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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 10 mars 1998 - Vol. 35 N° 153

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Table des matières

Présence du consul général de Roumanie, M. Floriant Murg

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures trois minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons débuter par un moment de recueillement.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Présence du consul général de Roumanie, M. Floriant Murg

Alors, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes du consul général de Roumanie à Montréal, M. Floriant Murg.


Affaires courantes

Nous abordons maintenant les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Rapport d'activité du Conseil consultatif de la lecture et du livre

Mme Beaudoin: Oui. M. le Président, je dépose le rapport d'activité 1996-1997 du Conseil consultatif de la lecture et du livre.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport sur les plaintes des usagers de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Chaudière-Appalaches

M. Rochon: M. le Président, je dépose le rapport sur les plaintes des usagers pour l'année 1996-1997 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Chaudière-Appalaches.

Le Président: Ce document est également déposé. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Rapport annuel de la Société québécoise de récupération et de recyclage

M. Bégin: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1996-1997 de la Société québécoise de récupération et de recyclage.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre du Travail.


Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec

M. Rioux: M. le Président, je dépose un document de réflexion sur le travail des enfants au Québec.

Le Président: Ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.


Consultations particulières

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières et tienne des audiences publiques sur le document de réflexion sur le travail des enfants au Québec à compter du 24 mars 1998 et, à cette fin, entende les organismes suivants: Association des directeurs d'école; Association des carrefours jeunesse-emploi; Barreau du Québec; Centrale de l'enseignement du Québec; Centrale des syndicats nationaux; Commission des normes du travail; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse; Commission de la santé et de la sécurité au travail; Confédération des syndicats démocratiques; Conseil du patronat du Québec; Conseil permanent de la jeunesse; Conseil de la famille; Conseil supérieur de l'éducation; directeur de la protection de la jeunesse; Fédération des comités de parents de la province de Québec; Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; Fédération des commissions scolaires; Fédération des psycho-éducateurs du Québec; Me Thierry Biérault de l'Association du Barreau canadien, section droit du travail; Service d'aide aux jeunes entrepreneurs;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 17 mars 1998;

«Que le ministre du Travail soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Sous réserve d'une vérification, M. le Président. Je comprends que les nouvelles responsabilités ministérielles ont pu distraire le leader du gouvernement. Il s'agit bien de Mme Thierry Bériault, comme tel.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Vous avez raison, c'est Bériault.

Le Président: Alors, cette réserve étant dissipée, est-ce que la motion est adoptée? Adopté. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, maintenant.


Rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le Conseil des aînés

M. Boisclair: M. le Président, je dépose le rapport sur la mise en oeuvre de la Loi sur le Conseil des aînés.


Message de Sa Majesté la reine Elizabeth II à l'occasion du jour du Commonwealth

Le Président: Alors, ce document est déposé. En ce qui me concerne, d'abord le lundi 9 mars dernier était le jour du Commonwealth. Alors, pour souligner cet événement, Sa Majesté la reine Elizabeth II, chef du Commonwealth, a fait parvenir un message de circonstance que j'ai l'honneur de déposer.


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Je dépose, par ailleurs, les décisions 864 à 866 du Bureau de l'Assemblée nationale.


Préavis d'une motion des députés de l'opposition

Par ailleurs, j'ai reçu, dans les délais prescrits, préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose copie du texte de ce préavis.


Dépôt de rapports de commissions

Par ailleurs, au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 181

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 11 et 12 février 1998 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 181, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d'hypothèques mobilières sans dépossession.


Consultations particulières sur l'avant-projet de loi modifiant le Code civil en matière de recherche médicale

Je dépose aussi le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 19, 25 et 26 février 1998 afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil en matière de recherche médicale.

Le Président: Ces rapports sont déposés. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Examen du plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 24, 25 et 26 février 1998 afin de procéder à l'examen du plan stratégique 1998-2002 de la société Hydro-Québec.

(14 h 10)

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, maintenant, Mme la députée de Vanier.


Négocier une entente avec l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec

Mme Barbeau: Je dépose l'extrait d'une pétition à l'Assemblée nationale de 2 319 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Vanier.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant le litige impliquant l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés et le ministère de la Santé et des Services sociaux;

«Considérant que l'acceptation des exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux conduit, à brève échéance, à la disparition des établissements privés conventionnés;

«Considérant que, nous, les usagers et familles des usagers, témoignons de notre satisfaction à l'égard du centre hôpital Sainte-Monique;

«Considérant que, nous, les usagers et familles des usagers, témoignons à l'effet que le milieu de vie y est agréable, que nous sommes traités avec respect et que nous tenons à la qualité des relations humaines toujours présentes;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre Jean Rochon, ministre de la Santé et des Services sociaux, afin qu'il négocie une entente avec l'ACHAP qui ne met pas en péril la survie de cette catégorie d'établissements.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Très bien. Cette pétition est déposée. M. le député de Crémazie, maintenant.

M. Campeau: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


Tenir ses engagements envers la communauté lesbienne et gaie

M. Campeau: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition par 7 000 pétitionnaires, membres du Comité sur la violence faite aux gais et aux lesbiennes.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Pour la pleine reconnaissance des conjoints de même sexe;

«Pour la conformité à la Charte des droits donnant aux lesbiennes et aux gais le statut de citoyennes et de citoyens à part entière;

«Pour les services en santé et services sociaux adaptés aux besoins particuliers de la communauté lesbienne et gaie;

«Pour le financement adéquat des organismes qui oeuvrent auprès de la communauté lesbienne et gaie;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, exigeons que le gouvernement du Québec respecte la Charte des droits de la personne du Québec en tenant ses engagements envers la communauté lesbienne et gaie.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Très bien. Cette pétition est également déposée.


Questions et réponses orales

Alors, puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, nous allons immédiatement aborder la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en principale.

(Applaudissements)


Développement hydroélectrique de la rivière Churchill et état du système de santé

M. Johnson: M. le Président, en remerciant mes collègues, chez certains desquels je dénote une pointe d'envie...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: ...alors que nous prenons cette session dans un contexte où les choses ne sont pas nécessairement toutes faciles pour le gouvernement. On l'a vu hier dans la province voisine, notamment, où le premier ministre a été accueilli bruyamment par des centaines d'Innus et d'autochtones à qui il avait oublié de parler évidemment de ce qui l'amenait à Terre-Neuve. J'ai noté par ailleurs que le premier ministre a dit hier au Point qu'il n'avait rien annoncé ni rien conclu hier dans ce dossier-là. Ce qui me porte à demander: Qu'est-ce qu'il est allé faire là s'il n'avait rien à annoncer et rien à conclure?

Il n'en reste pas moins qu'à travers tous ces événements dans l'actualité certains enjeux fondamentaux sont encore là et que les préoccupations quotidiennes de nos concitoyens tournent notamment autour de ce qui est en train d'arriver à ce plus grand bien dont nous nous sommes dotés comme société, qui est un service de santé accessible à tous, en toutes circonstances, et qui est sensible aux besoins et aux inquiétudes de nos concitoyens.

Or, ce qu'on voit, après un peu plus de trois ans de gouvernement du Parti québécois, c'est le contraire des promesses quant aux listes d'attente, quant à la situation dans les urgences, qu'on a jamais vues dans un tel état, quant aux coupures et dans les ressources matérielles et financières que les établissements peuvent avoir à leur disposition. C'est le contraire des promesses. Quant aux ressources humaines, quant à l'allégement du fardeau de ces hommes et de ces femmes qui sont épuisés et essoufflés dans le système de santé, encore une fois le gouvernement livre le contraire de ses promesses.

Ce que je voudrais demander au premier ministre à ce moment-ci, à l'aube du dépôt des crédits, alors que le ministre des Finances est en train de préparer son budget, c'est d'avoir la certitude, la garantie de la part du premier ministre qu'il entend, comme chef du gouvernement, dire à son ministre des Finances, qu'il entend dire à son ministre de la Santé, qu'il entend signaler au président du Conseil du trésor et à tous ses collègues que, en matière de santé, à l'égard des services publics, le patient, le malade, le citoyen doit être au centre des préoccupations et non plus, comme c'est trop le cas depuis trois ans, être traité comme quelqu'un qui dérange les structures administratives, qui dérange le gouvernement et qui dérange le ministre de la Santé.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, c'est la première fois que j'ai l'occasion de rencontrer le chef de l'opposition, à la Chambre, depuis l'annonce de sa décision de se retirer de la politique d'ici quelques mois. Et, avant de répondre aux questions qu'il a posées, je voudrais dire tout le bien que je pense et que nous pensons tous, de ce côté-ci de la Chambre, de la grande contribution qu'il a apportée à la qualité de notre vie démocratique. Je voudrais lui dire que nos pensées vont l'accompagner. Mais on aura l'occasion d'en discuter davantage lorsque nous parlerons véritablement du départ. Ce que je constate, c'est qu'il n'est pas encore parti, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Le ministre de la Santé aura l'occasion de répondre de façon plus spécifique à l'autre partie de la question qui portait là-dessus. Mais, pour ce qui est des commentaires qui ont été faits sur l'annonce d'hier à Terre-Neuve, je voudrais rappeler à cette Chambre que, depuis maintenant plus d'une génération, le gouvernement du Québec et Hydro-Québec essaient de tourner une page avec Terre-Neuve sur des relations extrêmement difficiles qui se sont instaurées à la suite de l'évolution qu'on connaît de l'application du premier contrat des chutes Churchill.

Il y a donc quelque chose à refaire en termes de relations entre Terre-Neuve et le Québec. Terre-Neuve est un voisin. Nous faisons des affaires avec Terre-Neuve. Il est entendu que Terre-Neuve est un partenaire économique naturel et inévitable du Québec et qu'en conséquence tous ceux qui ont essayé dans le passé de rétablir les rapports faisaient bien de le faire, ont bien fait d'essayer, et nous savons combien c'est difficile, M. le Président.

Il se trouve qu'au cours des récents mois nous avons pu, M. Brian Tobin et moi, déterminer un certain nombre de paramètres autour desquels il semble s'avérer possible, sans toucher à l'ancien contrat, de développer pour l'avenir des ressources naturelles extrêmement importantes du côté du Labrador. Nous avons donc identifié ces paramètres et nous avons pu annoncer hier ce autour de quoi nous allions travailler au cours des prochains mois pour définir un projet et le conclure par des ententes qui nous lieraient légalement.

Cependant, nous savons très bien qu'il n'y a pas que Terre-Neuve et Québec, qu'il y a un partenaire fondamental, essentiel, c'est l'ensemble des nations autochtones qui vivent sur ces territoires à la fois au Québec comme au Labrador. Dans cette mesure, nous avons d'abord essayé de déterminer: Est-ce qu'il y a un projet rentable? Et, s'il y a un projet rentable, comment le constitue-t-on? Comment se fait-il, ce projet? Et, deuxièmement, est-ce qu'on est capables, Terre-Neuve et le Québec, de commencer à se parler pour ensuite amorcer des négociations?

Et, à partir du moment où nous avons vu qu'il y avait un projet rentable, deuxièmement, qu'on pouvait se parler maintenant, nous avons offert et demandé aux autochtones de nous recevoir pour les informer des résultats de ces premières discussions. Malheureusement, dans la plupart des cas, ils n'ont pas voulu nous rencontrer tout de suite, bien que, pour ceux qui l'ont voulu, il y a eu un document qui a été remis.

(14 h 20)

Nous avons invité les chefs hier. On a vu que les négociations commencent de façon vigoureuse. Je ne peux pas dire qu'on est surpris, M. le Président, mais je peux vous dire une chose, c'est qu'à la fois le gouvernement de Terre-Neuve comme celui du Québec, CFLCO et Hydro ont l'intention de traiter les autochtones comme des partenaires dans cette affaire, de les consulter sur la conception et la réalisation des projets et de faire en sorte qu'ils puissent tirer profit pendant tout le temps de la durée du projet des avantages qui en résulteront. Je voulais répondre à la première partie de la question.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Tout en comprenant que le premier ministre préfère parler d'un dossier qui est en évolution plutôt que du dossier de la santé où les Québécois reculent tous les jours, où le gouvernement manque à ses devoirs, où il manque à ses promesses, est-ce que le premier ministre pourrait revenir, pas à des commentaires éternels puis absolument allongés comme il l'a fait sur un commentaire qui visait l'actualité hier, mais se concentrer sur ce qui préoccupe les Québécois tous les jours? Toutes les familles québécoises, je le redis, ont cette inquiétude de la capacité de notre système de santé de les accueillir et de les bien traiter.

Est-ce que le premier ministre se rend compte que ce n'est pas de savoir si ceux qui sont traités dans nos établissements se sentent bien traités? On le sait, que le personnel se dévoue. Ça, on sait ça. Est-ce que le premier ministre n'est pas plutôt conscient – il devrait être conscient – que ce sont les ressources qui manquent qui font en sorte que les gens attendent trop, que ce sont les ressources qui manquent pour alléger la tâche d'un personnel qui est essoufflé. Ça, tout le monde sait ça dans tous les hôpitaux du Québec.

Est-ce que le premier ministre va faire quelque chose alors que les crédits vont être déposés, alors qu'il est censé y avoir des ressources additionnelles qui sont promises à tour de bras par son gouvernement et qui ne viennent jamais alléger le sort et l'inquiétude, surtout, de nos concitoyens? Est-ce que, finalement, le système de santé va se préoccuper du citoyen, du malade et des patients plutôt que de s'en préoccuper comme de quelqu'un qui gêne le ministre dans ses plans administratifs et technocratiques?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la mission des soins de santé d'un gouvernement, de tout gouvernement, y compris du nôtre, est au coeur même des responsabilités publiques. Nous savons très bien qu'il y a des priorités importantes pour un gouvernement: il y a la santé, il y a l'éducation. Et la santé, c'est quelque chose d'inévitable. C'est ce à quoi on doit consacrer le meilleur de nos énergies et la plus grande sensibilité vis-à-vis de nos concitoyens.

Ce gouvernement, M. le Président, a décidé cette année de réduire la rationalisation qui était en cours, d'accélérer la mise en place de la réforme alternative qui a été prévue. Et on verra que les crédits qui vont apparaître vont montrer une augmentation en termes de chiffres absolus et que ce ne sera pas le paradis, parce que nous savons que nous sommes en train de mettre de l'ordre dans les finances du Québec avec d'excellents résultats au point de vue économique. C'est la meilleure performance économique depuis 10 ans que le Québec réalise présentement. Mais, M. le Président, ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas facile, de le faire. Nous sommes en train de réussir. La question des urgences, ce n'est pas nouveau. Déjà en 1970, ça existait. Et nous avons beaucoup amélioré le niveau de traitement aux urgences, de service aux urgences par rapport à 1990. Nous sommes en train de régler le problème de la santé, de l'orienter vers un avenir où nous aurons de meilleurs soins davantage orientés en vertu des standards modernes.

Quant aux ressources financières, est-ce que je peux dire, à la suite même du leader de l'opposition, combien nous sommes malheureux de la politique pratiquée par le gouvernement fédéral? Nous ne sommes pas les seuls, M. le Président. Nous ne sommes pas les seuls; le malaise est dans l'ensemble canadien. Le 21 février dernier, je me suis entendu avec M. Roy Romanow et avec les autres premiers ministres de toutes les provinces pour envoyer à Ottawa cette lettre, que je vais déposer, au premier ministre Chrétien pour nous plaindre, tout le monde, de la façon inacceptable avec laquelle Ottawa réduit les transferts financiers pour financer les services de santé, pour ensuite y substituer des intrusions dans des domaines qui ne le concernent pas.


Document déposé

Et cette lettre que je dépose, M. le Président, rend compte du mécontentement et de la colère généralisés dans l'ensemble canadien par rapport à ce que le fédéral exerce de pressions sur nos soins de santé.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Je peux terminer? J'avais juste une phrase pour finir: Est-ce qu'on peut demander au chef de l'opposition, à la suite de beaucoup de ses collègues maintenant qui montrent les dents vis-à-vis du gouvernement fédéral, d'appuyer le Québec et les autres provinces dans leurs revendications légitimes vis-à-vis d'Ottawa dans ce domaine?

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte que les décisions qui touchent les priorités du gouvernement du Québec, avec les ressources financières qu'il a ou qui lui sont transférées, font en sorte aujourd'hui qu'on est encore la province canadienne qui dépense le moins per capita, à part l'Île-du-Prince-Édouard, de mémoire, et que, deuxièmement, le gouvernement est responsable des décisions qu'il prend en matière de priorités budgétaires? Et, en matière de santé, il peut bien se plaindre, déchirer son linge tant qu'il veut, mais comment il fait pour trouver de l'argent pour de la publicité, pour que le ministre nous dise à la télévision, avec ses raisins, que ça va bien, alors que le premier ministre se plaint qu'il manque d'argent? Comment il trouve l'argent pour faire des annonces, le ministre de la Santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, au cours des deux derniers mois plus particulièrement, j'ai eu l'occasion de rencontrer et de parler très souvent à tous mes collègues les ministres de la Santé des autres provinces canadiennes, parce qu'on a eu plusieurs rencontres, entre autres pour les travaux qui progressent très bien pour un futur programme ou une proposition en ce qui regarde la compensation pour les victimes de l'hépatite C, proposition d'ailleurs qui avait été votée par cette Chambre sur le dépôt puis la présentation du chef de l'opposition.

Et ça, ça m'a permis de constater, parce qu'on a été amenés à en parler beaucoup, que ce à quoi fait référence le chef de l'opposition, les difficultés qu'ont eues les systèmes de santé et l'inquiétude de la population vis-à-vis de la capacité des systèmes de santé de répondre à leurs besoins, c'est une réalité dans toutes les provinces canadiennes. Effectivement, ce n'est pas qu'au Québec, c'est partout, que tous les ministres de la Santé, à l'exemple de leur premier ministre, ont décrié et ont fait toutes sortes de demandes qui sont restées lettre morte au fédéral pour cesser le mal qu'il nous a fait, qu'il a fait à notre système de santé, qu'il a fait à la population de chacune des provinces canadiennes, au cours des trois dernières années, en sabrant les trois quarts des budgets qu'on avait pour la santé qui venaient des transferts fédéraux et qui nous ont été enlevés. Les trois quarts des coupures qui ont été faites viennent du coup qu'on a reçu du fédéral, il ne faut jamais oublier ça.

Ceci dit, le Québec, depuis 20, 30 ans, a toujours eu un per capita légèrement inférieur à la moyenne canadienne, ce qui est un reflet de sa richesse collective par rapport à certaines autres provinces canadiennes, mais le Québec a toujours été parmi ceux qui ont investi le plus et, je pense, jusqu'à un certain point, le mieux dans le domaine de la santé. Et là, si le fédéral peut arrêter d'avoir des velléités de venir gâter la sauce en repartant 56 autres programmes puis nous redonner ce qui nous revient, je pense que le Québec va pouvoir accélérer encore son rythme pour corriger les erreurs du passé, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte que les priorités budgétaires du ministre de la Santé – il a beau parler d'une perspective historique depuis 30 ans et invoquer toutes sortes de statistiques, la réalité, là, depuis quelques mois, c'est que, contrairement à la plupart des grandes villes canadiennes, hein, ce n'est pas les conditions de la circulation qu'on a le matin, c'est les conditions dans les urgences des hôpitaux qu'on a au Québec; c'est ça qu'on a à Montréal, à Québec et dans d'autres villes du Québec – est-ce que le premier ministre se rend compte que les priorités de son ministre n'ont pas d'allure? À partir du moment où il prétend qu'il lui manque de l'argent, comment il fait pour trouver de l'argent pour faire des annonces à la télévision pour dire que ça va bien quand tout le monde sait que ça ne va pas bien? Comment il fait pour trouver ça?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Alors, M. le Président, si le chef de l'opposition lit les journaux canadiens, il va s'apercevoir que les problèmes des urgences, ça a été, dans les deux derniers mois, des problèmes, ça aussi, à travers tout le Canada et qu'il y a des hôpitaux partout à travers le Canada qui ont dû modifier leurs cédules opératoires.

Le Président: M. le ministre.

(14 h 30)

M. Rochon: Et, dans les dernières semaines, le Québec a même réussi à accélérer certaines des modifications qui étaient prévues pour améliorer les soins de longue durée pour libérer des lits dans les hôpitaux, pour continuer à faire des transferts de ressources pour les soins à domicile et pour s'assurer que l'environnement de l'hôpital et de l'urgence soit le mieux pourvu possible.

Quant aux annonces, qu'on appelle des annonces, M. le Président, on a été obligé, puis on va continuer tout le temps que ça sera nécessaire, de faire de l'information à la population parce que la démagogie a fait un problème de santé publique, ils ont fait peur à la population, M. le Président, de façon injustifiée.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Cohabitation d'enfants souffrant de maladie psychiatrique et d'adultes toxicomanes à L'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur de Jésus de Québec

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, en décembre dernier, je dénonçais avec vigueur la décision de la Régie régionale de Québec de faire cohabiter ensemble des adultes toxicomanes avec des jeunes souffrant de maladies psychiatriques sévères à l'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur de Québec. Le ministre de la Santé a soutenu, en cette Chambre, et je le cite: «C'est faux de dire qu'il y a eu une décision de prise dans ce dossier.» Le lendemain, tout comme le ministre l'affirmait, la Régie régionale de Québec affirmait qu'il n'y aurait pas de cohabitation entre les adultes toxicomanes et des jeunes enfants à compter d'avril prochain.

M. le Président, le ministre sait-il que, contrairement à ce qu'il a affirmé en cette Chambre, la Régie régionale de Québec vient d'autoriser, d'accepter que des adultes toxicomanes cohabitent, habitent, vivent avec des jeunes ayant des problèmes psychiatriques sévères?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, comme la députée vient de le dire, j'avais clairement indiqué dans cette Chambre, et la régie régionale l'avait confirmé, que, dans la réorganisation, l'organisation des services, autant il y a un souci d'utiliser au mieux, pour l'avantage des patients, tout ce qu'on a comme établissements et comme ressources, il y a des principes très, très clairs qui ont été affirmés; et on va améliorer les services, on ne va pas faire courir de risque à aucune personne, et que d'une cohabitation, ensemble...

Comme la ministre l'a dit, on dirait qu'ils sont dans la même chambre puis qu'ils partagent tout ensemble – la députée – un jour, ça lui arrivera peut-être! Alors, comme la députée a l'air de nous raconter ça, c'est comme si ces gens-là vivaient dans les mêmes chambres, dans une promiscuité indescriptible! Le langage est tout à fait dramatique.

Je ne sais pas à quoi elle fait référence exactement, ce qui se serait dit ou quelle rumeur nouvelle aurait été lancée récemment. Je vais revérifier, M. le Président, mais le principe a été affirmé clairement, l'orientation est très claire, au niveau de la régie, du ministère et du ministre: les services seront modifiés pour être améliorés, autant aux adultes toxicomanes qui ont des problèmes pour se libérer d'une habitude comme une toxicomanie que pour les enfants qui ont besoin de services. On a les ressources qu'il faut et on sait bien les utiliser pour donner des bons services aux deux. S'il y a quoi que ce soit qui est sorti comme nouvelle, je vais la vérifier et je rapporterai des précisions dans cette Chambre, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, le ministre peut-il nous dire s'il entend, oui ou non, tolérer cette cohabitation ou s'il entend, au contraire, s'y opposer parce qu'elle est contraire à tout bon sens et surtout contraire au meilleur intérêt des enfants?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je vais redire ce que j'ai dit, M. le Président. J'ai déjà clairement affirmé, et les responsables sur le terrain, des décisions, l'ont dit aussi, qu'il n'est pas question de faire de la cohabitation pour faire vivre ensemble des gens qui ont des problèmes différents à régler, des adultes et des enfants, dans n'importe quelles conditions ou n'importe comment, comme elle a l'air à y faire référence.

Qu'est-ce qu'on a sorti comme nouvelle? De quoi il est question exactement? Je vais aller vérifier les faits, parce qu'on s'est aperçu assez souvent que la façon dont on nous sort des choses à la période de questions, c'est souvent pas mal loin de la réalité sur le terrain, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Nelligan.


Programme d'indemnisation des victimes du sang contaminé

M. Williams: Merci, M. le Président. Trois mois passés, au début de décembre, l'Assemblée nationale, ici, dans cette Chambre, nous avons passé une résolution unanime sur un programme d'indemnisation pour les victimes du sang contaminé. Mais, selon les représentants du ministère de la Santé et des Services sociaux, le gouvernement est près d'annoncer un programme juste pour certaines victimes entre les années 1986 et 1990.

Ma question est pour le premier ministre, qui a participé à ce débat: Est-ce que le premier ministre va respecter la recommandation du juge Krever, est-ce qu'il va respecter la résolution unanime de l'Assemblée nationale et est-ce qu'il va mettre en vigueur immédiatement un programme d'indemnisation pour toutes les victimes?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui. Alors, M. le Président, effectivement, à la suite de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale au début de décembre en regard de l'indemnisation pour les victimes de l'hépatite C, il y a eu des communications, comme le demandait la résolution, avec les gouvernements des autres provinces canadiennes et le gouvernement fédéral, il y a eu une rencontre interprovinciale et fédérale-provinciale sur ce sujet essentiellement. C'est de ça qu'on a discuté vers la fin du mois de janvier. D'ailleurs, nos routes s'étaient croisées, M. le député de Nelligan, au moment de cette conférence à Toronto. Et il y a eu trois ou quatre conférences téléphoniques des ministres des provinces depuis ce temps-là.

Le travail est très actif pour définir la compensation, la période de temps qui serait visée, les personnes qui seraient impliquées dans cette compensation. On doit ravoir, cette semaine, une autre conférence entre les ministres et on espère que, d'ici le milieu ou la fin de mars, on aura pu définir et en venir à une entente aussi avec le fédéral pour que ce programme puisse être annoncé. Maintenant, à ce moment-ci, je ne peux pas en dire plus long parce que les paramètres du programme sont en discussion entre les provinces, mais je peux assurer la population que ça progresse bien et que si tout le monde, y compris d'abord le fédéral, fait sa juste part là-dedans, on devrait régler ça assez rapidement.

Le Président: M. le député.

M. Williams: Voilà une réponse de technocrate. M. le Président, nous avons eu une résolution unanime...

Le Président: En complémentaire.

M. Williams: Je m'excuse, M. le Président. Ma question est pour le premier ministre: Est-ce qu'il va respecter le vote unanime que nous avons eu ici, dans cette Chambre? Nous n'avons pas eu de débat sur ce qui va être inclus et qui ne sera pas inclus. Nous avons dit: Toutes les victimes, primaires et secondaires. Est-ce que lui va respecter le...

Une voix: ...

M. Williams: Oui, c'était dans la résolution. J'ai une copie, si vous voulez. Est-ce qu'il va respecter la résolution? M. le premier ministre, est-ce qu'il va respecter son vote, aussi? Est-ce qu'il va s'assurer qu'ici, au Québec... On ne blâme pas les autres. Est-ce qu'il va dire aujourd'hui qu'il est prêt à respecter sa parole et va mettre en vigueur un programme d'indemnisation pour toutes les victimes?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, M. le Président, je n'ai pas devant les yeux le texte de la résolution. Je me rappelle très bien de son contenu où on décidait d'examiner toutes les possibilités le plus rapidement possible pour pouvoir indemniser les victimes, autant les victimes primaires et secondaires. On verra le détail de la résolution.

Ce que je vous dis, M. le Président, c'est qu'il y a eu une conférence provinciale et interprovinciale et une fédérale-provinciale là-dessus. Il y a eu au moins trois ou quatre réunions ou conférences téléphoniques à ce sujet entre les ministres eux-mêmes, des provinces et du fédéral – et la même résolution a été d'ailleurs adoptée dans une autre province canadienne, en Saskatchewan, dans les semaines qui ont suivi, au mois de décembre – et rapidement on sera en mesure de dire quel programme, quelle offre peut être faite, qui est visé et comment on va essayer, avec la plus grande équité possible, de tenir compte de tous ceux qui ont des difficultés à cet égard. Il serait prématuré, à ce moment-là, d'entrer dans les détails, mais la résolution, c'est ce qui nous guide, et c'est à ça qu'on travaille comme réalisation, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Williams: Pour le bénéfice du premier ministre et du ministre de la Santé, est-ce que je peux déposer la résolution? Parce qu'ils ont voté...

Le Président: Vous devez savoir, M. le député de Nelligan, que cette résolution que nous avons votée est donc déjà dans les documents et les archives de l'Assemblée. Alors, il ne s'agit pas d'un dépôt. Si vous voulez le communiquer au premier ministre ou à un autre collègue, alors il y a des pages qui sont à votre disposition. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Projet de fusion de trois sociétés de transport de la région de Montréal

Mme Frulla: M. le Président, le 31 octobre dernier, le ministre d'État à la Métropole nous présentait un autre projet spectacle, c'est-à-dire la fusion des trois sociétés de transport: celles de Laval, Montréal et la Rive-Sud. À ce moment, le ministre nous annonçait des économies substantielles de 55 000 000 $ et l'apport de nouvelles sources de financement afin – j'ouvre les guillemets – «de libérer significativement le champ foncier et de soulager, par conséquent, les contribuables municipaux». Or, M. le Président, selon une étude réalisée par les dirigeants des trois sociétés de transport, nous constatons que la fusion n'entraînera pas d'économies de cet ordre. Et, parallèlement, nous apprenions dans les journaux, la semaine dernière, que les nouvelles sources de financement passeront nécessairement par le portefeuille des contribuables.

En principale, M. le Président, je demande au ministre d'État à la Métropole de nous préciser aujourd'hui ce qu'il entend par «autres sources de financement hors du champ foncier».

(14 h 40)

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Perreault: M. le Président, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à la députée de Marguerite-Bourgeoys qui, dans la dernière session, avait plutôt l'esprit ailleurs, si j'ai bien compris. Je suis heureux de lui souhaiter la bienvenue, j'ai enfin une question.

M. le Président, le projet de fusion des trois sociétés de transport vise, d'une part, à simplifier le processus de décision, vise également à corriger la fiscalité, à soulager la fiscalité foncière des contribuables municipaux de la grande région de Montréal et à fournir une occasion de développer le transport en commun dans la région de Montréal. C'est évident que qui dit financement de transport public parle bien sûr de faire appel aux sources publiques de financement. C'est le cas présentement, il n'y a rien de nouveau là-dedans. Il s'agit en quelque sorte de voir quelle est la meilleure allocation des ressources pour pouvoir consolider un service public essentiel à la grande région de Montréal.

Je constate que ça soulève un certain nombre de débats; c'est normal. Certains ont dit qu'ils attendaient de voir les propositions concrètes avant de prendre des positions finales. Le maire de Montréal l'a appuyé, d'autres sont ouverts à regarder les propositions. On verra quelles seront les décisions du gouvernement du Québec. Mais il y a une chose cependant qui est certaine et sur laquelle tout le monde s'entend, c'est qu'il va être nécessaire de réparer les pots cassés par le Parti libéral qui a transféré 140 000 000 $ de fardeau foncier supplémentaire dans la grande région de Montréal, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: Est-ce que le ministre réalise que son gouvernement s'est fait élire en disant «une nouvelle façon de gouverner, autre que l'opposition»? Et est-ce qu'il réalise aussi que, avec le transfert scolaire de 1996 et de 1997 et la réforme du ministre des Affaires municipales, de 1998, le tout a coûté 102,33 $ par contribuable montréalais, soit 20 % de plus que la réforme tant décriée de M. Ryan? C'est pour ça, M. le Président, que l'opposition est nécessaire, pour refaire vos devoirs.

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, l'opposition est sûrement nécessaire – et je vais reprendre les paroles de la députée – pour refaire les devoirs, refaire ce qui a été mal fait. Je veux dire, à l'évidence, les finances publiques d'un certain nombre de municipalités de la région de Montréal, notamment celles de la ville de Montréal, ont été profondément déséquilibrées lorsque, en 1992, il s'est pris des décisions en matière de transport public qui vont à l'encontre de toutes les décisions de toutes les grandes métropoles ailleurs dans le monde. Alors, on va essayer de travailler à réparer encore une fois les pots cassés et faire en sorte de soulager le fardeau foncier des contribuables de Montréal.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: Est-ce que le ministre peut nous promettre que, après avoir haussé depuis trois ans le fardeau fiscal des Montréalais de 102,33 $, après la panoplie de taxes imposées aux contribuables montréalais, soit la hausse de la taxe scolaire, la hausse de la TVQ, la hausse des frais d'immatriculation et du litre d'essence due à l'implantation de l'Agence métropolitaine de transport, il n'y aura pas d'augmentation du fardeau fiscal pour les contribuables montréalais et que l'essence et l'immatriculation, M. le Président, n'augmenteront pas?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, je pense que le gouvernement a déjà démontré, à l'égard de la ville de Montréal notamment, sa volonté d'essayer de trouver des solutions à la fois aux problèmes que la ville rencontre cette année dans l'équilibre de son budget, de même que des solutions récurrentes, permanentes à certains problèmes budgétaires qui sont en quelque sorte structurels.

Mon collègue des Affaires municipales et moi-même avons eu l'occasion à plusieurs reprises de faire valoir quelles étaient les pistes de réflexion qui étaient les nôtres. On voit que tout récemment, par exemple, dans le cadre de l'entente avec les employés de la ville de Montréal, un problème un peu récurrent hérité du passé, autour notamment du fameux déficit actuariel, est en voie de règlement. On cherche également des solutions selon d'autres voies. La fusion des sociétés de transport, du point de vue du fardeau foncier des Montréalais, comme celui, d'ailleurs, des gens de Laval et de la Rive-Sud, est une solution, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Frulla: Est-ce que le ministre, M. le Président, je répète, peut nous promettre aujourd'hui et est-ce qu'il peut s'engager qu'il n'y aura pas d'augmentation du taux foncier et de taxes pour les contribuables? Est-ce qu'il peut nous promettre aujourd'hui que ça ne coûtera rien aux contribuables montréalais que cette fusion des trois sociétés de transport?

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: M. le Président, la fusion des trois sociétés de transport, comme tel, soulagerait, au contraire, l'ensemble des contribuables de l'ensemble des municipalités de la grande région de Montréal, les soulagerait tous sans exception, et particulièrement, bien sûr, ceux de Montréal, puisque proportionnellement c'est là que cette facture est la plus importante.

Maintenant, en ce qui concerne le fardeau fiscal des Montréalais, M. le Président, jusqu'à nouvel ordre, il y a un maire à Montréal. Notre administration n'est pas responsable. Ce que nous faisons, c'est de tenter de trouver des solutions pour justement aider Montréal dans le cadre de son budget de cette année et à plus long terme.

Le Président: Mme la députée de La Pinière.


Impact fiscal de la fusion de sociétés de transport de la région de Montréal

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le projet de fusion des trois sociétés de transport de la grande région de Montréal mis de l'avant par l'actuel ministre d'État à la Métropole se traduira sûrement par une facture plus élevée pour les citoyens de mon comté et ceux de la Rive-Sud de Montréal.

Cette superstructure a été rejetée par l'ensemble de la communauté d'affaires et les décideurs locaux de la Rive-Sud de Montréal. Les contribuables disent non au projet de fusion. Une étude sérieuse a été rendue publique récemment par les maires de la Rive-Sud de Montréal et démontre qu'il n'y a pas d'économie réelle pour les citoyens concernés. En effet, M. le Président, la Société de transport de la Rive-Sud de Montréal, qui est visée par cette fusion, est un modèle de structure performante: les citoyens n'ont pas à subir d'augmentation de tarifs depuis six ans, la dette de 10 000 000 $ est complètement éliminée et la quote-part des municipalités a diminué de 13,5 %.

Ma question: Est-ce que le ministre, qui prétend qu'il n'y aura pas d'augmentation du fardeau fiscal des contribuables, peut déposer devant cette Assemblée aujourd'hui les études sur lesquelles il se base, M. le Président?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Perreault: Oui. M. le Président, j'ai toujours dit que la fusion des trois sociétés de transport, pour être valable, devait se faire dans l'intérêt de l'ensemble des contribuables de la grande région de Montréal et que, si nous n'étions pas en mesure de faire une proposition qui démontrait clairement qu'elle se faisait dans le sens de l'intérêt de l'ensemble des contribuables de la grande région de Montréal, ce projet n'aurait pas lieu de voir le jour.

À l'évidence, une société de transport à l'échelle de l'agglomération urbaine réelle, à l'aube de l'an 2000, est un outil, un instrument qui devrait nous permettre de mieux travailler. Il y a encore des débats, par exemple, actuellement entre les sociétés pour calculer quel était le prix du ciment en 1966, pour être bien sûr de bien calculer la part de tous et chacun. Je pense qu'il y a une façon plus dynamique d'envisager l'avenir de l'organisation des transports dans la région de Montréal.

Mais je peux rassurer la députée, M. le Président: dès que le gouvernement sera prêt, on rendra publiques les orientations, et il sera clair dans notre esprit qu'il faut que l'ensemble des partenaires soient gagnants.

Le Président: M. le député de Marquette.


Sécurité en matière de transport scolaire

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Dans le dossier du transport scolaire, on a appris une chose hier: ce ne sont pas les chauffeurs d'autobus ni les propriétaires d'autobus scolaires qui feront les frais de la coupure de 70 000 000 $ qui va s'appliquer. Malgré le montage financier de la ministre de l'Éducation pour atténuer les effets de la réduction budgétaire – ce sont ses propos – des questions se posent en ce qui concerne les enfants et leur sécurité.

(14 h 50)

Question à la ministre de l'Éducation: La ministre peut-elle nous garantir qu'on n'entassera pas encore plus d'enfants dans les autobus scolaires?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille.

Mme Marois: Ça a été la première condition que j'ai posée, M. le Président, pour accepter de discuter de ce dossier. Je croyais d'ailleurs que le député de Marquette allait, au contraire, en se levant, nous féliciter pour être arrivés à une entente.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Comment la ministre de l'Éducation peut-elle expliquer, si c'est vrai que c'était sa première condition, qu'un nouveau règlement sur le transport des élèves, qui est entré en vigueur le 1er juillet dernier, sous son gouvernement, fera passer le nombre d'élèves de 70 à 84 dans les autobus scolaires?

Des voix: Ah!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je réitère le fait que la première condition que j'ai posée dans toutes les discussions que nous avons eues, c'est celle-là. Et d'ailleurs, s'il consulte chacun des partenaires que j'ai rencontrés aux tables, c'est cette condition qui a été posée. Quant au règlement lui-même ou au projet de règlement qui a été déposé, je vais aller le consulter moi-même, ce règlement.

Des voix: ...

Mme Marois: Cependant, ce que je dis, c'est que, si ce règlement a été proposé, il respectait toutes les conditions nécessaires à la protection de la sécurité des enfants dans les transports scolaires.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Pourquoi la ministre de l'Éducation n'a-t-elle pas suivi les recommandations de la Fédération des comités de parents de la province de Québec et les recommandations du coroner Bouliane, dans son rapport d'enquête, d'éviter que les enfants passent devant les autobus scolaires lors de l'embarquement et du débarquement? Parce que, dans son règlement adopté et en vigueur à partir du 1er juillet 1997, on recommande l'implantation de bras d'éloignement et on est en train de faire toutes sortes d'expérimentations, au niveau des autobus, par rapport à des systèmes à infrarouge pour détecter les présences humaines. C'est vers ça qu'on se dirige?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: C'est une question hypothétique. Puisqu'il dit qu'on a retenu un certain nombre de mesures de sécurité, on étudie d'autres possibilités ou d'autres mesures qui pourraient s'implanter pour assurer la meilleure sécurité de nos élèves. Ça va de soi qu'on va se pencher sur toute espèce de moyen qui va nous permettre d'améliorer cette sécurité. Mais je veux redire à cette Assemblée, M. le Président – et jamais je ne le dirai suffisamment – jamais, jamais nous ne rognerons d'une façon quelconque, directement ou indirectement, sur la question de la sécurité des enfants dans les autobus scolaires.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: La ministre siégeait-elle au Conseil des ministres lorsque, le 25 février dernier, un autre arrêté en conseil a été adopté par son gouvernement, concernant précisément la possibilité de faire des expérimentations au niveau du débarquement et de l'embarquement des élèves, avec des moyens mécaniques qui ont été tant décriés par les parents de cette province et par les coroners qui ont fait des enquêtes?

Une voix: Elle n'était pas là.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, étudier des nouveaux moyens et des nouvelles façons de faire ne veut pas dire, un, que l'on retiendra l'une ou l'autre des solutions qui seront proposées, si celles que nous utilisons sont les meilleures. Mais s'empêcher d'étudier, par exemple, c'est s'empêcher de trouver des solutions qui soient meilleures que celles qu'on a déjà, par exemple.

Des voix: Bien, oui.

Le Président: M. le député de Verdun.


Compressions budgétaires dans le réseau des collèges

M. Gautrin: M. le Président, depuis l'élection du Parti québécois, le réseau des collèges a eu des compressions sans précédent: 20 800 000 $ en 1995-1996; 67 600 000 $ en 1996-1997; 68 900 000 $ en 1997-1998. Et on nous annonce maintenant des compressions de 82 000 000 $. Nous, les parlementaires libéraux qui avons fait le tour des cégeps, on peut témoigner qu'il y a eu des effets absolument dévastateurs: le matériel didactique est devenu de plus en plus rare; les appareils et outillages sont désuets; le personnel de laboratoire est de moins en moins nombreux; le personnel de la bibliothèque est de moins en moins nombreux. Et la crème sur le reste là-dedans, il se trouve que les budgets de nettoyage sont dramatiquement réduits. Demain, M. le Président, ce qui est en fait sans précédent, une coalition des administrateurs, des professeurs, des étudiants et du personnel de soutien va manifester ensemble ici pour demander des compressions zéro.

Alors, ma question à la ministre de l'Éducation est la suivante: Est-ce que la ministre aura le courage de les rencontrer, de leur dire et de leur faire croire que son gouvernement accorde la priorité à l'éducation?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation, de la Famille et de l'Enfance.

Mme Marois: Je remercie le député de Verdun de cette question et je l'invite, M. le Président, ainsi que sa formation politique, à faire partie de la coalition qui regroupe des représentants de l'ensemble du monde de l'éducation, autant de l'enseignement supérieur que de l'enseignement primaire et secondaire, pour réclamer que ce que l'on va verser dans les bourses du millénaire, que l'on a dégagées suite aux compressions qu'on a faites dans nos systèmes d'éducation, nous soit remis. Et à ce moment-là, il n'y en aura pas, de compressions à l'enseignement post-secondaire, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Annulation d'une rencontre du ministre de la Santé et des Services sociaux avec des groupes de personnes handicapées

M. Copeman: M. le Président, vendredi soir dernier, le Comité régional des associations en déficience intellectuelle et le Regroupement des organismes de promotion pour les personnes handicapées du Montréal métropolitain avaient organisé une importante rencontre avec le ministre de la Santé et des Services sociaux. C'était là une occasion privilégiée pour les personnes handicapées d'échanger avec le ministre afin de le sensibiliser – parce qu'il en a besoin, M. le Président – aux graves difficultés qui font partie de leur vécu et de tenter de trouver avec lui des solutions qui lui permettraient l'amélioration de leur qualité de vie. Cette rencontre était tellement importante à leurs yeux que plus de 200 personnes, dont plusieurs gravement handicapées, ont pris les moyens nécessaires pour s'y rendre. Mais ce n'était pas, semble-t-il, aussi important pour le ministre, puisqu'il s'est désisté à la dernière minute.

Le ministre ne comprend-il pas que ses actions depuis quelques mois, en se désistant maintenant à deux reprises, démontrent un manque de respect total envers les personnes handicapées, non seulement de se désister à quelques heures d'avis, mais de le faire, en plus, par bélinographe? Est-ce que ces personnes ne méritaient pas au moins un coup de téléphone de quelqu'un de son cabinet pour les informer qu'il ne serait pas là?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je suis content que cette question permette de clarifier la situation. Il y a d'abord eu quelques rencontres déjà où j'ai participé directement avec les personnes handicapées, et il y en aura d'autres. La rencontre qui était prévue la semaine dernière avait déjà été remise, mais aussi, à une occasion, à la demande du Regroupement des personnes handicapées, pour des empêchements qui s'étaient présentés de part et d'autre à la dernière minute.

Lors de la dernière rencontre, ce qui est arrivé, M. le Président, c'est la chose suivante: il y avait effectivement une rencontre de prévue sur un sujet bien précis, qui était de s'assurer d'une bonne application du système de chèques emploi-services, sujet d'ailleurs au sujet duquel il y avait déjà eu une bonne rencontre, où le premier ministre participait, pendant près d'une heure ici, à l'Assemblée nationale, un de ces matins où le député de D'Arcy-McGee n'avait pu présenter ni sa question ni sa motion pendant le temps alloué à la période de questions. Et on devait avoir une rencontre pour compléter des travaux dans ce sens-là.

(15 heures)

Dans les 24 heures, à peu près, 24 à 48 heures, précédant cette réunion, l'agenda a été changé par les personnes handicapées; on a rajouté deux, trois, jusqu'à sept autres items et on a prévu une rencontre, au lieu d'une heure, qui pouvait aller jusqu'à deux heures, et finalement qui a été trois heures. Alors, ce qui a été fait, ça a été tout simplement de leur suggérer que, vu qu'on voulait changer d'agenda, qu'on s'assurait de bien préparer cette rencontre, que je puisse avoir une rencontre avec eux qui permettrait de conclure sur un certain nombre de choses... J'ai demandé, à ce moment-là, que le sous-ministre responsable de la planification et de l'évaluation des services, au ministère, et de ces dossiers et le directeur général de la Régie de Montréal puissent les rencontrer pour faire tout le bout de chemin qu'ils pouvaient faire ensemble et que la rencontre que je dois avoir avec eux soit mieux préparée pour qu'on puisse aller plus loin dans ces dossiers-là.

C'est ce qui est arrivé. C'était un rephasage, simplement, des liens qu'on a déjà développés et qu'on va entretenir avec ce groupe-là comme avec d'autres, M. le Président.

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée pour aujourd'hui.


Motions sans préavis

Puisqu'il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés, nous abordons les motions sans préavis. Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Alors, avant de céder la parole, je demanderais aux membres de l'Assemblée qui doivent quitter l'enceinte de le faire rapidement.

S'il vous plaît! Alors, je cède maintenant la parole à Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Souligner la Journée internationale des femmes

Mme Harel: M. le Président, c'est à titre de ministre responsable de la Condition féminine que je voudrais présenter la motion suivante, à l'occasion de la Journée internationale des femmes qui avait lieu le dimanche 8 mars. Donc, la motion se lirait comme suit:

«Que l'Assemblée nationale réaffirme son engagement à reconnaître l'importance du travail des femmes pour le développement social et économique du Québec, et qu'elle manifeste son appui aux actions qui visent la valorisation de cet apport des Québécoises à la société.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement. Alors, Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, cette année, à l'initiative du Conseil du statut de la femme, c'est sous le thème du travail que se tenaient un grand nombre d'activités liées à la Journée internationale des femmes.

La présence accrue des femmes en emploi constitue un des faits marquants des dernières décennies. En 30 ans, le taux d'activité des femmes sur le marché du travail a fait un bond prodigieux; en fait, un bond plus important, je crois, que la représentation des femmes dans cette Assemblée nationale. Alors qu'en 1967 seulement 34 % des femmes étaient actives sur le marché du travail, en 1997, 30 ans plus tard, ce taux d'activité était de 54 %. Les femmes représentent donc aujourd'hui presque la moitié de l'ensemble de la main-d'oeuvre québécoise, alors qu'elles n'en composaient que le tiers il y a 30 ans. C'est donc dire que les femmes constituent une force économique en plein essor au Québec. Entrepreneures, salariées, travailleuses autonomes, elles ne cessent de faire reculer les barrières qui se dressaient auparavant devant elles sur le marché du travail. Une à une, elles font tomber les chasses gardées masculines. Il eût été impossible d'imaginer, il y a 20 ans, il y a peut-être 10 ans, même, une femme policière, gardienne de prison, soudeuse ou technicienne en bâtiment.

Je lisais dans l'hebdomadaire de mon quartier, les Nouvelles de l'Est , M. le Président, un encarté qui reprenait à la manière locale, n'est-ce pas, cette description d'activités nouvelles exercées par les femmes: femmes épicières, femmes mécaniciennes, femmes vendeuses d'automobiles, patrons – patronnes, doit-on dire, sans doute – femmes d'affaires, concierges dans les écoles. En fait, il s'est agi, cette année... On l'a vu non seulement dans les hebdos, dans les quotidiens, puisque à près tous les quotidiens du Québec, à leur façon, ont repris ce portrait varié des emplois diversifiés que les femmes occupent maintenant...

Lentement mais sûrement, les femmes ont transformé le visage traditionnel du travail. À preuve, on n'ose maintenant plus parler d'hommes d'affaires, n'est-ce pas, sans risquer de passer pour rétrograde, tant les choses ont évolué. Pour cause! Entre 1991 et 1994, vous voyez, en l'espace d'à peine quatre ans, le taux de croissance du nombre d'entreprises québécoises dirigées par les femmes s'établissait à 24 %, alors qu'il se situait à 3 % pour l'ensemble des entreprises. Alors, pour l'ensemble des entreprises, le taux de croissance était de 3 %, alors que le taux de croissance des entreprises dirigées par des femmes était de 24 %. Vous voyez quelle progression ça constitue. Près du tiers des entreprises du Québec sont maintenant la propriété des femmes. Ces entreprises fournissent de l'emploi à des centaines de milliers de personnes.

De plus en plus, au travail, dans l'économie, dans la politique aussi, les femmes prennent la place qui leur revient dans la société. Elles réalisent que l'autonomie que procure un emploi est le meilleur rempart contre la pauvreté. Mieux encore, elles découvrent que, au-delà des fonctions sécuritaires sur le plan financier, au-delà de ce qu'on peut appeler les «fonctions alimentaires» ou au-delà même de la liberté ou de l'autonomie que le travail recèle, il est aussi source d'expériences enrichissantes, de plaisirs, de réalisations et de valorisation de soi-même. Bien évidemment, malgré l'énorme chemin parcouru, le 8 mars est l'occasion de regarder le chemin qu'il nous reste encore à parcourir.

L'an passé, M. le Président, à l'unanimité de cette Assemblée nationale – nous pouvons d'ailleurs nous en féliciter – nous avons reconnu le travail des femmes à sa juste valeur en adoptant la Loi sur l'équité salariale. Bien évidemment, cette loi permettra de revaloriser le féminin dans notre société en le rémunérant à sa juste valeur. Vous savez que le compte à rebours de l'application de cette loi est déjà commencé et que, en l'an 2001, nous aurons des plans d'action dans les entreprises qui comptent plus de 50 employés, plans d'action qui permettront de corriger, de remédier aux inégalités qui ont pu se glisser au fil des décennies dans la rémunération des femmes, compte tenu souvent de la dévaluation, de la sous-évaluation des attributs féminins dans notre société.

M. le Président, il nous reste, malgré tout, des pas à franchir, notamment en termes de conciliation des responsabilités familiales et professionnelles. L'égalité entre les femmes et les hommes repose désormais dans une large mesure sur un partage équitable des tâches et des responsabilités quotidiennes. Cette égalité entre les femmes et les hommes, c'est toute la société qui en profitera, dans la mesure où elle ne reposera pas sur les épaules des femmes seulement.

Nous allons célébrer, cette année, le vingt-cinquième anniversaire du Conseil du statut de la femme. Nous aurons, la semaine prochaine, l'occasion de souligner le bilan de 25 ans de condition féminine au Québec. Nous aurons également, cette année, l'occasion de souligner le vingtième anniversaire du rapport publié par Mme Payette à l'époque où elle fut ministre de la Condition féminine, rapport intitulé Pour les Québécoises: égalité et indépendance . Ces deux anniversaires, conjugués avec le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, que nous appelons, au Québec, «droits de la personne», vont à la fois nous permettre de constater le chemin parcouru, de nous en réjouir et de comprendre à quel point les législations adoptées dans cette Assemblée depuis 35 ans maintenant ont pu jouer un rôle déterminant, je dirais, un rôle de leadership dans l'ensemble des pays industrialisés, évidemment, en sachant que ce rôle de leadership...

(15 h 10)

Pour que nos acquis soient préservés et pour que de nouveaux progrès soient accomplis, il faut savoir développer la solidarité mondiale des femmes.

M. le Président, je pense que le Québec a un rôle important à jouer à cet égard. Pour la première fois, cette année, une mission officielle que je dirigeais en Tunisie a signé un accord de coopération, avec un plan d'action puis une programmation détaillée en matière de condition féminine. La Tunisie, cette région du monde, joue aussi un rôle de leader important en matière d'égalité des droits des hommes et des femmes et en matière de promotion des conditions de vie des femmes.

Je pense, M. le Président, que, à la veille de traverser un nouveau millénaire et de terminer ce siècle, nous devons, au Québec, assumer une solidarité à l'égard de l'avancement de la cause des femmes, cette solidarité que nous avons démontrée dans notre société depuis 25 ans. Je vous remercie.

Le Président: Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Saint-François, maintenant.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. le Président. La Journée internationale des femmes était célébrée à travers toutes les régions du Québec, et je devrais dire un peu partout dans le monde, que ce soit dans les municipalités ou dans d'autres pays, dimanche dernier le 8 mars. Comme à chaque année depuis 1982, je pense qu'il est important que le Conseil du statut de la femme le souligne et qu'il est important aussi qu'on puisse le souligner en cette Chambre. Donc, au nom de toutes les femmes du Québec et aussi de ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne qui est responsable et porte-parole du dossier de la condition féminine de l'opposition, il me fait donc plaisir aujourd'hui, bien sûr, de souligner en cette Chambre cet événement marquant.

Comme je le mentionnais, le Conseil du statut de la femme, depuis 1982 – Conseil, d'ailleurs, la ministre en a fait part, qui fête son vingt-cinquième anniversaire cette année – propose un thème en cette Journée internationale des femmes dans le but d'alimenter notre réflexion et nos discussions. Et le slogan retenu cette année par le Conseil pour souligner cet événement est: Visible ou invisible, lumière sur le travail des femmes . Ce thème nous fait prendre conscience qu'aujourd'hui 56 % des femmes participent au marché du travail, comparativement à 29,4 % dans les années quarante. Les revendications des femmes face au marché du travail ont beaucoup évolué et visent maintenant l'élimination des écarts salariaux, l'accession aux postes de pouvoir, l'abolition de la discrimination et des ghettos d'emploi.

C'est, encore aujourd'hui, un peu inquiétant, M. le Président, cependant. Ce qui est inquiétant, c'est de constater, justement, ce taux élevé de pauvreté chez les femmes, et ce, malgré le fait qu'elles soient sur le marché du travail. J'aimerais donc porter une attention particulière à ces femmes qui travaillent au salaire minimum, 40 heures ou plus par semaine, dans des conditions parfois extrêmement difficiles, comme le soir, la nuit, sur appel, à temps partiel ou à domicile, et qui ne bénéficient pas de toute la protection d'une organisation de travail bien structurée et protégée par des conventions collectives. À cet égard, la Loi sur l'équité salariale, qui a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ne vient pas nécessairement aider ou améliorer leur sort ou leurs conditions salariales, puisque 25 % d'entre elles ont été exclues de l'application de la loi.

Le deuxième volet du slogan du Conseil du statut de la femme, soit l'invisibilité du travail des femmes, m'apparaît fort pertinent et important. En effet, en raison du désengagement de plus en plus marqué de l'État face aux responsabilités sociales, les femmes se retrouvent donc de plus en plus adossées au pied du mur et ce sont elles qui paient, en bout de ligne, la facture. Je pense que le plus bel exemple, M. le Président, ce sont les effets insidieux du fameux virage ambulatoire, puisqu'on transfère sur le dos des femmes les responsabilités que le réseau de la santé ne peut plus assumer. Et ce sont majoritairement des femmes qui doivent s'absenter du travail pour prendre soin d'un enfant, d'un parent qui a besoin de soins à domicile, avec les conséquences, bien sûr, qui en découlent.

M. le Président, malgré le fait que les conditions des femmes aient évolué au cours des ans, il faut continuer à promouvoir les droits des femmes, à trouver, je dirais, des idées novatrices pour concilier famille, travail et surtout s'assurer que chaque geste que pose le gouvernement ou encore que toute législation adoptée par le gouvernement n'ait pas pour effet d'appauvrir davantage les femmes. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la députée de Saint-François. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sherbrooke.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: À l'occasion de la Journée internationale des femmes, je souhaite joindre ma voix à mes collègues pour réaffirmer l'importance du travail des femmes pour le développement du Québec.

Les femmes, il est vrai, ont fait de nombreux gains au cours des dernières décennies dans tous les domaines de la vie en société. S'il y a encore quelques zones d'ombre, les femmes peuvent aspirer à l'exercice de tous les métiers; elles en ont la volonté, les compétences et le talent. Ce qui demeure fragile, toutefois, c'est l'atteinte de l'équilibre entre les différentes composantes de la vie: vie professionnelle, vie familiale et, pourquoi pas aussi, une vie qui laisse un peu de temps pour soi. Devant ces difficultés, la tentation est grande de renoncer aux efforts et de reprendre le chemin des rôles traditionnels, mais cela, il me semble, ne viendrait que rendre encore plus précaire la situation économique des femmes.

Si l'on veut lutter efficacement contre la pauvreté, il est incontournable que les femmes aient une autonomie financière, et cela passe par le travail rémunéré. Au-delà des bienfaits du travail des femmes pour leur situation personnelle, il faut parler aussi de l'apport que cela représente pour l'ensemble de la société. Les femmes introduisent des manières d'être et de penser différentes. Elles partagent des points de vue, des valeurs, des principes qui enrichissent les métiers du monde. Cela laisse des traces bénéfiques et, souhaitons-le, indélébiles. Cela profite tout autant aux hommes qu'aux femmes, à l'équilibre de leurs rapports et finalement à celui de la planète.

Il reste encore bien des pas à faire sur le chemin de l'égalité, mais je me plais à penser, à rêver, même, que, de 8 mars en 8 mars, on en vienne à développer un modèle dans lequel les hommes et les femmes partagent tout autant les tâches familiales que la direction des entreprises et le gouvernement du monde. Que cette Journée internationale des femmes nous rappelle ce défi et nous donne l'énergie qu'il faut pour travailler à le relever jusqu'au bout.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, maintenant.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je tiens à dire que c'est pour moi un privilège de m'exprimer au nom de mes collègues sur cette motion aujourd'hui.

Trouvant son origine dans les événements historiques qui, tous, ont contribué à faire avancer leur cause, la Journée internationale des femmes vient nous rappeler, chaque année, le chemin parcouru par les femmes dans la route du progrès, une route pas toujours facile, M. le Président, une route sur laquelle les femmes ont dû, pour y avancer, faire preuve d'un courage, d'une ténacité et d'une volonté à toute épreuve.

J'aimerais être capable de dire aujourd'hui qu'elles ont atteint le bout de cette route. J'aimerais être capable de dire aujourd'hui que nous avons, nous tous comme société, atteint nos objectifs visant l'égalité des chances et les conditions de vie toujours meilleures pour les femmes, mais ce n'est pas le cas. Si, à chaque année, à l'occasion de cette Journée internationale des femmes, nous parlons des progrès réalisés, à chaque année également il nous faut admettre qu'il reste malheureusement encore du chemin à parcourir. Je vous donne simplement deux exemples, M. le Président.

(15 h 20)

Mr. Speaker, 15 years ago, my wife began studying biology and ultimately human genetics at McGill University at the level of a master's degree. She was, 15 years ago at McGill, one of the very few women in her class, both at the level of her «baccalauréat» and at the level of her master's degree. We have made some progress, Mr. Speaker, but I am told that women are still very much in the minority in that particular field, in the field of sciences. We can do better as a society, and I think we should.

Dans plusieurs autres domaines, on ne fait guère

mieux, M. le Président. Vous avez juste à regarder autour de vous. Ce n'est pas compliqué, la composition même du Parlement du Québec démontre qu'il y a beaucoup de progrès à faire. On sait fort bien que, au Québec comme dans beaucoup de sociétés occidentales, les femmes représentent plus de la moitié des personnes dans la société. Mais il n'y a que 20 % de nos membres ici... Dans le Parlement du Québec, l'Assemblée nationale du Québec, où on discute les grands thèmes qui vont avoir un impact majeur sur nos vies, les femmes ne représentent que 20 %. Et, au Conseil des ministres, ici, au Québec, les femmes sont cinq sur 23. Je comprends, on a un ministre du gouvernement qui dit souvent: Quand on se regarde, on se désole, mais, quand on se compare, on se console!

Pas tout à fait le cas, M. le Président! Je prends comme exemple tout simplement un article dans la Gazette sur la Colombie-Britannique, en fin de semaine. Vous serez surpris, j'imagine, de savoir que huit sur 18 des membres du Conseil des ministres en Colombie-Britannique sont des femmes, huit sur 18, presque la moitié du Conseil des ministres, en Colombie-Britannique, incluant la ministre des Finances, la ministre des Affaires municipales et la ministre des Ressources humaines. On peut faire mieux comme société, M. le Président.

Encore aujourd'hui, notre société impose trop d'obstacles aux femmes, autant à celles qui veulent concilier famille et carrière professionnelle qu'à celles qui choisissent uniquement la famille. Je souhaite, de façon très personnelle, pour ma fille Emma, qui va avoir trois ans très bientôt, qu'on puisse travailler, comme société, tous ensemble à réduire et à éventuellement éliminer ces obstacles. Comme société, on doit le faire. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, je présume que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Alors, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Avec l'accord de l'opposition, j'aimerais, avant de passer aux deux autres motions, faire l'avis touchant les travaux des commissions.

J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 11 mars 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales procédera à des consultations particulières sur le projet de loi n° 404, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Je vais juste reprendre, M. le Président, dans le cas de la commission des finances publiques, c'est à 16 heures.

Le Président: Bien. M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Oui, question sur les travaux de la Chambre.

Le Président: C'est-à-dire que nous avons ici les avis touchant les travaux des commissions. Les renseignements sur les travaux de l'Assemblée, c'est un petit peu plus tard. D'accord? Mais, là, est-ce que c'est sur les commissions qui ont été convoquées? Alors, un peu plus tard.


Motions sans préavis (suite)

M. le député de Papineau.

M. MacMillan: C'est sur les motions?

Le Président: La motion.


Féliciter les athlètes ayant participé aux Jeux olympiques d'hiver à Nagano

M. MacMillan: O.K. Merci, M. le Président. Motion:

«Que l'Assemblée nationale félicite chaleureusement tous les athlètes ayant participé aux XVIIIe Jeux olympiques d'hiver à Nagano.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Oui. Alors, M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. En tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de sports et loisirs, il m'est particulièrement agréable de profiter des travaux de cette Assemblée pour souligner la participation de tous les athlètes québécois aux XVIIIe Jeux olympiques d'hiver à Nagano.

Nos athlètes nous ont vraiment fait honneur. Pensons aux Annie Perreault, François Drolet, Marc Gagnon, Éric Bédard, Christine Boudrias, Tania Vicent, Isabelle Charest, en patinage de vitesse, et aux Danielle Goyette, Thérèse Brisson, Manon Rhéaume et France St-Louis, au hockey. Pensons également à tous les autres athlètes qui ont participé à ces Jeux, de Jean-Luc Brassard à Mélanie Turgeon, en passant par Patrick Roy et Anne-Marie Pelchat. Tous ces athlètes québécois et québécoises, nous en sommes fiers, M. le Président. Tous sans exception ont prouvé qu'ils possédaient les qualités requises pour persévérer et triompher.

Soulignons également les sacrifices que s'imposent les familles pour assurer les athlètes de leur soutien, ainsi que la compétence et la patience des entraîneurs. Tous ces gens sont évidemment derrière ces performances.

Ainsi, c'est avec fierté que nous avons suivi nos athlètes aux Jeux d'hiver de Nagano, et nous les remercions de l'excellent exemple qu'ils nous ont donné.

Aux athlètes olympiques, à leurs familles et à tous les entraîneurs, sincères félicitations. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales et responsable des loisirs et des sports.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je veux joindre ma voix à celle du député de Papineau et de tous les autres membres de l'Assemblée nationale pour féliciter aussi chaleureusement pour leur participation et les performances qui en ont résulté les 43 athlètes du Québec qui ont participé au cours des derniers jours aux XVIIIe Jeux olympiques d'hiver à Nagano, au Japon.

Effectivement, il faut prendre quelques moments à l'Assemblée nationale du Québec pour souligner la performance d'athlètes remarquables qui ont porté fièrement les espoirs et également la fierté de tout le peuple québécois.

Il vaut la peine de souligner, donc, la performance en patinage de vitesse d'Éric Bédard, Marc Gagnon et François Drolet qui ont obtenu la médaille d'or en patinage de vitesse par équipe; souligner également cette performance assez extraordinaire, M. le Président, encore une fois, d'Éric Bédard, au patinage de vitesse individuel, et Annie Perreault, qui a obtenu la médaille d'or au patinage de vitesse individuel; toujours en patinage de vitesse, M. le Président, souligner la performance d'Isabelle Charest, aussi Christine Boudrias et Tania Vicent, de ville de Laval, qui ont obtenu cette médaille de bronze; et, finalement, les membres de l'équipe féminine de hockey, qui ont lutté ferme et ont obtenu, ont monté sur le podium. Il faut souligner la performance de Thérèse Brisson, Nancy Drolet, Danielle Goyette, Manon Rhéaume et aussi France Saint-Louis, leur participation et surtout d'avoir obtenu ce succès remarquable.

C'est également vrai pour tous les autres athlètes, les 43 athlètes qui ont participé à cette XVIIIe Olympiade. Participer et compétitionner avec les meilleurs au monde, M. le Président, c'est un geste remarquable dont les retombées font en sorte que les familles, les gens qui ont supporté ces athlètes au cours de leur carrière peuvent aujourd'hui dire: Eh bien, le devoir est accompli. Nous avons réalisé une grande chose dans notre vie.

On sait aussi que, pour les communautés d'appartenance de ces athlètes, c'est un objet de fierté remarquable. J'ai eu l'occasion, M. le Président, de participer, en particulier avec les gens de Rock Forest, dans les Cantons-de-l'Est, en Estrie, à cette fête au retour de cette merveilleuse athlète qu'est Annie Perreault. Et on pouvait sentir la fierté non seulement de la région de l'Estrie, mais des parents, des amis, de tous ceux et celles qui ont participé, qui ont appuyé Annie Perreault tout au long de sa carrière, que ce soit sa soeur, au niveau des entraîneurs, que ce soit surtout sa famille.

Il m'a été donné aussi, M. le Président, au nom de l'Assemblée nationale et du premier ministre, de participer à cette fête de reconnaissance pour Éric Bédard, ce double médaillé d'or aux Jeux olympiques qui vient d'une municipalité célèbre à travers tout le Québec, Sainte-Thècle, dans le comté de Laviolette, le comté du leader du gouvernement. C'est une célèbre municipalité, M. le Président, parce que le ministre responsable des sports et du plein-air est aussi natif de Sainte-Thècle.

Des voix: Ah oui?

M. Trudel: C'est pourquoi, M. le Président, lorsqu'on a participé à cette fête, j'étais en mesure d'affirmer qu'il fallait probablement deux conditions pour réussir: il fallait travailler, travailler et redoubler d'efforts... et venir de Sainte-Thècle, et qu'à ces conditions-là on pouvait réussir! La fierté que nous ressentons tous aujourd'hui pour ces athlètes, eh bien, nous en profitons pour transmettre ces voeux de fierté et ce sentiment aux membres des familles, aux entraîneurs et à tous ceux et celles qui les ont accompagnés tout au long de leur carrière.

(15 h 30)

M. le Président, je terminerai en disant que j'ai eu l'occasion de parcourir non seulement le résultat des performances de ces athlètes, mais également leur parcours pour atteindre ce résultat, et dans la presque totalité des cas ce sont des hommes et des femmes qui ont participé à l'une ou l'autre des 34 éditions des Jeux du Québec, que ce soit d'été ou d'hiver, qui ont participé, donc, à cet événement qui est organisé au Québec depuis 1970 dans chacune des régions du Québec.

Et on a là un résultat extrêmement concret que la participation de masse des quelque 9 000 athlètes, par exemple, qui ont participé aux derniers jeux d'hiver dans la MRC de Chaudière-Appalaches ou encore les 4 500 athlètes qui ont participé à la 34e finale des jeux d'été, à Montréal, l'été dernier, que cette participation de masse, la participation des entraîneurs, la participation des conseils régionaux de loisirs, de chacune des régions du Québec, des éducateurs dans les maisons d'enseignement, que tout cela porte fruit, donne des résultats.

Voilà pourquoi nous sommes si fiers et qu'il faut le mentionner nommément ici, à l'Assemblée nationale. Et nous aurons, en terminant, l'occasion de le dire de façon beaucoup plus spécifique avec le premier ministre du Québec dans les prochaines semaines pour ces athlètes qui ont participé et qui ont représenté fièrement le peuple québécois aux XVIIIe Jeux olympiques d'hiver de Nagano. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Encore une fois, je comprends que la motion est adoptée.

Une voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, sur une autre motion.


Procéder à des consultations particulières sur le rapport sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je profite de cette reprise de la session pour vous saluer et solliciter le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des institutions procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur le rapport de M. Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales, à compter du 24 mars 1998, et, à cette fin, que cette commission entende les organismes suivants: l'Action démocratique du Québec; Alliance Québec; l'Association québécoise des commissions scolaires; le Barreau du Québec; le Comité national des jeunes du Parti québécois; la Commission des jeunes de l'Action démocratique du Québec; la Commission d'accès à l'information; la Commission jeunesse du Parti libéral; la Commission des droits de la personne; le Congrès hellénique du Québec; le Congrès juif; le Conseil permanent de la jeunesse; le Conseil du patronat du Québec; le Directeur général des élections; la Fédération étudiante universitaire du Québec avec la Fédération étudiante collégiale; la Fédération des commissions scolaires; Pierre-F. Côté, conjointement avec Jacques Frémont, Yves-Marie Morissette et Guy Tremblay; M. Jean Filion, député de Montmorency; le parti Développement Québec; le Parti Égalité; le Parti québécois; le Parti libéral du Québec; la Régie de l'assurance-maladie du Québec; Robert Libman, conjointement avec Don Donderry, Brent Teyler et Julius Gray; la Société Saint-Jean-Baptiste; l'Union des municipalités du Québec; l'Union des municipalités régionales de comté du Québec;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 20 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 40 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 17 mars 1998;

«Que le ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion?

Une voix: Pour le ministre, non.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Très bien. Alors, puisque le leader du gouvernement a déjà donné les avis touchant les travaux des commissions, nous allons procéder maintenant aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, est-ce qu'il serait possible de s'enquérir auprès du leader du gouvernement à savoir si la ministre de l'Éducation entend convoquer une commission parlementaire d'urgence en matière d'éducation pour étudier l'importante question de la pénurie des manuels scolaires dans l'ensemble des écoles du Québec. Suite à des études et à des sondages qui ont été commandés par la ministre de l'Éducation – un sujet drôlement important – nous avons demandé, de ce côté-ci, qu'il y ait une commission parlementaire convoquée de toute urgence sur cette importante question là, et ça fait un mois et demi qu'on attend la réponse.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, le député, peut-être, manque d'information sur la façon dont il peut lui-même initier une telle demande, puisque la commission, de sa propre initiative, pourrait se donner un mandat d'initiative. Alors, dans ce contexte-là, la ministre n'a à prendre aucune décision en ce qui regarde la question posée par le député. Que la commission se réunisse en comité de travail, décide si elle juge opportun de répondre à la question du député et qu'elle se donne un mandat d'initiative. C'est l'aval de l'ensemble de la commission parlementaire, tel que le prévoient nos règlements.

M. Ouimet: M. le Président, est-ce que le leader reconnaît que sa formation politique est majoritaire au niveau de la commission parlementaire? C'est une fin de non-recevoir que nous avons reçue jusqu'à ce moment-ci. C'est la raison pour laquelle je m'adresse au leader en Chambre, pour avoir une réponse, pour qu'il puisse aviser la ministre de l'Éducation. Je pourrai y revenir demain. Elle disait que c'était une question qui la touchait, qui la préoccupait. Alors, au-delà de la partisanerie, est-ce qu'on pourrait avoir un engagement de la part de la partie gouvernementale?

M. Jolivet: M. le Président, j'ai eu l'occasion, dans le temps que j'étais dans l'opposition, puisque la démocratie importe qu'il y ait un pouvoir et une opposition... Et, dans ce contexte-là, à fortes occasions, j'ai eu la demande pour obtenir, de la part du gouvernement de l'époque, des mandats d'initiative ou des rencontres spéciales de la commission qui m'avaient été refusés jusqu'à ce que, à force de discussions, nous ayons obtenu l'aval du parti ministériel à l'époque. Et je vous donne comme exemple la commission de la santé et de la sécurité au travail qui finalement s'est réunie, à la demande des deux partis politiques, malgré toutes les demandes antérieures qui nous avaient été refusées par le parti au pouvoir. Donc, je conseille au député de continuer son travail auprès des membres de ma formation politique jusqu'à ce qu'il réussisse à les convaincre que c'est un sujet qui mérite d'être étudié en mandat d'initiative.

Le Président: Très bien. En ce qui me concerne...

M. Ouimet: ...

Le Président: Je pense que oui, M. le député de Marquette.

M. Jolivet: M. le Président, je dis tout simplement que le député connaît la procédure. Qu'il convainque les membres de ma formation politique, si c'est son désir. Mais, au niveau de la ministre, il n'en est pas question, ça, c'était clair, tout à l'heure. C'est un mandat d'initiative que les députés peuvent se donner; qu'ils se le donnent. Qu'il convainque les députés de notre formation politique. C'est essentiel, à ce moment-ci.

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que nous pouvons comprendre que le leader du gouvernement permettra à ses membres, aux membres de son parti ou pourra essayer de convaincre les membres de son parti de l'opportunité de tenir une commission parlementaire sur le sujet évoqué par mon collègue?

M. Jolivet: Écoutez, M. le Président, la valorisation du rôle du député importe que le leader n'indique pas tout, n'oblige pas tout et permette aux députés de décider, et c'est ce que je permets de faire. Ils décideront, à la lueur des renseignements que vous avez apportés, s'ils jugent opportun de tenir un mandat d'initiative avec la commission de l'éducation sur ce sujet.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Très bien. Je voudrais revenir aux avis touchant les travaux des commissions pour vous indiquer que la commission de l'administration publique va se réunir demain, le mercredi 11 mars, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'entendre le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la durée des séjours et la pertinence des hospitalisations.

Par ailleurs, je vous informe également que, demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Jacques-Cartier. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il s'engage formellement à ne pas augmenter, de quelque manière que ce soit, le fardeau fiscal des familles québécoises dans son prochain budget.»


Affaires du jour

Alors, cela étant dit, nous allons maintenant procéder aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je vous propose de regarder, d'étudier l'article 10 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 406


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 10 du feuilleton, M. le ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 406, Loi modifiant le Code des professions. M. le ministre de la Justice.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Le système professionnel, tel qu'il est conçu au Québec, est un système unique. Il rassemble en un tout cohérent l'organisation de l'activité de 270 000 professionnels oeuvrant dans des secteurs différents, allant de la santé au droit, de l'administration au génie, en passant par les relations humaines.

(15 h 40)

Les 43 ordres qui regroupent ces professionnels provenant de secteurs d'activité aussi variés ont pourtant tous la même mission: assurer la protection du public. Ils assument cette mission, notamment, par le contrôle de la formation et des compétences de leurs membres et par l'adoption de règles déontologiques sévères. Les citoyens du Québec jouissent donc, en s'adressant à un professionnel reconnu, membre d'un ordre, d'un maximum de garanties que peut fournir l'État quant à la compétence de ces professionnels. Ces citoyens, lorsqu'ils sont lésés, disposent de moyens mis à leur disposition par ce même système afin de faire reconnaître les fautes de ces professionnels, d'être indemnisés, s'il y a lieu, et d'éviter que d'autres subissent le même sort qu'eux.

Les professionnels eux-mêmes profitent de ce système, puisqu'il leur mérite la confiance du public et celle de l'État qui leur a confié le soin de gérer eux-mêmes les ordres dont ils sont membres, de réglementer les principaux aspects de la vie professionnelle et, enfin, de sanctionner les actes dérogatoires commis par leurs pairs.

L'État profite également de ce système en ce qu'il ne nécessite qu'une structure légère de surveillance, soit l'Office des professions du Québec, lequel est entièrement financé par les membres du système professionnel. Notre système professionnel fait d'ailleurs l'envie de plusieurs États, et certains d'entre eux ont délégué des observateurs afin d'en connaître davantage. Citons en exemple les États-Unis, l'Ukraine, la Hongrie, l'Australie et l'Arménie.

Le succès de ce système se reflète aussi dans le désir de plusieurs groupements de joindre ses rangs afin d'offrir un maximum de protection à leurs clientèles. En ce sens, des demandes de reconnaissance sont régulièrement déposées à l'Office des professions, qui les analyse à la lumière de critères déterminés par la loi et fait par la suite ses recommandations au gouvernement. Quoique nous puissions, à raison, être extrêmement fiers de ce système que l'Assemblée nationale du Québec a adopté il y aura bientôt 25 ans, il ne faut pas cesser d'en rechercher l'amélioration. Notre système doit constamment s'adapter aux réalités contemporaines.

Le projet de loi qui est devant nous est à la fois un remède pratique à un problème réel et un indice de la vitalité du monde professionnel. De quoi s'agit-il? La loi permet actuellement au gouvernement de créer des ordres professionnels à titre réservé, par décret, mais ne permet pas de procéder à la fusion de tels ordres ou encore à l'intégration de groupes de personnes à l'un de ces ordres professionnels autrement que par une loi votée par l'Assemblée nationale. Il y a là une incohérence qu'il faut corriger. J'ajouterai ici que l'on doit distinguer deux sortes d'ordres professionnels: les ordres professionnels à titre réservé et les ordres professionnels qui ont des actes réservés. Le meilleur exemple que l'on peut donner, c'est la médecine. Il est évident que seul un chirurgien, donc membre du Collège des médecins, peut opérer, personne d'autre.

Cependant, il y a d'autres professions, comme les psychologues, entre autres – le champ de la psychologie étant plutôt difficile à définir – qui sont à titre réservé, c'est-à-dire que les activités d'aide en psychologie ou d'analyse en psychologie peuvent être faites par tout un chacun. D'ailleurs, certains journalistes ne s'en privent pas parfois, comme des membres d'autres professions. Je pense qu'aussi il y a beaucoup de religieux qui apportent une aide à leurs ouailles. Mais personne d'autre que quelqu'un de qualifié peut utiliser le nom de «psychologue». C'est le cas, notamment, de plusieurs ordres professionnels qui ont trait à la santé.

Donc, vous remarquerez qu'ici les propositions d'amendement qui sont proposées pour que l'on puisse, par une loi, fusionner deux ordres professionnels ne visent que les professions à titre réservé et non pas celles où il y a un champ d'activité ou des actes qui sont réservés aux membres d'un ordre professionnel.

Par ailleurs, donc, l'intégration de groupes à des ordres existants est souvent le seul moyen de permettre aux Québécoises et aux Québécois de bénéficier de nouvelles compétences sans multiplier les structures, les lois ou les règlements. Or, et c'est bien un signe de la vigueur et du succès de notre système, il veut s'adapter, notamment en faisant place à de nouvelles compétences apparues dans notre société en réponse à de nouveaux besoins du public. En effet, les besoins de la population ne sont plus, en 1998, ce qu'ils étaient il y a 25 ans. La population est plus instruite et plus au fait de ce que la science et l'industrie peuvent lui proposer. Elle veut tirer profit des nouvelles connaissances qui se sont développées et de la multiplication des spécialités qui rendent plus accessible aux Québécoises et aux Québécois un choix de plus en plus impressionnant de services.

Nous sommes donc invités à assouplir notre législation pour habiliter le gouvernement à procéder par décret à la fusion d'ordres à titre réservé ou encore à l'intégration de groupes de personnes à l'un des ordres professionnels existants. Quoique ce projet de loi ne vise pas de cas particuliers de fusion ou d'intégration mais seulement la mise en place de mécanismes appropriés et cohérents pour ce faire, il est inspiré d'un besoin réel démontré au cours des dernières années. Rappelons qu'en avril 1992 l'Office des professions du Québec recommandait au gouvernement que les thérapeutes conjugaux et familiaux, les sexologues et les psychoéducateurs soient intégrés à l'un ou l'autre des ordres professionnels à titre réservé visés par ces activités.

L'Office recommandait également la fusion de l'Ordre des psychologues avec celui des conseillers et conseillères d'orientation, dont les formations sont en quelque sorte apparentées. D'ailleurs, c'est une des choses que j'ai apprises, étant moi-même nommé en charge des corporations professionnelles, que les conseillers et les conseillères en orientation ont une formation extrêmement proche de celle des psychologues, au point que, à une certaine époque d'ailleurs, ils étaient membres de la même profession. S'ils veulent y revenir, cela justement simplifie les structures et, je pense, consolide les autres mesures qui sont prises par les ordres professionnels pour assurer la protection du public, notamment en matière de discipline et de règles déontologiques.

Autre exemple aussi, l'Office des professions du Québec a recommandé, en mai 1995, que les thérapeutes en réadaptation physique soient reconnus et encadrés par le Code des professions par une intégration à l'ordre professionnel des physiothérapeutes du Québec. On voit tout de suite le voisinage des deux activités.

Cependant, compte tenu de la situation particulière de chacun des groupes et ordres professionnels en cause, un mécanisme souple se révèle nécessaire pour procéder à de telles intégrations ou à de telles fusions dans le respect des particularités de chaque groupe et selon un échéancier réaliste. Aussi, toutes ces intégrations ou fusions requièrent des mesures transitoires, par exemple eu égard à la composition du conseil d'administration, ce qu'on appelle le bureau, à l'élection des administrateurs et aux modalités d'admission à l'ordre professionnel en cause. Ces mesures transitoires peuvent parfois être différentes des règles établies par le Code des professions. L'esprit de ce projet de loi s'inscrit dans la priorité donnée à la simplification des règles et mécanismes d'organisation sociale.

Permettez-moi, en terminant, de vous brosser un rapide tableau des mesures d'adaptation proposées par le projet de loi n° 406. Il s'agit d'abord d'habiliter l'Office des professions du Québec à suggérer l'intégration d'un groupe de personnes à l'un des ordres dont les membres exercent une profession à titre réservé. Il s'agit également d'habiliter le gouvernement, après consultation de l'Office des professions et du Conseil interprofessionnel du Québec, lequel est formé des représentants des 43 ordres, à décréter la fusion d'ordres dont les membres exercent une profession à titre réservé ou encore l'intégration à l'un de ces ordres d'un groupe de personnes auxquelles il juge nécessaire d'attribuer un titre réservé, dans le but ultime d'une meilleure protection du public. J'insiste sur cette dernière notion, toujours centrale et capitale dans les préoccupations de l'État, de l'Office et de chaque ordre professionnel.

Le projet de loi n° 406 prévoit la publication du projet de fusion ou d'intégration et du décret pertinent à la Gazette officielle du Québec . Plus précisément, le projet de loi prévoit que le décret peut préciser les titres, les abréviations et les initiales réservés aux membres nouvellement réunis au sein de l'ordre visé, la description des activités professionnelles qu'ils peuvent exercer en outre de celles qui sont autrement permises par la loi.

Le projet de loi précise également les catégories de permis en fonction des activités professionnelles que ces membres peuvent exercer, ou les titres qu'ils peuvent utiliser, ainsi que les conditions et restrictions auxquelles ils doivent se soumettre lorsqu'ils exercent ces activités ou lorsqu'ils utilisent ces titres.

(15 h 50)

Le projet de loi n° 406 énonce de plus que le décret à être adopté par le gouvernement peut édicter des mesures transitoires jugées nécessaires pour favoriser la fusion ou l'intégration. Ces mesures peuvent porter notamment sur les règles applicables aux membres nouvellement réunis au sein de l'ordre visé et sur le remplacement de ses règlements. Le décret prévoira également les conditions d'admission des personnes réunies au sein de l'ordre, la composition et le fonctionnement du bureau, la durée du mandat initial des administrateurs et administratrices, les modalités de l'élection du président et des administrateurs et, enfin, la désignation de l'ordre.

Il est également prévu que le gouvernement sera habilité à modifier par décret le décret lui-même de fusion ou d'intégration. La législation qui vous est proposée aujourd'hui permettra également d'accorder la prépondérance au décret en cas d'incompatibilité entre l'application du Code des professions et celle d'un décret de fusion ou d'intégration. Enfin, le projet crée une infraction à l'encontre de ceux qui contreviendraient à un décret de fusion ou d'intégration.

Qu'on ne s'y trompe pas, le projet de loi n° 406 ne signifie pas pour l'État un regain d'interventionnisme. Il faudra continuer à rechercher, dans la mesure du possible, des consensus menant à des intégrations ou fusions harmonieuses, condition importante pour le succès de toute démarche en ce sens.

Le projet de loi n° 406 permettra au système professionnel d'acquérir un mode de fonctionnement souple répondant à ses besoins. Il lui permettra de s'adapter au développement aussi impressionnant qu'inexorable des connaissances et d'offrir aux citoyens et citoyennes du Québec des mécanismes de protection qui continueront de faire notre fierté. Merci, M. le Président, de votre attention.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'ai le privilège de m'adresser à cette Chambre aujourd'hui à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi n° 406, Loi modifiant le Code des professions. Ce projet de loi traite essentiellement des professions à titre réservé, lesquelles sont abordées à la section III de la loi intitulée Code des professions de la province de Québec.

Le principe de base visé par le législateur lors de l'adoption du Code des professions a été de donner aux ordres professionnels certaines responsabilités tout en leur permettant de conserver une très grande autonomie. Le gouvernement, en autorisant cette délégation, n'a cependant pas oublié la protection du public, qui est primordiale. En conséquence, ce système prévoit un mécanisme de surveillance et de contrôle pour s'assurer que cet objectif, en l'occurrence la protection du public, est rencontré.

Chacun des ordres professionnels est d'ailleurs tenu de remplir cette obligation, notamment en s'assurant que ses membres offrent au public des services de qualité, en vérifiant que les candidats à l'admission d'un ordre professionnel détiennent bien les qualifications requises et finalement en contrôlant l'intégrité et les compétences de leurs membres. Nous pouvons être fiers, au Québec, d'avoir un système professionnel régi par le Code des professions du Québec qui comprend environ 260 000 professionnels répartis en 43 ordres professionnels.

Il y a deux catégories d'ordres professionnels, ceux à titre réservé et ceux à titre exclusif. Dans le cas des ordres à titre exclusif, seuls les membres de cet ordre peuvent porter le titre correspondant aux diplômés de cet ordre et exercer les activités réservées à cet ordre par la loi. La ligne directrice à savoir quels sont les droits que peuvent exercer les membres de cet ordre est en fait axée sur la protection du public. Par ailleurs, les membres d'un ordre exerçant une profession à titre réservé n'ont pas un droit exclusif de poser les actes délégués à cet ordre particulier, et les membres peuvent utiliser le titre réservé aux membres de cet ordre. Encore, la ligne directrice est aussi axée sur la protection du public.

Nous voyons ici, M. le Président, une ouverture entre la protection du public et un libre choix laissé aux citoyens, puisque, dans les cas d'activités exercées par les membres d'un ordre à titre réservé, le citoyen peut décider de consulter une personne qu'il croit capable d'accomplir les activités en question même si elle n'est pas membre d'un ordre. C'est donc dire que le citoyen juge lui-même de la compétence d'une personne choisie même si, et je répète, elle n'est pas membre de l'ordre auquel ces activités ont été dévolues.

Mr. Speaker, we must all the while remember that all members of all professional orders have basically the same obligation: the protection of the public, which is assured by professional inspection and discipline of members of all orders.

The first, of course, concerns the competence of the members of the orders and the second the professional conduct of the members of each of the orders. There are also dispositions in the law with respect to admission, responsibility insurance, control of illegal practice and the illegal use of titles by persons who are not members of the orders in question. It is therefore quite clear that our professional system is one which is based on the principle of the autonomy of the professions.

I'd like, at first, discuss with you the principle of the autonomy of professional orders granted to them by the Professional Code, or «le Code des professions». We can ascertain from the «Code des professions» that there are complicated mecanisms for self-management, autoreglementation and judgment rendered upon a member of an order by his equals, all the while allowing the members of the public to have a direct input into the various professional orders. I believe that the project of law before us adds some nuances to this principle.

M. le Président, au mois de juillet 1997, l'Office des professions du Québec a rédigé un avis au gouvernement du Québec, transmis au ministre responsable de l'application des lois professionnelles, sur l'adaptation des domaines d'exercice et du système à la réalité du XXIe siècle dans le cadre d'un document nommé Le système professionnel québécois de l'année 2000 . Il s'agit d'une importante réflexion entreprise par l'Office des professions du Québec en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par le Code des professions du Québec adopté par cette même Assemblée nationale. Les pouvoirs, les obligations, les responsabilités de l'Office des professions du Québec se trouvent au chapitre II du Code des professions, et le titre de ce chapitre II est «Office des professions du Québec». La mission de l'Office est décrite plus particulièrement à l'article 12 du Code des professions. M. le Président, permettez-moi de vous faire lecture des deux premiers paragraphes de cet article 12.

L'article 12 se lit comme suit, et je cite: «L'Office a pour fonction de veiller à ce que chaque ordre assure la protection du public. À cette fin, l'Office peut, notamment, en collaboration avec chaque ordre, vérifier le fonctionnement des divers mécanismes mis en place au sein de l'ordre en application du présent Code et, le cas échéant, de la loi le constituant en ordre professionnel.

«Il suggère, lorsqu'il le juge opportun, la constitution de nouveaux ordres ou la fusion ou la dissolution d'ordres existants, ainsi que des modifications au présent Code et aux lois, aux lettres patentes, et aux règlements les régissant; il tente d'amener les ordres à se concerter afin de trouver des solutions aux problèmes communs qu'ils rencontrent, en raison notamment de la connexité des activités exercées par leurs membres; il fait des suggestions quant aux mesures à prendre pour assurer aux professionnels la meilleure formation possible.»

(16 heures)

M. le Président, beaucoup de temps, d'énergie et de fonds publics ont été dépensés pour la préparation de cet avis de l'Office des professions. M. le Président, cet avis a été fait dans l'intention d'amorcer un débat pour moderniser et adapter notre système professionnel à l'aube de ce prochain siècle, un système professionnel qui est reconnu, et nous sommes fiers, comme l'un des meilleurs au monde. L'avis préparé par l'Office des professions nous donne ici l'opportunité d'examiner notre système, de discuter et aussi de rejeter quelques-unes ou plusieurs des suggestions qui s'y retrouvent. Nous avons l'obligation de réexaminer plus particulièrement les statuts des ordres à titre réservé et les défis qui les attendent.

M. le Président, il y a 15 ans, l'Office des professions, dans un document préparé en 1982 et intitulé Le titre réservé et la protection du public , disait, à la page 85, ce qui suit: «que les conditions pour assurer l'efficacité au titre réservé n'étaient pas réunies et qu'en l'absence de ces conditions les avantages que devrait en principe procurer le titre réservé aussi bien au public qu'aux membres des corporations professionnelles à titre réservé n'ont pu s'actualiser».

Mr. Speaker, it is obvious that there is much work to be done. Certainly not before the Minister responsible for the application of professional laws has given a reply publicly to the notice given to him by the Office des professions. We witnessed, unfortunately, silence from two ministers who have held this title, who have occupied this office since they have received this notice from the Office des professions. I would urge the current Minister to reply to the document which he has received upon taking office, which I have brought attention to today and to his attention. And we would appreciate if we could have his thoughts on this document which he has before him.

Mr. Speaker, will the «projet de loi n° 406» add new factors to a system in reflection, at a time when the professional system wants to modernize and prepare for the next century in order to assure ourselves of better mechanisms for a better service to the public? Will Bill 406 assure the protection of the public against the backdrop of a world where international and intranational commerce has become common place and where, as in our country, there is an increased mobility of goods, services and people? And, yes, we must modernize our professional system and in an orderly fashion.

M. le Président, les notes explicatives du projet de loi n° 406 nous indiquent que le gouvernement peut, par décret, fusionner des ordres professionnels dont les membres exercent leur profession à titre réservé ou intégrer à l'un de ces ordres un groupe de personnes auxquelles, en vue de la protection du public, il juge nécessaire d'attribuer un titre réservé.

M. le Président, ce projet de loi suscite beaucoup de questions et, tout autant, beaucoup de réponses sont demandées. En conséquence, bien que l'efficacité qui peut être engendrée par la fusion de certains ordres peut être importante pour ajouter à notre système professionnel des nouvelles réalités de notre société, il ne faut certes pas oublier que les méthodes et les moyens utilisés pour ces fusions ainsi que les conséquences morales et sociales pour le public, que nous avons le devoir de protéger, et les membres qui dispensent les services, que nous avons également le devoir de respecter, doivent être examinés très sérieusement.

Ce projet de loi devrait parler de la question de l'autonomie des ordres professionnels, des lignes directrices pour déterminer si une fusion est souhaitable ou non, ainsi que du débat qui pourrait suivre pour déterminer si la décision du gouvernement de fusionner les ordres ou d'y intégrer de nouveaux membres est fondée, et cela, bien que le projet de loi mentionne une consultation du gouvernement auprès de l'Office des professions et du Conseil interprofessionnel.

Nous devrions aussi nous poser la question à savoir si la fusion des ordres professionnels égale réduction de coûts, pour qui, combien et quand, sans toutefois que la compétence des professionnels, la qualité de leurs services et la protection du public soient mises en danger.

M. le Président, nous devons appeler devant une commission parlementaire les différents ordres professionnels du Québec de manière à connaître leur point de vue sur ce projet de loi. Ce sont eux qui jour après jour sont en contact avec les membres des ordres professionnels et le public, et il est important qu'ils soient entendus. Mes collègues et moi allons voter en faveur du principe de ce projet de loi, à la condition qu'une consultation en commission parlementaire ait lieu avec l'Office des professions, le Conseil interprofessionnel et les 43 ordres professionnels, à défaut de quoi nous voterons contre ledit projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de Châteauguay. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je voudrais joindre ma voix à celle de mon collègue de D'Arcy-McGee qui a présenté la position de notre parti concernant le projet de loi n° 406. Ce sera très bref, les quelques mots que je tiens à souligner.

D'abord, rajouter, dans la foulée de mon collègue, qu'il est vrai que les situations évoluent et qu'il faille, dans ces cas-là, faire évoluer la législation. La réalité d'aujourd'hui, on le sait, sans déborder sur le cadre constitutionnel parce que j'intéresserais trop les collègues d'en face, j'imagine... On voit bien qu'il y a de plus en plus d'interpénétration, d'interrelation entre les différents gouvernements. C'est la même chose aussi dans les activités des corporations professionnelles, ou enfin dans tous les secteurs d'activité, il y a de plus en plus d'échanges qui se font entre différents secteurs. Et, dans la mesure où on cherche à assouplir le cadre juridique, le cadre législatif de manière à tenir compte de cette interrelation, il me semble qu'on soit sur la bonne voie.

Cela dit, il faut toujours être prudent, et on ne taxera pas l'opposition de faire de l'obstruction systématique lorsqu'elle rappelle au gouvernement l'importance de s'assurer de la protection du public. D'abord, c'est notre fonction, c'est notre rôle; enfin, pas juste l'opposition, l'ensemble des collègues de cette Chambre, nous avons comme rôle de représenter la population, de représenter le public.

S'il est un secteur où nous avons, je dirais, des alliés dans cette cause de protection, de promotion de l'intérêt du public, c'est bien dans le cadre des ordres professionnels, où on a là des mandats qui sont donnés à l'effet de protéger le public à l'égard de l'exercice de certaines professions. Lorsqu'on arrive avec une pièce législative, il faut donc se demander – et c'est la première interrogation qui doit être levée: Est-ce que ce type de modification va entraîner des conséquences positives ou négatives à l'égard de la protection du public? Dans cet ordre d'idées, on peut soit scruter de nous-mêmes la loi et se faire une idée soi-même; on peut aussi pousser un peu plus loin et regarder notre propre expérience, pour ceux d'entre nous qui sommes membres d'une ou de plusieurs de ces corporations professionnelles, et se dire: Bon, quel serait l'impact? Avec l'expérience que j'ai, est-ce que je peux déceler, pour le public, un effet, un impact positif ou négatif?

(16 h 10)

On peut aller un peu plus loin, et c'est ce que mon collègue de D'Arcy-McGee proposait tantôt: c'est d'aller rencontrer, de prendre l'avis, d'écouter ceux qui sont directement concernés. Avec notre règlement et avec l'institution qu'est l'Assemblée nationale et les commissions qui en découlent, nous avons des forums appropriés pour entendre le point de vue de ceux qui seront directement touchés par une pièce législative, comme c'est le cas avec le projet de loi n° 406, M. le Président. Je tiens donc à joindre ma voix – et j'ai l'impression, de toute façon, que ce n'est pas une requête qui sera rejetée, puisqu'elle va de soi et que je connais assez le ministre de la Justice pour savoir qu'il agréera à cette demande – pour que nous puissions avoir une consultation importante des corporations professionnelles, qui viendront expliquer, exposer comment elles voient ce projet de loi.

Je tiens à intervenir pour souligner l'importance que nous y voyons, d'abord, pour toujours signaler aux partenaires qu'il n'est pas de l'intention de l'Assemblée nationale... Et je ne veux pas parler au nom du gouvernement, mais j'espère que le gouvernement n'a pas l'intention, non plus, de passer au-dessus de la tête des partenaires que sont les corporations professionnelles, les ordres professionnels. Ce n'est pas du tout l'intention de l'opposition, en tout cas. Et, dans ce sens, je suis convaincu que l'appel que nous lançons pour qu'il y ait une telle consultation, qui va nous permettre de nous assurer que notre mandat de représentant de notre population dans chacun de nos comtés – représentant du public – soit toujours garanti lorsqu'il y aura des actions qui seront entreprises ou, en tout cas, qu'une pièce législative permette que des actions soient entreprises à l'égard de nos corporations professionnelles... Alors, ces quelques mots simplement pour dire que nous comprenons et que nous acceptons qu'il faille de temps à autre modifier nos lois pour tenir compte des situations qui sont changeantes. Ceci étant, il nous faut toujours être vigilants, vigilants à l'égard de modifications qui pourraient...

Et parfois, M. le Président, on ne connaît pas les effets pervers. Il peut y avoir des effets pervers qu'on ne voit pas, qu'on ne décèle pas au premier abord. Et c'est un peu pour ça que nous nous sommes dotés d'outils, telles les consultations que nous pouvons avoir ici, en commission, qui nous permettent d'avoir un éclairage le plus complet possible de la part des partenaires qui sont directement visés et qui vont venir nous dire: Bon, à l'égard de cet article, il y a peut-être des éléments qui ont fait défaut, que vous n'avez pas vus. Je sais, pour avoir plaidé quelquefois auprès de certains ministres du gouvernement du Parti québécois sur la valeur de ces échanges démocratiques que nous avons avec nos partenaires qui viennent en commission... Pour certains ministres, on a eu la réponse parfois: Ne vous inquiétez pas, nous les avons consultés, nous les avons rencontrés à notre bureau et on leur a montré nos papiers. Ils nous ont fait valoir leur point de vue, et, ne vous inquiétez pas, tout est beau!

Je dois souligner, M. le Président, que la démarche dans les bureaux d'un ministre, dans un cabinet feutré, les déclarations, les positions qui sont prises peuvent parfois être différentes de celles qui sont prises en commission, au vu et au su du public. Et, ma foi, l'institution que nous représentons, la transparence à laquelle le public aspire et notre volonté que ce public soit toujours respecté m'amènent à dire que, pour l'opposition, voilà un principe de projet de loi qui nous semble valable. Notre inquiétude et notre vigilance accompagneront notre travail à l'égard de ce projet de loi. Et je suis convaincu que le plaidoyer que nous faisons, de courte durée, saura convaincre le ministre de la Justice que nous pourrions avoir de telles consultations avec les partenaires, de manière à ce qu'ils comprennent qu'ils sont de véritables partenaires et des alliés et non pas des gens par-dessus la tête de qui nous pouvons passer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. Puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants, M. le ministre de la Justice, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? M. le ministre.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: Je serai très court. J'ai beaucoup de respect pour les institutions parlementaires, mais je pense que parfois, justement, ce respect doit aussi porter sur l'utilisation du temps, à bon escient, des commissions parlementaires. On est en présence d'un projet de loi extrêmement simple. Le fait est que nous pouvons créer un ordre professionnel par décret, mais, pour fusionner deux ordres professionnels, ça prend une loi. C'est l'anomalie et l'incohérence que nous cherchons à corriger par cette loi, avec évidemment tout ce que ça entraîne, comme je disais tout à l'heure: l'élection du président, les mesures transitoires qu'il faut prendre, la composition du bureau, puis ainsi de suite, et la création d'une infraction pour ceux qui ne respecteraient pas les dispositions du décret. Mais il n'y a pas plus que ça dans cette loi. Puis on peut bien consulter l'Ordre des professions, mais le projet de loi, il a été écrit par l'Ordre des professions. Il nous arrive de là, parce qu'eux aussi avaient constaté cette anomalie.

Alors, vous savez, à vouloir toujours être vigilant, dans des circonstances où ça ne le justifie même pas, bien, on n'est plus vigilant quand ça le justifie. Et je trouve que les commissions parlementaires, c'est une belle institution. Moi, j'ai trouvé, quand j'étais député de l'opposition, que c'était probablement là qu'on faisait le vrai travail de législateur, dans une atmosphère plus conviviale, moins partisane. Des discussions entre l'opposition, les ministres, même, les députés, aussi, qui sont du parti au pouvoir font qu'on peut améliorer les lois. Et vraiment, là, on joue notre rôle. Mais il ne faut pas non plus toujours demander aux gens de venir parader devant nous pour nous dire des évidences, et, par exemple, demander à l'Office des professions de venir répéter que, oui, c'est illogique de pouvoir créer des ordres professionnels par simple décret et de ne pas pouvoir fusionner deux ordres professionnels qui veulent fusionner, par simple décret.

Les ordres professionnels m'ont dit à certaines reprises qu'on les consulte parfois trop, qu'on leur demande des rapports sur des choses évidentes: 43 ordres professionnels, là-dedans. D'abord, ça implique des frais pour eux; c'est des frais de déplacement. Ils n'ont pas tous leur siège social à Québec, dans la capitale; je pense même que la majorité l'a dans la métropole. Alors, ils envoient quatre, cinq personnes ici qui attendent pendant un après-midi pour venir dire quelques évidences à des députés qui parfois les écoutent d'un air distrait, parce que la vigilance, justement, est peut-être bonne à la première représentation, mais elle ne l'est plus par la suite. Je sais bien qu'il faut des fois que l'opposition se trouve des raisons pour ne pas être d'accord avec le gouvernement, même sur des petites lois comme ça, et qu'on pourrait peut-être endurer notre désaccord là-dessus. C'est vraiment pour une question de temps.

L'autre chose aussi qui me frappe de l'attitude de l'opposition: il me semble que leur philosophie politique et économique, c'est vers la simplification et vers l'utilisation la plus économique des ressources de l'État. Et on arrive dans des circonstances comme celles-là, puis il me semble qu'ils appliquent le contraire de leur philosophie. Parce qu'une procédure comme celle-là, il faut bien le réaliser, est coûteuse non seulement pour le gouvernement, ou enfin pour l'Assemblée nationale, mais c'est du temps qui pourrait être utilisé à meilleur escient, à étudier plus en profondeur des projets de loi qui en valent la peine, mais elle est aussi coûteuse pour les citoyens. Et, justement, je pense que l'opposition est d'accord avec ce projet de loi parce qu'il va dans le sens de la simplification, de la déréglementation.

Mais on voudrait que le processus par lequel on va atteindre cette simplification souhaitée, lui, soit le plus compliqué que prévoient nos mesures parlementaires. Moi, je dis: Gardons ces dispositions parlementaires pour les projets de loi qui le méritent. Et, franchement, je ne pense pas qu'on ait besoin de l'opinion de 43 organismes, plus le Conseil interprofessionnel, plus l'Office des professions. Ça fait 45 pour décider qu'il serait plus logique que, si on peut créer des ordres professionnels par simple décret, on puisse aussi les fusionner, quand ils le désirent, par simple décret. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. À ce stade-ci, le principe du projet de loi n° 406, Loi modifiant le Code des professions, est-il adopté?

Des voix: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, le gouvernement souhaite voir l'adoption du principe du projet de loi inclus à l'article 7 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 403


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 7 de votre feuilleton, Mme la ministre de la Culture et des Communications propose l'adoption du principe du projet de loi n° 403, Loi sur la Grande bibliothèque du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 403? Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Alors, suite à la commission parlementaire qui a eu lieu au mois de novembre et du dépôt, en décembre, du projet de loi n° 403, on en est aujourd'hui à l'adoption du principe, et j'aimerais rapidement réitérer les raisons pour lesquelles le gouvernement a pris la décision de créer une grande bibliothèque.

(16 h 20)

La Grande bibliothèque, M. le Président, elle est nécessaire autant pour répondre à des besoins immédiats très précis que pour satisfaire les besoins croissants de la société québécoise en matière d'accès à la culture, à l'information et au savoir. Il est important de savoir que des dizaines de milliers de livres québécois et étrangers de la Bibliothèque centrale de Montréal et de la Bibliothèque nationale du Québec ne sont pas directement accessibles parce que depuis 15 ans on laisse traîner les décisions qui auraient permis aux deux institutions de se loger adéquatement.

Le premier constat que les Québécois pourront faire lorsqu'ils utiliseront les services de la Grande bibliothèque, c'est de voir qu'on a enfin regroupé et rendu accessibles les collections de ces deux grandes institutions. La Grande bibliothèque est nécessaire pour mettre en valeur le patrimoine documentaire québécois que la Bibliothèque nationale du Québec détient et qu'elle ne peut correctement diffuser parce qu'elle est aux prises avec des problèmes de locaux dispersés et d'espaces insuffisants, pour mettre aussi – elles est nécessaire, cette construction de la Grande bibliothèque – à la disposition de l'ensemble des Québécois les collections de la Bibliothèque centrale de Montréal, collections insuffisamment exploitées puisqu'une grande partie est conservée dans des lieux non accessibles au public, et, enfin, elle est nécessaire pour doter Montréal d'une institution importante pour une métropole culturelle comme l'est Montréal.

Au-delà des problèmes précis qu'elle règle, la Grande bibliothèque s'inscrit dans une approche globale, à l'ère de l'information et du savoir, une ère où la lecture, la formation et la transmission des connaissances sont à la base de la vitalité des sociétés. La Grande bibliothèque est nécessaire pour que tous les Québécois aient accès à une collection universelle couvrant tous les champs de connaissances, pour promouvoir le goût de la lecture, alors que le Québec connaît à cet égard un certain retard, pour stimuler le développement des bibliothèques publiques dont l'état des collections et le nombre de prêts par habitant sont insuffisants, pour que le Québec dispose d'un centre d'expertise technique et de soutien pour appuyer le développement de son réseau de bibliothèques, pour développer une expertise en termes de services spécialisés destinés à certaines clientèles cibles, dont pourront bénéficier d'ailleurs l'ensemble des bibliothèques, par exemple les personnes handicapées, les personnes en cheminement de carrière, les entreprises.

Le projet de Grande bibliothèque, ce n'est pas seulement un projet pour la région de Montréal. La Grande bibliothèque rayonnera hors de la région de Montréal, puisque, dans une perspective de partage des ressources, elle remplira des fonctions propres à soutenir l'ensemble des bibliothèques du Québec. Elle utilisera d'ailleurs les techniques les plus modernes de transmission des données pour la distribution des services.

Il n'y aura pas de fusion comme telle entre la Bibliothèque nationale et la Bibliothèque centrale de Montréal. Soyons clairs, même si elles mettent en commun une partie de leurs fonctions de diffusion, chacune des deux institutions gardera son identité propre. La Bibliothèque nationale garde ses mandats de conservation et de développement d'expertise, à l'exception précisément de celui de la diffusion du patrimoine, confié par entente à la Grande bibliothèque. Pour sa part, la Bibliothèque centrale de Montréal, en confiant ses collections à la Grande bibliothèque, pourra enfin, comme je le disais tout à l'heure, exploiter de façon optimale ses collections. Quant à la ville de Montréal, elle conservera la responsabilité exclusive sur son réseau de bibliothèques de quartier. Il s'agit donc de deux partenaires qui s'unissent pour diffuser leurs collections.

Ce projet n'est pas un projet gigantesque, M. le Président. «Grande bibliothèque» ne signifie pas «bibliothèque titanesque». Comparons des comparables. Si l'on construisait la Grande bibliothèque selon les normes utilisées pour la Bibliothèque centrale de Québec, la fameuse bibliothèque Gabrielle-Roy, en proportion de la population, la Grande bibliothèque devrait même être deux fois et demie plus grande, c'est-à-dire 60 000 m², ou 75 000 m², alors que la Grande bibliothèque aura 30 000 m². C'est donc un projet raisonnable. De plus, l'intégration des missions de diffusion des deux établissements permettra des économies, bien sûr, sur le plan du fonctionnement et des immobilisations.

Est-ce à dire, M. le Président, que l'on ne respectera pas, dans le cas de la Grande bibliothèque, les normes de construction régulièrement utilisées pour les bibliothèques? Aucunement. La rationalisation de l'espace à la Grande bibliothèque est rendue possible de deux manières. D'abord, il y a le fait que le mandat de la Grande bibliothèque concerne strictement la diffusion des oeuvres, c'est-à-dire qu'elle doit les mettre à la disposition du public. On ne trouvera donc pas de service de préparation des documents, à la Grande bibliothèque, comme dans une bibliothèque qui doit s'occuper à la fois de conservation et de diffusion. La Bibliothèque nationale et la Bibliothèque centrale de Montréal demeureront responsables de la préparation et de la conservation des documents. Ensuite, ce sont les nouvelles technologies qui permettront de réduire la superficie utile de la bibliothèque. Les cédéroms prennent moins de place que les livres, et beaucoup d'oeuvres du patrimoine québécois qui sont maintenant du domaine public pourront être diffusées sur support informatique.

Est-ce que ce projet va coûter cher? Disons d'abord, M. le Président, qu'il est important d'investir dans la culture, mais le coût de construction de la Grande bibliothèque, 75 000 000 $, n'a rien d'extravagant si on le compare avec celui d'autres équipements. Pensons à la rénovation du Casino de Montréal, qui a coûté 150 000 000 $, ou à ces constructions sportives du domaine privé, comme le Centre Molson, qui a coûté 200 000 000 $, ou, je ne sais pas, l'éventuel stade des Expos, à Montréal, dont on dit qu'il coûterait 250 000 000 $.

Pour ce qui est du budget de fonctionnement, il sera de 25 000 000 $. Il regroupe les dépenses de diffusion actuellement consenties à la Bibliothèque nationale, c'est-à-dire 2 000 000 $, et, grosso modo, à la Bibliothèque centrale de Montréal, 8 000 000 $.

Différents partenaires ont manifesté leur intérêt à participer au projet, notamment le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, pour un centre d'emploi-carrière; le ministère de la Santé et des Services sociaux, pour les services adaptés aux personnes handicapées; le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Le solde, environ 12 000 000 $, représente le montant que le gouvernement investira en plus pour assurer la réalisation des pleins mandats de la nouvelle institution.

L'effort financier des Montréalais au chapitre du fonctionnement sera identique, voire inférieur à ce qu'ils paient déjà pour la Bibliothèque centrale de Montréal, soit environ 8 000 000 $. Mais il faut prendre conscience, du reste, que les Montréalais gagnent un équipement moderne, efficace, dont la collection sera des plus complètes.

Quant aux bibliothèques de quartier, à Montréal, elles relèvent de la municipalité, mais le gouvernement, de toute façon, ne fixera pas unilatéralement le montant de la contribution montréalaise quant au fonctionnement. Un protocole d'entente est en discussion actuellement avec la ville de Montréal, et il sera établi et il y aura même des consultations publiques sur ce protocole d'entente, organisées par la ville de Montréal, donc, au mois d'avril; le maire Bourque a annoncé que ce serait au mois d'avril. Ce protocole d'entente prévoira les services que la Grande bibliothèque offrira aux bibliothèques de quartier et aux autres bibliothèques publiques sur le territoire. La Grande bibliothèque et sa construction n'influeront pas négativement sur la situation financière des bibliothèques de quartier à Montréal.

(16 h 30)

En ce qui a trait à l'intérêt pour la lecture, il sera plus grand, il se répercutera sur tout le territoire du Québec grâce à l'existence de la Grande bibliothèque. Et, pour ce qui est du financement pour l'ensemble des bibliothèques publiques, je le répète, l'impact sera nul. Non seulement l'impact – je peux l'affirmer aujourd'hui – sera nul, mais, dans la politique de lecture dont je vais parler dans quelques instants, il y aura, je le souhaite, à convaincre le ministre des Finances, dans son budget, bien évidemment, de faire en sorte qu'il y ait, comme l'année dernière il y a eu, un 5 000 000 $ de majoration dans le budget d'acquisition pour les collections, sur l'ensemble du territoire du Québec, ce qui a porté à 15 000 000 $ et qui est récurrent.

Donc, ce budget-là est assuré, et j'espère, d'ici à quelques semaines, d'ici à la présentation du budget, convaincre mon collègue des Finances d'ajouter à ces montants une somme, considérant justement ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire que l'état des collections dans nos bibliothèques publiques nécessite un rattrapage qui a commencé il y a plusieurs années mais qui n'est pas terminé.

Est-ce que, à l'ère de l'Internet, M. le Président, de l'électronique, c'est un peu rétrograde, de construire une bibliothèque? Des dizaines de grandes villes partout dans le monde sont en train de se doter de tels lieux, dont, au Canada, Vancouver et Toronto. Partout, on prend conscience que, même si la numérisation et les réseaux recèlent de possibilités extraordinaires, ils n'éliminent pas pour autant le besoin de se doter d'un lieu physique, parce que, même si on les numérise, les livres, il faut les garder, les conserver et les diffuser. Évidemment, on ne construit pas ces institutions aujourd'hui comme on le faisait auparavant. La Grande bibliothèque sera un exemple de familiarisation avec les nouvelles technologies, et le réseautage, je l'ai dit et répété pendant la commission parlementaire du mois de novembre, est un des aspects essentiels liés au projet.

Comme tête de pont, la Grande bibliothèque facilitera le prêt entre bibliothèques à partir de ses collections de volumes, d'estampes ou autres. Cela impliquera des moyens non électroniques mais aussi l'apport des nouvelles technologies. Par exemple, elle dotera, comme je l'avais dit à l'époque, certaines bibliothèques du Québec d'une station Ariel permettant de numériser des documents libres de droits et de les transmettre directement et instantanément au demandeur par Internet. Très rapidement, l'ensemble des citoyens du Québec auront, en fait, accès au catalogue de la Grande bibliothèque par l'intermédiaire de leur bibliothèque publique locale, et, un jour, bien sûr, on pourra tous consulter certains documents.

Hier, M. le Président, j'étais à Saint-Hyacinthe avec mon collègue le député de Saint-Hyacinthe où nous inaugurions le catalogue virtuel de trois institutions locales sur le territoire de la ville de Saint-Hyacinthe: la bibliothèque publique, qui s'appelle la bibliothèque Saint-Germain ou T.-A.-Saint-Germain, je crois, la bibliothèque de la polyvalente et celle du cégep. Déjà, donc, il y a mise en commun sur un site Web, fort bien fait d'ailleurs, que nous avons inauguré hier et qui illustre très bien, à partir justement de la base, ce que nous ferons globalement avec les 1 000 bibliothèques du Québec ainsi que la Grande bibliothèque, donc une bibliothèque virtuelle nationale. Mais j'étais très heureuse de voir que déjà, dans certaines localités, grâce d'ailleurs au Fonds de l'autoroute de l'information, il y a cette mise en commun des catalogues, des notices bibliographiques, enfin, et des services en général de trois bibliothèques. C'est une première, je crois, au Québec, M. le Président, et j'étais fort heureuse de le constater.

M. le Président, je voudrais citer, si vous me le permettez, Lise Bissonnette, qui, le 13 septembre 1997, concernant la Grande bibliothèque, écrivait ceci concernant les bibliothèques en général, d'ailleurs, mais qui me semble extrêmement pertinent dans le débat actuel. Lise Bissonnette écrivait donc, le 13 septembre 1997: «Il suffit d'entrer en bibliothèque et d'observer des adolescents fouinant le long des rayons pour comprendre qu'il n'y a pas de meilleur lieu pour provoquer l'appétit, ce désir qui mène par le toucher à une consommation qui nous fut autrefois aussi défendue que la chose pas seulement par l'Église de l'index, par la turpitude ignorante de nos élus.» Je ne voudrais pas qu'on se retrouve, bien évidemment, dans cette situation, et c'est là une excellente démonstration de la nécessité d'ailleurs de cette Grande bibliothèque.

Elle ajoutait: «Au centre de la métropole, là où la culture se décline de festivals en spectacles, la Grande bibliothèque pourra témoigner de ce que le livre et la lecture, tout en offrant de grands plaisirs, mènent aussi à l'étude, à la réflexion, à la recherche et à la science. Au coeur de la métropole, là où se croisent toutes les populations d'un Québec encore trop peu scolarisé, la Grande bibliothèque pourrait devenir le symbole de l'exigence intellectuelle, impossible sans le livre.» C'est ma conviction profonde, M. le Président, qu'il faut en effet concilier, comme elle le dit, l'excellence scientifique et le plaisir. Et la Grande bibliothèque, ce sera là un de ses rôles les plus importants.

Maintenant, M. le Président, avant de terminer, je voudrais parler quelques instants de la politique de la lecture, qui est intimement reliée au projet de Grande bibliothèque. Ce projet de politique de la lecture et du livre sur lequel nous travaillons, au ministère de la Culture, depuis plus d'un an maintenant sera rendu public dans la dernière quinzaine de mars, c'est-à-dire entre le 15 mars et le 1er avril. Ce projet sera en consultation – une consultation que je veux la plus large possible – pendant un mois, donc jusqu'à quelque part à la fin du mois d'avril. Cependant, je peux immédiatement, M. le Président...

C'est une politique qui sera assez importante en termes de volume aussi, puisqu'il y aura deux volets: les constats, une centaine de pages, et les mesures elles-mêmes, 70, 75 pages. Donc, c'est assez important comme travail, comme vous pouvez l'imaginer. Alors, il y a des constats, M. le Président. Je ne veux pas aujourd'hui parler des mesures parce que nous sommes en train toujours... Nous en sommes, je pense, à l'avant-dernière ou dernière version, puisque c'est dans quelques jours, entre le 15 mars et le 1er avril, qu'elle sera rendue publique. Mais, quant aux constats sur lesquels nous appuyons pour rendre publique et pour écrire cette politique de la lecture, il me semble important de les énumérer.

Le premier constat concerne les habitudes de lecture des Québécois. La lecture demeure l'activité de loisir préférée des Québécois et occupe le second rang au titre des dépenses culturelles des familles québécoises. Au cours de la dernière décennie, les taux de lecture se sont globalement maintenus pour les quotidiens et les livres, alors que le lectorat des revues a augmenté de façon significative, chez les jeunes surtout, d'ailleurs. Par ailleurs, les nouveaux supports informatiques viennent modifier les pratiques de loisirs. Toutefois, l'impact sur le temps de loisir se fait davantage aux dépens de l'écoule de la télévision que du temps de lecture, ce qui, quant à moi, est rassurant, M. le Président. En d'autres termes, plus on navigue sur Internet, moins peut-être on regarde la télé, mais ça ne nous empêche pas de continuer à lire des livres.

Il existe encore aujourd'hui un important pourcentage de Québécois, M. le Président – 43 % – qui ne lisent jamais de livres ou en lisent rarement, comparativement à 24 % pour les quotidiens et à 37 % pour les revues. Par rapport à la pratique de la lecture au Canada, le Québec demeure sous la moyenne. Les francophones lisent, dans une très large proportion, seulement en français – plus de 85 %, c'est important, ça aussi – et ce, pour tous les types d'imprimés. Le pourcentage atteint 91 % dans le cas du livre. Chez les anglophones, l'usage de supports exclusifs de langue anglaise est davantage le fait du livre – 86 % – alors que, pour les journaux et les magazines, les habitudes selon la langue sont plus variées.

Les revues les plus populaires sont celles qui traitent de l'actualité, de la politique, de la mode, de la décoration, alors que, pour les livres, les préférences vont du côté du roman et des biographies. Par ailleurs, on note que les hommes lisent davantage des ouvrages sur la science, le sport, les bandes dessinées, alors que les femmes sont plus nombreuses à préférer les romans, les biographies et les ouvrages pratiques en général.

Alors, certains constats, M. le Président. Par exemple, de voir que les jeunes garçons de 15 à 20 ans forment un groupe d'âge particulièrement à risque pour le décrochage de la lecture. Donc, ces constats, étant donné l'importance de la maîtrise de la langue et de la pratique des activités rattachées à la lecture comme facteur incontournable dans le marché du travail... La structure de l'emploi favorise les emplois dans des domaines où le traitement de l'information et la transmission des connaissances exigent une excellente maîtrise de la langue écrite, y compris, bien sûr, des capacités de lecture. Les personnes qui ne maîtrisent pas la langue écrite se sentiront de plus en plus exclues de la vie économique, sociale et culturelle.

(16 h 40)

Un autre constat concernant les habiletés et l'apprentissage de la lecture. On sait que l'avènement de la société de l'information modifie considérablement l'étendue des habiletés nécessaires à la maîtrise de la lecture et de l'écriture. Dans ce contexte, la situation des personnes faiblement alphabétisées est préoccupante à plus d'un titre, puisqu'elle a pour effet de les marginaliser toujours davantage. Le phénomène de l'analphabétisme n'échappe à aucun pays, le Canada et le Québec se situant d'ailleurs dans une position médiane par comparaison avec certains pays occidentaux où la situation a été analysée. Là aussi, on se rend compte, et vous le verrez, donc, dans le document concernant les constats, que les pays scandinaves sont les pays qui ont les meilleurs résultats.

Bien sûr que l'école doit jouer un rôle extrêmement important. La lecture est une des dimensions fondamentales de l'apprentissage de la langue. Les états généraux de l'éducation et la réforme de l'éducation en cours ont dégagé des pistes de solution face au constat selon lequel l'école ne permet pas à un nombre suffisant de jeunes d'atteindre les objectifs d'apprentissage visés pour la langue maternelle.

Préciser les niveaux de compétence à atteindre dans chacun des ordres d'enseignement, augmenter le temps consacré à l'enseignement du français au primaire et au secondaire, améliorer l'enseignement de la grammaire, développer le goût de lire ou le goût de lire un plus large éventail d'oeuvres littéraires, augmenter la fréquence des activités d'écriture, étendre la prise en charge de la qualité du français aux enseignants d'autres matières et améliorer la formation des maîtres, ce sont là des objectifs, M. le Président, que les états généraux et la réforme, donc, que ces deux documents mettent en lumière.

L'accent mis sur la maîtrise de la langue écrite dans les programmes scolaires et l'accès aux oeuvres littéraires sont des orientations de la réforme scolaire qui favoriseront le développement des pratiques de lecture. Il importe aujourd'hui, en marge de la réforme de l'éducation, que les enseignants et les élèves, dans les bibliothèques scolaires bien sûr, disposent d'outils appropriés.

Concernant les bibliothèques publiques, M. le Président, on connaît assez bien la situation. Elles ont connu une croissance remarquable au Québec à partir des années soixante. Aujourd'hui, les bibliothèques publiques rejoignent plus de 91 % de la population québécoise, c'est-à-dire plus de 6 600 000 Québécois. Le nombre d'abonnés est de 30 %, c'est-à-dire 2 200 000 personnes.

Depuis 1980, pour doter les bibliothèques publiques d'équipements modernes et fonctionnels répondant aux besoins de la population, le gouvernement du Québec a investi plus de 100 000 000 $ pour des projets d'une valeur de 218 000 000 $. Les bibliothèques publiques autonomes offrent des services à un peu plus de 80 % de la population, alors que les centres régionaux de services aux bibliothèques publiques, qui sont actifs dans les municipalités de moins de 5 000 habitants, offrent les leurs à 20 % de la population.

Il existe, M. le Président, des disparités importantes d'une région à l'autre quant à la fréquentation des bibliothèques, le taux variant entre 19 % et 40 %. Une dizaine de régions sur 15 ont un taux de fréquentation sous la moyenne québécoise de 30 %, dont deux se situent en deçà de 20 % d'usagers. Globalement, les régions situées hors de la métropole et de la capitale font moins bonne figure. Il existe toutefois des exceptions, puisque le Bas-Saint-Laurent – et je le dis à ma collègue la députée de Rimouski – arrive en tête de l'ensemble des régions du Québec quant au nombre d'abonnés aux bibliothèques publiques...

Une voix: Ah oui?

Mme Beaudoin: ...de même que la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, dont la moyenne avoisine celle du Québec. Donc, bravo à cette région du Bas-Saint-Laurent en ce qui concerne les bibliothèques publiques!

Les bibliothèques accueillent un public très diversifié tant du point de vue de l'âge et du sexe que de la scolarité, mais elles rejoignent surtout des familles à revenus plutôt modestes, contribuant ainsi à l'égalité de l'accès au savoir. Les personnes qui fréquentent les bibliothèques lisent plus que la moyenne de la population, et leurs lectures dénotent des champs d'intérêts très variés. Le nombre de livres par habitant était d'un peu plus de deux en 1995, alors que le nombre de prêts par usager est stable à environ 18 depuis quelques années. Le prêt entre bibliothèques est deux fois moins développé au Québec qu'en Ontario. Alors, vous voyez, M. le Président, avec ces constats, là où nous interviendrons nécessairement.

Si, du point de vue de l'accessibilité, le Québec affiche des résultats proches de la moyenne canadienne, les comparaisons du point de vue de l'état des collections et du volume de prêts par habitant ne sont pas à son avantage, comme je l'ai dit. Les municipalités demeurent la principale source de financement des bibliothèques publiques autonomes. L'État verse l'essentiel de son aide financière aux bibliothèques publiques autonomes dans un programme de soutien à l'achat de documents – 15 000 000 $ – et aux organismes régionaux chargés de donner des services aux bibliothèques affiliées – 8 000 000 $. La Bibliothèque nationale du Québec, j'en ai assez longuement parlé, M. le Président. C'est environ 9 000 000 $.

Sur les librairies, parce qu'il y aura tout un chapitre, bien évidemment, dans le projet de politique de la lecture et du livre... Et je vais terminer là-dessus, M. le Président, mais c'est extrêmement important. Il y aura tout un chapitre concernant la chaîne du livre, c'est-à-dire les auteurs, les éditeurs, les distributeurs, les libraires, parce que cette chaîne du livre au Québec, et un peu partout dans le monde, d'ailleurs, elle est extrêmement fragile. On sait aujourd'hui que les librairies ont un taux de rentabilité extrêmement faible, ce qui fait que plusieurs librairies dans nos régions, dans nos comtés disparaissent.

Il faut faire en sorte qu'elles soient maintenues, pour des raisons bien évidentes qui font qu'on puisse avoir accès, dans une librairie... Ce n'est pas comme dans un supermarché ou dans une pharmacie où il peut y avoir 10 ou 20 best-sellers. Mais, dans une librairie, pour qu'elle soit agréée, il faut 6 000 titres. Alors, la diversité de la production québécoise et étrangère, et donc de l'existence même de la production québécoise, elle dépend bien évidemment d'un réseau de librairies, donc de points de vente disséminés sur l'ensemble du territoire.

La loi 51 adoptée par notre ex-collègue Denis Vaugeois dans les années quatre-vingt est une loi qui institue en quelque sorte un prix unique pour les institutions parce que, vous le savez, vos bibliothèques doivent acheter à un prix plancher, dans des librairies agréées, leurs documents. Et c'est ce qui fait d'ailleurs que les librairies continuent d'exister, parce que le volume finalement des librairies, le nombre de transactions que font les librairies est directement relié à ces achats.

Donc, le rôle de la librairie est crucial pour l'accessibilité et la promotion du livre. La diminution de la marge bénéficiaire, dont je parlais tout à l'heure, qui frappe les librairies, en particulier dans la région de Montréal, montre bien l'intensité de la concurrence qui existe dans la vente de livres au détail. L'enjeu est important, il est majeur. Il ne se réduit pas à sa seule dimension économique, puisque l'affaiblissement ou la disparition des librairies fragilise le seul réseau de diffusion qui, en marge des bibliothèques publiques, permet d'avoir accès à la diversité de la création et de l'édition littéraires. Nous arriverons donc avec des propositions et avec des solutions par rapport à cet enjeu majeur.

Alors, M. le Président, voilà, et la Grande bibliothèque, bien évidemment, s'inscrit dans un des chapitres de ce projet de politique qui fera en sorte que la mise en réseau de l'ensemble, justement, de nos bibliothèques publiques permettra à chacun et à chacune des Québécois et des Québécoises d'avoir le meilleur accès possible à l'ensemble des documents que l'on puisse maintenant imaginer.

Alors, la nécessité, pour le gouvernement, de la création de cette Grande bibliothèque, je le répète, M. le Président, en parallèle avec l'adoption de cette politique de la lecture et du livre, je l'avais promis que ça cheminerait, ces deux dossiers, en parallèle. Nous sommes aujourd'hui à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 403, et, comme je l'ai dit, je rendrai publique, pour une longue discussion avec tous les intéressés, une longue discussion qui durera un mois, la politique de la lecture et du livre. Avec ces deux instruments, la Grande bibliothèque et la politique de la lecture et du livre, je crois que nous pourrons intervenir de façon efficace et structurante sur l'avenir de la lecture et du livre au Québec et finir par rattraper, en effet, l'ensemble de l'Amérique du Nord et les pays les plus avancés, les pays scandinaves par exemple, en ce qui concerne la lecture et le livre. Merci, M. le Président.

(16 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Culture et des Communications. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, je vous remercie. C'est tout de même – comment dirais-je – consolant pour le porte-parole de la culture de l'opposition d'entendre la ministre de la Culture et des Communications reprendre l'essentiel des questions qu'on avait posées en commission parlementaire. On a donc réussi à faire réfléchir la ministre, ce qui n'est pas un accomplissement insignifiant.

Nous serons appelés, dans les semaines qui viennent, à étudier en commission le projet de loi n° 403 dont nous devons ce soir débattre de l'adoption du principe. M. le Président, permettez-moi de profiter de l'occasion afin de revenir sur la problématique d'une Grande bibliothèque pour le Québec. J'aborderai donc quatre questions: Le choix gouvernemental qui sous-tend la construction et l'édification du grand ouvrage qui est la Grande bibliothèque est-il prématuré? Ce choix est-il opportun? S'agit-il d'un choix efficace? Et, dans un dernier temps, une question un peu plus douloureuse, s'agit-il d'un choix moralement justifié?

S'agit-il d'un choix prématuré? Le projet de loi n° 403 nous annonce un choix qu'il aurait été beaucoup mieux possible d'évaluer à sa juste valeur si la ministre, ainsi qu'elle nous l'a maintes fois promis, avait déposé sa politique du livre et de la lecture avant de déposer son projet de loi.

Au chapitre de la définition spécifique de la mission de la Grande bibliothèque, article 16, M. le Président, nous sommes informés d'un certain nombre de pouvoirs de l'organisme, ce qui nous permet d'envisager quelques-uns des éléments que contiendrait normalement une politique du livre et de la lecture, sauf que la description est évidemment incomplète compte tenu de ce qui nous avait été annoncé. En effet, en l'absence d'une politique du livre et de la lecture, il nous est difficile d'anticiper si le dispositif organisationnel qu'est la Grande bibliothèque aura ou non les effets prévus par la ministre. Nous ne sommes donc pas en mesure de décider pour l'instant si les intentions ministérielles pourront ou non se traduire en résultats espérés. Dans ce sens précis, le projet nous apparaît prématuré, je dirais même expéditif.

Le rapport d'une mission gouvernementale sur le prix unique du livre conduite du 21 au 31 octobre 1997 à Paris, Bruxelles et Londres ainsi que des consultations menées lors de la Foire du livre de Francfort nous enseignent qu'une politique du livre et de la lecture et plus spécifiquement de mesures sur le prix du livre sont essentielles afin de corriger les graves faiblesses auxquelles font face la diffusion et l'utilisation des livres. Je cite les conclusions du rapport de la mission: «Quel que soit le système adopté, partout on vise essentiellement les mêmes objectifs: favoriser, d'une part, la plus grande diffusion du livre sur l'ensemble du territoire national, d'autre part, favoriser une production diversifiée et accessible aux conditions les plus avantageuses tant du point de vue des lecteurs que de celui des libraires ou des éditeurs.»

La question fondamentale qu'il faut poser est la suivante: Peut-on croire – et j'insiste pour affirmer que, dans les circonstances actuelles, c'est un acte de foi que nous demande de faire la ministre – que la construction d'un grand appareil centralisé et l'édification d'un grand bâtiment de prestige auront les effets souhaités sur la démocratisation de la culture et du savoir, ainsi que le proclament la ministre de la Culture et la mission de la Grande bibliothèque?

La construction et l'édification du grand ouvrage auront-elles, de plus, la capacité d'agir, ainsi que le croit la ministre, comme catalyseurs auprès des institutions documentaires québécoises, contribuant ainsi à l'épanouissement des citoyens? Ni le rapport Richard, dont nous avons longuement débattu en commission parlementaire, ni les études publiées sur la question, ni le projet de loi n° 403 ne nous donnent une assurance vraisemblable qu'il pourrait en être ainsi. Afin de pouvoir répondre à ces questions, il nous faudrait connaître dans ses détails la politique du livre et de la lecture que nous a maintes fois annoncée la ministre.

J'ajoute, M. le Président, qu'en commission parlementaire beaucoup d'inquiétudes ont été exprimées, relatives aux enjeux auxquels renvoie la définition de la mission de la Grande bibliothèque et de ses pouvoirs. Dans le cas très particulier du Québec, la situation de départ est celle d'un déficit majeur des habitudes et des pratiques de lecture. La ministre nous a même d'ailleurs cité là-dessus des statistiques convaincantes. Ce déficit existe ailleurs, mais sa gravité est exceptionnelle au Québec. Des différences énormes ont été constatées en ce qui concerne les pratiques et habitudes de lecture, tant au chapitre des inégalités sociales de fréquentation que des disparités régionales de ressources.

Les propos de la ministre en commission parlementaire et l'esprit qui anime le projet de loi n° 403 témoignent sur cette question d'un effort de lyrisme considérable, je dirais même excessif, sauf que le problème demeure entier et que nous ne savons toujours pas quels liens de causalité il faut espérer voir apparaître entre les promesses qui sont faites et les résultats qui seront obtenus. C'est techniquement ce qu'on appelle «par un effet pervers». On n'entend pas les effets pervers au sens moral, on les entend au sens où on s'interroge sur les liens qui existent ou qui n'existent pas entre les intentions et les résultats.

Une grande bibliothèque, M. le Président, est un moyen qui pourrait être efficace si nous avions la possibilité de l'évaluer à la lumière des éléments de l'environnement global que nous décrirait une politique du livre et de la lecture, de mesures et d'effets prévisibles d'une pareille politique. Je répète que, en l'absence de cette politique que nous avait promise Mme la ministre, nous demeurons dans l'incertitude la plus complète. Et, puisque, dans les propos mêmes du premier ministre, il faut s'interroger et se rassurer sur la rentabilité d'un investissement, que ce soit dans le domaine de l'énergie ou de la culture, l'absence de la politique mentionnée plus haut nous paraît être une grave lacune et nous place devant la contrainte de devoir discuter d'un projet de loi sans que nous ayons en main des instruments qui nous permettraient d'évaluer ses promesses à leur juste valeur.

J'ai mentionné à plusieurs reprises en commission parlementaire que la priorité gouvernementale devrait être d'assurer la revitalisation des réseaux locaux décentralisés et de proximité des besoins et des goûts des citoyens. Or, nous n'avons aucune indication que, dans les faits, la loi n° 403 permettra la mise sur pied d'une instrumentation qui pourrait avoir comme effet de revitaliser les réseaux mentionnés plus haut. Il faut reconnaître, M. le Président, que, dans le contexte actuel de nos finances publiques, sur lesquelles pèse une effrayante pression de rareté, il n'y a rien de moins sûr que l'investissement de 75 000 000 $ proposé aura pour effet de revitaliser les réseaux locaux décentralisés et de proximité.

(17 heures)

La Grande bibliothèque se veut être un catalyseur auprès de ce réseau, mais, faute d'une connaissance de l'environnement global, nous ne pouvons pas décider s'il pourrait en être effectivement ainsi, et jusqu'à quel point. Je répète que des inquiétudes ont été maintes fois exprimées à cet égard et que le projet de loi que dépose la ministre, loin de nous rassurer, maintient toutes ces inquiétudes. Nous sommes donc, M. le Président, en présence d'un choix prématuré.

S'agit-il d'un choix opportun? Le choix d'édifier le grand ouvrage qu'est la Grande bibliothèque vise à solutionner plusieurs problèmes techniques relatifs à la conservation et à la diffusion de la culture de l'écrit. L'opposition, M. le Président, a été attentive aux présentations des spécialistes qui se sont prononcés sur cette question, et je voudrais qu'il soit très clair que, sur la question de l'opportunité du choix, la ministre ne peut revendiquer la formation d'une opinion publique unanime.

Des voix contradictoires se sont fait entendre au sein de la communauté des spécialistes, dont certains soutiennent la décision ministérielle avec une ferveur quasi exubérante, alors que d'autres voix continuent de s'interroger. Les interrogations portent à la fois sur le modèle organisationnel préconisé dans le rapport Richard et sur les coûts d'opportunité qui découleront du choix d'édifier une grande bibliothèque, spécifiquement, choix et coûts d'opportunité relatifs à la vitalité du réseau local décentralisé et de proximité du livre et de la lecture.

Sur le modèle organisationnel, dont la loi, de toute évidence, ne fait pas mention, les spécialistes sont d'avis que la Grande bibliothèque, telle que conçue, renvoie à un mode de fonctionnement, à une amalgamation et à une fusion de fonctions qui pourraient entraîner des effets jugés non souhaitables sur la gestion des ressources et sur l'harmonisation des besoins.

Des inquiétudes nombreuses ont été exprimées à cet effet auxquelles la ministre a tenté de répondre mais sans pouvoir les dissiper entièrement. Je l'ai mentionné en commission parlementaire: des jugements sévères ont été portés sur le modèle prévu dans le rapport Richard, et nous n'avons aucune indication comme quoi ces jugements ont été évalués attentivement. Nous sommes donc en présence d'un choix qui fait fi de ces inquiétudes et qui pourrait même, en l'absence d'une authentique réflexion, nous conduire à des conséquences dangereuses.

J'affirme, M. le Président, que le projet d'une grande bibliothèque n'a pas fait l'unanimité jusqu'ici au sein de la communauté des spécialistes. La ministre de la Culture avait de toute évidence fait son lit sur l'opportunité du projet, elle qui affirmait dès le départ de la commission parlementaire que la question de l'opportunité du choix était secondaire comparativement à celle du besoin qu'elle avait identifié et de la conviction qu'elle a toujours eue de la nécessité du choix, indépendamment des désaccords auxquels ce choix pourrait donner lieu. La ministre de la Culture a fait état de sa conviction depuis les tout débuts du débat, et il faut en arriver à la conclusion que cette conviction n'a été aucunement ébranlée.

Au fond, M. le Président, nous sommes en présence d'un projet de loi qui conforte la ministre dans sa conviction d'origine et qui continue, pour cette raison, à faire subsister des inquiétudes. D'ailleurs, M. le Président, non seulement la décision ministérielle n'a-t-elle pas fait l'objet d'une unanimité au sein des spécialistes qui se sont exprimés, mais j'ajoute que l'opinion publique, s'il faut tenir compte des sondages réalisés au cours de la commission parlementaire, confirme les désaccords et même les désaveux mentionnés plus haut.

La décision ministérielle ne jouit donc pas de l'unanimité dont elle aura besoin tant au sein de la communauté des spécialistes que de la collectivité des individus qui s'interrogent toujours sur l'opportunité du choix. Donc, M. le Président, la question reste posée: Ce choix, qui est décrit dans la loi n° 403, est-il un choix opportun?

Le choix est-il efficace? Nous abordons maintenant, évidemment, et je le ferai très brièvement, un aspect technique de la question. Des spécialistes sont venus devant nous partager leurs inquiétudes quant aux fusions de fonctions ou aux amalgamations de fonctions qui sont prévues par le rapport Richard. La ministre vient de nous dire que ces amalgamations ou ces fusions de fonctions devraient se faire de façon harmonieuse, qu'elles ne seront que minimales, que finalement tout devrait se dérouler à peu près comme ça se déroule maintenant. Mais il nous semble que ses tentatives de nous rassurer sont insuffisantes, et je ne pense pas que certains spécialistes qui se sont présentés devant nous soient plus rassurés que nous le sommes actuellement.

Il y a d'ailleurs un aspect, M. le Président, un peu technique de ce projet de loi qui nous apparaît poser d'énormes problèmes. Nous sommes en présence d'une grande bibliothèque qui, dans ses fonctions, vise essentiellement ou fondamentalement deux objectifs. D'une part, la Grande bibliothèque est évidemment conçue comme une organisation qui gère la politique du livre et de la lecture, que nous ne connaissons pas. Les devoirs de la Grande bibliothèque sont énumérés dans une colonne de huit ou neuf sous-articles, mais il n'en reste...

Donc, la Grande bibliothèque aura cette fonction de gestion des réseaux, mais nous n'avons aucune indication de la façon dont ces choses se feront, nous n'avons aucune indication des mesures qui seront prises pour que la gestion en question soit efficace. Donc, d'une part, la Grande bibliothèque aura pour l'une de ses missions de gérer le réseau québécois des bibliothèques publiques, mais en même temps elle aura aussi pour fonction de gérer les fonds documentaires, dont elle aura la responsabilité. Des gens se sont interrogés sur la faisabilité de cette double gestion, sur l'efficacité de cette double gestion, et nous sommes devant un projet qui, là-dessus, ne nous rassure aucunement, puisque finalement les renseignements, les informations, les indications dont nous aurions besoin pour pouvoir prendre là-dessus une décision rationnelle ne nous sont pas fournis et que la ministre nous dit qu'ils nous le seront au cours du mois de mars.

Ce que l'opposition officielle dit, c'est qu'il aurait été hautement préférable que ces informations, ces renseignements, ces indications nous soient fournis maintenant pour qu'on puisse évaluer ce projet à sa juste valeur, ce que nous ne sommes pas capables de faire. C'est donc à dire, et je le répète, que la ministre de la Culture et des Communications nous demande un acte de foi, sauf que, je l'ai répété maintes fois en commission parlementaire et je le répète encore une fois, ce n'est pas le devoir, ce n'est pas le droit, ce n'est pas le métier de l'opposition que de faire des actes de foi face à l'autorité ministérielle ou à l'autorité gouvernementale. Nous sommes donc, M. le Président, du strict point de vue de l'efficacité du dispositif – et ça a été signalé par des spécialistes – devant un problème de surcharge fonctionnelle qui pourrait évidemment déboucher sur des effets d'efficacité fort négatifs, et il n'y a rien dans ce projet et rien dans les documents dont on a pu prendre connaissance, qui nous auraient été fournis en commission parlementaire ou qui auraient pu nous être fournis si nous pouvions disposer de renseignements sur l'environnement global, qui nous rassure sur la non-éventualité des effets négatifs dont je viens de parler.

Donc, il y a dans ce projet une question qu'il faut poser, à savoir: Le modèle d'organisation qui nous est soumis est-il le meilleur, le plus efficace, le plus efficient et le mieux capable de produire les résultats qui nous sont promis? Nous sommes, là-dessus, devant l'inconnu, et, je le répète, ce n'est pas à l'opposition de poser, comme ça, spontanément et sans réagir, et sans s'interroger, des actes de foi sur un choix gouvernemental qui nous apparaît, de ce point de vue, insuffisamment justifié.

(17 h 10)

Une dernière question et peut-être plus, comment dirais-je, douloureuse à poser: Que faut-il penser de la résonance symbolique de la décision de construire la grande organisation centralisée que la ministre souhaite de tous ses voeux et d'édifier le grand bâtiment de prestige que sera la Grande bibliothèque du Québec?

M. le Président, je veux le souligner, l'enjeu d'une grande bibliothèque est tout autant symbolique qu'instrumental. La décision vise à satisfaire des besoins administratifs et techniques, à solutionner des problèmes administratifs et techniques, mais la décision vise tout autant à satisfaire une demande de reconnaissance et de prestige national. Il ne fait aucun doute qu'à l'échelle internationale la réalisation des grands monuments architecturaux et les grands dispositifs administratifs et techniques que sont les grandes bibliothèques contribuent au renforcement des identités nationales. Ce sont des signaux qu'une communauté nationale se donne à elle-même et qu'elle renvoie ou envoie à la face du monde dans le but de signifier son accession à la modernité et également, ce qui est loin d'être futile, sa volonté de démocratiser l'accès à la culture et à la participation au savoir.

L'opposition, M. le Président, reconnaît cette demande, mais c'est néanmoins son devoir de responsabilité que de s'interroger sur la nécessité, sur l'opportunité de la satisfaire dans un contexte où les priorités du développement sont tellement plus prosaïques que celles auxquelles renvoient les grands épanchements lyriques que nous avons pu entendre tout au long de ce débat sur le grand ouvrage de la ministre de la Culture et des Communications.

Nous revenons, M. le Président, aux questions que nous avons posées au début, à savoir celles relatives à la prématurité du projet, à son opportunité, à la conjoncture actuelle et aux contraintes et pressions que sa mise en oeuvre exercera fatalement sur les marges budgétaires qui ont d'ores et déjà atteint un niveau de rationnement sans précédent dans l'histoire du Québec. Les circonstances dans lesquelles l'actuel gouvernement s'entête à poursuivre un objectif – louable! – d'assainissement des finances publiques en même temps qu'il nous inflige les coûts financiers, économiques, sociaux et humains d'une option politique qui nous place face à la dégradation rapide de la qualité de nos services publics, particulièrement en matière de santé et d'éducation, mais surtout en matière de santé, ces circonstances nous interpellent, ainsi que je l'ai mentionné, sur la prématurité, l'opportunité, l'efficacité et même sur les dangers de choisir avec autant de ferveur et d'enthousiasme le grand projet de prestige et de fierté dont la ministre nous entretient maintenant depuis plusieurs mois.

Je connais suffisamment la mécanique budgétaire de l'État, M. le Président, pour savoir que certains réagiront en affirmant que, de toute façon, les décisions ministérielles sont déjà escomptées au budget de l'État et que, de toute façon, ce qui est prévu au budget de la Culture est sans rapport à ce qui devrait être alloué ailleurs. Je le répète, la question n'est pas de savoir si, dans le meilleur des mondes, une grande bibliothèque du Québec peut répondre à des besoins, à des demandes et à des souhaits louables, justifiables et désirables, mais de s'interroger, au nom de l'éthique de responsabilité, sur l'à-propos et sur l'opportunité de poursuivre une intervention gouvernementale, dans le monde réel dans lequel nous sommes maintenant plongés. Nombreux sont ceux et celles qui invoqueront la nécessité d'investir dans des équipements publics au nom du développement économique, mais, à ceux-là et à celles-là, il faut poser et reposer la question: Cet investissement est-il le meilleur investissement qui s'impose, compte tenu de la conjoncture?

Poser cette question, M. le Président, ce n'est pas pécher par surcharge d'économisme, mais c'est s'interroger rigoureusement sur les enjeux de la démocratisation de la culture et du savoir dans ce monde réel dans lequel nous vivons. Depuis les tout débuts du débat public sur la Grande bibliothèque du Québec, des personnes censées ne cessent de s'interroger sur les liens qu'entretiendra le grand ouvrage, que la ministre souhaite de tous ses voeux, avec les défis auxquels vont face nos réseaux locaux décentralisés et de proximité du livre et de la lecture.

Malheureusement, ces questions relatives aux enjeux fondamentaux de la démocratisation de la culture se posent encore aujourd'hui tout autant qu'elles se posaient à l'ouverture du débat public. La ministre de la Culture s'acharne à nous demander un acte de foi et à exiger que nous engagions dans un processus d'examen de projet de loi sans que nous disposions au préalable des assurances et des outils dont nous avons besoin pour pouvoir agir comme une opposition responsable.

M. le Président, je veux terminer là-dessus. Il y a des questions que nous acharnons à poser mais qui sont toujours des questions pour lesquelles nous n'avons pas de réponses. Ce projet, ce choix, cette décision est-il ou non prématuré? Ce projet, ce choix, cette décision est-il opportun, compte tenu des enjeux que j'ai mentionnés plus tôt, et principalement de l'enjeu prioritaire d'enrichir, de renforcer, de revitaliser, de développer, de réanimer le réseau local décentralisé québécois de la lecture? Nous n'en avons absolument aucune assurance dans ce projet.

La ministre nous cite des statistiques nous disant que certaines régions du Québec sont des régions championnes en matière de lecture et de livres. Tant mieux, M. le Président! Nous en réjouissons. Mais il reste que ce projet de loi, contrairement au lyrisme auquel la ministre nous convoque, ne nous donne aucune assurance, mais aucune assurance qu'une grande bibliothèque est un dispositif de nature à réduire et à éliminer une fois pour toutes le déficit québécois de lecture qui se présente d'une façon manifeste, tant du point de vue des inégalités sociales de fréquentation que des inégalités régionales de fréquentation.

Nous sommes donc, M. le Président, et je le répète, devant une situation qui nous force à dire oui à un projet sans que nous ayons pu faire de ce consentement une action rationnelle. Nous aurions espéré que la ministre, comme elle nous l'avait promis à maintes reprises au cours de la commission parlementaire, nous donnerait les documents, les informations et la politique dont nous aurions besoin pour pouvoir décider, au nom de la raison, d'un examen rationnel des liens de causalité, des rapports de fonctionnalité entre ce grand ouvrage et la vitalité de nos réseaux locaux décentralisés et de proximité de lecture et du livre. Mais nous sommes, là-dessus, dans l'incertitude, et dans l'incertitude la plus complète.

Nous débattrons donc en commission avec toutes ces questions et interrogations dans l'espérance d'y avoir réponses, et, si nous pouvons obtenir là-dessus des réponses qui nous satisfassent, nous rallierons à ce projet, compte tenu du fait que nous partageons avec la ministre et avec la Grande bibliothèque, telle que décrite dans sa loi, ce grand projet de rendre accessible la culture, de démocratiser la culture et l'accès au savoir.

Mais, je le répète et je termine là-dessus, il n'y a rien dans ce projet, mais rien dans ce projet et rien dans les documents que la ministre a pu déposer depuis que nous en débattons qui nous assure le moindrement que ce grand ouvrage, sur la souhaitabilité duquel nous n'avons peut-être pas ultimement de réserves... nous assure que les intentions visées par le gouvernement dans la construction et l'édification de ce grand ouvrage seront en toutes proportions raisonnables, équivalant aux résultats qui seront obtenus. Je vous remercie, M. le Président, de votre attention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Outremont.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement, vous voulez...

M. Boulerice: ...puis-je adresser une question à mon collègue en vertu de notre règlement et, de peur qu'il me dise non, lui demander dans quel dictionnaire il a trouvé, lui, le mot «souhaitabilité»?

(17 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député d'Outremont, si vous voulez...

M. Laporte: Je me...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous avez la liberté de répondre ou de ne pas répondre.

M. Laporte: Bien, je peux répondre, M. le Président. Écoutez, j'ai fouillé tous les dictionnaires, n'est-ce pas, pour trouver cette expression et, finalement, je me suis résigné à l'acte courageux de faire de la néologie.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie et je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai le plaisir d'intervenir sur le débat sur le principe du projet de loi n° 403, la Loi sur la Grande bibliothèque du Québec, Bill 403, An Act to establish la Grande bibliothèque du Québec.

Moi aussi, j'ai assisté tout au long des audiences publiques que nous avons eues sur le document que le comité présidé par Clément Richard a porté fruit, Une grande bibliothèque pour le Québec , et je pense que, d'entrée de jeu, il y avait beaucoup de monde qui sont venus pour témoigner que si le gouvernement veut dépenser 75 000 000 $ pour la lecture, ils sont pour. Au moins, de toute évidence, moi, je vais déclarer mon intérêt personnel dès le départ. Moi aussi, j'aime les livres, j'aime la lecture. Alors, si on va dépenser 75 000 000 $, M. le Président, je pense que, pour tout le monde qui a le goût de lire, qui aime lire des livres, c'est une bonne nouvelle.

Mais, au-delà de ça, il faut aller un petit peu plus loin. Il faut regarder, dans ce dossier: est-ce que la manière dont le comité, la ministre, le gouvernement proposent de dépenser l'argent est la plus efficace? Est-ce qu'il y a des leçons qu'on peut tirer des expériences des autres villes qui ont investi beaucoup d'argent dans ces grands projets? Est-ce qu'on peut regarder le lien entre ce projet et la promotion de la lecture populaire? Parce que c'est ça, la clé, c'est ça, l'essentiel du projet. Alors, ça, c'étaient les questions que nous avons soulevées en commission parlementaire avant Noël. Elles sont restées sans réponse. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à reprendre ces questions une par une.

Je vois que la ministre va déposer aujourd'hui un document sur la politique de la lecture, mais on a demandé ça avant Noël. Parce que, pour mieux examiner le projet de 75 000 000 $, qui est quand même un projet très important, M. le Président, je pense qu'on a tout intérêt à voir les enjeux, à comprendre mieux c'est quoi, le lien entre un grand projet au centre-ville de Montréal et la promotion de la lecture à travers le Québec. Parce qu'on a vu encore une fois une autre publication très sombre, qui est venue au mois de septembre, sur la 31e Journée internationale de l'alphabétisation, et on voit les chiffres qui sont fort tristes, M. le Président, quant au niveau des analphabètes dans notre société. Les chiffres, parmi les adultes, ça varie entre 1 300 000 et 1 600 000 personnes. Ça, c'est des chiffres inacceptables. C'est une remarque non partisane. Je ne veux pas pointer du doigt qui que ce soit. Mais, ça, c'est une responsabilité collective que nous devrons regarder. Comment est-ce qu'on peut faire pour corriger cette situation pour les adultes qui ont de la misère dans l'ère de l'information, l'ère de l'inforoute, l'ère des ordinateurs, et tout ça? Comment est-ce qu'on veut s'assurer que tous les travailleurs et toutes les travailleuses du Québec ont accès aux ordinateurs, qui sont de plus en plus présents dans nos lieux de travail, etc.?

Alors, moi, je pense qu'on a tout intérêt à voir c'est quoi, le lien entre ce projet et la lecture populaire. Est-ce que c'est quelque chose qui va donner aux adultes qui ont des difficultés à lire une opportunité ou non? Est-ce que ça va renforcer ou non les bibliothèques de quartier, parce que c'est par là, moi, je pense, avant tout, qu'on va être capable de chercher cette clientèle. Quelqu'un qui travaille très fort, peut-être au salaire minimum, loin du centre-ville, ce n'est pas évident qu'il va se déplacer vers la grande cathédrale de la ministre pour mieux apprendre comment lire; mais, pour renforcer les bibliothèques de quartier, peut-être que c'est là un endroit qui est plus intéressant. La cathédrale, ça, c'est le discours de la ministre. Ce n'est pas moi qui ai inventé l'expression, mais plutôt la ministre elle-même. Alors, je cite mes sources.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt à voir, si on veut injecter l'argent, si c'est en renforçant les bibliothèques de quartier ou si c'est en créant un mégaprojet à Montréal qu'on va réussir à le faire. Je pense que ça demeure une question fort pertinente.

La ministre a pris l'engagement qu'elle ne peut pas prendre, M. le Président, que le budget des bibliothèques de quartier ne sera pas affecté. Mais ce n'est pas son budget, c'est le budget de la ville de Montréal qui supporte nos bibliothèques de quartier. Alors, c'est comme si la ministre avait pris l'engagement que les crédits pour l'éducation en Alberta ne seraient pas touchés l'année prochaine. Wow! C'est un souhait peut-être souhaitable, peut-être même qu'il y a une certaine souhaitabilité dans tout ça, mais, au bout de la ligne, ce n'est pas du ressort de la ministre de prendre cet engagement pour l'éducation en Alberta.

La même chose sur nos bibliothèques de quartier. C'est la ville de Montréal, avec tous ses maux budgétaires, qu'on comprend fort bien, les difficultés avec un déficit d'environ 125 000 000 $... Ce n'est pas eux autres qui vont réussir à renforcer les bibliothèques de quartier à Montréal, qui souffrent déjà d'énormes difficultés. Des bibliothèques qui tombent sur les horaires d'été à partir du mois de mai, quand les jeunes sont à préparer leurs examens au niveau secondaire, sont en train de faire les travaux pour la fin de l'école, on coupe les heures dans les bibliothèques municipales, les bibliothèques de quartier; ça, c'est le statu quo que la ministre veut défendre.

Moi, je pense que le statu quo dans les bibliothèques de quartier, surtout à la ville de Montréal, est inacceptable aussi. Alors, si on a de l'argent à injecter, peut-être qu'il faut se poser la question: Est-ce que c'est de construire un grand édifice, une grande bibliothèque centrale, ou est-ce qu'on peut renforcer les bibliothèques de quartier?

Moi, je suis choyé, M. le Président. Je viens d'un comté avec trois bibliothèques municipales qui sont très efficaces. Elles ont des ressources pour donner... les villes de Beaconsfield, de Pointe-Claire et Dorval, des bibliothèques qui sont des merveilles. Elles sont pleines d'enfants, elles sont pleines de personnes âgées, elles sont pleines de familles; elles sont vraiment des lieux culturels très importants dans mes villes. Quand je regarde le taux d'utilisation des bibliothèques au Québec, ces trois bibliothèques figurent parmi les taux les plus élevés de fréquentation au Québec. On utilise nos bibliothèques, on comprend leur importance.

Moi, je dis, je pose la question: Est-ce qu'on est mieux, sur l'île de Montréal, dans la ville de Montréal, d'avoir un grand monument ou plusieurs bibliothèques du style de la ville de Pointe-Claire? Je me pose la question, et il n'y a eu aucune preuve faite tout au long de nos audiences publiques que je me trompe dans mon idée d'avoir un réseau de bibliothèques de quartier efficace. Peut-être que c'est une meilleure façon pour faire la promotion de la lecture populaire.

Alors, je me pose la question. On n'a pas eu de réponse. On va continuer de poser cette question, parce que, à mon avis, il faut rapprocher les livres du citoyen. Il faut avoir accès, pas loin, à un endroit où une mère ou un père peut amener son enfant à la fin de la journée, en fin de semaine, pour voir des livres. Et c'est ça qui est l'essentiel. C'est ça qu'on veut faire si on veut promouvoir la lecture, si on veut promouvoir la connaissance de la langue française; c'est en faisant ça qu'on va réussir à le faire.

Ça, c'est la première question. La deuxième, c'est... La ministre et le comité Richard ont cité à maintes reprises les expériences des autres villes. Mais les expériences des autres villes qui ont construit des grandes bibliothèques n'étaient pas une expérience toujours heureuse. On pense, entre autres, à la Grande bibliothèque à Paris, la Bibliothèque nationale, qui a eu énormément de problèmes, surtout au niveau du financement. Il y avait un taux d'utilisation, un tarif qu'il faut payer pour l'utiliser, qui était très élevé. Il faut regarder ça.

(17 h 30)

On regarde la bibliothèque à San Francisco, qui est vue comme un modèle. Mais, dans San Francisco, ce n'est pas une bibliothèque qui a fait l'unanimité. Il y a beaucoup de personnes qui aiment le livre, qui aiment la lecture qui ont critiqué la façon dont la ville de San Francisco, en créant une nouvelle bibliothèque, a mis 200 000 livres dans un site d'enfouissement. Drôle de façon, M. le Président, de faire la promotion de la lecture! Mais, parce qu'on veut un gros château pour la haute technologie qu'on veut promouvoir, les ordinateurs, et tout ça, il n'y avait pas de place dans la bibliothèque pour des livres. On avait la place pour les ordinateurs, on avait la place pour toutes les autres choses, mais, au niveau du triage qu'il faut faire dans les collections de livres, pas moins de 200 000 sont allés à la poubelle, M. le Président.

Je cite un article qui était dans le New Yorker , écrit par Nicholson Baker, qui est quelqu'un qui a vivement critiqué. Et je pense qu'on a tout intérêt à regarder ce qui s'est passé à San Francisco avant d'embarquer dans le même processus ici, et je le cite: «The real story is a case study of what can happen, what, to a greater or a lesser degree, is happening in a number of cities around the country when telecommunications enthusiasts take over big old research libraries and attempt to remake them, with corporate help, as high traffic showplaces for information technology. Such transformations consume unforecastably large sums of money, which is why, right now, the San Francisco Public Library, despite receiving a goodly percentage of the city budget every year, is approaching the New Year with a $1 000 000 deficit in its operating budget.»

Alors, malgré le fait qu'ils ont eu des campagnes de financement, et tout ça, les frais d'opération sont 1 000 000 $ de plus que prévu. Alors, ça a nécessité des compressions dans la politique d'achat; ça a nécessité des compressions dans les bibliothèques de quartier. Et, au-delà de ça, pour faire de la place pour les ordinateurs, on a mis 200 000 livres dans un site d'enfouissement. Alors, je pense qu'il faut regarder cette expérience, parce qu'on n'est pas convaincu qu'avec 75 000 000 $ on va réaliser le beau rêve qui est présenté devant nous.

D'autres expériences dans la ville de Vancouver où le maire et le gouvernement ont pris les mêmes engagements solennels qu'on ne couperait jamais dans les heures d'ouverture des bibliothèques de quartier. Ah non! on va juste bonifier le système, on va enrichir le système avec une très belle bibliothèque. Personne ne peut nier ça. J'ai visité ça au mois de novembre, et c'est spectaculaire. Mais, en cours de route, maintenant, on manque de budget pour faire fonctionner tout le réseau. Alors, on commence à fermer les bibliothèques de quartier en fin de semaine faute de ressources; on coupe dans les budgets d'achat pour les bibliothèques faute de ressources, parce que c'est très dispendieux de faire fonctionner la bibliothèque à Vancouver, plus dispendieux qu'on pensait. Et ça, c'est malgré une implication très importante du secteur privé et du secteur gouvernemental.

Parce que, dans le rapport de M. Richard, on parle uniquement de la construction de la partie bibliothèque, mais c'est tout un projet avec une tour qui est louée pour 50 ans, ou quelque chose comme ça, au gouvernement fédéral. Alors, ça, c'est une autre source d'argent, mais si essentielle dans le financement du projet dans son ensemble. Il y a tous les magasins qui sont en bas. C'est tout un montage très important pour faire vivre ce projet qui, dans le rapport de M. Richard... On veut faire des comparaisons.

Alors, le projet qui est devant nous n'est pas mûr, parce qu'on parle d'un projet, à Vancouver, de 150 000 000 $ pour générer les revenus nécessaires pour faire fonctionner la partie bibliothèque, qui coûtait 100 000 000 $. Ça, ce sont des questions très importantes. Comme je le dis, on peut embarquer aujourd'hui, mais, si le prix est déjà de 75 000 000 $ sans même avoir fait faire les plans et devis, sans parler au milieu, etc., j'ai mes doutes qu'on va être capable de réaliser ça à 75 000 000 $. Ça va augmenter de 25 000 000 $ les frais de fonctionnement, année après année, que la ministre a mentionnés tantôt. On verra. Elle avait un petit peu d'argent solide dans ça, mais le reste était: Oh! je vais prendre ça de mon collègue le ministre de la Santé et des Services sociaux; je vais prendre ça de mon collège le ministre des Relations avec les citoyens, etc. On verra, M. le Président, quand ils devront composer avec leurs compressions budgétaires, si on va être capable de livrer l'argent. Mais 25 000 000 $, déjà, sans construire, ça, c'est un problème aussi.

Il y a un autre problème qui a été soulevé pendant les audiences publiques et qui reste sans réponse aussi. Plusieurs des personnes expertes dans le domaine – et, moi, je n'en suis pas – ont dit que les mandats des deux institutions sont trop différents pour les mélanger. Et, de toute façon, on va être obligé, en bout de ligne, de construire deux bibliothèques sous un toit, parce que les besoins et les exigences pour la Bibliothèque nationale sont pour les chercheurs: il faut protéger les collections, il faut s'assurer d'un certain climat studieux pour les étudiants qui vont venir, les personnes qui font des travaux de maîtrise ou de doctorat, il faut avoir un certain climat serein, sérieux, studieux. Il y a un autre besoin pour une clientèle des bibliothèques populaires, qui est tout autre. Alors, je pense qu'il faut regarder ça attentivement. On n'a pas pris au sérieux des problèmes qui, moi, je pense, sont très, très sérieux. Entre autres, on ne peut pas avoir nos livres, les «rare books», les livres rares dans la collection. Il faut les conserver, il faut les protéger, et on ne peut pas mélanger ça avec une collection beaucoup plus populaire. Alors, je pense, il y avait des questions qui ont été soulevées.

Finalement, M. le Président, il y avait: Qu'est-ce qu'on fait avec les deux édifices qui font partie de notre patrimoine, qui vont être abandonnés, c'est-à-dire le site de la Bibliothèque nationale sur la rue Saint-Denis et, également, la bibliothèque municipale de Montréal – ça, c'est un édifice qui aide au charme de la rue Sherbrooke – et, également, le parc Lafontaine, dans le comté de mon collègue de Sainte-Marie–Saint-Jacques? Et ça, c'est une injure majeure aussi. Et de prétendre que la ville de Montréal, avec un déficit de 125 000 000 $, serait capable de trouver une vocation autre pour son édifice sur la rue Sherbrooke... En tout cas, M. le Président, ça, c'est une autre question qu'il faut régler avant, parce qu'on ne veut pas voir détériorer ces édifices. Et on n'a pas de plan. Alors, c'est bien beau, aller de l'avant, on va construire nouveau, on va avoir un beau château, on va avoir une belle cathédrale, mais il faut aussi s'assurer de l'avenir de ces deux sites. Et ça, c'est une autre question qui a été soulevée tout le long du processus par l'opposition, et ça demeure aussi sans réponse. Alors, moi, je vais suivre avec intérêt le débat à la fois sur la politique de la lecture et également sur la construction d'une très grande bibliothèque, M. le Président.

But I think there are too many questions that have been raised that remain without answers. And the Minister showed up – she was in a hurry – she announced before we even started consulting with the population: We're going to build this project anyway. So, for the people who came, who took the time to come here and testify, it was a bit of a curious experience to start with. But I think there are a lot of alarm bells that have gone off in other cities that have gone forward with building these large projects, that they haven't been the miracle that was promised, they haven't delivered the results that were promised. I think we have to look at that very carefully. I think we have to look very much at the health of our local libraries, our municipal libraries, our school libraries. This is where people in their neighbourhoods find access to reading, that's where they learn how to love reading, that's where families take the children to do their homework, those other things that are much more important.

A big building downtown, I have not seen and a link has not been made between the construction of this and the promotion of reading in our society. When we see the levels of reading in this society, when we see the levels of people with problems of literacy in our society, I think that's a debate that has to be addressed. It was not addressed during our public hearings, and I think we have every interest to make sure that is done as well.

Finally, Mr. Speaker, there's the question of the fate of the two buildings: the one on Sherbrooke Street, by Parc Lafontaine, and the other one on Saint-Denis, which houses the Montréal Central Library and the Bibliothèque nationale. It's one thing we have to do as well as to make sure, before giving our approval to this project, that a new vocation is found for these buildings. I have my doubts, especially for the Central Library of Montréal. The City of Montréal's financial difficulties are well known; so I think it is going to be unlikely that the City of Montréal can rescue that building. And to create a nice new monument and allow an old monument to deteriorate, we're not much further ahead, Mr. Speaker.

Alors, on va continuer à suivre le débat, M. le Président. Mais reste quand même une série de questions fort importantes sur cette question: Est-ce que, ça, c'est la meilleure façon de dépenser 75 000 000 $ pour promouvoir la lecture au Québec? Moi, j'ai mes doutes; je ne suis pas convaincu. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. M. le leader adjoint du gouvernement.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, sur un sujet qui, forcément, préoccupe celui qui a été durant quelques années porte-parole pour les arts et la culture au moment où sa formation politique était dans l'opposition, et très assurément pour le leader adjoint du gouvernement, puisqu'il est député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, M. le Président – et je sais que vous ne l'avez pas oublié. Sainte-Marie–Saint-Jacques, c'est le quartier latin, c'est le centre, le pivot de l'univers culturel montréalais. Je pense que ce débat sur une grande bibliothèque du Québec m'interpelle, m'interpelle au premier chef.

(17 h 40)

M. le Président, il faudrait d'abord peut-être se poser la question: Est-ce qu'il y a des députés du Parti libéral, ou y a-t-il un parti libéral? Y a-t-il des députés d'opposition, ou y a-t-il une opposition, puisque, depuis le début du débat... Et je ne parle pas du débat entourant l'adoption du principe du projet de loi, je parle de la commission parlementaire qui a eu lieu, des audiences publiques. Depuis ce temps et à venir jusqu'à aujourd'hui, avec une triste éloquence, il y a des députés libéraux qui se contredisent l'un et l'autre.

Le porte-parole de lui-même ou de l'opposition, là, parce que je ne sais pas comment il se rassemble, le député d'Outremont, s'est fait, durant toutes les audiences de la commission, une espèce de défenseur du byte. Vous me permettrez d'employer l'expression, M. le Président, en vous l'épelant, b-y-t-e-s, qui est un langage informatique. Pour lui, cette bibliothèque devait être, si on a parlé d'une cathédrale tantôt, la mecque du byte, le palais du clavier. C'était une bibliothèque où vraiment la présence de livres était un élément purement et simplement décoratif, à l'exception peut-être de quelques vieilles collections qui ont enrichi notre patrimoine national. J'aurai d'ailleurs à ce sujet une fort bonne nouvelle à apprendre à ma collègue et amie la ministre de la Culture quant à la volonté d'une personne à l'esprit très généreux d'offrir une magnifique et riche collection ancienne, mais nous en reparlerons. Donc, le livre était purement décoratif.

Et voilà que le député de Jacques-Cartier, lui, arrive et dit: Mais non! Mais non! Mais non! Il ne faut pas mettre de bytes là-dedans. Cette bibliothèque, il faut qu'elle soit remplie de livres. Nous avons un problème d'alphabétisation, il faut aider les populations à la lecture, il faut aider les populations à l'accès à la lecture, donc il ne faut absolument pas mélanger les deux genres, ils ne conviennent pas. Ah bon!

Je ne sais pas, moi, je pense qu'il y aurait avantage peut-être à ce que les députés d'opposition se parlent entre eux. On connaît très bien, M. le Président, la position de celle qui est porte-parole pour les affaires entourant la région de Montréal, la députée de Marguerite-Bourgeoys, ancienne ministre de la Culture, qui, elle, est enthousiaste à l'idée que le Québec se dote d'une grande bibliothèque nationale, d'une bibliothèque qui tient compte des enjeux à la fois de la modernité qui nous entoure, mais également à la fois des populations que nous voulons servir et que nous devrons servir, dans un quartier, d'ailleurs, qui est passablement bien identifié, donc qui est au carrefour de toute cette grande région métropolitaine.

La ministre de la Culture est enthousiaste. La ministre de la Culture... Enfin, s'il y a une ministre de la Culture, elle est enthousiaste. Par contre, M. le Président, sans vouloir prêter quelque intention que ce soit, puisque nous ne l'avons pas encore entendu – et j'ai bien peur que nous ne puissions pas l'entendre ce soir – je vois le député de LaFontaine, et on me dit qu'il serait aspirant à la plus haute magistrature de notre ville, se présenter ici. Viendra-t-il nous dire qu'il est contre la construction d'une très grande bibliothèque nationale à Montréal, au centre-ville de Montréal, dans le quartier où normalement, d'ailleurs, elle doit être, c'est-à-dire le quartier latin, ou viendra-t-il nous dire, au contraire, que, en tant qu'aspirant non confirmé, pressenti, sollicité, oui, il est enthousiaste à l'idée de voir un investissement de près de 80 000 000 $ dans un quartier de la ville qui mérite bien un tel investissement, sachant que cet investissement sera forcément générateur d'autres investissements?

Tout le monde sait que c'est un peu le vieux truc, M. le Président, de ce caillou qu'on jette à la rivière, où les cercles vont s'agrandissant. Il y a toujours une onde de choc qui se développe, donc des répercussions extrêmement positives. Est-ce que celui que certains voient dans un fauteuil de maire sera contre? Je ne sais pas. Vous me permettrez de vous dire que, encore une fois, je ne peux présumer, ne l'ayant pas entendu. Donc, nous le saurons sans aucun doute à un prochain épisode, puisqu'il est fort probable que cet article de notre feuilleton sera rappelé; du moins, je vous l'indiquerai en temps opportun. Bon.

J'entendais le député de Jacques-Cartier s'interroger sur l'utilisation de la bibliothèque Saint-Sulpice, qu'on a convenu d'appeler la bibliothèque Saint-Sulpice et qui est devenue plus tard la Bibliothèque nationale. C'est forcément un édifice avec un caractère patrimonial indéniable. Je veux dire, c'est un des bijoux, un des joyaux de notre architecture. Il est fort avantageusement situé, sur la rue Saint-Denis. Il est dans ce quadrilatère où se trouve l'université d'État, l'Université du Québec à Montréal. Il est forcément à proximité du plus grand cégep francophone au centre-ville, le cégep du Vieux-Montréal, un édifice, effectivement, je le répète, qui a un caractère patrimonial indéniable. Bon. Mais il le voit vide. Est-ce qu'il serait en train de croire et de penser que l'État, propriétaire de cet édifice, laisserait à l'abandon un tel édifice et ne trouverait pas une vocation culturelle, et fort probablement et fort possiblement une vocation culturelle, mais se rattachant à l'édition, à la lecture, à tout cela? Non. Ce n'est pas l'attribut du gouvernement actuel, M. le Président.

Je sais que le gouvernement précédent a laissé des maires vandales détruire des morceaux de patrimoine dans certaines villes. Je vous rappellerai le triste épisode de la ville de Montmagny, où le maire de Montmagny avait lancé les bulldozers, qui était la version pré-XXIe siècle d'Attila et des Huns, et détruit un édifice patrimonial qui était mais tout à fait exceptionnel. Non, ce n'est pas l'attitude de ce gouvernement face à la conservation du patrimoine. Nous l'avons dit, nous avons une autre façon de faire les choses, et cela va également dans le domaine de la culture, et cela va pour la préservation du patrimoine.

Donc, inquiétude face à, entre guillemets, la non-utilisation de l'ancienne bibliothèque Saint-Sulpice, celle dont on vient de parler, sur la rue Saint-Denis. Mais, même encore là, moi-même, en ma qualité de député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, j'ai, à date, rencontré je ne sais combien à la fois d'organismes et d'individus, et j'en ai fait part d'ailleurs à ma collègue et amie la ministre de la Culture, bien des gens qui ont des idées très originales, fort peu sinon presque pas du tout financièrement importantes pour le ministère de la Culture et pour l'État, de façon à rentabiliser au maximum un édifice d'une telle beauté et géographiquement si bien situé.

Maintenant, pour s'opposer tout en ne s'opposant pas tout à fait, mais hors de tout doute s'opposant à son collègue d'Outremont, le député de Jacques-Cartier, là, vient de découvrir, à quelques centaines de mètres plus loin, l'édifice qui sert de bibliothèque pour la ville de Montréal, mais un édifice, il faut le dire, où, certes, il y a eu des rénovations, mais un édifice qui malheureusement ne répond plus du tout aux besoins de la population et ne répond plus du tout aux besoins, aussi, d'une population qui a choisi cet endroit pour y vivre, puisque c'est une population étudiante également et qui a besoin de l'accès à une bibliothèque.

(17 h 50)

Je sais que ça agace certains lorsqu'on leur dit que les étudiants iront à la bibliothèque, en disant: Bien oui, mais ils en ont une à l'université, ils en ont une au cégep. Je n'ai malheureusement pas pu l'inaugurer parce que nous étions en session, mais je pense que tous les élèves du cégep du Vieux-Montréal sont très heureux de voir la nouvelle bibliothèque qu'ils ont, reconnaissent les efforts de leur député, avec l'appui de la ministre de l'Éducation, pour doter ce cégep d'une très belle bibliothèque que je vous invite d'ailleurs à visiter, M. le Président.

Ceci dit, l'édifice, qui est situé sur la rue Sherbrooke, en face du parc Lafontaine, et qui sert actuellement de bibliothèque nationale, n'est pas un édifice, malgré les carences que cet édifice peut présenter, que l'on verra demain matin barricadé avec une affiche «à louer», «à vendre», etc., et ce n'est pas un endroit qui sera squatté. Il y a toujours une fonction pour un édifice de cette nature, de cette ampleur. Donc, je ne comprends pas le raisonnement du député de Jacques-Cartier à ce niveau-là.

Et puis il y a tout ce débat sur la très grande bibliothèque qui est un petit peu artificiel, puisque, très candidement, le député d'Outremont disait: Oui, mais, somme toute, moi, je suis favorable à l'établissement de cette Grande bibliothèque nationale, mais, si je m'y oppose, c'est beaucoup pour susciter un débat. Bon, il est gentil de susciter un débat, mais faut-il qu'il en sorte des idées claires.

La directrice du journal Le Devoir faisait des références assez intéressantes. Elle parlait justement de ce que nos amis d'en face – puisqu'il convient de les appeler comme ceci – disaient. J'essaie de retrouver la phrase très exactement. Elle disait: «Les recteurs et principaux des universités sont absolument d'accord avec la création de cette bibliothèque.» Mais elle disait: «Dans le cas du critique de l'opposition en matière culturelle, le député d'Outremont, qui a lu dans une revue américaine universitaire que tout document peut désormais se pulvériser en bytes et être bientôt consommable jusque dans nos chambres à coucher, drôle de proposition pour le plaisant usage de ces lieux! L'immeuble de la Grande Bibliothèque serait donc superflu. L'histoire ne dit pas où il entreposerait, d'ailleurs, les ouvrages qu'on transforme en bytes – puisqu'il a employé cette expression – et qui ont été produits par l'humanité en grand nombre depuis l'invention de l'écriture.» Elle poursuivait son article: «Peut-être que dans les bibliothèques de quartier en général, et celle d'Outremont en particulier, mais il n'a pas l'air de vouloir réduire les immeubles en puces. Et pouvons-nous nous passer du Parlement et de ses députés maintenant que nous pouvons lire leurs profondes pensées sur Internet?»

Je suis bien prêt à subir une courte dérision, puisque je suis membre de ce Parlement, moi aussi, mais je pense que le propos de Mme Bissonnette était le bienvenu, était à propos, pour faire un pléonasme. Si mon collègue fait du néologisme, moi, je ferai du pléonasme.

Et le béton. Le député d'Outremont a une hantise du béton, et, selon lui, y investir serait une erreur terrible. Et elles étaient belles, les réponse qui lui ont été faites d'ailleurs par l'Académie des lettres, l'Union des écrivains et d'autres aires de culture qui savent dire la mémoire et l'importance des pierres. Je ne comprends pas «investir dans le béton». On pourrait peut-être tenter de retourner dans l'histoire et de se dire: Je ne voyais pas l'utilité, pour Louis XIV, d'investir dans le béton. Bon. Il ne l'aurait pas fait, mais, par contre, nous n'aurions pas eu la pierre. La pierre et le béton, c'est la même chose. Nous n'aurions pas eu Versailles, auquel le député de LaFontaine est tant attaché.

Nous pourrions aller beaucoup plus loin, retourner à des temps encore plus anciens. Nous n'aurions pas eu le Colisée, nous n'aurions pas eu les Pyramides, nous n'aurions pas eu un paquet de choses, avec un raisonnement qui est: Bien non, il ne faut pas investir dans le béton, il ne faut pas investir dans la pierre; on va se faire une bibliothèque purement et simplement virtuelle, elle va flotter dans nos têtes ou devant un écran d'Internet. Ça ne peut pas résister, vous voyez?

Parlant de cela, enfin la directrice du Devoir disait: «Mais où – le porte-parole de l'opposition, elle l'interpelle par son nom – a-t-il puisé cette position indigne de sa formation, qui, durant les mandats de Lise Bacon – je veux bien en convenir puisqu'elle était ma vis-à-vis – et puis de Liza Frulla, au ministère de la Culture, a été à l'origine d'un renouvellement sans précédent des grands équipements culturels du Québec, mais qui ont tous été construits en béton?»

Une voix: Bien oui!

M. Boulerice: On n'en a pas fait en bois...

Une voix: Voilà!

M. Boulerice: ...ou, je ne sais pas comment on appelle ce bois qui sert justement pour les décors et pour les scènes, en balsa, qui est extrêmement léger et qui se...

Sans doute, son chef, M. Johnson, a-t-il évité de s'en mêler, lui dont on sait qu'il n'a frissonné qu'une fois pour un immeuble culturel au point de court-circuiter toutes les règles de prudence et d'examen, de réflexion et d'intelligence, que le porte-parole actuel exaltait au centuple aux termes de la commission. Il nous rappelle que c'était en 1990, quand le chef de l'opposition actuel – le chef quittant de l'opposition actuel – avait gaspillé d'un coup sec 13 000 000 $ dans le trou béant du Musée du rire. Et au député de Jacques-Cartier qui s'intéressait et qui s'interrogeait, à juste titre d'ailleurs, je ne vais pas le lui reprocher, sur le maintien des bibliothèques de quartier, on pourrait retourner la crêpe et lui dire que ces 13 000 000 $ eurent été bien mieux dépensés au niveau de l'amélioration des collections des bibliothèques de quartier. Et je me souviens comment le député de LaFontaine, à la commission de la culture, au moment où nous intéressions au développement de la politique culturelle, ne cessait, avec mon appui d'ailleurs, d'interpeller la ministre de la Culture pour une bibliothèque dans le quartier dont il est le député. Et c'était là une revendication mais on ne peut plus légitime. Et je m'en serais voulu, M. le Président, de ne pas l'appuyer.

Ceci étant dit, je vois que le temps... Malheureusement, je suis trop longtemps, mais je pourrai sans doute intervenir de nouveau. M. le Président, je pense que, dans ce débat qui est très important et qui vise le développement de la culture, l'accessibilité à la lecture, etc., que nos amis d'en face devraient quand même faire un petit effort. Il leur prendra une seule minute, comme vous me faites signe qu'il ne me reste qu'une seule minute, mais qu'ils se parlent entre eux et qu'ils parlent des vraies choses et des véritables enjeux pour la population montréalaise et pour l'ensemble de la population québécoise et qu'ils ne regardent pas un équipement culturel comme un investissement dans le béton.

On construit des aéroports parce qu'on dit: Il y a un développement du tourisme et de l'aéronautique. Mais jamais on ne fait allusion en disant: Bien, oui, mais on investit dans le béton en construisant un aéroport. Et Dieu seul sait qu'on a fait des erreurs à l'occasion en construisant certains aéroports. Donc, qu'on arrête d'avoir ce réflexe, lorsqu'il s'agit d'un équipement culturel, de toujours se dire: Est-ce que justifié? alors qu'il a été prouvé depuis des années... Et c'était, M. le Président, le premier discours que je faisais en cette Chambre. Je citais les chiffres des mines, et la culture rapportait plus qu'un investissement dans les mines.

Alors, investissons donc dans la culture, on s'en portera mieux et nous serons tous d'ailleurs moins ignares.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Étant donné qu'il est 18 heures, nous allons ajourner nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 heures)


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