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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 26 mai 1998 - Vol. 35 N° 183

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Table des matières

Présence des athlètes et des médaillés québécois aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques de Nagano

Présence du président des derniers Jeux du Québec, M. Serge Savard

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence des athlètes et des médaillés québécois aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques de Nagano

Alors, pour débuter la séance, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes des médaillés québécois des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques de Nagano.

De plus, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes des athlètes québécois qui ont participé aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques de Nagano.


Présence du président des derniers Jeux du Québec, M. Serge Savard

Et, finalement, j'ai le plaisir également de souligner la présence dans nos tribunes du président des derniers Jeux du Québec, M. Serge Savard.


Affaires courantes

Alors, nous abordons les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles, ni présentation de projets de loi, ni dépôt de documents.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions ni de dépôt de pétitions.


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège


Gestes posés présumant l'adoption du projet de loi n° 438

Alors, aux interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, j'ai reçu, dans les délais requis, de M. le député de Nelligan une demande d'intervention portant sur une violation des droits de l'Assemblée nationale relativement au projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance, présenté à l'Assemblée le 12 mai dernier par le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Cette demande, d'après M. le député de Nelligan, découle du fait que, entre autres choses, Héma-Québec a déjà été créé en vertu de lettres patentes et que l'attitude du ministre de la Santé et des Services sociaux dans ce dossier constituerait donc un outrage au Parlement.

Alors, je prends cette question en délibéré et je rendrai ma décision à ce sujet dans les meilleurs délais, et si possible aujourd'hui.

M. le leader de l'opposition officielle, oui.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous nous avez indiqué que vous allez rendre votre décision dans les meilleurs délais aujourd'hui. Simplement pour vous aviser que le leader du gouvernement nous a déjà fait part d'appeler ce projet de loi immédiatement après la période de questions. Dans les circonstances, M. le Président, sans vouloir mettre une pression indue sur la présidence, si vous en concluez qu'il y a outrage au Parlement, cette décision devra être rendue très rapidement pour ne pas cautionner la démarche du leader du gouvernement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il n'est pas coutume, sauf que vous le permettez de temps à autre, de parler de la recevabilité de cette motion. Simplement pour les besoins de votre décision, je pourrais en faire lecture, mais je pourrais vous demander de déposer à ce moment-ci une argumentation qui permettrait de prendre votre décision.

Le Président: Oui, parce que je ne voudrais pas qu'on commence un débat, là, sur ça. Alors, écoutez, je prends en considération... D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle j'ai indiqué, d'entrée de jeu, que j'entendais essayer de rendre la décision aujourd'hui même parce que j'ai été informé également du calendrier législatif. Alors, je vais faire le nécessaire pour aller rapidement.

M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement, M. le Président, pour vous permettre de prendre le temps nécessaire et de rendre la décision avec les délais qui s'imposent – c'est une question qui est toujours complexe, la question de droit et de privilège comme telle – est-ce que vous pourriez utiliser vos pouvoirs et demander au leader du gouvernement d'attendre, avant d'appeler en Chambre ce projet de loi, que vous ayez rendu votre décision qui concerne les droits et privilèges de tous les parlementaires de cette institution?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, tant que le projet ne sera pas adopté, il a toujours le temps de faire sa motion ou sa demande de question de privilège. Je déciderai en temps et lieu ce que je ferai à ce moment-là, M. le Président.

Le Président: De toute façon, je vais faire le nécessaire pour faire en sorte que... Je comprends très bien le sens de la demande de l'opposition officielle et je suis très conscient que, si, effectivement, à l'occasion de l'étude du principe du projet – parce que finalement on est à l'étape de l'étude du principe – il y avait lieu de donner raison au député de Nelligan, je pense qu'il faudrait que l'Assemblée soit informée le plus rapidement possible.

Alors, je vous avise qu'après la période de questions et de réponses orales M. ministre du Travail va répondre à une question posée le 21 mai dernier par M. le député de Kamouraska-Témiscouata concernant la fermeture des magasins Légaré.


Questions et réponses orales

Alors, nous abordons maintenant la période de questions et de réponses orales. Mme la chef de l'opposition officielle, en principale.


Tenue d'une commission parlementaire sur l'état du système de santé

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, pendant que le premier ministre était aux États-Unis pour tenter de réparer les pots qu'il avait lui-même cassés, le président du Conseil du trésor, lui, semblait fier de tenter de nous faire croire que ses coupures aveugles dans les soins avaient amélioré le système de santé en affirmant que la réforme était un succès. Hier, le premier ministre a endossé sans réserve la déclaration de son président du Conseil du trésor.

Si la réforme de la santé, comme ils le prétendent, est un succès, M. le Président, les malades qui sont en attente d'une chirurgie cardiaque les ont-ils crus? Les patients en attende de chirurgie orthopédique les ont-ils crus? Les infirmières qui, elles, sont à bout de souffle, les ont-ils crus? Les médecins qui quittent le Québec les ont-ils crus? Le Comité provincial des malades les a-t-il crus? Le Protecteur du citoyen et les parents dont les enfants souffrant d'une déficience physique doivent attendre jusqu'à trois ans pour avoir un traitement les ont-ils crus? Les personnes âgées qui sont déracinées de leur milieu de vie, les personnes en attente pour recevoir des soins de santé à domicile les ont-ils crus? M. le Président, chaque fois qu'on pose une question au gouvernement sur les soins de santé, on nous accuse de désinformation ou encore de manque d'objectivité.

(10 h 10)

Ma question au premier ministre, M. le Président: Pourquoi ne convoque-t-il pas une commission parlementaire au lieu de payer 11 000 000 $ en publicité pour redorer l'image du ministre? Pourquoi ne convoque-t-il pas une commission parlementaire pour les entendre lui dire que les choses sont différentes et que, finalement, ce qui est un succès dans la santé, ce sont les coupures aveugles qu'il a fait subir aux soins de santé et aux malades?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, personne ne peut nier que la réforme de la santé était une opération absolument nécessaire dont tout le monde a convenu, y compris même le parti qui forme maintenant l'opposition à l'époque où il était au gouvernement, qui a même essayé de la faire, mais qui n'a pas été capable, qui a manqué de courage, qui a manqué de réalisme et de sens des responsabilités, qui a démissionné, qui a répudié le ministre porteur du dossier, M. Marc-Yvan Côté, pour nous laisser dans la situation où nous nous sommes trouvés quand le Parti québécois a été élu en 1994.

Alors, cette réforme, M. le Président, nous n'avons pas hésité à l'entreprendre dans des conditions difficiles, puisque trop tard, bien longtemps après qu'elle aurait dû être faite par les gens qui nous ont précédés et qui savaient qu'elle devait être faite, qui ont essayé et qui n'ont pas été capables. Alors que tout le monde l'a à peu près fait ailleurs, nous, on l'a faite plus tard et, bien sûr, il faut la faire plus rapidement, puisque ça s'est fait tardivement.

Ceci étant dit, M. le Président, nous touchons au but. Nous sommes aux trois quarts de la course qui nous amène à la fin de la réforme. Déjà il y a des gains remarquables qui ont été obtenus. Et, là-dessus, je voudrais uniquement donner un exemple de la démagogie à laquelle on fait face. C'est normal dans une réforme. Par exemple, la chef de l'opposition vient de reprendre à son compte un article qui a paru hier dans un journal, dans un quotidien, qui disait que 359 personnes sont en attente de chirurgie cardiaque, que c'est dramatique, etc. Or, justement, il y a là une désinformation extraordinaire, puisque, dans le cas des chirurgies cardiaques, nous sommes maintenant à un délai d'attente qui est coupé de la moitié par rapport à ce qu'il était il y a un an et qu'à Saint-Luc c'est trois semaines. Alors que l'an dernier c'était trois et quatre mois, à Saint-Luc, maintenant, c'est trois semaines; Notre-Dame, ça peut aller jusqu'à un mois ou deux. Mais nous sommes, en gros, à la moitié de ce que c'était il y a un an. Donc, on progresse, M. le Président, et puis on va beaucoup mieux que ça allait du temps des libéraux.

Je voudrais dire que, pour les commissions parlementaires, M. le Président, c'est un exercice de politique partisane auquel veut se livrer l'opposition.

Des voix: ...

Le Président: En terminant, M. le premier ministre.

M. Bouchard: C'est évident, M. le Président, depuis des mois qu'on assiste à une démarche partisane de la part de l'opposition qui essaie de tout faire pour inquiéter les gens, alors qu'on sait que 80 %, 90 % des gens qui ont des soins en sortent très satisfaits de la façon dont c'est réalisé. C'est une démarche aussi qui a le mauvais côté et l'impact négatif de se faire au détriment de la qualité des personnels de santé qui oeuvrent dans les établissements au Québec. Ce sont des gens, il faut le rappeler, qui sont soumis à un défi extrêmement difficile. Il y a des changements considérables qui leur sont demandés dans la façon de rendre les soins. On peut comprendre une fatigue, on peut comprendre que beaucoup leur est demandé. Ils ont réagi magnifiquement bien.

Et, M. le Président, je voudrais que l'opposition cesse de déprécier notre système de santé, qui se compare très avantageusement à tous ceux qui nous entourent.

Le Président: Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, il faut le faire, accuser l'opposition d'une commission partisane, quand on pense, par exemple, à la commission sur Calgary.

M. le Président, comment le premier ministre peut-il s'associer à la démolition de notre système de santé? Et qu'est-ce qu'il pense, par exemple, de la vision du Protecteur du citoyen, qui, lui, par exemple, disait qu'en 1997-1998 le Protecteur du citoyen a reçu 900 plaintes? Le premier ministre dit que ça va bien, que 80 % à 90 % de la population est d'accord. Le Protecteur du citoyen a reçu 900 plaintes: une augmentation de 60 % par rapport à 1995-1996. Est-ce que le premier ministre, au lieu d'accuser l'opposition de démagogie ou encore de désinformation, peut convoquer une commission parlementaire afin de faire toute la lumière?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, comme le soulignait le premier ministre, c'est sûr qu'une période de trois années, comme celle qu'on vient de traverser, avec une réorganisation majeure du système de santé et de services sociaux entreprise en retard, qui a dû se faire très rapidement, dans un contexte budgétaire et financier terriblement difficile, c'est sûr qu'on arrive à un moment où il y a des fragilités importantes dans le système de santé. Et, quand on s'apprête à consolider une transformation comme ça, c'est assez délicat, et il faut y aller avec beaucoup de soins et non pas à la hache, comme les gens semblent approcher, en face de nous, le système de santé.

Il faut d'abord avoir le bon diagnostic. C'est un fait, ce n'est pas une question de jouer avec des statistiques puis avec des chiffres, mais c'est un fait réel que, quand on regarde à peu près tout ce qui s'est passé, que ça soit les temps d'attente dans les urgences, les temps d'attente pour les opérations, les temps d'attente pour avoir des soins de longue durée et dans sa communauté, pas déraciné, dans sa communauté, tout ça s'est amélioré, M. le Président. Il y a encore des améliorations importantes à apporter et, à mesure qu'on va être capable de réinvestir dans le domaine de la santé... On a maintenant un système qui a augmenté énormément sa performance et qui est prêt à faire encore un autre grand bond en avant.

Et, malgré la fatigue, malgré l'essoufflement, il y a dans le réseau des hommes et des femmes qui ont une grande fierté de ce qu'ils ont fait et qui sont prêts à en faire encore beaucoup plus. Hier, par exemple, pour prendre des choses concrètes, c'était la journée annuelle de remise des prix Persillier-Lachapelle où on reconnaît dans le réseau, par un processus de sélection très rigoureux de gens qui soumettent leur candidature pour des réalisations dont ils sont fiers, des innovations dans la façon de rencontrer de façon plus adéquate les besoins des gens. Cette année, il y a eu plus de candidatures qu'il n'y en a jamais eu: on avait 400 personnes avec une grande fierté de ce qu'elles ont fait, malgré les difficultés. Alors, il faudrait faire attention de ne pas faire de la mauvaise politique en tapant sur un système de santé qui se sort d'une période difficile et qui ne demande pas mieux que d'avoir la paix pour bien faire son action, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. M. le Président, est-ce que le premier ministre va continuer à refuser de tenir une commission parlementaire sur notre système de santé et à traiter tous les gens qui interviennent, à partir des malades jusqu'aux médecins, jusqu'à l'opposition officielle, jusqu'aux journalistes, les médias, de démagogues? Est-ce qu'il va au moins prendre en considération les propos tenus par son prédécesseur, M. Jacques Parizeau, qui s'exprimait comme suit? Il a soumis que la réforme de la santé avait été bien amorcée par le Dr Rochon mais qu'on a cherché à aller trop fort, à aller trop vite et qu'on lui demande d'aller plus loin encore. Encore des coupures de 200 000 000 $, cette année. M. Parizeau a ajouté, et je le cite, M. le Président: «Ce sont des cas où trop fort casse. Faire disparaître toutes les infirmières en même temps, ce n'était pas la trouvaille du siècle», dixit Jacques Parizeau. Est-ce qu'il faut ajouter son nom à la liste des démagogues?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, quand on fait une réorganisation de l'importance de celle qui a été faite dans les conditions où elle a dû être faite, il n'y a pas de livre de recettes éprouvées que l'on suit, il faut vraiment avoir des équipes, comme ç'a été le cas, sur le terrain, dans les régions, au ministère, qui peuvent organiser une transformation comme ça, la suivre de très près et corriger le tir à mesure qu'on avance, et c'est ça qui a été fait. Et, quand il y a eu des actions qui ont été faites qui se sont avérées n'avoir pas été nécessairement la meilleure façon de s'y prendre, à chaque moment on a pu corriger, et réajuster, et atteindre les buts qu'on s'était fixés.

La question d'une commission parlementaire, c'est vraiment de vouloir retomber dans l'atavisme qui a été celui de l'ancien gouvernement: au lieu d'agir, parler. On a fait pendant tout l'automne, localement, régionalement et sur l'ensemble du Québec, un bilan et dégagé des perspectives pour l'avenir. On vient de terminer une consultation sur le projet de loi n° 404 qui réorganise certains éléments de notre système de santé pour l'alléger, pour le faire fonctionner de façon moins centralisée encore plus, M. le Président, et tout le monde nous a dit, tout le monde, constamment, a dit que le sens de cette réforme-là... Ils la voulaient et la veulent encore, que le temps n'est pas à discuter puis à faire des commissions, puis à faire des papiers, le temps étant à l'action. Les gens savent quoi faire, qu'on les laisse faire tranquilles et qu'on arrête de bûcher sur ces gens-là, M. le Président, et les choses vont aller beaucoup mieux.

(10 h 20)

Le Président: En question principale, M. le leader de l'opposition officielle.


Motivation du personnel médical dans le cadre de la réforme de la santé

M. Paradis: Oui. M. le Président, est-ce que le premier ministre du Québec va continuer à refuser la tenue d'une commission parlementaire sur les soins de santé? Est-ce que le premier ministre va continuer à croire son ministre de la Santé ou le président du Conseil du trésor ou s'il ne s'en référera pas plutôt aux gens qui oeuvrent dans le milieu, ceux et celles qui sont proches des patients, les infirmiers, les infirmières auxiliaires, les préposés aux bénéficiaires, les comités de malades, le Protecteur du citoyen?

Ce matin encore, un journal titrait: Au CHUM – Centre hospitalier de l'Université de Montréal – un des influents chirurgiens quitte et réclame la tutelle du principal hôpital au Québec. Je cite le Dr Gravel, M. le Président: «Tout le monde a l'impression de s'être fait flouer dans la fusion et que la seule chose qui reste est une opération de restrictions budgétaires.» Tout ce qui reste, une opération de restrictions budgétaires, 200 000 000 $ encore cette année. En parlant de la direction générale maintenant, du CHUM, M. le Président, est-ce que le premier ministre va choisir de croire son ministre de la Santé ou s'il va intervenir? «Elle ne comprend pas la vie dans un hôpital, ni les médecins, ni les travailleurs. Elle a investi plus de 1 000 000 $ dans des bureaux et, en même temps, cinq à sept salles de chirurgie par jour ne fonctionnent pas.» Est-ce que c'est ça, un système de santé qui fonctionne suivant les voeux du premier ministre? Est-ce qu'il n'est pas temps de tenir une commission parlementaire sur ce système de santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Bon, les gens ont droit à leur opinion, M. le Président, mais il faut faire attention pour ne pas généraliser à partir de l'échantillon de un. Non, mais c'est ça.

Il y a quelques semaines encore, j'ai rencontré, pas seulement le Dr Gravel, mais tout l'exécutif du Conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens du CHUM. Il y a eu aussi une série de rencontres qui se sont faites avec tous les dirigeants administratifs et médicaux de tous nos CHU, des instituts et des centres d'enseignement au Québec. Il y a présentement une opération, qui est en cours, de réinvestissement dans le domaine de la santé, et spécialement dans les CHU, pour le développement qui a été prévu avec eux il y a deux ou trois ans.

C'est un fait que, dans les deux, trois dernières années, ça a été la partie difficile qui a été traversée, parce qu'il fallait d'abord procéder à la réorganisation et à des fusions de ces établissements-là, et là on va entreprendre la période plus intéressante de réinvestissement pour les bâtir, les CHU. Alors, je peux comprendre qu'il y en a qui sont peut-être un peu, comme beaucoup, fatigués, qu'il y en a peut-être qui baissent les bras et qui choisissent de faire d'autre chose, c'est leur droit, M. le Président. Mais la majorité des gens que je rencontre, avec qui on travaille, ils ne baissent pas les bras, ils sont prêts à en découdre encore et les gens commencent à voir la vision qu'il y a devant eux et veulent les bâtir, les CHU, et ils vont le faire, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Comment le premier ministre ou le ministre de la Santé peuvent-ils parler de cas isolé? On vient de parler d'un cas, à Montréal, du plus grand hôpital. La semaine dernière, c'était à Québec: Exilé à Toronto, un médecin dénonce la réforme du ministre de la Santé . Chirurgien réputé à l'hôpital du Saint-Sacrement, le Dr Éric Poulin s'est exilé à Toronto. «Je ne suis pas parti de gaieté de coeur. Les deux institutions les plus importantes dans ma vie ont été détruites: l'Hôpital du Saint-Sacrement et mon groupe de chirurgiens.»

Comment peut-il continuer à maintenir que tout va bien, laisser promener le président du Conseil du trésor partout dans les comtés, le ministre de la Santé? Et le premier ministre lui-même, comment peut-il continuer à endosser ce derby de démolition de notre système de santé auquel il préside sans lever les bras et sans convoquer de commission parlementaire?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Que des gens, encore une fois, M. le Président, soit plus ou moins d'accord sur certaines modalités et la façon dont les choses se sont faites, que certains changements d'orientation de carrière aient dérangé des gens, dans toute réorganisation, c'est inévitable. Ce qui est important, c'est le but qui est visé et que la grande majorité, oui, la grande majorité et la majorité de ceux qui sont d'accord, de ceux qui bâtissent une transformation, ils ne s'expriment dans les journaux et ils ne courent pas dans les conférences de presse, ils travaillent et ils font le travail, M. le Président. La grande majorité des gens est après le bâtir, ce système-là.

Ce n'est pas une démolition. La démolition, elle a été entreprise avant qu'on arrive là. Et là, ce à quoi on assiste dans le fond, c'est à une opposition qui sent le contexte préélectoral, qui a un peu peur de voir tout le dommage ressortir, qu'elle a fait au système de santé, toutes les difficultés qu'on a eues en faisant une mauvaise administration, en ne faisant pas les réformes à temps. C'est des gens qui ont peur qu'on leur rappelle que leur maison mère, à Ottawa, est venue en mettre par-dessus ça en nous coupant nos budgets encore plus et que, malgré ça, on s'en sort. Ça, ils ne veulent pas le prendre, ils ne veulent pas le digérer, et à travers une espèce de charriage verbal, on va essayer de cacher la réalité du système de santé et des services sociaux. C'est ça qu'on essaie de faire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce que le premier ministre, qui continue de croire son ministre de la Santé plutôt que de croire son prédécesseur, M. Parizeau, plutôt que de croire les médecins, va au moins croire ce matin les représentants des travailleurs et des travailleuses du secteur de la santé à tous les niveaux, là?

La CSN, ce matin, le titre est assez virulent, M. le Président. Je pense que je n'ai pas le droit de le lire comme tel. Pour votre information: «Mensonges, accuse la CSN, quand ils écoutent le premier ministre...»

Des voix: Bravo!

Le Président: Vous savez très bien, vous êtes sans doute un des vétérans parlementaires et un des plus habiles parlementaires, alors je vous demanderais d'en rester au respect du règlement.

M. Paradis: Oui, M. le Président, pour me conformer à votre directive, je vais citer exactement ce qu'a dit la CSN: «Continuer à dire que tout va bien – comme fait le premier ministre – et que cette réforme est un succès équivaut à tromper la population et à lui cacher les lacunes existantes.»

Quand allez-vous faire la lumière sur le marasme qu'a créé votre ministre de la Santé dans le secteur de la santé au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai beaucoup de respect pour la CSN et pour les jugements qu'elle porte dans cette nature. C'est aussi un des grands syndicats qui va s'engager bientôt dans une démarche de négociation avec le gouvernement, un ensemble de syndicats qui demandent 11 % d'augmentation de salaires avec tout ce que ça représente. On peut comprendre que, dans une démarche légitime, syndicale, de négociations, la CSN est en train de créer le rapport de force qu'on connaît, et je pense qu'il doit y avoir une part de ça dans le jugement très négatif que porte la CSN. Cependant, j'aimerais citer à l'opposition un article paru dans la revue Le Bel âge en avril, donc récent, sous la plume de l'éditrice Mme Francine Tremblay.

Il y a un petit passage que je voudrais lire qui est un témoignage qu'il faut noter aussi par rapport à ce qui se passe dans la santé, et je cite: «Mais tous les bons soins qui ont fait la différence pour des patients en phase terminale, tous les petits miracles médicaux qui ont sauvé la vie de millions de Québécois, toute l'efficacité dont font preuve les services de maintien à domicile passent en général sous silence. Un silence lourd de conséquences.»

Un autre passage du même article. «Le virage ambulatoire était un exercice devenu nécessaire. Même les groupes de pression en ont reconnu le bien-fondé.» Et, en terminant: «Toutefois, en mettant l'accent sur des cas isolés dont les tenants et aboutissants ne sont pas toujours en relation avec les restrictions de la réforme, je me demande si l'arbre ne nous empêche pas de voir la forêt.»

Une voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de Westmount–Saint-Louis.


Négociations avec les médecins omnipraticiens

M. Chagnon: M. le Président, hier, le premier ministre faisait quelques commentaires concernant des cliniques médicales privées. Il n'excluait pas, disait-il hier, le recours à une loi spéciale. Je voudrais savoir aujourd'hui du premier ministre si lui ou quelqu'un de son bureau a donné un mandat à une firme – Jules Brière ou à n'importe qui – pour faire et écrire une loi spéciale sur le sujet.

Le Président: M. le premier ministre.

(10 h 30)

M. Bouchard: Non, M. le Président, et ces deux mots que vient de prononcer le député, «loi spéciale», n'ont jamais franchi mes lèvres. Il y a un journaliste qui a voulu me le faire dire, je n'ai pas voulu le dire, ce qui a fait conclure au journaliste que je n'écartais pas une loi spéciale.

M. le Président, la situation est la suivante, comme on le sait. Les médecins omnipraticiens sont en négociations, enfin ont amorcé le départ des négociations par des demandes, ce qui est un processus également très légitime. Il y a eu une journée d'étude, on l'a vu. On en annonce d'autres, dit-on. Ce que je constate et ce que j'ai constaté jusqu'à maintenant dans l'histoire des services médicaux au Québec, c'est que les médecins ont toujours rempli leurs obligations professionnelles en matière de santé et de services médicaux, il n'y a pas de raison de penser qu'ils vont déroger à cette ligne de conduite qui leur fait honneur. Je postule qu'ils vont remplir leurs obligations et je pense que ce genre de question n'est pas pertinente pour le moment.

Le Président: M. le député de Châteauguay, en principale.


Tenue d'une commission parlementaire sur la déclaration de Calgary

M. Fournier: Merci, M. le Président. À trois reprises, comme il en a été question, à trois reprises depuis une semaine, le régime péquiste a choisi de dire non aux priorités des Québécois et non à une commission parlementaire sur la santé. Ce régime a préféré dire oui à l'astuce, oui aux détournements d'institutions, oui à un exercice bidon et paqueté d'avance sur Calgary. Après l'opposition, et dans la foulée de nombreux commentateurs, voilà que la relève péquiste, il y a deux jours, Jacques Parizeau, au nom de ce régime, avouait que cette commission était un piège, une farce. M. le Président, j'ai des petites nouvelles pour le premier ministre, l'Assemblée nationale n'est pas une instrument de farces et d'attrapes.

Quand le premier ministre va-t-il commencer à avoir un minimum de respect pour nos institutions? Quand est-ce que le premier ministre va réaliser que, en tentant de piéger l'opposition, c'est tous les Québécois inquiets de son saccage dans la santé qu'il piège? Pourquoi ne pas annuler cette commission bidon?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, j'ai mis la main hier sur la coupure de presse du journal où on cite les propos de M. Parizeau concernant Calgary puis la commission. Quand on lit le verbatim, il n'est pas du tout évident que M. Parizeau a qualifié de farce la commission elle-même. Il a qualifié de farce, Calgary, cette déclaration qui nous vient de Calgary. Il y a une distinction à établir, M. le Président.

Deuxièmement, je ne sais pas où l'opposition veut en venir. Est-ce que c'est pour préparer le refus de son nouveau chef de comparaître devant la commission? Peut-être qu'on devrait nous le dire, une bonne journée.

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, pourquoi le premier ministre choisit-il de manipuler les informations? C'est très clair, dans l'article, que l'ancien premier ministre, celui qui a été élu avant vous, dit clairement que c'est une farce.

Le Président: Est-ce que je pourrais rappeler à certains d'entre vous que votre collègue le député de Châteauguay était en train de poser la question? Je pense que j'aimerais bien l'entendre.

M. Fournier: M. le Président, je sais que je suis en additionnelle. Comment le premier ministre peut-il choisir de manipuler des citations du premier ministre qui a été élu, qui dit clairement qu'il s'agit d'une astuce, d'une attrape, que c'est bidon? Comment le premier ministre, M. le Président, dans la foulée de Jacques Parizeau, de l'opposition et de nombreux commentateurs, peut-il aussi refuser de s'apercevoir qu'aujourd'hui, ce matin, on est rendu au tiers des témoins qui se sont désistés: neuf sur 30 ont déjà décidé de bouder sa commission bidon? Quand est-ce qu'il va se rendre compte que tout le monde a vu que c'était une attrape, cette affaire-là? Et, à la place, qu'il tienne donc une commission sur la santé pour s'occuper des vraies priorités des Québécois. Qu'il fasse donc quelque chose d'honorable pour une fois!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous voici à un moment où la plupart des législatures des provinces canadiennes ont adopté la déclaration de Calgary, qui est la réponse formelle et définitive du Canada anglais aux aspirations profondes du Québec et qui est la réponse au référendum de 1995, qui est la mise en place des engagements qui ont été contractés du côté fédéraliste durant cette campagne.

Et, en plus, le premier ministre du Canada nous dit que lui-même va s'inspirer de cette déclaration pour la soumettre, d'une façon ou d'une autre, à la Chambre des communes. Il se trouverait donc que, dans l'ensemble du Canada, toutes les législatures, toutes les chambres des communes, tous les parlements se pencheraient sur cette réponse qui veut agir sur l'avenir historique du Québec et que le Québec, lui, ne le ferait pas. Le Québec va examiner cette déclaration. Nous verrons ce qu'il y a dedans. Nous verrons ce que l'opposition en pense. Qu'elle nous le dise, qu'elle se débatte, l'opposition!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Châteauguay.

M. Fournier: M. le Président, comment le premier ministre peut penser qu'il a un minimum de crédibilité dans ses attaques, dans ses réponses quand lui-même et l'ensemble de son cabinet ont refusé de participer à ces discussions, refusent d'améliorer le fédéralisme, refusent de travailler à la défense des intérêts des Québécois, et que son ministre responsable des Relations intergouvernementales ne rencontre jamais ses homologues? Aucune stratégie d'alliance; la chaise vide toujours. Et aujourd'hui ils voudraient dire qu'on est humiliés? Il ne nous défendent même pas, ils ne se lèvent pas debout.

Nous, nous sommes debout pour défendre les intérêts: c'est la santé, c'est l'éducation. Puis vous voulez cacher ça aux Québécois? Quand est-ce que vous allez défendre les Québécois pour une fois?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, en entendant le député tonitruer que le gouvernement refuse d'améliorer le fédéralisme, je comprends qu'il considère, lui, que cette déclaration de Calgary est l'amélioration qu'il souhaite du fédéralisme. Si c'est le cas, qu'il vienne le dire à la commission, qu'il vienne le démontrer, que nous voyions enfin le vrai visage des libéraux dans cette affaire.

Des voix: Bravo!

Le Président: Question principale, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Voyons maintenant, M. le Président, le vrai visage...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Marquette.


Usage de Ritalin pour des enfants en difficulté d'apprentissage

M. Ouimet: Voyons, M. le Président, le vrai visage du premier ministre du Québec. Il y a au moins 130 000 enfants déclarés dans nos écoles qui ont de la difficulté à lire, à écrire, à compter et à se comporter. Cependant, pour certains de ces enfants à risque, au lieu de leur donner les services d'un orthopédagogue ou d'un psychoéducateur, on les met, à partir de cinq ans, sur un médicament qui s'appelle le Ritalin.

Citation, M. le Président, Journal de Québec du 18 février dernier: «Charles-André veut lire, pas prendre du Ritalin. Charles-André connaît un retard dans l'apprentissage de la lecture. Son niveau de lecture était semblable à celui d'un élève de deuxième année. Pourtant, Charles-André est inscrit en quatrième année du primaire. En français, ses notes ont commencé à baisser. Pourtant, dans les autres matières, il avait d'excellents résultats. Des enseignants ont conseillé la prise du médicament Ritalin pour calmer l'enfant pendant les cours du français.» Voici ce que dit la mère: «Durant les cours de français, mon fils devenait effectivement agité, mais c'est parce qu'il n'arrivait pas à lire comme les autres. Le Dr Réjeanne Fiset dit que l'histoire de Charles-André ressemble à celle que vivent bien d'autres enfants.»

D'autres cas dans l'Outaouais, M. le Président. Les directions d'école...

Le Président: À ce moment-ci, je pense que vous pourriez poser votre question, s'il vous plaît.

M. Ouimet: Question au premier ministre: Par rapport à tous ces enfants à qui on prescrit du Ritalin faute de ressources, faute d'orthopédagogues, faute de psychoéducateurs, est-ce que lui, le premier ministre, accepterait que, pour ses propres enfants, s'ils avaient des difficultés de cette nature, on leur donne du Ritalin au lieu de leur donner les services auxquels ils ont droit? Est-ce que lui accepterait ça pour ses enfants?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, bien sûr, je ne suis pas au courant du cas particulier qu'on vient de mettre en exergue. Mais ce que je peux dire par rapport aux ressources financières qui ont été affectées dans les écoles pour les élèves qui sont en difficulté ou qui sont handicapés, il est vrai que nous avons modifié les règles pour l'allocation de ces ressources, mais nous les avons améliorées dans le sens de rendre plus flexible le calcul des effectifs scolaires, la façon de faire parvenir l'argent plus rapidement et plus directement à ceux qui en ont besoin.

(10 h 40)

Et ce que je peux ajouter, M. le Président, c'est que ce nouveau mode d'allocation n'a engendré aucune diminution de ressources financières allouées aux commissions scolaires pour les élèves en difficulté ou handicapés. Alors, je ne sais pas de quoi parle précisément le député, mais ce que je sais, c'est que, au point de vue des ressources financières affectées pour aider les élèves en difficulté, elles n'ont pas été diminuées d'aucune façon.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, en principale. On va laisser parler une directrice d'école qui a rendu un témoignage sous le couvert de l'anonymat parce que les intervenants scolaires ont peur de mesures de représailles.

Le Président: En principale, M. le député.


État des services professionnels dans les écoles

M. Ouimet: M. le Président, on va laisser parler une directrice d'une école qui, sous le couvert de l'anonymat, a décidé de s'ouvrir. Puis c'était dans Le Devoir d'hier, intitulé: Enfants et parents perdus . «Elle préfère taire son nom parce qu'elle n'a pas eu le temps de parler au personnel de son école primaire de Lasalle avant de livrer son témoignage. Mais avec quatre enfants par classe qui sont "sur le Ritalin", ce médicament censé aider les enfants hyperactifs à se concentrer, elle n'a aucun mal à dénoncer le manque de psychoéducateurs et d'orthopédagogues dans les écoles.»

M. le Président, on est face à un gouvernement qui impose des quotas sur le nombre d'enfants qui sont en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Si les ressources n'ont pas changé, c'est parce que le quota a été atteint. Mais le problème, c'est qu'il y a de plus en plus d'enfants qui ont des besoins, qui ont des difficultés. Faute de ressources, les gens prescrivent du Ritalin pour tenter de contrôler ces enfants-là. Le premier ministre, M. le Président, va-t-il lâcher la maudite Constitution puis s'occuper des enfants dans nos écoles qui ont des besoins?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la question fait référence au niveau de personnel spécialisé que constituent les psychologues et les orthophonistes dans les écoles, j'imagine, de la CECM. Je voudrais simplement citer une statistique qui est très importante. Si on compare le nombre de psychologues et d'orthophonistes en 1991, à la CECM, par rapport à 1997, on verra qu'il y en a plus maintenant qu'il y en avait en 1991. Et on verra, par exemple, qu'en septembre 1991 il y avait 64 psychologues; en septembre 1997, il y en avait 79. Et que, pour ce qu'il s'agit des orthophonistes, en septembre 1991, il y en avait 46; en septembre 1997, 52. Alors, on n'a pas pratiqué de coupes sombres dans le niveau des effectifs, si on compare 1997 puis 1991, et le député qui a été président de la CECM le sait, lui qui, d'ailleurs, nous disait, le 18 août 1994, je le cite: «Je suis inquiété par la dette, ça représente 12,5 % des dépenses du gouvernement. Continuer de dépenser, c'est creuser notre tombe. Mieux gérer, c'est faire autant à moindre coût.» C'est lui qui le disait, ce n'est pas moi.

Nous, M. le Président, malgré que nous soyons en train de mieux gérer en faisant ce que le député savait qu'il fallait faire en 1994, c'est-à-dire reprendre le contrôle des finances publiques, relancer l'emploi, pour ce qui est d'une comparaison entre 1991 et 1997 du nombre de spécialistes dont il parle, il y en a plus qu'il y en avait en 1991. Alors, de quoi parle-t-il maintenant? Et, s'il nous dit que les résultats ne sont pas là, bien, les résultats, ils sont là aussi parce que, à la CECM, si on compare les taux de diplomation en 1997 par rapport à 1993, ils sont passés de 79,2 % à 86,5 % et puis l'abandon scolaire a baissé de 2 %. Donc, on n'est pas en train de détruire le système d'éducation, on l'améliore maintenant par rapport à ce qu'il était à l'époque où le député était président de la CECM.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, le premier ministre peut-il comprendre maintenant, ainsi que la population, pourquoi le secrétaire général de la CSN a raison avec la citation que lisait le leader tantôt? Vous êtes en train d'induire la population en erreur. Les chiffres du ministère de l'Éducation qui sont publiés démontrent qu'il y a une baisse de 19 % au niveau des professionnels dans le domaine des services éducatifs. Ça a été dit et dénoncé par la CEQ, c'est même dans l'avis du Conseil supérieur de l'éducation que le député de Lotbinière est en train de vous montrer. Il y a une baisse des ressources, dites donc la vérité, arrêtez de mentir.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Un ancien président de la Commission des écoles catholiques de Montréal qui doit montrer aux jeunes à respecter l'autorité devrait retirer les derniers mots qu'il a dits: «Arrêtez de mentir». M. le Président, qu'il retire ses paroles.

M. Paradis: M. le Président.

Le Président: M. le leader.

M. Paradis: Je pense que même le leader du gouvernement va convenir avec moi que, si le premier ministre disait la vérité, ça faciliterait les choses.

Le Président: Je n'avais malheureusement pas entendu les derniers propos du député de Marquette, mais l'intervention du leader de l'opposition officielle vient de confirmer finalement ce qu'avance le leader du gouvernement, et, dans l'occurrence, je pense que le député de Marquette, en gentilhomme, devrait retirer ses propos.

M. Ouimet: M. le Président, au nom des enfants et des parents...

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, que le premier ministre cesse de déformer la vérité...

Le Président: Est-ce que, oui ou non... Très bien.

M. Ouimet: Mais je reformule...

Le Président: Je viens de clairement entendre que le député de Marquette vient de retirer ses propos. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je viens de citer une note qui me vient du cabinet de la ministre de l'Éducation et qui prend une photographie des effectifs concernés en septembre 1991 par rapport à septembre 1997 et qui prend une photographie des taux de diplomation et d'abandon scolaire en 1993 et en 1997. Voilà, ce sont les chiffres qui sont là, M. le Président.

Le Président: Très bien. M. le député de Laurier-Dorion, en principale.


Construction par Hydro-Québec de la ligne Hertel-des Cantons

M. Sirros: Merci, M. le Président. La décision du gouvernement d'ordonner la construction de la ligne des Cantons-Hertel soulève une vive controverse. Cette décision va à l'encontre du processus démocratique normal, défigure à tout jamais un territoire qui fait la fierté des Québécois et traite de façon inconsidérée et autoritaire toute une population. Le gouvernement justifie sa décision sous le couvert de l'urgence et de l'inexistence d'autres solutions. La construction de cette ligne a été ordonnée le 28 janvier par décret presque au même moment où le gouvernement autorisait Hydro-Québec à aller de l'avant avec son plan stratégique qui prévoit la création de nouvelles routes d'exportation.

Lorsqu'il a pris la décision d'ordonner à Hydro-Québec de construire ce qu'Hydro-Québec lui proposait de lui ordonner, est-ce que le premier ministre peut nous dire s'il a été mis au courant que ce projet servirait à des fins d'exportation, comme on voit sur la carte de TransÉnergie, filiale d'Hydro-Québec, et que ce projet figurait dans les plans d'Hydro-Québec bien avant le verglas?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce projet n'a pas été autorisé pour des fins d'exportation. Nous avons vécu au Québec, au cours des deux dernières années, trois manifestations sans précédent, ou à peu près, de verglas. Dans un cas, sur la ligne de Churchill Falls envers le Québec il y a deux ans; ensuite, dans la région de Joliette l'année dernière; et, bien sûr, le grand verglas que nous avons subi, tout le monde ou à peu près, dans la grande région de Montréal surtout, en janvier dernier.

(10 h 50)

Hydro-Québec a informé le gouvernement que, si elle avait pu compter sur des lignes de bouclage, elle aurait pu soulager considérablement le problème qu'ont subi les populations, notamment de la rive sud, et que le réseau d'Hydro-Québec est incomplet dans certaines régions du Québec par rapport à l'absence de bouclage, d'où la nécessité de compléter ce bouclage, étant entendu qu'on peut appréhender que l'évolution climatique qui est en train d'apparaître sous forme de mutation assez grave peut nous amener encore du verglas assez rapidement, peut-être même l'hiver prochain, sait-on. Alors, Hydro-Québec nous a dit: Nous ne pouvons pas compléter ce bouclage partout d'ici l'hiver prochain. Dans certains cas, ça va prendre encore deux ou trois ans; mais, dans le cas de la ligne des Cantons-Hertel, nous pouvons le faire avant l'hiver prochain, ce qui veut dire que, s'il y avait encore du verglas l'hiver prochain, on pourrait protéger ces populations du désastre qu'elles ont subi en janvier dernier. Le gouvernement a donc autorisé pour ce cas une levée, une accélération du processus d'autorisation pour qu'Hydro-Québec puisse terminer cette ligne pour l'hiver prochain.

Or, cette ligne, il faut qu'elle passe quelque part, M. le Président. Il y a environ 220 propriétaires affectés, 220. Et, sur les 220, 90 % ont signé des accords avec Hydro-Québec – autorisations individuelles – pour que la ligne puisse se faire. Il y a encore 10 %, quelque chose comme environ 22 personnes, localisées surtout dans le canton Melbourne, qui n'ont pas donné leur accord. Mais, M. le Président, la ligne doit passer quelque part. Hydro-Québec a consulté, a consulté considérablement – de nombreuses réunions. On a dit qu'elle n'a pas consulté; elle a consulté constamment. Les gens ont été rencontrés. Hydro-Québec a dépêché beaucoup de gens pour voir les citoyens concernés et, à la fin, il faut que quelqu'un assume une responsabilité. Le gouvernement l'a fait, M. le Président.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Pourquoi le premier ministre ne peut-il pas répondre simplement à la question? Est-ce qu'il savait que ça servirait à l'exportation? Est-ce qu'il savait que ce projet existait dans les plans d'Hydro-Québec bien avant la tempête de verglas?

Des voix: Oui ou non?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, dans le courant des discussions qui ont accompagné ces décisions, nous avons rencontré beaucoup les gens d'Hydro et nous avons appris qu'Hydro avait déjà su qu'elle devait faire ce bouclage, et qu'elle savait que son réseau n'était pas complet au point de vue d'une sécurité totale, et qu'une bonne journée elle devrait le terminer, mais elle n'a pas pu le faire pour des raisons qu'on peut imaginer, des contestations de toute nature, de sorte que le réseau est resté imparfait au point de vue de la sécurité d'approvisionnement des régions qui sont là. Mais il est entendu, M. le Président, que ce réseau n'a pas été construit pour des fins d'exportation; c'était pour des fins de sécurité. On n'aurait jamais levé certaines exigences quant à l'ensemble des processus d'autorisation pour des fins d'exportation. Nous l'avons fait pour des raisons de sécurité des populations concernées, M. le Président.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Est-ce que le premier ministre nie que cette ligne servirait pour de l'exportation, que le communiqué d'Hydro-Québec niant son existence dans son plan avant la tempête de verglas est faux et que la vérité n'est pas tout à fait exacte dans ce qui est véhiculé, ni par Hydro-Québec ni par le premier ministre, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je ne sais pas de quelle façon Hydro, éventuellement, lorsque les travaux d'exportation seront rendus possibles, parce qu'il y aura de l'énergie à exporter... je ne sais pas de quelle façon ça va se transporter aux États-Unis. J'imagine qu'il y a plusieurs portes d'entrée aux États-Unis; la frontière est longue. Mais ce que je sais, par exemple, c'est que l'autorisation qui a été donnée dans ce cas-ci, dans le cas de la ligne des Cantons-Hertel, l'a été pour des raisons de sécurité d'approvisionnement des populations.

Le Président: Dernière question rapide, M. le député de Chomedey, s'il vous plaît.


Utilisation à des fins partisanes de papier à en-tête du ministère de la Justice

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Vendredi, le ministre de la Justice, qui a du mal à savoir les distinctions entre les différents aspects de notre système parlementaire, a récidivé. Sur en-tête du ministère de la Justice, un communiqué de presse a été émis vendredi matin à 11 h 15: «Cabinet du ministre de la Justice, Procureur général – et ainsi de suite – de M. Serge Ménard, député de Laval-des-Rapides. Sainte-Foy, 22 mai. Vous êtes cordialement invité à assister à l'assemblée d'investiture du député de Laval-des-Rapides, M. Serge Ménard, lundi prochain.» À midi, le même jour, autre communiqué de presse, sur le même papier à en-tête, émanant du même ministère, payé par l'argent des payeurs de taxes, pour fins partisanes politiques: «Ne pas tenir compte du communiqué émis à 11 h 15 aujourd'hui. Ceci est une erreur.»

M. le Président, ce que nous désirons savoir du premier ministre, c'est la chose suivante. À moins que le deuxième communiqué ait été émis justement parce que quelqu'un dans son cabinet a enfin compris qu'il fallait lui expliquer qu'il n'y aurait pas d'investiture parce qu'il ne serait plus candidat péquiste, est-ce que le premier ministre comprend, dans ce cas-ci, que son ministre de la Justice a vraiment enfreint une des règles fondamentales dans notre système de gouvernement, utilisant l'argent des payeurs de taxes pour des fins politiques partisanes? Ce n'est pas sur en-tête de l'association péquiste de Laval-des-Rapides, c'est émis par le ministère de la Justice du Québec. Est-ce que le premier ministre va enfin se rendre compte que son ministre de la Justice ne comprend rien à notre système parlementaire et aux distinctions qui doivent exister dans notre société et exiger enfin sa démission?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ces faits me sont maintenant transmis; je les apprends maintenant. Mais je constate, en écoutant la lecture qu'a faite le député de Chomedey des deux communiqués, qu'il y a eu une erreur de commise, que les gens s'en sont rendu compte puis qu'ils l'ont corrigée immédiatement. Donc, c'est une erreur. C'est une erreur. Si on a utilisé, pour corriger l'erreur, des documents avec l'en-tête du ministère de la Justice, c'est également une erreur. Mais ces erreurs sont maintenant retirées et n'existent plus. Je présente les excuses du gouvernement, M. le Président.


Réponses différées

Le Président: Alors, la période des questions et réponses orales est terminée, mais il y a une réponse différée. Alors, M. le ministre du Travail va répondre maintenant à une question posée le 21 mai dernier par M. le député de Kamouraska-Témiscouata concernant la fermeture des magasins Légaré. Alors, M. le ministre du Travail.


Fermeture des magasins Légaré

M. Rioux: M. le Président, c'est avec bien sûr une bien grande déception qu'on a appris que Légaré, ce géant du meuble au Québec et au Canada, allait fermer ses portes. Dès la fin d'avril, nous avons appris la nouvelle et nous avons décidé d'agir. Je tiens à préciser, par exemple, que les motifs qui amènent Légaré à fermer ses portes sont des motifs économiques. Il est peut-être important aussi de bien faire comprendre à l'ensemble de nos collègues députés le rôle du ministre du Travail dans de telles circonstances.

L'article 45 de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre prévoit qu'une entreprise qui prévoit licencier plus de 10 employés pour une période supérieure à six mois doit aviser le ministère du Travail. Lorsque l'avis est reçu, bien, c'est transmis à Travail-Québec, qui, eux autres, doivent faire l'examen de la situation et mettre en place les comités de reclassement. Le travail s'est fait dans les délais prévus. L'entreprise a signalé au ministère, dans les délais prévus par la loi également, quelles étaient les procédures à suivre. De plus, M. le Président, il faut souligner que les employés qui risquent d'être sans salaire se sont référés à la Commission des normes du travail pour savoir quels étaient leurs droits. J'apprends également que la compagnie Légaré s'est dit disposée à travailler et à collaborer avec le ministère du Travail mais aussi avec le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Une autre bonne nouvelle, malgré la mauvaise, c'est qu'il y a des entreprises concurrentes, conscientes que Légaré a à son service de bons travailleurs et de bonnes travailleuses, qui ont décidé de les embaucher, amenant évidemment dans leur entreprise des ouvriers de qualité.

Alors, M. le Président, la démarche a été correctement exécutée. Tout s'est produit dans les délais conformes. Tout ce qui nous reste à dire: C'est malheureux qu'une merveilleuse entreprise de la sorte ferme ses portes au Québec. C'est malheureux.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre du Travail est en train de nous dire que, depuis qu'il a appris, le 27 avril, la fermeture des magasins Légaré, tout ce qu'il a fait, c'est de se trouver un moyen dans les lois qui concernent son ministère pour ne pas agir dans ce dossier-là de façon directe, concrète, afin de sauver 422 emplois au Québec?

Le Président: M. le ministre.

(11 heures)

M. Rioux: M. le Président, quand c'est une question de relations de travail, évidemment le ministère intervient. Comme on l'a fait d'ailleurs dans Bridgestone-Firestone; comme on l'a fait à Kenworth; comme on l'a fait dans bien des entreprises où, avec notre intervention préventive, on a réussi non seulement à sauver les emplois, mais à faire en sorte que les entreprises continuent à se développer. Alors, je pense que le député de Kamouraska-Témiscouata ne fait pas la différence entre une fermeture d'entreprise reliée à des questions économiques et une fermeture d'entreprise reliée à un problème de relations de travail. Je pense qu'il va apprendre ça avec le temps.

Des voix: ...

Le Président: Alors, rapidement, M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.

Je pense que la pratique des règles qui s'appliquent à la période des réponses différées est la même qui s'applique pour la période de questions et de réponses orales. Et, en l'occurrence, quand le temps imparti normalement à une partie ou l'autre, enfin, de ce côté-ci, la partie gouvernementale, n'est pas complété, il est possible qu'un collègue puisse ajouter, encore une fois dans les délais qui sont normalement prescrits. Alors, M. le ministre, rapidement.

M. Bertrand (Portneuf): Rapidement, M. le Président, j'aimerais rassurer, concernant la vigueur économique du secteur, le député qui pose la question. Le secteur du commerce de détail et de meubles est très dynamique au Québec. Le bilan du secteur est très positif...

Des voix: ...

M. Bertrand (Portneuf): Attendez. Les ventes au détail...

Des voix: ...

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président...

Le Président: Je pense qu'on serait bien mieux, tout le monde, de se calmer un peu. M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, quand l'économie du Québec va bien, ça leur fait mal. Les ventes au détail...

Des voix: Bravo!

M. Bertrand (Portneuf): À titre d'exemple, les ventes au détail se sont accrues au Québec de 3,3 % en 1997 et les ventes au détail globales se sont accrues de 7,1 %. Quand on compare l'administration...

Le Président: M. le ministre, je suis déjà, à quelques reprises, intervenu quand des questions étaient posées, des questions complémentaires qui n'étaient pas finalement des questions complémentaires. À ce moment-ci, je pensais que vous seriez intervenu pour indiquer comment le ministère, dans le dossier particulier, était intervenu. Mais, comme ce n'est pas le cas et que c'est d'une façon générale sur l'industrie du meuble, je pense qu'à ce moment-ci on va arrêter ça.

Alors, aux motions sans préavis.

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il n'y a pas de motions sans préavis, nous allons aller... Très bien, j'attendais que vous me le signaliez, mon cher monsieur. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, une motion sans préavis.

M. Copeman: Dès que la rubrique a été annoncée, M. le Président, je me suis levé debout.

Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de débattre de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale procède à des auditions publiques sur l'état du système de santé au Québec, notamment en ce qui concerne les conséquences des compressions budgétaires et de la réforme du ministre de la Santé sur l'accessibilité et la qualité des services offerts aux Québécois et Québécoises et qu'à cette fin entende les individus et les organismes représentant: les malades, les infirmiers et infirmières, les médecins, les administrateurs, le personnel de soutien, les professionnels de la santé, les bénévoles.

«Que le gouvernement convoque donc, à compter du 2 juin prochain, la commission des affaires sociales et demande aux individus et aux organismes de transmettre au Secrétariat des commissions leur mémoire au plus tard le jeudi 28 mai 1998.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre... M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il n'y a pas consentement pour débattre.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, en vous rappelant que nous sommes dans la session intensive à partir de ce matin, donc nous travaillons jusqu'à 24 heures.

J'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 14 heures à 18 heures et de 20 heures à 23 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de la culture procédera à l'étude du projet de loi n° 403, Loi sur la Grande bibliothèque du Québec, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Et, finalement, que la commission des finances publiques procédera à l'étude du projet de loi n° 431, Loi sur Investissement-Québec et sur Garantie-Québec, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique va se réunir en séance de travail aujourd'hui, le mardi 26 mai, de 14 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement, afin de décider des suites à donner à l'audition du Curateur public en vertu de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions à l'égard de cela? Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Oui.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Très bien. Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée maintenant. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Strictement, M. le Président, la question vous concerne directement. Lorsque vous allez rendre votre décision dans les meilleurs délais sur la question de droit et de privilège, est-ce que, à ce moment-là, vous allez aviser l'ensemble des députés, considérant l'importance de la question et que ce sont les droits et les privilèges des députés qui sont en cause, de façon à ce que tout le monde puisse bénéficier de votre décision?

Le Président: Écoutez, si tel est le souhait, je ferai le nécessaire pour que finalement les députés soient avertis.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 20.


Projet de loi n° 438


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: À cet article, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 21 mai dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance. Alors, à ce moment-ci, je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé (suite)

M. Gobé: Merci, M. le Président. Jeudi dernier, j'avais la chance – ou la possibilité, en tout cas – d'être le dernier intervenant sur ce projet de loi n° 438 étant donné que le temps de l'Assemblée était écoulé en ce qui concernait les débats. Donc, nous reprenons ce matin sur ce projet de loi, un projet de loi très important pour nos concitoyens, nos compatriotes québécois, car c'est un projet de loi qui traite essentiellement de la collecte, de la gestion et de la distribution du sang dans les hôpitaux et dans le système de santé au Québec.

M. le Président, le gouvernement, par ce projet de loi n° 438, a décidé, suite au rapport Krever, mais contrairement à l'ensemble des autres provinces canadiennes qui ont décidé de se mettre ensemble, de s'associer pour faire une agence sur le sang à l'échelon canadien pour des raisons évidentes d'uniformité, d'échanges interprovinciaux, de contrôle, de normes et de disponibilités des stocks... Le Québec a décidé de faire cavalier seul et de faire encore une fois bande à part.

Nous avons eu l'occasion, M. le Président, de faire valoir les points qui... Et je le rappelle rapidement pour les téléspectateurs qui se joignent à nous, car, depuis jeudi, il y a du temps qui a coulé, nous avons démontré que cela aura et amènera certainement certains problèmes aux Québécois et au système de sang sans pour autant donner un meilleur service, un meilleur approvisionnement ou une meilleure qualité de distribution.

Pourquoi, M. le Président? C'est simple, nous sommes dans un système canadien. Le Québec, faisant bande à part, va devoir respecter les normes canadiennes de toute façon. Les régions qui, elles, sont des régions limitrophes, comme l'Outaouais ou les régions proches du Nouveau-Brunswick, vont se retrouver dans la difficulté de savoir d'où le sang va venir: de l'hôpital d'Ottawa, du Québec, de Hull. Donc, beaucoup de problèmes vont être créés. Et, en plus de ça, ça va créer, bien sûr, des coûts supplémentaires, et c'était, bien sûr, une nouvelle dans le journal qui a été publiée depuis et qui dit: «La nouvelle agence coûtera aux Québécois 39 000 000 $ de plus.»

Alors, pourquoi, M. le Président, faire cela? La question, c'est simple, c'est que, encore une fois, ce gouvernement fait passer son option, fait passer ses intérêts indépendantistes avant le but principal qui est de desservir les citoyens. Parce que, même en Europe, il y a maintenant des agences européennes du sang en train de se créer et on essaie de mettre en uniformité les différents pays européens, alors que, nous, au Québec, on va à contre-courant de tout cela. Bon.

(11 h 10)

Alors, M. le Président, qu'allons-nous faire? Qu'est-ce qui va se passer avec ça? Tout d'abord, au niveau des dédoublements, il va arriver, à un moment donné, que des services qui sont donnés par l'Agence canadienne dans certaines régions ne pourront pas être accessibles dans le Nouveau-Québec. Donc, Héma-Québec va, avec sa centralisation, ses fonctionnaires, son personnel faire en double ce qui se fait déjà ailleurs. Et ça va donc faire en sorte de rendre, des fois, plus difficile l'approvisionnement et plus difficile aussi la coordination.

Est-ce que le but du projet de loi n'est pas de faire en sorte qu'on ne retrouve pas la situation difficile et les problèmes que connaissent les gens qui sont victimes d'un mauvais système ou d'une déficience du système de distribution sanguine dans les années passées? Je pense que oui, M. le Président.

Alors, moi, il me semble que nous devrions tous mettre en conformité et dans la même direction nos interventions et nos énergies. Nous sommes dans un système, M. le Président, où on nous dit ici, au Québec: On manque d'argent pour ouvrir des lits d'opération; on manque d'argent pour désengorger les urgences. Et en même temps on va dépenser 39 000 000 $ supplémentaires dans la santé pour quelque chose qui n'est pas obligatoirement requis. Car, si nous faisions affaire avec l'Agence canadienne, eh bien, nous ferions cette économie de 39 000 000 $.

Alors, on peut se poser la question aussi: Est-ce que ça va vraiment régler les problèmes de sécurité en ce qui concerne la population? Est-ce que la population est assurée qu'elle peut vraiment en toute quiétude et en toute tranquillité avoir recours à des dons de sang, recevoir du sang? Mais aussi est-ce que les gens vont être sécurisés et vont retourner et retrouver l'habitude d'aller faire ce don de vie qui est le don de sang?

On ne le sait pas, parce que la nouvelle agence n'étant pas encore en place et ne fonctionnant pas, elle n'a pas encore fait ses preuves, et ça peut créer une espèce de flottement dans la population et ça peut créer une hésitation. Or, M. le Président, nous ne pouvons pas accepter ça. Nous demandons au ministre, et au gouvernement, bien sûr, de réviser sa position, d'aller s'asseoir avec ses collègues des autres provinces et le ministre de la Santé fédéral et de trouver avec lui les solutions et les voies pour bâtir une agence de sang canadienne de haut niveau, compétitive, avec toutes les garanties nécessaires.

Je crois que nous avons d'autres ressources et d'autres efforts à mettre actuellement dans le système de santé québécois sans aller en gaspiller dans ce domaine-là, alors que ça se fait déjà et ça va se faire ailleurs en synergie. Je pense que les gens qui vont travailler là-dessus pourraient faire d'autres choses pour soulager les misères et les malheurs de nos compatriotes québécois dans les hôpitaux. Je pense aussi, M. le Président, que 39 000 000 $ dépensés en vain pour cette nouvelle agence pourraient soulager aussi les misères et la peine et la maladie de nombreux de nos compatriotes et de nos concitoyens québécois.

Ensuite, M. le Président, nous voyons qu'il y a un échéancier à ça. Est-ce qu'on peut être assuré que cette agence sera prête? Est-ce qu'elle va être prête, est-ce qu'elle va être fonctionnelle dans les délais? On ne le sait pas. Le ministre n'a jamais répondu à ça. Est-ce que le ministre peut assurer les Québécois et les Québécoises que, pour le délai prévu, cette agence va être opérationnelle? Le ministre va nous dire: Oui, oui. Mais on voit que dans d'autres secteurs sa réforme de la santé n'a pas fonctionné comme il l'aurait voulu ou comme il l'aurait souhaité, parce qu'il s'est trompé, ou parce que les gens qui étaient en place n'ont pas compris la direction où aller ou parce qu'ils ont fait des coupures de budget très importantes au détriment des citoyens et des malades.

Alors, la même question se pose: Est-ce que le ministre ne se trompe pas actuellement? Est-ce que l'on peut lui faire confiance? Est-ce qu'on peut espérer et croire que son agence sera efficace, sera installée en temps et correspondra au meilleur intérêt des Québécois? Moi, je ne le crois pas. Je crois qu'une fois encore nous allons nous trouver devant un cafouillage.

Il suffit de se rappeler ce qui s'est produit avec les greffes d'organes. Rappelez-vous, Mmes et MM. chers collègues députés, qu'il y a un an et demi le gouvernement a décidé de transférer les greffes d'organes de Montréal vers Québec, en disant: Ça va être plus efficient, plus pratique, plus facile, il y a là un haut savoir-faire, et ça va aller beaucoup mieux. Ce sera plus facile et plus intéressant pour les malades qui attendent une greffe pour, bien sûr, continuer à vivre en bonne santé et, bien souvent, à vivre tout simplement.

Et qu'est-il arrivé, M. le Président? On se rappellera tout d'abord qu'une fois qu'il a transféré, il n'y avait pas de spécialistes ici, à Québec. Il a fallu aller en Angleterre, en Grande-Bretagne pour chercher des spécialistes, envoyer des médecins québécois à Toronto pour faire des stages pour apprendre à faire des greffes. Et c'était censé être un centre d'excellence, celui qui allait regrouper, pour la province complète, les greffes.

Après bien des cafouillages, après bien des souffrances pour les Québécois et les Québécoises, après de l'angoisse pour des gens qui attendaient cette greffe puis après comme un peu un désintéressement d'une certaine partie du public envers ce don d'organes, ce don de la vie, devant tout ce cafouillage, devant tout ce système qui semblait être un peu tourné en dérision avec toutes ces décisions, eh bien, le ministre a décidé de faire marche arrière et d'aller recommencer, bien sûr, à faire des greffes à Montréal. On voit maintenant que, depuis ce temps-là, les délais sont beaucoup moins longs, ça fonctionne bien, les gens sont contents, parce que c'était la décision à prendre, c'était le bon endroit et c'était là que ça devait se passer.

Donc, on voit que, lorsqu'on cherche à changer artificiellement le cours des choses, eh bien, ça ne fonctionne pas, ou ça coûte très cher, ou alors ça fonctionne mal. Et c'est la même chose dans Héma-Québec. Il y a au Canada l'expertise de toutes les provinces. Il y a au Canada l'expertise, et la collaboration, et le financement du gouvernement fédéral. Et qu'est-ce que notre ministre des Finances, ce Dr Folamour de la santé qui passe son temps à vouloir réinventer constamment des systèmes qui ne fonctionnent pas ou qui créent des catastrophes...

Eh bien, non, il décide avec son gouvernement que ça va se passer chez nous, ici, au Québec et nulle part ailleurs et qu'on va faire une barrière supplémentaire, une barrière, M. le Président, qui pourrait avoir des conséquences très graves. Parce que, pensons-y, que va-t-il arriver si ça ne fonctionne pas? Que va-t-il arriver si, à un moment donné, on manque de sang au Québec? Est-ce qu'on va pouvoir faire un échange interprovincial avec l'Agence? Que va-t-il arriver à ce moment-là pour la qualité puis pour la sécurité, les analyses?

Certes, dans le projet de loi, il est dit que M. le ministre de la Santé va s'associer aux normes canadiennes. Là, je suis très heureux de voir qu'il comprenne pour une fois que les normes canadiennes, ce n'est pas si mal que ça. Mais il va s'associer aux normes canadiennes. Alors, pourquoi, si on veut s'associer aux normes canadiennes, qu'on va les respecter, donc qu'on les reconnaît, faire bande à part? Pourquoi ne pas tout simplement s'associer à l'Agence canadienne, Services canadiens du sang? Ce n'est pas quelque chose d'irresponsable, puisque le ministre vient de nous dire: Les normes, je vais les respecter. C'est dans le projet de loi.

Alors, vous voyez, encore une fois, nos compatriotes, nos concitoyens québécois vont faire les frais de l'aveuglement idéologique de ce gouvernement, cet aveuglement idéologique qui fait en sorte que toute décision prise par ces gens tend inexorablement, immanquablement à amener les Québécois vers la séparation. Leur rêve, leur principal objectif, c'est ça, pas d'autre chose. Le reste n'est qu'accessoire, que ce soit dans la santé, dans l'éducation, dans l'économie, et là on le voit maintenant dans Héma-Québec. On a même touché à ce qu'il y a de plus précieux, à ce qu'il y a de plus symbolique, le sang, les dons de sang. Et, quand on connaît la situation qu'il y a eu précédemment, on ne peut pas être d'accord avec ça.

C'est pour ça que je vote contre le projet de loi, c'est pour ça que nous sommes contre. Nous demandons au ministre de se rasseoir, de reprendre son projet et d'aller rencontrer les gens des autres provinces et du Canada et de s'associer avec eux en toute confiance et de travailler avec tous ses collègues des autres provinces et du Canada dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Je vais maintenant céder la parole...

M. Williams: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Pour un débat aussi important que ça, je présume qu'on doit avoir le quorum et je vois qu'il y a juste deux membres du gouvernement devant moi. Je demande le quorum.

(11 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Effectivement, nous n'avons pas le quorum. Alors, je donne quelques minutes pour que la situation se rétablisse, sinon nous devrons sonner les cloches.

Alors, nous avons quorum. Maintenant, je vais céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour je voudrais intervenir sur le projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance, qui a été présenté par le ministre de la Santé et des Services sociaux, dans l'improvisation la plus totale, le 12 mai dernier. C'est vraiment avec beaucoup d'émotion que j'interviens sur ce projet de loi, qui me touche beaucoup parce qu'il y a des citoyens de mon comté qui sont affectés par les conséquences des transfusions sanguines, donc, pour moi, ce projet de loi réfère à des personnes, à des visages humains qui souffrent suite à ces transfusions-là.

Et, quand j'ai vu apparaître le projet de loi n° 438, j'ai tout de suite pris connaissance du libellé pour voir s'il y a quelque chose dans ce projet de loi qui pourrait améliorer le système de la distribution et de l'approvisionnement du sang. Et, lorsque je lis, M. le Président, dans les notes explicatives... Je cite au texte:

«Héma-Québec – qui fait l'objet de ce projet de loi – a pour mission d'assurer à la population un approvisionnement en sang et en produits et constituants sanguins.

«Ce projet de loi prévoit aussi qu'Héma-Québec devra financer ses activités, particulièrement à l'aide des sommes qui lui seront payées par les établissements de santé et de services sociaux pour la fourniture de ses produits.

«Le projet de loi crée de plus le Comité d'hémovigilance dont la principale fonction est de donner au ministre de la Santé et des Services sociaux des avis sur l'état des risques reliés à l'utilisation du sang, des produits et des constituants sanguins. Ce Comité sera composé de personnes nommées par le ministre.»

Mais, à la lecture détaillée de ce projet de loi, je constate que, encore une fois, nous sommes face à une structure de plus.

J'ai dit que j'intervenais à cette étape de l'adoption du principe avec beaucoup d'émotion, car j'ai à l'esprit toutes ces victimes du sang contaminé qui ont subi un tort irréparable suite à des transfusions sanguines qui mettent leur vie en danger. Dans mon propre comté, j'ai été saisie de cas de citoyens victimes de l'hépatite B et de l'hépatite C contractées suite à ces transfusions sanguines.

Une jeune fille de 17 ans est déjà décédée et plusieurs membres de sa famille vivent dans la hantise de la mort à cause de la négligence qui a caractérisé notre système de distribution du sang. Le scandale du sang contaminé a fait couler beaucoup d'encre. L'enquête du juge Horace Krever a révélé l'ampleur de ce drame, un drame humain, cela va sans dire, qui affecte des milliers de nos concitoyens et qui a coûté la vie à des centaines d'entre eux.

Face à l'étendue de ce drame, on se serait attendu à ce que le gouvernement, riche de cette expérience, puisse amener des solutions concrètes, cohérentes qui assurent aux Québécoises et aux Québécois une sécurité et une efficacité au chapitre des approvisionnements et de la distribution du sang et des produits sanguins. C'est ce que le gouvernement fédéral et les neuf autres provinces ont décidé de faire en créant un système national intégré d'approvisionnement. Au lieu de se joindre à cet effort collectif, le gouvernement du Québec a décidé encore une fois de faire bande à part et de s'isoler du reste du Canada en créant sa propre agence, Héma-Québec, pour collecter et distribuer le sang aux Québécois. C'est donc le projet de loi n° 438 que nous avons devant nous.

Héma-Québec. Le dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française définit «héma» comme étant un préfixe tiré du grec «haima» qui signifie «sang». Mais là s'arrête la logique, car, en fait, il y a un problème en rapport avec l'approvisionnement et la distribution du sang. Là s'arrête la logique, car ce projet de loi est fortement discutable à bien des égards.

L'opposition officielle a fait valoir son questionnement par rapport aux motivations profondes qui soutendent la décision du gouvernement péquiste de créer de toutes pièces encore une structure. Les représentants des personnes atteintes d'hémophilie n'ont pas tardé à souligner le caractère périlleux d'une telle démarche. En effet, au moment où ce gouvernement dénonce les chevauchements, voilà qu'il met en place une structure qui va dédoubler celle de l'Agence canadienne de sang, avec tout ce que cela comporte comme risques au plan de la sécurité et de l'efficacité des approvisionnements. Un tel dédoublement a un coût, et tout indique qu'en créant une corporation indépendante cela va se traduire par des déboursés de l'ordre de 39 000 000 $ de plus pour les trois prochaines années, sans compter les coûts du transfert des actifs de la Croix-Rouge.

En créant une autre structure personnifiée par Héma-Québec, le gouvernement péquiste va à l'encontre de la recommandation du rapport Krever qui stipule, dans la partie IV intitulée Vers un nouveau système d'approvisionnement en sang , le rapport Krever qui a été largement diffusé, je cite au texte, M. le Président: «Il est recommandé que le Canada se dote d'un système national pour la collecte et la distribution des constituants sanguins et des produits sanguins.» Donc, le rapport Krever recommande un seul système intégré, unifié pour l'ensemble du Canada.

Et je continue la lecture, M. le Président, du rapport Krever, la partie IV: «Il faut éviter d'avoir une multitude de systèmes d'approvisionnement en sang locaux ou régionaux, et ce, pour plusieurs raisons. Un système national d'approvisionnement en sang permet l'application de normes nationales grâce auxquelles toutes les personnes au Canada qui ont besoin de constituants sanguins ou de produits sanguins auront accès à des produits de qualité uniforme. Un système national nous permettra de disposer d'un stock de constituants sanguins et de produits sanguins pour tout le pays. De cette façon, les personnes des différentes régions du Canada bénéficieront d'un accès égal à ces constituants et produits.»

Donc, on le voit, M. le Président, le rapport Krever a insisté beaucoup sur la pertinence et la nécessité d'avoir un seul système pour l'ensemble du Canada, qui répondrait aux besoins de toutes les provinces, de toutes les régions. Parce que, de toute façon, toutes les provinces sont tenues d'appliquer des normes nationales concernant l'approvisionnement et la diffusion du sang. On a donc besoin d'une qualité uniforme. On a besoin aussi de s'assurer que les stocks sont disponibles en tout temps. Et, quand on voit ce qui se passe dans nos urgences, et c'est très criant, c'est des besoins pressants, il faut s'assurer que les stocks sont disponibles et que, de plus, l'accès à ces produits-là soit égal en tout temps pour toutes les parties du pays.

(11 h 30)

Donc, M. le Président, ce principe de sécurité des approvisionnements a également été relevé par le ministre fédéral de la Santé, l'honorable Allan Rock, qui l'a clairement exprimé dans sa lettre du 31 mars 1998 qu'il a adressée au ministre de la Santé et des Services sociaux, et je cite, à la page 2 de cette lettre: «Les critères de santé publique et de sécurité exigeront un niveau très élevé d'intégration.» Un niveau très élevé d'intégration, M. le Président, je le souligne. «Plusieurs raisons militent d'ailleurs en ce sens. Un approvisionnement en sang et en produits sanguins doit être constamment disponible pour faire face aux fluctuations régionales et saisonnières dans l'offre et la demande. De plus, des standards canadiens rigoureux sont requis pour la sécurité du sang et pour faciliter l'échange de sang et de produits sanguins entre les différentes régions du pays, incluant le Québec. Un système national intégré d'hémovigilance est aussi nécessaire. Ce système est nécessaire également – comme l'a écrit le ministre dans sa lettre – afin que les menaces potentielles à l'approvisionnement en sang puissent être repérées et évaluées à temps et que les intervenants puissent réagir efficacement dans des situations d'urgence. Finalement, les économies d'échelle que permettra l'intégration sont loin d'être négligeables.»

Voilà, M. le Président, le ministre fédéral qui tend la main au gouvernement du Québec pour lui dire d'intégrer le système national, parce qu'il est dans l'intérêt des Québécoises et des Québécois de profiter de ce système. Voilà, M. le Président, un exemple de main tendue où le gouvernement fédéral propose de régler un problème majeur en partenariat avec les provinces et où le Québec décide de faire cavalier seul, même au prix de mettre en danger la sécurité des approvisionnements en sang, et ce, M. le Président, sans tenir compte des besoins des citoyens.

La Société canadienne d'hémophilie a trouvé les mots justes pour décrire les motivations réelles et en même temps cachées de ce gouvernement dans ce dossier. Il s'agit, en fait, de motivations purement politiques. C'est comme si le gouvernement péquiste cherchait à démontrer que le Québec était séparé alors même que les Québécois ont démocratiquement décidé de rester au sein du Canada.

Un autre groupe important, M. le Président, a dénoncé cette façon de procéder. Il s'agit du Comité d'hémovigilance qui voit dans cette création d'un système sanguin séparé des dangers potentiels. On se rappellera que ce Comité, qui est l'organisme chargé de la surveillance des produits sanguins, a rencontré le ministre de la Santé et des Services sociaux au début du mois de mars dernier. À l'issue de cette rencontre qui a duré une journée, les membres du Comité ont exprimé leur déception de voir le ministre dicter sa volonté aux partenaires au lieu d'être à l'écoute de leurs besoins. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a tenté de leur faire croire qu'en se dotant d'un système séparé le Québec allait faire des économies, ce qui n'est pas du tout le cas, puisque Héma-Québec va coûter près de 40 000 000 $ aux contribuables québécois sur trois ans. De plus, le ministre a refusé de fournir une analyse comparative des deux systèmes, québécois et canadien, proposés afin de mieux les évaluer et de prendre une décision éclairée et judicieuse dans les intérêts des citoyens du Québec.

Il est par ailleurs incompréhensible que le ministre de la Santé et des Services sociaux présente un projet de loi qui crée le Comité d'hémovigilance et que, du même souffle, il refuse d'en entendre les membres, voire même de les consulter. Or, selon le texte du projet de loi n° 438 sur Héma-Québec, le Comité d'hémovigilance a pour principale fonction de donner au ministre de la Santé et des Services sociaux des avis sur l'état des risques reliés à l'utilisation du sang, des produits et des constituants sanguins. C'est écrit, M. le Président, noir sur blanc dans les notes explicatives du projet de loi. Alors, à quoi ça sert de donner des avis au ministre s'il n'est pas prêt à les entendre? Et même, tout ce qu'il fait, M. le Président, c'est les outrepasser.

Quand on regarde, M. le Président, les commentaires qui ont été faits par la presse sur ce projet de loi et sur cette initiative du ministre, on constate qu'il y a d'énormes questionnements et d'énormes critiques. Dans La Presse du 28 mars 1998, Katia Gagnon signe un article intitulé Sang: Québec créera son propre réseau. Le Comité d'hémovigilance s'inquiète des dangers potentiels du système québécois. Et je cite quelques extraits pour illustrer les propos que j'ai tenus: «Plusieurs membres du Comité d'hémovigilance sont ressortis ulcérés de leur rencontre avec le ministre de la Santé, puisqu'ils avaient transmis au ministre une liste précise de questions auxquelles ils désiraient obtenir des réponses. On voulait, en gros, une liste des avantages comparatifs de deux systèmes afin que les membres du Comité puissent se prononcer avant la décision définitive de Québec. Les membres du Comité demandaient notamment au ministre de dresser un portrait des coûts des deux systèmes, de préciser l'encadrement légal de son système québécois et le type d'arrimage qu'il comptait conserver avec le réseau canadien. Au total, une liste d'une douzaine de questions, mais le constat de la réunion est clair: le ministre de la Santé n'a pas l'intention de consulter le Comité d'hémovigilance avant de décider. Les membres du Comité seront d'ailleurs mis devant le fait accompli lundi en rencontrant le nouveau ministre.»

M. le Président, ça, c'est les membres qui sont des experts qui auraient pu éclairer le ministre dans sa décision, et le ministre a refusé de les entendre.

Lysiane Gagnon, dans sa chronique publiée dans La Presse du 2 avril 1998, sous le titre Un gros problème de crédibilité , dans cet article, M. le Président, Lysiane Gagnon soulève des questions très pertinentes quant au bien-fondé de ce projet de loi, et je la cite au texte. Un gros problème de crédibilité , c'est le titre de l'article: «Compte tenu de ce qu'il a fait de nos services de santé, faut-il faire confiance au ministre de la Santé quand il nous vante les mérites de son nouveau système de gestion du sang, un système souverain en partenariat avec le reste du Canada? Les hémophiles, eux, sont effrayés. Ils estiment que ce système a été improvisé et ne pourra pas prendre efficacement la relève de la Croix-Rouge en septembre. Le lancement de Héma-Québec a certainement été improvisé; il y a deux semaines, la décision finale n'était pas encore arrêtée. En plus, il s'est ouvert sur une grosse entorse à la vérité. "Le système de gestion du sang de Québec respecte les recommandations de la commission Krever", proclame le communiqué du ministre. Faux, la commission Krever recommandait l'établissement d'un système d'approvisionnement centralisé. Mais c'est une option que le ministre de la Santé a manifestement écartée dès le début.»

Ça, M. le Président, c'est Lysiane Gagnon, dans La Presse , qui affirme ces propos.

Alors, on le voit, ce projet de loi répond davantage aux considérations politiques du ministre de la Santé et des Services sociaux qu'aux besoins réels de la population, M. le Président. Nous sommes face à une situation où, pour des raisons de partisanerie politique, les citoyens du Québec seraient pénalisés, car, au lieu d'avoir accès à un système national de distribution du sang, nous devons dédoubler les structures ainsi que les coûts s'y rattachant, ce qui risque de créer des problèmes de coordination, d'approvisionnement et de sécurité des produits sanguins.

(11 h 40)

Il y a également le risque, M. le Président, que cette nouvelle structure qu'est Héma-Québec ne soit pas opérationnelle à compter du 1er septembre 1998, date à laquelle l'Agence canadienne doit assumer le système national d'approvisionnement et de distribution du sang. Le plus inquiétant, dans toute cette démarche, est de constater que le gouvernement a agi encore une fois dans la hâte et l'improvisation. Héma-Québec, M. le Président, a été créé par des lettres patentes, alors qu'il y a des experts qui n'ont même pas été consultés.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, je joins ma voix à celle de mon collègue le député, qui a fait la critique de ce projet de loi, pour voter contre ce projet de loi, Héma-Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Merci, Mme la députée de La Pinière. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de m'adresser à vous aujourd'hui concernant l'adoption du principe du projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance, Bill 438, An Act respecting Héma-Québec et the haemovigilance committee.

M. le Président, une note explicative qui précède le projet de loi nous informe que le gouvernement confie à Héma-Québec la mission de fournir à la population un approvisionnement en sang et en produits et constituants sanguins. Il y a également des dispositions qui prévoient qu'Héma-Québec n'est pas un mandataire du gouvernement et qu'aucun fonctionnaire ne peut faire partie de son conseil d'administration.

Cependant, le ministre de la Santé et des Services sociaux se voit confier certains pouvoirs d'intervention quant à la qualité et à la sécurité des produits distribués par Héma-Québec. Le projet de loi prévoit également qu'Héma-Québec doit s'autofinancer, ce qui veut dire au moyen des montants payés par les établissements de santé et de services sociaux, en considération des services reçus.

Bien que le projet de loi fasse mention qu'aucun fonctionnaire ne peut siéger au conseil d'administration d'Héma-Québec, il permet cependant au ministre de nommer les personnes de son choix au Comité d'hémovigilance, dont la fonction première est d'aviser le ministre de la Santé et des Services sociaux de tout risque potentiel concernant l'utilisation du sang, des produits et constituants sanguins.

Mr. Speaker, the explanatory notes to this bill indicate that Héma-Québec is given the mandate to provide, in the words of the explanatory notes, and I quote «a supply of blood and blood products and components to the population», therefore, Mr. Speaker, the importance of the bill we're dealing with, a bill which really will deal with life and death situations. And this PQ Government cannot be permitted to make a mistake, as you and I recognize they are very prone to do so. Their handling of the entire health system is commonly known as a disaster. This is not only the assessment of the Official Opposition but of the entire population and especially of those in the health care network, doctors, nurses, social workers and the entire network.

The PQ Government is causing the health care network to crumble before us. How can they now be trusted in this mission? How can the PQ Government be trusted in this mission to supply blood and blood products and components to the population when we know that the purpose of this bill is one which is strictly political? As the Pequists would withdraw the political considerations from this bill, then they would be joining the pancanadian network being set up to supply blood to people right across of this country, a system, the pancanadian system, which will be cost-efficient, without overlapping, and a system which allow Quebeckers to benefit from a uniform system, as pointed out by the Krever Commission, a uniform commission, all in accordance with the recommendations of the Krever Commission and especially recommendations 3 and 4, which I'll quote to you in a few moments.

M. le Président, je me joindrai à mes collègues du caucus libéral du Québec, de l'Assemblée nationale et je voterai contre ce projet de loi, un projet de loi qui n'est que de la propagande politique et ne sert en rien les intérêts de la population du Québec. En quoi ce projet de loi ne sert qu'à des fins politiques? Parce que le gouvernement du Parti québécois a mis de l'avant ses ambitions et considérations politiques avant ce qui est notre mission première, dans cette Assemblée nationale. Chacun des députés, dans cette Assemblée nationale, doit avoir une mission et une mission seulement: la santé et la sécurité de la population.

Mr. Speaker, you have before you a bill which has be conceived by the PQ Government only to avoid joining a Pan-Canadian system to deal with the same problem in a more efficient and less costly manner. No wonder the PQ Government has lost the confidence of the population. Why are tensions being revived with the creation of this Québec Agency: Héma-Québec? The Minister of Health and Social Services deserves only the cynicism of the population by presenting this Bill. The scandal in hospital emergency wards created by the Minister of Health and Social Services, the unacceptable cutbacks to the budgets of the hospitals, the closing of hospitals, the transfer of Québec-Transplant from Montréal to Québec, and back to Montréal, the anguish caused in the population by this double transfer, the anguish caused to people who were waiting for long transplants, the sense of insecurity, the sense of inefficiency in the health care system.

Mr. Speaker, you have before you a minister who is trying to resurrect his image, a minister in a PQ Government clinging to power. The Minister of Health and Social Services has not given a single reason how the population would benefit from a Québec system rather than a Pan-Canadian system, why the fear to work with the other provinces other than the fear to show that a federal system works and works well.

M. le Président, les péquistes ont passé leur temps à se plaindre que le système fédéral faisait des chevauchements de compétences et du doublement de dépenses. Pourquoi alors est-ce qu'ils prennent la même responsabilité? Pourquoi alors est-ce qu'ils prennent la responsabilité d'être coupables de causer des chevauchements et des doubles dépenses? Pourquoi alors veulent-ils créer un organisme qui, à coup sûr, viendra chevaucher le système pancanadien et, par le fait même, résultera en un accroissement inutile des dépenses?

We have seen, time again, in various speeches made by the PQ Government, complaints of overlapping, complaints of double costs, and yet here, in a moment, when this can be avoided, and avoided very simply, that government itself is legislating to create overlapping, to create double costs, to create inefficiency, to create insecurity within the population, within our health care system.

M. le Président, vous assistez à la création, en même temps et pour le même but, de deux organismes, deux structures: un québécois et un pancanadien. Outre les problèmes de chevauchement et de doublement des dépenses, il est bien certain qu'il y aura des problèmes de communication et de coordination entre les deux agences, et ce, sans oublier les frictions de toutes sortes, et le tout au détriment de la population en entier.

Mr. Speaker, there will certainly be miscommunications, difficulty of coordination when you have two different systems being setup to do the same thing. Why not think about the population? Why be concerned with the politics? Why be concerned to show... Why can this government contribute to a federal system that we have here in place, all for the benefit not of them but of the entire population, and especially the population of Québec?

(11 h 50)

M. le Président, que fait-on de la qualité et de la sécurité dans tout cela? Oublions pour le moment l'image du ministre de la Santé et des Services sociaux et pensons plutôt à la population du Québec. Les experts s'interrogent sur les avantages pour le Québec d'avoir son propre système en sang. La Société canadienne d'hémophilie a questionné Québec sur la raison pour laquelle une étude comparative n'a pas été faite entre les deux choix. Pourquoi le ministre n'a-t-il pas proposé une consultation publique? À toutes ces questions, le ministre n'a pas apporté de réponse sensée et a même réagi défensivement.

Je vous dirai que la population du Québec a très peu confiance au ministre de la Santé et des Services sociaux après avoir vu comment son gouvernement a détérioré notre système de santé, après avoir vu comment les péquistes ont rendu notre système de soins inefficace avec les fermetures d'hôpitaux, les listes d'attente interminables, et j'en passe.

The population of Québec has lost confidence in this PQ Government. The population of Québec has lost confidence in the Minister of Health and Social Services. The population of Québec has witnessed a destruction and a deterioration of the health care system, has witnessed the closing of hospitals, has witnessed increased waiting lists, has witnessed inefficiency in the health care system. The population of Québec feels insecure, uncertain, is waiting for an election to run this Government, this PQ Government out of office.

Les garanties du ministre de la Santé et des Services sociaux sont insuffisantes, la population veut de vraies réponses. Que dire, maintenant, de l'échéancier? La date de mise en marche est prévue pour le 1er septembre 1998. La nouvelle agence pancanadienne doit prendre la relève le 1er septembre 1998. Beaucoup doutent que le Québec sera prêt à temps. On ne peut pas seulement dire: «On va le faire», et tout sera prêt, Héma-Québec doit obtenir sa licence et mettre en place sa structure administrative alors qu'on ne sait même pas encore comment fonctionnera ce système québécois.

What about the costs, Mr. Speaker? This Government has cut the budget of so many essential services. Hospitals have increased their deficits to accommodate the Government, they have reduced staffs to cut budgets. Yet this Government seems to easily find funds to create overlapping, to create double expenses, to create Héma-Québec, and the additional funds which will be required to administrate Héma-Québec. How can this be justified to a population which is suffering from the cutbacks made to the health care system, to the education system, the closing of hospitals, and an inefficient health care system?

Mr. Speaker, a real consultation is necessary within the population before embarking on this venture. All parties and groups concerned should have been consulted in an open and transparent manner, and not in a superficial and incomplete way.

M. le Président, Me Patrice Garant, avocat et professeur à la Faculté de droit de l'Université Laval, dans sa quatrième édition d'un volume publié en 1996, intitulé Droit administratif , mentionne à la section VIII, et je cite: «La consultation préalable obligatoire est donc une condition de la validité d'un acte ou d'une décision administrative. Toutefois, il faut que cette consultation soit réelle et non seulement apparente. Elle doit être adéquate, ce qui implique que les personnes consultées doivent recevoir suffisamment d'informations, avoir une opportunité suffisante et un délai raisonnable pour exprimer leur point de vue.»

M. le Président, qu'est-ce que c'est, une consultation réelle et non seulement apparente? La jurisprudence nous dit que la consultation doit être adéquate, munie de délais raisonnables, permettant d'échanger des idées et que le sujet en question n'ait pas déjà fait l'objet d'une décision.

In this particular case, we know that the Minister has made a decision, and we know that the Minister, as a result of what has been brought out by the Member of the National Assembly for Nelligan, has commenced to put Héma-Québec into place before even this Québec National Assembly has finished to debate and has finished to vote on this particular item. I believe that the Minister of Health and Social Services is in contempt of this Québec National Assembly.

Cependant, avec le gouvernement en place, on se demande si les décisions ne sont pas déjà prises, et on sait que les décisions ont été prises à l'avance et qu'il se moque bien de l'opinion des experts et que le ministre de la Santé et des Services sociaux se moque de la population du Québec.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois et le ministre de la Santé et des Services sociaux ridiculisent notre système parlementaire. En plus de n'avoir pas consulté la population et les intervenants du milieu dans un débat ouvert et transparent, maintenant, ils agissent comme si le projet de loi que nous avons devant nous avait déjà été adopté par cette Assemblée. Une telle conduite est totalement inacceptable et indigne de parlementaires.

Mr. Speaker, it is scandalous that, while we're debating this bill before us, Bill 438, An Act respecting Héma-Québec and the haemovigilance committee, the Minister is already taking steps to put Héma-Québec into place. This is outrageous, and the Minister is in contempt of the rules of the Québec National Assembly. No vote has yet been taken and, therefore, the Minister must respect the autonomy of the Québec National Assembly. It is inexcusable and unacceptable from the Minister of Health and Social Services, a minister who has shown that he's only a technocrat and has no compassion whatsoever for Quebeckers and the problems being faced by them, especially our senior citizens, as a result of the PQ Government's dismantling of the health care system in Québec. And now he's showing contempt for the Québec National Assembly. And I call upon the Minister of Health and Social Services to immediately excuse himself before this Québec National Assembly.

Le ministre devrait immédiatement s'excuser auprès de cette Assemblée et de la population pour cette procédure outrageuse. M. le Président...

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement, c'est une question de règlement?

M. Boulerice: Oui. En vertu de l'article 39, M. le Président, et en vertu de l'article 35, il me semble que le député de D'Arcy-McGee présume, dans ses propos, que le geste qui a été posé par le ministre est illégal, alors qu'il n'y a aucune décision de rendue à ce sujet. Alors, à ce moment-là, c'est un procès d'intention qu'il fait. Alors, je vous inviterais à lui suggérer beaucoup plus de prudence dans ses propos.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, effectivement, le mot «comportement outrageux» est un terme fort, qui, en principe, ne devrait pas être utilisé dans cette Chambre pour qualifier le comportement d'un de nos membres. Je vous inviterais à éviter, s'il vous plaît, d'utiliser cette expression-là. Effectivement, aussi, pour l'autre volet de votre intervention, il y a une décision qui n'a pas encore été rendue – une partie de votre intervention. On sait que le président a été saisi d'une demande sur une question de droit et de privilège, et la décision n'a pas encore été rendue. Alors, on ne peut pas préjuger de la décision du président, à ce moment-là. Alors, vous pouvez terminer, s'il vous plaît.

M. Bergman: Tout mon respect à la présidence, monsieur...

M. Gautrin: M. le Président, une question de règlement encore. Est-ce que vous auriez l'amabilité...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Verdun, sur une question de règlement.

M. Gautrin: Question de règlement, bien sûr, article 32. Auriez-vous l'amabilité de vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, je vais attendre quelques secondes, il manque encore un membre en cette Assemblée. Alors, nous avons quorum présentement et nous allons poursuivre nos travaux. Je céderais la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.

M. Bergman: M. le Président, est-ce que vous pouvez m'informer du temps que j'ai?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il vous reste deux minutes.

(12 heures)

M. Bergman: M. le Président, les recommandations de la commission Krever dans l'affaire du scandale du sang contaminé sont les éléments essentiels des politiques actuellement mises en place par les gouvernements des différentes provinces à travers le pays. Comme d'habitude, le gouvernement du PQ nage à contre-courant, et ce, au détriment de la sécurité et du bien-être des citoyens du Québec. Les décisions du ministre de la Santé et des Services sociaux vont à l'encontre de l'objectif visé par la commission Krever et plus particulièrement en ce qui a trait aux recommandations 3 et 4, lesquelles se lisent comme suit:

Recommandation 3. «Il est recommandé que le Canada se dote d'un système national pour la collecte et la distribution des constituants sanguins et des produits sanguins. Il faut éviter d'avoir une multitude de systèmes d'approvisionnement en sang locaux ou régionaux, et ce, pour plusieurs raisons. Un système national d'approvisionnement en sang permet l'application des normes nationales grâce auxquelles toutes les personnes au Canada qui ont besoin des constituants sanguins ou des produits sanguins auront accès à des produits de qualité uniforme. Un système national nous permettant de disposer d'un stock de constituants sanguins et de produits sanguins pour tout le pays de façon que les personnes de différentes régions du Canada pourraient bénéficier d'un accès à ces constituants et produits.»

Recommandation 4. «Il est recommandé que les fonctions principales d'un système national d'approvisionnement de sang soient exécutées par un seul exploitant et qu'elles ne soient pas imparties à d'autres.»

Alors, on peut voir les raisons pour lesquelles on doit avoir un système qui aura des standards nationaux, un système qui aura des qualités uniformes, un système auquel toute la population aura un accès égal. Alors, pour ces raisons, je vais joindre mes collègues les députés parlementaires du caucus libéral pour voter contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.


M. Henri-François Gautrin

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie M. le député de D'Arcy-McGee, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. On a devant nous un projet de loi d'une importance extrême, car il répond à un problème qu'ont vécu beaucoup de nos concitoyens, et on n'a qu'à se rappeler le drame des gens qui ont été infectés par le virus de l'hépatite C ou le virus du VIH suite à une transfusion sanguine pour voir à quel point il était nécessaire de faire quelque chose. On a eu, pendant plusieurs années, une commission, qui a été présidée par le juge Krever, qui s'est penchée sur la question et qui a soumis un rapport. On a aujourd'hui un projet de loi qui essaie de répondre en partie aux problématiques qui étaient devant nous.

Il est important de se rappeler, et je crois qu'on doit tous adhérer à ces questions-là, les cinq principes du rapport Krever, M. le Président: le sang doit être une ressource fondamentale; les donneurs ne devraient pas être rémunérés, sauf dans des cas exceptionnels; le Canada devrait s'autosuffire; le sang et les produits sanguins devraient être gratuits, accessibles à tous; et, le dernier thème, la sécurité est d'une importance capitale.

Le projet de loi qui est devant nous, M. le Président, le projet de loi n° 438, qui a été synthétisé par un organigramme que le ministre a déposé, prévoit trois structures, trois éléments qui ont un rôle: le ministre, le Comité d'hémovigilance et la structure qu'on appelle Héma-Québec. Je vais, dans les temps qui me sont impartis, vous démontrer les choses suivantes.

Premièrement, le Comité d'hémovigilance devrait être nommé de manière différente si on veut lui donner le rôle véritable qu'il doit avoir, c'est-à-dire de restaurer la confiance des Québécois dans le système de sang. Deuxièmement, il y a lieu d'avoir des inquiétudes sur l'article 32 et la manière dont il est rédigé et le rôle du ministre dans le mécanisme de fonctionnement. Et, troisièmement, comme mes collègues le député de Nelligan, la députée de La Pinière et le député de D'Arcy-McGee, je vais démontrer qu'il serait aussi efficace et même préférable, tant sur le plan de gestion que sur le plan d'approvisionnement en sang, de ne pas créer cette structure d'Héma-Québec, mais d'intégrer et la collecte de sang et la distribution de sang – si tant est qu'on puisse avoir un comité d'hémovigilance pertinent – dans le système fédéral.

Alors, revenons d'abord au comité de vigilance. Il est créé – et c'est le chapitre II de ce projet de loi – un Comité d'hémovigilance, sauf que le Comité d'hémovigilance – et je fais référence à l'article 45, si vous voulez – «a pour fonction, dès qu'il l'estime nécessaire et au moins annuellement, de donner son avis au ministre sur l'état des risques reliés à l'utilisation du sang». Et on va, ainsi de suite, sur l'article 45, qui est les pouvoirs du Comité d'hémovigilance. Je me permets de vous signaler que, si on veut rétablir la crédibilité en matière de distribution de produits sanguins, que le Comité d'hémovigilance bien sûr puisse faire des recommandations régulièrement au ministre, je ne veux pas empêcher ça, mais il devrait faire, soumettre un rapport annuellement à l'Assemblée nationale de manière à ce que, nous, parlementaires, dans notre mission que nous avons, ici, de représenter la population du Québec, nous soyons en mesure de pouvoir être informés sur la qualité du système d'approvisionnement en sang qui est mis.

Et l'article 45 tel qu'il est là actuellement, autant je puis comprendre et adhérer au principe de la constitution d'un comité d'hémovigilance, M. le Président, autant je pense que ce Comité d'hémovigilance, compte tenu de l'importance de rétablir la crédibilité de nos concitoyens dans le système de distribution du sang, devrait faire rapport à l'Assemblée nationale annuellement – et on a des textes qui peuvent être mis de l'avant pour les différents établissements ou organismes qui doivent faire rapport à l'Assemblée nationale – soumettre un rapport annuel à l'Assemblée nationale, ce qui nous permettrait d'assurer nos concitoyens que la distribution des produits sanguins se fait en toute sécurité. Je ne doute pas de la bonne volonté du ministre. Je voudrais dire néanmoins que la crédibilité, dans le passé, a pu être mise en cause dans les questions de distribution de produits sanguins et, dans ce sens-là, l'article 45 sur le rôle du Comité d'hémovigilance, M. le Président, aurait grand gain à devoir faire rapport à l'Assemblée nationale. Premier élément.

(12 h 10)

Deuxième élément, aussi parce que je crois à l'importance de ce Comité d'hémovigilance, c'est-à-dire que ce Comité, qui devrait redonner la crédibilité à notre système de distribution de produits sanguins, il devrait être le plus impartial possible. Alors, vous voyez, dans le projet de loi – je vous fais référence avec vous – prenez l'article 46: Le Comité d'hémovigilance actuellement est nommé par le ministre. Si le conseil d'administration d'Héma-Québec – et je reviendrai sur Héma-Québec dans un instant – est nommé par le gouvernement – c'est-à-dire nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil, c'est-à-dire par arrêté en conseil et après consultation des organismes du milieu – dans le cas d'hémovigilance, il est nommé par le ministre. Et je me permets de vous dire que, si on veut réellement rétablir la crédibilité dans le système de distribution de produits sanguins, si on veut redonner la crédibilité à la population, il faut que ce Comité soit le plus impartial possible, M. le Président, et je me permets de suggérer ici que les membres du Comité d'hémovigilance soient nommés par l'Assemblée nationale, suivant la procédure qui est courante dans cette Assemblée lorsqu'on nomme des personnes qui ont une tâche spécifique de surveillance sur certains organismes. Je fais référence plus spécifiquement au DGE, au Protecteur du citoyen ou au Vérificateur général.

Il me semble que, dans ce qui touche actuellement à la distribution du sang, le Comité d'hémovigilance devrait avoir ce caractère d'impartialité, ce caractère de neutralité qui devrait exister. Et, pour atteindre ce caractère d'impartialité, il me semble souhaitable, M. le Président, qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale et qu'il fasse rapport à l'Assemblée nationale. Bien sûr, il peut faire rapport au ministre, le cas échéant, s'il voit un élément ou une distorsion qui arrive, pour pouvoir réagir très, très rapidement, mais il devrait d'abord être nommé par l'Assemblée nationale et faire rapport à l'Assemblée nationale.

Vous redonneriez, à ce moment-là, la crédibilité à cet organisme de surveillance qui serait complètement sorti des aléas politiques, parce que, si vous le regardez tel qu'il est actuellement, le Comité d'hémovigilance est nommé par le ministre, il ne fait que ses rapports au ministre. D'ailleurs, le ministre, et on l'a vu dans le passé, ne tient même pas compte ou ne soumet même pas la structure de son projet de loi et la structure d'Héma-Québec à l'avis du Comité d'hémovigilance. Je crois qu'il y a eu une lacune à ce niveau-là. Et, pour corriger cette lacune-là, il me semble que l'Assemblée nationale doit prendre ses responsabilités, faire en sorte que ce Comité d'hémovigilance continue à avoir les mêmes pouvoirs de surveiller le mécanisme de distribution des produits sanguins, mais qu'il fasse rapport à l'Assemblée nationale et qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale. Ça, ça touche la deuxième partie, le chapitre II du projet de loi.

Le premier chapitre va créer une structure qui s'appelle la structure Héma-Québec. Alors, la grande question qu'on a devant nous, c'est: Y a-t-il un avantage d'avoir une propre structure de collecte et de distribution du sang ou de s'intégrer dans l'organisme qui est prévu à l'ensemble canadien? Je me permets de vous dire que le rapport Krever avait analysé ces questions parce qu'il y avait la possibilité d'avoir des organismes de distribution proprement provinciaux ou d'en avoir un qui soit national. Et il avait conclu, je peux vous le rappeler, M. le Président: «Il est recommandé que le Canada se dote d'un système national pour la collecte et la distribution des constituants sanguins et des produits sanguins.»

Je me permets de vous expliquer, M. le Président, vous allez comprendre tout de suite. En matière de produits sanguins, plus votre bassin de recrutement de produits sanguins est large, plus vous pouvez avoir les disparités et l'offre de produits que vous pouvez avoir. Je me permets de vous dire que, probablement, avec les différentes classifications de types de sang qui est le vôtre, qui est le mien, qui est celui de mes collègues ministériels ou celui de la députée de Beauce-Sud, il y a des caractéristiques. Et, si on veut avoir la meilleure adéquation au niveau des transfusions sanguines entre le sang qui est transfusé et celui qui est offert, il faut avoir la meilleure compatibilité possible. Et, pour avoir la meilleure compatibilité possible, avoir la base maximale de recrutement me semble un point important. Et ça, c'est le premier élément.

On n'a aucun avantage actuellement à ne pas participer de plain-pied à cet organisme qui est mis de l'avant par le gouvernement fédéral. On se choisit d'y être comme observateur sans avoir réellement un droit de pouvoir s'exprimer à l'intérieur. Si je mets de côté les volontés bassement politiques ou bassement constitutionnelles que me rappelait tout à l'heure, aujourd'hui, à la période de questions, mon collègue le député de Marquette, il n'y a aucune raison sérieuse – il n'y a aucune raison sérieuse – pour que, avec les Canadiens des autres provinces, on n'ait pas la base de collecte de sang la plus large possible de manière à offrir le spectre et les ressources les plus complètes possible à l'ensemble de nos hôpitaux au Québec.

Alors, je ne comprends pas du tout les avantages de créer cette structure d'Héma-Québec. On pourrait parfaitement intégrer tout le régime de collecte au niveau de l'organisme qui est prévu actuellement dans la loi fédérale tout en maintenant – et je tiens à insister – le Comité d'hémovigilance et faisant en sorte que le Comité d'hémovigilance doive faire rapport à l'Assemblée nationale. Alors, ça, c'est une chose qui serait une structure beaucoup moins chère.

Si vous me permettez, dans l'analyse des coûts... et le député de Nelligan a fait une analyse, il l'a faite dans son intervention, il a rappelé actuellement quels étaient les coûts. La différence de coût entre avoir son propre système, créer le propre système d'Héma-Québec, par rapport à participer à l'organisme de collecte de sang fédéral, ça serait une différence de l'ordre d'entre 86 000 000 $ et 110 000 000 $ selon les calculs qui ont été faits par le député de... – entre 86 000 000 $ et 110 000 000 $ – c'est-à-dire une augmentation de 17 000 000 $, selon les calculs qui ont été faits par le député de Nelligan. M. le Président, dans la situation où on est actuellement, on n'est pas collectivement en mesure, particulièrement dans le système de la santé, de perdre, de gaspiller 17 000 000 $.

J'en arrive au troisième point de ce projet de loi, au cas où vous auriez bien compris, alors je reviens donc sur... Ce projet de loi a trois organismes. Le premier organisme, le Comité d'hémovigilance. Ma conclusion sur le Comité d'hémovigilance: Ramenez-le, puisque c'est un comité de surveillance, mettez-le responsable et imputable à l'Assemblée nationale, et faites en sorte qu'il soit nommé principalement par l'Assemblée nationale. Deuxième élément: au niveau de la structure de l'organisme qui doit collecter les produits sanguins, faire la collecte des produits sanguins et la redistribution des produits sanguins, il est plus efficace de participer de plein droit à l'organisme qui est mis en place par le gouvernement fédéral suite à la commission Krever.

Dernier point. Il y a un troisième intervenant dans cela, c'est le ministre. Alors, il y a le pouvoir du ministre. C'est peut-être l'argument qu'il va utiliser, qu'il utilise évidemment dans l'article 32. Si vous regardez l'article 32, l'article 32, c'est un article qui permet au ministre de mettre virtuellement en tutelle l'organisme Héma-Québec. Je vous le lis en deux mots, si vous me permettez, l'article 32:

«Le ministre peut assumer l'administration provisoire d'Héma-Québec dans les cas suivants:

«1° un permis nécessaire aux activités d'Héma-Québec a fait l'objet ou risque de faire l'objet d'une suspension[...];

«2° lorsqu'il estime qu'Héma-Québec s'adonne à des pratiques ou tolère une situation susceptible de compromettre la sécurité[...];

«3° lorsqu'il estime qu'il y a eu faute grave, notamment malversation...»

Alors, la question, et c'est l'argument qui est utilisé par le ministre: pour satisfaire aux responsabilités qu'il a, il doit pouvoir créer son propre organisme pour pouvoir éventuellement le mettre en tutelle. Parce que c'est ça à peu près la logique qu'ils ont. Je me permets de vous dire: On peut parfaitement – parfaitement, M. le Président – sans nécessairement créer un organisme nouveau comme Héma-Québec, à part, etc., satisfaire aux objectifs d'imputabilité qui sont prévus à l'article 32 pour le ministre. Ce n'est absolument pas nécessaire de créer complètement puis à partir de rien un organisme nouveau, un organisme qui va avoir son propre conseil d'administration, un organisme qui va coûter cher, un organisme sur lequel les coordinations avec le système fédéral vont être à établir et vont être difficiles à établir; ce n'est pas nécessaire d'aller jusque-là pour permettre d'atteindre ce pouvoir d'imputabilité que veut se donner le ministre.

(12 h 20)

Alors, M. le Président, nous, du côté de l'opposition, on est parfaitement conscients actuellement qu'il faut agir dans le domaine de la distribution des produits sanguins. On a, comme tout le monde, lu le rapport Krever. Nous savons parfaitement que quelque chose doit être fait. Mais nous pensons à l'heure actuelle que ce qui est proposé dans le projet de loi va dans la mauvaise direction – va dans la mauvaise direction – dans la mesure où il crée une structure inutile qui est Héma-Québec, qui va coûter 17 000 000 $ supplémentaires et qui va rendre plus difficile la répartition des approvisionnements en sang au Québec. Parce que vous comprenez – il ne faut pas être un génie pour comprendre – que répartir parmi 6 000 000 ou 7 000 000 ou répartir la collecte de sang sur une base de 27 000 000 ou 30 000 000, c'est beaucoup plus facile d'avoir un spectre plus grand de produits sanguins que de la répartir sur une base de 6 000 000 ou 7 000 000. C'est l'enfance de l'art, M. le Président. Et ça, vous devez le comprendre. Donc, on gêne l'approvisionnement.

Alors, le ministre va dire: Oui, mais il y aura des ententes, etc., éventuellement. Je me permets de vous dire, M. le Président, que la meilleure entente à l'heure actuelle, c'est l'intégration directe dans le système de collecte de sang fédéral. Plutôt que de commencer à négocier 36 ententes, disons, on en fait partie de plein pied et on est de plein pied partie dans ce nouveau système de distribution des produits sanguins.

Deuxième élément, M. le Président. Je me permets de vous dire que, si réellement vous croyez qu'il faut garantir – et nous le croyons, de ce côté-ci de la Chambre – et rétablir la crédibilité dans le système de distribution de produits sanguins, le Comité d'hémovigilance doit être responsable devant l'Assemblée nationale du Québec, premièrement, et le Comité d'hémovigilance doit être nommé par les membres de cette Assemblée, parce que c'est lui qui va transmettre la responsabilité que collectivement nous avons actuellement d'assurer à nos concitoyens que le système de distribution du sang est un système sécuritaire. Et c'est à lui que nous allons transmettre cette responsabilité que nous avons de surveillance; ce n'est pas la responsabilité que le ministre a, c'est nous, comme parlementaires, qui voulons nous assurer que le système d'hémosurveillance soit en mesure de garantir cette sécurité. Et pour cela il faut que nous nommions les membres de ce Comité et il faut que ce Comité soit responsable devant l'Assemblée nationale. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Alors, je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, tout comme mon collègue de Verdun, c'est avec une certaine perplexité et un certain désarroi que je prends aujourd'hui la parole sur le projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance.

Le 30 mars dernier, M. ministre de la Santé et des Services sociaux annonçait officiellement la phase finale de son plan de gestion du sang, soit l'octroi à Héma-Québec, une corporation autonome, de la responsabilité de l'approvisionnement en sang et autres produits sanguins au Québec.

Nous en sommes donc aujourd'hui au débat sur l'adoption de principe de ce projet de loi dont deux étapes préliminaires sont déjà réalisées, soit la responsabilisation des centres hospitaliers dans la gestion et l'utilisation du sang par le biais de comités de médecine transfusionnelle et la mise sur pied d'un comité d'hémovigilance dont la principale tâche est de surveiller les risques afférents aux transfusions en question.

Alors, il va sans dire, M. le Président, que l'importance d'une telle entreprise peut difficilement se soustraire à un processus de consultation publique. En effet, un changement d'une telle ampleur touchant directement le système de santé québécois, et par le fait même, l'ensemble des Québécois, nécessiterait normalement un débat public, puisqu'il modifie fondamentalement les structures en place.

Pourtant, et ce, dans un non-respect de la démocratie et de nos institutions, le ministre Rochon et son gouvernement imposent une fois de plus leur vision des choses. Créées par des lettres patentes, les nouvelles structures que nous propose aujourd'hui le ministre de la Santé et des Services sociaux n'ont malheureusement pas pu faire l'objet d'une consultation publique lors de laquelle, il y a fort à parier, des intervenants auraient pu faire valoir leur point de vue et entretenir un dialogue constructif dont les fruits auraient peut-être permis de rassurer la population et de corriger le tir.

Les dernières années nous ayant permis de nous familiariser avec ce qu'il est convenu d'appeler «l'autre façon de gouverner», il va sans dire qu'il ne fallait pas que les attentes soient trop élevées. Encore faut-il se réjouir du fait que le gouvernement du Parti québécois n'ait pas fait l'affront aux Québécois et aux Québécoises de faire adopter une telle mesure dans le bâillon. L'avenir nous dira si j'ai raison.

Ce qu'il y a de particulièrement horrible dans ce projet de loi, M. le Président, c'est qu'il laisse beaucoup de questions en suspens. En effet, nombreuses sont les interrogations et les appréhensions du public face à de telles modifications. Et pourtant, malgré les questions qui lui ont été adressées, le ministre demeure nébuleux sur son entreprise.

Il faut se rappeler que mon collègue le député libéral de Nelligan et critique de l'opposition officielle a mis le ministre de la Santé et des Services sociaux au défi de faire la démonstration, par le biais d'une étude sérieuse, que le nouveau système qu'il nous propose aujourd'hui comporte des avantages par rapport aux structures pancanadiennes déjà existantes. Est-il vraiment nécessaire de vous rappeler, M. le Président, que cette mise au défi demeure, jusqu'à ce jour, sans réponse de la part du ministre? L'incertitude qui accompagne ce projet laisse donc présager le pire.

M. le Président, il est de mon avis qu'une réforme comme celle qui nous est proposée risque de nous mener directement vers des situations tragiques semblables à celles du début des années quatre-vingt. Je m'explique. Dans son rapport rendu l'année dernière, le juge Horace Krever pointait pour responsable le trop grand nombre d'intervenants comme principale cause des bévues qui ont mené à la contamination par le VIH et l'hépatite C de milliers de gens ayant reçu des transfusions sanguines. Le trop grand nombre de personnes baignant dans un tel processus a entraîné, on le sait, une déresponsabilisation qui a eu pour conséquence les tragédies que l'on connaît aujourd'hui et que l'on tente malheureusement de réparer.

Maintenant que l'on sait que le ministre, par le biais de la loi n° 438, a l'intention de confier aux hôpitaux une partie de la gestion du sang et des produits sanguins, il y a de quoi s'inquiéter. En effet, alors que le réseau de la santé connaît présentement une hémorragie de coupures plus sauvages les unes que les autres et que celles-ci ont pour conséquence de créer une vive compétition entre les différents centres, comment ne pas craindre le pire? Le risque de voir les intérêts financiers dicter la marche à suivre est un danger réel et les conséquences sur la santé publique pourraient être désastreuses.

Le rapport Krever recommandait, concernant l'avenir de la distribution du sang au Canada, la constitution d'un système unique et national le plus centralisé possible afin que les intervenants soient facilement identifiables. Ce que le ministre Rochon nous propose aujourd'hui va carrément à l'encontre des recommandations du juge. En effet, et ce, malgré les nombreux commentaires des spécialistes abondant dans le même sens que le rapport Krever, le ministre persiste à aller de l'avant avec son projet de loi qui colle bien avec son inlassable besoin de tout contrôler.

Comment peut-on faire confiance à une telle démarche sans qu'aucune étude ou démonstration empirique n'ait été faite? Il ne faut pas prendre une telle question à la légère, puisque c'est de la santé des Québécois et des Québécoises dont nous discutons aujourd'hui. Nous devons être en mesure d'offrir à la population des garanties de sécurité à toute épreuve afin que celle-ci ait confiance en son réseau de la santé. Qualité et sécurité doivent être nos deux mots d'ordre, ce que ne garantit malheureusement pas ce projet de loi.

(12 h 30)

Il est impératif qu'un système d'approvisionnement sanguin réponde aux normes internationales les plus élevées. Malgré les erreurs par lesquelles nous avons beaucoup appris, il n'en demeure pas moins que le système pancanadien reste pour l'instant l'un des plus sûrs qui soient. Le Dr Georges-Étienne Cartier, directeur du centre de traitement d'hémophilie à l'hôpital Sainte-Justine, estimait, en décembre dernier, qu'il fallait suivre le chemin que nous montre le rapport Krever. De plus, il considère qu'en faisant bande à part le Québec risque de se priver d'une expertise précieuse qu'il retire des chercheurs canadiens hors Québec. Alors, pourquoi faire une fois de plus bande à part dans un projet dont tous les intervenants du milieu doutent que sa mise en place soit prête pour le 1er septembre?

De plus, M. le Président, il est inquiétant de constater que les organismes particulièrement concernés par la réforme que propose le projet de loi n° 438 ont de sérieuses réserves face à celui-ci. Dans un mémoire sur la réforme du système sanguin au Québec émis par la Société canadienne de l'hémophilie, section Québec, on peut lire ceci: «Les membres de la Société canadienne de l'hémophilie, section Québec, ont de sérieuses craintes quant à la réforme du système sanguin au Québec. Nous croyons que la structure proposée par le comité Gélineau et entérinée par le ministre Rochon démontre les mêmes failles que le système qui existait dans les années quatre-vingt, quand des milliers de Québécois ont été infectés par le VIH et l'hépatite C, ses produits et ses dérivés. De plus, l'insistance du gouvernement à vouloir créer son propre système indépendant des autres provinces comporte des risques supplémentaires.»

Vous conviendrez avec moi, M. le Président, que, venant des principaux intéressés, cela n'a rien de rassurant. D'ailleurs, la Société canadienne de l'hémophilie s'inquiète aussi du manque flagrant de transparence du ministre Rochon. En date du 11 mai dernier, l'organisme affirmait, dans le Journal de Montréal , et je cite, «n'avoir reçu aucun renseignement sur la structure d'un service québécois ni de plan de ressources humaines ou de plan de financement approprié du ministère.» La Société canadienne de l'hémophilie a aussi de sérieuses réserves pour ce qui est du respect des échéanciers. En effet, la nouvelle agence canadienne doit assumer la gestion du système national d'approvisionnement et de distribution du sang à compter du 1er septembre 1998. Plusieurs doutent de la capacité du gouvernement de respecter cet échéancier, et je suis de ceux-là.

Le débordement actuel des hôpitaux et le manque flagrant de ressources financières risquent une fois de plus de compliquer considérablement l'implantation d'une telle réforme. Le manque de coordination que connaît présentement notre réseau de la santé depuis l'arrivée des péquistes au pouvoir ne prédispose en rien le milieu à recevoir ces nouvelles responsabilités. De plus, qu'est-ce qui garantit aux Québécois et aux Québécoises que, une fois que les hôpitaux auront pris une partie de la gestion sanguine sous leur responsabilité, ils ne seront pas tentés, lorsque le ministre Rochon leur imposera de nouvelles compressions, de sabrer dans les budgets du sang? Rien ni personne.

D'ailleurs, à la lecture de l'article 7 du projet de loi n° 438, on peut déjà envisager que plusieurs lacunes au niveau du conseil d'administration de cet organisme sont à prévoir. Comment peut-on, par exemple, concevoir qu'il n'y aura qu'un seul membre choisi parmi l'association des receveurs, qui siégera sur le conseil d'administration? Ne sont-ils pas, après tout, les principaux concernés? Dans le même ordre d'idées, comment se fait-il qu'il n'y aura qu'un seul membre issu du milieu universitaire et non pas deux, conséquemment à l'existence de deux réseaux universitaires au Québec? En revanche, le projet ne stipule aucunement que les deux membres provenant de l'entreprise privée devront avoir des connaissances quelconques sur les enjeux entourant le dossier du sang. En résumé, les receveurs, c'est-à-dire les principaux utilisateurs des services de transfusion, seront sous-représentés, pendant que des citoyens n'ayant pas nécessairement de connaissances sur le sujet seront assis avec eux à la table du conseil d'administration.

Vous conviendrez avec moi, M. le Président, que c'est, pour le moins qu'on puisse dire, plutôt angoissant. Je comprends maintenant pourquoi les hémophiles du Québec ont peur. Le manque de transparence du ministre dans ce dossier laisse présager le pire. De plus, les enjeux entourant la mise sur pied d'un tel système sont beaucoup trop importants pour que le processus d'implantation se déroule à la manière d'une course contre la montre. Les appréhensions concernant, aussi, la capacité d'obtenir une licence, en l'absence d'un département d'affaires réglementaires à Héma-Québec, tout ça, bien sûr, sans qu'aucune analyse visant à démontrer les avantages d'un tel système n'ait été fournie à qui que ce soit.

M. le Président, lorsqu'il est question de santé publique, les Québécois et Québécoises savent que le Parti libéral du Québec n'aime pas se préoccuper des chiffres. Cependant, après avoir cherché en vain dans le projet de loi n° 438 des avantages qui auraient potentiellement pu pallier aux facteurs de risque considérables, la question des coûts demeure incontournable. Le passage vers ce nouveau système entraînera des coûts supplémentaires. Les différents coûts entourant la mise en opération du nouveau système de gestion du sang au Québec feront passer la facture de 86 000 000 $ à 125 000 000 $ – belle leçon à recevoir! – ce qui ne représente rien de moins qu'une augmentation de 45 % des coûts actuels pour pareil service. Eh bien, voilà pour la leçon!

Sans compter, bien sûr, un montant additionnel de 17 000 000 $ en trois ans qui sera consacré à organiser les relations avec les receveurs de sang du réseau de la santé au sein des 20 hôpitaux désignés pour héberger les comités de médecine transfusionnelle. Bien évidemment, le tout sera accompagné d'une campagne de publicité ayant pour but de sensibiliser les citoyens aux modifications apportées et d'essayer de les convaincre de continuer à donner de leur sang. Vous conviendrez avec moi que ceci peut aussi constituer un problème, puisqu'il n'est pas certain que tous auront confiance dans une opération requérant une expertise comme celle de recueillir le sang dans une autre entité que la Croix-Rouge.

Il va sans dire, M. le Président, que les suppléments encourus par le système que le gouvernement Bouchard veut mettre en place sont largement redevables au dédoublement pur et simple...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, Mme la députée de Beauce-Sud. Je vous rappelle l'article 35 où on dit qu'on doit désigner un membre de cette Assemblée par son titre. Et, à l'occasion du ministre de la Santé et des Services sociaux, vous avez à quelques occasions employé son nom. Et là vous mentionnez le gouvernement Bouchard. Alors, c'est le gouvernement au pouvoir présentement qu'il faut mentionner. Alors, je vous inviterais à relire cet article 35. Je vous cède la parole pour poursuivre.

Mme Leblanc: Alors, nous aurons donc un système canadien et un système québécois en parallèle. Évidemment, qui dit deux systèmes dit deux structures et, bien sûr, une augmentation significative de la facture. J'ai toujours beaucoup de difficultés à concevoir pourquoi le Parti québécois a autant de mal à pratiquer ce qu'il prêche. Depuis des années, il fait des soi-disant chevauchements provincial-fédéral l'un de ses principaux champs de bataille; pourtant, lorsque l'occasion se présente, il n'hésite pas un instant à les créer lui-même.

Ceci étant dit, il est aussi pertinent de se questionner sur les difficultés de communication et de coordination que risque d'entraîner un tel dédoublement. Les nouvelles banques de données à partir desquelles toutes les informations inhérentes aux donneurs seront emmagasinées seront en contact avec les Services canadiens du sang afin qu'une liste à jour puisse être tenue des donneurs qui seront partout au Canada. Héma-Québec aura la responsabilité d'assurer les liens avec l'Agence canadienne.

Un tel système devra aussi recevoir au préalable l'approbation de la Commission d'accès à l'information, ce qui risque une fois de plus de mettre le ministère de la Santé et des Services sociaux devant des délais plus que courts. Ainsi, un membre de l'organisme provincial siégera au sein du conseil d'administration des Services canadiens du sang et, à l'inverse, un représentant de l'organisme pancanadien à Héma-Québec. Une telle façon de faire – mon collègue vous l'a dit tantôt – nous amène à nous questionner sur la transparence et l'imputabilité d'un tel système, puisque des barrières seront créées entre les deux structures. Par conséquent, nous agirons en tant qu'observateurs et non comme décideurs.

(12 h 40)

Les risques que comporte un tel projet, qui ne constitue même pas une économie pour le réseau de la santé, sont trop grands pour être encourus. De plus, faut-il encore se rappeler que le ministre qui nous propose ce projet de loi est celui-là même qui a opéré le virage ambulatoire et détruit de façon systématique le lien de confiance qui existait entre les citoyens et le réseau de la santé. L'engorgement dans les urgences des patients – ici, le mot «patient» prend toute sa signification, vous en conviendrez! – l'allongement dramatique des listes d'attente dans certaines unités spécialisées, les compressions massives et sauvages dans la santé sont autant de témoins de son manque de vision, de planification et de coordination.

Les priorités que lui et son gouvernement se sont fixées ne sont pas celles des Québécois et des Québécoises. Pour le Parti libéral du Québec, ce n'est pas les intérêts politiques et partisans qui priment, c'est le souci d'assurer à la population un réseau de santé efficace, un système d'éducation d'avant-garde et une économie active et rigoureuse qui permet à tous et chacun d'occuper un emploi et de prendre la place qui lui revient.

Alors, lorsque le ministre de la Santé brandit le projet de loi n° 438 en qualifiant ses composantes de système souverain, en partenariat avec le reste du Canada, je suis effrayée, M. le Président. Comment ne pas voir dans cette réforme une décision purement politique de la part du gouvernement? S'il y avait eu plus d'avantages que d'inconvénients dans l'adoption de celui-ci, il y a fort à parier que le ministre n'aurait pas hésité un instant à nous fournir et à fournir aux principaux intéressés l'évaluation comparative que tous réclament.

Aujourd'hui, nous sommes en présence de ce qu'il serait pertinent d'appeler le plan B du gouvernement. Après avoir échoué dans son entreprise visant à sortir le Québec du Canada, ce qui constitue le plan A des péquistes, on tente maintenant par une multitude de façons détournées de sortir le Canada du Québec. Alors, ce qu'il y a de malhonnête dans cette démarche, c'est que le tout se fait de façon insidieuse et sans que M. et Mme Tout-le-Monde n'aient la chance de se prononcer sur une telle entreprise.

Les Québécois et les Québécoises ont eu la chance de se prononcer le 30 octobre 1995 sur le projet de partition du Québec; ils ont voté non. Pourtant, on continue de tenter de détruire les liens, si harmonieux soient-ils, entre le Québec et le Canada. C'est purement et simplement un non-respect de la volonté des citoyens.

Alors, c'est malheureux, M. le Président, mais j'ai bien peur que les hémophiles et les autres bénéficiaires de la banque du sang québécoise ne fassent les frais de l'option que défend et poursuit sans cesse le gouvernement du Parti québécois, celle de la souveraineté. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'ici le gouvernement place les considérations politiques avant celles de la santé et de la sécurité de la population. Et c'est inacceptable.

À la lumière des raisons précédemment mentionnées et aussi pour toutes celles que les limites de temps ne me permettent malheureusement pas d'évoquer, c'est sans aucune hésitation, M. le Président, que je me prononcerai contre l'adoption de principe du projet de loi n° 438; j'invite d'ailleurs mes collègues parlementaires à en faire autant. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait énormément plaisir de pouvoir, moi aussi, discuter avec vous, M. le Président, mes collègues et les gens d'en face, de ce fameux projet de loi n° 438, qu'on pourrait même appeler un projet de loi de séparation, de confrontation. On prend leur – comment je dirais – philosophie et on transporte ça sur des projets de loi, comme la chose aussi importante que le projet de loi n° 438.

Ce projet de loi, qui confie à Héma-Québec la mission d'assurer notamment à la population un approvisionnement en sang et en produits et constituants sanguins, il précise qu'Héma-Québec n'est pas un mandataire du gouvernement et qu'aucun fonctionnaire ne peut être membre de son conseil d'administration.

Le projet accorde au ministre de la Santé et des Services sociaux certains pouvoirs d'intervention s'il constate, entre autres, que la qualité et la sécurité des produits distribués par Héma-Québec ne sont pas suffisamment assurées. Le projet de loi prévoit aussi qu'Héma-Québec devra financer ses activités particulièrement à l'aide de sommes qui lui seront payées par les établissements de santé et de services sociaux pour la fourniture de ces produits. M. le Président, le projet de loi crée de plus le Comité d'hémovigilance, dont la principale fonction est de donner au ministre de la Santé des avis sur l'état des risques reliés à l'utilisation du sang, des produits et des constituants sanguins. Ce Comité sera composé de personnes nommées par le ministre. La stratégie inclut 20 hôpitaux désignés, dotés de leur comité de médecine transfusionnelle, qui s'occuperont de la gestion et de l'utilisation des produits sanguins. Ces hôpitaux seront responsables des relations avec les patients et les receveurs de sang.

Problématique, M. le Président, décision purement politique. La décision du gouvernement Bouchard de créer sa propre agence de sang met les considérations politiques avant celles de la santé et de la sécurité de la population. En se désistant du système canadien, le ministre ne se préoccupe pas des appréhensions de l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui éprouvent un malaise face aux récentes failles du système de collecte de sang.

Dédoublement. La création de deux systèmes, de deux structures, l'un québécois et l'autre canadien, va entraîner un dédoublement des coûts, des problèmes de communication et un manque de coordination. Cette décision entraînera l'émission de deux permis différents pour deux systèmes qui ont le même rôle.

La qualité et la sécurité, qui est probablement le fond de tout ce débat pour le projet de loi n° 438. Le système québécois doit offrir des garanties de sécurité à toute épreuve afin que la santé et la sécurité de la population soient entièrement protégées. Il doit assurer qu'il y a un système identique pour la surveillance et le contrôle. Le Comité d'hémovigilance existant s'inquiète des dangers potentiels du système québécois.

La nouvelle agence canadienne doit assumer la gestion du système national d'approvisionnement et de distribution du sang à compter du 1er septembre 1998. La Société canadienne d'hémophilie doute que Québec soit capable de respecter les échéanciers pour cette date. Ses inquiétudes portent surtout sur l'obtention d'une licence et l'absence d'un département d'affaires réglementaires à Héma-Québec, le transfert de la licence et du département se faisant de la Croix-Rouge vers les Services canadiens du sang seulement. De plus, le ministre n'a jamais répondu à la demande du Comité d'hémovigilance de livrer une analyse comparative des avantages et des inconvénients des deux systèmes.

Le coût, M. le Président. Selon notre analyse, le nouveau système coûtera plus cher, le budget passant de 86 000 000 $ à 110 000 000 $. De plus, un montant additionnel de 17 000 000 $ en trois ans sera consacré à sa mise en place, et cette agence québécoise du sang nécessitera un budget annuel de quelque 125 000 000 $ en 1998-1999, comparativement à 86 000 000 $, en 1997-1998, versés à la Croix-Rouge.

Le nouveau système de gestion de sang québécois propose un système intégré d'information qui contiendra toutes les données pertinentes sur les donneurs. Cette base de données sera en contact avec les Services canadiens du sang pour maintenir à jour la liste des donneurs qui sont exclus partout au Canada. C'est toutefois Héma-Québec qui assurera la coordination des liens avec l'Agence canadienne. Un membre de l'organisme québécois siégera au sein du conseil d'administration des Services canadiens du sang et, vice-versa, un représentant canadien à Héma-Québec. En adoptant un système ni transparent ni imputable, cela crée des barrières entre les deux services. Nous agissons ainsi à titre d'observateurs et non de décideurs.

Pourquoi Héma-Québec, M. le Président? Rien n'empêche le Québec de faire ce qu'il veut et rien n'empêche de suivre les recommandations comme membre des Services canadiens du sang. Où sont les cinq principes du rapport Krever: le sang doit être une ressource fondamentale; les donneurs ne devraient pas être rémunérés, sauf dans des cas exceptionnels; le Canada devrait s'autosuffire; le sang et les produits sanguins devraient être gratuits et accessibles à tous; la sécurité est d'une importance capitale?

(12 h 50)

M. le Président, représentant un des cinq comtés de l'Outaouais, j'aimerais en profiter pour lire intégralement un éditorial de Murray Maltais, du Droit . Ce titre, je le cite au complet, M. le Président.

« Nettement politique . Avant même sa création, la nouvelle agence d'approvisionnement en sang que veut mettre sur pied le ministre de la Santé [...] fait l'objet d'une vive polémique. Elle prend une tournure nettement politique. Veut-on étouffer Héma-Québec dans l'oeuf? La décision d'un gouvernement souverainiste de créer sa propre agence était plus que prévisible. Le scandale du sang a déclenché une forte tempête politique au Canada. Elle dure encore, après le dépôt du rapport de la commission Krever qui n'a pas apaisé les tensions. La décision d'Ottawa et des provinces (dont le Québec) de ne pas indemniser les 22 000 victimes ayant contracté l'hépatite C entre 1986 et 1990 parce qu'on leur avait transfusé des produits sanguins contaminés continue de soulever colère et indignation.

«Pourquoi raviver les tensions politiques avec la nouvelle agence québécoise? N'a-t-il pas été décidé que l'approvisionnement en sang serait dorénavant géré par les provinces? L'homologue fédéral du ministre de la Santé, Allan Rock, dit s'inquiéter de la sécurité du système que veut instaurer le Québec. Mais, outre les soucis qu'il partage sûrement avec ce dernier sur la santé des Québécois, la manifestation publique de son inquiétude est-elle entièrement dénuée de tout calcul politique?

«Le scandale des urgences a entraîné la décote politique du ministre de la Santé. Il tente de rebâtir sa crédibilité auprès de la population. Les compressions dans les hôpitaux sont ponctuées d'histoires d'horreur... d'horreur. Partagée entre l'inquiétude et la colère, la population comprend surtout que le ministre a mal négocié un virage ambulatoire qui s'éternise et qui fait mal.»

Justement, M. le Président, hier après-midi, j'ai rencontré dans mon comté des infirmières qui travaillent soit à l'hôpital, soit dans les CLSC de la Petite Nation ou de la Lièvre. Elles ont voulu me rencontrer pour me montrer leur inquiétude du côté de l'éducation, si vous voulez, à l'université, la différence entre le baccalauréat et le côté collégial. Ces gens-là sont vraiment inquiets à cause de l'évolution de la santé des Québécois et des Québécoises et aussi de leur profession qui est attaquée directement, en ayant un cours seulement de deux ou trois ans au niveau collégial. On aura sûrement, M. le Président, la chance, ici, à l'Assemblée nationale, de questionner les gens sur les infirmières.

Cette inquiétude, M. le Président, les opposants du gouvernement actuel cherchent à l'exploiter, et avec raison. Ainsi, ils reprochent au ministre d'agir avec précipitation dans la création de l'agence. Les experts doutent qu'il soit avantageux pour le Québec d'avoir son propre système d'approvisionnement sanguin. La Société canadienne d'hémophilie reproche au ministre de la Santé de ne pas lui avoir livré une étude comparative sur les avantages et les inconvénients d'un système québécois versus un système pancanadien. On souligne le manque de consultations publiques dans la mise en place d'un système où tous nos gouvernements se sont comportés en irresponsables.

Le ministre de la Santé réagit en tentant d'éteindre des feux. Il cherche à rassurer la population en affirmant que le système québécois sera conforme aux normes canadiennes. «Des ententes, dit-il, seront négociées pour permettre l'échange de produits sanguins entre le Québec et les autres provinces.» Cet aspect de la question inquiète particulièrement les gens de l'Outaouais. Si on manque d'un produit sanguin au CHRO ou CH de Gatineau un beau dimanche soir et qu'il y a urgence, le système sera-t-il conçu et organisé pour qu'on puisse en obtenir rapidement? Comment va s'opérer la transition? Quel en sera le fonctionnement, M. le Président? Dans quelles conditions, exactement?

Les assurances du ministre de la Santé ne suffisent pas. La population exige des réponses complètes. L'argument massue en faveur d'un système québécois du sang, c'est que son réseau de la santé pourrait difficilement faire pire que le gouvernement fédéral. Mais Québec saura-t-il faire mieux? Il ne suffit pas de le dire, il faut le démontrer. Toutes les questions qui ont été posées ici par mon collègue de Nelligan, aucune réponse, de personne, M. le Président.

Pour le moment, les critiques acerbes envers Héma-Québec tiennent plus du procès d'intention que de l'analyse sereine et objective. Toutefois, le gouvernement actuel et son ministre ont ici une obligation de transparence. Que le Québec s'occupe de la gestion du sang, soit, mais que ses élus fassent en sorte qu'on puisse en discuter ouvertement et non derrière des portes closes. C'est inacceptable. Pas besoin de faire un dessin pour comprendre les enjeux, M. le Président. Qui peut prédire les dangers qui nous menacent dans le futur? C'est de notre sécurité, de notre santé qu'il s'agit. Alors, commençons par les démêler de la politique partisane, puis on y verra plus clair, M. le Président. Et je le cite, c'est un éditorial du mois de mars 1998, par Murray Maltais, qui est éditorialiste pour Le Droit , dans notre région, chez nous, M. le Président.

Et, dans la réplique de mon collègue de Nelligan, je pense que le point le plus important qui a été soulevé et qui m'a frappé vraiment: C'est le rôle d'un père de faire sûr que ses enfants aient la sécurité et que le sang que nos jeunes vont avoir dans nos hôpitaux soit du sang... pas ce qui s'est passé de 1986 à 1990. C'est important, M. le Président, que ce message-là soit retransmis, que nous, notre rôle premier ici, c'est quand même de penser à nos enfants, et que la même chose ne se produise pas, ce qui s'est passé de 1986 à 1990.

Et le gouvernement actuel a voulu, purement politiquement, même confronter le gouvernement du Canada dans des décisions de la Croix-Rouge. Je pense que c'est inacceptable, M. le Président. Je pense que je dois terminer. Laissez-moi vous dire, en conclusion, et pour le répéter, que la création d'Héma-Québec tourne à l'affrontement politique Québec-0ttawa, alors que cette question devrait transcender les lignes partisanes. La décision du gouvernement de créer sa propre agence était plus que prévisible. Le scandale des urgences, les compressions dans les hôpitaux, les fermetures, le transfert de Québec-Transplant vers Montréal et son retour à Québec, voilà plusieurs exemples, M. le Président, qui nous démontrent l'incohérence du ministre de la Santé dans ses décisions, ce qui a lieu de nous faire craindre que derrière Héma-Québec se cache un ministre dont la réputation se trouve gravement entachée et un ministre qui se sert des victimes pour rebâtir sa crédibilité politique. C'est pour ça, M. le Président, que je me joindrai à mon collègue de Nelligan et à mes collègues du parti de l'opposition pour voter contre le projet de loi n° 438. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. À l'heure qu'il est, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 5)


Décision du président sur la recevabilité d'une question de privilège soulevée par le député de Nelligan à la période des affaires courantes

Le Président: Chers collègues, veuillez vous asseoir.

Alors, je vais maintenant rendre ma décision concernant la question de droit ou de privilège soulevée aujourd'hui aux affaires courantes par le député de Nelligan. Selon ce dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux aurait commis un outrage au Parlement relativement au projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance, pour les motifs qu'Héma-Québec existe déjà, malgré le projet de loi n° 438, et que l'attitude du ministre dans ce dossier est un grave mépris envers l'institution qu'est l'Assemblée nationale et les membres qui y sont élus.

Tout d'abord, j'aimerais préciser que l'avis transmis à la présidence par le député de Nelligan n'était pas très précis en ce qui a trait aux faits qui, dans cette affaire, pourraient constituer un outrage au Parlement. Il y est simplement mentionné de façon générale qu'il y aurait eu du mépris envers l'Assemblée nationale, et, à l'appui de cette prétention, on réfère la présidence à certains documents. Je vous rappelle que, dans de telles circonstances, ce n'est pas à la présidence de rechercher ce qui pourrait constituer un outrage au Parlement. À cet égard, le deuxième alinéa de l'article 69 est clair: «L'avis doit indiquer le droit ou le privilège qu'il invoque et exposer brièvement les faits à l'appui de son intervention.»

Compte tenu de l'importance d'une question de privilège – il s'agit, en fait, de la base qui sous-tend le fonctionnement de notre première institution démocratique – j'ai décidé, cette fois-ci, d'étudier la question telle qu'elle m'est présentée. Je vous avise toutefois qu'à l'avenir la présidence demandera aux députés de produire un nouvel avis conforme au règlement.

Par ailleurs, je n'ai pas tenu compte de l'argumentation écrite qu'a transmise le leader du gouvernement au début de la séance. Comme l'a déjà décidé le président Saintonge, la présidence n'est pas obligée d'entendre de l'argumentation lorsqu'une question de privilège est soulevée en vertu du deuxième alinéa de l'article 69. Mais, lorsque la présidence décide de le faire, elle doit entendre les deux parties, ce que je n'ai pas considéré opportun de faire ce matin.

Depuis plusieurs années, on porte régulièrement à l'attention de la présidence, par le biais d'une question de droit ou de privilège, le fait qu'un ministre se serait prévalu de dispositions législatives contenues dans un projet de loi encore à l'étude à l'Assemblée nationale pour poser certains actes. Dans chaque cas, la présidence doit décider si les actes constituent à première vue un outrage au Parlement, soit un acte susceptible de porter préjudice à l'autorité ou à la dignité de l'Assemblée ou susceptible d'entraver le travail des députés.

Le 20 avril 1990, le président Saintonge établissait ainsi les circonstances dans lesquelles le fait de se prévaloir de dispositions législatives toujours à l'étude à l'Assemblée pourrait constituer un outrage au Parlement. Et je cite le président Saintonge: «Ainsi me semble-t-il juste d'affirmer, disait-il, qu'un ministre qui sciemment se prévaudrait de dispositions législatives encore à l'étude de l'Assemblée pourrait faire l'objet d'une accusation pour outrage à l'Assemblée. Dans de telles circonstances, le président pourrait possiblement en arriver à la conclusion que, prima facie, il y a eu violation des droits de l'Assemblée. Cette conclusion devrait néanmoins s'appuyer sur une preuve laissant clairement voir que le ministre a manifestement agi comme si le projet de loi avait force de loi.» Fin de la citation.

Dans le cas qui m'est actuellement soumis, rien dans les faits soulevés par le député de Nelligan ne constitue à première vue un outrage au Parlement. À l'appui de sa demande, le député de Nelligan soumet d'abord qu'Héma-Québec est une corporation qui existe depuis le 26 mars 1998. Il prétend ensuite que, le 1er avril 1998, une subvention de 5 000 000 $ en guise de dépenses de démarrage a été octroyée à Héma-Québec par le gouvernement du Québec. Le député s'appuie ensuite sur deux communiqués de presse, datés du 30 mars 1998, émanant du cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux: un communiqué porte sur l'annonce de la création d'Héma-Québec, l'autre fait état de la nomination des membres du conseil provisoire d'administration ainsi que de la nomination de la directrice générale. Enfin, le député de Nelligan m'a remis le transcript de la séance de la commission des affaires sociales de l'Assemblée du 4 mai dernier, consacrée à l'étude des crédits du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il attire particulièrement mon attention sur des affirmations du ministre qui tendent à démontrer qu'Héma-Québec exerçait alors ses activités, soit avant la présentation du projet de loi n° 438.

Il ressort clairement de la documentation soumise par le député de Nelligan qu'Héma-Québec a été créé par lettres patentes en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies, et ce, avant la présentation du projet de loi n° 438. D'ailleurs, le projet de loi lui-même, au départ, fait allusion au fait que cet organisme ait été créé en vertu de lettres patentes qui datent des dates mentionnées. À ce jour, Héma-Québec ne tire donc pas son existence de ce projet de loi qui est devant nous. Son fonctionnement est régi par les lettres patentes qui l'ont créé et, par conséquent, est indépendant des dispositions du projet de loi n° 438.

(15 h 10)

Toutefois, le gouvernement, pour des raisons qui sont les siennes et sur lesquelles la présidence n'a pas à porter de jugement, a décidé de présenter à l'Assemblée un projet de loi qui vise non pas à créer Héma-Québec, mais plutôt à permettre à Héma-Québec de poursuivre son existence dans un autre cadre légal. L'Assemblée a accepté de se saisir du projet de loi n° 438, et les parlementaires auront maintenant à l'étudier, avec toute la latitude permise par le règlement.

Comme je le mentionnais dans une décision rendue le 18 décembre 1997, en m'inspirant de propos tenus précédemment par le président Saintonge, en aucun cas le législateur n'a à tenir compte de gestes posés préalablement à l'étude d'un projet de loi pour déterminer le contenu de ce dernier.

En somme, rien dans les faits qui me sont soumis ne me porte à croire que le ministre de la Santé et des Services sociaux a porté atteinte à l'autorité et à la dignité de l'Assemblée ou que le travail des parlementaires serait entravé lors de l'étude du projet de loi n° 438. Par conséquent, il ne peut y avoir, en l'espèce, d'outrage au Parlement. Voilà.

Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Compte tenu des dispositions de l'article 41, je serai très bref. Si je comprends bien votre décision, parce qu'elle va continuer à être invoquée à l'avenir, ou bien le gouvernement n'avait pas besoin du projet de loi que le ministre de la Santé a déposé et il fait perdre son temps à l'Assemblée nationale du Québec parce que ça a déjà été créé par lettres patentes, etc., ou bien vous vous inscrivez dans un courant jurisprudentiel qui envoie un message aux ministériels quels qu'ils soient, de quelque formation politique que ce soit, à l'effet que: Ne vous souciez pas de tout ce que vous faites, le Parlement peut être utilisé – et je m'excuse de l'expression – comme un «rubber-stamp» de ce que vous avez fait.

Moi, j'aimerais comprendre de votre décision laquelle des deux orientations ceux et celles qui plaideront à l'avenir à l'Assemblée nationale devront retenir: que le ministre de la Santé a utilisé le Parlement alors qu'il n'en avait pas besoin ou que vous envoyez – et c'est votre pouvoir de le faire – le message aux ministériels qu'ils peuvent faire tout ce qu'ils veulent et qu'ils peuvent utiliser l'Assemblée nationale pour simplement confirmer ce qu'ils ont fait.

Nous sommes dans un domaine très sensible. Il y a des ententes interprovinciales qui ont été conclues. Il y a déjà des annonces qui ont été faites que, le 1er septembre, quel que soit le vote des députés de l'Assemblée nationale, Héma-Québec va fonctionner. Ce n'est pas une prétention du député, comme vous l'avez indiqué dans votre décision, qu'il y a eu une subvention de 5 000 000 $ qui a été versée, c'est un décret du Conseil des ministres qui a été publié dans la Gazette officielle du Québec . Ce n'est pas simplement une prétention du député, c'est approuvé sur le plan des faits. Moi, je veux simplement comprendre, à partir de ce jour-ci, si le ministre de la Santé fait perdre son temps à l'Assemblée nationale ou si la présidence envoie comme message qu'on peut se foutre de l'Assemblée nationale quand on est ministre au gouvernement du Québec.

Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition officielle, vous comprendrez très bien que ce n'est certainement pas un message, en vertu de la deuxième hypothèse que vous soulevez, que le président envoie par la décision.

Par ailleurs, une chose qui est claire, et c'est plus clair dans ce cas-ci que ça ne l'a déjà été dans d'autres cas sur lesquels j'ai été appelé à me prononcer – je pense, entre autres, au cas qui a été soulevé au mois de décembre dernier – dans ce cas-ci, ce n'est pas le choix de la présidence. La présidence n'a pas à faire ce choix. C'est le gouvernement qui a fait ce choix et qui doit – et, j'imagine, dans le cadre du débat sur le projet de loi dont l'Assemblée a accepté de se saisir – justifier son choix. Mais le gouvernement a décidé qu'il voulait aller plus fort que ce qu'il pouvait faire déjà en vertu de la Loi sur les compagnies.

J'imagine que, quand on a accordé des lettres patentes et qu'on pouvait mettre sur pied un organisme, on n'avait pas, a priori, nécessairement besoin d'une loi. Si on a choisi de faire une loi, c'est peut-être parce qu'on voulait aller plus loin que les lettres patentes. Et, moi, je n'avais pas comme tâche d'aller dans le détail, de décortiquer les lettres patentes par rapport au projet de loi. Ce qui est clair, c'est que les lettres patentes existent et que le projet de loi vient ajouter.

Mais la création d'Héma-Québec... Parce que, dans le fond, finalement la question qui est posée par le député de Nelligan supposerait que le gouvernement a posé un certain nombre de gestes présumant que la création de l'organisme se faisait avant que la loi ait été adoptée. Effectivement, l'organisme a été créé avant que la loi ait été adoptée. D'ailleurs, je m'en réfère même, je crois, à l'article premier du projet de loi: «Héma-Québec, créée le 26 mars 1998 par lettres patentes émises en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies, continue son existence...» Donc, ça veut dire que ce n'est pas la loi qui crée Héma-Québec; c'est les lettres patentes. On s'entend.

Dans ce contexte-là, ce qui m'a été soumis, moi, j'avais à regarder un certain nombre de documents. Et, comme je l'ai indiqué, c'est ça, le problème, la façon dont le député de Nelligan s'est pris pour poser sa question de règlement. Ce n'est pas un blâme. Il n'est pas le premier à faire cela. Je pense que, dans l'avenir, on devra être plus attentif aux directives que je viens de donner. C'est que, dans la mesure où on considère qu'une question de privilège doit être invoquée, qu'un droit de l'Assemblée a été bafoué, qu'il y a un outrage au Parlement, on doit indiquer à la présidence en quoi on pense que l'outrage a été commis. Autrement, on laisse à la présidence l'odieux ou la responsabilité de décider en quoi il y a outrage au Parlement dans une documentation abondante qu'on peut lui transmettre.

En l'occurrence, la décision que je prends n'est à la fois ni pour indiquer aux membres qu'on peut se foutre du Parlement ni, par ailleurs, pour indiquer que le Parlement travaille pour rien. Je crois que, encore une fois, la règle jurisprudentielle qu'on s'est donnée, c'est que le Parlement n'a pas à tenir compte d'autres gestes qui peuvent avoir été posés en parallèle ou au préalable. Il a à faire son travail de législation.

Le débat qui a lieu et qui a commencé sur le principe du projet de loi autant que l'étude détaillée du projet de loi visent à permettre effectivement de voir si, à la fin du processus, il y a lieu d'adopter la législation ou pas. Comme vous le savez, les membres de l'Assemblée pourraient décider, à la fin de l'étude du projet de loi, que, compte tenu de toutes sortes de raisons, il n'y a pas lieu de l'adopter, le projet de loi. Ça, le président ne peut pas intervenir sur ça.

En tout cas, en ce qui me concerne, c'est clair que les deux hypothèses dont vous venez de parler ne doivent pas être mises de l'avant pour interpréter la décision de la présidence ou lui donner un sens qu'elle n'a pas.

M. Paradis: ...M. le Président, pour éviter de donner un sens que votre décision n'a pas. Le gouvernement crée un organisme qui s'appelle Héma-Québec par lettres patentes qui lui donnent des pouvoirs de recevoir des subventions, qui lui donnent des pouvoirs en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies. Moi, je n'ai aucune difficulté avec ça.

La difficulté survient, et c'est là-dessus: ou bien ça constitue une question de droit et de privilège – vous avez décidé que ça n'en constituait pas une – ou bien on fait perdre le temps à l'Assemblée nationale. On ne peut pas s'en sortir, M. le Président. Ou bien les pouvoirs sont dans les lettres patentes et le ministre peut s'exécuter, Héma-Québec peut s'exécuter... Le conseil d'administration a été nommé. La directrice générale a été choisie. Les pourparlers avec les autres provinces, les autres juridictions ont été entrepris. Des ententes ont été conclues. Maintenant, tout ça s'est fait en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies, en vertu de lettres patentes constitutives.

Maintenant, on vient à l'Assemblée nationale du Québec et on dit: On a besoin d'une loi de l'Assemblée nationale du Québec pour former Héma-Québec, pour nommer son conseil d'administration, pour lui permettre de recevoir des subventions et pour négocier et signer des ententes avec les autres juridictions au Canada. À ce moment-là, ou bien, M. le Président, je vous le soumets très respectueusement, il y a bris des droits et privilèges si on en a besoin, et, si on n'en a pas besoin – et je pense que je partage votre opinion, M. le Président, là-dessus, ça a été créé en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies – le ministre fait perdre son temps à l'Assemblée nationale du Québec alors qu'il nous dit qu'il n'a pas de temps pour entendre les médecins, les infirmiers et infirmières, les comités de malades et ces gens-là, non.

Et ça, c'est grave, M. le Président, parce que faire perdre le temps à l'Assemblée nationale – je pense que vous avez les pouvoirs également de complémenter votre décision à cet effet-là – quand on a tous les pouvoirs en vertu d'une autre loi, c'est également une atteinte aux droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale. Ou bien il y a porté atteinte parce qu'il vise à faire ratifier quelque chose qu'il n'a pas besoin de faire ratifier ou bien il fait perdre le temps à l'Assemblée nationale du Québec.

(15 h 20)

À ce moment-là, M. le Président, c'est de deux choses l'une. On ne peut pas dire: C'est ni un ni l'autre. À moins que vous ayez une autre théorie. Parce que votre décision, dans les questions de droit et privilège, ce n'est pas clair. On en a déjà discuté à l'Assemblée nationale. C'est une des zones les plus grises dans le règlement et la jurisprudence. On a une occasion de le clarifier. Si vous nous dites, à ce moment-ci, et nous nous rendons à votre décision: Il n'y avait pas besoin d'une loi à l'Assemblée nationale, donc vos privilèges ne sont pas violés en ce qui concerne cet élément-là, moi, je vous soumets respectueusement que je vais vous soumettre une autre question de droit et de privilège. Si le ministre n'en avait pas besoin, à ce moment-là il viole les droits et privilèges des membres de l'Assemblée nationale en leur faisant perdre leur temps sur une question législative qu'il n'a pas besoin de soumettre à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Je comprends que vous avez rendu votre décision et que le leader de l'opposition, par des moyens plus ou moins détournés, cherche à la remettre en question. Mais faire perdre le temps de cette Chambre ou pas, vous conviendrez avec moi que c'est une notion tout à fait subjective. Ça peut être son point de vue, ça peut être son opinion ou sa position, mais ce n'est pas nécessairement la mienne. Alors, faire perdre le temps, c'est vraiment quelque chose de tout à fait subjectif.

Moi, je vous avoue, M. le Président, que, à bien des moments, en période de questions, quand je vois les questions posées par l'opposition officielle, j'ai le net sentiment qu'on perd notre temps. Mais c'est subjectif, c'est mon opinion. Je suis sûr que celui qui pose la question n'est pas de cet avis-là; il pense qu'il occupe fort bien le temps de cette Chambre. Alors donc, on ne commencera pas à s'engager dans ce débat sur: La Chambre perd-elle ou pas son temps? Parce que là vraiment je suis convaincu que vous ne trouverez pas une seule disposition du règlement pour appuyer une position de la présidence sur des bases objectives. C'est purement subjectif. Les périodes de questions, c'est très souvent une perte de temps compte tenu de la nature de vos questions.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement pour concourir à l'argumentation du leader adjoint du gouvernement, M. le Président, à ce moment-là simplement ajouter à votre décision, si vous souhaitez le faire – et c'est une précision dont on a besoin et qui pourrait éviter la deuxième question de droit et privilège – que le ministre n'avait pas besoin de soumettre à l'Assemblée nationale un projet de loi parce que tous les pouvoirs étaient contenus... Et vous vous êtes réservé cette marge de manoeuvre, M. le Président, vous avez dit: Je n'ai pas pris connaissance in extenso des lettres patentes créant Héma-Québec. Si vous ajoutez cet élément-là à l'effet qu'il n'avait absolument pas besoin de venir à l'Assemblée nationale, à ce moment-là on considérera que c'est son choix et subjectivement on évaluera de part et d'autre.

Le Président: Écoutez, moi, ce que je peux dire à ce moment-ci, c'est que je me vois très mal, comme président de l'Assemblée, non seulement statuer sur la façon dont on évalue le temps qu'on prend ici à l'Assemblée pour débattre et porter un jugement, d'un côté ou de l'autre, sur la façon dont vous faites les choses, mais, deuxièmement, je considère que, à partir du moment où l'Assemblée s'est saisie du projet de loi, c'est à elle finalement et non pas à la présidence d'apprécier la pertinence du texte.

Éventuellement, je l'ai indiqué tantôt dans ma décision et je vous le rappelle, vous avez la possibilité, à la limite, de refuser de voter pour le projet de loi. Vous pouvez très bien décider qu'après avoir évalué justement le projet de loi, en avoir débattu au niveau de ses principes et surtout l'avoir étudié d'une façon détaillée... Et je présume que les commissions parlementaires ont aussi comme objectif de faire des études comparatives. Alors, si en commission parlementaire vous faites le débat en utilisant à la fois les dispositions des lettres patentes et celles du texte du projet de loi et que vous arrivez à certaines conclusions, bien, vous pourrez porter un jugement sur l'utilité ou la non-utilité. Mais je ne crois pas qu'on puisse demander à la présidence de porter un jugement sur la pertinence ou l'utilité. L'Assemblée a décidé de se saisir du projet de loi, c'est à elle maintenant d'en disposer et non pas au président.


Projet de loi n° 438


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Alors, si vous voulez bien, maintenant on va poursuivre le débat. Je suis prêt à reconnaître une autre intervention. M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Alors, c'est mon devoir de prendre la parole sur le projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance, Bill 438, An Act respecting Héma-Québec et the haemovigilance committee.

M. le Président, les gens qui nous écoutent auront sans doute constaté comme vous que le gouvernement est en train de proposer un projet de loi qui vise à faire d'abord et avant tout une chose: remplacer la Croix-Rouge, symbole universellement reconnu, organisme universellement reconnu, par quelque chose qui vient d'être inventé par notre ministre de la Santé nationale à nous autres. Deux titres vont suffire à démontrer à quel point tout cet exercice est inutile, un gaspillage de fonds publics et quelque chose de concocté pour des fins purement politiques et partisanes par le gouvernement du Parti québécois.

Dans Le Journal de Québec du 31 mars 1998, on peut lire dans un article écrit par Normand Girard: La nouvelle agence coûtera 39 000 000 $ de plus au Québécois . Dans un autre article écrit à peu près simultanément dans le journal La Presse , Katia Gagnon écrit: S'il n'en avait tenu qu'à sa patronne, Héma-Québec n'aurait jamais vu le jour . Elle explique dans cet article comment la personne qui a été choisie travaillait auparavant chez la Croix-Rouge et que, dorénavant, bien malgré elle, elle va être tenue de travailler pour cette nouvelle patente que les péquistes sont en train de nous inventer aujourd'hui.

Et, quand je dis «patente», M. le Président, ce n'est pas pour rien, ce n'est pas péjoratif, c'est parce que, comme mon collègue le leader de l'opposition vient de le mentionner, l'organisme en question, la patente à laquelle on va dorénavant donner notre sang lorsqu'on ira dans une clinique, peu importe, au Québec, ça va être Héma-Québec, et c'est déjà créé en termes de lettres patentes. Quand il y aura une clinique de dons de sang, on va être appelé à aller vers ce nouvel organisme qu'est Héma-Québec.

Les raisons pour la création de cet organisme-là sont en train d'être débattues et le seront davantage en commission parlementaire. Mais l'aspect sur lequel je veux m'attarder quelque peu cet après-midi, M. le Président, c'est ce qui vient d'être discuté entre le leader en Chambre de l'opposition, député de Brome-Missisquoi, et le président qui était à votre place tout à l'heure, car, en effet, si on consulte les documents, qui sont d'ordre public, on découvre que, déposées au registre le 26 mars 1998, il y a des lettres patentes – dans la Loi sur les compagnies, partie III, c'est-à-dire les compagnies à but non lucratif – qui créent déjà Héma-Québec.

On trouve le nom des premiers administrateurs, une référence du siège social, le conseil d'administration, le montant des immeubles qu'on peut acheter et les objets pour lesquels c'est créé: À des fins sociales et humanitaires – il ne faut pas que ça soit pour de l'argent – les responsables de la collecte de sang et du plasma... d'assumer la gestion des dossiers des donneurs, etc. Tout ce qui est contenu dans le projet de loi a déjà été légalement créé en vertu d'une autre loi.

Force nous est de constater que le gouvernement est en train de se livrer à un exercice de nature autre que juridique parce que l'entité qu'est Héma-Québec, que l'on dit que l'on veut créer avec le projet de loi n° 438, a déjà bel et bien été constituée en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies du Québec.

Qui plus est, M. le Président, si on consulte les documents en question, et le projet de loi et l'historique du dossier du sang contaminé, qu'est-ce qu'on constate? On a un ministre de la Santé et des Services sociaux qui a un doctorat en santé publique de l'Université Harvard. Ce n'est pas un deux de pique. J'ai hâte de savoir le discours que va tenir le ministre de la Santé et des Services sociaux avec ses collègues de classe de l'Université Harvard, les autres Ph.D. en santé publique, j'ai hâte d'entendre le discours médical.

Pas le discours politique, parce que le discours politique, hein, on le crinque, Jean-François Lisée «feed» les lignes un peu et il est capable de les régurgiter en Chambre n'importe quand. C'est ca qu'il nous fait régulièrement à la période des questions. Mais j'ai hâte d'entendre le discours du médecin qu'est le ministre de la Santé et des Services sociaux pour justifier la création d'Héma-Québec, j'ai hâte d'entendre le discours du Ph.D. en santé publique de l'Université Harvard qu'est le ministre de la Santé et des Services sociaux pour entendre les raisons qui ont présidé à l'élaboration d'abord des lettres patentes, ensuite du projet de loi visant à créer cette nouvelle patente qui n'est absolument pas nécessaire, au dire de tous les autres experts qui sont venus regarder la question.

(15 h 30)

M. le Président, je l'ai dit tantôt et c'était sincère, le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec est une personne qui a une instruction, qui est éduquée en matière de santé publique. Donc, avant de décider qu'il s'était fait embarquer dans quelque chose de purement politique, on a regardé le projet de loi, on a regardé les lettres patentes, on a analysé tous les articles et les communiqués de presse qui ont été émis là-dessus au cours des derniers mois pour tenter de voir si, à travers tous ces documents-là, on pouvait déceler une intention autre qu'une intention purement politique. C'est-à-dire, par la création d'un organisme qui affecte ce qu'il y a de plus vital pour l'être humain, sa santé, puis la capacité pour l'État de tenter de l'aider à conserver sa santé, est-ce que c'était vrai que, même là-dedans, les péquistes allaient faire de la politique ou est-ce qu'ils avaient peut-être une autre raison qui existait, qui aurait pu justifier qu'on dépense 39 000 000 $ de plus pour créer cet organisme et qu'on l'ait créé malgré l'avis contraire de tous les experts qui avaient regardé la question?

M. le Président, c'est évident qu'il n'y a pas d'autres raisons que des raisons d'ordre politique qui ont motivé le gouvernement du Parti québécois à proposer la création de cette nouvelle entité qu'est Héma-Québec. C'est fort simple. Si on regarde la stratégie constamment employée par le Parti québécois, c'est toujours pour chercher à avoir un avantage politique, peu importe le dossier. C'est attristant de constater que même dans le dossier de la santé, même dans le dossier du sang, le gouvernement du Parti québécois veut essayer de tirer un petit avantage politique. Quel peut être cet avantage? Bien, de leur avis, de toute évidence, M. le Président, c'est en disant: On fait bande à part, mais vous n'aurez d'autre choix que de transiger avec nous autres, donc on va négocier le deal après. Ah! Est-ce qu'il y a des échos d'un autre discours de ce gouvernement-là? Même si on sacre notre camp, vous allez être obligés de dealer avec nous autres! C'est ça qu'ils sont en train de faire, en jouant avec la vie des gens, avec la santé des gens.

Puis leur autre pari, c'est que, si jamais le reste du Canada regarde Héma-Québec et dit: Écoutez, soit on va avoir les mêmes règles pour tout le monde, administrer centralement, soit vous faites votre propre affaire, mais on ne traitera pas avec vous autres, faisant ce qu'on appelle en anglais «playing both ends against the middle», c'est-à-dire toujours capable d'être gagnant, peu importe ce qui sort, le gouvernement du Parti québécois va dire: Tu vois, il faut qu'on se sépare, ils ne nous aiment pas, ils nous boudent.

Personne ne boude le Québec. Tout le reste du Canada aurait bien voulu garder un système intégré. On a connu, avec la commission Krever, une analyse extraordinairement exhaustive de tout ce qu'il y a eu comme problèmes avec l'hépatite C, notamment, et le sida. On connaît la source des problèmes; ils ont été corrigés.

Le problème, aujourd'hui, M. le Président, c'est de savoir pourquoi le gouvernement du Parti québécois veut recréer une situation qui risque d'être plus dangereuse, potentiellement plus nuisible pour la santé des Québécois. Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que, lorsqu'on met en commun des ressources, lorsqu'on travaille avec plus de personnes, plus d'énergie, plus de potentiel d'analyse, on est capable d'obtenir un meilleur résultat. Si on travaille à travers le pays avec exactement les mêmes exigences, les Québécois vont être plus rassurés. Ils vont être en mesure de savoir que, peu importe ce qui vient d'ailleurs, ça va toujours rencontrer les normes, et le reste du Canada, bien entendu, va être capable de dire: Si on a des produits ou des sous-produits qui sont en provenance du Québec, bien, on va pouvoir, à notre tour, être rassurés.

Il y a énormément d'argent qui va là-dedans. J'ai donné le chiffre tantôt, cité par les journaux, 39 000 000 $ de plus qu'avant. Donc, c'est comme... M. le Président, vous avez assisté, dans ces commissions parlementaires là, le nouveau Tribunal administratif du Québec, le pauvre, infortuné ministre de la Justice et Procureur général du Québec était obligé d'admettre que le nouveau Tribunal administratif du Québec, qui était censé être la trouvaille du siècle par les péquistes, allait coûter à peu près 25 %, 30 % de plus que les organismes que c'était en train de remplacer, alors que l'économie que ça devait représenter était supposée être un de leurs meilleurs arguments en faveur de ce Tribunal qui, rappelons-le, enlevait des droits aux citoyens.

Ici, c'est la même chose. On crée quelque chose, ça va coûter 39 000 000 $ de plus. Est-ce que ça va apporter quelque chose d'additionnel au public? Pas du tout. Ça va représenter des dangers potentiellement pour leur santé. Est-ce que le public va être plus rassuré? Est-ce qu'il va spontanément aller donner plus de sang à cette nouvelle invention péquiste qui va remplacer le symbole universellement reconnu de la Croix-Rouge? Il n'y aura plus de Croix-Rouge au Québec, M. le Président, pour les dons de sang. Il faut comprendre, là. Pour les activités aquatiques, les enfants vont continuer à suivre leurs cours de la Croix-Rouge, mais, pour ce qui est des dons de sang, ça ne sera plus là. C'est prévu aux termes du projet de loi, c'est l'expropriation. C'est ça qui va se faire. Héma-Québec, aux termes du projet de loi, aurait le droit, avec le gouvernement, d'exproprier les biens de la Croix-Rouge. Mais tout le «goodwill» – c'est un terme qu'on utilise en droit pour décrire... Le président est notaire, il connaît bien le terme – tout ce qui va avec le nom, c'est l'actif, comme dit le ministre de la Santé et des Services sociaux. Ça fait partie de l'actif. C'est tout ce qui est de bonne volonté, de reconnaissance qui va avec la Croix-Rouge.

Ça, le ministre de la Santé du Québec est persuadé que quelque chose, avec le nom oh! combien évocateur! d'Héma-Québec... Qu'est-ce que c'est ça? Les gens vont spontanément courir vers ça, disant: Youpi! Ça, c'est rassurant. Après tout, c'est le député de Charlesbourg qui l'a créé, ça doit être bon, hein? C'est comme l'ami Michel du grand Charlesbourg, celui qui vendait des chars dans le temps, ici, à Québec; lui, il était bon, aussi. C'est ça, on a ça: on a notre vendeur de chars usagés qui tente de nous convaincre ici, à l'Assemblée nationale, qu'Héma-Québec va être mieux pour le Québec, pour les Québécoises et pour les Québécois et pour leurs enfants que ce qui existe déjà et qui est déjà en train de rencontrer toutes les normes les plus modernes possible pour assurer que le genre de tragédie qui a été connue – pas juste au Canada – en France et dans d'autres pays, avec le sida et avec l'hépatite C, ce genre de tragédie ne se répète plus.

Plutôt que d'embarquer dans le train, plutôt que de participer à cet effort pour viser la création de standards uniformes au Canada, de viser à s'assurer que la santé du public passe avant toute autre considération, notamment des considérations d'ordre politique, le gouvernement du Parti québécois, comme c'est son habitude, est en train de faire exactement le contraire. Le gouvernement du Parti québécois est en train de dire: Tiens! Voilà une belle occasion pour nous de voler de nos propres ailes dans un autre dossier. On va le faire et on va créer un organisme propre au Québec dans le domaine de la santé et du sang.

Comme je vous le disais tantôt, M. le Président, j'ai hâte d'entendre le discours médical du ministre de la Santé et des Services sociaux, parce que, avec un peu de chance pour nous tous, il ne sera pas en politique pour longtemps. Après ça, il va sans doute chercher des contrats, il va chercher une faculté de médecine où aller expliquer comment il avait raison pendant le temps où il était en train de détruire le système de santé au Québec. Et ça, c'est une des choses les plus fascinantes avec ce ministre de la Santé: il se targue d'être celui qui a eu le courage de faire ce qu'il fallait faire dans le domaine de la santé. Il se lève jour après jour à la période des questions et dit: Écoutez, on est en train de réparer les pots cassés. Mon prédécesseur, Marc-Yvan Côté, il était vraiment bon, mais il n'a pas eu d'appui dans son gouvernement.

M. le Président, quand le ministre de la Santé et des Services sociaux se lève pour dire qu'une chance que, lui, il a le courage de faire ce qu'il faut, vous savez ce qu'il est en train vraiment de nous dire? C'est que ses fonctionnaires ont réussi à le convaincre, lui, que c'est juste lui qui a le courage d'enfin faire ce qu'il fallait faire depuis longtemps. Et c'est quoi, la vision bureaucratique d'un système de santé idéal? C'est des tours comme l'édifice Joffre où préside le ministre de la Santé et des Services sociaux, ici, à Québec, des tours pleines de fonctionnaires. Plus de malades! Comme ça, les fonctionnaires peuvent se passer des papiers, parler entre eux autres, faire des plan quinquennaux, remplir des directives, préparer des arrêtés ministériels, juste passer du papier. Si seulement il n'y avait pas ces choses vraiment désagréables à faire, comme changer les lits, tourner les malades pour qu'ils ne meurent plus de leurs plaies de lit, comme c'est arrivé à plusieurs reprises au cours de la dernière année à Montréal, s'occuper du monde malade. Ça, ce n'est pas une tâche pour des gens qui travaillent au ministère, non, non. Eux, leur tâche, c'est de convaincre le ministre de livrer la marchandise sur leur vision utopique du système de santé qu'on devrait avoir à Québec.

Dans le rapport signé par l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux – il y a des références qui ont été relevées par Lysiane Gagnon – il trouvait dans les pays du bloc de l'Est, avant la chute du mur de Berlin... C'était là où il trouvait ses modèles. On parle de Roumanie, de Bulgarie, des choses comme ça. Pour lui, c'était vraiment comme ça que le Québec devait construire son service de santé et ses services sociaux. Vous savez quoi? Il est en train de réussir, M. le Président!

(15 h 40)

C'est un autre exemple qu'on a devant nous aujourd'hui avec Héma-Québec. On a une patente dont personne n'avait besoin. Il n'y a personne dans le milieu qui avait réclamé la création d'un tel organisme. C'est un «fling-flang» du gouvernement du Parti québécois pour tenter de prouver qu'encore une fois on «est-u» donc bien mieux quand on fait nos propres affaires! M. le Président, qu'il le fasse dans des domaines qui les intéressent, eux, et la patriote de l'année, à la CSN, puis leur gang, ça ne dérange personne, mais qu'il le fasse dans le domaine de la santé et des services sociaux, c'est grave. C'est grave pour le public. C'est grave parce que ça met en danger la santé même de la population. Et le ministre de la Santé et des Services sociaux se convainc, ou s'est laissé hypnotiser, je n'en sais rien, par ses fonctionnaires, il s'est, d'une manière ou d'une autre, par lui-même autohypnotisé, ou par l'extérieur, il s'est vraiment convaincu que c'était juste lui qui avait le courage, le Viagra politique que ça prenait pour finalement tenir tête à tout cet horrible système, avec les médecins qui ne voulaient pas entendre raison, des gens qui étaient des pas bons,. C'est lui qui a la patente.

Bien, je vais vous dire une chose, M. le Président, avec tout le respect que je dois à son prédécesseur, Marc-Yvan Côté, qui est effectivement quelqu'un avec beaucoup de talent, qui a fait du très bon travail, il se laissait traîner sur la même pente que l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux, et une chance que, contrairement au gouvernement du Parti québécois, dans le gouvernement libéral, dans le temps, M. Côté est venu avec ses divers projets, puis son projet a été informé de l'opinion de plusieurs de ses collègues et de gens de l'extérieur, notamment l'Ordre des médecins, à l'époque.

Les gens disaient: Écoutez, si vous faites ça, vous allez détruire certains aspects du système. Il a écouté, ce qui est une preuve qu'il avait non seulement du courage, mais que ce courage était tempéré de sagesse, parce qu'il avait suffisamment de capacité de mettre ses propres intérêts de côté et de regarder ce qui était dans l'intérêt de la population. Malheureusement pour le public, l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux n'a pas cette modestie. Pour lui, tout ce qu'il touche est impeccable. Il nous l'a dit, c'est une de ses phrases préférées, il a dit: Tout a été planifié dans le moindre détail. Alors, ce que ça veut dire, c'est qu'à chaque fois que dans cette Chambre ou dans les journaux on entend des histoires d'horreur quotidiennes qui surviennent dans notre système de santé et de services sociaux, c'est qu'il se vante de les avoir planifiées, ces histoires d'horreur là, c'est ce qu'il nous dit là, «jusqu'au dernier détail». Chaque chose qui se produit, c'est grâce à lui.

Alors, M. le Président, je tiens à dire, par votre entremise, bien entendu, à notre ministre de la Santé et des Services sociaux, Ph.D. en santé publique de l'Université Harvard, que ça va le talonner longtemps, ce dossier-là, parce que, même quand il quittera la politique, même quand il ira comme consultant avec SECOR, même quand il ira dans les universités, quand il ira donner des conférences aux États-Unis, comme il va le faire plus tard dans sa carrière, la création d'Héma-Québec va toujours le talonner.

Il va se faire poser des questions non pas par d'autres membres, des backbenchers qui tapent des mains comme des phoques de cirque quand il répond, à la période de questions, non, non, des vrais experts en santé vont lui poser des questions et, bien avant de taper des mains, ils vont vouloir avoir une réponse intelligente. Parce qu'il est intelligent, M. le Président; ça ne paraît pas toujours à la période de questions, mais il l'est. C'est pour ça qu'il a fait un Ph.D. en santé publique à Harvard. Mais le problème avec ce ministre de la Santé et des Services sociaux là, c'est qu'il ne sera jamais capable, lorsqu'il ira voyager aux États-Unis, lorsqu'il ira travailler dans les facultés de droit, lorsqu'il ira voir d'autres experts, il ne sera jamais capable d'expliquer rationnellement, scientifiquement pourquoi c'était médicalement non seulement nécessaire, mais même dans l'intérêt de la population de créer un tel organisme.

Parce que la justification à ces niveaux-là – il le sait aussi bien que nous – n'existe strictement pas. Il s'est fait embarquer. Il a, malheureusement pour lui, été utilisé comme un outil par le gouvernement du Parti québécois pour jouer à la toute petite politique partisane péquiste, pour essayer de voir si, dans un autre dossier, on ne pouvait pas commencer à montrer comment on était plus fin au Québec puis qu'on était donc bien mieux de faire nos affaires nous-mêmes. Puis on allait embarrasser l'autre côté, on allait les forcer à négocier, à trouver quelque chose – ça va se trouver, c'est sûr – sinon, s'ils rejetaient, on pouvait encore une fois pleurer sur notre sort des grosses larmes de crocodile.

C'est comme quand le Meech Lake a foiré, M. le Président, voir Jacques Parizeau se lever et dire: Bou hou hou! je n'ai pas eu le lac Meech, maintenant il faut qu'on se sépare. Comme si Jacques Parizeau n'était pas séparatiste avant l'échec du lac Meech! Bien, c'est ça, jouer des deux côtés contre le milieu.

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, je suis d'accord avec mon collègue le député de Nelligan, que jamais on n'aurait dû embarquer dans cette histoire-là, d'autant plus que les lettres patentes ont déjà créé Héma-Québec. Le projet de loi n° 438 est non seulement non souhaitable, mais c'est complètement inutile et une perte de temps de cette Assemblée. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Nous allons maintenant céder la parole au leader de l'opposition, le député de Brome-Missisquoi. M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Compte tenu de la décision que la présidence a rendue dans la présente affaire, compte tenu des agissements du ministre de la Santé, qui ont été dénoncés par les parlementaires qui se sont donné la peine d'analyser le dossier – Héma-Québec est déjà créée par lettres patentes; Héma-Québec a déjà reçu 5 000 000 $ de subventions par décret gouvernemental publié dans la Gazette officielle du Québec ; Héma-Québec a déjà négocié et conclu des ententes; de toute évidence, M. le Président, et la présidence l'a quasiment admis, elle ne pouvait aller plus loin, malheureusement, compte tenu de son rôle de neutralité à laquelle sa fonction la condamne, Héma-Québec existe, fonctionne – cette loi n'a pas besoin d'être adoptée par l'Assemblée nationale du Québec.

Et, compte tenu qu'il y a tellement de dégâts dans le dossier de la santé, on va profiter de la circonstance pour libérer le ministre de la Santé pour qu'il aille s'occuper des dossiers qui préoccupent la population, dans le secteur de la santé. D'ailleurs, aujourd'hui, je ne sais pas s'il a eu l'avantage ou le temps d'écouter le reportage de TVA sur le système de la santé, à l'heure du midi. Ce n'était pas l'opposition officielle; c'étaient des patients, des médecins, des intervenants du secteur de la santé qui dénonçaient le ministre.

Dans les circonstances, M. le Président, à moins qu'il y ait des interventions de l'autre côté, nous vous demandons de mettre au vote immédiatement le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Brome-Missisquoi et également leader de l'opposition officielle. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants concernant l'adoption du principe du projet de loi n° 438? M. le leader adjoint du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Simplement pour vous dire que je suis heureux de voir que le leader de l'opposition a fait preuve de cohérence, parce que tout à l'heure, quand je l'entendais plaider et qu'il affirmait haut et fort que ce projet de loi là était parfaitement inutile, que c'était une perte de temps de l'Assemblée nationale, je me disais en moi-même en l'écoutant: Mais alors, comment se fait-il qu'ils défilent tous, l'un après l'autre, pour en parler abondamment, pendant 20 minutes, après 20 minutes? Il y avait comme un problème de cohérence, et là je pense que le leader de l'opposition s'en est sans doute aperçu, rendu compte. Il a pris conscience qu'il y avait comme un problème de cohérence du côté de l'opposition. Il vient de l'admettre et de l'avouer en mettant fin au défilé de ses collègues qui parlaient d'un projet de loi, selon eux, parfaitement inutile. Alors, procédons au vote.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Avant de procéder, puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique en vertu de l'article 216? Non.


Mise aux voix

Alors, à cette étape-ci, le principe du projet de loi n° 438, Loi sur Héma-Québec et sur le Comité d'hémovigilance, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Je vous demanderais d'appeler l'article 16, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce que vous ne devez pas...

M. Brassard: Je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Pinard): Allez-y.

M. Brassard: Je vais faire une petite motion.

M. Paradis: M. le Président, tout à fait...

M. Brassard: Je vais faire une motion.

M. Paradis: Oui, M. le Président, strictement...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Tout à fait normal dans les circonstances, le leader adjoint du gouvernement a compris l'inutilité du projet de loi et ne voulait pas le déférer en commission parlementaire.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Brassard: M. le Président, bien au contraire, compte tenu de l'extrême utilité du projet de loi, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Alors, je vous demanderais de prendre en considération, je pense que c'est l'article 16.

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 5?

M. Brassard: Pardon? Une petite suspension, M. le Président, ferait l'affaire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 50)

(Reprise à 15 h 59)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés qui sont debout, veuillez vous asseoir.

M. Brassard: M. le Président, alors là j'ai retrouvé le bon numéro, c'est l'article 13 du feuilleton que je vous demanderais de prendre en considération.


Projet de loi n° 430


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. À l'article 13 de votre feuilleton, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 430, Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 430? M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui, M. le Président. Le projet de loi n° 430 propose un nouvel encadrement du transport routier sur tout chemin québécois ouvert à la circulation publique. Il s'applique aussi bien au transport des personnes qu'à celui des marchandises.

En plus d'assurer une plus grande cohésion des organismes impliqués dans l'application des lois et des règlements, ce projet de loi vise à mettre en place un mode de gestion des privilèges d'utilisation de la route par les véhicules lourds respectueux des objectifs gouvernementaux en matière de sécurité routière et de protection du patrimoine routier québécois.

Personne n'ignore que cette réforme est réclamée depuis longtemps par l'industrie du transport et que c'est avec toute la satisfaction du travail accompli que j'ai déposé le projet de loi n° 430 le 14 mai dernier. Je tiens à rappeler que les dispositions de ce projet de loi font l'objet d'un large consensus de l'industrie, qui a d'ailleurs été associée très étroitement à ma démarche tout au long du cheminement du projet de loi visant à améliorer l'encadrement routier au Québec. À mon humble avis, cette démarche de concertation des différents intervenants donne des résultats concluants, puisque l'ensemble des groupes d'utilisateurs de véhicules lourds ainsi que des groupes associés d'une manière ou d'une autre à l'industrie du transport routier ont adhéré massivement aux objectifs visant l'amélioration de la sécurité routière et la préservation de nos infrastructures routières.

Toujours dans cette approche de collaboration, je souhaite tenir des audiences particulières afin d'entendre les commentaires des différentes associations concernées par le projet de loi n° 430. Il m'apparaît important de vérifier si l'adoption du projet de loi permettra au gouvernement de répondre à la principale demande de l'industrie, qui exige à juste titre une plus grande responsabilisation de tous les intervenants en transport. L'objectif poursuivi est de limiter, voire même éliminer, toute délinquance en matière de transport des personnes et des marchandises. Donc, dans les circonstances, des audiences particulières m'apparaissent tout à fait appropriées. Même si on peut présumer que la très grande majorité des intervenants qui seront invités vont exprimer publiquement leur adhésion aux principes et aux objectifs du projet de loi n° 430, c'est quand même utile de faire cet exercice.

(16 heures)

En fait, le projet de loi n° 430 vient confirmer que, dans un contexte de libre-échange et de déréglementation de nature économique, les grands principes de sécurité routière et de protection du réseau auront toujours une place prépondérante. L'industrie, comme le gouvernement, cherche à réduire les coûts sociaux énormes et de toutes sortes reliés à la délinquance. Le projet de loi n° 430 nous permettra donc d'atteindre cet objectif de société. Il y a au Québec encore trop de délinquants dans le secteur des transports, trop de conducteurs, trop d'exploitants, trop d'expéditeurs qui décident d'ignorer les lois au détriment de la sécurité routière et aussi au détriment de la rentabilité de ceux et de celles qui se comportent en citoyens responsables.

Les mesures coercitives traditionnelles telles les infractions mises en place jusqu'à maintenant se sont avérées insuffisantes pour corriger le comportement des délinquants. Ces faits montrent que notre travail doit porter sur des actions concrètes pour rencontrer nos objectifs et pour permettre une concurrence plus saine entre toutes les entreprises. Il faut agir, donc, directement sur l'entreprise elle-même.

À cet égard, ce projet de loi couvrira plus d'utilisateurs et de véhicules que l'encadrement actuel. Il reposera sur une obligation de résultats plutôt que de moyens. Les propriétaires et les exploitants de véhicules lourds sont les premiers utilisateurs visés par le projet, mais l'ensemble de tous les utilisateurs de véhicules lourds, requérants de services, expéditeurs, courtiers – il y en a maintenant de plus en plus – transitaires et agences de conducteurs, auront aussi un rôle à jouer et une responsabilité à assumer. Eux aussi auront à adopter un comportement adéquat, sans quoi l'État sera justifié d'intervenir.

Les nouvelles règles s'appliqueront donc à tous, tant à ceux du transport public que du transport privé, mais aussi à ceux en provenance d'une autre administration que le Québec. Transport public, c'est-à-dire du transport pour le compte de tiers; transport privé, c'est du transport pour son compte propre. Je prends un exemple: l'Alcan, sa flotte de véhicules, c'est considéré comme du transport privé parce qu'elle fait du transport de marchandises pour son compte propre. Les transporteurs privés ne sont pas couverts actuellement par la réglementation. Il n'y a que les transporteurs publics qui le sont.

Avec la nouvelle loi, tout le monde va être assujetti à la loi, donc transporteurs publics comme transporteurs privés, mais aussi ceux en provenance d'une autre administration que le Québec, donc en provenance d'autres provinces ou d'autres États américains. Ils seront couverts par la loi. Le projet visera également plus de véhicules que c'est le cas actuellement, notamment les dépanneuses, les minibus et les camions qui servent au transport d'un équipement.

Grâce à l'instauration d'un guichet unique, le projet de loi n° 430 permet la simplification de l'inscription des entreprises de transport aux registres gouvernementaux, répondant ainsi à une demande maintes fois répétée de l'industrie. C'est prévu dans le projet de loi, mais je dois vous dire que c'est déjà pratiquement en opération. La Commission des transports a déjà actuellement instauré le guichet unique pour les transporteurs.

De plus, il introduit, d'une part, un système administratif d'inscription de tous les propriétaires et exploitants de véhicules lourds. Ce système d'inscription correspond à un engagement à respecter les règles de sécurité routière et de protection du réseau routier. Le registre d'inscription est administré par la Commission des transports du Québec, mais, pour satisfaire les besoins de la clientèle, les centres de services de la Société de l'assurance automobile du Québec – il y en a plus d'une cinquantaine répartis sur tout le territoire québécois – vont permettre également aux propriétaires et exploitants de véhicules lourds de s'inscrire.

Par suite d'une demande d'inscription, la Commission attribuera à chacun d'eux une cote, ce qu'on appelle la cote de sécurité. Il s'agit d'un mécanisme d'évaluation du niveau de la sécurité et de la protection du réseau routier. C'est justement par cette cote que le gouvernement entend gérer le privilège et l'utilisation adéquate du réseau routier par les utilisateurs. En effet, une cote évaluée insatisfaisante ou conditionnelle pourra conduire à l'imposition, par la Commission des transports, de mesures administratives. C'est de cette façon, en quelque sorte, que nous allons pouvoir identifier les délinquants.

Alors, chaque transporteur inscrit au registre sera coté, aura une cote de sécurité. Cette cote sera déterminée à partir de son dossier d'infractions, d'accidents, de manquements aux règlements sur les dimensions et les charges, donc tout l'ensemble des fautes commises à l'égard des réglementations portant sur la sécurité routière.

C'est clair qu'à partir de ce moment-là on va voir apparaître facilement les délinquants, ceux qui ont une mauvaise cote. Et c'est sur ces délinquants que l'action va porter, l'action de la Société de l'assurance automobile, mais aussi ultimement l'action de la Commission des transports qui pourra, mesure extrême, en arriver à retirer tout simplement le privilège de circuler, le privilège d'utilisation du droit de circuler sur les routes, sur le réseau.

La Société de l'assurance automobile du Québec, pour sa part, effectuera le suivi sur route et en entreprise des personnes inscrites par son service des contrôleurs routiers. Selon les pouvoirs confiés par le Code de la sécurité routière et par certaines autres dispositions législatives, la Société de l'assurance automobile du Québec interviendra directement auprès des propriétaires et des exploitants délinquants. Les contrevenants devront donc remédier à leurs faiblesses sous peine de voir leur dossier remis à la Commission qui pourra évaluer à nouveau leur cote de sécurité et leur imposer des sanctions, le cas échéant.

Les sanctions imposées seront progressives, car le but n'est pas de punir, mais de ramener les délinquants vers la conformité. Ainsi, les sanctions pourraient prendre la forme de l'obligation de suivre des cours de formation pour les administrateurs et les conducteurs ou d'imposer des contrôles périodiques supplémentaires, mais, à la limite, elles pourraient aller jusqu'à la suspension et même au retrait, comme je le disais tout à l'heure, du privilège de circuler ou d'exploiter un véhicule lourd, en cas de délinquance chronique. Les décisions de la Commission pourraient être appelées devant le Tribunal administratif du Québec.

Ce projet de loi modifie également le Code de la sécurité routière afin d'harmoniser les règles actuelles concernant le transport des personnes et des marchandises avec celles du nouvel encadrement du transport routier et de rendre applicables certains articles de ce Code aux chemins forestiers, le Code de la sécurité routière, ce qui n'est pas le cas présentement. Vous savez très bien que le Code de la sécurité routière ne s'applique pas sur les chemins forestiers, il ne s'applique que sur les chemins publics. Et le ministère des Ressources naturelles, à la suite d'échanges et des travaux de comités conjoints, a demandé que certains articles du Code de la sécurité routière s'appliquent désormais sur les chemins forestiers. Il y a des dispositions dans cette loi qui vont le permettre, les dispositions sur la vitesse, par exemple – je donne ça comme exemple.

(16 h 10)

Il améliore aussi certaines normes telles que l'obligation d'apposer des bandes réfléchissantes ou encore d'instaurer un programme d'entretien préventif pour les véhicules. De plus, certaines règles relatives à la signalisation sont précisées, et les amendes imposées par diverses dispositions législatives concernant le transport routier sont harmonisées selon la gravité de la faute.

Enfin, ce projet de loi comporte des modifications de concordance à d'autres lois et abroge la Loi sur le camionnage, ce qui concrétise la déréglementation du transport général, qui était un engagement du Québec dans l'Accord sur le commerce intérieur.

Cette nouvelle loi s'inscrit dans la politique gouvernementale d'harmonisation, de libéralisation et d'équité concurrentielle du marché des transports sur l'ensemble du territoire nord-américain. Pour moi et pour l'industrie du transport routier, il s'agit d'une priorité parce que le nouvel encadrement nous permettra d'établir un contrat de responsabilité par lequel tous les intervenants en transport s'engageront à respecter les règles de sécurité routière et de protection de notre patrimoine routier et que, en cas de non-respect de leurs obligations, les délinquants seront exclus du marché. Il en va de l'image de l'industrie du transport routier et de son développement.

Je tiens, avant de conclure cette intervention, à vous répéter, M. le Président, à quel point j'apprécie la collaboration de l'industrie et des organismes gouvernementaux qui m'appuient dans ma démarche de jumeler économie et sécurité; je veux parler en particulier de la Société de l'assurance automobile et de la Commission des transports du Québec, évidemment du ministère des Transports aussi. Mais collaboration de l'industrie, ça veut dire tous les intervenants qui, de près ou de loin, sont des acteurs dans l'industrie du transport. Que ce soit l'Association du camionnage du Québec, l'Association des camionneurs artisans du Québec, l'industrie forestière, en fait, tous les intervenants qui font du transport au Québec ont été consultés et ont vraiment fait preuve d'une très grande collaboration.

Au cours de la dernière année, quatre tables de travail ont vu le jour. Ces tables réunissent l'industrie, le ministère des Transports et certains autres organismes directement concernés. Elles oeuvrent dans les domaines de la sécurité routière, de l'entretien hivernal, du transport en forêt et du transport des agrégats. En me basant sur les résultats obtenus grâce à la concertation des organismes quant à l'encadrement routier, ce qui est l'objet du projet de loi n° 430, je peux affirmer cet après-midi que, dans le domaine du transport lourd, aussi bien des personnes que des marchandises, j'ai l'appui de partenaires efficaces, professionnels, compétents qui, par leur implication, nous permettront d'atteindre notre objectif d'abaisser le nombre de décès et de blessés graves sur nos routes de 25 % d'ici l'an 2000, parce que, au fond, c'est ça, l'objectif.

Les modifications substantielles que l'Assemblée nationale a apportées au Code de la sécurité routière relativement à l'accès graduel au permis relativement à la conduite avec facultés affaiblies, à la conduite durant sanction, la loi sur les motoneiges et véhicules tout terrain, donc les véhicules hors route, et cette loi aussi, 430, portant sur le transport lourd, tous ces projets de loi, toutes ces mesures visent, au fond, le même objectif, c'est d'améliorer les conditions de sécurité sur nos routes et aussi de protéger le réseau routier, forcément, de protéger ce patrimoine inestimable qu'est le réseau routier.

Mais, forcément aussi, ultimement, l'objectif, c'est que le bilan routier s'améliore, c'est-à-dire qu'il y ait moins de morts sur nos routes, moins de blessés graves, moins d'accidents, et je pense qu'on est sur la bonne voie à cet égard. On est sur la bonne voie, le bilan routier de 1997 est encourageant. On a, pour la première fois depuis une vingtaine d'années, constaté sur nos routes moins de 800 décès. Faut remonter, je pense, aux années soixante pour un tel bilan, alors qu'il y avait trois fois moins de véhicules sur les routes. Donc, l'amélioration du bilan routier, depuis un certain nombre d'années, est constante. Mais il ne faut pas s'en satisfaire, il faut poursuivre. Et l'objectif, encore une fois, je le répète, c'est, d'ici l'an 2000, d'abaisser de 25 % le nombre de décès, le nombre de morts et de blessés graves sur nos routes.

Et je termine là-dessus, M. le Président, en disant que le projet de loi n° 430, de la même façon que les modifications substantielles apportées au Code de la sécurité routière, de la même façon que la Loi sur les véhicules hors route, est une des pièces maîtresses dans cette obligation de résultat en matière de bilan routier qui lie et qui devrait lier tous les transporteurs Québécois. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Transports. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en la matière et député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je suis heureux d'entendre que le ministre va avoir des consultations particulières. Je suis certain que ça va nous permettre de bonifier le projet de loi.

Ce projet de loi, M. le Président, c'est une loi qui propose, comme l'indiquait tantôt le ministre des Transports, un nouvel encadrement du transport routier au Québec et qui a pour objet d'accroître la sécurité des usagers du réseau routier et de préserver l'intégrité de ce réseau. Il vise les exploitants et les propriétaires de véhicule lourd qui circulent sur tout chemin ouvert à la circulation publique.

M. le Président, ça fait trois ans déjà que le gouvernement est au courant et que la Société de l'assurance automobile est au courant que la prévention ou la vérification des camions lourds, des autocars est déficiente. Ça, ç'a été démontré. Malheureusement, on a eu des conséquences de ça au mois d'octobre dernier. On a eu une tragédie, et je suis surpris que le gouvernement n'ait pas agi avant aujourd'hui. Il semblerait que l'urgence n'était pas là.

Toutefois, je me souviens, il y a à peine un mois passé, parce que la Cour suprême avait refusé d'entendre une cause sur le taux minimum des camionneurs artisans, c'était l'urgence, c'était un vide juridique. Pour un taux minimum, urgent, mais, pour des accidents, des pertes de vies sur nos routes, ce n'était pas aussi urgent. Je suis content de voir que ça va se faire, content de voir aussi qu'on va consulter les gens du milieu pour être capable d'avoir un projet de loi qui va coller plus à la réalité.

Mais je me pose la question: Pourquoi avons-nous attendu si longtemps, si longtemps pour, disons, mettre au pas les délinquants? On regarde dans le mémoire du ministre qui nous dit: «En effet des statistiques révèlent que les 5 % des utilisateurs délinquants ou à risque ont été mis en cause dans 16 % de tous les accidents impliquant un véhicule lourd et qu'ils se sont vu remettre à eux seuls jusqu'à 25 % des infractions aux différentes législations. Ces statistiques sont très préoccupantes.»

Pourquoi, M. le Président, avons-nous attendu si longtemps? On le savait il y a trois ans passés. Il y avait eu même des recommandations très spécifiques dans le rapport du coroner Malouin qui avait fait une enquête suite à plusieurs accidents sur la route 138. Donc, pourquoi attendre si longtemps avant de procéder à faire les corrections qui s'imposaient? Il me semble que la sécurité des citoyens du Québec, la vie des citoyens du Québec est aussi importante que le salaire minimum ou le taux minimum qu'un camionneur artisan peut avoir. Pourquoi on n'a pas procédé dans ce projet de loi là plus tôt?

(16 h 20)

M. le Président, ce projet de loi introduit aussi un système administratif d'inscription des propriétaires et des exploitants et de suivi de leur comportement. Par suite d'une telle demande d'inscription, la Commission des transports du Québec attribuera à chaque propriétaire et exploitant de véhicules lourds une cote de sécurité. Elle disposera du pouvoir d'imposer des mesures administratives à ceux dont la cote est conditionnelle ou insatisfaisante, et les décisions de la Commission pourront être contestées devant le Tribunal administratif du Québec.

Donc, finalement, M. le Président, on va mettre un petit peu de coercition dans ces choses-là et dire aux délinquants: Regardez, là, on vous endure depuis longtemps. Maintenant, le temps est venu pour vous autres de vous comporter en citoyens responsables et d'assurer aussi la sécurité sur nos routes. Et c'est là peut-être où il y a eu un manque, M. le Président, depuis longtemps.

On dit encore que ça va être la Société de l'assurance automobile du Québec qui, pour sa part, effectuera le suivi du comportement des personnes inscrites. Selon les dérogations au Code de la sécurité routière ou à certaines autres dispositions législatives, la Société interviendra directement auprès des propriétaires et des exploitants délinquants et, le cas échéant, soumettra leur dossier à la Commission.

M. le Président, j'espère que la Société va faire un meilleur travail que ne l'a fait, on s'en souviendra, la Commission des transports du Québec; l'état des autobus, ainsi de suite. Pourtant, c'est la Société de l'assurance automobile du Québec qui était censée s'assurer que les autobus utilisés pour le transport des personnes devaient être dans une condition sécuritaire. Donc, M. le Président, lorsqu'on voit des choses de cette nature-là, on se pose la question. Espérons qu'ils vont faire un meilleur travail qu'ils n'ont fait à date.

Tantôt, le ministre indiquait – et j'en suis fier, moi aussi – que notre bilan routier était extrêmement amélioré; on indiquait seulement 800 décès. Tant mieux, mais c'est encore trop. Mais il y a une chose qui est survenue depuis les années 1955, c'est qu'aujourd'hui on a la ceinture de sécurité et le coussin gonflable. J'aimerais savoir combien de vies la ceinture de sécurité et le coussin gonflable ont permis de sauver, et je suis certain que le pourcentage de personnes qui ont réussi à ne pas perdre la vie dans un accident était dû à la ceinture de sécurité et au coussin gonflable. Lorsqu'on donne des statistiques comme ça, je pense qu'on ne devrait peut-être pas trop se vanter que notre bilan routier est réellement bon. J'espère que c'est ça. Mais est-ce que c'est parce qu'on a trouvé des moyens pour mieux protéger les passagers ainsi que les conducteurs de ces véhicules?

Donc, M. le Président, oui, on est certainement d'accord avec le principe de ce projet de loi qui devrait nous assurer que les délinquants, que les gens sur nos routes, les camionneurs, les conducteurs d'autocar, tous ces gens-là qui se promènent sur nos routes le font avec de l'équipement qui est sécuritaire, que les conducteurs de ces véhicules, eux aussi, ont les compétences nécessaires pour se promener, surtout dans les régions où la topographie du terrain et la géométrie de nos routes rendent la tâche difficile.

Donc, oui, M. le Président, nous sommes d'accord avec ce projet de loi. Je suis anxieux d'entendre les différents intervenants qui vont venir à cette consultation particulière. Je ne sais pas lesquels le ministre va inviter, mais je peux vous assurer, M. le Président, que nous en avons une, liste, nous autres aussi que j'espère que le ministre nous permettra d'ajouter, si ces gens-là ont été oublié dans tout ça.

M. le Président, je voudrais, juste pour dire l'importance de ça, là... Ça s'adonne que les commentaires sont faits par l'Association professionnelle des ingénieurs du Québec, et ça touche les travaux qui sont prévus à Saint-Joseph-de-la-Rive–Les Éboulements. Ces gens-là – les ingénieurs – eux, ont des préoccupations, disons, sur les travaux. Ils disent: Les ingénieurs avaient pourtant soulevé cette problématique dès le début des études, un élément également mis de l'avant par le maire de Saint-Joseph-de-la-Rive. Mais ils disent – et c'est là l'important: À l'instar de certains témoignages entendus à l'enquête sur la tragédie, l'APIGQ demande donc instamment au gouvernement de considérer l'ensemble des recommandations déjà effectuées et que...

En réalité, ce qu'on dit, c'est: La tragédie semblerait, après tous les témoignages qu'on a eus, due au fait de l'état de l'autocar, M. le Président, et, à ce moment-là, si la cause principale est ça, est-ce que, dans les travaux qu'on va faire pour l'avenir, on ne devrait pas prendre ça en ligne de considération et dire: Est-ce que ce projet de loi là qu'on va passer avec la réglementation, est-ce que ceci va nous assurer que, sur les routes du Québec...

Parce qu'il faut que je vous dise, M. le Président, qu'il y a d'autres endroits où il y a des côtes aussi abruptes, qui tournent aussi à pic et qui tournent aussi abruptement au bas que celle-là. Il y a des courbes aussi, M. le Président. Donc, il me semble... Et on doit tous réaliser qu'on n'a pas les sous et qu'on n'a pas le temps de remédier et de rendre tous ces endroits-là totalement sécuritaires. Donc, c'est important, bien important qu'on s'assure et qu'on assure les citoyens du Québec que les camions, les autocars qui vont se promener sur nos routes, ils sont en bonne condition. Aussi important, M. le Président, c'est que les gens qui les conduisent aient les compétences, reconnaissent les dangers qu'il y a là. Et c'est la raison pourquoi, nous, de l'opposition, sommes d'accord avec le projet de loi n° 430.

C'est certain qu'on verra, suite à la présentation des mémoires, à savoir: Est-ce qu'il y a moyen, est-ce qu'il y a des suggestions qui vont nous venir des gens du milieu qui vont nous permettre de bonifier ce projet de loi et d'atteindre le but visé, l'objectif visé, soit de s'assurer d'avoir sur nos routes des camionneurs, des autocars qui sont en bonne condition?

Et une des raisons pourquoi il faut s'assurer de cette sécurité et de la surveillance, c'est que, avec la déréglementation qui s'en vient, avec toutes ces choses-là, malheureusement des fois il y a des gens qui arrivent et qui n'ont pas tous conscience et, en tentant d'arrondir les coins, mettent de côté un peu la sécurité, vont soumissionner en bas des prix. Et, à ce moment-là, ça a comme conséquence de mettre en danger les utilisateurs de la route.

Je pense certainement qu'on suit un peu l'exemple de l'Ontario. En Ontario, M. le Président, depuis quelques mois, à cause de certains problèmes de camions qui descendaient la route et dont les roues partaient, frappaient une auto, ainsi de suite, ils ont serré la vis sur ça, au risque que les utilisateurs, s'ils sont mal pris à faire des choses comme ça, leur auto ou leur camion puisse être confisqué.

(16 h 30)

Donc, M. le Président, en terminant, je suis heureux de voir que finalement on va avoir un projet de loi qui va nous assurer... Au lieu d'être un discours et de dire toutes ces choses-là, on va finalement avoir un projet de loi qui va avoir un meilleur contrôle sur les camions et les autobus qui vont circuler sur nos routes. En même temps, ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas améliorer notre réseau routier; je pense que les deux ensemble... Mais les premières choses en premier: s'assurer que les véhicules qui se promènent sur nos routes et ceux qui les conduisent, M. le Président, pratiquent les règles élémentaires et nécessaires de la sécurité routière. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Pontiac. Comme il n'y a pas d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 430, est-ce que le principe du projet de loi n° 430, Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Comme le principe du projet de loi n° 430 est maintenant adopté, il me fait plaisir de demander au leader adjoint du gouvernement...


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour déférer le projet de loi n° 430, pour étude détaillée, à la commission des transports et de l'environnement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président, il me semblait que j'ai entendu le ministre dire qu'on aurait des consultations particulières. Est-ce qu'on va les avoir avant d'aller en commission parlementaire pour étudier article par article?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Brassard: On va les avoir avant l'étude détaillée, sans aucun doute. Et les leaders, comme c'est l'habitude en cette Chambre, vont se parler, vont échanger pour déterminer à la fois la liste des intervenants qu'on invitera à venir témoigner en commission puis aussi, évidemment, déterminer le moment où on va le faire.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre.

M. Brassard: Je vous demanderais de suspendre quelques minutes, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons suspendre maintenant les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 51)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous reprenons nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour.

M. Brassard: Je vous prierais de prendre en considération l'article 26 du feuilleton.


Projet de loi n° 446


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 26 du feuilleton. M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 446, Loi modifiant le Code du travail. Alors, M. le ministre du Travail, vous êtes prêt pour votre intervention? Je vous cède la parole.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, je suis très heureux qu'on se retrouve aujourd'hui dans cette Assemblée pour discuter du principe du projet de loi n° 446, Loi modifiant le Code du travail. Ce projet vise essentiellement à modifier les dispositions de cette importante loi du travail au titre du maintien des services essentiels en situation de conflit. Deux objets sont concernés: d'abord, le quorum du Conseil des services essentiels et l'un de ses pouvoirs d'ordonnance; et, également, le mécanisme d'assujettissement à l'obligation de maintenir des services essentiels dans les services publics, de même que certaines questions de procédure.

En ce qui concerne le Conseil des services essentiels, il y a lieu de noter que, dans l'état actuel du droit, il n'est pas permis au président et au vice-président de cet organisme d'agir seuls au nom du Conseil, même s'il s'agit de poser des gestes fort courants et fort simples comme l'approbation d'une liste, par exemple, de services essentiels ou leur modification. Pire encore, en contexte où l'on doit privilégier la négociation entre l'employeur et l'association de salariés, des services essentiels doivent être maintenus. Il faut réunir, à ce moment-là, l'ensemble du Conseil des services essentiels, tous les membres du Conseil. Vous comprendrez bien que ça engendre des coûts considérables et une lourdeur administrative inutile.

Par ailleurs, s'agissant des pouvoirs d'ordonnance du Conseil des services essentiels, on sait qu'il lui est possible d'ordonner la constitution par une personne ou un groupe de personnes d'un fonds au bénéfice des utilisateurs d'un service public injustement perturbés par un conflit de travail. Comme la disposition habilitante n'en fait pas mention, il subsiste une interrogation quant au droit des bénéficiaires de ce fonds de profiter des intérêts générés, s'il en est, par celui-ci.

Le deuxième objet visé par le projet de loi – il est très important – c'est la modification relative au maintien des services essentiels dans les services publics, qui mérite qu'on s'attarde brièvement aux mécanismes pour bien saisir l'importance des propositions que nous formulons aujourd'hui. Dans les services publics, au contraire de l'automaticité qui prévaut dans les secteurs public et parapublic, l'application du régime des services essentiels suppose l'adoption au préalable d'un décret gouvernemental sur recommandation du ministre du Travail. Seuls les services publics définis au Code du travail peuvent être visés par le décret. C'est important, M. le Président.

Cette définition inclut des organismes privés comme la Société canadienne de la Croix-Rouge, en raison, évidemment, du lien unissant cet organisme avec le réseau de la santé. Par contre, un autre organisme de création récente, Québec-Transplant, n'est pas visé par la définition qui prévaut actuellement dans le Code du travail quand il s'agit d'appliquer les dispositions sur les services essentiels. Alors, faute de mention à cet effet, bien qu'il ait une vocation apparentée à celle de la Société de la Croix-Rouge, évidemment, Québec-Transplant peut en arriver à un conflit de travail et les services ne sont pas garantis. En fait, il s'agit d'une corporation privée à but non lucratif, mais la mission consiste à promouvoir les dons d'organes, leur récupération et leur répartition pour fins de transplantation.

Les limites de la définition énumérative du service public se font également sentir dans le cas d'un nouveau type d'entreprise qui commence à voir le jour, c'est l'entreposage souterrain de gaz. C'est une activité qui s'exerce parfois dans des zones habitées ou sous des voies de circulation. L'entreprise Intragaz est un bel exemple qu'on pourrait citer et qui attire aujourd'hui notre attention.

En raison des mêmes carences de la loi, il est aussi grandement préoccupant de constater, à l'approche de la haute saison en matière de feux de forêt et compte tenu de l'état des forêts québécoises dans les régions frappées par la tempête de verglas, que la Société responsable de la prévention et de la lutte contre les incendies de forêt, SOPFEU, pour l'ensemble du territoire québécois, risque d'être paralysée par un conflit de travail sans, encore une fois, qu'on ait aucune possibilité, pour le gouvernement, de garantir le maintien des services essentiels. Ce sont là des choses très préoccupantes qui préoccupent non seulement les gens de la forêt ou du gaz ou du transport d'organes pour fins de transplantation, mais ça préoccupe l'ensemble de la population.

C'est pour apporter une solution à ces divers problèmes, en plus d'actualiser le droit sur certaines questions de pure procédure, que je requiers aujourd'hui de cette Assemblée l'adoption de principe du projet de loi n° 446 modifiant le Code du travail et qui propose d'accorder au président et au vice-président du Conseil des services essentiels le pouvoir d'agir seul lorsqu'il s'agit de décider de la liste à maintenir en cas d'arrêt de travail ou de grève appréhendée.

M. le Président, finalement, c'est aussi dans une perspective de clarification de cette loi et de précision que l'on veut apporter à la définition des services essentiels de nouveaux organismes qui aujourd'hui existent au Québec et qui ne sont pas couverts et qui risquent de rendre la population ou certaines fractions de la population dans des situations difficiles, précaires mêmes, si une mise à jour n'est pas faite du Code du travail. Parce que ce projet de loi permet au droit d'être un reflet plus conforme de la réalité en matière de services essentiels à maintenir en situation de conflit de travail et qu'il facilite l'action du Conseil lorsque c'est jugé essentiel, je sollicite, M. le Président, l'adoption de principe de ce projet de loi. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Nous sommes ici cet après-midi pour étudier le projet de loi n° 446, Loi modifiant le Code du travail. Comme le ministre vient de le mentionner, cette modification au Code du travail est relativement mineure. Il l'a dit lui-même, c'est finalement, comme il l'a mentionné, pour permettre au président ou au vice-président du Conseil des services essentiels d'agir seuls au nom du Conseil pour assujettir une entreprise en emmagasinage de gaz, pour assujettir un organisme de protection de la forêt contre les incendies, pour remplacer la Société canadienne de la Croix-Rouge par une entreprise de cueillette, de transport et de distribution du sang et de ses dérivés ou d'organes humains destinés à la transplantation, Héma-Québec, dont on a parlé cet après-midi, et précise qu'un fonds constitué pour le bénéfice des utilisateurs d'un service auquel le public a droit comprend les intérêts accumulés depuis sa constitution.

Donc, quand on regarde ça, je suis certain que les gens vont se dire: Mais pourquoi l'opposition serait contre un projet de loi comme ça? Il faut voir beaucoup plus que ce qu'il y a dans ce projet de loi. Je pense que, avec tous les débats qu'on a depuis quelques semaines et quelques mois dans cette Chambre autour du Code du travail, il est fondamentalement important qu'on arrive, pour modifier une loi, à se poser la question: Est-ce qu'on modifie cette loi-là pour des raisons valables? Et il semble que les raisons soient valables.

(17 heures)

Cependant, et c'est ce qui explique pourquoi nous serons contre ce projet de loi... Vous savez, M. le Président, ça fait un petit peu plus que six mois que je suis élu à l'Assemblée nationale, et je pense que tout le monde qui nous regarde se dit: L'Assemblée nationale, c'est un endroit pour des débats importants, des débats sérieux, là où on parle finalement de l'avenir du Québec, des lois modifiées. On nous appelle d'ailleurs les législateurs. Et je vais vous dire une chose, des législateurs, quand je regarde le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, c'est des législateurs à temps partiel, parce que le présent projet de loi, avec ses articles, je ne pense pas qu'il y ait grand monde dans le comté de Matane, comté que représente le ministre, ou dans le comté de Kamouraska-Témiscouata qui trouve que c'est une pièce législative imposante.

Pourquoi je dis ça, M. le Président? Où je veux en venir? C'est parce qu'on ouvre le Code du travail. Moi, je vous dirais, ça fait depuis les Fêtes que je suis critique en matière de travail, et tous les groupes sans exception m'ont parlé du Code du travail, d'un aspect ou de l'autre du Code du travail et de l'importance d'apporter des modifications substantielles au Code du travail, de moderniser notre Code du travail. Moi, quand j'ai entendu, quelque part dans les corridors, dire qu'il y avait effectivement un projet de loi qui s'en venait sur le Code du travail, je me suis dit: Bon, enfin le ministre, après des années de consultations, après des mois et des mois de report, d'échanges, d'études, de rapports, a décidé de déposer un projet de loi important qui va tenir compte de tout ce qu'il a entendu pour justement moderniser nos lois du travail.

Quand on parle de moderniser nos lois du travail, là faut faire attention. Ce n'est pas le contenu de ce projet de loi là qui fait en sorte que nous sommes contre; nous sommes contre parce que nous trouvons que c'est un petit peu manquer de courage que d'amener l'Assemblée nationale, de faire siéger l'Assemblée nationale, de prendre le temps des parlementaires pour justement étudier un projet de loi qui finalement ne contient que quelques articles et qui modifie la façon de fonctionner du Conseil des services essentiels. Et là on verra en commission parlementaire, mais il est probable que, effectivement, ce qu'il y a dans ce projet de loi là, le Conseil des services essentiels en a besoin pour être plus efficace.

J'entendais le ministre parler déjà des feux de forêt, déjà parler du grand verglas, et effectivement je pense qu'il faut faire en sorte que ce soit plus souple, que ce soit plus facile. Mais, M. le Président, il y a d'autres secteurs aussi qui sont concernés par le Code du travail et qui nécessitent plus de souplesse, qui nécessitent, je dirais, une modernisation de leur façon de fonctionner. C'est pour cette raison-là qu'il me semblait et qu'il me semble toujours opportun qu'on modernise de façon plus substantielle le Code du travail.

On parle de mobiliser l'Assemblée nationale, on parle de mobiliser le temps des parlementaires autour de ce projet de loi là. M. le Président, moi, je vous dirais que, présentement, quand on parle de mobilisation du temps, il y a des groupes qui, depuis des années, réfléchissent au Code du travail, réfléchissent aux différents aspects du Code du travail, et prennent énormément de temps, et sont en demande face au gouvernement. Ils sont en demande parce qu'ils sont conscients que, pour être compétitifs au niveau canadien, pour être compétitifs au niveau du pays et pour être compétitifs au niveau international aussi, nous avons besoin de modifier nos lois et notre réglementation en ce qui a trait au travail, et présentement ce n'est pas ce qu'il y a dans ce projet de loi là.

On peut parler de différents éléments qui sont au coeur même du Code du travail. Le ministre lui-même, il y a plus d'un an, a reçu un rapport – le rapport Mireault – pour étudier tout ce qui tourne autour de l'article 45, la sous-traitance et tous ces éléments-là. Juste pour vous démontrer un peu l'ampleur de cette consultation, les syndicats ont été consultés. Ils ont donné un avis à M. Mireault qui, à ce moment-là, écrivait son rapport. Les groupes patronaux ont aussi été consultés.

Et ce que ces gens-là ont dit, ce que ces gens-là ont amené, c'est: Écoutez, l'article 45 sur la sous-traitance, bon, il y en a qui sont pour, il y en a qui sont contre, faut le modifier, faut voir comment on le fait. Mais tout le monde s'est entendu sur une chose, et les représentants syndicaux et patronaux que je rencontre, tout le monde s'entend sur une chose, c'est qu'il faut modifier de façon substantielle, revoir cette loi-là qu'est le Code du travail. Je vous dirais, M. le Président, que ce n'est pas du tout ce à quoi nous faisons face aujourd'hui.

Quand on parle de revoir le Code du travail, je dirais que c'est un choix de gouvernement. C'est un choix pour un gouvernement qui peut, par des gestes, s'élever un petit peu un cran au-dessus de la gestion quotidienne des affaires gouvernementales et avoir un petit peu de vision pour l'avenir. Mais ce n'est pas du tout ce à quoi nous faisons face, M. le Président.

Je pense que le ministre sera d'accord là-dessus dans les prochaines étapes. Environ toutes les consultations qui pouvaient être faites ont été faites en ce qui a trait au Code du travail. Tous les groupes ont une position là-dessus, quelle qu'elle soit. Tous les groupes ont regardé le Code du travail. Tous les groupes se sont intéressés à cette problématique et ont fait en sorte de déposer, soit dans le cadre du rapport Mireault soit dans différents autres cadres, forums mis en place, des rapports qui ont été demandés, ils ont eu l'occasion de déposer des demandes.

On parle du rapport Mireault. Les municipalités ont aussi été consultées là-dessus et les municipalités ont mis beaucoup d'énergie, parce qu'on le sait qu'il faut moderniser les relations de travail au niveau municipal. Il faut le faire. Ça, tout le monde s'entend là-dessus. Il y a différentes façons de le faire. On aurait pu le faire dans ce projet de loi là, M. le Président. On aurait pu l'amener.

Juste encore pour montrer l'importance que ce gouvernement-là accorde aux consultations, il y en a eu, des consultations, depuis deux ans, depuis l'arrivée du premier ministre actuel. Il y en a eu, des consultations. Il y a eu des sommets socioéconomiques. Entre autres, dans les sommets socioéconomiques, un élément qui est ressorti, c'est la rigueur de la réglementation et le poids de la réglementation. Encore une fois, il est sorti, à ce niveau-là, qu'il serait peut-être des plus opportuns de voir si on ne pouvait pas en arriver à modifier... Quand je dis «modifier», c'est plus moderniser le Code du travail, et on attend encore.

Avec le transfert de 375 000 000 $, 500 000 000 $ à l'origine, on peut s'en souvenir, ça va faire un an dans quelque temps... Ce n'est pas ce qu'il y a de plus joyeux, M. le Président, mais, il y a un an, le ministre des Affaires municipales annonçait un transfert de 500 000 000 $, entre autres, dans le transport scolaire, s'est ravisé au cours de l'été, et on a abouti avec 375 000 000 $ de transfert dont une partie qui, par une loi spéciale, au mois de mars dernier, a carrément été imputée sur le dos des employés municipaux. Pourquoi, M. le Président?

Et ça, toutes les municipalités vont vous le dire, toutes les municipalités de moyenne taille et de grande taille qui ont été aux prises avec ce transfert-là vont vous le dire. Au lieu d'avoir une loi spéciale, au lieu d'avoir la matraque comme le gouvernement l'a amenée, au lieu d'avoir la matraque, M. le Président, ce qu'elles auraient aimé, c'est tout simplement qu'on leur fournisse des outils, qu'on leur fournisse une aide directe par des modifications au Code du travail pour faire en sorte qu'elles soient en mesure de négocier différemment, qu'elles soient en mesure de faire de la sous-traitance, qu'elles soient en mesure de gérer leurs propres affaires. C'est ça que les municipalités demandaient, M. le Président. Ce qu'elles ont eu? Force est d'avouer que ce n'est pas ça du tout. C'est encore une attitude paternaliste. C'est une attitude de: Voici ce que vous devez faire, voici ce que vous allez faire, et nous vous fournissons le marteau et la batte de baseball pour le faire.

C'est de cette façon-là, M. le Président, qu'on a répondu aux demandes des municipalités qui ont été consultées, qui ont été consultées aussi par M. Mireault, dans le cadre de l'élaboration de son rapport, le rapport Mireault, qui portait, entre autres, sur l'article 45, comme je l'ai mentionné. Mais les municipalités, la réponse qu'elles ont eue, c'est ça. C'est une loi. On les a consultées et, au lieu de mettre en application de façon concrète dans une ouverture du Code du travail, ce qu'on a fait à la place, M. le Président, on a préféré leur déposer une loi.

Cette loi-là, on a eu toutes sortes de tergiversations, et c'est un autre élément sur lequel il faut se pencher quand on parle du respect de l'Assemblée nationale. Quand on parle des gens qui nous regardent et qui se demandent ce que ces gens-là font, bien, moi, je vous dirais que, quand je vois le projet de loi n° 446 sur le Code du travail, il ne semble que régler la partie facile de la problématique. Mais c'est plus que ça.

Être législateur, pour moi, c'est avoir le courage de poser des gestes. Ce n'est pas toujours juste se cacher derrière un rapport ou se cacher derrière un projet de loi qui ne fait que des heureux. Ce n'est pas ça. C'est avoir le courage que, quand on ouvre une loi, on se pose la question qui serait la suivante: Est-ce qu'on a pris en considération tous les éléments qui se rapportent à cette loi-là qu'on va ouvrir? Et, on l'a vu avec la loi spéciale qui a été déposée au niveau municipal, au mois de mars dernier, non seulement on n'a pas le respect de convoquer les parlementaires et d'avoir le courage de présenter des législations qui se tiennent, rigoureuses et qui tiennent compte de l'évolution de la société québécoise, on a même fait semblant, on s'est servi de l'Assemblée nationale, M. le Président, on s'est servi de l'Assemblée nationale comme outil de négociation.

Et ça, le ministre du Travail, il devait sans doute être impliqué dans ce dossier-là, parce que, dans le dossier des municipalités, elles lui ont demandé à de nombreuses reprises de modifier le Code du travail pour les aider à gérer leurs propres affaires. Plusieurs l'ont dit: Oui, il y a eu le pelletage du gouvernement péquiste. Oui, on l'a eu: 500 000 000 $, on revient à 375 000 000 $. C'est une technique de négociation. On l'a eu, ce pelletage-là. Mais, M. le Président, la réponse... Les municipalités l'ont demandé, même après se sont dit: O.K., on va le prendre, le 500 000 000 $, donnez-nous les outils. Elles n'en ont pas eu. Elles attendent encore des retours d'appel.

(17 h 10)

Je vous dirais là-dessus que, quand on voit une loi modifiant le Code du travail, on va l'envoyer aux municipalités pour voir si elles retrouvent là-dedans, dans le projet de loi n° 446... On va leur demander: Retrouvez-vous là-dedans des réponses aux négociations et aux consultations dont vous avez été l'objet depuis deux ans, depuis que le nouveau premier ministre est arrivé et que le nouveau ministre du Travail est arrivé? Nouveau ministre, nouveau premier ministre, mais même régime, même façon de faire. Je ne pense pas, moi, qu'il y ait une seule municipalité au Québec qui pourrait nous dire que le projet de loi n° 446, elles retrouvent là-dedans ce qu'elles ont demandé au cours des deux dernières années.

M. le Président, on a parlé au niveau municipal. Au niveau municipal, la réponse du gouvernement a été: Non, on ne touchera pas au Code du travail. Et j'aurais bien aimé ça que ce projet de loi là, pendant qu'on en parle, projet de loi n° 446, soit déposé au moment où on a adopté la loi spéciale sur les municipalités, juste pour voir quelle aurait été la réaction des municipalités si on avait mis en parallèle l'ouverture du Code du travail, ce qu'elles demandent depuis deux ans, les points sur lesquels elles sont consultées, et la réponse du ministre des Affaires municipales, et du ministre du Travail, et du gouvernement du régime péquiste qui, au lieu de leur dire: Voici, on tient compte de l'évolution de tout ça et on modifie le Code du travail pour vous donner les outils dont vous avez besoin... si elles avaient vu que finalement on leur a amené une loi spéciale et que finalement on dépose quelques semaines plus tard un projet de loi avec quelques articles, cinq articles, qui viennent parler des services essentiels.

C'est sûr que c'est important, les services essentiels. C'est certain. C'est pour ça qu'on le dit: Ce projet de loi là, si l'opposition est contre, ce n'est pas pour ce qu'il contient, c'est pour ce qu'il ne contient pas. Il n'y a pas, dans ce projet de loi là, de réponse aux demandes des différents intervenants patronaux, municipaux et même syndicaux. On peut dire, là, que les syndicats seraient contre une modification du Code du travail. M. le Président, ce n'est pas vrai. Les syndicats sont aussi conscients que le patronat, que les municipalités, que tout le monde au Québec que le Code du travail doit être modernisé. Tout le monde est conscient de ça. Tout le monde est conscient, sauf le ministre et sauf ce gouvernement-là.

M. le Président, quand on parle de ce qui s'est fait au niveau des municipalités, on a carrément laissé entendre, tenté de mettre les municipalités de son bord, tenté de leur dire... Ça, il y a des citations là-dessus, des citations suite à des questions qui ont été posées par mes collègues suite au dépôt du budget l'an dernier, en 1997, et à l'annonce du transfert de 500 000 000 $. Il y a des questions qui ont été posées pour savoir: Est-ce qu'on va donner aux municipalités les outils dont elles ont besoin pour absorber votre pelletage de 500 000 000 $?

Là, tout le monde disait: Oui, pas de problème, on va donner dès l'automne des outils. Si ce n'est pas à l'automne, ce sera un peu plus tard. On va donner aux municipalités les outils dont elles ont besoin. Dans les ententes, entre autres la pseudo-entente qui a été finalement rendue publique et tassée au congrès de l'UMRCQ en septembre dernier, ça a toujours été sur la table, ça: une révision du Code du travail afin de donner aux municipalités ce dont elles ont besoin pour gérer leurs affaires. Ça n'a pas été fait.

M. le Président, si on peut parler... Quand on parle que, dans une modification du Code du travail comme on a aujourd'hui, on a peur de mettre ses culottes et de parler des vraies choses... On a le temps cette session-ci. Ça ne se bouscule pas au feuilleton, là, on a le temps. Au lieu de faire une commission parlementaire sur Calgary, on aurait facilement pu faire une commission parlementaire sur le Code du travail, les inviter, les gens, qu'ils viennent voir ce qu'il y a sur la table.

Mais non, ce n'est pas ça, les priorités. Ça n'a pas été ça du tout, la priorité. La priorité est ailleurs, est au niveau constitutionnel. Et, au niveau du Code du travail, de ce qui pourrait nous permettre justement de prendre encore plus de place, de créer plus d'emplois, d'être plus à l'avant-scène, la modernisation des droits du travail, ça, tout le monde le demande, bien, au lieu de faire ça, on a préféré y aller avec d'autres priorités. Moi, je vous dirais, M. le Président, que, entre autres au niveau des municipalités, la demande est toujours là, l'attente est toujours grande. La réponse, aujourd'hui, que l'on donne aux municipalités, c'est: Non, pas cette fois-ci.

M. le Président, ça m'amène sur un autre point dont je veux vous parler. Il y a, depuis plusieurs années, une volonté populaire de dire: Il faut absolument que notre réglementation soit plus souple, soit plus moderne, soit plus à jour et surtout qu'on ne réglemente pas pour rien, qu'on ne mette pas en place... et qu'on ne légifère pas pour rien, qu'on n'amène pas différentes pièces. Mais, quand on répond aux intervenants patronaux, aux intervenants syndicaux, aux intervenants municipaux, que leurs demandes, bien, on verra peut-être une prochaine fois, c'est exactement ce qu'on fait. On gouverne à la petite semaine et on fait en sorte que ces gens-là qui ont des demandes tout à fait légitimes, que ces gens-là qui ont des demandes... Ils sont conscients, c'est eux autres, c'est dans leur cour, c'est leur façon de gérer à eux autres. Tout ce qu'ils demandent, c'est qu'on leur donne la responsabilité.

Moi, je suis un de ceux qui croient fermement, M. le Président, que, quand on ouvre le Code du travail, quand on regarde tout l'ensemble des lois qui, de près ou de loin, touchent les municipalités, on aurait pu traiter les élus municipaux en gens responsables. Ces gens-là sont élus, sont élus démocratiquement. Et, quand on modifie le Code du travail, si on dit: Oui, mais on ne veut pas que les municipalités négocient elles-mêmes, on ne veut pas qu'elles fassent de la sous-traitance elles-mêmes et on va tout gérer ça par le Code du travail, bien, on traite ces gens-là de façon paternelle.

Ils sont élus, ces gens-là sont élus. S'ils font une coche de travers, comme on dit, s'ils font une erreur dans la gestion quotidienne de leurs affaires, c'est bien évident que la population va gérer ça et va décider aux élections qui vont suivre de changer ces personnes-là. Et il y a toujours une volonté populaire, ces gens-là sont élus. Ce n'est pas des gens qu'on nomme, là, c'est des conseillers municipaux, c'est des maires, et ce sont eux qui demandent des modifications substantielles au Code du travail pour justement être capables de gérer leurs choses, de gérer leurs affaires, comme on dit.

M. le Président, ça, je pense, moi, que, toutes les fois qu'on a l'occasion d'ouvrir une loi, c'est le genre de question qu'on devrait se poser: Est-ce que – quand tu es législateur, tu dois te poser la question – dans l'ouverture de cette loi-là, j'ai pris en considération tous les éléments qui peuvent se rapporter à la loi qu'on va ouvrir et au sujet dont on traite? Force est d'avouer... Puis je ne pense pas qu'il y ait personne de l'autre côté qui ait le courage de se lever en cette Chambre puis de dire: Bien, oui, la pièce législative qu'on présente là, le projet de loi n° 446 qu'on présente là, voici la réponse du gouvernement à toutes les demandes de tout le monde en matière de travail au Québec.

À ce moment-là, si on ne tient pas compte de ces demandes-là, il en vient un autre, problème, c'est le problème de crédibilité. Comment peut-on oser prétendre être crédible envers ses partenaires, envers les représentants syndicaux, envers les municipalités quand on les consulte pendant un an ou deux, et qu'on arrive au bout de ce processus de consultation là, et qu'on accouche de ça, d'un projet de loi de cinq articles sur les services essentiels? C'est un peu l'éléphant qui accouche d'une souris.

Ça fait des années que tout le monde... Ça fait deux ans, là, qu'il y a un processus de consultation qui a mené au rapport Mireault, et là voici ce qu'on nous présente comme modifications au Code du travail. Force est d'avouer, M. le Président, que c'est extrêmement mince, force est d'avouer qu'il y a énormément de dossiers qui sont laissés de côté.

Et, avant de continuer sur les dossiers qui sont laissés de côté par ce projet de loi là, dans toute la question du respect de l'Assemblée nationale, du respect des gens qui sont ici, il y a quelque chose d'un petit peu particulier dans cette loi-là, c'est qu'elle propose, entre autres, des modifications pour s'ajuster avec la nouvelle société qui va être créée par le ministre de la Santé, c'est-à-dire Héma-Québec.

M. le Président, vous étiez là, vous avez vu, le débat s'est terminé à l'adoption du principe, il y a quelques minutes, sur Héma-Québec, et l'opposition est contre. L'opposition est contre ce projet de loi là. Mais, par contre, dans le projet de loi n° 446, on retrouve là-dedans les modifications législatives qui sont déjà prêtes, là, pour tout de suite s'arrimer avec la mise en place de cet organisme-là.

(17 h 20)

Si on pousse juste un petit peu plus loin le raisonnement, M. le Président, on pourrait arriver dans une situation où le Code du travail est modifié, tout est mis en place, toutes les modifications législatives sont faites pour un organisme qui n'est même pas créé encore, qui n'existe même pas encore. Aie, il faut être assez sûr de nos moyens! Ça, c'est tout un respect envers les parlementaires et envers l'opposition. Les projets de loi sont prêts. Peu importe ce que vous allez dire, peu importe ce que vous allez faire, peu importe ce que les groupes vont faire, peu importe ce que les groupes vont venir dire, pas de problème, c'est de même que ça va passer. Le train s'en va par là. Vous avez deux choix: ou vous embarquez ou on vous passe dessus. C'est exactement ça, le raisonnement de ce régime-là, M. le Président, et on le voit dans plusieurs dossiers.

C'est écrit en toutes lettres, là, c'est écrit dans le projet de loi, à l'article 2, les remplacements, là. Déjà, on prévoit des modifications pour remplacer «la Société canadienne de la Croix-Rouge» par les mots «une entreprise de cueillette, de transport ou de distribution du sang ou de ses dérivés ou d'organes humains destinés à la transplantation».

On peut comprendre que le ministre du Travail, ce n'est pas un mauvais gars. Il a dit: Moi, je vois aller ça, je vais m'arrimer le plus vite possible. C'est peut-être ça qu'il a dit à son collègue: Pas de problème. Il dit au ministre de la Santé: Moi, regarde, je vais te donner un gros coup de main. Non seulement je suis pour, mais les modifications législatives sont déjà prêtes. Pas de problème. Puis l'opposition, oui, puis les groupes, qu'est-ce qu'ils peuvent en penser? C'est sans doute ça qu'ils se sont dit: Ce n'est pas grave, ce qu'ils en pensent, on va le créer, cet organisme-là.

Et il va dire au ministre de la Santé: Moi, je te présente tout de suite sur un plateau... Moi, dans mon domaine, ton organisme que tu veux créer, et l'opposition est contre et il y a des gens... Ce n'est pas tout le monde qui est pour la création de cet organisme-là, Héma-Québec. Peu importe. Le ministre du Travail a dit: Moi, ça ne me dérange pas, ce que l'opposition... Voici ce que, moi, je suis prêt à faire. Voici mes modifications législatives pour que, même si ce projet de loi là est adopté plus tard ou même si le projet de loi n'est pas passé... Il dit: Moi, je vais être prêt.

Et, M. le Président, on pourrait facilement arriver dans une situation où, je ne sais pas, pour un événement quelconque, peut-être que le ministre de la Santé entendrait raison – je parle de façon hypothétique – et dirait: Bien, moi, sur Héma-Québec, finalement on va reculer. On va changer d'idée. On va rester avec l'organisme pancanadien qui va être créé puis on... Savez-vous ce qu'il faudrait faire, M. le Président, si le projet de loi n° 446 était adopté? À ce moment-là, il faudrait revenir en Chambre, reconvoquer les parlementaires, réétudier une autre modification au Code du travail parce qu'on aurait été trop vite et parce que le ministre du Travail aurait été trop conciliant et trop près à aider son collègue de la Santé.

Et ça, M. le Président, autre élément assez farfelu en ce qui a trait au projet de loi n° 446 et qui pourrait très bien se produire: imaginez-vous, au niveau du Code du travail, les modifications seraient prêtes, le projet de loi pourrait avoir force de loi et être approuvé par le lieutenant-gouverneur, alors qu'un des organismes dont il est question dans ce projet de loi là ne serait même pas adopté. M. le Président, là il y a toujours bien des limites à ce qu'on peut prendre pour acquis et à quel point on peut légiférer tout croche et avoir des priorités toutes croches.

Et ça, moi, je vous dirais que ce qui est le plus important là-dedans, ce que les gens doivent comprendre chez eux quand ils nous entendent parler sur le projet de loi n° 446 sur le Code du travail, un des éléments, c'est qu'ils doivent comprendre le mépris de ce régime-là envers l'institution qu'est l'Assemblée nationale. Parce que, dans ce projet de loi là, on présente des éléments, on présente une modification législative pour un organisme qui n'a encore même pas reçu l'assentiment de l'Assemblée nationale, et l'opposition est contre. Je vais vous le dire tout de suite, l'opposition est contre et il y en a d'autres qui sont contre ça aussi. Donc, c'est tout le respect qu'a le ministre de la Santé et qu'a le ministre du Travail de l'Assemblée nationale du Québec.

M. le Président, c'est un peu dommage de penser qu'on peut convaincre des gens, de penser qu'on peut convaincre des jeunes, de penser qu'on peut convaincre la population en général de l'importance du rôle de député quand on a à faire face à un gouvernement qui méprise avec autant d'insistance la fonction même du député et, je dis bien de façon théorique, du législateur pour laquelle les gens nous ont élus.

Et ça, là, quand on regarde ça, les gens dans les comtés qui voient passer un projet de loi comme ça... C'est exactement le genre de projet de loi, M. le Président, dont personne n'entend parler. À part les quelques groupes intéressés, personne n'entend parler de ça, parce que c'est mineur. Mais, derrière ce projet de loi là, ce qui se cache est assez sournois, c'est-à-dire le mépris du gouvernement actuel et du régime actuel envers l'institution de l'Assemblée nationale, qui, par un projet de loi, met en place les modifications législatives pour s'adapter à un organisme qui n'existe pas. C'est comme s'acheter des pneus d'hiver avant d'acheter l'auto, puis là, à un moment donné, oups! tu te rends compte que ce n'est pas la bonne grandeur de pneus. Mais c'est exactement ce qu'on fait avec ça, M. le Président. C'est exactement ce qui est mentionné à l'article 2 de ce projet de loi là.

Et, M. le Président, je veux continuer sur un autre élément qui est fondamental. Quand on parle de l'importance des projets de loi qui sont déposés, il y a différentes questions – puis j'ose espérer qu'on trouvera les réponses à ces questions-là lors de la commission parlementaire – comme, par exemple: Combien d'employés comme tels seront visés par ce projet de loi? Est-ce que ces employés-là sont syndiqués? Est-ce qu'ils sont en train de négocier? Est-ce qu'il y a appréhension de conflit? Finalement, c'est le pourquoi de ça. Au-delà de l'urgence de rendre ça plus souple, plus facile, là, moi, je n'ai pas entendu dans le discours du ministre des éléments très convaincants là-dessus. Il a expliqué ce qu'était le projet de loi. Soit! C'était bien fait, puis, vous avez vu, ce n'était pas long. Ça a pris cinq minutes, une minute par article, pas plus que ça.

M. le Président, quand on est un petit peu plus rigoureux, on se rend compte qu'il y a énormément de choses dans ce projet de loi là qui ne sont pas là, et c'est peut-être ce qui explique pourquoi on veut le passer aussi rapidement, puis on veut le passer de façon... sans que personne ne le voie, sans que personne ne s'en rende compte. Et, je veux dire, c'est un petit peu choquant de voir à quel point on ne tient pas compte de l'opinion de l'opposition dans ce projet de loi là et qu'on ne respecte pas l'opposition en général.

Parce que, clairement, il y a une heure, l'opposition a voté contre l'adoption du principe du projet de loi qui crée Héma-Québec. Et on se ramasse, une heure après, malgré qu'on ait voté contre puis qu'on en soit à la première étape, là... C'est des gens qui regardent ça. Il y a trois étapes dans l'adoption d'un projet de loi. On a voté contre à la première étape. Ce n'est pas grave, on passe un autre projet de loi et on fait exactement comme si on avait adopté le projet de loi dont on vient de faire mention une heure plus tôt. Ce n'est pas un problème de mémoire collective, ça fait une heure. Ça fait une heure puis il y a des gens qui sont là et qui étaient là il y a une heure. Ils s'en souviennent.

Mais, M. le Président, on n'en tient pas compte. On présente un projet de loi qui ne tient absolument pas compte de ce que l'opposition a dit, qui ne tient absolument pas compte de ce que l'opposition a soulevé dans le dossier d'Héma-Québec, qui ne tient absolument pas compte de ce que les groupes ont dit dans le dossier d'Héma-Québec et qui vient carrément confirmer que l'intention de ce gouvernement-là, c'est d'y aller à fond de train, de mettre en place Héma-Québec au-delà des consultations qu'il peut y avoir et de ce qu'on peut mettre en place.

M. le Président, quand on parle de modifications au Code du travail, il y a selon moi... il faut respecter cette législation-là. C'est une pièce majeure. C'est majeur le Code du travail au Québec, c'est ce qui encadre le travail des gens qui, par chance, ont un emploi et qui encadrera le travail de tous ceux et celles qui veulent avoir un emploi. Et, quand on parle de modifications du Code du travail, c'est beaucoup plus que de seulement dire: On va s'adapter aux autres législations qu'on met en place. C'est beaucoup plus que ça, selon moi.

(17 h 30)

Il y a – j'en ai parlé un petit peu, je vais revenir sur cet élément-là – M. le Président, toute la notion de modifications à l'article 45 et l'article 46 du Code du travail, entre autres en ce qui a trait à la sous-traitance. Tout le monde s'entend, côté patronat comme même du côté syndicat, que, quand on parle de modifier ces articles-là, c'est beaucoup plus large que de seulement modifier les deux articles dont j'ai fait mention. Il y a différentes notions du Code du travail qu'il faut prendre en considération. Et là-dessus il faut faire extrêmement attention. Il ne faut pas faire preuve uniquement d'opportunisme et de venir déposer des projets de loi bidon qui, sans aucune réflexion, sans aucune conséquence du geste et sachant probablement qu'ils ne seront jamais adoptés, viennent dire en quelques lignes: On va modifier les articles 45 et 46, puis, bang! ça va être fini là. Ce n'est pas ça, M. le Président. Mais, moi, je pense qu'à ce niveau-là le fruit est mûr. Tout ce qui a été dit sur cet important article qu'est l'article 45 et toute la question de la sous-traitance, ça a été dit. Il reste à le prendre en considération, et, dans le projet de loi qu'on a là, c'est loin, mais loin, mais très loin d'être pris en considération.

M. le Président, avant même d'aborder cet autre élément des points que je veux faire ressortir comme étant absents de ce projet de loi là – je vois déjà, je crois, le gouvernement actuel qui sait un petit peu où je veux en venir – c'est tout le phénomène du recours aux clauses orphelin. On a devant nous une modification au Code du travail par le projet de loi n° 446, on a ça devant nous, et, d'un autre côté, on a toute la question des clauses orphelin, dont l'opposition a mentionné l'importance dès le mois de mars. En tout début de session, la première journée de session parlementaire, une des questions qui ont été soulevées était reliée aux clauses orphelin. Pourquoi? Parce qu'on se souvient aussi que cette journée-là était une journée assez triste. C'était une drôle de façon de commencer la session, on a commencé la session par l'adoption d'une loi spéciale pour réduire les coûts de main-d'oeuvre dans les municipalités.

Bon, un loi spéciale, les gens vont dire: Quand il y a urgence, pourquoi pas une loi spéciale? Et c'est ce que semblent dire aussi plusieurs des membres du cabinet du régime péquiste actuel, qui disent: Bien, ça a passé vite, on n'était pas là, on ne l'a pas vue, et tout ça, parce que, dans la loi spéciale déposée par le ministre des Affaires municipales à l'époque, il y avait deux articles fondamentaux qui peuvent passer absolument inaperçus de l'ensemble de la population, mais que l'opposition a relevés, les articles 9.1° et 34 de ce projet de loi là qui est le projet de loi n° 414, deux articles qui créaient un précédent, parce que c'est la première fois... Et là il y a moi, puis les gens vont dire: Oui, mais c'est un jeune député; il n'a peut-être pas un historique parlementaire et législatif à... Mais c'était la première fois, puis j'en ai parlé à plusieurs de mes collègues, que, directement dans une loi, un gouvernement attaquait de front les jeunes et mettait en place directement des clauses orphelin.

L'article 9.1° se lit comme suit: «...la modification des conditions de travail prévues à la convention collective en vigueur ou applicables aux salariés en vertu de l'article 59 du Code du travail ou d'une convention collective expirée, sauf les taux et échelles de salaires applicables aux salariés qui sont alors à l'emploi de l'organisme.»

Il y en a un autre, article, peut-être encore plus clair, M. le Président, 34 de cette loi-là, du projet de loi n° 414, qui attaque de front, encore une fois, le Code du travail: «Un organisme municipal qui a adopté une résolution en vertu de l'article 4 peut prendre, à l'égard de ses salariés qui ne sont pas représentés par une association accréditée selon le Code du travail, des mesures d'économie – des mesures d'économie! – permettant de réaliser, sans réduire les taux et échelles de salaires des salariés alors à son emploi, l'objectif de réduction fixé par la résolution. Il peut prendre, à l'égard des membres du conseil, d'un comité ou d'une commission de l'organisme qui ne sont pas des élus municipaux, des mesures d'économie permettant de réaliser une réduction d'au plus 6 % des coûts de main-d'oeuvre.»

Ça, M. le Président, quelqu'un qui, aujourd'hui, quelque part, veut signer une clause orphelin et veut savoir c'est quoi, une clause orphelin et comment ça se traduit au niveau législatif, je lui conseille de se procurer le projet de loi n° 414, qui est devenu force de loi depuis. À l'article 34 de ce projet de loi là, il va avoir le texte, ça ne peut pas être plus clair que ça. Ça attaque de front – de front! – le Code du travail, ça attaque de front l'esprit même des relations de travail au Québec, ça attaque de front les responsabilités du ministre du Travail et ça attaque surtout de front les jeunes.

Il n'y a jamais personne qui a pu démentir que ce projet de loi là, que cet article-là n'était pas une clause orphelin. Tout le monde l'a dit, sauf le grand ministre des Affaires municipales. Tout le monde dit une chose, sauf lui. Lui, non, non, ce n'est pas une clause orphelin, on n'attaque pas du tout les jeunes, on ne touche pas à ça. Même son collègue de Bourget le dit, que c'est une clause orphelin. Les jeunes péquistes, les jeunes de son parti l'ont dit, que c'était une clause orphelin. Lui, non, ce n'est pas ça du tout.

J'ai questionné le ministre du Travail: Qu'est-ce que vous allez faire? Qu'est-ce que vous avez fait? Où étiez-vous dans ce dossier-là? Il a demandé un rapport pour étudier la situation. Quand on lui a fait ressortir... Puis ça, là, c'est important, dans le projet de loi n° 446 qu'on a aujourd'hui, ça pourrait aussi se retrouver là. Tant qu'à modifier le Code du travail pourquoi pas y aller de façon un peu substantielle? Et, quand on a demandé au ministre ce qu'il allait faire, il a demandé un rapport pour étudier la situation!

Ça aurait été bien plus simple de demander à son collègue des Affaires municipales de prendre des vacances puis d'éviter de taper à coups de batte de baseball sur les jeunes encore. C'est la première fois, M. le Président, qu'on voit ça, que, de front, le ministre des Affaires municipales a attaqué directement les jeunes. Et là ils disent: Ce n'est pas vrai; non, ce n'est pas de même que ça marche. Les municipalités, partout, qui, depuis et avant même la mise en place de la loi spéciale... il y a une étude qui a été faite et, dans 65 % des conventions collectives renouvelées depuis le pelletage du ministre des Affaires municipales, il y avait des clauses orphelin. C'était avant. Mais là, au lieu de s'attaquer au problème, ce qui devrait être l'attitude normale d'un gouvernement responsable, ce qu'ils ont fait, ils ont commencé à attaquer l'étude comme telle, de dire qu'elle n'était valide, l'échantillon n'était pas bon, ce n'est pas de cette façon-là qu'on fait une étude là-dessus. Pendant ce temps-là, on attend toujours leur rapport.

Ça nous rappelle, ça, l'an passé, quand le ministre des Finances, pour expliquer le taux de chômage, disait que c'était la température, parce que c'était Statistique Canada. Il avait toujours une bonne raison, sauf la réalité. Au lieu de trouver des raisons, des explications, on devrait trouver des solutions, et les solutions pourraient se retrouver dans le projet de loi n° 446. Mais ce n'est pas le cas, M. le Président, ce n'est pas là.

Et, M. le Président, on parle du ministre du Travail, on parle du projet de loi n° 446, vous allez me permettre de faire un petit détour sur les clauses orphelin aussi pour parler de la réaction du ministre responsable de la jeunesse, qui normalement devrait se soucier des clauses orphelin. Je m'en souviens, pendant qu'il était député dans l'opposition, c'était épouvantable, les clauses orphelin, pour lui. Les chardons ardents, ce n'était rien comparé aux clauses orphelin. Ah! c'était l'apocalypse, les clauses orphelin. C'était épouvantable, selon le député de Gouin dans le temps qu'il était dans l'opposition.

À cette heure qu'il est rendu au gouvernement, ce qu'il dit, en commission parlementaire... Ah! il est toujours contre ça. Il est contre ça, les clauses orphelin, et presque la main sur la Bible; on n'en avait pas à portée de la main, en commission parlementaire sur les crédits, mais, avoir eu une Bible pas loin, il aurait mis la main dessus. Il est contre ça. Je lui ai demandé: Où étiez-vous quand ce projet de loi là est arrivé, le 414? Où étiez-vous quand votre collègue des Affaires municipales a passé directement dans sa loi une clause orphelin présentée comme un moyen d'économie? Tapez sur le dos des jeunes, vous allez sauver de l'argent! C'est ça qu'il dit, le ministre des Affaires municipales.

Je demande au ministre responsable de la jeunesse où il était. Il n'était pas là. Il ne l'a pas vue passer. Il a dit: Vous savez, une loi spéciale, ça ne marche pas comme toutes les autres lois. Il a dû en manquer un bout, parce qu'il l'a dit: Je n'étais pas là. Et il nous a presque dit: Si j'avais été là, jamais ça ne se serait passé comme ça. Mais il ne l'a pas dit, parce que sans doute qu'il n'était pas loin, il était comme juste dans l'antichambre; il l'a entendu dire, mais, comme il est arrivé pour entrer pour défendre les jeunes, on lui a fermé la porte sur les doigts.

Et, M. le Président, ça serait agréable d'entendre le ministre responsable de la jeunesse venir nous dire s'il est fier de ça, le projet de loi n° 446 qu'on étudie aujourd'hui, de voir s'il est fier de ça, de voir que, tant qu'à ouvrir le Code du travail, au lieu de prendre en compte les recommandations de ses jeunes, chez eux, les jeunes péquistes – ils sont contre ça, ils l'ont dit, 446, ils sont contre ça – et là il arrive et dit: Dans le Code du travail, on pourrait facilement l'inclure. J'aimerais ça, entendre, moi, le ministre responsable de la jeunesse nous dire s'il se satisfait que dans le projet de loi n° 446 on parle des services essentiels. Je pense que ça pourrait être plus intéressant d'ajouter à ça que de juste dire: Aïe! c'est épouvantable, puis on a tous la main prise dans le tordeur, mais personne ne veut en parler. On le passe en dessous de la table. On est là pour ça. On est là pour l'étudier, le Code du travail.

(17 h 40)

Les gens vont dire: Bien oui, mais parlez du Code du travail, parlez du projet de loi n° 446. On peut en parler, M. le Président, on a fait le tour. Il n'y a rien dedans. Lorsqu'on pense à ce qu'il pourrait y avoir dedans si on avait un gouvernement qui, au lieu d'être en fin de régime, voulait gouverner le Québec pour l'avenir, voulait gouverner le Québec en mettant ses culottes et en répondant aux demandes des gens, depuis deux ans, qu'ils ont consultés pour tenter de faire des pseudoconsensus... M. le Président, ce n'est pas ça. Ce n'est pas ce qui arrive. Moi, je serais bien, bien curieux d'entendre – puis je le dis: J'espère qu'il va venir en commission parlementaire. Une question bien simple; on peut même lui envoyer à l'avance – le ministre responsable de la jeunesse, qu'il nous dise s'il est satisfait de voir que, tant qu'à ouvrir le Code du travail, pourquoi on ne parle pas des clauses orphelin? Ça pourrait être beaucoup plus utile, M. le Président, que de demander des rapports qu'on n'a pas, on ne sait pas où c'est, que c'est quelque part dans les airs. Il y a un rapport. Tout le monde se cache en arrière de ça, puis ça fait bien l'affaire de tout le monde. Pendant ce temps-là, ils disent: Bon, bien, on achète du temps. Mais, pendant ce temps-là, il continue de se signer des clauses orphelin sur le dos des jeunes. Il aurait la chance, ce gouvernement-là, aujourd'hui, dans le projet de loi n° 446...

M. Brassard: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Brassard: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. J'écoute le député depuis un bon moment et il évoque l'objet même du projet de loi, les services essentiels. Mais, à chaque fois, je me dis: Il va en parler. Mais non, il n'en parle pas. C'est l'objet du projet de loi. Ce n'est pas les clauses orphelin, l'objet du projet de loi, c'est les services essentiels. S'il n'a rien à dire sur les services essentiels, terminons le débat. Mais, pour le moment, moi, je vous dis que le député n'est en aucune façon pertinent.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement, je reconnais qu'il en prend large, en partant du principe qu'il ne trouve pas grand-chose dans le projet de loi puis il aurait aimé y en voir beaucoup. Alors là, il vient de s'ouvrir lui-même une porte. Mais je reconnais qu'il l'a ouverte pas mal large. Je vous inviterais, s'il vous plaît, M. le député, à conclure sur le thème du projet de loi le plus rapidement possible. Merci.

M. Béchard: Merci, M. le Président, en vous remerciant d'avoir effectivement dit que j'en prenais large mais en ne disant jamais que je n'étais pas pertinent. Merci, M. le Président.

M. le Président, le leader du gouvernement a manqué un bout de mon allocution sans doute, parce qu'on a mentionné à plusieurs reprises un des éléments qui étaient dans le projet de loi, c'est-à-dire tout ce qui a trait à Héma-Québec et à la modification législative qu'on adopte dans un projet de loi avant même que l'autre projet de loi soit fait. Ça, bien, je peux recommencer mon exposé de 15, 20 minutes là-dessus, M. le Président, si vous m'en donnez la permission, juste pour l'information du leader du gouvernement, mais je pense qu'il y a d'autres éléments aussi qu'on doit prendre en considération.

M. le Président, juste pour terminer sur les clauses orphelin, si vous me le permettez, qu'on aurait pu retrouver là-dedans, qu'on aurait pu retrouver là-dedans... Il y a d'ailleurs un projet de loi qui a été déposé et qui est un moyen simple de mettre fin aux clauses orphelin. Mais, souvent, est-ce qu'on a vraiment pris en considération tous les éléments là-dedans? Je ne suis pas certain. Et, M. le Président, dans des cas comme ça, je pense qu'il faut servir les jeunes et non pas s'en servir.

M. le Président, moi, je crois fermement que ce projet de loi là, le projet de loi n° 446, qu'on a devant nous aujourd'hui aurait pu vraiment ouvrir la porte de façon très simple, de façon très concrète, de façon précise à une volonté gouvernementale de mettre fin aux clauses orphelin.

M. le Président, quand on parle des éléments qui pourraient se retrouver dans ce projet de loi là, quand on parle de ce qui pourrait être amené, tous les nouveaux phénomènes reliés au monde du travail – travailleurs autonomes, ça en est un – on ne retrouve rien là-dedans. Moi, j'ai cherché. Ce n'est pas long à lire. On ne retrouve rien là-dedans sur les travailleurs autonomes. Et ce projet de loi là, même le leader du gouvernement le dit, probablement parce qu'il ne trouve pas grand chose là-dedans, effectivement, quand on parle de déléguer, de permettre au président ou au vice-président d'agir seul au nom du Conseil, moi, je vous dirais que, dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, chez nous, ça ne fera pas grand effet chez grand monde. Je suis convaincu que, au Lac-Saint-Jean ou dans le comté de Matane, c'est la même chose.

Il faut se poser la question: Est-ce que ces gens-là nous ont élus pour nous voir adopter des lois qui sont de cette minceur-là? Moi, je n'ai pas vu ça dans le programme électoral du député de Matane, qu'il allait se faire élire pour déposer une loi. J'espère qu'il ne s'est pas fait élire avec ça, là. Il me semble que les gens de Matane ont plus de jugement que ça, et j'espère qu'ils en auront à l'avenir aussi, de plus en plus. Mais, M. le Président, je pense pas, moi, que dans le programme électoral du député de Matane, en 1994, il était écrit là-dedans qu'il allait déposer une loi pour permettre au président ou au vice-président du Conseil des services essentiels d'agir seul au nom du Conseil. Je ne suis pas sûr. Si c'était dans son programme, il y avait sûrement d'autres choses, parce que ça ne doit pas être là-dessus qu'il s'est fait élire.

M. le Président, c'est pour ça, c'est parce que tous les engagements que ces gens-là prennent et ont pris d'un bord et de l'autre, quand on a la chance de voir ça arriver dans un projet de loi, on se dit: Bon, enfin, on va pouvoir débattre de vraies choses. On va pouvoir mettre des outils et des éléments sur la table, des idées. Mais ce n'est pas ça qui se produit. Ce n'est absolument pas ça qui se produit.

Moi, je vous dirai bien franchement, qu'on assujettisse une entreprise d'emmagasinage de gaz aux services essentiels, qu'on assujettisse un organisme de protection de la forêt contre les incendies, moi, je n'ai pas de gros problèmes avec ça. Je ne pense pas qu'au Québec il n'y ait personne qui ait de bien gros problèmes avec ça. Mais, ici, on parle d'ajustements législatifs qui représentent exactement ce qui se produit quand un régime est usé. Quand il n'a plus rien de nouveau à proposer, qu'est-ce qu'il se contente de faire? Qu'est-ce qu'il se contente de faire? Il se contente de répondre au plus pressant, puis on le voit là-dedans. La protection de la forêt contre les incendies, c'est exactement ça. Quand on n'a rien d'autre à faire et quand on se promène, et que ça va bien, et qu'on dit que le monde est rose, puis qu'on a des vitres roses après nos autos, on dit: Bon, on va juste éteindre les feux. Pourquoi faire plus? C'est exactement ça, sans doute, M. le Président, qui a guidé ce gouvernement-là à déposer le projet de loi n° 446.

M. le Président, il y a une question fondamentale quand on voit un projet de loi comme ça arriver. La question est la suivante: Est-ce que ce gouvernement-là n'a rien d'autre à proposer aux travailleurs québécois et aux travailleuses québécoises qu'une loi de cinq articles qui vient élargir le rôle et le mandat du président et du vice-président du Conseil des services essentiels? C'est sans doute deux chics personnes, sans doute deux personnes pleines de bon sens, sans doute deux personnes qui vont accomplir leurs fonctions de la meilleure façon qui soit, mais la question, c'est: Est-ce que le projet de loi n° 446, c'est ça, la réponse du ministre du Travail à tous ceux qu'il a consultés depuis deux ans sur le fameux Code du travail? Est-ce que c'est ça, sa réponse aujourd'hui? Ça semble être ça, il n'y a rien qui se produit. Ça doit être ça, la réponse. Ça doit être exactement ça qu'il a comme réponse: On ne touchera à rien. Mais comment il va faire, M. le Président, après ça, pour avoir l'air le moindrement sérieux et crédible, pour qu'il puisse oser aller redemander un avis à qui que ce soit sur une modification éventuelle au Code du travail? Aucune crédibilité, aucune!

On va en faire un, test, on va en faire un, vrai test, M. le Président, sur ce projet de loi là, on va en faire un. Est-ce que le ministre du Travail pourrait s'engager à mettre ces éléments-là dans son bilan? Quand il va retourner à Matane, là, quand il va aller faire sa conférence de presse pour dire: Bien, je me représente ou je ne me représente pas – mais ça, c'est personnel, je ne veux pas embarquer là-dedans – mais pour dire: Moi, j'ai réalisé des grandes choses en tant que ministre du Travail, dont le projet de loi n° 446, Loi modifiant le Code du travail, est-ce qu'il aura le courage de mettre ça dans son bilan? Est-ce qu'il aura le courage d'aller voir ses gens chez eux, à Matane, et leur dire: Voici ce que j'ai fait pour vous? Le projet de loi n° 446, là, ça, ça a fait avancer le Québec! Je ne suis pas sûr, moi, qu'il va mettre ça dans son bilan. Je le mets au défi. Qu'il le mette dans son bilan, juste pour le fun, juste pour voir la réaction des gens dans la salle. Moi, je suis convaincu que, si les gens se rappellent de quelque chose dans ce projet de loi là, à Matane, s'ils se rappellent de quelque chose du projet de loi n° 446, ça va surtout être des éléments que l'opposition a fait ressortir comme n'étant pas dans le projet de loi n° 446 qui modifie le Code du travail. Je suis à peu près certain que c'est ce qu'on va lui dire.

(17 h 50)

Et pourtant, si le ministre calcule que son devoir a été fait, s'il calcule que son mandat a été rempli, s'il calcule que tout ce qu'il lui restait à faire comme ministre du Travail, c'était de déposer le projet de loi n° 446, je pense qu'on va lui envoyer quelques notes pour lui dire justement ce qu'il n'y a pas dans ce projet de loi là, pour lui dire quels sont les éléments que les Québécois et Québécoises attendent, ce que les gens demandent en ce qui a trait au Code du travail pour le moderniser, l'adapter à la réalité des gens.

On parle de travailleurs autonomes, j'ai presque peur d'en parler, M. le Président, ils vont commander un rapport! Ils vont commander un rapport pour étudier la situation, puis ça va prendre des années avant qu'on l'ait, puis on ne le saura pas. Puis, une fois qu'on va l'avoir, bien, ça va faire comme le rapport Mireault: on engage la personne, mais on met le rapport sur une tablette. C'est une belle philosophie, ça. Mais, par exemple, tant qu'à modifier le Code du travail, tant qu'à mobiliser l'Assemblée nationale pour ça, tant qu'à prendre du temps des parlementaires pour parler du Code du travail, est-ce qu'on n'aurait pas pu en même temps se poser la question sur: Ah! Il y a peut-être des choses qu'on peut amener dans le Code du travail pour simplifier la vie des travailleurs autonomes; il y a peut-être des choses qu'on aurait pu amener dans le Code du travail pour être encore plus compétitif face au Nouveau-Brunswick, face à l'Ontario, face aux autres provinces. Face aux États-Unis, il y a peut-être des choses qu'on aurait pu apporter.

Cette question-là n'a pas été posée, M. le Président, à l'évidence, parce qu'on ne retrouve, dans ce projet de loi là de cinq articles, rien, rien sur les vrais problèmes que vivent les travailleurs et travailleuses du Québec, absolument rien.

Il y a un autre point qu'on retrouve, et ça, je dirais que c'est devenu une mode, et, après ça, on va nous dire que c'est la seule façon de faire les choses, c'est à l'article 3, M. le Président: la mise en place d'un fonds, un fonds, f-o-n-d-s, un fonds comme on en a vu plusieurs depuis trois ans. Il y en a eu de toutes les sortes. Et qu'est-ce qui est arrivé avec ces fonds-là, M. le Président? Dans le dernier budget, les montants qu'on y retrouvait sont disparus, sont passés directement à la dette. On le questionnera, ce fonds-là, M. le Président. On le questionnera pour savoir pourquoi, comment et où on veut en venir avec ça.

M. le Président, il est fondamental... Écoutez, on est à deux ans de l'an 2000, on est probablement à quelques mois d'une élection. J'ose espérer, M. le Président, que, si le ministre du Travail, comme il le dit souvent, est prêt à agir et qu'il veut agir, j'ose espérer qu'on ne lui met pas des freins et qu'on ne l'arrête pas en lui disant: Non, attendez un peu. Attendez un peu, attendez un peu, on s'en va en élection. Ne parlez pas des clauses orphelin. On va se servir des jeunes en élection. N'en parlez pas dans votre modification au Code du travail, on va se servir des jeunes à l'élection. Mais ne le faites pas tout de suite. Si vous le faites tout de suite, qu'est-ce qu'on va annoncer? Ça fait deux ans que tout ce qu'on fait, c'est avoir l'auto sur le pilote automatique, puis on s'en va, puis on éteint des feux. On n'est toujours bien pas pour l'annoncer. J'espère que ce n'est pas pour ça qu'on n'en parle pas.

La sous-traitance, j'ose aussi espérer, l'article 45 et toute la modification des éléments du Code du travail qui se rapportent à la sous-traitance, j'espère qu'on n'a pas dit au ministre: On ne touche pas à ça parce que c'est trop dangereux avant les élections. Et, M. le Président, j'espère que c'est la même chose au niveau des travailleurs autonomes. J'espère qu'on n'a pas dit au ministre: On ne touche pas à ça.

Mais il y a un problème, c'est que, si le ministre veut le faire puis que son gouvernement ne veut pas, c'est une chose. Moi, je n'accuse personne avant d'avoir les faits, M. le Président. Mais, si lui voulait le faire et que son gouvernement ne voulait pas, c'est un scénario. Mais il y a quelque chose d'encore plus grave que ça, M. le Président. C'est que, si lui-même, après deux ans de consultation, après le rapport Mireault, après un autre rapport qui s'en vient sur les clauses orphelin... Il a demandé des rapports sur à peu près tout ce qui bouge au ministère du Travail. J'ose espérer qu'après deux ans il n'est pas en train de nous dire que sa conclusion de tout ça, c'est le projet de loi n° 446 et que c'est sa réponse au monde syndical, au monde patronal, au monde municipal. J'espère que ce n'est pas ça, sa réponse à leurs revendications. Parce que, si c'est sa réponse aux revendications de ces gens-là, il y a beaucoup de gens au Québec, M. le Président, qui auront perdu leur temps, qui se seront fait prendre au jeu du ministre du Travail, se seront fait prendre à son jeu de consulter, mais qu'il ne se passe rien dans les faits. Ça, M. le Président, ce serait parfaitement conséquent avec ce que ce gouvernement-là fait depuis deux ans. On consulte, on consulte et on consulte encore, mais, dans les faits, on arrive avec un projet de loi de cinq articles.

M. le Président, je vous le dis tout de suite, en commission parlementaire, on va essayer de l'enrichir, ce projet de loi là. On va voir l'ouverture d'esprit du ministre du Travail. On va essayer d'en amener, des choses là-dessus. On va voir si c'est son gouvernement qui le tient ou si c'est lui qui tient son gouvernement ou ce qui se passe là-dedans, mais on va essayer d'en amener plus. Parce que, moi, je le mets au défi de mettre ça dans son bilan. Qu'il en parle à sa conférence de presse bilan comme député de Matane et comme ministre du Travail, du projet de loi n° 446, pour voir s'il va gagner bien des votes avec ça.

Et qu'il ne vienne surtout pas dire que les autres éléments n'étaient pas prêts à être traités. Il y en a plusieurs qui sont prêts à être traités. Et, en plus, il y en a plusieurs, dont les clauses orphelin, qui demandent, comme l'opposition l'a fait, à ce qu'on agisse rapidement. On a déposé une motion pour leur dire: On est contre les clauses orphelin. Votez contre, vous autres aussi. M. le Président, ce qu'ils ont fait, ils ont voté pour les clauses orphelin. Ils ont voté pour les clauses orphelin, à l'encontre de leurs jeunes, à l'encontre de tout le monde au Québec. Il y a juste eux autres. Le ministre des Affaires municipales puis le ministre du Travail qui trouvent ça drôle! Tout le monde était contre ça, ils sont pour.

Bien, M. le Président, quand on présente un projet de loi de cette façon-là, on se rend vraiment compte que le projet de loi n° 446, si c'est la réponse de ce régime-là aux demandes de tout le monde sur les modifications au Code du travail, c'est la plus belle preuve que ce régime-là est fini, qu'ils ne veulent plus gouverner, qu'ils n'ont plus d'idées et que c'est le temps qu'on passe à autre chose. C'est pour ça, M. le Président, qu'on va être contre le projet de loi n° 446. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Nous pouvons passer immédiatement au vote. Le principe du projet de loi n° 446, Loi modifiant le Code du travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Alors, étant...

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Brassard: Je souhaiterais faire une motion pour déférer le projet de loi – quel numéro, déjà? – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le 446.

M. Brassard: ...n° 446, pour étude détaillée, à la commission de l'économie et du travail.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. M. le ministre, si vous voulez indiquer l'ordre du jour.

M. Léonard: Oui, M. le Président, l'article 22, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 441


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 22, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 441, Loi sur l'Institut de la statistique du Québec. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Comme vous venez de le mentionner, le présent projet de loi institue un organisme, soit l'Institut de la statistique du Québec. Ce dernier pourra également être désigné sous le nom de Statistique Québec. Le projet de loi a pour objectif d'accroître la visibilité et l'envergure de l'entité centrale responsable au Québec de la production et de la diffusion des données statistiques d'intérêt général. Il vise aussi à assurer à l'organisme toute l'indépendance et la crédibilité requises pour lui permettre de remplir adéquatement son mandat selon des standards internationaux.

L'Institut de la statistique du Québec constituera le lieu privilégié de production et de diffusion de l'information statistique au sein des ministères et du gouvernement. Il aura pour mission de fournir des informations statistiques qui soient fiables et objectives sur la situation du Québec quant à tous les aspects de la société québécoise pour lesquels de telles informations sont pertinentes. L'Institut aura aussi pour fonction notamment d'établir et de tenir à jour le bilan démographique du Québec et d'informer le public de l'état et de l'évolution comparée de la rémunération globale des salariés syndiqués des secteurs public et parapublic.

Cet organisme sera créé à partir de quatre entités statistiques existantes, soit le Bureau de la statistique du Québec, qu'on appelle le BSQ, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, l'IRIR, le groupe responsable de l'enquête sur la rémunération globale du Centre de recherche, du Centre de recherche de statistique sur le marché du travail, le CRSMT, ainsi que Santé Québec.

Je veux, M. le Président, brièvement expliquer les motifs qui ont amené la présentation de ce projet de loi, donner un bref aperçu des entités regroupées, présenter les acquis qu'il faut sauvegarder et, enfin, souligner les principales caractéristiques de l'Institut du point de vue de sa mission et de ses fonctions, de ses relations avec les autres juridictions et organismes internationaux et de son organisation.

M. le Président, le présent projet de loi répond à une recommandation du Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux. Dans son rapport déposé en septembre 1997, le Groupe de travail présidé par Joseph Facal avait proposé le regroupement de quatre entités statistiques existantes en un seul organisme afin de contrer les recoupements entre les différents mandats des entités statistiques existantes.

(20 h 10)

À titre d'exemple, le rapport Facal indiquait que, pour produire ses rapports sur les conditions de rémunération, l'IRIR utilise, dans le cadre de protocoles d'entente, les données recueillies par le Centre de recherche en statistique sur le marché du travail dans le cadre de l'entente sur la rémunération globale. Par ailleurs, lorsque le BSQ procède à une enquête sur le marché du travail, il doit recueillir de l'information auprès des mêmes employeurs. Selon le rapport du Groupe de travail, le regroupement de ces entités statistiques permettra d'éviter ces recoupements.

D'autre part, la dispersion de l'activité statistique diminue le rayonnement et la visibilité de l'organisme central responsable de la production et de la diffusion statistiques. La concentration de la production et de la diffusion statistiques dans un seul organisme indépendant et crédible augmenterait et augmentera sûrement ce rayonnement et cette visibilité.

De plus, l'éparpillement de l'activité statistique rend plus confuses les responsabilités que doit assumer chaque entité ou ministère à l'égard de la production statistique. La création d'un organisme central responsable de cette activité clarifie les responsabilités de chacun. La responsabilité de produire des statistiques d'intérêt général relèvera dorénavant de cet organisme unique à vocation centrale. Les ministères et organismes sectoriels continueront de produire des statistiques de nature plus spécifique qui sont reliées directement à l'administration de leurs programmes.

La dispersion de la production et de la diffusion statistiques amène aussi une duplication des tâches. Le regroupement sous une même direction de cette activité rend possible aussi une réorganisation du travail en vue d'un accroissement de l'efficacité. Une meilleure planification des enquêtes auprès des individus et des entreprises pourra notamment être effectuée afin de regrouper les demandes d'information.

Enfin, le présent projet de loi favorisera la synergie entre les ressources humaines spécialisées en permettant leur regroupement sous une même direction.

M. le Président, permettez-moi maintenant de donner un bref aperçu de chacune des quatre entités à partir desquelles Statistique Québec sera créé. Le Bureau de la statistique constitue l'entité la plus importante en termes d'effectif et de budget: il dispose de 164 effectifs, sur un total de 210 environ pour les quatre entités. Il a pour mandat de recueillir, compiler, analyser et publier des renseignements de nature statistique sur toute matière de compétence provinciale, de collaborer avec les ministres et les organismes gouvernementaux dans la collecte, la compilation et la publication de tels renseignements et de faire de la recherche statistique.

Santé Québec a comme mandat, notamment, de dresser un portrait de l'état de santé et de bien-être de la population québécoise. La permanence de Santé Québec, constituée d'une vingtaine d'employés, est chargée de coordonner des projets d'enquête. À ce groupe se rattachent une centaine de personnes qui travaillent en interaction selon les projets. Celles-ci sont pour la plupart à l'emploi du réseau, les autres sont des universitaires.

L'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, qu'on appelle l'IRIR, a été créé en 1985. Il a pour mission d'informer le public et d'éclairer les parties patronale et syndicale sur l'état et l'évolution comparés de la rémunération globale des salariés du gouvernement, des commissions scolaires, des collèges et des établissements en regard de celle des autres salariés québécois. L'IRIR dispose, quant à lui, d'une quinzaine d'employés.

Enfin, un groupe au sein du Centre de recherche et de statistiques sur le marché du travail est responsable de réaliser annuellement une enquête, l'enquête sur la rémunération globale visant à établir la rémunération de différents emplois dans divers secteurs de l'économie. Ces données servent de données de base à l'IRIR pour la production de ses analyses et de son rapport annuel sur les constatations, et 10 employés travaillent à l'enquête.

Des acquis importants, M. le Président, ont été accumulés au fil des ans par les diverses entités que le projet de loi propose de regrouper. Il est important que ces acquis soient préservés. Ainsi, le Bureau de la statistique du Québec dispose de ressources humaines spécialisées ainsi que de connaissances et d'un bagage d'expérience qu'il est essentiel de conserver et de mettre à contribution. La permanence de Santé Québec a acquis une expertise unique en matière d'enquêtes sociales et de santé. Il est primordial également de maintenir les partenariats et les collaborations qui se sont développés dans le réseau de la santé et des services sociaux et le milieu universitaire en regard de la réalisation des enquêtes. La contribution des experts régionaux doit aussi être poursuivie.

L'IRIR a acquis une notoriété et une crédibilité au fil des ans qui doivent être préservées. Le maintien du statut non syndicable des employés affectés aux questions de la rémunération publique apparaît essentiel pour garantir l'impartialité et la crédibilité de cette fonction.

La mission de l'Institut sera de fournir des informations statistiques qui soient fiables et objectives sur la situation du Québec quant à tous les aspects de la société québécoise. L'Institut constituera le lieu privilégié de production et de diffusion de l'information statistique autre qu'administrative pour les ministères et les organismes du gouvernement. Il sera le responsable de la réalisation de toutes les enquêtes statistiques d'intérêt général. Des mandats spécifiques sont explicitement prévus dans la loi afin de s'assurer que l'Institut réalise les mandats des entités intégrées.

Les mandats spécifiques indiqués sont les suivants: l'Institut établit et tient à jour le bilan démographique du Québec; à cette fin, il recueille et compile les données notamment sur les naissances, les mariages, les décès, l'immigration et l'émigration. Il procède en outre annuellement à une estimation de la population des municipalités.

Deuxièmement, l'Institut informe le public de l'état et de l'évolution comparés de la rémunération globale des salariés régis par une convention collective, du gouvernement, des commissions scolaires, des collèges et des établissements, d'une part, et de la rémunération globale des autres salariés québécois de toute catégorie qu'il détermine, d'autre part.

De plus, le gouvernement pourra confier à l'Institut tout mandat connexe à la réalisation de sa mission. Dans ce cas, toutefois, l'Institut devra en faire état dans son rapport annuel, de sorte que le contenu de tel mandat sera transparent.

La loi donne à l'Institut plusieurs moyens pour lui permettre d'exercer ses attributions. Ainsi, l'Institut pourra faire la cueillette, la compilation, l'intégration, l'analyse et la diffusion de l'information et en assurer le traitement de façon à permettre des comparaisons à l'intérieur ou à l'extérieur du Québec; pourra également collaborer avec les ministères et les organismes du gouvernement pour l'exploitation des données administratives à des fins statistiques; favoriser, en fonction des besoins, la coordination des activités des ministères et organismes du gouvernement en matière de statistiques, notamment en vue de prévenir le double emploi; recommander aussi l'utilisation des définitions, de codes ou de concepts de nature à faciliter la production de statistiques et de façon à en assurer la comparabilité; fournir aux ministères et organismes du gouvernement des services de nature scientifique ou technique dans le domaine de la statistique; prendre toute initiative visant à favoriser la collaboration entre les ministères et organismes du gouvernement quant à l'exploitation de nouvelles technologies de l'information et des communications pour faciliter la production et la diffusion des informations statistiques du gouvernement; enfin, développer les méthodologies, les cadres d'intégration et les autres outils requis.

M. le Président, le ministre pourra, conformément à la loi, conclure une entente avec un gouvernement autre que celui du Québec, l'un de ses ministères, une organisation internationale ou un organisme de ce gouvernement ou de cette organisation pour permettre la cueillette, l'échange, la transmission, la compilation, l'analyse et la diffusion de renseignements.

Comme ce fut le cas depuis 1974 pour le Bureau de la statistique du Québec, le nouvel Institut représentera le Québec auprès du Conseil consultatif fédéral-provincial de la politique statistique. À ce titre, il agira comme porte-parole du Québec auprès de Statistique Canada, transmettra à l'agence statistique fédérale des besoins de l'administration publique québécoise et informera les ministères et les organismes provinciaux de l'évolution des programmes de l'organisme fédéral. Les ententes actuelles entre le Bureau de la statistique du Québec et l'agence statistique fédérale seront reconduites.

Bien qu'il existe dans les autres provinces canadiennes une unité statistique centrale, aucune n'a l'envergure de l'actuel Bureau de la statistique du Québec et, d'après les informations disponibles, aucun projet de regroupement comparable à celui proposé dans le présent projet de loi ne semble considéré actuellement.

(20 h 20)

M. le Président, afin d'en assurer son indépendance, l'Institut sera dirigé par un directeur général nommé par le gouvernement pour cinq ans. Pour le conseiller dans la réalisation de sa mission et de ses fonctions, le directeur général pourra constituer des comités de personnes externes en fonction des besoins.

Les effectifs et les budgets actuels, y incluant les budgets et les revenus perçus par le Fonds du BSQ, seront généralement transférés dans le nouvel organisme. Pour certains de ces transferts, des décrets viendront préciser le niveau des ressources impliquées ainsi que les conditions et modalités. De plus, l'organisme pourra disposer de revenus autonomes générés par la vente de ses services.

Le budget total des quatre entités se chiffre approximativement à 13 600 000 $, auxquels il faudra ajouter les financements spécifiques que reçoit Santé Québec pour la réalisation de ses études et dont le versement peut s'étendre sur plusieurs années. Les effectifs des quatre entités totalisent, quant à eux, 210 équivalents temps complet, ou en ETC, si on veut.

Précisons également que les membres du personnel de l'Institut seront nommés et rémunérés suivant la Loi sur la fonction publique. Les employés de Statistique Québec auront le statut de syndiqués, à l'exception de ceux affectés à la mission assumée antérieurement par l'IRIR. Le secrétariat de l'Institut sera établi dans la capitale nationale à l'endroit déterminé par le gouvernement. La majeure partie des ressources humaines qui seront identifiées pour faire partie de l'Institut de la statistique du Québec proviendra de la région de Québec. Il est prévu que le personnel de Santé Québec, de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération ainsi que celui du ministère du Travail assigné à l'enquête sur la rémunération globale demeurent à Montréal, dans leur région de pratique actuelle. Le présent projet de loi n'affecte donc pas l'activité économique de la métropole.

M. le Président, en conclusion, donc, l'objet de mon intervention était de vous montrer le bien-fondé de ce projet de loi tant à partir des problèmes qu'il entend résoudre que de la qualité organisationnelle de l'Institut projeté. Le projet de loi vise à mettre fin au recoupement des mandats des diverses entités statistiques actuelles et à donner suite à une des recommandations du rapport du groupe qui a étudié les organismes gouvernementaux.

Les dispositions contenues au projet de loi permettent de préserver les acquis tout en accroissant la visibilité et l'envergure de l'entité centrale responsable au Québec de la production et de la diffusion des données statistiques d'intérêt général. Enfin, elles garantissent au nouvel Institut toute l'indépendance et la crédibilité requises pour lui permettre de remplir adéquatement son mandat selon des standards internationaux.

M. le Président, j'espère que mon exposé sur les principes aura été convaincant. C'est le projet de loi que je porte à l'attention de cette Chambre pour son étude en commission parlementaire et, par la suite, son adoption, si l'Assemblée le veut bien. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, à première vue, on a l'impression d'avoir un projet de loi anodin, mais je vais vous dire, et je vais vous le démontrer dans le temps qui m'est imparti, c'est un projet de loi tout croche, mal ficelé et qui n'a pas de bon sens. Et on va essayer d'y aller étape par étape pour vous expliquer pourquoi.

Le premier argument qui est donné par les ministériels, c'est qu'ils font référence à ce qui semble être maintenant la Bible. Il y a des gens, vous savez, qui disent: C'est dans la Bible, donc c'est vrai. La Bible, ça s'appelle le Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux, le rapport de 1997. Alors, moi, j'ai été voir dans la Bible, aussi, pour regarder. Puis on n'en parle pas tellement, dans la Bible, mais brutalement, comme ça, à la page 96, M. le Président, je vais vous lire ce qu'on dit: «Le Groupe de travail a observé des regroupements de mandats entre l'IRIR, le Centre de recherche en statistique sur le marché du travail, le Bureau de la statistique du Québec – le BSQ – à titre d'exemple, pour produire ses rapports sur les conditions de rémunération.» Alors, c'est ça, les regroupements. «L'IRIR utilise, dans ses cas de protocole d'entente, des données recueillies par le CRSMT – ce qui est bien évident. Parce que le BSQ procède à une enquête sur le marché du travail, il doit recueillir de l'information auprès des même employeurs.» Et, après cette espèce d'analyse profonde, sérieuse, on conclut: «Le Groupe de travail propose donc de regrouper au sein d'un unique organisme, qui serait appelé Statistique Québec, la collecte et le traitement des données statistiques actuellement effectués par le Bureau de la statistique du Québec, le BSQ, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, l'IRIR, le Centre de recherche en statistique sur le marché du travail, le CRSMT, et le Centre d'enquête du ministère de la Santé et des Services sociaux, Santé Québec. Statistique Québec disposerait d'un statut qui l'assurerait d'assumer ses fonctions en toute impartialité et crédibilité.»

M. le Président, c'est ça que dit la Bible. Vous avez vu, c'est tout petit. Parce qu'il existe une possibilité que, évidemment, l'IRIR – et c'est évident – utilise les résultats du CRSMT, c'est-à-dire du Centre de recherche en statistique sur le marché du travail. Alors, ça, c'est la raison pour créer ce nouvel organisme.

Alors, M. le Président, pourquoi je dis que c'est tout croche? C'est parce qu'il y a beaucoup plus d'organismes dans le gouvernement du Québec qui font des travaux statistiques. Alors, il a fallu soit qu'on aille jusqu'au bout et, de surcroît... Et le ministre, au moins, l'a reconnu dans son intervention, mais il a été quand même obligé... Comme il devait suivre la Bible, il a essayé de faire entrer l'IRIR à l'intérieur de son nouvel organisme.

M. le Président, je vais vous expliquer, à l'heure actuelle, pourquoi le projet de loi n'a pas de bon sens. Il n'a pas de bon sens parce qu'il assimile un organisme comme l'IRIR aux autres organismes statistiques. Or, le ministre le sait parfaitement bien, et je vais en faire avec lui l'historique, comment a été créé l'IRIR et quelle est la distinction qu'il doit faire entre l'IRIR et les autres instituts de statistiques. Et il le sait parfaitement, la distinction qu'il y a entre les deux, M. le Président.

Deuxième élément, je voudrais vous dire que ce qu'il prétend... Si on voulait réellement, dans ce gouvernement, faire un travail pour regrouper l'ensemble des organismes statistiques, ça serait non pas seulement les trois qu'on a ici, mais il y aurait beaucoup plus qu'on devrait faire et il faudrait inclure beaucoup plus.

Le projet de loi qui aurait du bon sens, si vous me permettez, M. le Président, si on voulait avoir, dans une direction de simplification, des organismes qui font de la recherche scientifique, ça serait de retirer l'IRIR du projet de loi, parce que l'IRIR a une vocation tout à fait particulière – et, bon Dieu, s'il y a quelqu'un qui doit le savoir, c'est bien le président du Conseil du trésor – et, ensuite, peut-être inclure à l'intérieur du projet de loi des choses comme, par exemple, la Direction générale des services à la gestion du ministère de l'Éducation, qui essentiellement a comme fonction principale de faire des recherches statistiques, qui sont d'ailleurs très bien faites, et qui publie chaque année.

Vous voulez que j'en fasse le dépôt, peut-être, à l'Assemblée nationale? Est-ce qu'il y a consensus pour que j'en fasse le dépôt? Il existe, M. le Président, un excellent document qui est fait par une direction, actuellement, du ministère de l'Éducation, qui s'appelle Les indicateurs de l'éducation , qui est essentiellement un document purement statistique et qui n'est pas du tout inclus, à l'heure actuelle, à l'intérieur de notre nouvel Institut.

Donc, ce que je vous dis, c'est que vous avez fait un travail tout croche. Vous avez inclus à l'intérieur de l'Institut des choses qu'on n'avait pas d'affaire à y trouver puis vous n'avez pas fait réellement le travail exhaustif. Si c'était l'objectif de certifier le fonctionnement du gouvernement, ça aurait été de voir et de mettre à l'intérieur de cet Institut tout ce qui fait des recherches au niveau statistique.

M. le Président, est-ce que vous me permettez de déposer, pour la gouverne du ministre, cet excellent document Indicateurs de l'éducation , édition 1996-1997? Je suis sûr qu'il sera heureux de pouvoir le lire et de regarder que c'est plein de documents statistiques. Est-ce que vous le permettez? Est-ce qu'il y a consensus pour qu'on le dépose? Alors, M. le Président, je voudrais le déposer ici.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, il y a consensus, mais vous savez que ce sont des documents qui sont déjà d'ordre public et qui sont déjà...

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais ce n'est pas en le déposant que vous allez avoir une meilleure garantie qu'ils vont le faire. S'ils ne l'ont pas fait dans le passé, écoutez, ce n'est pas le fait de déposer un document, là... Le document est déjà d'ordre public, alors écoutez...

M. Gautrin: ...

(20 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Alors, je continue. J'y fais référence. Peut-il demander à un de ses attachés politique de parler à son voisin, à sa voisine de pupitre, qui est la ministre de l'Éducation, et de lui suggérer de lire et de se faire venir aussi le document, qui est excellent d'ailleurs, qui s'appelle Indicateurs de l'éducation . Il s'agit justement d'un document qui est un document essentiellement statistique.

Alors, si on avait fait un travail correct, on aurait dû dire: Cette direction, ces gens qui font ce travail-là devraient aussi être intégrés à l'intérieur de l'Institut. Alors, je suggère très fortement au ministre, et ça serait très instructif pour lui, de pouvoir lire ce document et de voir aussi que ça pourrait être, cette direction, inclus à l'intérieur de son projet de loi.

Le projet de loi, M. le Président, le point sur lequel je suis totalement en désaccord, c'est que, alors qu'il existe au gouvernement du Québec un certain nombre de directions, de directions de ministères, le Bureau de la statistique du Québec, qu'il existe au ministère du Travail des groupes qui font des recherches statistiques, et qu'il peut y avoir une certaine logique pour les unifier parce que ces groupes-là sont à l'intérieur de la fonction publique des organismes de fonctionnaires qui ont un lien d'autorité avec le ministre responsable, dans le cas du BSQ c'est le ministre des Finances, dans le cas de Santé Québec, il s'agit du ministre de la Santé, le député de Charlesbourg, qui connaît bien cet organisme, dans le cas du CRSMT – c'est toujours un peu difficile de le dire, il faut toujours prendre des sigles et on vient à peu près bizarre lorsqu'on discute de ça – il dépend du ministère du Travail, ce sont des organismes qui font du travail de statistiques mais qui sont des organismes tout à fait formés de fonctionnaires, l'IRIR a un statut différent, totalement différent. Vous le savez, parce que vous connaissez bien, et je me permettrais de vous rappeler que ça a été un des prédécesseurs de l'actuel président du Conseil du trésor, qui a l'époque était député de Drummond. Le député de Drummond, à l'époque – on était donc en 1985 – qui s'appelait Michel Clair, avait pensé que dans le cadre de négociations il était important d'avoir un organisme qui ait la crédibilité et l'indépendance par rapport au gouvernement pour faire les études de rémunération et comparer les rémunérations du secteur public avec le secteur privé de manière à ce que les négociateurs à la table aient des informations qui soient non contestables. Autrement dit, de part et d'autre, le président du Conseil du trésor d'alors et les représentants syndicaux avaient dit: Voici, on va constituer un organisme qui va être indépendant totalement – donc qui ne sera pas en ligne hiérarchique avec le gouvernement – du gouvernement et qui va informer, dans les périodes de négociations, les parties à la table sur les différents paramètres de rémunération.

L'IRIR, M. le Président, c'est un organisme que, moi, je respecte énormément. Il publie, année après année, des rapports de comparaisons. Vous les avez vus, j'imagine que tout le monde les connaît ici, puisqu'on fait ce débat, les rapports sur les constatations de l'IRIR. Le dernier, c'était de novembre 1997, je suis sûr que le président du Conseil du trésor l'a lu. C'est des rapports extrêmement bien faits qui comparent les salaires par exemple des hommes, des femmes – des comparaisons de l'administration québécoise pour la période 1990-1995 et 1995-1996 – les augmentations de rémunérations, les rémunérations moyennes pour les types de fonctions comparées entre les gens du secteur public et du secteur privé de manière à ce que, dans le cadre de négociations, on ne sombre pas dans une guerre de chiffres mais qu'on ait au moins une base sur laquelle on peut s'entendre les uns et les autres.

Pour assurer l'indépendance de l'IRIR, pour faire en sorte que l'IRIR soit réellement un organisme complètement indépendant et qu'il ne soit pas sujet à la direction hiérarchique qu'on pourrait avoir de la part du gouvernement, on a, dans la loi qui a constitué l'IRIR, M. le Président, prévu que l'IRIR était formé essentiellement de trois personnes qui étaient nommées par l'Assemblée nationale. Donc, l'IRIR était un organisme de l'Assemblée nationale. La présidente-directrice générale était nommée par l'Assemblée nationale, et il y avait deux personnes à l'intérieur qui étaient aussi nommées par l'Assemblée nationale, la vice-présidente responsable de la recherche et la vice-présidente responsable des relations patronales et syndicales et de l'administration, deux vice-présidentes et une présidente qui étaient nommées par l'Assemblée nationale à la majorité des deux tiers, c'est-à-dire qui nécessitaient un consensus parmi les parlementaires pour dire: Nous avons créé ici un organisme indépendant, un organisme indépendant qui, bien sûr, fait un peu de recherche de statistiques, qui valide les informations qu'il va aller chercher auprès des organismes comme le Bureau de la statistique du Québec, le BSQ, comme Santé Québec, comme le – je m'excuse encore – CRSMT, mais qui va faire et valider ses propres informations. Ça, c'était ce qu'on avait pensé.

Et là, à l'heure actuelle, dans le projet de loi – et je m'excuse de dire ça – tout croche, on a pris l'IRIR et on a dit: Parce que l'IRIR fait aussi des recherches statistiques... Mais bien sûr l'IRIR faisait des recherches statistiques! Mais ces recherches-là avaient, à cause de la fonction même des gens de l'IRIR, un degré d'impartialité. Vous le remettez dans une structure qui est la structure de l'Institut de la statistique du Québec, et, dans cette structure-là, vous avez un lien hiérarchique direct entre le gouvernement qui nomme le directeur général de l'Institut de la statistique du Québec et des fonctionnaires à l'intérieur de cet Institut de la statistique du Québec. Vous rompez ici complètement la réflexion qui avait amené un de vos prédécesseurs, M. le président du Conseil du trésor, en 1985, à créer un organisme complètement indépendant pour être en mesure d'amener dans les négociations une information qui ne pouvait pas être taxée d'être biaisée.

M. le Président, vous allez me dire: Ah! pourquoi? On parle ici de chiffres; c'est de la vérité pure, c'est quasiment des mathématiques, ça ne devrait même pas être sujet à contestation. Je me permettrai de vous rappeler que, justement, dans tous les débats qu'il y a actuellement – et le président du Conseil du trésor et surtout le ministre des Finances le savent parfaitement – il y a, strictement sur les données démographiques, entre le Bureau de la statistique du Québec et Statistique Canada, des points de divergence – et vous savez à quel point les données démographiques sont importantes à l'intérieur de la fédération canadienne, parce que c'est elles qui conditionnent les paiements de péréquation – entre des calculs qui ont été faits par StatCan, c'est-à-dire Statistique Canada, et le BSQ sur la manière de l'évolution de la démographie au Québec et au reste du Canada à l'intérieur des calculs de péréquation. Ça n'a l'air de rien. Vous allez dire: C'est des gens qui discutent entre eux. Ce n'est pas vrai, ça veut dire des millions de dollars en plus ou en moins à l'intérieur des paiements de péréquation que reçoit le Québec. Donc, on ne parle pas de rien, on parle de choses très sérieuses, et, comprenez-moi bien, il est important qu'il y ait une validation, un élément qui soit respecté et considéré comme complètement impartial.

(20 h 40)

Alors, moi, M. le Président, je dois vous dire, ce projet de loi, à première vue, quand je l'ai lu, j'ai dit: Bon Dieu! on essaie de prendre un organisme et on va essayer d'en faire un organisme, de tout mettre ensemble pour qu'il y ait un peu plus de cohérence dans les recherches que l'on fait. À l'extrême limite, si le rapport, ce que j'appelle la «bible gouvernementale», du député de Fabre avait dit qu'on tâche d'identifier dans chacun des ministères les directions qui ont des objectifs statistiques et que chacune de ces directions est regroupée à l'intérieur d'un même institut, j'aurais dit: Il y a une certaine logique, il y a un certain intérêt. On aurait pu dire: Bon. Les travaux qui sont faits au Bureau de la statistique du Québec, ceux qui sont faits à Santé Québec, ceux qui sont faits au troisième groupe dont j'ai toujours un mal fou à me rappeler les lettres, c'est-à-dire le CRSMT, bon, qu'on unifie ça, mais qu'on inclue aussi la Direction générale des services à la gestion du ministère de l'Éducation, qu'on inclue celle aussi du ministère de la Culture qui, je me permets de vous dire, fait aussi des études statistiques importantes. Il y a des études statistiques qui sont faites aussi actuellement par la Régie des rentes du Québec. Il y a des études statistiques qui sont faites par le ministère des Finances. Que l'on regroupe tout cela, moi, j'aurais été d'accord.

Vous n'avez fait qu'à moitié. Vous n'avez pas été faire une réflexion profonde à l'intérieur de ce qui se passe dans le gouvernement du Québec et de dire: Voici, nous allons unifier toutes les fonctions de caractère... qui ont une responsabilité statistique à l'intérieur des différents ministères. Vous en prenez trois, quatre d'ailleurs, trois, et vous les mettez ensemble parce qu'ils existent déjà comme organismes séparés. Vous n'avez pas cherché à identifier à l'intérieur de chacun des organismes ceux qui font aussi des travaux statistiques. Bon Dieu, on aurait eu quelque chose de cohérent si vous l'aviez fait. On aurait eu quelque chose de tout à fait cohérent. On aurait pu dire: Voici, c'est un choix gouvernemental, on le partage ou on ne le partage pas, mais ce choix gouvernemental, c'est de dire: Nous allons regrouper toute l'activité à caractère statistique dans un seul organisme. Ce n'est pas ça qui est fait.

Évidemment, ce qui a un caractère statistique et qui est déjà fait au BSQ, vous le savez parfaitement, ce qui est fait au Bureau de la statistique du Québec, c'est des recherches essentiellement à caractère économétrique ou des recherches à caractère démographique. Les recherches au ministère de la Santé et des Services sociaux étaient incluses à l'intérieur d'un organisme qui était indépendant, là vous l'avez identifié et vous le prenez. Mais il y en a beaucoup plus d'autres. Il y en a beaucoup plus que ceux que vous aviez identifiés.

Ce que je plaide actuellement, M. le Président, c'est que la cohérence d'un tel projet de loi aurait voulu que l'on inclue aussi l'ensemble des organismes responsables d'activités statistiques. Alors, il se trouve qu'on ne peut pas fonctionner si on ne fait pas l'effort minimal de réflexion, parce que l'objectif qui était prévu au départ de vouloir simplifier, rationaliser, augmenter l'efficacité de la gestion gouvernementale, on ne l'atteint pas et on nous fait croire qu'on est en train de l'atteindre.

M. le Président, je vous dirai, et ça me semble aussi important de le rappeler ici, qu'autant on n'a pas fait cet effort d'identification des fonctions statistiques à l'intérieur des différents ministères et organismes du gouvernement, on a été chercher un organisme qui est complètement différent en termes de structure, en termes d'organisation, en termes de responsabilité, qui est l'IRIR, et on a voulu l'inclure.

Si j'ai une suggestion à faire au ministre, même avec son projet de loi croche comme il est... Il en est conscient, parce que, si vous avez reconnu l'intervention du ministre, il a dit: Bon, à l'intérieur maintenant des gens que je veux mettre dans l'Institut de la statistique, il va y avoir un petit peu, un petit groupe, les 15 personnes – parce qu'ils ne sont pas gros, les gens de l'IRIR, il y a entre 10 et 15 personnes – il va y en avoir 15 qui n'auront pas le droit d'être syndiqués. Ça va être ceux qui vont être ceux qui étaient des anciens gens de l'IRIR qu'on va remettre à l'intérieur, mais qui vont entrer dans une structure. Mais qu'est-ce que vous voulez réellement? Pourquoi ne pas purement et simplement maintenir l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, l'IRIR, tel qu'il est actuellement?

M. le Président, c'est très intéressant de lire les rapports de l'IRIR. On parle, c'est trois personnes – j'insiste ici – qui sont nommées par l'Assemblée nationale. Vous avez un conseil consultatif, et ce n'est pas n'importe qui est sur le conseil consultatif. Je vais vous les nommer, simplement pour vous, pour que vous sachiez qui est sur le conseil consultatif.

Un des premiers, c'est Louis Bernard – vous le connaissez tous – vice-président, actuellement, de la Banque Laurentienne; Yvan Blain, qui est un ex-sous-ministre au ministère du Travail; Jean Boivin, qui est un professeur titulaire au Département des relations industrielles; Prem Benimadhu, qui est le vice-président pour l'efficacité à la gestion et directeur du Centre de recherche sur la rémunération du Conference Board du Canada; Thomas Boudreau, que vous venez de nommer, à l'instant, à la curatelle publique, comme responsable de la réorganisation de la curatelle publique, qui a été un ancien sous-ministre au ministère du Travail et au ministère de l'Éducation et qui avait parti sa propre boîte de consultants.

Je continue comme ça: Robert Gaulin, qui a sa boîte de consultants en gestion, maintenant, mais qui est un ancien président de la CEQ. Vous avez Michel Grant, qui est actuellement professeur titulaire au Département de sciences administratives de l'Université du Québec à Montréal, mais qui a eu une longue expérience à l'intérieur d'un syndicat, du SFP, si je ne m'abuse. Vous avez Maurice Lemelin, que vous connaissez, qui est un journaliste au Devoir et qui, maintenant, est directeur des Services d'enseignement de la gestion aux HEC; Gilles Dulude, du groupe Vidéotron, et Jean-Guy Duchaine.

Vous aviez, à l'intérieur de l'IRIR – c'est ça que je veux bien plaider – à la fois un membre d'un comité consultatif – on ne parlait pas d'un comité d'administration, un comité consultatif – qui regroupait, à l'intérieur, des personnalités marquantes à la fois de la gestion de la chose publique, qui avaient fait leur marque dans la gestion de la chose publique ou qui avaient fait leur marque dans les négociations, du côté syndical, dans la chose publique, et qui étaient le comité consultatif de l'IRIR.

Vous aviez, à la direction de l'IRIR, trois personnes qui n'étaient pas nommées par le gouvernement, mais qui étaient nommées essentiellement par cette Assemblée nationale pour garantir l'indépendance de l'IRIR, et ça, vous scrapez tout ça. Je m'excuse du terme. Vous êtes en train de l'annuler complètement. Vous prenez tout ça, toute cette structure complexe, parce que l'IRIR, bien sûr, à la fin, ça sort des rapports statistiques, mais ça a aussi ce comité consultatif qui était là pour orienter et garantir l'indépendance des études qui étaient faites à la fois parce qu'il y avait des personnes dont l'indépendance d'esprit et la qualité étaient reconnues et, d'autre part, qui avaient fait leur marque soit du côté syndical, soit du côté patronal, soit du côté de la gestion de la chose publique et qui garantissaient absolument la qualité des rapports que vous aviez dans l'IRIR. Vous remplacez ça par quoi?

Sérieusement – je ne veux pas vous faire rire, mais c'est tellement risible – vous me remplacez ça par quoi? Par un directeur général nommé par le gouvernement pour cinq ans. C'est ça que vous me dites, pour garantir, maintenir le même type d'indépendance, alors que j'ai ici des gens dont la capacité, l'indépendance d'esprit et la respectabilité ont été établies par toute une carrière. On a des personnes qui sont des responsables nommées par l'ensemble des parlementaires des deux partis ici, dans cette Chambre, avec une majorité des deux tiers, et vous me remplacez ça par un directeur général nommé pour cinq ans par le gouvernement. C'est ça que je ne peux pas accepter dans ce projet de loi, M. le Président. C'est ça que je ne peux pas vraiment accepter.

Si vous pouviez, aujourd'hui, faire un geste. Ça ne révolutionnera pas le gouvernement. On parle ici de 15 personnes, au plus, dans l'IRIR. Ce n'est pas la fin du monde; c'est 15 personnes. C'est un budget – je l'ai ici. Si vous permettez, je vais mettre mes lunettes pour regarder – de 1 400 000 $ de crédits. Enfin, on n'est pas vraiment en train de penser à des économies extraordinaires. Je dis: Séparez donc, retirez de l'Institut de la statistique l'IRIR, l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération. Laissez-le être tel qu'il est.

(20 h 50)

Je le dis aujourd'hui au gouvernement, M. le Président. Vous rentrez dans une période de négociations. Vous êtes en train de rentrer dans une période de négociations. Et à quel moment le gouvernement va avoir le plus besoin d'une information qui ne sera pas contestée à la table de négociation parce qu'elle aura été validée, parce qu'elle viendra de groupes qui ont une respectabilité et qui représentent à la fois le monde syndical et le monde patronal? C'est bien lorsqu'on commence les négociations dans le secteur public. Alors, vous prenez l'IRIR et puis là vous, pftt! vous l'annulez complètement et vous l'intégrez dans cette nouvelle structure qu'on appelle l'Institut de la statistique du Québec.

M. le Président, je ne peux pas, je ne peux pas aujourd'hui – et il y a ici des parlementaires qui ont de l'expérience dans les négociations patronales syndicales, qui ont été présidents de syndicat d'enseignants ou gestionnaires de la chose publique – souscrire à la disparition de cet organisme. S'il y a une chose que votre ancien confrère – et vous avez siégé avec lui, M. le Président – le député de Drummond, Michel Clair, avait fait qui était respectable à l'heure actuelle... Et honnêtement je le dis aujourd'hui sans aucune partisanerie politique, parce que c'était quelqu'un de votre formation politique qui avait mis sur pied à l'heure actuelle l'IRIR, c'est quelqu'un de votre formation politique qui avait pensé réellement à mettre sur pied cet Institut avec cette structure d'indépendance telle qu'elle était prévue à l'intérieur de l'IRIR.

Je ne comprends pas que – et avec tout le respect que je dois au député de Fabre – parce qu'on a dit que l'IRIR de temps en temps utilisait des renseignements produits par le BSQ ou par le CRSMT, à cause de ces raisons-là, on soit en train de l'inclure dans la loi sur la statistique du Québec. Je ne peux pas en aucune manière souscrire à cette question-là, M. le Président.

Alors, je terminerai ici, M. le Président. Je ne peux pas souscrire à la partie de la loi qui veut faire disparaître l'IRIR et je me permettrai de dire à ceux qui ont rédigé la loi que, s'ils voulaient être parfaitement cohérents avec eux-mêmes, ils devraient non seulement, dans l'Institut de la statistique, intégrer le BSQ et Santé-Québec, mais aussi penser à des directions de la statistique d'autres ministères. Ça permettrait d'avoir un institut qui irait dans la logique de ce qu'ils disent.

Mais de grâce, de grâce, et j'en appelle ici à ceux des parlementaires qui ont eu une expérience dans le domaine des négociations... et vous-même, M. le Président, à l'époque, dans vos vies antérieures et dans mes vies antérieures où nous étions dans des universités différentes mais dans des syndicats dans des fédérations, rappelez-vous à quel point ce que c'était la négociation syndicale-patronale. Alors, de grâce, je prie le gouvernement de retirer actuellement l'annulation de l'IRIR et de laisser l'IRIR exister à part, quitte à créer l'Institut de la statistique du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie M. le député de Verdun. Il n'y a pas d'autres intervenants? Alors, je vais céder la parole à M. le ministre, pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: M. le Président, je viens d'entendre le député de Verdun discuter de ce projet de loi. Je considère qu'il aurait dû le lire dans son entier et en peser tous les mots. Nous voulons créer l'Institut de la statistique du Québec, ou StatQuébec, donc, avec un mandat qui est large, qui va comporter des études statistiques sur tous les aspects de la vie des Québécois. Je pourrais lui lire les articles, mais nous le ferons en commission parlementaire.

Si je comprends – je reviendrai sur la question de l'IRIR plus tard – sur l'ensemble, il nous dit: Je suis d'accord avec le projet de loi, mais il faudrait que vous mettiez toutes les statistiques qui sont élaborées dans le gouvernement dans cet Institut. Je pourrais le suivre, mais à ce stade-ci, nous créons l'Institut; nous prenons les morceaux les plus importants actuellement, le Bureau de la statistique du Québec, l'IRIR, Santé Québec, puis les études aussi qui se font au ministère du Travail. Il y a là déjà beaucoup de statistiques. Il y en a aussi beaucoup dans d'autres ministères. Je suis conscient de ce qu'il dit.

Maintenant, de là à prendre dans un ministère une direction qui fait de la statistique, de choisir ceux qui font de la statistique fondamentale, générale, par rapport à d'autres statistiques plus précises, il y a là un travail qui est long et qui implique dans bien des cas que l'on joue dans de la dentelle. Parce que, oui, il y aura des débats à faire avec les ministères.

Alors, ce que je dis, M. le Président, c'est que je ne rejette pas son argumentation, mais, à ce stade-ci, le mieux étant souvent l'ennemi du bien, il admettra que, pour l'instant, nous faisons l'Institut de la statistique du Québec à partir de ces quatre éléments, de ces quatre entités, et nous verrons par la suite. Mais ce que nous voulons, c'est créer le Bureau de la statistique du Québec, ou l'Institut, ou StatQuébec qui va faire des statistiques pour le Québec, pas juste des statistiques économiques, mais aussi des statistiques sur le travail, des statistiques sur la population, etc., un mandat que nous voulons large, et il est rédigé de façon large aussi, on le verra en commission parlementaire.

Maintenant, le député de Verdun s'est attaché à parler de l'IRIR. D'abord, je veux juste rectifier un élément de ce qu'il a dit sur le conseil de l'IRIR ou sur le bureau de l'IRIR, il n'y a pas de représentants syndicaux ni du Conseil du patronat. Il y a cependant des membres nommés par le gouvernement, dont la crédibilité, je pense, n'est pas à faire et qui ont manifesté dans bien des éléments de leurs fonctions antérieures des compétences sur ce plan-là.

Je sais que l'IRIR est né, jusqu'à un certain point, à la suite de la contestation de part et d'autre des chiffres qui établissaient les bases des négociations et des signatures des conventions collectives. J'ai vécu cette période; très bien, mais j'ai vécu aussi la naissance de l'IRIR alors que beaucoup de gens disaient: Ça n'a pas de sens, le gouvernement fait fausse route, etc., et qui s'attachaient à miner par avance la crédibilité de l'IRIR. Or, dans les faits, l'IRIR a élaboré des modèles statistiques, a élaboré toutes espèces de données intéressantes sur les salaires, sur les rémunérations, de sorte que maintenant chacun, en tout cas toutes les personnes intéressées attendent son rapport qui est généralement produit à l'automne, vers le mois de novembre – 15 novembre.

Alors, M. le Président, ce que nous envisageons, ce n'est pas que le ministre intervienne directement sur les travaux de l'IRIR, il y a un institut de la statistique avec l'indépendance qu'on veut lui reconnaître, et qu'on lui reconnaîtra, et qui va faire la valeur même des statistiques au Québec. Je pense que, de toute façon, la responsabilité de l'Institut n'est pas fixée, ici. De quel ministre il va relever, ce n'est pas fixé. Mais il reste que l'Institut va pouvoir former des comités, et l'on sait que, par exemple, à StatCanada, les comités qui sont formés garantissent beaucoup la crédibilité même des statistiques, comme la méthodologie qui en est établie, etc. Donc, là-dessus, l'avenir, je crois, va nous donner raison parce que l'IRIR intégré au Bureau de la statistique, et donc à l'Institut de la statistique, les deux ensemble vont pouvoir bénéficier de données beaucoup mieux intégrées et avoir plus de ressources pour faire le travail.

(21 heures)

Alors, M. le Président, je suis sûr qu'au cours de la commission parlementaire j'arriverai à convaincre mon collègue de Verdun ainsi que les membres de sa formation politique. Je vois que ce n'est pas un sujet qui intéresse beaucoup de gens de son côté; ils ne sont pas nombreux, ce soir, pour employer un pluriel de politesse. Mais je pense que le projet que nous avons, c'est le projet de créer un institut à l'abri de toute critique, et qui va faire ses preuves au long des années, qui ne relèvera pas, comme maintenant, par morceaux, d'un ministre ici, d'un autre ministre là – il y en a trois, à l'heure actuelle, qui sont en cause – et qui va aller tirer aussi de chacun des ministères les statistiques dont il a besoin, qui va pouvoir aussi passer des ententes avec soit des organismes internationaux et des associations internationales, d'autres gouvernements, évidemment le gouvernement fédéral, StatCan en particulier.

Alors, je suis convaincu que je vais convaincre mon collègue de Verdun de voter pour ce projet de loi. À l'analyse, je suis sûr qu'il le trouvera mieux conçu qu'il ne l'a dit parce que nous n'avons pas encore eu l'occasion, justement, d'en faire l'étude article par article.

M. le Président, voilà ce que j'avais à dire à ce stade-ci de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre.

M. Léonard: ...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, je vais... Le moment est venu de voter sur le principe. Le principe du projet de loi n° 441, Loi sur l'Institut de la statistique du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Alors, M. le ministre.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Léonard: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi que nous venons d'étudier soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le ministre, pour la suite de l'ordre du jour.

M. Léonard: Oui. À l'article 11, M. le Président...


Projet de loi n° 428


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, c'est suffisant. Je vais faire la suite. Merci. À l'article 11, M. le leader du gouvernement et ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire propose l'adoption du principe du projet de loi n° 428, Loi modifiant la Loi sur l'Assemblée nationale. M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée, sans débat.

M. Gautrin: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sans débat. Alors, je dois, comme ça, mettre aux voix immédiatement le principe du projet de loi? Alors, le principe du projet de loi numéro... Excusez, M. le député de Verdun, si vous voulez prendre votre... Très bien.

M. Gautrin: M. le Président, je demanderais d'avoir une suspension de séance pour que j'aille au moins chercher ce projet de loi dans mes affaires, s'il vous plaît. Je demande une suspension de séance.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, on peut suspendre quelques minutes pour régler cette question-là, puis nous revenons bientôt. Alors, nous suspendons quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 3)

(Reprise à 21 h 4)


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, nous nous sommes tous entendus. Je vais donc mettre le projet de loi aux voix ici. Le principe du projet de loi n° 428, Loi modifiant la Loi sur l'Assemblée nationale, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre.


Renvoi à la commission plénière

M. Léonard: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré en commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le ministre.

M. Léonard: Oui, M. le Président. Alors, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 27 mai 1998, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à mercredi, demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 5)


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