils attendaient pour être opérés. Un, les patients n'étaient pas dans un état où leur vie était menacée. Trois sur les cinq ou les six dont il était question attendaient chez eux très confortablement, et le problème qu'il y avait en-dessous de ça, c'est qu'il y a un médecin qui a pensé – je ne sais pas quelle difficulté il a à s'entendre avec ses collègues – que, au lieu de travailler avec son directeur de département, son chef de département de chirurgie et ses collègues, il a pensé qu'en parlant au leader de l'opposition, au député de Brome-Missisquoi, les choses iraient plus vite. C'est sûr que les choses ne sont pas allées plus vite. Il n'y a eu aucune répression de faite contre cette personne, mais ses collègues, comme l'a rappelé mon collègue, tout à l'heure, de Sainte-Marie– Saint-Jacques, c'est eux qui sont intervenus pour arrêter cette folie. Parce que des comportements comme ça – je ne sais pas s'il le réalise, au moins – ça salit tout le monde, ça ternit la réputation du CHUM, son pavillon de Notre-Dame qui, en neurochirurgie, est un des plus grands centres connus dans le monde. Et, pour quelque chose qu'on n'a pas vérifié, pas contrôlé, on salit. Alors, on peut comprendre que ces gens-là n'étaient pas de bonne humeur du tout et qu'ils ont voulu rectifier les choses. Mais, le message n'a pas l'air à être compris l'autre bord, on continue encore à salir.

(22 heures)

Quand on a parlé des patients qui attendaient pour être opérés à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, d'abord, ce n'étaient pas tous des patients qui avaient un cancer. Et il y a quelque chose qu'on ne veut pas comprendre: comment se fait-il que, s'il y a 13 patients qui sont sur la liste pour être opérés le 4 décembre, quand on regarde la liste du 29 novembre, il y avait quatre patients, cinq jours après, il y en a 13, cinq jours après, il y en a encore trois ou quatre? Ça veut dire quoi, ça? Ça veut dire qu'il y a des patients qui sont malades, des patients qui vont à l'hôpital, qui sont inscrits, qui sont opérés puis qui partent, puis ça roule. Alors, quand on voit, à un moment donné, qu'il y a des patients sur une liste d'attente, ça fait juste refléter que c'est un hôpital qui fonctionne, qui rend des services, qui a de la clientèle. Mais on n'a pas l'air d'être capable de regarder trois dates une après l'autre puis de voir le lien. On en voit rien qu'une, puis c'est bien juste pour comprendre ce qu'on a vu là, puis là on fait des grandes conclusions à partir de ça.

On a même vu ce soir mon collègue de Roberval qui a été obligé d'intervenir pour rectifier parce qu'on lui faisait dire quelque chose qu'il n'avait jamais dit – il faut aller loin, là – quelque chose qu'il n'avait jamais dit. Alors, c'est constamment ce genre de situation où on sort des choses de leur contexte, on fait des distorsions de ce qu'on a dit, on fait des conclusions qui ne tiennent pas debout et, avec ça... Encore une fois, si c'était juste pour attaquer le ministre, le ministre peut se débrouiller avec ça et en endurer pas mal, M. le Président, ce n'est pas ça qui est le problème. Mais ça salit tout le système de santé et de services sociaux, ça ne respecte pas les 250 000 travailleurs et travailleuses qu'il y a dans ce système-là qui ont réussi à se désâmer pour maintenir le système à un niveau où 90 % des patients se disent satisfaits des services qu'ils ont reçus – on n'en tient pas compte – et on les salit régulièrement.

Comment ils ne peuvent pas voir comment les gens sont passés à travers une réforme très difficile, réforme qui était commandée et que même leurs propres ministres ont souhaitée avant? Celui qui m'a précédé dans ces fonctions-là et aussi comme député de Charlesbourg au début des années 1990, 1991, 1992 – et c'est public, c'est dans les journaux de l'époque – a dit qu'il faudrait fermer, ou fusionner, ou transformer à peu près 200 établissements au Québec, 200 sur les 800 et quelque chose qu'on avait. Il a été suivi après par une autre ministre et celle qui était dans ces fonctions-là juste avant les élections a même dit, elle-même, qu'il faudrait fermer au moins trois grands hôpitaux au Québec. Ils avaient fait le diagnostic, les ministres qui m'ont précédé, ils avaient compris la situation, mais ils n'ont jamais – puis ça a été dit publiquement, c'est cité dans les journaux de l'époque, je pourrais déposer les découpures de journaux en Chambre dès demain matin, s'il le faut, là-dessus... Mais le gouvernement n'a pas eu le courage de les appuyer pour le faire.

Alors, M. le Président, pour se comporter de cette façon-là, pour éclabousser continuellement, pour salir continuellement, pour ne pas être capable de voir qu'il s'est finalement fait ce qu'ils n'ont pas eu le courage de faire, que ça a été grâce à des travailleurs et des travailleuses qui ont eu une force terrible pour passer à travers ça, et qu'on continue à les salir, je ne vois pas comment on peut expliquer ça. Il faut vraiment projeter sur ce qu'on voit autour de nous une espèce de vision dégradante, et je pense qu'on sait qu'il n'y a rien de plus dégradant qu'une opinion dégradante de soi-même, mais il ne faut pas projeter ça sur le monde et penser que les autres sont aussi pires que ça, M. le Président.

Alors, M. le Président, je vais conclure en revoyant l'argumentaire pour ce projet de loi là et où est la logique, en replaçant les choses pour ce qu'en est rendu le système de santé et montrer que c'est un système qui a su fonctionner de façon décentralisée, qui a su être efficace. Je pense qu'il faut maintenir la situation qui est là, il faut permettre l'application immédiate avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec et les deux ministères impliqués, Emploi et Solidarité et Santé et Services sociaux. Et il faut créer une situation qui fera que l'Assemblée nationale va faire ce qui revient à l'Assemblée nationale: elle va légiférer, va donner des cadres, des balises, des orientations, mais ne se mettra pas dans une situation de consacrer des heures et des heures et des heures, des journées et des journées et des journées pour approuver un projet de loi qui est tout simple et qui fait faire une fois pour toutes à l'Assemblée nationale ce qu'elle doit faire, en donnant la responsabilité aux autres de faire le travail après et d'être imputables et de revenir devant l'Assemblée nationale là-dessus.

Et, quand on a dit: Faire simple au lieu de faire compliqué, ou pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, bien, c'est bien la proposition qu'on a devant nous qui nous dit de faire ça. Au lieu de faire ça en un projet de loi de trois petits articles – on n'a pas le souffle d'être capable d'étudier ça et de passer à travers ça – on va en faire deux. Puis là, au lieu de trois articles, on va en avoir quatre, probablement un avec un article pour dire ce qu'on va faire et un autre pour dire quand ça va être en application. Puis, après ça, on va recommencer à zéro, puis on va reprendre un autre article, puis on va le compléter. Ça, c'est pas mal plus faire compliqué quand on pourrait faire simple, M. le Président.

C'est peut-être la limite de la capacité de ce qu'on peut prendre comme projet de loi, mais je pense que ça serait faire perdre le temps à l'Assemblée nationale, ça serait faire perdre le temps et de l'argent pour les travailleurs, qu'on a d'autres choses à faire et qu'il faut faire confiance au monde. Il faut savoir gérer. Ils ne l'ont pas appris, mais là il y a un gouvernement qui sait gérer, qui le fait et qui a démontré sa capacité de le faire, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Nous allons maintenant céder la parole au député de Joliette et ministre des Ressources naturelles. M. le ministre, il vous reste exactement un temps de parole de sept minutes.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Avec plaisir. Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément, M. le Président. Je voudrais vous dire que je suis convaincu que le leader de l'opposition doit être très heureux présentement d'avoir eu un pareil cadeau de deux heures pour se payer une traite non pas sur le fond des choses, se payer une traite sur la forme. J'aurai tout vu dans cette Chambre, y compris ce qu'on fait présentement. C'est du nouveau pour moi. C'est la première fois que je vois un projet de loi de trois articles qui dit dans le premier qu'on va créer une entente, comment on va gérer, dans l'article 2, l'entente, puis que ça constitue deux principes, parce que le troisième article, c'est l'entrée en vigueur.

Je vous avoue que c'est du jamais vu dans cette Chambre. Moi, j'ai été leader dans cette Chambre, j'ai plaidé un paquet de scissions, et c'est la première fois que je vois ça. C'est la première fois que je vois ça de ma vie. J'ose espérer que ce sera une jurisprudence qui ne tiendra pas trop, trop longtemps parce que – il faut que je fasse attention à ce que je vais dire, M. le Président – c'est bien évident que ça sert à dégrader le Parlement. Parce que, pendant deux heures, on plaide sur des formes, on se paie des traites en lisant des articles, mais on ne parle pas du fond des choses, puis le fond des choses, c'est précisément pourquoi on veut avoir une entente, pourquoi on veut la faire gérer à tel niveau et pourquoi il y a deux ministères qui vont conclure une entente. C'est ça, fondamentalement, qu'on a devant nous, alors qu'on vient d'assister à des argumentaires... J'ai pris un bout de...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, simplement rappeler à mon bon ami le député de Joliette les dispositions de l'article 41, deuxième alinéa, de notre règlement qui stipule très clairement que «la décision du Président ou de l'Assemblée ne peut être discutée». Vous avez décidé qu'il y avait deux principes dans le projet de loi, et ce que l'actuel député de Joliette fait, c'est de...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je suis très au fait de la décision que j'ai rendue moi-même. Il est bien évident que je pourrais très bien aussi demander au député de Joliette et ministre de l'Énergie de lire la copie de mon jugement. Mais, à ce stade-ci, il reste un temps de parole, approximativement, de cinq minutes, et je cède la parole au ministre pour qu'il poursuive son allocution. Et, quant à moi, la décision a été prise, et son début d'allocution, il l'a livré de la façon qu'il pensait le livrer, mais je ne crois pas que, à ce stade-ci, il y ait contestation de ma décision.

M. Paradis: M. le Président, il a mentionné qu'il n'y avait pas de jurisprudence. Votre décision était appuyée sur une décision d'un de vos prédécesseurs qui citait toute la jurisprudence qui date d'à peu près une...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, vous allez... Écoutez... Je tiens à mentionner que le débat tire à sa fin. Il reste actuellement environ quatre minutes, trois minutes et demie, alors, M. le ministre, je vous demanderais de bien vouloir poursuivre.

M. Chevrette: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Si vous souhaitez, M. le Président, ne pas appliquer les dispositions de l'article 41, c'est votre décision, et je ne peux la contester ni la discuter. Maintenant, je vous demanderais d'appliquer...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, à ce stade-ci, je ne sens absolument pas que ma décision est contestée. Si elle est contestée, je demanderais au ministre de l'Énergie de me le dire franchement et, à partir de ce moment-là, je pourrais agir en fonction. Mais là, pour l'instant, je vous demanderais de bien vouloir rester à votre position à moins de revenir sur un autre point de règlement. Mais ma décision, elle a été dite, elle a été lue, et le ministre en aura copie.

M. Paradis: M. le Président, comme vous venez de m'inviter à le faire, je vous invite, sur un autre point de règlement, à appliquer l'article 32 de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Voulez-vous me donner les grandes lignes de l'article 32?

M. Paradis: Oui, M. le Président, les députés ne sont pas à leur place.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je l'ai constaté, et les députés en question sont en train de se diriger à leur banquette. Alors, M. le ministre.

(22 h 10)

M. Chevrette: M. le Président, souhaiter qu'une jurisprudence ne résiste pas longtemps, ce n'est pas contester une décision, c'est d'en souhaiter une autre dans un autre moment. Il me semble que ça suppose que je me plie à votre décision mais que je souhaite que la jurisprudence vienne la contrecarrer à un moment donné. C'est tout, ça. Ça ne veut pas dire que je ne la respecte pas, parce que, si je ne la respecte pas, je ne souhaiterais pas une nouvelle jurisprudence. C'est évident, M. le Président. Ça paraît clair.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous avez tout à fait... Actuellement, vous pouvez interpréter les propos du député de Joliette de cette façon comme je peux également interpréter le fait. Tout comme en droit, ça évolue. Et on le voit, nous, régulièrement, je pense, à tous les jours, dans les cours supérieures, on va en appel, la décision est infirmée.

Ici, quant à moi, vous avez parfaitement raison. En vertu de l'article 41, il n'y a pas d'appel jusqu'à un moment donné où il y aura probablement une décision qui sera rendue dans le futur sur un dossier qui sera possiblement quelque peu différent, mais on essaiera de trouver quand même certaines similitudes.

Alors, M. le député de Joliette, je vous stipule qu'il vous reste exactement 30 secondes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: M. le Président, vous aurez remarqué que vous ne m'avez pas donné grand chance. Je n'ai même pas eu le temps de loger appel de votre décision.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mais je vous dirai, M. le Président, que ce que le ministre de la Santé vient d'expliquer, c'est ce que j'aurais voulu faire en d'autres mots, que j'ai fait l'autre soir lorsqu'il y a eu une motion de report. Ce soir, c'est une autre motion dilatoire de scinder. M. le Président, j'ai la conviction intime que ces manoeuvres-là n'empêcheront pas ce projet de loi de passer, parce qu'il va améliorer notre système, il va le rendre plus souple encore. M. le Président, on vous donnera sans doute l'occasion de faire modifier la jurisprudence au cours des prochaines semaines.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ceci met fin à notre débat sur la motion de scission du député de Chomedey. Nous allons maintenant mettre aux voix...

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Ha, ha, ha! Nous allons maintenant mettre aux voix la motion de scission du député de Chomedey qui se lit comme suit:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 176 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, comprenant les articles 1 et 3, et un deuxième intitulé Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, comprenant les articles 2 et 3.»

Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Rejeté.

Le Président (M. Pinard): Rejeté. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: À ce moment-ci, est-ce que nous pourrions proposer au leader du gouvernement, compte tenu de l'importance du sujet, un vote libre par appel nominal?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de... O.K. Alors, que l'on appelle les députés.

(22 h 14 – 22 h 25)

Le Vice-Président (M. Pinard): Veuillez vous asseoir.


Mise aux voix

Nous mettons maintenant aux voix la motion du député de Chomedey qui se lit comme suit:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 176 soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, comprenant les articles 1 et 3, et un deuxième intitulé Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, comprenant les articles 2 et 3.»

Que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Williams (Nelligan)...

Le Vice-Président (M. Pinard): Un instant! Un instant! Messieurs. MM. les députés.

Une voix: Et mesdames.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est les messieurs que j'entends. Alors, s'il vous plaît, je vous demanderais d'être délicats lors de la tenue d'un vote. Il est très difficile pour les membres de la table à la fois de donner le nom de chacun des députés et également de prendre le résultat. Alors, on continue.

Le Secrétaire adjoint: ...M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. LeSage (Hull), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Lefebvre (Frontenac), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

Le Vice-Président (M. Pinard): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé).

(22 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il a des abstentions? M. le secrétaire.

Le Secrétaire adjoint: Pour:27

Contre:54

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Pinard): La motion du député de Chomedey est donc rejetée.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, nous reprenons maintenant le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176? Alors, vous allez comprendre, M. le député de Verdun, que, considérant le nombre de députés qui sont debout à ce stade-ci, nous allons les laisser quitter l'enceinte pour se rendre en commission parlementaire, et, par la suite, je vous céderai la parole.

Alors, nous sommes prêts maintenant à reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176 et nous cédons la parole au député de Verdun. Alors, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Ça a l'air d'un tout petit projet de loi, mais c'est un projet de loi extrêmement important. Et il y a une tendance qui est en train de courir à l'intérieur de ce gouvernement: de se départir ou de vouloir fonctionner par mécanisme réglementaire plutôt que de devoir suivre la tradition normale de venir faire de la législation et de passer par voie légale. Alors, ce qui est extrêmement dangereux, à l'heure actuelle, dans le premier article... Et je vais me limiter à parler du premier article, et vous allez comprendre, M. le Président, où est la base de mon argumentation.

Le premier article dit: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.» Alors, premièrement, il faut bien comprendre quelle est la loi dont on parle. Il s'agit évidemment de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. Cette loi-là précise clairement quelles sont les fonctions du ministre, quelles sont les attributions du ministre. Je veux vous signaler que, déjà, le législateur avait prévu – et je vais vous dire comment il l'avait prévu – qu'une des fonctions du ministre pouvait être déléguée. Et je vais vous dire dans quel cadre on avait déjà prévu une délégation des fonctions du ministre, et cette délégation, on est en train, complètement, de l'oublier, on est en train d'ouvrir totalement les portes.

M. le Président, je réfère avec vous à l'article 3 de cette loi. Si vous vous référez à l'article 3 de la loi, qui est la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, on parle en particulier des fonctions du ministre. Dans les fonctions du ministre, il y avait le paragraphe d, qui était: «favoriser l'étude et la recherche scientifique dans le domaine de la santé et des services sociaux». C'était une des fonctions du ministre qui étaient prévues à l'intérieur de la loi.

Alors, maintenant, si vous regardez un peu plus loin – je vous suggère, M. le Président, de tourner quelques pages et d'arriver à l'article 11 – l'article 11 va vous expliquer comment cette fonction, qui est une fonction du ministre de la Santé et des Services sociaux, comment on avait déjà balisé une délégation possible d'une fonction. Alors, l'article 11 précisait clairement, et les mots sont importants: «Le gouvernement peut autoriser le ministre à déléguer au Fonds de la recherche en santé du Québec, institué par la Loi favorisant le développement scientifique et technologique, les pouvoirs qui lui sont conférés à l'article 12 de la loi.»

Alors, M. le Président, ce qu'il était important de bien comprendre, c'est que cette délégation, qui était la délégation d'une partie de sa responsabilité qu'il avait en matière de recherche et de soutenir par des bourses les étudiants et les chercheurs dans le secteur de la santé, était balisée d'une manière spécifique à l'intérieur de la loi, balisée de deux manières. D'une part, la loi précisait quelle fonction pouvait être déléguée, premièrement; deuxièmement, la loi précisait à qui cette fonction pouvait être déléguée; et, troisièmement, la loi, dans ce cadre-là, le législateur avait une vision très claire, c'est-à-dire qu'on ne peut pas déléguer par simple entente entre deux organismes. Autrement dit, ce ne serait pas suffisant d'avoir une entente entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et le Fonds de recherche en santé du Québec pour pouvoir faire cette délégation-là, ça prend une décision du gouvernement. Alors, on a complètement changé l'orientation qui était celle que les législateurs avaient faite en ce qui touchait les délégations de pouvoirs du ministre de la Santé et des Services sociaux vers certains organismes.

Aujourd'hui, on propose quoi? On propose que le ministre peut simplement, sans que le gouvernement se soit prononcé, sans qu'il y ait – et je vais vous expliquer après quelle différence il y a entre le fait que ce soit le gouvernement qui le fasse ou le ministre – le ministre peut, par entente, déléguer.

Lorsqu'on avait dans la loi – et là je vais faire encore référence à l'article 11.1 – lorsqu'on signalait que le gouvernement peut autoriser à déléguer, il y avait deux éléments qui se passaient. Premièrement, ça allait prendre, donc, une décision du gouvernement. Une décision du gouvernement, en général, ça se fait par un décret.

Un décret, M. le Président, c'est soumis à des publications dans la Gazette officielle . C'est-à-dire qu'il était clair que le gouvernement pouvait autoriser le ministre en ce qui touchait sa fonction principale de soutenir la recherche scientifique; le gouvernement, lorsqu'il autorisait le ministre à le faire, le faisait par voie de décret, par voie réglementaire, et c'était publié dans la Gazette officielle .

Maintenant, ce n'est plus ça. En catimini, en cachette. C'est le gouvernement de la cachette actuellement, ce n'est pas possible, si ça peut essayer de ne plus venir à l'Assemblée nationale, ne plus rien dire, etc., c'est à peu près ce qu'ils essaient tous de faire.

Je vous raconterai une anecdote pour donner une idée, vous donner une image à l'heure actuelle de ce gouvernement. On vient de terminer l'étude article par article de la loi n° 166, M. le Président, et je donnerai une anecdote parce qu'il est suave de voir comment se comporte ce gouvernement actuellement. On met dans cette loi un principe général que, pour constituer un cégep régional, ça prend l'avis explicite du Conseil supérieur de l'éducation. Sauf que, dans un dernier articulé qu'on présente à la dernière minute, on dit: dans celui qu'on crée – parce que, dans le fond, on n'en crée qu'un – celui-là, on n'a pas besoin de demander l'avis du Conseil supérieur de l'éducation. Vous voyez comment on fonctionne? On se donne des grands principes et après on essaie de les contourner d'une manière ou d'une autre.

Il y avait des balises, M. le président, il y avait des balises dans la loi pour faire en sorte que les délégations de pouvoirs ou des fonctions du ministre soient autorisées par le gouvernement et soient donc soumises à publication, et la loi précisait aussi à qui on faisait la délégation.

(22 h 40)

Si l'objectif, à l'heure actuelle, si l'objectif du projet de loi était celui qui a été énoncé, c'est-à-dire de permettre au ministre de déléguer certains pouvoirs à la Régie de l'assurance-maladie, ça aurait été tellement facile, tellement facile. Au lieu de se donner un immense pouvoir, comme on vient de le donner à l'article 1, ça aurait été tellement facile d'écrire un article, tel l'article que l'on a déjà – parce que je tiens à vous rappeler que la loi prévoit déjà une possibilité de délégation – on aurait pu avoir un article qui aurait dit: Le ministre peut déléguer certaines de ses fonctions – on aurait pu voir lesquelles étaient déléguées à la Régie de l'assurance-maladie – et on aurait plaidé aussi pour que ce soit sous l'autorisation du gouvernement. Ce n'est pas la fin du monde de dire: Voici, il est sain, il est normal que ces délégations de pouvoir du ministre vers un organisme soient soumises à publication dans la Gazette officielle . Je sais qu'il n'y a pas grand monde qui lit la Gazette officielle , c'est vrai, mais, néanmoins, c'est un principe qui rend la décision publique.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte, parlementaires et ministériels, actuellement, une fois qu'on aura voté ce principe où le ministre peut déléguer l'exercice de certaines fonctions à un organisme, il n'y aura nulle part un endroit où l'on saura lorsqu'il a fait une délégation de pouvoir ou pas. Ça ne sera plus public. Ça sera caché. Ça sera caché, M. le Président. Et c'est contraire réellement à ce qui a été l'économie, actuellement, des rapports que le ministre de la Santé et des Services sociaux avait avec les différents organismes qui constituaient l'ensemble des endroits où il pourrait déléguer.

Il y avait déjà un deuxième élément, en termes d'entente, dans la loi. Il est important de bien comprendre, parce que souvent les gens parlent, parlent, on parle de n'importe quoi mais on ne parle pas des lois. On a une loi, un texte actuellement. Je vous signalerai qu'il y avait aussi un pouvoir d'entente à l'intérieur de la loi. Le ministre avait déjà la possibilité de conclure des ententes. Mais, s'il concluait des ententes, elles devaient être ratifiées. À part le gouvernement, il y avait nécessité que, si vous passiez une entente avec d'autres organismes qui étaient hors de son ministère, dans le cas des ententes internationales, parce que c'était l'article 10 qui couvrait les ententes avec d'autres gouvernements, vous aviez besoin d'une ratification gouvernementale, c'est-à-dire d'un geste gouvernemental pour le ratifier.

Ce que je ne peux pas tolérer, ce que je ne peux pas accepter dans le projet de loi n° 176 actuellement, M. le Président, c'est que ça se fait complètement caché. Ce n'est pas le gouvernement qui autorise la délégation, ce n'est pas publié dans la Gazette officielle . Purement et simplement, une fois qu'on va avoir donné ce pouvoir total, actuellement, au ministre de passer des ententes avec des organismes et de déléguer certaines de ses fonctions, il n'y aura rien qui sera là pour pouvoir le contrôler.

Il est important, M. le Président, de se poser la question: Qu'est-ce qu'on pourrait avoir à déléguer? Parce que, comprenez-moi bien, si la loi avait eu simplement comme objectif de dire: On veut avoir une entente avec la Régie de l'assurance-maladie, on aurait pu parfaitement... Parce qu'ils ont plaidé uniquement là-dessus: J'ai entendu parler du père et du grand-père, de dire que ça serait tellement bien que permettre aux personnes âgées de pouvoir gérer, que, au lieu d'avoir deux ministères qui gèrent les fonds qui sont donnés aux personnes âgées, de n'en avoir qu'un. Ça serait tellement plus simple, M. le Président, si on avait dit: Le ministre peut, pour ces matières-là, passer une entente avec la Régie de l'assurance-maladie, soumise à l'autorisation du gouvernement et à publication. Ça, ça aurait été clair. Ça aurait été clair et on aurait su de quoi on aurait parlé.

Mais ce n'est pas ça, on se donne une espèce de pouvoir général. Et c'est une pratique. Moi, j'ai remarqué que c'est une pratique, actuellement, dans l'action législative de ce gouvernement. Pour régler un petit problème, il se donne un immense pouvoir qui est le pouvoir de fonctionner par règlement, de fonctionner par entente, même plus avoir à devoir passer par l'autorisation du gouvernement. Vous avez une évacuation, à l'heure actuelle, du parlementarisme et de la possibilité, pour les députés et les parlementaires, de surveiller ce gouvernement, qui se fait de plus en plus à l'intérieur de toutes les actions du gouvernement.

Mais, M. le Président, essayons d'imaginer l'exercice de quelles fonctions le ministre pourrait avoir à déléguer. Alors, on peut regarder ensemble. Il faudrait savoir ce qu'il fait, ce ministre-là.

«Le ministre a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux.» J'imagine que l'exercice de cette fonction-là ne peut pas être déléguée à aucun organisme, alors ce n'est pas celle-là.

«Le ministre doit voir à la mise en oeuvre de ces politiques, en surveiller l'application et en coordonner l'exécution.» J'imagine que, ça, ce n'est pas délégable non plus, donc ce n'est pas de ça dont on parle.

Alors, on va retourner à l'article 3, ça va être un peu plus clair. «Le ministre doit plus particulièrement assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes.» Alors, cette responsabilité, cette fonction qui est celle que le ministère a d'assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes, est-ce que c'est ça qui peut être délégué? Possiblement. Possiblement, M. le Président. Mais, si c'est la volonté, pourquoi on ne le précise pas, non pas à l'article général, mais de dire: Pour remplir telle fonction particulière, j'ai besoin que tel pouvoir puisse être délégué à tel organisme et qu'on amende la loi, comme on l'a fait pour le Fonds de recherche en santé publique du Québec, qu'on amende la loi et qu'on inclue à ce moment-là un élément qui prévoirait ce vers quoi nous allons déléguer.

Est-ce que les autres questions peuvent être déléguées? «Prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique». Bon Dieu! Est-ce que ceci, c'est délégable? Il est évident qu'il y a l'ensemble du ministère qui fonctionne; alors, ça, c'est une responsabilité du ministère. Est-ce que ceci, le sens de la protection, il y a besoin d'un article pour voir à qui on délègue ça? Je ne pense pas. «Favoriser l'étude et la recherche scientifique dans le domaine de la santé et des services sociaux», je me permettrai, M. le Président, de rappeler que déjà ce pouvoir-là a été délégué, à l'article 11.1. À 11.1, on a délégué ce pouvoir-là en partie au Fonds de recherche en santé du Québec, au FRSQ. Mais on n'a pas été complètement en l'air, on n'est pas parti sans savoir de quoi on parlait, on a dit: On délègue telles fonctions, telles responsabilités de soutien à la formation des étudiants, de soutien à la recherche. Ça, c'est délégué au FRSQ. On a même pris la peine de le mettre dans un article du projet de loi; pas un texte général, pas un texte qui dit que le ministre peut déléguer à n'importe quel organisme n'importe quel pouvoir, on y va précisément et on dit ce qui peut être délégué.

On peut continuer. «Promouvoir la participation des individus et des groupes à la détermination des moyens de satisfaire leurs besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux», bon, est-ce que ceci, c'est délégable ou non? Où est-ce qu'on s'en va dans ce genre de délégation, M. le Président? Je vous signale que c'est tellement large qu'on ne peut pas fonctionner, à l'heure actuelle, en donnant ce pouvoir aveugle qu'on donne au ministre.

Je me serais attendu, après les interventions de mes collègues, que la dernière intervention du ministre dise: Oui, il y a peut-être lieu de baliser l'intervention du ministre, il y a lieu de la baliser et il y a lieu au moins de dire que ce pouvoir de délégation ne sera qu'un pouvoir qui sera autorisé par le gouvernement. Ç'aurait été déjà mieux! On aurait au moins gagné quelque chose. On aurait gagné le fait qu'il y aurait eu de la transparence. On aurait su ce qui était délégué, on aurait su comment les choses allaient fonctionner, on aurait publier dans la Gazette officielle quels pouvoirs étaient délégués, à qui ça a été délégué. Mais ce n'est pas ça! On est en train de fonctionner, dans le gouvernement...

M. le Président, vous qui êtes un «éthicien» de formation, regardez à quel point de plus en plus on évacue le domaine législatif vers le domaine réglementaire, on évacue le domaine réglementaire par un texte d'une portée générale pour dire: On donne un pouvoir énorme par un texte de loi et, à ce moment-là, on n'a plus aucune possibilité de rendre compte d'une imputabilité. Le ministre a dit: Oui, je continue à être imputable de tout ce qui va être fait, etc. Ce n'est pas de ça dont je veux parler. Bien sûr, c'est tellement gros, le ministère de la Santé et des Services sociaux, tellement gros que les gens ne peuvent pas savoir tout ce qui va se passer et tout ce qu'il va y avoir, si on lui vote cet article-là, tout ce qu'il va pouvoir faire comme éléments de délégation.

(22 h 50)

Alors, c'est important de bien comprendre la position de l'opposition. On n'est pas en train, ici, de faire... Ça a l'air simple. Je vous dirai, M. le Président, très souvent, ce sont les petites lois qui sont les plus pernicieuses. Et je vous dis pourquoi. Parce qu'au lieu d'avoir une suite d'articles qui précisent clairement – on peut être d'accord ou pas – ce que le gouvernement peut faire, ce qui va être fait, etc., et, à ce moment-là, on débat sur des... et alors on a des lois qui sont des lois avec de nombreux articles, mais, à ce moment-là, ce sont des lois qui sont claires, qui sont transparentes, on sait ce qu'on est en train de déléguer. Ici, on a un article, mais un article qui a une portée énorme, un article qui a une portée générale, une portée extrêmement générale. Et je dois dire, M. le Président, qu'on ne peut pas, réellement, on ne peut pas...

Je suis prêt à reconnaître que peut-être il y a des besoins d'assouplissement. Mais qu'on ne le fasse pas d'une manière aussi générale, qu'on ne prenne pas une masse pour écraser une mouche. S'il faut déléguer des pouvoirs à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, disons: Il y a, sous l'autorité du gouvernement, une délégation de pouvoirs à la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour le paiement de certaines factures. Mais ce n'est pas ça. On prend prétexte actuellement d'un problème qui peut être un problème réel pour se donner un pouvoir général de délégation vers les régies régionales, vers les différents organismes de la Santé et au mépris des pratiques élémentaires de démocratie. Et c'est extrêmement grave, ce qui est fait actuellement, dans ces jeux où on évacue lentement le Parlement, où on évacue grandement la transparence et où on se donne un pouvoir général, et où on ne permet pas de le...


Motion d'ajournement du débat

M. le Président, il est temps que le ministre puisse comprendre et réfléchir. C'est pour cette raison qu'en fonction de l'article 100 je vais faire motion pour que nous ajournions le débat pour être reporté à une séance ultérieure de l'Assemblée pour permettre au ministre de pouvoir réfléchir et être en mesure de bien comprendre ce dont il s'agit. Donc, M. le Président, je fais motion actuellement qu'on ajourne nos débats sur cette question, en fonction de l'article 7.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

M. Gautrin: Adopté.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, mais pas nécessairement. Alors...

M. Gautrin: Si vous permettez, une motion d'ajournement est débattable.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Elle est débattable, mais pas nécessairement. Alors, c'est pour ça que j'ai proposé le vote. C'était à vous de réagir, à ce moment-là. Alors, vous voulez la débattre?

M. Gautrin: Certainement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, c'est très bien. Alors, je crois que c'est 10 minutes...

M. Gautrin: Non, non, je m'excuse, c'est absolument... M. le ministre, si vous aviez été là pour écouter, ce n'était pas du tout pour perdre le temps, à l'heure actuelle.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Une minute, s'il vous plaît! Une minute, s'il vous plaît, là! Alors, les temps de parole, c'est 10 minutes pour l'auteur, 10 minutes pour un représentant de chacun des partis et cinq minutes de réplique. Donc, on peut aller jusqu'à 35 minutes en tout. Alors, l'auteur, 10 minutes, après ça, 10 minutes de chaque côté et puis une réplique de cinq minutes. Alors, M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, je vais me permettre, encore une fois, et j'ai la chance ici de pouvoir bien expliquer pourquoi il est important actuellement d'ajourner le débat, parce qu'on ne peut pas voter ce projet de loi tel qu'il est. J'ai réexpliqué.... Et j'ai la chance actuellement de pouvoir m'adresser plus spécifiquement au ministre.

La loi qui était sa loi prévoyait déjà un pouvoir de délégation, mais elle l'avait fait dans des cas très spécifiques, c'est-à-dire qu'elle lui avait permis, particulièrement à l'article 11.1 de sa loi, de pouvoir déléguer une partie de sa responsabilité, de ses fonctions, de l'exercice des fonctions qu'il avait en tant que soutien à la recherche scientifique, de pouvoir déléguer cette responsabilité au Fonds de la recherche en santé du Québec. C'était l'article 11.1 de sa loi.

Mais, M. le Président, il était bien clair que cette délégation avait trois éléments qui étaient différents de la délégation générale que le ministre se donne. Elle avait trois éléments. Premier élément: elle était faite d'une manière spécifique, c'est-à-dire qu'on spécifiait à qui on déléguait. Deuxièmement, on faisait cette délégation et c'était le gouvernement qui permettait la délégation, c'est-à-dire que le gouvernement autorisait le ministre à déléguer. Ça avait pour effet que, si le gouvernement autorisait le ministre à déléguer, cette autorisation se faisait par voie réglementaire et était publiée à la Gazette officielle . Donc, il y avait, à ce moment-là, une clarté, une transparence quant à ce qui pouvait être délégué.

Le ministre et les parlementaires ministériels ont argué qu'ils avaient besoin de ce pouvoir de délégation pour permettre aux personnes, qui étaient en général des personnes âgées, de simplifier le paiement de certaines fonctions. Je n'en disconviens pas, qu'il peut y avoir une facilité dans ce sens-là. On aurait pu parfaitement écrire la loi, à ce moment-là, non pas en se donnant un pouvoir général de délégation tel qu'il est prévu à l'article 9.2, mais on aurait pu écrire la loi en faisant trois choses: en clarifiant clairement ce qu'on voulait déléguer – et, dans ce cas-là, c'étaient évidemment les questions qui touchaient les paiements aux personnes âgées – en sachant à qui on déléguait, c'est-à-dire à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, et en précisant bien, M. le ministre – et c'est important de bien comprendre ça – que c'était le gouvernement qui autorisait le ministre à déléguer, c'est-à-dire qu'il y avait publication dans la Gazette officielle de ce qui était délégué, trois choses qui étaient déjà dans l'économie de la loi qui était la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui précisaient les fonctions du ministre. Et, dans la loi, pour ce qui touchait la dimension recherche, on le précisait dans le cas de la délégation au Fonds de recherche en santé du Québec, on précisait comment se faisait cette délégation.

S'il était nécessaire de faire la même délégation... Comprenez bien, M. le Président, et je crois que le critique de l'opposition l'a rappelé bien des fois, il ne s'agit pas d'empêcher les simplifications qui pourraient être faites pour les personnes âgées. Mais, si c'était l'objectif du ministre, il aurait pu le faire extrêmement simplement et avoir un article semblable à l'article 11.1, qui aurait été 11.2 et qui aurait balisé correctement et complètement la manière de déléguer les pouvoirs ministériels à un organisme. Le problème, c'est que ce n'est pas du tout ça que vous faites. Je crois, je veux bien croire à la bonne foi du ministre à l'heure actuelle, mais il se donne un pouvoir tellement large qu'il ne balise pas du tout, et c'est pour ça l'importance de la motion d'ajournement du débat, de manière que le ministre puisse réfléchir à deux éléments importants dans le débat: pouvoir baliser l'article 2 de son projet de loi en y insérant que le gouvernement devait autoriser le ministre à faire une délégation particulière, c'est-à-dire qu'il y ait une action réglementaire du gouvernement en cas de délégation, parce que, à ce moment-là, il y aurait publication dans la Gazette officielle , donc le geste de délégation serait quelque chose de connu.

Deuxièmement, M. le Président, je crois que la délégation, le pouvoir ne devrait pas être un pouvoir général, tel qu'il est dit, mais spécifiquement, comme on l'a déjà fait dans la loi en ce qui touchait la responsabilité de la dimension recherche qu'a le ministre, de soutien à la recherche en santé qu'a le ministre de la Santé et des Services sociaux, que cette dimension-là soit balisée en l'incluant à l'intérieur spécifiquement de la loi.

Alors, ça aurait été tellement plus simple, M. le Président, si réellement son objectif, et c'est ce qu'il nous a dit lorsqu'il est intervenu, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt son intervention... Il est intervenu, bon, en rappelant bien sûr la situation des services de santé – mais je ne débats pas du tout actuellement de la question des services de santé, je veux me limiter actuellement très spécifiquement à la loi qu'il propose – et dans son intervention il disait: J'ai besoin de ces pouvoirs-là pour régler un problème – probablement réel – qui touche les personnes âgées et le fonctionnement du paiement des indemnités aux personnes âgées.

Si c'est le cas, c'est tellement plus simple de baliser son action, de le faire comme on l'a fait dans la loi pour les activités de recherche et de le mettre spécifiquement dans la loi, de donner cela comme une activité. Deux choses, le baliser par une action gouvernementale, c'est-à-dire faire en sorte que l'action du ministre soit faite d'abord et avant tout après un décret gouvernemental... Et ça, je pense que c'est le minimum de lui dire: Écoutez, ce serait tellement plus simple que si vous faites une délégation de l'exercice. Et je comprends, j'ai bien compris la différence qu'il y avait entre fonction et exercice d'une fonction, ça, j'ai bien compris ça, mais, si vous déléguez l'exercice de cette fonction à quelque chose, que ce soit par une autorité gouvernementale, ce qui fait qu'il y aura une publication dans la Gazette officielle , cet acte de délégation sera connu, sera public, ça sera fait au grand jour. Alors, ça, c'est le premier élément.

(23 heures)

Deuxième élément, il me semble qu'il aurait avantage, dans son projet de loi, à faire un deuxième élément, c'est-à-dire qu'on essaie de limiter – parce que, dans le fond, c'est l'objectif du projet de loi – à la Régie de l'assurance-maladie, M. le Président. Serait permis, si on limitait à la Régie de l'assurance-maladie, de savoir exactement de quoi on parle, parce que, pour régler un problème qui probablement est un problème réel, vous vous êtes donné, ou le ministre, M. le Président, vient de se donner des pouvoirs qui sont des pouvoirs énormes.

Je l'ai dit dans mon intervention avant la motion d'ajournement, mais je crois qu'il y aurait tout lieu que le ministre puisse reprendre le projet de loi n° 176 et reproposer ensuite une réécriture de l'article 9.2 qui aurait deux éléments de balise: de préciser que le gouvernement doit intervenir, c'est-à-dire que l'autorisation de la délégation se fasse par décret du gouvernement, premier élément, et que la loi précise, se limite à une délégation à la Régie de l'assurance-maladie pour les problèmes qu'il va soulever.

Je ne suis pas spécialiste du domaine de la santé, je suis prêt à reconnaître que probablement il y a une recherche d'efficacité en voulant permettre une facilité de fonctionnement entre les deux ministères. Mais, comprenez, comme parlementaires, la difficulté que l'on peut avoir de ne pas accorder ou d'accorder un pouvoir complètement aveugle, M. le Président.

Alors, c'est ça qu'on demande au ministre, la motion d'ajournement a ce but-là, M. le Président, très spécifiquement, de lui demander de corriger le projet de loi pour y inclure les deux éléments dont je vous ai parlé: le gouvernement, d'une part, et la limitation à la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

On aurait avantage, pour faire des lois et bien faire des lois, à ce moment-là de ne pas partir dans toutes les directions, de ne pas parler de tout et de rien, mais de bien savoir de quoi on parle dans ce projet de loi où dans le fond il serait extrêmement simple de dire: Il faut que ce soit balisé par l'action réglementaire du gouvernement, un; deux, il faudrait qu'on précise que, puisque c'est à ça qu'on veut le faire rapporter, ça porte spécifiquement sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laviolette et leader du gouvernement.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Je vais être bref. Pour ceux qui n'ont pas cru que la motion de scission faisait partie de toutes les mesures dilatoires que l'opposition a le droit d'utiliser, la motion dont on vient de prendre connaissance à ce moment-ci nous l'indique clairement. Après une motion de report, motion de scission, voici une motion d'ajournement. Et dans ce contexte il est évident que nous ne prendrons pas tout le 10 minutes auquel nous avons droit, parce que le député qui a fait la motion sait très bien que tout ce dont il a parlé peut se discuter plus facilement lorsqu'on arrive à l'étude des projets de loi article par article.

Et dans ce contexte-là, M. le Président, tous les amendements sont possibles, il le sait très bien, il connaît amplement les mesures qui sont prévues à notre règlement. Il utilise une mesure dilatoire, j'en conviens, c'est son droit. Mais, compte tenu de ces circonstances, on va attendre que leur temps soit écoulé, puis on votera contre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader du gouvernement. D'autres intervenants? M. le député de LaFontaine? Alors, je vous cède la parole.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Nous discutons de ce projet de loi là depuis bientôt deux jours. Un grand nombre de parlementaires en cette Chambre sont intervenus pour demander au ministre de vouloir clarifier l'objet du projet de loi, car en effet c'est la première fois que nous voyons ou une des rares fois – et, moi, je dois dire qu'en 12 ans de vie politique c'est la première fois que je vois ça – que nous voyons un projet de loi où un ministre se déleste de ses pouvoirs. Et pas n'importe quels pouvoirs, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Et tout le monde sait au Québec, et les téléspectateurs qui nous regardent ce soir le savent encore plus que nous, ici, parce que bien souvent et trop souvent, M. le Président, ils ont à vivre et à subir les problèmes que le réseau de la santé et des services sociaux connaît actuellement au Québec, donc tous ces gens savent l'importance du pouvoir du ministre et de sa capacité de décider rapidement en ce qui concerne la direction de ce gigantesque bateau, de ce vaisseau que sont les services sociaux, hospitaliers et de personnes âgées au Québec.

Alors, le ministre bien sûr, malgré les plaidoiries sans cesse répétées depuis au-delà de 24 heures de l'ensemble des membres de l'opposition sur ce projet de loi qui, même s'il semble anodin, deux articles... Il dira: Mais c'est anodin, il n'y a rien là. M. le Président, ces deux articles, ils sont dévastateurs; deux articles très importants, fondamentaux, puisqu'ils permettent à ce ministre de se délester, d'abandonner, de se réfugier, après avoir abandonné ses pouvoirs, derrière des agences, derrière d'autres niveaux décisionnels.

Mais qui est élu en cette Chambre? Qui est élu, lors des élections, par le peuple, par la population pour administrer, pour gérer les affaires du Québec, et particulièrement dans le domaine de la santé publique? Ce sont les élus, ce sont les députés. Et, par la suite, avec le nombre de députés majoritaires, le premier ministre forme un gouvernement et nomme un ministre de la Santé et des Services sociaux. Et ce ministre, il a la responsabilité de voir au bon fonctionnement du réseau de la santé, au bon fonctionnement de tout ce qui concerne la santé, la sécurité, le confort des Québécois et Québécoises lorsqu'ils sont malades, lorsqu'ils sont victimes de maladies graves ou alors lorsque, rendus à leur vieillesse, ils sont dans les centres d'accueil. Ils doivent, à ce moment-là, avoir des soins et des ressources particulières.

C'est ça, la responsabilité du ministre et c'est pour ça qu'il est nommé ministre. Il n'est pas nommé ministre de la Santé et des Services sociaux pour siéger dans une tour d'ivoire avec d'autres technocrates à son image, pour passer des règlements; il est élu et il est nommé pour s'occuper des gens, du vrai monde, des gens qu'on rencontre tous les jours dans nos circonscriptions électorales, des gens qui ont des difficultés, des gens dont les enfants sont à l'hôpital, des gens dont les parents sont dans les centres d'accueil. C'est pour ça qu'il est nommé ministre de la Santé et des Services sociaux au Québec. Il n'est pas nommé pour planifier, pour discuter et ergoter avec ses semblables, les hauts fonctionnaires ou d'autres technocrates d'autres provinces ou d'autres pays dans le monde; il est nommé pour s'occuper du monde, pour s'occuper des gens.

Et qu'est-ce que nous découvrons? Première fois en 12 ans dans un projet de loi, après 12 ans de vie politique, 12 ans de services auprès de mes concitoyens... Et Dieu sait, je peux vous dire, que des cas de santé et services sociaux, des cas de problèmes, M. le Président, de gens qui attendent des 24 heures, 36 heures dans les couloirs d'hôpitaux, des gens qui n'ont pas accès aux services d'opération rapidement, des cas de personnes âgées qui n'ont pas de place dans les centres d'accueil... Après 12 ans, à peu près de 1 000 à 1 500 cas de ce genre par année – 12 ans, on parle de 15 000, 16 000, 17 000 situations difficiles, contraignantes pour les Québécois et les Québécoises, juste moi, dans l'est de Montréal, imaginez les autres députés – nous voyons un ministre qui, se faisant élire sous le nouveau vocable de la nouvelle façon de gouverner, décide de renoncer à ses responsabilités et d'amener un projet de loi, le projet de loi n° 176, qui dit: «Le ministre peut, par entente, déléguer à un organisme, l'exercice des fonctions qui lui sont attribuées par la présente loi...»

(23 h 10)

M. le Président, c'est une abnégation de sa responsabilité, de son pouvoir. Nous avons essayé, depuis 24 heures, de le convaincre, de lui faire comprendre. C'est vrai qu'il est élu en cette Chambre depuis moins longtemps que l'ensemble des parlementaires de ce côté-ci de l'opposition. C'est vrai qu'il est arrivé ici plein de bonne volonté technocratique. Il est arrivé en disant: Je vais réformer comme dans les livres, comme dans les manuels, comme je l'ai vu ailleurs.

Mais, nous, nous savons par expérience, et nous essayons de le lui faire comprendre, que, dans la vraie vie, dans la vraie réalité, ce n'est pas comme dans les livres, ce n'est pas comme dans les bouquins. Dans la vraie réalité, il y a des gens qui souffrent, il y a des gens qui ont des difficultés, il y a des gens qui ont des problèmes, il y a des familles inquiètes, il y a des enfants, M. le Président, qui attendent des places pour se faire opérer et il y a des personnes âgées qui sont inquiètes et qui craignent de voir tout ce système déshumanisé. Et là ce n'est pas une réforme dans les bouquins et dans les livres et technocratique dont nous avons besoin. Nous avons besoin d'un ministre attentif qui garde l'ensemble de ses responsabilités, la capacité de décider lui-même.

Cet après-midi, je lui ai parlé du cas du CLSC de Pointe-aux-Trembles où une urgence, le premier CLSC, le premier centre au Québec qui fait de la médecine familiale et de première ligne, M. le Président, avec 30 000 admissions par année en service d'urgence au CLSC, va probablement devoir fermer ses portes au début de janvier si le ministre n'intervient pas. C'est le meilleur exemple, M. le Président. Si le ministre avait délégué sa responsabilité, comme le projet de loi le démontre, il ne pourrait pas décider de donner une exemption à des médecins pour pouvoir aller travailler et oeuvrer au CLSC de Pointe-aux-Trembles. Ce qui démontre sans aucune équivoque, sans aucun doute, M. le Président, que le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui est le ministre majeur au Québec en ce qui concerne la qualité de vie de la population et non seulement la qualité de vie de la population, mais le ministère qui dépense le plus, on parle d'au-delà d'un tiers des dépenses gouvernementales, donc il est très important et fondamental qu'il conserve l'ensemble de ses prérogatives.

Car c'est facile de les transmettre à d'autres et de dire après, comme nous l'avons vu la semaine dernière: Je vais voir avec la régie, ce n'est pas de mon ressort, laissons-les travailler, nous verrons après; peut-être, si la décision qu'ils prennent ne fonctionne pas, je verrai à intervenir. Mais ce n'est pas ça, M. le Président, que les citoyens demandent aux hommes politiques lorsqu'ils nous élisent. Les citoyens créent avec nous un lien de confiance. Et ce lien de confiance, M. le Président, c'est celui qui dit: Nous vous élisons pour nous représenter, pour voir à nos intérêts; pas pour déléguer vos tâches, pas pour dire: C'est à cause de l'autre, c'est l'autre qui va le faire, moi, vous savez, on a voté un projet de loi, puis, bien, s'ils ne font pas bien, peut-être que je vais intervenir. Ce n'est pas ça, M. le Président.

Alors, c'est pour ça que nous demandons un ajournement. Nous demandons, M. le Président, que le ministre prenne le temps de réfléchir. C'est sûr que, depuis 24 heures, il y a eu tellement de discours, tellement d'interventions de l'ensemble des députés en cette Chambre, des députés qui ont jusqu'à 17 ans d'ancienneté... Comme le leader de l'opposition et porte-parole en matière de santé, le député de Brome-Missisquoi, M. Pierre Paradis, 17 ans d'expérience en cette Chambre, il demande au ministre de réfléchir. Et nous lui demandons nous aussi, M. le Président.

M. le ministre, de grâce, pour le bien-être des Québécois et des Québécoises, pour le bon sens de votre mandat, pour le respect du mandat qui vous est confié par les électeurs et qui est confié à votre gouvernement par l'entremise de votre premier ministre, prenez donc le temps de réfléchir. Ajournons les débats. Prenons le temps. Réfléchissez. La nuit porte conseil. Il est 23 h 12. Au lieu de vous maintenir ici plus tard, nous vous donnons la chance de pouvoir rentrer chez vous tranquillement, de réfléchir et de revenir demain nous dire: J'ai compris que mon projet de loi n'est pas forcément dans le meilleur sens des intérêts des Québécois et des Québécoises. Donc, je vais voir à le changer et consulter les citoyens autour de moi, consulter dans mon comté – votre comté, les gens auraient peut-être des choses à vous dire – consulter le corps médical, consulter l'ensemble de la population pour faire en sorte que ce projet de loi, qui est fondamental car il touche, et je le répète, la santé et les services sociaux du Québec, il corresponde au meilleur intérêt de l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Pour une fois, qu'on mette un côté humain à ces législations qui sont faites pour les humains et non pas pour les technocrates, non pas pour les fonctionnaires et non pas, M. le Président, pour des structures, mais pour...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Il reste une réplique de maximum cinq minutes pour le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin (réplique)

M. Gautrin: M. le Président, j'eusse aimé avoir les interventions des ministériels pour pouvoir avoir la chance, dans ma réplique, de répliquer. Alors, là, la seule intervention, si vous voulez, est venue du leader du gouvernement. Et il a dit: Voici, vous allez pouvoir amender la loi en commission pour tâcher d'obtenir les objectifs que vous recherchez. Je fais partie de ceux qui pensent que la législation sur des coins de table, où on écrit les amendements, n'est pas ce qui est sain. Ce n'est pas ce qui est sain, M. le Président. Et ne riez pas là-dedans parce que, je m'excuse, je peux témoigner de tout ce que j'ai à ce moment-là comme passé à l'intérieur des différentes commissions. Il faudrait savoir que, une fois qu'on s'est mis d'accord sur ce qui devrait être un amendement, il est important que les spécialistes en rédaction de textes législatifs se penchent dessus. Il n'y a rien de plus mauvais en quelque sorte que de devoir faire des morceaux de législation à la pièce sans qu'on ait revu et repassé par des gens.

Parce que, écrire des lois, ce n'est pas quelque chose qui est simple. Alors, pourquoi on demande ici l'ajournement du débat? Je répète très clairement: Parce que nous avons deux objectifs qui doivent être inclus à l'intérieur de l'article 1: premièrement, que la délégation de pouvoir, si délégation de pouvoir il doit y avoir, parce qu'il est peut-être sain qu'il y ait des délégations de l'exercice des fonctions... Et je ne voudrais pas me laisser emmener... Je comprends très bien la différence qu'il y a là, on délègue l'exercice d'une fonction, mais la délégation de l'exercice d'une fonction doit être balisée par un règlement gouvernemental. Et ça, c'est quelque chose que...

Je sais qu'on pourrait commencer à essayer en commission de faire des amendements externes. C'est extrêmement mauvais, si vous me permettez, M. le Président, et toujours gênant de faire la législation de cette manière-là. Même si le leader doit le savoir, chaque fois que j'ai travaillé pour faire amender les lois – et j'en ai fait beaucoup – j'ai toujours insisté pour que les légistes qui travaillent pour le gouvernement se repenchent sur les amendements, parce que, quand on écrit une loi, il est important d'en voir toutes les implications. On a peut-être une volonté de savoir ce qu'on veut dire par un amendement, mais il est important que ça passe par les techniques de rédaction des lois. Alors, la motion d'ajournement, si nous ajournons les débats, ça va permettre au ministre d'aller voir son contentieux et de dire: Voici, dans mon contentieux, il serait important qu'on récrive l'article 9.2 pour qu'il y ait, en cas de délégation, une intervention gouvernementale, c'est-à-dire que ceci puisse être publié dans la Gazette officielle .

Deuxième élément, et ça, c'est le deuxième volet de notre plaidoirie – et très brièvement, vous me dites que j'ai peu de temps – il y avait un équilibre dans cette loi où, à 11.1, on prévoyait déjà certaines délégations, particulièrement au FRSQ en ce qui touchait l'exercice des bourses, et je crois que l'économie de la loi veut que, s'il y a délégation, on précise clairement à qui on doit faire la délégation.

Au lieu d'un pouvoir général que se donnerait le ministre, il aurait été beaucoup préférable, en termes de rédaction, qu'on rédige un article, qui aurait été 11.2 et non pas 9.2, qui dirait: Le gouvernement peut autoriser le ministre à déléguer l'exercice de ses fonctions en ce qui touche... et là il aurait fallu écrire correctement le paiement de ce qui est payé aux personnes âgées et que ceci soit délégué à un organisme très clair, qui était la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Ç'aurait été tellement simple, c'est pour ça que plutôt que de le faire comme ça qu'il prenne ces idées-là, qu'il aille voir son contentieux et dise au contentieux du ministère: Voici, ce je voudrais modifier dans ma loi, et qu'il revienne demain avec une loi différente. Ça aurait permis, M. le Président, de ne pas faire des amendements sur des coins de table et d'avoir une loi qui soit bien meilleure. Alors, c'est la raison, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au débat. La motion d'ajournement du débat présentée par le député de Verdun est-elle adoptée?

Une voix: Appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons prendre le vote par appel nominal. Je demanderais d'appeler les députés, s'il vous plaît.

(23 h 20 – 23 h 26)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous inviterais, s'il vous plaît, à prendre vos sièges. On a failli perdre notre leader adjoint. Ha, ha, ha! Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Mise aux voix

Alors, nous allons mettre aux voix la motion d'ajournement du débat présentée par le député de Verdun. Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Gautrin (Verdun), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Lefebvre (Frontenac), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Laporte (Outremont), M. Chalifoux (Bertrand).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre la motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Rochon (Charlesbourg)...

Des voix: Bravo!

Le Secrétaire adjoint: ...Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire adjoint: Pour:13

Contre:48

Abstentions:0

(23 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion d'ajournement du débat est rejetée.


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, nous allons revenir maintenant au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 176. Alors, y a-t-il encore des intervenants? M. le leader de l'opposition, pour une question...

M. Paradis: Simplement une question d'information au M. le leader adjoint du gouvernement. On m'indique que je ne peux pas, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, ceux qui ont à quitter pour aller aux commissions, vous pouvez le faire immédiatement, là, et ceux qui restent ici, nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe. Alors, M. le leader.

M. Paradis: Compte tenu de l'heure, pour les commissions parlementaires, est-ce qu'il y aurait possibilité d'éviter que les gens se déplacent – ils en ont pour 10 minutes pour s'installer, 10 minutes de travaux – ou est-ce que le leader du gouvernement tient absolument à ce que les commissions se terminent à minuit comme le règlement le prévoit, M. le Président, ou s'il y aurait consentement pour favoriser les autres consentements qui sont nécessaires pour terminer nos travaux dans ce qu'on appelle la session intensive?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, il n'y a pas de consentement. Donc, nous allons poursuivre nos débats. Alors, ceux qui ont à aller aux commissions et ceux qui ont à rester ici... Alors, je vais céder la parole à M. le député des Îles-de-la-Madeleine pour son intervention.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. Nous allons continuer à essayer de convaincre ces gens du gouvernement qui sont absolument insensés à l'égard de ce qui se passe au niveau de la santé au Québec.

Devant nous, évidemment, nous avons le projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Alors, un projet de loi qui ne contient que trois articles, trois articles, M. le Président, qui sont quand même relativement importants dans la situation que nous vivons actuellement.

Quand on regarde ce qui nous est expliqué ici, au niveau des notes explicatives, on y lit ceci: «Ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux afin que le ministre puisse, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par cette loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.»

Et, dans un deuxième temps, M. le Président: «Le projet de loi modifie également la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de permettre à la Régie d'exercer toute fonction qui lui est déléguée aux termes d'une entente conclue avec un ministre.»

Alors, c'est la raison pour laquelle nous avions déposé une motion de scission qui avait d'ailleurs été acceptée, qui avait été jugée recevable par la présidence. Puis on voit qu'il y a deux éléments quand même très distincts au niveau de ce projet de loi.

Nous convenons qu'au niveau de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, M. le Président, il s'agit de décisions qui, quand même, peuvent avoir des effets importants au niveau de la clientèle. Et, dans ce sens-là – je pense que le leader de l'opposition l'a affirmé également, M. le Président – à ce niveau, nous serions prêts à procéder, à la condition, c'est bien évident, de peut-être baliser le pouvoir réglementaire afin de s'assurer de ce qu'il en est et que le tout soit fait en toute transparence, notamment en faisant en sorte que ledit règlement passe par la Gazette officielle . Il s'agit d'une chose, à mon point de vue, très, très élémentaire, mais très importante, M. le Président.

Mais l'autre élément qui est touché, c'est de déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par cette loi. Alors, le ministre peut déléguer à un organisme des pouvoirs, et ça, M. le Président, c'est inquiétant. C'est inquiétant. Moi, je ne suis pas nécessairement inquiet parce que je pense que le ministre ne prendra pas de décisions puis que c'est cet organisme-là qui va prendre les décisions; moi, mon inquiétude se situe à ce niveau-ci, M. le Président, c'est que le ministre va décider des choses, mais va faire exécuter... et il va donner le fardeau des décisions à des organismes, M. le Président. Et ça, nous, on l'a vu au niveau des régies régionales, notamment.

Rappelons-nous, lorsque les régies régionales, au début du virage ambulatoire enclenché par le ministre de la Santé... Rappelons-nous, M. le Président, les consultations que les régies régionales ont tenues à la grandeur du Québec, dans toutes les régions du Québec, dans ma région, dans l'ensemble des régions du Québec. Et rappelons-nous les mémoires, les groupes, les gens qui se sont présentés devant ces commissions et qui se sont fait entendre. Et, quand on voit les décisions qui ont été prises par la suite, ces décisions ne correspondent pas aux consultations qui ont été faites. Pourquoi? Parce que le ministre avait son plan en tête. Et c'est évident que ces régies étaient sous la tutelle du ministre, et les régies doivent accomplir ce que le ministre pense et non pas l'inverse, et non pas accomplir ce que les gens pensent sur le terrain. Et c'est la raison pour laquelle on se retrouve dans une situation très cahoteuse au niveau de la santé. Et, quand j'entends les collègues d'en face, dans des discours, qui nous disent que tout va bien, que c'est des fantômes, des épouvantails qui viennent de l'opposition officielle, je pense qu'il faut être déconnecté de la réalité, drôlement déconnecté, pour dire que tout va bien, qu'il n'y a pas de problème au niveau de la santé au Québec.

Et on sait que le projet de loi que nous avons devant nous modifie la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. Et qu'est-ce qu'on retrouve au niveau de cette loi à l'article 3? L'article 3 stipule les devoirs du ministre de la Santé. L'article 3c, M. le Président: «Le ministre doit plus particulièrement: [...] voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population.» Mais force est de constater que le ministre a manqué à ses devoirs, a manqué à ses devoirs. Lorsqu'on connaît l'état de la situation qui prévaut actuellement dans le domaine de la santé et que le devoir du ministre, c'est de «voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population», bien, malheureusement, on doit admettre, et ce en toute objectivité, que le ministre a manqué à ses devoirs correspondant à l'article 3, paragraphe c, de la loi qui régit le ministère et dont le ministre est responsable.

Et ça, M. le Président, on a eu des exemples, des centaines et des milliers d'exemples à la grandeur du Québec. Ce n'est pas l'opposition officielle qui le dit seulement, on a juste à aller sur le terrain, à aller dans les établissements de santé et on se rend compte que notre système de santé est dans un état absolument lamentable et que les gens, que la population québécoise est très inquiète de ce qui va arriver avec son système de santé parce qu'on n'a pas les services auxquels on doit s'attendre.

Des exemples, M. le Président, que le ministre a manqué à ses devoirs en vertu de l'article 3, paragraphe c. Un article paru dans Le Devoir , 3 décembre 1997 – alors, c'est tout récent, tout récent – qui s'intitule: Les soins infirmiers se sont dégradés au Québec. L'Ordre et la Fédération des infirmières tracent un sombre portrait de la situation . Qui est mieux placé que les infirmiers et infirmières qui, quotidiennement, oeuvrent auprès des patients, auprès des malades dans tous les hôpitaux, les centres d'accueil, tous les établissements de santé au Québec? Qui est mieux placé que ces gens-là qui font un travail absolument extraordinaire dans des circonstances absolument difficiles parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire leur tâche adéquatement? Le gouvernement leur a enlevé les outils pour faire en sorte qu'ils puissent travailler convenablement.

Qu'est-ce qu'elles disent, les infirmières? Les infirmières déchantent en ce qui a trait au virage ambulatoire. Non seulement les CLSC ne disposent pas des ressources infirmières promises, mais les patients sont de plus en plus laissés à eux-mêmes et sont placés dans des situations périlleuses, croient-elles. C'est grave, dans une société dite évoluée – et nous le sommes, M. le Président – qu'on vive une telle situation.

Je continue. Qu'est-ce qu'ils disent, les infirmières, les infirmiers? En sabrant 325 000 000 $ en deux ans dans les soins infirmiers dans la foulée de son virage ambulatoire, le gouvernement du Québec, le gouvernement péquiste a non seulement mis en péril des patients qui reçoivent des soins à domicile, mais engendré une dégradation générale des soins infirmiers au Québec. Ça, ce n'est pas l'opposition officielle qui véhicule ces choses-là, ce sont des hommes et des femmes qui oeuvrent auprès de gens vulnérables, qui sont malades, malheureusement, dans l'ensemble des institutions de santé au Québec, M. le Président.

Et je continue. Qu'est-ce qu'ils disent? On ne parle plus de la qualité des soins mais de la sécurité des patients. Pendant combien de temps pourrons-nous encore éviter des accidents ou des décès? Les infirmières ont l'impression de marcher sur des oeufs. Des patients opérés pour des maladies graves, notamment ceux ayant subi un triple pontage coronarien, sont renvoyés à la maison sans que les infirmières aient pu leur dire quoi faire en cas de complications, ajoutent-elles. En conséquence, plusieurs patients qui se retrouvent sans aide du CLSC doivent être aidés par leur famille ou recourent carrément à des auxiliaires provenant d'agences privées. C'est ça, la situation qui existe malheureusement au Québec, M. le Président. Et ce gouvernement...

(23 h 40)

Qu'est-ce que vous aviez dit lorsque vous aviez enclenché le virage ambulatoire? C'était de dire: Oui, on diminue le nombre de lits de courte durée, la durée de séjour en centre hospitalier va diminuer. Bien, par conséquent, et en parallèle, et en complément de tout ça, on va faire en sorte qu'au niveau des soins à domicile on pourra combler l'absence en centre hospitalier et faire en sorte que ces patients-là aient ces services-là à la maison.

On ne les a pas, M. le Président, et ça, c'est un des graves problèmes. Mauvaise planification parce que les deux ne se sont pas arrimés. Je pense qu'il aurait fallu mettre en place au départ les mesures de soins à domicile pour faire en sorte que, lorsque, au niveau des centres hospitaliers, des lits de courte durée, on en aurait diminué le nombre, on aurait eu les services adéquats pour faire en sorte que, étant donné que les patients ont une durée de séjour diminuée, bien, ces patients-là pourraient avoir un service adéquat à leur domicile. Et ça, c'est une des graves lacunes.

Qu'est-ce qu'elles disent encore, les infirmières? Il faut rompre la loi du silence pour rappeler que la dignité humaine ne se négocie pas et que l'érosion des soins infirmiers remet en cause les fondements mêmes de notre système de santé, dit Gyslaine Desrosiers, présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Les silencieux sont de tristes complices. C'est ça, la réalité, M. le Président, malheureusement triste réalité.

D'autres exemples font en sorte que le ministre manque à ses devoirs en fonction de la loi de son propre ministère, M. le Président: «3.c) «Le ministre doit [...] voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population.» Qu'est-ce qu'on dit? L'article paru dans La Presse , 4 juin dernier, 1997, Michel Jarry: «Malheureusement, notre système commence de plus en plus à ressembler à la situation dans l'Union soviétique communiste. Il faut maintenant, pour être traité dans des délais raisonnables, jouir d'une position privilégiée ou connaître les bonnes personnes. Et la triste réalité que la population doit connaître est que la quantité, la qualité et l'accessibilité des soins de santé du Québec ont été considérablement réduites et que les ressources actuelles sont à l'extrême limite de ce qui est nécessaire pour offrir en 1997 des soins de qualité nord-américaine dans les délais raisonnables.»

Puis on entend les ténors du gouvernement, qui sont relativement muets sur la question, M. le Président, compte tenu il me semble que c'est une question excessivement importante pour nous Québécois et Québécoises, et on voit ces complices d'une attitude d'un ministre qui est en train de sabrer dans un système qui jadis était l'orgueil de tous les Québécois et les Québécoises. Et là ce sont des faits et des gens impliqués au niveau du milieu hospitalier, près des patients, qui donnent un cri d'alarme au ministre en disant: On ne peut plus continuer comme ça, ça n'a plus de bon sens.

Un article de M. Claude Piché de La Presse , journaliste très crédible. Qu'est-ce qu'il dit, M. Piché? Le 14 septembre 1996, qu'est-ce qu'il disait? «Si vous êtes propriétaire d'un chat ou d'un chien, vous savez déjà qu'il a des chances d'être mieux traité dans une clinique vétérinaire qu'un humain dans un hôpital québécois. Dans les cliniques vétérinaires, il n'y a ni liste d'attente, ni engorgement, et les patients à quatre pattes reçoivent rapidement toute l'attention dont ils ont besoin.» Ce n'est pas l'opposition officielle qui dit ça, c'est Claude Piché, qui est objectivement un journaliste très crédible. Très crédible. Alors, c'est ça, la situation qui prévaut actuellement au Québec.

Et quand j'entends les ténors: Tout va bien, tout va bien; il n'y a pas de problème. S'il n'y a pas de problème, ça veut dire que vous n'y allez pas, dans les hôpitaux, vous n'y allez pas, dans les centres d'accueil. Parce que ce n'est pas la situation qui prévaut actuellement. Moi, je prends un exemple chez nous, le centre d'accueil villa Plaisance. Les infirmiers et les infirmières, là, ils ont hâte que les bénévoles arrivent pour venir les aider. Ils sont à bout de souffle, ils n'en peuvent plus. Et la journée où il y a moins de bénévoles... parce que ce sont des bénévoles, ils ne sont pas obligés d'y aller, ils y vont quand ils ont le temps. Ils aiment y aller sûrement, mais ce n'est pas leur rôle premier. On a vu des patients chez nous qui ont eu de la misère à recevoir un repas sur l'heure du midi parce que les gens qui sont là, affectés de façon permanente, ne sont plus capables de suffire à la demande. C'est ça, la situation qu'on vit actuellement, M. le Président. Et ça n'a pas de bon sens.

Quand on dit que tout va bien, on n'a pas encore eu le rapport du coroner André Dandavino à l'hôpital Saint-Jean, on ne l'a pas vu encore ce rapport-là sur la mort de M. Michel Davignon qui était en liste d'attente, qui était en attente de six pontages. Malheureusement, malheureusement il n'a pu être opéré et il est décédé. On attend le rapport du coroner. Quand c'est rendu que c'est des coroners qui s'occupent des cas, ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on en est rendus là en terme de système de santé, M. le ministre?

Tout va bien, il n'y a pas de problème. Tout va bien. Le député de Saint-Jean a eu le courage même de poser une question en Chambre pour venir en aide à son commettant. Malheureusement, sa pression n'a pas pu faire en sorte de régler ce dossier-là. Nous vivons des situations comme celle-là.

L'hôpital de Jonquière, j'y suis allé au mois d'octobre, M. le Président. Malheureusement, un type a attendu sept heures à l'urgence et est décédé, puis la réponse du député de Jonquière, premier ministre, il a dit: Il s'est trompé d'hôpital, il aurait dû aller à Chicoutimi. S'il y a des urgences qui sont ouvertes aux deux places, vas-tu décider où aller parce que tu ne sais pas où il y a du service ou pas? On en «est-u» rendus là? La semaine d'après, bien, on se plaignait, à Chicoutimi, qu'il manquait de médecins. M. le Président, il ne faut quand même pas nous dire que tout va bien au Québec dans la santé. La situation est catastrophique.

Évidemment, je pourrais vous lire aussi un article de la revue L'actualité de décembre dernier, de décembre, là, la revue qui vient de sortir, qui nous dit carrément – non, décembre 1997, je m'excuse – que, quand les gens ne sont pas d'accord avec le ministre, c'est pratiquement la terreur. C'est la terreur parce qu'il y a juste le ministre qui connaît ça, il y a juste le ministre qui peut dire à tout le monde quoi faire. Une dictature, M. le Président. En conclusion de l'article de Michel Vastel, qu'est-ce qu'il disait? Désormais, les gens se taisent, craignant les amis que Rochon a placés au ministère et dans les organismes de contrôle du système, amis qui seraient chargés de régler ses comptes. Malheureusement, si on est rendus à avoir un système de la sorte, M. le Président, on peut commencer à être inquiet, parce que, là, on n'est plus à l'écoute des gens qui oeuvrent dans ce système auprès des patients, auprès des malades. Quand on n'est plus à l'écoute des infirmiers et des infirmières, quand nous ne sommes plus à l'écoute des médecins, ces gens-là qui oeuvrent au premier chef, bien, on est dans le trouble et, par conséquent, c'est la raison pour laquelle nous vivons la situation que nous vivons actuellement.

C'est la raison pour laquelle l'opposition officielle va tout faire pour essayer de faire comprendre à ce gouvernement que, dans un domaine aussi important et aussi crucial pour la population, il est impératif de changer de cap. Faites en sorte que vous investissiez de l'argent et donniez des ressources à ces gens-là qui vous en demandent depuis longtemps; pas pour eux personnellement, mais pour le bien et pour le mieux-être des gens, des malades, des plus démunis qui vivent des situations catastrophiques dans les hôpitaux et dans les centres d'accueil du Québec. C'est la raison pour laquelle je réitère que nous allons tout faire pour faire en sorte de faire comprendre à ce gouvernement d'injecter des sommes pour régler cette situation, et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Prochain intervenant: M. le député de Viger. Alors, M. le député, je vous cède la parole.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Comme mes collègues l'ont fait depuis deux jours, moi aussi, je vais intervenir sur ce projet de loi, le projet de loi n° 176 que le ministre de la Santé et des Services sociaux nous a présenté à l'Assemblée nationale.

(23 h 50)

M. le Président, ça dit quoi, les notes explicatives de ce projet de loi? Ces notes, elles nous disent: «Ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux afin que le ministre puisse, par entente, déléguer à un organisme l'exercice de fonctions qui lui sont attribuées par cette loi ou par une autre loi dont il est chargé de l'application.» M. le Président, ce sont tous les pouvoirs et tous les droits, devoirs, que le ministre peut, avec ce projet de loi là, déléguer à une autre personne ou à un autre organisme.

Encore dans les notes explicatives, il nous dit: «Le projet de loi modifie également la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin de permettre à la Régie d'exercer toute fonction qui lui est déléguée au terme d'une entente conclue avec le ministre.» Alors, c'est très clair, M. le Président, les notes explicatives de ce projet de loi sont très claires.

Le ministre hier, il nous a parlé à un certain moment qu'il était question des personnes âgées en hébergement et qu'on voulait préserver probablement un peu d'argent à ces personnes-là après qu'ils aient payé, disons, leur logement et la nourriture. À quelle place le ministre trouve ça dans les notes explicatives du projet de loi, M. le Président? Je me pose la question parce que nulle part c'est écrit qu'on parle des personnes âgées en hébergement. Absolument pas.

Alors, le ministre, s'il est consciencieux, si c'est vrai ce qu'il a dit dans son discours d'hier, il devrait au moins changer les notes explicatives de ce projet de loi. Mais, moi, je crois que ce n'est absolument pas ça. Et voyons un peu quelles sont les responsabilités, les devoirs du ministre de la Santé et des Services sociaux, ces devoirs que lui aimerait probablement un jour déléguer à d'autres personnes ou à d'autres organismes.

M. le Président, j'ai devant moi la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux. À l'article 2 de la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, on définit les fonctions du ministre. Et ça dit quoi? «Le ministre a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux.» Donc, le ministre, je répète, «a pour fonctions d'élaborer et de proposer au gouvernement des politiques relatives à la santé et aux services sociaux». M. le Président, avec le projet de loi n° 176, la question qu'il faut se poser: À qui et pourquoi le ministre voudrait-il déléguer cette responsabilité-là? Il faut se la poser, la question, parce que, là, dans le projet de loi n° 176, le ministre demande clairement qu'il puisse tout déléguer à n'importe qui et n'importe comment.

M. le Président, et je suis encore et toujours dans la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux, la fonction du ministre, il est dit: «Le ministre doit voir à la mise en oeuvre de ces politiques, en surveiller l'application et en coordonner l'exécution.» C'est très clair. Pourquoi le ministre voudrait-il abdiquer de ça? Pourquoi voudrait-il le déléguer à une autre personne, à un autre organisme?

M. le Président, je continue encore, à l'article 3: «Le ministre doit plus particulièrement:

«a) assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes – l'article 3, M. le Président, il dit: «assurer la protection sociale des individus, des familles et des autres groupes»;

«b) prendre les mesures requises pour assurer la protection de la santé publique;

«c) voir à l'amélioration de l'état de santé des individus et du niveau de santé de la population;

«d) favoriser l'étude de la recherche scientifique dans le domaine de la santé et des services sociaux;

«e) participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des programmes d'assainissement du milieu physique dans lequel vit la population à laquelle ces programmes sont destinés.»

M. le Président, à qui le ministre veut déléguer ses pouvoirs? Et pourquoi? On se pose la question, on a droit à une réponse. Le ministre n'a pas encore répondu à ça. Et je continue:

«f) promouvoir la participation des individus et des groupes à la détermination des moyens de satisfaire leurs besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux;

«g) consulter les individus et les groupes sur l'établissement des politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux;

«h) promouvoir le développement et la mise en oeuvre de programmes et de services en fonction des besoins des individus, des familles et des autres groupes;

«i) établir des normes applicables en matière de services, d'équipement, de finance et de personnel dans l'utilisation des subventions accordées par le gouvernement dans le domaine de la santé et des services sociaux et en surveiller l'utilisation.»

Et ça continue, M. le Président:

«j) assurer l'organisation et le maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux, lui-même ou par un tiers.»

M. le Président, je me suis arrêté ici et je me suis posé la question suivante. Je comprends pourquoi le premier ministre, probablement veut que ce projet de loi n° 176 soit accepté à l'Assemblée nationale. Je pense qu'on se rappelle que le ministre a déjà fermé plusieurs hôpitaux au Québec, que ce soit à Montréal, que ce soit à Québec, que ce soit dans les régions. Il y a beaucoup de rumeurs, actuellement, qui disent que, probablement, il y a d'autres hôpitaux qui vont fermer leurs portes. On parle de l'Hôpital du Saint-Sacrement à Québec. On parle de fermer 500 lits de plus encore au CHUM à Montréal.

M. le Président, quand j'ai lu ça, je me suis dit que le ministre a comme responsabilité l'organisation et le maintien des établissements dans le domaine de la santé et des services sociaux et je me suis posé la question, j'ai dit: Voilà probablement pourquoi le ministre veut déléguer à quelqu'un d'autre cette responsabilité du maintien des établissements de santé et de services sociaux au Québec. Parce qu'on se rappellera tous les problèmes qu'il a eus, ce ministre quand il a fermé les hôpitaux. Les conséquences, on les vit encore aujourd'hui, et, étant donné qu'il n'a plus le courage – et je comprends qu'il n'ait plus le courage – de le faire directement, il essaie de le faire indirectement actuellement en déléguant cette responsabilité à quelqu'un d'autre, à un autre organisme, je ne sais pas trop qui, M. le Président, probablement parce qu'il n'a pas le courage de fermer encore l'Hôpital du Saint-Sacrement à Québec, 500 lits au CHUM de Montréal et probablement d'autres lits sinon d'autres hôpitaux dans d'autres régions du Québec.

C'est la seule raison, M. le Président, que je peux trouver à la question de délégation parce que, autrement, pourquoi il devrait déléguer ses responsabilités et ses devoirs? C'est parce qu'il se sent tellement mal à l'aise, il a causé tellement de problèmes à la population du Québec depuis qu'il y a eu des fermetures, depuis qu'il y a eu des changements dans le domaine de la santé. Il suffit d'aller dans les hôpitaux. Moi, j'y vais au moins deux ou trois fois par semaine, pas parce que c'est le plaisir qui m'amène là-bas, mais c'est justement des circonstances. J'ai des membres de ma famille qui sont à l'hôpital actuellement et je peux vous dire que ce n'est pas facile. Et ce n'est pas la faute des employés, ce n'est pas la faute de la direction ni la faute des médecins, c'est la faute du manque de ressources. Il manque de ressources depuis qu'on a eu toutes ces coupures dans le domaine de la santé. Il manque encore beaucoup, beaucoup de ressources, et on a beaucoup, beaucoup de problèmes.

Est-ce que le ministre, il s'apprête encore à couper dans ça, M. le Président? Est-ce qu'il s'apprête encore à fermer des hôpitaux? Et, moi, la question, je la pose au ministre. J'attends sa réponse, demain, je ne sais pas quand, parce que, moi, je me pose la question. Honnêtement, s'il veut déléguer des pouvoirs, c'est probablement pour fermer encore des hôpitaux ou pour fermer encore des lits dans les hôpitaux.

Je sais que vous me faites signe qu'il est minuit. Je ne peux plus continuer, je vais continuer demain, M. le Président. Je vous remercie infiniment.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il vous restera environ une dizaine de minutes. Vous pourrez poursuivre à la reprise de la nouvelle séance demain.

Alors, nous allons ajourner nos travaux et lever la séance à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à minuit)