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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 28 mai 1998 - Vol. 35 N° 185

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures une minute)

Le Président: Alors, mesdames, messieurs, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous allons débuter les affaires courantes.


Présentation de projets de loi

Il n'y a pas de déclarations ministérielles, mais il y a présentation de projets de loi. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, c'est un projet de loi d'intérêt privé. Je vous demanderais de prendre en considération l'article h.


Projet de loi n° 270

Le Président: En regard de cet article, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 270, Loi concernant La Société de Fiducie Banque de Nouvelle-Écosse et Compagnie Trust National. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport.


Mise aux voix

M. le député de Berthier présente le projet de loi d'intérêt privé n° 270, Loi concernant La Société de Fiducie Banque de Nouvelle-Écosse et Compagnie Trust National. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Oui.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je fais donc motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et pour que le ministre d'État de l'Économie et des Finances en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement, au nom de M. le ministre d'État des Ressources naturelles.


Rapport annuel d'Hydro-Québec

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'ai donc l'honneur de déposer le rapport annuel 1997 d'Hydro-Québec.

Le Président: Très bien.


Dépôt de rapports de commissions

En regard des dépôts de rapports de commissions, M. le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 424

M. Baril (Arthabaska): Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 20 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 424, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.


Étude détaillée du projet de loi n° 431

Je dépose également le rapport de la même commission qui a siégé les 26 et 27 mai 1998 afin de procéder cette fois-ci à l'étude détaillée du projet de loi n° 431, Loi sur Investissement-Québec et sur Garantie-Québec. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements. Je vous remercie.

Le Président: Merci, M. le président de la commission des finances publiques. Alors, ces deux rapports sont déposés.


Questions et réponses orales

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, alors nous allons donc aborder immédiatement la période de questions et de réponses orales. M. le député de Marquette, en principale.


Usage de Ritalin pour des enfants en difficulté d'apprentissage

M. Ouimet: M. le Président, en 1990 on donnait, au Québec, à 35 000 enfants, du Ritalin. En 1997, selon le International Medical Statistics, on donne à 179 000 enfants, au Québec, du Ritalin. C'est donc dire, comme le titrait Le Journal de Montréal ce matin: 170 000 enfants commencent leur journée scolaire avec du Ritalin .

Selon David Cohen, professeur et chercheur à l'École de service social de l'Université de Montréal, selon M. Paradis, docteur en psychopédagogie et professeur à l'Université du Québec à Rimouski, selon des enseignants, selon des directions d'école, selon Lorraine Pagé, selon des professionnels et selon plusieurs autres personnes, il y a un lien direct entre la croissance du Ritalin et l'absence de professionnels dans nos écoles.

Le vice-premier ministre va probablement nous citer les chiffres concoctés par la ministre de l'Éducation à l'effet que des ressources augmentent. Je cite Le Devoir de ce matin: «Ces données sont vivement contestées par plusieurs et même contredites par certains chiffres émanant du ministère de l'Éducation. Un très grand nombre de directeurs d'école, d'enseignants et de professionnels posent un verdict similaire.»

M. le Président, la question que je pose au vice-premier ministre: Est-il normal que du Ritalin soit donné, faute de ressources spécialisées? Est-il normal que les pilules remplacent les éducateurs dans nos écoles? Pourquoi ce gouvernement péquiste choisit-il de donner des médicaments à nos enfants au lieu de leur donner des ressources?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M'inspirant du préambule du député, M. le Président, je vais vous demander s'il est normal qu'un député fasse des affirmations tellement grossières qu'elles comportent des erreurs de un à 10 et qu'elles insultent...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui. Le règlement s'applique même au vice-premier ministre. S'il ne connaît pas la réponse, qu'il prenne avis de la question.

Le Président: À l'évidence, ce n'était pas une question de règlement. M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, si l'opposition officielle veut avoir le sens démocratique d'écouter ma réponse, elle va voir que non seulement je la connais, la réponse, mais que leur député, je le répète, vient de faire une erreur de un à 10, ce qui est une énormité, à l'encontre des écoliers et des écolières du Québec, de la profession médicale et du corps enseignant. Et, M. le Président, il ne s'en tirera pas comme ça ce matin, il va devoir se relever et s'expliquer.

Et ce n'est pas, premièrement, les chiffres de la ministre de l'Éducation que je vais donner, je vais donner les chiffres du fabricant du Ritalin qui nous écrit ceci – c'est Nicole F. Archambault, vice-présidente développement corporatif: «Les chiffres parus dans l'article du Globe and Mail , mercredi 27 mai 1998, auraient dû se référer au nombre d'ordonnances – vous m'entendez bien, M. le Président? – et non au nombre de patients qui utilisent le Ritalin au Québec.»

Il vient de dire que 179 000 de nos écoliers et écolières utilisent du Ritalin. La vérité, qui vient du Conseil consultatif de pharmacologie et non pas du ministère de l'Éducation, c'est ceci – et il me semble qu'une précaution supplémentaire aurait évité au député de faire cette affirmation catastrophique et malicieuse – le Conseil consultatif de pharmacologie dit ceci: «Les ordonnances sont pour une utilisation continue du médicament. Le médicament n'est pas consommé pendant les mois de juillet et août. La durée habituelle d'une ordonnance de Ritalin est semblable à celle des autres médicaments, soit 30 jours. On peut prétendre que 179 000 ordonnances de Ritalin au Québec correspondent à environ 17 900 utilisateurs.»

M. le Président, est-ce qu'il y a quelque chose dans nos règlements qui empêche un député de dire des choses aussi monstrueuses? Et, s'il y a une chose...

Des voix: Bravo!

Le Président: Sur une question de règlement?

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. leader de l'opposition officielle.

(10 h 10)

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous conviendrez avec moi que le vice-premier ministre a enfreint trois alinéas de l'article 35 de notre règlement: «attaquer la conduite d'un député, si ce n'est par une motion mettant sa conduite en question – s'il veut le faire, il est le bienvenu; imputer des motifs indignes à un député ou refuser d'accepter sa parole; se servir d'un langage violent...»

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le leader.

M. Paradis: Oui. Troisièmement, se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'endroit de qui que ce soit.

M. le Président, je sais que vous favorisez, à l'occasion de la période de questions, des débats qui sont ouverts, mais ces débats-là se doivent de se dérouler à l'intérieur du cadre de notre règlement. Je vous demanderais de rappeler à l'ordre le vice-premier ministre.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, premièrement, je n'avais pas tout à fait terminé ma réponse et j'étais en train de vous dire que si quelqu'un dans cette Chambre se lève, de notre côté ou de l'autre, et commet une erreur grave de un à 10, touchant la réputation du corps médical québécois qui prescrit, des écoliers et des écolières et des directions d'école, si quelqu'un commet cette erreur de un à 10, ce n'est pas lui prêter des motifs indignes, ce n'est pas s'attaquer à sa personne, c'est simplement lui demander d'avoir le courage de se relever, de prouver ou de s'excuser.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre réalise qu'il est en train de banaliser un problème qui est grave dans nos écoles, qui a fait l'objet de plusieurs reportages et commentaires de nombreux spécialistes qui sont inquiets? Peut-il prendre connaissance également de ce que disait un reportage publié récemment dans un magazine, et je cite: «Les données mensuelles de prescription de Ritalin mettent en lumière la vocation scolaire du médicament. Ainsi, elles doublent entre les mois d'août et de septembre, et elles atteignent un sommet en mai.» On donne un tableau étayant la thèse, M. le Président. Au lieu de banaliser un problème, allez-vous l'admettre? Cessez de jouer à l'autruche et prenez soin de nos enfants dans nos écoles!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je perçois, par le ton de voix même du député, que sa conscience...

Des voix: ...

Le Président: Alors, est-ce que je peux inviter tout le monde à un retour au calme? M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Je vois, M. le Président, et j'entends, par le timbre même de la voix du député, que sa conscience d'honnête homme – et je présuppose qu'il en est un – lui fait déjà se dire en lui-même qu'il a fait une chose horrible ce matin à l'Assemblée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Il a voulu dramatiser une situation. Là, vous voyez bien, M. le Président – je vois, par vos signes gestuels – ils sont coincés là, ils sont dans une trappe...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): ...et ils veulent m'empêcher de parler, et ils m'interrompent à tous les mots.

Des voix: ...

Le Président: Alors, je pense que, de part et d'autre, il y a certains collègues qui devraient s'abstenir de commentaires. Ça permettrait peut-être de poursuivre la période de questions et de réponses orales comme elle doit se faire, c'est-à-dire une période où on accomplit une de nos responsabilités les plus importantes au Parlement, c'est-à-dire l'exercice de contrôle du gouvernement. Alors, M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Alors, je ne veux pas minimiser cette question, bien entendu. Mais quelqu'un qui vient de la maximiser de un à 10 n'a pas le droit, moralement, d'accuser quelqu'un de minimiser. Il a voulu, et là je vais encore citer non pas mon estimée collègue la ministre de l'Éducation qui, si elle était présente, ferait beaucoup mieux que moi parce qu'elle est spécialiste de cette affaire... Mais je ne vais pas citer ma collègue. Quand elle viendra, elle vous resservira des médecines plus amères que celle que je vous sers moi-même. Mais, en attendant, je vais citer...

Une voix: ...

M. Landry (Verchères): ...ce que pense le président...

Une voix: M. le Président, on a entendu, là?

Des voix: ...

Le Président: Alors, ce que j'entends surtout, c'est de part et d'autre des commentaires de députés qui n'ont pas la parole et qui, en conséquence, finalement, finissent par perturber le cadre de notre travail ce matin. M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je vais cette fois-ci, encore une fois, ne pas citer ma collègue de l'Éducation mais M. Pierre Émery, président de l'Association des directeurs d'école de Montréal, ADEM. Je présume, pour des raisons historiques, que le député doit le connaître, puisqu'il était président de cette commission auparavant. M. Émery dit: Les directions d'école font pression... Mais là je dois dire qu'il cite le député; dans le communiqué, c'est François Ouimet qui affirme que les directions d'école font pression sur les parents pour que leurs enfants hyperactifs soient traités au Ritalin, sans quoi ils risquent l'expulsion. C'est l'affirmation du député, c'est dans nos notes.

Le président de l'ADEM rétorque que les directions d'école de Montréal ne font pas pression sur les parents, ne menacent jamais un élève d'expulsion parce qu'il est hyperactif et que ses membres ne remettent pas aux parents de liste de médecins prescrivant du Ritalin. M. Émery dit comprendre qu'à l'aube d'une campagne électorale des députés puissent chercher à se faire du capital politique.

Des voix: Ah!

Le Président: Je m'excuse, M. le vice-premier ministre, en terminant rapidement.

M. Landry (Verchères): Je vais terminer, M. le Président, si on m'en laisse la chance. Je ne suis pas ministre de l'Éducation, je ne suis pas médecin, mais je suis père et grand-père d'enfants d'âge scolaire. Et ce qu'a fait le député ce matin est une insulte à tous ces jeunes Québécois et Québécoises qui, certains d'entre eux, doivent utiliser les ressources de la science moderne, mais pas plus au Québec qu'ailleurs. Et ce qu'il a fait, encore une fois, mérite rétractation.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Le vice-premier ministre réalise-t-il que ce que je fais depuis deux ou trois jours...

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Le vice-premier ministre réalise-t-il que ce que je fais depuis deux ou trois jours, qui m'a valu de nombreuses félicitations, c'est de sonner l'alarme sur un problème qui est criant au Québec?

M. le Président, je cite une étude qui a été publiée dans le magazine Santé mentale au Québec en 1996. On donne des tableaux démontrant la progression au niveau de l'usage et on dit ceci: «La figure 1 illustre clairement la progression qu'a connue l'usage de stimulants au Québec.» Et on parle du Ritalin. On fait des comparaisons avec 1990 et on dit: «En 1994, le taux de prévalence frôle 12 %.» Et puis, par la suite, on arrive en 1997: «...ce qui semble représenter le double de la proportion d'enfants traités dans la population en général». On cite des études de Dillier en 1996 et de Santé Québec en 1993.

Cessez de banaliser un problème qui est important, «occupez-en-vous», parce que nos élèves vont décrocher plus tard, vont se retrouver à la sécurité du revenu, M. le Président. Adressez-vous à ce problème-là.

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je vois, M. le Président, que le député manie habilement l'inversion pour essayer de se dépêtrer du piège où l'a mis sa question mauvaise.

(10 h 20)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député parle de sonner l'alarme, et il est vrai que c'est le rôle des parlementaires des deux côtés dans les démocraties de sonner l'alarme quand elle doit être sonnée. Mais, si un simple citoyen d'un quartier populeux de Montréal téléphonait au quartier général des incendies pour dire: Il y a 10 maisons qui brûlent, alors qu'il y en a une, là, ça ne serait pas un juste sonneur d'alarme, ça serait quelqu'un qui aurait commis un méfait public. Alors, je ne pense pas que c'est ce que le député voulait faire par sa grossière exagération, mais lui qui a une histoire scolaire, qui a dirigé la plus importante institution scolaire non directement étatique du Québec, pourrait-il, pour donner l'exemple aux enfants et aux écoliers qui se tromperaient en comptant de un à 10 et à qui la maîtresse taperait sur les doigts, se lever et dire: Mes chers enfants, je m'excuse, je me suis trompé de un à 10 parce que la consommation de Ritalin au Québec...

Le Président: M. le vice-premier ministre, le temps est terminé. Non, je m'excuse, mais... Sur la même question? Une question complémentaire? En complémentaire, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, comment les ministres du régime péquiste peuvent-ils tolérer que, dans des quartiers défavorisés, plus de six enfants par classe se voient administrer du Ritalin? On apprenait ce matin qu'à Lachine la moitié des enfants d'une d'une classe de troisième année sont des consommateurs de cette drogue...

Des voix: ...

Le Président: La question était réglementaire et la forme était interrogative. Je pense que la pratique, on ne commencera pas à la changer ce matin. La pratique, c'est de, finalement, à partir du moment où on opère dans le temps imparti... Et j'essaie d'être souple pour un côté et l'autre de la Chambre. Je pense qu'à ce moment-ci on devrait permettre à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne de compléter sa question. Et je pense qu'on éviterait bien des problèmes si on cessait de qualifier d'un côté ou de l'autre. Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, êtes-vous conscients, vous, les ministres du régime péquiste, qu'en bourrant les enfants de pilules vous êtes en train de sacrifier leur avenir?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): En art militaire, appeler des renforts quand on est mal pris peut être une chose utile, mais appeler des renforts plus faibles que soi-même n'a jamais amélioré la situation.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce que vous auriez l'obligeance, M. le Président, de rappeler au vice-premier ministre les dispositions de l'article 79 de notre règlement et de lui demander de répondre, s'il connaît la réponse?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Quand l'opposition me donne la possibilité de répondre et que je donne les chiffres et les citations que j'ai donnés, on voit l'effet terrifiant que ça produit chez eux. Alors, je ne demande pas mieux que répondre.

Et l'ultime de ma réponse... Parce que le député qui vient de se lever a bien dit: Les députés péquistes ont bourré de pilules les enfants. Les chiffres que j'ai ici, qui viennent d'une publication qui s'appelle Santé mentale du Québec , démontrent que la plus forte hausse de consommation de Ritalin, c'est de 1990 à 1994. Et je n'aurais pas le culot, M. le Président, de dire que les députés libéraux et les ministres du temps ont bourré les enfants de pilules. C'est simplement des médecins, des professionnels qui utilisent l'arsenal de la pharmacologie moderne pour venir en aide à la détresse de certains enfants. Point final. En faire un scandale et vouloir accuser les péquistes ou les libéraux des progrès de la science, c'est des procédés qui ne sont guère acceptables.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre peut réaliser qu'il n'est pas ici à l'Inter-Continental mais à l'Assemblée nationale, et qu'on demande un peu de respect?

M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président...

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le vice-premier ministre peut enfin admettre que le Ritalin a une vocation scolaire? Parce que les chiffres parlent d'eux-mêmes. La consommation en juillet et août, en 1997: en juillet, 5 000; en août, 8 000; et en septembre, 17 800, M. le Président. Il est clair que les enfants, quand ils sont avec leurs parents, ne prennent presque pas de Ritalin. Mais, quand ils arrivent à l'école, M. le Président, on leur administre cette drogue.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): La députée, dans un élan de noblesse, a fait appel à un incident qui s'est passé à l'hôtel Inter-Continental et que les libéraux me relancent sottovoce ou parfois directement, comme elle vient de le faire. Bien, on va en tirer une belle conclusion, de cet incident de l'hôtel Inter-Continental. Parce que mes propos, faits de bonne foi, avaient blessé une préposée à la réception, publiquement et dans les journaux, je m'en suis excusé. Le député vient de blesser des dizaines de milliers d'écoliers et d'écolières du Québec, qu'il se lève publiquement et qu'il s'en excuse!

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire? Très bien.

Mme Lamquin-Éthier: En complémentaire. Comment le vice-premier ministre, M. le Président, peut-il accepter que 179 000 enfants dans nos écoles consomment du Ritalin quand on sait, selon un professeur...

Des voix: ...

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, comment le vice-premier ministre peut-il accepter que 179 000 enfants consomment dans nos écoles du Ritalin...

Des voix: ...

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, comment le vice-premier ministre peut-il accepter que 179 000 enfants dans nos écoles consomment du Ritalin, quand on sait, selon un professeur chercheur de l'Université de Montréal, que les effets secondaires sont totalement désastreux: perte d'appétit, perte de sommeil, maux de tête, tendances suicidaires? Je pense que c'est extrêmement important. Il ne faudrait pas sous-estimer.

Le vice-premier ministre compte-t-il encourager davantage l'administration de cette drogue dont l'usage est, depuis les trois dernières années, en constante progression?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

(10 h 30)

M. Landry (Verchères): Ils aiment ça, M. le Président, je vais recommencer. La députée n'est pas avec nous depuis longtemps, ce qui est plutôt une qualité qu'un défaut, d'ailleurs, et elle ne s'est pas rendu compte encore que, quand on a une question écrite préparée d'avance, il faut écouter les réponses qui précèdent pour ne pas redire les mêmes sottises.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, encore rappeler au vice-premier ministre qu'il a encore commis une autre infraction au règlement de l'Assemblée nationale; lui rappeler, M. le Président, à ce moment-ci, que l'article 35, alinéa 7 s'applique même s'il est vice-premier ministre du Québec.

Le Président: Alors, je voudrais rappeler à tout le monde que les dispositions de l'article 35, j'essaie de les interpréter de telle sorte qu'on ne passe pas notre temps à faire des questions de règlement lors de la période de questions et de réponses orales. Et je vous inviterais les uns et les autres à avoir une certaine lecture en termes de perspective et pas uniquement en fonction de ce qui se passe ce matin.

Si on compare ce qui se passe ce matin avec ce qui s'est passé lors de périodes de questions et de réponses orales précédentes, et ce, depuis fort longtemps, vous allez vous rendre compte que finalement il y a un niveau d'échanges et de «vigorosité» que permet la présidence sans que, à un moment donné, on puisse intervenir. Si, ce matin, pour une raison ou pour une autre, à cause de la façon dont les choses se déroulent, les gens deviennent plus sensibles d'un côté ou de l'autre, parce que les réactions sont soit d'un côté, soit de l'autre, dépendant de qui a la parole, je peux très bien en revenir à une application très stricte. Mais cette application très stricte ne se fera pas uniquement aujourd'hui, mais pour les périodes de questions à venir, et pour les uns et les autres.

Et finalement, si on veut un débat intense au niveau de cette période de notre séance parlementaire quotidienne, je pense qu'on a intérêt aussi à être capable d'encaisser un peu plus.

M. Landry (Verchères): M. le Président, vous avez raison, je vais essayer de m'en tenir aux chiffres, les chiffres qui parlent par eux-mêmes. Je l'ai dit pour vous comme pour tous nos collègues de cette Chambre et la population en général, ce ne sont pas les chiffres de la ministre de l'Éducation ou du bureau du premier ministre. Je dis à la députée, en toute bonne foi – et si je l'ai blessée même, je m'en excuse – j'essaie de lui expliquer quelque chose...

Des voix: ...

M. Landry (Verchères): Vous avez entendu comme moi, M. le Président, que la députée a redit le chiffre de 179 000 enfants. Vous avez entendu ça, M. le Président, je pense que toute la Chambre l'a entendu. Or, ce n'est pas 179 000 enfants, c'est 179 000 ordonnances. Le médecin prescrit le médicament, la durée, la dose. Je vais essayer d'expliquer de façon précise. On va à la pharmacie et on prend une dose, disons, une ordonnance pour un mois, puis, après ça, on y retourne, ce qui fait...

Et je cite encore une fois la compagnie qui produit ce Ritalin, qui fait référence à ce fameux article du Globe and Mail , pour dire que cet article, qui est à la source de toute la confusion, aurait dû se référer au nombre d'ordonnances et non au nombre de patients qui utilisent le Ritalin. Et le Conseil pharmaceutique du Québec dit exactement la même chose: «La durée habituelle d'une ordonnance de Ritalin est semblable à celle des autres médicaments, soit 30 jours. On peut prétendre que 179 000 ordonnances de Ritalin au Québec correspondent à environ 17 900 utilisateurs.» Il me semble, M. le Président, que...

(10 h 40)

Le Président: Alors, Mme la chef de l'opposition officielle, en principale.


Prescription de Ritalin aux enfants en difficulté d'apprentissage

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, M. le Président. Le vice-premier ministre a beau nous donner toutes ses statistiques, on a les nôtres, et on comprendra que même le Dr Jean Cusson, qui conseille le gouvernement, lui-même mentionne qu'il y a une croissance linéaire de la consommation du Ritalin.

Mais ceci étant dit, M. le Président, il y a quand même un malaise qui existe, et un gouvernement doit faire des choix de société. Il a le choix entre donner des ressources aux enfants ou leur donner des pilules; il a le choix de remplacer des spécialistes par des pilules. M. le Président, on ne peut pas faire fi du malaise qui existe actuellement. Et, si le gouvernement ne réagit pas, c'est parce qu'on aura compris qu'il a fait les mauvais choix pour nos enfants.

Donc, M. le Président, ma question au vice-premier ministre: Comment peut-il, sans broncher, laisser, finalement, tous les intervenants du milieu imposer à nos enfants cette camisole de force chimique qu'est le Ritalin? Je pense qu'il y a un malaise qui existe, au-delà des statistiques, au-delà des chiffres, il y a un malaise, et, ce qu'on veut, c'est que le gouvernement réagisse pour qu'enfin nos enfants puissent avoir un avenir au Québec.

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): La chef de l'opposition dit qu'elle a ses sources, et nous avons les nôtres. Nous allons les déposer. Déposez vos sources. Moi, je vais déposer, dès qu'on en aura fini, la lettre de la société qui produit le Ritalin, expliquant bien le ratio. Je vais déposer la lettre du Dr Marquis Nadeau, du Conseil consultatif de pharmacologie, et je vais... bien, je n'ai pas besoin de le déposer, c'est un communiqué de presse de M. Pierre Émery, qui a bien réagi, je pense, aux prétentions de l'opposition.

Des voix: ...

Le Président: Je pense que la question était claire et formulée correctement de la part de la chef de l'opposition officielle et je pense qu'on peut laisser maintenant le vice-premier ministre terminer sa réponse.

M. Landry (Verchères): M. le Président, si on veut que notre Assemblée travaille convenablement, il ne faut pas me crier en face qu'on nie le problème. Je ne nie pas le problème, mais je ne veux pas que l'opposition multiplie par 10 l'ampleur d'une question traitée. Il me semble qu'entre gens de bonne foi on pourrait s'entendre là-dessus. Il y a une consommation d'une substance qui, chaque fois – et mon collègue de la Santé, qui est médecin, pourra compléter – est prescrite par un professionnel de la santé, par un médecin. Le Ritalin ne peut s'acheter autrement que suivant une ordonnance. Alors, si on dit qu'il y a trop de prescriptions, là, il faut faire attention. C'est le médecin qui, dans le secret de son cabinet, en son âme et conscience, puise dans l'arsenal pharmacologique.

Si, nous, dans notre Assemblée nationale, on prétend que ces médecins ont tort, alors qu'ils agissent dans le cadre de leur formation scientifique et de leur métier, je pense qu'on prend un risque d'ameuter inutilement la population en laissant entendre que les médecins sont des abuseurs de médicaments. Je ne suis pas spécialiste de cette question, encore une fois.

Si le Ritalin est un problème, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de gens dans cette Assemblée pour en arbitrer sur le plan scientifique et sur le plan médical. Et, jusqu'à maintenant, les professionnels de la santé utilisent ce moyen à leur disposition, et ils le font de moins en moins d'ailleurs. La croissance est de plus en plus faible. Et je ne voudrais pas avoir l'odieux d'accuser les libéraux d'avoir été au pouvoir durant la croissance fulgurante du Ritalin, ce serait de la démagogie. Mais la décroissance est continuée, et mon collègue de la Santé pourrait, sur le plan scientifique, ajouter des éléments.

Le Président: Alors, en principale, Mme la députée de Beauce-Sud.


Besoins en ressources humaines dans le réseau de la santé

Mme Leblanc: M. le Président, une récente étude de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec démontre qu'au Québec, dans les centres hospitaliers de soins de longue durée, 30 % des besoins en soins infirmiers ne sont pas comblés. Pire encore, dans la région Chaudière-Appalaches, c'est plus de 50 % des besoins auxquels on n'est pas en mesure de répondre, à cause des coupures. Dans les CLSC, toujours à cause des coupures, comme au CLSC La Guadeloupe, par exemple, c'est maintenant les aidants naturels, soit la famille, des femmes dans la plupart des cas, qui doivent combler le manque de soins à domicile.

Comment le ministre de la Santé, M. le Président, peut-il être le seul à ne pas voir le fiasco de son dérapage ambulatoire?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, voilà ce qui arrive quand on oublie la perspective et qu'on ne regarde pas ce qui se passait, ce qui se passe maintenant et comment ça évolue. Ils prennent des photos instantanées comme si ça sortait de n'importe où. Ce n'est pas nouveau ça. Ça, ça réfère, 70 %, c'est un indice technique dit de taux de satisfaction des besoins qui est utilisé pour s'assurer qu'on améliore graduellement la façon de répondre à l'ensemble des besoins des personnes. Il y a quatre ans, il y a cinq ans, avant qu'on commence la réorganisation des services de santé, c'était à peu près au niveau que c'est actuellement, les services. C'est à peu près au niveau que c'était. Ils regarderont, c'était ça.

Pendant trois, quatre ans, alors qu'il y a eu la réorganisation des services de santé avec des diminutions de budget très importantes, puis on sait pourquoi... Ils ont l'air de l'avoir oublié. Nous autres, on ne l'a pas oublié parce qu'on n'a pas créé la situation, on l'a réparée, nous autres, pendant ce temps-là. On a vu ce que ça voulait dire de la réparer.

Alors, pendant ce temps-là, on a maintenu à peu près au même niveau les ressources qu'il y avait dans le domaine de la santé pour les personnes dans des établissements de longue durée. Mais les besoins augmentent graduellement parce que les gens, pendant ce temps-là, ont de plus en plus de services à domicile. Quand ils vont dans des établissements de longue durée, ils y vont plus tard, ils sont plus âgés et ils sont plus malades, donc il faut augmenter les ressources, ce qu'on n'a pas pu faire dans les dernières années. Mais on les a maintenues, on ne les a pas coupées. On les a maintenues, malgré qu'on a dû subir une diminution très importante. On se rappelle que c'est à cause du déficit qu'on nous a laissé, on se rappelle des coupures qu'on a eues du fédéral sur nos transferts. On n'avait pas d'argent pour en mettre plus, mais, au moins, on n'en a pas coupé. Pendant ce temps-là, on a même diminué la durée d'attente pour avoir une place en établissement de longue durée, puis on a donné plus de services à domicile.

Alors, globalement, si la députée savait ce qui se passait avant puis si elle comparait avec ce qui se passe aujourd'hui, elle verrait qu'il y a encore un sacré bon bout de chemin à faire, mais qu'on en a déjà fait un bon bout puis qu'on a évité d'empirer les dégâts qu'ils nous avaient préparés, M. le Président. C'est ça, la réalité.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord, en complémentaire.

M. Poulin: M. le Président, comment le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il affirmer que tout va bien dans le système de la santé, alors qu'en Beauce, au foyer Mgr Roy, 50 % des soins de longue durée ne sont pas dispensés – aucun service infirmier la nuit, aucun service infirmier la fin de semaine – alors qu'au pavillon de Beauceville, l'unité d'alcoolisme et de toxicomanie souffre d'un manque flagrant de ressources humaines et financières pour répondre aux besoins des malades puis aux besoins du milieu? Comment le ministre a-t-il pu permettre une telle dégradation des services de santé en Beauce?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: D'abord, M. le Président, le ministre ne dit pas que tout va bien, parce que, le ministre, il sait dans quel état il a pris le système, puis il sait avec quoi il se débat à tous les jours, puis il parle à des gens qui n'arrêtent pas d'en découdre pour réparer la situation qu'on avait. On ne peut pas dire que tout ça va bien avec ce qu'ils nous ont laissé, avec ce qu'on est obligés de faire, de systèmes à réorganiser qu'ils ont eu peur d'entreprendre, comme réorganisation, parce qu'ils savaient que ce n'était pas facile, qu'en plus de ça ils nous ont laissé un déficit qu'on est obligés... Ils dépensaient de l'argent qu'on n'avait pas; on a été obligés d'arrêter ça. Alors, je ne peux pas dire que tout va bien.

Je le sais qu'il y a des problèmes, je le sais qu'on en règle, mais ce que je sais aussi, par exemple, c'est que, quand on regarde la situation aujourd'hui par rapport à ce qu'elle était, par rapport à ce que ça aurait été si ça avait continué comme c'était parti, là, je vois qu'il y a une sacrée différence et qu'on a évité le pire, qu'on a maintenu, pour le moins, l'intensité de services où c'était important d'en maintenir, et que dans certains cas on a pu même en rajouter. Il y a eu 20 % d'augmentation de ressources de personnel pour l'ensemble des services de première ligne. On a augmenté de 2 000 lits, une opération générale, plus un rehaussement de 2 500 lits à Montréal pour des soins de longue durée. C'est quand même des différences.

Alors, il y a des problèmes. On a réglé une partie des problèmes qu'ils nous ont laissés, M. le Président, mais il nous en reste encore à régler, puis comme on est partis là, on va tous les régler.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Paradis: Oui, au vice-premier ministre, M. le Président. Le ministre de la Santé vient d'admettre finalement que ça ne va peut-être pas si bien que ça. Le premier ministre, lui, le 26, déclarait: «"Le système de santé va bien"», estime le premier ministre du Québec.» Lequel croyez-vous, votre ministre de la Santé ou votre premier ministre?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Petit manque de mémoire de la part du leader qui, d'ailleurs, généralement, a l'esprit vif. Ça a été démenti le lendemain, dans le même journal, je pense. Je pense que c'est La Tribune . Il avait déjà cité cette chose.

Une voix: ...

M. Landry (Verchères): En tout cas. Alors, on va vous faire envoyer les coupures pertinentes.

Déjà – c'est sa mémoire qui fait défaut, sans doute – le leader m'avait envoyé cette petite enfarge, et puis le lendemain on a fait venir les enregistrements, et puis... Bon. Mais le fond des choses, c'est plus grave que ça. Le fond des choses, c'est que, hier, le premier ministre de l'Ontario a eu des mots d'une dureté extrême. Il a dit que le ministre des Finances du Canada avait volé 15 000 000 000 $ à la caisse d'assurance-chômage. Je n'utiliserai pas des mots aussi durs parce que «voler», c'est le Code pénal. Mais il y a des codes d'honneur et codes...

Une voix: ...

M. Landry (Verchères): Ça fait quoi? S'ils veulent me donner le temps, je vais essayer de leur montrer ce que ça fait. Ça fait que, de 1994-1995 à 1997-1998, notre ministre en charge de la santé, des hôpitaux, des nombreux personnels s'est fait couper par le gouvernement fédéral la somme de 6 000 000 000 $. Couper de façon unilatérale, en disant au ministre de la Santé du Québec: Débrouille-toi, maintenant, avec les conséquences socioéconomiques. Et ceux qui ont coupé ce 6 000 000 000 $ en avaient pigé 14 000 000 000 $ avec les mots très durs qu'emploie le premier ministre de l'Ontario.

Alors, si nos amis d'en face veulent vraiment nous aider dans le domaine de la santé, qu'ils frappent donc, ne serait-ce qu'une fois sur 10, sur la vraie source des coupures brutales et malveillantes du gouvernement du Canada et qu'ils aient donc le même courage que le premier ministre de l'Ontario pour défendre les intérêts du Québec, comme lui défend ceux de sa province, comme vous dites.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Viger.


Communication des amendements au projet de loi n° 188 sur la distribution de produits et services financiers

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, risque de bouleverser la vie de dizaines de milliers de personnes. On se rappellera que ce projet de loi touche plus de 2 000 PME québécoises et particulièrement dans les régions du Québec. Ce sont 20 000 courtiers et agents, sans compter les employés au même nombre, c'est donc au-delà de 40 000 familles québécoises qui doivent vivre avec les conséquences de ce projet de loi.

M. le Président, en mars dernier, dans les consultations parlementaires qu'on a eues, le ministre nous avait indiqué, aux groupes qui se sont présentés et à nous, membres de la commission, dans le but, si je puis dire, noble d'être plus transparent, qu'il allait nous donner les modifications qu'il aurait apportées à ce projet de loi avant l'adoption du principe. On est à quelques heures de l'adoption du principe de ce projet de loi, le ministre compte-t-il respecter son engagement, respecter sa parole et nous donner, à nous, membres de la commission et aux groupes concernés, les modifications qu'il veut apporter à ce projet de loi?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Le député a raison sur plusieurs points, d'abord l'importance de la question qui découle, du reste, d'une de nos lois qui amène le Québec à réviser de façon quinquennale le statut des personnels de cette industrie vitale qu'est l'assurance. Alors, ce rapport quinquennal, commencé à l'époque où j'étais au pouvoir, a été poursuivi, et nous avons présenté un projet de loi qui, effectivement, change la vie de beaucoup de monde.

Ce projet a été appuyé massivement par des groupes fondamentaux de notre société: la Fédération des travailleurs du Québec, la CSN, un grand nombre d'interlocuteurs du monde de l'assurance et de la consommation. Et, pour vraiment être sûr que le député serait à l'aise quand on aborderait la dernière phase, c'est-à-dire l'adoption de principe cet après-midi, nous avons entendu tout le monde deux fois en commission parlementaire et longuement, et je m'étais engagé à revoir la plupart – ce que j'ai fait, et j'ai donné la liste, d'ailleurs, de mes interventions au député – et effectivement il y aura un certain nombre d'amendements. L'opposition et d'autres nous ont aidés à bonifier le projet de loi. Le député a déjà en main la substance de tous ces amendements.

(10 h 50)

Quant à la rédaction technique, qui doit passer au Comité de législation, je lui ai dit que mes livres lui étaient ouverts, s'il veut m'envoyer son recherchiste – on lui a fait cette offre-là. Il sait déjà tout ce que j'ai en main moi-même et, au fur et à mesure, il aura tout. Et en commission parlementaire, comme c'est notre tradition évidemment, les amendements seront sur la table et rédigés de façon technique.

Le Président: Je regrette, M. le député de Viger, mais la période des questions et des réponses orales est terminée. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Est-ce qu'on me permet de faire le dépôt des trois documents dont a fait mention le ministre d'État aux Finances?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: À condition qu'il y ait consentement mutuel sur les documents qu'a cités le député de Marquette.


Documents déposés

Le Président: Alors, il y a consentement pour le dépôt, de part et d'autre, des documents auxquels on a fait allusion pendant la période des questions et réponses orales.


Motions sans préavis

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés, ce qui nous conduit aux motions sans préavis.

M. le député de Kamouraska-Témiscouata, sur une motion sans préavis.

M. Béchard: Oui, M. le Président. Je demande le consentement de cette Assemblée pour déposer la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral d'utiliser les surplus de l'assurance-emploi notamment pour la création d'emplois.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolivet: M. le Président, est-ce qu'on me permettrait? Parce que c'est l'occasion... On n'a, en aucune façon, présenté... Parce que l'habitude, c'est de nous la présenter. Moi, je serais prêt à suspendre pour regarder et voir de quelle façon... à moins qu'on nous indique qu'on pourrait la représenter à une autre occasion. Mais je suis d'accord pour regarder cette question-là, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Moi, j'avais compris des propos du vice-premier ministre, à l'occasion de la période des questions – les réponses, c'est une autre affaire – qu'il était prêt dans ce dossier-là; il l'a même évoqué. Mais, s'il n'est pas prêt, moi, je suis prêt à donner quelques instants, si vous l'acceptez, M. le Président, une suspension.

M. Jolivet: M. le Président, je comprends très bien. La seule chose, c'est parce qu'on a parlé de l'emploi. Nous, on a parlé d'autre chose. Je pense qu'il serait bon qu'on regarde... Pour éviter les problèmes qu'on a eus sur la bourse du millénaire, je pense qu'on pourrait peut-être même dire qu'on prenne le temps voulu pour la regarder. Puis ça peut toucher la santé, ça peut toucher l'éducation, ça peut toucher d'autre chose. Alors, à partir de ça, si on avait l'accord du Parti libéral, on pourrait regarder ça comme on le fait de coutume et revenir à une séance subséquente sur cette question-là.

M. Paradis: Si je comprends la réponse du leader du gouvernement – et vous me corrigerez, M. le Président – c'est que, à ce moment-ci, ou bien on suspend quelques minutes pour qu'il en prenne connaissance ou il y a refus. La motion nous apparaît d'une importance telle que nous suggérons une suspension.

M. Jolivet: M. le Président, on peut suspendre s'il le désire.

Le Président: Alors, je comprends des deux...

M. Jolivet: Mais avant, M. le Président, j'aimerais demander au leader de l'opposition, compte tenu que ça peut prendre du temps, la permission de faire les avis touchant les commissions.

Le Président: Oui. Je voudrais juste indiquer également qu'il y avait une motion qui avait été annoncée par la députée de Pointe-aux-Trembles, aussi. Est-ce que vous souhaitez qu'on permette à la députée de Pointe-aux-Trembles de faire sa motion sans préavis? Puis il y aurait les avis touchant les travaux des commissions et, après ça, suspension. Ça vous convient?

Une voix: ...motion.

Le Président: Vous avez une autre motion, également? Alors, écoutez...

M. Jolivet: On fait les avis puis on reviendra après. Les deux motions? Parfait! D'accord.

Le Président: Alors, on se comprend là, M. le leader va faire maintenant les avis touchant les travaux des commissions. Les deux députés qui ont l'intention de présenter des motions additionnelles pourront le faire et par la suite on suspendra pour permettre aux groupes parlementaires de discuter de la motion de M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Ça va?

Des voix: D'accord.

Le Président: Très bien. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: J'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 444, Loi sur le tabac, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions procédera à l'étude des projets suivants, et ce, dans l'ordre: le projet de loi n° 406, Loi modifiant le Code des professions; le projet de loi n° 433, Loi modifiant le Code des professions concernant le titre de psychothérapeute, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet de loi n° 434, Loi sur la Société Innovatech du Grand Montréal; le projet de loi n° 435, Loi sur la Société Innovatech Régions ressources; le projet de loi n° 436, Loi sur la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches; le projet de loi n° 437, Loi sur la Société Innovatech du Sud du Québec, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Alors, nous avons la députée...


Motions sans préavis (suite)

Le Président: Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, d'abord.


Souligner la tenue de la Semaine des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire

Mme Léger: J'aimerais solliciter le consentement des membres de cette Assemblée pour déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la tenue de la Semaine des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire du 24 au 30 mai 1998 et, de façon particulière, reconnaisse l'importance des services de garde éducatifs offerts au sein du réseau québécois des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire et des garderies.»

M. Jolivet: M. le Président, d'accord. Une personne de chaque côté.

Le Président: Très bien. Alors, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Alors, M. le Président, je suis heureuse de proposer aux membres de cette Assemblée l'adoption d'une motion soulignant la tenue de la Semaine des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire du 24 au 30 mai 1998 à travers tout le Québec. À la suite de la création des centres de la petite enfance le 1er septembre 1997, cet événement annuel prend la relève de l'ancienne Semaine des garderies. Il poursuit ainsi les efforts consacrés à la promotion des services de garde éducatifs qui sont offerts dans les centres de la petite enfance et en milieu scolaire.

Cette toute première Semaine des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire nous propose un thème fort simple: Mon monde à moi . Il s'agit là d'un clin d'oeil à l'importance des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire pour les familles du Québec, un lieu où les enfants esquissent les premiers traits de leur sentiment d'appartenance à la communauté, un environnement d'apprentissage où les enfants s'ouvrent au monde et des ressources sur lesquelles peuvent compter des parents pour mieux concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales.

Le gouvernement du Québec reconnaît la responsabilité première des parents dans l'éducation des enfants. À ce titre, il leur a réservé un rôle prépondérant dans l'administration des centres de la petite enfance et dans le milieu scolaire. Le gouvernement du Québec reconnaît aussi les effets bénéfiques des programmes de stimulation précoce pour les enfants. C'est exactement à cela qu'ont accès nos enfants dans les centres de la petite enfance et dans les services de garde en milieu scolaire.

Considérant que les enfants sont au coeur de nos choix et, par le fait même, que les parents demeurent au centre de nos préoccupations et considérant l'importance de la place qu'occupent les centres de la petite enfance et les services de garde en milieu scolaire dans la vie des familles québécoises, j'invite les membres de cette Assemblée à adopter la présente motion pour appuyer les efforts de ceux et celles qui, dans les centres de la petite enfance et dans les services de garde en milieu scolaire, oeuvrent à l'épanouissement des enfants et des familles du Québec.

Le Président: Merci, Mme la députée. M. le député de Jacques-Cartier, maintenant.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Au nom de l'opposition officielle, il me fait plaisir d'appuyer la motion présentée par la députée de Pointe-aux-Trembles afin de souligner la Semaine des centres de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire. Les milliers d'éducatrices et d'éducateurs, de responsables en milieu familial et de personnes qui offrent des services à nos jeunes après et avant la journée d'école, on veut les remercier pour leur engagement et leur dévouement envers les enfants du Québec.

À chaque jour, il y a au-delà de 75 000 enfants de zéro à quatre ans qui se trouvent dans nos centres de la petite enfance, nos garderies et nos services de garde en milieu familial. En plus, il y a environ 90 000 enfants inscrits en services de garde en milieu scolaire. Pour les parents de ces enfants, ces services sont essentiels afin d'assurer la conciliation entre les devoirs parentaux et les obligations du travail.

Ces réseaux de garde ont été transformés d'une façon dramatique depuis l'année passée. Ces transformations ne sont pas complètes, et il y a eu des ratés importants. Pour les services de garde en milieu scolaire, on a créé l'obligation pour les écoles d'offrir un service de garde en milieu scolaire sans définir c'est quoi, un service de garde en milieu scolaire. Le gouvernement a annoncé un programme de 5 $ par jour sans assurer un financement adéquat. Aujourd'hui, à quatre semaines de la fin de l'année scolaire, les commissions scolaires et les écoles n'ont pas encore la moindre idée de combien de places seront disponibles à la fin d'août, quelles familles auront accès à ces places et qui va en assumer les coûts. Alors, à quatre semaines, M. le Président, on a déjà des ratés importants.

(11 heures)

Dans les centres de la petite enfance, il y a déjà une pénurie des places à 5 $ pour les enfants de quatre ans selon les chiffres du ministère de la Famille et de l'Enfance. À partir du 1er septembre 1998, il y aura une pénurie des places à 5 $ pour les enfants de trois ans. Encore une fois, qu'est-ce que le gouvernement répondra aux parents exclus du système à 5 $?

Et je peux citer encore une fois, au niveau de la planification, la situation dans l'Outaouais sur laquelle ma collègue la députée de Chapleau a attiré mon attention. Et je cite quelqu'un qui est responsable des centres de la petite enfance: «L'année financière 1998-1999 est déjà entamée depuis le 31 mars, et nous n'avons toujours rien reçu. Nous ne savons pas sur quel pied danser. Certaines garderies reçoivent des montants mais ne savent pas à quoi ces sommes sont reliées et n'osent pas s'en servir trop vite.» Alors, c'est ça, la situation dans nos centres de la petite enfance.

Pour les responsables des services de garde en milieu familial, il reste la lutte difficile de reconnaissance de leur importance dans nos réseaux de services de garde, de leur formation et d'un financement adéquat. Compte tenu que ces femmes seront les joueurs clés afin d'offrir des services de garde à 5 $ pour les enfants les plus jeunes, il faut améliorer leurs conditions sans délai.

Mais on ne peut pas passer sans commentaire le manque de respect de ce gouvernement et de cette ministre envers les garderies à but lucratif. À chaque jour, 21 000 enfants fréquentent les 450 garderies à travers le Québec. Mais, si on lit le titre donné à cette semaine, la «Semaine de la petite enfance et des services de garde en milieu scolaire», elles sont exclues quand elles ne sont ni centres de la petite enfance ni services de garde en milieu scolaire. Pourtant, elles représentent le tiers des places à 5 $ et le tiers du réseau dans son ensemble. Le 12 mars 1997, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité pour que le gouvernement les inclue dans une véritable entente de partenariat afin d'offrir ces services. On ne peut que déplorer le manque de volonté de ce gouvernement de respecter la motion adoptée dans cette Chambre. C'est pourquoi l'opposition officielle a insisté pour qu'on ajoute une référence à ces 450 garderies dans la motion présentée aujourd'hui.

Comme porte-parole de l'opposition officielle en matière de la famille, j'ai eu le plaisir de visiter des dizaines de services de garde au Québec, de rencontrer les éducatrices et de voir les enfants. Je souscris à la reconnaissance du rôle éducatif de ces services, mais j'ai toujours le souci de laisser les enfants jouer, imaginer et se développer à leur rythme. Les services éducatifs, oui, mais les services où nos plus jeunes sont heureux et sécures, c'est ça, la priorité. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Je voudrais simplement être sûr d'avoir bien compris. Est-ce que vous demandez que le texte de la motion soit modifié?

M. Kelley: Non, M. le Président. C'est déjà fait. J'ai ajouté la référence aux garderies parce que les centres à la petite enfance sont à but non lucratif, et j'ai trouvé important d'ajouter la notion de garderies qui, comme je le dis, sont le tiers du réseau.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Très bien. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour déposer la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale procède à des auditions publiques sur l'état du système de santé au Québec, notamment en ce qui concerne les conséquences des compressions budgétaires et de la réforme du ministre de la Santé sur l'accessibilité et la qualité des services offerts aux Québécois et aux Québécoises, et qu'à cette fin elle entende les individus et organismes représentant les malades, les infirmiers et infirmières, les médecins, les administrateurs, le personnel de soutien, les professionnels de la santé, les bénévoles;

«Que le gouvernement convoque donc, à compter du 9 juin prochain, la commission des affaires sociales et demande aux individus et aux organismes de transmettre au Secrétariat des commissions leur mémoire au plus tard le jeudi 4 juin 1998.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolivet: M. le Président, je vais lui rappeler ce que j'ai dit à d'autres occasions: Le comité directeur de la commission qui pourrait entendre ces choses pourrait toujours se réunir et en discuter. Les députés prendront les décisions, mais, pour le moment, la motion, c'est non.

Le Président: Alors, il n'y a pas de consentement. Une autre motion sans préavis?

M. Gautrin: Non, monsieur. Je pense que c'est... J'ai une question de directive à poser à la présidence.

Le Président: Alors, allez-y, M. le député.


Demande de directive


Procédure concernant le vote sur l'article 56 du projet de loi n° 441

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il existe dans cette Assemblée un certain nombre de personnes qui, pour respecter leur indépendance, sont nommées par cette Assemblée à une majorité des deux tiers des membres de l'Assemblée. Je fais référence spécifiquement, par exemple, au Directeur général des élections, au Protecteur du citoyen, au Vérificateur général.

La question précise que j'ai à vous soumettre est la suivante, M. le Président. L'Assemblée nationale est saisie, à l'heure actuelle, d'un projet de loi qui est le projet de loi n° 441, Loi sur l'Institut de la statistique du Québec. L'article 56 de ce projet de loi se lit comme suit: «Le mandat des membres de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération prend fin...» Et on indique, à ce moment-là, dans le projet de loi, la date d'entrée en vigueur du présent article.

Vous savez comme moi que la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic précise, et c'est l'article 5, que le président de l'Institut de recherche sur la rémunération et les vice-présidents sont nommés par cette Assemblée à une majorité des deux tiers.

Ma question à la présidence, c'est la suivante: Est-ce que l'Assemblée peut, à majorité simple, supprimer un poste sur lequel on a nommé quelqu'un à la majorité des deux tiers, ou faudra-t-il une majorité des deux tiers pour adopter l'article 56 du projet de loi n° 441?

Le Président: Écoutez, à première vue, ce que vous me demandez, c'est une interprétation législative. Et, a priori, ce n'est pas la responsabilité du président d'interpréter les lois. Ce sont les tribunaux qui doivent le faire. Le président a la responsabilité d'interpréter le règlement de l'Assemblée nationale.

Néanmoins, je vais vérifier et je vais essayer de voir dans quelle mesure, un, d'abord, la présidence pourrait se saisir de la question d'une façon quelconque. Et, si oui, à ce moment-là, donner un...

M. Gautrin: ...M. le Président, vous signaler pourquoi je crois que la présidence doit se saisir de la question. C'est qu'à un moment ou l'autre dans le débat, soit le débat en commission que nous allons prendre, soit le débat si jamais la loi n'est pas modifiée en commission, le président de la commission ou le président de l'Assemblée nationale devra statuer si l'article 56 du projet de loi n° 441 est adopté ou non adopté.

Advenant le cas où il n'y a pas une majorité des deux tiers pour l'adoption de l'article 56 de la loi n° 441, on pourrait contester quant à la validité de l'adoption de cet article.

C'est pour ça, M. le Président, parce que vous ou un de vos représentants en commission aurez à trancher quand l'article sera adopté, qu'il me semble opportun que vous vous saisissiez de cette question.

Le Président: Écoutez, je prends en bonne considération les arguments que vous venez d'avancer. Je vais prendre le tout en délibéré et essayer de vous apporter, à vous et à l'ensemble des membres de l'Assemblée – je pense que c'est une question qui est importante – une réponse le plus rapidement possible.

Alors, tel que convenu précédemment, nous allons suspendre nos travaux pour une quinzaine de minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 9)

(Reprise à 11 h 33)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Motions sans préavis (suite)

Alors, nous allons reprendre nos travaux aux affaires courantes et aux motions sans préavis. J'inviterais M. le député de Kamouraska-Témiscouata à nous présenter la motion. M. le député.


Demander au gouvernement fédéral d'utiliser les surplus de l'assurance-emploi pour améliorer la couverture d'assurance de certains travailleurs et pour baisser les cotisations

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Je demande le consentement de l'Assemblée pour déposer la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral d'utiliser les surplus de l'assurance-emploi notamment pour l'amélioration de la couverture d'assurance des jeunes et des travailleurs saisonniers et pour la création d'emplois par la baisse des cotisations.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a consentement?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, je céderais la parole à M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Cette motion que je dépose ce matin n'est pas, je dirais, uniquement dans le but de savoir, au niveau politique, où on se situe et de faire de la politique partisane. Je pense que la question et surtout les raisons qui sous-tendent le dépôt de ma motion, ce matin, sont d'un autre ordre. Je pense que ce qui doit sous-tendre notre action en tant que parlementaires, en tant que législateurs, au Québec, c'est de toujours se poser la question du comment on peut aider les moins chanceux de notre société et ceux qui n'ont pas la chance d'avoir un emploi.

Et je vous dirais que cette motion-là, ce matin, au-delà de toute la partisanerie, au-delà de tout élément qu'on pourrait amener, est d'abord et avant tout faite pour ceux et celles qui n'ont pas d'emploi et qui sont à la recherche d'un emploi et les plus démunis de notre société. M. le Président, la question qu'on doit se poser, c'est: Comment on peut améliorer le sort de ces gens-là? Et la motion que j'ai déposée ce matin se situe exactement là.

Je ne veux pas qu'on parte le débat – et, moi, je ne le partirai pas – sur savoir: Est-ce que le gouvernement fédéral a tort ou a raison, et comment il utilise ces surplus, et tout ça? Je pense que ce n'est pas le but, ce n'est pas l'endroit pour moi pour le faire. Je pense que la question qu'on veut soulever ce matin, c'est de dire... Si, effectivement, il y a au niveau de l'assurance-emploi une marge de manoeuvre, si elle existe, cette marge de manoeuvre là, la question qu'on doit se poser, c'est: Est-ce qu'elle ne pourrait pas être utilisée pour aider nos gens, nos jeunes, ceux dans nos régions qui sont aux prises avec des problèmes aux niveaux financier et économique?

Je pense, M. le Président, que ce matin on doit aussi se demander pourquoi – c'est un peu le but de cette motion-là – au Québec on n'a pas actuellement une reprise économique, une création d'emplois aussi forte qu'on peut l'avoir ailleurs, qu'on peut l'avoir dans d'autres provinces, qui ferait en sorte qu'il y aurait de plus en plus de gens qui auraient des emplois et que le Québec ne serait pas, je dirais, une des provinces les plus pauvres au niveau du taux de pauvreté. Je pense qu'à ce niveau-là c'est exactement ce qu'il faut se poser comme question.

Vous savez, M. le Président, si on regarde le taux de chômage, le taux de chômage est passé de 8,5 % à 8,4 % entre mars et avril, au Canada, une des meilleures performances depuis 1990. Sauf qu'au Québec force est d'avouer que nous sommes la seule province où le taux de chômage a augmenté. Le taux de chômage a augmenté, et, à ce que je sache, c'est le même régime d'assurance-emploi qui est en place d'un bout à l'autre du pays. Mais, au Québec, on a une performance économique désastreuse. Moi, je l'ai déjà dit en Chambre, je le redis, mais il y a aussi l'éditorialiste de La Presse Alain Dubuc qui l'a dit, cette semaine.

Et, M. le Président, on regarde la croissance économique du Québec, aussi. Oui, il y a une croissance. Cette croissance-là... on entend le ministre de l'Économie et des Finances nous dire que l'écart entre le Québec et les autres provinces diminue, mais il ne diminue pas parce que le Québec est meilleur, il diminue parce que les autres provinces sont moins bonnes.

Et, quand on regarde ce qui se passe au niveau des politiques économiques du gouvernement actuel, je pense que c'est pour ces raisons-là que, si le gouvernement actuel n'est pas en mesure de créer cette richesse-là, de créer des emplois pour nos gens, de créer de la richesse, des emplois pour nos jeunes, les jeunes en région, de favoriser le fait qu'il faut qu'il y ait de plus en plus de gens qui participent au développement économique et social du Québec, si le gouvernement actuel n'est pas capable de le faire, bien, M. le Président, je pense qu'il faut regarder dans notre coffre d'outils quels sont les autres éléments qu'on peut aller chercher. Et c'est ce qui explique pourquoi nous avons déposé cette motion-là ce matin, pour savoir: S'il y a une marge de manoeuvre quelque part, est-ce qu'elle ne pourrait pas être utilisée pour venir en aide aux Québécois et aux Québécoises et pour faire en sorte que les moins chanceux d'entre nous qui se cherchent un emploi puissent en trouver un?

Vous savez, M. le Président, c'est dommage de voir que le Québec est présentement en train de passer à côté de la reprise économique. Le Québec, présentement, même s'il y a une certaine création d'emplois, on n'est pas dans les leaders, on est à la queue du peloton, au niveau de la croissance économique canadienne. Moi, ça m'inquiète beaucoup, M. le Président. Ça m'inquiète beaucoup, parce qu'on connaît tous, avec un minimum d'études en économie, de notions économiques, la notion de cycle économique, et, si on n'est pas capable, au Québec, de prendre le haut du pavé quand il y a une croissance économique, quand il y a un développement de l'emploi partout ailleurs au Canada, partout ailleurs en Amérique du Nord, je pense qu'on doit se poser des questions et on doit être très inquiet pour le jour et le moment où on retombera dans le creux de ce cycle économique là.

M. le Président, ce matin, par cette motion-là, que je voudrais la moins politique possible mais la plus pro-chômeur, la plus pro-personne, la plus pro-père de famille qui vient de perdre son emploi, la plus pro-jeune qui vient de perdre son emploi, j'ose espérer que je ne fournis pas là l'occasion au gouvernement actuel de partir encore une fois dans un débat, dans une chicane. Ce n'est pas ça que je veux, M. le Président.

Moi, je veux que, ce matin, on se penche tous et toutes sur les façons, les moyens qu'on doit utiliser pour aider les moins bien nantis de notre société. Et, si jamais le gouvernement actuel profite de cette occasion-là pour partir en guerre, pour monter aux barricades, je veux seulement lui rappeler une chose qui a été mentionnée dans l'éditorial de La Presse de cette semaine, c'est que ce que montre notre sous-performance économique, c'est qu'il y a un coût à payer pour notre débat politique.

(11 h 40)

C'est pour ça que j'ose espérer, ce matin, qu'on va s'élever un cran au-dessus du débat politique traditionnel pour penser aux gens. Il faut penser aux gens, il faut penser aux régions. Ce n'est pas l'histoire de faire un show, M. le Président. Ce n'est pas l'histoire de savoir qui en retire le plus de retombées possible. Moi, je vous dirais ce que je veux: là où je veux que les retombées aillent, c'est à ceux qui en ont le plus besoin dans notre société. Il faut démontrer de la compassion, il faut démontrer de la compréhension, et c'est exactement ce qu'on demande ce matin par cette motion-là.

Il faut que le gouvernement fédéral, avec les surplus... S'il y a surplus au niveau de la caisse d'assurance-emploi, il faut absolument que ces surplus-là viennent en aide aux chômeurs, viennent en aide aux jeunes et viennent aussi en aide à ceux et à celles qui veulent créer de l'emploi, à ceux qui veulent développer le Québec. Et ça, je pense qu'il y a différentes solutions, il y a différents consensus qui se sont dégagés, notamment au niveau des taux de cotisation.

M. le Président, je pense qu'on doit avoir un débat sain. On doit avoir un débat empreint de compréhension et empreint de désir de développer notre société, de développer le Québec et de se servir de tous les outils dont nous avons besoin pour le faire. Devant l'incapacité du gouvernement actuel de le faire, j'ose espérer que cette motion-là recevra une bonne écoute et fera en sorte que, s'il y a des surplus, ce soit les gens au Québec qui en profitent pour les aider à redevenir des éléments actifs, des éléments qui vont développer le Québec et des éléments qui vont faire en sorte que tous et toutes, dans toutes les régions du Québec, nous serons encore plus riches, il y aura encore moins de chômage et nous reprendrons notre rôle de leader au niveau de l'ensemble économique canadien. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, n'ayez crainte, je n'ai pas l'intention de m'inspirer de la manière dont le député de Kamouraska-Témiscouata a introduit sa motion. Je crois qu'il fait appel à un débat politique serein. Lui-même, comme vous avez pu le constater, a profité de l'occasion pour viser le noir avec sa motion puis essayer de tuer le blanc. Parce que la motion, je la relis, M. le Président:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement fédéral d'utiliser les surplus de l'assurance-emploi notamment pour l'amélioration de la couverture d'assurance des jeunes et des travailleurs saisonniers et pour la création d'emplois par la baisse des cotisations.»

C'est du fédéral qu'il s'agit. Je voudrais simplement rappeler au député de Kamouraska-Témiscouata que son inquiétude sur la situation économique actuelle se serait certainement transformée en angoisse existentielle s'il avait été membre de cette Assemblée nationale dans les années 1990 à 1995. C'est zéro de création d'emplois que le Québec a enregistré durant ces cinq années d'un gouvernement fédéraliste à Québec comme à Ottawa.

M. le Président, quand on regarde tous les indicateurs économiques, notamment, évidemment, la création d'emplois: 67 000 emplois créés d'avril à avril de l'an passé, et emplois à temps complet. Faut-il rappeler également que tous les indicateurs en termes d'investissement public, privé, en termes de construction résidentielle, de confiance des consommateurs, prenons simplement l'indicateur de l'offre d'emploi pour les jeunes cet été, tous révèlent que la situation s'est beaucoup améliorée, si tant est que l'inquiétude dont parle le député de Kamouraska-Témiscouata, c'est une inquiétude qui, admettons-le – les faits nous le prouvent éloquemment – est non fondée.

Mais ce qui est fondé cependant, c'est le détournement que le gouvernement fédéral fait depuis le début des années quatre-vingt-dix de la caisse d'assurance-emploi. Ce n'est plus une assurance. Il n'y a plus d'assurance, M. le Président, pour la moitié des chômeurs québécois qui ont pourtant cotisé à cette caisse qui porte toujours le nom d'assurance. On sait que c'est moins de la moitié des chômeurs maintenant qui peuvent se qualifier à une prestation d'assurance-emploi. J'ai les chiffres ici de taux de couverture des chômeurs au Québec de 1989 à 1997. Vous voyez, en 1989, le pourcentage des chômeurs touchant des prestations était de 97 %, alors que, en 1997, en mars 1997, il était de 50 % et que, en 1998, il n'est plus que de 47 %.

Alors, vous vous rendez compte, M. le Président, que jamais pourtant autant qu'avant les travailleurs ont cotisé à la caisse, parce que la première heure travaillée maintenant est cotisée, depuis le 1er janvier 1997. Auparavant, il y avait 15 heures travaillées pas cotisées. Donc, les gens à temps partiel ou les travailleurs saisonniers ou occasionnels, finalement, se trouvaient à ne pas bénéficier de la caisse, mais en même temps ils n'avaient pas non plus, et leur employeur non plus, à cotiser à la caisse fédérale. Alors que, dorénavant, la première heure travaillée étant cotisée, vous comprenez combien ça peut être injuste pour des travailleurs qui, à un moment donné, ont besoin de ce régime d'assurance pour lequel ils ont cotisé et qui se retrouvent finalement évincés compte tenu que les règles d'admissibilité sont tellement sévères.

On le disait encore cette semaine, 75 % des jeunes qui travaillent et qui ont cotisé n'ont plus droit à des prestations. Et un chômeur sur deux au Québec qui a cotisé n'a plus droit à des prestations. Et c'est d'autant plus injuste, M. le Président, que ce sont les travailleurs qui ont des revenus de moins de 39 000 $ et ce sont leurs employeurs dans les entreprise à coefficient de main-d'oeuvre élevé qui servent à détourner les cotisations, dans le fond à leur corps défendant, bien évidemment, mais servent finalement au gouvernement fédéral à réduire son déficit non pas en le répartissant sur l'ensemble des impôts que les personnes paient progressivement, selon leurs revenus, mais finalement en détournant ces cotisations qui ne sont versées que... pour des 39 000 $ de revenus et moins et en détournant ces cotisations qui sont versées par des entreprises qui embauchent et donc qui ne remplacent pas les travailleurs qui produisent des biens ou des services par des technologies.

Ce sont ces entreprises et ces travailleurs et travailleuses qui finalement sont mis à contribution, de façon injuste et inéquitable, parce qu'il n'y en a pas, de surplus. Le mot surplus est complètement abusif. Il n'y a pas de surplus. L'argent a été directement détourné pour les fins de réduire le déficit du gouvernement fédéral à même les cotisations versées par les employeurs et les travailleurs.

Alors, M. le Président, nous l'avons dit dès l'automne 1995. J'ai souvenir d'avoir, ici même, dans cette Assemblée, sonné l'alarme sur ce qui se passait et je comprends maintenant que cela est devenu contagieux à travers non seulement le Québec, mais le Canada. D'autant plus que le professeur Pierre Fortin et son collègue Pierre-Yves Crémieux ont déposé une étude approfondie sur les conséquences absolument désastreuses des resserrements d'admissibilité à l'assurance-emploi depuis le début des années quatre-vingt-dix. Trois vagues successives de resserrement qui sont responsables d'un accroissement évalué à 30 % du nombre de personnes assistées sociales au Québec. Près de 200 000 Québécois de plus ont quitté ou quitteront le marché du travail, selon cette étude des professeurs Crémieux et Fortin, pour dépendre de l'aide de dernier recours qu'est l'aide sociale, ce qui représente un déboursé supplémentaire de 845 000 000 $ par année pour le gouvernement du Québec.

C'est là, le moins qu'on puisse dire, une conclusion saisissante à laquelle sont arrivés ces économistes, professeurs de l'Université du Québec à Montréal, dans une étude qui a été la première étude de macroéconomique sur l'importance des modifications à l'assurance-chômage, rebaptisée, à tort, assurance-emploi. Le professeur Crémieux disait d'ailleurs cette semaine qu'il ne s'agissait plus d'une assurance-emploi mais d'une taxe à l'emploi.

(11 h 50)

Et le Québec ne fait pas exception, évidemment, puisque cette étude a étendu la portée de l'examen à trois autres provinces, l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique, et a fait connaître l'impact des restrictions apportées qui, pour l'ensemble de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, ont provoqué une hausse de 26 % du nombre de personnes assistées sociales. Alors, d'où, cette semaine, d'où, aujourd'hui – d'ailleurs, je pense qu'on pouvait retrouver ça dans tous les quotidiens aujourd'hui – cette sortie du premier ministre ontarien qui considère que c'est du vol. Il n'y va pas par quatre chemins, là. Le grand mot est lâché, c'est du vol, selon le premier ministre ontarien.

Alors, vous comprenez, M. le Président, qu'il y a non seulement une urgence d'agir, mais vous voyez l'effet que ça peut avoir et que ça a pu avoir sur le régime de dernier recours au Québec. Parce que, plus que jamais, ce régime de dernier recours qui a été conçu durant les années soixante-dix essentiellement pour verser à des personnes qui avaient des contraintes, des contraintes sévères ou temporaires à l'emploi, cette aide de dernier recours leur permettant de subsister, finalement ce régime est devenu un régime que les chômeurs exclus de l'assurance-emploi ont utilisé.

La réalité, c'est qu'il y a de plus en plus, en plus, en plus de chômeurs à l'aide sociale, avec les conséquences que l'on sait. Parce que, si on «reçoit» de l'assurance-emploi, le langage populaire veut que l'on «tombe» sur l'aide sociale et qu'on y arrive aussi, d'une certaine façon, quand on a épuisé son vieux gagné, quand on a épuisé ce qu'on avait mis de côté. D'où un sentiment d'appauvrissement qui s'est répandu, pas simplement parce qu'il y avait un sentiment, mais aussi d'où la réalité de l'appauvrissement de travailleurs et de travailleuses et de jeunes aussi qui ont dû avoir recours à un régime d'aide sociale qui jusqu'à maintenant s'adressait à des personnes qui étaient majoritairement des personnes qui avaient des contraintes à l'emploi et non pas des personnes qui étaient en situation de chômage.

Pensez, par exemple, que les jeunes, il y a 20 ans, utilisaient à 11 % ou 12 % par année l'assurance-chômage de l'époque, là, pour passer d'un emploi à un autre, en sachant que, quand on arrive sur le marché du travail une première fois, ce n'est pas pour une montre en or, parce qu'on fait des essais qui nous conduisent vers un emploi plus régulier. Alors donc, il y a 20 ans, c'était 11 % à 12 % des jeunes de moins de 30 ans qui faisaient appel à des prestations d'assurance-chômage à un moment donné et à peine 4 %, il y a 20 ans, qui se retrouvaient sur l'aide sociale.

Eh bien, ces tendances sont, en 20 ans, totalement renversées. La tendance est totalement inverse, M. le Président. Compte tenu des resserrements d'admissibilité qui ont un effet quasi systémique d'évincer les jeunes de l'assurance-emploi, c'est, 20 ans plus tard, l'an passé plus exactement, autour de 11 %, 12 % des jeunes de moins de 30 ans qui se retrouvent à l'aide sociale et à peine 4 % qui, dans l'année, peuvent avoir droit à l'assurance-emploi.

Alors, c'est évident que c'est à eux d'abord qu'il faut penser quant à l'utilisation des surplus de l'assurance-emploi, pour améliorer leur sort, améliorer leur sort en desserrant l'étau des critères d'admissibilité, en particulier pour les travailleurs et travailleuses saisonniers qui, on le sait, surtout dans les régions ressources, en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine ou encore dans les régions touristiques, ce sont des travailleurs qui jusqu'à... peu pouvaient, par une activité rémunérée, se qualifier pour l'assurance-emploi. Et on le sait, avec le resserrement des critères, maintenant ils en sont quasi exclus. Il en va de même, comme je le démontrais, pour les jeunes.

Donc, priorité absolue dans l'utilisation des surplus de la caisse d'assurance-emploi, priorité pour les travailleurs, travailleuses saisonniers, pour les jeunes. Priorité aussi, M. le Président, pour que cette caisse d'assurance en devienne une véritablement et, évidemment, également, M. le Président, puisqu'on dit que le taux de cotisation est si élevé et a pu permettre au gouvernement fédéral d'engranger tellement d'argent qu'il serait possible de ne plus exiger aucune cotisation, selon les experts, là, pendant un an, même si on avait la récession des années 1989 ou 1990... Et il serait encore possible, sans déficit, pour la caisse fédérale d'assurance-emploi, de soutenir les prestations.

Alors, vous avez idée. C'est de l'ordre d'environ 6 000 000 000 $ par année, non pas de surplus mis de côté, là, mais 6 000 000 000 $ détournés directement par le gouvernement fédéral pour les fins de réduire son déficit à partir des cotisations des travailleurs et des employeurs. Et on évalue, selon tous les experts et toutes les études qui ont été réalisées à cet effet, à presque 2 500 000 000 $ le coût engendré sur les régimes de sécurité sociale des provinces. Donc, 2 500 000 000 $, les coûts engendrés par l'arrivée massive de chômeurs à l'aide sociale.

Il est temps de mettre fin à ça, M. le Président. Il est temps de mettre fin à une situation qui est extrêmement injuste, qui est inéquitable à tous égards, et c'est la raison pour laquelle nous souscrivons à l'adoption de cette motion. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Très bien. Ceci met fin aux motions sans préavis.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, vous êtes tous très bien renseignés. Ça va?


Affaires du jour

Alors, nous allons mettre fin à la périodes des affaires courantes et entreprendre immédiatement les affaires du jour. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer l'item à l'ordre du jour.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article 15.


Projet de loi n° 450


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 15, M. le ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire propose l'adoption du principe du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. Alors, je vais céder la parole à M. le leader du gouvernement et ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Ministre délégué à la Réforme électorale, bien entendu, puisque le ministre en titre, vous le savez, est le ministre, M. le député de Joliette.

M. le Président, le Québec est une vieille démocratie. En fait, nous avons l'honneur de siéger dans l'un des plus anciens Parlements du monde. Pour nous faire élire, nous avons tous dû respecter une loi électorale qui place le Québec à l'avant-garde des démocraties. Un système électoral qui constitue pour les Québécoises et les Québécois un objet de fierté fort légitime, d'ailleurs.

Ainsi, présenter et débattre d'un projet de loi modifiant la Loi électorale ou la Loi sur la consultation populaire est un exercice qui doit être abordé avec le plus grand sérieux. Le projet de loi n° 450, par l'ampleur des modifications qu'il apporte, ne fait pas exception à cette règle-là. C'est pourquoi je me permets de prendre le temps nécessaire pour en expliquer les tenants et les aboutissants. Cette nécessité est d'autant plus grande que, comme vous le verrez tout au long du processus d'adoption du projet de loi n° 450, l'intention du législateur doit être bien marquée, affirmée et comprise. Je reviendrai d'ailleurs sur ces aspects ultérieurement. Disons, pour le moment, qu'il serait important pour chacun de ceux qui prendront la parole de bien peser chacun de leurs mots.

(12 heures)

Pour les fins de l'adoption du principe, j'ai regroupé les différentes dispositions essentielles sous trois grandes têtes de chapitre: d'abord, l'intervention des tiers et les suites du jugement Libman; deuxième point, les mesures visant l'intégrité de nos lois électorales et la confiance des citoyens envers celles-ci; et, troisièmement, les diverses autres mesures visant notamment à améliorer l'accessibilité au vote, la participation des candidats indépendants et la présence de tiers partis. Je conclurai en vous parlant du processus de consultation qui a entouré l'élaboration du projet de loi ainsi que des prochaines étapes devant mener à son adoption.

En 1992, nous étions conviés à nous prononcer sur les accords de Charlottetown. Malgré la tenue d'un référendum pancanadien, le gouvernement fédéral avait reconnu la légitimité de notre loi en acceptant que les Québécoises et les Québécois soient consultés en vertu de la Loi sur la consultation populaire. L'Equality Party, sous la gouverne de Robert Libman, présentait alors une requête pour jugement déclaratoire à la Cour suprême afin de faire invalider les dispositions touchant le contrôle des dépenses et la non-intervention des tiers.

La Cour supérieure jugea que les restrictions imposées par la Loi sur la consultation populaire étaient raisonnables, la Cour d'appel du Québec confirma même ce jugement. Le 9 octobre 1997, la Cour suprême du Canada renversait ces deux jugements en accueillant le pourvoi logé par Robert Libman. Le résultat immédiat a été de rendre inopérants les articles 402, 403, 406, 406 alinéa 3, 413, 414 et 417 de l'annexe II de la Loi sur la consultation populaire.

Toutefois, dans la pratique, les conséquences sont beaucoup plus considérables, puisque les dispositions de la Loi sur la consultation populaire proviennent ou sont extraites, si vous préférez, de la Loi électorale. Ainsi, bien que n'ayant pas techniquement été invalidée, cette dernière est particulièrement vulnérable. D'ailleurs, l'affaire est présentement devant la Cour supérieure dans la cause Citcan Foundation et Donderi contre le Procureur général du Québec. Celle-ci est justement suspendue dans l'attente de l'adoption du projet de loi n° 450. Il en va de même des dispositions contenues dans la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités et qui encadrent le contrôle des dépenses lors d'élections municipales.

Dans un jugement rendu le 31 octobre 1997 dans l'affaire Fraternité des policiers de Laval et Association des pompiers de Laval et le Syndicat des chauffeurs de la Société de transport de Laval contre François Casgrain en sa qualité de Directeur général des élections, le juge Robert de la Cour d'appel écrit ceci: «Je crois, avec égard pour l'opinion contraire, que la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités contient des dispositions semblables à celles qui ont été déclarées inopérantes dans l'arrêt Libman et notamment à l'article 455 qui n'autorise pas des dépenses électorales par des personnes dites indépendantes.»

C'est donc fondamentalement en raison de cette décision de la Cour suprême que l'Assemblée nationale se retrouve aujourd'hui dans l'obligation de légiférer, et ce, avant les prochaines élections. Quant au fond de cette décision, qu'en est-il exactement? Et pourquoi certains ont-ils réagi de façon négative?

À la base de notre système électoral et référendaire existe un principe de non-intervention des tiers, c'est-à-dire qu'à moins d'être un candidat, un parti politique ou un comité référendaire il est interdit à quiconque d'engager des dépenses susceptibles de favoriser ou de défavoriser directement ou indirectement un candidat, un parti ou une option référendaire. Ce principe, à prime abord rigoureux, s'explique aisément en ce qu'il est le corollaire d'un autre grand principe, pour ne pas dire le fondement de notre système électoral: l'établissement d'un plafond unique de dépenses électorales par les candidats. En vérité, l'un ne va pas sans l'autre. Ils sont, en fait, les deux côtés d'une même médaille.

Dans la pratique et dans le concret, sans restriction à l'intervention des tiers en campagne électorale ou référendaire, aucun lien logique ou rationnel ne peut justifier l'imposition d'un plafond de dépenses. Or, ce dernier principe, ce choix du Québec de refuser que l'argent nous dicte les résultats d'un scrutin, ce désir de ne pas imiter ce qui se passe aux États-Unis fait l'objet d'un consensus dans la population, consensus qui n'a jamais fait défaut, et population aussi qui n'a jamais fait défaut à ce consensus. Ces deux piliers fondamentaux de notre système démocratique existent en matière électorale depuis 1963. Depuis, aucune législation, peu importe le gouvernement en place, n'est venue en diluer la portée.

Si la Loi sur la consultation populaire et la loi sur le financement des partis politiques sont deux fleurons du gouvernement du Parti québécois, le principe invalidé par le jugement Libman n'était pas, lui, l'apanage exclusif des méchants péquistes en mal de brimer la liberté d'expression. Bref, le législateur québécois a toujours tenté de préserver l'ensemble du processus démocratique à l'assujettissement au pouvoir de l'argent.

Assez paradoxalement, la Cour suprême, bien qu'elle invalide les dispositions pertinentes de la loi, reconnaît du même souffle les principes suivants. Elle écrit les choses suivantes, paragraphe 47, dans l'arrêt Libman: «Le principe d'équité en matière électorale découle directement d'un principe consacré par la Constitution, soit le principe d'égalité politique des citoyens et des citoyennes[...]. Les élections n'ont de caractère juste et équitable que si tous les citoyens et citoyennes sont raisonnablement informés de tous les choix possibles et que l'on donne une possibilité raisonnable aux partis, aux candidats et aux candidates d'exposer leur position afin que le débat électoral ne soit pas dominé par ceux qui ont accès à des moyens financiers plus importants.»

Au paragraphe 48, elle dit: «Afin que le régime de plafonnement des dépenses soit pleinement efficace, les limitations doivent s'appliquer à toutes les dépenses électorales possibles, y compris les dépenses des indépendants.»

Au paragraphe 52, elle indique: «La limitation des dépenses indépendantes est primordiale pour préserver l'équilibre des moyens financiers mis à la disposition des candidats, des candidates et des partis politiques et ainsi assurer le caractère juste et équitable des élections.»

Au paragraphe 54, elle indique: «Toutefois, le système de limitation des dépenses perdrait toute son efficacité si les dépenses indépendantes n'étaient pas elles aussi limitées[...]. Les dépenses indépendantes doivent donc être contrôlées pour éviter que la diffusion d'une option bénéficie de moyens financiers beaucoup plus élevés[...]. Ainsi envisagée, la réglementation des dépenses référendaires poursuit un des objectifs qui sous-tendent la liberté d'expression, soit la possibilité de faire des choix éclairés.»

À 56, elle indique: «À notre avis, cependant, l'objectif de la loi référendaire québécoise est fort louable.»

À 57, elle écrit: «La preuve présentée par le procureur général du Québec démontre la nécessité d'empêcher une distribution inégale des ressources financières entre les options qui saperait l'équité du processus référendaire. La preuve démontre également que, sans un contrôle des dépenses des tiers, tout régime de limitation des dépenses pour les comités nationaux deviendrait vain. À notre avis, il existe clairement un lien rationnel entre la limitation des dépenses des indépendants et l'objectif poursuivi par le législateur.»

Puisque ces principes sont reconnus par la Cour suprême, il devenait non seulement souhaitable, mais nécessaire que toute modification à la loi en respecte l'essence et que la solution que l'Assemblée nationale et le législateur préconisent soit celle qui leur porte le moins atteinte. Bref, ce que nous recherchons aujourd'hui, c'est le difficile équilibre entre les libertés individuelles et l'intérêt collectif. Le maintien d'une société libre et démocratique commande cependant la protection de l'intégrité du système moral, social et politique sur lequel elle est érigée.

C'est ainsi qu'après avoir commandé le rapport Côté et après avoir consulté sur ce rapport en commission parlementaire le gouvernement a confié à ses meilleurs juristes le mandat de rédiger les amendements qui seraient en tout point conformes à la lettre et à l'esprit du jugement de la Cour suprême.

Dans le cas de la Loi sur la consultation populaire, puisque le jugement a le grand mérite d'identifier clairement les catégories d'intervenants auxquelles la loi doit offrir un canal d'expression, la solution retenue s'inscrit à l'intérieur de ces balises. En conséquence, tel que le souhaitait la Cour suprême, le projet de loi permettra aux individus et aux groupes, qui, sans favoriser ou défavoriser directement une option, prônent l'abstention ou l'annulation, d'engager des dépenses de publicité d'un montant maximal de 1 000 $.

Donc, je répète pour bien comprendre: En conséquence, tel que le souhaitait la Cour suprême, le projet de loi permettra aux individus et aux groupes, qui, sans favoriser ou défavoriser directement une option, prônent soit l'abstention, soit l'annulation, donc permettra d'engager des dépenses de publicité d'un montant maximal de 1 000 $.

De plus, l'individu qui, lui, n'a pas la possibilité de s'associer à un comité national pourra effectuer des dépenses de publicité n'excédant pas 1 000 $ afin de favoriser son option ou une option. Ces montants s'ajoutent aux 600 $ que la loi permet déjà d'engager dans le but de tenir des réunions. En définitive, c'est donc 1 600 $ que pourront dépenser ces nouvelles catégories d'intervenants, soit 600 $ de plus que le montant de 1 000 $ suggéré par la Cour suprême.

Par ailleurs, quant aux groupes qui souhaiteront intervenir en faveur d'une option, ils devront continuer de se prévaloir du mécanisme d'affiliation aux comités existants, puisque la Cour suprême a reconnu qu'il s'agissait d'un aménagement raisonnable. Afin de se prévaloir de la nouvelle possibilité d'engager des dépenses, les intervenants, conformément à la décision de la Cour suprême, devront notamment s'engager à ne pas mettre les sommes en commun avec d'autres intervenants particuliers et à produire un rapport de dépenses.

(12 h 10)

Il est bien entendu que le contenu de la publicité n'aura pas à être préalablement autorisé dans le cadre de la procédure d'enregistrement au Directeur général des élections. L'intervenant devra cependant prendre un certain nombre d'engagements visant le respect de la loi, c'est-à-dire qu'il est un électeur ou groupe d'électeurs, que l'argent provient de ses propres deniers, qu'il n'agit pas directement ou indirectement pour le compte d'un comité.

On le sait, en période référendaire, les différents comités nationaux ont un plafond maximal de dépenses qui correspond à 1 $ par électeur. C'est donc dire qu'en 1995, au moment du référendum, chaque comité pouvait disposer d'une somme de 5 300 000 $. En vertu des nouvelles règles, un calcul rapide nous permet de constater qu'il suffirait de 6 000 inscriptions d'individus en faveur d'une option pour que la somme de ces contributions individuelles excède tout le budget global d'un comité, soit à peine 0,12 % des électeurs. À lui seul, ce chiffre illustre combien le seuil de 1 000 $ est raisonnable.

Mais, plus important, puisque nous ignorons complètement l'impact réel de cette ouverture et qu'il est bien difficile de prédire combien d'individus se prévaudront de ce nouveau droit, le gouvernement, soucieux d'assurer une égalité de participation et d'influence entre les tenants de chaque option, a choisi de soumettre à l'Assemblée nationale un mécanisme destiné à permettre un rééquilibrage des forces en présence et ainsi éviter tout dérapage.

Je sais que ce mécanisme a été soumis pour étude au comité consultatif et qu'il a fait l'objet de beaucoup de discussions. Je sais également que, pour l'instant, il n'y a pas véritablement de consensus à cet égard, chacun des participants ayant demandé de bien en évaluer les pour et les contre avant de l'introduire définitivement dans la loi. Si nous l'avons inclus dans le projet de loi, c'est essentiellement pour des fins de discussion et d'analyse, et à cet égard le point de vue de l'opposition officielle et du député de Rivière-du-Loup seront déterminants.

J'aimerais cependant apporter, à ce stade-ci, une précision par rapport à ce que j'ai pu lire dans les journaux. Ce mécanisme de rééquilibrage ne prévoit pas une nouvelle contrepartie ou un nouveau déboursé de fonds publics. C'est uniquement le plafond des dépenses autorisées du comité défavorisé qui serait haussé afin de lui permettre, dans la mesure de ses moyens, de maintenir un niveau d'équilibre avec les moyens financiers investis en faveur de l'autre option.

Cela résume, M. le Président, les aménagements que le législateur est prêt à faire pour se conformer au jugement de la Cour suprême eu égard à la Loi sur la consultation populaire.

En ce qui a trait à la Loi électorale et à la Loi sur les élections et référendums dans les municipalités, les modifications se ressemblent sensiblement, notamment en ce qui a trait à la mécanique d'autorisation et aux engagements que devront prendre ceux qui veulent effectuer des dépenses pendant une campagne électorale.

Ainsi, un électeur ou un groupe d'électeurs pourra engager des dépenses de publicité n'excédant pas 300 $ pour faire connaître son opinion sur un sujet d'intérêt public ou prôner l'abstention ou l'annulation du vote. À ce 300 $ s'ajoutera une nouvelle possibilité analogue à celle déjà existante lors d'un référendum, soit la possibilité de dépenser 200 $ pour la tenue d'une réunion. C'est donc, si vous faites le calcul, un montant maximal de 500 $ qui pourra être dépensé dans un contexte électoral.

Plusieurs motifs devraient conduire le législateur à considérer ce montant de 500 $ comme suffisant. Je les expose rapidement car, à n'en point douter, les tribunaux auront à en tenir compte.

La Cour suprême, dans un contexte canadien, a indiqué que 1 000 $ serait un montant raisonnable. Contrairement à un référendum, les enjeux qui sont dans une élection se veulent locaux. Contrairement à un référendum, les principales dépenses autorisées sont faites par un candidat et beaucoup plus limitées: on parle entre 30 000 $ et 50 000 $, dépendant des municipalités.

Les circonscriptions québécoises sont moins populeuses que les circonscriptions fédérales: 125 comtés dans l'ensemble du Québec contre 75 comtés au niveau du fédéral.

Contrairement au référendum, dans une élection, les électeurs qui souhaiteraient engager des dépenses plus importantes peuvent ou, devrais-je dire, n'ont qu'à se présenter candidats. La procédure est simple. Ils pourront alors dépenser entre 30 000 $ et 50 000 $. Par ailleurs, ils peuvent aussi former un nouveau parti politique. Dans les deux cas, la procédure est ouverte à tous.

À ces arguments s'en ajoutent quelques autres qui valent tant pour la limite de 1 000 $ en contexte référendaire que pour celle de 500 $ en matière électorale.

D'abord, on peut déjà anticiper que les adversaires des nouvelles dispositions invoqueront que la nouvelle limite de dépenses aurait dû être fixée à 3 000 $, soit l'équivalent de ce qui est permis à un électeur de contribuer en vertu de la loi. Ils soutiendront que ce n'est là que pure équité et que la loi est discriminatoire. Ce raisonnement, à première vue, semble impeccable, mais il prend bien soin de confondre dépenses électorales ou référendaires et contributions, M. le Président, à un parti politique et, en même temps, de mélanger donc des pommes avec des oranges. Je l'ai déjà dit, et il faut le répéter, que ce soit en campagne référendaire ou électorale, les dépenses autorisées des belligérants sont limitées à 1 $ par électeur.

Le législateur a toujours distingué le plafond des dépenses des règles entourant les contributions à des partis politiques. Ces dernières, d'ailleurs, n'existent que depuis 1977, alors que la limitation des dépenses en période électorale est un principe qui existe depuis 1963. D'ailleurs, les raisons qui sous-tendent ces deux principes sont complètement différentes. Le plafond des dépenses est fixé à partir d'une norme autonome, objective, fixe et égale pour tous: 1 $ par électeur; d'aucune manière il ne tient compte de la capacité de payer ou de contribuer des partisans d'une option ou d'un parti. Cette norme vise à empêcher qu'un soutien financier massif n'influence le résultat d'un scrutin. Quant à la limite imposée aux contributions, elle vise à empêcher qu'un soutien financier massif n'influence l'intégrité décisionnelle des élus ou de l'administration. Elle a pour objet d'empêcher que les politiciens ne soient pris en otages par le pouvoir de l'argent de quelque contributeur.

Vouloir faire équivaloir les deux limites sans considérer leur différence d'objet conduit à des absurdités. Si, au nom de l'égalité, les tribunaux décidaient que le montant maximal des dépenses autorisées à un individu s'élève à 3 000 $, le contributeur de 3 000 $, en vertu de ce même principe, devrait pouvoir exiger que sa contribution soit entièrement dépensée, égalité oblige. Dans un scénario qui va être théorique, vous en conviendrez, mais quand même logique au plan du droit, si quelque 2 000 000 de supporteurs du Oui au dernier référendum contribuaient 3 000 $ chacun, comme c'est leur droit, et exigeaient qu'il soit dépensé entièrement, le budget autorisé du camp du Oui grimperait alors à la somme astronomique de 6 000 000 000 $. C'est la même chose, bien entendu, pour l'autre parti au niveau du Non. Transposé dans l'élection partielle en cours – d'Argenteuil – exiger l'égalité signifierait alors que les candidats ne disposent que de 48 548 $ pour leur élection, qu'ils pourraient faire face à des dépenses théoriques de 145 644 000 $ visant à les défavoriser. Ou, vu d'un angle plus réaliste, alors que le candidat devra convaincre environ 50 % des 48 000 électeurs de voter pour lui avec un budget équivalent, 17 électeurs seulement, dépensant chacun 3 000 $, disposeraient de moyens financiers plus importants que le candidat lui-même. Donc, placés dans cette perspective, les montants de 1 000 $ en campagne référendaire et de 300 $ en campagne électorale apparaissent non seulement raisonnables, mais comme un maximum absolu que le législateur voudra permettre.

Ultimement, M. le Président, il faut bien se rendre compte que la liberté d'expression n'était pas bâillonnée au Québec; il faut, dans ce cas-là, garder le sens de la mesure. Rien dans la loi antérieure, avant le jugement, n'interdisait à quiconque de faire une conférence de presse ou d'intervenir dans une campagne de quelque manière, pour autant qu'il n'engageait pas de dépenses. On pouvait donner des entrevues, écrire aux journaux, faire toutes les lignes ouvertes que l'on voulait. Cette interdiction d'engager des dépenses ne valait que pour une trentaine de jours. Absolument rien n'empêchait quiconque de se payer, aujourd'hui ou demain, une pleine page de publicité. Un individu ou un groupe pouvait dépenser jusqu'à 10 000 000 $, s'il le désirait, pendant les 330 autres journées de l'année.

Finalement, je conclurai ce chapitre ainsi. C'est parce que le gouvernement a l'intime conviction que la solution proposée est conforme à la lettre et à l'esprit du jugement de la Cour suprême qu'il a choisi de ne pas utiliser la clause dérogatoire. Nous sommes bien conscients que la loi sera contestée de nouveau; on nous l'a dit en commission parlementaire. Plan B oblige. Mais le gouvernement refuse le piège grossièrement tendu qui vise à discréditer nos outils démocratiques. Nous avons la certitude d'avoir trouvé le délicat équilibre malgré, et je le dis franchement, que le gouvernement aurait préféré le maintien des dispositions actuelles. Voilà donc d'autres mesures, M. le Président, qui visent à prévoir l'intégrité de nos lois.

Je n'apprendrai rien à personne en cette Chambre si je vous dis que la dernière campagne a été âprement livrée. La campagne a été dure de part et d'autre, les accusations concernant ces choses, et il s'en est suivi que notre loi référendaire a été passablement malmenée. Je vous dirai, M. le Président, que je parle à ce moment-là de la décision référendaire de 1995. Les bulletins de vote rejetés dans Chomedey, les voteurs illégaux à Bishop, la Marche de L'amour et les opérations d'Option Canada, le vote des électeurs hors Québec sont autant d'incidents qui ont ébranlé la confiance de nos concitoyens et de nos concitoyennes, et ce, peu importe leur opinion.

(12 h 20)

Le projet de loi n° 450 introduit un ensemble de mesures destinées à restaurer la crédibilité et l'intégrité de la loi. Je pourrais longuement épiloguer sur l'épisode des votes rejetés dans Chomedey, sur le ton des attaques et des insinuations du député. Malheureusement, je ne puis le faire aujourd'hui puisque la cause des gens qui ont été complètement disculpés a été portée en appel. Je parle des deux scrutateurs qui ont été disculpés. Mais, la cause ayant été portée en appel, je n'en parlerai pas. Cependant, puisque cela est public, j'ose inviter tous les membres de cette Assemblée à prendre connaissance du jugement de première instance.

Ayant dit cela, M. le Président, et peu importe à qui l'on doit décerner les torts, à tout le moins au niveau des apparences, le résultat référendaire a été entaché. C'est pourquoi, au-delà de la rhétorique, dans toutes les élections partielles qui ont suivi le référendum, à l'instigation du gouvernement, le bulletin de vote de type belge a été utilisé sur une base de projet-pilote. Donc, depuis qu'il y a eu le référendum, dans les élections complémentaires qui ont suivi, on a utilisé le bulletin belge.

Ce bulletin, parce que le cercle où l'électeur doit marquer son choix est si petit, a pour objet d'enlever pratiquement toute discrétion au scrutateur. En effet, il devient impossible, du moins dans le cercle, d'indiquer son vote à l'aide d'une marque distinctive. Le projet de loi n° 450 vise à rendre permanente l'utilisation de ce bulletin de vote. Et, entendu au comité consultatif qui est sous la responsabilité du Directeur général des élections, c'est une décision unanime. Il s'agit donc d'une amélioration importante.

Le droit de vote est sacré, et vous le savez. C'est un droit sacré. Non seulement ceux qui ont la qualité d'électeur devraient pouvoir voter, mais chaque électeur a le droit d'être sûr que son vote ne se trouve pas annulé par quelqu'un qui vote à sa place et en son nom. Il est vrai que notre système électoral a toujours été basé sur la bonne foi quant à l'exercice du droit de vote. D'aucuns prétendraient qu'il n'a jamais existé de système de contrôle visant à s'assurer que l'électeur qui vote est le bon. Cela est inexact.

Le système que nous connaissons aujourd'hui se voulait un système de contrôle. C'est tout simplement qu'il n'est plus adapté à la réalité d'aujourd'hui. Jadis, la présence d'un scrutateur et d'un secrétaire du parti opposé, la présence d'un représentant étaient amplement adéquates. Tout le monde se connaissait. L'urbanisation, l'isolement dans les grandes villes, l'individualisme et surtout la mobilité accrue des familles québécoises – on parle de déménagements approximatifs au Québec d'environ 1 000 000 de personnes chaque année – ont rendu ce garde-fou totalement désuet, sauf peut-être pour les petites communautés.

Y a-t-il des milliers de télégraphes, comme on appelait ça? Nous l'ignorons et nous ne le saurons jamais, puisque, à moins de se présenter pour voter, il est impossible de savoir si quelqu'un a voté en son nom. Mais chacun a entendu ces histoires d'horreur. En cas semblable, l'apparence est aussi dévastatrice que dans le cas des bulletins de vote rejetés. D'aucuns le prétendront en disant: Il y a des morts dans le cimetière qui ont voté.

Afin d'enlever tout soupçon et afin de maintenir la confiance à un degré maximal, le projet de loi n° 450 prévoit que, pour voter, l'électeur devra présenter sa carte d'assurance-maladie, son permis de conduire, son passeport ou son certificat de citoyenneté. Par ailleurs, celui qui n'a pas l'une de ces cartes pourra quand même être admis si un autre électeur qui les possède peut attester de son identité. J'ajouterai, puisque c'est là une des craintes de la Commission d'accès, qu'il sera interdit à quiconque de prendre en note quelque information provenant de ces cartes. Tout ce que l'on veut, c'est voir la figure de la personne par rapport à la personne qui vient voter.

Est-ce là une mesure déraisonnable aujourd'hui? Non, nous ne le croyons pas. Au contraire, il s'agirait plutôt de la moindre des choses pour l'exercice d'un droit aussi important que celui de voter. Les citoyens présentent une carte pour louer un film vidéo, pour monter dans l'autobus, pour encaisser un chèque, et il serait abusif de demander une carte pour voter, M. le Président? Non. D'ailleurs, les sondages démontrent très bien que les Québécois et les Québécoises sont majoritairement favorables à l'idée de s'identifier pour voter, tel qu'en fait foi un sondage Léger & Léger où 89 % se sont dit d'accord avec cette proposition.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, le déroulement du vote hors Québec a soulevé d'innombrables questions, notamment à cause des inscriptions massives. C'est encore aujourd'hui la seule façon que l'on peut voter sans qu'aucun des deux partis politiques ne puisse réviser la qualité d'électeur d'une personne. Cela a accentué la méfiance à l'endroit de ce processus. En conséquence, le comité consultatif a convenu à l'unanimité d'introduire une nouvelle commission de révision pour le vote hors Québec. Le projet de loi n° 450 vise également à réaménager certaines dispositions pénales visant à contrer deux phénomènes.

Ensuite, nous souhaitons que personne ne puisse bénéficier de dépenses illégales. Il va sans dire, M. le Président, que, si l'opposition officielle ne digère pas l'épisode de Chomedey, de ce côté-ci, on a encore frais à la mémoire des centaines de millions dépensés illégalement dans le cas du «love-in» de Montréal, et surtout que les principaux ténors du Non s'y soient associés. Il ne s'agit pas de refaire le procès ici – d'ailleurs, les plaintes ont été abandonnées dans la foulée du jugement Libman – seulement, le gouvernement souhaite qu'une telle situation ne se reproduise plus. Je pense que la population du Québec aussi le souhaite. Il semble que cela est normal et loin d'être abusif.

Il s'agit de lire un article, qui est l'article 265 de la Loi électorale fédérale, pour s'en convaincre. Que dit-il? «Quiconque n'est ni citoyen canadien ni résident permanent ou ne réside pas au Canada, dans le but de faire élire un candidat, fait campagne, sollicite des votes ou, de quelque manière, incite les électeurs à voter pour un candidat lors d'une élection ou à s'abstenir de voter est coupable d'infraction.» Et c'est les lois refondues fédérales qui en font foi.

M. le Président, le projet de loi n° 450 contient aussi d'autres mesures, qui ont fait consensus, qui ont été adoptées par le Comité consultatif. Je me contenterais, à ce stade-ci, de simplement les énumérer, puisque nous aurons tout le loisir d'en discuter longuement en commission parlementaire: d'abord, l'inscription automatique des jeunes de 18 ans et des nouveaux citoyens, en vertu de l'entente qu'il y a avec le fédéral sur la liste électorale permanente fédérale, où les gens, au moment où ils obtiennent leur citoyenneté, sont inscrits automatiquement; l'accessibilité accrue pour les personnes handicapées; le remboursement des dépenses électorales fixé à 10 % du vote; l'introduction de nouvelles règles concernant l'affichage et de nouvelles règles permettant aux candidats indépendants de solliciter et de recevoir des dons.

En conclusion, M. le Président, je dirai que la majeure partie des dispositions ont fait l'objet d'un consensus au comité technique et au Comité consultatif. Je souhaite ardemment que nous poursuivions dans la même veine. Le gouvernement a fait de nombreux compromis et s'est montré responsable. Je sais que l'opposition aurait préféré ne pas voir certaines dispositions, mais je pense que, si l'on veut renouer avec la tradition d'adopter les projets de loi électoraux à l'unanimité, il appartient à chacun d'y mettre du sien et de faire les compromis nécessaires. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laurier-Dorion.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. M. le Président, il est intéressant de voir le ton qu'emprunte le ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire quand il aborde toute la question des suites à donner au jugement de la Cour suprême. Et ça vaut la peine de prendre quelques minutes pour parler du pourquoi on a ce projet de loi qui est devant nous.

M. le Président, le ministre délégué à la Réforme électorale et parlementaire en a glissé quelques mots, on se rappellera qu'il s'agit de donner des suites à un jugement qui avait été rendu par la Cour suprême suite à une plainte déposée au moment du référendum de 1992 par M. Robert Libman, qui se trouvait, par la loi référendaire québécoise telle qu'elle était, obligé de faire campagne pour le Non, dans ce temps-là, à côté de M. Jacques Parizeau qui, lui aussi, faisait campagne pour le Non, mais pour des raisons complètement différentes. Il s'avérait, à sa face même, que M. Libman, qui était à ce moment-là membre du Parti Égalité, avait un certain problème à se trouver sur les mêmes tribunes que quelqu'un qu'il considérait comme un opposant sur la plan électoral, mais que la loi référendaire l'obligeait à considérer comme un allié.

Et il s'est adressé aux tribunaux, M. le Président. Il a dit: Ça n'a pas de sens, ça me brime dans mes droits d'expression et d'association, et je ne veux pas être obligé, par une loi, de m'associer avec des gens avec lesquels je n'ai aucune commune mesure de collaboration et d'allégeance, surtout sur une question d'une si grande importance qu'une question référendaire qui touchait l'avenir du Québec et du Canada.

(12 h 30)

La Cour suprême a délibéré à la suite de deux autres cours qui ont regardé ça. Et la Cour suprême a ultimement décidé qu'effectivement la loi québécoise, telle que rédigée, avec les dispositions obligeant les personnes à s'associer dans un des deux comités nationaux et le fait de limiter la possibilité pour les gens non affiliés de dépenser quelque sou que ce soit pour exprimer leur opinion sur cette question, brimait la liberté d'expression.

Jugement important, loi très importante également, au coeur du processus démocratique, on en convient. On parle de la loi qui régit le comment de la tenue d'élections ou de référendums, d'un référendum dans ce cas-là. Et on parle du plus haut tribunal du pays, M. le Président, des juges qui ont une longue expérience, qui ont une vue d'ensemble, qui peuvent prendre le temps de délibérer calmement, avec toutes les expertises nécessaires, avec les références qui leur sont faites et les soumissions qui leur sont faites par les différents camps, etc. C'est sur quoi repose notre système démocratique, normalement, la distinction entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire et, ultimement, quand il y a litige et que ça a fait toutes les démarches, c'est à la Cour suprême du pays de trancher. La Cour suprême a tranché, avait tranché. On se rappelle, ça date de quelques mois. C'était au mois d'octobre, si ma mémoire est bonne, passé. Et quelle a été la réaction du ministre qui aujourd'hui nous parle avec le ton qu'il utilise, de celui qui n'est pas ici aujourd'hui? Et je reviendrai sur cette question dans deux secondes, parce que c'est important aussi de rappeler que le ministre responsable de la Réforme électorale n'est pas ici pour présenter et défendre le projet de loi parce qu'il est retenu ailleurs, j'en conviens, parce qu'il a d'autres obligations ministérielles, avec les autres chapeaux qu'il porte. Ce n'est pas ça, le but de mon point, mais j'y reviendrai.

Quelle a été la réaction des ministres du gouvernement, M. le Président? Est-ce que c'était de dire: Mon Dieu! c'est assez important comme jugement, c'est une pièce centrale de notre processus démocratique, il faut qu'on regarde ça, il faut qu'on analyse ça, il faut qu'on protège la démocratie? Pas du tout, pas du tout. La première réaction non pas d'un, mais de deux ministres, celui des Affaires intergouvernementales – puis on comprendra bien pourquoi ils ont réagi comme ça dans quelques minutes – leur réaction était de sortir avec hystérie sur la place publique pour déchirer leur chemise, pour dire: Ça n'a pas de bon sens, la Cour suprême du Canada, la tour de Pise, cette institution qui nous brime, cette institution qui est toujours contre nous, vous nous enfoncez dans la gorge un jugement contre notre loi référendaire que nous avons adoptée, qui a été inspirée par René Lévesque. Ne touchez pas à ça, ça va être la clause «nonobstant» qu'il faut utiliser. Mais c'est quoi, la clause «nonobstant»? C'est ça qu'ils ont dit, tous les deux, le ministre responsable de la Réforme parlementaire et le ministre des Affaires intergouvernementales, M. le Président.

Et c'est quoi, la clause «nonobstant»? La clause «nonobstant», un instrument qui permettrait à un gouvernement, en dépit d'un jugement quelconque, de garder la loi qui est ainsi contestée par le jugement telle quelle. Ça peut être utile pour certains items non – comment je dirais – essentiels au coeur du processus démocratique. Ça peut être utile et ça a été même utilisé par d'autres gouvernements, dont le nôtre quand on était au pouvoir pour, par exemple, la loi 178. Pour un temps limité, on a décidé – parce que la clause «nonobstant», elle dure cinq ans – d'utiliser la clause «nonobstant» pour la question de l'affichage afin de donner le temps de trouver un consensus, qui a été retrouvé par la suite avec la loi 186, sur la question linguistique, qui est aujourd'hui d'ailleurs bousillée par les messages contradictoires du premier ministre sur la question linguistique et ses ministres responsables de la langue. Et c'est pour ça qu'on a une petite résurgence de tension linguistique. Ça a été utilisé une fois dans ce contexte-là et, si ma mémoire est bonne, peut-être une autre fois sur une question assez technique au niveau des commissions scolaires.

Mais jamais, M. le Président, ça n'aurait été pensable d'utiliser la clause «nonobstant» pour empêcher l'application d'un jugement de la Cour suprême qui disait que la loi référendaire restreignait la liberté d'expression dans un processus démocratique. Pourtant, c'est exactement ce que les deux ministres réclamaient avec des cris qui faisaient penser que, Mon Dieu! il y avait quelqu'un qui mourait, qui était torturé, puis je ne sais pas trop quoi. Pourquoi? Parce que, M. le Président, la tactique constante de ce gouvernement, et même les lois référendaire et électorale ne sont pas à l'abri de cette façon de faire, c'est de toujours ne pas oublier que leur seul et unique objectif comme parti, c'est de promouvoir la souveraineté et la séparation du Québec. Alors, quand on a l'occasion qui se présente d'attaquer la Cour suprême du Canada, poussons de hauts cris, faisons croire aux gens qu'il y a un meurtre qui est en train d'être commis, faisons croire aux gens que le Québec est en train d'être opprimé dans ses libertés, faisons croire aux gens que les méchants Canadiens de l'autre côté, les juges nommés par les autres, six sur les neuf, sont en train de nous enfoncer dans la gorge des choses complètement inacceptables. Crions fort. Crions beaucoup. Crions, avec le spectacle dont on sait capable le ministre des Affaires intergouvernementales, et avec la déchéance qu'on connaît... la capacité de l'autre ministre de s'emporter, M. le Président.

Et c'est ce qu'ils ont fait le premier jour, la deuxième journée. Ils ont continué comme ça. Même les observateurs les plus neutres, ceux qu'on ne peut pas accuser d'être très libéraux, trouvaient, M. le Président, que ça n'avait pas de bon sens. Et ça a persisté, parce que la tactique, c'est de créer cette impression, même si après... aujourd'hui, huit mois plus tard, tranquillement, sur un ton doux, sans trop de «je m'excuse», les gens viennent dire: Bien, vous savez, le jugement de la Cour suprême, il faut le respecter; on donne suite. On n'utilise pas la clause «nonobstant», parce qu'on pense que ce qu'on a comme amendement répond au jugement. Tandis qu'il y a huit mois on disait: Il ne faut pas répondre au jugement, c'est la tour de Pise. On se rappelle même la campagne de la tour de Pise! On se rappelle de ça également, M. le Président.

Alors, quelle incohérence dans les attitudes, pour ne pas utiliser des mots que sûrement vous ne me laisserez pas utiliser, M. le Président. Ça commence avec un «h», par contre. Et cette façon de faire met en doute un peu cet appel qui est fait par le ministre d'essayer de retrouver, et je le cite: de retrouver la crédibilité perdue par la population dans la Loi électorale. Et ça va être une des considérations tout le long de nos interventions.

Comment effectivement retrouver cette crédibilité? Parce qu'elle a été entachée. Il y a beaucoup de personnes qui ont eu de sérieuses questions suite à tout ce qui s'est passé. Et, M. le Président, la seule façon de retrouver cette crédibilité-là, c'est de retrouver la façon de travailler qui a toujours caractérisé les amendements à nos lois référendaires, électorales: trouver le consensus essentiel, à l'Assemblée nationale, entre le gouvernement et l'opposition pour les modifications.

Il n'est pas possible, M. le Président, de restaurer cette crédibilité-là si on voit qu'un gouvernement est même prêt à reculer sur un aspect sur lequel il avait déchiré sa chemise, la clause «nonobstant», pour profiter de la nécessité de faire les amendements nécessaires pour donner suite au jugement afin de passer d'autres items auxquels seul le gouvernement tient.

Alors, comment voulez-vous qu'on restaure la crédibilité du processus et de la Loi électorale si le gouvernement utilise les consensus établis pour passer autre chose? Comme l'a bien dit le ministre au début de son intervention, il y a en fait trois items ou trois principes ou trois blocs dans ce projet de loi. Il y a le bloc «suites à donner au jugement de la Cour suprême»; sur ça, on est très heureux de voir que le gouvernement a décidé d'adopter la position du Parti libéral. Bravo! Pour une fois, vous avez vu juste. Vous vous êtes rendus compte que vos réactions étaient sans aucun fondement, n'avaient pas de sens et vous avez ramené vos deux ministres à l'ordre.

Et quelqu'un quelque part a dit: Écoutez ce que le Parti libéral proposait dès la première journée, quand on disait: Lisez bien le jugement, le jugement met en valeur la loi référendaire, il améliore la loi référendaire, il s'assure que c'est une loi qui est vraiment centrale pour assurer la qualité de notre démocratie; lisez-le bien, le jugement, arrêtez d'utiliser la Cour suprême pour vos fins partisanes. Alors, après le spectacle qui a été donné, on arrive, huit mois plus tard, avec un gouvernement qui, sur le volet «suites à donner au jugement de la Cour suprême», adopte presque de A à Z la position du Parti libéral du Québec.

(12 h 40)

Il est évident, M. le Président, qu'on est d'accord. On est d'accord et on aurait pu s'épargner toute la chicane, la chicane sur le dos de la Cour suprême, qui ne faisait que servir un objectif stratégique pour le Parti québécois. Et on aurait pu commencer il y a huit mois à recrédibiliser la loi que le ministre nous dit aujourd'hui, avec le ton qu'il emploie, qu'il faut crédibiliser. On aurait pu commencer il y a huit mois à le faire. Mais ce n'est jamais trop tard sur ce point-là, M. le Président. Et on accepte avec plaisir de voir le gouvernement adopter notre position pour ce qui est des suites à donner au jugement de la Cour suprême. Bravo! Félicitations! Continuez à le faire comme ça, parce que l'intendance que vous gardez pour l'instant... Il faudrait bien que vous empruntiez nos politiques pour qu'on puisse réellement les appliquer une fois que vous aurez le courage d'appeler des élections, M. le Président!

Une voix: On verra.

M. Sirros: Effectivement, on verra. Mais ce serait le temps que vous commenciez à penser, après près de quatre d'exercice du pouvoir avec un premier ministre qui n'a jamais été élu comme premier ministre.

Jamais été élu comme premier ministre, M. le Président. Ce serait le temps. Mais ce n'est pas là le but de mes propos aujourd'hui. L'essentiel de mes propos aujourd'hui va porter sur cette façon de se comporter que démontre le gouvernement dans les lois référendaires et électorales.

Alors, premier bloc, dans ce projet de loi, les suites à donner au jugement. On est d'accord, pour l'essentiel. Il y a un petit bémol à apporter. Je pense que le ministre l'a souligné, il a dit qu'on a mis dans le projet de loi un élément sur lequel le lit n'est pas fait, semble-t-il, un mécanisme de rééquilibrage, un mécanisme, d'ailleurs, que le Parti libéral du Québec avait proposé dans son mémoire lors de la commission parlementaire mais qui, après mûre réflexion et après avoir écouté d'autres arguments de part et d'autre, nous a amenés à nous questionner et à dire: Peut-être qu'il faut être prudent parce que ça ouvre la porte, ce mécanisme de rééquilibrage, à la possibilité pour un côté comme pour l'autre d'envoyer des gens s'inscrire avec le but avoué de dépenser jusqu'à 1 000 $, à l'autre comité, qu'ils ne dépenseront jamais, afin que le premier comité qui les a peut-être envoyés là se voie bénéficier d'une augmentation du plafond de dépenses de 50 %... de ce pourquoi les gens ont inscrit leur intention dans l'autre sens.

On se dit, M. le Président, comme ce phénomène, normalement, devrait être marginal, au niveau de l'expression des gens supplémentaires, qu'il n'est peut-être pas nécessaire de prendre ce risque d'avoir un projet de loi qui permettra ou qui sera comme une invitation peut-être à des gens de faire ce genre de tour de passe-passe. On pourrait voir. De toute façon, il n'y a pas de référendum à l'horizon, M. le Président; on verra. Si le gouvernement veut discuter davantage en commission parlementaire, on peut le faire, mais, à première vue, il nous semble que ce serait un risque dont on pourrait se passer. On pourrait tester la chose avec le temps.

Cela étant dit, sur ce premier volet, donc, de trois que comporte ce projet de loi, on est d'accord. Il y a, après, une série de 15 items qui ont fait l'objet de discussions assez longues et détaillées depuis au moins un an, des fois un an et demi, au sein du Comité consultatif qui existe pour consulter auprès du Directeur général des élections quant aux aménagements à faire à l'intérieur de la Loi électorale.

D'ailleurs, s'il existe un tel comité, M. le Président, qui permet aux partis représentés à l'Assemblée nationale de se rencontrer avec le Directeur général des élections, de discuter des amendements que de part et d'autre on voudrait voir apportés dans la Loi électorale pour essayer de dégager des consensus afin d'arriver ici, en Chambre, avec les amendements qui découlent de ces consensus, c'est parce que, encore une fois, la façon de protéger la crédibilité de notre Loi électorale et de notre loi référendaire, c'est de s'appuyer sur les consensus du Comité consultatif.

Il est sûr que le ministre va me dire: Oui, mais ça donne une arme à l'opposition qui ne veut pas voir quelque chose, puis ils ont juste à bloquer le consensus. Il se peut, M. le Président, qu'il y ait des choses sur lesquelles l'opposition et le gouvernement divergent d'opinions, mais une chose est certaine, c'est que, quand on ne diverge pas d'opinions, quand, de part et d'autre, les deux grands partis représentés ici, à l'Assemblée nationale, se mettent d'accord sur quelque chose, c'est la garantie que ça rencontre l'essentiel de ce que souhaite l'ensemble de la population du Québec, dans une loi aussi fondamentale que la Loi électorale ou la loi référendaire.

Je vous rappelle encore une fois que ce ne sont pas là des lois qui appliquent un programme d'un parti politique; ce sont deux lois qui mettent la table pour que le débat démocratique puisse se faire, afin que un ou l'autre des partis puisse gagner le pouvoir et appliquer son programme. Donc, il est essentiel que les règles qui régissent ce débat, ce processus démocratique, fassent l'objet d'un consensus réel pour avoir la certitude que ce n'est pas le processus qui est remis en cause, M. le Président.

On se rappelle du bon vieux temps – ce n'était pas très bon, à mon point de vue, mais on l'appelle comme ça, semble-t-il – où les gouvernements décidaient tout seuls de la façon dont les territoires électoraux allaient être délimités. Alors, avant chaque élection, le gouvernement sortait de ses tiroirs la carte, la démographie, taillait des comtés sur mesure et disait: Tiens, ici, ça va être le comté Untel, parce qu'il savait qu'ici, selon la démographie, on pouvait gagner.

Il ne faut pas revenir à ce genre de chose là, M. le Président. Et je ne prétends pas que ce que le gouvernement propose de faire, c'est quelque chose qui ressemble à ça au niveau des circonscriptions électorales, mais le principe étant qu'à partir du moment où on a décidé de se donner un mécanisme qui a aussi un comité consultatif prévu à l'intérieur, c'est à partir de ce comité que devraient provenir les amendements à la Loi électorale.

Et la preuve que ça fonctionne, M. le Président, c'est que jamais, avant l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, depuis l'adoption de la Loi électorale et de la loi référendaire, jamais, à une exception technique près que je décrirai tantôt, il n'y a eu des amendements d'adoptés à la loi référendaire ou à la Loi électorale sans consensus. La seule fois où c'est arrivé, c'était... Il y a eu effectivement, à un moment donné, un bâillon du Parti libéral du Québec qui voulait abolir le recensement, qui allait coûter je ne sais pas combien de millions de dollars à trois ans d'une élection, où ce n'était manifestement pas nécessaire. N'ayant pas eu, à ce moment-là, l'appui de l'opposition pour sauver 15 000 000 $, le ministre du temps a décidé que, pour cette fois-là et strictement pour suspendre quelque chose qui était prévu dans la loi, non pas pour changer la loi, mais pour suspendre un élément d'application de la loi, il a utilisé le bâillon.

Depuis ce temps-là et depuis les quatre dernières années, il y a eu trois bâillons. Trois fois le gouvernement a utilisé le bâillon pour faire passer des amendements. Le gouvernement a beau dire, sur la loi 40, que l'opposition était farouchement contre, etc., il n'avait qu'à se prendre plus de bonne heure ou permettre la discussion même après pour qu'on puisse arriver ultimement à un consensus sur ça, parce que jamais l'opposition n'avait remis en question la nécessité d'avoir une liste permanente électorale . On avait beaucoup, beaucoup, beaucoup à dire sur le comment ça allait se faire.

Et, d'ailleurs, plusieurs de nos craintes à ce moment-là s'avèrent aujourd'hui véridiques. Même du côté ministériel, il y a plusieurs députés qui commencent à se poser la question sur l'exactitude de la liste, la façon dont l'arrimage est fait entre l'assurance-maladie et le Directeur général des élections. Tous des points qu'on avait soulevés, y inclus tout le débat à ce moment-là, M. le Président, sur l'identification de l'électeur au moment de son inscription sur la liste. Et je vois que ça, c'est un os que le gouvernement ne lâche pas; il veut revenir aujourd'hui avec un autre élément sur l'identification de l'électeur. Il faut donc se poser la question: Pourquoi cette détermination de faire quelque chose de plus contrôlant, de plus... en tout cas, contrôlant, je me limiterai à ça, sans utiliser d'autres mots pour l'instant, M. le Président. Pourquoi? Je vais revenir sur ça.

Mais, avant d'y aller sur les points qui ne font pas l'objet d'un consensus et après avoir dit que le premier volet de la loi «suites au dernier jugement de la Cour suprême» – comme c'est notre position qui a été adoptée, il est évident qu'on est d'accord – il y a eu aussi, dans les discussions avec le Comité consultatif, 15 items qui ont fait l'objet d'un consensus, sur lesquels nous étions capables de nous entendre, sur lesquels on a dit, de part et d'autre, qu'il faudrait changer ça dans notre loi.

(12 h 50)

Il faudrait changer, M. le Président, par exemple, il faudrait abolir l'obligation de tenir une élection partielle lorsque la vacance survient dans la dernière année du mandat. Problème! Des fois, il y a des vacances qui arrivent au niveau des sièges ici, à l'Assemblée nationale, un, deux, trois, quatre, cinq députés quittent leur siège, c'est à la fin du mandat, après la quatrième année, entre la quatrième et la cinquième année, qui est l'ultime limite – ce sur quoi semble vouloir s'accrocher le gouvernement, mais, en tout cas, ça, c'est un autre débat – et ça entraîne des dépenses. Et, avant que le député ainsi élu ait l'occasion de venir siéger en Chambre, se connaître dans ses dossiers, etc., il y a une autre élection générale où encore une fois il se présente, et encore une fois ça entraîne des dépenses. À sa face même, il fallait faire quelque chose.

On était capable, de part et d'autre, de s'entendre, parce que, tous les deux, sur ça, on était soucieux de protéger les citoyens des dépenses inutiles, de s'assurer qu'il y aura une représentation effective des gens qui sont représentés à l'Assemblée nationale. On s'est mis d'accord, pas de problème.

On a modifié les heures d'ouverture des bureaux de révision. Si ma mémoire est bonne, on a élargi l'accès aux citoyens pour les bureaux de révision. On s'est mis d'accord. On a élargi la clientèle admissible au choix de l'article 3, la possibilité d'avoir une résidence temporaire autre que celle où c'est normal – et c'est le cas pour les personnes âgées, les travailleurs, les étudiants.

On s'est mis d'accord sur une certaine série d'autres choses. On a adopté le bulletin de vote type belge. Et, ici, je vais m'arrêter, parce que j'ai vu une astuce du ministre, qui disait: Tiens, dans la fraude électorale présumée dans le comté de Chomedey... Je lui fais rappeler que ce n'était pas seulement dans le comté de Chomedey; il y en a eu dans mon comté, il y en a eu dans le comté de Marquette, il y en a eu pour 80 000 bulletins rejetés, oui, il y a eu pour 80 000 bulletins rejetés, ce qui a sérieusement ébranlé la confiance d'une bonne couche de la population dans le processus. Là aussi, on s'est mis d'accord qu'il fallait faire quelque chose puis on s'est plus mis d'accord sur ce qu'il fallait faire. C'était évident qu'il fallait réduire la discrétion des scrutateurs, M. le Président, pour qu'ils ne puissent pas recevoir des instructions style: Écoutez, appliquer la loi de cette façon-là, c'est permis et ça a l'avantage d'éliminer des votes, parce que, dans certains comtés où on sait qu'à 90 % ils vont voter pour eux autres, on va annuler des votes. Le bulletin de type belge enlève cette discrétion, puis on s'est mis d'accord, de part et d'autre, sur la solution à ce problème.

Là le ministre dit: Bien, comme on s'est mis d'accord sur une solution pour un problème qui les concerne... Je ne sais pas pourquoi ça ne vous concerne pas. Ça ne vous concerne pas, vous, la qualité de la démocratie? Voilà. Alors, ça vous concernait assez pour proposer le bulletin de type belge. Ça devrait être conséquent dans votre logique pour aller un peu plus loin, puis vous dire que ça vous concerne aussi de protéger la qualité du consensus afin de trouver les solutions appropriées. Là le ministre nous arrive et il nous dit: Oui, mais, nous, on avait notre cause à nous... de l'influence indue, des gens qui influençaient trop à notre goût. Et, M. le Président, ils proposent des amendements – puis on va les voir plus tard – qui sont inopérables, qui n'ont qu'un but: donner un instrument d'intimidation au Parti québécois pour ce qui est des exercices référendaires. Ils veulent avoir un instrument dont ils savent qu'il sera dérouté par les tribunaux, mais, durant la campagne, ils veulent se servir d'une intimidation vis-à-vis de certains types de personnes, M. le Président. Inacceptable!

C'est une affirmation et non pas une accusation que je fais, suite à tous les échanges que nous avons eus, parce qu'il est impossible... et vous le savez fort bien. Et, quand vous arriveriez avec une solution qui aurait un but raisonnable, on serait d'accord. Et donc, c'est comme ça qu'on est d'accord avec un élément que vous proposez. Si quelqu'un fait de l'intimidation, M. le Président, si quelqu'un fait des menaces, ça devrait être illégal – je pensais même que c'était déjà illégal – pas de problème avec ça, M. le Président. Si on menace quelqu'un, il est évident que c'est illégal, dans le contexte démocratique. Mais allez me définir c'est quoi, l'influence indue! Le ministre a référé à la loi fédérale. Des fois, semble-t-il, ça fait leur affaire de dire: Hé! il y a des bonnes choses du côté fédéral, on va les utiliser quand ça fait notre affaire. Mais il n'a pas référé au bon article, parce qu'il y a l'article 253 qui parle de l'«influence indue», qui semble être l'article sur lequel est calquée la modification proposée par le gouvernement.

C'est marqué ainsi. À la marge, on nous indique qu'ici on parle de l'influence indue. Je vais vous lire l'article parce que c'est intéressant, parce qu'il y a une définition ici, en fait, de l'«influence indue». On dit: «Est coupable d'une infraction quiconque, par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse – astuce, ce serait notre langage québécois, semble-t-il, depuis l'arrivée du Parti québécois:

«a) soit force, incite ou engage quelque personne à voter ou à s'abstenir de voter à une élection;

«b) soit tente de faire croire à une personne que le scrutin ou le vote à une élection n'est pas secret.»

Nous, on n'a pas de problème avec ça, si c'est ça que vous voulez faire, si c'est comme ça que vous voulez définir l'«influence indue». Mais, vous, vous faites l'inverse. Vous mettez dans le corps de l'article la notion de l'influence indue et vous dites: Est passible d'une amende et est criminel – en tout cas, c'est un crime, c'est passible d'une amende – quiconque exerce une influence indue. Allez me définir c'est quoi. Je ne vous référerai pas aux audiences que nous avons eues, à l'avis du Congrès juif sur cette question-là, puis d'autres experts qui vous disent clairement: Il faut le définir, l'acte qu'on veut proscrire. Quand on parle d'intimidation ou d'influence indue, on ne peut pas ouvrir ça comme ça, à moins que vous n'ayez un agenda caché, à moins que vous vouliez profiter du fait que vous présentez toutes ces choses à l'intérieur d'un projet de loi qui, pour l'essentiel, dans 90 % des articles, trouve l'assentiment de l'opposition et établit le consensus qu'on a toujours utilisé pour modifier nos lois électorales. Pourquoi le faire comme ça? On se pose la question. Je pense que la réponse, quand on va creuser, elle sera claire.

Avant de suspendre – parce qu'on reviendra – la question de l'identification. Le ministre nous dit clairement: Il faut voir la face de la personne.

Une voix: Tout à fait!

M. Sirros: J'entends des cris, en arrière, de quelqu'un qui ne peut pas se contenir, qui me dit: Tout à fait! Est-ce que cette personne est d'accord avec le fait que vous mettez à risque, ce faisant, le vote de 180 000 personnes âgées qui n'ont pas de photo sur leur carte d'assurance-maladie et dont on ne pourra pas voir la face sur cette carte-là et qui, dans la plupart des cas, n'ont pas de licence, de permis de conduire?

J'ai ici les chiffres qui ont été fournis par l'assurance-maladie, M. le Président. Les clientèles exemptées de la photo et de la signature: ceux qui sont au Curateur public, 12 000; ceux qui sont hébergés et qui ont le droit de vote, 48 000 personnes n'ont pas de photo sur leur carte d'assurance-maladie; 75 ans et plus, 380 000. La moitié de ceux-là ont toujours la photo parce qu'ils ont fait la demande avant d'avoir 75 ans... Mais on parle déjà de 180 000, plus 48 000, ça fait 230 000. Et je continue: pour des raisons médicales, 13 000; dans les régions éloignées, 27 000; etc. Il y a plus que 250 000 personnes au Québec, pour l'essentiel, la clientèle des personnes âgées.

(13 heures)

Est-ce que c'est trop de soupçonner que vous faites un petit lien? Si c'est le cas, si c'est oui, M. le ministre, vous m'expliquerez après comment vous allez faire pour que ces gens-là puissent voter autrement que ce qui est prévu dans la loi. Parce que ce qui est prévu dans la loi est d'obliger ces personnes à se faire accompagner de quelqu'un qui, lui, a une carte, qui, lui, prête serment pour ça. Autrement, M. le Président, la seule autre façon de faire, c'est de prendre leur parole que c'est la personne qui est sur la carte d'assurance-maladie. Et, ce faisant, est-ce que le gouvernement ne crée pas deux catégories de citoyens? Ceux pour qui on doit exiger la photo et ceux pour qui on dit: Non, vous avez les mêmes droits que tout le monde, vous êtes comme tous les autres citoyens, mais, vous, on vous dispensera de ça? Alors, si c'est ça, c'est grave aussi, M. le Président, pour le principe de l'égalité des citoyens. Normalement, nos lois sont adoptées en fonction d'un traitement égal et pour tout le monde.

Je vous vois levé et je comprends que je dois arrêter ici pour qu'on puisse...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Aller dîner.

M. Sirros: ...aller dîner, oui. Alors, voilà.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il est 13 heures. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 4)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Asseyez-vous, s'il vous plaît.

Alors, nous reprenons nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer l'item à l'ordre du jour.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Puisque le député de Laurier-Dorion a demandé l'ajournement du débat sur le projet de loi n° 450, je vous inviterais à prendre en considération l'article 4 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 188


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, l'article 4. M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers. M. le ministre des Finances, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai d'abord une chose très importante à vous dire, qui est la suivante: l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et elle en recommande l'étude à l'Assemblée.

M. le Président, permettez-moi de rappeler d'abord les éléments de contexte et les principaux objectifs qui ont guidé la préparation du projet de loi n° 188. Le décloisonnement de la distribution des produits et services financiers est une tendance lourde partout dans le monde industrialisé. Par exemple, chez nos voisins du Sud, déjà une quarantaine d'États permettent la vente de produits d'assurance dans les banques. Il est impératif que le Québec continue à s'ouvrir sur le monde – notre économie est une des plus ouvertes: déjà à hauteur de 1 $ sur 2 $ de tout de que nous produisons est vendu à l'étranger – et que nous continuions à nous adapter aux grandes tendances qui sont celles de notre temps.

Le projet de loi n° 188 vise à mettre en place les conditions dans lesquelles nous voulons que la distribution des produits et services financiers se fasse. Et, si nous tardions davantage, ces conditions risquent de nous être imposées par d'autres, soit un autre Parlement au Canada ou soit tout simplement les tendances mondiales sur lesquelles nous perdrions tout contrôle.

Le projet de loi n° 188 vise à moderniser et à accroître les dispositions relatives à la protection du consommateur; c'est ce qui est central dans le projet. Le projet de loi vise aussi à mettre en place un nouveau cadre concurrentiel, moderne et équitable, qui assurera à long terme une offre diversifiée de produits et de services financiers. Le projet de loi vise enfin à simplifier le cadre réglementaire et à n'imposer que le fardeau réglementaire strictement nécessaire, de façon à permettre un fonctionnement efficace de cette importante industrie des services financiers et de l'assurance en particulier.

J'aimerais donc vous présenter les principaux paramètres du projet dont le nom au long est Loi sur la distribution de produits et services financiers. Comme ce nom l'indique, le projet a pour but de régir la distribution de certains produits et services financiers. La nouvelle loi remplacerait l'actuelle Loi sur les intermédiaires de marché. Les produits visés par le projet de loi sont les produits d'assurance et certains produits de valeurs mobilières, les plans de bourses d'étude, les contrats d'investissement et les parts de fonds commun de placement.

La loi régira aussi les personnes qui utilisent le titre de planificateur financier ainsi que les services offerts par les experts en sinistre. Les personnes physiques qui offrent ces produits et services sont désignées, aux fins du projet de loi, sous le vocable de représentants, ce qui ne les obligera pas à se présenter comme représentants auprès du public – on n'est pas en train de changer leur carte d'affaires. Les représentants devront détenir un certificat qui indiquera chacune des disciplines ou catégories de disciplines dans lesquelles ils sont autorisés à agir. Ils seront soumis à un ensemble de règles ayant essentiellement pour but de protéger le consommateur et portant sur les ventes liées, le contrôle des renseignements personnels, le double emploi, la divulgation des liens d'affaires, la divulgation d'informations aux clients et le partage des commissions.

Pour ce qui est de la planification financière, les membres de l'Ordre professionnel des avocats du Québec, de l'Ordre professionnel des notaires du Québec, de l'Ordre professionnel des comptables agréés du Québec, de l'Ordre professionnel des comptables généraux licenciés du Québec ou de l'Ordre professionnel des administrateurs agréés du Québec qui possèdent le diplôme de planificateur financier de l'Institut québécois de planification financière, tous ceux-là pourront utiliser ce titre sans être aucunement sujets à la loi, en autant que leur ordre d'origine aura conclu une entente avec l'organisme de supervision, le Bureau des services financiers. L'entente devra prévoir des règles de déontologie ainsi que des conditions d'exercice. De plus, l'assurance de responsabilité de l'ordre en question devra couvrir les gestes posés par ses membres qui utilisent le titre de planificateur financier.

Le projet de loi introduit aussi la notion et le concept de cabinet. Toute personne morale devra s'inscrire comme cabinet afin de pouvoir distribuer, par l'entremise de représentants, les produits et services financiers que ces représentants sont autorisés à offrir. Le cabinet veillera à la discipline des représentants par l'entremise de qui il agit. Le cabinet sera responsable du préjudice causé à un client pour toute faute commise par un de ses représentants, et toute transaction conclue avec un client devra identifier clairement le représentant et le cabinet responsables.

Par ailleurs, les représentants ne seront pas obligés d'être rattachés à un cabinet. Ils pourront adopter le statut de représentant autonome, et ces représentants autonomes pourront même se regrouper en sociétés. Donc, dans une très large mesure, ces représentants et sociétés autonomes seront soumis aux mêmes règles que les cabinets.

(15 h 10)

Le Bureau des services financiers que nous créerons deviendra l'organisme de réglementation et de surveillance de la distribution des produits et services financiers. Le Bureau sera une personne morale qui financera ses activités. Il sera dirigé par un conseil d'administration de 15 personnes, dont 10 seront nommées par le ministre et cinq élues par les représentants. Le Bureau réglementera et surveillera les activités des représentants et des cabinets, ainsi qu'éventuellement les titulaires de certificat restreint. Toutefois, la Commission des valeurs mobilières continuera d'adopter la réglementation des activités en valeurs mobilières. Le Bureau agira aussi comme centre d'information pour la population et comme guichet pour le dépôt des plaintes. Un mécanisme permettra aussi au Bureau d'informer les personnes concernées de l'existence de polices d'assurance-vie en cas de décès.

Le Bureau, par ses syndics, enquêtera sur les violations de la loi et de ses règlements. Le projet prévoit la création d'un poste de syndic chargé de déposer des plaintes concernant les représentants en assurance, les experts en sinistre et les planificateurs financiers. Le projet prévoit aussi la création d'un poste de cosyndic chargé de déposer les plaintes concernant les représentants en valeurs mobilières. Les plaintes seront déposées auprès du comité de discipline créé au sein du Bureau. Le comité de discipline sera dirigé par un président qui exercera ses fonctions à plein temps. Le tiers des membres seront des avocats et les autres membres – les deux tiers des membres, donc – qui restent seront choisis parmi les représentants. Une plainte sera entendue par trois membres désignés par le président. Il pourra y avoir appel d'une décision du comité devant la Cour du Québec ou la Commission des valeurs mobilières, selon le cas.

Le projet de loi prévoit aussi la création de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l'assurance de dommages. Chaque chambre sera dirigée par un conseil d'administration dont les membres seront élus parmi les représentants des différentes disciplines. Les élections sont faites par courrier ou par tout autre moyen de communication déterminé par le règlement de la Chambre. Le secrétaire du Bureau agira à titre de président du scrutin pour l'élection des membres du conseil d'administration des Chambres. Les Chambres détermineront, par règlement, les règles de déontologie applicables aux représentants autres qu'en valeurs mobilières; les règles de déontologie pour ces derniers seront établies par la Commission des valeurs mobilières. Les chambres pourront offrir des cours de formation permanente dans les disciplines dans lesquelles pratiquent ces cotisants.

La Chambre de la sécurité financière pourra autoriser l'utilisation du titre d'assureur-vie agréé et du titre d'assureur-vie certifié ainsi que les abréviations associées, cela va de soi, et la Chambre de l'assurance de dommages pourra autoriser l'utilisation du titre de courtier d'assurance agréé et du titre de courtier d'assurance associé ainsi que les abréviations, qui vont de soi.

La Commission des valeurs mobilières du Québec, maintenant, pourra procéder à l'inspection du Bureau pour s'assurer qu'il met en application la réglementation qu'elle a adoptée à l'égard des représentants en valeurs mobilières. De plus, le ministre pourra demander à toute personne, notamment à l'Inspecteur général des institutions financières, qu'elle procède à l'inspection du Bureau. Le ministre pourra aussi demander qu'une enquête soit tenue sur toute question relative à l'application de la loi.

Le projet de loi reconnaît que la distribution de certains produits d'assurance ne requiert pas l'intervention d'un représentant certifié. Il est donc prévu un mode de distribution sans représentant. Cette distribution sans représentant concerne des produits d'assurance afférents à des biens. Toutefois, le projet de loi prévoit expressément que certains produits d'assurance qui peuvent être présentement distribués sans l'intervention d'un intermédiaire de marché dûment certifié pourront être distribués sans représentant, même s'ils ne sont pas, à strictement parler, des produits d'assurance afférents à un bien.

Cette distribution sans représentant sera soumise à des règles. L'assureur devra préparer un guide de distribution qui précise la nature de la garantie et ses exclusions et explique comment faire une réclamation. L'assureur devra prendre toutes les mesures appropriées pour que le distributeur ait une bonne connaissance du guide de distribution et l'assureur devra, de plus, maintenir un service de consultation. De plus, le distributeur sera soumis à un ensemble d'exigences relatives à l'offre du produit d'assurance afin de protéger le consommateur.

Le gouvernement pourra déterminer par décret que certains produits d'assurance afférents à un bien ne peuvent être offerts que par l'entremise d'un titulaire de certificat restreint. Le Bureau déterminera les règles applicables aux titulaires de certificat restreint.

Le projet prévoit des pénalités également pour diverses infractions. Le projet de loi prévoit aussi des modifications de concordance, notamment à la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit ainsi qu'à la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne, afin que les institutions que ces lois régissent puissent se prévaloir des dispositions de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Le projet de loi prévoit des dispositions transitoires. Le ministre nommera pour deux ans les membres du premier conseil d'administration de la Chambre de la sécurité financière et la Chambre de l'assurance de dommages. Le ministre désignera parmi eux des présidents et vice-présidents. Le ministre déterminera aussi le montant de la première cotisation aux chambres.

Finalement, le projet de loi prévoit que le ministre des Finances sera chargé de l'application de la loi et que celui-ci devra, à tous les cinq ans, faire rapport au gouvernement sur l'application de la loi.

Vous savez, M. le Président, que les audiences de la commission des finances publiques en février et mars nous ont permis d'identifier beaucoup d'améliorations possibles au projet de loi. Donc, nous avons entendu, en fait, deux fois les parties. Nous avons fait deux tours d'auditions, très intéressantes et passionnantes, auxquelles les intéressés, d'ailleurs, se sont présentés en grand nombre. Et, depuis ces audiences, une quinzaine d'organismes, notamment l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, l'ACAPQ, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, l'AIAPQ, le Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec, le Service d'aide au consommateur et la Commission d'accès à l'information, ont été rencontrés à une ou plusieurs reprises. Comme je m'y étais engagé en mars dernier à la clôture des audiences de la commission des finances publiques, tous les organismes qui l'ont demandé ont pu nous rencontrer, moi personnellement ou les responsables du projet de loi à mon ministère.

À la suite de toutes ces consultations, il a été décidé d'apporter certaines modifications au projet de loi n° 188, nombreuses modifications. Elles n'affectent pas les grands principes de protection du consommateur que je viens de décrire, mais bien leur transposition dans la loi. J'entends donc notamment proposer, lors de l'étude article par article du projet, les modifications suivantes.

D'abord, la protection des renseignements personnels. À cet égard, M. le Président, je m'étais engagé à travailler en étroite collaboration avec M. Comeau de la Commission d'accès à l'information afin de nous assurer que notre loi réponde aux plus hauts standards en matière de protection des renseignements personnels. Ce travail a été fait en collaboration avec la Commission d'accès. Je déposais donc des amendements qui conviennent parfaitement à la Commission.

M. Comeau m'a écrit pour me confirmer que les commissaires étaient satisfaits, et je cite la lettre qu'il m'a envoyée: «Au terme des travaux menés par la commission parlementaire, les membres de la Commission d'accès à l'information ont été appelés à prendre connaissance de propositions d'amendement que vous entendez apporter au projet de loi. Ces propositions d'amendement donnent suite à toutes les recommandations formulées par la Commission. Cette dernière ne peut donc que se montrer favorable à la présentation de tels amendements.»

Ainsi, quant au pouvoir réglementaire du Bureau, les articles 192 et 384.9° seront éliminés à la demande de la Commission. En effet, le principe suivi par le législateur en matière de protection des renseignements personnels a toujours été de ne pas donner de pouvoir réglementaire au gouvernement mais de tout prévoir dans la loi. La Commission d'accès à l'information n'était pas d'accord pour qu'un pouvoir réglementaire soit donné au Bureau, car ce pouvoir aurait pu limiter la portée de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

(15 h 20)

Contrôle, maintenant, de l'utilisation des renseignements personnels à fins de sollicitation. Une institution de dépôts ne doit pas jouir de privilèges dans l'utilisation de l'information qu'elle détient sur ses clients grâce à ses activités bancaires pour faire de la sollicitation. Par contre, on ne peut priver le consommateur du droit d'autoriser quiconque à utiliser ses propres informations. Le projet de loi sera donc amendé afin que le cabinet doive obtenir une autorisation spécifique et révocable de la part du consommateur pour utiliser de l'information recueillie lors d'une transaction pour des fins autres que cette transaction.

Un endroit, maintenant, assurant la confidentialité. L'exigence actuelle de l'article 83 de ne vendre de l'assurance que dans un endroit prévu à cette fin sera remplacée par l'exigence de ne vendre de l'assurance que dans un endroit où la confidentialité est assurée.

Formulaire sur l'état de santé. Les articles 25 et 26 prévoient que les renseignements concernant l'état de santé et les habitudes de vie doivent être recueillis sur un formulaire distinct et que ce formulaire doit être envoyé directement à l'assureur. Toutefois, dans certains cas, de l'assurance-crédit est vendue sur la base d'un formulaire simple qui n'est jamais envoyé à l'assureur, qui permet de départager les clients qui sont immédiatement admissibles de ceux qui doivent remplir un questionnaire plus détaillé. Pour éviter des coûts inutiles, il sera permis que ces formulaires simples restent au cabinet, en autant que les questions soient formulées de façon à ne pas permettre de savoir si le client souffre ou non d'une maladie spécifique.

Discrimination à l'endroit des institutions de dépôts. Les dispositions visant à contrôler la circulation de l'information personnelle, qui ne s'appliquent actuellement qu'aux cabinets qui sont des institutions de dépôts, seront étendues à toute personne qui fait à la fois du crédit et de l'assurance, incluant les représentants et les sociétés autonomes.

L'utilisation maintenant du mot «nécessaires» plutôt que du mot «pertinents». L'article 21 prévoit que le représentant recueille personnellement les renseignements pertinents. Le mot «pertinents» sera remplacé par le mot «nécessaires» de façon à bien restreindre la portée de cet article.

Le rapport annuel du Bureau, maintenant. Le Bureau devra conserver une section de son rapport annuel, consacrer une section de ce rapport à l'état de la sécurité et de la confidentialité des renseignements personnels sous sa juridiction.

Maintenant, la responsabilisation des représentants et leur statut professionnel. Contrairement aux craintes que certains ont exprimées, le projet de loi ne déresponsabilise en rien les personnes qui oeuvrent dans le monde de l'assurance. Leur statut professionnel sera aussi fort après l'adoption du projet de loi qu'avant. Ces professionnels seront aussi considérés, dans leur communauté, après le projet de loi qu'avant. Et, en vérité, dans un univers d'assurance modernisé et dont la protection des consommateurs est mieux assurée, tout le monde de l'assurance y gagnera en prestige.

L'intermédiaire en assurance demeurera le professionnel qu'il est. Il sera imputable de ses gestes, il continuera à être jugé, le cas échéant, par des membres du comité de discipline dont les deux tiers sont eux-mêmes des représentants. L'intermédiaire en assurance pourra également continuer à utiliser les titres mentionnés actuellement sur ses cartes d'affaires, le projet de loi n'imposant aucunement l'utilisation du mot «représentant». La loi accordera cependant au Bureau la capacité réglementaire de moderniser les titres au besoin et selon le voeu de la profession. De plus, tous les représentants continueront à cotiser au Fonds d'indemnisation afin de protéger adéquatement les consommateurs contre les fraudes et manoeuvres dolosives.

Même si le projet de loi actuel ne déresponsabilise pas le représentant rattaché au cabinet, des améliorations seront néanmoins apportées à cet égard. Ainsi, un amendement sera apporté à l'article 186 afin que tout représentant soit soumis à un critère de probité en regard de l'obtention d'un certificat du Bureau pour exercer dans une discipline donnée. Cette exigence ne s'appliquait auparavant que dans une discipline de valeurs mobilières.

De plus, en réponse à une demande formulée par de nombreux intermédiaires de marché en assurance, il sera permis à un représentant d'être rattaché à plus d'un cabinet dans une même discipline. Toutefois, pour assurer la protection du consommateur et préserver le concept de cabinet responsable, le représentant et le client devront indiquer clairement, au moment de la transaction, le cabinet responsable. De plus, tous les représentants, y compris les autonomes, seront tenus de divulguer le nom des cabinets avec lesquels ils font affaire, raison évidente de protection du consommateur.

Les pouvoirs réglementaires du Bureau, maintenant. Tous les règlements adoptés par le Bureau qui ont une portée d'intérêt public seront soumis à l'approbation du gouvernement. Ces règlements pourront être approuvés avec ou sans modification. Les nominations au Bureau seront balisées à la demande de plusieurs interventions en commission. Actuellement, le projet de loi prévoit que le conseil d'administration du Bureau est formé de 15 personnes dont cinq proviennent des Chambres; les 10 autres sont nommées par le ministre. Le projet de loi sera amendé afin de baliser les nominations faites par le ministre. Ainsi, sur les 10 personnes nommées par le ministre, cinq devront provenir du public et cinq autres devront provenir des institutions financières. Ces personnes auront pour mandat de faire valoir l'intérêt public. On sait que les cinq autres viennent des Chambres, donc elles sont élues.

La réception des plaintes par le Bureau, maintenant. Le projet de loi prévoit actuellement que le Bureau reçoit les plaintes concernant les titulaires de certificats, les cabinets ainsi que les représentants et les sociétés autonomes. Il n'est pas prévu que le Bureau reçoive les plaintes concernant les distributeurs. Un amendement sera donc apporté afin de prévoir que le Bureau examine les plaintes concernant les distributeurs. Il les transmet aux distributeurs et aux assureurs concernés et en fait état dans un rapport périodique.

Centre d'information, maintenant. L'article 156 prévoit que le Bureau peut agir à titre de centre de renseignements et de référence dans le domaine de l'assurance. Un amendement sera apporté au projet de loi afin de prévoir que le Bureau soit obligé d'agir, qu'il doive agir comme un tel centre. L'article 207 du projet de loi prévoit actuellement que le Bureau peut tenir un registre d'assurances individuelles sur la vie. Cette disposition sera complétée en ajoutant à l'article 209 la capacité pour le Bureau de demander aux assureurs de personnes de vérifier si une police individuelle existe. Ainsi, le Bureau pourra obtenir l'information requise sans constituer un registre central dont on dit qu'il aurait été extrêmement coûteux. Par contre, il serait souhaitable d'exiger une réponse positive ou négative de l'assureur, et ce, dans le délai que déterminera le Bureau.

Le salaire du président du Bureau. On amendera le projet de loi toujours à la demande... tout ça vient de la Commission en vérité, toutes ces demandes d'amendement. Le projet de loi sera amendé afin que ce soit le gouvernement qui établisse la rémunération du président du Bureau.

Maintenant, les cotisations prenant en compte le nombre d'établissements. L'article 190 prévoit que le Bureau peut déterminer les droits exigibles pour une inscription et que ces droits peuvent être déterminés en fonction du nombre de représentants et de tout autre critère qu'il estime approprié. Étant donné qu'un cabinet peut être aussi bien une institution ayant des centaines de succursales qu'un cabinet n'ayant qu'une seule place d'affaires, le Bureau pourra tenir compte du nombre d'établissements dans la détermination de la cotisation. Le nombre d'établissements a un impact direct sur les coûts d'inspection notamment.

La liberté maintenant d'obtenir l'assurance-responsabilité auprès de l'assureur de son choix. Le projet donne actuellement la capacité au Bureau d'imposer au cabinet l'obligation de souscrire une assurance-responsabilité qu'il négocie lui-même avec un assureur pour ceux-ci. Il sera proposé de permettre à un cabinet de souscrire une assurance-responsabilité auprès de l'assureur de son choix, selon des modalités prévues par le Bureau dans un cahier des charges. De plus, comme je l'ai dit précédemment, le Fonds d'indemnisation actuel sera maintenu pour tous les représentants pour couvrir la fraude. À moyen terme, le fonds d'assurance prévu à l'article 163 mais qui ne couvrirait plus la fraude pourra être créé par le Bureau.

Pour donner suite à l'engagement d'une meilleure représentation du public dans les organismes, il sera prévu que deux représentants du public siégeront au conseil d'administration du Fonds d'indemnisation.

La question maintenant des ventes liées. La vente liée consiste en l'obligation pour un consommateur d'acquérir un produit afin d'en obtenir un autre. La vente croisée, elle, consiste en la vente d'un ensemble de produits généralement offerts à meilleur prix. Le projet de loi sera amendé afin de préciser que seule la vente liée est interdite.

Par ailleurs, il sera clarifié qu'un prêteur peut exiger d'un consommateur qu'il détienne une police d'assurance pour obtenir du crédit, dans certains cas – exemple: assurance-habitation pour une hypothèque résidentielle – mais que l'assureur ne peut exiger que cette police provienne d'un assureur qu'il indique. Alors, vraiment, nous attaquons sérieusement, en matière de vente liée.

(15 h 30)

De plus, pour améliorer la protection du consommateur, il sera proposé que, à l'article 17, qui régit les ventes liées, il soit prévu que le cabinet qui consent du crédit et de l'assurance remette au client un avis écrit à l'effet qu'il n'est pas obligé de s'assurer chez un assureur particulier.

À la demande aussi de nombreux intervenants, surtout du monde de la consommation, nous éliminons l'interdiction de payer en argent comptant. L'article 120 de la loi prévoit qu'un représentant ou une société autonome ne peut recevoir d'un client un paiement en argent. Nous allons éliminer cette disposition.

Nous allons étendre également l'application de l'article 84 au distributeur. L'article 84 prévoit qu'une prime d'assurance payée à un cabinet est réputée avoir été payée directement à l'assureur. Étant donné la protection qu'une telle disposition donne au consommateur, elle sera étendue au distributeur.

La capacité des assureurs, maintenant, d'agir comme distributeurs de certains produits. Les assureurs ne peuvent bénéficier du régime de distribution sans représentant parce que la définition actuelle de «distributeur» les exclut. Il s'agit là d'une discrimination sans fondement et le projet de loi sera amendé afin d'éliminer cette discrimination.

Nous allons également, par ces amendements, permettre de vendre des produits actuellement vendus. Par ailleurs, donc, le projet de loi sera amendé afin de permettre que la vente de certains produits puisse se poursuivre. Deux types de produits sont visés: les produits d'assurance collective et les produits de convenance, telles Accirance – un programme bien connu – et les autres assurances du même genre, distribués via le réseau scolaire.

La distribution de produits d'assurance collective non visée par le titre «Distribution sans représentant» sera soumise aux dispositions pertinentes de ce titre – 354 à 365, 370 à 379. Par ailleurs, le gouvernement aura la possibilité de décréter par règlement que certains produits peuvent être distribués sans représentant – c'est l'article 369.1.

Quant à l'Institut québécois de planification financière, le projet de loi sera modifié afin de réintroduire le rôle de l'Institut québécois de planification financière pour que son diplôme soit reconnu dans la loi et requis pour l'obtention du certificat de planificateur financier.

Pour les assurances collectives et avantages sociaux, en commission parlementaire, les représentants en assurances collectives et en avantages sociaux ont demandé que leur discipline soit reconnue formellement dans le projet de loi. Étant donné le grand nombre de consommateurs visés ainsi que la nature particulière du rôle de représentant en avantages sociaux, notamment au plan de la formation et des produits, nous avons conclu qu'il sera opportun de créer une discipline pour les représentants en avantages sociaux, et le projet de loi sera aménagé en conséquence.

Maintenant, des dispositions à l'égard du Groupe Promutuel. Le projet de loi sera amendé afin de permettre au Groupe Promutuel, une fédération de sociétés d'assurances générales, de s'occuper, à la place de ses membres, de l'inscription auprès du Bureau ainsi que d'autres tâches administratives du même genre. Il s'agira aussi de permettre que cette fédération puisse procéder, pour le compte du Bureau, à l'inspection de ses membres. Pour ce faire, les pouvoirs de cette fédération devront être modifiés dans la Loi sur les assurances.

On nous a demandé également de rétablir la limite de 20 % sur la propriété des cabinets de courtiers en assurance de dommages et d'introduire une nouvelle définition de «courtier». Le projet de loi sera aménagé et amendé afin de rétablir l'interdiction, pour une institution financière, de détenir plus de 20 % de la propriété d'un cabinet de courtiers en assurance de dommages. Par ailleurs, il sera proposé de clarifier la définition de «courtier» et, ainsi, de définir un courtier comme quelqu'un qui offre un véritable choix – c'est ça, un courtier – parmi les produits de plusieurs assureurs.

Les agents d'indemnisation, maintenant. Ce sont des employés des assureurs dont un grand nombre réalisent des fonctions d'expert en sinistre. La loi 134 actuelle ne les couvre pas. Cependant, la loi n° 188 s'appliquera aux agents d'indemnisation des assureurs qui exercent des fonctions d'expert en sinistre. Certains ajustements sont nécessaires pour assurer une équité de traitement, permettre aux agents d'assurances d'agir, comme les courtiers, à titre d'experts en sinistre pour l'assureur pour lequel ils travaillent, selon les conditions prévues par règlement, et, puisque plusieurs employés des assureurs exerçant les fonctions d'expert en sinistre seront désormais soumis aux dispositions de la loi visant les experts en sinistre, prévoir l'émission de certificats aux personnes ayant cumulé trois ans d'expérience, dont devraient attester les employeurs.

Nous allons également apporter par ces amendements quelques clarifications et précisions à certaines dispositions, comme préciser le sens du mot «offre». Le projet de loi exige que l'offre de certains produits soit faite par des représentants. Certains croient que l'expression sera interprétée très largement et qu'il faudra utiliser un représentant pour remettre un dépliant publicitaire. D'autres, à l'inverse, croient que l'expression sera interprétée de façon très restrictive pour n'inclure que la signature d'un contrat. Le sens de l'expression «offre» sera donc précisé. Nous allons également clarifier que les banques et les caisses doivent s'inscrire comme cabinets. Certains témoins ont émis des doutes quant à l'obligation faite aux banques et aux caisses populaires de s'inscrire comme cabinets pour vendre de l'assurance. Cette obligation sera précisée dans la loi.

Nous allons également clarifier que les chambres sont couvertes par la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Le projet de loi sera également amendé afin de préciser que les chambres sont soumises à la loi d'accès. Je vous l'ai dit, on a eu des contacts et une lettre du président de la Commission d'accès, et nous allons amender dans ce sens. Quant à la confirmation d'assurabilité, dont il fut abondamment parlé en commission, l'article 379 sera modifié afin de préciser que l'assureur doit confirmer l'assurabilité.

Il faut aussi que le guide de distribution dont j'ai parlé plus haut soit disponible. Alors, bien que le guide de distribution soit un document de formation pour le distributeur, il devra être rendu disponible également aux consommateurs.

Nous allons aussi compléter l'article 457. L'article 457 constitue une clause grand-père qui prévoit que certaines personnes auront droit à la délivrance d'un certificat les autorisant à agir comme experts en sinistre. Cet article sera complété en y mentionnant les détenteurs d'un Diplôme d'études collégiales en techniques administratives, option assurances, d'une Attestation d'études collégiales en assurance de dommages ou d'un Baccalauréat en administration avec concentration en assurances.

Nous allons également exclure la location à long terme. L'article 366 prévoit que l'assurance-location de véhicules est réputée être une couverture d'assurance afférente à un bien. Il sera précisé que seule la location à court terme – moins de quatre mois – est visée.

Nous allons également supprimer l'article 46 concernant la planification financière. Cet article 46 prévoit qu'«un planificateur financier exerce les activités déterminées par règlement qui sont propres à la planification financière». Aucune activité n'est propre à la planification financière, puisque des personnes exerçant toutes sortes d'activités font légitimement de la planification financière. Tout ce que vise la loi est de restreindre l'utilisation du titre de planificateur financier aux seules personnes ayant certaines compétences précises. Nous allons donc éliminer l'article 46.

Maintenant, un cabinet qui incite un représentant autonome à commettre une infraction commettra une infraction, et nous allons le prévoir. Un cabinet ne peut inciter ou aider un représentant autonome à commettre une infraction, il la commet lui-même.

Le partage des commissions, maintenant, avec des institutions financières et une confédération. L'article 81 dresse la liste des personnes avec qui un cabinet peut partager une commission. Il y aurait lieu d'ajouter les institutions financières et une confédération de caisses d'épargne et de crédit à cette liste, car ces institutions seront aussi impliquées dans la distribution de produits et services financiers.

Le délai de résiliation d'un contrat avec un expert en sinistre. Étant donné les circonstances généralement difficiles où l'on doit recourir aux services d'un expert en sinistre – parce qu'il y a eu un sinistre, justement – il semble indiqué d'allonger de cinq à 10 jours le délai de résiliation d'un contrat avec un expert en sinistre prévu à l'article 39.

Tarif pour les services d'une chambre, maintenant. Pour éviter que des cotisations obligatoires des chambres ne servent à financer des services autres que ceux liés à l'application de la loi, il faudrait clairement établir que la chambre fixe des tarifs pour les services optionnels qu'elle fournit.

Vous voyez donc, M. le Président, qu'il y a eu des trains d'amendements considérables. L'opposition, sans doute, dans notre travail article par article, nous aidera à parfaire le projet de loi, s'il y a lieu. Le représentant de l'opposition officielle en cette matière connaît bien son dossier, il l'a démontré à plusieurs reprises. Plusieurs membres de notre commission aussi, dont le président, ont approfondi la question au mieux qu'elle pouvait l'être. Ce sera donc, je crois, un des projets de loi passés par notre Assemblée cette année qui aura été scruté du plus près possible. Et on a bien démontré, par le fait d'avoir reçu tout le monde en commission deux fois, par le fait que j'ai reçu moi-même, ou mes collaborateurs, un très grand nombre d'organismes après la commission...

(15 h 40)

Parce qu'il y avait encore des bonifications à faire, alors, par exemple, j'ai vu le Regroupement des victimes de Desjardins, j'ai vu la Confédération Desjardins – quand je dis «j'ai», des fois c'est moi personnellement, des fois c'est mes adjoints – Promutuel a été vu, Commission d'accès à l'information, Conseil des assurances de personnes, Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec, Institut québécois de planification financière, Regroupement des cabinets de courtage – c'est Me Bois, en particulier, qui parlait pour eux – Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, Regroupement des consultants en avantages sociaux, Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, Service d'aide au consommateur – Mme Madeleine Plamondon, qui est bien connue pour oeuvrer dans ce secteur – l'IGIF, le Bureau d'assurance du Canada, et ainsi de suite.

Donc, depuis la première version de ce projet de loi, le gouvernement a considéré que certaines améliorations étaient nécessaires et le gouvernement a évolué dans de larges domaines. Par exemple, au début, il n'était même pas question des chambres, et plusieurs intervenants sont venus dire par ailleurs, en tout respect, qu'ils ne voulaient pas des chambres, mais comme nous croyons que les représentants, par leurs diverses associations, avaient droit à cette considération de leurs efforts historiques et au maintien de leur identité, nous avons créé les chambres.

Encore une fois, le gouvernement a fait son lit sur les principes, mais la souplesse dont nous avons fait preuve jusqu'à ce jour établit notre état d'esprit et notre mentalité. Pourvu que l'opposition, ou toute personne, nous suggère des bonifications qui vont dans le sens de l'intérêt du consommateur, dans le sens de l'intérêt du Québec, nous les écouterons avec la plus grande attention et éventuellement nous pourrons les intégrer dans le texte définitif.

J'ai donné à l'opposition tous les renseignements que j'avais moi-même. Ce discours-là n'a pas été préparé avec d'autres informations que celles disponibles à l'opposition. Est-ce que tous ces amendements que je propose sont rédigés de façon technique, impeccable, passés au Comité de législation? Réponse: Non. Mais tout ce que j'ai, tout ce qui est prêt est à la disposition de l'opposition. Je les ai invités à venir consulter chez moi; je sais qu'ils n'étaient pas absolument satisfaits. Mais c'est une méthode éprouvée qui sert en particulier lors du discours du budget. Le tout n'étant pas de les priver d'informations; au contraire, c'est de leur donner toutes celles dont je dispose moi-même. Ça vaut évidemment pour les membres de la commission, qui ont fait un si bon travail jusqu'à ce jour.

Alors, j'espère maintenant, M. le Président, qu'une fois le principe adopté nous serons en mesure d'aller jusqu'à l'ultime limite de la perfection, qui n'est pas de ce monde mais qu'on va essayer d'atteindre dans ce projet de loi. Je soumets donc à cette Assemblée le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, pour l'adoption du principe qui le sous-tend.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 188 a été au cours des derniers mois l'objet de nombreuses et dures critiques et il continue de l'être. Depuis deux ans maintenant, les professionnels de l'industrie de l'assurance font des représentations auprès du ministre, de son personnel et même auprès des députés; ils les ont faites de bonne foi. Or, depuis plusieurs mois, on sent clairement le niveau d'exaspération monter dans cette industrie face à un ministre intransigeant qui semble avoir une approche complètement biaisée.

Lundi prochain, les courtiers d'assurances de tout le Québec seront réunis par centaines à Montréal pour manifester leur mécontentement et leurs inquiétudes légitimes face à un gouvernement qui ne les entend pas, M. le Président. Des centaines de professionnels, des dirigeants de PME et leurs employés sont obligés d'aller dans la rue parce que le ministre responsable du dossier prend à leur égard une attitude de fermeture inexplicable. Et c'est dans cette atmosphère tendue que nous entreprenons l'adoption du principe de ce projet de loi.

Le mécontentement s'explique, M. le Président. Tous ces chefs de PME, tous ces professionnels et employés sont des Québécois comme vous et moi qui donnent, grâce à leur esprit d'entrepreneurship, de l'emploi à des dizaines de milliers de personnes, qui sont impliqués dans leur communauté, qui participent à la vie démocratique et qui ne sont pas moins importants pour notre vitalité économique que les plus grandes de nos institutions. Or, non seulement le ministre refuse-t-il de prendre en considération leurs préoccupations, mais il va même dans le sens contraire en renforçant toujours plus la position de ceux qui sont déjà les grands gagnants de ce projet de loi n° 188, soit les institutions de dépôts et les technocrates.

Aux termes de la commission parlementaire qui s'est tenue en mars dernier, la moindre des choses aurait été d'entendre le ministre dire que le projet de loi serait modifié pour le rééquilibrer, pour le rendre plus conforme à la réalité et plus apte à répondre aux préoccupations et aux intérêts de chacun. On a eu droit plutôt au même discours inchangé, figé, sans la moindre indication de considération sérieuse pour les changements les plus importants qui avaient été revendiqués par les consommateurs et les autres groupes que nous avons entendus. Pourtant, le bon sens élémentaire voudrait que le ministre fasse les compromis nécessaires pour trouver un équilibre plus acceptable. L'Assemblée nationale au grand complet serait plus à l'aise s'il faisait preuve dans ce dossier du discernement et de la flexibilité nécessaires. En tant que parlementaires, il nous faut toujours nous assurer que la société évolue et progresse dans une certaine continuité plutôt que dans la rupture et le conflit.

Les personnes qui croient que le projet de loi n° 188 va trop loin et trop vite sont nombreuses au Québec. En raison de ses impacts majeurs, le projet de loi n° 188 est d'ailleurs l'une des pièces législatives les plus importantes que l'Assemblée nationale a eu à voter depuis longtemps. Malheureusement, ce dossier est en train de tourner au vinaigre. Les gens qui se plaignent du manque d'ouverture le font avec raison, M. le Président. Rien n'a changé et rien n'indique que les choses pourraient changer.

Aujourd'hui, nous, députés de l'Assemblée nationale, avons donc à nous prononcer sur un projet de loi qui est demeuré inchangé depuis son dépôt, en décembre dernier. Le ministre s'était pourtant engagé à la fin des travaux de la commission parlementaire, en mars, à déposer les changements qu'il entendait apporter au projet de loi avant son adoption de principe. Et j'ai posé la question ce matin; le ministre ne l'a pas nié. Il ne pouvait pas le nier parce qu'il l'avait promis, mais il ne l'avait pas fait. Il continue à avoir une attitude intransigeante vis-à-vis des parlementaires de la commission, vis-à-vis des parlementaires de la Chambre et vis-à-vis de tous les groupes qui sont venus deux fois devant les parlementaires exprimer leur volonté et leurs revendications.

(15 h 50)

Le ministre avait aussi indiqué que certains groupes parmi les plus touchés seraient invités à travailler avec lui pour revoir le projet de loi. Ces groupes devaient être rencontrés avant l'adoption du principe du projet de loi et ne l'ont pas été, M. le Président. Cette volte-face cachait-elle quelque chose? Le ministre a-t-il, oui ou non, l'intention d'apporter des changements substantiels? Et, si oui, lesquels? Ça fait plusieurs fois qu'on lui demande, on ne le sait pas. Il a toujours des justifications, dit qu'ils ne sont pas prêts. Ils seront prêts quand, M. le Président? Il avait promis de nous les donner avant l'adoption du principe. Pour nous, de ce côté-ci, il est absolument essentiel de connaître ces changements avant d'entreprendre l'adoption du principe.

Est-il nécessaire de rappeler que près de 80 000 personnes au Québec sont extrêmement inquiètes de ce projet de loi qui menace leur profession, leur emploi, leur avenir et leur famille? La moindre des choses, le respect élémentaire pour ces gens aurait été que le ministre fasse connaître rapidement, comme il s'y était engagé, les changements au projet de loi. On craint maintenant, à juste titre, qu'il fasse connaître ses amendements uniquement à la dernière minute, lors de l'étude article par article.

Il semble que la tactique du ministre, ce soit encore de faire le moins de place possible dans les prochaines étapes aux préoccupations pourtant légitimes et raisonnables de ceux et celles qui, au Québec, sont les plus directement concernés par les impacts de ce projet de loi. M. le Président, il y a 40 000 familles qui sont concernées par ce projet de loi là, qui vont subir les conséquences de ce projet de loi là. Serait-ce que le ministre n'a vraiment pas l'intention d'apporter des changements importants? Il faut se poser la question. Se pourrait-il même que les changements envisagés ne soient pas des changements favorables aux professionnels, aux PME et aux individus les plus affectés par le projet de loi, mais plutôt des changements favorables, encore une fois, aux intérêts particuliers que le ministre favorise depuis le début dans ce dossier, nommément les banques et les caisses? Des rumeurs ont circulé à ce sujet, M. le Président.

En refusant de présenter les amendements dès maintenant, le ministre laisse place à toutes les hypothèses. Il entretient une spéculation malsaine autour du projet de loi de plus de 400 articles. Ce n'est pas une façon très élégante de légiférer, M. le Président. On est loin des promesses qui nous avaient été faites, à nous de l'opposition et aux groupes qui sont venus en commission parlementaire, sur la transparence et l'ouverture du processus d'adoption. Les choses ont plutôt l'air de s'assombrir, de s'obscurcir. Cela donne le ton pour la suite des événements. Que se passe-t-il? Le ministre veut-il bousculer l'Assemblée nationale? Veut-il entrer ce projet de loi dans la gorge de ceux qui, en toute légitimité et avec des arguments valables, veulent des changements?

Nous savons tous, M. le Président, que, s'il était adopté dans son état actuel, le projet de loi n° 188 entraînerait un bouleversement majeur, irréversible, définitif de l'industrie de l'assurance au Québec et que ce bouleversement se fera au profit des grandes institutions de dépôts et au détriment des PME, d'une part, et des professionnels, d'autre part, et des consommateurs, en premier lieu.

Commençons, M. le Président, par les professionnels. Depuis le début du processus de réforme, on sent de manière perceptible que l'on fait le procès de la profession des agents et des courtiers, mais sans le dire. Comment expliquer autrement qu'on mette aux poubelles le système d'encadrement professionnel? Enfin, quels sont les reproches adressés au système professionnel? Livre vert, juin 1996, rien, pas une ligne. Soixante pages de réflexions et d'hypothèses, mais pas une seule ligne sur les failles de l'encadrement professionnel, pas une seule ligne de critique sur le système professionnel. Septembre 1996, en commission parlementaire, qui est venu se plaindre de l'encadrement professionnel? Personne. Qui est venu dire que c'était trop coûteux? Personne. Quelqu'un se serait-il plaint de la partialité du comité de discipline? Encore personne. Qui a demandé d'abolir l'encadrement professionnel de la profession? Personne. Décembre 1997, surprise, on abolit cette profession. Pas d'explications ni justificatifs. Aucune critique, aucun chiffre sur les coûts d'encadrement, rien, mais on abolit, M. le Président, c'est plus court.

Historiquement, le législateur a toujours reconnu la nécessité de maintenir un pôle d'équilibre entre les appétits commerciaux et les exigences professionnelles. Dans le cadre actuel, les certificats qui sont délivrés aux individus sont des certificats de professionnel. Ils le sont sans égard au nom de l'institution ou du cabinet auprès de qui l'intermédiaire place des affaires. Le professionnel détient sa propre assurance-responsabilité. Il se trouve couvert pour l'ensemble des gestes qu'il pose pour répondre aux besoins de ses clients. Cette approche professionnelle a été inspirée par les agents et courtiers puis, peu après, reconnue par les lois.

Bien avant 1989, le gouvernement reconnaissait les ancêtres de l'Association des courtiers d'assurances du Québec et de l'AIAPQ grâce à des actes d'agrément ou à des lois encadrant la pratique professionnelle de leurs membres. Ce n'est pas un hasard si tous les gouvernements qui se sont succédé jusqu'à celui-ci ont régulièrement ajouté des responsabilités à ces organisations professionnelles, c'est parce que ces organisations-là, M. le Président, ont livré les résultats.

Or, le projet de loi s'écarte radicalement de la trajectoire professionnelle de deux façons: premièrement, en faisant en sorte que le représentant exerce sous l'autorité du cabinet, ce qui nuit à son indépendance et à son autonomie professionnelles et consacre sa déresponsabilisation individuelle; et, deuxièmement, parce qu'il abolit l'organisme d'encadrement professionnel et le remplace par un organisme commercial.

En effet, le projet de loi propose de dissocier l'encadrement de la pratique de son milieu naturel, l'environnement professionnel, pour le confier à un organisme nominatif au mandat conflictuel dominé, justement, par les institutions financières. Mais, éliminer l'organisme professionnel, c'est éliminer la culture professionnelle et c'est éliminer le seul contrepoids critique face aux intérêts commerciaux de l'industrie. Qu'est-ce que ce changement d'approche peut générer, sinon une rupture de l'équilibre fragile qui s'était imposé entre les intérêts commerciaux, d'une part, et l'éthique professionnelle, d'autre part?

Le projet de loi ne fait pas qu'éliminer les organismes d'inspiration professionnelle pour les fusionner avec d'autres. Non, M. le Président. Pour être bien sûr d'extirper jusqu'à la racine de la culture professionnelle, le ministre a choisi de conserver au sein du Bureau uniquement les dossiers, les archives et les documents, ainsi que les biens meubles affectés à la surveillance et à la discipline des pratiques. Dehors, le personnel! Aux poubelles, l'expertise professionnelle! C'est écrit dans la loi. Oui, M. le Président, c'est écrit dans la loi. C'est un vrai scandale de traiter du personnel de cette manière. C'est quoi, le but, si ce n'est pas d'écraser la profession, M. le Président?

(16 heures)

Par ailleurs, la proposition d'assujettir l'exercice de l'activité des représentants sous l'autorité d'un cabinet nuit à l'indépendance et à l'autonomie professionnelles. Dans le secteur de l'assurance des personnes, le certificat de représentant ne conférera pas la même liberté professionnelle afin de proposer aux clients les meilleurs produits convenant à leurs besoins que le permis d'agent ou de courtier tel que nous le connaissons actuellement.

Dans le cadre actuel, les certificats qui sont délivrés aux individus sont des certificats de professionnels. Ils le sont sans égard au nom de l'institution ou du cabinet auprès de qui l'intermédiaire place ses affaires. Le professionnel détient sa propre assurance-responsabilité et se trouve couvert pour l'ensemble des gestes qu'il pose pour répondre aux besoins de ses clients. En vie, il est couvert même s'il place à l'extérieur de son cabinet ou de son institution.

Dans le cadre du projet de loi n° 188, le représentant ne sera pas autorisé à exercer à l'extérieur du cabinet et sera limité par les ententes contractuelles de son cabinet, sauf exception. Bien sûr, ce cabinet pourra répondre aux besoins de son représentant par la signature d'une entente avec un autre cabinet pour la distribution de produits. Il n'en demeure pas moins qu'il demeure soumis à la politique de son cabinet ou du cabinet de l'institution financière.

Mais ajouter un produit ou une gamme de produits à son portefeuille de produits d'assurance n'est pas comme ajouter une famille de fonds mutuels à son portefeuille de fonds. En ce sens, l'assurance, ce n'est pas comme les valeurs mobilières. Dans certains cas, l'intermédiaire pourrait même être empêché de servir son client adéquatement. Voilà pour le premier bouleversement injustifié, celui qui abolit la profession des agents et courtiers.

Le deuxième bouleversement intolérable, c'est la manière dont le ministre donne en pâture des milliers de petites et moyennes entreprises aux institutions de dépôts. M. le Président, il s'en fiche, le ministre, de la disparition potentielle de au-delà de 2 000 petites PME au Québec, et ces petites PME sont particulièrement dans les régions du Québec.

Ce sont les banques et les caisses, M. le Président, qui seront les grands gagnants de cette réforme. Le ministre parle de mondialisation, comme si la mondialisation pouvait justifier n'importe quoi, comme si la mondialisation devait nous enlever tout discernement et tout jugement. C'est faux de prétendre que la seule façon de faire face avec succès à la mondialisation est de le faire dans le conflit en intimant aux petits de disparaître au profit des gros.

Au contraire, dans une économie comme celle du Québec, les petits peuvent aussi constituer un réseau de distribution très efficace et très concurrentiel à condition qu'ils aient la confiance et le support de leur gouvernement. Mais, si le gouvernement ne croit pas en eux, s'il ne croit qu'à la théorie de la grande taille lorsqu'il est question de mondialisation, il serait aussi bien alors de décréter que tout le monde au Québec doit désormais faire affaire avec une seule institution financière.

Autre fait troublant, M. le Président. Le ministre laisse entendre que les intervenants qui sont venus en commission se sont montrés globalement favorables au projet de loi. Je ne sais pas où il était, le ministre, pendant nos travaux, mais force est de constater que nous sommes loin d'avoir la même lecture des événements. Non seulement y a-t-il eu de l'opposition au projet de loi, mais elle a été très répandue, en particulier chez les groupes les plus importants que nous avons reçus. C'était une opposition articulée et convaincante qui ne s'est pas gênée pour faire des suggestions constructives, mais que le ministre a souvent balayées du revers de la main.

Aller de l'avant avec l'adoption du principe du projet de loi sans répondre aux objections et aux inquiétudes légitimes des intermédiaires de marché, des assureurs, des consommateurs, c'est avoir très peu d'égards pour eux. Nous sommes en train de les bulldozer, M. le Président. C'est d'autant plus délicat, décevant et inquiétant que plusieurs choses pouvaient et peuvent encore être faites pour atténuer les impacts du projet de loi sur les consommateurs et les intermédiaires. Est-ce nécessaire de rappeler que, dans ce dossier, des députés des deux côtés de la Chambre sont parvenus, en décembre 1996, à un rapport unanime contenant – c'est rare, à l'Assemblée nationale – une série de recommandations très précises sur les orientations que le gouvernement devait prendre dans la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché?

Le projet de loi qui a été déposé en Chambre en décembre 1997 est presque en tous points le contraire de ce que le rapport de cette commission parlementaire mettait de l'avant. En tant que membre de la commission parlementaire, l'intention du ministre de passer ce projet de loi sans changements majeurs est une réplique difficile à avaler, et ça, des deux côtés de la Chambre, M. le Président. Que le ministre reste sourd au travail des députés est en soi une chose extrêmement décevante, mais elle l'est encore plus quand les députés restent convaincus, même après avoir eu une autre commission parlementaire, que les idées mises de l'avant dans le rapport Baril sont toujours valables, en tout cas plus valables que les orientations contenues dans le projet de loi. Si le point de vue des députés a évolué sur certains points, il serait faux de prétendre qu'il coïncide aujourd'hui avec le projet de loi n° 188.

De façon encore plus sournoise, M. le Président, on véhicule l'idée que tous les groupes se sont montrés favorables à la caisse-assurance et que cette question est maintenant réglée. C'est faire insulte à l'intelligence des intervenants dans ce dossier que de résumer ainsi la question des caisses-assurances. La caisse-assurance existe depuis 11 ans au Québec dans le domaine du dommage. Personne, donc, n'est venu nier l'existence de la caisse-assurance ou réclamer sa disparition.

Toutefois, tous les groupes de consommateurs, le Protecteur du citoyen, les associations d'intermédiaires et des dizaines d'autres groupes nous ont clairement mis en garde face au danger de la caisse-assurance si elle n'est pas convenablement encadrée. Le débat porte donc sur les conditions dans lesquelles la caisse-assurance doit s'exercer et sur les impacts que cela aura sur la protection des consommateurs. L'ensemble des intervenants veulent que la caisse-assurance soit plus sévèrement encadrée que ne le fait le projet de loi. Tous ces groupes savent bien que la caisse-assurance laissée sans bride produira des ravages importants.

(16 h 10)

Le ministre, on l'a bien vu, est un chaud partisan de l'assouplissement le plus total possible des règles de la caisse-assurance. Pourtant, s'est-on demandé une seule fois dans ce débat ce qui avait bien pu justifier les apôtres du décloisonnement qui, à la fin des années quatre-vingt, avaient quand même décidé, M. le Président, de maintenir les assurances à l'écart du pouvoir des grandes institutions de dépôts? S'est-on demandé quelles raisons avaient bien pu pousser le gouvernement fédéral à résister aux pressions des banques, qui veulent, avec un appétit vorace et depuis longtemps, mettre la main sur l'industrie de l'assurance? Y aurait-il des bonnes raisons de ne pas mélanger ces deux univers?

S'est-on demandé pourquoi, par exemple, dans l'État de New York, les banques n'ont pas le droit de vendre de l'assurance pour des biens qu'elles financent par ailleurs? C'est prohibé, M. le Président, dans l'État de New York, que les banques puissent vendre de l'assurance pour des biens qu'elles financent elles-mêmes. Ne va-t-on pas, M. le Président, un peu vite en croyant qu'il faut absolument, immédiatement, sans attendre, sacrifier nos PME pendant que la banque-assurance, ailleurs au Canada et dans les pays qui nous entourent, continue d'être sévèrement contrôlée, pour ne pas dire interdite?

En quoi serons-nous si progressistes en sacrifiant irrémédiablement nos PME dans le domaine de l'assurance? En quoi serons-nous si progressistes en faisant en sorte que, dans la majorité des villages du Québec, M. le Président, les consommateurs seront désormais desservis uniquement par la caisse populaire pour leurs produits d'assurance? Parce que ce projet de loi là, M. le Président, est encore pire pour les régions du Québec où il y a un bureau de courtage puis il y a une caisse populaire. Qui va disparaître, M. le Président? C'est le bureau de courtage. C'est ce bureau qui donnait la possibilité au client de lui donner une vaste gamme de produits d'assurance. Il va disparaître, puis ça va être uniquement la caisse qui va desservir cette clientèle.

En quoi aurons-nous progressé en faisant en sorte que les courtiers locaux disparaissent et cessent d'offrir un vaste choix à la population des petites localités? En quoi aurons-nous été progressistes face aux PME en région, qui seront, elles aussi, placées devant un choix réduit et pourraient se voir privées de conseillers compétents, capables de répondre à leurs besoins commerciaux? Malheureusement, toutes ces questions et les craintes qu'elles soulèvent ne semblent pas avoir leur place dans le débat, M. le Président.

On nous demande donc d'adopter le principe du projet de loi où il subsiste des problèmes très fondamentaux. On nous demande, par exemple, d'adopter un projet de loi où les personnes qui vendront de l'assurance dans les institutions de dépôts pourront se servir de tous les renseignements personnels que l'institution détient sur ses clients, sans restriction. A-t-on idée, M. le Président, de la quantité de renseignements qu'une institution de dépôts peut avoir sur un individu?

Les banques et les caisses détiennent, sur leurs clients, plus de renseignements personnels que n'importe qui d'autre. Elles en possèdent bien plus que le gouvernement, M. le Président. Elles en possèdent bien plus que les compagnies d'assurances. Elles savent, à toutes fins pratiques, tout sur vous, sur moi, sur nous tous. Une banque ou une caisse, M. le Président, sait ce que, vous et moi et les ministres, nous consommons. Elle sait si nous fréquentons souvent les bars, si nous fréquentons souvent les restaurants, si nous consommons et achetons, M. le Président, beaucoup de médicaments. Elle sait tout, pour nous donner quelques exemples.

De cette façon, elle sait mieux que n'importe qui si nous sommes des riches importants pour une assurance de dommages ou pour une assurance-vie. Grâce à des profils extrêmement précis qu'elle est la seule à pouvoir établir en raison de la somme inconcevable des renseignements qu'elle détient, elle peut nous mettre dans une petite catégorie d'individus et décider s'il vaut la peine ou s'il faut éviter à tout prix de nous assurer. Jamais une compagnie d'assurances ne peut parvenir à un tel degré de précision. Seule une banque ou une caisse peut le faire, M. le Président.

Ce n'est pas tout, elles connaissent aussi tout de nos revenus, de nos placements et de notre bilan personnel. Elles savent aussi avec qui nous sommes assurés, combien nous payons et à quel moment de l'année nos polices d'assurance viennent à échéance. Grâce à leur incomparable force financière, elles peuvent aussi faire de l'interfinancement et rafler le marché en un rien de temps, puis tout de suite après remonter les prix. Quand elles financent un bureau de courtiers ou une compagnie d'assurances, elles savent tout de leur situation financière et elles connaissent tous les détails de leur portefeuille de risque.

Tout cela mis ensemble fait en sorte que les banques et les caisses ont un avantage concurrentiel très important par rapport aux autres entreprises du domaine de l'assurance. Permettre à une banque ou à une caisse de vendre de l'assurance en puisant à même tous ses renseignements, c'est multiplier par 10 ou par 100 cet avantage concurrentiel. C'est l'équivalent de leur donner tout le marché sur un plateau d'argent tout en provoquant des bouleversements absolument inhumains dans des milliers de PME à travers le Québec.

Comme je le disais plus haut, M. le Président, on nous demande aussi d'adopter le principe d'une loi où aucune ou quasiment aucune des conditions du rapport Baril, pourtant un rapport unanime de tous les députés de l'Assemblée nationale, ne se retrouve. Pourtant, après la commission parlementaire du mois de mars, on se rend compte que le rapport Baril conserve, sur l'essentiel, toute sa pertinence. Malheureusement, le projet de loi n° 188, loin de se rapprocher des recommandations de la commission, va dans le sens contraire.

L'une des conditions énoncées par le rapport Baril pour la caisse-assurance était celle de la filiale dédiée. Si les députés de la commission parlementaire s'étaient ralliés derrière cette idée de la filiale dédiée, c'était parce qu'elle constituait et qu'elle constitue toujours le moyen le plus simple d'éviter les abus de la caisse-assurance. La filiale dédiée est le meilleur moyen de garder très clairement séparés les systèmes informatiques, les personnels, les renseignements, les directions et les logos de l'institution de dépôts, d'un côté, et de la filiale en assurance, de l'autre côté.

À partir du moment où on ne fonctionne plus à l'intérieur d'une filiale dédiée pour la vente de produits d'assurance par une institution de dépôts, on court de grands risques. Les groupes de consommateurs, notamment, ont beaucoup insisté sur ce risque, M. le Président. Premièrement, s'il n'y a plus de filiales dédiées, il n'y a plus de directions séparées. Dépôts, épargnes, prêts, assurances, tout est décidé ultimement par les mêmes personnes. On ouvre la porte aux ventes liées et à tous les abus que les consommateurs nous ont décrits en commission parlementaire. On fait courir aux consommateurs le risque d'être pris en otages.

De plus, s'il n'y a plus de filiales dédiées, comment s'assurer qu'il n'y aura pas de double emploi? Comment s'assurer qu'un seul et même employé ne soit pas à la fois représentant en assurance et préposé aux prêts? Comment s'assurer qu'il exerce à l'intérieur de l'institution uniquement les responsabilités qui sont reliées à son rôle de représentant en assurance? Le projet de loi, M. le Président, autoriserait près de 70 % – je dis bien près de 70 % – des employés des caisses à agir comme représentants en assurance tout en conservant d'autres fonctions. C'est énorme. Sans compter qu'aucun mécanisme ne permettra d'empêcher le 30 % qui reste de le faire, en dépit de la loi, étant donné l'absence de mécanismes de contrôle.

(16 h 20)

Autre problème très grave, le projet de loi permet l'intégration complète des systèmes informatiques. À elle seule, cette permission équivaut à permettre tous les types de double emploi qu'on peut imaginer. Qui ici, dans cette Chambre, pense vraiment que le gouvernement va aller vérifier chaque ligne de programmation dans les ordinateurs de Desjardins ou d'une banque pour s'assurer que tout est conforme à la loi?

Prenons un exemple. Le projet de loi interdit que les renseignements médicaux recueillis par les représentants en assurance soient accessibles aux autres membres du personnel de la caisse. Toutefois, il n'est pas nécessaire que les détails des renseignements médicaux circulent pour qu'un consommateur soit lésé. Il suffit qu'un code soit introduit dans le dossier d'un client qu'on sait malade pour empêcher que des prêts lui soient accordés, sans qu'aucun renseignement personnel n'ait été transmis. Absolument rien n'interdit ni ne prévient ce genre d'échappatoire dans le projet de loi.

Il est utile de savoir également que les institutions de dépôts contournent sans difficulté la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé en faisant signer des consentements très larges aux consommateurs au moment de l'ouverture des comptes. Et je posais la question justement à M. Comeau, de la Commission d'accès à l'information, puis, lui, il m'avait répondu: Vous avez bien raison. C'est vrai, les banques et les caisses, c'est ça qu'elles font actuellement.

Qui d'entre nous a déjà demandé des modifications à ce genre de clause au moment d'ouvrir un compte de banque? Qui a déjà renoncé à s'ouvrir un compte sous prétexte que ce genre de consentement apparaissait sur le formulaire? La réalité, malheureusement, c'est que les institutions de dépôts possèdent déjà tous les consentements dont elles ont besoin pour exploiter massivement les informations qu'elles détiennent sur leurs clients.

Dans le cas du Mouvement Desjardins, on parle ici de 5 400 000 personnes dont les renseignements pourront circuler sans retenue vers les représentants en assurance des caisses si le projet de loi n° 188 est adopté tel quel. Ce sont là des dangers de la caisse-assurance et de la banque-assurance. Le client est toujours en demande face à une banque ou à une caisse, il est vulnérable. C'est la raison pour laquelle les consommateurs et les professionnels du domaine de l'assurance mettent en garde le gouvernement contre un encadrement trop laxiste de la caisse-assurance. Or, le projet de loi, c'est de la caisse-assurance sans un véritable encadrement tellement les règles sont permissives.

Le projet de loi n° 188 permet donc aux institutions de dépôts de vendre des produits d'assurance en succursale. Elles pourront le faire dorénavant sans avoir recours à une filiale dédiée. Elles pourront le faire avec leur propre personnel, et ce personnel aura accès à tous les renseignements que l'institution détient sur ses clients. Ce personnel aura aussi accès aux renseignements que possède l'institution sur les courtiers et les compagnies d'assurances. Ceux-ci, rappelons-le, sont obligatoirement des clients des banques à cause du système de paiement et de leurs besoins en financement.

En plus d'être débarrassées de l'obligation de vendre les produits d'assurance à travers une filiale dédiée, les institutions de dépôts n'auront pas non plus à séparer les systèmes informatiques, laissant libre cours à toutes les formules possibles d'exploitation des renseignements personnels. Finalement, elles n'ont aucune obligation de procéder à l'offre et à la vente d'assurance dans des locaux fermés, malgré que les consommateurs l'aient exigé avec force en commission parlementaire.

En somme, M. le Président, aucune des conditions de la caisse-assurance mises de l'avant par le rapport Baril n'a vraiment été retenue, aucune de celles proposées par les consommateurs non plus. Au mieux, on joue sur les mots pour donner l'impression de faire quelque chose et on insulte au passage l'intelligence des personnes qui sont venues en commission parlementaire revendiquer des contrôles plus serrés de la caisse-assurance.

M. le Président, toutes ces personnes-là ne sont pas dupes, elles voient bien que le projet de loi ne sera pas modifié substantiellement – parce que, autrement, le ministre, il nous aurait donné les papillons, il nous aurait donné les modifications – qu'il sera toujours aussi permissif pour la caisse-assurance et qu'il aura toujours les mêmes conséquences néfastes pour les consommateurs et les intermédiaires. On se demande ce qu'il faudrait faire pour que le ministre se rende compte des impacts réels de son projet de loi, pour qu'il redescende sur le plancher des vaches et pour qu'il se décide enfin à légiférer plus raisonnablement et en pensant aux consommateurs.

M. le Président, le projet de loi n° 188 introduirait l'un des régimes les plus permissifs au Canada et en Amérique du Nord en matière de banques-assurances. Il aurait un effet d'entraînement dans tout le pays. En effet, comment le gouvernement fédéral pourrait-il justifier le maintien de l'interdiction pour les banques si les caisses d'épargne et de crédit, notamment Desjardins, qui détient 40 % de l'épargne au Québec, ont obtenu du gouvernement provincial des conditions très libérales pour la vente dans leurs succursales?

Par contre, si le Québec mettait en place un cadre sévère pour les activités des caisses-assurances, les banques ne pourraient plus invoquer aussi facilement l'exemple du Québec pour accroître la pression sur le gouvernement fédéral. Par ailleurs, nous savons que la présence des banques dans le domaine de l'assurance, si elle n'est pas très sévèrement contrôlée et encadrée, donne lieu inévitablement à une concentration rapide de l'assurance dans les mains des banques.

Ceci m'amène à un autre argument qu'on nous sert beaucoup dans ce dossier pour en justifier tous les excès, celui de la mondialisation. Il en fut beaucoup question pendant nos audiences. La mondialisation, c'est bien beau, mais la concentration du pouvoir financier est aussi une réalité. Est-il bien sage, M. le Président, pour le gouvernement de favoriser une plus grande concentration encore du pouvoir financier au Québec? On est en droit de se demander s'il est bien nécessaire, au Québec, d'aller sans retenue vers une plus grande concentration et de le faire en permettant au Mouvement Desjardins de concurrencer de façon déloyale les autres assureurs, dont certains parmi les plus importants sont aussi des grandes institutions québécoises.

Je n'ai rien contre la concurrence de Desjardins dans le secteur de l'assurance, en autant qu'elle soit équitable; c'est d'ailleurs notre responsabilité de s'assurer qu'elle le soit. Or, le projet de loi n'assure pas cette équité. Actuellement, Desjardins et les autres se battent à armes relativement égales, les deux ont les mêmes obligations et les mêmes possibilités. Mais, avec le projet de loi n° 188, on vient donner au Mouvement et à lui seul un avantage énorme. Déjà, rien n'interdit à Desjardins ou à une banque de posséder une ou plusieurs compagnies d'assurances, mais ces compagnies d'assurances, même lorsqu'elles sont propriété des banques, doivent opérer en mode séparé avec leur propre réseau de distribution.

(16 h 30)

Comme je vous le disais tout à l'heure, c'est la seule clause importante qui ait résisté à la vague de décloisonnement des années quatre-vingt, et, à première vue, on est tenté de se dire: Tant qu'à y être, pourquoi ne pas faire le reste du chemin et décloisonner complètement en permettant désormais aux banques de distribuer des produits d'assurance? C'est d'ailleurs cette logique qui est à l'origine du projet de loi n° 188. La question, toutefois, est beaucoup plus complexe que ça, et il existe des raisons fondamentales pour lesquelles banques et assurances doivent être conservées à une distance respectueuse l'une de l'autre. Parmi ces raisons, il y a l'immense pouvoir financier des institutions de dépôt, que j'ai mentionné tout à l'heure et qui leur permettrait de s'emparer massivement du marché en pratiquant de l'interfinancement entre les activités bancaires et les activités d'assurance. Il y a aussi le fait que les banques et les caisses se montreront de moins en moins enclines à accorder du financement aux institutions et aux intermédiaires du secteur de l'assurance si elles leur font par ailleurs concurrence dans ce domaine. Mais ces raisons, bien qu'elles soient en soi de sérieux problèmes, ne sont pas les plus importantes. Assurance et activité bancaire ne font pas bon ménage parce qu'elles sont, dans une large mesure, incompatibles. Il faut se rappeler, en effet, que les banques agissent aussi et surtout comme prêteurs et que la très, très grande majorité des prêts octroyés aux consommateurs le sont par les institutions de dépôt. Ceci pose le problème des ventes liées.

Plusieurs cas de ventes liées ont fait surface récemment. Rien n'est plus facile, en effet, que de suggérer subtilement à un client que l'acceptation de sa demande d'emprunt serait plus facile s'il confiait aussi à la banque son assurance auto ou son assurance-hypothèque. La question des ventes liées est plus répandue qu'on ne le pense; elle est surtout extrêmement difficile à démontrer. Bien sûr, les ventes liées peuvent exister dans d'autres milieux qui font des prêts. Elles doivent donc être interdites partout où le consommateur peut être potentiellement exposé, mais elles constituent un risque majeur, dans le cas des banques, à cause de l'importance qu'elles occupent dans le marché des prêts. Le projet de loi n° 188 ne prévoit rien qui puisse prémunir efficacement le consommateur contre ce genre de tactique, sauf la possibilité théorique d'annuler un contrat dans un délai de 10 jours. Dans l'État de New York, le législateur a tellement craint le phénomène des ventes liées qu'il a interdit à une institution de dépôt d'assurer un bien qu'elle finance, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas assurer une auto ou une maison qu'elle a financée pour un prêt auto ou pour un prêt hypothécaire. Elle ne peut pas le faire, justement pour protéger le consommateur. Si cette règle était en vigueur au Québec, Desjardins devrait, pour obtenir le droit de vendre des produits d'assurance dans ses succursales, renoncer à la plus grande partie de ses assurés actuels.

Comme vous le voyez, le décloisonnement de l'assurance n'est pas simplement un oubli qu'il faudrait corriger. Il y a des raisons très importantes, très fondamentales pour lesquelles ce décloisonnement ne s'est pas encore fait au Canada, dans la plupart des États américains, dans beaucoup de pays au monde et au Québec. Toutes ces raisons mises ensemble font que le décloisonnement entre les activités d'assurance et les activités bancaires, s'il devait être autorisé un jour par le gouvernement, modifierait le paysage de fond en comble, en accordant aux institutions de dépôt une position monopolistique dans l'industrie de l'assurance.

Est-ce bien souhaitable de favoriser ainsi la prise de contrôle du domaine de l'assurance par les institutions de dépôt? Le Mouvement Desjardins, pour mettre de la pression sur le gouvernement, affirme avoir besoin de ce décloisonnement pour augmenter sa taille et réussir à affronter la concurrence étrangère. On peut se demander à cet égard si la stratégie de la taille est la seule qu'entrevoit le Mouvement Desjardins pour faire face à la mondialisation, car, même s'il détenait 100 % du marché financier québécois, le Mouvement ne serait encore qu'un petit joueur par rapport à ceux à qui il se compare dans le débat actuel.

Or, vous conviendrez que ce n'est pas en cannibalisant jusqu'au bout le marché québécois que le Mouvement se mettra en position de compétitivité améliorée. Au contraire, le laisser aller trop loin dans cette direction serait exposer l'économie québécoise à un risque financier très réel et très sérieux. Cette logique ne mène nulle part, M. le Président, et il existe certainement d'autres moyens d'aider la plus grande institution financière québécoise à se tailler une place dans l'avenir des services financiers, des moyens qui l'aideraient à rayonner plutôt qu'à se replier toujours plus profondément sur son marché traditionnel.

Par ailleurs, les compagnies d'assurances sont en général des entreprises qui ont été beaucoup plus exposées que les institutions de dépôts à la concurrence étrangère. Beaucoup de compagnies d'assurances étrangères font des affaires depuis très longtemps au Québec et au Canada, et les compagnies d'ici qui leur font concurrence réussissent très bien. La réalité, c'est que les compagnies d'assurances vivent dans un marché beaucoup moins protégé que celui des banques et des caisses. Alors, est-il bien opportun de les faire passer d'un univers à l'autre pour motif, justement, de concurrence étrangère?

Le projet de loi n° 188, s'il était adopté, modifierait considérablement les règles du jeu et changerait le paysage du tout au tout en quelques années seulement, M. le Président. Ce projet de loi est trop permissif dans le rapprochement qu'il veut opérer entre activités bancaires et activités d'assurance. Il doit être revu pour permettre un encadrement adéquat de la caisse-assurance. Mais le ministre nous convie plutôt à l'adopter tel quel.

Un autre problème majeur avec le projet de loi est qu'il perpétue malheureusement un régime de protection à deux vitesses qui fut à l'origine, dans le passé, des principaux abus à l'encontre des consommateurs. Encore une fois, certains consommateurs faisant affaire avec des personnes qualifiées et certifiées continueront de bénéficier d'une protection très étendue, et d'autres consommateurs faisant affaire avec des personnes non qualifiées et non certifiées ne bénéficieront d'aucune protection efficace.

M. le Président, en conclusion, il faut déplorer que l'adoption du principe du projet de loi n° 188 débute aujourd'hui sans que le ministre ait fait connaître les changements qu'il entend apporter à cette pièce législative majeure. Cela est d'autant plus décevant qu'actuellement nous n'entendons que le contentement des uns et le mécontentement de plus en plus marqué des autres: d'un côté, l'excitation des préférés, de l'autre, la colère des sacrifiés. Il y a quelque chose de malsain dans le projet de loi n° 188, il y a quelque chose qui ne cadre pas avec l'esprit de compromis raisonnable. Si le projet de loi était bon, l'équilibre du contentement et du mécontentement serait meilleur. À sa face même, ce projet de loi complexe et tortueux a été écrit pour contenter quelqu'un au détriment des autres.

Le projet de loi n° 188 aborde une matière très sensible où nos responsabilités de parlementaires et de législateurs sont interpellées très sérieusement. Il est surprenant de voir que tous les efforts pour rééquilibrer les choses n'ont pas encore été faits par le ministre. Il s'agit ici non seulement de mondialisation et de grands enjeux, mais il s'agit aussi de justice commerciale et de protection du consommateur. Nous avons la responsabilité de trouver un juste milieu, ce que nous n'avons pas encore fait et qu'il est urgent de faire. Ce juste milieu, il nous appartient de le trouver sur deux plans: premièrement, sur le plan professionnel et, deuxièmement, sur le plan commercial.

Sur le plan professionnel, le projet de loi envoie un message très négatif. En créant des chambres électives qui sont des coquilles vides, il écrase le professionnalisme des intermédiaires alors qu'il devrait plutôt tendre à le renforcer. À cet égard, il est utile de rappeler que la commission parlementaire, en 1996, avait fait l'unanimité sur le fait que la responsabilisation directe des individus impliqués dans la distribution de produits d'assurance constituait la meilleure des formes de protection pour le consommateur étant donné son caractère fortement préventif, ce qui vaut toujours mieux que les mesures a posteriori.

(16 h 40)

Pour ma part, j'ai été très sensible, M. le Président, à l'argument selon lequel le meilleur moyen de garantir le professionnalisme chez les intermédiaires est de consolider, pas d'affaiblir, les organismes électifs en leur donnant des pouvoirs réels. L'Assemblée nationale réitérerait ainsi sa confiance dans l'autoréglementation, l'autogestion et l'autodiscipline des professionnels de l'assurance. Le projet de loi doit maintenir et renforcer l'équilibre entre les intérêts commerciaux des assureurs et la culture professionnelle des intermédiaires. Une piste de solution concrète a été déposée devant nous pour maintenir la vocation de protection du public des chambres et la prise en charge de l'autodiscipline par les professionnels. L'AIAPQ et l'Association des courtiers d'assurances y souscrivent. Sans être la version traditionnelle de l'encadrement professionnel, cette proposition est une adéquation propre à assurer une bonne adéquation avec la CVMQ, tout en donnant aux chambres les pouvoirs qui permettront à tous dans le domaine de mieux comprendre la raison d'être de ces chambres.

Deuxièmement, en matière d'équité et de justice commerciale, je rappelle que notre responsabilité de législateurs est de ne favoriser personne au détriment d'autres, encore moins de le faire indûment.

En ce qui concerne la caisse-assurance, le projet de loi est aussi beaucoup trop permissif et octroie un avantage concurrentiel beaucoup trop important aux grandes institutions de dépôts au détriment des petites et moyennes entreprises. Qui plus est, la promiscuité physique et informatique permise par le projet de loi rend inopérantes les mesures de protection des consommateurs contenues dans le projet de loi ou dans les lois existantes. Soyons conscients que les décisions que nous prendrons pourraient exposer des milliers, voire des millions de consommateurs à des stratégies de sollicitation extrêmement sophistiquées de la part des institutions de dépôts.

En terminant, je dirais qu'il faudrait agir en matière de modernisation avec plus de discernement et de sens pratique, surtout lorsque la protection des consommateurs est en jeu, ainsi que des milliers de professionnels, des PME et d'emplois. C'est une chose à laquelle le ministre se refuse, semble-t-il, encore aujourd'hui. Il ne faut pas se surprendre maintenant que les gens prennent d'autres moyens pour se faire entendre.

M. le Président, je l'ai dit et je le répète encore: comme je l'ai dit ce matin et je l'ai dit tout à l'heure, le ministre doit se rendre compte qu'il ne peut pas faire une loi qui va seulement dans l'intérêt de quelqu'un et au détriment des autres. Le ministre, jusqu'à date, a été insensible, un ministre qui n'a même pas tenu parole des engagements qu'il a pris. Il faut se poser beaucoup de questions, et certaines questions sont vraiment intrigantes, auxquelles probablement un jour il faudra répondre. Il y a certains qui disent: Qu'elle sorte d'entente ou de deal il y a entre le ministre des Finances et M. Béland, du Mouvement Desjardins? C'est une question qu'il faudra se poser et c'est au ministre d'y répondre.

Et nous croyons que, si le ministre veut faire un travail raisonnable après avoir eu deux commissions parlementaires, il doit se rendre compte qu'il doit revenir à la table de travail et proposer les changements nécessaires pour que ce projet de loi puisse être satisfaisant pour les consommateurs, pour les intermédiaires et aussi pour la caisse. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de Viger. Nous allons maintenant céder la parole au député de l'Acadie. Alors, M. le député, vous avez un temps de parole de 20 minutes.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, je voulais intervenir dans le cadre du projet de loi n° 188 parce qu'il s'agit là d'un projet d'une importance capitale. Je dois vous dire que c'est avec une très grande déception que je le fais aujourd'hui, compte tenu de l'attitude du gouvernement et de l'attitude du ministre dans tout ce débat qui dure depuis maintenant 1996.

M. le Président, mon collègue le député de Viger a fait le tour du projet de loi. Évidemment, dans le 20 minutes qui est à ma disposition, je ne pourrai pas en faire autant. Alors, je devrai me centrer plus sur certains aspects du projet de loi n° 188. Mais, tout comme lui, je veux d'abord déplorer que le ministre, qui avait pris des engagements formels au cours de la dernière commission parlementaire de déposer les papillons, c'est-à-dire les amendements prêts, écrits, pour qu'on puisse voir exactement ce qu'il en retournait, quels étaient précisément les changements que le gouvernement voulait apporter au projet de loi n° 188... Alors, ce dépôt-là devait permettre aux parlementaires, avant d'aborder l'étude du projet de loi au niveau où nous en sommes actuellement, c'est-à-dire à l'adoption de principe, d'avoir une connaissance détaillée de ce qu'était concrètement le projet de loi, et ça permettait également aux intermédiaires, aux personnes qui sont venues en commission parlementaire, de prendre également connaissance de l'évolution de ce projet de loi.

Alors, malgré son engagement formel, le ministre a décidé, on doit le constater, de ne pas respecter cet engagement. Et ce n'est certainement pas la façon idéale d'aborder l'étude de ce projet de loi, ce qui ne nous permet pas actuellement, aux parlementaires ou aux intermédiaires sur le terrain qui ont investi temps et énergie depuis deux ans, d'avoir une idée exacte de la position du gouvernement.

On a entendu tout à l'heure, au cours de l'exposé que le ministre nous a présenté, une énumération d'intentions de changements. Mais, entre des intentions de changements et des changements écrits, préparés, je pense qu'il peut y avoir une très grande distance, et c'est ça qu'on voulait voir, compte tenu qu'à plusieurs reprises le ministre semble avoir pris des positions et être revenu, dans les faits, à d'autres dispositions.

Ce qui est surprenant aussi, M. le Président, c'est qu'on a ici un projet de loi qui est en marche depuis deux ans. Je ne comprends pas que, si on a pris tant de temps, on n'ait pas ajouté un mois supplémentaire ou quelques semaines supplémentaires pour permettre le dépôt des amendements, pour terminer le travail. Mais non, ça fait deux ans qu'on travaille, et le ministre n'a pas été capable de nous déposer les amendements, tel qu'il s'était engagé à le faire. Alors, c'est un peu surprenant que, tout d'un coup, comme ça, après en avoir discuté, avoir échangé là-dessus durant deux années, on ne puisse pas avoir précisément les amendements qui sont souhaités.

Une autre chose qui me surprend aussi, M. le Président, c'est qu'il y a eu des consultations en septembre 1996. Les gens sont venus clairement exposer au ministre quelles étaient leurs positions et quelles étaient les modifications que les gens souhaitaient au livre vert. C'était en 1996. Le ministre était présent. Il y a quelques mois à peine, le ministre nous a déposé le projet de loi n° 188 qui, dans les faits, en tout cas quand on le regarde, n'a tenu compte aucunement des positions prises par les gens qui sont venus faire des présentations au moment de la première consultation. Il y a eu une autre consultation qui s'est tenue en février dernier. Et là le ministre nous amène une série d'amendements, encore là, qui ne changent en rien le fond du projet de loi et même du livre vert. On fait des changements qui sont d'ordre secondaire.

Alors, on doit en conclure, M. le Président, que depuis le début le ministre a son idée faite, et il n'a rien changé. Malgré toutes les représentations qui ont été faites en commission, il n'a rien changé d'essentiel au projet de loi. Alors, on doit conclure que c'est une attitude déterminée, ferme, inflexible et que les consultations ont peut-être servi à rien, malheureusement.

(16 h 50)

Alors, c'est dans ce contexte-là, M. le Président, que je trouve ça déplorable qu'on ait à aborder l'étude du projet de loi n° 188. Bon. Le projet de loi n° 188, je l'ai mentionné, touche à plusieurs aspects et touche surtout à des dimensions excessivement importantes qui concernent un grand nombre de familles, parce que c'est des gens qui travaillent dans le domaine de l'assurance et aussi parce que ça touche beaucoup de consommateurs. Vous savez, à peu près tous les consommateurs du Québec ont des relations avec leur courtier d'assurances, et leur courtier d'assurances est une personne de confiance. Il s'est développé, à travers tout le Québec, des relations tout à fait privilégiées entre les clients et le courtier d'assurances, qui connaît souvent le détail de la vie d'un individu. Et là on est en train, par ce projet de loi là, de mettre en danger l'existence même de ce réseau qui a donné des services excellents à la population au fil des ans et qui, depuis 10 ans plus particulièrement, s'est autodiscipliné, autoresponsabilisé, qui a développé un professionnalisme évident que tout le monde reconnaît. Aujourd'hui, on met la hache là-dedans. On change radicalement tout le système, M. le Président.

Le ministre nous a présenté ses objectifs au niveau du livre vert. Je vais les énumérer rapidement: renforcer la protection du consommateur et de l'investisseur, tout en leur permettant un accès aux produits et services financiers au meilleur coût possible – évidemment, M. le Président, on n'est pas contre la protection des consommateurs – optimiser le décloisonnement des réseaux de distribution de produits et de services financiers – je pense que, ça, on va en rediscuter plus tard – réduire le coût inhérent à l'encadrement et à la réglementation de la distribution des produits et services financiers; simplifier et uniformiser l'encadrement des intermédiaires de marché; affirmer et préserver la compétence du Québec dans la distribution de produits et de services financiers. M. le Président, ces objectifs-là, en soi, n'étaient pas négatifs, loin de là. C'est la façon dont on veut y arriver, je pense, qui est fort discutable.

La commission du budget et de l'administration – et c'est important de le rappeler – s'est penchée sur le livre vert et sur les consultations qui ont été effectuées en septembre 1996. Et il y a un certain nombre de recommandations qui ont été déposées ici, à l'Assemblée nationale, qui faisaient, M. le Président, l'unanimité de tous les membres de la commission, que ce soit de l'opposition ou du gouvernement. Il y a eu 11 recommandations qui ont été déposées. Je vais en citer seulement deux.

La recommandation 2: «La commission recommande au gouvernement de ne pas permettre la distribution des produits d'assurance par les institutions de dépôts, sauf aux conditions suivantes: établir un encadrement uniforme; offrir des produits d'assurance par une filiale dédiée à ces activités; assurer la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires dûment qualifiés; interdire le cumul de fonctions, le double emploi; prévoir des dispositions régissant l'utilisation des renseignements personnels; utiliser des espaces réservés, locaux distincts, pour la vente des produits d'assurance.» C'était la recommandation 2.

La recommandation 5, M. le Président, disait: «La commission recommande la création d'un seul organisme d'autoréglementation et d'autodiscipline dont le conseil d'administration serait composé à 75 % de membres élus des intermédiaires et à 25 % par des membres des consommateurs nommés par le ministre, que seuls des intermédiaires puissent en faire partie et en assumer les coûts afférents.»

Rien de tout ça, à peu près, n'a été respecté. Et ça, c'était la position... En tout cas, je ne sais pas si ça demeure la position des députés ministériels, mais ça demeure la position que nous avons toujours eue au niveau de l'opposition. C'est à la lumière de ces deux recommandations-là qu'on doit juger le projet de loi n° 188. Et je suis convaincu que, de l'autre côté de la Chambre, il y a plusieurs députés qui sont malheureux aujourd'hui face à ce qui nous est déposé, par rapport à ces recommandations qui faisaient l'unanimité. Je suis convaincu de ça, M. le Président.

M. le Président, si on parle de la question fondamentale de la caisse-assurance, alors on touche à la recommandation 2, on parle de l'ouverture à la mondialisation des marchés. C'est l'argument suprême qui est utilisé par le ministre pour prétendre qu'on ne peut faire autrement et qu'on doit de toute nécessité ouvrir les banques ou les caisses à la vente d'assurance. Je veux juste rappeler au ministre qu'il y a des pays, comme le Japon, la France, la Suisse, l'Allemagne – ce n'est pas des pays du tiers-monde, ça, M. le Président – dans lesquels la vente d'assurance n'est pas permise à même la succursale. Elle doit se faire dans une filiale dédiée, comme le recommandait le rapport Baril. Et ce n'est pas actuellement ce que nous présente le ministre dans son projet de loi n° 188.

On a parlé d'une concurrence déloyale ou inéquitable. Mon collègue le député de Viger tout à l'heure y a fait référence. On est en train de permettre à une institution de dépôts qui a plus de 5 000 000 de clients... qui ont des liens, des informations, des renseignements sur 5 000 000 de clients, de leur permettre de vendre de l'assurance, alors que les clients doivent aller là pour toutes sortes de transactions financières autres que de l'assurance. Alors, ça leur donne un pouvoir énorme comparativement aux courtiers qui sont dans le domaine de l'assurance, et on va leur donner à eux la possibilité de vendre un produit qui est l'assurance; ils vont faire compétition, à ce moment-là, avec tout le réseau des petits courtiers qui sont établis partout à travers la province de Québec, dans tous les coins. Alors, est-ce que vous pensez, M. le Président, que c'est une compétition qui va être loyale et équitable?

On a parlé de la protection des renseignements personnels. C'est un sujet extrêmement important qui a été soulevé par de nombreux groupes qui sont venus en commission parlementaire. Il y a là, M. le Président, des préoccupations importantes. On est loin d'être convaincu actuellement que les informations ne circuleront pas et qu'il n'y aura pas de tordage de bras pour faire des ventes liées, à ce moment-là. Je pense qu'on s'aventure dans un domaine qui est excessivement important.

On sait aujourd'hui toute la sensibilité qui existe autour de la question de la protection des renseignements personnels. Et, dans le meilleur des mondes, on a vu des choses qui se sont produites. On pense au niveau, par exemple, du gouvernement qui a contrôlé ces choses-là. On a eu connaissance, il y a quelque temps à peine, que des informations du ministère du Revenu, qui devaient être des informations administratives, se sont retrouvées dans des instances politiques au sein du gouvernement. Et on a vu quels sont les problèmes... Il y a actuellement une commission qui enquête sur cette chose-là, et on va permettre, à ce moment-là, une espèce de laxisme au niveau de la protection des renseignements dans les domaines bancaires et dans le domaine des assurances, alors qu'il y a des informations extrêmement confidentielles qui sont colligées à ces niveaux-là.

La filiale dédiée, M. le Président. Oublions-la, je l'ai mentionné tout à l'heure. C'est clair que le ministre ne respecte pas cette disposition ou cette recommandation unanime que lui avait faite la commission.

La concentration du marché. Il faut bien réaliser que, comme je l'ai décrit tout à l'heure, la compétition va être extrêmement inégale et qu'il y aura probablement un grand nombre de petites entreprises à travers tout le Québec, qui font vivre une foule de personnes, chacune dans leur région, qui vont devoir fermer un jour ou l'autre. Et ces personnes-là, M. le Président, c'est des gens avec qui nous avons tous personnellement, et un grand nombre de Québécois, développé des relations de confiance. Parce que c'était notre courtier d'assurance, on pouvait lui faire confiance. Bien, quand ils seront fermés à cause de l'ouverture que présente le ministre, ils ne seront plus là pour nous donner des services de qualité, des services qu'on a pu apprécier au cours des nombreuses années à peu près partout à travers la province de Québec, et surtout au cours des dernières années où ces gens-là ont fait des efforts énormes pour développer un professionnalisme qui est reconnu par tout le monde. Aujourd'hui, on leur dit: Vous allez vous tasser, et la question de l'autoréglementation, de l'autodiscipline, de l'autogestion, on va donner ça à un bureau, le Bureau des services financiers.

Ce bureau-là, M. le Président, est formé de 10 personnes nommées par le ministre. C'est ça qu'on appelle l'autoréglementation? C'est ça qu'on appelle le respect du professionnalisme? On leur enlève, contrairement à ce qui existe dans à peu près tous les groupes professionnels, où on voit clairement cette constance de permettre aux gens de développer leur professionnalisme et de s'autodiscipliner, de s'autoréglementer. Je ne dis pas, si ces gens-là n'avaient pas fait la démonstration... La démonstration a été faite de façon éloquente depuis 10 ans qu'ils le faisaient et qu'ils le faisaient très bien.

(17 heures)

Aujourd'hui, on leur enlève ça et on va donner ces pouvoirs-là à un bureau essentiellement nommé, à 66 %, par le ministre. Je vous rappelle la recommandation 5, M. le Président, où on avait dit, le rapport Baril: «La création d'un seul organisme d'autoréglementation et d'autodiscipline dont le conseil d'administration serait composé à 75 % d'élus et à 25 % de membres nommés par le ministre. Là, M. le Président, ce n'est pas ça. Le ministre va en nommer 10 sur 15. Alors, est-ce qu'on est en train de respecter ce que ces gens-là ont fait au cours de toutes ces années?

Le ministre va prétendre: Oui. On a créé, par exemple, à la demande des gens, des chambres. Mais, lors de la dernière consultation, ce point-là a été discuté abondamment, et ce que les gens ont dit, c'est que les chambres, c'est bien beau, mais elles n'ont aucun pouvoir. Et on a fait des recommandations. Plusieurs groupes ont fait ces recommandations-là, de prendre des pouvoirs du Bureau et de les donner aux chambres. Les pouvoirs dont il était question, c'étaient des pouvoirs d'autoréglementation, d'autodiscipline, d'autogestion où on leur redonnait une certaine reconnaissance, un certain pouvoir de se contrôler comme professionnels.

Mais, non, le ministre n'a rien changé de tout ça. Il continue à prétendre que, oui, on va respecter le professionnalisme des gens. On leur a donné des chambres qui vont être essentiellement consultatives et sans aucun pouvoir. Alors, encore là, M. le Président, le ministre va carrément à l'encontre de la cinquième recommandation qui avait été faite unanimement par les députés des deux côtés de la Chambre.

M. le Président, je dois vous dire que c'est assez surprenant, ce qui se produit, et on est certainement en droit de se poser un certain nombre de questions. Pourquoi cet empressement? Pourquoi ce bousculage, après deux ans de discussions, d'efforts, de négociations? Pourquoi on en arrive, aujourd'hui, et que ça doit se régler très rapidement et qu'on va donner, à ce moment-là, au Mouvement Desjardins essentiellement – parce que c'est ça que ça veut dire – des pouvoirs énormes?

Est-ce que c'est une façon de manifester une certaine reconnaissance au président du Mouvement Desjardins pour sa solidarité au niveau des campagnes référendaires? Est-ce que le ministre a un agenda caché? On ne comprend pas, mais, chose certaine, c'est qu'on s'aperçoit qu'on est en train de donner des opportunités démesurées au Mouvement Desjardins. Je pense que la population doit sûrement se demander pourquoi c'est si important, alors que, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la mondialisation des marchés ne nécessite pas nécessairement qu'on fasse une ouverture comme celle-là, alors qu'on voit quand même, actuellement, dans l'actualité, de très nombreuses critiques vis-à-vis des institutions de dépôts et, notamment, du Mouvement Desjardins.

Alors, il y a un empressement, M. le Président, qui est tout à fait suspect, et je pense qu'on est en droit de se questionner là-dessus et de se demander pourquoi. Et je dois vous dire, M. le Président – vous me faites signe que le temps se termine – qu'on va nécessairement être obligé de voter contre ce projet de loi.

Je voudrais peut-être vous résumer, dans une lettre du Regroupement des cabinets de courtage d'assurance du Québec, pourquoi on devrait voter contre ce projet de loi. On nous dit: «Vous forcer à une adoption de principe sans faire connaître les supposées modifications équivaut à vous obliger à valider toutes les lacunes et tous les défauts révélés par la majorité des intervenants au cours de la commission parlementaire de mars dernier. Cette adoption vous oblige aussi à répudier le rapport unanime de la commission parlementaire de décembre 1996.»

Un peu plus loin, M. le Président, on dit: «On vous dira que les groupes intéressés ont été consultés. Voilà pour le moins une demi-vérité. À ce que nous sachions, plusieurs personnes se sont présentées devant des hauts fonctionnaires, en leur nom personnel ou au nom d'organismes, sans toutefois que l'on puisse parler de consultation officielle et sans qu'aucun élément concret ne ressorte de ces rencontres.

«Qu'est-il advenu des recommandations spécifiques qui ont été faites en commission parlementaire? Quelles sont les modifications qui seront réellement apportées au projet de loi? Nous croyons que vous saurez dire au vice-premier ministre de présenter un projet de loi équitable et qui respecte les intérêts et les besoins des consommateurs.»

Alors, M. le Président, je pense que ça résume très bien la situation actuelle, et nous devrons évidemment voter contre l'adoption du principe du projet de loi n° 188. Et c'est à regret que nous devrons le faire, M. le Président, parce que le ministre ne nous a pas convaincus du bien-fondé de faire de changement majeur à l'intérieur des services financiers.

Alors, nous devrons tirer les conclusions, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, qu'il y a sûrement, en arrière de tout ça, d'autres raisons, qui nous semblent, en tout cas, à tout le moins suspectes, de procéder avec autant d'empressement. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, que le gouvernement du Parti québécois nous propose d'adopter achève, M. le Président, le décloisonnement dans le secteur financier. Il l'achève en faisant franchir un pas de plus au concept de caisse-assurance qui existe déjà depuis une douzaine d'années. Le projet de loi n° 188 soulève plusieurs critiques.

Au plan du décloisonnement des institutions financières, on doit se demander si c'est une bonne chose de permettre aux banques de vendre de l'assurance. On se rappellera, M. le Président, que les assurances avaient été mises de côté lorsque le décloisonnement des institutions financières a été amorcé. Ceux et celles qui en avaient décidé ainsi avaient sans doute de bonnes raisons.

Au plan des services à la population, on doit se demander également si la vente d'assurance dans les institutions de dépôts, surtout la vente de produits d'assurance-vie, ne donnera pas lieu à des pratiques commerciales défavorables pour les consommateurs. Le décloisonnement est un phénomène irréversible, certes, mais ce n'est pas une raison pour tout gouvernement dont le devoir est de mettre en place des conditions favorables à l'épanouissement des entreprises du secteur financier d'ignorer certains de ses autres devoirs fondamentaux.

Paradoxalement, on valorise la mondialisation parce qu'elle ouvre les marchés aux consommateurs et leur offre plus de choix. J'aimerais bien que le député de Verchères m'explique comment il en est arrivé à valoriser la mondialisation des marchés et, du même coup, à proposer aux Québécoises et aux Québécois un projet de loi qui va les rendre captifs d'une seule institution financière. Tout cela, M. le Président, au nom de la mondialisation des marchés.

Le député de Verchères, avec son projet de loi n° 188, veut réformer la distribution des produits et services financiers. Soit. Comment devrait-il s'y prendre pour que les consommateurs québécois y trouvent véritablement leur compte? M. le Président, je me permettrai de rappeler au député de Verchères que le rôle de l'État, dans une démocratie, est de voir au respect des règles du jeu de la concurrence et au maintien de l'équilibre entre les participants au marché. Or, que fait le député de Verchères avec son projet de loi n° 188? Il avantage, pour l'instant, une seule entreprise du secteur financier: le Mouvement Desjardins.

Du même coup, M. le Président, il ouvre les portes à toutes les institutions de dépôts à charte fédérale qui font présentement la queue dans l'antichambre du ministre des Finances à Ottawa. Pire encore, certaines dispositions de son projet de loi ont pour effet de freiner le dynamisme de l'entreprise des assurances en réduisant sa marge de manoeuvre au plan concurrentiel et en lui imposant diverses contraintes qui ralentiront ses opérations. Tout cela, M. le Président, pour le bénéfice du Mouvement Desjardins. Est-ce bien cela, maintenir l'équilibre entre les participants du marché? Je ne crois pas, M. le Président.

Ce projet de loi n° 188, tel qu'il nous est présenté, favorise une seule institution. Il lui permet de constituer une mégabanque de données contenant des renseignements personnels sur ses membres, des renseignements extrêmement complets, incluant les dossiers médicaux. Je rappelle au député de Verchères que cela avait toujours été interdit. Toutes les institutions financières possèdent des banques de données sur leurs clients, c'est exact, mais leurs banques demeurent incomplètes parce qu'elles ne renferment qu'une partie des renseignements sur les consommateurs. Il leur manque, M. le Président, les dossiers médicaux.

À l'heure actuelle, les institutions de dépôts sont en mesure de tracer un profil financier très exact de leurs clients. C'est simple, elles n'ont qu'à observer les transactions faites par les cartes de guichet, par les cartes de crédit et par les chèques. Si le projet de loi n° 188 est adopté tel quel, elles auront désormais accès à des informations de nature médicale. Voilà qui est dangereux, M. le Président, pour les consommateurs. C'est dangereux parce qu'il serait très tentant, pour une institution, de les jumeler aux renseignements d'ordre financier.

Or, c'est une violation, une violation de la loi sur les renseignements personnels. Il est interdit, M. le Président, de se servir de renseignements à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été obtenus. Les consommateurs acceptent relativement bien que leurs institutions de dépôts puissent établir un profil financier sur eux et leur faire des offres qui leur conviennent. Ils consentent également à ce que leur assureur-vie détienne des renseignements médicaux sur eux. Vont-ils cependant accepter que ces renseignements sur leur état de santé soient utilisés par des institutions de dépôts pour moduler l'offre de produits et services financiers? Il faudrait d'abord leur demander, demander leur avis avant de légiférer dans ce sens.

(17 h 10)

M. le Président, les associations d'assurances et de consommateurs ont mis en garde le gouvernement contre l'utilisation de renseignements personnels à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été obtenus. L'utilisation de ces renseignements conduit inévitablement à des ventes liées, c'est-à-dire à l'offre d'un produit en complément d'un autre, comme par exemple l'octroi d'un prêt et d'une assurance. Comment le gouvernement pourra-t-il contrôler l'échange d'informations entre collègues d'une même institution de dépôts? Comment empêchera-t-il un employé qui occupe une double fonction de se servir des informations qu'il aura lui-même obtenues?

C'est pourtant ce que s'apprête à permettre le gouvernement en permettant, dans son projet de loi, le double emploi par des employés des institutions de dépôts. Certains diront que les courtiers obtiennent aussi des renseignements de nature personnelle. Mais, M. le Président, ils le font uniquement dans le cadre de la vente d'un produit spécifique, et les courtiers qui ramassent ces informations les transmettent à l'assureur qui est le seul à prendre la décision conduisant à la conclusion de la vente.

Il y a les consentements, répliqueront certains. À ceux qui utilisent cet argument, plusieurs consommateurs pourraient répliquer qu'il est impossible d'ouvrir un simple compte de banque sans accepter la formule de consentement proposée par l'institution. Ils donneront même des exemples où des institutions tentent de réaliser des ventes liées à partir d'informations qu'elles ont obtenues. Les consentements exigés par les institutions financières ont une portée très étendue. Il y aurait lieu de revoir leur portée dans le but d'offrir au consommateur une protection plus adéquate. La Commission d'accès à l'information ainsi que le Protecteur du citoyen ont d'ailleurs souligné en commission parlementaire qu'il faudrait examiner cette question avant d'aller plus loin avec le processus du projet de loi n° 188.

M. le Président, nos voisins américains, notamment ceux des États de New York et d'Illinois, ont adopté des modèles qui imposent un encadrement beaucoup plus sévère que celui proposé par le gouvernement du Québec. L'État de l'Illinois exige de banques nationales qu'elles créent une filiale dédiée pour distribuer des produits d'assurance. Pour éviter les ventes liées, les banques sont soumises à une réglementation sévère.

Je vous en donne quelques exemples: interdiction de déterminer les conditions d'une offre de service bancaire, notamment le taux d'intérêt ou les frais, selon que le client achète ou non de l'assurance auprès de la banque ou de sa filiale; interdiction également d'offrir une réduction du coût de crédit d'un prêt pour inciter le client à acheter l'assurance qui est requise comme condition d'un tel prêt; et, finalement, interdiction également d'offrir, purement et simplement, un rabais de prime ou un avantage financier en considération de l'achat d'assurance par un client.

Afin d'éviter que la banque puisse utiliser des renseignements personnels à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été obtenus, le législateur américain a imposé aussi quelques contraintes aux banques. En voici quelques exemples: l'obligation de créer une filiale dédiée pour distribuer les produits d'assurance; l'obligation également de créer des fichiers d'assurance distincts de ceux de la banque et de voir à ce que les opérations d'assurance de la filiale dédiée se fassent à un guichet distinct de celui où se déroulent les opérations de crédit lorsque l'assurance est offerte ou vendue comme complément d'un tel prêt; l'interdiction également à l'officier de crédit de proposer des produits d'assurance en complément d'un prêt.

Le projet de loi n° 188 ne comporte pas de telles restrictions, M. le Président. Nous sommes en droit de nous demander pourquoi. Pourquoi les consommateurs du Québec n'auraient-ils pas droit, eux aussi, à des mesures de protection jugées appropriées aux États-Unis? Ce sont des questions tout à fait légitimes auxquelles les Québécoises et les Québécois attendent des réponses du député de Verchères. Où se situe le débat qui entoure le projet de loi n° 188? Pourquoi sommes-nous si critiques à son égard? Notre intention, M. le Président, n'est pas de faire échec au projet de loi. Nous ne sommes pas ignorants du phénomène de la mondialisation qui existe actuellement.

Le véritable débat porte sur les conditions les plus favorables à mettre en place pour que nos institutions financières, toutes nos institutions financières, puissent rivaliser à armes égales. Sans ces conditions, c'est toute l'industrie du courtage qui est vouée à une mort certaine. On assistera alors à une concentration des marchés des assurances aux mains du Mouvement Desjardins d'abord, puis des banques ensuite, et ça, M. le Président, c'est très dangereux pour les consommateurs. Le débat porte également sur les mesures à prendre pour que les consommateurs disposent d'une offre variée et diversifiée en matière de produits et services financiers; il se situe au niveau de la protection des renseignement personnels.

Il faut faire ce débat, M. le Président, et ensuite apporter des ajustements, et le projet de loi n° 188 verra le jour avec la certitude que les intérêts des consommateurs seront bien protégés et que les joueurs pourront rivaliser à armes égales. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Nous cédons maintenant la parole au député de Crémazie. Alors, M. le député.


M. Jean Campeau

M. Campeau: Merci, M. le Président. Le ministre a respecté ses engagements. J'avoue ici que j'ai beaucoup de difficultés à m'adapter aux coutumes de l'opposition; peut-être qu'avec le temps on y parvient, mais, moi, je trouve ça particulièrement difficile. Quand on avance que rien n'a été changé, au contraire, il y a beaucoup de changements, mais il semble qu'on ne veuille pas l'admettre, qu'on ne veuille pas les voir et qu'on ne veuille pas s'en rendre compte.

Le ministre a fourni à tous les députés impliqués dans le dossier, aussi bien aux députés du gouvernement qu'aux députés de l'opposition, surtout aux membres de la commission des finances publiques, des amendements sous forme de notes. Oui, c'est un résumé, un résumé, des notes, élaboré, d'autre part, pour nous faire comprendre. Nous n'avons pas eu les papillons, d'autre part, qui vont se rapporter aux différents articles. Nous ne les avons pas eus encore parce que notre commission de la législation ne les a pas encore regardés et approuvés.

Ces amendements ont été fournis au député de Viger, représentant de l'opposition officielle dans ce dossier. Il semble que le député de Viger n'ait pas eu le temps d'en prendre connaissance ou, s'il en a pris connaissance, qu'il n'en ait pas informé ses collègues, d'après les discours qu'on entend de ces gens-là. Ça explique les propos de ses collègues quand ils parlent encore du projet d'il y a deux ans. Parce que c'est un projet sur lequel on a mis beaucoup de temps, M. le Président. On n'est pas allé à la hâte. Ça fait deux ans que ce projet-là, on en discute. Alors, ce n'est pas d'hier.

Alors, quand, de l'autre côté, on avance qu'on est pressé, qu'on bouscule, écoutez, on reproche au ministre d'être intransigeant et c'est le contraire, dans le fond. Il a fait part de son ouverture en tenant deux séries d'audiences publiques à des périodes différentes, en 1997 et en 1998. Il a eu des rencontres spéciales avec certains organismes. Par exemple, le ministre en a fait état, mais je me permets de reprendre la liste des rencontres, il a rencontré: la Confédération Desjardins, Promutuel, la Commission d'accès à l'information, le Conseil des assurances de personnes, l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, l'Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, le Service d'aide au consommateur, le Bureau d'assurance du Canada, le Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec, et j'en passe, M. le Président.

(17 h 20)

Donc, il a rencontré le représentant de l'opposition aussi, le député de Viger. Il lui a fourni tout son dossier. Il a ouvert toutes ses notes, il a fait preuve vraiment de confiance aussi bien envers les députés représentant le gouvernement que les députés de l'opposition. Alors, tous ces changements-là, les associations d'assurances les ont. C'est les changements qui nous ont été fournis à nous et aux députés de l'opposition. Vous pensez bien que, dans un monde ouvert comme le nôtre, les associations d'assurances ont d'ailleurs en main ces changements. Comment les ont-elles obtenus? C'est un mystère, mais elles les ont en main, ces changements, et elles sont en mesure de réagir.

Reste maintenant à passer, M. le Président, à l'étude article par article. Après l'adoption du principe, il faudra passer à l'étude article par article, où le projet de loi pourra être étudié en détail et où les changements sous forme de papillons seront déposés et étudiés. Mais ces changements-là sous forme de papillons seront un reflet des engagements du ministre à modifier le projet de loi. On aura en main les notes que le ministre nous a fournies pour bien voir si les changements, les papillons, comme on appelle ce genre de changements là, reflètent bien la réalité de ce qui nous a été dit. Alors, ça va être facile à vérifier. L'opposition aussi les a, ces notes-là. Bon.

C'est sûr qu'il y aura beaucoup d'ouvrage à faire, parce que c'est un projet de loi qui a été changé parce que le ministre a accepté d'écouter les organismes rencontrés. Donc, le projet de loi, il y a plusieurs papillons, à ce que je sache, qui vont venir s'y ajouter. Ça prouve donc que le ministre des Finances, le vice-premier ministre, a été à l'écoute des gens, à l'écoute des organisations, à l'écoute des gens impliqués.

Est-ce que le projet est parfait, à l'heure actuelle? Non, le ministre l'a dit lui-même. Il a dit un peu plus tôt dans l'après-midi que c'était un projet perfectible. Ça veut dire que le ministre est encore ouvert à apporter certaines modifications, à satisfaire certaines associations. Il va être ouvert aux suggestions. Évidemment, ces suggestions-là vont venir des associations du monde des assurances par l'intermédiaire des députés, aussi bien par l'intermédiaire des députés du gouvernement au pouvoir que de l'opposition, ou bien donc ces gens-là, les associations, feront encore au ministre des recommandations d'une façon directe.

C'est un projet de loi, je ne dirais pas fort compliqué, mais fort délicat. Alors, c'est pour ça que des changements, il y en aura jusqu'à la fin. Mais je pense que le ministre des Finances, jusqu'ici, a fait preuve d'une écoute et a fait preuve d'une consultation rares. Il a donc respecté ses engagements, quoi qu'en dise l'opposition. Même si le rôle de l'opposition, c'est de dire qu'il n'a pas respecté ses engagements, on voit, M. le Président, qu'il les a respectés.

Deux séries d'audiences publiques: en 1997, pas assez, on en fait une deuxième en 1998. On avait encore des choses à entendre, et le ministre était là, en 1998, pour les écouter. Rencontre spéciale avec certains organismes, je l'ai mentionné, tout à l'heure. Quand vous rencontrez une vingtaine d'organismes, vous ne pouvez pas donner cinq minutes ou 10 minutes à chaque organisme. Ça veut dire que vous vous assoyez avec l'organisme et que vous écoutez tout ce qu'il a à dire. Ce sont des heures et des heures de travail pour le ministre. Le ministre a d'ailleurs dit qu'il ne les avait pas vus un par un, mais ses gens les ont vus et, pour la plupart, il les a rencontrés. Donc, le ministre a été ouvert.

Le ministre a fait preuve d'ouverture encore une fois en nous remettant, aux députés impliqués, les notes d'information, des deux côtés, sur les changements qu'il se proposait d'apporter avec les papillons. Alors, franchement, quand on dit que le ministre n'a pas fait preuve d'ouverture, bien, qu'est-ce qu'on veut? Est-ce qu'on veut qu'il nous fasse venir à son bureau puis qu'on rédige en même temps que lui la loi?

Moi, je pense que, jusqu'ici, le ministre a fait preuve de grande ouverture. On ne doit pas lui reprocher d'être resté cachottier. C'est depuis deux ans qu'il parle de ce projet de loi là. Il en parle aussi bien avec les gens de son parti qu'avec l'opposition dans le but de l'améliorer. Et encore, je le répète, cet après-midi, il disait: Ce projet de loi est perfectible et il est encore ouvert. Et, quand nous allons étudier en commission des finances publiques le projet de loi article par article, je suis convaincu que le ministre sera là à l'écoute des changements que nous pourrions suggérer pour perfectionner le projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Crémazie. Nous cédons maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 188 est un projet de loi sur lequel nous ne sommes pas d'accord. En effet, le député de Crémazie a essayé d'apporter quelques informations supplémentaires, mais il reste que notre formation politique n'est pas d'accord parce que le projet ne correspond pas à ce à quoi les intervenants de ce domaine très important, qui est le domaine des assurances, s'attendent, à ce qu'ils recherchent, à ce qu'ils demandent pour pouvoir continuer à progresser, à développer leurs affaires et à servir les Québécois et les Québécoises comme ils le font depuis des décennies dans le domaine de l'assurance.

Mon collègue de Crémazie du Parti québécois nous disait que c'était un projet de loi perfectible, que les amendements étaient prêts, que le ministre en avait indiqué au député de Viger, qui est notre porte-parole, la substance. Mais il n'en reste pas moins qu'on ne les a pas vus, ces amendements, M. le Président. Et l'engagement du ministre était très clair. Il était à l'effet que, avant de faire toute discussion sur ce projet de loi là en Chambre, suite aux consultations qu'il y a eu...

En effet, il y a eu des consultations. Il y a eu beaucoup de gens qui sont venus s'exprimer. Il y a des gens qui ont fait valoir leur désaccord. Il y a des gens qui ont écrit, qui ont télécopié, qui ont téléphoné à leur député. Peut-être avez-vous vous-même reçu des représentations, car chacun d'entre nous avons dans notre circonscription électorale un certain nombre de courtiers d'assurances. Et qu'ont-ils fait, ces courtiers, depuis de nombreux mois, M. le Président? Eh bien, ils nous envoient des recommandations, ils nous envoient des demandes très précises, car ils voient un certain danger à cette concentration qui est envisagée par le projet de loi du ministre et par le gouvernement.

Alors, écoutez, il y a le député qui nous disait aussi: Les associations ont déjà l'information entre les mains. Mais, moi, je trouve ça un peu paradoxal que les associations auraient... Et il dit, il prend la peine de dire: Je ne sais pas par quel moyen ils l'ont obtenue. Alors, de deux choses l'une: ou on la leur a donnée et on veut le camoufler ou alors on ne la leur a pas donnée et il y a eu des fuites quelque part. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Comment se fait-il que l'opposition ne l'ait pas entre les mains, alors que les courtiers l'auraient entre les mains? Et, comme disait le député de Crémazie, qui lui-même a été ministre des Finances antérieurement: Je ne sais par quel moyen. Bien, là, M. le Président, quelque chose qui porte à équivoque.

Alors, il serait important, rapidement, que le ministre nous dépose ses amendements, nous les montre, afin que nous puissions regarder avec les gens de l'industrie de l'assurance, les gens de ce secteur très important dans les institutions financières, que nous puissions regarder avec eux si les demandes qu'ils nous faisaient, si les recommandations qu'ils envoyaient au gouvernement correspondent à ce qu'ils ont dans les mains et à ce que nous avons demandé, bien sûr, pour que nous puissions nous entendre. À défaut de quoi, eh bien, malheureusement, nous ne pouvons que continuer à nous opposer à ce projet de loi là et à demander au ministre d'apporter toute la clarté le plus rapidement possible.

On nous dit qu'il y a déjà 200 amendements. Un projet de loi de 490 articles dans lequel il y aurait 200 amendements, c'est des changements majeurs. Ça change probablement peut-être la substance complète du projet de loi. On ne le sait pas. Si nous le savions, nous pourrions dire: Bien, c'est un projet de loi qui maintenant va plus dans notre direction, correspond plus à nos attentes. Mais on ne veut pas nous les montrer. On me dit qu'on a invité notre collègue à aller dans le bureau du ministre pour qu'il en prenne connaissance. Soyons sérieux. Un projet de loi de 490 articles, on demande à un député de venir au bureau puis de regarder comme ça rapidement. Ça prend un peu plus de temps que ça. De qui veut-on rire?

Si vraiment il y avait une volonté de la part du ministre de faire preuve de clairvoyance, de faire preuve d'attention, de collaboration avec les courtiers, les représentants des courtiers et bien sûr notre collègue le porte-parole officiel de l'opposition, eh bien, il aurait fait une séance de travail, à huis clos si nécessaire, avec notre collègue le député, les représentants des associations et il aurait soumis ses amendements. Son personnel aurait pu le faire. Il aurait expliqué, il aurait dit: Voilà ce que je compte apporter, c'est ça, ça et ça; voilà, c'est ça que je veux faire, et on va aller en commission.

(17 h 30)

Nous aurions pu faire notre opinion, les gens aussi et, bon, après tout, le gouvernement décide à la fin; c'est lui qui est majoritaire, donc qui peut opérer comme il veut. Mais il n'en reste pas moins que l'engagement du ministre n'a pas été tenu, et c'est ça qui nous inquiète. Pourquoi avoir promis, pourquoi s'être engagé à le faire, et, lorsque le temps arrive, à la dernière minute, on essaie de faire ça comme pour sauver la face pour la promesse qu'on a faite, mais pour que, dans les faits, pratiquement ça ne serve à rien ou que ça soit si peu facile à travailler qu'on ne puisse pas profiter de ces connaissances.

Alors, M. le Président, malheureusement, nous ne pouvons pas être pour. Nous ne pouvons pas être pour, pour l'instant, et nous demandons, nous continuons de demander au gouvernement de faire preuve d'honnêteté, et aux députés aussi, en face, de faire preuve de détermination en ce qui est les revendications qu'ils doivent faire valoir au gouvernement. On sait que les députés en face, les députés du Parti québécois, qui, eux aussi, ont compris très rapidement les enjeux et les dangers que représentait ce projet de loi là pour ce secteur très important de l'activité économique québécoise, ils ont aussi demandé au gouvernement de faire des modifications et des changements. Alors, si les amendements ne sont pas disponibles pour le député de Viger, je ne vois pas comment ils ont pu être disponibles pour les gens du gouvernement. Peut-être qu'ils ne les ont pas vus, eux autres non plus. Ou alors, s'ils les ont vus, pourquoi le député de Viger ne les aurait pas vus? Même les autres ne les ont pas vus, je suis à peu près certain de ça. Et là on nous demande de discuter sur un projet de loi qu'on n'a pas vu, un projet de loi qui est modifié, fondamentalement peut-être, par ces amendements.

M. le Président, on est déjà, vous savez, au Canada, dans un des systèmes financiers les plus concentrés au monde. On se rend compte que de plus en plus les banques se fusionnent les unes les autres et on assiste à une concentration sans pareille des institutions financières dans notre pays. Au Canada, nous sommes à peu près 30 000 000 d'habitants et il y a seulement six banques. Allez dans n'importe quel autre pays occidental, vous verrez qu'il y a beaucoup plus d'institutions bancaires que ça. Là on essaie maintenant de faire ça avec les compagnies d'assurances, avec l'assurance. On veut permettre aux banques de vendre de l'assurance. C'est ça qu'on veut faire. On ouvre la porte, là, pour leur permettre d'accroître encore leur pouvoir et d'aller jouer, d'aller oeuvrer dans un secteur d'activité qui est naturellement dévolu aux courtiers d'assurances, ce qui mettra en danger, à terme, la survie de ces gens-là.

Il ne faut pas se conter d'histoires; on peut bien dire tout ce qu'on veut, employer des grands mots: «globalisation», «mondialisation»; ça, c'est tous des mots, à la fin, qui vont finir par détruire un secteur très important. Et qui va en supporter les conséquences? Ah! Ce n'est pas les banques. Elles, elles vont engranger de l'argent. Elles sont habituées à en engranger. On voyait aujourd'hui les résultats de Toronto-Dominion, banque qui fait, je pense, 280 000 000 $, 298 000 000 $ de profits supplémentaires. Ont-elles besoin encore de plus d'argent? Peut-être pour monter les actions qu'on peut avoir dans nos REER à l'occasion. Bien, ce n'est pas ça, le but, M. le Président.

Je pense que notre but parlementaire, c'est de faire en sorte que l'organisation des services financiers et autres, de tous les services dans la société québécoise, et particulièrement les services financiers, corresponde au meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises. Est-ce qu'en permettant cette globalisation on va permettre une meilleure compétition? Est-ce qu'on va permettre un meilleur service aux gens? Est-ce que ça va permettre aux Québécois et aux Québécoises d'avoir une gamme assez vaste de produits qui vont correspondre à ce qu'ils désirent? Est-ce que les prix vont s'en trouver améliorés? Est-ce que, en s'en trouvant améliorés, ils vont l'être à court terme parce que le Mouvement Desjardins, qui va accéder à cela encore, va faire en sorte de casser les prix, de diminuer les prix pour pouvoir attirer la clientèle des courtiers d'assurances et des compagnies pour les éliminer du marché, et, par la suite, nous serons, bien sûr, victimes ou prisonniers de cette espèce de concentration? Ça, M. le Président, moi, je ne pense pas que ce soit une bonne chose.

Regardez aussi ces grandes institutions financières. Si vous regardez, lorsqu'elles sont grosses, il suffit qu'il y en ait une qui connaîtrait des problèmes de solvabilité. Imaginez l'impact que ça peut avoir, ces méga-institutions qui sont en train de se créer. Bon, je comprends que le Québec, le ministre a des rêves de pays, et il se dit: Ma foi! on doit être là, nous aussi. Mais je ne crois pas que ce soit ça que les Québécois demandent. Je ne crois pas que ce soit ce dont les Québécois ont besoin. Les Québécois sont attachés à leurs institutions financières, ils sont attachés à leur manière de fonctionner. Ça, c'est sans compter le côté humain, M. le Président. Combien d'emplois sont générés? Combien de travailleurs dans chacune des circonscriptions électorales des députés à travers le Québec, combien de personnes, d'hommes, de femmes gagnent quotidiennement leur vie en oeuvrant dans la vente de l'assurance comme courtiers? Un nombre énorme, 20 000, 30 000, peut-être 40 000, M. le Président, entre les courtiers, leurs épouses, les familles qui en vivent, les employés. Eh bien, on va arriver à détruire ce secteur-là aussi.

Est-ce que les banques vont remplacer, ou les institutions financières, ou Desjardins va engager autant de monde, va avoir une activité de retombées, de création d'emplois aussi grande lorsqu'elle aura bouffé les courtiers? Je ne le crois pas. On va se retrouver dans le même principe qu'on voit déjà maintenant où, dès qu'ils peuvent récupérer un secteur payant pour eux, eh bien, ils coupent le personnel, ils coupent le service pour justement engranger le maximum d'argent. Puis là on ne parle pas d'une institution qui va aller à l'échelon international, on ne parle pas de faire des institutions financières qui vont aller compétitionner sur les marchés internationaux ou mondiaux, on parle d'entreprises qui permettent aux Québécois et aux Québécoises d'être assurés et de pouvoir recevoir du service.

M. le Président, je trouve, moi, que, dans notre société, il y a des gens qui disent: Aujourd'hui, vous savez, l'importance, la taille, la grosseur des entreprises... les grandes entreprises sont mieux capables d'investir dans la technologie, les institutions à nous sont un peu trop petites. Ce n'est pas vrai. Aujourd'hui, ce n'est pas tellement la grosseur qui compte, c'est l'efficacité, c'est la rentabilité et c'est la qualité du service qui est donné. En tout cas, si on se fie à ce grand principe là, à ce moment-là, pourquoi pas regrouper toutes les banques dans une seule banque, tous les courtiers dans un seul courtier, tous les hôpitaux dans un seul hôpital, toutes les écoles dans une seule école? Pourquoi pas? Au contraire, il y a une tendance, un mouvement à faire en sorte qu'on évite la création de trop grosses entreprises.

On voit actuellement aux États-Unis un certain nombre d'États américains qui demandent à la Justice de faire en sorte que le géant Microsoft ne puisse pas détenir le contrôle complet ou se trouver en situation de monopole dans les systèmes d'intelligence informatique. Pourquoi? Bien, c'est très simple: parce que, du moment où quelqu'un ou une entreprise détient ce monopole, tôt ou tard il abuse de ce monopole-là, il abuse de ce poids considérable qu'il a dans les affaires, dans la fixation des marges, des produits, et cela se fait au détriment de l'ensemble de la société et des consommateurs.

Alors, nos amis les Américains, il y a de nombreuses années, se sont arrangés pour que le géant de la téléphonie, AT&T, American Telephone & Telegraph, soit scindé en plusieurs compagnies. Pourquoi ont-ils fait ça? Pourtant, les Américains, c'est la mecque de la libre entreprise, c'est la mecque de la mondialisation et de la globalisation. Pourquoi les tribunaux américains ont décidé un jour qu'AT&T, American Telephone & Telegraph, devait cesser d'avoir le monopole des télécommunications aux États-Unis? Parce qu'ils voulaient donner la chance à d'autres entreprises de pouvoir le faire, d'offrir de meilleurs services, d'avoir de la compétition sur les prix, c'est ça qui était important. Et il y a aussi l'accessibilité. Lorsqu'il y a de la compétition, lorsqu'il y a des entités moins grosses, eh bien, les gens essaient de donner de meilleurs services, de développer des marchés qui n'existent pas, d'être plus accessibles. C'est ça, M. le Président, la compétition.

Et c'est le cas que nous avons actuellement. Actuellement, lorsqu'il y a des courtiers dans une ville – prenons une petite ville, je ne sais pas, moi, la ville de Joliette ou de Berthier, où il y a peut-être un ou deux courtiers d'assurances – ils vont essayer chacun d'avoir leur part de marché, ils vont essayer d'avoir des prix plus compétitifs, d'avoir un meilleur service, une meilleure indemnisation de leurs assurés. Le jour où il y en a juste un, vous n'avez pas le choix, faut que vous passiez là. Bien, ce jour-là, il vous donne le service qu'il veut. Il n'est pas obligé de baisser ses prix. Vous n'avez pas le choix, il y en a juste un.

C'est un peu comme lorsque les Québécois arrivent à l'aéroport dans un pays, en voyage, et qu'ils ont loué une automobile. Ils sont au comptoir de la compagnie d'automobiles. Ils ont déjà payé la location d'auto, et là on leur montre un papier. On dit: Là, vous signez ici pour savoir si vous prenez l'assurance. Comment? Ce n'est pas compris? Non. Combien ça coûte? 10 $ par jour pour telle assurance, 2 $ pour l'autre, 3 $ pour l'autre puis 4 $ pour l'autre. À la fin, notre brave touriste regarde, et c'est 20 $ par jour qu'il doit payer en supplémentaire, plus les taxes, pour s'assurer. Il n'a pas le choix, là, il est pris. Il a payé sa voiture puis il veut partir avec, il a ses valises puis il est fatigué. S'il y avait plus de compétition, à ce moment-là, s'il n'était pas pris avec sa voiture payée d'avance puis ses valises à porter, peut-être dirait-il: Je vais aller voir le voisin qui, lui, affiche un prix peut-être un peu moins élevé ou qui met l'assurance comprise.

(17 h 40)

C'est ça, la compétition. C'est ça, la liberté de décider. Eh bien, le jour où nos institutions financières vendront de l'assurance, contrôleront ce marché-là, moi, je peux assurer les Québécois et Québécoises, M. le Président, que nous serons dans une situation de monopole ou de quasi-monopole. Le jour où nos courtiers auront disparu, d'abord, il y aura un impact sur les prix très important, deuxièmement, sur la qualité des services, il y aura là aussi un impact, et j'ai mentionné aussi, bien sûr, l'impact sur les emplois.

M. le Président, les banques essaient depuis longtemps de vendre des assurances. Le gouvernement fédéral s'y est opposé. Pourquoi le gouvernement fédéral s'y est opposé? Parce que le gouvernement fédéral, dans un de ses moments de sagesse, s'est rendu compte que ça ne serait pas une bonne décision, justement, pour les autres intervenants dans ce marché-là. Il se rend compte de ça parce qu'il ne veut pas cette concentration.

Et là on essaie d'arriver avec Desjardins par en arrière. D'aucuns diront: Le ministre des Finances se cherche une job chez Desjardins. Il prépare son nid pour plus tard. Moi, je ne crois pas ça. Peut-être, mais je pense que c'est plutôt parce qu'il est aveuglé par cette image de globalisation et d'institutions québécoises financières très grandes qui iraient à travers le monde et qui seraient le drapeau québécois dans un Québec souverain.

Est-ce que c'est ça? Je ne sais pas si c'est ça, mais il y a quelque chose qui est difficile à comprendre dans son acharnement à vouloir à tout prix passer par-dessus, sur le corps ou sur les courtiers d'assurances au Québec. Incompréhensible, d'autant plus que ces gens-là ne demandent, aussi, qu'à moderniser leur pratique, qu'à moderniser leur profession, faire en sorte de s'adapter, eux aussi, à de nouvelles orientations de marché, à de nouvelles dynamiques de marché.

Vous savez, M. le Président, en 13 ans de vie politique ici, en cette Chambre, je n'ai jamais vu un projet de loi qui a été décrié par des groupes importants de la société sans que ça ne soit justifié. Nous, les élus, qui n'avons pas, après tout, le monopole du savoir dans des domaines que nous ne connaissons pas toujours bien, la gamme très vaste, dans notre société, des différentes activités que nous voulons régir, ce n'est pas vrai que, lorsque les gens qui sont touchés par nos décisions se plaignent, crient, manifestent, tempêtent, nous rencontrent, ils ont tort. Ils ont généralement de bonnes raisons de le faire. Et la raison, c'est parce que nous dérangeons leurs affaires, nous déréglons le système dans lequel ils vivent. Parce que, si c'était une décision qui était favorable pour eux, pour tout ce secteur-là, pour les Québécois et les Québécoises, il n'y aurait pas de problème. Ça serait facile à passer, ce projet de loi là.

Alors, ce que je demande au ministre des Finances, c'est tout d'abord de rendre rapidement publics les 200 amendements qu'il entend passer. Parce que, je le disais précédemment, ça change probablement ou peut-être complètement la loi, ou ça ne change rien puis c'est des amendements cosmétiques. L'un ou l'autre. Ça, nous voulons le savoir. Ça, nous avons le droit de le savoir, nous devons le savoir, puis les courtiers doivent le savoir. Ça, c'est la première chose que nous demandons, et nous lui demandons de le faire très rapidement afin que les autres députés qui vont faire des discours, des interventions puissent, en ayant pris connaissance de ça, peut-être changer le cours de leur discours et peut-être ne pas le changer.

Nous demandons aussi au ministre, bien sûr, de ne pas oublier que le Québec s'est bâti avec des petits artisans, avec des petites entreprises et que c'est ça qui est la force d'une société. C'est ça qui fait qu'une société se développe, qu'une société continue d'opérer. Ce sont les petites entreprises. Et les courtiers d'assurances, ce sont des petites entreprises, des petits commerçants. Et ça, M. le Président, je pense qu'on doit d'abord faire primer les droits et les intérêts de ces gens-là qui sont beaucoup plus proches de la population, qui sont le... de la société, avant de travailler pour favoriser des grandes institutions financières qui, elles, n'ont de sens et n'ont de goût que de faire de l'argent et d'avoir des parts de marché à la Bourse ou ailleurs pour s'enrichir aux dépens des contribuables, bien souvent.

Alors, voilà, M. le Président, ce que nous demandons au ministre et voilà les raisons pour lesquelles, à ce stade-ci, bien sûr, nous sommes contre ce projet de loi là; et nous espérons que nos collègues d'en face, les députés d'en face, qui, eux aussi, partagent un certain nombre de nos appréhensions, feront réagir le ministre dans le sens que nous lui demandons.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous allons maintenant céder la parole au député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Nous sommes au stade du principe du projet de loi n° 188. Le projet de loi n° 188 sur la distribution de produits et services financiers représente la proposition du ministre des Finances dans le but de remplacer l'actuelle Loi sur les intermédiaires de marché.

Rappelons, M. le Président, que cette dernière loi, adoptée en 1989, introduisait un régime permettant aux intermédiaires de marché, agents et courtiers, de moderniser leur pratique dans le sens d'un plus grand professionnalisme, tout en protégeant mieux le consommateur.

Qu'en est-il avec ce nouveau projet de loi que nous présente le ministre des Finances? Le moins qu'on puisse dire, c'est que les professionnels touchés par cette loi ne sont pas convaincus ni de son utilité ni de son efficacité, notamment et surtout à l'égard de la protection du consommateur. M. le Président, plusieurs des intervenants du secteur financier nous ont fait part de leurs commentaires en commission parlementaire, et la plupart étaient fort critiques à l'endroit de ce projet de loi. Il est important de prendre en considération les remarques qu'ils ont formulées car ils sont parmi les premiers concernés par cette loi et seront responsables, à plusieurs égards, de son application rigoureuse ou non.

Une loi bien faite et bien comprise a plus de chances d'être bien respectée, ce qui est une meilleure garantie pour le consommateur. Le projet de loi n° 188 ne rencontre malheureusement pas ce critère d'acceptation et de consensus, ce qui n'en fait pas une bonne loi pour le consommateur. M. le Président, j'ai indiqué ici que ça, c'est les gens qui sont impliqués dans le milieu, et je dois vous dire qu'il n'y a pas un projet de loi – et ça fait 17 ans que je suis député – qui me fait avoir tellement de correspondance, parce que c'est des petites entreprises. Moi, j'ai un comté de 20 municipalités, M. le Président, et c'est certain que, dans la moitié de ces municipalités, il y a des courtiers en assurance. Et ça, M. le Président, c'est ça qui crée les emplois, c'est ça qui crée la richesse et la qualité de vie de nos régions.

Mais, M. le Président, il y a un sondage qui a été fait. Je vous dis, moi, les agents, ces gens-là ont un parti pris. Mais qu'est-ce que la population, elle, dit? Dans un sondage Léger & Léger sur le projet de loi n° 188, dans un premier temps, on dit que la population veut traiter avec de vrais professionnels. Les Québécois et les Québécoises croient massivement que pour faire un bon achat en matière d'assurance-vie il est nécessaire d'être conseillé par une personne réglementée et qui possède un permis reconnu. Deuxièmement, la population veut traiter avec des individus obligatoirement certifiés et personnellement responsables de leurs actes et de leurs conseils, ce que n'impose pas, malheureusement, le projet de loi n° 188. Contrairement à ce que propose le ministre, la population veut traiter avec des professionnels autonomes et non pas des individus qui relèvent d'un cabinet, que ça soit une compagnie, une caisse ou une banque, et dont l'autonomie est limitée.

Quatrièmement, M. le Président, dans une proportion de deux contre un, la population fait plus confiance aux professionnels pour conserver la confidentialité des renseignements personnels qu'aux banques et aux caisses, ce que privilégie le projet de loi n° 188. Et ça, c'est la population, là; la population n'a aucun intérêt, elle n'est pas dans un conflit d'intérêts. La population, c'est le service, et on dit toujours qu'on veut avoir des lois qui vont certainement donner le meilleur service et la meilleure protection aux consommateurs.

(17 h 50)

Et, cinquièmement, la population est d'accord pour que le gouvernement crée un organisme professionnel indépendant pour encadrer tous ceux qui vendent des produits d'assurance, ce que le ministre refuse de faire. Donc, M. le Président, on voit qu'en commission parlementaire – et il s'est fait peut-être deux consultations – les gens du milieu disent que le projet de loi n° 188, tel qu'il est écrit là, tel qu'il est là, n'est pas acceptable. La population dit aussi: Nous sommes concernés et nous voulons certaines choses. J'entendais, tantôt, le député de Crémazie – probablement le seul du côté ministériel, à part du ministre, qui a parlé – dire: Attendez, là, il y a des amendements qui s'en viennent.

Mais, M. le Président, si c'est vrai qu'il y a 200 amendements – tu sais, 200 amendements pour un projet de loi qui en a 400! – pourquoi nous ne l'avons pas fait avant pour que tous les parlementaires, ici, aient l'heure juste et qu'on puisse parler de quelque chose de façon constructive et positive? Si ça a été changé, si on a rencontré les exigences de tous les gens qui sont venus témoigner aux commissions parlementaires, si on veut répondre à ce que la population veut avoir, il me semble que la décence même aurait obligé même à retarder le projet de loi, à le changer, à dire: Voici, là, comme gouvernement qui prend au sérieux les gens du milieu, les gens qui travaillent dans ce domaine-là, comme un gouvernement qui prend au sérieux ce que la population veut avoir, on va retarder, mais on va vous présenter un projet de loi qui colle à la réalité. Mais non, M. le Président, on procède avec le projet de loi. Et, vous autres, les gens de l'opposition, attendez au moment de l'étude article par article, on vous mettra au courant de ce qui se passe.

De quelle façon peut-on avoir un débat constructif, dans le meilleur intérêt des PME dans chacun de nos comtés? Parce que, surtout en région, certainement, c'est bien important. Et, comme je l'indiquais tantôt, il n'y a pas un projet de loi qui m'a fait recevoir tellement de courrier que celui-là.

M. le Président, pourquoi les gens du milieu s'y objectent-ils, à ce projet de loi? D'abord, ce projet de loi introduit de nouveaux concepts qui ne sont pas familiers aux consommateurs et qui ne reflètent pas les pratiques actuelles de ce secteur, qui sont généralement acceptées par tous. Ainsi, le projet de loi n° 188 introduit un nouveau concept, celui de «représentant». Par définition, un représentant représente une autre personne, sous-entendu une personne morale, tel une institution. Un tel concept s'accorde mal avec la pratique actuelle, entre autres, du courtier, qui, par définition, est le mandataire de son client et propose des services et des produits diversifiés sans représenter aucune institution d'où peuvent provenir ces produits. Le concept de représentant exclut également, M. le Président, la notion de conseil et de choix qui fait partie intégrante de l'activité du courtier.

Cette dénomination nivelée crée une confusion sur le sens à donner à la «représentation» généralement comprise par le consommateur, qui implique un lien exclusif entre ledit représentant et l'entreprise dont il offre les produits et services.

Le pourquoi de ce concept avancé par le projet de loi demeure inexpliqué. Il n'a pas sa raison d'être. Rien ne justifie son apparition, que ça soit au niveau des consultations antérieures auprès de l'industrie ou l'état actuel du secteur des intermédiaires de marché, qui ne représente aucune défaillance majeure. Ce concept de «représentant» est également contesté par des intermédiaires qui ne sont pas des courtiers, M. le Président. C'est un intermédiaire en assurance de personnes témoignant devant la commission parlementaire qui explique pourquoi, en ses propres termes, et je cite: «Il y a le mot "représentant" qui me fatigue énormément, si vous me permettez, parce que, pour moi, représentant devient employé, et, moi, la journée où je serai employé, j'ai l'impression que je serai beaucoup moins intéressé à continuer. Je suis un professionnel. Je suis un travailleur. Je suis un travailleur autonome. Je rends compte de mes actes, et si, un jour, je fais une erreur professionnelle, je veux en répondre comme un vrai professionnel.»

C'est une préoccupation, M. le Président, qui est revenue souvent dans les commentaires des intervenants de l'industrie, à savoir que le projet de loi n° 188 comporte un effet néfaste sur le professionnalisme des intermédiaires et la responsabilité qui en découle. Il faut rappeler que le consommateur est le premier à profiter d'un meilleur professionnalisme. Il faut le rappeler parce que le ministre des Finances semble l'avoir oublié en concevant son projet de loi.

On nous a mis en garde contre la déresponsabilisation professionnelle, un des effets néfastes de ce projet de loi, ce qui est un des effets néfastes de ce projet de loi. La responsabilité des actes sera désormais diluée entre le cabinet et le représentant, autorisant ce dernier à se sentir moins concerné par les conséquences des actes qu'il pose. Le meilleur moyen d'assurer une protection efficace est de faire appliquer les responsabilités le plus près possible du consommateur. La responsabilisation des professionnels régis par le Code des professions est, entre autres, basée sur ce principe simple. Par contre, plus les responsabilités sont éloignées – et ça, vous le savez, M. le Président – et diluées, plus il est difficile d'identifier où se situe la véritable responsabilité.

En proposant le contraire de la simplicité en matière de responsabilité professionnelle, le projet de loi n° 188 s'éloigne dès le départ d'une approche saine, efficace et éprouvée du problème de la responsabilité à l'égard du consommateur. Au-delà des nouveaux concepts introduits par le projet de loi n° 188, qui ont pour effet d'amoindrir le statut professionnel de l'intermédiaire, d'autres dispositions constituent des entraves sérieuses à l'activité professionnelle de l'intermédiaire.

M. le Président, de manière générale, le projet consacre le renforcement de la responsabilité totale du cabinet par rapport à la responsabilisation du professionnel. Donc, ce n'est plus l'individu. C'est un peu comme être un employé et non pas être celui qui est responsable, tu sais, qui doit garder la réputation et être compétent. Les représentants peuvent être rattachés aux cabinets, lesquels, y compris les dirigeants, les surveillent. Ils sont responsables de leur pratique ou peuvent être autonomes ou en société d'autonomes. En somme, seuls les représentants autonomes sont responsables totalement de leur pratique professionnelle.

(18 heures)

M. le Président, je vois que j'arrive à la fin de mon temps. En terminant, nous ne pouvons pas mettre davantage en péril le droit des consommateurs à un vaste choix dans la distribution des produits et services financiers. Les consommateurs sont déjà aux prises avec des menaces d'aggravation des monopoles bancaires ou régionaux.

Le projet de loi n° 188 ne propose rien pour corriger cette tendance, bien au contraire. Il y va du respect envers les droits de nos concitoyens de rejeter ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Pontiac. Sur ce, je suspends maintenant nos travaux à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Le dernier intervenant avait terminé son intervention, alors je pourrais passer la parole au prochain intervenant. Mme la députée de Mégantic-Compton, je vous cède la parole.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Depuis le dépôt du projet de loi n° 188, loi qui porte sur la distribution des produits et services financiers, nous avons entendu plusieurs critiques et surtout des mises en garde persistantes sur la protection des renseignements personnels.

Lors de la dernière commission parlementaire, des représentants de l'industrie des assurances et des associations de consommateurs ont fait valoir que le projet de loi n'offrait pas de garanties suffisantes pour que les renseignements confiés par les consommateurs à des institutions financières ne soient utilisés à des fins autres que celles pour lesquelles ils ont été cueillis. Et ils ne sont pas les seuls à s'inquiéter de cela.

M. le Président, j'ai pris le temps de parcourir plusieurs mémoires présentés en commission parlementaire et j'aimerais attirer votre attention, celle du député de Verchères et celle de mes collègues de l'Assemblée nationale, sur le mémoire du Protecteur du citoyen. Son porte-parole, M. Jacques Meunier, a soulevé des inquiétudes qui méritent notre attention et il a déclaré ce qui suit, je le cite: «Rien, à l'article 22, n'interdit à l'institution de dépôts de transmettre à son représentant toute information qu'elle possède et qui pourrait lui être utile. L'article 22 ne répond pas aux inquiétudes naturelles soulevées par la concentration des renseignements dans une même institution. À cet égard, les dispositions du projet de loi apparaissent nettement insuffisantes.» Fin de la citation.

C'est une mise en garde on ne peut plus claire, M. le Président. Je m'étonne qu'un gouvernement qui est sensé légiférer dans le meilleur intérêt des citoyens dépose un projet de loi qui les rende aussi vulnérables que cela à l'appétit des institutions financières.

Dans un autre mémoire, un autre intervenant, le Bureau d'assurance du Canada, par l'entremise de M. Yvon Lamontagne, a affirmé, et je le cite: «Le libellé du projet de loi n° 188 rendra extrêmement difficile, voire impossible le contrôle efficace de l'utilisation des renseignements personnels. Les moyens technologiques dont nous disposons de nos jours et la concentration de l'information dans les institutions de dépôts, jumelés au cumul des fonctions, et tout cela dans les mêmes locaux, rendront inefficace toute loi visant la protection des renseignements personnels.» Fin de la citation.

Qu'est-ce que le député de Verchères et ministre des Finances a répondu à M. Lamontagne? Le député de Verchères a répondu qu'il élèverait un mur juridique étanche pour protéger les renseignements personnels. Il a dit que ceux qui violeront la loi et qui seront poursuivis se rappelleront longtemps qu'il valait mieux ne pas la violer. Quelle belle déclaration, M. le Président! Ça vise à impressionner du monde. Devant les caméras, ça fait belle figure. Mais je rappellerais au député de Verchères que nous avons déjà des lois qui protègent la vie privée.

En Amérique du Nord, c'est au Québec que nous avons les lois les plus progressistes en matière de protection des renseignements personnels. Le Québec est cité en exemple en Europe comme en Amérique. Nos textes législatifs sont copiés par d'autres. Nous sommes à l'avant-garde et nous avons des mécanismes pour faire respecter ces lois. Ça aussi, c'est bien beau, M. le Président. Ça nous fait un petit velours, nous, les Québécois; ça nous rassure. Et pourtant, je ne crois pas me tromper en affirmant que nous pouvons tous, ici, à cette Assemblée, citer des exemples où des institutions utilisent des renseignements personnels à d'autres fins et violent nos lois.

Les associations de consommateurs qui sont venues témoigner en commission parlementaire savent pertinemment qu'il y a des cas de violation de la loi sur la protection des renseignements personnels. Le problème, M. le Président, c'est qu'à peine 1 % des Québécois ont le réflexe de s'adresser à la Commission d'accès à l'information pour porter plainte. C'est ce que d'ailleurs démontrait un sondage réalisé pour le compte de la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec. Seulement 1 % des consommateurs se servent des mécanismes prévus pour porter plainte. Il y a de grandes chances que les institutions soient au courant de cette statistique et prennent sciemment le risque de violer la loi en se disant que les clients ne porteront pas plainte. J'appelle ça, M. le Président, de l'outrecuidance.

(20 h 10)

Le député de Viger a révélé un beau cas de cette outrecuidance dont je parle, et ça concerne le Mouvement Desjardins dont nous sommes si fiers. Le député de Viger a mis au jour un cas où Desjardins aurait transmis de l'information sur l'un de ses membres à une de ses filiales. C'est un exemple de violation de la loi, n'est-ce pas? Or, qu'a répondu M. Béland? Il n'a même pas nié. Non. Il a simplement répondu que les banques faisaient pire que lui. Nous avons là, M. le Président, un aveu par le grand patron même du Mouvement Desjardins. Il avoue candidement que ses caisses violent la loi sur les renseignements personnels, mais, comme, selon lui, les banques feraient pire que lui, ce ne serait qu'un péché véniel. Faute avouée est à moitié pardonnée!

Alors, quand le ministre nous dit qu'il va élever un mur juridique étanche pour empêcher la transmission et l'utilisation des renseignements personnels, permettez-moi, M. le Président, de douter de l'effet qu'il aura. Nous l'avons déjà, notre mur juridique, avec la Loi sur la protection des renseignements personnels et ses règlements, mais les institutions, semble-t-il, n'hésitent pas à le franchir. Elles n'hésiteraient pas à violer la loi.

Dans un argumentaire envoyé le 27 mars à tous les députés, on leur propose de dire que le projet de loi protège les renseignements personnels de nature médicale ou concernant les habitudes de vie afin qu'ils ne soient pas conservés par l'institution de dépôts lorsqu'ils sont demandés dans le cadre d'une souscription d'assurance. Mais la réalité, M. le Président, c'est qu'une institution peut utiliser ces renseignements sans qu'il soit possible de le prouver. Ils sont colligés dans la grande banque de renseignements électronique, à laquelle tous les employés ont accès.

On leur propose aussi de dire que la vente d'assurance ne pourra se faire qu'à un endroit garantissant la confidentialité. Est-ce ainsi qu'on pense empêcher un employé de consulter la banque de renseignements de cette institution? M. le Président, ne soyons pas naïfs! Les belles paroles du ministre, malgré ses promesses, il ne faut pas croire que les institutions de dépôts se conformeront à la loi sur la protection des renseignements personnels plus qu'elles ne le font maintenant. Avec le projet de loi n° 188, le gouvernement leur ouvre la porte au marché de l'assurance, il leur facilite la tâche; leur appétit gourmand fera le reste.

Nous savons que les employés des institutions financières doivent conclure 25 ventes par mois. C'est l'objectif – attendez, M. le ministre! – que leur fixe leur patron, M. le Président, 25 ventes par mois. C'est plus qu'une vente par jour, c'est énorme. En comparaison, dans les compagnies d'assurance sur la vie, la moyenne, M. le ministre, est d'environ deux ventes par mois. Deux ventes, M. le Président, c'est beaucoup moins que 25 ventes par une caisse ou une banque – par une caisse, parce que les banques n'ont pas le droit.

Face à un tel écart, posons-nous la question: Qu'est-ce qui permettra aux employés des institutions de dépôts de multiplier par 12 la performance des employés des assureurs-vie? Il y a une réponse possible. L'utilisation des renseignements personnels, médicaux et financiers, qui seront à la portée de la main et qui permettront de cibler de façon très rigoureuse les clients. Ce sera un outil de marketing qui fera rêver toutes les entreprises commerciales des autres secteurs.

Il ne faut pas permettre aux institutions de dépôts d'avoir accès aux renseignements d'ordre médical. Or, c'est exactement ce que propose de faire la loi n° 188 en permettant la vente d'assurance-vie dans les caisses. Imaginez un peu le scénario. Une institution de dépôts possède déjà le profil financier de ses clients et connaît leurs habitudes de consommation. C'est facile, elles n'ont qu'à suivre à la trace les transactions effectuées à l'aide des chèques, de la carte de crédit et de la carte de débit. Grâce au paiement préautorisé, l'institution sait à qui un client paie des primes d'assurance-vie, d'assurance de dommages et d'assurance-hypothèque. Elle en connaît le montant exact et la fréquence. En obtenant l'accès aux renseignements médicaux concernant ses clients, elle connaîtra absolument tout sur eux; elle pourra éliminer les mauvais risques, ce que les compagnies d'assurances ne peuvent pas faire avec autant de précision. Elle pourra proposer des formules tout inclus qui ne seront rien d'autre que des ventes liées. C'est précisément ce que redoutent les associations des consommateurs.

Le client sera à la merci de son institution de dépôts, M. le Président. Qui sera le véritable perdant dans cette aventure? Le consommateur, celui-là même que le gouvernement est censé protéger par des lois, le consommateur qui est déjà à la merci de quelques institutions financières – et elles ne sont pas nombreuses – le consommateur des régions éloignées, surtout celui-là, parce que, dans sa région, il n'y a bien souvent qu'une seule institution de dépôts, s'il est chanceux, il y en a deux. Il n'a presque pas de choix autres que ceux que lui propose son institution financière.

Dans la situation actuelle, c'est-à-dire avec les intermédiaires de marché, il a le choix entre plusieurs institutions pour obtenir de l'assurance-vie; avec le projet de loi n° 188, on lui retire ce choix. On lui dit que dorénavant ce qu'il y a de mieux pour lui, c'est de tout acheter à un seul endroit, auprès d'une seule institution. On lui retire le droit fondamental de magasiner pour obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Le meilleur rapport qualité-prix, selon le gouvernement, c'est Desjardins, rien d'autre. J'appelle ça enlever le choix aux consommateurs.

Il faut rendre crédit aux banques et aux caisses populaires Desjardins, M. le Président, elles sont très habiles. Elles nous font croire que ce sont les clients qui réclament de pouvoir acheter tout au même endroit. Elles prétendent que leurs clients exigent de pouvoir tout acheter à un guichet unique. On en parlait, du guichet unique, il y a une douzaine d'années, lorsque s'est amorcé le décloisonnement des institutions financières. Les expériences de guichet unique, si je ne me trompe, n'ont pas fonctionné comme les institutions financières s'y attendaient. La raison est pourtant simple: tous les consommateurs n'aiment pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier; ils aiment magasiner, ils aiment faire des choix. Ils ne détestent pas traiter avec plusieurs institutions. C'est moins contraignant. Ils n'ont pas l'impression d'être prisonniers.

Que faut-il retenir de tout cela, M. le Président? C'est très simple. Il faut revenir aux principes qui ont guidé le gouvernement il y a plusieurs années, lorsqu'il a amorcé le décloisonnement des institutions financières. On se souviendra qu'à cette époque on avait mis de côté les assurances dans le but de protéger les consommateurs. On a permis aux institutions de dépôts de faire l'acquisition de sociétés de courtage en valeurs mobilières et de sociétés en fiducie, mais elles sont demeurées des filiales à part entière, M. le Président.

Dans cette optique, il faut, à mon avis, revoir ce projet de loi. Il faut interdire la vente d'assurance-vie dans les institutions de dépôts. Il faut protéger les renseignements personnels de nature médicale, cela dans l'intérêt des consommateurs. Le député de Verchères et le gouvernement auquel il appartient devraient se soucier davantage des intérêts des Québécois et des Québécoises et s'assurer que la loi sur les protections des renseignements personnels est appliquée rigoureusement. C'est un devoir auquel il ne devrait pas se soustraire.

(20 h 20)

Et, si la loi ne suffit pas, pourquoi ne pas trouver un moyen de débattre publiquement sur la question de la divulgation des renseignements personnels? Par exemple, pourquoi ne pas instituer des mécanismes publics d'évaluation préalable, des échanges de renseignements personnels par une commission indépendante, comme cela existe dans le domaine de l'environnement? Je pense qu'on parviendrait facilement à associer le public au débat sur cette question. Si le public connaît ses droits et qu'il affirme avec force son attachement à la vie privée, il contraindra ce gouvernement à agir et forcera les institutions à respecter leurs souhaits. Il me semble qu'il y a là une piste à explorer. M. le Président, tant que ce projet de loi contiendra des menaces pour la vie privée des Québécois et des Québécoises, ce gouvernement ne devrait pas l'adopter.

C'est pour toutes ces raisons que je voterai contre le principe de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Chapleau. Mme la députée.


Mme Claire Vaive

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour aborder un sujet d'actualité d'une importance capitale, soit la protection du patrimoine financier des Québécoises et des Québécois. Incidemment, il s'agit donc de parler de l'industrie des services financiers et plus particulièrement du projet de loi n° 188, connu sous le nom de Loi sur la distribution de produits et services financiers.

Il va de soi que ce qui doit demeurer au coeur de nos préoccupations comme députés, c'est la protection du consommateur. Bien sûr, toutes les lois adoptées par nos gouvernements ont un impact sur les citoyens. Parfois, cet impact se fait peu ressentir et, dans d'autres cas, l'impact est d'envergure.

Dans le cas du projet de loi n° 188, l'impact est majeur parce que ce projet de loi nous affecte tous et, donc, ne laisse personne indifférent. On n'a qu'à penser, M. le Président, au nombre de Québécoises et de Québécois qui détiennent un produit financier, que ce soit une police d'assurance-vie, dommages, invalidité, un REER, des parts dans un fonds d'investissement, et à l'importance qu'ont ces produits dans nos vies. On n'a qu'à penser au nombre de personnes pour qui cette industrie est leur gagne-pain pour conclure qu'il s'agit d'un projet de loi très, très important et qui mérite qu'on y apporte toutes les améliorations nécessaires pour faire encore plus de place à la protection du public et à la préservation de son patrimoine financier.

M. le Président, là où je ne peux non plus rester indifférente, c'est que le projet de loi n° 188, tel que veut le faire adopter en deuxième lecture M. le député de Verchères, risque de nous faire de grands pas en arrière, alors que l'industrie de l'assurance, qui, soit dit en passant, et ce n'est un secret pour personne, a connu un avancement professionnel et une reconnaissance au cours des 10 dernières années comme elle n'en avait pas connu de son histoire... Et permettez-moi d'ajouter, M. le Président, que le Québec, avec son régime actuel, a fait figure d'avant-gardiste en Amérique du Nord par l'encadrement et les mesures qu'il a prises pour rehausser la cote de cette industrie et la protection du public lorsqu'il adoptait la loi 134, Loi sur les intermédiaires de marché. Cette loi permettait enfin d'assurer la protection du public dans ce secteur d'activité en prévoyant la formation minimale, l'assurance-responsabilité professionnelle et l'autodiscipline pour tous les intermédiaires visés par cette loi.

Ce qui est étonnant, M. le Président, c'est que M. Landry, avec son projet de loi n° 188, fait une croix sur la très grande majorité des éléments du projet de loi 134, qui fonctionnaient bien, pour repartir à zéro. M. le ministre ne construit pas, avec son projet, sur du solide en utilisant ce qui actuellement tourne rondement, comme par exemple la discipline des intermédiaires. Mais où est la logique dans une telle approche? Le projet de loi n° 188 est calqué sur le système des valeurs mobilières, alors qu'il s'agit d'une réalité tout autre. La culture, le marché et les produits que l'on retrouve au niveau des valeurs mobilières sont très différents.

Il faut également souligner, M. le Président, que le nombre de cabinets en valeurs mobilières est restreint, qu'ils doivent désigner un dirigeant accrédité, alors qu'on ne retrouve pas ces éléments dans le projet de loi n° 188. Avant d'importer des notions et une façon de faire d'un système vers un autre, il faut s'assurer de respecter les réalités propres de chacun de ces systèmes. Malheureusement, ce n'est pas ça que le projet de loi n° 188, tel que proposé par M. le député de Verchères, accomplit.

D'autre part, on constate que plusieurs organismes créés en vertu de la loi 134 se voient vidés de leur expertise au profit de la mégastructure appelée le Bureau, alors que ces organismes avaient fait leurs preuves. Par ailleurs, cette mégastructure a un nombre incroyable de mandats, mandats qui, dans certains cas, sont conflictuels, et, pour s'en convaincre, on n'a qu'à soulever que cet organisme réglementera le marché, encadrera les pratiques et aura un contrôle sur les produits. Est-ce nécessaire d'ajouter quelque chose, M. le Président?

Dans un autre ordre d'idées, qu'en est-il de la pratique des intermédiaires? Certains prétendent que le projet de loi n'impose pas leur attachement à un cabinet, puisque l'intermédiaire peut choisir de devenir représentant autonome. M. le Président, de faire une telle affirmation, ça frôle le mépris. L'intermédiaire qui actuellement est lié par lien d'exclusivité ou employé d'un assureur ou d'une institution de dépôts pourra-t-il devenir autonome? Parions qu'il y a peu de chances que cette personne puisse obtenir le statut d'autonome.

Certains intermédiaires pourraient également choisir de se constituer en cabinet, mais à quel prix, M. le Président? Et pour compétitionner avec qui: une banque ou un assureur? Force est de constater que cette autre avenue n'en est pas une. De plus, si on revient à notre préoccupation principale, la protection du public, le consommateur n'est certes pas plus protégé quand l'intermédiaire choisit de créer son propre cabinet, puisque cette entité a une responsabilité limitée. À première vue, les supposés correctifs, innovations, aménagements proposés par le projet de loi n° 188 peuvent avoir l'air fort intéressants, M. le Président, mais, quand on prend le temps de se pencher sur les conséquences des changements proposés, c'est un leurre que de croire qu'une industrie aussi importante que celle des services financiers fait un pas de plus vers la protection du public et la préservation de son patrimoine.

Les points que j'ai déjà soulevés et ceux que j'aborderai à l'instant ne sont que quelques exemples pour démontrer, M. le Président, que, pour être adopté, le projet de loi n° 188 doit faire l'objet de modifications, et ce, pour le bien commun. N'allez surtout pas comprendre que la loi 134 est parfaite et que la solution, c'est le statu quo. Toutefois, comme je l'ai déjà mentionné, un des problèmes du projet de loi n° 188 est qu'il fait fi de ce qui va bien avec la loi 134, et ça, c'est du gaspillage à l'état pur, du gaspillage de temps, d'énergie, d'expertise et, comme c'est toujours le cas, du gaspillage d'argent, celui des contribuables.

(20 h 30)

Je poursuis maintenant avec un autre exemple du danger qui nous guette si le projet de loi n° 188 est adopté tel quel, et vous constaterez comme moi, M. le Président, que ça, c'est du concret. Le 11 mars 1998, la Cour supérieure du district de Montréal rendait jugement dans l'affaire Ménard, Saint-Germain et Caisse populaire Notre-Dame-de-Lourdes et Notre-Dame-de-la-Merci. Cette décision est d'une importance cruciale puisqu'il s'agissait de déterminer si le représentant était dans l'exécution de ses fonctions lorsqu'il a agi envers sa cliente de façon répréhensible.

Pour ceux qui se demandent en quoi cette notion d'agir dans l'exécution de ses fonctions est d'intérêt dans le cadre du projet de loi n° 188, eh bien, M. le Président, on n'a pas à chercher bien loin. En effet, cette notion est au coeur même du projet de loi n° 188, puisque l'article 67 prévoit que le cabinet est responsable du préjudice causé à un client par toute faute commise par l'un de ses représentants dans l'exécution de ses fonctions.

Dans l'affaire Ménard, le représentant de la caisse a rencontré sa cliente en succursale et c'est dans ce cadre qu'il lui a offert de s'occuper de plus près de ses affaires, ce qui lui a par la suite permis de lui soutirer des sommes d'argent importantes. Le juge a conclu que l'employé de la caisse avait agi pour son propre bénéfice, et, de ce fait, il n'était plus dans l'exécution de ses fonctions lorsqu'il s'est approprié des sommes importantes appartenant à sa cliente. Conséquemment, la responsabilité de la caisse ne pouvait donc pas être retenue malgré la faute de son employé.

Nul n'est besoin d'ajouter, M. le Président, que cette même notion d'agir dans l'exécution de ses fonctions, qui se retrouve dans le projet de loi n° 188, tel que proposé par M. le député de Verchères, va à l'encontre de l'objectif de ce projet de loi qui est d'améliorer la protection du consommateur. Dans un secteur d'activité comme celui des services financiers, où le consommateur devient facilement vulnérable étant donné la complexité des produits et le lien privilégié de confiance qu'il développe avec son intermédiaire, une notion comme celle d'agir dans l'exécution de ses fonctions n'a pas sa place. Il est vrai que ces histoires d'horreur ne concernent qu'une faible minorité d'intermédiaires, mais ce n'est pas une raison pour inclure dans le projet de loi une notion aussi dangereuse pour la protection du public que celle d'agir dans l'exécution de ses fonctions.

Un premier constat, c'est que la notion d'agir dans l'exécution de ses fonctions est une notion trop restreinte étant donné le jugement de la Cour supérieure, d'où une importante faiblesse du projet de loi n° 188 quant à la protection du public.

Un second constat s'impose et cible encore une fois une grande faiblesse du projet de loi n° 188 par rapport à la protection du public, et il s'agit de l'article 161. En effet, cet article impose aux cabinets l'obligation de souscrire une assurance-responsabilité, et ce, afin de couvrir la responsabilité qui leur incombe pour toute faute commise par un de leurs représentants ou employés dans l'exécution de leurs fonctions. Vous constatez, M. le Président, qu'on retrouve encore ici cette notion d'agir dans l'exécution de ses fonctions, et force est d'admettre que le danger est grand.

Cette couverture d'assurance prévue à l'article 161 du projet de loi, et qui a pour but de couvrir la responsabilité des cabinets pour les fautes de leurs employés et représentants, est nettement insuffisante, M. le Président, et je dirais même que le mot est faible. En greffant à la faute des employés et représentants le fait qu'ils doivent avoir agi dans l'exécution de leurs fonctions, on limite énormément les cas où le cabinet pourra être tenu responsable. Cette notion est tellement restreinte qu'elle ne peut que limiter les recours et même réduire les garanties actuelles.

Peut-on encore affirmer avec le même enthousiasme que le projet de loi n° 188 va améliorer la protection du consommateur? Malheureusement, je ne le crois pas. Selon le régime actuel, c'est-à-dire que si l'employé de la caisse avait été un intermédiaire de marché dûment certifié, le Fonds d'indemnisation aurait pu indemniser la cliente jusqu'à concurrence de 60 000 $, sans compter que cette personne n'aurait pas eu à prendre un recours civil devant les tribunaux pour obtenir en bout de ligne un jugement aussi décevant, sans négliger le nombre d'années écoulées: la fraude a eu lieu en 1989 et le jugement fut rendu en 1998. Ce jugement confirme bien le risque inhérent au fait de faire souscrire l'assurance-responsabilité par un cabinet plutôt que par le détenteur du certificat.

L'assurance-responsabilité et le fonds d'indemnisation doivent couvrir toutes les fautes et les fraudes commises devant l'exercice de l'activité, et les couvertures et garanties doivent être détenues par l'individu. À tenter de responsabiliser tout le monde, M. le Président, on déresponsabilise; à tout le moins, on déresponsabilise l'individu dans sa carrière et sa profession, son droit de pratique dépend de l'accréditation commerciale d'un cabinet.

Enfin, pour ceux qui sont étrangers au débat, rappelons que, en vertu des règles du Code civil quant au mandat, les assureurs sont parfois poursuivis en justice pour les fautes commises par leurs représentants. Or, le projet de loi responsabilise avant tout le cabinet, et, selon l'article 61, seuls les assureurs qui ont des représentants employés ou liés par lien d'exclusivité sont tenus de s'inscrire à titre de cabinets. Les assureurs pourraient donc favoriser la création de cabinets à titre de personnes morales distinctes pour échapper totalement à la juridiction du Bureau ou de la CVMQ. Ce processus est d'ailleurs déjà amorcé. En effet, M. le Président, le 15 janvier dernier, soit moins d'un mois après le dépôt du projet de loi n° 188, la Mutuelle d'Omaha donnait huit jours à ses agents pour se diriger vers un cabinet qui porterait la responsabilité de leur distribution et leur écrivait ce qui suit:

«La nouvelle loi n° 188 sur la distribution de produits et services financiers favorise le regroupement d'agents indépendants sous la responsabilité d'un cabinet multidisciplinaire. Conscients que cette approche rend un cabinet de courtage responsable de préjudices causés à un client pour toute faute commise par un de ses représentants, nous, de la Mutuelle d'Omaha, avons pris la décision de confier maintenant nos affaires provenant du courtage à un réseau de cabinets d'agents généraux.

«Si vous désirez conserver votre contrat mentionné en titre, veuillez communiquer avec nous pour que nous puissions vous diriger vers un des cabinets de courtage présentement sous contrat à titre d'agent général avec notre compagnie.

«Votre collaboration à la présente étant nécessaire au maintien de nos relations d'affaires, nous procéderons à la terminaison de votre contrat si nous ne recevons aucune communication de votre part d'ici le 23 janvier.»

Je termine sur ces paroles, M. le Président, et je crois qu'il n'y a rien à ajouter, si ce n'est que le projet de loi n° 188 ne peut être adopté tel quel, et je vais voter contre. Merci de votre attention.

(20 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Chapleau. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, le député de Bertrand. M. le député, je vous cède la parole.


M. Denis Chalifoux

M. Chalifoux: Merci, M. le Président. Il semble y avoir plus d'intervenants du côté de l'opposition, hein. Ça semble intéresser vraiment le gouvernement.

M. le Président, nous sommes aujourd'hui à débattre du projet de loi n° 188 sur la distribution de produits et services financiers et modifiant la Loi sur les intermédiaires de marché. J'écoutais, cet après-midi, l'intervention du député de Crémazie qui nous disait que le ministre avait pris la peine, et cela à deux reprises, de tenir des commissions parlementaires et d'écouter, et d'écouter, et d'écouter, sauf que j'écoutais le ministre, le député de Verchères, qui disait aussi qu'il y avait un mur étanche. Je crois que le mur étanche était peut-être le mur que les gens qui sont venus s'exprimer, qui sont venus exprimer leurs doléances, qui sont venus exprimer au ministre leurs inquiétudes face à ce projet de loi là, vivaient. Je pense, M. le Président, que le mur étanche était du côté ministériel. On a beau consulter, on a beau inviter des gens à venir se prononcer en commission parlementaire, si on vient se prononcer en commission parlementaire et qu'on est simplement entendu et non pas écouté, à quoi ça sert d'en tenir deux, trois et quatre?

M. le Président, en septembre 1996, le gouvernement amorçait une série de consultations publiques portant sur la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché. En décembre de la même année, la commission du budget et de l'administration rendait public un rapport qui faisait la synthèse des consultations qui ont eu cours en septembre, accompagnée de recommandations qui faisaient l'unanimité des membres de la commission. Les députés du gouvernement ainsi que ceux de l'opposition adressaient une série de 11 recommandations au gouvernement concernant la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché. En décembre dernier, le ministre responsable de cette loi déposait un projet de loi, le projet de loi n° 188, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, qui, selon le ministre, rejoignait en bonne partie les recommandations exprimées lors de la commission parlementaire du budget et de l'administration par l'ensemble des députés qui en sont membres.

Or, M. le Président, c'est loin d'être le cas. Non seulement le projet de loi n° 188 ne retient en rien les plus importantes recommandations de la commission parlementaire, mais, sur plusieurs points, il s'en éloigne encore plus que le livre vert qui avait servi de base aux consultations de 1996. Alors, M. le Président, ça revient à dire ceci: On a beau entendre des gens en commission parlementaire, on a beau les inviter à venir se prononcer, quand on ne les écoute pas et quand il y a ce mur étanche dont le député de Verchères parlait cet après-midi, c'est ce qui se produit, on les entend, mais on ne les écoute pas.

M. le Président, ce projet de loi introduit, à mon avis, un régime d'encadrement complexe, d'inspiration purement bureaucratique, déresponsabilisant les individus et sans bénéfice pour les consommateurs. Il favorise sans retenue la distribution des produits d'assurance dans des succursales, des institutions de dépôts, avec une protection complètement inopérante des renseignements personnels, au détriment des consommateurs. Ce projet de loi, M. le Président, n'amène rien de plus en termes de protection pour les consommateurs, et mes collègues l'ont dénoncé depuis le début. Il permet aux institutions de dépôts, assureurs principalement, de détenir le contrôle de cabinets de courtage à 100 %, ce qui constitue une négation totale de la notion d'indépendance qui est rattachée aux courtiers. Cette mesure, M. le Président, anéantira, à terme, les courtiers indépendants, pourtant les seuls à conserver la possibilité d'offrir un choix réel aux assurés et d'agir, sans fausse représentation, comme authentiques mandataires des consommateurs.

M. le Président, tous les membres de cette Assemblée ont dû être inondés de télécopies, télécopies qui leur provenaient de leurs courtiers ou des agents respectifs de leur comté aussi respectif. Ces courtiers et ces agents font travailler beaucoup de personnes. Beaucoup de familles sont rattachées aux dividendes que ces gens-là touchent. Ce projet de loi vient en quelque sorte faire en sorte que ces gens-là, qui gagnent leur vie avec ça depuis longtemps et les consommateurs qui sont habitués avec ces gens-là depuis longtemps, avec qui ils ont un lien de confiance, on vient de les diriger vers d'autres institutions, principalement une institution. Et, M. le Président, vous permettrez que j'aie des doutes sur le bien-fondé de ce projet de loi.

M. le Président, ce projet de loi ne se contente pas de remplacer la présente loi, ce projet de loi opère un bouleversement total. Est-ce qu'il y en a qui m'écoutent? Oui. J'avais des murmures. C'est ça, il n'y a personne qui écoute de l'autre bord, ça ne les intéresse pas, ce projet de loi là, j'en suis convaincu. On leur a dit de dire oui, on va dire oui.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît. Alors, il faut se respecter les uns les autres, et la liberté de chacun d'écouter ou de ne pas écouter aussi. Alors, je crois que, pourvu qu'on respecte le droit de parole, les autres ont la liberté de... Pourvu qu'ils ne dérangent pas du tout et qu'ils respectent votre droit de parole, on ne peut pas accepter de passer des remarques comme ça de part et d'autre. Alors, je vous cède la parole, M. le député de Bertrand.

M. Chalifoux: Merci, M. le Président. Je disais donc que ce projet de loi ne se contente pas de remplacer la présente loi, ce projet de loi opère un bouleversement total et dont le prix à payer, notamment pour les consommateurs, ne justifie en rien les quelques bénéfices éventuels escomptés par les promoteurs de cette réforme. Ces promoteurs, on les connaît bien; on les sent très proches du gouvernement, et principalement du ministre. On connaît la tendance qu'ils ont envers l'option de ce gouvernement.

Ce projet de loi est sans protection supplémentaire pour le consommateur. En dépit de la lourdeur toute bureaucratique de ses 490 articles, comparativement à 264 dans la loi actuelle, il ne confère aucun nouveau recours pour le consommateur, recours qui demeurent les mêmes qu'actuellement, soit la révocation du permis ou des sanctions à l'endroit des contrevenants, et ce, dans un labyrinthe encore plus complexe et avec moins de garanties de résultats que maintenant. En diluant les responsabilités dispersées à travers le dédale des multiples modes de distribution, le projet de loi complique la vie des consommateurs et offre deux distributeurs, tant les individus que les personnes morales, et des échappatoires pour esquiver leurs responsabilités envers les consommateurs.

Le projet de loi ne se contente pas de consacrer la mainmise définitive des institutions de dépôts sur l'ensemble du secteur financier, menaçant de la sorte la survie de certaines PME oeuvrant dans ce secteur au Québec, mais il est encore plus inquiétant, du point de vue du consommateur, de constater que, derrière un écran de fumée constitué de multiples mesures inopérantes, le projet de loi ouvre désormais la porte à une exploitation débridée des renseignements personnels par les organisations qui en possèdent le plus, soit les institutions de dépôts, et particulièrement celles oeuvrant au sein du Mouvement Desjardins.

(20 h 50)

De surcroît, M. le Président, le projet de loi n° 188 dénature la fonction de courtier en assurance de dommages en raison de l'abolition de la limite de 20 % de la propriété des cabinets par une institution financière. Il dépouille ainsi le courtier de sa responsabilité première envers le consommateur en affaiblissant son rôle fondamental de mandataire de son client. La récente tempête du verglas a pourtant démontré encore une fois l'importance du rôle du courtier dans la prestation d'un service de qualité au projet des intérêts des consommateurs. En éliminant cette limite de propriété, le projet de loi vide le courtage de sa substance et de sa spécificité, réduisant de la sorte le courtier au rôle différent d'agent. C'est la condamnation du courtage comme mode de distribution de produits d'assurance fondé sur un conseiller professionnel indépendant pouvant offrir un choix réel au consommateur. A-t-on besoin de rappeler que le courtage dessert 70 % de l'assurance de dommages au Québec?

M. le Président, il faut relever deux éléments du projet de loi n° 188 qui doivent être dénoncés en raison de leur impact particulièrement néfaste. Il s'agit, d'une part, de l'absence de l'obligation de la filiale dédiée pour la vente de produits d'assurance par une institution de dépôts, une mission qui enlève toute la possibilité de protection effective du consommateur en permettant une exploitation pratiquement incontrôlable des renseignements personnels. Le second élément est l'élimination de la limite de 20 % imposée à la propriété d'un cabinet de courtage par une institution financière et qui a notamment pour effet d'offrir en pâture le secteur du courtage à ces mêmes institutions. Le rapport de la commission parlementaire s'était portant prononcé formellement pour le maintien de ces deux éléments cruciaux.

Pourquoi une réforme aussi radicale dont l'urgence et le bien-fondé n'ont jamais été démontrés? Doit-on comprendre, M. le Président, qu'il s'agit d'une initiative purement gouvernementale? Le débat sur ce point n'a pas été fait et les questions soulevées sont trop importantes pour les escamoter. Avant de mettre au monde un monstre bureaucratique, il convient de permettre à ceux qui représentent les intermédiaires de rappeler à nouveau au gouvernement les véritables objectifs de la révision de la Loi sur les intermédiaires de marché.

En terminant, M. le Président, non seulement le projet de loi n° 188 n'ajoute rien, mais il ne répond pas aux objectifs du rapport quinquennal. Il ne reflète pas non plus la consultation effectuée préalablement auprès des membres de l'industrie. Parce qu'il ne peut atteindre les objectifs que le gouvernement s'était lui-même fixés, parce qu'il ne tient pas compte de la consultation effectuée auprès de l'industrie, parce qu'il déresponsabilise le professionnel au détriment de la protection du consommateur, le projet de loi n° 188 ne peut être accepté dans sa forme actuelle.

Et, M. le Président, c'est pour ces raisons que je voterai contre. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Bertrand. Alors, le prochain intervenant sera le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. À l'amorce de l'étude du projet de loi n° 188 proposé par le ministre des Finances, la Loi sur la distribution de produits et services financiers, je pense qu'avant d'amorcer l'étude de ce projet de loi, il est important de bien se replacer dans le contexte dans lequel on se retrouve aujourd'hui. En effet, cette étude-là et ce rapport-là qui nous est soumis et que nous étudions aujourd'hui, ça ne s'est pas fait hier soir; ça fait quand même quelques années qu'on étudie la suite d'une loi adoptée en 1989, c'est-à-dire la Loi sur les intermédiaires de marché. Et je vous dirais, M. le Président, que, depuis ce temps, il y a différentes consultations qui ont été menées par le gouvernement actuel, le gouvernement péquiste, et qui, comme la majorité des consultations que ce gouvernement-là mène, ne se traduisent pas clairement dans une loi.

Je me permettrai de faire une petite parenthèse sur les consultations qui sont menées de part et d'autre par le ministre du Travail et qui effectivement ne se retrouvent pas toujours en conclusion dans une loi, tel que les gens qui ont été consultés le souhaiteraient. Et on retrouve un peu la même histoire dans le cadre du projet de loi n° 188 qu'on a devant nous.

M. le Président, juste pour regarder, là, dans l'esprit de l'éternel consensus qu'on recherche, de l'autre côté, mais qu'on ne respecte pas trop souvent, on se souviendra que ça fait presque deux ans ou plus de deux ans que ces questions-là sont à l'étude, qu'on consulte un peu partout, qu'on regarde un peu partout. On n'a qu'à se souvenir qu'en septembre 1996 il y a eu des consultations particulières sur le livre vert qui avait été déposé, c'est-à-dire le rapport quinquennal sur la Loi sur les intermédiaires de marché, et que, par la suite, ça a mené, en décembre 1996, au rapport Baril, rapport de la commission du budget et de l'administration sur des consultations particulières. On est déjà rendus à deux consultations et on sait tous que ces consultations-là sur le rapport Baril, ça a mené à certains consensus. Présentement encore, tous les gens qu'on rencontre dans nos comtés, qui nous parlent du projet de loi n° 188, nous parlent du rapport Baril, que ce soit d'un côté ou de l'autre. Ce n'est pas une question de faire de la partisanerie puis de dire: On est soit du côté des caisses populaires, on est soit du côté des intermédiaires de marché.

Une voix: Jamais de partisanerie.

M. Béchard: Ah! du côté du gouvernement, on me connaît bien, on m'enlève déjà les mots de la bouche. C'est vrai que, de notre côté, on ne fait jamais de partisanerie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: On vise toujours les intérêts des gens qu'on représente de façon très stricte, et je suis heureux de voir que les gens au gouvernement reconnaissent cette qualité-là de l'opposition. Ils applaudissent même là-dessus.

M. le Président, juste pour revenir sur le consensus qui a été dégagé lors du rapport Baril, ce rapport-là, de partout... Le rapport Baril, ce n'est pas de n'importe qui, c'est d'un des collègues, d'un des membres du gouvernement actuel. C'est un député ministériel, député d'Arthabaska, je crois, respecté du caucus péquiste. Je pense qu'il en est encore membre, à date, il est encore membre de ce régime-là et, lui, il a déposé un rapport – c'est peut-être pour ça qu'on ne le voit pas, ce soir – il a déposé un rapport sur lequel...

M. Jolivet: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je sais que le député est jeune en cette Chambre, mais on n'a pas le droit de faire ce qu'il fait. Le député est occupé à d'autres occupations, à ce moment-ci, et je crois que, s'il était un homme qui ne fait pas de politique et qu'il était gentilhomme, il ne recommencerait pas cette façon de faire les choses.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous êtes au courant de cette façon de faire habituellement dans cette Chambre. Vous savez qu'il y a des commissions parlementaires, et puis, enfin, de part et d'autre, on a des raisons de s'absenter pour d'autres activités qui sont souvent commandées par cette Assemblée. L'Assemblée assigne des députés à être ailleurs, à ce moment-ci. Alors donc, on ne peut pas préjuger, là. On est tous d'accord, d'ailleurs, hein, avec ça? Bon! Alors, on va respecter ces règles-là. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Béchard: Merci, M. le Président. C'était absolument involontaire et c'était seulement pour souligner le travail absolument phénoménal qu'avait fait le député d'Arthabaska dans le projet de loi qui nous intéresse aujourd'hui. Mais il y a une chose qu'il faut reconnaître, c'est que partout il y avait un consensus autour de ce rapport-là, du rapport Baril. Il y a un consensus, d'un côté ou de l'autre, les gens s'entendent là-dessus pour dire que c'était un juste milieu. Et là il y a sûrement des experts présentement qui nous écoutent et qui disent...

Moi, je ne suis pas un expert là-dedans. À un moment donné, faut le reconnaître, je ne suis pas un expert là-dedans, sauf que le gros bon sens, ce qu'on entend, là, quand, de temps en temps... Je ne sais pas si les gens, de l'autre côté, qui ont des responsabilités ministérielles et qui ont sans doute moins de temps pour retourner dans leur comté... Mais, quand on rencontre les gens dans le comté, là, ce qu'ils nous disent, c'est que le rapport Baril, c'était une référence. C'était une référence, et je vous dirais qu'après cette consultation-là, qui s'est terminée en 1996, en décembre, par le rapport, tout le monde s'attendait, un peu partout, à ce que le rapport Baril devienne la pièce de référence, sauf que, depuis ce temps, M. le Président, force est d'avouer que vous avez sans doute été, comme nous tous, un petit peu inondé de correspondance d'un peu partout.

(21 heures)

Je pense que ce projet de loi là a été un des projets de loi sur lesquels nous avons reçu le plus de correspondance au cours des derniers mois, dans mon cas et dans le cas de mes collègues qui ont plus d'ancienneté que moi, étant moins jeunes, qui ont sans doute reçu beaucoup plus de correspondance encore que moi.

M. le Président, par la suite, en décembre 1997 – il y a un an ou presque – on a eu le dépôt du projet de loi n° 188. À partir de ce moment-là, ce fut la levée de boucliers partout. Et ça, qu'on ne vienne pas me faire croire ce soir que, parce que le projet de loi n° 188 est tellement bon, tout le monde s'est levé pour dire: Oui, il faut y aller, qu'ils ont dit au ministre d'État de l'Économie et des Finances: Oui, il faut absolument y aller avec le projet de loi n° 188. Ce n'est absolument pas ça qu'on a entendu.

Ensuite, on a eu, au mois de février dernier et en mars, des consultations particulières sur le projet de loi n° 188. Encore une fois, on a eu une montagne de papiers d'un peu partout, de gens qui ont quelque chose à reprocher au projet de loi n° 188. Et ça se continue et ça va se terminer sans doute, si le ministre d'État de l'Économie et des Finances va au bout de ses intentions, ça va se terminer par l'adoption du projet de loi n° 188.

Et là, écoutez bien, ça fait plus de deux ans qu'on consulte de façon intensive. Ça fait plus de deux ans qu'on consulte à peu près tout ce qu'il a été possible de consulter là-dessus, M. le Président, au Québec. Et, croyez-le ou non, on trouve le tour encore, du côté de ce gouvernement, de ce régime péquiste là, d'arriver avec des centaines d'amendements, des papillons là-dessus. Ça fait deux ans qu'on consulte et on n'est même pas capable d'arriver avec une pièce législative qui se tienne et dire: Voici le résultat de la consultation. Voici, nous avons obtenu un consensus. C'est dans ce sens-là que les gens veulent qu'on aille en ce qui a trait à la distribution de produits et services financiers. Et absolument pas, M. le Président, des centaines d'amendements.

Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est parce que ce projet de loi là est trop bon, que c'est parce que ce projet de loi là répond entièrement aux demandes qui ont été exposées. Ça fait des années qu'on consulte là-dessus puis on n'est même pas capable, du côté du gouvernement, d'arriver avec une pièce législative qui se tienne. Et là on ne parle pas de n'importe quelle pièce législative; on parle d'une pièce législative qui concerne la vie de tous les Québécois et Québécoises.

Il y a des gens qui ont déjà eu des avaries et qui ont besoin justement de ces intermédiaires de marché là, notamment au niveau de l'assurance. On peut regarder, il y a même des députés, et je me souviens d'un certain cas. Le député de Fabre, entre autres, si je me souviens bien, dans sa campagne électorale, il y avait eu un incendie dans son local électoral. Bien, c'est exactement le genre de projet de loi qui le touche, de près ou de loin. M. le Président, ça ne laisse personne indifférent, ça, au Québec, ça va toucher absolument tout le monde. Il faut, pour ces raisons-là, se demander...

Et, moi, c'est un élément qui est ressorti souvent dans mon comté, qui est ressorti très, très souvent, les gens, les courtiers d'assurances sont venus me voir en me disant: Si ce projet de loi là passe sous la forme actuelle, on vient de tuer le métier comme tel de courtier d'assurances. Et ça, M. le Président, il y a des députés qui sont en milieu urbain et qui le sentent peut-être moins, mais mon éminent collègue de Bertrand l'a soulevé tantôt avec éloquence et absolument dans toute la raison qu'on doit lui reconnaître, c'est-à-dire que ce projet de loi là aura un impact dans nos régions. Et ça, il y a des ministres qui sont députés dans des comtés régionaux, dans des régions, et j'ose espérer qu'ils ont la chance d'y aller de temps en temps pour voir ce que c'est que de vivre en région. Et ça aura un impact direct sur le tissu économique de nos régions. Ce sont des gens qui devront soit fermer leur bureau, soit transférer leurs activités, mais il y aura des changements dans nos régions. Ces bureaux d'assurances là, on a beau dire que c'est peut-être un agent, deux agents, trois agents par bureau dans nos municipalités, mais c'est de la vie économique.

Et, à partir du moment où on permettra de fusionner tout ça, de faire une espèce d'amalgame dans des caisses populaires... Et là je ne voudrais pas que le gouvernement tombe dans des envolées démagogiques et dire que le député de Kamouraska-Témiscouata est contre les caisses populaires et est contre le développement des caisses, absolument pas, sauf que... Et je vois déjà, on voit déjà que la sensibilité démagogique du gouvernement est très sensible, parce qu'on voit déjà des signes frappants de cela ici, en Chambre, ce soir.

M. le Président, si ça arrive, il y aura un impact dans nos régions, il y aura un impact dans nos municipalités, et ça, quand on parle de développement régional, on ne peut pas, d'un côté de la bouche, parler de développement régional, couper un peu partout, se contenter de mettre en place des structures et, de l'autre côté, par des législations comme le projet de loi n° 188, venir encore une fois gruger un petit peu plus dans la vie économique de nos régions. Et c'est un élément, je pense, M. le Président, qu'on doit absolument prendre en compte ce soir et avoir en tête au moment où on est à l'étude du principe de ce projet de loi là.

M. le Président, il y a une chose fondamentale, c'est que, encore aujourd'hui, malgré les deux ans de consultation, à partir du moment où les gens, les intervenants ont su que ce projet de loi là était pour être déposé, on a encore reçu de la correspondance. Il y a des gens qui, entre autres... et j'en lis un passage où ils nous disent: «Nous tenons à vous exprimer l'étonnement et la grande déception que nous avons ressentis lorsque nous avons appris que les amendements que proposera le ministre des Finances ne répondent pas adéquatement aux attentes exprimées par le Bureau d'assurance du Canada et ses membres lors des audiences de la commission des finances publiques tenues en mars dernier.»

M. le Président, on fait venir des gens ici. Ça fait deux ans qu'on consulte des gens. Ça fait deux ans, là, qu'on leur dit à peu près à tous les deux ou trois mois: Venez nous faire vos recommandations, venez nous aider, on va améliorer le projet de loi n° 188 sur les intermédiaires de marché. La réponse de ces gens-là aujourd'hui, alors que le projet de loi est déposé avec sa pile d'amendements, parce que, même si ça fait deux ans qu'on consulte, on ne sait pas encore où on s'en va, bien, les gens le disent: On nous a consultés pour rien. On ne nous a pas écoutés. C'est ça, le plus gros problème de ce gouvernement-là, M. le Président, c'est qu'il n'écoute pas.

On consulte, on fait des sommets, de formidables sommets, comme on dit de l'autre côté, mais on n'écoute pas. On consulte ici, en Chambre. On fait déplacer des gens pendant des jours pour venir parler, venir écouter des commissions parlementaires. On s'en fout, on ne les écoute pas. Et c'est ces gens-là eux-mêmes – ce n'est pas l'opposition qui invente ça – qui aujourd'hui, quand ils ont vu le projet de loi déposé, disent: Bien voyons donc, ça ne correspond pas du tout à ce qu'on a dit. Ça ne correspond pas une minute à la réalité de nos régions, à la réalité de nos professions.

M. le Président, on a beau invoquer, de l'autre côté, la mondialisation des marchés, l'importance de ce projet de loi là... Et, encore une fois, c'est des spécialistes – ce n'est pas l'opposition qui dit ça – c'est toujours le Bureau d'assurance du Canada qui dit: «La mondialisation invoquée par les défenseurs du projet de loi n° 188 n'insuffle nullement les changements que le gouvernement du Québec prétend vouloir suivre en matière de distribution de services et de produits financiers.»

Ça devrait sonner quelques cloches, ça, de l'autre côté, M. le Président. C'est la base de leur argumentation. C'est là-dessus qu'on se base pour déposer un projet de loi. C'est là-dessus qu'on se base pour amener des amendements législatifs d'une aussi grande importance et, encore une fois, comme on l'a vu dans d'autres cas, dans d'autres secteurs, on demande des rapports puis, quand ça ne fait pas notre affaire, on dit: Bof! On ne les écoutera pas, on va passer un autre rapport qui, lui, nous est plus favorable. Ce n'est pas ça, la vraie consultation, M. le Président. Ce n'est pas ça, la vraie volonté de vouloir gouverner, pour des gens, de vouloir servir des gens au lieu de vouloir se servir des gens.

M. le Président, ces mêmes gens là... J'ai parlé tantôt de l'impact économique de ce projet de loi là dans nos régions, ces gens-là du Bureau d'assurance du Canada le soulèvent aussi: «Dans plusieurs régions ou localités du Québec, la fermeture d'un bureau de courtier signifie ni plus ni moins la disparition de toute concurrence. Il y a tout lieu de douter qu'une telle situation procure quelque avantage que ce soit pour les consommateurs.»

(21 h 10)

Là, M. le Président, pour les gens qui nous regardent ce soir, on n'est pas dans un projet de loi technique, là. Moi, je n'ai pas fait de technique, savoir que tel article veut dire telle chose. Ce n'est pas ça. C'est juste une question de gros bon sens pour nos régions. Et ce dont on se rend compte avec ce projet de loi là, c'est que ce gouvernement-là, présentement, dans toutes les ramifications de l'appareil gouvernemental, ce qu'il veut faire, c'est étouffer un petit peu plus les régions jour après jour, mois après mois, projet de loi après projet de loi. C'est ça, l'ambition de ce gouvernement-là, de ce régime péquiste là. C'est d'étouffer un petit peu plus les régions jour après jour, et le projet de loi qu'on a devant nous en est un autre bel exemple, M. le Président.

Vous savez, de l'autre côté, on pourrait arriver et dire: Bon, on sait bien, les gens qui sont contre ce projet de loi là n'ont rien à proposer, ne veulent rien amener de nouveau, ne veulent rien savoir d'améliorer ce projet de loi là. Pourtant, ça fait déjà deux ans que ces gens-là se déplacent et viennent à différentes sortes de consultations, différentes sortes de forums qui ont été tenus ici, à l'Assemblée nationale. Ça fait deux ans que ces gens-là viennent. Et, moi, j'aime bien croire que, quand on parle à des spécialistes dans un domaine comme celui-là, ils savent de quoi ils parlent. C'est leur domaine; ils vivent dans ce secteur-là à tous les jours. Et là qu'on ne vienne pas dire du gouvernement qu'on est prétentieux au point d'en connaître plus sur ce métier-là que les gens qui gagnent leur vie jour après jour avec ça. Et qu'est-ce que ces gens-là disent?

Pour vous montrer la bonne volonté de ces gens-là, M. le Président, même encore aujourd'hui, alors qu'ils sont dans le coin, avec le couteau sur la gorge, ce qu'ils disent, ces gens-là: ils font appel aux parlementaires de l'Assemblée nationale, ils font appel aux gens qui sont ici, aux gens qui ont un peu de jugement et qui se rendent compte de l'impact négatif de ce projet de loi là pour nos régions, pour dire qu'il est important qu'on revoie ce projet de loi là, qui est inacceptable, à moins, à moins... Ils ont encore le courage, malgré le fait que ce gouvernement-là les piétine depuis deux ans et rit d'eux autres depuis deux ans en ne tenant pas compte de ce qu'ils disent, de faire des propositions et de dire: Ce projet de loi là, on pourrait l'améliorer en disant ou en proposant qu'il reconnaisse pleinement le rôle et le statut professionnel des intermédiaires. Ils disent que, présentement, l'encadrement des intermédiaires en assurance de personnes au Québec est le meilleur en Amérique. Il ne faut pas détruire cela mais plutôt consolider la responsabilité personnelle du praticien vis-à-vis de ses clients et soumettre tous les praticiens à cet encadrement, indépendamment des réseaux de distribution.

Il y en a d'autres, propositions, M. le Président, qu'ils font. Ils disent qu'il y ait pleine reconnaissance du rôle et du statut professionnel, avec un organisme d'encadrement professionnel indépendant. Ils disent, en terminant: Le recul professionnel n'est pas dans l'intérêt du public, et le projet de loi n° 188 prive les consommateurs de la protection professionnelle. C'est des gens qui connaissent ça, là, M. le Président. Ce n'est pas un député ou ce n'est pas quelqu'un qui, à un moment donné, arrive et doit parler sur un projet de loi et, comme on en a souvent l'habitude en écoutant les ministériels, invente à peu près n'importe quoi pour parler et tenir son temps. Ce sont des gens qui nous envoient ça, qui écrivent là-dessus, M. le Président, et qui ont une expertise dans ce domaine-là. Des gens qui nous ont communiqué ça encore aujourd'hui, alors qu'ils ont le couteau sur la gorge, qu'on les pousse dans le coin; après deux ans de les avoir ridiculisés, les avoir consultés, leur avoir fait perdre leur temps. Alors qu'on n'a pas l'intention du tout, pas une minute, de les écouter, ces gens-là trouvent encore le courage aujourd'hui de demander qu'on regarde ce projet de loi là et qu'on l'améliore.

Moi, j'ai du respect pour ces gens-là et je ne trouve pas que ces gens-là méritent qu'on rie d'eux, du tout. Moi, j'ai beaucoup de respect pour ces gens-là, M. le Président, et c'est pour ça qu'à cette étape-ci, étant donné qu'on n'a pas plus de détails que ça, qu'on a eu une pile d'amendements et qu'après deux ans on ne sait pas plus où on va, moi, c'est pour ça que je vais appuyer mon collègue de Viger. J'ai appuyé les autres collègues de l'opposition et je vais voter contre le projet de loi n° 188 à l'adoption du principe.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sauvé. M. le député.


M. Marcel Parent

M. Parent: Je vous remercie, M. le Président. Je vais profiter du temps qui m'est alloué ici aujourd'hui pour parler de quelque chose qui est primordial dans notre société, c'est-à-dire la protection du patrimoine financier des Québécois et des Québécoises. Et, en tant que députés, qu'on soit députés ministériels ou qu'on soit députés de l'opposition, c'est notre rôle de voir à ce que les lois et les règlements que nous adoptons protégeront ce patrimoine.

Il me fait plaisir de joindre ma voix à mon collègue le député de Viger, qui a, en collaboration avec le député de Kamouraska... Kamouraska, le député qui était le porte-parole ou était le président de la commission?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le député d'Arthabaska.

M. Parent: D'Artabaska.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Voilà.

M. Parent: Notre collègue et député d'Arthabaska, qui n'ont pas été timorés pour faire connaître leur opinion dans l'étude de ce projet de loi.

Ce projet de loi, M. le Président, le projet de loi n° 188, c'est un projet de loi qui élimine, en partant, 2 000 PME au Québec. C'est un projet de loi qui éventuellement peut faire perdre le gagne-pain de 40 000 familles au Québec, pendant que l'on vit une situation économique des plus désastreuses. C'est à se demander comment un gouvernement peut devenir un empêcheur de danser en rond à ce point-là. Ce gouvernement, il est rempli d'incendiaires. Ce sont des pyromanes qui mettent le feu où il n'y a pas besoin de mettre le feu, des gens qui interviennent où il ne faut pas intervenir, des gens qui souffrent de masochisme, qui veulent se faire mal et qui veulent nous faire mal.

M. le Président, connaissez-vous des gens en affaires qui vont torpiller une formule gagnante? Le projet de loi n° 188 fait fi du patrimoine et des traditions économiques du Québec en éliminant les intermédiaires de marché, en éliminant la fonction de conseiller financier. C'est à se demander si les membres de ce gouvernement travaillent réellement au mieux-être de la population du Québec.

Il y a des milliers de personnes au Québec qui travaillent efficacement à protéger ce patrimoine. Je parle ici des milliers d'intermédiaires en assurance, de personnes ou conseillers financiers qui oeuvrent au service de la population et qui voient à la préservation du patrimoine. Ces professionnels – parce c'est bien de cela qu'il s'agit – ce sont des professionnels, M. le Président, et ils jouent un rôle majeur dans notre société. Si on adoptait le projet de loi n° 188, on mettrait de côté le rôle joué par les professionnels de l'industrie des produits et services financiers.

Les stratégies et les produits choisis serviront à s'assurer un revenu décent à la retraite et à protéger sa famille en cas de décès ou encore en cas d'invalidité. Il n'y a plus personne – on le souhaite – qui se fie uniquement sur l'État pour assurer ses vieux jours. La conjoncture économique des dernières années fait en sorte que la population démontre aujourd'hui un intérêt croissant pour l'organisation et pour la bonne gestion de ses finances personnelles. La sécurité financière est devenue une préoccupation majeure dans nos vies, et c'est tant mieux. Pour s'assurer que leur sécurité financière est entre bonnes mains, les gens veulent faire affaire avec des spécialistes compétents, et c'est normal, des spécialistes solvables, des spécialistes responsables, et c'est important que ça demeure ainsi. Est-ce que les députés ici, nos collègues de l'Assemblée nationale, font affaire avec n'importe qui? Je ne pense pas. Je suis convaincu, M. le Président, que tout le monde ici choisit avec soin la personne à qui il confie ses finances personnelles. Je suis convaincu que les gens ici font affaire avec des individus qui, à leurs yeux, sont des experts dans leur centre d'activité et qui leur assurent des conseils précieux et éclairés, quelqu'un en qui ils ont pleinement confiance et qui est un professionnel au même titre que leur médecin, leur architecte ou leur avocat. On le sait, faire affaire avec un conseiller financier compétent assure une prestation de services de qualité.

J'aimerais, M. le Président, avec votre permission, ici vous dresser un bref portrait de ce que ça implique de confier son patrimoine à un professionnel. D'abord, en traitant avec des spécialistes qualifiés, les gens peuvent obtenir un aperçu global de leur situation personnelle et familiale et de leurs besoins financiers, et ceci, tant au plan fiscal que financier et juridique. Si on a en main un portrait fidèle de sa situation, que l'on a bien cerné ses objectifs à long terme, on est bien plus en mesure de prendre des décisions éclairées.

Les besoins en conseils financiers des consommateurs sont variés et sont souvent limités à leur capacité financière. Celui ou celle qui gagne 100 000 $ par année n'aura pas les mêmes besoins ou n'aura pas les mêmes produits ni les mêmes conseils que le chef de famille qui gagne 20 000 $ ou 25 000 $ par année. Mais, qu'on gagne 100 000 $ ou 20 000 $ ou 25 000 $ par année, pour répondre à l'éventail de nos besoins, pour rencontrer nos propres objectifs, on devra compter sur une approche qui sera multidisciplinaire. Et, en planification financière, le professionnel à qui on confie ses affaires doit avoir des connaissances de fine pointe dans les domaines juridique, fiscal et comptable.

(21 h 20)

Ce professionnel doit aussi connaître de façon approfondie toute la gamme de produits financiers disponibles sur le marché. Ces produits sont en constante évolution, on le sait. Il devient vite très complexe pour le commun des mortels de s'y retrouver. Alors, il sera du rôle de ce professionnel de les vulgariser afin que le consommateur, le Québécois ou la Québécoise qui en a besoin, ait une compréhension adéquate de ce qu'il acquiert.

Certainement, la plupart des contribuables ne disposent pas de portefeuilles faramineux, j'en conviens, et leurs besoins en matière de planification financière et personnelle sont plus ou moins limités, mais, pour chacun des Québécois, cela revêt la même importance capitale. Il s'agit de son bien, il s'agit de ses économies, il s'agit de ses projections dans le domaine financier. Tout le monde, M. le Président, vise une utilisation judicieuse de véhicules financiers tels que les REER, la diminution de ses dettes, de son hypothèque, une diversification de placements. Le peu que l'on a, on ne voudrait surtout pas le perdre.

Tout le monde est d'accord avec ça: la planification des finances personnelles, c'est un domaine complexe qui évolue rapidement. C'est donc important de faire affaire avec quelqu'un qui s'y connaît, qui est exempt de toute pression commerciale et qui place, et c'est important, les intérêts de son client avant toute chose, et non pas les intérêts de son institution bancaire ou financière. Tout ça fait prendre conscience de l'importance du rôle du conseiller financier qui fait de la planification financière personnelle.

Dans certains cas, le conseiller financier doit avoir la maturité nécessaire pour confier à d'autres professionnels les aspects et les points qu'il maîtrise moins bien. Référer à un autre spécialiste, ça, c'est normal; ça pourrait être un notaire, un fiscaliste, un courtier en valeurs mobilières. Est-ce qu'on peut s'attendre au même professionnalisme d'un représentant qui agira sous l'autorité d'un seul cabinet, d'un seul conseil d'administration d'institution bancaire, qui n'aura nécessairement plus la liberté professionnelle d'agir dans le meilleur intérêt de son client? Le modèle proposé ici, M. le Président, vise un changement radical dans l'encadrement par le cabinet plutôt que l'autonomie et l'indépendance professionnelle, et c'est à réfléchir.

Qu'on se le dise clairement, une entreprise, par définition, ça n'existe non pas pour donner des cadeaux à ses clients mais pour faire de l'argent, d'abord et avant tout. Avec les profits déclarés par les grandes banques canadiennes au cours des dernières années, est-ce que quelqu'un a un doute sur l'objectif premier des institutions financières, quelles qu'elles soient? Laisser le consommateur se faire conseiller par un représentant rattaché à une institution financière ou à un cabinet, c'est risquer qu'il y ait perte d'objectivité du conseiller financier.

D'ailleurs, M. le Président, le modèle proposé est réducteur quant au rôle de conseiller, lequel maintenant, en plus d'être certifié, devra être obligatoirement inscrit comme travaillant au sein d'un cabinet. Il n'a plus la liberté professionnelle d'agir en tout temps auprès de l'institution financière qu'il estime offrir le meilleur produit à son client. M. le Président, tout ça nous montre à quel point les exigences pour agir comme conseiller financier sont élevées.

J'estime que la planification financière personnelle va être appelée à se développer davantage au cours des prochaines années à cause de plusieurs facteurs. Et l'un de ces facteurs, il est important, c'est le vieillissement de notre population. Ce vieillissement amène une hausse de la demande de produits spécifiques comme les placements, les rentes, l'assurance-maladie. Il y a aussi le revenu disponible des ménages qui croît parce que le nombre de couples sur le marché du travail augmente sans cesse. Et d'autres données démographiques nous montrent que la génération des baby-boomers est sur le point d'hériter de sommes équivalentes à plusieurs milliards de dollars. Cet argent-là devra être investi judicieusement dans toutes sortes de produits financiers, les REER, les fonds mutuels, les fonds distincts, etc., et on aura un grand besoin de spécialistes qualifiés et compétents pour conseiller ces gens-là et protéger leurs acquis.

Ainsi, il faut préciser que ces baby-boomers auront grandi dans une société de consommation d'après-guerre. Ça fait en sorte qu'ils ont une perception très particulière de la retraite et aussi qu'ils ont beaucoup plus de loisirs que les générations précédentes. Leurs besoins provoquent une hausse de la demande pour des produits de placement plus complexes, plus spécialisés, et c'est normal. Et, dans ce contexte-là, la planification financière de qualité est et demeure un service essentiel à la population, qui doit s'offrir par des conseillers compétents, professionnels et responsables.

Alors, je viens donc de vous dresser, M. le Président, rapidement un portrait du travail qu'effectue le conseiller financier et de l'importance qu'il aura à jouer au cours des prochaines années. La profession d'intermédiaire ou de conseiller financier telle qu'on la connaît aujourd'hui n'est pas apparue du jour au lendemain. Au cours des 30 dernières années, cela a évolué de façon constante, pour arriver à la qualifier d'une véritable profession. Cette évolution est nécessaire et va de pair avec l'évolution de l'industrie des produits et des services financiers, qui change à une vitesse fulgurante, et une philosophie d'autonomie professionnelle qui est le seul gage avant-gardiste et de protection adéquate pour les consommateurs québécois.

Depuis l'année 1984, on favorise le décloisonnement des institutions financières au Québec. Le décloisonnement a changé bien des choses dans l'industrie. Le cumul des différents permis, les alliances stratégiques, les concentrations d'entreprises en sont d'ailleurs des conséquences qui ont modifié passablement le paysage financier du Québec. Il faut aussi mentionner que l'apparition grandissante de nouveaux compétiteurs a forcé les intermédiaires en assurance de personnes à se démarquer en tant que valeur ajoutée, et je pense honnêtement qu'ils ont réussi à le faire et je les en félicite.

Les intermédiaires en assurance de personnes se considèrent comme des professionnels et ils sont des professionnels, M. le Président. Pourtant, le député de Verchères, vice-premier ministre, ministre des Finances, s'apprête à écarter ce professionnalisme en bâtissant son projet de loi, je l'ai dit, autour d'une logique commerciale. C'est un projet de loi bâti autour d'une logique commerciale, et je pense qu'il vaut la peine de réfléchir au développement que subit la carrière de l'intermédiaire au Québec avant de stopper ce développement au nom de la mondialisation ou pour servir les institutions financières.

Aujourd'hui, les consommateurs sont assurés que la personne qui leur offre des services ou des produits financiers est adéquatement formée, qu'elle est encadrée par un organisme neutre, qu'elle détient une assurance-responsabilité, qu'elle fait l'objet d'inspections professionnelles. Le dynamisme dont ont fait preuve les intermédiaires de marché est digne de mention, et, grâce à leur association professionnelle, ils ont accès aussi à une multitude de cours. Ils peuvent poursuivre leur formation, obtenir des titres professionnels qui viennent renforcer leur compétence et qui leur permettent d'offrir au public un service à valeur ajoutée. Les intermédiaires peuvent aussi s'engager dans des processus de formation continue très développés. Non, vraiment, M. le Président, l'époque du vendeur d'assurances autonome, comme on avait parfois coutume de l'appeler, est bien révolue. Peut-on s'attendre à la même qualité d'encadrement, non plus neutre et professionnel, mais teinté d'intérêts commerciaux divergents? J'en doute.

Tantôt, j'ai mentionné l'importance de la planification financière personnelle dans la société. Eh bien, on peut dire que les intermédiaires ont été les premiers professionnels à offrir des services de planification financière à la population. En tout cas, moi, je trouve ça bien rassurant de savoir que ces gens-là sont bien formés, parce que ce sont eux qui assurent notre avenir et qui sont chargés de la protection de nos avoirs; et nos avoirs, M. le Président, c'est le patrimoine économique des Québécoises et des Québécois. Je trouve ça rassurant aussi de savoir que ces personnes doivent répondre de leurs actes personnellement devant un comité de discipline formé de leurs pairs, de savoir que, comme tout autre professionnel digne de ce nom, elles sont visées par un programme d'inspection professionnelle. Elles ont toutes l'obligation de détenir une police d'assurance-responsabilité. Cette assurance veille à ce que le conseiller soit solvable si on doit intenter un recours judiciaire contre lui. Autrement dit, il ne disparaît pas dans le décor; on peut toujours le retrouver, on peut toujours avoir des recours contre lui. Comme ça, les économies des Québécoises et des Québécois sont protégées.

(21 h 30)

M. le Président, le projet de loi n° 188 me laisse inquiet. Mais je me pose des questions. À qui devons-nous les améliorations dans le domaine de la planification financière personnelle et de l'encadrement professionnel? Si je ne m'abuse, ce sont les agents et les courtiers eux-mêmes qui se sont pris en main et qui ont le plus participé à l'évolution de cette carrière; ce sont eux qui ont mis sur pied des programmes de formation de haut niveau; ce sont eux qui ont mis en place des programmes d'inspection professionnelle; ce sont eux, encore, qui ont mis sur pied des processus de surveillance et de discipline qui sont efficaces. Tout cela avec un seul objectif en tête: assurer une protection adéquate du public et lui offrir des services de qualité. Il semble que le député de Verchères n'ait pas vu ça. Le député de Verchères, lui, n'est pas au courant de ça. Le député de Verchères est prêt à mettre la hache là-dedans. La structure de formation, d'inspection d'assurance, de discipline qu'ils ont mise en place leur permet d'assurer un encadrement à leur pratique. Si c'était si vrai, le projet de loi n° 188, M. le Président, on aurait entendu des députés ministériels se lever et défendre ce projet de loi là. On ne les a pas entendus.

On a eu le président de la commission qui a étudié ce projet de loi là et qui a fait un bon travail, on a eu le député de Crémazie qui s'est levé deux, trois minutes pour en parler. Mais les autres députés, s'ils sont solidaires du député de Verchères, il faut qu'ils se lèvent, il faut qu'ils le disent, qu'ils ont un bon projet de loi, comme ça on pourra entamer avec eux un dialogue intéressant et tâcher de trouver des meilleures solutions. Ce n'est pas en arrivant avec un paquet d'amendements qu'on lance comme ça que l'on va faire passer un projet de loi, c'est en discutant d'une façon civilisée entre les deux côtés de la Chambre pour trouver le meilleur moyen d'assurer la protection adéquate des Québécoises et des Québécois tant sur le plan financier que sur le plan économique.

Pourtant, on nous propose malgré tout de bafouer les principes de base de l'encadrement d'inspiration professionnelle, alors qu'il ne s'agit pas là du meilleur intérêt des citoyens. On nous propose de substituer cela par un Bureau des services financiers comme modèle d'encadrement avec des intérêts commerciaux qui auront primauté. Encore là, on a raison de s'inquiéter. C'est comme si on avait des manufacturiers de produits pharmaceutiques qui siégeaient à l'Ordre des pharmaciens; personne ne trouverait que c'est normal. Alors, pourquoi le faire dans le secteur financier?

Qui a le plus bénéficié de l'amélioration de l'évolution de la profession? Eh bien, ce sont les Québécois et les Québécoises. C'est la population qui a profité de cette amélioration en bout de ligne et, je dirais même, la société en général. Si les conseillers financiers sont mieux formés, leurs clients ont droit à un service de meilleure qualité qui non seulement protège leur patrimoine, mais contribue à son développement. C'est peut-être dérangeant pour les institutions financières, mais c'est un contrepoids essentiel que l'on doit conserver.

M. le Président, ceux et celles qui ont des responsabilités de protéger le patrimoine financier de la population ont un rôle vital à jouer dans notre société, et ça, c'est nous. C'est notre devoir, les députés, de reconnaître l'importance de ce rôle en s'assurant nous-mêmes de maintenir que ceux et celles qui offrent des produits et des services financiers à la population soient de vrais professionnels. C'est ma responsabilité comme c'est la responsabilité du député de Matane. C'est tous notre responsabilité. On a été élus pour ça. Alors, ce projet de loi témoigne de l'importance du rôle joué par les conseillers financiers. Est-ce qu'il témoigne de ça? Non, M. le Président. Des professionnels, des intermédiaires deviennent des représentants. On pourra débattre de cette appellation longtemps.

En fin de compte, M. le Président, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, pour toutes les interrogations que ce projet de loi nous amène, alors je dois dire que je vais joindre mes collègues du côté de l'opposition et voter contre le projet de loi n° 188. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sauvé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je dois souligner au point de départ, avant de parler du projet de loi n° 188, on sait que, nous, tous les collègues de l'opposition... Ainsi que tous les députés du parti ministériel ont sûrement eu des représentations dans chacun de leur bureau depuis quelques années, avant le rapport Baril, après le rapport Baril, avant l'adoption de la loi. Et sûrement que tout comme nous de ce côté-ci les gens du côté ministériel ont sûrement reçu aussi de la correspondance.

Je suis surpris de voir que depuis après-midi mais particulièrement ce soir, il n'y a aucun collègue du côté ministériel qui s'est levé pour donner son opinion sur les rencontres qu'il a eues avec les courtiers de sa région ou avec la caisse populaire de sa région. Je vois ici le député de Saguenay, le député de Taschereau, la députée de Pointe-aux-Trembles qui sûrement ont rencontré des courtiers dans leur comté. Je serais curieux de les entendre sur leur projet de loi, moi, savoir ce qu'ils ont compris de ces rencontres-là avec ces gens-là. Quel sera l'impact du projet de loi sur leur comté?

Souvent, les députés en région... Je vois le député de Saguenay, le député de Duplessis et d'autres députés qui sont en région. Pour eux, l'impact du projet de loi n° 188 sera excessivement fort. Je me mets dans leur peau lorsqu'ils auront à expliquer à ces gens-là, dans leur région, ce qu'ils ont fait pour bonifier le projet de loi ou bien pour transmettre les opinions qu'ils ont reçues lors de ces rencontres-là. Je serais gêné pour eux, M. le Président, de dire qu'ils ne se sont pas levés puis qu'ils ne sont pas intervenus lors du dépôt ou de l'adoption du principe du projet de loi. De toute façon, M. le Président, ça sera à eux de rendre compte devant leurs citoyens lors des prochaines élections, et libre à eux d'intervenir ou pas.

Donc, M. le Président, on sait qu'on a eu d'innombrables rencontres. Les gens ont inondé, même, les fax de plusieurs députés ici, à l'Assemblée nationale, particulièrement à chaque fois que... La commission parlementaire, par exemple, avait adopté et déposé son rapport qu'on appelle le rapport Baril, un rapport qui a été quand même bien accepté de la part des intermédiaires de marché. On a, en fin de compte, eu presque une unanimité, au moins un consensus sur le rapport. Malheureusement, ce qu'on voit aujourd'hui... Et ce que les gens nous disent chez nous, M. le Président, c'est: Qu'est-ce que vous faisiez, les députés, qu'est-ce qu'ils faisaient à la commission parlementaire, d'entendre des gens, de préparer un rapport, alors que le gouvernement, lui, n'applique pas, en réalité, le sens même du rapport qui a été fait par la commission?

Donc, M. le Président, les interventions qu'on a eues chez nous se trouvaient... En réalité, on peut parler de trois principales objections au projet de loi n° 188. La première, c'est la protection du consommateur. On sait que la protection du consommateur passe souvent par la compétition. Plus vous avez de la compétition, de la compétitivité à travers les fournisseurs de service, plus le service doit être bien rendu. Et, par ce projet de loi là, le projet de loi n° 188, naturellement le marché des intermédiaires de marché, on retrouve un nouveau joueur qui devient, en réalité, trop fort pour les autres joueurs, soit les caisses populaires.

Et, soit dit en passant, M. le Président, nous n'avons rien contre les caisses populaires. Chez nous, en région, on a des caisses qui font un travail extraordinaire. Comme on dit chez nous: Chacun son métier et les vaches seront bien gardées. M. le Président, on a aussi des intermédiaires de marché qui font un travail extraordinaire dans la vente de produits financiers ou la vente d'assurance.

Donc, M. le Président, lorsque le client se présente à la caisse populaire et qu'il peut aussi se procurer des assurances ou d'autres produits, il se sent presque obligé, sinon la compétition devient excessivement déloyale, particulièrement dans les petits villages ou en région, où la personne se trouve, en fin de compte, devant une grandeur d'entreprise intimidante qui fait en sorte que celui-ci doit, en fin de compte, être influencé par la grosseur de l'entreprise.

J'attire l'attention des députés alentour de moi, qui ont l'air de bien s'amuser à partir du projet de loi n° 188, pour écouter puis transmettre ces informations-là aux gens qu'ils ont rencontrés dans leur bureau. Parce que j'ai entendu dire tantôt qu'ils ont rencontré des courtiers, sûrement rencontré des gens des caisses populaires. Et j'attire l'attention qu'ils pourraient peut-être se lever après moi pour intervenir aussi sur le projet de loi, naturellement si vous avez le courage de vous lever.

Donc, M. le Président, j'étais en train de dire aussi qu'à la caisse populaire, sans avoir rien contre les caisses populaires, il y a aussi une différence avec les services qui sont donnés par les courtiers. Naturellement, chez moi, par exemple, si on prend la plus grande ville de mon comté, la ville de Granby, il y a beaucoup de courtiers d'assurances, beaucoup de compétence parce qu'il y a beaucoup de compétition, beaucoup aussi de petits villages. On a un bureau de courtiers et aussi souvent une caisse populaire naturellement qui fait un peu la pluie et le beau temps, si on peut dire, dans le village, qui devient, en fin de compte, une compétition beaucoup trop forte pour les courtiers en région. Donc, M. le Président, les services à la clientèle ne sont naturellement pas les mêmes dans ces cas-là, lorsque le petit village...

M. le Président, je pourrais attirer votre attention. Il y a du bruit, ça dérange ma concentration. Donc, peut-être rappeler à ces gens-là que le respect de parole pour chacun des députés...

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous êtes plus près que moi. Moi, je n'entendais pas ici, en avant. Je vous entendais, vous, parce que vous avez une voix qui porte quand même assez bien, ça couvrait les autres. Mais, effectivement, si les autres vous dérangent, vous avez le droit de demander le respect de votre droit de parole. Et j'inviterais les autres députés qui sont dans l'environnement de celui qui a le droit de parole, s'il vous plaît, à respecter son droit de parole. Alors, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Donc, j'étais en train de parler de l'impact du projet de loi sur les régions particulièrement. Moi, je suis un député de région, du comté de Shefford qui comprend huit municipalités: une grande municipalité et plusieurs petites municipalités. Et l'impact du projet de loi n° 188 est très grand pour nos régions. Je disais qu'il y a huit municipalités: sept petites municipalités qui comprennent toutes, comme la plupart des petites municipalités, un bureau de courtiers et une caisse populaire.

Naturellement, le projet de loi, on tend à penser qu'il va faire en sorte que le bureau de courtiers va disparaître et que la caisse naturellement va ramasser les clients en question. Donc, c'est des pertes d'emplois pour chacun des petits villages. Et, lorsqu'on pense qu'il y a environ 40 000 familles qui dépendent de ces emplois-là chez les courtiers du Québec, c'est un impact excessivement important, et particulièrement dans ces régions-là où on compte quelques emplois par petit village et, naturellement, dans les grandes villes, là, c'est peut-être... dans toutes les villes du Québec, une dizaine de milliers d'emplois. Donc, M. le Président, on pense que ce n'est pas avantageux pour la création d'emplois en région.

J'attire encore votre attention, M. le Président, sur le fait que ça chuchote beaucoup, donc c'est déconcentrant lorsqu'on vient pour...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Naturellement, ces gens-là qui ne s'intéressent pas au projet de loi pourraient, en fin de compte, prendre des notes, et on aimerait ça les entendre dans quelques instants sur le même sujet. Donc, on se fera un devoir de rester ici pour les écouter, si, naturellement, ils ont quelque chose à dire.

Je disais, M. le Président, qu'à part le fait que le projet de loi attaque directement ces emplois-là qui sont particulièrement en région, qui sont très importants pour nous, très importants pour chacune des petites villes et chacun des petits villages du coin, le projet de loi est aussi une autre source de crainte, celle de voir des renseignements qui sont confidentiels ou personnels être plus ou moins bafoués par l'implantation d'un tel système. On sait chez nous que, lorsque vous faites affaire dans une institution financière et que la vente d'assurance ou de produits financiers se fait au même endroit, il est évident que, lorsque tous les collègues sont ensemble – parce qu'il faut dire que les gens qui travaillent au même endroit dans la même caisse populaire, ce sont des collègues – naturellement, les informations circulent librement, qu'on le veuille ou pas. Donc, on doit se poser des questions sur les bienfaits de l'application d'un tel projet de loi.

Et, M. le Président, nous avons tous reçu aujourd'hui, je pense, une lettre qui est très significative, qui est très explicite, du Bureau d'assurance du Canada. Et je pense que je vais vous en lire quelques passages, au bénéfice de mes collègues ici qui pourraient s'inspirer de cette lettre-là pour bonifier le projet de loi ou demander au député de Verchères peut-être de retirer le projet de loi ou de le modifier de façon substantielle pour, en fin de compte, rentrer dans les limites de l'acceptable d'un tel changement.

Donc, nous avons reçu aujourd'hui ce document-là du Bureau d'assurance du Canada, et je tiens à vous en citer quelques passages. C'est daté du 28 mai 1998 et ça dit, en parlant du projet de loi n° 188: «Nous tenons à vous exprimer l'étonnement et la grande déception que nous avons ressentis lorsque nous avons appris que les amendements que proposera le ministre des Finances, M. Bernard Landry, ne répondent pas adéquatement aux attentes exprimées par le Bureau d'assurance du Canada et de ses membres lors des audiences de la commission des finances publiques tenues en mars dernier.

«D'abord, pour justifier la pertinence du projet de loi, l'on continue de prétendre que la banque-assurance constitue une pratique courante à l'échelle internationale que le Québec se doit d'imiter afin de renforcer les assises d'institutions de dépôts. Les efforts n'ont certes pas été ménagés pour vous démontrer que la banque-assurance se pratique présumément – on dit «présumément» – sans contrainte aucune dans plusieurs États américains.» Mais, dans les faits ils disent que l'on compare des systèmes complètement différents pour lesquels une seule recette ne peut convenir.

«Enfin, l'on oublie de mentionner que la banque-assurance n'est permise sans restriction que dans les banques dont la part du marché est suffisamment restreinte – donc, M. le Président, ce n'est pas le cas, ici; on sait que les caisses populaires, c'est des grandes institutions financières au Québec, donc ce n'est pas des petites banques à marché restreint – et ce, pour assurer une concurrence qui soit profitable aux consommateurs.»

Dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas une concurrence qui est profitable aux consommateurs, puisque nos institutions financières que sont les caisses populaires sont de grandes entreprises. Ce n'est toutefois pas le cas de banques d'importance, donc, à l'extérieur du Québec, M. le Président, les banques d'importance ne sont pas autorisées à vendre ces produits-là.

«Pour preuve, la Chambre des représentants aux États-Unis a tout récemment adopté une loi imposant justement aux banques nationales l'obligation de passer par une filiale dédiée pour vendre de l'assurance en succursale, et ce, pour tout le territoire du pays. Au Québec, les institutions de dépôts ont une part de marché telle qu'il y a lieu, à l'instar de nos voisins du Sud, d'encadrer de façon plus serrée la vente d'assurance en succursale.»

On continue un petit peu plus loin, M. le Président, et ça résume bien les objections qu'on a, de ce côté-ci de la Chambre. Je continue: «Comme vous pouvez le constater, la mondialisation invoquée par les défenseurs du projet de loi n° 188 n'insuffle nullement les changements que le gouvernement du Québec prétend vouloir suivre en matière de distribution de services et produits financiers. Si les pays où se trouvent les banques les plus importantes au monde ne permettent pas la vente d'assurance directement par les succursales, il y a lieu de se questionner sérieusement sur le bien-fondé de légiférer en cette matière.» Donc, M. le Président, c'est la preuve que nous faisons bande à part avec ce genre de projet de loi.

«Parallèlement, la concentration du marché de l'assurance de dommages que sous-tend l'application de ce projet de loi entraînera la fermeture de bureaux de courtiers de même que des pertes d'emplois – des pertes d'emplois, comme je le disais tantôt, et principalement en région, où ça va faire beaucoup plus mal. Sachez qu'avec chaque courtier qui mettra fin à ses activités disparaîtront ainsi les produits de cinq à 10 sociétés d'assurances. Dans plusieurs régions ou localités du Québec, la fermeture d'un bureau de courtiers signifie, ni plus ni moins, la disparition de toute concurrence. Il y a tout lieu de douter qu'une telle situation procure quelque avantage que ce soit pour les consommateurs.

«Deuxièmement, l'actuel projet de loi ne permet pas au gouvernement d'exercer un véritable contrôle en matière de protection des renseignements personnels et de ventes liées, quoi qu'en dise le président de la Commission d'accès à l'information. Les amendements prévus ne prévoient aucun moyen pour le gouvernement d'empêcher les employés d'une même institution de s'échanger de l'information.»

Comme je disais, M. le Président, tantôt, c'est tout naturel pour des collègues de travail qui travaillent dans la même bâtisse de s'échanger de l'information. Donc, on peut établir n'importe quelle loi, n'importe quelle sanction aux fins de s'échanger de l'information, mais, dans un établissement où tout le monde travaille sur le même plancher, c'est impossible d'arrêter ça.

Je continue, M. le Président: «Les amendements prévus ne prévoient aucun moyen pour le gouvernement d'empêcher les employés d'une même institution de s'échanger de l'information – je disais. Pis encore, puisqu'un même employé pourra à la fois vendre de l'assurance et traiter les demandes de prêt ou de crédit, l'État ne pourra, dans les faits, l'empêcher d'utiliser les informations auxquelles il aura eu accès via l'une ou l'autre des fonctions qu'il assume.»

Naturellement, M. le Président, lorsqu'un client arrive à son agent de crédit, il met son bilan sur la table et l'agent de crédit est bien informé sur les états financiers et sur les avoirs du client. C'est facile pour lui de lui offrir des produits d'assurance ou tout autre produit, donc la compétition devient excessivement déloyale.

(21 h 50)

«De toute évidence – je continue, M. le Président – la confidentialité des renseignements personnels est véritablement menacée sur plusieurs plans avec le projet de loi n° 188. Sans balises strictes, la vente d'assurance dans les institutions de dépôts constitue une menace pour le consommateur.» Et c'est le Bureau d'assurance du Canada qui dit ça, M. le Président.

Et il continue. «Troisièmement, les amendements que l'on entend apporter aux articles se rapportant au statut des experts en sinistre – on sait qu'on en a plusieurs au Québec, M. le Président – ne prévoient aucune mesure de transition pour les compagnies d'assurances et leurs employés au service des consommateurs. En fait, les amendements ne touchent que très peu d'experts actuellement actifs. Ce que le BAC désire, comme tous les autres intervenants de l'assurance d'ailleurs, y compris la Corporation des assureurs directs, c'est que le législateur laisse tomber son intention d'assujettir les experts en sinistre à la loi.»

Il continue, M. le Président: «Soyons clairs. Les assureurs encadrent déjà leurs employés en leur prodiguant, soit eux-mêmes soit par le biais de l'Institut de l'assurance du Québec, une formation adéquate et pointue relative à leur champ d'expertise. De fait, leur crédibilité et leur compétitivité en dépendent, mais nul n'est besoin d'exiger de ces employés qu'ils possèdent des connaissances poussées en matière de produits et services financiers, puisqu'ils ne vendent ni n'offrent de tels produits et services.»

Il conclut, M. le Président, au dernier paragraphe: «À la limite, nous serions prêts à accepter qu'une clause grand-père dispense tous les employés au service d'un assureur de l'obligation de détenir un diplôme mais pas seulement un petit nombre comme le feraient les amendements pressentis. Ne pas permettre cela équivaut à renier tout le travail que ces employés accomplissent souvent depuis plusieurs dizaines d'années à la satisfaction des consommateurs.»

Donc, M. le Président, après avoir entendu chez nous, dans nos comtés respectifs, des deux côtés de la Chambre, tant de courtiers d'assurances, tant de personnes qui contribuent à notre économie, tant de personnes qui sont remplies de compétences depuis des dizaines ou une vingtaine d'années, quand on voit ces gens-là qui, aussi, contribuent au développement économique de chacune de nos régions... Il y a 40 000 familles, M. le Président, qui vivent à partir des produits d'assurance ou d'autres produits financiers de la part de ces courtiers-là. Donc, avant de déposer tel projet de loi, il aurait fallu prendre conscience des problèmes que telles mesures peuvent engendrer.

M. le Président, on a entendu souvent de la part du gouvernement, dans les discours du moins, qu'ils se voulaient être des défenseurs des régions. Dans les faits, et on le revoit encore par le dépôt d'un tel projet de loi, nous allons encore frapper dans ces régions-là. Et, moi, je demanderais tout simplement, en conclusion, au gouvernement de refaire ses devoirs. Et, moi, comme tous mes collègues de l'opposition, je vais voter contre l'adoption du principe du projet de loi n° 188. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Shefford. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Je m'excuse de me lever lentement, mais je pensais que peut-être au moins un des députés ministériels aurait le courage de parler sur ce projet de loi n° 188. Il n'y en a pas plusieurs en Chambre ce soir, mais je pensais qu'au moins un des députés devant nous, qui ne lit pas des romans, voudrait au moins faire une intervention sur ce projet de loi n° 188. Le projet de loi n° 188 est intitulé Loi sur la distribution de produits et services financiers, in English: Bill 188, An Act respecting the distribution of financial products and services.

M. le Président, nous avons tous eu une discussion sur ce projet de loi pendant presque deux ans. M. le Président, avant d'aller plus loin, en présence de plusieurs de mes collègues ce soir, je voudrais féliciter l'excellent travail du député de Viger qui, pendant des années, a défendu les courtiers d'assurances, a défendu les intermédiaires en assurance de personnes avec vigueur, avec une excellente connaissance du dossier, mais aussi, d'abord et avant tout, avec une ténacité qui est assez importante, une ténacité qui, je pense, va aider le gouvernement à corriger les lacunes qu'on trouve dans le projet de loi n° 188.

Mais, malheureusement, M. le Président, quand j'ai écouté le discours du ministre des Finances, j'ai eu peur qu'il veuille être le champion des faillites par tout le Canada avec ses interventions financières, avec ses augmentations de taxes une après l'autre. Et, maintenant, aussi, avec la loi n° 188, il va causer une autre avalanche de faillites par tout le Québec. Est-ce que c'est l'autre façon de gouverner, M. le Président? C'est inacceptable, ce que le gouvernement est en train de faire pour les courtiers d'assurances. Mais ce n'est pas nécessairement surprenant ni étonnant, M. le Président, de savoir que ce gouvernement péquiste veut attaquer l'industrie des courtiers parce que, depuis sa première élection, il a essayé de faire disparaître les courtiers d'assurances. La première fois, en 1996, vous souvenez-vous du programme de l'assurance sans faute? Vous souvenez-vous, M. le Président, de l'augmentation de taxes? Et, maintenant, la loi n° 188.

M. le Président, pourquoi avons-nous une loi n° 188 quand tout le secteur des courtiers est contre ça? Je ne suis pas ici devant vous, M. le Président, pour défendre juste la profession des courtiers – je vais expliquer comment on doit défendre cette profession un peu plus tard – mais aussi je suis ici, ce soir, pour défendre les consommateurs. Le projet de loi n° 188, c'est un «lose, lose». Les consommateurs perdent, les professionnels perdent. Si on peut trouver une solution beaucoup plus efficace, on peut avoir un «win, win». On peut avoir un meilleur service pour les consommateurs et une protection pour le professionnel.

Mais, M. le Président, pendant deux ans, nous avons discuté de ce projet de loi. Avec le leadership pour l'opposition, le député de Viger, nous avons essayé de convaincre ce gouvernement qu'il a fait des erreurs, plusieurs erreurs. Ils ont poussé ce gouvernement, et ils ont reçu les engagements du ministre qu'il va déposer les amendements. Et nous avons appris qu'à la toute dernière minute il arrive avec une avalanche de papillons, comme on dit, les amendements. Est-ce que c'est une façon de gouverner? C'est vraiment ad hoc. Il est en train de faire des changements à huis clos, en cachette. Il insiste qu'on peut visiter son bureau...

Une voix: ...

M. Williams: Oui, en cachette. Je parle avant le dépôt du projet de loi. Oui, oui. Et, si vous voulez faire une intervention, vous avez le droit de parole. Mais, jusqu'à maintenant, il n'y en a pas beaucoup de vous autres qui ont eu le courage de se lever. Peut-être que, vous autres, vous êtes déjà bâillonnés.

Une voix: Il n'y a personne.

M. Williams: Oui, il n'y a presque personne ici, malheureusement. Et, M. le Président, si, dans ce coin, on continue de harceler les personnes qui essaient de défendre les courtiers, je vais vous demander votre intervention, s'il vous plaît.

M. le Président, le ministre n'a pas respecté sa parole, comme d'habitude. Il n'a pas déposé les amendements tel que nous l'avons demandé. Et ce n'est pas surprenant que nous ayons une séance spéciale, une assemblée générale extraordinaire par les associations de courtiers d'assurances de la province de Québec lundi prochain, le 1er juin, parce qu'ils doivent continuer à pousser ce gouvernement à mieux répondre à leurs questions.

(22 heures)

M. le Président, la loi telle que proposée, c'est pour ses amis, les amis du ministre des Finances. Il a décidé dans le Mouvement Desjardins et, comme le député de Shefford l'a dit, je n'ai rien contre le Mouvement des caisses populaires, mais on ne peut pas tuer une industrie, une série de PME pour aider les amis du Parti québécois. Je trouve ça inacceptable comme approche, M. le Président. Et aujourd'hui, malheureusement, j'ai entendu, par le ministre des Finances, le même discours: aucun changement, aucune flexibilité.

Et je vois une tendance de ce gouvernement qui ne respecte pas cette institution québécoise, cette institution démocratique. On a plusieurs dossiers en même temps, M. le Président. Moi-même, j'ai soulevé une question de droit et privilège, une violation de droit et privilège sur la création d'Héma-Québec. Il est en train de juste créer une société par des lettres patentes, il va faire un bulldozer du projet de loi, et notre opinion n'est pas importante.

M. le Président, il y a un autre exemple, une autre loi fiscale, 425, où toutes les personnes qui ont cotisé rétroactivement dans les abris fiscaux pour la recherche et le développement il y a trois ans, maintenant, de plus en plus, vont avoir une faillite. Il arrive avec le projet de loi n° 425. Malgré que nous ayons dit qu'il doit corriger ça pour le passé, il arrive avec un projet de loi supposé protéger le consommateur. Mais, une fois qu'on arrive à ce projet de loi, vous pouvez voir clairement, M. le Président, que ça protège le gouvernement et pas le consommateur. Et maintenant, un autre non-respect de cette institution démocratique de la province de Québec avec ce projet de loi n° 188.

Le rapport Baril, appuyé à l'unanimité de cette Chambre, a recommandé six choses. Laissez-moi juste lire les six recommandations ou les six conditions de la deuxième recommandation: un, on doit avoir un encadrement uniforme; deux, on doit offrir des produits d'assurance par une filiale dédiée à ces activités; trois, assurer la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires dûment qualifiés; quatre, interdire le cumul des fonctions, le double emploi; cinq, prévoir des dispositions régissant l'utilisation de renseignements personnels – je vais revenir à ça, M. le Président, un peu plus tard; et six, utiliser des espaces réservés, des locaux distincts, pour la vente des produits d'assurance. Mais, M. le Président, on arrive avec un projet de loi qui ne respecte pas ces recommandations. M. le Président, avec cette ouverture, pour les grosses boîtes financières, de vendre de l'assurance, vous savez ce qui va arriver: elles vont mettre plusieurs petites et moyennes entreprises en faillite et, une fois qu'ici elles seront en faillite, les grosses entreprises vont contrôler le marché. Est-ce que vous croyez vraiment que le consommateur va sortir gagnant? Non.

Je voudrais juste utiliser le même exemple, si vous n'êtes pas au courant de toutes les nuances dans les dossiers de courtiers d'assurances. Le même phénomène arrive avec l'entrée, dans nos communautés, des magasins à grande surface. On arrive avec une grande annonce, une belle annonce, une ouverture, on ouvre quelque chose de spectaculaire. Mais, quelques mois plus tard, si c'est une grande surface d'un quincaillier par exemple, bientôt les petits quincailliers locaux, de village ferment, bientôt le deuxième ferme, et le troisième, et ce magasin à grande surface a fermé trois, quatre ou cinq entreprises. Est-ce que c'est ça qu'on veut, M. le Président, fermer 2 000 entreprises? Je trouve ça complètement inacceptable comme approche. Il y a plusieurs groupes contre ce projet de loi.

M. le Président, je ne veux pas que les banques soient au courant de toutes les choses de ma vie. Je sais que ce gouvernement, ça ne les dérange pas d'échanger toute l'information confidentielle sur la population québécoise. Souvenez-vous, M. le Président, de la fameuse loi n° 32 que le gouvernement a décidée; il veut jumeler tous les dossiers fiscaux de tous les Québécois et Québécoises, il veut faire une comparaison entre chaque ministère pour vérifier si vous avez payé tout l'argent dû au gouvernement. Je comprends que ce n'est pas un sujet, la confidentialité de l'information personnelle, qui intéresse ce gouvernement, mais ça m'intéresse beaucoup. Je suis tellement mal à l'aise, M. le Président, d'avoir un système qui va avoir, dans une place, toute l'information sur moi ou sur mes voisins. Et la population dit la même chose.

J'ai juste reçu la copie d'un sondage qui dit clairement cinq points: un, la population veut traiter avec les vrais professionnels, elle veut avoir les vrais professionnels. L'assurance, c'est une chose compliquée. Quand j'achète de l'assurance, particulièrement de l'assurance-vie, c'est compliqué, mais je ne peux pas faire une erreur. Quand j'achète de l'assurance, je fais ça pour ma famille, pour mes enfants, pour assurer qu'ils soient bel et bien protégés. Je ne peux pas avoir accès à quelqu'un qui n'est pas bien formé, je voudrais avoir un professionnel à qui je peux expliquer mes questions, ma situation spéciale.

Aussi, la population est assez claire, dans ce sondage, qu'elle veut traiter avec des individus obligatoirement certifiés et personnellement responsables de leurs actes et de leurs conseils. On ne trouve pas ça dans le projet de loi n° 188. On veut assurer, M. le Président, que les personnes qui vendent de l'assurance sont formées et sont certifiées parce que, sans ça, on ne peut pas avoir de protection. Contrairement à ce qui est proposé par le ministre, la population aussi veut avoir des professionnels autonomes. C'est assez clair qu'on veut avoir cet individu rattaché à un groupe plus petit que juste une grande entreprise où nous n'allons pas avoir un service aussi personnalisé.

M. le Président, aussi, ce n'est pas juste moi qui veux protéger la confidentialité des informations, deux contre un ne veulent pas avoir toute l'information... Deux tiers de la population ne veulent pas avoir toute cette information à la même place.

Et, finalement, le gouvernement est en train, avec le projet de loi n° 188, dans mon opinion, d'affaiblir le caractère professionnel. Et, dans le projet de loi, le ministre veut nommer les membres du Bureau qui va étudier toutes les questions sur l'industrie. Nommer, c'est une stratégie typique de ce gouvernement péquiste. Il veut contrôler tout. Ils pensent qu'ils ont le monopole de la vérité. Ils n'acceptent pas que des professionnels puissent se contrôler eux-mêmes. Les membres de cette profession veulent avoir au moins les trois quarts de ce Bureau élus par leurs membres. Si vous êtes une association professionnelle, je pense qu'on doit donner le minimum de respect à votre capacité de contrôler votre profession.

Avec ça, M. le Président, comme contribuable, comme citoyen, comme consommateur, qu'est-ce que 188 m'offre? On dit qu'il va fermer 2 000 PME, que les faillites vont avoir un impact sur 40 000 personnes. Il va m'obliger à aller dans une banque ou une caisse pop pour acheter mon assurance. Comment peut-on penser que ça va être mieux comme ça? Ce n'est pas une façon de vraiment, je pense, améliorer la situation pour l'assurance.

Mr. Speaker, I've read and reread Bill 188 to try to understand why this Government is moving forward with Bill 188. As I said before, I want to congratulate my colleague the MNA for Viger for his diligence, his leadership and his hard work on this dossier, because without him, this Government would have rammed this through before. So I congratulate him for his hard work.

(22 h 10)

But what we have to do now, Mr. Speaker, is clearly to make sure this Government understands what's at stake: 2 000 small and medium enterprises, 2 000 professional organizations that sell insurance to Quebeckers, who are trained to sell insurance to Quebeckers, who have professional training and a professional association to direct their business. Mr. Speaker, why in God's great earth would we want to go and throw this upside down? The minister will say: Well, we have worldwide economic pressures. The Mouvement Desjardins – «les caisses populaires» – is not a small financial organization, it's a powerful organization, and I don't see why this Government is prepared to sacrifice so many of these professionals just to help their friends.

Je suis convaincu qu'il y a beaucoup d'astuces, maintenant, dans ce gouvernement. Il est en train de s'assurer qu'il peut créer les bureaux, les conseils et nommer ses amis. Je sais que ce gouvernement est en train d'essayer de contrôler chaque organisation depuis qu'il est élu. N'oubliez pas que ce dont ce gouvernement a menacé quand il a passé un avis que le gouvernement n'a pas aimé. Avec ça, tout est possible pour ce gouvernement, M. le Président, tout est possible. En arrière de tout ça, une fois qu'ils auront mis toute cette industrie en faillite, une fois qu'ils auront donné tout ça à leurs amis, ils pourront contrôler tout avec le Bureau, avec ces personnes nommées par le gouvernement, il pourront tout contrôler. C'est une tendance qu'on peut voir dans plusieurs industries.

M. le Président, j'ai écouté le ministre et j'ai essayé de savoir: Est-ce qu'il croit vraiment que les contribuables et les consommateurs vont avoir un meilleur service? Je suis loin d'être convaincu que les intérêts des consommateurs sont en arrière de ce projet de loi. Je suis loin d'être convaincu que les intérêts des résidents du Québec sont en arrière de ce projet de loi. C'est vraiment une stratégie de ce gouvernement pour aider ses amis. M. le Président, c'est inacceptable.

Et j'espère qu'avant la fin de ce débat au moins quelques députés ministériels, qui sont jusqu'à maintenant bâillonnés par le leader, vont avoir le courage de se lever – ah! peut-être que nous allons avoir quelqu'un bientôt, j'espère – et de dire que, oui, effectivement, dans leurs bureaux de comté, ils ont eu des visites, ils ont eu des lettres, ils ont eu des appels, ils ont eu des représentations des courtiers et qu'unanimement – pas un large consensus, unanimement – l'industrie est contre ce projet de loi n° 188. J'espère que les – comme on dit – backbenchers, ceux et celles qui protègent le quorum ce soir, à part de juste lire des romans, vont se lever et vont dire qu'effectivement dans leur bureau...

Je sais que ça prend du courage. Mais j'espère qu'au moins un de vous va se lever ce soir et dire: Oui, ça fait mal à l'industrie, ça fait mal dans mon comté. Je ne veux pas que ce projet de loi ferme les bureaux de courtiers dans mon comté. J'espère qu'au moins un de vous va se lever et dire: Effectivement, le projet de loi n° 188 n'aide ni le consommateur ni l'industrie. Ça aide clairement juste les amis du ministre des Finances. Et j'espère que lui, s'il se lève ce soir – je lui lance un défi – il va accepter de retourner à son caucus et de dire, compte tenu de toute l'information qu'on a reçue ce soir – je comprends que Léger & Léger est une boîte importante pour ce gouvernement: Nous n'avons pas l'appui de la population non plus.

Avec ça, les courtiers sont contre. Tous vos bureaux de comté ont reçu les messages contre. La population en général dit: Flushez le projet de loi n° 188! Elle dit que ce n'est pas un bon projet de loi. Elle dit: Retournez à votre bureau, refaites le projet de loi, respectez les professionnels, refaites ça d'une façon qui ne cause pas une autre faillite et aussi qui ne cause pas une consultation inappropriée dans le secteur financier. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, merci. Le projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, que nous avons devant nous a pour objectif avoué de rendre la vente de produits d'assurance plus facile, plus facile, s'entend, pour ceux qui la vendent, mais pas nécessairement pour les consommateurs, surtout s'ils s'estiment victimes d'un procédé abusif, d'une erreur ou de mauvais conseils qui les privent de la protection professionnelle à laquelle ils ont pourtant droit.

En effet, M. le Président, ceux qui exercent présentement d'énormes pressions sur le législateur pour décloisonner ce marché répètent à qui veut bien l'entendre que ce que recherche d'abord et avant tout le consommateur, c'est de pouvoir contracter de l'assurance partout, auprès de n'importe qui, de manière accessoire à l'achat de n'importe quel bien ou service important. J'aimerais vous soumettre, pour ma part, M. le Président, que ce que le consommateur recherche avant tout, c'est de pouvoir acheter la couverture d'assurance dont il a besoin, mais surtout la couverture d'assurance qui va le protéger, lui ou sa famille, en cas de décès ou d'invalidité. Pour cela, il a besoin d'un intermédiaire qualifié, un intermédiaire qui connaît bien le produit, qui est responsable et capable de le conseiller sagement, sans conflit d'intérêts.

Dans sa présentation actuelle, le projet de loi du député de Verchères aura surtout pour effet de faciliter l'achat d'assurance, mais, pour ce qui est de la qualité du produit et des droits du consommateur, c'est une toute autre affaire. C'est une toute autre histoire, M. le Président.

Avant d'aller de l'avant avec un projet de loi qui permettra à tout le monde et à son beau-frère de vendre des produits d'assurance, je crois, M. le Président, que les membres de cette Assemblée auraient intérêt à regarder d'un peu plus près ce qui se passe là où des produits d'assurance sont d'ores et déjà vendus, et ça, sans intermédiaire.

Examinons, si vous voulez, l'exemple des produits financiers dits accessoires liés à la vente d'un véhicule automobile. On peut penser à l'assurance-crédit, à l'assurance-vie, l'assurance-invalidité qui dit protéger le consommateur et sa famille lors d'un décès ou d'une invalidité. Cette assurance vise à garantir le respect des obligations financières du consommateur à l'égard du paiement de son véhicule acheté à crédit. En outre, au niveau de l'assurance-dommages, plusieurs concessionnaires d'automobiles offrent à leur clientèle un produit qu'ils qualifient de certificat de remplacement du véhicule sans dépréciation en cas de vol ou de perte totale. En vertu de ce certificat, ils s'engagent à remplacer le véhicule du client sans dépréciation, encore une fois, advenant vol ou perte totale. Si, dans le milieu, on donne parfois toutes sortes de noms à ces deux produits, il n'en demeure pas moins, et ça ne fait pas de doute, M. le Président, qu'il s'agit bel et bien de deux produits d'assurance. Il ne fait pas de doute non plus que ces produits peuvent et doivent d'abord répondre à un besoin chez le consommateur.

M. Gabriel Gagnon, de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec, a affirmé en commission parlementaire qu'il se vend chaque année au Québec environ 300 000 véhicules à des particuliers et que, de ce nombre, environ 100 000 clients font l'achat d'une police d'assurance-vie ou police d'assurance-invalidité pour couvrir le crédit automobile. On parle, M. le Président, de 100 000 polices d'assurance avec une prime moyenne d'à peu près 350 $. On parle donc d'un volume extrêmement important. Ces produits-là, de par leur nature, répondent à un besoin chez le consommateur, et ça, personne ne va pouvoir le contester, mais ces produits-là, de par la manière dont ils sont vendus, ne répondent à aucune règle ou norme minimale de compétence non plus.

Je vais vous faire part d'un exemple qui a été évoqué récemment dans les médias. C'est un père de famille qui passe par un beau matin chez son concessionnaire pour faire l'achat d'une mini-fourgonnette. Pour lui, c'est une acquisition importante. Notre jeune père de famille, parce qu'il contracte une dette – donc il va s'engager à des paiements financiers importants, substantiels – il accepte volontiers, lorsque le vendeur la lui propose, une assurance-invalidité sur le crédit qui lui est consenti.

(22 h 20)

Pour le vendeur, par exemple, il s'agit clairement d'une vente accessoire. Son objectif ce matin-là, quand le client rentre, c'est de lui vendre ou de lui louer une mini-fourgonnette. Il va lui offrir un produit d'assurance comme on offrirait le thé après un bon repas au restaurant, par politesse, et juste pour accompagner le repas. Comme c'est très accessoire pour lui et comme son métier, c'est d'abord et avant tout – et vous le comprendrez, M. le Président – de vendre des voitures – des chars – il ne démontre aucun intérêt particulier à expliquer au client les particularités et les conditions qui se rattachent au produit d'assurance qu'il vient de lui vendre; pourtant c'est essentiel. Ne comptez pas sur lui non plus pour s'assurer que son client est assurable. Ne comptez pas sur lui non plus pour déterminer si le client en a vraiment besoin. Même s'il pensait à le faire, il n'en aurait pas les moyens. L'assurance, il ne connaît pas ça. Vraisemblablement, il n'a reçu aucune formation spécifique quant à ce produit-là. Tout ce qu'il sait, c'est l'endroit sur le formulaire où il doit faire signer le client. Il y a plus de chances que le client lise le contenu du formulaire que le concessionnaire ne le fasse lui-même.

Il arrive donc à notre jeune père de famille ce qui devait arriver, M. le Président. Il est victime d'un accident cardiovasculaire, il se retrouve invalide et ne peut plus travailler. Il est donc privé d'un revenu de travail et incapable d'assumer les paiements sur la mini-fourgonnette qu'il a achetée. Mais ce n'est pas grave, qu'il se dit, je suis assuré. J'ai le papier en main et on a même prélevé les primes sur mon compte bancaire. Il n'y a pas de problème, donc, je suis assuré. Il dépose donc une réclamation auprès de la compagnie d'assurances qui, évidemment, la lui refuse. Pourquoi, M. le Président? Pourquoi? Bien, tout simplement parce que notre jeune père de famille est un travailleur autonome et que le contrat prévoit expressément que les travailleurs autonomes ne sont pas assurables avec ces produits. Il se retrouve donc, et de façon très subite, sans couverture et surtout sans la protection professionnelle dont il aurait eu besoin au tout départ et dont il aurait besoin également à ce moment-ci.

Il est tragiquement ironique, M. le Président, de penser que, si notre jeune père de famille avait opté pour une assurance-vie plutôt que pour une assurance-invalidité et si son accident cardiovasculaire l'avait terrassé plutôt que laissé invalide, la police aurait été valable et il aurait été couvert. Mais, dans la mesure où vous êtes un travailleur autonome mort, il semble que vous ayez les mêmes droits que tous les autres morts. Par ailleurs, si vous retrouvez invalide, à ce moment-là, il vaut mieux être salarié, parce que travailleur autonome, vous n'êtes pas couvert.

Ça me choque d'entendre parler de ce genre de situation aberrante, M. le Président. Je serais tentée de m'en prendre aux compagnies d'assurances, parce que ce sont elles qui conçoivent ces produits-là. Mais je ne pense pas que le problème soit véritablement là. Si notre jeune père de famille avait appelé son agent d'assurance de personnes pour discuter avec lui de la bonne façon de se prémunir contre ce genre de risque, plutôt que d'opter pour un contrat d'assurance à la va-vite, vendu sur le coin du comptoir, au point de vente, son agent l'aurait aidé à préciser ses besoins puis il lui aurait certainement expliqué le produit type qui lui était nécessaire. Mais ce n'est pas ça qui s'est produit. Pourquoi? Parce que la loi permet que des produits complexes comme ceux-là soient vendus par des «vendeurs de chars», pour reprendre la même expression que j'utilisais. Pourquoi? Parce que la loi permet que des produits complexes comme ceux-là soient vendus sur le coin du comptoir.

Ce qui est vrai, M. le Président, pour l'assurance-vie-invalidité afférente à l'automobile l'est aussi en ce qui concerne les fameux certificats de remplacement du véhicule sans dépréciation. On les appelle aussi garanties de remplacement ou avenants de la valeur à neuf. De l'avis de l'Office de la protection du consommateur, les Québécoises et les Québécois sont actuellement peu protégés devant ces pseudo-garanties. D'une part, l'Office ne délivre aucun permis pour ce genre de produits financiers, donc pas de garantie financière. Les entreprises qui vendent ces produits de garantie de remplacement ne sont pas tenues de déposer un cautionnement auprès de l'Office. D'autre part, ces garanties de remplacement présentent les caractéristiques d'un contrat d'assurance et ne sont pas régies par la Loi sur la protection du consommateur, sauf en ce qui a trait aux pratiques commerciales interdites. Il n'existe donc aucune garantie financière pour le consommateur en cas de fermeture d'une entreprise qui vendrait ce produit à un consommateur.

On ne viendra quand même pas me dire qu'une soi-disant garantie de remplacement, ce n'est pas de l'assurance. Il y a un risque, il y a une prime puis il y a une indemnisation. C'est acquis et c'est payé comme une assurance. C'est conçu comme une assurance, ça marche comme une assurance. À tous points de vue, au point de vue légal, au point de vue financier et au point de vue conceptuel, c'est un produit d'assurance, sauf que ce n'est pas vendu comme un produit d'assurance devrait l'être. Ceux qui vendent ça n'ont pas de certificat restreint, pas de certificat pour vendre de l'assurance, et, pourtant, les gens vont leur confier leur sécurité financière et la sécurité financière de leur famille.

Le guide de distribution, c'est gentil, c'est bien beau, mais ce n'est pas une panacée universelle. Les dispositions du projet de loi sur la distribution sans représentant ne font que reconduire cette situation pour un autre cinq ou 10 ans. Le projet de loi ne vient pas mettre un terme aux pratiques inacceptables qui ont présentement cours et il risque fort de les étendre à toute une gamme d'autres produits d'assurance. Il pourrait ouvrir une brèche importante dans la protection et pour la protection des consommateurs.

En effet, tel que proposé, ce nouveau mode de distribution pourrait permettre aux compagnies d'assurances ou à des fabricants de produits de vendre n'importe quelle assurance via des personnes qui ne sont absolument pas qualifiées à la seule condition que le produit en question soit un produit dit afférent à un bien. Ainsi, le concessionnaire automobile pourra vendre de l'assurance automobile sans détenir aucun certificat de représentant en assurances. Il va le faire sans avoir reçu aucune formation dans ce domaine. Il va le faire tout simplement parce qu'il vend un produit d'assurance afférent à un bien, le bien étant le véhicule automobile. Même chose, M. le Président, pour le promoteur immobilier. Avec ses petites maisons, il peut vendre des contrats d'assurance-habitation sans avoir reçu de formation spécifique, sans avoir reçu de formation particulière. Il n'existerait, M. le Président, aucune façon pour les consommateurs de poursuivre en déontologie les personnes qui seraient impliquées dans ce genre de transactions.

M. le Président, si le temps nous le permettait, on pourrait faire état de la piètre qualité de la protection du consommateur pour d'autres produits qui sont vendus sans représentant à des points de vente. On nous a parlé, en commission... Je suis étouffée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, madame, est-ce que vous aimeriez mieux suspendre un peu votre intervention et vous pourriez revenir? Il vous reste un temps de parole de cinq minutes. D'accord?

Mme Lamquin-Éthier: Excusez-moi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Pas de problème, madame. Vous conservez votre temps de parole de cinq minutes.

Mme Lamquin-Éthier: Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous êtes prête?

Mme Lamquin-Éthier: Oui.

(22 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui? Alors, allons-y.

Mme Lamquin-Éthier: Puisse Dieu me prêter vie!

Une voix: Ha, ha, ha!

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, on nous a parlé, en commission parlementaire, de nos concitoyens qui sont tellement bien protégés qu'ils vont partir en vacances avec trois assurances. Ils sont déjà couverts par le biais de leur assurance collective qu'ils ont contractée auprès de leur employeur, mais il ne faudra pas compter sur les préposés de la banque ou de l'agence de voyages pour le leur dire. Sur le plan de l'assurance, ces gens-là, évidemment, sont protégés. Mais, si on regarde la chose sous l'angle de l'intérêt du consommateur, un consommateur qui n'a pas d'intérêt à voir sa facture s'allonger indéfiniment, évidemment, notre consommateur est fort moins bien protégé, c'est très clair.

Pour le consommateur qui achète ce produit, le fait que l'assurance soit afférente à un bien ne change rien au besoin qu'il a d'être couvert en cas de sinistre. Une fois le sinistre survenu, on se rend bien compte que la qualité de la protection ne reposait pas, à strictement parler, uniquement sur le produit, mais également sur le service, la façon avec laquelle le service a été rendu. Au moment d'une réclamation, on s'attend naturellement, et ça va de soi, à être indemnisé, peu importe auprès de qui le produit aurait été acheté.

Il est reconnu dans le domaine de l'assurance que, pour former un intermédiaire professionnel, donc un intermédiaire de niveau professionnel, ça prend au moins cinq années. Peut-être n'est-il pas nécessaire d'imposer à tous ou à toutes les personnes qui vendent de l'assurance une même formation et même un même entraînement, mais il y a quand même une limite, M. le Président. Quelqu'un dont le métier est de vendre des voitures, des maisons, des voyages ou bien des cartes de crédit ne peut pas prétendre distribuer de l'assurance correctement sans qu'il ait au minimum une formation adéquate, et cela, le projet de loi ne l'impose pas.

Le projet de loi prévoit des permis restreints mais sans en faire une obligation. C'est absolument absurde. Est-ce qu'il n'y a pas eu assez de drames? Est-ce que le consommateur n'a pas été assez lésé? Combien d'autres consommateurs devront l'être pour qu'on puisse intervenir valablement? Qui d'autre, M. le Président, que les banques et les concessionnaires d'automobiles sont venus applaudir cette absence de correctif? Le problème le plus criant actuellement, c'est justement le double régime de distribution pour les consommateurs. C'est comme s'il y avait deux lois, une loi pour ceux qui achètent une assurance d'un intermédiaire et une autre pour ceux qui l'achètent d'un autre réseau. À côté du régime de distribution par intermédiaire, il y a un second régime dont la pratique n'est pas contrôlée. La pratique n'obéit pas à des exigences de formation. Il n'y a pas de règles déontologiques, pas de contrôle, pas de surveillance, pas de discipline.

M. le Président, pourquoi faire quelque chose de simple quand on peut faire compliqué? Le projet de loi reconduit ce double régime de distribution. Faute de correctifs, il va continuer et toujours continuer d'y avoir un double standard dans l'encadrement du marché et de la protection des consommateurs. Ce sont donc toujours deux régimes de distribution parallèles, avec des règles et des mesures de protection différentes pour les consommateurs, qui vont continuer d'exister.

C'est quoi, la situation? Est-ce qu'il y a une similitude avec ce qu'on retrouve actuellement? Premièrement, M. le Président, le projet de loi ne propose pas de lieu au consommateur où il pourra acheminer ses plaintes à l'égard d'un distributeur, autrement que le recours civil. Deuxièmement, le projet de loi n'impose pas de formation minimale obligatoire aux employés des distributeurs, ni l'enregistrement de ces distributeurs. Et, finalement, le projet de loi n'assure pas la solvabilité des distributeurs en cas de recours par les consommateurs.

Encore une fois, pourquoi faire une réforme si le but a été de n'en rien changer? Qui a dit que le parti d'en face était le parti des gagne-petit? M. le Président, non, non, non. Le parti d'en face, c'est le parti des banques, le parti des assureurs, le parti des distributeurs de produits financiers et non pas le parti du gagne-petit et celui qui est là pour assurer sa protection. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bourassa. Nous allons maintenant céder la parole au député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais, peut-être avant de commencer cette analyse du projet de loi n° 188, souligner l'excellent travail qui a été fait par mon collègue le député de Viger qui, depuis le tout début, a vraiment assuré un véritable leadership dans ce dossier. Il est le critique et porte-parole de notre formation politique. Nous avons été régulièrement en contact avec lui, parce que, nous, M. le Président, et nous pensons que c'est la même chose pour l'ensemble des députés, nous avons reçu beaucoup de doléances de la part de plusieurs bureaux de courtiers d'assurances dans chacun de nos comtés. Notre surprise, et c'est pour ça qu'on vient rendre des comptes à l'Assemblée nationale aujourd'hui, c'est de voir que, du côté gouvernemental, bien peu des suggestions qui ont été faites par les courtiers d'assurances ont été retenues.

M. le Président, avant la présentation du projet de loi n° 188, le gouvernement prétendait vouloir remplacer l'actuelle Loi sur les intermédiaires de marché par une nouvelle loi portant, cette fois, sur la distribution des produits et services financiers. Le libellé du titre suggère que le parrain de cette pièce législative, en l'occurrence le ministre des Finances, a l'intention de ratisser large. Il prétend vouloir couvrir l'ensemble de la distribution des produits et services financiers au Québec. Pour y parvenir, le ministre nous propose un projet de loi qui comporte 490 articles, M. le Président. Vous pouvez voir comme c'est épais comme projet de loi. Auparavant – on pourrait faire la comparaison – il y en avait 264; c'est du quitte au double.

Et ça me rappelle, vous étiez dans cette Chambre lorsqu'on avait étudié le fameux projet de loi n° 33, c'est la loi sur l'assurance impôts médicaments. On était sous le bâillon, et le ministre nous avait déposé, à quelques heures de la finalisation du bâillon, à peu près 100 amendements à la dernière minute, et le nombre d'amendements était plus important que le nombre d'articles dans le projet de loi. Je pense, M. le Président, que nous avons encore une fois – on répète, on dirait que l'histoire ne nous apprend pas toujours... Alors, le ministre des Finances, cette fois, c'est lui qui nous arrive avec 490 articles.

Je voudrais mentionner également que le projet de loi n° 188 se présente en effet comme une espèce de bouillabaisse, on met tout dedans, une bouillabaisse de dispositions qui tentent de couvrir l'ensemble de la question de la distribution des produits et des services financiers. Cette laborieuse tentative est souvent confuse et risque fort de prêter à toutes sortes d'interprétations. Et je vous rappelle, M. le Président, que le premier ministre lui-même s'était engagé, dans des discours enflammés, à diminuer les règlements des entreprises, particulièrement des petites et moyennes entreprises. Dans le cas qui nous concerne aujourd'hui, ce sont des petites entreprises. On en compte à peu près 2 000, au Québec, qui sont en danger à cause du projet de loi du gouvernement, et ces 2 000 petites entreprises font vivre à peu près 40 000 familles. Alors, là aussi, on est très inquiet du côté de l'opposition.

(22 h 40)

Il est facile de prévoir que l'industrie ne s'y retrouvera pas, et encore moins le consommateur. Celui-ci, d'ailleurs, n'y gagne rien sinon des mesures de nature uniquement cosmétique et sans portée réelle. En apparence, le projet de loi semble couvrir l'ensemble de la distribution des produits et services financiers concernés. En réalité, c'est un système beaucoup plus compliqué qui est proposé, avec la multiplication des régimes et des règles applicables pour chacun d'entre eux. Pour illustrer cette complexité, voici quelques-unes des catégories et des sous-catégories instaurées par ce projet de loi, la plupart étant nouvelles.

Le titulaire de certificat, qui remplace le permis actuel, est une personne physique appelée «représentant» dans la loi. Sous cette dénomination, on retrouve quatre sous-catégories regroupant huit titres différents correspondant à sept disciplines distinctes.

L'inscrit, une nouvelle exigence introduite par ce projet, se rapporte à des catégories auxquelles s'appliquent des dispositions particulières pour chacune d'entre elles: le cabinet; le représentant dit autonome, terme qui n'est pas défini, et la société autonome; le distributeur, qui n'est pas une société d'assurance mais qui peut être une banque, une caisse populaire, une agence de voyages, un concessionnaire d'automobiles, et qui propose, de façon accessoire, un produit d'assurance afférent à un bien;

Le titulaire de certificat restreint, qui est un distributeur obligé par décret gouvernemental de détenir un certificat spécial pour proposer un produit d'assurance particulier, ce qui n'est pas défini dans la loi et doit l'être aussi par décret gouvernemental.

Donc, appliqué à la réalité, ce système enchevêtré et multiple de distribution permettrait à quiconque d'exploiter à sa guise une multitude de réseaux distincts les uns des autres – M. le Président, c'est à y perdre son latin – alors, une multitude de réseaux distincts les uns des autres, soit par un représentant, soit par un salarié, soit par employé, soit par représentant autonome, soit par société autonome, soit par cabinet, soit par courtier, soit par représentant ayant un lien exclusif, soit par distributeur à certificat restreint, soit par distributeur... à guide de distribution, soit par compagnie d'assurances sans représentant, soit par institution de dépôts, etc. Est-ce que vous comprenez quelque chose à ce projet de loi, M. le Président?

Chacun de ces modes comporte une série de règles et d'exigences différentes. Ce n'est pas fini. Les responsabilités portent tantôt sur la personne physique, tantôt sur la personne morale ou soit sur l'institution, alors que présentement les responsabilités portent toujours sur l'intermédiaire et la personne physique. En gros, le projet de loi couvre la distribution par des représentants agissant en cabinet ou non, en tenant compte du fait qu'une institution de dépôts puisse devenir un cabinet. Il couvre également tout autre distributeur dans le cas de produits d'assurance afférents à un bien ou à un service autre que financier.

Les deux régimes de distribution sont créés selon la nature des produits, où les exigences sont modulées par le Bureau en fonction des disciplines, des catégories de discipline ou des produits. Alors, on retrouve ça aux articles 2, 11 à 13 et les articles 366 à 370, 380 et 382. Et, comme je vous le rappelais, M. le Président, on a toujours un projet de loi avec 490 articles. Je ne sais pas si c'est un record. C'est un des plus volumineux que j'aie pu voir dans cette session.

Par ailleurs, le projet de loi laisse beaucoup de zones grises ou ne couvre carrément pas certains champs d'activité. Alors, avec 490 articles, on a oublié de couvrir des champs d'activité, en plus, M. le Président! Autant de trous dans la loi qui offrent des ouvertures inespérées à ceux qui sauront en profiter.

Le gouvernement conserve un pouvoir de dispense à l'égard des produits. Ce sont les articles 369 et 380. Ce qui veut dire qu'un produit pourra être introduit sur le marché sans être assujetti aux règles de cette loi jusqu'à ce que le gouvernement en décide autrement. Il y a modulation des règles en fonction des réseaux et des produits. À titre d'exemple, les distributeurs opérant par certificat restreint ne sont pas encadrés par des comités de discipline comme les représentants. C'est donc dire jusqu'à quel point l'encadrement n'est pas uniforme.

Le projet de loi ne couvre pas la vente sans personne physique ni la vente par réseau électronique, deux éléments qui justifiaient, entre autres, la participation et la responsabilisation des assureurs. Un champ d'activité de l'assurance est donc laissé sans couverture, soit le conseiller en assurance et la vente par réseau électronique.

Les distributeurs autres que ceux à certificat restreint ne sont pas enregistrés. À cet égard, il y a incohérence entre l'article 380 et l'article 370, M. le Président. De plus, il y a impossibilité de permuter un produit indiqué pour le régime de distribution sans représentant avec celui avec représentant, pour les produits offerts actuellement dans les succursales d'institution de dépôts – ce sont les articles 366 et 368. Ceci confère donc une exclusivité et un privilège additionnels à ces institutions.

Pour ce qui est de l'offre de certains produits d'assurance collective de personnes, le projet de loi n'apporte pas de réponse satisfaisante. C'est le statu quo en ce qui concerne l'assurance de crédit. Il n'y aura pas de certificat restreint à cet effet – c'est l'article 368. Elle demeure assujettie au régime de distribution sans représentant, avec un guide de distribution pour seule exigence. L'assurabilité doit toutefois être divulguée – c'est l'article 379 – mais sans aucune précision quant au délai. Par contre, la description du produit ne fait plus référence à un produit collectif, et, de ce fait, il s'insère dans l'univers des produits individuels actuellement réservés aux intermédiaires. C'est une disposition qui risque de venir empiéter sur le marché des intermédiaires, M. le Président.

C'est, d'autre part, le statu quo pour l'assurance-voyage, et il n'y aura pas de certificat restreint d'exigé pour ce produit. On retrouve ces éléments à l'article 366. Ce produit est assujetti au régime de distribution sans représentant, avec un guide de distribution. Alors, c'est toujours l'article 366, M. le Président.

En centrant sur la personne morale la distribution des produits et des services financiers, le projet de loi met au monde un système bureaucratique et complexe dont les responsabilités et les obligations diffèrent d'un régime à l'autre. Il en résulte un encadrement qui est loin d'être uniforme, source de confusion et de champs d'activité pas ou mal couverts. On aurait évité toutes ces contorsions en articulant la loi sur l'individu et la personne physique. Cela aurait permis un encadrement uniforme s'appliquant à tous les intermédiaires concernés, minimisant ainsi les zones grises et les chevauchements d'autorité. L'IGIF pourrait de ce fait assumer pleinement son rôle auprès des institutions. Mais ce n'est pas ce que l'on retrouve dans le projet de loi n° 188. Celui-ci complique les choses et tend à réduire ou à diluer la responsabilité professionnelle qui incombe aux personnes physiques qui distribuent les produits.

L'énumération des régimes et des différentes dispositions qui a meublé ce discours depuis le début est fastidieuse et symptomatique de sa complexité, M. le Président. Plusieurs intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire en mars dernier sont d'ailleurs de cet avis. Et je pense qu'on peut qualifier... Les intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire, ils représentaient vraiment le marché des différents intermédiaires. Ils ont fait des remarques extrêmement pertinentes sur la façon dont le projet de loi aurait dû être libellé. Et, encore une fois, le ministre n'a daigné écouter aucun de ces représentants qui est venu en commission parlementaire, particulièrement ceux qui parlaient au nom des petites entreprises, M. le Président. C'est comme si le gouvernement n'écoute pas les petites entreprises, n'écoute pas les courtiers d'assurances. Quand un gouvernement est en fin de régime et qu'il commence, encore là, à ne pas écouter, eh bien, je pense qu'on peut avoir des surprises bientôt.

(22 h 50)

Je poursuis, M. le Président. Plusieurs intervenants qui se sont présentés en commission parlementaire, comme je le mentionnais, sont du même avis que nous, notamment les consommateurs, qui trouvent cette loi bien compliquée et en même temps insuffisante du point de vue de la protection du consommateur. Prenons, par exemple, ce commentaire formulé par l'organisme Option consommateurs: «Mais le projet de loi nous propose le revers de la simplicité: on multiplie les structures et les régimes, on divise les responsabilités. Il n'y a rien à gagner – à leur avis – de mettre en place un régime aussi compliqué.» Ça, c'est Option consommateurs qui disait ceci.

Cet organisme, dont la mission première est de défendre les droits des consommateurs, s'inquiète des conséquences d'un régime aussi complexe sur le consommateur et se pose des questions, notamment celle-ci: Le consommateur très moyen, très ordinaire, qui a fait affaire avec quelqu'un qui lui a vendu de l'assurance, par exemple, sait-il s'il a fait affaire avec un cabinet, un représentant autonome, une société autonome? Ça, ce n'est pas sûr, nous dit cet organisme.

Les consommateurs s'interrogent à juste titre sur le bien-fondé de la multiplication des titres et des régimes de responsabilité professionnelle. On s'inquiète ainsi du flou qui entoure la question de la responsabilité dans un tel régime. Entre autres commentaires entendus sur ce sujet en commission parlementaire, à l'article 86, on dit: «Un cabinet qui met fin à ses engagements avec un représentant doit en aviser immédiatement le Bureau par écrit.» Et, au troisième alinéa: «Le cabinet qui informe le Bureau de ces motifs n'encourt aucune responsabilité civile.» Il n'encourt aucune responsabilité envers qui? Parce que, pris à la lettre, ça va très loin, ce texte-là. Ça veut dire qu'un cabinet où il y a un représentant qui a fait des bêtises, par exemple, qui a été mis à la porte, qui a avisé le Bureau, eh bien, il n'encourt plus aucune responsabilité civile, y compris envers le client, envers le consommateur. C'est une des nombreuses interrogations qui ont été soulevées concernant la question des responsabilités, et c'est une question qui pose problème, si l'on en juge par le nombre d'interventions à ce sujet.

On s'inquiète à juste titre, car le projet de loi du ministre des Finances introduit de nouveaux régimes de responsabilité qui se révèlent extrêmement compliqués, pas nécessairement efficients par rapport à ce qui existe actuellement. C'est souvent moins que le régime en vigueur aujourd'hui. Ce que ce projet de loi favorise: les institutions, par le biais du cabinet au détriment des professionnels dans la distribution des produits financiers. Le projet de loi consacre une responsabilisation et un pouvoir accrus du cabinet et, par le fait même, des institutions. L'intermédiaire, en tant que professionnel autonome et responsable de ses actes, n'est guère valorisé.

La responsabilisation des cabinets comporte un effet pervers. La responsabilité des actes sera désormais diluée entre le cabinet et le représentant, autorisant ce dernier à se sentir moins concerné par les conséquences des actes qu'il pose. Le meilleur moyen d'assurer une protection efficace est de faire appliquer les responsabilités le plus près possible du consommateur. Plus les responsabilités sont éloignées et diluées, plus il est difficile d'identifier où se situe la véritable responsabilité. On se demande pourquoi le ministre des Finances n'a pas choisi de faire porter la responsabilité entière aux professionnels de la distribution. Cela aurait été beaucoup plus simple, M. le Président, pour tout le monde et, en même temps, beaucoup plus efficace. Mais, avec ce gouvernement-là, quand quelque chose est simple, ça ne marche pas. Il faut que ça soit compliqué. Il faut que ça soit d'une lourdeur bureaucratique. Il faut toujours ajouter aux structures, malgré le discours du premier ministre, qui nous avait dit qu'on devait diminuer le nombre de règlements, particulièrement auprès des PME. Le résultat aujourd'hui, M. le Président: un beau projet de loi, 400 articles, et ça, c'est à part des règlements.

M. le Président, encore une fois, je voudrais, en terminant, souligner l'excellent travail qui a été fait par notre collègue le député de Viger, qui vraiment a su d'abord écouter ce que l'ensemble des intermédiaires de marché avaient à dire, et Dieu sait si nous en avons eu beaucoup dans chacun de nos comtés. Et nous sommes, encore une fois, extrêmement surpris. Comment se fait-il que, du côté gouvernemental, du côté ministériel – sûrement que les députés ont reçu des avis des gens de leurs comtés, de ceux qui travaillent dans ce genre de professionnalisme, les courtiers d'assurances – les députés ne sont pas capables de transmettre au gouvernement les opinions de ces gens-là?

En terminant, M. le Président – vous me faites signe que c'est fini – tout simplement, de nouveau, lorsqu'un gouvernement n'écoute plus la population, vous savez ce qui arrive. C'est pour ça que, nous, nous allons voter contre ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, nous débattons ici du principe d'un projet de loi qui est d'une importance capitale pour la population québécoise. Ça, je suis convaincue que tout le monde en convient, parce que c'est de la santé financière des Québécois et des Québécoises dont il est question.

L'assurance et les autres produits financiers, ce ne sont pas des produits quelconques. On n'a qu'à penser à leur complexité. Avez-vous déjà essayé de comprendre une police d'assurance, par exemple? Dans ce contexte, vous conviendrez qu'on doit légiférer en gardant toujours à l'esprit le souci de protéger les consommateurs.

L'un des objectifs visés par la réforme des produits et des services financiers est justement de mieux veiller à la protection du public. Le ministre prétend répondre à cet objectif fondamental en proposant le projet de loi n° 188, mais je ne suis pas de cet avis.

Je souhaite maintenant, dans ce projet, attirer votre attention sur l'un des pans importants de la réforme de la distribution des produits et services financiers, soit la création d'un organisme unique, le Bureau des services financiers. Alors, ce projet de loi, imposant par le nombre d'articles, 490, remplace la Loi sur les intermédiaires de marché. Il crée principalement le Bureau des services financiers qui a pour mission de veiller à la protection du public.

Tel qu'il est conçu, cet organisme est loin de remplir l'objectif de protéger adéquatement les épargnants québécois. Dans la situation actuelle, ce qu'on vit aujourd'hui, il y a, on le sait, cinq organismes qui régissent l'industrie de l'assurance au Québec. C'est sûr que, pour le consommateur, c'est beaucoup plus difficile de s'y retrouver: Conseil des assurances de personnes, le CAP; Conseil des assurances de dommages, le CAD; l'Association des courtiers d'assurances de la province de Québec, l'ACAPQ; l'Association des intermédiaires en assurance de personnes, l'AIAPQ; l'Institut québécois de planification financière, l'IQPF. Ouf! À la porte de qui faut-il aller frapper pour une information si on a un problème ou si on désire porter plainte? Le choix est loin d'être évident. Même les consommateurs les plus avertis peuvent parfois être mêlés et ne pas savoir où s'adresser. La réorganisation des structures d'encadrement est donc quelque chose de souhaitable, même si, je me dois de le souligner, les structures en place présentement ont su s'acquitter de leur mandat.

(23 heures)

Mais, M. le Président, je pose la question suivante: Est-ce que le projet de loi n° 188 atteint l'objectif de mieux veiller à la protection du public en mettant sur pied le Bureau des services financiers? La réponse est non. L'organisme créé par ce projet de loi, qui, en passant, risque d'être dominé par les institutions financières, n'améliore en rien l'encadrement dans l'industrie. En mettant sur pied le Bureau, le député de Verchères prétend simplifier les structures, mais le Bureau des services financiers, c'est loin d'être la simplicité incarnée. Cet organisme-là, c'est une superstructure bureaucratique ultracomplexe qui a des pouvoirs étendus, des mandats multiples, des mandats qui sont conflictuels, par-dessus le marché. Des mandats conflictuels, M. le Président, parce que le Bureau est chargé de réglementer et de réguler le marché, les deux à la fois. C'est aussi l'organisme qui s'occupe et de la certification et de la qualification. C'est aussi le Bureau qui va contrôler les produits financiers et d'assurance, et c'est l'organisme qui aura pour mandat d'encadrer les pratiques dans l'industrie, et c'est tout un contrat.

Nulle part ailleurs, ni au Québec ni au Canada, on ne retrouve un tel organisme pour voir à la régulation des marchés des services financiers. Ça fait pas mal de fonctions à remplir, vous en conviendrez avec moi certainement, M. le Président, pour un seul organisme. Un pareil cumul est assez surprenant, même. En fait, c'est excessivement rare qu'un seul organisme réussisse à remplir autant de mandats. La polyvalence, c'est bien beau, mais on ne peut pas se targuer d'exceller dans tous les domaines. Pour qu'un organisme soit en mesure de bien s'acquitter de sa mission, ses mandats ne doivent surtout pas être éparpillés, il vaut mieux qu'un organisme soit doté d'une mission spécifique.

Les exemples qui illustrent ce principe sont nombreux. Prenez l'Inspecteur général des institutions financières, depuis 1989, il a délaissé l'encadrement direct des intermédiaires de marché et a remis ce mandat à l'industrie pour se concentrer sur la surveillance des organismes de contrôle mis en place. Un autre exemple, l'IGIF a aussi récemment recentré son mandat autour des institutions financières, son mandat, sa principale mission.

Et le projet de loi n° 188, lui, prévoit que ces pouvoirs à l'égard des intermédiaires de marché seront transférés au Bureau. Il y a bien des pouvoirs qui seront dévolus à ce Bureau, des pouvoirs qui, il me semble, devraient être du ressort de l'Inspecteur. Je pense, par exemple, à la gestion des guides de distribution et au registre des assurances individuelles. Enfin, la Commission des valeurs mobilières délègue, elle aussi, certains de ses pouvoirs, notamment l'encadrement des professionnels de plein exercice. M. le Président, si tous ces pouvoirs sont dévolus à divers responsables, bien, c'est simple, c'est pour gagner en efficacité.

Le député de Verchères a-t-il une idée du travail qu'aura à abattre le Bureau des services financiers, simplement pour devenir opérationnel? C'est énorme. Et, ce n'est pas l'affaire de quelques mois, on parle ici de plusieurs années. Quand, donc, est-ce que le Bureau sera en mesure d'être vraiment au service des consommateurs? Le nombre de règlements à rédiger est phénoménal: déontologie de son personnel, règles de divulgation, inscription des cabinets, règles de publicité, règles sur les renseignements confidentiels. Et ce ne sont là, malheureusement, que quelques exemples. En plus de voir à la réglementation, le Bureau va être en charge d'encadrer les pratiques. Bien, il y a là un conflit qu'il faut dénoncer parce que ça fait beaucoup de pouvoirs conflictuels entre les mains d'un même intervenant. Est-ce que le patrimoine financier de la population sera mieux protégé avec cette structure? Permettez-moi d'en douter fortement.

Le député de Verchères cherche à améliorer l'encadrement dans l'industrie, mais le Bureau des services financiers ne constitue certainement pas une amélioration par rapport à ce qui existe actuellement de ce côté. Le rôle que jouent les conseillers financiers, vous en conviendrez, est primordial pour la conservation et le développement du patrimoine financier des Québécois et des Québécoises. Acheter de l'assurance, un REER, des fonds distincts, ce n'est pas comme acheter un frigo, les impacts du produit choisi auront des répercussions majeures sur notre famille. C'est en plein le type de produit qu'il vaut mieux acheter d'une personne compétente, professionnelle, responsable de ses actes, pour s'assurer de bénéficier de la meilleure protection qui soit en cas de mauvais service ou encore de fraude. C'est des choses qui arrivent, ça, M. le Président, malheureusement.

Prenons l'assurance de personnes. Les intermédiaires en assurance de personnes appartiennent à un organisme, l'AIAPQ. Dans les faits, les rôles et les fonctions de l'AIAPQ s'apparentent grandement à ceux d'un véritable ordre professionnel. Est-ce que le député de Verchères a fait la preuve que cet encadrement de la profession était déficient? Je ne le pense pas. Est-ce que le public est mal protégé par les structures actuelles? Non, il ne l'est pas. Ceux et celles qui font affaire avec le public en leur vendant des produits financiers et des polices d'assurance de plus en plus complexes, vous le savez, doivent continuer d'être responsables de leurs actes.

Il faut réglementer le marché, je suis d'accord, il faut aussi conserver une structure qui saura, elle, protéger le public de façon adéquate. Le projet de loi n° 188 ne prévoit pas la mise en place d'une telle structure, ce qui serait sans doute la meilleure façon de répondre à des objectifs de protection du public. On n'a qu'à penser au rôle qu'aura à jouer le cabinet dans le traitement des plaintes pour douter de la qualité du traitement qu'elle recevra, les enjeux commerciaux étant ce qu'ils sont.

J'aimerais également dire deux mots sur la composition du conseil d'administration du Bureau des services financiers. Il est prévu que 15 membres siégeront au conseil, dont seulement cinq sont des représentants. Dix membres sont nommés par le ministre. Alors, pouvez-vous m'expliquer de quelle façon on entend régir l'industrie alors que les places réservées à ceux et celles qui y jouent un rôle de premier plan sont limitées à cinq? Aussi, il y a beaucoup de pouvoirs réglementaires du Bureau qui n'ont pas à recevoir l'approbation du gouvernement. Je ne pense pas que les consommateurs québécois seront gagnants avec une telle structure en place.

Un autre problème qu'on peut identifier dans le projet de loi – il y en a plusieurs, M. le Président – c'est qu'on ne prévoit pas spécifiquement que les consommateurs auront des représentants au Bureau. Il me semble, là aussi, que ça devrait faire l'objet d'une disposition particulière et qu'on devrait préciser ce qui habilite une personne à pouvoir siéger comme représentant de consommateurs au Bureau. Malheureusement, on a demandé au ministre de nous déposer ses papillons aujourd'hui, à l'adoption du principe. C'est très nébuleux, cette histoire-là. Alors, on ne saura pas avant l'étude détaillée en commission si, oui ou non, on aura cette protection. C'est important de s'assurer que les personnes qui seront nommées pour représenter les consommateurs seront dûment qualifiées.

En plus de mettre sur pied le Bureau des services financiers, le projet de loi n° 188 prévoit aussi la création de deux chambres en continuité avec l'AIAPQ et l'ACAPQ, soit la Chambre de sécurité financière pour l'assurance de personnes et la Chambre de l'assurance de dommages qui vise le secteur des dommages et les experts en sinistre. M. le Président, on est en droit de s'interroger sur la pertinence et sur l'utilité de ces deux chambres qui n'auront à peu près aucun pouvoir et aucune autonomie. On enlève à ces deux organismes les pouvoirs d'autodiscipline et d'inspection professionnelle, on leur laisse la formation professionnelle permanente et la réglementation déontologique. Les chambres n'auront donc à peu près aucun pouvoir et ne seront à toutes fins pratiques pas autonomes.

(23 h 10)

Si on prend la Chambre de la sécurité financière, par exemple, la plupart de ses règlements doivent être approuvés par le Bureau. Le contenu de son rapport d'activité est déterminé aussi par le Bureau. Les élections de ses officiers doivent avoir lieu sous la supervision du Bureau par la poste. On vide les chambres de leur expertise pour en faire, finalement, des clubs sociaux. Le député de Verchères propose donc de retirer aux organismes à vocation professionnelle leurs pouvoirs et leur mission de protection du patrimoine financier des Québécois et des Québécoises. Ces pouvoirs et cette mission ont toujours opposé une résistance aux intérêts commerciaux de l'industrie. Avec le projet de loi n° 188, ce sont les compagnies et les institutions financières qui mèneront le bal. Personne ne sera plus en mesure de faire le poids et elles régiront l'industrie. Je ne pense pas que ce soit dans le plus grand intérêt des consommateurs qui feront figure de nains à côté du géant que sera le Bureau des services financiers.

Si on donne tous les pouvoirs au Bureau, pourquoi créer deux chambres? Comme je l'ai dit tantôt, le Bureau, à cause des multiples pouvoirs qui lui seront confiés, se trouve à être un organisme dont les mandats risquent d'entrer en conflit. Un meilleur partage de ces mêmes pouvoirs et des missions entre le Bureau et les deux chambres, ça aurait été un partage qui serait au moins plus fonctionnel et moins conflictuel et qui remplirait beaucoup mieux les objectifs visant la fameuse protection du public.

Pour s'assurer de maintenir en vie le professionnalisme qui règne actuellement dans l'industrie, il faudrait confier aux chambres l'encadrement de la pratique de toutes les personnes qui vendent des produits financiers et des produits d'assurance aux consommateurs. Pour assurer un encadrement efficace, on devrait confier aux chambres ou à des organismes indépendants le pouvoir de s'autoréglementer, le pouvoir d'autodiscipline et le pouvoir de s'autogérer.

Les professionnels de l'assurance se sont pris en main, ce qui a permis à cette profession d'évoluer. Personne ne peut nier ça. On n'a qu'à comparer la vente d'assurance d'il y a 30 ans avec celle d'aujourd'hui. C'est le jour et la nuit. Si cette profession s'est améliorée de façon constante, c'est parce que ce sont les intermédiaires qui ont pris en charge leur encadrement. Et, si on veut aujourd'hui que cette profession continue d'évoluer, toujours pour le plus grand bénéfice des consommateurs, il faut laisser aux personnes qui exercent la profession, peu importe le titre qu'elles portent, le soin de voir à leur encadrement. Ce sont ceux et celles qui pratiquent ce métier, M. le Président, qui devraient décider des exigences requises pour l'exercer. Ce sont eux qui devraient déterminer la formation de base qui est nécessaire pour avoir le droit de pratiquer. Même chose pour les conditions d'exercice et la déontologie.

Dans bien des domaines, l'autodiscipline a fait ses preuves comme moyen de protéger adéquatement le public. Et c'est comme ça que ça fonctionne dans l'industrie de l'assurance de personnes et de l'assurance de dommages. Et encore personne n'a prouvé que ce système de protection du public ne remplissait pas bien sa mission. Encore une fois, ce sont ceux et celles qui exercent la profession qui sont le mieux placés pour voir à l'inspection, étudier les plaintes, maintenir un comité de discipline, contrôler l'exercice illégal et punir les fautifs. C'est comme ça que ça fonctionne dans le marché à l'heure actuelle, et ça fonctionne très bien.

En confiant aux chambres ou, à tout le moins, à des organismes indépendants du Bureau des services financiers les pouvoirs d'autoréglementation et d'autodiscipline, on conserverait le professionnalisme qui s'est développé dans l'industrie et on contribuerait à la croissance d'une pratique responsable, dans le plus grand intérêt de la population québécoise.

Je ne suis pas du tout convaincue, M. le Président, que la structure qui est mise en place par le projet de loi n° 188, composée du Bureau et des deux chambres, améliorera l'encadrement de la pratique et la protection des intérêts financiers des Québécois. En plus de ne pas être efficace, la mise en place de cette structure entraînera des coûts humains et sociaux majeurs.

M. le Président, adopter le projet de loi n° 188 dans sa forme actuelle irait à l'encontre des intérêts de la population. Je l'ai déjà dit au début de mon intervention, l'industrie de l'assurance et des produits financiers est très complexe. Les produits sont complexes et évoluent sans cesse. Les canaux de distribution se multiplient. Alors, dans ce contexte-là, tout le monde est d'accord pour accentuer les mécanismes de protection des consommateurs. La protection de notre patrimoine financier, c'est quelque chose de fondamental. Et, avant de chambouler les structures déjà en place et de mettre au rebut un système qui a déjà fait ses preuves, il faudra, à tout le moins, s'assurer que ce qu'on va mettre sur pied constituera une amélioration. C'est là notre rôle de s'assurer que les législations qu'on entend adopter contribuent au développement de la société. M. le Président, le projet de loi n° 188 ne passe pas ce test. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Nous allons maintenant céder la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. J'écoutais avec grand intérêt notre consoeur de la Beauce et je trouvais qu'elle résumait bien la problématique du projet de loi n° 188. Elle qui a travaillé près des gens dans son comté durant si longtemps, attachée politique pendant nombre d'années, elle a eu à transiger avec des centaines et des centaines de gens. On sait comment le personnel politique de nos bureaux reçoit des appels en quantité industrielle, comment il écoute les gens, et j'ai souvent dit qu'il était probablement plus difficile d'être une bonne attachée politique qu'un bon député; je le crois franchement. Alors, la députée de Beauce, qui a gradué, qui est maintenant avec nous, a pendant des années pratiqué ce métier extraordinaire, celui de l'aide à un député dans une circonscription au niveau fédéral, et elle avait aussi un très bon député.

Si on lui posait la question, maintenant: Combien de fois des gens, dans toute votre carrière d'attachée politique... Et Dieu sait que les gens nous appellent pour à peu près n'importe quoi. Moi, je me plais à prendre mes appels quand je suis là de bonne heure le matin, tard le soir, je ramasse le téléphone, j'écoute ce que le monde a à dire, on nous appelle pour à peu près n'importe quoi. J'aimerais ça pouvoir lui poser la question: Combien de fois dans votre carrière d'attachée politique, vous, Mme la députée de la Beauce, avez-vous reçu des appels de gens qui vous ont dit: J'ai vraiment des problèmes avec mon courtier d'assurances, ma maison a passé au feu, il n'a pas voulu me payer, il y a une partie de ma voiture qui a été emportée par le voisin, il n'a pas voulu me payer? Combien de fois en avez-vous reçu? Bien sûr, elle ne peut pas me répondre. Je vais vous donner la réponse, moi. La réponse, ce serait probablement jamais. C'était probablement jamais, la réponse.

Les gens ont la multitude des choix, 133 compagnies d'assurances vendent de l'assurance, en ce moment, au Québec. Il y en a des québécoises qui sont très bonnes, il y en a qui sont au comptoir, il y en a qui sont avec des courtiers, il y en a qui vont vous servir à la télévision, d'autres au téléphone; chez d'autres, le courtier, il est nouveau, il va se rendre chez vous le soir. Vous voulez l'avoir la nuit, le matin, vous voulez qu'il soit noir, qu'il parle en anglais, en chinois? Il y a tout ça, M. le Président. Vous n'êtes pas satisfait avec Le Groupe Commerce? Bingo! vous cancellez votre police, vous vous en allez chez Belair le lendemain. Vous n'aimez pas Belair? Vous vous en allez chez Wawanesa. Il n'y en a pas, de problème. Ils n'ont pas voulu vous payer assez vite après le verglas? Vous changez de compagnie, vous vous en allez à l'autre. Ça fonctionne, ce système-là, c'est l'offre et la demande.

Et je repose la question à ma consoeur de la Beauce: Dans toute votre carrière d'attachée politique, en avez-vous reçu un appel, ou deux, ou zéro? La réponse, c'est qu'elle n'en a probablement jamais reçu. Les gens sont satisfaits des services qu'ils ont au Québec dans le secteur de l'assurance des biens.

Il y a un vieil adage en anglais qui dit: «Don't fix it if it's not broken», ne réparez pas le moulin à gazon s'il fonctionne. Moi, je dis ça à mes enfants: Il fonctionne, touchez-y pas, vous le réparerez s'il brise. D'ailleurs, le Québec, en passant, notre plus grande force, c'est l'assurance générale. Est-ce que vous savez ça? Comme Québécois, c'est l'industrie qu'on a le mieux bâtie, d'abord par des coopératives, des mutuelles. On les a capitalisées éventuellement dans l'histoire du Québec, et c'est l'industrie qu'on contrôle le mieux. Ce n'est certainement pas l'industrie bancaire, quand on se compare avec les mégapuissances. Mais l'industrie de l'assurance, ça, on le contrôlait puis on le contrôle encore. Bien, là, je ne comprends pas, on est après faire un virage, puis je ne suis pas sûr qu'il y a grand monde qui comprend où on s'en va avec cette histoire-là.

Vous savez, M. le Président, vous qui êtes un homme d'expérience et un parlementaire aguerri, combien de fois... J'aime ça poser des questions, on dit que c'est un vieux truc en pédagogie, rendu à 23 h 20, quand le monde nous écoute. Je suis peut-être mieux de poser des questions que de faire des grands énoncés. Ma consoeur me dit: Je n'ai jamais reçu d'appel à mon bureau de comté, pendant toutes ces années où j'étais attachée politique, de gens qui n'étaient pas satisfaits du système qu'ils avaient avec les courtiers, parce qu'ils pouvaient aller en direct, qu'ils pouvaient prendre n'importe quel système; s'ils n'étaient pas satisfaits avec un, il y en avait d'autres.

(23 h 20)

La question que je vous pose maintenant, c'est: Combien de fois dans votre longue carrière, M. le Président, avez-vous vu un groupe de parlementaires qui a écouté pendant des semaines ce qu'on a appelé le rapport Baril? Qui est le rapport Baril? On va peut-être se poser la question, les gens qui nous écoutent. Qui est le rapport Baril? Qui est M. Baril? M. Baril, c'est un député, un gars de la base, un honnête homme du comté d'Arthabaska et qui a ce pouvoir d'écoute. Encore mes confrères me disaient hier soir, il présidait une commission où je travaillais hier soir, comment ce député-là a ce pouvoir d'écoute, autant du gouvernement que de l'opposition? Il a bien fait ce rapport, il a bien écouté, il a si bien écouté, M. le Président, ce que les gens avaient à dire, qu'il y a eu – ce qui est très rare à l'Assemblée nationale, je suis ici depuis huit ans, je n'ai à peu près jamais vu ça – unanimité des deux côtés de la Chambre. Les gens qui nous écoutent aux débats, tous les jours, à la période de questions, la partie que les gens écoutent surtout, doivent réaliser qu'il n'y a pas souvent unanimité. Bien, là, il y a eu unanimité sur le rapport Baril.

Tous les parlementaires libéraux, indépendants, membres d'autres formations politiques et du gouvernement se sont entendus sur un rapport. Il y a quelque chose là! Il y a quelque chose là! C'est le vrai monde qui est venu parler, c'est un vrai député qui a écouté ça, un de nos très bons députés de l'Assemblée nationale qui a fait un bon rapport. On était convaincu qu'à partir de là, le ministre... Il y avait unanimité de la Chambre. Ou bien on a des commissions parlementaires puis des rapports, puis ensuite on s'appuie là-dessus, puis on dit: Ils ont fait un bon travail, puis c'est valable, tout ça. Ou bien: Pourquoi avoir fait ça? Le rapport Baril, si je comprends bien, avec le projet de loi n° 188, ce qu'on est après dire au député d'Arthabaska, c'est: Ton rapport, les gens qui ont travaillé dessus, on est après flusher ça. Même si tout le monde dit que tu n'as pas raison, toi, le ministre, ce n'est pas grave, on va flusher le rapport Baril.

Ce n'est pas la première fois que le PQ fait ça, M. le Président, dans le secteur de l'assurance. Je vous rappellerai qu'en 1976 le gouvernement a été élu sous le dogme de l'étatisation de l'assurance automobile au Québec. Il y avait des problèmes dans le secteur de l'assurance automobile et il y avait des engagements de pris par la PQ, parce que le PQ, il faut bien comprendre que c'est un parti dogmatique. On part d'un dogme, on fait partie de la chapelle, et puis là tout le monde doit se rallier. Ce n'est pas une coalition de gens avec différentes opinions qui essaient de convaincre quelqu'un d'autre. Le parti péquiste, historiquement, c'est le parti du grand dogme: Tu crois ou tu meurs; tu crois à la souveraineté, tu fais partie de ce parti-là. Alors, 1976, je reviens, ce gouvernement-là se fait élire en disant: Le dogme de la vérité, c'est que nous allons étatiser toutes les compagnies d'assurance automobile au Québec, industrie contrôlée par les Canadiens français, Québécois.

Qu'est-ce qui s'est passé dans la vraie vie, M. le Président? Ils sont partis, comme notre bon ministre des Finances est parti, dans une corrida extraordinaire, voulant tout chambarder. Ils ont nommé Mme Payette – tout le monde connaît Mme Payette – et le net-net de tout ça, qu'est-ce qui s'est passé en bout de ligne entre le dogme et la réalité, entre le ministre des Finances de l'époque et le rapport Baril d'aujourd'hui? Qu'est-ce qui s'est passé? Bien, il s'est passé que Mme Payette est allée au caucus des députés; c'est ça qui s'est passé. Dans le livre Le pouvoir? Connais pas de Mme Payette, elle raconte, elle explique comment tout ça s'est passé au caucus. Alors, il y avait le dogme, il y avait trois, quatre fins finauds, les grosses têtes, comme elle les appelle, qui avaient décidé que le dogme, c'était l'étatisation complète des compagnies possédées par les Canadiens français, les Québécois, et puis on étatisait ça sans les payer.

Il y avait un député de la base au caucus, comme tous les députés de la base, les Baril de ce monde qui sont allés au caucus, qui ont dit à René Lévesque, ce grand homme: M. Lévesque, nous, de la base, on n'y croit pas à votre dogme, ça n'a pas d'allure ce que vous êtes après essayer de faire. Les courtiers d'assurances nous ont convaincus que la clientèle est satisfaite. Dans nos bureaux, il n'y en a pas d'appels de gens qui disent que ça ne fonctionne pas.

Alors, Mme Payette, dans son livre, elle dit: Finalement, ça n'a pas été le ministre qui a eu raison, ça a été les députés de la base au PQ qui ont fait virer le vent de bord. Et on a eu, effectivement, une étatisation d'à peu près 30 % des compagnies d'assurance automobile. On sait la fin de l'histoire maintenant: la SAAQ, qui ne s'occupe que du côté corporel. Mais tout le côté métal, bumper, et tout ça, on l'a laissé à l'entreprise privée. Alors que l'engagement et le dogme du PQ, c'était de tout enlever ça.

Qu'est-ce qui s'est passé? Ça n'a pas été le ministre des Finances qui a eu raison dans le débat de 1976, ça a été le caucus des députés, ça a été le peuple qui a dit au gouvernement péquiste... C'était le lendemain de l'élection. Rappelez-vous de l'euphorie collective du Québec en 1976, René Lévesque élu à forte majorité à la grandeur du Québec, et, même à ça, le PQ, le caucus a eu raison, et René Lévesque, qui était un sage homme, a reconnu... Et je vois qu'il y en a qui étaient là, hein? Il y a des députés, ici, qui étaient là, qui ne me contrediront pas parce qu'ils ont vécu ces incidents-là. Et, dans la vraie vie, les députés de la base ont convaincu René Lévesque que la base n'en voulait pas de cette étatisation totale, et seulement une partie a été étatisée.

L'histoire, au PQ... On a l'impression que la mémoire collective du PQ, ils l'ont encore échappée. Les gens de la base, au PQ, disent: On n'en veut pas de ce dogme-là, M. le ministre des Finances, on n'y croit pas. Dans nos bureaux de comté, ça sonne tous les jours, ça n'a pas d'allure, M. le Président. Quand ce n'est pas trois courtiers qui nous appellent, c'est trois clients. Quand ce n'est pas l'association, c'est la fédération, c'est l'organisation qui nous disent: On n'en veut pas. Non. Le dogme du PQ, le ministre des Finances a décidé. Mais, cette fois-ci, j'ai l'impression qu'il est après vous en passer une petite vite. Il ne vous écoute pas, il ne veut pas vous écouter, et puis, checkez bien ce qui va se passer après, il y a des élections qui s'en viennent, puis vous allez payer un dur coût pour une décision comme celle-là.

M. le Président, quand on parle de mémoire collective au PQ, il y a un autre incident que j'ai vécu, puis celui-là, il est important. À un moment donné, le Parti libéral, il y a quelques années, a décidé que nous devions extensionner les heures d'ouverture des commerces le dimanche parce que – le bon député de Verchères et de Sorel va se rappeler de ça – les gens de sa circonscription, 38 % de leur magasinage se faisait le dimanche aux États-Unis. Alors, le Parti libéral a cru bon à l'époque et continue à prétendre que, pour éviter ces exodes de dollars vers les États-Unis, il nous fallait ouvrir les heures d'ouverture le dimanche.

Il y a eu deux commissions parlementaires qui ont duré à peu près deux mois chacune avec Gérald Tremblay. Qu'est-ce qui s'est passé à ces commission parlementaires là? J'ai fait les deux, M. le Président. J'ai entendu le député de Joliette, j'ai entendu le député de Lévis et j'en ai entendu pas mal d'autres – on siégeait jour et nuit à l'époque – venir nous dire comment l'ouverture des commerces le dimanche ferait mourir tous ces petits commerçants. On nous l'a dit pendant quatre mois et on pleurait, on nous parlait des dépanneurs, on nous parlait des vendeurs de cigarettes, on nous parlait de tout ce pauvre monde, que, si on ouvrait le dimanche, ils seraient pour fermer au Québec. Ah, que c'était triste! Puis ils recommençaient le lendemain soir: Ces petits commerçants qui vont fermer, M. le Président...

Cette mémoire collective, où est-elle maintenant? Tous ces courtiers d'assurances qu'on va fermer au Québec, tous ces petits commerçants dans mon village, à Rock Forest, à Coaticook, à Magog, à Barnston. Où sont-ils, ces temples blanchis qui venaient pleurer en commission parlementaire sur tous ces petits commerces qu'on allait fermer? Où sont-ils, ces gens-là alors qu'on est après les fermer, ces petits commerces là, tous ces courtiers d'assurances qu'on va fermer à travers le Québec? Où sont-ils ces péquistes-là? Où sont-ils donc, comme dit si bien la chanson, ces gens, qui, pendant des mois, sont venus nous parler des petits commerçants qu'il fallait protéger par les heures d'ouverture? Soudainement, le discours, trois ans et demie après, pas deux siècles, pas une éternité, pas deux mandats, pas trois générations, les mêmes individus que je revois ici, à soir, assis, ces mêmes gens-là sont après dire aux petits commerçants du Québec, à des centaines de petits commerçants...

(23 h 30)

Je regardais le chiffre tantôt, et d'ailleurs j'étais très impressionné, savez-vous combien de courtiers d'assurances générales il y a au Québec qui sont par deux, qui sont par trois, qui sont souvent seuls avec leur épouse, avec un fils dans le sous-sol de la maison? Il y en a 28 000 de ces petits commerçants, au Québec, individus. Cette même gang qui est venue nous parler des petits commerçants pendant des mois en pleurs, en transes, eh bien, là, soudainement, ce discours-là ne tient plus. Moi, j'ai toujours tenu le même discours. Ma formation politique a toujours tenu le même discours. À l'époque, nous voulions que les gens cessent de magasiner aux États-Unis pour aider les petits commerçants et aujourd'hui, avec le projet de loi n° 188, nous voulons toujours protéger les petits commerçants et leur permettre de magasiner chez les petits commerçants.

La confidentialité, maintenant. Ça, c'est peut-être le point le plus moral de tout ce débat-là – c'est très bien, vous me dites qu'il me reste cinq minutes, on va faire ça en cinq minutes. La confidentialité, M. le Président. Quand vous faites affaire avec un courtier d'assurances, vous faites vos affaires d'assurance avec lui. Il ne fait pas votre hypothèque, il ne fait pas votre prêt sur la maison, il ne fait pas votre prêt personnel parce que vos enfants sont aux études; lui, il fait votre assurance. Après ça, vous partez, vous allez faire vos placements avec un courtier en valeurs mobilières; lui, il fait vos placements en valeurs mobilières. Ainsi va la vie. Ce que l'on a appelé, dans l'histoire de l'humanité économique, les quatre grands piliers, M. le Président. Ça, ça allait bien.

Moi, je n'ai jamais entendu personne venir me dire pendant toutes ces années: Écoutez, moi, j'aimerais ça que quelqu'un dise à l'autre que j'ai tant de dettes; j'aimerais ça que quelqu'un dise à l'autre que j'ai tant d'argent, mais je ne veux pas lui prêter, à lui; j'aimerais ça que toutes les informations que j'ai données pour ma police d'assurance-vie, si j'ai le SIDA et à quel âge j'ai eu la picotte, etc., j'aimerais ça que, lui, il le dise à l'autre à côté. C'est ce qu'on appelle la confidentialité.

Le ministre nous dit: Énervez-vous pas, voyons donc, restez calmes, ils vont bâtir des murs. Bâtir des murs! Ils vont s'installer dans un local à côté. Aie! Réalisez-vous que, avec Internet, à soir, là, on peut parler à n'importe qui à travers le monde. On peut leur demander à peu près n'importe quoi. Je lisais hier qu'on peut acheter du fromage en France. Le plus grand magasin de fromage en ce moment – je sais que vous aimez les fromages, M. le Président, nous en avons déjà parlé – le plus grand magasin de fromage au monde en ce moment, il est sur Internet. Il n'est pas chez Steinberg, il n'est pas chez Métro, il n'est pas chez Provigo, il n'est pas dans mon dépanneur, à Magog, il est sur Internet, le plus grand magasin de fromage. On peut communiquer n'importe quoi, n'importe où, n'importe quand, 24 heures par jour. Et ce n'est que le début d'une longue histoire heureuse, M. le Président.

Alors, le ministre nous dit: Inquiétez-vous pas, les gars, on va mettre des murs. On va mettre des murs, on va les installer à côté. Aie! Franchement, là! «Faut-u» nous prendre pour des insignifiants, aller dire des affaires comme ça publiquement, M. le Président. Ça n'a pas d'allure! Ça n'a pas d'allure! Tu dirais ça à une classe de deuxième année, et les gens diraient: Voyons, ce n'est pas le ministre des Finances du Québec qui dit des grossièretés comme celle-là.

Alors, là, dans la même institution, ils vont t'assurer ton char, ils vont te faire une hypothèque sur la maison, si tu as un commerce, tu vas avoir toutes tes garanties là et là, en plus, ils vont de vendre ton assurance. Tant que ça va bien aller, ça va bien aller. Mais rappelez-vous qu'il va y avoir juste un chauffeur dans l'autobus. Il est mieux de ne pas prendre la courbe un peu trop vite. Parce qu'il faut travailler dans cette industrie-là pour comprendre comment tout ça fonctionne.

J'ai bien confiance dans les murs du ministre, mais j'ai plus confiance – je vais vous le dire franchement – dans le système existant où l'individu qui est dans sa cave, qui a un petit commerce, qui travaille 18 heures par jour, qui est prêt à aller chez vous... Il va vous parler dans la langue que vous voulez, aux heures que vous voulez. Lui, il fait sa paye avec ça à la fin du mois. Il fait partie d'un organisme professionnel qui vous donne un service extraordinaire. Lui, il a avantage à ce que les informations que vous lui aviez données soient confidentielles entre lui, vous et la compagnie d'assurances.

M. le Président, en ce moment, c'est les mêmes règles pour tout le monde. Il n'y a pas un courtier qui est désavantagé ou avantagé. Celui qui veut se mettre une plus grosse pancarte, il peut le faire. L'autre qui veut monter sur la première rue principale, il peut le faire. Je veux dire, c'est les mêmes règles pour tout le monde. Avec le projet de loi n° 188, on va nettement avantager une institution aux dépens des autres. Parce que, oui, M. le Président, il y a plein de pays qui, en ce moment, ne permettent pas ce genre d'approche là. La France, l'Allemagne, la Suisse, il y a un certain nombre de pays qui, en ce moment, vont diamétralement dans la position opposée à celle que notre gouvernement est après proposer.

Alors, quand le ministre nous dit: On n'a pas le choix, tous les autres le font, faisons-le, ce qu'on apprend, c'est qu'aux États-Unis on est après aller dans une position diamétralement opposée, plein de pays en Europe vont dans une position diamétralement opposée. Je comprends qu'on est une société distincte, mais au niveau de l'économie je pense que le consommateur, il est à peu près partout pareil, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Est-ce que le député d'Orford me permettrait une question en vertu de l'article 213 du règlement?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député d'Orford, accepteriez-vous une question en vertu de 213?

M. Benoit: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Alors, M. le Président, très brièvement. Puisque le député d'Orford a tellement bien vanté notre collègue le député d'Arthabaska, est-ce que je crois comprendre que son parti politique ne mettra aucun obstacle et qu'il le laissera élu par acclamation à la prochaine campagne électorale?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. le Président, vous comprendrez que je dois répondre à une telle question. Les qualités et les idées de l'homme sont une chose, sa participation à sa formation politique est une autre chose.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Alors, à ce stade-ci, nous sommes prêts maintenant à céder la parole au député de Verdun. Alors, M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. On a devant nous un projet de loi extrêmement important. Important pourquoi? Parce qu'il vient saper les bases d'une industrie très importante au Québec, qui est l'industrie de l'assurance qui emploie plusieurs milliers de personnes, M. le Président. Alors, il faut bien comprendre ce qui est dans ce projet de loi, parce que c'est un projet de loi assez technique, et à quel point il peut remettre en cause des fonctionnements traditionnels importants.

D'une part, ce projet de loi veut créer ce que, dans notre langage, on appelle la caisse-assurance – et on va essayer d'expliquer pourquoi il y a quelque chose qui est vicié à cet endroit-là – c'est-à-dire l'implication du réseau des caisses populaires dans la vente de produits d'assurance. De plus, M. le Président, il s'en va régimenter ou réglementer à nouveau le domaine et de l'assurance de personnes et de l'assurance de dommages en vidant quasiment de tout pouvoir la Chambre de l'assurance de personnes et celle de l'assurance de dommages, créant un bureau, mais un bureau, M. le Président – et là je me rappelle avoir assisté à chacune des auditions des gens qui sont venu témoigner devant nous – où les gens seront nommés par le gouvernement.

Alors, M. le Président, on avait, au sein d'une commission, sur l'analyse qui avait été faite... Et on a beaucoup parlé ce soir de ce qu'on appelle le rapport Baril. On avait établi, à l'intérieur de ce rapport, non pas une objection de fond à l'implication du réseau des caisses dans la vente de l'assurance, mais on avait voulu baliser l'implication des caisses populaires dans la vente d'assurance de manière à assurer une protection adéquate aux citoyens, aux clients, à ceux qui pouvaient être amenés à devoir acheter de l'assurance.

Alors, c'est six principes, M. le Président – et je pense qu'il est important de les rappeler – sur lesquels de part et d'autre, c'est-à-dire et les parlementaires ministériels et les parlementaires de l'opposition, nous étions tombés d'accord et nous avions réussi à avoir un consensus qui était le suivant.

Un, il fallait établir un encadrement uniforme. Autrement dit, si le réseau des caisses populaires rentrait dans le domaine de l'assurance – et il l'est déjà d'une certaine manière – s'il voulait rentrer réellement dans la vente de l'assurance au détail, il fallait qu'il le fasse dans un encadrement qui soit le même que celui qu'on prévoyait autrement pour les courtiers, avec des gens qui aient les mêmes qualifications et les mêmes formations et qui soient soumis aux mêmes règles. Un encadrement, donc, uniforme.

Deuxièmement, offrir des produits d'assurance par une filiale dédiée à ces activités. C'est-à-dire éviter – et là était un élément important – qu'on ait dans le même endroit un mélange où on est à la fois l'endroit où on fait ses transactions financières et celui où on est amené à négocier des contrats d'assurance de dommages ou des assurances de personnes.

(23 h 40)

Assurer la distribution des produits d'assurance par des intermédiaires dûment qualifiés. C'est-à-dire, il nous semblait important que, si le réseau des caisses devait s'impliquer dans la vente de l'assurance, les personnes devaient avoir les mêmes qualifications que les courtiers ou que les agents qui travaillaient pour des courtiers. Il semblait important aussi aux membres de la commission, à l'époque, qu'on évite le double emploi, la double casquette, que l'on soit un jour caissier, le lendemain courtier, et vice versa, c'est-à-dire de bien séparer les fonctions des uns et des autres.

Prévoir des dispositions très claires quant à l'utilisation des renseignements personnels. Vous comprendrez sans peine, M. le Président, la crainte que les membres de la commission pouvaient avoir lorsque vous auriez été amené à devoir négocier un contrat d'assurance de personnes, d'assurance de dommages, si votre courtier, c'est-à-dire la personne qui travaillait par la caisse populaire, avait déjà une connaissance parfaite de votre situation financière, savait quels étaient vos biens, savait quels étaient vos avoirs; ça aurait été, à ce moment-là, lui donner un avantage indu. Cinquième principe: prévoir des dispositions visant à régir l'utilisation des renseignements personnels.

Et, dernièrement, sixième principe: utiliser des espaces réservés, ça veut dire des locaux distincts pour la vente des produits d'assurance.

M. le Président, on a galvaudé à tort et à travers, en disant: Bon, la commission – à l'époque, ça s'appelait la commission de l'administration et des finances publiques – n'est pas réaliste, elle est contre l'implication des caisses populaires dans le domaine de l'assurance. Ce n'est pas vrai. Ce que nous voulions et ce que nous voulons encore à l'heure actuelle, c'est ne pas créer des avantages indus, c'est baliser d'une manière claire l'entrée du réseau des caisses populaires dans le domaine de l'assurance, de manière qu'il ne fasse pas une concurrence indue et inacceptable aux courtiers d'assurances et de manière aussi que le public et les citoyens soient dûment protégés.

Malheureusement, M. le Président, ce n'est pas ce que nous voyons à l'intérieur du projet de loi n° 188. Malgré les représentations, malgré tout ce que nous avons pu dire, tout ce que nous avons pu faire, ce projet de loi n° 188 ne respecte pas – et on pourra le faire lorsqu'on sera rendu en étude article par article – les six principes que je viens d'énoncer pour vous et qui étaient pour nous les balises dans lesquelles nous souhaitions l'implication du réseau des caisses populaires dans le domaine de l'assurance, et de l'assurance de personnes et de l'assurance de dommages.

Comprenez-moi bien, M. le Président, il y a dans toute cette question-là un argument qui est faussé. C'est un peu de dire: Les autres le feront, il faut que vous le fassiez. Mais les autres ne l'ont pas encore fait. Alors, je vous explique en deux mots. Les caisses populaires, ou le réseau des caisses Desjardins, viennent voir le gouvernement du Québec et disent: Attention! le gouvernement fédéral, qui, comme vous le savez, régit à ce moment-là les banques, va très probablement permettre à court terme aux banques de rentrer dans le domaine de l'assurance. Si vous ne voulez pas que nous soyons indûment pénalisés par rapport à nos concurrents, qui sont des banques, c'est-à-dire régies par la loi fédérale, il faut que vous nous donniez les mêmes avantages.

Et c'est très drôle, c'est extrêmement drôle, parce que, on le sait – vous aussi, M. le Président, je suis sûr, vous avez des contacts avec ce qui se passe au gouvernement fédéral – les banques, au niveau fédéral, ont parfois le raisonnement inverse, disant: Le gouvernement du Québec est prêt actuellement à accorder au réseau Desjardins ces avantages en ce qui touche la vente de l'assurance, il ne faudrait pas que le réseau bancaire soit indûment défavorisé par rapport au réseau des caisses populaires, donc donnez-nous, à nous, banques, les mêmes pouvoirs. C'est un peu en allant voir l'un et l'autre, en disant: L'autre va le faire, laissez-nous le faire nous aussi.

M. le Président, je crois, et nous croyons, de ce côté-ci de la Chambre, qu'il est de l'intérêt des consommateurs que, si le réseau des caisses populaires puisse rentrer dans le domaine de l'assurance de personnes, ceci se fasse à l'intérieur de balises claires, de balises clairement établies et non pas, comme c'est prévu à l'intérieur du projet de loi n° 188, d'une manière désordonnée qui donne énormément de pouvoir au réseau des caisses populaires.

Deuxième élément, M. le Président, et il était de taille. On a longtemps comparé les courtiers d'assurances à des professionnels. On avait longtemps réfléchi et réagi en disant: Ce sont des gens qui, bien que ça ne soit pas régi par l'Office des professions, ce sont des personnes qui ont un rapport personnel avec leurs clients, qui sont amenées à avoir un rapport où elles doivent directement donner des conseils à leurs clients, et qui s'apparente beaucoup plus à ce que fait un professionnel, un avocat, un médecin, un notaire, qu'à un employé.

Dans ce cadre-là, s'il n'y avait pas une totale identification avec ce que faisait un ordre professionnel

– quoique, personnellement, j'avais plaidé et j'ai plaidé à bien des moments qu'il était important que l'on reconnaisse les courtiers d'assurances comme un ordre professionnel, et on aurait pu très facilement le faire, M. le Président – il me semble fondamental qu'une des caractéristiques des ordres professionnels, à savoir que les membres de l'ordre, avec des personnes représentant le public, mais des membres nommés par les praticiens, nommés et élus par les praticiens, soient à même de régir le fonctionnement de l'ordre... Ça me semblait une vérité élémentaire, un principe élémentaire.

Et, malgré les plaidoyers multiples que nous avons pu faire, les structures, qui étaient des structures élues qui sont restées à l'intérieur du projet de loi, à savoir la Chambre des assurances de dommages et la Chambre des assurances de personnes, ont été virtuellement vidées de toutes leurs responsabilités pour que ces responsabilités soient transférées à un bureau, mais à un bureau où les gens ne sont pas élus par les membres de la profession et les représentants du public, mais sont nommés par le gouvernement. C'est une volonté ferme et claire de la part du gouvernement de prendre le contrôle complet de la profession. Et, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, je dois dire que ça, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas, en aucune manière, accepter.

Nous avons plaidé à longueur de discours sur l'importance de permettre aux représentants de la profession... Et, comprenez-moi bien, déjà, on nous avait dit au début: Bien, vous savez, il va falloir que les deux chambres, assurances de personnes et assurances de dommages – comprenez-moi bien, c'est un langage un peu technique, il faut bien comprendre que, lorsqu'on parle d'assurance de personnes, essentiellement, c'est ceux qui vendent de l'assurance-vie, lorsqu'on parle de l'assurance de dommages, c'est les assurances sur votre maison ou c'est les assurances sur vos automobiles – donc que ces deux groupes soient à même de mieux travailler ensemble, de coordonner leurs efforts. Parce que, très souvent, le courtier, le bureau d'assurances était formé, était à même de devoir être présent et d'agir soit dans le domaine de l'assurance de personnes soit dans le domaine de l'assurance de dommages.

(23 h 50)

Déjà, M. le Président, et je vous invite à aller au 700 de la rue Sherbrooke à Montréal, vous voyez, sur le même étage, les deux chambres qui siègent sur le même étage, qui ont la même réceptionniste. On disait: Lorsque le public va vouloir aller se plaindre du fonctionnement de tel, tel ou tel agent ou courtier, il ne saura plus à qui s'adresser. Déjà, ils ont la même réceptionniste, déjà, M. le Président, ce qu'on appelle l'équivalent des syndics fonctionne de concert, déjà, il y a une coordination entre les deux chambres. On n'avait pas besoin de chapeauter par cette chape de ce Bureau nommé par le gouvernement, de lui imposer, à ce moment-là, ce Bureau essentiellement nommé par le gouvernement.

M. le Président, il y a un autre groupe dont je voudrais vous entretenir et sur lequel, je dois dire... Et les parlementaires ici, dans cette Chambre, qui, comme moi, viennent de débattre en commission parlementaire le projet de loi n° 446 sur les psychothérapeutes, vont comprendre tout de suite. Déjà, à l'heure actuelle, ce gouvernement vient de reconnaître le titre de psychothérapeute, une situation où les gens peuvent être psychothérapeute – c'est dans le projet de loi – s'ils font partie d'un des six ordres suivants: les médecins, les infirmières, les ergothérapeutes, les psychologues, les travailleurs sociaux et les conseillers en orientation.

Nous avons, à l'intérieur du projet de loi n° 188, une structure analogue, les planificateurs financiers. Et sachez, M. le Président, et vous le savez parfaitement, que, dans la nouvelle économie où le travail autonome va devenir de plus en plus important, le rôle du planificateur financier va avoir une importance accrue. Les planificateurs financiers, vous le savez parfaitement, M. le Président, sont des gens qui, en général, sont des notaires, des avocats, des CGA, des CMA, des administrateurs agréés ou des personnes qui ont suivi les cours de planificateur financier reconnus par l'Institut de planification financière.

J'aurais souhaité – et c'est à l'intérieur du rapport qu'on appelle le rapport Baril – bien des fois qu'on reconnaisse à cette profession émergente le statut d'un ordre professionnel, qu'on puisse reconnaître que les planificateurs financiers sont réellement un groupe nouveau qui est en train d'émerger. On l'a plaidé à peu près partout, mais malheureusement je dois dire que je n'ai pas retrouvé ça à l'intérieur du projet de loi n° 188. Je dois dire réellement que je regrette ne pas avoir retrouvé ça à l'intérieur du projet de loi n° 188.

Alors, M. le Président, comprenez-nous bien, ici, de ce côté-ci de la Chambre, nous nous opposons au projet de loi n° 188 pour les raisons suivantes, et je vais les résumer. Premièrement, le projet de loi n° 188 va remettre en question la survivance des 40 000 réseaux de courtiers d'assurances, parce qu'il risque de donner ou il va donner un avantage indu au réseau des caisses populaires dans ce marché extrêmement compétitif qu'est le marché de l'assurance de personnes et de l'assurance de dommages.

Deuxièmement, il impose une chape, comprenez-moi bien, par le Bureau nommé par le gouvernement. Il ne laisse pas s'exprimer dans la profession des courtiers d'assurances, aussi bien assurance de personnes qu'assurance de dommages, la volonté des professionnels qui agissent dans ce métier pour pouvoir élire les personnes qui sont amenées à régir la formation des gens qui doivent rentrer dans la profession et ceux qui vont régir la profession dans l'équivalent des syndics et de la surveillance de la profession. Quasiment, le gouvernement, par le projet de loi n° 188, met une tutelle, une véritable tutelle sur la profession de courtier d'assurances. Et, d'après moi, les courtier d'assurances ne méritaient pas cette tutelle.

M. le Président, c'est malheureux. Ce projet de loi est vraiment malheureux, parce que, s'il y avait un domaine, et c'est rare dans cette Assemblée, où, d'une manière non partisane, on était arrivés, ministériels et opposition, à un certain consensus autour de grandes balises, autour de ce qu'on voulait faire... Et comprenez-moi bien, il n'était pas question, de notre point de vue, de bloquer. Il n'a jamais été question de dire qu'il faut bloquer l'avancement ou la pénétration lente, mais baliser le réseau des caisses Desjardins dans le domaine de l'assurance autour de six balises que je vous ai expliquées tout à l'heure. On avait réellement essayé de baliser cette pénétration. Malheureusement, le projet de loi n° 188 ne répond en aucune manière à ces aspirations partagées par les ministériels et par nous, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Pour les besoins de l'heure, qui est minuit, à ce moment-ci, M. le Président, je vous demanderais d'ajourner le débat ainsi que la séance de cette Assemblée à demain, le vendredi 29 mai, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Nous ajournons donc nos travaux au 29 mai, vendredi, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 57)