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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 6 mai 1999 - Vol. 36 N° 27

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Table des matières

Affaires du jour

Présence du haut-commissaire de la République de l'Inde, M. Rajanikanta Verma

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonjour à tous! Veuillez vous asseoir.


Affaires du jour


Projet de loi n° 27


Adoption du principe

Aux affaires du jour, ce matin, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 27, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager. Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, la parole est à vous.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, nous abordons l'étude du projet de loi n° 27, qui vient modifier la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager.

Vous savez que notre loi, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, impose des principes très stricts de confidentialité – et c'est heureux, M. le Président – en ce qui concerne les dossiers des patients. Cependant, pour faciliter la recherche médicale et l'enseignement, la loi permet, et cela depuis fort longtemps, au directeur des services professionnels d'un établissement d'autoriser les professionnels de la santé oeuvrant en recherche ou en enseignement à consulter les dossiers des usagers sans le consentement de ces derniers.

Or, il y a eu une décision de la Cour d'appel du Québec qui est venue, si je puis dire, éclairer cette disposition de la loi, et le résultat de cette interprétation jurisprudentielle risque d'avoir des répercussions importantes sur la confidentialité des dossiers des patients. C'est donc dans ce contexte que nous soumettons à cette Assemblée le projet de loi n° 27, qui vient modifier la loi générale sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager.

Essentiellement, que vient faire le projet de loi dont nous entamons l'étude aujourd'hui? Il donne au directeur des services professionnels d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux, donc dans un hôpital ou dans un CLSC ou dans un autre type d'établissement où existe bien sûr un directeur des services professionnels, il donne donc à ce directeur des services professionnels les outils nécessaires à l'exercice de ses responsabilités à l'égard de la confidentialité des dossiers des usagers dans le cadre d'activités de recherche.

Premièrement, il vient imposer au directeur des services professionnels l'obligation de déterminer une durée à l'accès aux dossiers des usagers par le chercheur. Pourquoi proposer une telle mesure? Parce que l'accès aux dossiers des usagers à des fins de recherche, surtout lorsque ce dossier contient des données médicales, cela constitue, on va en convenir facilement, une incursion dans la vie privée des personnes, qui bien sûr peut être légitime dans le cadre d'activités précises, dont celle de la recherche, mais pour autant que l'on en détermine les conditions et qu'on en balise l'exercice. Il est donc normal et approprié de limiter dans le temps l'autorisation qui va être accordée aux chercheurs, et cette autorisation est, et il faut le rappeler, un privilège que confère le statut de chercheur, et ce n'est pas un droit. Que l'on songe seulement aux données génétiques qui peuvent être contenues dans les dossiers médicaux. On sait l'état d'avancement de la science qui, tous les jours, fait des pas de géant. Alors, on peut imaginer tout ce qu'on peut retrouver dans un dossier médical concernant les données génétiques.

Or, s'il y a des renseignements confidentiels parmi les renseignements confidentiels, ce sont sûrement ceux-là. On comprend dès lors que l'accès à ce type de renseignements ne puisse être accordé pour un temps illimité. Nous limitons donc le temps. Sans imposer cependant de durée précise dans la loi, il y a une disposition qui oblige le directeur à fixer une limite à l'accès et ça obligera aussi le chercheur à redemander une autorisation si, à la date fixée par le directeur des services professionnels, son étude n'est pas terminée; donc un mécanisme pour s'assurer que cette demande va être éventuellement représentée. Cela va permettre à ce moment-là au directeur des services professionnels de réévaluer la pertinence de maintenir l'accès et ça constituera aussi une forme de suivi périodique des projets de recherche.

De plus, si on compare les dispositions de l'article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et les dispositions de l'article 125 de la Loi sur l'accès aux documents des services publics et sur la protection des renseignements personnels, on constate que cette dernière loi impose à la Commission d'accès à l'information l'obligation de fixer une durée lorsqu'elle accorde à une personne l'autorisation de recevoir, à des fins d'étude, de recherche ou de statistiques, la communication de renseignements nominatifs. Déterminer, donc, une telle limite dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux introduit, nous semble-t-il, une cohérence juridique normale entre les deux textes.

(10 h 10)

Le cadre juridique actuel, lequel se définit maintenant à la lumière du jugement de la Cour d'appel, ne permet au directeur des services professionnels d'un établissement d'examiner que trois aspects d'une demande d'accès au dossier pour des fins de recherche. Le chercheur doit lui démontrer que les motifs de la recherche ne sont pas frivoles, que le but de la recherche ne peut être atteint que par l'accès à des données nominatives et que les données seront utilisées en respectant leur caractère confidentiel. Une fois ces conditions satisfaites, le directeur est tenu de donner accès au dossier, même si d'autres raisons pouvaient être légitimement invoquées soit pour reporter dans le temps ou pour refuser l'accès au dossier. La tenue simultanée de plusieurs projets de recherche avec la même population, sur un même sujet, pourrait être un exemple de cela.

Alors, la seconde mesure de ce projet de loi vient, en conséquence, donner au directeur des services professionnels le pouvoir de refuser l'accès à une demande de renseignement s'il est d'avis que le projet ne respecte pas les normes éthiques ou d'intégrité scientifique généralement reconnues. Vous le comprenez, il s'agit ici de donner au directeur des services professionnels les moyens du pouvoir que lui accorde par ailleurs la loi.

Comment le directeur des services professionnels peut-il se faire une opinion concernant les aspects éthiques d'un projet de recherche? Il peut, par exemple, consulter le comité d'éthique de son établissement, si bien sûr son établissement en a un. Il peut demander aussi l'avis d'un comité d'éthique d'un autre établissement avant d'exercer son pouvoir discrétionnaire. Et il peut finalement se limiter à l'avis du comité d'éthique que le chercheur lui aura fourni.

Ce projet de loi et les dispositions qu'il contient sont cohérents avec les lignes directrices nationales, mais aussi internationales en matière d'éthique de la recherche et d'intégrité scientifique, en effet, que ce soient les organismes subventionnaires, tels le Fonds de la recherche en santé du Québec ou le Conseil québécois de la recherche sociale, le guide d'éthique des trois conseils canadiens ou le plan d'action ministériel en éthique de la recherche et en intégrité scientifique qui a été rendu public en juin 1998 – qui est ce plan ministériel que j'ai ici, M. le Président – par le ministre de la Santé et des Services sociaux. Donc, dans tous ces cas et dans tous ces textes, encore là, qu'ils soient nationaux ou internationaux, il s'inspire largement des grandes déclarations internationales qui rapprochent au plus près la responsabilité de l'institution auprès de laquelle sont recrutés les sujets.

Donc, conformément à l'ensemble des textes internationaux en la matière, toute recherche biomédicale ou sociale doit respecter des standards élevés en éthique de la recherche et en intégrité scientifique. Permettre aux directeurs de s'en assurer ne constitue finalement qu'une protection de plus pour la population visée.

Le plan d'action ministériel en éthique de la recherche et en intégrité scientifique consacre le principe de la responsabilité institutionnelle et de l'imputabilité des établissements au regard des activités de recherche et recommande, conformément à l'ensemble des directives internationales en matière de recherche, l'examen de celles-ci par un comité d'éthique. Alors, la mesure proposée a pour effet d'étendre la notion de responsabilité institutionnelle à l'égard des activités de recherche à une responsabilité liée à la transmission des dossiers des personnes dans le cadre d'une activité de recherche exercée ailleurs que dans l'établissement.

Par ce projet de loi, nous venons aussi déterminer des règles minimales en matière de consentement de l'usager à la communication de son dossier dans le cadre d'activités de recherche. En concordance avec ce que l'on retrouve déjà dans la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le consentement de l'usager à la communication de son dossier, dans le cadre d'une activité de recherche, doit être donné par écrit. Il doit aussi, selon l'expression consacrée, ce consentement, être libre et éclairé et accordé pour une activité précise, limitée dans le temps. Finalement, en concordance, le projet de loi apporte des modifications similaires à la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris.

Faut-il vous le rappeler, M. le Président, et le rappeler aux membres de cette Assemblée, le Québec fait actuellement figure de chef de file au plan de l'éthique de la recherche, et, en cela, nous assumons pleinement les responsabilités qui sont les nôtres. Ce projet de loi n'est donc pas un geste isolé; il s'inscrit dans une série d'actions, et je crois qu'il convient de les rappeler.

Premièrement, la publication de ce plan d'action ministériel en éthique de la recherche et en intégrité scientifique. En effet, ce plan d'action ministériel a été déposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, député de Charlesbourg, qui a occupé la fonction que j'occupe maintenant, jusqu'à il y a quelques mois, et qui, dans le cadre de ses fonctions, avait rendu public ce plan d'action dont nous sommes d'ailleurs particulièrement fiers, M. le Président. Ce qu'on y retrouve, dans ce plan d'action, ce sont essentiellement les principes de l'action, les objectifs que l'on poursuit par cet encadrement éthique de la recherche et en intégrité scientifique, les objectifs poursuivis donc, les mesures que l'on souhaite retenir et appliquer. On pense aux mesures d'encadrement qui sont sous la responsabilité des établissements: le cadre réglementaire, le triple examen des projets de recherche – ce à quoi je faisais référence – la transparence du processus, la protection des personnes, les comités d'éthique de la recherche, les médicaments d'expérimentation.

On y parle aussi des types de mesures qui sont sous la responsabilité des organismes subventionnaires de recherche de même que les mesures qui visent à baliser les activités non encadrées sous la responsabilité des regroupements professionnels. Enfin, les mesures sous la responsabilité du gouvernement du Québec, du ministère de la Santé et des Services sociaux de même que des régies régionales.

Et nous rappelons à ce moment-là les normes de fonctionnement quant aux conditions d'exercice des comités d'éthique de la recherche qui sont désignés par la ministre, donc les normes de fonctionnement qui concernent autant le mandat des comités d'éthique: la composition, la durée des mandats, leur rattachement, la nomination, les modes de désignation, l'examen éthique, les responsabilités des conseils d'administration à l'endroit des comités d'éthique, le suivi, les conflits d'intérêts, les mécanismes d'approbation pour les institutions qui ne disposent pas de comité d'éthique, l'obligation de rendre des comptes – donc la reddition de comptes – les visites de contrôle, la révocation et un certain nombre de dispositions particulières. Cela vous dit bien, M. le Président, que ce ne sont pas des choses que nous prenons à la légère, loin de là.

Nous savons comment, par ailleurs, ces recherches peuvent avoir des conséquences en termes d'avancement justement de la science et d'avancement des technologies médicales, de découvertes parfois qui nous permettent de sauver des milliers de vies. Et, donc, en ce sens, c'est important bien sûr de procéder aux recherches, de les accompagner, de les appuyer, de les aider même financièrement, mais sans pour autant renoncer à notre obligation de les encadrer. Et c'est en ce sens-là, donc, que le projet de loi qui est devant nous – je le répète – n'est pas un geste isolé. La publication de ce plan d'action en est la preuve.

Ensuite, nous avons procédé aussi à une modification à l'article 21 du Code civil en matière de protection des personnes mineures et majeures inaptes dans le cadre d'activités de recherche. Un geste important que nous avons posé. Nous avons publié les normes et standards – j'y faisais référence – des fonctionnements des comités d'éthique de la recherche désignés par la ministre en vertu du nouvel article 21, la désignation des comités d'éthique de la recherche qui sont chargés de l'examen et du suivi des projets de recherche avec des personnes mineures et majeures inaptes, la mise en place du comité de suivi à l'implantation du plan d'action en matière d'éthique de la recherche.

Et, avant de conclure, M. le Président, j'aimerais aussi informer les membres de notre Assemblée que nous avons reçu un avis de la Commission d'accès à l'information. Cet avis nous a d'ailleurs amenés à modifier dans le premier projet que nous avions soumis certains articles de la loi pour tenir compte justement du point de vue de la Commission d'accès. Je vous lis d'ailleurs ce que celle-ci nous dit, par ailleurs, sur les deux autres articles du projet de loi où elle a émis un avis.

(10 h 20)

On a dit: «La Commission d'accès à l'information n'entend pas s'opposer à l'ajout des articles 19.1 et 19.2. Selon elle, ces nouvelles dispositions atteignent l'objectif recherché, soit un meilleur encadrement des autorisations de communication de renseignements personnels données par les directeurs des services professionnels.» Et, quant à l'article 24, la Commission croyait qu'il était souhaitable d'en modifier la rédaction afin d'éviter une interprétation qui laisserait sous-entendre que la communication prévue à la disposition de l'article 24 doit obligatoirement et dans tous les cas respecter les conditions du consentement énoncé à l'article 19.1.

Donc, elle nous soumet que l'article 24 pourrait en effet laisser croire qu'un usager qui a demandé à un établissement de faire parvenir son dossier à un autre établissement ou à un professionnel doit fournir préalablement un consentement écrit, même si cette communication n'est pas faite à des fins d'enseignement, d'études ou de recherche. Elle nous a demandé de corriger cet article, ce que nous avons fait, et donc, dans le projet de loi qui est devant nous, nous avons déjà tenu compte de l'avis de la Commission d'accès à l'information.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi que nous examinons vient renforcer le dispositif de protection des personnes que nous avons mis en place sans pour autant freiner inutilement les activités de recherche. Nous avons toujours le souci de maintenir cet équilibre. Même si, pour une raison ou une autre, il devait être rompu, il est clair que ce serait en faveur de la protection des personnes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux. Alors, je rappelle que nous sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi n° 27, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager. Je cède la parole maintenant à Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et députée de Bourassa. Mme la députée, la parole est à vous.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, merci. Nous sommes présentement rendus à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 27, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager.

Permettez-moi d'abord d'indiquer que le projet de loi n° 27 a été déposé le 27 avril dernier. Il comprend six articles. À ma connaissance, et je peux me tromper, la ministre de la Santé et des Services sociaux n'a jamais indiqué qu'elle déposerait un projet de loi visant à modifier les articles 19 et 24 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, lesquels s'intéressent, d'une part, à la confidentialité du dossier de l'usager et, d'autre part, à la communication à un autre établissement ou à un professionnel d'une copie, d'un extrait ou d'un résumé du dossier de l'usager.

La ministre n'avait pas antérieurement précisé les motifs qui amènent le gouvernement du Parti québécois à modifier les articles 19 et 24 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Le projet de loi serait, selon les précisions que Mme la ministre vient d'apporter en cette Chambre, une réponse à la décision rendue par la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Maziade. J'imagine, M. le Président, que la ministre de la Santé pourra plus amplement expliciter le ou les motifs qui amènent le gouvernement du Parti québécois à modifier les articles 19 et 24 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Grosso modo, M. le Président, les modifications proposées soulèvent des interrogations. Je ne les aborderai pas toutes à ce stade-ci, mais permettez-moi cependant, dans le cadre de ce débat sur l'adoption de principe, d'aborder celles qui nous paraissent ou qui nous semblent les plus importantes.

L'article 1 du projet de loi vient modifier l'article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux par le remplacement, dans les deuxième et troisième lignes du premier alinéa, du mot «autorisation» par les mots «le consentement». Cette modification m'apparaît positive puisque, tel que le précisent Mmes Pauline Lesage-Jarjoura, Suzanne Phillips-Nootens et M. Jean Lessard à la page 130 de leur ouvrage intitulé Éléments de responsabilité civile et médicale , «le consentement est la manifestation de la volonté expresse ou tacite par laquelle une personne approuve un acte que doit accomplir une autre personne. Il est donc – le consentement – plus qu'une simple autorisation.» En effet, comme le rappellent ces auteurs, l'obtention du consentement s'avère un moyen de promouvoir au maximum le respect de la personne, de protéger son autonomie et de protéger également son intégrité. Conséquemment, encore une fois, cette modification nous paraît positive.

M. le Président, je crois utile et même important d'informer les membres de cette Chambre que l'article 19 maintient le principe de la confidentialité du dossier de l'usager, principe qui constitue un droit fondamental de la personne. En effet, l'article 19 du projet de loi énonce très clairement que le dossier de l'usager est confidentiel et que nul ne peut y avoir accès sans son consentement.

Je reprends ici le terme «consentement», vu les modifications proposées aux deuxième et troisième lignes du premier alinéa de l'article précité. L'article 19, M. le Président, pour vous permettre de nous suivre parce que c'est quand même très technique, devrait donc se lire comme suit: «Le dossier d'un usager est confidentiel, et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec le consentement de l'usager ou le consentement de la personne pouvant donner ce consentement en son nom.»

L'article 2 du projet de loi vient modifier l'actuelle Loi sur les services de santé et les services sociaux en insérant, après l'article 19, les articles 19.1 et 19.2. L'article 19.1 vient préciser que «le consentement de l'usager à une demande d'accès à son dossier à des fins d'étude, d'enseignement ou de recherche doit être donné par écrit; il doit être libre et éclairé, et accordé pour une activité précise».

À première vue, M. le Président, le terme «activité» ne me semble pas des plus appropriés. Nul doute, M. le Président, que l'étude article par article du projet de loi n° 27 nous permettra d'obtenir de la ministre de la Santé et des Services sociaux des informations plus précises quant à l'utilisation de ce terme. La ministre de la Santé pourra certes probablement nous indiquer à quoi le terme «activité» réfère plus spécifiquement.

Ce terme réfère-t-il à autre chose qu'à un projet de recherche approuvé par un comité d'éthique? Si ce terme, M. le Président, ne réfère pas à autre chose qu'à un projet de recherche approuvé par un comité d'éthique, alors il m'apparaît que le deuxième alinéa de l'article 19.1 est ambigu tel qu'il est actuellement libellé. Il me semble, en effet, qu'il sème la confusion en laissant sous-entendre qu'il ne réfère qu'à un projet de recherche approuvé par un comité d'éthique alors qu'en fait, comme me le faisait remarquer un éminent juriste et éthicien, tous les projets de recherche doivent être approuvés par un comité d'éthique de la recherche. Nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, lors de l'étude article par article du projet de loi n° 27, de revenir sur cette ambiguïté qui devra être clarifiée par la ministre de la Santé et des Services sociaux pour qu'il soit bien clair que tous les projets de recherche doivent être soumis à la règle édictée à l'article 19.1, ce qui ne nous semble pas être le cas actuellement.

(10 h 30)

Quant à l'article 19.2, M. le Président, cet article énonce que, «malgré l'article 19, le directeur des services professionnels d'un établissement ou, à défaut d'un tel directeur, le directeur général peut autoriser un professionnel à prendre connaissance du dossier d'un usager, à des fins d'étude, d'enseignement ou de recherche, sans le consentement de ce dernier». La ministre de la Santé pourra certainement nous expliquer, en commission parlementaire, dans quel cas une autorisation est donnée. Est-ce dans tous les cas ou seulement lorsqu'il n'est pas possible pour le directeur de retracer l'usager?

L'article 19.2 introduit par le projet de loi n° 27 vient préciser que le directeur général doit cependant, avant d'accorder une telle autorisation, s'assurer que les critères de confidentialité établis par l'article 125 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels sont satisfaits. Cet article vient spécifier en plus que le directeur peut refuser d'accorder son autorisation s'il est d'avis que le projet du professionnel ne respecte pas les normes d'éthique ou d'intégrité scientifique généralement reconnues.

L'article précise, en dernier lieu, que l'autorisation doit être limitée dans le temps et qu'elle peut être assortie de conditions. De même, elle peut être révoquée en tout temps si le directeur a des raisons de croire que le professionnel autorisé ne respecte pas le caractère confidentiel des renseignements ainsi obtenus ou ne se conforme pas aux conditions imposées ou ne se conforme pas aux normes d'éthique ou d'intégrité scientifique généralement reconnues.

M. le Président, à première vue ces modifications nous semblent positives. Nous pourrons, là encore, en commission parlementaire, faire valoir quelques observations ou recommandations quant aux pouvoirs accordés au directeur des services professionnels ou au directeur général. Par exemple, en ce qui concerne la recherche, sera-t-il suffisamment informé avant de décider s'il doit ou non donner accès au dossier d'un usager pour des fins de recherche? Comment le directeur des services professionnels ou le directeur général va-t-il s'assurer que le projet de recherche du professionnel respecte les normes d'éthique ou d'intégrité scientifique généralement reconnues? Comment pourra-t-il s'assurer du suivi du projet du professionnel? Voilà des questions qui, déjà, se soulèvent quant à cet article.

L'article 3 du projet de loi, M. le Président, vise, quant à lui, le transfert d'une copie, d'un extrait ou d'un résumé du dossier de l'usager. Cet article propose donc des modifications à l'actuel article 24 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Le premier alinéa de l'article 3 propose l'obligation à tout établissement qui reçoit une demande d'un usager de faire parvenir à un autre établissement ou à un professionnel une copie, un extrait ou un résumé de son dossier.

Toutefois, M. le Président, l'alinéa 2 de l'article 3 nous semble ambigu. En effet, cet alinéa réfère à une demande faite à des fins d'étude, d'enseignement ou de recherche sans préciser pour autant de qui cette demande émane, de qui elle provient, donc qui formule la demande. S'agit-il de l'usager ou d'une tierce personne? Le libellé est muet à ce sujet, puisqu'il ne le précise pas.

De plus, M. le Président, l'obligation de demander le consentement écrit de l'usager semble être laissée à la discrétion de l'établissement qui peut exiger un consentement écrit. En indiquant le terme «peut» au lieu du terme «doit», la ministre de la Santé semble vouloir, involontairement j'en suis certaine, créer des modalités différentes quant au transfert d'une copie, d'un extrait ou d'un résumé du dossier de l'usager.

M. le Président, vous comprendrez donc, en conséquence, que cet article soulève également chez nous des interrogations. La ministre devra donc également, à cet égard, apporter, lors des discussions en commission parlementaire, les précisions ou les distinctions qui nous semblent s'imposer.

L'article 4 du projet de loi propose des modifications à l'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris.

Enfin, M. le Président, quant à l'article 5 du projet de loi, il vient proposer des modifications à l'article 3 de l'annexe I de la Loi sur la justice administrative. Il nous apparaît qu'il s'agit de modifications de concordance.

M. le Président, de prime abord, l'article 19 du projet de loi vient resserrer certains critères pour protéger la confidentialité du dossier de l'usager. Cependant, les articles 19.1 et 19.2 soulèvent quelques interrogations et nous croyons encore une fois et nous réitérons que des précisions devront être apportées. De même, au niveau de la demande de transfert, soit l'article 24, nous soumettons également qu'il y a des ambiguïtés. Ces ambiguïtés devront, de la même façon, être revues et corrigées.

Donc, M. le Président, à ce stade-ci, vous comprendrez, pour les raisons énumérées, que l'opposition officielle ne peut donner son accord de principe sur le projet de loi n° 27 tel qu'il est actuellement libellé.

L'étude article par article du projet de loi nous permettra de proposer certaines modifications. Je veux cependant, dès maintenant, M. le Président, rassurer la ministre de la Santé. Les modifications que nous déposerons seront proposées dans un esprit constructif. Je veux donc assurer la ministre de la Santé de notre collaboration la plus entière le moment venu. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, Mme la députée de Bourassa, de votre intervention. Alors, je vais céder maintenant la parole à M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires autochtones et président de la commission de l'administration publique, le député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, ça me fait plaisir de participer au débat de principe du projet de loi n° 27, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager, Bill 27, An Act to amend the Act respecting health services and social services as regards access to users'records.

Et, moi, je veux intervenir avant tout, M. le Président, sur la forme plutôt que le fond de ce projet de loi. Parce que qu'est-ce qu'on a devant nous, c'est encore une fois un exemple flagrant de l'écart ou de la distance entre le beau discours de ce gouvernement en matière autochtone et la réalité, comment il pratique sa politique. Le gouvernement a publié il y a un an une politique basée sur le partenariat. Il en avait long à dire, qu'on va établir les partenariats, qu'on va travailler avec les représentants des premières nations afin d'avoir une meilleure harmonie dans nos relations avec les peuples autochtones. Des fins louables, M. le Président. De notre côté de la Chambre, on a appuyé le gouvernement, on a travaillé de concert avec le ministre délégué aux Affaires autochtones parce que c'est, d'une certaine façon, un dossier non partisan ou bipartisan. Parce que, vraiment, on a des faits historiques à corriger avec nos relations avec les premières nations.

Mais, au-delà du beau discours de ce gouvernement et de ce ministre, il faut aller dans le quotidien, M. le Président, et voir comment est-ce qu'on gère nos dossiers. Et, dans le projet de loi qui est devant nous, les Cris, qui sont touchés par l'article 4 qui va changer la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris, ne sont pas du tout consultés, ni avisés, ni informés de ce projet de loi. Il faut le faire, M. le Président. Ce gouvernement qui prône d'être les partenaires et les personnes qui vont travailler avec les peuples autochtones, on est en train de faire des changements importants sur le traitement des dossiers médicaux des peuples cris et on ne les a même pas avisés.

(10 h 40)

C'est le député de l'opposition qui a pris la peine, au moins, par un fax – ce n'est pas trop compliqué, M. le Président... J'ai mis le projet de loi dans le fax, j'ai envoyé ça au Grand Conseil des Cris, j'ai envoyé ça à la Régie régionale de la santé et des services sociaux crie pour qu'ils puissent analyser notre projet de loi. Alors, si un député de l'opposition, avec des moyens limités, est capable de le faire, j'imagine que le ministère de la Santé, avec des milliers de fonctionnaires, il doit y avoir quelqu'un ou quelqu'un dans l'entourage de la ministre qui est capable de faire la même chose. Mais non. Et ce n'est pas la première fois, M. le Président.

Si c'était juste la première fois que ce gouvernement faisait ça, on pourrait dire que c'est un accident de parcours, mais on a rencontré la même chose dans la création de l'Agence métropolitaine de transport qui touchait les communautés mohawks dans la région montréalaise. Est-ce qu'on a pris la peine de les aviser? Pas du tout. On a légiféré. On a fait des changements dans leur vie sans consulter nos soi-disant partenaires. Il faut le faire, M. le Président!

On a fait la même chose dans la question de l'environnement. On a fait des changements dans les règlements du jeu dans la protection de l'environnement en territoire autochtone sans même les aviser qu'il y aurait un projet de loi à l'Assemblée nationale.

Alors, comment est-ce qu'on peut croire un gouvernement qui publie des beaux documents, qui dit qu'on va créer des partenariats, qu'on va travailler en étroite collaboration avec les peuples autochtones, mais, quand quelque chose comme ça va toucher le traitement de leurs dossiers médicaux, on n'a même pas le souci de les en aviser? Je ne comprends pas. Honnêtement, je vois la ministre qui a pris tous les beaux engagements... Mais, comme je dis, ce n'est pas uniquement ce dossier.

Il y a quelques semaines, il y avait une crise au Grand Nord pour la question des services des infirmières. Oui, le dossier a été réglé, mais ni les Cris, ni les Inuit, ni les communautés qui sont directement touchées n'étaient à la table, même comme observateurs. Je sais que le lien employeur–employés est établi entre le ministère même et la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. Mais, quand même, de discuter les services essentiels de base devant la menace d'une démission en bloc... Et on n'a même pas trouvé une place à la table pour qu'ils puissent être au courant. Alors, ils ont dû suivre ça dans les journaux, comme vous et moi, M. le Président. Il faut le faire! Ça, c'est les services essentiels dans ces communautés. Ils ne les ont même pas associés avec le processus. Ça, c'est le gouvernement qui se vante qu'on a des partenaires privilégiés, bla, bla, bla!

Alors, il y a certains moments où il faut passer aux actes, au-delà des beaux discours. Il y a eu un travail très important de fait avec le ministre précédent, le député de Charlesbourg, pour améliorer la qualité des services dans les communautés cries, mais, à cause d'un litige et du fait que le ministre délégué des Affaires autochtones est malheureux maintenant, on a cessé les discussions sur comment on va améliorer les services de santé dans les communautés cries. Pas de réunion depuis deux mois, maintenant, aucun progrès sur ces dossiers, qui n'ont rien à voir avec un litige forestier.

Le ministre a bien expliqué en commission parlementaire que, sur la question du litige forestier, si les Cris veulent aller en cour, c'est leur propre choix, mais on va suspendre les négociations. Il y a une certaine logique à ça, M. le Président. Mais dire en même temps pour les discussions comment on va bonifier la qualité des services de santé et les services sociaux dans les communautés cries: On va mettre fin à ces discussions aussi tant et aussi longtemps qu'on ne cède pas nos droits dans l'autre litige, il y a des mots pour des choses comme ça, M. le Président. Je n'utiliserai pas ça ici. Mais je ne vois pas le lien, comment on ne peut pas discuter avec nos partenaires cris ce dossier essentiel.

I come back to it, Mr. Speaker, because I think it's very important. This Government has said over and over again what great friends they are of the First Nations, how they are going to work with people of aboriginal background. We have another example before us, this morning, where the treatment of medical files... The Crees were not even consulted. This bill before us, article 4 of the bill before us changes how those medical records are going to be treated. Out of simple courtesy with our partners, I think someone amongst the thousands of people working at the Department of Health and Social Services or someone working in the cabinet of the Minister should have said: Well, maybe we should find out what the Crees think about this, because they're the ones who have to live with it, they're the people who are going to be changed and who are going to be affected by this law.

But once again the enormous gap between the discourse of this Government and the actions of this Government is revealed. Because they're wonderful on big speeches. The English community got a wonderful speech at the Centaur Theater three years ago, but when it came to concrete acts like having health plans for the English-speaking community, well, that was a lot more difficult to do, to put something into place, to put something into action. This Government is not too good on that.

Alors, on a eu le même phénomène ici: la ministre, assise ici, à Québec, n'a pas osé envoyer un avis ni au Grand Conseil des Cris ni à la Régie régionale de santé et services sociaux crie pour les aviser qu'elle est en train de modifier leur loi. Est-ce qu'ils ont des commentaires? Je pense que c'est une politesse élémentaire, M. le Président, et ce que la ministre n'a pas fait. Qu'elle n'ait pas pris la peine de les aviser m'étonne.

Alors, moi, j'ai pris la peine. Moi, je vais réserver le commentaire sur le fond parce que c'est les communautés cries qui sont visées, c'est les dirigeants des services de santé et services sociaux dans les communautés cries qui doivent appliquer la loi. Alors, je vais attendre ce qu'ils ont à dire sur le sujet. On aura l'occasion d'en parler en commission parlementaire. Mais, comme je dis, ils n'ont même pas eu le temps de regarder comme il faut le projet de loi. Ils ne veulent pas, à ce stade-ci, se prononcer ni pour ni contre. Mais ils m'ont dit qu'ils trouvent, encore une fois... parce que ce n'est pas la première fois que ce gouvernement a décidé d'adopter une loi, de légiférer et de ne même pas les consulter. Quel beau partenariat, M. le Président!

Alors, moi, je vais joindre ma voix à celle de ma collègue de Bourassa, on va voter contre le principe parce que je ne peux pas acheter un chèque en blanc. Et, vu que ce gouvernement n'a pas pris la peine de consulter nos partenaires chez les Cris sur leur avis sur le projet de loi qui est devant la Chambre ce matin, je vais voter contre. Et, en commission parlementaire, si, sur la question de fond, il y a des choses à soulever, je m'engage auprès de la communauté crie à le faire. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, n'ayant pas d'autres intervenants, Mme la ministre, pour votre droit de réplique.


Mme Pauline Marois (réplique)

Mme Marois: Très rapidement, M. le Président. Bon, je pense que, par rapport aux commentaires qui ont été apportés, je crois qu'on éclairera les choses sûrement en commission et ça nous permettra de saisir les tenants et les aboutissants de chaque article de la Loi, de la clarifier s'il y a lieu ou de la préciser. D'ailleurs, c'est pour cela que nous nous retrouvons en commission.

Je suis un petit peu étonnée quand même de l'intervention du député de Jacques-Cartier – vous allez me permettre de le dire, puisque c'est mon temps de réplique – parce que, dans le cas présent, ce n'est que de la concordance et je ne crois pas que les peuples autochtones soient au-dessus des lois et ne soient pas soumis aux lois générales. Or, dans le cas présent, ce sont des lois qui concernent des règles d'éthique. Mais les règles d'éthique, qu'on soit à Kuujjuaq ou qu'on soit à Montréal, j'imagine, doivent être les mêmes règles d'éthique.

Alors, j'ai été un petit peu étonnée de la charge du député de Jacques-Cartier, notre intention n'étant absolument pas et d'aucune espèce de façon de ne pas consulter ou informer les personnes concernées par notre projet de loi, dont, entre autres, évidemment la communauté autochtone crie. Et, au contraire, nous avons déjà posé un grand nombre de gestes au quotidien. Je l'ai fait dans le ministère où j'ai occupé précédemment des fonctions, à l'Éducation, j'avais régulièrement des contacts avec les peuples autochtones, et, en ce sens, il ne faut pas y voir là quelque intention d'aucune espèce de façon de vouloir leur cacher une modification que nous apporterions à une loi qui les concerne.

(10 h 50)

Mais on se comprend que, dans le cas présent, et c'est la règle dans toutes nos lois, M. le Président – vous êtes d'ailleurs un parlementaire aguerri et vous le savez – nous devons procéder à de la concordance. Et c'est comme une sorte d'automatisme, finalement. Et, dans le cas présent, en plus, comme il s'agit de règles d'éthique, qu'il s'agit des suites d'un jugement, je ne crois pas que l'on puisse contester ses modalités, dire qu'on devrait le dire autrement, être plus précis, ne pas ouvrir autant – ça, je pense que c'est le loisir que nous aurons d'ailleurs en commission parlementaire.

Mais, quant à la question des autochtones, je peux vous dire qu'il n'y a aucune intention de notre part de ne pas ni les consulter ni les associer. Absolument pas. Nous sommes tout à fait d'accord qu'il faille le faire. Mais, en même temps, il y a, je le répète, certains processus de modification des lois, et sur le fond et sur la forme, qui généralement ne posent pas de difficulté même si les gens ne sont pas formellement et nommément informés sur l'un ou l'autre des articles. Mais, cela étant, je n'ai pas d'objection à le faire, M. le Président. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Ceci met fin au débat sur le projet de loi n° 27, quant à l'adoption du principe. Le principe du projet de loi n° 27, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux en matière d'accès au dossier de l'usager, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Brassard: Oui. Alors, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Alors, la motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, j'attends ma collègue ministre de la Justice. Je vous demanderais peut-être de suspendre quelques minutes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Comme j'attends mon collègue, le critique en matière de justice...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vu que vous attendez tous les deux quelqu'un, on va suspendre les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 52)

(Reprise à 11 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons reprendre nos travaux. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer la suite des choses.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 29 du feuilleton.


Motions du gouvernement


Motion proposant de fixer la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 29 du feuilleton, motions du gouvernement, Mme la ministre de la Justice présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale fasse siennes la position et les justifications du gouvernement exposées dans le document déposé le 5 mai 1999 par la ministre de la Justice; et

«1° En ce qui concerne les juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, Montréal et Québec:

«Approuve les recommandations 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 10 du Rapport du Comité de la rémunération des juges, déposé à l'Assemblée nationale le 21 octobre 1998 et portant le numéro de dépôt 1880-981021;

«Modifie la recommandation 1 du Comité, de façon à ce que leur traitement annuel soit fixé à 118 032 $ au 1er juillet 1998, à 120 393 $ au 1er juillet 1999 et à 122 801 $ au 1er juillet 2000;

«Approuve la recommandation 4 du Comité sur la base du traitement annuel prévu par la présente motion;

«Approuve la recommandation 9 du Comité en portant de 800 $ à 1 000 $ le montant de l'allocation à compter du 1er juillet 1998;

«2° En ce qui concerne les juges des cours municipales auxquelles s'applique la Loi sur les cours municipales:

«Approuve les recommandations 3, 4, 5 et 6 du Rapport du même Comité, déposé à l'Assemblée nationale le 21 octobre 1998 et portant le numéro de dépôt 1880-981021;

«Modifie la recommandation 1 du comité relative à la rémunération par séance et par jour, de façon à ce que, à compter du 1er janvier 1999, leur rémunération soit fixée ainsi: 260 $ pour une séance de moins de deux heures; 520 $ par séance d'au moins deux heures et d'au plus cinq heures; 1 040 $ pour une séance de plus de cinq heures; 1 040 $ pour la rémunération journalière maximale;

«Rejette la recommandation 2 du Comité relative à la rémunération annuelle maximale, de façon à maintenir la règle actuelle prévue au paragraphe 3° de l'article 1 du décret 747-89 du 17 mai 1989.»

Alors, ceci met fin à la motion. Je vais céder la parole maintenant à Mme la ministre de la Justice. Mme la ministre.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de cette motion et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

La motion qui est présentée aujourd'hui à l'Assemblée nationale est inédite. Elle résulte de l'application pour la première fois des nouvelles dispositions que le législateur québécois a introduites en 1997 dans notre Loi sur les tribunaux judiciaires. Considérant le caractère particulier du pouvoir qui revient ici à l'Assemblée nationale, il importe de le situer dans son contexte juridique et historique.

Ces nouvelles dispositions de la Loi sur les tribunaux judiciaires résultent d'une décision de la Cour suprême du Canada rendue en septembre 1997.

Dans l'affaire du renvoi sur la rémunération des juges, cette Cour a établi un nouveau régime d'ensemble pour la détermination de la rémunération des juges. Désormais, toute modification au traitement des juges, à leur régime de retraite et à leurs autres avantages sociaux est soumise à un processus d'analyse préalable, obligatoire, confiée à un organisme indépendant, efficace et objectif, le Comité de la rémunération des juges.

(11 h 10)

Mettant en oeuvre son obligation constitutionnelle d'établir un processus de détermination de la rémunération des juges conforme aux paramètres dégagés par la Cour suprême, l'Assemblée nationale adoptait le 12 décembre 1997 la Loi concernant la rémunération des juges. Cette loi, entrée en vigueur le 18 décembre 1997, est venue modifier la Loi sur les tribunaux judiciaires en vue d'instituer le Comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales. Celui-ci a notamment pour fonction d'évaluer, à tous les trois ans, si la rémunération de ces juges est adéquate, d'en faire rapport au gouvernement et de lui transmettre ses recommandations à cet égard.

Nous avons respecté et la lettre et l'esprit du jugement de la Cour suprême. Désormais, ni le gouvernement ni l'Assemblée nationale ne peuvent modifier la rémunération des juges avant d'avoir reçu le rapport comportant les recommandations de ce Comité. Et, pour que ces recommandations aient un effet concret dans le processus de détermination de la rémunération des juges, nous avons l'obligation de répondre formellement au rapport du Comité dans un délai déterminé et de justifier notre décision de rejeter ou de modifier une ou plusieurs des recommandations du Comité. C'est l'objet même de la motion que nous débattons aujourd'hui.

Ce nouveau régime met fin aux négociations entre le pouvoir judiciaire et les pouvoirs exécutif et législatif, de telles négociations étant jugées contraires au principe de l'indépendance judiciaire. Le Comité a exercé ses attributions en deux formations: la première pour les juges de la Cour du Québec et les cours municipales de Laval, de Montréal et de Québec, qui siègent toutes à temps plein, et la seconde pour les juges des autres cours municipales qui, pour la plupart, siègent à temps partiel. Dans le cadre de ses fonctions, le Comité a reçu les observations des représentants de la magistrature du gouvernement et, dans le cas des cours municipales, des autorités municipales concernées, de l'UMQ et de l'UMRCQ.

La Loi sur les tribunaux judiciaires énonce à l'article 246.42 les facteurs sur lesquels le Comité doit appuyer ses recommandations. À l'égard des juges municipaux, le Comité a également tenu compte du fait que certains d'entre eux exercent leurs fonctions à temps partiel. Le rapport du Comité de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales, présidé par M. Claude Bisson, ancien juge en chef du Québec, a été remis le 4 août 1998 à mon prédécesseur, M. Serge Ménard, qui l'a déposé devant l'Assemblée nationale le 21 octobre 1998.

Il n'est pas nécessaire de reprendre ici les recommandations formulées par ce Comité. La majorité d'entre elles font l'objet d'une recommandation d'approbation intégrale. De fait, la principale recommandation où la position du gouvernement diverge de celle du Comité concerne le rattrapage à effectuer au 1er juillet 1998. Il faut se rappeler que les juges n'ont reçu aucune augmentation de traitement depuis 1992, leur traitement étant depuis lors 113 492 $. Le Comité recommande de porter ce salaire à 132 000 $, ce qui constituerait une augmentation de 16,4 %, alors que le gouvernement propose un rattrapage de 4 % qui porterait ce salaire à 118 032 $, toujours au 1er juillet 1998.

Aux plans juridique et institutionnel, un tel désaccord à l'égard d'une recommandation du Comité de la part de l'Assemblée nationale ne soulève pas de difficulté. La Loi sur les tribunaux judiciaires précise bien, tout comme le disait aussi la Cour suprême du Canada en 1997, qu'il revient à l'Assemblée nationale de prendre une décision finale en cette matière.

Ainsi, si la loi manifeste un très grand respect pour le principe de l'indépendance judiciaire dans l'évaluation du caractère adéquat de la rémunération des juges, elle reconnaît aussi la prépondérance d'un autre principe, celui de la souveraineté du Parlement, lorsque vient le temps d'exprimer à qui revient la décision finale en matière de gestion des fonds publics. La suprématie parlementaire est aussi une pierre d'assise de nos institutions démocratiques, et ce principe a conservé toute sa vigueur lorsqu'il est question de prélèvements fiscaux et de dépenses de deniers publics, ce qui est bien sûr le cas, ultimement, avec la motion discutée ici.

Comme la Cour suprême l'a rappelé dans son jugement sur la rémunération des juges, l'affectation des fonds publics relève de la compétence des assemblées législatives et, par l'entremise de celles-ci, de l'exécutif. D'ailleurs, le juge en chef de la Cour suprême indiquait bien, à cette occasion, que la dépense de fonds publics est une question intrinsèquement politique.

Si la loi a voulu que l'Assemblée nationale décide ultimement, elle a quand même exigé d'elle que sa décision soit motivée. Cela nous amène directement sur le plan de l'opportunité et même sur celui de la rationalité, car, il importe de le rappeler, la décision de l'Assemblée nationale pourra toujours, la Cour suprême l'ayant prescrit, faire l'objet, en dernier ressort, d'un examen par les tribunaux judiciaires.

Voilà donc, avec le plus grand respect pour l'analyse faite par les membres du Comité de la rémunération des juges, pourquoi le gouvernement croit qu'il est adéquat de corriger le traitement des juges de 4 % plutôt que de 16,4 % au 1er juillet 1998. Ces motifs sont au nombre de trois.

Le premier motif: le caractère non contributoire du régime de retraite des juges. Depuis le 1er janvier 1990, les juges de la Cour du Québec ne contribuent plus à leur régime de retraite, et ce, en vertu de la Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires concernant les régimes de retraite des juges de la Cour du Québec.

Cette particularité est importante. Le fait, pour les juges, d'être dispensés de contribuer à leur régime de retraite depuis près de 10 ans maintenant représente un bénéfice financier évalué à 7,5 % de leur traitement, selon les évaluations actuarielles. Alors, lorsque l'on majore de 7,5 % le traitement actuel des juges, qui est de 113 492 $, nous avons un traitement ajusté de 122 004 $. En toute équité, c'est ce montant qu'il faut considérer lorsqu'il s'agit de comparer le niveau de traitement des juges. De la même façon, avec les propositions formulées ici pour les années 1998, 1999 et 2000, le traitement des juges passera à 122 801 $, une rémunération qui, une fois majorée du même 7,5 %, donne un traitement ajusté de 132 011 $ en juillet 2000.

C'est en ayant à l'esprit cet important avantage dont les juges bénéficient et les traitements ajustés qui en découlent qu'il faut, en toute objectivité, analyser la situation de la rémunération des juges. Une fois considérés la contribution au régime de retraite et le correctif de 4 %, le traitement des juges se comparera avantageusement à celui des juges des autres provinces. En fait, il se situera au quatrième rang parmi les provinces canadiennes.

Le deuxième motif: la rigueur de la politique gouvernementale d'assainissement des finances publiques au Québec. Au sortir de quatre années de lutte au déficit, le gouvernement entend maintenir une ferme politique d'assainissement des finances publiques, marquée par des principes de continuité et d'équité.

Au cours des dernières années, le gouvernement a fait des efforts importants pour éliminer un déficit budgétaire récurrent de façon à mettre fin à la spirale de l'endettement dans laquelle il s'était engagé. Il s'agissait de la seule façon de préserver les acquis sociaux et les services à la population. L'objectif du déficit zéro a été atteint au cours de l'exercice financier 1998-1999. Il s'agissait du premier budget équilibré au Québec depuis 40 ans. Rappelons que le déficit était de 5 800 000 000 $ en 1994-1995, dernière année du gouvernement libéral.

Tous ont contribué aux efforts exigés. Les Québécois, en premier lieu, ont eu à vivre avec les changements importants qu'a nécessités l'atteinte de cet objectif. Les employés de l'État ont également fait des efforts importants en acceptant notamment une réduction de 6 % de leur masse salariale par le biais d'un programme de départs volontaires. Pour compenser ces départs, il a fallu revoir l'organisation du travail et les façons de rendre les services à la population, ce qui a engendré d'innombrables changements dans l'organisation du travail et la prestation des services.

Outre les employés de l'État, d'autres ont également participé à cet effort de 6 %, soit les députés, les ministres et le premier ministre. Les médecins, par leur enveloppe budgétaire, les universités et les municipalités, par leurs subventions, ainsi que les juges, par une réduction du nombre de postes, ont aussi contribué à cet effort collectif.

L'élimination du déficit constituait une première étape vers l'assainissement des finances publiques. Le déficit zéro est maintenant une réalité, mais il reste des défis importants à relever, particulièrement en regard de l'amélioration de la fiscalité des Québécois et de la dette publique.

En raison de l'accumulation successive des déficits, le niveau d'endettement du gouvernement du Québec atteint maintenant 52,3 % du produit intérieur brut. Il s'agit du niveau le plus élevé des provinces canadiennes. En conséquence, le gouvernement doit aujourd'hui consacrer près de 17 % de ses revenus prélevés par le biais des impôts et taxes dans les poches des contribuables québécois en paiement pour frais d'intérêt seulement sur la dette. Ces ressources ne peuvent donc pas être allouées à des services qui seraient bénéfiques à toute la population québécoise.

En plus, la capacité de payer des Québécois pour leurs services publics est inférieure à celle du reste du Canada. La richesse collective, c'est-à-dire le produit intérieur brut annuel par habitant du Québec, est inférieure de près de 18 % à celle de l'Ontario. Ainsi, malgré que le Québec offre un niveau de services publics comparable à ce qui existe ailleurs, le fardeau fiscal, c'est-à-dire l'ensemble des recettes prélevées par les divers paliers de l'administration publique – fédéral, provincial et local – y est beaucoup plus élevé. Par rapport à l'Ontario, l'écart de fardeau fiscal atteint 13,4 %. L'impôt sur le revenu des particuliers est de 15,7 % du produit intérieur brut au Québec, le pourcentage le plus élevé au Canada. En résumé, nous payons beaucoup trop d'impôts.

Ce fardeau additionnel a des effets importants sur le développement et la croissance de l'économie du Québec. Il rend le Québec moins compétitif sur le plan économique par rapport à ses principaux concurrents. Notre création d'emplois et notre richesse collective s'en trouvent affectées de façon négative.

(11 h 20)

Déjà, le gouvernement a commencé à s'attaquer à ce problème. En effet, le budget déposé en mars dernier par le ministre d'État à l'Économie et aux Finances annonçait une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers de 400 000 000 $. Le gouvernement s'engage à réduire de 1 300 000 000 $ d'ici 2002-2003. Il s'agit cependant d'un effort minimal qui ne permet pas de résoudre la totalité de l'écart. De plus, dans la mesure où les autres provinces poursuivront de leur côté les baisses de fardeau fiscal – particulièrement l'Ontario qui a annoncé dans son dernier budget une baisse additionnelle de 20 % d'ici cinq ans de l'impôt sur le revenu des particuliers – il faudra faire plus dans l'avenir.

L'atteinte du déficit zéro ne constitue donc pas et ne saurait être perçue comme étant la fin de cette vaste opération de responsabilisation collective autour du problème des finances publiques du Québec. L'énorme endettement général des Québécois et la lourdeur excessive de leur fardeau fiscal commandent la continuité dans la période de réalisme et d'austérité amorcée il y a quatre ans. Les rattrapages accordés à tous les groupes dont la rémunération émarge au budget de l'État doivent refléter l'état actuel de notre richesse collective. Comme le soulignait le premier ministre, M. Lucien Bouchard, dans sa récente déclaration du 28 avril dernier, plusieurs groupes de salariés de l'État attendent d'importants redressements salariaux à l'aube de cette période postdéficit.

De semaine en semaine, des groupes de travailleuses et de travailleurs, des techniciens et des professionnels se succèdent devant les micros ou devant l'Assemblée nationale pour réclamer une amélioration de leur salaire ou de leurs conditions de travail. Qu'il y ait des revendications, c'est compréhensible en temps normal; ce l'est encore plus après l'effort que nous avons réalisé depuis quatre ans pour sortir de la spirale de l'endettement dans laquelle le Québec était plongé.

Les juges ne peuvent être assimilés, en ce qui a trait à leur statut, aux employés de l'État. Leur nécessaire indépendance face au législatif, à l'exécutif et, dans une large mesure, à la cour même à laquelle ils appartiennent les place dans une sphère d'activité où la relation avec les lignes d'autorité habituelles de l'État est fort ténue, sans pour autant être totalement inexistante. Si le gouvernement et l'Assemblée nationale se doivent de respecter toutes les règles qui se rattachent au principe de l'indépendance judiciaire, il demeure que les juges, comme d'autres titulaires de postes supérieurs au sein de l'État, reçoivent une rémunération qui émane en entier au budget du Québec.

Leur rémunération ne saurait donc échapper aux conséquences qui découlent de cet état de fait objectif auquel tous les groupes de salariés ou d'employés sont astreints. Leur rémunération doit refléter la richesse collective des Québécois qui la supportent de leurs taxes et impôts ainsi que les contraintes conjoncturelles qui, pour le meilleur et pour le pire, affectent cette richesse.

C'est dans ce contexte qu'il apparaît raisonnable au gouvernement d'accorder aux juges une augmentation de 4 % au 1er juillet 1998. Par ailleurs, le niveau de traitement des juges, une fois considérés la majoration de 4 % et le régime de retraite non contributoire, représente 4,87 fois le PIB per capita. On dénombre quatre provinces canadiennes plus riches que le Québec eu égard au PIB per capita, soit l'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique et la Saskatchewan. De ces provinces, seule la Colombie-Britannique, avec une rémunération de ses juges de 4,89 fois le PIB per capita, consentirait à ses magistrats un traitement qui dépasse légèrement celui des juges québécois.

Une rémunération comparable en l'an 2000 à celle des titulaires de postes de plus haut niveau. Selon les propositions gouvernementales, le traitement des juges se situerait à 122 801 $ au 1er juillet 2000. Ce traitement, une fois majoré de 7,5 % pour tenir compte de la contribution de l'État au régime de retraite des juges, s'établira à 132 011 $ et se comparera favorablement à celui des titulaires des fonctions politiques et administratives les plus importantes au sein de l'État québécois.

En effet, en janvier 2001, lorsque les employés du secteur public auront touché la totalité des paramètres d'augmentation offerts par le gouvernement, le traitement ajusté des juges sera supérieur au salaire de 122 301 $ d'un administrateur d'État I, de niveau I, et au salaire moyen de l'ensemble des sous-ministres en titre du gouvernement, qui sera alors de 130 238 $. Ce niveau de traitement se comparera aussi à celui d'un ministre, représentant du pouvoir exécutif, ce dernier devant toucher un salaire de 111 916 $ en 2001. Cette comparaison demeure favorable, même si on tient compte de l'allocation non imposable des députés et ministres qui sera alors de l'ordre de 12 563 $. Les juges puînés, quant à eux, toucheront alors une allocation de fonction non imposable de 2 000 $.

Il est très difficile de comparer au sein de l'État les rôles et les responsabilités des détenteurs de la fonction judiciaire avec ceux des détenteurs des fonctions exécutives et législatives. Plusieurs spécificités démarquent ces décideurs les uns des autres. Il demeure qu'ils constituent, chacun dans leur sphère d'activité, les récipiendaires des responsabilités les plus élevées dans la gestion de l'État. Cette proximité dans l'importance et le niveau des responsabilités devrait nettement se refléter dans la rémunération consentie aux uns et aux autres.

Par ailleurs, en ce qui concerne maintenant la rémunération des juges de cours municipales autres que celles de Laval, de Montréal et de Québec, qui fait l'objet d'un rapport distinct du Comité de la rémunération des juges, le gouvernement estime que les finances publiques municipales doivent aussi être prises en compte afin de fixer la rémunération de ces juges. Les nouvelles responsabilités municipales ont eu une incidence récurrente sur les dépenses des municipalités de 416 500 000 $ en 1997, selon les estimés du ministère des Finances.

De plus, en 1998, les municipalités ont versé une contribution directe de 321 000 000 $ au Fonds spécial de financement des activités locales. Pour ce faire, certaines municipalités ont augmenté leur taux de taxation pour maintenir le même niveau de dépenses de services, alors que d'autres ont opté de réduire, sous une forme ou sous une autre, leurs dépenses de fonctionnement. Le versement d'une telle contribution est également prévu pour les années 1999 et vraisemblablement pour l'an 2000, et ce, en vertu de la Loi instituant le fonds spécial de financement des activités locales et modifiant la Loi sur la fiscalité municipale adoptée en décembre 1997.

En outre, les dépenses municipales au titre de la rémunération sont de l'ordre de 4 000 000 000 $. Les comparaisons de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération font état d'un écart favorable de rémunération de plus de 25 % par rapport à la fonction publique québécoise.

La situation budgétaire des municipalités a été particulièrement difficile au début des années quatre-vingt-dix. Bien qu'elle s'améliore graduellement, leurs perspectives à moyen terme dépendront évidemment de l'évolution de la croissance économique. Or, cette croissance économique est tributaire de la performance du secteur public, tous paliers confondus. Mais, à l'instar du Comité de la rémunération des juges, le gouvernement considère que la Cour du Québec constitue en définitive le point de référence le plus approprié pour déterminer l'ajustement de la rémunération des juges des cours municipales tout en tenant compte bien sûr du fait que ces juges ont un champ de compétence nettement plus restreint que celui de la Cour du Québec.

Aussi, à titre de garant des intérêts collectifs, le gouvernement estime raisonnable que la rémunération des juges municipaux soit ajustée selon les mêmes paramètres d'augmentation salariale que ceux consentis aux juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Montréal, de Québec et de Laval. Cette rémunération devrait ensuite être majorée de 2 % à compter du 1er janvier 2000 et du 1er janvier 2001. Quant à la rémunération annuelle maximale que peuvent recevoir ces juges municipaux, il apparaît raisonnable au gouvernement de maintenir la règle actuelle qui fait en sorte que l'ajustement de cette rémunération suive celui des juges de la Cour du Québec.

Dans sa position, le gouvernement, s'il fait siennes la plupart des recommandations du rapport du Comité de la rémunération des juges, il s'en démarque sur un point névralgique, celui du rattrapage salarial à effectuer au 1er juillet 1998. Les recommandations du Comité sur ce point s'appuient beaucoup sur les critères de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui, mettant l'accent sur la réalité du milieu judiciaire québécois et canadien, favorisent la comparaison entre les salaires et l'attraction de candidats prestigieux vers la magistrature. Le gouvernement fait, pour sa part, une application différente des critères prévus à la Loi et les pondère en accordant davantage d'importance à ceux qui font référence à la richesse collective des Québécois et des Québécoises et à la situation précaire de nos finances publiques et de notre fiscalité.

(11 h 30)

Le gouvernement estime que la rémunération des juges sera compatible avec la richesse collective des Québécois et des Québécoises. Sa décision repose sur la nécessité de respecter ses engagements financiers pour assurer la réalisation des projets collectifs auxquels il s'est engagé.

Les juges de la Cour du Québec auront un traitement adéquat, par rapport à ceux des autres provinces. Le gouvernement pose ce geste dans le plus grand respect du principe constitutionnel de l'indépendance judiciaire en ayant la conviction de respecter à la fois l'obligation de sécurité financière des juges qui s'y rattache et l'intérêt général de la collectivité québécoise dont il demeure le gardien.

À cet égard et en terminant, il est pertinent de rappeler les propos suivants du juge en chef de la Cour suprême du Canada, l'honorable Antonio Lamer, dans l'affaire mentionnée plus haut, et je cite: «Je tiens à souligner que le fait de garantir aux juges une rémunération minimale acceptable n'est pas un moyen de les protéger contre les effets de la réduction des déficits. Rien ne serait plus dommageable pour la réputation de la magistrature et l'administration de la justice que la perception que les juges ne supportent pas leur part du fardeau en période de difficultés économiques.» M. le Président, en conséquence, je propose que cette Assemblée adopte la présente motion.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Justice. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Je vous demanderais de suspendre nos travaux, puisque le porte-parole de l'opposition, sur cette question, interviendra plutôt cet après-midi, après la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous ajournons, par le fait même, le débat. Et puis, à votre demande, oui, je vais suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 32)

(Reprise à 14 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, mesdames, messieurs, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Présence du haut-commissaire de la République de l'Inde, M. Rajanikanta Verma

Alors, Mmes et MM. les députés, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes du haut-commissaire de la République de l'Inde, Son Excellence M. Rajanikanta Verma.


Affaires courantes

Alors, il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, c'est avec fierté et joie que je vous réfère à l'article 10 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 32

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je crois que c'est l'article d, hein? Bon, c'est très bien. J'avais compris «10», alors... Ha, ha, ha! Très bien.

À l'article d du feuilleton, Mme la ministre de la Justice présente le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait. Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, je dépose ce projet de loi qui modifie les lois et règlements qui comportent une définition du concept de conjoint de fait pour que les unions de fait soient reconnues sans égard au sexe des personnes.

Des voix: Bravo!

(Applaudissements)


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.

Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous réfère maintenant à l'article c, M. le Président.


Projet de loi n° 42

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article c du feuilleton, M. le ministre des Ressources naturelles présente le projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, ce projet de loi a pour objet d'assurer la légalité de la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

M. Paradis: Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal. Alors, nous pouvons appeler les députés et, dès que les whips seront prêts, nous pourrons procéder. Si vous décidez qu'ils sont prêts immédiatement, nous allons procéder immédiatement.

Très bien. Alors, M. le whip de l'opposition.

M. Fournier: Ça ne sera pas long.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quelques secondes ou... Parce qu'on peut suspendre, s'il y a quelque... Écoutez, nous pouvons procéder et nous pourrons autoriser son entrée. Ça va? Très bien.


Mise aux voix

Alors, nous allons procéder. Que tous ceux qui sont en faveur de la présentation de ce projet de loi veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Legault (Rousseau), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

(14 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Pelletier (Chapleau), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions? Bon. M. le député, vous pouvez entrer.

Alors, je reviens aux contre.

Le Secrétaire adjoint: M. Brodeur (Shefford).

Le Secrétaire: Pour:60

Contre:32

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée.


Dépôt de documents

Nous sommes rendus au dépôt de documents. M. le ministre des Ressources naturelles.


Versions française et anglaise des cartes indiquant l'emplacement des infrastructures et équipements visés à la partie I de l'Annexe du projet de loi n° 42

M. Brassard: Oui. M. le Président, je dépose, dans leurs versions française et anglaise, les cartes indiquant l'emplacement des infrastructures et équipements visés à la partie I de l'Annexe du projet de loi n° 42, que je viens de présenter, concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ces documents sont déposés.

M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique.


Entente d'échange de renseignements entre le Conseil du trésor et la Régie des rentes du Québec, et avis de la CAI

M. Léonard: M. le Président, je dépose l'avis favorable de la Commission d'accès à l'information portant sur l'entente relative à l'échange de renseignements nominatifs entre le Conseil du trésor et la Régie des rentes du Québec ainsi que l'entente relative à l'échange de renseignements nominatifs entre le Conseil du trésor et la Régie des rentes du Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ces documents sont déposés.

M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse et ministre de l'Éducation.


Lettre du ministre de l'Éducation au ministre Pierre Pettigrew concernant le dossier des bourses du millénaire

M. Legault: Oui. M. le Président, je dépose une lettre que j'ai transmise ce matin au ministre Pierre Pettigrew proposant des modalités pour en arriver rapidement à une entente de gouvernement à gouvernement et régler le dossier des bourses du millénaire, le tout de façon à ne pas pénaliser les étudiants et les étudiantes du Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce document est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Dépôt de pétitions. Alors, M. le député d'Abitibi-Ouest.


Permettre le recrutement et la rétention d'un nombre suffisant de médecins pour la population de la MRC d'Abitibi-Ouest

M. Gendron: Alors, M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 14 850 pétitionnaires.

«Les faits invoqués sont les suivants et l'intervention réclamée se résume ainsi...»

Une voix: ...le consentement, M. le Président.

M. Gendron: Oui. Bien, on m'a dit qu'on l'avait. Est-ce que j'ai le consentement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, c'est au président qu'on demande ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On s'en doutait.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement, et je crois... Et je crois que la pétition n'était pas conforme, hein, pour que tout le monde sache à quoi il s'engage.

M. Gendron: Tout à fait exact.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a consentement.

M. Gendron: C'est parce que je ne voulais pas rompre la tradition. Ici, à l'Assemblée nationale, 90 % des pétitions déposées sont non conformes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Alors, «l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Que nous demandons que le conseil d'administration du réseau de la santé et des services sociaux des Aurores boréales, la Régie régionale de l'Abitibi-Témiscamingue, le gouvernement et les fédérations médicales utilisent tous les moyens nécessaires pour permettre le recrutement et la rétention d'un nombre de médecins suffisant pour assurer à la population de la MRC d'Abitibi-Ouest l'ensemble des services médicaux qu'elle requiert.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, mais je vous fais maintenant la communication suivante: je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le leader du gouvernement et ministre des Ressources naturelles présentée hier en vertu de l'article 146 du règlement.


Questions et réponses orales

Nous sommes rendus maintenant à la période des questions et des réponses orales, et je vais céder la parole à M. le chef de l'opposition. M. le chef de l'opposition.


Objectifs et échéancier d'une réduction des impôts


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Hier, les Québécois apprenaient, par le gouvernement du Parti québécois, que ce gouvernement ne croit pas que la réduction des impôts puisse être source de création d'emplois. Et ça explique, je présume, la raison pour laquelle il refuse de déposer un budget spécial qui pourrait traiter ce problème de manière urgente et que le gouvernement du Parti québécois persiste à vouloir définir les Québécois comme étant les contribuables les plus taxés en Amérique du Nord.

Le gouvernement, M. le Président, semble vouloir dire qu'il a une intention générale de réduire les impôts. J'aimerais demander au premier ministre aujourd'hui: Quels sont les objectifs du gouvernement, les objectifs précis, pour la réduction des impôts? Quels objectifs poursuit le gouvernement actuel, et dans quels délais? Quels sont les échéanciers que le gouvernement se fixe effectivement pour réduire le fardeau fiscal des Québécois?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, nous avons déjà annoncé l'intention du gouvernement de réduire les impôts d'au moins 1 300 000 000 $ durant l'exercice de notre mandat. Nous avons l'intention de considérer cela comme un minimum. Mais nous voulons être prudents avant de prendre des engagements parce que nous voulons les tenir. Nous avons l'habitude, nous, de tenir nos engagements et même en général de les dépasser.

Nous nous étions engagés à réduire le déficit dans l'exercice de cette année; nous avons réussi à le faire l'année passée. Nous avons réussi à le faire un an plus vite. Et je voudrais rappeler, M. le Président, que les libéraux qui nous font face sont ceux qui ont contribué de façon très importante dans la fixation à ce niveau intolérable du niveau de nos impôts des particuliers en augmentant de 10 000 000 000 $ les impôts du Québec durant leur dernier mandat.

Alors, ce que je veux dire à la population, M. le Président, c'est que nous n'allons pas escompter, nous, sans en être certains, des croissances économiques comme l'ont fait les libéraux. Parce que, à escompter des croissances qui ne sont pas venues, ils ont réussi, chaque année pendant les six dernières années de leur dernier mandat, à défoncer de 1 000 000 000 $, obligeant ainsi le gouvernement à emprunter de plus en plus et à créer la situation inextricable dont nous sommes en train de nous sortir.

Ce que je dis, donc, M. le Président, c'est que j'ai annoncé un minimum de réduction d'impôts, mais nous allons réduire les impôts le plus possible et dès que cela sera possible, mais avec nos argents, sans faire de déficit.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le premier ministre aime bien parler des régimes et des gouvernements qui ont précédé celui du Parti québécois. Peut-être pour rafraîchir sa mémoire sur la question de l'écart des impôts, au moment où le Parti libéral a été élu, en 1985, l'écart entre le Québec et l'Ontario, pour une famille qui gagne 50 000 $ avec deux enfants, le taux moyen d'imposition était de 2 683 $. En 1994, l'écart avait été réduit à 89 $, soit de 96 %, M. le Président. De 1994 à 1999, depuis que le Parti québécois est au pouvoir, l'écart pour cette même famille – qui n'est pas une famille riche, en passant; 50 000 $, deux enfants, c'est la classe moyenne du Québec – a augmenté de 89 $ à 1 037 $, et c'était avant le dernier budget de l'Ontario. Donc, l'écart s'est agrandi de 1 065 %.

Est-ce que le premier ministre du Québec peut nous assurer qu'il va réduire l'écart aussi rapidement qu'il l'a agrandi dans les quatre dernières années, M. le Président?

Des voix: Bravo!

(14 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le ministre d'État à l'Économie et aux Finances a rappelé hier que nous avons fait des choix, au Québec, en termes de fiscalité. Nous avons choisi de faire en sorte que les gens qui ont des revenus plus faibles soient moins taxés. Et le fait est que, jusqu'au niveau de 42 000 $ environ, quelqu'un qui a deux enfants est moins taxé qu'en Ontario, et c'est vrai, en baissant tout le temps. Donc, il y a eu des choix de faits. Ça ne veut pas dire que nos impôts ne sont pas trop élevés pour les gens qui ont des revenus supérieurs; en effet, ils le sont.

Le chef de l'opposition nous parle d'un écart, mais un écart, en effet, se creuse actuellement du fait que l'Ontario a baissé ses impôts beaucoup plus vite que nous. Pourquoi? Parce que l'Ontario est dans une situation économique qui est différente de la nôtre. Je crois que M. Sansfaçon, dans un éditorial du Devoir aujourd'hui, rapporte quels sont les profits gigantesques que l'Ontario tire du pacte de l'auto, qui est un bénéfice collectif canadien qui est versé à l'Ontario exclusivement.

Je voudrais rappeler aussi au chef de l'opposition, qui ne l'a pas fait et qui veut l'oublier, que l'Ontario dispose d'une marge de manoeuvre remarquable qui lui vient des augmentations de contribution aux dépenses de santé qui lui viennent du gouvernement fédéral, par rapport à celles qu'on nous a données. Cette année, 150 000 000 $ pour le Québec, 950 000 000 $ pour l'Ontario! Nous l'avions dit, que l'Ontario profiterait de cet abus du gouvernement fédéral pour baisser les impôts! C'est ce qui arrive aujourd'hui. Je n'ai pas réentendu de dénonciation du côté des libéraux, M. le Président. Je n'ai rien entendu, au contraire. Nous sommes aux niveaux d'impôts où nous ont laissés les libéraux, puis un peu moins parce qu'on a commencé à les baisser. Alors, nous allons continuer.

Et, quand on nous dit qu'il y avait un écart de 2 000 $ à l'époque où il y avait le gouvernement libéral, c'était l'époque où on faisait un déficit de 6 000 000 000 $.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le chef de l'opposition, une minute. Je vous inviterais, s'il vous plaît, pendant les échanges entre ceux qui ont le droit de parole, à ne pas, tous et chacun, intervenir dans le débat. Alors, c'est clair, les règles sont claires et simples, il n'y a que le porte-parole qui est en mesure de répliquer. Il faut faire confiance à ses porte-parole. Alors, M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, l'écart dont j'ai parlé, c'est un écart qui était en place en 1985, lorsque le gouvernement libéral est arrivé au pouvoir, de 2 680 $ pour une famille avec deux enfants, dont le taux moyen d'imposition... Et c'est de 2 683 $. Ça a été réduit, dans la période de 1985 à 1994, de 96 % et, dans la période depuis que son gouvernement est au pouvoir, depuis 1994, ça a augmenté de 1 065 %. Ça, c'est selon les chiffres de son propre ministère. Le gouvernement actuel a une politique qui a pour but d'étouffer la classe moyenne du Québec.

Et j'aimerais poser une question très précise au premier ministre, qui relève justement de la philosophie économique du gouvernement: Croit-il, oui ou non, que des réductions d'impôts, ça permet la création d'emplois? La question est très simple: Croit-il, oui ou non, que ça permet la création d'emplois? Et, si la réponse est oui, qu'attend-il pour créer des emplois au Québec?

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Tout le monde sait que les réductions d'impôts ont un effet bénéfique sur l'économie, sur la croissance et sur la création d'emplois, puis tout le monde le sait, M. le Président, à la condition qu'on l'ait, l'argent pour le faire. Sous les libéraux, ce qu'il ne nous dit pas, c'est que, pendant le temps où ils parlaient de ces écarts, ils doublaient la dette du Québec. Ça s'est fait sur le dos des jeunes d'aujourd'hui et de demain, ça. Ça n'arrive plus, ces choses-là, tant qu'on sera là, nous autres.

Deuxièmement, M. le Président, parlons de revenu disponible. Parlons du revenu disponible, au niveau où il était lorsque les libéraux ont perdu le pouvoir, en 1994, et au niveau où il était en 1998, fin de l'exercice. Pour une personne qui vit seule et qui gagne 20 000 $, la variation en plus, favorable donc, une addition, en 1998 par rapport en 1994, c'est 583 $; pour 25 000 $, 718 $; pour 30 000 $, 343 $. Pour, par exemple, un couple ayant deux enfants et un revenu de 30 000 $, c'est une variation en plus, avec nous, en 1998 par rapport aux libéraux, de 862 $. Et, pour une famille monoparentale qui a un enfant et qui gagne 30 000 $, c'est 2 360 $. Si on veut citer des chiffres, qu'on cite les vrais chiffres, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Bourassa.


Liste d'attente en radiothérapie à L'Hôtel-Dieu de Québec


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. La liste d'attente en radiothérapie à L'Hôtel-Dieu de Québec atteint un seuil critique. Actuellement, 426 malades cancéreux, des hommes et des femmes, sont en attente de traitement. Une attente qui signifie cinq mois pour les cancers de la prostate et cinq mois pour les cancers du sein. M. le Président, cette situation-là n'est pas nouvelle. En effet, elle a été dénoncée l'année dernière exactement à pareille date. La ministre de la Santé réalise-t-elle que ceux qui souffrent de cette terrible maladie sont, un an après, exactement au même point, soit encore en attente de traitement?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je suis très consciente de la fragilité de cette situation. J'ai déjà dit devant les membres de cette Assemblée que nous avions mis en place quatre groupes de travail avec des spécialistes dans différentes situations comparables, qu'il s'agisse de l'ophtalmologie, qu'il s'agisse du remplacement dans le cas de prothèses du genou ou de la hanche et dans le cas des maladies coronariennes, la chirurgie cardiovasculaire, de même que l'oncologie. Nous avions mis en place des comités pour évaluer quels étaient les délais cliniquement acceptables et quelles étaient, en conséquence, les ressources qu'il serait nécessaire de rendre disponibles pour répondre aux besoins de la population.

Dans le cas de la radio-oncologie, nous sommes conscients, et je suis consciente, que la situation s'est légèrement détériorée dernièrement. Et, par ailleurs, je me suis assurée que les urgences étaient toujours traitées immédiatement et que le groupe de travail présidé, entre autres, par Mme Carolyn Freeman, dans ce cas-là, qui avait eu le mandat de revoir l'ensemble de nos procédures de nos listes d'attente, que cette personne et son groupe me fassent rapport plus rapidement que ce qui était prévu. Et je dois la rencontrer et ainsi que ses collaborateurs dès la semaine prochaine de telle sorte que nous puissions voir quelles solutions adopter dans le cas présent pour que les listes d'attente soient ramenées à des niveaux acceptables, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, comment la ministre de la Santé peut-elle dire à ces personnes, qui sont extrêmement vulnérables parce que atteintes d'un cancer, que leur état de santé n'est pas urgent?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je n'ai pas dit ça, M. le Président. Je ne dis pas à ces personnes que leur état de santé n'est pas urgent, je dis justement que leur état de santé mérite que l'on s'en occupe de façon urgente. Et c'est ce que je fais, M. le Président, avec les spécialistes de cette question. Si le fait était que nous n'ayons pas suffisamment de ressources pour répondre aux besoins, nous procéderons à l'ajout de telles ressources, quitte à recruter à l'extérieur, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Mégantic-Compton.


Nombre de médecins à l'urgence du centre hospitalier Lac Mégantic


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le 1er avril, la ministre de la Santé affirmait en cette Chambre que tout était réglé et que ça fonctionnait à l'urgence de l'hôpital de Lac-Mégantic. Le lendemain, contrairement à l'affirmation de la ministre, l'urgence fermait pour trois jours faute de médecins. M. le Président, la situation est loin d'être réglée, elle se détériore d'ailleurs de plus en plus. Présentement, nous n'avons même pas les effectifs minimaux pour faire face aux imprévus. Il n'y a qu'un seul médecin dans la région pour assurer la couverture aux urgences. On se demande comment on fera pour assurer une garde permanente pendant les prochains mois.

Alors, pourquoi la ministre de la Santé induit-elle cette Chambre en erreur en affirmant que tout fonctionne à l'urgence de l'hôpital de Lac-Mégantic, alors que c'est complètement faux?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, je veux assurer les membres de cette Chambre que jamais je ne tente d'induire les membres de cette Chambre en erreur. Il peut cependant arriver que l'information disponible, ou que je possède, ne soit pas complète. Et, dans le cas cité par notre collègue la députée de Mégantic-Compton, nous croyions, au ministère, en toute bonne foi que l'entente intervenue nous permettait de couvrir les plages horaires identifiées par notre collègue et sur lesquelles j'avais donné cette information, M. le Président. D'ailleurs, j'en ai une autre, information, pour les semaines qui viennent, je ne doute pas de sa valeur: on prévoit que d'ici le 14 mai, on me dit que toutes les gardes devraient être assumées, qu'il y a effectivement des difficultés pour les 16 et 17 mai, de même que certains moments dans le mois, en juin, qui ne seraient pas couverts.

(14 h 30)

Il faut dire, M. le Président, que, dans le cas de Lac-Mégantic comme dans d'autres cas qui m'ont été soulevés tant par ses collègues que par mes collègues, nous travaillons quotidiennement, et je vous dirais même d'arrache-pied, comme je l'ai dit d'ailleurs à sa collègue de Bourassa, pour trouver des solutions adéquates dans des situations particulières.

Mais vous savez très bien que, lorsque nous appliquons une mesure – par exemple d'augmenter les primes qui sont versées, d'augmenter le tarif horaire – à ce moment-là, ça a un effet parfois pervers. Son collègue le député de Châteauguay hier me disait: Attention, Mme la ministre, si vous faites cela, nos collègues vont vouloir avoir la même chose...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. Mme la députée de Mégantic-Compton, en additionnelle.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: En additionnelle. La ministre a parlé du mois de juin et du mois de mai pour les plages horaires qui ne sont pas couvertes, mais là elle parle du mois de juillet où 35 périodes, pour le mois de juillet, ne sont pas couvertes, alors qu'on va être en pleine saison estivale.

Qu'est-ce que la ministre répond au directeur des établissements de santé et de services sociaux unifiés qui affirme que la solution apportée ne permet pas de résoudre le problème criant à l'urgence de l'hôpital de Lac-Mégantic?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: La ministre affirme qu'elle cherche d'autres solutions et que nous allons en trouver, M. le Président. Voilà.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Marquette, en principale.


Comité d'enquête sur la transmission de renseignements du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. François Ouimet

M. Ouimet: Principale, M. le Président. Dans l'affaire du sondage SOM, la ministre du Revenu, qui était ministre en titre à ce moment-là, a demandé un avis à la Commission d'accès à l'information et a dû démissionner suite à l'avis de la Commission qui concluait que sa propre loi avait été enfreinte. Dans l'affaire du Bureau de la statistique du Québec, le ministre du Revenu en titre au moment de cette affaire, c'est le vice-premier ministre. Or, le vice-premier ministre a affirmé, le 4 mai dernier, et je le cite au texte:

«Les sondages additionnels réalisés par le Bureau de la statistique du Québec ont tous fait l'objet d'un contrat en bonne et due forme avec le ministère du Revenu du Québec. Aucun avis préalable de la Commission d'accès à l'information n'a été sollicité[...]. Alors, encore une fois, qu'on parle du viol de la loi, qu'on parle du viol des procédures, bien sûr...»

Ce même vice-premier ministre qui a admis que les lois ont été violées a créé un comité qu'il appelle «son comité», sur lequel siégera un représentant du Procureur général.

La question s'adresse à la ministre de la Justice: La ministre réalise-t-elle que, comme Procureur général, ni elle, ni ses substituts, ni ses représentants ne peuvent siéger sur un comité qui mène une enquête en présence d'un ministre qui a admis que les lois du Québec ont été violées?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, dans le dossier auquel le député de Marquette vient de faire référence, nous connaissons les événements malheureux, et c'est ce qui a amené la démission d'une de nos collègues qui avait agi correctement dans ce dossier, mais elle a dû démissionner.

Ce que mon collègue a mentionné ici, en cette Chambre, le vice-premier ministre, c'est que nous avons actuellement un comité qui a été formé, sur lequel des représentants de mon ministère siègent, pour faire toute la lumière, pour examiner correctement et rigoureusement la façon de faire dans ce dossier. Et, lorsque nous aurons les informations et les explications, nous serons à même d'exprimer ce que nous allons prendre comme décision, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Marquette, en additionnelle.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la ministre réalise-t-elle qu'il s'agit d'une autre affaire: l'affaire du Bureau de la statistique du Québec? La députée de Rosemont n'était pas ministre en titre de ce ministère au moment où ces événements-là se sont déroulés, c'était le vice-premier ministre du Québec.

La question que je lui pose, c'est: Ne réalise-t-elle pas que ni elle comme Procureur général, ni ses substituts, ni ses représentants peuvent siéger sur un comité qui mène une enquête dans cette affaire-là? Elle ne peut pas faire ça. Va-t-elle annoncer à cette Chambre qu'elle ne siégera pas sur ce comité, comme ses devoirs l'obligent à le faire?

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, nous allons, dans le cadre du comité, faire une enquête rigoureuse, nous allons vérifier exactement ce qui s'est passé et nous verrons à agir selon toutes les conclusions que nous obtiendrons suite à cette enquête sur laquelle des représentants de mon ministère siègent, M. le Président. Et nous verrons à aviser en conséquence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Marquette, en additionnelle.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la Procureur général de la province comprend-elle qu'elle ne peut pas agir comme enquêteur et accusateur à la fois? Ses devoirs de Procureur général lui interdisent de le faire. C'est un principe sacré en justice.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, ce qu'il faut bien comprendre dans cette Chambre, c'est que le comité auquel des représentants vont siéger va faire toute la lumière de façon rigoureuse sur ce qui s'est passé au ministère du Revenu. Et, s'il y a des accusations à porter, nous verrons à le faire en temps et lieu, M. le Président. Ce sont deux choses tout à fait différentes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le chef de l'opposition, en additionnelle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais c'est tellement grave, ce que vient de dire la Procureur général.

Et je veux poser la question au premier ministre: Est-ce qu'il réalise ce que sa Procureur général vient de dire à l'Assemblée, qu'elle siège sur le comité que son vice-premier ministre appelle «son comité», à lui, pour enquêter – ce qui n'est pas une fonction du Procureur général d'enquêter – sur ses collègues, dans une affaire, M. le Président, qui met en cause l'intégrité du gouvernement?

Alors, j'espère que le premier ministre réalise la gravité de ce qui vient d'être dit et qu'il va immédiatement corriger le tir en nous annonçant que sa Procureur général ne siégera pas sur un comité que son vice-premier ministre appelle «son comité» pour enquêter sur des gestes que son vice-premier ministre a décrits lui-même comme étant une violation de la loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, faut-il rappeler que la décision prise par la ministre du Revenu, notre collègue qui a dû démissionner, a été prise à la suite d'un avis de la Commission d'accès à l'information qu'elle a sollicité pour vérifier si les avis juridiques qui lui avaient été donnés à l'époque étaient conformes à l'application des règles existantes. Elle s'est fait dire que non.

Elle a eu le geste d'honneur de démissionner. Le gouvernement a jugé à propos de constituer un comité qui va faire une révision administrative de ce qui s'est passé pour s'assurer que les erreurs commises ne se répéteront plus.

Et je pense que l'opposition force le jeu lorsqu'elle assimile une révision administrative faite au niveau ministériel, interministériel, par les ministères intéressés, à une enquête de nature policière. Ce n'est pas le cas, M. le Président.

(14 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Marquette, en additionnelle.


M. François Ouimet

M. Ouimet: En additionnelle, au premier ministre: Le premier ministre réalise-t-il qu'il ne s'agit pas du tout du même dossier? La ministre a démissionné dans le cadre de l'affaire SOM; nous parlons maintenant de l'affaire du Bureau de la statistique du Québec. Et, à ce moment-là, c'était son vice-premier ministre qui était ministre titulaire du Revenu.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Le comité interministériel qui a été constitué procède à une révision administrative générale de toutes les pratiques du ministère pour s'assurer que des déconvenues comme celles qui sont survenues ne se reproduiront plus, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je regrette, M. le Président, mais il y a des limites à vouloir faire de la diversion en répondant sur autre chose. D'abord, c'est beau, blâmer la députée de Rosemont pour tout ce qui s'est passé au ministère du Revenu; ce n'est pas le même dossier, c'est le Bureau de la statistique du Québec, un. Deux, son vice-premier ministre, ici, à l'Assemblée nationale, en réponse à la députée de Beauce-Sud, a admis qu'il y a eu violation de la loi. Sa ministre ne fait pas une revue administrative, elle vient de dire à l'Assemblée nationale, M. le Président, qu'ils enquêtaient sur des faits. Alors, depuis quand on peut être juge et partie au Québec, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: D'abord, j'aurais aimé que l'opposition ait la décence d'attendre la présence du ministre en question avant de poser ce genre de question, premièrement. Deuxièmement, M. le Président, l'opposition mêle toutes sortes d'affaires. Ce que le ministre a déclaré, à ma connaissance, c'est qu'il découlait de l'avis de la Commission d'accès à l'information, dans la question qui nous a amenés à une démission d'une ministre, que les règlements n'avaient pas été appliqués. Il n'a jamais dit que, dans le cas de la statistique, la loi avait été violée; il ne l'a jamais dit, M. le Président. On référera...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, il y a possibilité d'établir les faits sans crier. Alors, s'il vous plaît, on peut poursuivre, tout en restant calme et établir les faits, s'il y a des faits à établir. Alors, on est en période de questions pour, justement, s'informer. Alors, M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, avec le consentement de l'Assemblée, je dépose le transcript...

Une voix: De l'admission.

M. Charest: ...des débats de l'Assemblée nationale. On est prêt, par consentement, à laisser le temps qu'il faut, par consentement, au premier ministre pour lire le transcript, M. le Président, si c'est juste ça.

Pour ce qui est de l'absence de son ministre, je lui rappellerais que son ministre a juste à se présenter à la période de questions, comme son devoir l'impose, que ce n'est pas nous qui décidons de son horaire.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement... S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président. Alors, la prochaine fois que le chef de l'opposition s'absentera, je le soulignerai à chaque fois. Alors, quand vous irez en Irlande, à chaque jour, je vais souligner votre absence.

M. le Président, on va lire le Journal des débats , là, mais vous comprendrez la méfiance de ce côté-ci, parce que, pas plus tard que cette semaine, il devait y avoir des huissiers qui harcelaient les parents...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, si vous voulez, nous allons revenir à la période de questions et aux règles qui régissent la période de questions. Alors, je vous inviterais, de part et d'autre, à vérifier vos données, et on pourra revenir.

Alors, revenons à la période de questions pour une prochaine question principale. Je suis prêt à l'entendre. Brièvement, M. le leader? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, le document déposé, c'est très bref. C'est le mardi 4 mai 1999, les propos du vice-premier ministre, ministre du Revenu: «Alors, encore une fois, qu'on parle de viol de la loi, qu'on parle de viol des procédures...»

Une voix: ...

M. Paradis: Bien sûr, ce sont les propos exacts, dans le dossier du Bureau de la statistique du Québec.

Une voix: Bien sûr.

M. Paradis: Maintenant que le premier ministre est informé que son vice-premier ministre a admis avoir violé la loi, va-t-il demander...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement, brièvement, pour qu'on revienne à la période de questions.

M. Brassard: Avec ce que le leader de l'opposition vient de dire, je suis obligé de constater qu'on avait raison de se méfier. «On parle». Qui, «on»? On parle, hein? On parle.

Une voix: C'est en rapport à quoi?

M. Brassard: L'opposition?

Une voix: C'est en rapport à quoi?

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Nous ne sommes pas dans une interpellation puis période de débat. Nous revenons à la période de questions, et puis il y aura lieu de revenir sur ça, si vous le désirez, plus tard, une fois que chacun aura pris connaissance des faits. Alors, moi, je vous invite à revenir à la période de questions et je suis prêt à reconnaître une nouvelle question principale. M. le député de Marquette.


Transmission de renseignements du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. François Ouimet

M. Ouimet: En principale, M. le Président. Hier, en présence du vice-premier ministre, j'ai lu le texte avec sensiblement la même question pour la Procureur général. Le vice-premier ministre n'a jamais nié ce qu'il avait dit à la députée de Beauce-Sud, que les lois avaient été violées dans le cadre du Bureau de la statistique du Québec.

M. le Président, la question que je pose à la Procureur général, qui doit être autonome et indépendante du Conseil des ministres dans ces décisions-là: Depuis quand est-ce que, au Québec, on a besoin d'un comité avant de déposer des accusations et des poursuites judiciaires lorsqu'il y a aveu que les lois ont été violées?

Une voix: Voilà!

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, le comité auquel a fait référence le vice-premier ministre, c'est un comité pour faire l'étude de nature administrative au ministère du Revenu. Alors, il ne s'agit pas d'aucune poursuite, il s'agit tout simplement d'un comité qui a été formé pour que l'on puisse vérifier comment l'administration se faisait au ministère du Revenu. Quand nous aurons les conclusions de ce rapport, nous aviserons ce que nous allons faire. Et, comme Procureur général, je prendrai le temps nécessaire de regarder ce que ce comité aura constaté dans le cadre d'une enquête de nature administrative, M. le Président, et nous verrons à aviser en temps et lieu.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Marquette, en complémentaire.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Oui. Maintenant que la Procureur général admet qu'il va y avoir enquête, comme elle l'a fait hier, M. le Président, qui pourrait mener à des poursuites judiciaires...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, terminez, s'il vous plaît, votre complémentaire, et Mme la ministre aura le loisir de rectifier, s'il y a lieu, ou d'intervenir.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre réalise-t-elle que le vice-premier ministre, qui est le principal concerné dans cette affaire-là au moment où les événements sont survenus, met sur pied un comité, lui demande de siéger à titre de Procureur général? Que ce soit l'enquête qu'on voudra, ça pourrait mener à des poursuites judiciaires. Est-ce qu'elle ne réalise pas qu'elle devrait faire la chose honorable et dire que, comme Procureur général, ni elle, ni ses substituts, ni ses représentants peuvent siéger sur un tel comité, au cas où il déposerait des poursuites ultérieurement?

Une voix: Bravo!

(14 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, je ne sais pas combien de fois il faudra que je le répète pour que le député de Marquette puisse comprendre qu'il s'agit d'un comité qui a été créé pour faire toute la lumière sur une mesure administrative. Et, lorsque ce comité aura terminé... Et le comité va le faire avec rigueur, M. le Président, il va le faire avec rigueur et correctement.

Et, lorsque j'aurai à prendre ma décision, ce sera à partir d'une enquête administrative. C'est l'administration du ministère, alors, M. le Président, il ne s'agit pas de poursuites, d'aucune façon. Il s'agit d'examiner comment on fait l'administration au ministère du Revenu dans une situation comme celle qui a été décrite devant cette Chambre, pour s'assurer que des événements malheureux ne se reproduisent plus.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Question de règlement. Je ne peux pas laisser passer, là. On ne passera pas à une autre question sans régler cette affaire-là. Parce qu'on a accusé... Un instant, là!

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! Écoutez, là, ça s'est produit hier et ça ne se reproduira pas aujourd'hui plus longtemps. On change la période de questions en débat qui dépasse toutes les règles, pour régir la période de questions. Alors, à tout ce qui est dit il y a une réponse possible dans le cadre de la période de questions, puis il faut rentrer dans ces règles-là. Alors, sur ça, le temps imparti au gouvernement est épuisé, et je ne peux pas accorder encore... Il y a d'autres... S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Une question de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Une question, même, de directive, M. le Président. Qu'est-ce qu'on fait quand, en cette Chambre, on triture les propos d'un membre...

Des voix: Ah!

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): On s'organise pour avoir un droit de parole puis rectifier. Là, vous ne l'avez pas.

Alors, prochaine question. M. le député de Hull.


Présence de la CAI au comité d'enquête sur la transmission de renseignements du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Merci bien, M. le Président. Alors, contrairement à ce que la ministre de la Justice et Procureur général vient de nous indiquer à l'effet que le comité n'était pour regarder que des questions administratives, je tiens à vous souligner les propos du vice-premier ministre, d'hier, qui disait: «Ce que j'ai demandé au comité que j'ai formé, et qui comprend la Commission d'accès à l'information, couvre toutes les facettes du problème.»

Alors, ma question, M. le Président, elle est simple: Comment le ministre responsable de la Commission d'accès à l'information peut-il garantir à cette Chambre que la Commission aura les coudées franches pour faire enquête dans cette affaire, alors qu'elle siège sur ce dit comité? Comment peut-il garantir l'indépendance de la Commission dans cette affaire?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Je vais répondre, M. le Président, et le gouvernement est maître de la réponse.

Une voix: Oui.

Des voix: Oh!

M. Brassard: Oui. Je vais répondre sur les propos et les insinuations qu'on a fait circuler tout à l'heure sur le vice-premier ministre, concernant ses propos. Quand il a dit: «...les lois ont été violées», il faisait référence nommément à toute l'affaire qui a entraîné la démission de la députée. Oui, tout à fait. Tout à fait.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition, je vous inviterais à revenir un peu au calme. C'est ça, oui. Tout le monde, et vous-même.

Alors, M. le leader de l'opposition, brièvement.

M. Paradis: Oui, oui, M. le premier ministre, du calme, là! Le mot que j'ai utilisé n'est pas parlementaire. Dans les circonstances, je le retire, en disant que ce n'est pas conforme à la vérité, ce que vient de dire le leader du gouvernement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je savais que le député de Marquette ne savait pas compter. Maintenant, j'apprends qu'il ne sait pas lire.

Des voix: Bravo!

M. Brassard: Manifestement, le vice-premier ministre faisait référence, dans sa réponse, à toute l'affaire qui a entraîné la démission de la députée de Rosemont. Plus loin, dans le cas de l'affaire concernant le Bureau de la statistique, alors là, il dit nommément, et je le cite: «Alors, encore une fois, qu'on parle du viol de la loi, qu'on parle du viol des procédures – "on" excluant la personne qui parle...»

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Et je continue, M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, il vous reste quelques minutes pour conclure, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, et il ajoutait: «...mais qu'on ne parle pas de secrets fiscaux répandus dans le décor, c'est une exagération et c'est, pour le moins qu'on puisse dire, insignifiant.»

M. le Président, l'opposition, à force de gonfler des baudruches, ça va faire comme pour le député de Kamouraska, ça va lui éclater à la figure.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): En principale, M. le leader de l'opposition.


Composition du comité d'enquête sur la transmission de renseignements du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, en principale, M. le Président. Est-ce que le premier ministre, son leader, Mme la Procureur général du Québec peuvent prendre connaissance non pas d'un extrait que vient de citer le leader du gouvernement, mais de l'ensemble des propos du vice-premier ministre? Ça va être très bref, M. le Président. «Les sondages additionnels réalisés par le Bureau de la statistique du Québec – on ne parlait pas de l'affaire Marsolais – ont tous fait l'objet d'un contrat...»

Des voix: ...

Une voix: ...

Des voix: Bravo!

(15 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je vous inviterais au calme. Alors, de part et d'autre, écoutez, il y a des questions sur lesquelles on est plus sensible. Je vous inviterais, dans la mesure du possible, à en tenir compte, à ne pas faire un abus de langage et à désigner les membres de cette Assemblée par leur titre. Il reste... le temps est épuisé, mais...

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, laissez-moi finir. Cependant, il y a eu un abus, et je permets d'autres questions, une autre question principale pour permettre un peu de terminer. Il y a eu un abus, j'étais debout. Vous savez que la règle est très précise: vous devez vous asseoir après un certain temps quand le président se lève. Alors, encore une question.

M. Paradis: Oui. M. le premier ministre, je m'excuse auprès de l'ex-ministre si elle a démissionné pour rien. «Les sondages additionnels, et je cite le vice-premier ministre, réalisés par le Bureau de la statistique du Québec – c'est de ce dossier-là que le vice-premier ministre parlait – ont tous fait l'objet d'un contrat en bonne et due forme avec le ministère du Revenu du Québec. Aucun avis préalable de la Commission d'accès à l'information n'a été sollicité. Toutes les informations transmises ont été détruites après chacune des opérations. Alors, encore une fois, qu'on parle du viol de la loi, qu'on parle du viol des procédures, bien sûr...»

M. le Président, maintenant qu'il a entendu son vice-premier ministre, qu'il le croit, est-ce que le premier ministre va exiger de sa Procureur général du Québec qu'elle se retire du comité bidon formé par son vice-premier ministre?

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien, M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je répondrai rapidement, si vous me permettez. Premièrement, je rappelle que la ministre de la Justice a énoncé très clairement que ce groupe de travail interministériel est un comité qui procède à une démarche administrative de révision de l'ensemble des procédures du ministère du Revenu. Deuxièmement, j'ai jeté un coup d'oeil rapide sur la transcription des échanges qui ont eu lieu mardi dernier.

D'abord, je m'étonne qu'on revienne là-dessus aujourd'hui en l'absence du ministre. On aurait pu le faire hier alors qu'il était là pour se défendre. Deuxièmement, je lis le texte; M. le Président, il faut avoir l'esprit tordu pour voir là-dedans une admission quelconque.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin à la période des questions.


Votes reportés


Motion proposant que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998

Nous sommes maintenant aux votes reportés. Tel qu'annoncé précédemment nous allons maintenant procéder au vote reporté sur la motion de M. le leader du gouvernement et ministre des Ressources naturelles présentée hier en vertu de l'article 146 du règlement. Cette motion se lit comme suit:

«Que la commission de l'éducation et du travail procède à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998 à compter du 18 mai 1999 et qu'à cette fin entende les organismes suivants: Chambre de commerce du Québec; Coalition des citoyens et citoyennes du Val-Saint-François; Coalition patronale-syndicale en faveur de la reprise rapide des travaux de renforcement électrique du Québec; Commission scientifique et technique chargée d'analyser les événements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998; Communauté urbaine de Montréal; Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; Hydro-Québec; municipalité régionale de comté des Laurentides; municipalités régionales de comté de La Vallée-de-la-Gatineau, de Pontiac, de Papineau et des Collines-de-l'Outaouais et Communauté urbaine de l'Outaouais; Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec; Table des préfets de la Montérégie; Union des producteurs agricoles;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagées également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagées également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre des Ressources naturelles soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Legault (Rousseau), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), Mme Papineau (Prévost), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Laporte (Outremont), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:60

Contre:32

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, la motion est adoptée.


Motions sans préavis

Nous en sommes maintenant aux motions sans préavis. M. le député de Nelligan, je crois, a une motion. M. le député.


Souligner la Campagne de l'oeillet de la sclérose en plaques

M. Williams: Oui, M. le Président. Je demande le consentement pour déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Campagne de l'oeillet de la sclérose en plaques, qui se déroule les 6, 7 et 8 mai prochains, que l'on félicite la Société canadienne de la sclérose en plaques pour son initiative de tenir cette importante collecte de fonds et remercie, particulièrement, les centaines de personnes bénévoles impliquées dans cette cause.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il consentement?

(15 h 10)

Des voix: Oui.

M. Brassard: Oui, avec un intervenant de chaque côté, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Un intervenant de chaque côté. Très bien. Alors, M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour le consentement. Avant de procéder avec la motion, je voudrais profiter de leur présence et souligner l'excellent travail d'un ancien collaborateur avec nous, Robert Chapdelaine, et aussi le Dr Claude Bélanger, qui est avec nous. Mais aussi un autre bénévole impliqué dans la cause, un ancien parlementaire de l'Assemblée nationale, Michel Bourdon, qui travaille beaucoup avec cette société.

M. le Président, la sclérose en plaques, ce n'est pas une maladie connue par beaucoup de monde. On ne connaît pas la cause de cette maladie, malheureusement, jusqu'à maintenant, mais on sait que les symptômes sont souvent les troubles de la vue, double vision, les tremblements, la mauvaise coordination des mouvements et aussi la paralysie totale ou partielle. Avec ça, ça peut être une maladie tellement grave, M. le Président. Et ça peut être dans plusieurs formes: une forme cyclique, une forme progressive, une forme progressive récurrente.

M. le Président, j'ai déjà mentionné qu'on ne connaît pas les causes de cette maladie, mais, à cause de l'excellent travail de la Société canadienne, on commence à en avoir une idée. On parle de peut-être une attaque virale, un problème d'auto-immunisation et peut-être une prédisposition génétique ou une combinaison de plusieurs facteurs. M. le Président, on doit trouver cette solution.

Maintenant, il y a plus de 12 000 Québécoises et Québécois qui sont touchés par cette maladie. Ici, au Canada, il y a plus de 50 000 personnes atteintes de cette maladie, et c'est une maladie qui touche deux fois plus chez les femmes. On doit s'assurer que nous avons les solutions aussitôt que possible. Ça touche aussi les jeunes entre 29 et 39 ans, mais on connaît peut-être... Dans les cas de comptés, ça a peut-être plus touché les jeunes de 10 ans ou les personnes qui atteignent 59 ans.

Avec ça, M. le Président, la chose fondamentale – et c'est une chose sur laquelle je veux insister aujourd'hui – c'est que la recherche est absolument cruciale dans cette maladie. Et une chose qui est assez importante, c'est que les recherches marchent. On commence à croire qu'on peut gagner la bataille, gagner la guerre contre cette maladie.

L'année passée, c'était le cinquième anniversaire de la Société canadienne de sclérose en plaques, et ils ont eu un thème assez intéressant qui m'a frappé. L'année passée, le cinquième anniversaire, ils ont dit qu'ils étaient fiers du travail qu'ils ont fait pendant cinq ans, mais ils ne veulent pas être là pour le 75e anniversaire. Ils pensent qu'ils peuvent avoir cette solution avec la recherche que nous sommes en train de faire.

M. le Président, la recherche est fondamentale, et j'espère que Québec va toujours encourager la recherche, particulièrement dans les nouveaux médicaments. Interféron bêta et Betaseron sont deux médicaments assez importants pour les personnes qui sont atteintes de cette maladie.

Et je voudrais, juste en passant, M. le Président, féliciter pour l'excellent travail le député de Robert-Baldwin, qui est ici aujourd'hui, quand il a mené une campagne pour assurer que le gouvernement accepte de lister ce médicament sur le formulaire. Félicitations, M. le député! C'est une bataille que nous avons faite avec la Société, avec toutes les personnes atteintes de cette maladie, et heureusement le gouvernement a accepté de lister cette maladie sur la liste.

L'oeillet est une fleur d'espoir. Et aujourd'hui, avec mes contacts et mes discussions avec ces représentants, j'ai un grand espoir. Je comprends que c'est une maladie très difficile, avec de l'incertitude, avec des problèmes graves, mais je vois que lentement, étape par étape, avec la recherche, nous sommes en train de trouver la solution. Mais on doit supporter cette recherche – je vois le ministre de la Recherche devant nous – on doit s'assurer qu'on fait cette recherche ici. Imaginez-vous si, ici, au Québec, on peut trouver la solution finale de cette maladie, on pourrait être tellement fier de ça.

Et une chose que j'ai besoin de mentionner: c'est une chose de faire la recherche, une autre chose d'assurer que les profits de cette recherche sont accessibles à des personnes qui sont atteintes de cette maladie. L'accès à la liste des médicaments est cruciale. J'ai parlé avec un de mes grands amis de mon comté aujourd'hui, un autre bénévole avoué dans la Société, Rick Lemire, qui a fait localement la campagne de collecte de fonds. Lui, il a mentionné qu'à cause du Betaseron il y a huit personnes dans l'ouest de l'Île de Montréal qui maintenant travaillent à plein temps; elles ont la maladie encore, mais elles sont au travail à plein temps. C'est fantastique que ces huit personnes soient maintenant au travail.

M. le Président, c'est un message clair: la recherche est importante, mais aussi l'accès aux produits de cette recherche. C'est essentiel pour ces personnes. Je voudrais, au nom de mon parti, mais, je pense, au nom de tous les parlementaires ici, dans cette Assemblée nationale, féliciter pour leur excellent travail les bénévoles, tous les bénévoles, et j'espère que vous allez passer notre bonne parole.

J'ai toujours été impressionné par l'engagement personnel et collectif de ces groupes. Et je voudrais féliciter aussi les bénévoles qui eux-mêmes ont cette maladie. Ça prend un effort extraordinaire, je comprends, pour avancer la cause, faire la bataille contre leur maladie, mais aussi avancer la cause des autres. Je voudrais féliciter les bénévoles, tous les bénévoles impliqués dans les collectes de campagnes de financement.

Je voudrais, M. le Président, souligner le grand effort de la Société canadienne de sclérose en plaques du Québec. Ils donnent de la bonne information, ils donnent un bon soutien pour les groupes et les personnes, ils donnent aussi des activités de loisir, le prêt d'équipement, sensibilisation du public, mais aussi action sociale pour les personnes atteintes de cette maladie. C'est beaucoup de travail pour un groupe communautaire. Ils font aussi beaucoup d'autres activités: ce mois-ci, nous sommes en train de faire le marathon de lecture pour la sclérose en plaques; il y a le tour de vélo. Et aussi, M. le Président, il y a toute une collecte de fonds pour laquelle, je pense, vous avez tous reçu une belle lettre signée par notre ami Robert Chapdelaine, ici. Il y a tout un programme supporté par le Groupe La Mutuelle qui demande à chaque député de donner à cette collecte de fonds. Et le Groupe La Mutuelle va donner la somme équivalente; avec ça, votre contribution va être doublée. On doit féliciter le Groupe La Mutuelle et aussi le groupe pour cette affaire, et j'espère que nous allons voter unanimement pour cette motion aujourd'hui. On tient compte de cette lettre, et unanimement nous allons donner. J'espère que nos amis des médias vont aussi prendre ce même esprit, et ici, à l'Assemblée nationale, on peut unanimement donner à cette excellente cause.

M. le Président, the Carnation Campaign is an important campaign in the fight against multiple sclerosis. The carnation is the flower of hope, and today, with my contacts and my discussions that I've had with those volunteers involved in the Society, I am very much encouraged. I'm encouraged that, despite their illness, they're advancing the cause. They themselves see that the solution is within reach. I think today, when we vote for this motion, we should take account of the excellent work of all the volunteers. We should also, with our vote in this motion, be giving a clear message to this Government that we want to encourage research, we want to make sure that the groups have the support and necessary funds to proceed with their support, but we want to make sure that, when new products become available for these people, this Government will make them available.

Yes, they are expensive. Some of the products cost more than 17 000 $ a year. But look at the example I told you: eight people, just in my area alone, are now back to work full time because they have access to it. C'est quelque chose de fantastique.

M. le Président, c'est un sujet qui me touche beaucoup. Je pense que nous connaissons tous quelqu'un qui a été frappé dans sa vie par cette maladie. Nous sommes tous encouragés et impressionnés par l'énergie et l'engagement de toutes ces personnes. Aujourd'hui, notre effort est symbolique et notre geste est symbolique, ça va passer le message: on comprend, nous sommes là pour vous supporter et nous allons faire tout notre possible pour avancer les recherches. Et j'espère que, tous ensemble, nous allons trouver une solution finale à cette maladie. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Nelligan. Alors, sur cette motion, M. le député de Champlain, la parole est à vous.


M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Oui. Merci, M. le Président. Alors, également, je me joins au député de Nelligan pour la présentation de la présente motion sur la sclérose en plaques. Chaque année depuis 1976, au cours du week-end de la fête des Mères, revient la Campagne de l'oeillet. Chaque année, les personnes sollicitées donnent généreusement pour une cause dont ils ne connaissent pas tous les tenants, tous les aboutissants, mais dont ils pressentent et savent très bien la très grande importance.

(15 h 20)

La sclérose en plaques est une maladie insidieuse qui frappe sans avertissement préalable et dont l'annonce change à jamais la vie de la personne atteinte et des gens qui l'entourent. On estime à 12 000 le nombre de personnes qui sont atteintes au Québec. L'âge moyen d'apparition est de 29 à 33 ans, et la fréquence d'apparition de cette maladie est de 50 % plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Une telle maladie, M. le Président, qui s'attaque à des personnes dans la force de l'âge et compromet leurs projets d'avenir représente des coûts humains et sociaux énormes. Dans tous les cas cependant, les gens qui en sont atteints ainsi que leurs proches doivent apprendre à vivre au jour le jour, dans l'incertitude, avec cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête.

Le nom de cette maladie a été longtemps synonyme de condamnation, mais depuis quelques années les choses changent. En effet, même si on ne connaît encore ni le remède ni la cause de la sclérose en plaques, les recherches avancent à grands pas. Certains médicaments permettent maintenant de soulager les effets les plus débilitants de certaines formes de sclérose en plaques.

L'accessibilité à ces médicaments très coûteux est maintenant assurée bien sûr par le régime québécois d'assurance-médicaments aux personnes pour lesquelles il y a une indication de traitement. Autour des personnes atteintes et de leur famille se sont tissés des liens d'entraide et de soutien communautaires auxquels les efforts de la Société canadienne de la sclérose en plaques ont beaucoup, beaucoup contribué. Le besoin de support et d'entraide est en effet incontournable. La vie avec la sclérose en plaques présente trop d'obstacles et d'embûches pour qu'on puisse sereinement la traverser en solitaire. Pour les personnes atteintes et leurs porte-parole, les pistes d'amélioration sont nombreuses, et les principales se situent en prolongement des efforts consentis jusqu'à présent: la poursuite de la recherche, l'accès aux services de réadaptation adaptés au caractère évolutif de leurs incapacités et la diversification des milieux de vie substituts.

La Société canadienne de la sclérose en plaques a été fondée à Montréal en 1948, et la division du Québec est la source principale de diffusion de l'information sur la sclérose en plaques au Québec. La division du Québec de la Société canadienne de la sclérose en plaques et ses quelque 20 sections locales offrent des services d'information, de soutien, des activités de loisir, de prêt d'équipement, de sensibilisation du grand public et des professionnels de la santé, d'action sociale et de défense des droits des personnes atteintes de sclérose en plaques.

Si l'apparition de la sclérose en plaques représente une épreuve pour les personnes atteintes et leur famille, elle constitue aussi un défi de taille pour notre système de santé. En effet, aucun établissement, aucun organisme, aucun professionnel ne peut prétendre répondre seul et en vase clos aux besoins engendrés par cette maladie. La nature et la variété des problèmes associés à la maladie, leur étalement dans le temps, les diverses formes que prend l'évolution des symptômes, tout concourt à exiger l'établissement d'un réseau de continuum de services centrés sur la personne et sur les proches. De plus, comme c'est souvent le cas pour les maladies qui s'étalent dans le temps, la contribution active de la personne atteinte et de ses proches ainsi que des milieux dans lesquels elle évoluera au fil du temps est essentielle, et cette caractéristique exige que les différents acteurs du système agissent avec la personne et que les divers traitements et mesures dont elle fait l'objet fassent appel à son intelligence, à sa créativité et à sa capacité d'adaptation.

La Campagne annuelle de l'oeillet, en nous rappelant le risque que constitue cette maladie, le mystère qui l'entoure et le poids qu'elle fait peser sur les personnes atteintes et leurs proches, nous invite aussi à nous considérer nous-mêmes comme des agents de changement et d'innovation, à nous inspirer, en fait, du courage et de la ténacité des personnes qui vivent cette terrible maladie. Ainsi, l'oeillet, synonyme d'ardeur et de sincérité, est plus qu'une simple fleur; il symbolise la lutte acharnée contre la sclérose en plaques. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Champlain.


Mise aux voix

Ceci met fin au débat sur cette motion. Est-ce que la motion pour souligner la Campagne de l'oeillet de la sclérose en plaques, du 6 au 8 mai 1999, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, la présidence, M. Chapdelaine et Dr Bélanger, nous vous saluons, et continuez votre bon travail.

Alors, nous poursuivons nos motions sans préavis. Mme la députée de Bourassa.


Souligner le Mois de la fibrose kystique

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne le Mois de la fibrose kystique, qui se tient en mai.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour discuter de cette motion?

M. Brassard: Il y a consentement et une entente aussi pour qu'il y ait un intervenant de chaque côté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, Mme la députée de Bourassa, vous avez la parole.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. M. le Président, le mois de mai, c'est le mois de la fibrose kystique. C'est ici le plus beau des mois, et c'est partout la même chose à travers le Canada. La fibrose kystique, M. le Président, c'est une maladie d'origine génétique qui est très fréquente, qui est même la plus fréquente en Amérique du Nord. Un Québécois sur 20 est porteur du gène responsable de cette maladie. Pourtant, malgré ce fait, elle reste peu connue du public en général.

M. le Président, un enfant dont les deux parents sont porteurs a une chance sur quatre de naître avec cette terrible maladie. La fibrose kystique vient reprendre la vie, vient faucher la vie à plus d'enfants canadiens que toute autre maladie héréditaire. Il y a un nouveau-né sur 2 500 qui est atteint de cette terrible maladie. Malheureusement, M. le Président, il n'existe encore aucun moyen de guérir ou de maîtriser efficacement la fibrose kystique. Alors, j'aimerais, si vous me le permettez, insister particulièrement sur la recherche afin qu'on puisse venir à bout de cette maladie et trouver des solutions efficaces et concrètes à la fibrose kystique.

Les enfants qui naissent avec la maladie peuvent maintenant, grâce aux travaux de recherche, vivre jusque dans la trentaine. Il y a 40 ans, cette même espérance de vie était de quatre ans, ou aurait été de quatre ans. C'est donc dire qu'il est important de soutenir et de favoriser la recherche pour permettre d'augmenter l'espérance de vie encore plus longtemps.

Pourquoi, M. le Président, le mois de mai? Pourquoi le Mois de la fibrose kystique? C'est justement pour sensibiliser la population à cette terrible maladie. C'est surtout, également, pour amasser des fonds qui vont servir à la recherche, une recherche qui va permettre d'apporter des solutions complètes et une recherche qui va permettre d'allonger la vie pour des enfants qui, malheureusement, vivent avec cette terrible maladie.

La marguerite que je porte, ce n'est pas un oubli, ce n'est pas une erreur, c'est le symbole de la fibrose kystique. La marguerite, elle symbolise la vie, une vie qu'on aimerait avoir, comme le bouquet que j'ai sur ma robe, généreuse. On aimerait également que le public réponde à l'appel de la fibrose kystique et qu'il donne généreusement. S'il y avait autant de dons que j'ai de pétales après cette fleur, peut-être les enfants connaîtraient-ils une longueur de vie plus grande, et c'est ce que je souhaite à toutes les personnes qui sont atteintes de cette maladie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci beaucoup, Mme la députée de Bourassa, de votre témoignage. Et, sur cette motion, je suis prêt à reconnaître M. le vice-président de la commission des affaires sociales et député de Champlain. M. le député.


M. Yves Beaumier

M. Beaumier: Merci, M. le Président. Alors, je me joins, bien sûr, à la députée de Bourassa dans la présentation de cette motion. M. le Président, le mois de mai étant celui de la fibrose kystique, permettez-moi de signaler le courage et la détermination dont font preuve les personnes atteintes de cette terrible maladie. Il est aussi important de souligner l'abnégation quotidienne démontrée par leurs parents et leurs proches, tout en les accompagnant dans leurs souffrances physiques et psychologiques.

La fibrose kystique touche environ un nouveau-né sur 2 000 et est diagnostiquée, en moyenne, vers l'âge de six mois. C'est à partir de ce moment que l'enfant atteint et ses parents entreprennent une lutte quotidienne pour retarder l'apparition des symptômes qui conduisent, d'une façon irréversible, vers la mort.

Incurable et mortelle, la fibrose kystique est la plus répandue des maladies héréditaires. Elle affecte principalement les systèmes respiratoire et digestif. Les infections pulmonaires chroniques et récurrentes qu'elle provoque demeurent la principale cause de décès. Même si aujourd'hui on peut se réjouir du fait que 35 % à 45 % de ces enfants parviennent à l'âge adulte et que l'on puisse se permettre d'espérer que plusieurs d'entre eux atteignent plus de 30 ans, rien n'empêche que ces personnes assistent impuissantes à leur dégradation physique et fonctionnelle. Dans de telles conditions, la lutte et le courage ne s'appliquent pas seulement au combat pour la survie physique, ils doivent aussi supporter une série d'acceptations et de renoncements dans le passage de l'enfance à l'adolescence et ensuite dans celui de l'adolescence à la vie adulte.

(15 h 30)

Malgré le fait d'être confrontées à la dure réalité d'une vie abrégée, ces jeunes personnes ont les mêmes désirs que les autres. Elles ont les mêmes envies d'aimer, d'être aimées, de faire des projets d'avenir ou de carrière. Pour la plupart, elles ont des relations sociales et des activités physiques normales, et leur cheminement scolaire est régulier jusqu'à ce que l'infection pulmonaire prenne le dessus. Lorsqu'il s'agit de trouver de l'emploi, il leur faut une détermination extraordinaire. En plus d'une courte espérance de vie, les traitements quotidiens, dispendieux et complexes, les nombreuses visites à la clinique et les hospitalisations sporadiques sont des facteurs limitatifs et discriminants pour l'employabilité. Malgré des développements prometteurs en ce qui concerne les nouveaux traitements médicaux, la thérapie génique ou l'amélioration des traitements palliatifs comme la greffe pulmonaire, la recherche actuelle est surtout orientée vers le dépistage génétique.

La plupart des personnes atteintes sont nées de couples qui ignoraient leur état de porteurs. Cependant, pour les personnes à risque, les tests sont offerts gratuitement dans le réseau de la santé publique. Malgré tout, même si actuellement le tiers des personnes atteintes ont plus de 18 ans et que les progrès de la recherche et des soins cliniques permettent à un plus grand nombre d'enfants d'atteindre l'âge adulte, notre société ne peut encore offrir de certitude à ces jeunes personnes en ce qui concerne leur espérance de vie. Persévérer dans de telles conditions relève, pour ces jeunes, pour leurs parents et pour leurs proches, de l'exploit. Leurs espoirs résident néanmoins dans l'accessibilité éventuelle à des traitements qui pourront leur permettre de faire des projets normaux, comme tout citoyen et citoyenne du Québec, d'où l'importance de la recherche.

En complémentarité, il ne faut pas oublier de souligner l'important rôle des bénévoles – et j'aimerais signaler, M. le Président, que dans mon jeune âge j'ai été de ces bénévoles en ce qui concerne l'aide aux personnes atteintes de fibrose kystique – qui de leur propre initiative oeuvrent à l'intérieur d'associations et donnent de leur temps pour permettre d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes et de leurs familles. Par exemple, depuis 1981, les bénévoles de l'Association québécoise de la fibrose kystique travaillent sans relâche pour permettre aux enfants atteints d'espérer un avenir meilleur. Par ses programmes cliniques et de recherche, cette association vise à ce que les meilleurs soins soient prodigués aux personnes atteintes et que de nouvelles avenues thérapeutiques soient développées.

En terminant, M. le Président, j'aimerais inviter tous les membres de cette Chambre à participer activement aux différentes levées de fonds organisées au cours de ce Mois. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Champlain. Alors, la motion de Mme la députée de Bourassa proposant de souligner le Mois de la fibrose kystique est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Mme la ministre des Relations internationales.


Souligner la 29e édition de la Marche 2/3

Mme Beaudoin: M. le Président, merci. J'aimerais présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la 29e édition de la Marche 2/3 qui se tiendra le 8 mai à Montréal, qu'elle adresse ses félicitations aux organisateurs du Club 2/3 ainsi qu'aux jeunes Québécoises et Québécois qui participent à cette marche en faveur de sociétés moins favorisées, et qu'elle réaffirme sa solidarité et son engagement envers ces sociétés qui comptent sur les valeurs véhiculées par la société québécoise pour poursuivre la construction d'une société globale plus juste et plus équitable.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement pour la présentation de cette motion? Consentement.

Une voix: Sans débat.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sans débat. Alors, est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, en fonction de l'article 29, il conviendrait de poursuivre le débat sur la motion de la ministre de la Justice en vertu de l'article 188 du règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous dis: Avis touchant les travaux des commissions.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, j'en ai, mais monsieur en a un.

M. Boisclair: J'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 25, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction, le mardi 11 mai 1999, de 10 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je ne m'étais pas trompé, vous aviez le document. Ça va. Alors, cet avis est déposé.

Pour ma part, je vous avise que la commission de l'économie et du travail se réunira en séance de travail aujourd'hui, le 6 mai 1999, après les affaires courantes, à la salle 3.33 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux relatifs aux consultations particulières sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998.

Je vous avise également que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail le mardi 11 mai 1999, de 10 heures à midi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de préparer les séances d'imputabilité.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Je vous rappelle que j'ai reçu hier deux demandes pour la tenue de débats de fin de séance: le premier sur une question adressée le 5 mai dernier par M. le député de LaFontaine à M. le premier ministre concernant le dossier des téléphonistes de Bell; le second sur une question adressée le 5 mai dernier par Mme la députée de Beauce-Sud à M. le ministre du Revenu concernant la procédure d'envoi par fax par son ministère.

Nous avons reçu également une troisième demande de débat de fin de séance par M. le député de Brome-Missisquoi, suite à la période de questions d'aujourd'hui, à une question posée au premier ministre concernant la présence de la Procureur général du Québec au sein du comité Landry qui doit tenir une enquête sur certaines pratiques au ministère du Revenu. Donc, ces trois débats de fin de séance auront lieu à la fin des travaux de cette Assemblée, à 18 heures.

Je rappelle également que l'interpellation prévue pour le vendredi 7 mai 1999 portera sur le sujet suivant: La politique du gouvernement péquiste quant aux jeunes en difficulté. M. le député de Nelligan s'adressera alors à M. le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.

De plus, je vous avise que l'interpellation prévue pour le vendredi 14 mai 1999 portera sur le sujet suivant: La fiscalité municipale. M. le député de Laurier-Dorion s'adressera alors à Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Ceci met fin aux travaux des affaires courantes.


Affaires du jour

Nous passons maintenant aux affaires du jour. Ça va? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, comme indiqué précédemment, l'article 29 du règlement.


Motions du gouvernement


Reprise du débat sur la motion proposant de fixer la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 29 du feuilleton, aux motions du gouvernement, l'Assemblée reprend le débat sur la motion de Mme la ministre de la Justice. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale:

«Fasse siennes la position et les justifications du gouvernement exposées dans le document déposé le 5 mai 1999 par la ministre de la Justice; et

«1° en ce qui concerne les juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, Montréal et Québec:

«Approuve les recommandations 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 10 du Rapport du Comité de la rémunération des juges, déposé à l'Assemblée nationale le 21 octobre 1998 et portant le numéro de dépôt 1880-981021;

«Modifie la recommandation 1 du Comité de façon à ce que leur traitement annuel soit fixé à 118 032 $ au 1er juillet 1998, à 120 393 $ au 1er juillet 1999 et à 122 801 $ au 1er juillet 2000;

«Approuve la recommandation 4 du Comité sur la base du traitement annuel prévu par la présente motion;

«Approuve la recommandation 9 du Comité en portant de 800 $ à 1 000 $ le montant de l'allocation à compter du 1er juillet 1998;

«2° en ce qui concerne les juges des cours municipales auxquelles s'applique la Loi sur les cours municipales:

«Approuve les recommandations 3, 4, 5 et 6 du Rapport du même Comité, déposé à l'Assemblée nationale le 21 octobre 1998 et portant le numéro de dépôt 1880-981021;

«Modifie la recommandation 1 du Comité relative à la rémunération par séance et par jour de façon à ce que, à compter du 1er janvier 1999, leur rémunération soit fixée ainsi: 260 $ pour une séance de moins de deux heures; 520 $ par séance d'au moins deux heures et d'au plus cinq heures; 1 040 $ pour une séance de plus de cinq heures; 1 040 $ pour la rémunération journalière maximale;

«Rejette la recommandation 2 du Comité relative à la rémunération annuelle maximale de façon à maintenir la règle actuelle prévue au paragraphe 3° de l'article 1 du décret 747-89 du 17 mai 1989.»

Je cède maintenant la parole à M. le porte-parole officiel de l'opposition en matière de justice et député de Marquette. M. le député, la parole est à vous.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je prends la parole sur la proposition déposée par la ministre de la Justice au nom du gouvernement concernant la question de la rémunération des juges de la Cour du Québec et des cours municipales du Québec. Je fais appel ici aujourd'hui à chaque député. Chacun d'entre nous a une responsabilité, comme législateur, de respecter les obligations qui nous sont imposées à la fois par la Constitution et bien sûr par les jugements qui découlent de la Cour suprême et des autres tribunaux.

(15 h 40)

M. le Président, la Conférence des juges du Québec fait appel à l'Assemblée nationale afin que nous puissions surseoir et écarter la proposition déposée par la ministre de la Justice au nom de l'Exécutif, c'est-à-dire au nom de son gouvernement. Hier, la Conférence des juges du Québec émettait un communiqué qui disait ceci: «La position gouvernementale vise à écarter l'application de l'essentiel des recommandations du comité Bisson qui avait été mandaté par le gouvernement du Québec.» Voici l'appel à chacun, chacune d'entre nous par la magistrature provinciale:

«La Conférence souhaite ardemment que l'Assemblée nationale respecte ses obligations constitutionnelles et qu'elle accepte l'ensemble des recommandations du rapport Bisson, en dépit – je répète, en dépit – de la position gouvernementale.» L'exécutif, le gouvernement, dépose une proposition qui bafoue littéralement les principes de l'indépendance et de l'impartialité de la magistrature. Ils obligent par ce fait même les juges à aller devant les tribunaux afin de faire valoir leur droit constitutionnel à avoir leur sécurité financière dans l'exercice de leurs fonctions, et l'exercice de leurs fonctions sont les fonctions les plus importantes dans une société libre et démocratique, c'est-à-dire que nous avons ce que nous appelons la séparation des pouvoirs entre le législatif, ce que nous sommes comme Assemblée nationale, l'exécutif, qui est le gouvernement, et la magistrature, c'est-à-dire les tribunaux.

M. le Président, je pensais que la ministre avait bien saisi l'importance de la proposition qu'elle déposerait en Chambre. Elle a dit, dans le cadre d'un débat à l'Assemblée nationale avec le soussigné, à quel point elle respectait l'indépendance de la magistrature. Je me permets de citer ses propos. Imaginez-vous, M. le Président, la ministre de la Justice, Procureur général de la province, jurisconsulte auprès du gouvernement, qui prend position, qui a le feu vert du Conseil des ministres, qui annonce la position gouvernementale, pour par la suite subir une véritable rebuffade de la part du premier ministre du Québec qui l'a désavoue publiquement. M. le Président, je me permets de lire l'extrait de l'échange entre moi-même et la ministre de la Justice alors que nous parlions spécifiquement de la question de la rémunération des juges de la Cour du Québec.

La ministre disait ceci, et je cite ses propos: «Comme vous le savez, comme ministre de la Justice, les propos que j'ai tenus depuis ma récente nomination font en sorte que je crois sincèrement à cette indépendance judiciaire. Lorsque l'on parle du pouvoir judiciaire, la Cour suprême a exprimé clairement que, pour que les juges puissent maintenir, entre autres, leur indépendance judiciaire, la rémunération des juges ne pouvait pas être négociée au même titre que celle d'autres membres de la fonction publique.»

Or, première gaffe du gouvernement du Parti québécois, lorsqu'ils se sont présentés devant le comité Bisson, ils ont dit que les juges étaient comme des fonctionnaires, qu'ils étaient des employés de la fonction publique. Tous leurs arguments ont été faits en conséquence de cela, alors que la Cour suprême et la Cour d'appel du Québec, dans plusieurs décisions, ont clairement évoqué le principe qu'un juge, dans notre système démocratique, n'est pas un fonctionnaire de l'État.

La ministre disait ceci: «Dans ce rapport-là – parlant du rapport Bisson, qui a été très bien fait, très bien fait – on a également fait l'exercice de comparer les juges de la Cour du Québec avec ceux des autres provinces du Canada.» Et je signale, M. le Président, qu'à la Chambre des communes, l'année passée, avec un débat identique concernant la rémunération des juges de la Cour supérieure du Québec, pour une augmentation qui était beaucoup plus importante, la Chambre des communes n'a pas hésité à prendre ses responsabilités, à les assumer et à voter une proposition qui accorde aux juges de la Cour supérieure la rémunération à laquelle ils ont droit, pour assurer leur sécurité financière.

Or, la ministre, en date du 30 mars 1999, elle était heureuse et fière de m'annoncer la position gouvernementale. Elle disait ceci, et je la cite: «Et je suis heureuse de vous annoncer, parce que c'est la première fois qu'on me pose la question, que, comme ministre de la Justice, je suis en accord avec les recommandations du rapport Bisson.» Elle a eu la chance de le faire le lendemain et le surlendemain. «Oui, effectivement, le gouvernement du Parti québécois, le Conseil des ministres va accorder aux juges de la Cour du Québec et aux juges des cours municipales l'augmentation salariale qu'ils méritent, parce qu'ils n'ont pas été augmentés depuis un trop grand nombre d'années.» Elle était très fière et très heureuse d'annoncer que le gouvernement allait assumer ses responsabilités.

M. le Président, ça a donné lieu, je dirais, à un concert d'éloges, et pour la partie gouvernementale et pour l'opposition, parce que j'ai annoncé que je souscrivais entièrement au rapport Bisson. Concert d'éloges de la part des analystes, de la part des éditorialistes, qui disaient que c'est une position courageuse qu'ont prise non seulement le gouvernement, mais également l'opposition, parce qu'il s'agit d'une institution extrêmement importante dans notre système démocratique, l'institution de la magistrature. Le principe est fondamental et sacré, que la magistrature doit être tout à fait indépendante et impartiale, et pour cela il y a des conditions qui sous-tendent ça. Et une des conditions, c'est la sécurité financière. Ça a été très très bien documenté dans le rapport du comité Bisson. Et, soit dit en passant, M. le Président, les personnes qui ont siégé sur le comité Bisson sont des personnes qui ont été choisies et mandatées par le gouvernement.

Mais le problème, M. le Président, c'est que le gouvernement a fait valoir des arguments. Le comité Bisson en a tenu compte, et le comité Bisson, en toute indépendance, a statué, a fait des recommandations que le gouvernement ne suit pas, que le gouvernement décide de mettre carrément de côté.

Pourquoi le gouvernement agit-il de cette façon-là? Le gouvernement agit de cette façon-là, M. le Président, parce qu'ils sont en train de se servir des juges de la Cour du Québec comme des pions sur un échiquier politique. Le premier ministre du Québec a tenu une conférence de presse pour dire qu'il craignait l'impact que ça aurait d'accorder une augmentation aux juges de la Cour du Québec et des cours municipales. Il craignait l'impact par rapport aux négociations dans la fonction publique. Alors que le principe fondamental est reconnu, c'est que les juges ne sont pas des fonctionnaires de la fonction publique; ils n'ont pas à subir les contrecoups de négociations entre les employés de l'État et le Conseil des ministres, et le gouvernement.

Cela est tellement vrai, M. le Président, qu'au moins deux ministres, à notre connaissance, de ce côté-là ont tenté de plaider au Conseil des ministres pour dire au premier ministre: Ça n'a pas de bon sens, M. le premier ministre, vous êtes en train de bafouer l'institution de la magistrature.

(15 h 50)

Dans une lettre dont j'ai obtenu copie, qui était adressée à toutes et à tous les juges de la Cour du Québec, du Tribunal du travail, du Tribunal des droits de la personne, des cours municipales de Montréal, de Québec et de Laval, signée par le président de la Conférence des juges du Québec, le 23 mars 1999, M. le juge Boulanger disait ceci: «Le ministre de la Justice de l'époque – et mon collègue le député de Chomedey qui était son vis-à-vis, qui est ici présent avec nous, qui va prendre la parole sur le dossier, s'en souvient fort bien – Me Serge Ménard, lors de l'Assemblée annuelle des juges, le 6 novembre dernier, a été explicite. Il nous a clairement indiqué qu'il était favorable aux recommandations et qu'il faisait le nécessaire pour défendre les recommandations devant ses collègues du Conseil des ministres. C'est d'ailleurs le langage qu'il a aussi tenu lors de la rentrée des tribunaux de septembre dernier dans différentes villes.»

L'ancien ministre de la Justice qui dit aux juges, à deux occasions différentes, que, lui, comme ministre de la Justice, il est en accord avec le rapport Bisson et qu'il va tout faire pour que le Conseil des ministres adopte les recommandations. La ministre de la Justice actuelle, députée de Lévis, en a fait autant. Elle a confirmé, M. le Président, dans la lettre dont fait état le juge Boulanger, en privé, à huis clos, au juge la même chose que faisait son prédécesseur, Serge Ménard. Et on pensait, de ce côté-ci, qu'ils avaient été convaincants, parce que le Conseil des ministres – et je vois quelques ministres devant moi qui sont ici – avait donné le feu vert pour permettre à la ministre d'annoncer la position gouvernementale.

Il y avait un retard, M. le Président. Imaginez-vous, le rapport avait été déposé le 4 août dernier, on est rendu au 30 mars 1999, et enfin on vient à connaître la position du gouvernement.

Alors, imaginez-vous, M. le Président, chez nous, mes collègues députés ont le plus grand respect de l'institution de la magistrature, et on a dit: On ne s'objectera pas à la proposition du gouvernement d'entériner et de faire les mêmes recommandations que lui fait le rapport Bisson, au niveau de l'Assemblée nationale.

Mais j'avais crainte, M. le Président, parce que, après quatre ans, je viens à connaître le premier ministre, le vice-premier ministre, le président du Conseil du trésor et la plupart des ministres, qui ne tiennent pas parole. C'est ça qui est arrivé: ils n'ont pas tenu parole dans ce dossier-là, ils se sont écrasés face aux centrales syndicales. C'est ça qui est arrivé, parce que les centrales syndicales ont dit: Si vous allez donner une telle hausse aux juges, nous, on aimerait en avoir une partie, du gâteau.

Alors, le premier ministre, que fait-il? Il décide de tirer le tapis sous les pieds de sa ministre de la Justice, et de son prédécesseur également, en disant, en la désavouant publiquement, qu'il n'était pas question qu'on aille, du côté gouvernemental, donner suite au rapport du comité Bisson, alors que moins de deux semaines auparavant la ministre, au nom du gouvernement, avait annoncé exactement le contraire.

Voilà dans quelle position le gouvernement place les juges de la Cour du Québec et de la cour municipale: il les oblige, M. le Président, à aller devant les tribunaux pour faire reconnaître leurs droits constitutionnels d'avoir la sécurité financière, les conditions de travail pour que nous puissions avoir le meilleur système de justice au monde et un système qui est tout à fait indépendant, où les juges sont indépendants et impartiaux.

Et on l'avait prévu, M. le Président. On l'avait prévu, parce que, au mois de février dernier, on avait alerté les médias, la rumeur qui circulait, et c'est le chat qui sort du sac présentement. On avait alerté les médias que le gouvernement allait attendre à la toute dernière minute, donner espoir aux juges, pour par la suite les obliger à poursuivre le gouvernement devant les tribunaux afin d'éventuellement se faire verser l'augmentation et les conditions de travail qui leur sont dues. C'est exactement ça qui s'est passé.

Le 13 février 1999... Je vais lire des extraits parus dans le journal La Presse sous la plume de Marie-Claude Malboeuf: «La rumeur la plus persistante dans le milieu veut qu'on accorde plutôt une augmentation de 2 % ou 3 % à la dernière minute – c'est ça, M. le Président, on est à la dernière minute – pour forcer les juges à poursuivre le gouvernement, rapporte Me Laberge.»

On a vu le communiqué de la Conférence des juges du Québec, qui font appel aujourd'hui au législateur de ne pas suivre la position de l'exécutif, parce qu'ils disent: Sinon, vous nous placez devant l'obligation d'aller devant les tribunaux. Alors, voilà. Le négociateur en chef qu'est le premier ministre, là, lui, son plan, il était bien arrêté. Il savait exactement où il s'en allait, et la rumeur courait. Donc, pour forcer les juges à poursuivre le gouvernement. Il obtiendrait ainsi un délai de quelques mois, et après les négociations seraient passées. Hein, voilà le plan de match: On va attendre qu'on ait réglé avec les employés de la fonction publique, avec les centrales syndicales, pour, par la suite, se faire imposer par un tribunal une décision que, si l'exécutif et les parlementaires de ce salon bleu avaient le courage, M. le Président, on ne les obligerait pas à aller devant les tribunaux.

Or, on disait ceci: Et après les négociations seraient passées, il ne risquerait plus de se faire remettre sous le nez le parallèle qu'il a lui-même tracé entre les juges et un certain type de fonctionnaires devant le comité Bisson. M. le Président, j'avais écrit à la ministre de la Justice pour lui dire de ne pas banaliser et mépriser le pouvoir judiciaire et de ne pas faire ce que le gouvernement est en train de faire.

M. le Président, le stratagème a été utilisé dans au moins deux autres provinces canadiennes, à ma connaissance. Terre-Neuve et l'Alberta ont voulu jouer le même jeu dont s'inspire l'actuel gouvernement pour forcer les juges à aller devant les tribunaux. Le journal La Presse rapportait que la plupart des provinces sont déjà allées de l'avant. Terre-Neuve et l'Alberta, qui n'ont pas suivi les recommandations de leur comité, ont toutes deux été poursuivies et ont perdu. Ils ont perdu devant les tribunaux, et je prédis que, s'il y a poursuite devant les tribunaux, le gouvernement du Québec va perdre, le gouvernement le sait.

Le Québec fait donc figure de retardataire, disait-on. Ironiquement, ses juges sont parmi... Écoutez, ça, là, les gens qui veulent faire la souveraineté du Québec, qui veulent nommer leurs juges, et que c'est dans leur programme politique, et que les juges siègent au niveau d'une Cour suprême du Québec, ces mêmes gens-là qui sont face à nous, par rapport aux juges que nous nommons à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire à l'exécutif, bien, voici ce qu'on dit: «Ironiquement, ses juges sont parmi les moins rémunérés, et de beaucoup, alors qu'ils assument les responsabilités les plus lourdes à travers le pays.» Ce même gouvernement là qui voudrait être souverain, qui voudrait tout contrôler, voilà la façon avec laquelle il bafoue la magistrature. C'est tout simplement inacceptable et inadmissible dans une société libre et démocratique que de ne pas respecter le pouvoir judiciaire.

(16 heures)

Et c'est pour ça que les juges font appel aujourd'hui aux parlementaires, non pas à l'exécutif, non pas au gouvernement, font appel aux parlementaires afin que nous puissions respecter les obligations qui découlent de la Constitution. C'est de ça qu'il s'agit. Est-ce qu'on croit, oui ou non, à l'indépendance de la magistrature? Si oui, on doit faire comme d'autres Parlements l'ont fait à travers le pays, y compris la Chambre des communes, c'est-à-dire accorder aux juges de la Cour du Québec la rémunération qui est recommandée dans le rapport Bisson, dont le comité a été formé par ce même gouvernement.

Et, soit dit en passant, M. le Président, les juges n'étaient pas d'accord avec les recommandations du comité Bisson, ils l'ont manifesté. Mais ils respectent le travail qui a été fait par les membres de ce comité, ils disent: On est prêts à s'y soumettre. Mais, lorsqu'ils constatent que le gouvernement est en train de se servir d'eux, des gens qui sont là, nommés afin de faire respecter les lois que nous votons ici, à l'Assemblée nationale, et les lois qui sont votées à la Chambre des communes, les gens qui ont comme mandat de faire respecter les droits et libertés des personnes, les gens qui font respecter les chartes canadienne et québécoise, les gens qui déterminent si des infractions ont été commises à la loi, ces gens-là sont bafoués, sont méprisés par l'exécutif, le gouvernement.

Ce n'est pas nouveau, M. le Président. On se souvient, à combien de reprises, du mépris affiché par le gouvernement du Parti québécois à l'endroit des tribunaux, particulièrement à l'endroit du plus haut tribunal du pays, la Cour suprême du Canada, que le premier ministre n'hésitait jamais à bafouer: C'est une tour de Pise, elle penche toujours du même bord; on est en désaccord avec les décisions. Les choses étaient devant la Cour suprême, le premier ministre, allégrement, se permettait de commenter. Aucun respect de la magistrature, des institutions démocratiques, M. le Président, qui sont le fondement de notre société.

Alors, sur ça, l'opposition officielle, elle, assume ses responsabilités, prend une position courageuse et dit au gouvernement: Nous allons voter contre votre motion qui bafoue l'institution de la magistrature. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Marquette et porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice. Je cède maintenant la parole à M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chomedey. M. le député, la parole est à vous.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. Après l'exposé détaillé de mon collègue le député de Marquette et porte-parole de l'opposition en matière de justice, je serai bref. Cependant, il importe ici aujourd'hui, sur cette importante question de l'indépendance judiciaire, de bien s'assurer d'une chose: que le public qui nous écoute comprend que, lorsqu'on parle de Constitution, on parle d'autre chose que de chicanes entre Québec et Ottawa.

Lorsqu'on parle de Constitution, M. le Président, on parle des règles qui nous régissent en tant que société de droit. Et qu'est-ce qu'on entend par société ou État de droit? On veut dire que, dans notre société, on doit agir selon les lois dûment votées et selon les institutions démocratiques qu'on s'est données. C'est une des règles fondamentales dans notre société que cette Législature, le Parlement du Québec, l'Assemblée nationale doit être distincte des autorités qui doivent décider comment appliquer nos lois. On a vu comment cette question était délicate cet après-midi, lorsque la question a été soulevée de savoir si la Procureur général ou l'un ou l'autre de ses représentants ou substituts pouvait siéger sur un comité nommé par un autre membre du Conseil des ministres, avec lequel elle siège, pour enquêter sur les faits et gestes dont lui aurait été responsable lorsqu'il était ministre en titre du Revenu avant les événements récents qu'on connaît. Des questions toujours très importantes, très délicates, qui appellent notre attention à chaque fois, pour la raison suivante.

Si on prend pour acquis ces institutions, si on ne respecte pas ces fondements-là, si on croit que c'est juste comme ça qu'on peut jouer dedans ou s'ingérer dedans sans se rappeler le fondement, la raison d'être, on risque de perdre ce qui nous distingue, au Québec et au Canada, de la plupart des pays du monde qui, malheureusement, ne connaissent pas les droits, les libertés, tout ce qu'on connaît ici et que, malheureusement, on prend pour acquis dans une société libre et démocratique.

M. le Président, j'étais effectivement porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice lorsque le député de Laval-des-Rapides était le ministre. Ayant l'occasion de le côtoyer souvent parce que nos comtés sont voisins, je connais bien les positions du député de Laval-des-Rapides sur ces questions-là, et, je vous avoue, quand il a pris une position claire dès le départ, qu'il voulait que le Québec soit une des premières provinces à respecter le jugement de la Cour suprême en matière de rémunération des juges, moi, j'ai eu beaucoup de respect pour lui. Quand je l'ai entendu dire ça, moi, je me suis dit: Ça, c'est quelqu'un qui comprend l'importance de respecter les institutions.

Ce n'était pas facile, parce que tout le monde savait qu'il y avait une négociation qui devait s'en venir, une négociation dans le secteur public. Mais, lui, ayant déjà été un avocat qui pratiquait devant des juges et qui représentait souvent des gens en défense criminelle, il connaît ça, l'importance d'avoir un juge indépendant, parce que, d'un côté, lorsqu'il y a une cause criminelle, il y a l'avocat qui essaie de défendre la personne et de s'assurer que son droit d'être présumée innocente est respecté et, de l'autre côté, il y a un procureur dit de la couronne qui représente l'autorité constituée, en quelque sorte, donc l'État lui-même, le gouvernement, comme on l'appelle souvent.

Si on n'avait pas un mur entre le juge et le représentant du gouvernement, vous vous imaginez comment se sentirait la personne qui arrive devant ce juge-là? Elle dirait: Mais les carottes sont cuites! Ils sont ligués ensemble! Ils doivent négocier ensemble, ils parlent ensemble. C'est de ça qu'on parle lorsqu'on parle du respect pour nos institutions. La personne qui arrive devant un tribunal, peu importe la situation, peu importe le procès, doit avoir la conviction, la certitude que la personne qui la juge n'a pas d'autres idées en tête que celle de savoir comment elle applique la loi à la situation qui est devant elle, sur la seule base de la preuve qu'elle jugerait admissible selon les règles reconnues. C'est pour ça que la volte-face de 180 degrés de ce gouvernement-là, désavouant le député de Laval-des-Rapides, dégoupillant la députée de Lévis et ministre de la Justice, la laissant là, sur la voie ferrée, c'est tellement inquiétant, parce que le gouvernement était d'un cynisme rare.

Je vais vous dire pourquoi, M. le Président. Dans au moins deux autres provinces, ça a déjà été essayé, ça. On ne suivrait pas les recommandations du Comité malgré le fait que le Comité soit mandaté en vertu d'un jugement de la Cour suprême. Ce que ça veut dire en clair, M. le Président, c'est que le gouvernement a cyniquement pris la décision suivante: On ne peut pas leur donner cette augmentation-là maintenant, on va avoir l'air fou vis-à-vis de la fonction publique et de son syndicat. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va désavouer nos deux ministres. Les juges vont aller en cour, on va se faire blaster, c'est sûr, on toffera ça, on mettra nos bons «spinners» là-dessus, Jean-François Lisée, puis tout le reste. Ils vont dire: Bien, vous voyez, on est des bons gars, ça a été en cour, jugement a été rendu, on va le suivre, maintenant.

Mais le jugement a déjà été rendu, M. le Président. Le jugement a été rendu par la Cour suprême. Le député de Laval-des-Rapides l'a compris, la députée de Lévis, ministre de la Justice, l'a également compris et elle a dit, comme mon collègue le député de Marquette a indiqué tantôt, publiquement quelle était l'intention de son gouvernement.

Je vois la ministre du Travail; c'est plutôt son gouvernement, parce que, à chaque fois qu'elle en parle, elle dit que c'est à elle. Mais enfin, c'est le gouvernement à eux tous. Le gouvernement dont font partie la ministre de la Justice et la ministre du Travail avait promis aux juges qu'il allait respecter le jugement de la Cour suprême sur le salaire des juges et sur la manière d'accorder et de déterminer le salaire des juges. Ce manque de respect pour le jugement, ce manque de respect, donc, pour les institutions rejaillit très négativement sur le gouvernement du Parti québécois. C'est comme dans beaucoup d'autres domaines avec ce gouvernement péquiste, M. le Président: toujours capable de maintenir un beau discours, mais, lorsqu'on regarde les faits, c'est toujours le contraire. Un beau discours social-démocrate; en réalité, des coupures sauvages dans les programmes sociaux.

(16 h 10)

C'est ça, la réalité du Parti québécois, M. le Président: beau discours sur l'État de droit; comportement comme les gendarmes en Corse, le feu que Jospin est en train d'essayer d'éteindre en France. C'est ça, de ne pas avoir un État de droit, ça mène à ça. Ça amène à des préfets qui sont en prison pour avoir monté des trucs comme ça en Corse, et c'est ça que certains membres de ce gouvernement-là avaient très bien compris, que les juges, s'ils ne sont pas respectés, si le jugement n'est pas respecté...

Je vois que ça intéresse beaucoup le ministre et député des Îles-de-la-Madeleine. J'attends avec impatience son discours de fond, passionné, sur ce sujet ou tout autre depuis qu'il est arrivé, pour qu'il nous parle justement de sa pensée profonde. Comment il a voté, lui, le député des Îles-de-la-Madeleine et ministre délégué au Tourisme, quand cette question-là est venue devant le Conseil des ministres? Pourquoi il ne se lève pas aujourd'hui pour se prononcer sur la motion de sa collègue? Pourquoi est-ce qu'il ne nous en parle pas, de ce que, lui, il pense, de ce que, lui, il a dans les tripes? Pourquoi il ne parle pas de l'importance de respecter les institutions, M. le Président?

Alors, en terminant, le gouvernement du Parti québécois a pris une décision intentionnelle, une décision visant à s'assurer que les juges soient obligés d'aller devant les tribunaux. Mais, parlant de promesse rompue, on se souvient très bien comment la ministre du Travail, hier, s'est levée en Chambre. Le premier ministre a expliqué qu'il n'était pas question de donner suite à la promesse pourtant formelle donnée aux femmes, notamment, qui travaillent chez Bell Canada. Des milliers de personnes, M. le Président.

Mon collègue, hier, notre porte-parole en matière de travail a eu l'occasion de soulever cette importante question. Le député de LaFontaine a rappelé qu'ils n'avaient pas tenu leur promesse. Vous souvenez-vous, M. le Président, quel était le prétexte, hier, du premier ministre pour ne pas respecter sa promesse? Son excuse d'hier, c'était l'instabilité juridique. Fallait que, lorsque les gens font un plan, les règles de droit ne changent pas après coup, hein? Donc, une plaidoirie, pour justifier le fait qu'ils rompent une promesse, basée sur l'importance de préserver l'État et la stabilité du droit.

Bon, qu'est-ce qu'on a aujourd'hui? Un gouvernement qui est en train de créer de l'instabilité. Parce que ça faisait partie sans doute de leurs calculs. Ils doivent avoir hâte que la décision les renversant vienne assez rapidement, parce que tous et chacun des jugements rendus par un juge de la Cour du Québec à partir de maintenant, à partir d'aujourd'hui sont susceptibles d'être renversés, déclarés nuls et non avenus parce que le juge en question ne bénéficie pas, en vertu de l'évaluation de la Cour suprême, de l'autonomie, de l'indépendance nécessaire pour exercer sa fonction, comme le veut notre Constitution à nous autres, qu'on s'est donnée au Québec. C'est ça, M. le Président, qui est en cause.

La stabilité du droit, hier, comme excuse pour justifier le fait que le premier ministre brise sa promesse vis-à-vis des femmes qui travaillent chez Bell. Aujourd'hui, on crée de l'instabilité en rompant une promesse. C'est ça, le niveau d'inconsistance, d'incohérence de ce gouvernement du Parti québécois, jamais capable de faire face à la musique et de dire: Écoutez, au lieu d'utiliser des faux-fuyants comme renvoyer les juges devant la cour, on va mordre, là, on va dire: Écoutez, la Cour suprême a jugé, c'est important, les institutions, c'est important, la stabilité du droit. Non. Hier, c'était important, la stabilité du droit; ça a servi de prétexte pour renier la promesse aux femmes qui travaillent chez Bell. Aujourd'hui, la stabilité du droit, on s'en balance complètement, on prend un risque cyniquement calculé avec tout notre système judiciaire et toutes les décisions rendues à la Cour du Québec et dans les cours municipales, à cause d'un manque flagrant, évident, patent d'indépendance, suite aux agissements opportunistes et cyniques du gouvernement du Parti québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chomedey. Alors, sur ce même sujet, je cède la parole maintenant à M. le député de Saint-Laurent.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Je ne vous ferai pas l'injure de répéter ce que, avec éloquence, le député de Marquette et, maintenant, le député de Chomedey viennent de dire et de relater au sujet de cette motion. Cependant, je voudrais ajouter simplement le point de vue suivant.

On a dit à combien de reprises, M. le Président, l'improvisation de ce gouvernement. Évidemment, ce gouvernement improvise toutes sortes de décisions, notamment dans le dossier qui nous occupe cet après-midi. M. le Président, quand on improvise comme le fait ce gouvernement-là, il y a un défaut qui est toujours le même et qu'on refait de fois en fois, c'est qu'on évalue mal les risques de nos décisions.

Dans le dossier qui nous occupe, le rapport Bisson, qui a été déposé, sur la rémunération des juges a jugé que la mesure par laquelle on pouvait évaluer l'indépendance des juges à ce moment-ci de notre histoire, c'était l'augmentation qui était suggérée dans le rapport Bisson. La ministre de la Justice – pas n'importe qui, là – déclare, au moment où le rapport Bisson est rendu public: Je suis d'accord avec le rapport Bisson, et le gouvernement – je suis la ministre de la Justice – entend suivre les recommandations du rapport Bisson.

Voici que, quelques semaines plus tard, quelques jours plus tard, le premier ministre déclare: Non. Ce que la ministre de la Justice a dit il y a quelques semaines, ce n'est pas le cas. On ne suivra pas les recommandations du rapport Bisson.

Tout le monde sait, et vous le savez, M. le Président, puisque vous avez vous-même exercé devant les tribunaux dans une autre vie, combien les plaideurs ont de l'imagination pour trouver des arguments devant les tribunaux pour essayer, évidemment, de défendre leurs clients et de faire en sorte que leurs clients puissent, comme on dit dans le langage du métier, s'en sortir. Or, comme l'a dit le député de Chomedey, l'un des arguments dont les plaideurs risquent dorénavant de se servir régulièrement devant les tribunaux, c'est justement le fait qu'ils sont devant un tribunal qui ne rencontre pas les préceptes de l'indépendance et de l'impartialité.

M. le Président, c'est vous dire combien ce gouvernement est irresponsable, combien la déclaration de la ministre de la Justice, lorsqu'elle reçoit le rapport Bisson et qu'elle indique être d'accord avec les recommandations du rapport Bisson, alors que, quelques semaines plus tard, le gouvernement prend la décision de ne pas suivre les recommandations, va servir, malheureusement, certains plaideurs qui vont suivre nos débats justement pour aller chercher un argument.

D'ailleurs, M. le Président, sous la signature de Marie-Claude Malboeuf, dans le journal La Presse du mercredi 17 février 1999, Mme Malboeuf fait référence à un dossier qui est actuellement pendant devant la Cour d'appel, dossier qui implique un juge de la Cour supérieure, dans lequel, justement, les avocats ont utilisé cet argument.

Alors, M. le Président, c'est à se demander, et je termine là-dessus, si la ministre de la Justice, le Conseil des ministres, le premier ministre du Québec ont évalué, avant de faire la dernière déclaration dans ce dossier-là, les risques énormes qu'ils font courir au système judiciaire. Et est-ce qu'on a évalué la paralysie possible, comme le disait le député de Chomedey il y a quelques minutes, la paralysie possible devant nos tribunaux d'un nombre important de causes qui ne pourront pas procéder en raison de l'improvisation, encore une fois, de l'irresponsabilité, encore une fois, de ce gouvernement-là?

Moi, je souhaite, comme membre de l'opposition, que ça ne soit pas le cas. Mais souvenons-nous que, si ça devait devenir le cas, ce sera entièrement, complètement la faute de ce gouvernement.

Des voix: Bravo!

(16 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, le débat est maintenant terminé. Je vais maintenant mettre aux voix la motion de Mme la ministre de la Justice, qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale:

«Fasse siennes la position et les justifications du gouvernement exposées dans le document déposé le 5 mai 1999 par la ministre de la Justice; et

«1° en ce qui concerne les juges de la Cour du Québec et des cours municipales de Laval, Montréal et Québec:

«Approuve les recommandations 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 10 du Rapport du Comité de la rémunération des juges, déposé à l'Assemblée nationale le 21 octobre 1998 et portant le numéro de dépôt 1880-981021;

«Modifie la recommandation 1 du Comité de façon à ce que leur traitement annuel soit fixé à 118 032 $ au 1er juillet 1998, à 120 393 $ au 1er juillet 1999 et à 122 801 $ au 1er juillet 2000;

«Approuve la recommandation 4 du Comité sur la base du traitement annuel prévu par la présente motion;

«Approuve la recommandation 9 du Comité en portant de 800 $ à 1 000 $ le montant de l'allocation à compter du 1er juillet 1998;

«2° en ce qui concerne les juges des cours municipales auxquels s'applique la Loi sur les cours municipales:

«Approuve les recommandations 3, 4, 5 et 6 du rapport du même Comité déposé à l'Assemblée nationale le 21 octobre 1998 et portant le numéro de dépôt 1880-981021;

«Modifie la recommandation 1 du Comité relative à la rémunération par séance et par jour de façon à ce qu'à compter du 1er janvier 1999 leur rémunération soit fixée ainsi: 260 $ pour une séance de moins de deux heures; 520 $ par séance d'au moins deux heures et d'au plus cinq heures; 1 040 $ pour une séance de plus de cinq heures; 1 040 $ pour la rémunération journalière maximale;

«Rejette la recommandation 2 du Comité relative à la rémunération annuelle maximale de façon à maintenir la règle actuelle prévue au paragraphe 3° de l'article 1 du décret 747-89 du 17 mai 1989.»

Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Cette motion est adoptée sur division. Vote nominal? Alors, qu'on appelle les députés.

M. le leader adjoint du gouvernement.


Vote reporté

M. Boisclair: M. le Président, en vertu de l'article 223 du règlement, je fais motion pour que le vote soit reporté à mardi, après la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): En conformité avec cet article, le vote est reporté à mardi prochain, à la période des affaires courantes.

Alors, nous poursuivons nos débats. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 5 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 6


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 5 du feuilleton. Mme la ministre de la Culture et des Communications propose l'adoption du principe du projet de loi n° 6, Loi modifiant la Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal et la Loi sur la Société du Grand Théâtre de Québec. Y a-t-il des interventions? Mme la ministre de la Culture et des Communications, vous avez la parole.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Je propose aujourd'hui le projet de loi qui vise à modifier la Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal et la Loi sur la Société du Grand Théâtre de Québec. Ce projet de loi vient concrétiser un des engagements de la politique de diffusion des arts de la scène rendue publique en décembre 1996. Cette politique participe à un virage important en ce qui concerne le rôle de l'État en matière de culture. Elle reconnaît l'importance d'aborder les enjeux culturels non plus seulement en fonction de la perspective des artistes et de la création, mais également en fonction des rapports que les citoyens entretiennent avec l'art.

En favorisant la rencontre entre les créateurs, les artisans et les interprètes, d'une part, et le public, d'autre part, cette politique contribue, M. le Président, à la démocratisation de la culture. En effet, toute la société y gagne. D'abord, le spectateur qui ajoute à sa réflexion, à sa sensibilité, à sa curiosité et qui partage une part de ses acquis avec son entourage. Mais c'est aussi l'artiste qui, pour toucher, provoquer, déconcerter son public pour mieux le séduire par la suite, cherchera à se dépasser un peu plus à chaque fois. Lieux de diffusion de la culture par excellence, la Place des Arts et le Grand Théâtre ont été créés pour permettre que cet échange entre les citoyens et les artistes puisse avoir lieu.

D'abord, un peu d'histoire. L'actualisation du mandat et des fonctions des deux institutions, telle qu'elle est proposée dans le projet de loi, prend tout son sens lorsqu'on considère l'évolution de la Place des Arts et du Grand Théâtre depuis leur création. La première intervention législative en faveur d'une grande salle de spectacle remonte à février 1956, par la sanction de la loi pour faciliter l'établissement et l'administration d'une salle de concert à Montréal. À cette époque, Montréal ne disposait pas de salle de spectacle de qualité. L'orchestre symphonique évoluait dans un environnement difficile. C'était, à l'époque, à l'Auditorium du Plateau. Les grands artistes internationaux se produisaient, en anglais, au Her Majesty's, qu'on s'apprêtait tout juste à démolir, et en français, dans une ancienne salle de music-hall, La Comédie-Canadienne.

L'inauguration de la grande salle de la Place des Arts a lieu le 23 septembre 1963. Ce soir-là, on applaudit non seulement un concert de l'Orchestre symphonique de Montréal, mais également la concrétisation d'un grand rêve, celui de doter Montréal d'une salle de concert digne d'une métropole. Un peu plus tard, soit en 1964, est adoptée la Loi de la Place des Arts qui crée la Régie de la Place des Arts.

La tenue de l'Exposition universelle à Montréal en 1967 accélère la construction d'un deuxième édifice qui abrite le Théâtre Maisonneuve et le Théâtre Jean-Duceppe, nommé à l'origine Théâtre Port-Royal. Cet édifice abritera aussi, à compter de 1978, le Théâtre du Café de la Place.

Le complexe artistique dispose évidemment dès cette époque des salles de répétition, des ateliers de décors et de costumes, des espaces administratifs et des lieux d'entreposage nécessaires aux activités des utilisateurs. Au fil des ans, grâce à des améliorations constantes et à des travaux de rénovation d'importance, la Place des Arts est demeurée l'équipement majeur de la métropole dans le domaine des arts de la scène. Aucun autre lieu de diffusion ne dispose des mêmes avantages et n'offre la même diversité dans sa programmation.

À Québec, les spectacles de musique et de théâtre se déroulaient dans une grande salle depuis le milieu du siècle dernier, mais, à la fin des années soixante, le concept de la grande salle cède le pas à celui du complexe ou du centre culturel polyvalent capable d'accueillir divers genres de spectacles, à l'image de la Place des Arts de Montréal et d'autres équipements culturels en Europe et en Amérique du Nord. Il s'agissait en fait de concentrer dans un même lieu, à partir d'un concept de salles et d'équipements multidisciplinaires, l'ensemble des activités d'opéra, de l'Orchestre symphonique, de récital et de théâtre institutionnel.

L'avènement du Grand Théâtre de Québec permet à la capitale de se doter de salles disposant d'équipements modernes de qualité. En 1970, la Loi du Grand Théâtre de Québec crée une régie sur le modèle de la Place des Arts. L'inauguration du complexe artistique a lieu en janvier 1971. Au fil des ans, des améliorations seront apportées au Grand Théâtre, qui dispose aujourd'hui d'équipements techniques de haut niveau permettant de présenter des productions d'envergure et d'inscrire Québec dans le circuit culturel international.

En 1982, la Société de la Place des Arts de Montréal et la Société du Grand Théâtre de Québec se substituent à la Régie de la Place des Arts et à la Régie du Grand Théâtre. On veut modifier le rôle et élargir les pouvoirs consentis aux deux complexes culturels et, en plus, revoir les mécanismes de contrôle qui leur sont imposés. Depuis – il en a toujours été ainsi, M. le Président – chaque fois que cette Assemblée s'est penchée sur le rôle et le fonctionnement de la Place des Arts de Montréal et du Grand Théâtre de Québec, c'est avec la volonté manifeste d'adapter ces institutions à la réalité de la société dans laquelle elles sont ancrées pour qu'elles puissent contribuer à son évolution culturelle et à son rayonnement.

Et, aujourd'hui, 17 ans après les dernières modifications apportées à leurs lois constitutives et près de trois ans après l'adoption de la politique de la diffusion des arts de la scène, nous considérons qu'il est plus que jamais nécessaire d'actualiser la Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal et la Loi sur la Société du Grand Théâtre de Québec.

La Place des Arts de Montréal abrite maintenant cinq salles de spectacle dont la capacité varie de 138 à 2 992 sièges. Le Grand Théâtre de Québec, quant à lui, répartit sa programmation entre la salle Louis-Fréchette, 1 878 sièges, et la salle Octave-Crémazie, qui a 716 sièges.

Au cours de la saison 1997-1998, plus de 730 représentations de spectacles ont été présentées à la Place des Arts en programmation régulière devant un peu plus de 700 000 spectateurs. Pendant la même saison, les 205 représentations offertes par le Grand Théâtre de Québec ont attiré près 157 000 spectateurs.

(16 h 30)

Les deux sociétés accueillent en résidence des organismes artistiques majeurs pour la croissance et le rayonnement des arts au Québec. L'Orchestre symphonique de Montréal, l'Opéra de Montréal, les Grands Ballets canadiens et la compagnie Jean-Duceppe, entre autres, sont des résidents de la Place des Arts. Le Grand Théâtre, pour sa part, est l'hôte de l'Orchestre symphonique de Québec, du Théâtre du Trident, de l'Opéra de Québec et du Club musical de Québec. Grâce à la Place des Arts et au Grand Théâtre, ces organismes résidents peuvent diffuser en permanence à partir d'un seul lieu sans avoir à en assurer la gestion. Ils ont la préséance en ce qui a trait aux choix des dates pour la présentation de leurs spectacles ou de leurs concerts, ce qui facilite leur rayonnement. De plus, le mode de tarification utilisé par la Société de la Place des Arts de Montréal et la Société du Grand Théâtre de Québec tient compte des succès et des difficultés que connaissent les organismes résidents, ce qui constitue une forme de contribution financière à leur fonctionnement.

Depuis la création de la Régie de la Place des Arts, en 1963, et celle du Grand Théâtre, en 1970, la dynamique qui régit la diffusion des arts de la scène s'est considérablement modifiée, tant du côté de la production que de la diffusion. Alors que les grands organismes institutionnels occupaient presque toute la place dans la capitale et la métropole – il y a encore relativement très peu de temps d'ailleurs – on a vu tout à coup de plus en plus d'organismes de théâtre, de danse, de musique et de variétés prendre rapidement un essor remarquable. La qualité et l'originalité des prestations de plusieurs d'entre eux sont telles qu'ils sont très sollicités sur la scène internationale, au point d'être quelquefois mieux connus à l'étranger que chez nous.

Du côté des lieux de diffusion, le tableau d'ensemble s'est également modifié de façon importante. Notre réseau de salles de spectacle s'est étendu à l'ensemble du territoire et constitue aujourd'hui un circuit de diffusion professionnelle enviable. Les diffuseurs de toutes les régions du Québec travaillent désormais en réseau et s'échangent des services et des compétences. Sur les 8 200 représentations de spectacles qui ont eu lieu au Québec en 1997-1998, plus du tiers ont été offertes hors des régions de Montréal et de Québec.

La profession de diffuseur s'est transformée elle aussi. De simple gestionnaire de spectacles qu'il était au début, le diffuseur est aujourd'hui responsable de la planification de la saison, responsable aussi des choix artistiques et des risques financiers qui y sont associés. Ainsi, au lieu de simplement louer sa salle, le diffuseur achète un spectacle ou un concert à prix fixe et récolte les bénéfices... dans le cas contraire. Par ailleurs, de plus en plus de diffuseurs travaillent en coproduction avec les compagnies artistiques et s'associent à un spectacle dès sa conception.

Dans la poussée de la mondialisation qui caractérise notre époque, il n'est pas rare de voir des producteurs et des diffuseurs de pays différents s'associer pour produire un spectacle. Le spectacle actuel de la compagnie montréalaise de danse La La La Human Steps, par exemple, est coproduit, entre autres, par des diffuseurs de Tokyo, de Paris, d'Amsterdam et d'Anvers, et, bien sûr, chacun des ces diffuseurs présente le spectacle dans sa salle. Ce que ça donne, M. le Président, c'est que, avant même de produire sa première représentation, La La La Human Steps avait devant elle deux ans de tournée. Dans un tel contexte, le diffuseur cherchera à mieux connaître son public pour lui présenter les spectacles qu'il souhaite voir, bien sûr, mais aussi pour lui faire découvrir des oeuvres nouvelles et différentes. Il doit alors mettre au point des stratégies pour développer et attirer de nouveaux publics.

Si les acteurs de la chaîne qui permet au spectacle de naître et d'atteindre son public ont changé considérablement au cours des dernières années, les modes de collaboration entre ces différents protagonistes sont aussi en pleine mutation. C'est en tenant compte de ce contexte, M. le Président, que nous avons élaboré la Politique de diffusion des arts de la scène, une politique basée sur la volonté d'adapter l'intervention gouvernementale aux nouvelles réalités du secteur, une politique articulée autour de deux grandes priorités: la sensibilisation et le développement des publics et l'accès de la population à un éventail diversifié de spectacles.

Le fait, pour l'ensemble des citoyens, d'avoir le choix d'un large éventail de spectacles qui reflète la richesse de la création québécoise, les grands courants qui caractérisent les arts sur la scène mondiale, est un des aspects essentiels de la démocratisation de la culture. Il était donc nécessaire de faire de l'accessibilité une des priorités de cette politique.

Par ailleurs, si, depuis 30 ans, l'État a beaucoup investi pour favoriser la création artistique et s'il a fait en sorte qu'il existe des lieux pour accueillir les spectacles, par contre, peu d'efforts ont été faits jusqu'à maintenant à l'endroit des publics. Or, il paraît clair aujourd'hui qu'on ne peut agir efficacement sur la fréquentation des oeuvres sans mettre en place les mécanismes permettant de développer des publics.

Évidemment, M. le Président, les deux priorités de cette politique commandaient un ensemble de mesures complémentaires qui, pour la plupart, ont déjà été mises en oeuvre. Ainsi la Commission de diffusion des arts de la scène, qui a comme mandat de conseiller la ministre sur la cohérence des interventions gouvernementales en matière de diffusion, en est à sa troisième année d'activité.

Sur le terrain, des crédits additionnels de près de 1 500 000 $ ont permis de bonifier et de consolider le soutien aux diffuseurs actifs dans les différentes régions du Québec. Une centaine d'entre eux ont d'ailleurs signé des ententes triennales avec le ministère, qui portent essentiellement sur la diversification de leur programmation et bien sûr sur le développement des publics.

Le nouveau Programme de soutien aux projets innovateurs de concertation et de coopération en diffusion des arts de la scène a permis la réalisation d'une vingtaine de projets axés sur le partenariat et la collaboration entre les différents intervenants de la chaîne du spectacle. Certains de ces projets, par exemple Pour que la danse reprenne les routes du Québec , Les voyagements, Les fenêtres de la création théâtrale, Les sorties du TNM, Le club des mordus du théâtre, pour n'en nommer que quelques-uns, ont permis d'expérimenter et de mettre au point des formules dont l'impact sur le développement de ces disciplines est manifeste.

La mesure fiscale à l'intention des entreprises qui achètent des abonnements de spectacles a reçu un accueil on ne peut plus favorable. Les Journées de la culture connaissent, elles aussi, un succès sans cesse grandissant. Enfin, l'importance de la fréquentation des arts dès l'âge scolaire n'étant plus à démontrer, un protocole d'entente a été signé entre le ministère de la Culture et des Communications et le ministère de l'Éducation en vue de favoriser une plus grande ouverture du milieu de l'éducation à l'égard des ressources culturelles disponibles.

La proposition que je fais aujourd'hui aux membres de cette Chambre figure parmi les mesures de la politique de diffusion des arts de la scène qui reste à mettre en oeuvre. Le projet de loi dont je propose l'étude s'inscrit dans la complémentarité des actions que je viens d'évoquer. En effet, la Place des Arts de Montréal et le Grand Théâtre de Québec, ces lieux publics de diffusion situés au coeur de la métropole et de la capitale, ont un rôle majeur à jouer en ce qui concerne l'accessibilité pour favoriser la rencontre du public avec la création. Par ce projet de loi, M. le Président, nous proposons de permettre à la Place des Arts de Montréal et au Grand Théâtre de Québec d'assumer le leadership qui leur revient dans le domaine des arts de la scène au Québec. Nous voulons actualiser leur loi constitutive afin qu'ils participent pleinement au développement des arts de la scène et à leur rayonnement sur l'ensemble du territoire québécois ainsi qu'à l'étranger. Notre objectif fondamental est d'assurer l'adéquation entre la mission et les activités des deux institutions et les besoins de la collectivité.

Le changement proposé à la mission des deux institutions constitue l'une des principales modifications apportées aux lois actuellement en vigueur. À l'article 4 du projet de loi, on définit la mission de la Société de la Place des Arts de Montréal comme suit: La Société a pour objets d'exploiter une entreprise de diffusion des arts de la scène et d'administrer la Place des Arts de Montréal ou tout lieu dont le gouvernement lui confie la gestion. Ces activités ont particulièrement pour but de procurer un lieu d'accès aux diverses formes d'art de la scène, et de servir de résidence aux organismes artistiques majeurs, et de favoriser la vie artistique et culturelle au Québec.

L'article 13 du projet de loi reprend dans les mêmes termes la mission de la Société du Grand Théâtre de Québec. Le projet de loi précise la mission des deux sociétés. On y indique notamment qu'elles peuvent produire, coproduire ou accueillir des oeuvres artistiques du Québec et de l'étranger, organiser des activités visant la sensibilisation et l'accroissement du public ou offrir des services particuliers aux organismes artistiques et aux producteurs, et établir une politique de fonctionnement à cet égard. Ces modifications clarifieront le rôle des deux institutions, tel que le milieu culturel le souhaite. Les deux sociétés doivent être exemplaires dans la réalisation de leur mandat de diffusion et elles ont la responsabilité d'agir comme membres à part entière des réseaux de diffusion québécois et international, relève-t-on dans la Politique de diffusion des arts de la scène. La mission qui leur est confiée dans le projet de loi est en conformité avec les attentes ainsi exprimées.

Pour faciliter les ententes de coproduction de spectacles, le projet de loi permet aux deux sociétés d'acquérir des actions, des parts ou des éléments d'actif d'une personne morale après autorisation du gouvernement. Ceci leur permettra de contribuer au développement d'entreprises culturelles dont la mission est complémentaire à la leur, tout en participant à l'évolution des modes de collaboration dans le domaine des arts de la scène. Dans le contexte actuel de redressement des finances publiques, les deux sociétés devront générer elles-mêmes les revenus nécessaires à leur plus grande participation à la dynamique québécoise de diffusion des arts de la scène. Le projet de loi fait en sorte qu'à l'avenir les deux sociétés pourront conserver leurs surplus budgétaires pour les investir dans des projets de production, d'animation et de développement des publics, en concertation avec les organismes résidents ou d'autres partenaires culturels ou municipaux. Ainsi, elles auront davantage de moyens pour atteindre les objectifs de la politique de diffusion.

(16 h 40)

Afin d'élargir leur représentativité, le projet de loi prévoit la nomination des neuf membres du conseil d'administration après consultation de la communauté urbaine correspondant à leur territoire et des milieux socioéconomiques et culturels. Le conseil reflétera ainsi beaucoup mieux le double rôle des institutions à l'endroit de leur communauté et du milieu culturel.

Enfin, le plan triennal d'activité des deux institutions devra prendre en compte les orientations et les objectifs que la ministre responsable leur indiquera. C'est par ce moyen que la cohérence de l'action des deux institutions avec les politiques gouvernementales sera assurée et qu'elle rejoindra notamment les préoccupations de la politique de diffusion des arts de la scène.

À cet égard, l'un des grands mérites du projet de loi est de reconnaître la responsabilité de la Place des Arts et du Grand Théâtre en matière de culture. Responsabilité dans le développement des publics, mais responsabilité aussi dans la survie et l'essor des organismes artistiques de toute taille et de toute discipline qui gravitent dans le paysage culturel du Québec.

Véritables carrefours des tendances et des arts, la Place des Arts et le Grand Théâtre doivent être les premiers témoins de la pluralité artistique et doivent réussir ce tour de force d'accueillir à la fois la création nationale et la création internationale, les organismes majeurs comme les organismes de la relève, le public averti comme les publics moins expérimentés. Ce n'est qu'à ce prix, M. le Président, que parviendra à s'instaurer un véritable partenariat entre entreprises, pays ou continents et que les villes de Montréal et de Québec pourront s'inscrire dans les grands circuits culturels internationaux.

J'invite l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale à adopter le principe de ce projet de loi qui permettra à la Place des Arts de Montréal et au Grand Théâtre de Québec de jouer le rôle de chef de file qui leur revient dans le domaine des arts de la scène sur le territoire québécois, un territoire résolument culturel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Taschereau et ministre de la Culture et des Communications. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Sauvé et critique de l'opposition officielle en semblables matières. Mme la députée.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir ici de faire quelques commentaires sur le projet de loi n° 6 modifiant la Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal et du Grand Théâtre de Québec. Donc, les commentaires de l'opposition officielle.

Premièrement, je pense qu'il est important de reconnaître l'importance de la Place des Arts et du Grand Théâtre de Québec dans le paysage culturel québécois. Nous sommes devant des organismes de diffusion qui ont été des organismes forts pour la culture québécoise. Je pense qu'on connaît plusieurs personnes pour qui, déjà, à une certaine époque, on faisait des sorties, par exemple, à la Place des Arts, mais maintenant ces lieux sont, il faut le reconnaître, devenus des lieux accessibles où on fait maintenant des sorties de façon très régulière.

Il faut le souligner, c'est des organismes forts, ne serait-ce que par la qualité des organisations culturelles qu'ils accueillent de façon permanente. On pense, bien sûr, à l'Orchestre symphonique de Montréal, l'Orchestre symphonique de Québec, les opéras de Montréal et de Québec, les Grands Ballets canadiens, la compagnie de théâtre Jean-Duceppe et la compagnie de théâtre le Trident.

Inaugurée en 1963, la Place des Arts est aussi devenue une grande scène extérieure, puisque depuis déjà quelques années on y accueille le Festival international de jazz de Montréal sur sa place extérieure, où vont nombre de Québécois et de Québécoises puis aussi plusieurs touristes étrangers.

Inauguré en 1971, les citoyens de la ville de Québec et les citoyennes reconnaissent sans aucun doute dans leur vie culturelle l'importance du Grand Théâtre de Québec.

Ces deux organisations relèvent, depuis 1982, uniquement du ministère de la Culture et des Communications, et nous reconnaissons qu'il est approprié de revoir et de préciser les rôles et les mandats de ces institutions quelque 20 ans plus tard, là, après la première loi les ayant constituées comme des sociétés.

Du projet de loi n° 6 déposé devant cette Chambre, nous considérons appropriée la reconnaissance de la Société de la Place des Arts et aussi de la Société du Grand Théâtre de Québec, cette reconnaissance comme étant des entreprises – et je souligne ce mot – des entreprises de diffusion des arts de la scène. Vous vous souviendrez que l'ancienne députée de Marguerite-Bourgeoys, députée libérale, avait travaillé très fort, avec acharnement, pour cette reconnaissance des organisations culturelles comme étant de réelles entreprises. Ici, donc, nous parlons d'entreprises de diffusion des arts de la scène.

Nous reconnaissons également approprié le fait que ce projet de loi insiste sur l'importance, par le Grand Théâtre et aussi par la Place des Arts, de procurer un lieu de résidence à des organisations artistiques majeures.

Nous reconnaissons aussi qu'il est approprié de favoriser le fait que la Place des Arts et le Grand Théâtre pourront conserver les surplus budgétaires en fin d'année. Nous croyons que, par là, on encourage l'efficacité administrative, qu'on motive les administrateurs à mieux gérer leurs établissements, mais aussi que ça permet, en fait, à ces organisations de se dégager une marge de manoeuvre pour pouvoir faire de la recherche et du développement. Et je pense que, dans le milieu artistique, de la création artistique, c'est important.

La ministre nous a apporté quelques précisions verbales sur la façon dont seront peut-être gérés ces surplus budgétaires, mais il faudra, et ce sera important, en commission de la culture, que l'on précise ce que l'on entend vraiment faire et comment, administrativement, ces surplus seront gérés. Entend-on créer des fonds dédiés, des fonds de développement? La ministre, tantôt, parlait que ce seraient des fonds dévolus à la production, l'animation, en collaboration avec les sociétés résidentes; on parle de l'Orchestre symphonique, l'Orchestre de Québec. Elle a dit ça, mais on ne retrouve rien de ça dans le projet de loi. Et ce sera extrêmement important qu'en commission de la culture on ait ces précisions. Parce qu'on sait que, dans des organisations à but non lucratif, par exemple si on parle de fonds de développement ou de fonds dédié, ça veut dire des critères très précis d'attribution à des projets, ça veut dire aussi un suivi annuel très serré de ces fonds spéciaux. Si c'est vers là qu'on s'en va... mais je ne veux présumer de rien.

Mais il y a aussi plusieurs interrogations, dans ce projet de loi n° 6, par exemple le mode de nomination des administrateurs. On passe d'un mode de nomination où trois des neuf membres des conseils d'administration respectifs étaient nommés sur recommandation – et je souligne le mot «recommandation» – de la Communauté urbaine de Montréal et de la Communauté urbaine de Québec. Dorénavant, les neuf membres du conseil d'administration de chaque société seront nommés après consultation des organismes culturels, socioéconomiques et des instances municipales que j'ai mentionnées précédemment. Nous sommes en accord avec l'ouverture montrée par la consultation des milieux culturels et socioéconomiques, mais, en même temps, on s'interroge un peu sur le message qu'on envoie aux élus municipaux, aux instances municipales, dans la gestion de ces équipements.

Rappelons-nous que récemment le rapport Bédard, endossé par la ministre des Affaires municipales, recommandait plutôt que des équipements dits régionaux – et on les nomme, on donne en exemple les équipements culturels – passent plutôt sous la gestion du niveau municipal. Donc, le niveau municipal, même régional, devrait dorénavant gérer ces équipements. On sait que la ministre des Affaires municipales a annoncé même des mesures qui pourraient être prises dès le mois d'octobre, enfin qu'elle donnerait sa position dès le mois d'octobre. C'est très bientôt. Dans le rapport Bédard, donc, les institutions municipales sont appelées, peut-être, à gérer des équipements régionaux. Et on a quelquefois donné en exemple la Place des Arts ou le Grand Théâtre, et maintenant on n'accepte plus les recommandations du niveau municipal, mais bien tout simplement de les consulter. Quels seront les mécanismes de consultation? Est-ce qu'on s'attend à ce que ces élus, tout simplement, endossent des recommandations faites par la ministre? Il faudrait également que cela soit précisé en commission de la culture.

On cite également dans le projet de loi le fait que les deux sociétés, de la Place des Arts et du Grand Théâtre de Québec, pourront offrir des services particuliers aux organismes artistiques et aux producteurs et qu'elles devront établir une politique de fonctionnement à cet égard. C'est une autre source d'interrogation de notre part. Qu'entend-on vraiment par «des services particuliers»? Vous conviendrez avec moi qu'on fait difficilement plus général en termes de dénomination. Donc, des services particuliers – c'est bien ce qui est écrit, Mme la ministre, dans votre projet de loi – aux organisations artistiques et aux producteurs. Qu'entend-on par cela? Il faudra le préciser.

Mais aussi, est-ce qu'on ouvre la porte à la vente de services par ces différentes sociétés? Je l'ai mentionné plus tôt, on était très ouvert à l'effet que ces sociétés soient considérées comme étant des entreprises. Mais est-ce qu'on ouvre la porte vers la possibilité que la Place des Arts, le Grand Théâtre de Québec vendent des services? Et est-ce que ça signifie éventuellement une concurrence directe avec le marché privé des services actuels aux entreprises culturelles et artistiques? Si tel était le cas, nous avons des réserves sérieuses sur cette ouverture.

(16 h 50)

Et maintenant, M. le Président, j'aimerais aborder un élément qui est vraiment, mais là vraiment très inquiétant. J'aimerais vous citer un article de la loi actuelle formant la Société de la Place des Arts et également la Société du Grand Théâtre de Québec. Vous me permettrez de le citer. Article 22 de la loi actuelle, l'article 22 dit bien: «La Société – celle nommée précédemment – doit procéder par soumission publique dans tous les cas où un ministère est tenu de le faire selon les règles adoptées en vertu de la Loi sur l'administration financière.»

Vous me direz que c'est normal. Vous me direz que c'est souhaité, que ce type d'organisation, d'entreprise relevant directement de fonds publics en très grande majorité dans leur budget, vous me direz que c'est normal que, dans la loi, on prévoie qu'elles doivent procéder par soumission publique dans tous les cas où c'est requis. Or, le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi, donc, modifiant la loi sur le Grand Théâtre et la Place des Arts, indique dans son article 6 que «l'article 22 – tel que je viens de le citer – est abrogé».

C'est inquiétant, M. le Président, parce que la question qui se pose, c'est: Pourquoi? Puis la question qui se pose d'autant plus, c'est: Pourquoi on avait inscrit ça dans la loi actuelle? Bien, je pense que, lorsqu'on prévoit que des sociétés publiques doivent procéder par soumission publique, c'est par un esprit, par un souhait de transparence, par un souhait d'équité entre les différentes entreprises québécoises susceptibles de soumissionner sur des contrats et pour éviter toute notion de conflit d'intérêts et toute notion de patronage. Donc, c'est un article de loi extrêmement important. Pourquoi le projet de loi modifiant la Place des Arts et le Grand Théâtre de Québec abroge purement et simplement cet article de loi sur les soumissions publiques?

La ministre me dira peut-être qu'il y a une souplesse nécessaire dans l'administration d'entreprises publiques. Soit. Peut-être. Nous sommes ouverts à parler de souplesse pour mieux administrer nos entreprises publiques, mais je lui rappellerai que la Loi sur l'administration publique prévoit des dérogations, prévoit qu'en situation d'urgence, en situation exceptionnelle on puisse procéder par dérogation. Il serait extrêmement important de définir les règles du jeu dans l'octroi de contrats par la Place des Arts et le Grand Théâtre de Québec, je le rappelle, qui sont gérés à partir, là, de fonds publics. De telles règles du jeu, alors qu'on prévoit l'abrogation de l'article de loi sur l'obligation de procéder par soumission publique, de telles règles du jeu ne sont aucunement définies.

Je vous le disais, je suis particulièrement inquiète par l'abrogation de l'article de loi 22 et je considère que, compte tenu qu'il est pour moi un élément clé de ce projet de loi, bien qu'on l'ait tu dans les notes explicatives du projet de loi et dans aussi la présentation de la ministre... Je considère que ce serait de l'irresponsabilité que d'appuyer actuellement le principe du projet de loi n° 6. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Sauvé et critique officielle de l'opposition en matière de culture et de communications. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 6, Loi modifiant la Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal et la Loi sur la Société du Grand Théâtre de Québec, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.

M. le leader adjoint.

M. Boisclair: À ce moment-ci, je comprends que nous pourrions procéder aux débats de fin de séance.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a...

Une voix: ...

M. Boisclair: La motion pour l'ajournement, on le fera à la fin des débats de fin de séance.


Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je comprends qu'il y a actuellement consentement de part et d'autre pour qu'on procède immédiatement aux débats de fin de séance.


Modification au Code du travail réclamée par les téléphonistes de Bell Canada

Alors, nous allons procéder à trois débats de fin de séance, le premier sur une question adressée le 5 mai dernier par M. le député de LaFontaine à M. le premier ministre concernant le dossier des téléphonistes de Bell. Alors, M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. En effet, si j'ai adressé cette question à M. le premier ministre hier, c'est parce que nous considérons, de notre côté, que c'est une question extrêmement importante.

Et, M. le Président, je rappelle les faits rapidement. On se rappelle qu'au début du mois de janvier la compagnie Bell décidait de se départir de son service de téléphonistes, des femmes qui, depuis 20, 25 ans, travaillaient à son emploi, et de vendre ce service à une compagnie nord-américaine, une compagnie qui, de ce fait, étant sous juridiction québécoise, n'était pas obligée de respecter la convention collective et l'accréditation syndicale du syndicat des téléphonistes.

Alors, le résultat de ça, M. le Président, c'est quoi? C'est que des femmes qui travaillent depuis 20 ans, 25 ans se retrouvent du jour au lendemain, de salaires de 18 $ à 22 $ à des salaires, pour certaines, de 7 $ à 10 $. Des femmes mères de famille qui sont, bien sûr, des fois le seul support financier de leur famille, étant femmes monoparentales, qui doivent se retrouver, alors qu'elles ont des obligations, sans emploi, pour certaines, parce qu'on leur a dit: On va vous transférer. Vu que votre convention collective ne tient pas, on peut vous envoyer travailler où on veut. Si vous ne pouvez pas y aller, bien, vous perdez votre emploi. Des femmes qui sont mariées, dont le mari travaille dans une région, se font offrir un emploi dans une autre région.

M. le Président, on sait aussi que le gouvernement fédéral a passé, l'année dernière, lors de la dernière session du Parlement à Ottawa, la loi C-19, loi qui modifie certains articles du Code du travail du Canada et qui permet à une entreprise québécoise qui devient sous juridiction canadienne de conserver son accréditation syndicale. Alors, M. le Président, les téléphonistes sont allées voir la ministre du Travail. Celle-ci s'est présentée dans son Conseil national du Parti québécois après les avoir assurées qu'elle était pour les appuyer: Ne vous inquiétez pas, on est avec vous, on est derrière vous, nous allons vous appuyer.

Alors, la ministre se retrouve à son Conseil national, et une proposition est faite au Conseil national – et je vais la lire, M. le Président – résolution qui a été proposée par des militants du Conseil national du Parti québécois, et supportée au micro par la ministre elle-même, et adoptée par l'ensemble des participants, donc les ministres et les députés de cette Chambre, qui l'ont adoptée. Et elle dit quoi? «Il est proposé que le Conseil national du Parti québécois demande au gouvernement d'adopter une modification au Code du travail du Québec pour permettre aux travailleurs et aux travailleuses du Québec qui travaillent dans des entreprises de juridiction fédérale de conserver leur accréditation et leur convention collective dans les cas de changements opérationnels ou de vente de leur entreprise qui ont pour effet de les rendre de compétence québécoise.» Donc, là, on parle d'entreprises sous juridiction fédérale qui deviennent sous juridiction provinciale, ce qui est le cas de ce service de téléphonistes. Et on continue cette même résolution: «Il est recommandé d'agir rapidement dans ce dossier pour démontrer ainsi sa volonté – là on parle du gouvernement du Québec – et sa détermination à défendre les intérêts des hommes et des femmes du Québec dont les emplois sont menacés par ce vide juridique, et ainsi éviter que d'autres Québécois et Québécoises puissent être dépouillés – le mot n'est pas moins fort – de leurs droits pour cette raison.»

Voilà, M. le Président, ce qui a été déposé, ce qui a été voté et adopté par Mme la ministre du Travail et ses collègues lors du Conseil national du Parti québécois, ce qui a été publicisé dans les médias. La télévision était là, et on pouvait voir aux nouvelles, le soir: Le Parti québécois légiférera pour venir en aide aux téléphonistes, pour leur permettre de conserver leur emploi.

Que s'est-il passé par la suite, M. le Président? Par la suite, les téléphonistes ont rencontré divers ministres, divers députés de ce gouvernement. Et, chaque fois qu'elles les rencontraient, elles se faisaient dire: Oui, nous allons vous appuyer. Oui, nous sommes d'accord avec vous. Oui, nous allons supporter votre projet. Elles ont rencontré la ministre il y a quelques semaines dans ses bureaux. Devant les caméras de télévision, elle a dit: Oui, rejetez les offres de Bell d'abord, et puis je vais légiférer pour vous, on va changer le Code du travail. C'était devant la télévision, c'est passé aux nouvelles et, en plus, ça a été filmé par une équipe de l'Office national du film qui fait un film sur la lutte des téléphonistes depuis le tout début.

Et là, M. le Président, on se retrouve en cette Chambre, il y a deux semaines, et la ministre déclare en cette Chambre: Ne vous inquiétez pas – j'ai sa déclaration – je vais avoir un projet, je vais aller le soumettre à mes collègues du Conseil des ministres. Rien ne se passe. Hier, les téléphonistes étaient dans la rue, M. le Président, ayant perdu leur emploi et ayant perdu leurs espoirs. Et qu'est-ce que le gouvernement a fait? Rien. La ministre cherche à se défiler, elle invoque des technicalités. Elle sait très bien que ce n'est pas de cette manière-là qu'on peut tenir ses engagements et sa parole.

(17 heures)

Alors, M. le Président, c'est pour ça que nous posons la question, c'est pour ça que nous intervenons. Nous ne pouvons accepter ce reniement de la parole du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Je cède donc maintenant la parole, pour une période de cinq minutes, à Mme la députée de Bourget et ministre du Travail. Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, d'abord, je voudrais dire que je suis assez époustouflée devant le charriage du député de LaFontaine sur ce que j'ai dit. Je ne reprendrai pas tous ces éléments-là. Par exemple, je n'ai jamais, jamais, jamais, jamais dit, et je le mets au défi de trouver la moindre citation, je n'ai jamais dit aux téléphonistes de rejeter les offres. Jamais. Et j'aimerais que ça soit clair. J'ai dit aux téléphonistes qu'à partir du moment où elles prendraient une décision sur les offres je leur donnais un signal. C'est très différent. Je suis ministre du Travail, et jamais je ne ferais ce genre d'intervention.

Cette mise au point étant faite, je ne referai pas l'historique, même si l'historique qui nous a été présenté par le député de LaFontaine est passablement trafiqué, mais je dirais que, oui, effectivement, quelque part en janvier et février, les téléphonistes de Bell ont réclamé du gouvernement une modification au Code pour avoir cette concordance avec le Code fédéral; que, oui, il y a eu une résolution au Conseil national du Parti québécois; et que, oui, à ce moment, tout le monde a cru que cette concordance-là permettrait aux téléphonistes de Bell que leurs conditions de travail soient maintenues. C'était la compréhension que tout le monde avait à l'époque à partir des éléments qui étaient connus de cette négociation et de cette transaction.

Je vous rappelle aussi – parce que là il y a aussi un sens du drame incroyable – qu'actuellement le Conseil canadien des relations industrielles est saisi d'une demande par le syndicat au sujet de cette question de la juridiction pour cette nouvelle compagnie, et qu'il y a quand même un certain nombre de chances que cette nouvelle compagnie soit jugée aussi de compétence fédérale. Alors, il y a encore bien des cartes qui ne sont pas clarifiées dans ce dossier. Donc, la juridiction de cette nouvelle compagnie n'est pas encore déterminée.

J'ai effectivement dit que j'examinerais ce scénario de projet d'amendement, et, en mon âme et conscience, je considère que je l'ai fait et que je l'ai fait honnêtement. Et, oui, j'en ai parlé à mes collègues du Conseil des ministres, oui, j'ai rédigé un projet d'amendement, oui, j'ai examiné ce scénario-là très sérieusement. Mais, comme ministre du Travail, lorsqu'on réalise que cet espoir-là, que cet amendement-là permettant de maintenir les conditions de travail ne peut pas être comblé, j'avais aussi la responsabilité de dire la vérité. Et je l'ai dite aux premières concernées. Dès que ces questions-là se sont précisées, après plusieurs consultations juridiques, j'ai rencontré des représentantes du syndicat des téléphonistes avec leurs avocats, et mes sous-ministres ont été aussi impliqués dans ces rencontres-là, et nous avons été clairs et honnêtes.

Non seulement il m'apparaissait important de leur dire et de faire part de cette vérité – difficile à entendre, j'en conviens, mais, cette vérité, elle devait être dite – mais j'ai aussi dit que je voulais explorer avec elles d'autres avenues. Mais cet espoir-là était tellement enraciné qu'il n'a pas été possible de le faire. Et je dois dire que cet espoir-là a été passablement nourri par l'opposition officielle.

Actuellement, il y a une chose extraordinaire qui se passe, c'est que les parties négocient, et c'est la meilleure chose qui puisse leur arriver. Et je ne commenterai pas davantage cette situation-là, parce que je crois que cette négociation, elle est possible, et j'espère très sincèrement que le résultat de cette négociation-là sera satisfaisant pour les deux parties, y compris pour les téléphonistes. Agir autrement, en mon âme et conscience et avec mes responsabilités de ministre du Travail... Et je vous rappelle qu'une ministre du Travail se doit aussi de préserver des relations de travail harmonieuses. C'est agir de manière responsable, et c'est ce que j'ai fait.

Je termine en disant que je trouve assez odieux que les libéraux aient contribué à nourrir cet espoir-là. L'opposition officielle sait pertinemment que cet amendement-là n'aurait pas donné les résultats qu'on espérait et que de continuer à imposer cette solution-là ne les aide pas, et l'opposition officielle le savait. Et c'est, quant à moi, un manque de respect envers les téléphonistes. Les libéraux, dans ce dossier-là, font de la petite politique sur le dos des téléphonistes.

J'ai respecté mes engagements, j'ai été responsable, et, fort heureusement, il y a de l'espoir dans ce dossier-là parce qu'il y a de la négociation.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre du Travail. M. le député de LaFontaine, votre droit de réplique de deux minutes. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé (réplique)

M. Gobé: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, qui a donné de l'espoir aux téléphonistes, si ce n'est la ministre à son Conseil général lorsqu'elle a voté cette résolution, lorsqu'elle l'a présentée en avant? Qui a donné de l'espoir aux téléphonistes, lorsqu'elle a dit devant les caméras: Rejetez les offres, et je vais amender le Code du travail? C'est la ministre. Qui a dit en cette Chambre, la semaine dernière: Oui, j'entends donner suite à un scénario, je vais en parler au Conseil des ministres dans les meilleurs délais, je ne me défile pas? C'est la ministre!

M. le Président, pourquoi la ministre a-t-elle, depuis le mois de janvier, donné de faux espoirs à ces femmes, à ces travailleuses? Pourquoi, à chaque reprise qu'elles sont allées la voir, ne leur a-t-elle pas dit: Non, je ne peux pas, moi, j'aimerais le faire, mais mes collègues, mon collègue des Finances a fait une entente avec Bell Canada? Pourquoi ne le dit-elle pas? Pourquoi ne dit-elle pas: Je ne peux pas parce que mon premier ministre, à qui le ministre des Finances a parlé, lui aussi ne veut pas aller contre Bell Canada?

M. le Président, moi-même, j'ai eu des téléphones de Bell Canada afin d'arrêter de poser des questions à la ministre. J'ai reçu un communiqué du Conseil du patronat afin d'arrêter de défendre cette cause-là, à l'instigation de la ministre. Il y a eu des pressions dans ce domaine-là, il y a eu des pressions dans ce dossier-là. La ministre les a reçues, et ce n'est pas à son honneur d'avoir sacrifié les téléphonistes pour céder à ces pressions.

Quand on est ministre du Travail, madame, on défend les travailleurs, particulièrement quand on donne sa parole comme vous l'avez fait. C'est ça, être ministre du Travail, c'est ça, être une ministre responsable, c'est ça, avoir de la crédibilité, et les femmes qui étaient devant ce parlement hier ne s'y sont pas trompées, M. le Président. Elles ont très bien compris qu'est-ce qui s'est passé. Devant les caméras, on leur promet des choses et, en arrière, lorsqu'on rentre s'asseoir, on se fait dire non par les collègues, on cherche un moyen pour se défiler, et c'est ça, la grande déception du début de mandat de cette ministre. Elle n'a pas tenu ses engagements, elle n'a pas tenu sa parole, elle n'a pas tenu ses engagements envers les femmes, les travailleuses du Québec, particulièrement les téléphonistes de Bell Canada.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, monsieur...

Des voix: Bravo!


Communication par le ministère du Revenu de renseignements nominatifs par voie de télécopieur

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous allons maintenant passer au second débat, sur une question adressée le 5 mai dernier par Mme la députée de Beauce-Sud à M. le ministre du Revenu concernant la procédure d'envoi par fax par son ministère. Mme la députée de Beauce-Sud et critique officielle de l'opposition en matière de finances. Madame.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Hier, à la Chambre, j'ai questionné le ministre du Revenu à propos d'un échange d'informations par télécopieur entre la Direction des pensions alimentaires de son ministère et celui de la Solidarité, lequel contenait les noms, les numéros de dossier, le montant de la pension alimentaire, le solde des arrérages dus aux créanciers, et ce, sans que les règles élémentaires de précaution soient appliquées. Le ministre du Revenu m'a répondu que c'était la première fois qu'il entendait parler de cette affaire.

Où était donc le ministre des Finances et actuel ministre du Revenu en 1997 – on pourrait dire encore: Où est-il aujourd'hui? – alors que l'opposition officielle, le Parti libéral, avait soulevé le problème à l'effet que le ministère du Revenu transmettait par télécopieur aux employeurs de débiteurs de pensions alimentaires une série de renseignements personnels qui risquaient d'être portés à l'attention de toute personne ayant accès au télécopieur? Si ma mémoire est bonne, en décembre 1997, le ministre des Finances était aussi le ministre en titre du ministère du Revenu. Alors, pourquoi ne pas admettre qu'il était bel et bien au courant du problème? Et comment se fait-il qu'après les nombreux scandales qu'a connus son ministère au cours des 18 derniers mois il n'a pas pris la précaution élémentaire de rappeler à ses troupes les recommandations faites par le Protecteur du citoyen?

Le ministre a pris la peine de nous dire qu'il avait rencontré 2 000 à 3 000 employés de son ministère cette semaine pour leur dire qu'il y avait eu une mésaventure, une malchance, et qu'il leur avait fait son compliment pour le culte qu'ils ont développé dans la protection des renseignements personnels. M. le Président, le culte développé au ministère en est bien plus un de mésaventure, puisque celle-ci semble se répéter d'année en année.

(17 h 10)

Le ministre, lors du débat de fin de séance d'avant-hier, admettait même que son ministère avait violé sa propre loi, qu'il y avait eu un viol des procédures, mais il disait que c'était une exagération de parler de secrets fiscaux répandus dans le décor. Or, si on ne peut parler ici de secret fiscal, a-t-on le droit de traiter à la légère des renseignements aussi personnels que ceux traités dans le cadre de l'application d'une loi, la loi sur les pensions alimentaires? Que nous dit l'article 75 de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires? Eh bien, voici, je vous le cite, M. le Président: «Tout renseignement obtenu en vertu de la présente loi est confidentiel. Nul ne peut faire usage d'un tel renseignement à une fin non prévue par la loi, communiquer ou permettre que soit communiqué un tel renseignement à une personne qui n'y a pas légalement droit ou permettre à cette personne de prendre connaissance d'un document contenant un tel renseignement ou d'y avoir accès.» C'est clair.

Or, le laxisme appliqué par ce gouvernement dans les précautions élémentaires à prendre pour assurer la protection des renseignements personnels est, vous en conviendrez avec moi, inadmissible. Quelqu'un, en quelque part dans ce ministère-là, ne fait pas son travail. Il est clair qu'au ministère du Revenu, quand des documents contenant des renseignements confidentiels sont transmis, on omet de le préciser sur une page couverture, de prévenir les destinataires et de s'assurer après coup qu'ils les ont bien reçus.

M. le Président, les citoyens ont bien raison de craindre que des renseignements personnels à leur sujet soient éparpillés aux quatre coins du Québec et tombent entre les mains de gens qui pourraient en abuser. Quand aurons-nous, au ministère du Revenu, un ministre qui soit capable de faire appliquer avec rigueur les lois concernant la protection des renseignements personnels? Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud et critique de l'opposition officielle en matière de revenu. Nous cédons maintenant la parole, pour une réplique de cinq minutes, au député de Gouin et ministre de la Solidarité sociale. M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, j'ai écouté l'échange entre la députée et mon collègue vice-premier ministre attentivement. J'ai aussi correctement écouté les propos de la députée et je voudrais d'abord lui indiquer que, malgré l'invitation qui a été faite par le leader du gouvernement – mais, si ma mémoire est correcte, par le vice-premier ministre – celle-ci n'a jamais remis au ministre du Revenu les documents sur lesquels elle basait ses allégations. La députée a préféré les garder et continuer de discréditer l'ensemble du personnel dévoué et consciencieux du ministère du Revenu qui traite plus de 5 500 000 dossiers fiscaux de différentes natures. Le ministère du Revenu du Québec a joué un rôle crucial dans l'atteinte du déficit zéro et le rétablissement de l'équité fiscale, on sait que ça dérange les gens d'en face.

Je ne voudrais pas, M. le Président, tomber dans la chasse aux sorcières dans laquelle l'opposition veut entraîner notre gouvernement. Nous prenons au sérieux le respect du secret fiscal et des autres renseignements personnels que les dossiers dont le ministère du Revenu dispose contiennent et détiennent. À cet égard, le ministre responsable du Revenu a mis sur pied un comité pour clarifier les règles. Dans le dossier particulier auquel l'opposition fait référence, le ministère du Revenu a demandé à la Commission d'accès à l'information de collaborer afin que la lumière soit faite. J'espère que la députée aura la décence de remettre ses documents à la Commission d'accès à l'information. Dans toute cette histoire, ce qui est malheureux, c'est qu'on alimente un faux sentiment que l'ensemble du personnel du Revenu ne respecte pas la confidentialité de l'information. Les méthodes de l'opposition à cet égard minent de manière irresponsable la crédibilité des institutions que tous les membres de l'Assemblée nationale ont le devoir de protéger.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Solidarité sociale. Mme la députée de Beauce-Sud...

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi. Mme la députée de Beauce-Sud, votre droit de réplique de deux minutes.


Mme Diane Leblanc (réplique)

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, je déplore qu'aujourd'hui le ministre du Revenu n'ait pas daigné se présenter à l'Assemblée nationale comme son devoir l'y oblige, d'autant plus qu'il y avait un débat de fin de séance...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée de Beauce-Sud, vous connaissez maintenant le règlement très bien. Et je vous souligne qu'effectivement il y a un article de notre règlement qui stipule: On ne doit pas manifestement souligner l'absence d'un de nos collègues en cette Chambre. Alors, je vous prierais de continuer. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: C'est simplement pour vous rappeler que, cet après-midi, à deux occasions, le premier ministre a mentionné l'absence du vice-premier ministre et que la présidence ne s'est pas levée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez parfaitement raison, M. le leader de l'opposition, mais, comme je n'occupais point le siège cet après-midi... Effectivement, je dois vous mentionner que, lorsque c'est le ministre de la Solidarité sociale qui répond en lieu et place du ministre qui est interpellé, bien entendu, on peut en découler l'absence. Alors, Mme la députée, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît, votre droit de réplique de deux minutes.

Mme Leblanc: Je vous remercie, M. le Président, de me rappeler à l'ordre sur le fait qu'on ne doit pas divulguer l'absence d'un collègue en cette Chambre. Et je voudrais tout simplement vous dire que je suis un petit peu désolée que ce soit le ministre de la Solidarité qui ait à répondre à la critique de l'opposition en matière de revenu alors que ça ne devrait pas être lui.

Je comprends même que certaines pratiques courantes au ministère du Revenu en matière de sondage aussi étaient l'objet de son propre ministère. Je pense bien qu'en matière de rigueur ce gouvernement-là en aurait beaucoup à apprendre.

Alors, moi, la question que je me pose, c'est: Comment ça se fait que cette affaire-là, qui s'est produite en 1997 – et là j'aimerais bien que le ministre de la Solidarité puisse écouter ma réponse – comment ça se fait que cette histoire-là, qui s'est produite en 1997, alors que lui était présent, comment ça se fait que la ministre de l'époque, qui s'était engagée à ce que ça ne se reproduise pas, que la Commission d'accès à l'information a fait des recommandations, et encore aujourd'hui on constate que ça continue à se produire?

Il y a, de toute évidence, un manque de leadership dans ce ministère-là, et j'espère que le ministre de la Solidarité pourra transmettre le message à qui de droit. Ces erreurs à répétition témoignent d'une insouciance que tant le Vérificateur général que le Protecteur du citoyen ont eu l'occasion de commenter.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): En vous remerciant beaucoup, madame. Merci, Mme la députée de Beauce-Sud.


Composition du comité d'enquête sur la transmission de renseignements du ministère du Revenu au Bureau de la statistique du Québec

Nous allons procéder maintenant au troisième débat de fin de séance concernant la présence de la Procureur général du Québec au sein du comité Landry qui doit tenir une enquête sur certaines pratiques au ministère du Revenu. Ce débat a été demandé par le député de Brome-Missisquoi qui est également le leader officiel de l'opposition. Alors, M. le leader de l'opposition.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous ne m'en voudrez pas à ce moment-ci de souligner l'absence du premier ministre, qui doit avoir des raisons importantes de ne pas être à l'Assemblée nationale, de même que le vice-premier ministre, de même que la ministre de la Justice, qui sont... Je pense que, dans son cas, il s'agit d'une absence motivée pour des raisons familiales. C'est le leader du gouvernement qui va représenter le gouvernement dans cette affaire. J'en suis un peu déçu parce que je ne pense pas qu'il soit impliqué dans cette affaire, M. le Président.

Deux dossiers assez simples qu'il faut discuter en parallèle. Le premier dossier va nous remémorer des souvenirs qui sont difficiles pour une institution comme l'Assemblée nationale: la démission de la ministre du Revenu. La ministre du Revenu, aux prises avec une fuite de documents confidentiels dans son ministère, a posé les gestes appropriés après avoir tenté de se disculper. Elle a obtenu, dans un premier temps, deux avis juridiques internes de son ministère affirmant que tout était correct, tout était régulier, tout se passait bien. Par la suite, elle s'est ravisée et elle a demandé à la Commission d'accès à l'information de faire enquête. La Commission d'accès à l'information a fait enquête quant à la fuite de renseignements confidentiels à la firme de sondage SOM. Et, à ce moment-là, compte tenu que la Commission d'accès à l'information avait conclu qu'il y avait eu bris de la loi, illégalité, elle a posé un geste honorable, elle a démissionné de ses fonctions de ministre du Revenu.

(17 h 20)

Le dossier n'est pas clos pour autant, M. le Président. Ce n'est pas parce qu'un ministre démissionne que, s'il y a eu violation de la loi, l'obligation, la responsabilité du Procureur général n'est pas d'intenter des poursuites contre ceux et celles qui ont violé les lois du Québec. On est en attente d'une décision de Mme la Procureur général à savoir quel genre de poursuites vont être intentées contre ceux et celles qui ont violé la loi dans le cas du dossier SOM.

Le vice-premier ministre est maintenant et a été, à l'époque, faut se le rappeler, avant Mme Marsolais, au moment où elle a été assermentée, à partir de la dernière élection, ministre du Revenu, le ministre responsable du Revenu. Il s'est passé des événements très semblables sous sa gouverne. Le vice-premier ministre, au lieu de prendre la même ligne d'action que celle qui a démissionné, que celle qui a demandé une enquête à la Commission d'accès à l'information, tente présentement de se camoufler derrière ce qu'on appelle maintenant «son comité d'analyse».

Le vice-premier ministre, lui, sous sa responsabilité, son ministère a communiqué des renseignements au Bureau de la statistique du Québec, des renseignements confidentiels. Le vice-premier ministre, au lieu de confier le dossier ou de demander une intervention de la Commission d'accès à l'information, a choisi de créer son comité. Il a choisi de tenter d'embarquer dans son comité la Procureur général du Québec, celle-là même qui aura à prendre une décision à savoir s'il y a infraction à nos lois, s'il va y avoir poursuites. Non seulement il ne s'est pas satisfait d'embrigader la ministre responsable des poursuites, la Procureur général du Québec, il a demandé à la Commission d'accès à l'information de faire partie de son comité pour être certain qu'il plaçait cet organisme quasi judiciaire dans une situation intenable parce que cette Commission peut avoir à enquêter sur ce dossier.

Aujourd'hui, à l'occasion de la période des questions, interpellé, le gouvernement a tenté toutes sortes de faux prétextes, de faux-fuyants. Au lieu d'appliquer la même médecine et le même remède qui a été appliqué à Mme la ministre du Revenu qui a démissionné, le gouvernement tente un faux-fuyant: on va envoyer ça dans un comité contrôlé par celui-là même qui était le premier responsable du ministère du Revenu au moment où les fuites de documents confidentiels au BSQ ont été transmises. M. le Président, ça sent drôle, ça sent très mauvais.

Le gouvernement a tenté de dire aujourd'hui: Le vice-premier ministre n'est pas impliqué là-dedans. Le vice-premier ministre a le droit à un traitement différent de celui qu'a connu Mme la ministre qui a démissionné. Le vice-premier ministre, lui, il n'a pas demandé à la Commission d'accès à l'information de faire enquête, il a dit: Je forme mon comité. Je vais mettre celle qui va peut-être me poursuivre sur le comité; comme ça, elle sera en conflit d'intérêts. Je vais mettre sur mon comité quelqu'un de la Commission d'accès à l'information; comme ça, ils ne pourront jamais faire enquête, parce qu'ils auront été sur mon comité.

Moi, à ce moment-ci – et je sais qu'il est respectueux de nos institutions – je vais demander au leader du gouvernement de me citer un précédent où un Procureur général du Québec a été nommé sur un comité par un autre collègue ministre alors que c'est lui qui était le responsable des événements qui se sont produits. Je vais demander au leader du gouvernement, qui a 20 ans, 20 et quelques années d'expérience parlementaire, de me citer un cas où... M. le Président, je termine.

Le Vice-Président (M. Pinard): Le temps de parole était de cinq minutes. Je pense que vous allez pouvoir revenir en réplique. M. le leader du gouvernement, vous avez un temps de parole de cinq minutes.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Très bien, M. le Président. Parlons-en, de ce fameux comité. Il faut dire tout d'abord que le ministre du Revenu n'était pas obligé, d'aucune façon, de mettre en place un pareil groupe de travail, pas du tout. Il a décidé de le faire parce qu'il souhaitait apporter des améliorations et des solutions pour que ce genre de situation qui s'est produit, qui a entraîné, comme on le sait, la démission comme ministre du Revenu de la députée de Rosemont, ne se reproduise plus et qu'on s'assure adéquatement que les communications de renseignements s'effectuent en respect avec les dispositions protégeant les renseignements personnels.

C'est un groupe de travail qui est de nature administrative. Donc, il ne s'agit pas de faire une enquête. Le groupe de travail n'a pas pour mandat de faire une enquête de type policier, là, de trouver des coupables. C'est de nature purement administrative. Et il s'est réuni, d'ailleurs, aujourd'hui, et on y a associé également le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Il y a donc trois ministères: le ministère de la Justice, le ministère du Revenu, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Et la Commission d'accès à l'information ne fera pas partie du comité. Alors, voilà, c'est que, effectivement, la Commission...

Des voix: Bravo!

M. Brassard: La Commission va simplement indiquer, au départ, un certain nombre d'éléments qu'il convient de considérer, et puis elle va recevoir par la suite les recommandations, le fruit du travail de ce comité, les recommandations du comité, et elle pourra ainsi les évaluer et porter un jugement sur ces recommandations. Et puis, après, évidemment, on pourra les mettre en oeuvre, ces recommandations, au ministère concerné, au ministère du Revenu.

Alors, M. le Président, je pense qu'on est en train de faire ce qu'on appelle familièrement une tempête dans un verre d'eau. Oui. Tout à fait. C'est comme ça que ça s'appelle: une tempête dans un verre d'eau. Tout simplement parce que le nouveau ministre du Revenu a jugé utile et pertinent de faire en sorte que les processus administratifs de gestion des renseignements fiscaux et personnels au ministère du Revenu se fassent dans le respect intégral des lois concernées, et c'est dans cet esprit-là et c'est dans ce but-là qu'il a mis sur pied ce groupe de travail qui lui fera des recommandations et qui fera des recommandations également à la Commission d'accès à l'information. Alors, on a fait tout un plat. On reconnaît qu'effectivement, après réflexion, il n'est pas opportun que la Commission d'accès à l'information soit partie prenante de ce groupe de travail, et donc, elle n'en fera pas partie. Alors, voilà.

Si l'opposition veut se glorifier de cette décision, ma foi, qu'elle s'en glorifie et qu'elle plastronne. Elle peut bien le faire, mais c'est la décision qui a été prise. Et donc...

Une voix: ...

M. Brassard: Pardon? Ha, ha, ha! L'heure exacte... l'heure normale ou l'heure avancée?

Mais, M. le Président, l'opposition est là pour nous faire réfléchir. Quand ça arrive, ma foi, c'est très bien. D'autres fois, elle joue un rôle extrêmement négatif. C'est très malheureux dans ces conditions-là, mais quand elle contribue à faire en sorte que le gouvernement agisse de meilleure façon et prenne les décisions qui s'imposent, ma foi, très bien. C'est très bien, elle joue son rôle.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader du gouvernement. Nous allons maintenant céder la parole au leader de l'opposition pour son droit de réplique de deux minutes. M. le leader.


M. Pierre Paradis (réplique)

M. Paradis: M. le Président, le 29 avril 1999, le vice-premier ministre déclarait en cette Chambre: «J'ai demandé que l'on constitue un comité et une commission où la Commission d'accès à l'information sera représentée, ma collègue de la Justice sera représentée, de même que le ministère du Revenu.» Je viens de comprendre des propos du leader du gouvernement que la Commission d'accès à l'information a compris qu'elle n'avait pas d'affaire à recevoir d'ordre du vice-premier ministre et à siéger sur ce type de comité.

(17 h 30)

Si la Commission d'accès à l'information a tiré cette conclusion, qu'attend la ministre responsable des poursuites au Québec et Procureur général du Québec pour tirer une conclusion analogue et similaire et s'acquitter de ses responsabilités? C'est elle qui est responsable de prendre des poursuites contre les gens qui ont trempé dans l'affaire SOM. C'est elle qui sera également responsable de prendre des poursuites, le cas échéant, pour les gens qui ont trempé dans l'affaire du Bureau de la statistique du Québec.

Ce sont des décisions difficiles parce que parfois ça implique des collègues. Je demande à mon collègue le leader du gouvernement d'intervenir auprès de sa collègue pour que le système de justice, la crédibilité de l'institution que représente le Procureur général du Québec soient sauvegardés dans ces circonstances difficiles et qu'elle ne soit pas, elle non plus, pas plus que la Commission d'accès à l'information l'a accepté, la complice d'un paravent qui vise à ménager un traitement différent au vice-premier ministre du traitement qu'a connu l'ex-ministre du Revenu. Il a les mêmes responsabilités. Ce n'est pas parce que c'est un parlementaire plus aguerri, plus expérimenté, ce n'est pas parce que c'est un homme, non plus, qu'il a des privilèges différents. Il a vanté l'action qu'a posée sa collègue, qu'il prenne... et qu'il ait au moins autant d'honneur qu'elle et autant de sens des responsabilités qu'elle, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition officielle. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 11 mai 1999, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, j'ajourne donc nos travaux au mardi 11 mai, à 14 heures.

(Fin de la séance à 17 h 32)