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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 8 juin 1999 - Vol. 36 N° 42

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Table des matières

Présence de l'ambassadeur de la République populaire de Chine, M. Ping Mei

Présence du consul général du Royaume des Pays-Bas à Montréal, M. André C. Brouwer

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés. Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Présence de l'ambassadeur de la République populaire de Chine, M. Ping Mei

Pour débuter la séance, j'ai d'abord le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes de l'ambassadeur de la République populaire de Chine, Son Excellence M. Ping Mei.


Présence du consul général du Royaume des Pays-Bas à Montréal, M. André C. Brouwer

J'ai également le plaisir de souligner la présence, dans les tribunes également, du consul général du Royaume des Pays-Bas à Montréal, M. André C. Brouwer.


Affaires courantes

Alors, nous abordons les affaires courantes. Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je vous réfère à l'article g du feuilleton, M. le Président.


Projet de loi n° 218

Le Président: Alors, en regard de cet article du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 218, Loi concernant Ville de Chapais. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose le rapport.


Mise aux voix

M. le député d'Ungava présente le projet de loi d'intérêt privé n° 218, Loi concernant Ville de Chapais. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Alors, dans ce cas-là, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.


Dépôt de documents

Le Président: Adopté. Au dépôt de documents, M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


Rapport annuel de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec et rapport d'activité du Fonds d'indemnisation du courtage immobilier

M. Landry: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998 de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec et le rapport d'activité 1998 du Fonds d'indemnisation du courtage immobilier.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre de la Justice.


Rapport annuel du ministère de la Justice

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je dépose le rapport annuel 1997-1998 du ministère de la Justice.


Rapport annuel du Protecteur du citoyen

Le Président: Ce document est déposé. Pour ma part, je dépose, conformément à l'article 29 de la Loi sur le Protecteur du citoyen, le rapport annuel du Protecteur du citoyen pour l'année financière terminée le 31 mars 1998.


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Je dépose également les décisions 912 à 915 et la décision 921 du Bureau de l'Assemblée nationale.


Relevé concernant la pratique de la présentation d'une motion d'adoption de l'ensemble d'un projet de loi au terme de son étude détaillée en commission plénière

Et finalement, en réponse à une question du leader de l'opposition officielle et conformément à l'engagement pris par la présidence vendredi dernier, je dépose un relevé concernant la pratique de la présentation d'une motion d'adoption de l'ensemble d'un projet de loi à la fin de l'étude détaillée de celui-ci en commission plénière. Ce relevé s'échelonne du 18 juin 1996 à aujourd'hui.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, maintenant, Mme la vice-présidente de la commission de l'éducation et députée de Rimouski.


Étude détaillée du projet de loi n° 17

Mme Charest: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 4 juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 17, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique pour les autochtones cris, inuit et naskapis. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Bien. Ce rapport est déposé. M. le président de la commission des institutions et député de Portneuf.


Étude détaillée du projet de loi n° 1

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer, tout d'abord, le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 1er et 3 juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 1, Loi concernant l'obligation pour l'électeur de s'identifier au moment de voter. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 32

Et, également, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 28 mai 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait. La commission a adopté le projet également avec des amendements.

Le Président: Bien. Ces rapports sont déposés. Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Saint-François.


Examen du rapport d'activité du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 1er juin 1999 afin de procéder à l'examen du rapport d'activité du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail pour la période de juin 1997 à mars 1999, en application de l'article 11 de la Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.

Le Président: Alors, merci, Mme la députée de Saint-François. Ce rapport est déposé.

Au dépôt de pétitions. Est-ce que, M. le député de Brome... Non? Alors, il n'y a pas de pétitions, dans ce cas-là, aujourd'hui.

Il n'y a pas non plus d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux va répondre à une question posée le 3 juin dernier par Mme la députée de Bourassa concernant le manque d'hémato-oncologues.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons aborder la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition, en question principale.


Tenue du prochain référendum sur la souveraineté


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. En fin de semaine, le premier ministre a fait un discours qui, depuis, a été beaucoup commenté. Pour vous situer un petit peu, M. le Président, permettez-moi de vous citer quelques mots qui ont été utilisés pour commenter le discours du premier ministre. On parle de «monstruosité», «démagogique», «confus», «l'énoncé est simpliste et...», bon, je ne peux pas prononcer le mot ici, M. le Président, mais vous pourrez le lire, «chantre de l'immobilisme», «insulte à l'intelligence».

M. le Président, je tiens d'abord à dire au premier ministre, qui sourit, que je le connais depuis déjà un bon moment et que je sais et que nous savons tous que ce qu'il a dit, il le pense, il le pense sincèrement. Même, M. le Président, que je soupçonne que, s'il s'était senti capable, un peu plus libre peut-être, un peu moins surveillé, il en aurait probablement rajouté. Alors, M. le Président, on s'entend là-dessus.

M. le Président, le premier ministre nous prononçait également un discours qu'il disait préréférendaire ou référendaire, alors que les Québécois ont dit très clairement, le 30 novembre dernier – c'en est une, solidarité québécoise, un consensus – qu'ils n'en voulaient pas, de référendum, et que le premier ministre l'a lui-même reconnu le lendemain de l'élection.

(10 h 10)

Alors, ma question au premier ministre aujourd'hui est fort simple: À quand le référendum que les Québécois ne veulent pas, que le Parti québécois va forcer? En d'autres mots, M. le Président, on en a pour combien de temps au Québec à écouter le discours d'intolérance du premier ministre?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: J'ai entendu les mots que vient de prononcer le chef de l'opposition que suscite chez lui, et, dit-il, chez certains commentateurs, une partie du discours que j'ai prononcé en fin de semaine au Conseil national. Il ne l'a pas dit, mais j'imagine que c'est sur le modèle québécois. M. le Président, il a parlé d'immobilisme, d'intolérance, enfin on est habitué beaucoup à des accusations de toutes sortes ici, à l'Assemblée nationale. Mais, M. le Président, je voudrais dire que c'est faux de laisser entendre que nous ne voulons pas de débat sur le modèle québécois. Au contraire, dans mon discours, j'ai invité les gens à participer à ce débat-là, parce que, ce qu'on appelle le modèle québécois, au fond, notion assez complexe, il faut en convenir, mais ça constitue, en gros, l'ensemble du parcours et des progrès enregistrés par le Québec depuis le début des années soixante et des politiques et des valeurs qui les ont sous-tendus. Alors, oui, il faut un débat parce que c'est très important de moderniser les politiques qui sont à moderniser, de changer ce qu'il faut changer, mais il faut se rappeler aussi, M. le Président, qu'il y a également des valeurs qui sont au coeur de cela, des valeurs de solidarité par exemple, des valeurs de concertation qui sont très importantes au Québec, qui nous distinguent des autres, pas parce qu'on est meilleurs mais parce qu'on est différents. Et dans ces valeurs-là, quand on parle de solidarité, nous, nous pensons – d'autres peuvent penser le contraire, légitimement, c'est un débat démocratique – que notre solidarité en est une de peuple.

Alors, moi, ce débat-là, je veux qu'il ait lieu. J'invite l'opposition à y participer. J'aimerais bien savoir, par exemple, si, pour l'opposition, le Québec est un peuple, nation ou non. Ce serait important de le savoir. Parce que, si nous sommes un peuple, oui, bien sûr nous ferons la souveraineté.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je remarque, M. le Président, que le premier ministre, dans son choix des valeurs qu'il évoque aujourd'hui, parle de solidarité et de concertation. Il ne parle pas de tolérance. J'imagine que c'est un choix très délibéré de sa part. D'ailleurs, ce serait consistant, en tenant compte des discours qu'il prononce déjà depuis un bon moment.

Et, une fois de plus, je veux rassurer le premier ministre. Je sais que ce qu'il a dit, il le pense, que c'est le fond de sa pensée. Le premier ministre est capable de dire ces choses-là, il l'a dit il y a quelques jours, et je prends pour acquis qu'il va continuer à les répéter, comme il nous laisse entendre aujourd'hui qu'il est prêt à faire un débat où il y a tous ceux et celles qui, selon sa définition de la solidarité, sont d'accord avec lui et il y aura les autres qui remettent en question, selon lui, l'identité québécoise.

Moi, je veux savoir pour combien de temps on sera sujet à ce discours, pour combien de temps il faudra écouter les propos d'intolérance venant du premier ministre du Québec. À quand son référendum pour qu'on puisse en finir, puisqu'il insiste, lui, pour faire ce que les Québécois ne veulent pas?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, quand on a à la bouche toujours les accusations d'intolérance à l'endroit des autres, ça veut dire qu'on rappelle à l'autre qu'il faut qu'il y ait un débat démocratique. On n'a pas besoin de nous le dire, M. le Président, parce que nous souhaitons ce débat. Nous sommes des gens tolérants, nous plaçons la tolérance au coeur de la vie démocratique québécoise.

Des voix: Ah!

M. Bouchard: Tout le monde le sait, M. le Président. Même si on affirme le contraire et qu'on le crie de façon tonitruante, ça n'en fait pas une vérité. Au contraire, M. le Président.

Et je dis que rien ne nous empêchera de faire un débat et de critiquer les prises de position de l'opposition. Se pourrait-il que ce chef de l'opposition soit au-dessus des critiques des autres et que personne ne puisse relever les propos qu'il tient? Par exemple, je veux dire que, chaque fois qu'il dira des choses comme il a dites la semaine dernière au Globe and Mail , il va me trouver sur son chemin. Quand il dit, par exemple, que la Révolution tranquille au Québec a produit des résultats pauvres et médiocres, et je le cite en anglais pour être précis, quand il dit, le 29 mai, dans une entrevue avec Graham Fraser, en pleine page dans le Globe and Mail , lu partout dans le Canada anglais, donc un journal qui a beaucoup d'autorité, il dit à un journaliste extrêmement prestigieux: «It was clear to me, from my experience in travelling throughout Canada, that the Quiet Revolution in Québec was producing poor mediocre results», quand il va dire ça, là, il va me trouver sur son chemin, parce que je vais lui rappeler que, parmi les gens médiocres qui ont construit le Québec d'aujourd'hui, il y avait Jean Lesage, il y avait Robert Bourassa, il y avait René Lévesque. S'ils sont médiocres, je veux être avec eux autres, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je veux réitérer... Je veux rassurer le premier ministre dans le fond, je veux le rassurer. Son discours, on l'a entendu, on sait qu'il pense...

Le Président: Je m'excuse. Là, il y a un seul membre de l'Assemblée qui a la parole, c'est le chef de l'opposition officielle, et il a droit au respect comme le premier ministre y a eu droit également. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: Je veux rassurer le premier ministre. Je sais, encore une fois, on sait qu'il pense ce qu'il dit. Puis ce qu'il a dit en fin de semaine, il va vous le répéter à plusieurs reprises. On s'attend à cela. Et on ne cherche pas à lui faire changer d'idée parce qu'il est consistant dans sa pensée et, sur la question de la tolérance, il est consistant. D'ailleurs, M. le Président, il dit qu'il va me trouver sur son chemin. Eh bien, il va, oui, effectivement me trouver sur son chemin. Malheureusement, il y a des gens qu'il ne trouvera pas sur son chemin, comme les adjoints du Bloc québécois qui déménagent en Ontario. Ça, c'est du monde qu'il ne trouvera pas sur son chemin parce que ces gens-là, eux, ils ont compris le message venant de la part du gouvernement qu'il mène actuellement sur la question des impôts et des taxes.

Pour ce qui est de la démocratie, eh bien, parlons-en de démocratie, puisqu'il y a eu un référendum en 1995. Et, la démocratie étant ce qu'elle est, le Parti libéral a eu la pluralité des voix à l'élection du 30 novembre dernier. Puis le message est clair. Et, puisqu'il aime la démocratie, peut-il au moins nous dire aujourd'hui que sa fameuse question référendaire ne sera pas une question tordue, que ce sera une question directe sur la sécession du Québec, qu'on n'induira pas les gens en erreur et que, s'il tient absolument à faire un référendum, qu'il fera preuve d'un minimum de transparence et d'honnêteté, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je vais ménager l'épiderme du chef de l'opposition parce que je sais que, chaque fois qu'il entend le mot «référendum», il fait de l'urticaire. Alors...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Mais «référendum», c'est le mot qui est employé pour désigner l'exercice le plus démocratique qui soit, celui de consulter la population sur un enjeu fondamental. Le moment venu, M. le Président, nous saurons faire ce qu'il faut faire dans le respect des règles démocratiques et des conditions pacifiques qui règnent dans les débats québécois.

Mais il y a un mot qui m'a heurté tout à l'heure, parce que, moi aussi, parfois je fais de l'urticaire quand il parle, M. le Président, il a employé le mot «immobilisme», il a dit que mon discours de fin de semaine était un discours qui condamnait le Québec à l'immobilisme. Qu'on regarde, M. le Président, la scène politique actuelle et qu'on trouve un parti et un gouvernement qui, depuis 10, 15, 20 ans, a fait autant de changements que nous en avons faits jusqu'à maintenant et qui s'apprête à en faire encore, des radicaux, au cours des années qui viennent, en particulier réformer la fiscalité. Nous sommes le gouvernement qui a réformé les finances publiques à l'encontre des pires irresponsabilités qui nous ont précédés, nous sommes le gouvernement qui a réformé l'éducation, qui a réformé la santé malgré toutes les critiques que ça a créées, nous sommes le gouvernement...

Le Président: Ce qui valait pour un côté vaut pour l'autre, à ce moment-ci. M. le premier ministre.

M. Bouchard: Nous avons mis en place le régime d'assurance-médicaments, l'un des meilleurs du monde d'après l'Ordre des pharmaciens. Nous sommes le gouvernement qui a mis en place les politiques familiales. M. le Président, s'il y a un parti de l'immobilisme, un parti de la critique pour tout ce qui bouge, c'est le Parti libéral que représente l'opposition.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bourassa, maintenant.


Menace de grève des infirmiers et infirmières


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. On voit en effet qu'est-ce que ça donne, les grandes réformes du Parti québécois, en matière de santé. Le réseau de la santé et des services sociaux fait face à une importante pénurie d'infirmières. Les hôpitaux vont fermer des lits de façon record. Il n'y a pas eu d'équivalent, par le passé, au niveau de la fermeture de lits. On ne peut plus qualifier la période de fermeture de lits d'une simple période estivale parce que les fermetures vont s'échelonner maintenant sur quatre mois. Quatre mois, M. le Président, là, c'est un tiers d'une année, c'est quelque chose, là, quand on pense à l'accès aux soins pour les patients.

(10 h 20)

De plus, sur 4 085 postes qui sont affichés, il y a 82 % des postes qui font l'objet d'un deuxième affichage. Et, comme si ce n'était pas assez – parce que tout va très bien, hein – il y a une sérieuse menace de grève de la part des infirmières du réseau de la santé, les infirmières qui, aux dires du gouvernement et de Mme la ministre, sont, depuis qu'elles ont quitté le réseau, les âmes, hein, les âmes de ce réseau.

Alors, la question: Est-ce que la ministre attend un point de rupture au niveau du réseau de la santé, est-ce qu'elle attend une grève générale des infirmières pour agir et pour éviter une crise grave au sein du réseau de la santé, une crise à laquelle devront faire face les hôpitaux pour les mois qui viennent?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président. Il est bien sûr que je n'attends pas une grève générale, d'ailleurs la preuve en est... et, si la députée de Bourassa a bien pris la peine de lire les commentaires de la présidente de la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, celle-ci confirme que nous sommes actuellement en négociations. Dans une négociation, évidemment parfois il y a des points qui accrochent, il y a des éléments avec lesquels on peut être plus ou moins en accord, mais nous sommes à table et nous discutons et nous essayons de trouver des solutions.

L'exemple, d'ailleurs, donné par notre collègue de Bourassa est intéressant à cet égard: le problème de l'affichage des postes. J'ai demandé à l'Association des hôpitaux de procéder avec diligence pour justement réduire le nombre de postes précaires et, donc, de procéder rapidement à l'affichage, ce que les hôpitaux ont fait. Ils ont procédé. Ils ont affiché 4 085 postes sur 4 201 postes qui étaient à afficher, ce qui est donc, je pense, une démarche sérieuse dans la perspective où on comble les postes et où on réduit l'insécurité d'emploi et la précarité d'emploi.

Par ailleurs, dans le processus de dotation – et ça, nos collègues, ici, le savent bien – il y a des périodes d'essai et il y a aussi la possibilité qu'après qu'on a quitté son poste quelqu'un d'autre puisse vouloir occuper celui-ci et qu'on doive reprocéder à un deuxième affichage. C'est de cela dont on discute d'ailleurs dans les négociations, pour nous amener à ce qu'on trouve un mécanisme qui respecte les droits des infirmiers et des infirmières mais qui respecte aussi la responsabilité que nous avons de combler les postes et d'offrir les services à la population. Et j'espère que nous arriverons à une entente. C'est bien engagé, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que la ministre est d'abord consciente que les hôpitaux vont fermer un nombre record de lits, cette année? Deuxièmement, est-ce qu'elle est consciente que, sur 4 085 postes affichés, 82 % font l'objet d'un deuxième affichage? Et est-ce que vous êtes consciente de ce que Mme Skene disait ce matin quant aux négociations, que ça n'allait pas très bien, mais que c'était aggravant, que la situation amenait des facteurs qui ne règlent pas le problème, mais qui, au contraire, l'aggravent?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je souhaitais répondre, effectivement, à la deuxième partie de la question de notre collègue de Bourassa sur les lits. Mais, avant cela, il faut bien convenir, et justement c'est ce à quoi je faisais référence, que, si on réaffiche, dans un deuxième temps, autant de postes, c'est qu'il y a un problème. Et, dans le fond, ce qu'on essaie de faire, c'est de le régler avec les gens concernés, dans une négociation respectueuse des droits et responsabilités des uns et des autres. Quand on négocie, parfois, c'est un peu plus long, mais, par ailleurs, on arrive généralement à des solutions plus adéquates et plus correctes, et c'est à ça qu'on travaille, M. le Président.

Je lui dis par ailleurs que, quant à la fermeture des lits cet été, d'abord, il n'y a pas de lien entre ces fermetures de lits et les efforts budgétaires qui ont été demandés depuis un certain nombre d'années dans le réseau. Cependant, il est un peu plus élevé que la fermeture que nous avons connue dans les années passées, pas de beaucoup, M. le Président, et on l'a étalé sur une plus grande période. Ça ne veut pas dire qu'ils seront tous fermés en même temps pour justement éviter que l'impact soit plus grand sur la population. Il faut s'imaginer aussi, M. le Président, que les médecins, ça prend des vacances...

Le Président: M. le député de Mont-Royal.


Performance en matière de création d'emplois


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Si le ministre du Revenu n'aime pas les questions sur son intégrité, permettez-moi, M. le Président, de remettre en question son affirmation de la semaine passée concernant ce qu'il a appelé la fabuleuse performance de l'économie québécoise: 12 500 emplois de perdus au cours du mois de mai, 39 000 depuis le début de 1999, alors que, dans le reste du Canada, il se créait 112 000 emplois. Moins 39 000 pour nous autres, plus 112 000 pour le reste du Canada.

Le ministre peut-il reconnaître que, si c'est fabuleux, ça ressemble beaucoup plus à la fable de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le boeuf?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: J'ai peur, M. le Président, que je vais être obligé de vous resservir une litanie, vous savez, la litanie que j'avais pour énumérer leurs 10 000 000 000 $ de taxes dans le dernier mandat. Mais là, pour étayer mon affirmation, ils vont me reforcer à une litanie du genre. Mais il faut toujours un préambule, et le préambule, c'est le suivant.

On remet beaucoup en question chez nos amis d'en face le modèle québécois. L'Ordre national du Québec sera donné bientôt à Jacques Villeneuve qui a conduit, lui, toutes sortes de modèles, d'une façon extraordinaire, sur toutes les pistes du monde. Mais le meilleur modèle confié à des marins en goguette, ça finit dans le décor, puis c'est ça qui est arrivé durant les quatre ans des libéraux. Pendant que le Canada créait 200 000 emplois, ils ont réussi l'exploit fabuleux d'en créer zéro. Pendant que le reste du Canada amenait les déficits à zéro partout, sauf en Ontario qui est moins endettée que nous, ils nous ont montés à 6 000 000 000 $. Alors, quand on parle de modèle, là, il faut penser au chauffeur aussi. Et là le chauffeur est changé. C'est pourquoi, depuis le début de l'année, on a créé 70 000 emplois nets. La croissance du Québec, de 2,8, a été une des meilleures depuis les 10 dernières années. La croissance des investissements privés a été quatre fois plus importante au Québec, 6,3, qu'au Canada, 1,5, faisant de 1998 la plus importante année en matière d'investissements étrangers de l'histoire, l'une des meilleures années depuis 10 ans en termes de création d'emplois. Le Québec a connu sa plus forte croissance d'emplois chez les jeunes depuis les 25 dernières années, 34 000 emplois. Le Québec a connu sa plus importante baisse des prestataires d'aide sociale des 25 dernières années, une baisse de 9 %. Alors, j'ai dit...

Le Président: M. le député.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: M. le Président, est-ce qu'on peut demander au ministre de déposer sa feuille qu'il lisait?

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Avec joie. Ça traîne dans tous les journaux. Il y a rien que le député qui n'est pas au courant. Ça traîne dans tous les journaux.

Banque canadienne impériale de commerce, le 8 mars, hein: Le Québec a une croissance supérieure à la moyenne canadienne en 1999, et le taux de chômage en deçà de 9 % en l'an 2000. 1999 devrait être particulièrement favorable à l'économie intérieure du Québec, caractérisée par une confiance accrue des consommateurs.

Alors, j'ai dit souvent, M. le Président, que nous n'étions pas satisfaits, mais nous sommes contents. Et je réitère que le Québec est dans des années exceptionnelles et a une performance exceptionnelle. Et l'opposition officielle pourrait très bien faire son travail en allant dire la même chose dans le reste du Canada plutôt que dire que la Révolution tranquille a donné des résultats médiocres. Être l'opposition officielle, ce n'est pas tirer dans le dos de l'économie quand elle va bien.

Le Président: M. le député.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: M. le Président, en additionnelle. Est-ce que le ministre peut arrêter de nier qu'il n'a créé, depuis qu'il est au pouvoir et dans ce job-là, que 11 % des nouveaux emplois créés au Canada, ce qui place le Québec au neuvième rang sur 10? Et, s'il parle de conduire, est-ce qu'il peut nier que, lui, c'est une Lada qu'il conduit?

(10 h 30)

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: D'abord, les chiffres. Après avoir connu le meilleur mandat des 15 dernières années... Le député n'était pas en cette Chambre, mais j'imagine qu'étant dans le milieu des affaires il devait lire les résultats catastrophiques de l'administration libérale. En termes de proportion de l'emploi créé au Québec, notre dernier mandat, 1994-1998, est le meilleur des 15 dernières années: 19,9 % des emplois créés, en moyenne, au Canada. Et, durant les quatre années qui ont précédé, ça a été zéro sur plus de 200 000. Alors, quelle est la proportion? Elle est infinitésimalement basse et démontre de façon exponentielle l'inefficacité de ceux qui nous ont précédés.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, M. le Président, en complémentaire. Est-ce que la ministre du Travail, qui vient d'écouter son collègue des Finances nous faire un discours jovialiste sur l'économie, pourrait concilier ces propos-là avec les siens qui nous disaient, la semaine passée, que l'avènement des clauses orphelin, on se rend compte que ce n'est pas dans un contexte de croissance qu'il se pose, mais dans un contexte de difficultés économiques? Alors, comment elle explique la recrudescence des clauses orphelin sous son gouvernement? Comment elle réconcilie ça avec les propos jovialistes du ministre des Finances? Est-ce qu'elle n'est pas en train de se chercher des portes de sortie?

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: Je vais commencer la réponse, parce que le député de Rivière-du-Loup veut sans doute des chiffres comme base à l'argumentation, et ma collègue terminera.

Le Québec a connu sa plus forte création d'emplois chez les jeunes, dont il se fait un porte-parole, depuis le dernier quart de siècle. Alors, quand le Québec a créé autant d'emplois pour les jeunes que cette année, c'est moi qui étais jeune.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Mais ma question était précise, à la ministre du Travail: Comment elle réconcilie ses propos... Elle nous dit que c'est dans un contexte de difficultés économiques qu'apparaissent les clauses orphelin. Comment elle explique la recrudescence des clauses orphelin sous son gouvernement alors que le ministre des Finances, lui, nous tient des discours jovialistes sur l'économie du Québec? Puis est-ce que ça ne démontre pas que c'est

simplement des portes de sortie qu'elle cherche pour justifier un projet de loi plein de trous?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, d'abord, ce n'est pas un projet de loi plein de trous. Je pense que c'est une proposition valable de la part du gouvernement qui a essayé d'allier à la fois la prudence et l'audace. On est les premiers à faire une telle législation.

Des voix: ...

Mme Lemieux: Oui, M. le Président, je le redis: la prudence et l'audace. Et, effectivement, les clauses orphelin, on le constate, souvent se négocient dans les cas où il y a une pression sur les coûts de main-d'oeuvre. Nous savons que nous sommes dans une économie ouverte; le Québec a des succès extraordinaires à l'extérieur, on fait beaucoup plus d'exportations qu'il y a bien des années. Mais, oui, il arrive qu'il y a une pression énorme pour réduire les coûts de main-d'oeuvre, et c'est dans ce contexte-là que se négocient des clauses orphelin.

Le Président: En principale, M. le député de Saint-Laurent.


Réaction des policiers provinciaux au plan de redressement de la Sûreté du Québec


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Dans la foulée des recommandations du rapport Poitras, le directeur de la Sûreté du Québec rendait public récemment un plan pour améliorer plusieurs facettes de l'action et du travail de la Sûreté du Québec. Pour des raisons qui sont totalement incompréhensibles, l'Association des policiers provinciaux du Québec a appris en même temps que la population l'existence d'un tel plan. Devant cet état de fait, bien sûr les policiers se sont braqués et ont entrepris des moyens de pression qui, s'ils devaient prendre de l'ampleur, nuiraient tant à la population qu'à l'image de la Sûreté du Québec. Le ministre de la Sécurité publique, par son attitude, refusant de condamner cette façon d'agir de la direction de la Sûreté du Québec, pose évidemment problème à une réforme qui est nécessaire à la Sûreté du Québec.

Est-ce que le ministre va enfin favoriser le dialogue avec les policiers de la Sûreté du Québec en confiant notamment au comité de travail des relations de travail de la Sûreté du Québec le soin de regarder ce plan de redressement, et ce comité évidemment qui est décisionnel?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je pense, M. le Président, qu'effectivement l'Association des policiers provinciaux du Québec a réagi un peu rapidement au plan présenté par le directeur de la Sûreté du Québec. Il est difficile évidemment de garder secret un plan pendant son élaboration lorsqu'il faut le communiquer à 140 officiers pour ensuite demander au ministre s'il est à l'aise avec ce plan et s'il est à l'aise pour que ce plan puisse servir de base à une certaine négociation avec les membres sur le terrain.

Maintenant, j'espère que, quand ils vont l'étudier, l'APPQ réalisera que ce plan est le plus adéquat pour permettre à la Sûreté du Québec de rattraper les retards qui ont été identifiés dans le rapport Poitras, de rattraper ce retard et de faire de la Sûreté du Québec l'un des meilleurs corps de police en Amérique du Nord. Je signale que la Sûreté du Québec offre une excellente gendarmerie qui satisfait à au-delà de 85 %, dans l'ensemble du Québec, là où elle exerce la gendarmerie, mais il reste cette portion extrêmement importante des enquêtes où la Sûreté du Québec doit atteindre un niveau de compétence égal à des corps équivalents. Et, pour ça, c'est évident que les mesures proposées par la direction de la Sûreté du Québec à mon avis sont adéquates.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, le ministre se rend-il compte, et c'est le message que les policiers de la Sûreté du Québec attendent de lui, qu'une réforme de la Sûreté du Québec, qui est nécessaire et urgente, ne pourra jamais se faire de façon efficace sans le concours des policiers de la Sûreté du Québec eux-mêmes et qu'ils s'attendent à ce que le ministre commande à la direction de la Sûreté du Québec de s'asseoir avec eux pour en discuter tous les tenants et les aboutissants?

Le Président: M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Mais c'est exactement ce que la direction de la Sûreté du Québec cherche à faire. C'est aussi ce que je voulais qu'elle fasse. Je peux dire que je suis à l'aise avec le plan qui a été présenté par la direction de la Sûreté du Québec, mais je veux aussi la collaboration de l'ensemble des policiers. Je suis certain que ce plan, encore une fois, est susceptible de faire de la Sûreté du Québec un organisme dont ses membres seront beaucoup plus fiers. Et j'espère qu'ils prendront la peine de l'étudier avant de le commenter une fois et de se braquer, effectivement, vis-à-vis l'opinion publique. Parce que je suis convaincu que, s'ils se donnent la peine de l'étudier en profondeur avant d'apporter leurs commentaires, ils réaliseront que c'est à leur plus grand avantage.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en question principale.


Transmission par le ministère de l'Éducation à une firme privée des déclarations d'élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Étant donné les grandes difficultés que vit le gouvernement actuel avec la protection des renseignements confidentiels des Québécois et Québécoises, souvent les plus vulnérables de notre société, est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous assurer que son ministère respecte les règles de transmission de renseignements personnels et confidentiels et les avis de la Commission d'accès à l'information lorsqu'il attribue des contrats à des firmes privées?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, à ma connaissance, oui.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation sait que, dans le rapport sur la sécurité et la confidentialité des renseignements personnels dans l'appareil gouvernemental de la Commission d'accès à l'information, on apprend, à la page 86, que le ministère de l'Éducation informe la Commission d'accès à l'information de son intention de confier à une entreprise privée la saisie des formulaires de déclaration des élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage dès le 30 septembre 1997? Et son ministère indiquait, à l'époque, qu'il entendait réaliser ce projet en 1998-1999. Est-ce qu'il peut nous dire si ce contrat a été alloué, à quelle firme il a été alloué et quels types de renseignements concernant le handicap et le type de difficultés d'adaptation et d'apprentissage ont été transmis, si le contrat a été alloué à une firme privée?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je ne suis pas au courant de ce contrat, donc je prends avis de la question du député de Kamouraska-Témiscouata.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, puisque le ministre prend avis, est-ce qu'il pourrait en même temps vérifier et nous garantir que son ministère a suivi la recommandation formelle de la Commission d'accès à l'information de juin 1998, qui indiquait: «Le ministère de l'Éducation du Québec doit soumettre à la Commission d'accès à l'information le projet de contrat – c'est-à-dire sur la saisie des formulaires de déclaration des élèves handicapés et en difficulté d'apprentissage – avant sa signature»? Est-ce qu'il pourrait aussi, en même temps, vérifier que cet avis formel de la Commission d'accès à l'information a été suivi et respecté par son ministère?

(10 h 40)

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, certainement, avec plaisir.

Le Président: M. le député de l'Acadie, maintenant.


Travaux de réaménagement de la côte des Éboulements, dans Charlevoix


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, dans une lettre adressée au premier ministre en date du 4 juin, les opposants aux travaux de la côte des Éboulements annoncent leur décision de porter la cause devant la Cour suprême. Dans la lettre de Me Franklin Gertler, ce dernier, et je cite, somme le premier ministre «de donner effet au droit des citoyens de recourir aux tribunaux afin de faire respecter la loi et de ne pas débuter les travaux tant que le jugement de la Cour d'appel n'est pas final».

«Dans les circonstances, il serait téméraire et peu respectueux de la primauté du droit de débuter les travaux sur le projet, engageant des sommes importantes et détruisant le paysage et l'environnement. Vous devez éviter de placer de nouveau la population devant un fait accompli», mentionne Me Gertler.


Document déposé

Je demande la permission, M. le Président, de déposer la lettre à laquelle j'ai fait référence.

Le Président: Il y a consentement, M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Alors, est-ce que le premier ministre peut nous confirmer de façon non équivoque que les travaux ne débuteront pas tant et aussi longtemps que le recours en appel à la Cour suprême du Canada ne sera pas épuisé?

Le Président: M. le ministre délégué aux Transports.


M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, dans ce projet, le gouvernement a obtenu toutes les autorisations. Il a consulté la population en général durant trois jours et demi de temps. Tous les intervenants du milieu, les municipalités, les MRC, les citoyens, les opposants avaient le droit de venir s'exprimer. Le ministère des Transports a élaboré une trentaine de projets potentiels pour voir à la protection de l'environnement, à la protection du paysage, à la protection du territoire agricole, et un très large consensus a été établi autour du projet qui a été approuvé par les autorités, tant au niveau environnemental qu'au niveau culturel. Et le gouvernement a attendu que trois cours se prononcent sur la légalité du projet, et, après que, je pense, trois fois les tribunaux, sept juges unanimes aient donné raison, du point de vue légal, au ministère des Transports, nous procéderons aux travaux de cette côte.

Le Président: M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: M. le Président, doit-on comprendre, à la réponse du ministre délégué aux Transports, que son gouvernement n'a rien appris de Hertel–des Cantons, qu'il fait encore fi des droits des citoyens et que nous risquons de voir à nouveau, l'automne prochain, le gouvernement venir déposer un projet de loi pour légaliser les actes illégaux du gouvernement?

Le Président: M. le ministre délégué.


M. Jacques Baril

M. Baril (Arthabaska): D'abord, M. le Président, dans ce projet, les tribunaux le disent, sept juges unanimes ont confirmé la légalité du projet. Je n'aime pas revenir là-dessus pour les parents des victimes, entre autres, mais, après le nombre de victimes qu'il y a eu dans cette côte-là, je pense que le gouvernement est en droit de prendre tous les moyens possibles pour ne pas que d'autres événements semblables se produisent.

Le Président: Mme la députée de Sauvé, en question complémentaire.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. La ministre de la Culture, qui a reconnu en commission parlementaire que sa politique sur le patrimoine et le cadre bâti prévue pour le début de l'an 2000 doit comporter un volet sur la protection du paysage et même les routes pittoresques, est-ce qu'elle a l'intention de se mouiller publiquement dans ce dossier, d'enfin prendre ses responsabilités et de faire les représentations nécessaires afin de protéger le paysage de Charlevoix, comme le demandent plusieurs citoyens?

Le Président: Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: M. le Président, il y a effectivement des sites patrimoniaux autour, et nous avons collaboré avec le ministère des Transports. Nous sommes très satisfaits des réponses qu'ils nous ont données. Nous savons qu'ils ont fait le meilleur aménagement possible étant donné la situation, étant donné les victimes qu'il y avait eu. Alors, nous avons collaboré à la solution qui est la meilleure possible.

Le Président: En question principale, M. le député de Laurier-Dorion.


Conséquences de la grève des employés d'entretien de l'Office municipal d'habitation de Montréal


M. Christos Sirros

M. Sirros: M. le Président, la situation dans les HLM de Montréal est intolérable: 34 000 personnes âgées, démunies et fragiles, pour l'essentiel, sont tenues en otages par un conflit de travail qui n'en finit plus. Les 125 cols bleus de Montréal sont en grève depuis 10 mois maintenant, une grève qui donne, M. le Président, des titres de journaux comme celui-ci: Coeurs sensibles s'abstenir: La grève des cols bleus a transformé des HLM en soues à cochons , Des cages d'escalier jonchées de détritus , Des odeurs d'urine dans les ascenseurs , Des planchers sales et glissants , Des petits sacs blancs éventrés dont le contenu est éparpillé sur les pelouses .

M. le Président, la ministre responsable de l'Habitation nous disait, le 22 avril, en commission parlementaire, et je cite: «Écoutez, les personnes que ça concerne, ce sont des personnes qui sont les moins capables, d'une certaine façon, de faire monter le volume du son, et c'est la raison pour laquelle je pense qu'on a une responsabilité encore plus grande de parler en leur nom.»

Alors, ma question à la ministre responsable de l'Habitation: Est-ce que je peux lui demander combien de temps encore elle va accepter que sa collègue du Travail se contente de faire des visites de relations publiques pour nous dire qu'après 10 mois ça la concerne? Quand et comment va-t-elle exiger qu'une solution soit apportée à ce conflit, et ce, avant la fin de nos travaux?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, la remarque du député de Laurier-Dorion est totalement déplacée. Ma collègue la ministre d'État du Travail est aussi la députée de Bourget, et c'est comme députée du comté voisin du mien, sans caméra d'ailleurs, qu'elle a, elle aussi, constaté les difficultés réelles que vivent les locataires dans les habitations à loyer modique sur le territoire de la ville de Montréal.

M. le Président, j'ai moi-même communiqué, cette fin de semaine, à nouveau avec les autorités de l'Office municipal d'habitation de Montréal et avec les dirigeants syndicaux pour leur faire savoir – ce que j'avais d'ailleurs discuté avec ma collègue ministre d'État au Travail – qu'une solution s'imposait dans les jours qui venaient. Alors, on me dit que c'est au plus haut niveau de la FTQ, de l'Office municipal d'habitation et du ministère du Travail que se déroulent à partir de cette semaine des discussions, dont le compte à rebours est commencé, en ce qui me concerne. Merci.

Le Président: En question principale, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Non, en question additionnelle, M. le Président, je m'excuse.

Le Président: Très bien, en complémentaire.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Est-ce que le 14 avril dernier, lorsque la ministre du Travail déclarait en cette Chambre: J'ai fait des interventions assez rapidement pour faire en sorte qu'il y ait des négociations. Si, au bout de la série de rencontres de négociations, les choses n'aboutissent pas, on examinera différents moyens. Si les choses n'avancent pas, on agira. Il y aura toutes sortes de possibilités qu'on examinera...

Une voix: Quelle date, encore?

M. Gobé: Le 14 avril dernier, en cette Chambre. Est-ce que la ministre, qui a pris connaissance de la lettre adressée par la Fédération des locataires d'habitations à loyer modique du Québec, 34 000 personnes, et qui lui demande: «Mme la ministre, que votre gouvernement ait le courage d'agir en pensant aux personnes démunies qui sont les victimes impuissantes d'une partie de bras de fer qui a beaucoup trop duré», est-ce que la ministre va enfin joindre les actes à la parole?

Depuis le 14 avril dernier, elle n'a pas bougé. Elle parle, elle se promène avec des caméras de télévision, des articles de journaux. Qu'attend-elle? Elle a plusieurs solutions à sa disposition, elle a le Code du travail pour agir. Va-t-elle enfin prendre ses responsabilités comme ministre et venir en aide aux personnes dans les problèmes, des démunis dans les HLM à Montréal?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, d'abord, je suis allée voir le problème sur place, parce que je suis une députée et que je suis sensible aux gens que je dois desservir. Je l'ai fait discrètement, parce que je ne pensais pas qu'il y avait lieu de faire une opération publique et de dire simplement des gros mots, comme on en entend ici, dans cette Chambre. J'ai également parlé aux locataires. J'ai constaté un certain nombre de choses.

J'ai également, à ce moment-là, confié un mandat spécial à un médiateur pour une période de deux semaines. Il y a eu, donc, un deux semaines extrêmement intense de négociations. Il y a eu des progrès, c'est vrai, mais pas suffisants pour conclure à la fin de ce conflit-là.

Maintenant, on se doit de constater... parce que là on peut bien jeter le blâme sur le gouvernement, mais il y a un point de départ important qu'il nous faut se rappeler, c'est que les parties ont, premièrement, la responsabilité de s'entendre. Nous allons prendre nos responsabilités, mais il n'en demeure pas moins – et je suis responsable de relations de travail harmonieuses au Québec – qu'il nous faut se rappeler régulièrement que les parties ont la première responsabilité de s'entendre. Et je fais appel à elles, d'ailleurs.

Maintenant, comme l'a si bien dit ma collègue, oui, nous intensifions ces négociations-là. Elles se font maintenant en très haut lieu, et le compte à rebours est commencé.

(10 h 50)

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bergman: D'Arcy-McGee.

Le Président: D'Arcy-McGee. Je m'excuse, M. le député D'Arcy-McGee. En question principale?


Réglementation de la pratique des médecines douces


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Oui. M. le Président, une naturo-thérapeute a été récemment reconnue coupable d'une négligence criminelle causant la mort suite au décès d'une jeune fille qui a suivi ses traitements. Régulièrement, des individus sont victimes de personnes qui se prétendent des professionnels de la santé. Pourtant, dans son programme électoral, le Parti québécois s'engage à légiférer sur la pratique des médecines douces pour protéger le public.

Est-ce que la ministre responsable de l'application des lois professionnelles va finalement respecter l'engagement de son gouvernement ou est-ce qu'elle attend d'autres tragédies pour établir des normes dans les pratiques des médecines douces?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, le cas auquel fait référence le député, ce sont des cas qui sont fort malheureux, et il est évident que nous nous devons d'être vigilants et de prendre toutes les mesures nécessaires pour que de telles choses n'arrivent pas. Quant aux engagements qui ont été pris par notre gouvernement, ils seront respectés comme ceux qui l'ont été au cours des quatre dernières années, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: M. le Président, qu'est-ce que la ministre attend pour légiférer afin d'assurer la protection du public dans la pratique des médecines douces?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, les médecines douces sont effectivement une réalité de notre société, une nouvelle façon d'apporter des soins, de permettre aux citoyens du Québec d'avoir des modes alternatifs pour répondre à leurs besoins. Alors, il est évident qu'avec ma collègue du ministère de la Santé et des Services sociaux c'est un dossier sur lequel nous allons incessamment continuer à travailler de façon à s'assurer que la protection du public doit être notre premier guide avant tout, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bonaventure.


Programme de création d'emplois de REXFOR


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Le programme de création d'emplois de REXFOR annoncé en grandes pompes jeudi dernier par le ministre des Ressources naturelles, après plusieurs semaines de retard, est loin de faire l'unanimité aujourd'hui. Contrairement au discours du ministre, les présumées bonnes nouvelles qu'il annonçait camouflaient encore une fois l'abandon des régions, plus particulièrement celles de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent. En fait, la coupure de 3 800 000 $ du budget de REXFOR, soit 50 % de moins que l'an passé pour la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent, a pour conséquence directe la perte de 26 techniciens et de 130 travailleurs forestiers.

Dans ce contexte, M. le Président, ma question au ministre des Ressources naturelles: Comment le ministre justifie la mise en place d'un programme destiné à la création d'emplois qui a pour effet direct la perte de plus de 150 emplois en forêt pour des régions comme la Gaspésie et le Bas-Saint-Laurent?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Bien, M. le Président, je regarde les chiffres et je me rends compte qu'il n'y a pas de diminution pour ce qui est du Bas-Saint-Laurent, qu'il n'y a pas de diminution pour aucune des régions du Québec, qu'il y a eu augmentation globale des ressources consacrées à la mise en valeur des forêts privées comme des forêts publiques. Alors, normalement, par conséquent, ça devrait se traduire par au moins autant d'emplois en forêt que l'an dernier. Alors, je vais vérifier les allégations de la députée de Bonaventure; je ne vois pas comment, avec un niveau de ressources accru, on peut arriver aux résultats qu'elle vient de mentionner.


Réponses différées


Prévision des besoins en hémato-oncologie

Le Président: Bien. Nous allons maintenant passer aux réponses différées. Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux va répondre à une question posée le 3 juin dernier par Mme la députée de Bourassa concernant le manque d'hémato-oncologues. Alors, Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Effectivement, la question était la suivante. On disait: Il ne semble pas être clair qu'il va manquer évidemment des hémato-oncologues, alors Mme la ministre peut-elle nous dire combien d'hémato-oncologues ont déjà pris leur retraite et combien de fois un 300 000 $ leur aurait été versé?

Alors, de fait il y a eu neuf départs chez les hémato-oncologues depuis février 1996, dont six étaient des départs à la retraite. Par ailleurs, il y a eu, pendant la même période, 12 arrivées dans cette spécialité, ce qui veut dire qu'au net nous avons davantage d'hémato-oncologues qu'il n'y en avait à l'époque mentionnée. Par ailleurs, il faut savoir aussi que les personnes qui ont pris leur retraite, que ces hémato-oncologues qui ont pris leur retraite avaient 65 ans et plus, allant même jusqu'à 71 ans, ce qui, donc, dans certains cas, est à peu près l'âge normal où on prend sa retraite, même si on n'y est pas obligé pour autant.

Par ailleurs, j'ai déjà informé les membres de cette Assemblée, je le redis aujourd'hui, qu'il y a un travail d'engagé sur toute la question de la planification des effectifs. D'ailleurs, l'Association des médecins hématologistes-oncologistes du Québec était venue en commission parlementaire, je crois, ou lors d'un débat sur cette question avait présenté un mémoire en disant qu'il persistait des déficiences quant à l'accessibilité aux services, mais que, grâce à l'action justement des hématologistes-oncologistes, seules quelques régions éloignées avaient été moins desservies, et, par ailleurs, dans la planification, nous prévoyons augmenter le nombre d'hémato-oncologues, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Mme la ministre, comptez-vous rappeler les médecins qui ont pris leur retraite pour faire face au déficit au niveau de l'accessibilité des soins pour les personnes qui ont besoin de services dans ce secteur-là?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je répondrai plus généralement à ma collègue que, dans tous les cas...

Des voix: ...

Mme Marois: ...dans tous les cas, M. le Président, dans tous les cas où nous constatons un manque de spécialistes dans une région donnée, dans un hôpital donné, ou un manque de généralistes aussi, d'omnipraticiens, si tant est que certains d'entre eux veulent revenir et que nous pouvons leur confier pour des temps limités des tâches et responsabilités, nous le faisons en tout état de cause, M. le Président.

Le Président: Alors, nous abordons maintenant l'étape des motions sans préavis.

S'il n'y a pas de motions, nous allons aller immédiatement aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Brassard: Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée, d'abord, que la commission de l'éducation poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 7, Loi modifiant la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation afin d'instituer le comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux; projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal; projet de loi n° 30, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 h 30 à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 52, Loi modifiant la Loi concernant les enquêtes sur les incendies; projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi de police, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May;

Que la commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 61, Loi sur la Société de la faune et des parcs du Québec, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des finances publiques entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 203, Loi concernant Les Soeurs du Bon-Pasteur de Québec, le mardi 15 juin 1999, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

(11 heures)

Que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants: projet de loi n° 208, Loi concernant la Ville de Saint-Basile-le-Grand; projet de loi n° 209, Loi concernant la Municipalité de Saint-Jean-de-Matha; projet de loi n° 205, Loi concernant la Ville de Victoriaville; projet de loi n° 212, Loi concernant la Municipalité régionale de comté de Vaudreuil-Soulanges; projet de loi n° 211, Loi concernant la Commission de l'aqueduc de la Ville de La Tuque; projet de loi n° 207, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval, le mardi 15 juin, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.


Affaires du jour

Le Président: Bien. Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, s'il n'y a pas d'interventions aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons aborder maintenant les affaires du jour. M. le leader du gouvernement. M. le leader adjoint. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: Oui, oui. C'est parce que j'attends qu'ils soient un peu plus calmes. Alors, M. le Président, je vous réfère à l'article 3 du feuilleton.


Projet de loi n° 43


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article 3 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 2 juin dernier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation.

Alors, la dernière intervention que nous avons reçue était l'intervention du député de Jacques-Cartier. Est-ce qu'il y a d'autres interventions à ce moment-ci? Pas d'interventions?


Mise aux voix

Alors, est-ce que le principe du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation, est adopté? Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'éducation

M. Boulerice: Oui. Je fais motion que le projet de loi soit déféré à la commission de l'éducation pour étude détaillée et j'avise cette Assemblée que la commission de l'éducation procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 43...

Le Président: M. le leader adjoint, on va d'abord voir si la motion de référence est adoptée. Adopté.

Je demanderais aux députés qui doivent travailler à l'extérieur du salon bleu de quitter l'enceinte maintenant en silence, et que ceux qui doivent caucusser le fassent à l'extérieur. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Boulerice: Bon. Alors, M. le Président, comme nous venons de déférer le projet de loi, maintenant j'aviserai l'Assemblée que la commission de l'éducation procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Très bien. La motion est-elle... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Simplement une précision. Sauf erreur, M. le Président, le projet de loi avait déjà fait l'objet d'un appel en commission parlementaire par le leader tantôt. Est-ce qu'il y a erreur?

M. Boulerice: Non.

M. Paradis: Non?

Le Président: Alors, je présume que le leader du gouvernement avait présumé...

M. Boulerice: C'était une autre loi concernant le ministère de l'Éducation, le projet de loi n° 7.

Le Président: Très bien. Alors, je crois que les choses sont clarifiées. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous demande de bien vouloir vous référer à l'article 42 du feuilleton.


Projet de loi n° 33


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements du ministre

Le Président: Alors, à cet article, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie.

Y a-t-il des interventions? M. le député de Verdun, d'abord.

M. Gautrin: Attendez. Je m'excuse. Là, actuellement, on est au dépôt du rapport. C'est bien ça?

Le Président: C'est ça. C'est-à-dire que c'est l'Assemblée qui prend en considération le rapport de la commission.

M. Gautrin: Alors, la convention que nous avons de part et d'autre, c'est que nous ne parlons pas sur la prise en considération du rapport, parce qu'on va parler à satiété sur la troisième lecture.


Mise aux voix des amendements du ministre

Le Président: Très bien. Alors, s'il n'y a pas d'intervention à cette étape-ci, les amendements proposés par le ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie sont-ils adoptés? Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Alors, le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, est-il adopté? Adopté. Très bien. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Au rythme où vous filez, M. le Président, ce matin, j'aurai épuisé notre menu rapidement. Je vous réfère à l'article 7 du feuilleton.


Projet de loi n° 60


Adoption du principe

Le Président: Alors, très bien. Bien. M. le ministre de l'Environnement, à cet article, propose l'adoption du principe du projet de loi n° 60, Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill. Alors, puisque le ministre de l'Environnement nous fait l'honneur de sa présence, nous allons lui céder la parole.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de présenter aujourd'hui pour l'adoption de principe le projet de loi n° 60 sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill.

On se rappellera qu'en mars 1998 notre gouvernement et celui de Terre-Neuve ont annoncé le début de négociations formelles entre le Newfoundland and Labrador Hydro et Hydro-Québec en vue de conclure une entente pour le parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill. Bien qu'il soit prévu que les nouvelles installations de production d'électricité se trouveraient entièrement au Labrador, le territoire québécois serait néanmoins touché par la dérivation partielle de deux cours d'eau d'importance se trouvant sur la Côte-Nord, soit les rivières Romaine et Saint-Jean, de même que par la création d'un réservoir de plus de 1 000 km² et l'implantation de lignes de transport d'énergie. Il apparaît donc évident que la nature même de ce projet fait en sorte que les impacts environnementaux qui sont susceptibles d'en découler pourraient se faire sentir de part et d'autre de la frontière entre le Québec et Terre-Neuve.

Dans ce projet, M. le Président, il y a plusieurs intervenants qui sont impliqués: le gouvernement de Terre-Neuve, le gouvernement du Québec, les compagnies hydroélectriques et également plusieurs communautés innu qui sont situées de part et d'autre du côté terre-neuvien et du côté québécois. Du côté du Québec, les communautés qui sont affectés sont les Pakuashipi, à Saint-Augustin, La Romaine, Natashquan, Mingan, et Uashat-Maliotenam, à Sept-Îles. Des Innu vivant à Matimekosh, Schefferville et au Lac John sont également concernés par le projet. Du côté de Terre-Neuve, il s'agit de la nation innu du Labrador.

M. le Président, nous disposons d'une loi sur la qualité de l'environnement qui prévoit, lorsque des projets d'envergure sont pour être élaborés, qu'il y ait une procédure pour faire l'évaluation des impacts de la réalisation d'un tel projet sur l'environnement. Alors, on peut comprendre que, dans un projet qui se situe à l'intérieur des limites du Québec, cette procédure qui est élaborée dans un règlement prévoie toutes les situations possibles et inimaginables pour que le processus se tienne de manière publique, connue, avec des intervenants qui désirent participer et avec des délais extrêmement précis de fonctionnement.

Lorsqu'il s'agit de faire un projet avec une autre province, malheureusement, notre loi de la qualité de l'environnement est silencieuse, elle ne prévoit rien. Ce qui veut dire que, si nous n'adoptons pas une loi pour permettre de conclure des ententes avec un autre juridiction, nous le ferions sans autorisation légale. À moins que l'on pense – et ce n'est pas l'opinion que je partage – que chacun devrait faire chez soi, isolément, sans tenir compte des autres, sa propre évaluation, sans s'entendre sur les processus, les délais, les moyens de le faire, et ça, ça m'apparaît tout à fait essentiel.

Il faut comprendre que, dans le cas de ce projet, s'il se réalisait dans la forme où il est présenté aujourd'hui, il y aurait au Québec dérivation de deux rivières qui sont la rivière Saint-Jean et la rivière Romaine, il y aurait création d'un lac ou d'un réservoir de 1 000 km². Il faut comprendre que c'est immense. Par ailleurs, les travaux d'infrastructures, de construction des usines de production d'électricité se situent totalement au Labrador. Donc, on est en face d'un projet extrêmement important, et il faut qu'on ait le moyen de faire une évaluation environnementale complète, satisfaisante, dans des délais qui sont relativement courts, même si on est en face d'un projet considérable.

À cette fin, donc, il fallait, à mon point de vue, trouver de quelle manière on pouvait être habilité sur le plan légal à faire une telle entente, et c'est ce à quoi vise le projet de loi. Le projet de loi donnerait donc les moyens légaux au ministère de l'Environnement de conclure avec Terre-Neuve, avec les Innu, avec les communautés dont j'ai fait l'énumération tout à l'heure, une entente pour dire: Voici comment nous allons, en respectant les grands principes de notre Loi sur la qualité de l'environnement et les règlements sur les évaluations environnementales, donc, de quelle manière nous allons procéder. Alors, comment la directive va être émise? Dans quels délais elle va être faite? Qu'est-ce qu'elle devrait couvrir? Une fois ça fait, quelle évaluation, quelle expertise devrait être déposée devant le bureau chargé d'entendre les représentations des groupes et de recevoir aussi, surtout, la présentation des promoteurs du projet?

Alors, il faut qu'on puisse prévoir une façon de fonctionner qui permette à tout le monde d'être présent au même moment et d'entendre les mêmes représentations, pour que l'évaluation soit faite en tenant compte de tous les aspects et non pas seulement de certains qui seraient territorialement situés d'un côté ou l'autre dans les deux provinces.

(11 h 10)

Donc, il faut que nous ayons ce moyen légal de le faire; nous ne l'avons pas. La façon d'y arriver est de présenter ce projet de loi qui permet de conclure des ententes qui vont prévoir de quelle façon on la fera, cette évaluation environnementale de ce projet. Bien sûr, tous les grands principes qui sont énoncés dans notre loi de la qualité de l'environnement seront respectés et, comme on dit généralement, mutatis mutandis, donc toute modification ayant été faite pour tenir compte de la situation particulière dans laquelle nous nous trouverons. Les délais seront également des délais que nous connaissons.

Il y aura une recommandation qui sera faite au gouvernement du Québec, lequel prendra la décision, compte tenu des rapports qui auront été faits, d'autoriser tel quel, d'autoriser avec modifications ou encore, à la limite extrême, de dire: Non, compte tenu que des impacts sont tels qu'on ne peut pas le prévoir... Nous ne pensons pas que ça sera l'hypothèse qui sera à l'issue du processus, mais il faut quand même y penser. Donc, le projet de loi vise à permettre cette évaluation environnementale de cet immense projet, et c'est pourquoi, M. le Président, je présente ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre de l'Environnement. Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Verdun?

M. Gautrin: M. le Président, notre porte-parole n'étant pas présent, je fais motion pour qu'on ajourne le débat sur cette motion de manière qu'on puisse entendre le porte-parole.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a consentement pour que nous ajournions le débat? Très bien. M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: Il y aurait quand même une lecture très brève à faire, si vous me le permettez. «L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.» C'est bien, hein?

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très important. Alors, ceci a été enregistré. Nous vous remercions, M. le ministre de l'Environnement. Et je vais maintenant céder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour le prochain item à l'ordre du jour.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je demanderais le consentement pour déroger à l'article 230 de notre règlement de façon à pouvoir revenir à l'article 42 du feuilleton de ce jour.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, y a-t-il consentement?

M. Gautrin: M. le Président, il y a consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement. Alors, nous revenons donc à l'article 42. Alors donc, la prise en considération du rapport, ça a eu lieu. Nous sommes maintenant à l'adoption du projet de loi. Alors, est-ce que, M. le ministre...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, c'est parce que c'est un point qu'on vient de m'indiquer à l'ordre du jour. M. le ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Il n'y a pas d'interventions sur l'adoption du projet de loi?

M. Gautrin: Je pense que le ministre a fait son intervention...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a possibilité d'intervenir sur le projet de loi. Alors...

M. Rochon: On revient à l'ordre du jour. Alors, dans 30 secondes, je serai prêt à procéder.


Projet de loi n° 33


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole pour votre intervention sur la motion d'adoption du projet de loi n° 33.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, M. le Président, on en arrive à la dernière étape de l'adoption du projet de loi n° 33, qui est la Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, loi qui va créer un nouveau ministère responsable qui a comme mandat, comme mission d'élaborer une politique de la recherche, de la science et de la technologie, une politique scientifique pour le Québec, et de la mettre en oeuvre.

La commission, dont nous venons d'adopter le rapport, a fait un excellent travail et a apporté un certain nombre de changements au projet de loi qui le bonifient. C'est un projet de loi qui, dans sa facture générale, est assez simple, M. le Président, qui est un peu comme tous les projets de loi qui ont créé, dans le passé, des ministères. On retrouve donc un certain nombre d'articles de nature administrative typiques pour la création d'un ministère, au chapitre II, spécialement. Et le chapitre III, on se rappelle, c'est un certain nombre de dispositions qui entraînent, par voie de conséquence et de cohérence législative, des modifications dans un certain nombre de projets de loi.

La spécificité du projet de loi est dans son chapitre I, dans des articles qu'on y retrouve, et c'est là qu'on retrouve la mission du ministère, comme je viens de la résumer. Et je reviendrai dans une minute sur comment se profile cette politique scientifique et comment on peut voir déjà s'esquisser l'organisation du ministère qui, j'espère, sera créé bientôt pour s'assurer que l'élaboration de la politique et sa mise en oeuvre puissent se faire dans les meilleurs délais et avec le concours de tous ceux qui sont de près ou de loin impliqués dans une oeuvre de ce genre.

J'aimerais peut-être souligner quelques modifications qui ont été faites au projet de loi et qui le bonifient, pour qu'on puisse bien voir comment ce ministère sera en position vraiment, je pense, de bien remplir son rôle. Il y a une modification qui a été faite pour élargir le cadre de l'application et des partenaires de recherche du gouvernement qui reconnaissaient déjà les milieux universitaires, milieux industriels, des entreprises dans le gouvernemental qui sont des partenaires de recherche bien connus, mais on a pu rajouter, en plus de l'universitaire, le niveau collégial. Parce que les rencontres que j'ai pu faire au cours des derniers mois m'ont permis, entre autres, de constater jusqu'à quel point il y avait une activité importante, un potentiel considérable et une volonté du milieu collégial de collaborer à l'effort de recherche, comme ils le font déjà et comme ils le feront encore mieux avec des moyens qu'on aura mis à leur disposition tout récemment grâce à des marges de manoeuvre dégagées par le dernier budget.

On se rappellera que, dans le dernier budget, une des nouvelles initiatives a été ce qu'on a appelé Innovation Québec, qui est un programme à différents volets, qui a déjà renforcé l'effort de recherche du Québec de l'ordre d'à peu près 35 %, et qui avait retenu un fonds qu'on avait appelé de défis et d'opportunités. Et, grâce à ça, on a pu investir un 2 000 000 $ additionnel qui va permettre une concertation entre le ministère de l'Éducation et le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, de même que le Fonds FCAR, pour redonner vie à des programmes qui existaient mais qui, au cours des dernières années, avec les difficultés financières qu'on a connues partout, avaient vraiment perdu de leur allant, de leur redonner vie et réimpliquer les professeurs dans des collèges au niveau de la recherche, de les associer de plus près à l'effort qui est fait par les universités, et au développement d'entreprises, surtout dans des collèges qui sont en région, et renforcer le modèle de recherche qui pourra être présent pour les étudiants grâce à leurs professeurs qui vont reprendre l'activité dans ce domaine. Alors, c'est un rappel que nous a fait la Fédération des cégeps, que nous avons très bien reçu parce que ça correspondait tout à fait à ce qu'est la situation du Québec.

Je pense que c'est intéressant aussi de souligner une autre modification qui a été faite à la demande et à la suggestion de l'opposition, de renforcer encore plus l'imputabilité du nouveau ministère dans la réalisation, mais surtout dans l'évaluation d'une politique. Dans la mission du ministère, une mission de mise en oeuvre d'une politique, ça veut dire aussi une responsabilité d'évaluer l'évolution, l'impact d'une politique, de ses programmes et de ses mesures.

Il était prévu, comme c'est la coutume évidemment, que le ministre responsable fasse rapport au gouvernement, mais, dans un esprit qui est conforme à ce qui est celui de la réforme de l'organisation et de la gestion des affaires gouvernementales, nous avons été tout à fait d'accord avec la proposition de l'opposition de spécifier dans le projet de loi que le ministre ferait rapport non seulement au gouvernement, qui a bien sûr des décisions à prendre à la suite des résultats d'évaluation, mais que ces évaluations-là seront aussi étudiées par la commission parlementaire compétente qui sera identifiée à cette fin. On aura donc un processus tout à fait ouvert, tout à fait transparent où autant l'exécutif que le législatif pourront porter jugement et décider des mesures à prendre, avec l'information qu'on obtient grâce à l'évaluation.

(11 h 20)

Un dernier changement que je vais mentionner – il y en a plusieurs autres qui ont été faits, de concordance, d'ajouts et de précision – je n'entrerai pas dans des détails techniques, mais, là aussi, des discussions et des propositions de l'opposition ont permis de regarder de façon un peu plus précise, plus détaillée, plus minutieuse l'implication du ministère dans un certain nombre d'organismes. Et, comme il y a énormément de lois à ajuster en conséquence, je mentionnerai, par exemple, que ces discussions ont permis de compléter certains petits manquements, je pense, qui étaient dans le projet de loi, pour bien s'assurer que, par exemple, auprès de l'Office des personnes handicapées du Québec, le nouveau ministère y sera impliqué au niveau de son conseil d'administration, comme le sont déjà sept ou huit autres ministères. Ça, ça m'apparaît excessivement important, parce que les personnes handicapées – et on en connaît des exemples, d'ailleurs, beaucoup, au Québec – une des activités que ces personnes-là peuvent faire, compte tenu de leur handicap, c'est très souvent des activités de recherche. Et il y a des personnes qui ont contribué de façon importante à des équipes de recherche, parce qu'on s'est donné l'obligation sociale de faire des accommodements, de s'assurer que l'environnement de la recherche ne leur créerait pas un handicap.

Sur le plan plus de développement économique, en plus des aspects sociaux, des amendements qui ont été apportés vont assurer une participation directe, une implication, une responsabilité de ce nouveau ministère auprès de sociétés de développement économique. Et les principales sont les Innovatech, qui sont des sociétés d'investissement, mais qui représentent un maillon essentiel dans la chaîne de transfert des connaissances, à partir du chercheur jusqu'à soit une commercialisation d'un produit ou un autre type de valorisation de la recherche dans le domaine social, soit sous forme de modification, d'organisation de nos institutions sociales ou modification de pratiques, dans des domaines de service. Et on retrouve le même genre d'implication pour la région de la capitale nationale avec la Société de promotion économique du Québec métropolitain qui vient compléter les attaches de ce ministère.

Alors, je pense, M. le Président, qu'on a maintenant dans le projet de loi, avec les amendements qui ont été faits, un ministère qui a une mission très claire, très précise et qui a les moyens d'agir de façon transversale, ou horizontale, comme on dit dans le jargon, c'est-à-dire d'assumer une responsabilité de coordination de l'action gouvernementale, appuyé, comme on le sait, dans cet effort par un comité ministériel, un cinquième comité ministériel qui a été créé pour la recherche, la science et la technologie. Alors, c'est donc la reconnaissance par le gouvernement d'une cinquième grande mission du gouvernement.

En plus de la mission sociale, de la mission économique et de développement d'emplois, de la mission d'éducation et de culture et de la mission de développement régional, on a maintenant une cinquième mission, très bien identifiée, pour la recherche, la science et la technologie. Et le ministère a donc les moyens, la responsabilité et les moyens, en collaboration avec les collègues des autres ministères, d'assurer une coordination de l'action gouvernementale qui sera une assise pour une concertation avec le milieu, et de s'assurer que, dans les prochains neuf à 10 mois, on puisse déposer une politique scientifique et qu'on puisse, au cours des prochains 10 mois, continuer, comme on l'a commencé dès le dernier budget, dès le mois de mars, à mettre en oeuvre des mesures qui sont l'expression d'une volonté politique du gouvernement de renforcer notre développement dans le domaine de la science, de la technologie et de la recherche en vue de soutenir l'innovation dans tous les domaines où ça peut se faire.

La politique, quand le ministère sera créé, on en reparlera dès les prochaines semaines. Je pense qu'on sera en mesure, vers la fin du mois de juin, de commencer de façon plus formelle certaines validations des orientations. Mais, d'ores et déjà, sur la base d'un grand nombre de rencontres au cours des cinq derniers mois, je pense, M. le Président, que j'ai pu rencontrer tout près de 400 personnes pour discuter, consulter des gens, autant des milieux de l'entreprise, des entreprises innovantes, comme on les appelle, des entreprises qui font de la recherche et du développement, des gens aussi du milieu universitaire, bien sûr, qui est notre base de recherche, et fondamentale et même, à plusieurs égards, appliquée, au Québec, et aussi ceux qui oeuvrent dans tous les réseaux qu'on a maintenant, au Québec, d'instituts, de centres de recherche publics ou parapublics.

Alors, sur la base de ces discussions, je pense qu'on peut voir s'orienter le projet d'une politique autour de cinq axes majeurs, un qui est celui du développement, d'avoir des mesures, des moyens pour développer encore mieux nos compétences dans le domaine de la recherche, pour des carrières de chercheurs, mais aussi pour des carrières scientifiques qui ne sont pas nécessairement des activités de recherche, mais pour lesquelles il nous faut de plus en plus du personnel qualifié au niveau universitaire, très souvent au niveau d'une maîtrise ou même d'un doctorat, pour assurer que le développement des connaissances est bien soutenu et qu'on a aussi ce qu'il faut dans les entreprises, comme personnel, de gens qui sont en lien avec le développement des connaissances et qui peuvent soit eux-mêmes être impliqués dans de la recherche appliquée ou être capables de déclencher des innovations pour avoir des améliorations de produits et de services, parce qu'il y a une interface importante qui a été créée avec la recherche universitaire. Tout ça repose sur du personnel.

Je disais tout à l'heure qu'avec le dernier budget on a déjà commencé à agir. On a déjà augmenté, avec les fonds subventionnaires, le soutien aux chercheurs de l'ordre d'à peu près 35 %. On aura une création de postes de professeurs dans les universités, de professeurs chercheurs: 25 par année pendant cinq ans, pour 125.

Dans le domaine de la santé, le Fonds de recherche en santé du Québec a eu des fonds additionnels pour créer une cohorte de chercheurs nationaux qui va prendre la relève de ceux qui ont déjà une expérience de 12 ans en recherche, avec ce qu'on appelle des «scholarships», des bourses personnelles de recherche, des gens qui risquaient de voir leur carrière terminée, en recherche, à cause des difficultés financières qu'on a connues dans les dernières années.

Alors, il y a un bloc important, dont on va discuter dans les prochains mois, de toutes les mesures qui doivent être faites par les différents ministères impliqués et par le nouveau ministère, qui agit en coordination avec les ministères, pour s'assurer que nous développons une capacité de personnel très forte pour la recherche et pour la soutenir pour l'avenir.

Disant «personnel», il faut que ces gens-là soient capables d'agir, aient les moyens de faire la recherche et de développer de nouvelles activités. Ce qui nous amène à un autre bloc sur lequel on travaille, à un autre axe important qui est celui de l'effort de recherche que l'on consent au Québec, qui est déjà énorme. Le Québec, se comparant à tous les gouvernements du Canada, est celui qui, proportionnellement à son produit intérieur brut, à sa richesse, fait les plus grands efforts du côté de la recherche, pour permettre entre autres de compenser pour l'investissement de recherche du gouvernement fédéral qui est plus faible au Québec que ce qu'il devrait être compte tenu de ce que représente le Québec en termes de population et de ce qu'il représente dans l'économie du Canada.

On sait que l'effort fédéral est très concentré dans toutes les infrastructures et les moyens de recherche, en-dehors des subventions d'activités de recherche, dans la capitale fédérale et beaucoup du côté ontarien, ce qui amène un déséquilibre entre les provinces. Alors, ça, ça a amené, au cours des années, le Québec à investir beaucoup auprès des entreprises pour récupérer et faire un rattrapage de ce côté-là et à investir aussi beaucoup plus dans des instituts de recherche, avec les universités, pour avoir un effort de recherche qui nous permette de maintenir nos positions compétitrices dans différents domaines. Mais il va falloir accroître encore cet effort de recherche – je pense que c'est évident, sur la base d'informations qu'on a – autant en infrastructures matérielles, beaucoup en infrastructures humaines aussi et en différents moyens, comme tous les supports informatiques dont ont besoin les centres de recherche modernes maintenant.

Il y aura donc à revoir nos moyens de financement de la recherche, les moyens incitatifs qui existent pour favoriser la recherche intersectorielle, de sorte qu'on s'assure que, si on développe, on forme plus de personnel pour des carrières scientifiques, ces gens-là ont aussi des moyens d'agir et des moyens de réaliser une carrière productive.

(11 h 30)

Ayant cette base de connaissances assurée dans le cadre de la politique, ça nous amène à penser au transfert des connaissances. Et on sait que ce qui est ultimement l'objectif de toute activité de développement de connaissances, depuis que l'homme existe et s'organise en société, c'est d'améliorer, d'innover, de modifier pour améliorer notre environnement, nos conditions de vie et de s'assurer que le progrès rejoint tout le monde dans une société.

Alors, pour ça, il faut que les connaissances, en temps voulu, en temps approprié, puissent sortir des laboratoires, encore une fois soit pour permettre que l'on commercialise de nouveaux produits ou des produits améliorés ou soit que l'on puisse, par de la recherche sociale et de la recherche en sciences humaines, améliorer le fonctionnement de nos organisations, de nos institutions sociales et améliorer les pratiques professionnelles partout où on peut modifier, pour que les services donnés aux citoyens correspondent mieux à leurs besoins dans toute la mesure du possible.

Et le transfert des connaissances demandera beaucoup de travail. Beaucoup d'instances travaillent sur le sujet, par exemple, de la propriété intellectuelle, qui est un élément très important, pour assurer que, la recherche étant de plus en plus sectorielle, tous les acteurs universitaires, gouvernementaux et d'entreprises qui sont impliqués, les étudiants gradués, les étudiants à la maîtrise, au doctorat, qui participent beaucoup à l'effort de développement de connaissances, que tout le monde ait une protection de sa propriété intellectuelle et qu'on ait des milieux qui soient vraiment stimulants pour le développement des connaissances, leur application et le développement de l'emploi. Ce transfert des connaissances va dans un but bien précis qui est l'innovation. Et, en plus de s'assurer de bons mécanismes de transfert de connaissances et d'un bon financement à cet égard, il y a d'autres mesures, comme celles qu'on a déjà prises d'ailleurs avec le dernier budget, de toujours faire voir que ce tandem qu'on a développé, que le développement d'une politique, ça se fait dans un contexte réel, en développant une prospective pour l'avenir, mais aussi en agissant dans le temps présent.

Alors, pour compléter le transfert des connaissances, on a un quatrième axe, qui est la stimulation de l'innovation, qu'on a retenu comme étant très important, pour s'assurer que l'entreprise, cette fois-ci l'innovation, puisse développer l'innovation, même au-delà de ce que sont des interfaces avec la recherche faite présentement au Québec, parce qu'on ne peut pas faire une recherche et être bon dans tout. Une politique voudra dire qu'on cible des objectifs et des priorités sur une base très large de recherche, mais que, en termes d'innovation, on est obligé de faire des choix. Mais ça veut dire aussi qu'en plus de la prospective il nous faut une veille constante pour voir quelles sortes d'autres innovations se pointent dans le monde et on peut intégrer dans nos entreprises, en plus de celles que l'on nourrit comme innovations à partir du développement des connaissances qui est fait ici. Il y a donc un lien très étroit entre le transfert des connaissances et l'innovation, mais aussi des moyens appropriés, différents pour chacun de ces deux secteurs d'activité.

Et finalement, pour qu'on ait vraiment une politique, il faut que la population tout entière comprenne de mieux en mieux ce qu'est le développement des connaissances, comment les connaissances se développent, que la population tout entière comprenne mieux le monde qui nous entoure, parce qu'un des premiers buts de la science, c'est de comprendre et d'expliquer le monde dans lequel on vit. Et je pense que, pour tout être humain, pour tout individu, être capable d'être le plus autonome possible constitue un objectif important, et on est plus autonome, plus en possession de nos moyens quand, individuellement, collectivement au niveau des communautés locales et au niveau d'un pays, on comprend mieux les mécanismes des phénomènes qui nous entourent, de sorte qu'on est mieux en position d'agir.

Pour ça, il faut qu'on assure ce qu'on appelle communément une culture scientifique beaucoup plus enracinée, beaucoup plus ancrée qui, en plus de nous rejoindre tous, cible encore plus particulièrement certains d'entre nous dans notre société, les jeunes par exemple. Et, si on a une difficulté, qu'on constate présentement, à attirer des jeunes dans des carrières scientifiques, à s'assurer que ceux qui entreprennent ce créneau se rendent jusqu'au bout et terminent leur formation et voient l'intérêt, l'avantage, le côté passionnant d'une carrière scientifique... Tout le monde ne sera pas des Julie Payette qui vont se retrouver dans l'espace, mais le cheminement qui amène quelqu'un comme astronaute est aussi très, très, très excitant. Et il faut qu'on comprenne, derrière l'image spectaculaire, tout ce qu'il y a comme activité très stimulante et aussi qui est très satisfaisante, parce que c'est un des secteurs d'activité, le domaine de développement de connaissances, encore une fois soit comme chercheur soit dans des domaines de haute technologie, qui amène à faire des activités qui donnent des résultats et qui modifient des choses de façon très intéressante et qui rendent une activité très utile pour l'ensemble de la société. Et on sait par ailleurs que, dans nos sociétés modernes, de la façon dont les économies se développent, c'est de cette façon qu'on crée de plus en plus d'emplois et qu'on crée déjà au Québec autant sinon plus d'emplois dans des nouveaux secteurs, dans des nouveaux emplois qu'on dit à haute teneur scientifique, et on en crée plus que ceux qui se perdent, par la transformation économique, dans des secteurs plus traditionnels.

Alors, c'est donc important qu'au niveau de l'école primaire, secondaire et au niveau du collège il y ait, auprès des professeurs et des étudiants, des actions qui soient prises pour mieux intervenir et orienter les gens vers des carrières, en respectant leur choix, mais de leur donner vraiment la liberté de bien choisir parce qu'ils connaîtront mieux ce qu'est la science et ce qu'est une carrière qu'on dit scientifique ou technique.

Et, à cet égard, agissant déjà pour développer la politique, nous avons lancé, il y a à peu près une dizaine de jours, ensemble, avec 10 partenaires, une action concertée – le Fonds FCAR, l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec, la Société de promotion et de diffusion de la culture scientifique, de la science, justement, et d'autres partenaires dont je ne pourrais pas donner la liste de mémoire. Mais on est une dizaine qui avons lancé une opération de recherche sur les deux prochaines années, et on commence tout de suite, pour mieux comprendre justement pourquoi les jeunes ne vont pas dans des carrières scientifiques, pourquoi surtout les femmes ne semblent pas orientées vers ces carrières-là – et ça, c'est très important pour l'avenir; les femmes, c'est plus que la moitié de la population, il faut qu'elles aussi soient intéressées à ces carrières-là – et pourquoi les hommes qui y vont plus quittent plus avant de terminer leur programme. Alors, il y a quelque chose, là, qu'on n'est pas sûrs de bien comprendre et, si on veut agir efficacement, il faudra, là aussi, mieux connaître les raisons qui regardent l'étudiant, mais aussi qui regardent la condition du professeur et son environnement pour redonner à nos écoles et à nos milieux de formation un milieu très stimulant.

Alors, voilà donc les environnements constitués, d'une part, de développement de personnel et de développement d'infrastructures et de moyens financiers, le transfert des connaissances, l'innovation et une culture scientifique. Ça nous donne une vue générale présentement du début des travaux sur une politique scientifique. Et, encore une fois, dans les prochaines semaines, on aura l'occasion d'en discuter plus à fond.

Je terminerai, M. le Président, en revenant sur le ministère pour indiquer comment ce ministère, compte te-nu du projet de loi qu'on va adopter, sera organisé et structuré de façon vraiment sur mesure pour que la politique dont je viens de parler à larges traits soit élaborée dans les meilleurs délais et qu'elle soit appliquée et mise en oeuvre le plus efficacement possible. Alors, on ne pense pas à organiser un ministère selon un modèle standard, mais vraiment le faire sur mesure.

On a identifié quatre types d'activité qui correspondent un peu à ce que je viens de dire comme contenu de la politique, mais là en pensant à la mise en oeuvre et non pas à son élaboration. Alors, pour la mise en oeuvre d'une politique scientifique moderne, on aura un ensemble d'activités autour de ce qu'on appelle généralement la planification, mais une planification stratégique qui est conçue essentiellement d'activités de veille et de prospective avec l'ensemble des partenaires, de sorte qu'on ne se voie pas dans une situation où on fait un plan avec la politique, même s'il y aura des mesures concrètes, et que, là, pour les trois prochaines années ou les cinq prochaines années, on adapte le plus possible la réalité à notre plan. Mais on va plutôt se développer une politique par une prospective continuelle qui précise, à mesure qu'on avance, l'horizon, qui nous permet, par la veille, de se comparer continuellement et de voir comment l'évolution se fait dans le monde présentement pour que le Québec se retrouve lancé par une dynamique très forte dans l'application de la politique.

Bien sûr, une autre série d'activités vont être importantes pour tous ceux qui sont impliqués dans la recherche et l'innovation. Il y aura un certain nombre d'activités, comme il y en a déjà présentement, regroupées pour stimuler directement la recherche, stimuler directement l'innovation et assurer le transfert des connaissances le mieux possible. Là, on pense à toutes sortes de programmes, de mesures qui comprendront des mesures d'ordre financier bien sûr et d'autres mesures d'ordre de coordination, de concertation, d'interfaces, le renforcement des interfaces et des collaborations pour la recherche qui est de plus en plus intersectorielle, le développement des connaissances qui est de plus en plus sur une base intersectorielle, que ça soit assuré par un ensemble d'activités cohérentes pour soutenir et la recherche et l'innovation et le transfert des connaissances.

(11 h 40)

Ça nous amène à penser à un autre secteur de liaison, essentiellement, pour que ce qui se développe comme recherche soit vraiment en concertation d'abord au sein du gouvernement. J'ai parlé du Comité ministériel, tout à l'heure, qui assure la coordination de l'action gouvernementale. Il faudra, dans le quotidien, qu'il y ait, dans le ministère transversal qui est ce nouveau ministère, du personnel qualifié qui sera identifié à chacun des secteurs de développement de la recherche, que ce soit les transports, l'agriculture, l'environnement, les ressources naturelles, de sorte qu'on s'assure que chacun des secteurs d'action du gouvernement a des plans et un suivi de son action scientifique qui est orchestré sur la politique.

On aura une action semblable avec les régions. Parce que, dans la mission du ministère et dans le concept de la politique, on pense à une politique nationale. On ne pense pas à une collection de politiques régionales, mais à une politique nationale où les régions sont impliquées compte tenu de leurs particularités pour contribuer à l'effort national de développement des connaissances et d'innovation, mais aussi pour que le développement de chacune des régions trouve son assise dans le développement de ce qu'est une économie moderne par le développement des connaissances et l'innovation.

Et, finalement, les activités de liaison vont assurer qu'on est aussi constamment en étroite collaboration avec le ministère des Relations internationales, en lien avec le monde. Et le ministère a dans sa mission d'être l'interlocuteur du gouvernement en regard de matières scientifiques, de recherche et de technologie. Alors, on veut s'assurer d'être capable, pour les chercheurs et les innovateurs du Québec, de les aider à être bien en lien avec l'ensemble du monde et de faire connaître le Québec et d'attirer au Québec aussi des gens de partout qui peuvent concourir à l'effort que l'on fait comme citoyens collectifs du monde au développement des connaissances pour l'ensemble de l'humanité.

Et, finalement, je parlais tout à l'heure de promotion, de la diffusion d'une culture scientifique. Alors, ça ne se fera pas seulement en en parlant. Et on prévoit développer un ensemble d'activités aussi avec les médias, avec les écoles, avec les musées du Québec, avec tous les intervenants qui peuvent s'impliquer, pour mieux faire connaître la science, pour mieux faire connaître les carrières, pour nous permettre d'être en possession et en contrôle de notre développement pour l'avenir.

Alors, M. le Président, voilà le tour d'horizon que je souhaitais faire pour marquer la fin de ce processus de reconnaissance, la création de ce ministère. Je sais que des collègues de l'opposition voudront s'exprimer à ce sujet. Et j'espère que l'on sera en mesure très rapidement de pouvoir passer à la prochaine étape, qui est d'avoir la politique, de l'appliquer. Et là on aura beaucoup d'autres discussions, j'en suis sûr. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, d'emblée, je vais vous dire que, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes profondément convaincus que l'innovation sous toutes ses formes est une clé nécessaire au développement des sociétés avancées, à l'aube du XXIe siècle. Et tout ce qui va soutenir l'augmentation du potentiel d'innovation de notre société, nous allons y concourir. Et c'est pour ça, M. le Président, que je vous annonce – ce qui semblait peut-être assez évident – que l'opposition va voter en faveur du projet de loi n° 33.

Nous allons voter en faveur du projet de loi n° 33, et je vais vous expliquer pourquoi. Premièrement, il faut voir qu'est-ce que fait le projet de loi n° 33, pourquoi il améliore la situation telle qu'elle est. Je vous dirai, au passage, disons, quelques interrogations que j'ai encore sur les structures actuelles. Je voudrais aussi aborder la question qui n'est pas dans le projet de loi n° 33 – le ministre l'a abordée aussi – qui est la fameuse question de la politique scientifique. Il en a donné les quelque cinq axes. Je voudrais peut-être suggérer une organisation différente.

Alors, d'emblée, M. le Président, sachez qu'au Québec l'effort budgétaire de recherche... Je vous pose la question: À votre idée, l'effort que fait le gouvernement, ce Parlement, en termes de soutien à la recherche et développement, c'est combien? Bien, je vais vous dire, suivant les chiffres – les chercheurs ne donnent des chiffres donc pas de l'année en cours mais de quelques années précédentes – ça dépasse le 1 200 000 000 $. Donc, il faut bien être conscient que l'effort que collectivement nous faisons, et qui a été fait aussi bien suivant les gouvernements du Parti québécois et les gouvernements du Parti libéral, c'est un effort important qui se fait de manière différente. Il se fait bien sûr en aide directe à la recherche; il se fait aussi en crédits d'impôt pour la recherche et le développement, il se fait sous forme de soutien à des centres de recherche, il se fait sous forme de soutien à des centres de liaison et de transfert, il se fait sous forme de soutien à des centres de transfert technologique dans le milieu collégial, il se fait sous toutes formes diverses, mais ça dépasse à l'heure actuelle le milliard de dollars.

Donc, dans ce cadre-là, de voir une personne au gouvernement qui soit responsable de la coordination de tous les efforts d'innovation, de recherche, de développement et de soutien à la science et à la technologie ne peut être qu'une bonne chose. De voir au gouvernement un comité ministériel qui verra à coordonner les efforts dans les différents ministères en matière de recherche, de science, de technologie, de soutien à l'innovation ne peut être qu'une bonne chose, M. le Président. Nous souhaitons néanmoins, et je pense que l'élément est important lorsqu'on crée un ministère, que cette structure soit légère, n'augmente pas le poids administratif. Parce que vous savez à quel point, dans le fond – parce que vous aussi, M. le Président, vous êtes un universitaire et vous êtes partie aussi au monde de la recherche – ce n'est pas d'administrateurs de la recherche dont on a besoin actuellement, ce n'est pas de multiplier les nombres de fonctionnaires, mais bien de soutenir l'innovation, de soutenir la recherche qui se fait non pas au ministère mais dans les différentes universités, centres de recherche et industries innovantes, M. le Président.

Donc, nous tâchons de nous assurer qu'il n'y a pas d'augmentation de poids sur l'État, qui irait dans les structures administratives, et que les transferts de fonctionnaires se limiteront bien sûr aux fonctionnaires qui existaient déjà à l'intérieur du défunt ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, et que la division science et technologie soit maintenant la base des fonctionnaires qui se trouvent à l'intérieur de ce nouveau ministère.

M. le Président, le ministère qu'on contrôle, donc, qu'on est en train de créer, je veux dire, aujourd'hui va avoir aussi la responsabilité de coordonner les trois fonds subventionnaires qui subventionnent la recherche, principalement en milieu universitaire mais aussi en milieu collégial – du moins nous le souhaiterions – soit le Fonds FCAR, le FRSQ et le CQRS, qui sont les trois fonds importants; c'est les fonctions, disons, de gestion quotidienne du ministère.

(11 h 50)

Je voudrais quand même rappeler que – et c'est souhaitable – ce ministère a une vocation horizontale, et les travaux que nous avons faits en commission parlementaire de part et d'autre, ça a été de s'assurer et d'améliorer cette dimension horizontale du ministère de manière qu'il puisse non pas contrôler mais avoir l'information de ce qui peut se passer dans les Innovatech, qui dépendent du ministre des Régions, si je ne m'abuse, ou dans l'Innovatech du Grand Montréal, qui dépend du ministre des Affaires municipales et de la région du Grand Montréal, de manière que l'information circule et qu'il ait son représentant sur ces conseils d'administration, sans nécessairement diriger ce que doivent faire les Innovatech.

De la même manière, il nous a semblé important – et le ministre l'a rappelé, c'est un point qui nous semblait aussi extrêmement important – que, disons, la loi, parce que ça va être une loi dans quelques heures, M. le Président, la loi qui parle du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie n'ignore pas une des forces importantes de notre potentiel en recherche que représentent les cégeps et que nommément les cégeps puissent être intégrés à l'intérieur de la loi. Et je dois dire que nous avons été heureux de ce type d'amendement.

Autre point qui me semble important dans la gestion – et je vais faire une petite digression rapide, M. le Président: il me semble important que, dans les rapports qu'il y a entre l'exécutif et le législatif, les communications que tout ministre reçoit de ces organismes à qui il fait des transferts, des transferts de fonds, et qui sont imputables au ministre, soient transmises à l'Assemblée et puissent être étudiées par les parlementaires. Je dois aujourd'hui déplorer que, dans une autre commission qui siège aujourd'hui, le ministre de l'Éducation n'ait pas su avoir la même ouverture. Contrairement à ses autres collègues et contrairement à ses collègues qui veulent respecter des principes d'imputabilité, c'est-à-dire que les ministres déposent à l'Assemblée les rapports et que ces rapports puissent être étudiés par les parlementaires à travers les commissions compétentes, le ministre de l'Éducation, vendredi dernier, avait refusé un amendement qu'on lui proposait, ou dans une autre loi qui était celle qui touchait les questions sur l'aide financière aux étudiants, que les rapports d'un comité aviseur puissent être rendus publics à l'Assemblée et puissent être étudiés par cette Assemblée.

C'est un nouveau ministre, je crois que peut-être il ne comprend pas bien les rapports qu'il doit y avoir et que son gouvernement souhaite qu'il y ait entre l'exécutif et les parlementaires. Je déplore son geste qu'il a fait en commission parlementaire. Je trouve que c'est un geste qui va à l'opposé de ce qu'avaient fait les autres parlementaires. Et je veux saluer ici le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie qui est tout à fait rentré dans cette logique-là.

Il y a parfois deux poids, deux mesures à l'intérieur de ce gouvernement, mais nous aurons l'occasion d'en redébattre. Saluons ici l'ouverture du ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie en ce qui touche les liens qu'il doit y avoir entre la société ou les différentes sociétés paragouvernementales à qui il fait des transferts de fonds, que les rapports puissent être déposés ici, à l'Assemblée nationale, et éventuellement étudiés.

Signalons d'emblée, avant que je rentre sur une autre dimension du projet de loi, que je reste interrogatif. Je reste interrogatif sur un des véhicules que le ministre a choisis pour soutenir la recherche, qui est le véhicule en ce qui touche la valorisation de la recherche. Il a choisi de constituer une corporation sur la base de la troisième partie de la loi des compagnies, corporation qui n'apparaît pas, nulle part, dans le projet de loi, qui a des liens, non pas légaux, c'est-à-dire non pas au sens de législatifs, mais strictement contractuels entre la corporation et le ministre qui, quand même, a reçu, et ce n'est pas rien, 100 000 000 $ pour promouvoir et soutenir la recherche et soutenir la valorisation de la recherche.

Nous aurions souhaité que cette société, qui est vraiment constituée comme une société sans but lucratif, constituée au nom de la troisième partie de la loi des compagnies, qui a, je n'en disconviens pas, un lien contractuel avec le ministre actuellement, soit liée par un lien législatif, si tant est qu'elle doit dépenser et agir d'une manière aussi importante dans la question des fonds publics. Ce serait à mon sens augmenter l'imputabilité de cette société envers les parlementaires.

C'est un choix qui a été fait. Je dois dire que je peux comprendre une certaine dimension, c'est-à-dire que, puisque, si vous vous rappelez, les 100 000 000 $ qui ont été donnés à cette société l'ont été, donnés, par le biais des crédits supplémentaires sur l'année budgétaire précédente, il fallait procéder d'une manière très vite de façon à ne pas perdre les fameux 100 000 000 $ qui pouvaient être affectés à ce moment-là à la recherche.

Je reste quand même perplexe; on aurait pu, dans la loi n° 33, être en mesure de mieux préciser les liens qui existent entre cette société, Valorisation-Recherche, et le ministre. Certains modèles auraient pu être calqués sur d'autres sociétés ou d'autres liens qui existent entre d'autres ministres et d'autres sociétés à but non lucratif. Je pensais plus spécifiquement, par exemple, même si le champ est complètement différent, que le lien juridique qui existe avec la Corporation d'hébergement du Québec aurait pu être un modèle que nous aurions pu utiliser dans le cadre de la société Valorisation-Recherche.

Mais, cet élément étant mis de côté et suscitant chez nous quand même une certaine inquiétude et un certain questionnement, je dois dire que dans l'ensemble la création du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie est une chose importante et laquelle, nous pensons, va aider à mieux coordonner les efforts d'innovation des gouvernements et des différents éléments constitutifs des réseaux public et parapublic.

Un point sur lequel je voudrais insister d'une manière assez importante. M. le Président, la loi, même si le titre de la loi instaure le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, et le ministre l'a abordé légèrement, mais je voudrais insister sur ce point... Et je lis avec vous le mandat: «Le ministre a pour mission de promouvoir la recherche, la science, la technologie et l'innovation en favorisant la synergie entre les différents acteurs.»

Et ça, c'est un point qui est extrêmement important. Le concept d'innovation bien sûr recouvre les concepts de développement scientifique, de développement technologique, mais va plus loin, va rechercher aussi dans notre tissu économique le lien entre non seulement le développement de nouveaux produits, mais va chercher à améliorer l'efficacité de la production des produits déjà existants, l'efficacité de la mise en marché de produits déjà existants, l'innovation étant un concept plus vaste, plus grand. Et il est heureux de voir le ministre actuellement être doté de responsabilités en matière de recherche, de science et de technologie, mais aussi de promotion de l'innovation.

(12 heures)

Le ministre a parlé de l'importance de la politique. Alors, il est évidemment difficile ici, lorsqu'on débat ce projet de loi qui dit, à son article 2: La mission du gouvernement... Et je vous rappellerai le deuxième alinéa de l'article 2: «Cette mission comporte l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation.» Nous n'avons pas la politique en main, et je n'en ferai pas grief actuellement, il ne faut pas mettre nécessairement la charrue avant les boeufs. Il faut commencer quelque part. Et il était nécessaire de commencer à se développer un ministère pour commencer à se doter d'une politique.

Mais je m'en voudrais, M. le Président, moi aussi, de ne pas aborder ce que je pense que devraient être des éléments constitutifs d'une politique. Parce que, dans tout ce qui va toucher les politiques de l'innovation, probablement aurons-nous un des meilleurs exemples de ce que devrait être le rôle nouveau de l'État, où l'État n'est pas nécessairement le moteur principal, mais où l'État a le rôle de créer des conditions gagnantes, où l'État a le rôle de soutenir les entreprises du secteur privé qui sont, elles, les entreprises innovantes, qui sont les leaders à l'intérieur, le centre même d'une politique de l'innovation, M. le Président... Et ça, c'est quelque chose... Évidemment, nous aurons de nombreux débats. La politique n'est pas déposée, mais je voudrais bien qu'on s'assure ici que, si on veut, comme société, performer dans l'aube du XXIe siècle, cette politique de l'innovation soit centrée autour des entreprises performantes.

Il y a un certain nombre d'embûches dans lesquelles il ne faut pas aller, M. le Président. Je vais vous en citer quelques unes: le danger du modèle unique, le danger du modèle qui s'applique à tout le monde, le danger des programmes surnormés. Et c'est important de le rappeler, parce que souvent, nous, parlementaires, souvent, nous, les fonctionnaires, avons tendance à dire: Nous faisons un programme, nous établissons des normes et nous voulons voir que les normes soient respectées. S'il est un domaine où, justement, il faut être en mesure de dire: Nous accompagnons, nous soutenons, mais nous n'allons pas avoir la même approche, quels que soient les secteurs, nous allons être en mesure de ne pas avoir des programmes qui, mur à mur, soient identiques pour tout, mais qui soient mieux adaptés aux programmes et aux résultats que nous voulons atteindre, c'est bien celui de l'innovation.

Et, à cet effet-là, rappelons-nous les succès, par exemple, qu'ont pu connaître les sociétés comme les sociétés Innovatech, où justement les sociétés Innovatech n'avaient pas au départ, M. le Président, de normes, de programmes très fortement normés, mais fonctionnaient avec un cadre général et des objectifs de réalisation et non pas des normes fixées au départ.

Quels sont les éléments qui sont importants pour l'État dans une politique d'innovation? Vous en avez un certain nombre. La formation et le soutien aux chercheurs, créer ce bassin de chercheurs nécessaire et être en mesure de le former. S'il y a une responsabilité de l'État, je pense que c'est une responsabilité majeure. Mais ne pas le former n'importe comment, le former aussi en interaction avec les partenaires, les partenaires du milieu.

Je vais vous donner un exemple, M. le Président, que vous connaissez probablement bien et que ma collègue la députée de La Pinière connaît encore mieux que moi parce que c'est un exemple qui se passe, par exemple, particulièrement dans la région de la Montérégie. Vous connaissez à quel point le succès que le Québec a à l'heure actuelle dans le secteur de l'aéronautique. Je pourrais vous poser une question, par exemple: Savez-vous combien d'emplois sont créés par le secteur de l'aéronautique? Dans le secteur de l'aéronautique, on parle de 35 000 à 36 000 emplois. Savez-vous que, dans certaines des parts de marché, les parts du marché mondial qui sont tenues par des entreprises qui sont du Québec et qui sont dans le secteur aéronautique, et je pense – bon, je ne vais pas vous faire la liste des plus gros, mais vous les connaissez – à des compagnies comme Bombardier, je pense à Bell Helicopter, je pense à Canadair, je pense à CAE électronique... Leur part de marché, sur le plan mondial, est extrêmement importante. Et c'est des entreprises qui vivent non pas sur le marché local, mais sur l'ensemble des marchés d'exportation.

Si ce secteur est un secteur aussi vivant ici, au Québec, il y a des raisons, il y a un certain nombre de raisons. Il y a que, au niveau de la formation... Et je voudrais rappeler l'importance qu'a joué le Centre d'adaptation à la main-d'oeuvre de l'industrie aérospatiale. Au niveau de la formation, que ce soit la formation des chercheurs, la formation des ingénieurs en aéronautique, mais aussi la formation des techniciens – parce que, faites bien attention, on n'est pas dans une entreprise innovant strictement avec des chercheurs et avec des ingénieurs, mais aussi avec des techniciens – cette formation s'est faite avec les formateurs, que ça soit du niveau collégial ou du niveau universitaire, mais aussi avec la participation des partenaires de l'industrie dans le secteur, réunis autour d'une même table qu'on appelle le CAMAQ. Excusez-moi le terme, parce qu'on commence toujours, dans ce secteur-là, à utiliser des acronymes de plus en plus. Donc, l'importance de la formation à ce niveau-là.

Le soutien, aussi. Et là c'est important. L'État a un rôle important dans toute une politique de la recherche et l'innovation en soutenant, comme elle le fait dans les universités, ou dans les centres de recherche, ou dans les centres de liaison et de recherche, la recherche plus fondamentale. Si la R & D se fait souvent en entreprise, la recherche plus fondamentale peut se faire dans les universités, mais il est important qu'il y ait une interaction, des ponts, des contacts, qu'il y ait une possibilité de liaison.

Et, à cet effet-là, dans le secteur de l'aéronautique, vous avez, par exemple – je vais prendre mes lunettes pour vous les rappeler – des partenaires qui ont été des partenaires dans l'industrie, que ce soit le CERCA, qui est un centre de liaison et transfert gouvernemental qui s'occupe de mécanique des fluides et qui fait un excellent travail, les groupes à l'École polytechnique, à l'Université McGill, à l'Université Concordia, à l'Université de Sherbrooke, et qui ont chacun, dans ces secteurs-là, une recherche fondamentale qui peut soutenir, à ce moment-là, nos industries.

M. le Président, vous voyez, troisième élément dans le rôle de l'État dans une politique de l'innovation: être en mesure de soutenir l'apport en capital de risque. Et là je ne voudrais pas revenir sur l'importance des programmes de... Bon. Le véhicule, bon, peut être soit la subvention directe soit le programme de crédits d'impôt. Je ne voudrais pas rentrer sur les détails ici sur la fiscalité, mais sur la dimension et l'importance qu'a le soutien ou l'accès au capital de risque pour stimuler la R & D. Même si l'industrie aéronautique est un des secteurs qui fait le plus de R & D, on pourrait peut-être un peu constater qu'elle pourrait même encore augmenter ses efforts à l'intérieur du secteur de R & D.

Donc, M. le Président, il va falloir bien comprendre, dans ce secteur de l'innovation, le rôle de l'État, à quel point... Et, je dois vous dire, ce n'est pas parce que je voudrais faire bassement de la politique ici, mais cette vision est propre, je dirais, à la vision libérale du rôle de l'État, où l'État est essentiellement l'accompagnateur, celui qui crée l'environnement, que ce soit l'environnement fiscal, ou qu'il soit l'environnement parce qu'il soutient la formation et qu'il soutient les centres de recherche pour faire en sorte que se développe l'innovation et que nos entreprises soient en mesure de mieux performer et de mieux trouver des succès sur les marchés internationaux. C'est un modèle de développement. L'industrie aéronautique, M. le Président, je l'ai rappelé brièvement, l'a réussi. J'aurais pu parler aussi bien, et vous le savez, du secteur de l'industrie pharmaceutique ou d'autres secteurs qui sont des secteurs de pointe.

(12 h 10)

Il est important, M. le Président, et je voulais le rappeler au ministre, il ne l'a peut-être pas... il me semble important, et on le voit dans le cadre de l'industrie aéronautique, la concertation entre les deux niveaux de gouvernement me semble absolument fondamentale, et entre l'action du gouvernement fédéral et l'action du gouvernement provincial. Et je sais que le ministre n'est pas doctrinaire sur ces questions, est ouvert sur la concertation entre ces deux niveaux de gouvernement.

Dans l'entreprise, dans ce que j'appellerais le succès, et on a tout lieu ici, quels que soient les partis politiques... Parce que ce n'est pas quelque chose qui s'est bâti en quatre ans, il faut remonter loin, on peut remonter à des Gérald Tremblay, comme aussi bien on peut remonter au ministre actuel. Sur le soutien et le développement de l'industrie aéronautique, je me rappellerai, par exemple, il fut une époque où Bell Helicopter menaçait même de quitter, de fermer. Et j'ai souvenance du député d'Argenteuil à l'époque, M. Ryan, avec le ministre de l'Industrie et du Commerce, qui avait réussi à convaincre le gouvernement de faire un effort particulier pour maintenir Bell Helicopter ici, au Québec. Et vous voyez à quel point aujourd'hui Bell Helicopter est un leader mondial dans le secteur des hélicoptères. Rappelez-vous, dans le secteur des hélicoptères, la part de marché d'hélicoptères faits au Québec représente plus de 50 % des hélicoptères non militaires faits au Québec.

Et, dans ce secteur-là, la nécessaire concertation entre les actions du gouvernement provincial, mais aussi les actions du gouvernement fédéral – que ce soit l'Agence spatiale canadienne, le Centre de développement des transports canadien, le Centre de recherche de Valcartier ou, par exemple, l'Institut des matériaux industriels, c'est-à-dire, dans ce rôle d'accompagnateur que l'État doit avoir pour créer les conditions optimales à l'entreprise, pour innover et être en mesure de performer sur le plan de la recherche, sur le plan de la création de nouveaux produits – doit se faire en concertation entre nos deux niveaux de gouvernement. Chacun a ses responsabilités, chacun doit pouvoir le faire en s'échangeant l'information et en étant en mesure de poursuivre des objectifs communs, M. le Président. Il n'y aurait rien de plus pernicieux au devenir de notre société qu'une guerre voilée dans le secteur de la recherche, de la science et de la technologie, et je ne peux qu'insister que, dans la politique du Québec, de la même manière que nos partenaires du gouvernement fédéral, il y ait une harmonisation entre les différentes composantes et les différents objectifs. Je sais, M. le Président, que c'est quelque chose qui peut se faire et qui est en train de se faire. Et je ne fais pas actuellement de procès d'intention au ministre actuel, je dois dire que la volonté de concertation existe, mais il me semblerait important qu'elle soit aussi inscrite dans des textes et qu'elle dépasse la volonté, la bonne volonté du ministre.

Je ne peux, en concluant, M. le Président, m'empêcher de soulever quelques points, quelques points qui m'inquiètent, que, évidemment, nous ne pouvions pas régler à l'intérieur du projet de loi mais qui sont des éléments de problématique sur lesquels, du moins, la nouvelle politique devrait être en mesure d'apporter réponse.

Question. Elle a été soulevée dans le dernier budget: la difficulté d'attirer ici les meilleurs chercheurs étrangers, compte tenu des problèmes de fiscalité. Il y a à cet effet-là, M. le Président... Dans le dernier budget, on a reconduit une mesure qui était une mesure en ce qui touchait les crédits, les congés fiscaux pour les chercheurs étrangers qui viennent collaborer aux entreprises et au développement des entreprises québécoises.

M. le Président, je n'ai pas nécessairement une solution, mais je dois signaler aussi que, si cette mesure-là a pour effet d'amener ou d'essayer de solutionner un problème qui est bien réel, c'est-à-dire que, sur le marché des cerveaux, le Québec est en compétition avec beaucoup de gens et il est nécessaire, compte tenu de sa fiscalité qui est très lourde, pour pouvoir attirer des chercheurs étrangers, d'avoir des allégements fiscaux. Il est important de rappeler que nous produisons aussi ici des gens de qualité et qu'ils sont aussi attirés à l'extérieur. On aura à se pencher dans d'autres forums sur tout ce qu'on appelle la fuite des cerveaux. Elle n'est pas généralisée, ce n'est pas nécessairement... mais, pour les super étoiles, et nous en avons produit ici, ce que j'appellerais les «super étoiles», c'est un peu... si on se compare aux sports professionnels, de temps en temps on produit aussi ici des Mario Lemieux, et nous n'avons pas nécessairement les moyens de pouvoir les retenir, nous n'avons pas la possibilité de retenir les meilleurs d'entre nous, parce qu'il n'y a aucun domaine plus compétitif, en quelque sorte, que le domaine de la recherche. Alors, il y aurait lieu que la politique puisse se pencher aussi sur la rétention, la possibilité de retenir les meilleurs produits de nos universités.

Deuxième élément à l'intérieur de la politique. On parle actuellement de tout ce qui touche l'importance de la formation de chercheurs dans une politique d'innovation. Je me permettrai de la rappeler. Et je ne voudrais pas qu'on fasse ici le débat. Bon, il y avait un déficit important, il va falloir le combler, etc. Je voudrais élever un tout petit peu le débat, mais rappeler que les universités québécoises ont subi des compressions budgétaires énormes, et je pourrais insister énormément sur «énormes». Nous avons perdu, dans l'ensemble du réseau universitaire, par des programmes d'incitation à la mise à la retraite, par des programmes de départs volontaires, à peu près 900 postes de professeur dans les universités. C'est énorme.

Et là, à l'heure actuelle, je comprends qu'on est en train de vouloir mettre de l'avant une politique d'innovation, une politique de soutien à la recherche. Je ne dis pas qu'il n'y a pas une base, je ne dis pas qu'on est au niveau de Beyrouth à la fin de la guerre, mais on a sérieusement entamé, ces trois ou quatre dernières années, le potentiel de formation et le potentiel de recherche à l'intérieur de nos universités. Ne pas en être conscient, ce serait perdre réellement une des quatre roues nécessaires à l'intérieur d'une politique de l'innovation. Je ne pense pas qu'il faut nécessairement aujourd'hui, M. le Président, dire qu'on peut résoudre tout en... Je ne m'attendais pas à ce que le ministre annonce en même temps une politique de réinvestissement dans le milieu universitaire. Mais ce que j'aurais aimé et ce que je souhaiterais, c'est que, d'une part, il soit conscient du problème et qu'il s'engage, sur une période, disons, de deux ou trois ans, à essayer de corriger avec son collègue de l'Éducation cette brèche énorme qui a été faite dans le potentiel formateur des universités et dans le potentiel de recherche des universités.

Et vous venez du milieu universitaire, M. le Président, vous aussi, et vous le savez: la question est grave actuellement, elle est même très grave, et on ne pourra pas, à long terme, avoir une politique de développement actuellement de la recherche, une politique de soutien au développement, à la technologie et à la science si, parallèlement, on n'a pas dans le milieu universitaire un soutien aussi à l'ensemble de ce qui est nos formateurs et notre principal bassin de chercheurs que sont nos universités. Il est bien important que le ministre en soit conscient et que, dans sa politique, il y ait au moins un engagement de corriger cet effet pervers qu'ont eu à subir les universités.

(12 h 20)

Troisième point sur lequel je voudrais insister. Le ministre a abordé, mais partiellement, l'utilisation optimale des gens qui sont diplômés avec un doctorat. Il est important que nous laissions le libre cours, le foisonnement des idées à l'intérieur... Au moment où l'étudiant fait sa thèse de doctorat, il me semble que vouloir le restreindre en fonction des impératifs du marché du travail, ça serait diminuer en quelque sorte sa formation de chercheur. Mais il arrive, et c'est un des problèmes de notre société, que vous ayez, dans de nombreux secteurs de disciplines fondamentales, des jeunes docteurs qui ne peuvent plus être réinsérés dans des carrières normales, qui étaient avant la réinsertion des carrières universitaires, parce que les universités ont subi les compressions que vous connaissez, et qui n'ont pas de mécanismes de réinsertion sur le marché du travail dans les champs de recherche plus prometteurs.

Je voudrais signaler, si vous me permettez, une expérience qui aurait tout lieu d'être généralisée et qui est faite actuellement par l'Ordre des ingénieurs. Les facultés de génie avaient continué à produire des diplômés en génie civil ou dans des disciplines où il y avait moins d'emplois, alors que des disciplines comme le génie des logiciels ou le génie informatique étaient en pleine croissance. Et l'Ordre des ingénieurs a pensé que même quelqu'un qui avait eu une formation de base en génie pouvait facilement se reconvertir pour devenir efficace rapidement dans le génie des logiciels ou dans le génie informatique.

Il me semblerait, M. le Président, que, dans les disciplines fondamentales, les jeunes docteurs... Dans ces disciplines fondamentales, on pourrait prévoir, à l'intérieur des fonds subventionnaires ou à l'intérieur d'un programme gouvernemental, une possibilité de réinsertion dans les secteurs qui vont être les secteurs où on aura éminemment besoin de scientifiques demain. Alors, je veux bien être clair sur ce que je soulève aujourd'hui comme problème. Je ne dis pas qu'il faut orienter au début de la formation, parce que, s'il y a quelque chose que je crois qui est important, c'est, au départ, de laisser foisonner l'innovation, foisonner les idées, foisonner chez le jeune qui est en train de préparer ou de faire sa thèse de doctorat. Mais, au moment de la possibilité de l'insertion – je ne dis pas de la réinsertion, mais de l'insertion – sur le marché du travail de ces jeunes docteurs, je crois qu'il est important que notre responsabilité... la politique puisse prévoir une possibilité d'insertion de ces personnes dans la politique d'innovation.

J'ai trop vu, M. le Président, des jeunes désespérés après avoir brillamment fait une thèse dans une discipline qui peut être une discipline pas nécessairement scientifique. Vous êtes philosophe, M. le Président, et, par exemple, je suis sûr qu'un docteur en philosophie peut, s'il en a le désir et s'il a la volonté, avec un plan de réinsertion sur le marché du travail, avoir des possibilités de réinsertion sur le marché du travail. Mais, trop souvent, on s'en va en laissant purement et simplement ces gens dire: Bon, bien, vous devriez normalement refaire une carrière universitaire. Les postes universitaires ne sont pas présents, et ils désespèrent sur le marché. N'oublions pas cette dimension-là. Et je plaide pour ça, M. le Président, n'oublions pas cette dimension-là à l'intérieur de la politique qui va être présentée.

Alors, M. le Président, pour résumer, l'opposition va donc être en faveur du projet de loi n° 33. On salue cet effort qui est fait de mieux coordonner les différents programmes mis de l'avant par le gouvernement. Nous sommes heureux que, dans le projet de loi, la question de l'innovation soit incluse. Et j'insisterai, par exemple, pour tous les gens qui sont dans des disciplines qu'on qualifie de sciences humaines – et le ministre doit parler demain aux sciences humaines... L'innovation, ce n'est pas uniquement des sciences dures, ça peut être aussi d'innover dans les rapports de production, innover entre la manière dont les gens interagissent à l'intérieur d'une entreprise. L'innovation n'est pas uniquement la prérogative, en quelque sorte, des sciences qu'on qualifie du génie, ou des sciences naturelles, ou de l'informatique, ou des mathématiques, mais ça interpelle directement aussi les sciences humaines. Vous êtes aussi interpellés dans ce processus que l'on met de l'avant. Donc, il est important, M. le Président, de toucher la question de l'innovation.

M. le Président, je regrette que – pour résumer ici – les liens entre la société qui a été constituée, qui s'appelle la société Valorisation-Recherche, ne soient pas clairement établis au niveau législatif, autrement dit, que les liens entre cette société et le ministre ou le Parlement ne soient pas clairement identifiés dans la loi. J'aurais préféré qu'ils soient clairement identifiés. Bon. Ils ne le sont pas, mais ce n'est pas une raison pour nous de nous opposer à la loi à ce niveau-là, M. le Président.

Insistons aussi, en terminant, sur ce débat que nous allons avoir – et je crois en avoir rappelé ici les paramètres. Nous allons l'avoir, parce que, autour de la politique qui va être mise de l'avant, rappelons que notre société ne pourra être une société, disons, saine et à l'aise que dans la mesure où elle pourra développer une politique de l'innovation au XXIe siècle. Le rôle de l'État – c'est probablement le secteur où on peut avoir plus facilement expérimenté ce que doit être le rôle de l'État – doit être un rôle accompagnateur, dans ce long processus.

(12 h 30)

Et, M. le Président, reconnaissant, en terminant – et je le redis encore une dernière fois – que le ministre, dans les amendements, a essayé dans la mesure du possible d'inclure les éléments d'imputabilité qu'en général ses collègues acceptent dans les projets de loi mais que malheureusement le ministre de l'Éducation avait refusés et a refusés dans le projet de loi n° 7, soyez donc assuré, M. le Président, que, dans le temps qui me sera imparti lorsqu'on en arrivera, ici, à prendre en considération le rapport et à débattre en troisième lecture le projet de loi n° 7, je n'oublierai pas de faire valoir à quel point ce ministre est rétrograde – et j'insiste sur les mots – par rapport à l'ouverture qui est témoignée naturellement par les autres ministres de son gouvernement.

Alors, pour terminer, nous allons être en faveur du projet de loi n° 33 et nous attendons avec beaucoup de détermination les débats sur la politique sur la recherche, la science, la technologie et l'innovation. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie M. le député de Verdun. Je vais céder la parole maintenant à Mme la députée de La Pinière. Vous avez un temps de parole de 10 minutes, Mme la députée. Je vous cède la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, à cette étape de la deuxième lecture.

Mon collègue le député de Verdun et porte-parole en la matière a brillamment expliqué la position de l'opposition officielle en rapport avec ce projet de loi. Le député de Verdun est l'un des députés, des intellectuels qui réfléchissent au sein de notre parti et qui se préoccupent aussi des questions qui sortent des sentiers battus, comme celle de l'innovation. M. le Président, c'est un esprit ouvert, un esprit chercheur qui nous a toujours alimenté au sein du caucus, et je tenais à ce stade-ci à lui rendre hommage.

Alors, l'opposition officielle se rend à la décision du projet de loi n° 33, de le voter, M. le Président, d'être pour, pour des raisons bien particulières. D'abord, parce que, pour nous, et notre bilan, et notre réflexion, et notre philosophie plaident en faveur du soutien à la recherche, à la recherche scientifique et technique. Aussi, parce que l'innovation et la recherche scientifique et technique, M. le Président, sont à la base de l'économie moderne. La recherche en tant que telle est à la base aussi de la création d'emplois directs de haute qualité et également d'emplois indirects, c'est donc un secteur qui est mobilisateur.

C'est également une valeur ajoutée. C'est un véritable pivot de l'économie, de l'économie du savoir, parce que, s'il y a un qualificatif qui pourrait caractériser le mariage entre la science, la technologie et l'innovation, c'est le fait que ça regroupe des éléments qui sont à la base du changement de l'économie, du changement de notre société.

On se rappellera, M. le Président, que, durant la période de la révolution industrielle, ce qui était à la base de l'économie, c'étaient les matières premières et les technologies lourdes. Mais, depuis qu'on est passé de l'ère industrielle à ce qu'on a appelé, ou certains sociologues ont appelé, la société postindustrielle et que d'autres ont qualifiée comme étant la société de l'information, la société du savoir, la société où la matière grise est le principal capital qu'il faut développer, qu'il faut soutenir, donc, cette nouvelle économie, elle est tributaire aussi de la recherche et de l'innovation.

La recherche et l'innovation, comme l'a si bien dit le député de Verdun, c'est très multiple. Essentiellement, il y a la recherche fondamentale, qu'il faut soutenir même si parfois on ne voit pas les résultats immédiats, mais également la recherche et développement, qui, elle, est beaucoup plus concrète et qui se fait dans les laboratoires, qui se fait également dans les entreprises.

L'innovation aussi, M. le Président, permet de développer de nouveaux procédés pour produire au meilleur coût, pour améliorer les conditions de vie et les conditions de travail des travailleurs. L'innovation, la recherche, la science et les technologies sont également à la base de l'une des forces de l'économie du Québec: l'exportation. Et ça, tout le monde peut s'entendre là-dessus.

Ce qui me déçoit de ce projet de loi, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière d'autoroute de l'information et de services gouvernementaux, c'est de voir que les technologies de l'information, qui sont un créneau porteur, un créneau majeur pour l'économie du Québec, sont passées sous silence dans ce projet de loi.

J'ai écouté attentivement la présentation qui a été faite par le ministre. J'ai lu le projet de loi, les commentaires et je n'ai trouvé nulle part l'importance qu'il faut accorder, qui doit être accordée aux technologies de l'information. Ce qui me surprend, c'est qu'il y a un comité interministériel qui a été créé, qui est présidé par l'actuel ministre de la Science et de la Technologie, dans lequel siégeaient un certain nombre de ministres, notamment le ministre délégué à l'Autoroute de l'information, et je me demande, M. le Président, si ce ministre délégué a assisté à des réunions, ou a participé, ou a apporté des commentaires ou des suggestions quelconques, parce que je ne trouve rien de ce qui aurait dû se trouver dans ce projet de loi au chapitre des technologies de l'information.

Donc, M. le Président, il y a là un oubli majeur non seulement dans le texte tel que libellé, mais aussi dans la présentation du ministre. On parlait de tout et de rien, mais rien n'a été dit sur les technologies de l'information, qui représentent pourtant un créneau porteur pour la nouvelle économie, et les industries des technologies de l'information en soi, c'est un secteur économique important. C'est également ces technologies-là qui sont en train de bouleverser les modes de fabrication, de conception, de distribution des produits et des services qui sont fabriqués au Québec. C'est un secteur où se fait beaucoup de recherche aussi et également de la recherche-développement. On y développe de nouveaux produits. Ça a un impact majeur au niveau de l'ensemble de l'économie, et l'innovation est à la base de ce secteur-là. Alors, M. le Président, ça me déçoit de voir que ce gouvernement qui a prétendu prendre l'autoroute de l'information, comme d'autres ont pris le virage technologique, il n'y a absolument rien qui a été dit sur ce sujet-là pourtant névralgique.

Donc, le projet de loi, M. le Président, vise essentiellement deux choses: d'abord, la création d'un nouveau ministère, le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, un ministère dont le mandat demeure, et la portée, relativement flous, quoique le ministre récupère un certain nombre de fonds, notamment la responsabilité de trois organismes et de fonds, en effet: l'organisme en question, c'est le Conseil de la science et de la technologie, et le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche et le Fonds de la recherche en santé du Québec. Alors, ça, c'est les trois organismes et fonds qui relèvent désormais de la responsabilité du ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Mais il n'en demeure pas moins, M. le Président, qu'il y a beaucoup de fonds qui demeurent éparpillés un peu partout au sein du gouvernement.

Alors, le ministère va être créé par ce projet de loi une fois qu'il sera adopté, mais également, et c'est extrêmement important, ce projet de loi va permettre d'élaborer une politique de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation. Et ça, c'est extrêmement important, M. le Président, parce que, actuellement, cette mission de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation est éclatée au sein du gouvernement, il y a une multitude de programmes, et, dans chacun des programmes, il y a un saupoudrage de différents projets, sans aucune cohésion, sans aucune vision d'avenir, sans aucune vision intégrée.

Évidemment, ça ne touche pas les fonds qui sont concernés par le projet de loi, mais un exemple d'un fonds éclaté qui saupoudre des subventions à gauche et à droite, sans impact réel, c'est celui du Fonds de l'autoroute de l'information. Le ministre vient d'annoncer, en avril dernier, 825 000 $ de subvention, c'est très peu, et les organismes du milieu et les partenaires n'ont pas tardé à réagir pour dire que c'est du saupoudrage et que ça prend une vision intégrée de ce que sont les technologies de l'information et l'importance qu'elles représentent pour l'économie du Québec.

Cette politique, M. le Président, doit aussi reposer sur une formation des ressources humaines. Et j'insiste là-dessus parce que nous avons vu plusieurs personnalités qui sont concernées par ce débat se lever pour dire qu'au Québec actuellement on a besoin de réformer la fiscalité et l'enseignement supérieur pour faire face à la pénurie de main-d'oeuvre, parce que, dans certains domaines, notamment dans celui des technologies de l'information, nous avons un problème de pénurie de main-d'oeuvre.

Alors, M. le Président, il y a beaucoup à dire, beaucoup à faire. On a besoin de soutenir la recherche, de la soutenir efficacement. Il faut mettre les ressources à la bonne place, il faut faire les choix qui s'imposent, il faut investir dans les créneaux porteurs de l'économie du Québec, et les technologies de l'information, M. le Président, sont en tête de liste pour ces créneaux porteurs. Merci, M. le Président.

(12 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Il y a un autre intervenant, M. le député de Taschereau... de Limoilou, excusez. Alors, je vous cède la parole, M. le député.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis certain que votre collègue de Taschereau ne vous en voudra sûrement pas.

Il me fait plaisir, M. le Président, d'intervenir sur le projet de loi n° 33, Loi sur la création du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, projet de loi auquel l'opposition est prête à souscrire à son adoption, naturellement, parce que tout ce qui va dans le sens d'ouvrir à l'innovation, au développement scientifique, c'est promoteur pour le Québec, c'est promoteur pour, entre autres, la grande région de Québec – qu'on pense à toutes les entreprises dans le Parc technologique, qui, de plus en plus, devient un secteur d'entreprises très important pour la région de la capitale.

Un projet de loi, M. le Président, qui a pour objectif de définir la mission qui sera de «promouvoir la recherche, la science, la technologie et l'innovation en favorisant la synergie des différents acteurs intervenant dans ces domaines, par l'établissement de mécanismes facilitant leur concertation et l'intégration de leurs actions». Et c'est pour cela aussi que le ministre a déjà dit qu'il déposerait une politique. Et on dit, dans les notes explicatives du projet de loi: «Il prévoit à cette fin que le ministre devra, notamment, élaborer une politique de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation.

«Le projet de loi confère au ministre la responsabilité du Conseil de la science et de la technologie ainsi que celle du Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche et du Fonds de la recherche en santé au Québec, constitués par la Loi favorisant le développement scientifique et technologique du Québec, et intègre les dispositions correspondantes de cette loi.»

Un projet de loi, M. le Président, qui vient modifier 35 lois, qui vient abroger une loi, la Loi sur le développement scientifique et technologique du Québec, et qui vient, pour un bon nombre de lois, que ça soit la Société Innovatech du Grand Montréal, la Société Innovatech Régions ressources, la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches, apporter des modifications naturellement à ces lois.

Et on y retrouve un projet de loi, dont 36 articles, plus de quatre chapitres, où on donne, dans le premier chapitre, les responsabilités du ministre. Et, lorsqu'on vient déposer... Et c'est un peu là, M. le Président, où l'opposition reste avec quelques interrogations parce que, avant même d'avoir déposé cette politique, le ministre a déjà créé, signé une entente, un protocole d'entente qui est la convention de subvention avec la société Valorisation-Recherche Québec.

On sait déjà, dans la loi, qu'il y a trois instances, qui sont le Conseil de la science et de la technologie, le Fonds pour la formation de chercheurs et d'aide à la recherche et le Fonds de recherche en santé du Québec. Donc, quel était l'objectif du ministre de créer à ce moment-ci, immédiatement, avant même que la politique soit connue, une nouvelle structure, alors qu'il y a déjà des structures existantes?

Donc, immédiatement, le 5 mars, par lettres patentes a été créée cette société, qui a nommé comme directeur général M. Jacques Bordeleau, comme président-directeur général M. Claude Demers et comme ingénieur M. Georges Archambault, qui sera sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec – très bien, M. le Président. Et, immédiatement, naturellement, dans le cadre de la fin de l'année budgétaire, des crédits supplémentaires, par décret gouvernemental on a permis que le ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie soit autorisé à verser à Valorisation-Recherche Québec une subvention maximale de 100 000 000 $ à même les crédits budgétaires prévus au portefeuille de Recherche, Science et Technologie 1998-1999.

Donc, on avait déjà un peu des structures. Et c'est un peu dans ce sens-là, M. le Président, que, même si l'opposition est d'accord avec le projet de loi, elle reste avec quelques interrogations, par le fait qu'on crée une nouvelle structure. On aurait peut-être pu s'éviter de créer cette structure-là. On a immédiatement versé, sans même avoir le plan d'affaires de cette société-là, on a déposé immédiatement l'argent avant la fin de l'année budgétaire. Et, dans le projet de loi, on ne retrouve pas la responsabilité de cet organisme-là qui revient au ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie. J'ai essayé de trouver tout à l'heure à quel endroit on pouvait la retrouver, mais on ne la retrouve pas. Le ministre a sûrement ses raisons, mais on aurait pu prévoir d'intégrer dans la loi cette nouvelle société qu'on a créée.

Et, en même temps que tout le monde a beaucoup d'intérêt à connaître maintenant, après la consultation que le ministre fera dans les différents milieux scientifiques, les milieux universitaires, cette nouvelle politique, ce qui permettra sûrement de mieux viser les projets... Parce que, lorsqu'on regarde justement la convention qui a été signée, de subvention entre le gouvernement et cette société, on dit que, dans les objectifs visés, c'est de favoriser la valorisation des connaissances en contribuant au financement de la commercialisation des résultats de la recherche universitaire, ce qui est très large. C'est ce qui permet de pouvoir atteindre à peu près tous les objectifs de projets de recherche possibles.

Et on donne: «Contribuer au financement de projets d'équipes de recherche universitaire multidisciplinaires ou multisectorielles issues de la concentration des chercheurs universitaires entre eux ou avec des chercheurs d'équipes de recherche gouvernementales, publiques, parapubliques ou privées.» Encore là, M. le Président, on laisse place à tous les projets possibles, peu importe d'où viennent les secteurs, ce qui est bien en soi mais qui ne nous donne pas, à ce moment-ci, alors que le gouvernement a déjà créé cette nouvelle société, qu'elle ne dépend pas, de par la loi, du ministre, qu'on lui a versé déjà un montant de 100 000 000 $ sans connaître totalement encore, je vous dirais, les règles du jeu...

On dit aussi – je continue – que les projets visés sont... «La subvention est accordée aux fins de soutenir le financement pour des projets d'équipes de recherche universitaire, projets de commercialisation. Dans tous les cas, les projets devront contribuer à l'établissement de masses critiques et viser un effet multiplicateur important.» Je suis sûr que le ministre s'occupera de bien définir, lors de cette politique, quel sera cet effet multiplicateur et l'établissement de ces masses critiques, M. le Président.

Un peu plus loin, on donne que «dans le cadre des projets de commercialisation des résultats et de la recherche universitaire, les projets de recherche universitaire devront viser à mettre sur pied le développement de la société de commercialisation dont la mission est de valoriser la recherche au profit des institutions des chercheurs, notamment le repérage proactif de technologies prometteuses, l'évaluation de leur positionnement par rapport aux technologies concurrentes, la gestion de la propriété intellectuelle mise en brevet par des idées porteuses».

On explique aussi, dans une section des annexes – c'est important d'y voir – le financement des projets. On nous dit: «Cette société, Valorisation-Recherche Québec, définira les critères et les modalités de dépôt des demandes de financement des dépenses admissibles. Les demandes de financement des projets seront acceptées jusqu'au 31 mars 2002. La durée des projets ne pourra pas excéder quatre ans. Toutes les demandes de financement feront l'objet d'une décision au conseil d'administration. Pour aider dans ses prises de décision, Valorisation-Recherche Québec pourra faire appel à l'expertise du Fonds FCAR, du FRSQ et du CQRS pour tous les projets reçus portant sur le financement des projets d'équipes de recherche.» Comme je le disais, M. le Président, tout à l'heure, en même temps que nous avons prévu dans la loi que certains fonds puissent relever des attributs, de la responsabilité ministérielle, on ne prévoit pas dans le cadre de cette nouvelle société, dans le projet de loi...

(12 h 50)

Donc, M. le Président, simplement pour vous dire que, au-delà des interrogations par rapport à cette nouvelle société, de la politique qui sera déposée probablement au printemps ou à l'automne 2000, oui, l'opposition est pour l'innovation, M. le Président, oui, l'opposition est pour la création de ce ministère, et nous suivrons, l'opposition, avec le ministre le développement de cette politique. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Limoilou. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureuse d'intervenir sur le projet de loi n° 33, Loi créant le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Le projet de loi définit la mission du ministre qui sera de promouvoir la recherche, la science, la technologie et l'innovation en favorisant la synergie des différents acteurs intervenant dans ces domaines, par l'établissement de mécanismes facilitant leur concertation et l'intégration de leurs actions. Ce projet de loi prévoit à cette fin que le ministre devra, notamment, élaborer une politique de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation.

Ce projet de loi se situe donc dans le prolongement des progrès remarquables qui ont été réalisés au Québec dans des domaines de haute technologie, comme ceux des biotechnologies, de l'aérospatial et des technologies de l'information. C'est grâce au travail acharné et à l'esprit d'innovation de plusieurs visionnaires, tant du milieu universitaire que de l'entreprise et du gouvernement. C'est ce qu'affirmait le nouveau ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie, le 4 mai dernier, lorsqu'il a déposé le projet de loi.

La création du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie s'inscrit également dans la foulée de différents travaux, de la réflexion effectuée depuis quelques années, notamment par le Conseil de la science et de la technologie, afin de structurer adéquatement le développement scientifique et technologique au Québec. Il permettra au Québec, justement, d'agir de façon vigoureuse, concertée et intégrée en ces matières.

Le ministère aura pour mission la promotion de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation en favorisant la synergie des différents acteurs intervenant dans ces domaines. Cette mission comportera l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation en collaboration avec les partenaires des milieux universitaire, industriel et gouvernemental. Cette politique énoncera des objectifs mesurables en matière sociale, culturelle et économique et tiendra compte des particularités des diverses régions du Québec. Le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie sera l'outil privilégié de l'application de la politique, dont l'élaboration actuellement en cours devrait être complétée au début de l'an 2000.

Le contexte qui a prévalu, M. le Président, à la création de ce nouveau ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie est le suivant. Lors de la présentation de son nouveau cabinet des ministres, le 15 décembre 1998, le premier ministre énonçait son désir de tourner le gouvernement vers l'avenir en transformant le Québec en un carrefour mondial de l'innovation par certaines mesures telles que la création d'un nouveau ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Le député de Charlesbourg fut alors nommé ministre et mandaté d'élaborer une politique de la recherche scientifique suite à une consultation des milieux universitaire et économique.

Dans la poursuite de cet objectif, M. le Président, un comité interministériel fut mis sur pied, présidé toujours par le député de Charlesbourg et nouveau ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie, et ce comité-là fut constitué des ministres d'État à l'Économie et aux Finances, à l'Éducation et à la Jeunesse, à la Santé et aux Services sociaux, des ministres de l'Environnement, des Ressources naturelles, de l'Agriculture et des ministres délégués à l'Industrie et au Commerce ainsi qu'à l'Autoroute de l'information. Ce comité devait permettre une cohérence et une concertation interministérielle et intersectorielle nécessaire à la création du ministère à vocation, on le dit, horizontale – mon collègue de Verdun l'a dit tantôt – ayant des actions pouvant s'étendre à d'autres ministères.

Quand on parle de ministère horizontal, on parle que c'est un ministère qui oeuvrera au niveau du ministère de la Santé, au niveau des sciences pures, au niveau des sciences sociales, également. On touche donc à la santé par le fonds, le FCAR, le Fonds pour la formation de chercheurs et d'aide à la recherche, le fonds québécois de recherche sociale et le Fonds pour la recherche sur la santé. Avant, c'était chapeauté par trois ministères différents. Alors, on est d'accord, nous, du côté de l'opposition officielle, de ce côté-ci de la Chambre, de créer un nouveau ministère. Un des éléments sur lesquels on se questionne toutefois, c'est qu'on a créé deux autres fonds: Innovation Québec, doté d'un budget de 75 000 000 $ sur deux ans, et le fonds de valorisation de la recherche, dont 100 000 000 $ ont été passés lors de la création sans qu'on ait vu, M. le Président, je vous le rappelle, le plan d'affaires de Valorisation-Recherche.

Alors, nous avons des objectifs, le gouvernement a des objectifs, somme toute, très larges par le nouveau fonds Valorisation-Recherche. Et on ne peut pas savoir à l'heure actuelle si ce 100 000 000 $ sera utilisé à bon escient, puisque nous n'avons pas, comme je vous le disais, de plan d'affaires relié avec ce fonds-là. Alors, les sommes totales, donc, qui vont être allouées lors des prochaines années au domaine de la recherche et de l'innovation seront de 406 700 000 $ si on considère les mesures fiscales en vigueur et à venir.

Il faut également souligner le fait que plusieurs intervenants du milieu universitaire, du Conseil de la science et de la technologie ainsi que des différents fonds d'aide, tel que le Fonds de formation de chercheurs et d'aide à la recherche, ont émis des commentaires très positifs à la nomination d'un nouveau ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Par contre, c'est un autre ministère dans un cabinet qui est énorme, on le sait, 28 ministres. Il y a création, je vous le rappelle, de deux fonds, deux entités distinctes qu'on ajoute à celles déjà existantes, qui sont Valorisation-Recherche Québec et le fonds d'Innovation Québec.

Alors, on aurait préféré, de ce côté-ci de la Chambre, que ce 175 000 000 $ sur deux ans soit alloué aux trois fonds déjà existants, soit le Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche, le Conseil québécois de la recherche sociale et le Fonds de recherche en santé du Québec.

En substance, M. le Président, cette loi qui n'a que 36 articles n'en modifie pas moins 35 autres lois. Et ce que l'on retient surtout, c'est l'abrogation de la Loi sur le développement scientifique et technologique du Québec et la division du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie en attribuant les domaines relevant de la recherche, de la science et de la technologie au nouveau ministère.

Alors, le ministère devra, à la suite de l'adoption de ce projet de loi, élaborer et mettre en oeuvre – on l'a dit précédemment – une politique de la recherche, de la science, de la technologie et de l'innovation, en collaboration avec différents collaborateurs que sont les partenaires des milieux universitaire, industriel et gouvernemental. Cette politique devra comprendre des objectifs mesurables, on l'a dit tantôt.

Un autre point que j'aimerais soulever, M. le Président, c'est que le milieu de la recherche voulait, dans ce projet de loi, par ce projet de loi, des actions concrètes et immédiates. Le gouvernement lui a servi un ministère, mais ça prendra un an avant d'avoir une politique sur laquelle on pourra reposer nos actions. Et je fais référence à un article qui avait paru dans Le Soleil , le 16 mars dernier, dans lequel on disait: «Dix-sept ans après le virage technologique, on aura droit à une nouvelle politique scientifique. Alors, le Québec est déjà en bonne position en ce qui a trait à la recherche, mais il y a encore des faiblesses, plus particulièrement pour la relève, les infrastructures et le financement. L'élaboration de la politique commence donc maintenant, et elle devrait durer toute l'année.» Donc, ça nous prendra, M. le Président, encore un an avant de pouvoir asseoir nos objectifs sur vraiment une politique concrète.

Alors, le rôle du ministre, notre nouveau ministre, sera essentiellement d'assurer la cohérence de l'action du gouvernement en matière de recherche, de science et de technologie. Il favorisera également le rayonnement du Québec au Canada et ailleurs dans ces domaines et pourra conclure des ententes avec des gouvernements autres que québécois ainsi qu'avec différents organismes d'ici et d'ailleurs.

(13 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée, je dois...

Mme Leblanc: Ah, mon Dieu!

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...10 secondes pour le mot de la fin peut-être.

Mme Leblanc: Alors, je termine en disant, M. le Président, que je considère que ce projet de loi là est important pour l'avenir du Québec, est important aussi pour une région comme la nôtre. Je voulais faire référence au CIMIC chez nous, au service d'innovation et de transfert technologique dans l'entreprise, par lequel, je crois, ce projet de loi pourra venir nous donner des outils en région. Et je conclus en disant que, du côté de l'opposition officielle, nous sommes tout à fait en accord avec le projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 6)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. Nous sommes aux affaires du jour. L'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, et je cède la parole à M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi. M. le député, la parole est à vous.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir quant à ce projet de loi simplement pour indiquer au ministre que nous avons quelques inquiétudes quant à ce projet de loi, et je le sais qu'il en prendra note et qu'il en tiendra compte dans sa réflexion et dans l'application du projet de loi.

M. le Président, ma principale inquiétude vient du fait que ce projet de loi a été créé pour réintégrer le député de Charlesbourg au Conseil des ministres. On se souvient tous de la campagne électorale, on se souvient tous des moments où le premier ministre déclarait que le député de Charlesbourg avait été le meilleur ministre de la Santé que le Québec ait connu. Suite à ces propos du premier ministre, personne ne s'attendait, M. le Président, à ce que le député de Charlesbourg soit muté à d'autres fonctions. Le premier ministre a décidé que le meilleur ministre de la Santé de l'histoire du Québec se verrait confier d'autres responsabilités dans le deuxième gouvernement de l'actuel premier ministre. L'actuel député de Charlesbourg deviendrait donc ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie.

Sur le plan humain, M. le Président, je vous dirai que ça n'a pas dû être facile pour le député de Charlesbourg qui avait passé sa vie à se dévouer – on peut apprécier correctement ou incorrectement, on peut blâmer, on peut féliciter, dépendant dans quelle situation on se retrouve – qui avait consacré sa vie professionnelle au domaine de la santé. Mais ça, ça concerne le député de Charlesbourg et l'ancien ministre de la Santé.

Ce qui m'inquiète davantage, c'est ce qui va arriver à la clientèle comme telle du ministère. Simplement pour faire un parallèle, M. le Président, et vous allez comprendre aisément le sens de mon propos, lorsque le même gouvernement a créé le ministère de la Métropole, dans des situations un petit peu semblables, on cherchait une cache ou une case pour quelqu'un au niveau du Conseil des ministres, puis on s'est dit: En créant le ministère de la Métropole, ça va mieux servir les gens de la grande région de Montréal, comme on nous dit présentement, en créant ce nouveau ministère: Ça va mieux servir les chercheurs.

M. le Président, quelques années après, on se rend compte que la création du ministère de la Métropole a été un échec, parce que les considérations qui ont prévalu à sa création ne reposaient pas sur un besoin de mieux servir les clientèles mais sur des besoins totalement politiques, pour caser un individu au sein du Conseil des ministres. Je sais que l'ancien ministre de la Santé et actuel ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie est conscient de cette situation.

Pour vous amener encore un petit peu plus loin dans ce parallèle création d'un nouveau ministère pour caser quelqu'un, oubli des intérêts des clientèles, je vous donnerai simplement le mode de fonctionnement du ministère, et vous comprendrez que c'est – à moins que le ministre ait des talents qu'on n'a pas vus dans le passé – voué à l'échec sur le plan du fonctionnement du ministère.

(15 h 10)

Dans la poursuite de cet objectif, un comité interministériel fut mis sur pied, présidé par le député de Charlesbourg et constitué des ministres d'État à l'Économie et aux Finances, à l'Éducation et à la Jeunesse, à la Santé et aux Services sociaux, des ministres de l'Industrie et du Commerce ainsi que de l'Autoroute de l'information. Vous aurez compris, M. le Président, qu'il s'agit d'un ministère qu'on appelle communément à vocation horizontale. En avez-vous connu beaucoup de ministères à vocation horizontale qui ont livré la marchandise aux clientèles visées?

Chaque ministre qui siège sur le comité... Et on connaît le poids politique du ministre d'État à l'Économie et aux Finances. Est-ce que ça va être le nouveau ministre qui va décider ou, encore une fois, le ministre d'État à l'Économie et aux Finances? Est-ce que le ministre à l'Éducation et à la Jeunesse va collaborer ou s'il ne va pas, bien pistonné par l'appareil bureaucratique, tenter de conserver le maximum de ses prérogatives en matière de recherche, science et technologie? La ministre à la Santé et aux Services sociaux, celle qui a succédé à l'actuel député de Charlesbourg, est-ce que le ministère de la Santé n'aura pas le même réflexe de conserver le maximum d'autorité sur la recherche, la science et la technologie?

Le ministre de l'Agriculture va se retrouver dans la même situation. Est-ce qu'on va envoyer la recherche agricole à un nouveau ministère ou est-ce que les forces vives du ministère, l'Union des producteurs agricoles, la Coopérative fédérée ne voudront pas garder au sein du ministère de l'Agriculture leurs prérogatives, qu'ils considèrent comme étant les leurs? Le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, ça va peut-être être plus simple, ainsi qu'à l'Autoroute de l'information, parce que, lorsque vous êtes ministre délégué, bien, finalement, c'est un petit peu – on l'a déjà dit en cette Chambre – un adjoint parlementaire à qui on fournit une limousine et un cabinet, M. le Président.

Mais ça m'inquiète que ce sur quoi repose l'avenir du Québec, dans un certain sens, la recherche, la science et la technologie, devienne un ministère horizontal. Au début, lorsqu'on avait fait le même type de mise en garde au niveau du ministère de la Métropole, on nous avait, de l'autre côté, accusés brutalement d'être contre la métropole. Aujourd'hui, le gouvernement revient en arrière et dit: Bah! O.K. Il ne le dit pas en ces termes, M. le Président, mais, lorsqu'on regarde les actes du gouvernement, on constate que l'opposition avait raison, on constate qu'un ministère à vocation horizontale, lorsque de tels poids lourds siègent sur un comité interministériel, ça laisse le ministre titulaire sans pouvoirs réels. Il s'agit là de ma première inquiétude.

La deuxième inquiétude, M. le Président, découle de la première, le gouvernement choisit encore une fois – et c'est typique du gouvernement du Parti québécois – d'investir dans des structures. Pas dans des services à la population, mais dans des structures. Il l'avait fait avec le ministère de la Métropole, ils ont fait faillite. Il le réessaie dans un nouveau ministère – et je comprends qu'on ne pouvait tout simplement pas retourner le député de Charlesbourg chez lui, là – avec un autre ministère. On aurait pu le nommer dans un autre ministère senior, il s'agit d'un ministre senior. Il y a quelqu'un qui me dit qu'il aurait pu être nommé au Sénat, mais, depuis la fin des années soixante, à Québec, ça n'existe plus.

Et, quand on prend connaissance des dispositions, qu'on connaît le fonctionnement de l'appareil gouvernemental québécois, on se rend compte que la mise en place de ces structures va retarder d'une année le transfert des argents vers la recherche. Et on sait que, dans le domaine de la recherche, de la science et de la technologie, un des critères, si on veut être performant, ce n'est pas d'être en arrière de 12 mois, de 18 mois ou de 24 mois chez nos concurrents ou face à d'autres chercheurs, c'est d'être en avant.

Donc, on case un ministre, on investit dans une structure et, par le fait même, on retarde d'une pleine année le transfert des argents comme tel. M. le Président, moi, par humanisme – je vais le dire comme je le pense – je vais voter en faveur du projet de loi, parce que je pense que l'humiliation qu'a fait subir le premier ministre au député de Charlesbourg a atteint son comble et que, comme parlementaire, il existe quand même une solidarité quand un des nôtres, même si c'est un vis-à-vis, se retrouve dans une telle situation. Il nous faut à ce moment-là lui permettre de sauver au moins la face et, dans son cas, bien qu'en total désaccord avec ses méthodes, avec sa façon de fonctionner, il faut quand même constater l'énergie et le travail qu'il a mis au ministère de la Santé et des Services sociaux. Maintenant, je lui demande tout simplement un retour de cette amitié, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: Qu'il prenne en considération que le but premier d'un projet de loi, c'est toujours de mieux servir la clientèle, qu'il regarde attentivement les erreurs qui ont été commises lors de la création du ministère de la Métropole et qu'il déploie toute son énergie et tout son talent à faire en sorte que ce qu'on a connu comme fiasco au niveau du ministère de la Métropole ne se reproduise pas au niveau du ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'opposition officielle. Je voudrais rappeler aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, et je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Je cède la parole à M. le leader adjoint de l'opposition officielle et député de Chomedey. M. le député, la parole est à vous.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole pour l'opposition sur le projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Bill 33, An Act respecting the Ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie.

I'm sure that your more-than-observant eye and your more-than-keen hearing have allowed you to pick up the fact that the English title of the bill is anything but English, that, notwithstanding section 133 of the Constitution Act of 1867, Mr. Speaker.

Anytime a new ministry is created, there is a number of problems that arise, not the least of which is the one that has been described by my colleague the member for Brome-Missisquoi and Opposition House Leader. When he explains, quite succinctly, that what we're doing here is touching a number of laws and that it could have an effect on the applicability of the legislation because you're never going to be too sure... For example, in a field like agriculture, it's very nice to say that we're going to have this new Ministry in charge of research. But, of course, bureaucrats being what they are, rather jealous of their own spheres of competence, rather... jurisdiction – we won't talk about competence right away – their own spheres of jurisdiction, they are going to try to do their best to make sure that what's in their department stays there.

So, what we have before us is a bill that claims to create a new ministry that is, on the face of it, illegal because it doesn't have an English version. And if you're not convinced by the reading of the title, Mr. Speaker, allow me to read you from the explanatory notes, not to be confused with the preamble, which, under the interpretation Act, forms part of the bill and serves to give its purport and meaning. Notwithstanding that fact, we can look at the explanatory notes for an indication of the extent to which we're not in the presence of a bill that has been translated, and I quote this, Mr. Speaker, from the English version of Bill 33, a quote verbatim: «The bill assigns the Minister responsibility for the Conseil de la science et de la technologie, the Fonds pour la formation de chercheurs et l'aide à la recherche and the Fonds de la recherche en santé du Québec established under the Act to promote the advancement of science and technology in Québec.»

Mr. Speaker, I just read you one sentence that was about 75 % French in the English version of the Act. Now, how is anyone who doesn't speak French supposed to understand what that means?

When I had the signal pleasure... Well, one needn't speak of pleasure when talking about revising 8 000 pages of text. When I had the responsibility after the judgement of the Supreme Court in 1985 in the Manitoba reference... I was assigned by the attorney general of Manitoba to provide the revision on a legal level of all laws and regulations of that province. One of the first things that was done was to prepare an exhaustive list of every government agency, every ministry, every board. Every government organism of any size, shape or nature was, of course, given a French language name. It's what you have to do when you translate.

(15 h 20)

Section 133 of the BNA Act is quite clear in that regard. There was a decision rendered on December 13th, 1979, in Blaikie 1, by the Supreme Court, which gave more meanings of that, notwithstanding Chapter III of the Charter of the French Language which had claimed to impose French only in the House and in the courts for companies – that was overthrown. So, what we've had since then is some sort of an attempt to hold on to the provisions of Bill 101 with regards specifically to the use of names of government agencies.

Now, for the Charter of the French Language to provide that the civil administration shall use only the French version of the name of a ministry in all its dealings is not the slightest problem. No one in this side of the House is putting into question that provision of Bill 101. What we are saying, however, is that this Legislature, of which I am a duly elected member, is not bound by the strictures of legislation that purports to speak to the public or civil administration. We are not part of the civil administration.

The legislation that is brought before this House not only fails to meet the constitutional requirements of section 133 of the Constitutional Act of 1867 when it is not fully translated... And I am glad to see that the attorney general has joined us for this part of the debate...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Mulcair: ...and I'm sure she agrees with our interpretation and I am sure that, when she studied the Manitoba reference in all its detail, she became aware, as we did, that one of the first things that has to be done in translating a legislation to another language is to write it in that language. That's what it means. And that's what the Supreme Court has said time and time again. And, in its most recent case involving the right to have a trial in your language, in British Columbia, they made that abundantly clear that you have to read the language rights under the Constitution and the various charters as being fundamental.

Someone who wants to work as a legislator in Manitoba, in New-Brunswick has the right to work in French, to see their legislation drafted in French. That's under the Constitution. In Ontario, it's slightly different. In Ontario, it's not a constitutional obligation, although I think that, ultimately, that's what it should be, but, for now, it's only a legislative requirement. In other words, in Ontario, there is a requirement under the law, quasi constitutional, granted, a little bit like Québec's Charter, there's a quasi constitutional obligation to translate, and it's followed to the letter. Interestingly enough, the Northwest Territories also translates all its statutes towards French. That's also a constitutional requirement.

Here, in the Province of Québec, of course, the translation goes towards English; fair enough. The statutes are all drafted in French. That's where I started my career in the 1970s, at the Legislative Drafting Branch of the Québec Justice Department.

So, here we have it, Mr. Speaker, legislation that is supposed to be the English version, and it's not. As my friend and colleague of the time in Manitoba, who now works in Ottawa for a certain Western party that forms the Opposition – but that shall remain nameless – as Greg Yost said, time and again, when he would see these statutes from Québec: «Whatever else that is, that's not an English-language statute», and he's quite right.

It's not an English-language statute. That's not what we have before us. So, in addition to all the trials and tribulations that are going to be totally predictable in terms of determining who's got responsibility, where the money's going to go... It's amazing to look at the number of bills that are touched by Bill 33, the number of existing statutes.

Je vous donne une liste, pas exhaustive. But, Mr. Speaker, when you see that the winding-up Act is being touched, I think it sets off a couple of alarms on your dashboard.

Regardez le nombre de lois touchées: la Loi sur l'aide au développement des coopératives, développement touristique, assurance-maladie, capital des petites et moyennes entreprises, la Loi sur les cégeps, concours artistiques, littéraires, coopératives, mutations immobilières, Sidbec, la Loi sur l'exécutif, personnes handicapées, établissements de commerce, impôts, liquidation des compagnies. M. le Président, c'est à peu près le quart des lois affectées que je viens de vous nommer là. Mon collègue député de Châteauguay, qui compte plus vite que moi, me signale qu'il y en a effectivement 36, lois qui seront touchées par la création de ce ministère-là.

M. le Président, je comprends que, lorsque le meilleur ministre de la Santé de l'histoire du Québec a été démis de ses fonctions, fallait lui trouver quelque chose à faire. Vous savez comme moi que c'est le baiser de la mort, de se faire appeler le meilleur ministre, dans quelque domaine que ce soit, par l'actuel premier ministre du Parti québécois. Moi, je me souviens quand il l'a dit au député qui était le ministre de la Justice, à l'époque. Il s'est levé en Chambre et c'est à moi qu'il l'a dit, donc j'ai une mémoire très vive de l'index du premier ministre en train de flageller l'air, en train de dire: Je dis au député que c'est le meilleur ministre de la Justice de l'histoire du Québec! Quelques semaines plus tard, il a été démis de ses fonctions.

Quand j'ai entendu que le pauvre député de Charlesbourg était rendu le meilleur ministre de la Santé de l'histoire de la province de Québec, je me suis dit: Oh boy! le pauvre! il ne sait pas ce qui l'attend. Ça n'a pas tardé, hein? Quelques jours à peine après l'élection, il n'était plus ministre de la Santé. Donc, il a fallu lui trouver de quoi. On lui souhaite beaucoup de bonheur. Pour la population, on lui souhaite beaucoup de succès. La recherche scientifique est extrêmement importante, ça engage des fonds publics très importants, les universités doivent être mises à la tâche. On va évidemment lui accorder notre appui, notre appui conditionnel parce qu'on va regarder comment ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas.

Mais, à la fin de tout, tous ces exercices qui consistent à créer et à défaire des ministères, à créer des ministres délégués, à créer des choses comme ça, il est à se demander si on n'est pas juste en train de changer de place les chaises sur le ponton du Titanic, hein? Quand on voit un gouvernement comme ça qui coupe toujours d'abord et avant tout dans les services directs à la population, et que la dernière chose qu'il coupe, c'est la machine bureaucratique, et qu'au contraire il l'agrandit, on voit où sont ses vraies priorités. C'est l'autre façon de gouverner, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chomedey, de votre intervention. Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Et je suis prêt à reconnaître le whip en chef de l'opposition officielle et député du comté de Châteauguay. M. le député, la parole est à vous.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui sur le projet de loi ou à propos du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie.

Je cite le titre du projet de loi pour bien préciser à ceux qui nous écoutent, qui n'ont pas eu l'occasion de lire les différents articles de ce projet de loi, qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi pour les citoyens du Québec, ni même pour ceux qui sont en ce moment à pied d'oeuvre dans la recherche, qui sont en train de préparer l'avenir du Québec, mais c'est un projet de loi qui vise à se donner un ministère. Et je vais donc vous parler un peu de ce projet de loi qui n'a en ce moment d'effet que pour la bureaucratie du Québec, point à la ligne. On ne voit pas d'autres choses que ça pour l'instant.

D'abord, quand on nous arrive avec un projet de loi comme celui-là, qui crée un nouveau ministère, on se dit: De deux choses l'une, ou bien c'est nécessaire ou bien ça ne l'est pas. Si ça ne l'est pas, pourquoi faire un projet de loi? Donc, imaginons que le gouvernement est en train de nous dire que c'est nécessaire, d'avoir un ministère.

Je vous dis bien franchement, M. le Président, si le gouvernement juge nécessaire de créer un ministère, je ne veux pas et ne peux pas voir meilleur aveu d'échec de la part du gouvernement du Québec, après cinq ans où ils sont à la gouverne des affaires du Québec. Après cinq ans où ils sont au pouvoir, ils nous disent: Nous avons besoin d'un ministère. Si c'est si vrai que ça, ils viennent donc de nous passer un message très clair: Nous avons échoué, comme gouvernement du Parti québécois, depuis cinq ans, en termes de recherche, de science et de technologie.

Je prends la peine aussi de vous dire que ce n'est pas la première fois qu'on brasse des structures. Mon collègue de Brome-Missisquoi l'a dit tantôt, on se rappellera... Puis je pense que c'est important de le dire parce que, dans la même session, pour ne pas dire dans la même semaine – je pense qu'on va en parler cette semaine aussi – on va parler d'un autre projet de loi qui vise, lui, à abolir le ministère de la Métropole. Je le dis parce que, quand ils l'ont créé, le ministère de la Métropole – ça fait deux ans, je pense, ou à peu près – le nouveau premier ministre arrivait et il a dit: On va se faire un ministère de la Métropole. D'abord, ça démontre combien on veut s'occuper de la métropole. C'est le meilleur outil. Puis là, deux ans après, on s'aperçoit que ce qu'on avait dit à l'époque – écoutez, ça devait juste être de la structure – bien, le gouvernement, il dit: Oui, j'ai fait mon marketing, là, j'ai fait ma petite publicité, j'ai dit qu'en créant un ministère je m'occupais de la métropole. Deux ans après, aveu d'échec, constat d'échec, on abolit le ministère.

Alors, je veux juste que les gens qui nous écoutent prennent bien garde de voir, dans ce projet de loi là, autre chose qu'un petit objet de marketing pour dire: Nous, on veut être modernes, au PQ, on va créer un ministère. Dans le temps, ils voulaient être populaires à Montréal. On va créer un ministère de la Métropole. Aujourd'hui, ils l'abolissent. Alors, il faut quand même faire attention avec les différentes pièces législatives.

(15 h 30)

Deuxième élément, on parle de ministère horizontal. Je vais vous rappeler une expérience, celle des CLD. Vous vous souvenez, les CLD, quand ils ont créé ça, ça devait se financer à partir des enveloppes que de nombreux ministères avaient. Au bout de la ligne, ça a été toute une opération de tordage de bras qui n'a pas donné grand-chose, ce qui fait que, finalement, les payeurs, ça reste les municipalités. Les municipalités, qui sont d'ailleurs toujours inquiètes de savoir quand elles vont avoir à assumer encore un plus lourd fardeau, étant donné la pratique du gouvernement du Parti québécois de transférer ses fardeaux au monde municipal pour, eux, dire: Nous, on s'occupe du développement régional. Par en arrière, on sait très bien qu'ils ne vont pas faire grand-chose.

Maintenant, ce qui est le plus étonnant, c'est quand on découvre, dans ce projet de loi là, à part le nouveau ministère, qu'il n'y a pas de politique associée à ça. Au contraire, on nous annonce que la politique, elle, elle va suivre en l'an 2000. Dans un an d'ici, la politique va arriver. C'est comme si on se créait aujourd'hui, avec le projet de loi n° 33, une carcasse de véhicule, la carrosserie, mais le moteur pour la faire rouler, lui, il va attendre un an.

Je vous rappelle... Tantôt, je vous disais: On crée le ministère. Ça fait cinq ans que le Parti québécois est au gouvernement, et il nous fait aujourd'hui, en appelant notre appui pour la création d'un nouveau ministère, un aveu d'échec des cinq dernières années. En même temps, il nous annonce qu'il va encore échouer l'année prochaine, parce qu'il dit: J'ai besoin de ma carcasse, de ma carrosserie, puis le moteur, je vais le faire dans un an. Donc, six ans après la prise du pouvoir, ils vont peut-être commencer à avoir une politique pour la recherche, la science et la technologie.

Bien sûr qu'on va appuyer les initiatives qui permettent que le Québec soit doté d'outils pour assurer son avenir. On ne nous empêchera pas, en donnant cet appui, d'y ajouter le fait qu'on trouve que ça ne va pas assez vite. Quand ça fait six ans que ça tarde, quand même le gouvernement constate son impuissance, on ne va pas s'empêcher de dire au gouvernement que ça n'a pas d'allure et de constater avec l'ensemble de la population que le Parti québécois, à part les slogans de marketing, ne fait pas grand-chose pour les citoyens et, dans ce cas-là, pour la recherche, la science et la technologie.

La recherche qui prépare l'avenir, qui est un outil de progrès, de dépassement, d'excellence, doit être une recherche qui accompagne, pas une recherche qui dirige, une recherche qui est adaptée aux différents milieux, qui est à l'écoute des besoins des différents intervenants, à l'écoute du milieu, du terrain. Et, à cet égard, je me permets de rajouter ceci. Si on regarde l'oeuvre générale du Parti québécois comme gouvernement, je dois vous dire que, depuis cinq ans, je les ai trouvés beaucoup plus dirigistes qu'accompagnateurs. Ça m'inquiète à l'égard de ce que ce ministère, dirigé par le Parti québécois, fera en termes de recherche, science et technologie.

Deuxième élément, pour laisser de côté le ministère, pour parler du ministre qui s'occupera de son nouveau ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. D'autres en ont parlé. Ce ministre a déjà été ministre de la Santé qui nous avait dit qu'une réforme qui était la sienne avait été planifiée dans ses moindres détails, qu'elle était directement en liaison avec le milieu, avec le terrain, qu'elle s'inspirait des expériences du terrain. On s'est aperçu que tout le monde dans les établissements de santé, des hôpitaux aux CLSC et les diverses fonctions des gens qui occupent ces institutions, criait à tue-tête, jour après jour, sous son règne, avec les conséquences qu'on connaît encore aujourd'hui – ce n'est pas mieux dirigé aujourd'hui – criait sur le fait que le gouvernement n'était pas à l'écoute du milieu. Alors, je prends la peine de le dire, puisqu'on parle de la recherche, de la science et de la technologie.

Je voudrais rappeler ici que cette recherche ne doit pas être déconnectée des besoins du milieu et j'en appelle au ministre pour que la philosophie qu'il inculquera à ce nouveau ministère... Parce que vous savez, M. le Président, lorsqu'on crée quelque chose de nouveau, l'impact initial qu'on lui donne, à ce véhicule-là, est très important pour la destination finale qu'on va atteindre. Et le nouveau ministre, j'espère qu'il va adopter une nouvelle philosophie, une philosophie qu'on ne lui connaît pas pour l'instant, mais qu'il saura se connecter sur les gens du milieu.

Je termine en parlant de la valorisation de la recherche, M. le Président, la recherche qui permet des exploits, notamment dans le domaine automobile. Et j'en profite pour saluer un pilote exemplaire qui est avec nous dans les galeries en ce moment, qui est tout un signal et tout un exemple pour les Québécois. Et je parle de la recherche, de la science et de la technologie parce que ce que ces gens-là font... Et je le fais justement en parlant de la valorisation de la recherche, M. le Président, parce que cette recherche-là doit avoir son utilité. Lorsqu'on a un pilote de formule 1 avec nous, on a un exemple que la recherche a des conséquences par la suite dans notre vie de tous les jours.

Et je voudrais mentionner au ministre qu'à l'époque on avait l'Industrie, Commerce, Science, Technologie, il y avait un lien qui était fait. On crée un nouveau ministère, assurons-nous qu'on n'oubliera pas – et je termine là-dessus – que la recherche doit être utile à la communauté, à la collectivité. J'entends souvent la nouvelle P.D.G. de la nouvelle et à venir Grande Bibliothèque du Québec qui parle de démocratisation de la culture. Je me permets d'utiliser son expression pour parler de démocratisation de la recherche, c'est-à-dire s'assurer que l'ensemble de nos concitoyens aient accès aux bénéfices de la recherche et qu'on puisse donner à notre société québécoise un avenir prometteur et meilleur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le whip en chef de l'opposition officielle. Sur ce même sujet, nous en sommes à l'adoption du projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, et je suis prêt à reconnaître M. le porte-parole officiel de l'opposition officielle en matière de justice et député de Marquette. La parole est à vous.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. À mon tour de prendre la parole sur le projet de loi n° 33, projet de loi qui est extrêmement important mais qui contient certaines lacunes. On peut s'interroger sur le motif pour lequel le gouvernement a décidé de créer un nouveau ministère alors que toute la vocation de la science et de la technologie et une partie de la recherche étaient déjà attribuées au ministère de l'Industrie et du Commerce.

Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit mon collègue le député de Brome-Missisquoi, mais je tiens quand même à attirer l'attention du ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie sur les différents avis qui ont été publiés par le Conseil de la science et de la technologie. Lorsque j'étais critique en matière d'éducation, je les ai interprétés comme étant des cris d'alarme très importants. Le ministre va sûrement comprendre et savoir ce à quoi je fais référence lorsque, dans quelques minutes, M. le Président, j'aurai le plaisir de lire quelques extraits de l'alarme sonnée par le Conseil de la science et de la technologie.

Dans un avis qui avait été publié par le Conseil en juin 1998, si ma mémoire est bonne, qui était adressé à l'ex-ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, M. Roger Bertrand, c'est un avis qui s'intitulait Des formations pour une société de l'innovation , on voit à l'intérieur de cet avis que, déjà, le travail auquel va se livrer le ministre a été passablement entamé.

On fait état dans cet avis, M. le Président, de l'importance au Québec de l'économie du savoir et comment les ressources humaines vont jouer un rôle capital. On dit également dans l'avis, et je me permets d'en citer quelques extraits: «Le développement du Québec, comme celui de tous les pays industrialisés, dépend en effet de façon critique des compétences de ses scientifiques, informaticiens, ingénieurs et techniciens. L'attention se concentrera donc ici sur les emplois reliés aux sciences naturelles et appliquées.»

On sait au Québec, M. le Président, et sûrement ailleurs à travers le Canada, la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée à laquelle nous faisons face. Je me rappelle d'avoir été estomaqué lorsque j'avais pris connaissance d'un autre avis du même Conseil de la science et de la technologie qui a été publié à la même époque l'année passée, intitulé La science et la technologie à l'école . Je me permets, M. le Président, de lire quelques extraits parce que je veux assurer l'attention du ministre sur cette problématique importante, et j'espère qu'il aura plus de succès à communiquer le message au nouveau ministre de l'Éducation que le succès que j'ai eu à tenter de convaincre l'ancienne ministre de l'Éducation de l'importance qu'elle devrait attacher à tout le sujet de la science, et de la technologie, et des matières de base dans un curriculum qui conduisent à des carrières scientifiques ou à des carrières de recherche.

(15 h 40)

Les mots employés par M. Camille Limoges l'année passée étaient très, très, très sévères. Il disait ceci dans la lettre qu'il adressait, le 23 juin 1998 – donc la veille de la Saint-Jean-Baptiste – à l'ex-ministre délégué à l'Industrie et au Commerce: «Or, la place faite aux sciences dans la réforme du curriculum de l'enseignement primaire et secondaire au Québec fait problème. Le Conseil estime en effet qu'il en va de l'avenir de la formation des ressources humaines dont aura besoin notre société – largement documenté dans un avis précédent – pour assurer son avenir dans le contexte de l'économie du savoir et de l'innovation.»

Lorsqu'on regarde à l'intérieur de l'avis – je vais lire quelques extraits du résumé et vous allez comprendre pourquoi le ministre doit absolument se préoccuper de l'avis qu'a formulé à l'endroit du gouvernement le Conseil de la science et de la technologie – on disait ceci: «Au niveau primaire, les élèves n'entendront pas parler de sciences et de technologie au cours de leurs deux premières années. Au cours des quatre années suivantes, les sciences et la technologie vont devoir partager, à la discrétion des écoles et des enseignants – ce n'est même pas facultatif, c'est à la discrétion des écoles et des enseignants – une plage résiduelle de 9,5 heures-semaine avec quatre autres blocs de matières. Au secondaire, maintenant, aucun cours de sciences n'est obligatoire en secondaire V.» Et on sait, M. le Président, que, si on veut poursuivre ces carrières-là au niveau collégial et au niveau universitaire, ça nous prend une base, ça prend des prérequis, ça prend une acquisition de connaissances en matière de sciences bien avant de pouvoir être admis au niveau collégial.

Alors, le nouveau curriculum qu'a implanté son gouvernement fait défaut à l'endroit de la science et de la technologie. On dit ceci: «Au secondaire, aucun cours de sciences n'est obligatoire en secondaire V. Le nombre d'heures obligatoires d'enseignement des sciences et de la technologie au secondaire passe de 450 à 400, ce qui correspond à un déficit de l'ordre de 11 %. Si on tient compte également de l'abolition du cours d'initiation à la technologie – et c'est un cours que la ministre de l'Éducation avait balayé du revers de la main – dont le contenu devrait être désormais intégré au programme sciences et technologie, la perte atteint 27 %.» On passe donc, M. le Président, de 550 heures, l'ancien curriculum, à 400 heures, le nouveau curriculum, au niveau des sciences et de la technologie.

Comment pouvons-nous comprendre un message de cohérence de la part du gouvernement lorsqu'on confie au député de Charlesbourg des fonctions ministérielles au niveau de la recherche, de la science et de la technologie pour souligner toute l'importance que le gouvernement semble y attacher, mais que par ailleurs on constate, lorsqu'on regarde la réforme du curriculum mise sur pied par le même gouvernement et qui va s'implanter l'année prochaine, vraisemblablement, eh bien, au niveau des sciences et de la technologie, ça fait défaut? On a baissé le nombre d'heures, on a fait en sorte que les cours ne sont plus obligatoires, on a baissé la barre et on sait que les emplois qui seront créés dans un Québec moderne vont requérir des connaissances en matière de sciences et de technologie. Donc, c'est un cri d'alarme très important que lançait M. Limoges au gouvernement.

Dans son avis, il disait ceci également: «La réduction du temps consacré aux sciences place le Québec – et là j'attire vraiment l'attention du ministre – au dernier rang des provinces canadiennes. Pas moins de cinq provinces offriraient de 400 à 500 heures obligatoires de sciences de plus que le Québec.» M. le Président, c'est quand même assez grave, là. On met sur pied un ministère qui doit s'occuper de la vocation recherche, science et technologie. Lorsqu'on regarde ce qui va se passer au niveau des écoles primaires et secondaires, ça fait largement défaut: on est dixième sur 10 provinces au niveau du nombre d'heures.

Le Conseil dit, un peu plus loin, ceci: «Le réaménagement proposé ne fait pas que diminuer les heures disponibles pour l'enseignement et l'apprentissage des sciences, il véhicule aussi auprès des enseignants et des élèves une image très négative de l'importance réelle qu'il convient d'accorder à ces matières. Ce n'est certes pas en reléguant les sciences et la technologie dans un bloc résiduel de matières dont on ne peut allonger ou rétrécir sans conséquence le temps alloué à chacune qu'on sensibilisera les jeunes aux carrières scientifiques ou à la nécessité d'une bonne culture scientifique et technique.»

Donc, M. le Président, j'espère que les 10 minutes qui m'auront été offertes auront permis au ministre... C'est peut-être déjà fait, il en a peut-être déjà pris connaissance, des avis du Conseil de la science et de la technologie, mais ce qui m'inquiète, c'est que son ministère est à vocation horizontale. Comment va-t-il réussir à convaincre le nouveau ministre de l'Éducation, dont la réforme est très engagée au niveau des curriculums, de faire marche arrière par rapport aux matières que sont les sciences et la technologie, et ça, dans l'intérêt de toute la collectivité québécoise, dans l'intérêt des jeunes, pour pouvoir les sensibiliser en très bas âge qu'il y a beaucoup de perspectives d'avenir pour décrocher un emploi en autant qu'ils acquièrent une solide base en sciences et en technologie? Si le ministre ne réussit pas, ça nous aura donné quoi, d'avoir mis sur pied un ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie? Alors, je sais qu'il en prend bonne note, et puis on aura l'occasion de suivre sa réflexion et ses travaux à cet égard. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci beaucoup, M. le député de Marquette, de votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Droit de réplique? Alors, le projet de loi n° 33, Loi sur le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, je vous réfère maintenant à l'article 7, M. le Président.


Projet de loi n° 60


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 7, M. le ministre de l'Environnement propose l'adoption du principe du projet de loi n° 60, Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill.

On me dit que le ministre a déjà fait son intervention. Je m'excuse, je n'étais pas au courant. Alors, je vais céder maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement et député du comté d'Orford. M. le député, je vous cède la parole.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, merci beaucoup. Alors, pour les gens qui nous écoutent, nous sommes réunis ici... Le ministre a parlé plus tôt ce matin, moi, je suis de l'opposition officielle, je suis porte-parole en matière d'environnement et je vais parler pendant quelque temps du projet de loi n° 60, qui est un projet de loi qui veut faire... Le titre exact du projet de loi, c'est Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill.

Peut-être commencer en disant que c'est un immense territoire qu'on va travailler là-bas. Le territoire, le ministre expliquait d'ailleurs plus tôt ce matin, et on pourrait en mettre pas mal plus que ça, mais... Le territoire, il y aura, là-dedans, deux rivières qui seront déplacées: la rivière Saint-Jean, la rivière Romaine, qui vont être affectées. Il y aura aussi un réservoir de 1 000 km² qui sera créé de toutes pièces. Alors, c'est un projet qui est très questionnable environnementalement, et déjà d'ailleurs certaines lettres sont entrées dans nos bureaux de l'opposition pour questionner certains aspects environnementaux, dont, bien sûr, dans un premier temps, la pêche au saumon. On sait que ces gens-là sont très organisés, sur la Côte-Nord, et, déjà, commencent à nous faire leurs représentations.

(15 h 50)

Alors, le ministre n'avait pas d'autre choix que d'aller en audiences publiques, et vous avez entendu, depuis quelques jours, les gens qui nous écoutent et vous, M. le Président, 38 députés libéraux exactement qui sont venus dire au gouvernement qu'il aurait dû, dans la ligne Hertel–des Cantons, d'abord écouter ce que les citoyens avaient à dire. C'est l'essence même de la démocratie. Nous ne sommes pas là pour dire aux gens ce qu'ils doivent faire, nous somme là pour écouter ce qu'ils nous invitent à faire, et ensuite, à partir d'un meilleur jugement possible, le faire.

Alors, il y a eu 38 députés libéraux qui se sont suivis jour après jour, qui sont venus rappeler à ce gouvernement que la ligne Hertel–des Cantons avait été un fiasco du début jusqu'à la fin, avec des tours, M. le Président... Je suis encore passé aujourd'hui en dessous de la ligne Hertel–des Cantons, dans la vallée à l'arrière du mont Orford, tôt ce matin, et on peut y voir des tours qui auront 200 pi de haut, M. le Président. C'est deux fois haut comme le parlement, ça, là. Vous imaginez, vous avez une coquette petite résidence dans un beau terrain en pleine campagne, et soudainement Hydro-Québec, avec ses gros sabots, ses gros bulldozers, qui n'a pas eu l'approbation de la MRC, qui n'a pas eu l'approbation de la régie des terres agricoles, qui n'a pas eu d'audiences du BAPE... Finalement, ils n'ont pas eu l'approbation de grand monde; il a fallu qu'il y ait des décrets sur toute la ligne, et ça finira avec un jugement, cette histoire-là. Avec ses gros sabots, elle ira installer des lignes à haute tension dont certaines tours auront plus de 200 pi de haut, deux fois haut comme le parlement, M. le Président. Je les encore vues ce matin en descendant.

Alors, je pense que le ministre a réalisé, après que 38 libéraux ont eu parlé, que l'environnement soudainement c'était peut-être un peu plus important. Et je pense qu'il n'avait pas le choix, devant l'exploitation de la rivière Churchill, d'aller en audiences publiques. Jamais les citoyens du Québec ne leur auraient pardonné, même si, déjà, on est après essayer encore une fois la passe de l'urgence. Et il faut relire dans le journal Les Affaires , il y a quelque temps, où on nous dit qu'on voudrait bien que... Je l'ai ici, textuellement.

Alors, dans le journal Les Affaires du 12 septembre: «Si tout se passe comme prévu, la construction des deux centrales hydroélectriques débutera dès l'an 2002.» On serait à deux ans. Pour un projet de cette ampleur-là, 12 000 000 000 $, M. le Président, un bassin de 1 000 km², deux rivières à saumon qui seront déplacées, et là on nous dit: En l'an 2002 il faudrait que ça soit tout en place, cette affaire-là. Je souhaite bonne chance au ministre, mais il me semble qu'il crie déjà à l'urgence nationale.

C'est la même stratégie qu'Hydro-Québec a prise dans Hertel–des Cantons. On avait l'impression qu'ils apprendraient. Ils ont crié à l'urgence dans Hertel–des Cantons. Il a fallu que le très sage M. Roger Nicolet, ingénieur, président de l'Ordre des ingénieurs – je le salue, d'ailleurs – qui vient d'être réélu en fin de semaine pour un troisième mandat à l'Ordre des ingénieurs du Québec, soit obligé de rappeler à ce gouvernement, dans un document de 2 500 pages, qu'il n'y avait pas urgence en la demeure, que ce n'est pas évident qu'ils ont pris le bon tracé et que ce qui est beaucoup plus évident, c'est qu'on aurait dû d'abord écouter les gens de la place.

C'est ce que nous, de l'opposition, avions dit tout au long. Que je pense au député de Laurier, je pense à notre chef, à nos deux chefs, finalement, nous avons invité, tout au long, ce gouvernement à écouter la population et à faire ce que les gens nous disaient, ce qu'on entendait, entre autres le préfet. Mais, quand on possède la vérité, quand on est social-démocrate, quand on vit sous une cloche de verre, qu'on possède la vérité, on n'écoute pas le monde. Alors, on n'a écouté personne, on s'est ramassé dans le gouffre dans lequel on est en ce moment, une ligne dont personne ne veut, et là le ministre va aller au-delà du jugement.

Je dirais même que cette loi-là, elle n'est probablement pas légale, M. le Président, parce que la juge a dit: Ce projet-là, il est inique d'un bout à l'autre. Et le projet de loi du ministre, le projet de loi n° 42, le ministre est après nous faire un projet de loi où il y a deux temps: un temps où on va faire étudier un bout de la ligne par le BAPE, et ce qui est déjà construit on ne l'étudiera pas, M. le Président...

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, je voudrais m'assurer que le député d'Orford a bien lu le projet de loi n° 60. On n'est pas dans l'Estrie, on est à Churchill. Churchill, c'est pas mal loin. Il est tout à fait non pertinent dans ses propos.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député, je vous rappelle au projet de loi n° 60, Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill. Si vous voulez poursuivre.

M. Kelley: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur une question de règlement, M. le député de...

M. Kelley: Je pense que l'intervention de mon collègue d'Orford est tout à fait pertinente. On parle ici des études environnementales. On a un exemple, par ce gouvernement, d'une étude qui n'était pas faite, c'est-à-dire sur le projet Hertel–des Cantons. Alors, je pense qu'il y a un parallèle tout à fait logique. On est au moment du débat sur le principe, alors je pense que le principe qui est en jeu est tout à fait pertinent.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous auriez fait un bon leader, M. le député. Si vous voulez poursuivre votre intervention, M. le député.

M. Benoit: Oui, M. le Président. On a essayé de faire taire les gens sous la ligne Hertel–des Cantons, on a essayé de faire taire le maire, on a essayé de faire taire à peu près tout le monde. Imaginez-vous bien qu'ils ne m'impressionneront pas avec leurs petits sparages ici aujourd'hui, moi qui suis de l'Estrie, qui ai vu toute cette saga-là, moi qui ai vu ces gens-là venir dire, pendant la campagne électorale: Nous allons appliquer le jugement, etc. S'ils pensent qu'ils vont m'impressionner, M. le Président, je m'excuse. C'est tout à fait pertinent, le projet de loi. On parle d'évaluation environnementale, et Hertel–des Cantons, le fond du dossier, c'est bien simple, c'est un problème d'évaluation environnementale. Si le ministre n'est pas capable de suivre la logique entre une évaluation environnementale sous Hertel–des Cantons et l'évaluation environnementale du projet de loi n° 60, je pense que le ministre a un sérieux problème, M. le Président.

M. Brassard: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Quelle est votre question de règlement, M. le leader?

M. Brassard: Oui, celui qui a un problème, c'est le député d'Orford. On peut bien faire des comparaisons, là, mais les comparaisons qui durent indéfiniment ne sont pas pertinentes. Alors, je veux qu'on en revienne au projet de loi n° 60, à son objet et à son principe.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant, M. le leader. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Je reviens toujours... M. le Président, je pense que le parallèle est tout à fait évident. On est en train de parler de l'importance des études environnementales. Mon collègue le député d'Orford est en train de nous démontrer les conséquences. Si le travail est mal fait, je pense qu'il faut laisser le temps, au nom des citoyens de sa région qui ont à vivre avec les conséquences d'un travail qui a été mal fait.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député d'Orford, vous pouvez apporter des exemples d'évaluation environnementale, mais je vous rappelle de vous rattacher au projet de loi de la rivière Churchill. M. le député, la parole est à vous.

M. Benoit: Oui, bien, M. le Président, comme je ne veux pas éterniser le débat – ça semble les chatouiller un peu quand on parle d'Hertel–des Cantons; moi aussi, je comprends ça, de ce côté-là – je peux peut-être leur parler de toute la saga du premier ministre qui est allé... Si le ministre veut entendre parler de ça, ça, ça va tomber exactement dans le projet de loi, toute la saga de la rivière Churchill, M. le Président.

Avant l'élection, un premier ministre a décidé d'aller faire un tour d'avion là-bas. Il faut lire les galées de la période des questions du 11 juin, M. le Président, jusqu'au 19 juin. Alors, la première question que nous allons poser au distingué député de Joliette, on nous répondra que le coût du show – du show, oui – sera de 110 000 $. Qui avait organisé ça? On va commencer comme ça. On ne veut pas parler d'évaluation environnementale, on va parler effectivement de la rivière Churchill, dans ses détails. J'ai une heure. Alors, on va expliquer qui était M. Luc Lavoie, comment ça a coûté, qui était l'agence, etc. Et, si je ne suis pas pertinent, peut-être que le ministre pourra me rappeler que je ne suis pas pertinent, alors que je parle exactement de Churchill.

Qui était Luc Lavoie, M. le Président? Un bonhomme, que je ne connais pas, qui travaillait pour une agence de communications, ex-chef de cabinet du premier ministre. Lors de la première période de questions suite à ce grand sparage, que nous ne verrons pas à toutes fins pratiques à la télévision parce que les autochtones s'y opposeront, nous questionnerons le distingué député de Joliette. Il nous dira, dans les galées, que la compagnie a reçu des honoraires de 110 000 $.

L'opposition a fait sa job, et c'est ça, une vraie opposition vigilante. On va continuer le 16, le 17, le 18, et, à chaque fois, les montants augmentent, le 19. Et, à la fin, ça va finir, écoutez bien ça. Pour un voyage, un show avant l'élection où on était après faire du «tape» pour la campagne électorale, – c'est ça, le net-net de l'affaire – on était après faire du film pour la campagne électorale sur le dos des électeurs... Comme le gars a dit à Saint-Hyacinthe, au Conseil du PQ, en fin de semaine: Prenez-les, les deniers publics, ce n'est pas grave. Si vous voulez arriver à vos fins, tous les moyens sont bons.

(16 heures)

Alors, finalement, M. le Président, on a pris les deniers publics. On est allé se payer un spectacle à Sept-Îles; ça a coûté 1 100 000 $. Qui a organisé ça? Le chef de cabinet du premier ministre, ex-chef de cabinet du premier ministre. Oui, M. le Président. Le premier ministre lui-même, à la fin, ne s'en cachera même pas. Il dira, dans Le Devoir du 20 juin 1998, après que l'opposition a fait son travail avec vigilance et force, il dira: Oui, bien, sans que je pense plus loin que mon nez, j'ai dit: Bien, il y a la firme National puis il y a Luc Lavoie qui sont très bons. C'est vrai, je l'ai dit, je l'ai reconnu, et Hydro, par la suite, a engagé la firme. C'est ça qui est arrivé.

Bien, il ne s'en cachait même pas, 1 100 000 $, ça se prend bien quand tu es dans une firme de communications puis que c'est ton chum, toute l'affaire.

Savez-vous ce que va dire Lysiane Gagnon, de La Presse , suite à cette saga-là? On ne veut pas parler d'Hertel–des Cantons? On va leur parler de la rivière Churchill, M. le Président, leur en parler en longueur et en profondeur. Lysiane Gagnon, dans La Presse , personne responsable et respectée, elle disait: «Le scandale est réel. Il s'agit d'un cas patent de patronage et de détournement de fonds publics à des fins partisanes.» Le scandale est réel. Il s'agit d'un cas patent de patronage et de détournement de fonds publics à des fins partisanes, M. le Président. Ce n'est pas Robert Benoit qui dit ça, ce n'est pas le député d'Orford, ce n'est pas celui qu'on empêche de parler sur Hertel–des Cantons et l'évaluation environnementale, c'est la journaliste de grande réputation Mme Lysiane Gagnon.

Or, M. le Président, les citoyens qui disent: Ouais, on a entendu parler de ça... Bien oui, vous avez entendu parler de ça: 1 100 000 $ de vos taxes pour aller faire un spectacle là-bas juste avant la campagne électorale, ça tombait comme donc bien. Le spectacle, ils ne l'ont jamais eu. Ils ont payé la facture, mais ils n'ont jamais eu le spectacle. Mais il demeure, M. le Président, pour le ministre de l'Environnement, que ça demeure un projet de loi important, et, au-delà de nos chicanes de partis, moi, je vais supporter le ministre de l'Environnement dans ce projet de loi là. On s'est assez battu de ce côté-ci pour faire des évaluations environnementales sur la côte des Éboulements où on n'en aura pas. Il n'y a pas d'évaluation environnementale.

Et le ministre, qui me coupait la parole tantôt, lui-même, dans ses écrits, disait: Nous allons faire des évaluations environnementales dans Les Éboulements. J'ai mes documents à mon bureau, M. le Président, c'était au mois de décembre quand il est allé annoncer ça, il y a quelques années. Eh bien, ces évaluations-là, elles n'ont jamais été faites par les personnes compétentes, elles ont été faites par le ministère des Transports. Ils s'y connaissent en environnement... Il n'y a jamais eu d'évaluation environnementale par le BAPE. Et, à l'époque, M. le Président, le projet de loi que le ministre avait annoncé était de 6 000 000 $, il était de 2,6 km; il est rendu à 14 000 000 $ puis il est rendu à 4 km point quelque chose, et on n'aura toujours pas d'étude environnementale. Alors, je comprends que le ministre n'aime pas ça qu'on lui parle d'études environnementales au Québec.

Dans le cas de rivière Churchill, c'est important qu'on les fasse. C'était important dans Les Éboulements, on pouvait dire: On va passer en avant de la chapelle de Mgr Savard qui fait partie du patrimoine. L'UNESCO a reconnu une partie de la côte des Éboulements comme étant une des grandes parcelles de la terre qu'on doit reconnaître environnementalement, puis on va «bousailler» ça, M. le Président. Là, on est même rendu dans le fleuve, les derniers écrits que j'ai lus. On va même faire un bout de la route dans le fleuve, là.

Ceci dit, M. le Président, dans le cas des Éboulements, ils n'ont écouté personne. Dans le cas d'Hertel–des Cantons, ils n'ont écouté personne. On ne peut toujours bien pas blâmer le ministre de l'Environnement, finalement, d'avoir mis ses culottes puis dire: Bien, là, on va écouter le monde. Et là le problème, c'est qu'ils sont obligés de se faire un projet de loi, société distincte oblige. Si vous étiez dans toutes les autres provinces canadiennes, vous n'auriez pas à faire ce projet de loi là. Pourquoi? Parce qu'on fait partie d'une fédération, le Canada, dont je suis très fier de faire partie, et, dans cette fédération-là, on a un accord d'harmonisation entre le gouvernement canadien et les provinces, qui date du 29 janvier 1998.

Imaginez-vous bien qu'on n'est pas la première province à avoir quelque chose à faire en environnement avec un voisin. Ce n'est pas à vous qu'on va enseigner ça, que les pluies acides n'arrivent pas nécessairement de ville Eymard puis qu'elles ne tombent pas sur la ville de Québec, elles arrivent peut-être de Sudbury, en Ontario, les pluies acides. Ce n'est pas à vous que je vais annoncer que la pollution des rivières commence peut-être dans les Grands Lacs, puis, dans certains cas, on l'améliore ou on la détériore, puis on envoie ça, nous aussi, chez des voisins.

Alors, on a harmonisé dans ce pays-là avec un accord du 29 janvier 1998 pour que les provinces puissent, ensemble, quand les barrières se rencontraient, s'entendre, mais, nous, le Québec, bien sûr, on n'a pas signé cette entente-là en 1998. Vous comprendrez que, quand vous êtes un bon péquiste, c'est un peu péché de signer un accord avec le fédéral. Même si elle est bonne, on aime bien mieux tenir la bataille, la petite guéguerre constante, que de signer une entente, même pour des choses telles que, par exemple, des politiques pour les jeunes, des politiques environnementales, des débats où il ne devrait pas y avoir de partis, finalement, où il ne devrait y avoir qu'un objectif à atteindre, M. le Président.

Mais ces gens-là ne sont pas capables, il faut qu'il y ait des petites guéguerres constantes. Puis, dans ce cas-là, bien, ils ont décidé d'avoir une petite guéguerre, alors ce qui fait qu'on est obligé de faire le projet de loi. Le ministre lui-même d'ailleurs disait, dans son court exposé, ce matin: Lorsqu'il s'agit de faire un projet de loi avec une autre province, malheureusement notre Loi de la qualité de l'environnement est silencieuse et ne prévoit rien, ce qui veut dire que, si nous n'adoptons pas une loi pour permettre de conclure des ententes avec une autre juridiction, nous le ferions sans autorisation légale.

Le bon Dieu est bon, il y a une opposition pour lui rappeler, M. le Président, que c'est vrai que sa loi ne le dit pas, mais elle pourrait le dire, s'il avait signé l'accord d'harmonisation le 29 janvier 1998. Heureusement qu'il y a une opposition pour dire aux citoyens: Le ministre, il avait relativement raison, sa loi ne prévoit rien, mais c'est bien parce qu'il veut que sa loi ne prévoie rien qu'elle ne prévoit rien, M. le Président. Les autres provinces n'ont pas ce problème-là.

Alors, le ministre, il est pris à nous faire une loi en grande vapeur, à la fin de cette session, et, encore une fois, comme opposition positive, opposition environnementale, nous allons appuyer le ministre dans sa démarche. Il y a cinq articles, on n'aura pas besoin de l'appuyer longtemps, ce n'est pas un projet de loi bien, bien long. Et, d'ici à ce que nous quittions le Parlement, moi, je vais assurer le ministre que je vais faire tout ce que je peux comme opposition pour collaborer, pour que nous puissions avoir une loi d'évaluation environnementale dans le cas de la rivière Churchill.

Ceci dit, M. le Président, avec un projet comme celui-là, il va falloir permettre aux groupes de s'exprimer. Moi, j'ai commencé un peu avec mon épouse dans les groupes d'environnement il y a une trentaine d'années. Ce n'est pas du monde qui ont beaucoup d'argent, ça, les groupes d'environnement, c'est des groupuscules. D'ailleurs, je vais rencontrer les CRE dans quelques jours, je vais aller leur jaser ça, on va aller jaser ensemble alentour d'une table. Et leur grand problème, c'est qu'ils ont peu de fonds. Les groupes d'environnement sont historiquement des gens qui ont très peu de fonds. Oui, il y a aux États-Unis quelques grandes fondations environnementales, il y a en Europe quelques grandes fondations, mais ici, au Québec, nous avons très peu de ces grandes fondations là.

Et les gens qui iront devant le BAPE, qui iront devant cette évaluation... Étant donné que le ministre voudrait que ce soit tout prêt pour l'an 2002 – ça va aller vite, ça, l'an 2002 – moi, j'invite le ministre à faire ce que d'autres provinces ont fait, ce que le fédéral fait: aider financièrement les groupes à pouvoir bien faire l'ouvrage qu'ils ont à faire devant la commission. C'est finalement ce qu'ils ont été obligés de faire – je m'excuse pour un instant au ministre – dans Hertel–des Cantons. Bien, ils l'ont fait après plutôt qu'au début quand tout brassait pendant la crise, quand le président d'Hydro avec le premier ministre nous ont annoncé que ça nous prenait Hertel–des Cantons absolument et que tout le monde a embarqué là-dedans sans y voir clair.

Moi, ce que j'ai suggéré à l'époque, et ce que je resuggère aujourd'hui, c'était d'aller rapidement, oui, dans ces audiences publiques, mais d'aider les groupes d'environnement financièrement à pouvoir être prêts à nous faire leur présentation. Bien sûr qu'on n'a pas retenu ça comme suggestion. Et ça a eu pour écho, M. le Président, que, deux ans plus tard ou à peu près, on paie encore les avocats, de mémoire, 60 000 $. On aurait été mieux de donner quelques milliers de dollars à des groupes d'environnement pour pouvoir structurer un bon document et voir effectivement le point de vue qu'ils défendaient. Alors, là, ce qu'on a fait, ça a été finalement les frais d'avocat qu'on va payer plus de deux ans plus tard, qui va donner raison à ce groupe-là.

Alors, ce que j'invite le ministre à faire, étant donné qu'il veut aller très vite, très vite pour un projet de cette ampleur-là, et que le projet est immense, un réservoir de 1 000 km²... Imaginez-vous ça, là, 1 000 km²? C'est d'ici à Gaspé, à peu près, c'est plus loin que Gaspé, ça, d'ici, 1 000 km², c'est immense, M. le Président. Moi, je pense qu'il faut aider ces groupes-là.

Qui sont ces groupes-là? Quand je vous dis que les mouvements environnementaux sont bien organisés aux États-Unis, il y a quelques grandes fondations. Ici, au Québec, on a peut-être une ou deux grandes organisations environnementales; les autres, ce sont des groupuscules à gauche et à droite. Quand on va sur la rive nord, bien, là, il y a beaucoup de groupuscules. On va rencontrer, par exemple, les pêcheurs de saumon qui vont être là, les gens qui protègent les animaux, on va rencontrer, bien sûr, toutes les communautés autochtones et inuit, pas des gens qui sont très fortunés, pas nécessairement non plus très organisés. Si on leur demande de tenir tête à des gens comme Hydro-Québec, Newfoundland Light & Power, la province de Québec, la province de Terre-Neuve, vous réaliserez, M. le Président, que ces gens-là – l'expression de chez nous – sont en culotte courte un peu.

(16 h 10)

Je comprends qu'il ne veut peut-être pas le faire pour tous les projets d'environnement au Québec, pour ne pas qu'on ait une surenchère de gens qui soudainement essaient de se trouver des petits salaires puis des petites jobs, mais, dans le cas de la rivière Churchill, moi, j'invite le ministre à faire une exception. Et, si, dans la loi, il voulait le mettre, il pourrait mettre un maximum d'argent. Moi, je serais prêt à aider le ministre là-dedans. Parce qu'il veut aller vite, parce que le projet est immense, je pense qu'on a les moyens au Québec de dire: Écoutez, on va mettre tant d'argent pour s'assurer que les arguments...

Et là on s'aperçoit que ces gens-là ont des choses à dire. Dans Hertel–des Cantons, là, Hydro-Québec ne nous a jamais tout dit, hein? Le ministre ne nous a jamais tout dit. Finalement, c'est une juge. D'abord, c'est les citoyens qui nous en ont dit pas mal, c'est ensuite une juge qui nous en a dit beaucoup, beaucoup, hein? C'est extraordinaire, ce jugement-là. Il faut le lire. Moi qui n'ai pas une formation d'avocat, là, j'ai lu ça deux fois. C'est extraordinaire. C'est d'une logique, c'est implacable. Je comprends que le gouvernement n'a pas voulu aller en appel de ce jugement-là. Et ensuite M. Nicolet, l'enquête Nicolet, 2 500 pages, ils ont visité le Québec pendant un an, et là il nous dit: Écoutez, là, ils n'avaient même pas l'amorce d'une information pour aller dans cette direction-là. Alors, dans le cas de Churchill, le gouvernement a fait son nid, a décidé qu'il inonderait 1 000 km², qu'il travaillerait sur deux rivières. Terre-Neuve est d'accord avec ça. Bien leur soit fait. Une fois ça dit, allons écouter les gens là-bas, mais faisons plus que les écouter.

Moi, j'ai des groupes qui m'appellent constamment, là. Il y a la politique sur les déchets qui va être déposée incessamment par le ministre, la réglementation. On s'attend à ce qu'il dépose ça, à son dire, avant la fin de la session. Alors, vous comprendrez que, sur le terrain, tous ceux qui ont fait des demandes de sites de déchets vont ou bien les approuver ou bien s'opposer sur le terrain. Et, quand ces groupes-là nous appellent pour dire: Écoutez, ça n'a pas d'allure, ce que la compagnie veut faire, ce que la municipalité veut faire, leur première réaction, c'est de dire: Nous autres, on est deux, trois dans la maison chez nous puis on pense que ça n'a pas d'allure; pouvez-vous nous aider, y a-tu moyen qu'on ait de l'aide? Souvent, souvent, ces gens-là ont tellement de volonté qu'ils y arrivent, mais souvent aussi ils sont dans des milieux où c'est relativement facile de rencontrer du monde, d'avoir des alliés, de ramasser un peu d'argent.

Là, on parle de la Côte-Nord, on parle de territoires immenses, hein, immenses. Faut parler à des gens comme notre ami le député d'Ungava qui nous rappelle que c'est plus loin, à partir de la capitale de sa ville à l'autre bout de son comté, que de Québec à Sept-Îles. Je veux dire, c'est des territoires tellement immenses, M. le Président. Alors, quand on va demander à des gens comme ça de venir se faire entendre, là, juste leurs frais de déplacement, les frais pour monter ces dossiers-là... Alors, je ne peux pas insister assez. Si le ministre voulait rajouter un sixième article au moment où il fera le projet de loi, moi, je lui dis, là: Je vais le supporter 100 milles à l'heure et je m'assure que notre caucus et nos confrères et consoeurs qui seront là, en commission parlementaire, appuieront le ministre.

Et on ne parle pas de sommes immenses, ici, M. le Président, là. On parle peut-être, je ne sais pas, de 10, 12, 15 groupes, 20 groupes peut-être qui voudront venir à ces audiences-là, des groupes qui, si on leur payait un peu leur déplacement, un secrétariat pour un petit bout de temps, un peu d'information, un peu de recherche, un peu de dactylographie, un peu d'Internet, un peu de photocopies... D'ailleurs, moi, je le fais à mon bureau à l'occasion.

Quand je vois ces groupes-là qui se battent, je leur dis: Bien, écoute bien, si tu veux prendre une couple de photocopies ici, sur la photocopieuse de l'État, là, je pense que t'as raison de le faire; c'est tes deniers, ça aussi. Alors, à l'occasion, je ne me cache pas de dire qu'il y a eu des groupes qui voulaient aider la société puis que je leur ai dit: Oui, bien, il y a une photocopieuse; si tu veux venir prendre quelques photocopies ici, moi, là, je ne ferai pas un drame avec ça.

J'invite le ministre à regarder ça très positivement, et les groupes d'environnement de ce coin-là lui seraient reconnaissants éternellement. Ça ne veut pas dire qu'il ouvre une porte pour toutes les autres enquêtes du BAPE, absolument pas. On peut faire une exception dans ce cas-là pour les deux raisons que j'ai données, M. le Président.

Pendant que j'ai le ministre devant moi puis pendant qu'on parle d'environnement, pendant qu'on parle d'électricité aussi – parce que c'est ça qui est le sujet – je rappelle au ministre, l'occasion est trop belle, que le rapport Nicolet nous a invités à enfouir les fils électriques. J'étais dans la région, ce matin, de Waterloo, d'Orford, j'étais dans ce coin-là et je regardais les poteaux, comme le dit si bien dans son poème René Lévesque: En France, ils ont le vin; en Italie, ils ont le pape; nous, on a les poteaux. Hein. C'est à peu près ce que disait René Lévesque dans sa chanson. On en a beaucoup, des poteaux, au Québec...

Une voix: Raymond Lévesque.

M. Benoit: Non, pas Raymond Lévesque, Félix Leclerc. Félix Leclerc...

Des voix: Ah!

M. Benoit: ...qui nous rappelle qu'on a les poteaux, au Québec, M. le Président. Alors, le ministre de l'Environnement a l'air au-dessus de son affaire. Ça va bien. Leur programme électoral avait deux pages dans la dernière élection, M. le Président. Celui de l'élection avant avait 37 pages, pour votre information; le dernier programme électoral avait 2 pages. Alors, vous comprendrez que ça va bien. On n'en a pas, de problèmes. La Yamaska, vous pouvez marcher dessus. Il n'y en a pas, de problèmes au Québec, ça va bien. Mais on a eu un E dans la préservation des espèces; E, c'est pour échec, M. le Président. Moi, je pensais que c'était la cinquième lettre: A, B, C, D, E. Ce n'est pas pire, c'est rien que la cinquième lettre sur toute la gang des lettres. Mais non, c'était E pour échec, M. le Président.

Alors, ça va bien au Québec dans l'environnement, tout le monde est heureux. Ceci dit, j'invite le ministre parce qu'il a un ouvrage à faire avec son cabinet, avec son Conseil des ministres. Il n'y en a pas un là-dessus, sauf peut-être celui de Laval un peu plus, qui semble être préoccupé par l'environnement. Hein. Et là, là, on a une recommandation, on a même un projet de société que M. Nicolet nous invite à regarder.

M. Nicolet disait, dans sa conférence de presse: Quand on a commencé à nettoyer nos rivières, au Québec, on a décidé qu'on mettrait 7 000 000 000 $ là-dedans. Ça prendra 30 ans entre le moment où on commencera à nettoyer le premier bout de la première rivière au Québec jusqu'à aujourd'hui. Et ça été un projet qui a donné de l'emploi, ça a été un projet qui a redistribué la richesse, ça a été un projet très valable, celui de nettoyer nos rivières. Il nous faudrait peut-être, pour les 10, 15, 20 prochaines années, M. le Président, un nouveau projet comme ça – et je pense que M. Nicolet a mis le doigt sur quelque chose – comme l'ont fait d'autres pays, d'autres continents, d'ensevelir les fils électriques du Québec. Bien sûr, pas les grandes lignes. On parle du petit réseau. Et le ministre de l'Environnement a une job à faire là-dedans. Pas l'aspect électrique du projet, je vais laisser ça aux autres. L'aspect environnemental. Environnemental visuel. Tout l'aspect écologique visuel, M. le Président.

Les plus beaux villages du Québec sont saccagés par ces millions de poteaux. Il a vu comme moi L'actualité , les 25 plus beaux paysages du Québec. Je vous invite à le regarder de nouveau ce soir, quand vous rentrerez chez vous, L'actualité . Est-ce qu'il y en a beaucoup de ces 25 très beaux paysages, M. le Président, où il y a des poteaux dedans? Il n'y en a pas un. Ça m'a frappé de voir que... ou bien ils ont enlevé les poteaux pour la photo ou bien ils ont pris une photo pas de poteau, mais quelque chose de sûr, c'est qu'il n'y a pas de poteaux dans aucune des photos.

J'invite le ministre à faire la job qu'il a à faire avec ses confrères. M. Nicolet a mis la première pierre. Les environnementalistes vont suivre là-dedans. Mais faut-il encore qu'il y ait une volonté politique de dire à l'Hydro-Québec: Ça commence demain matin puis ça finira dans 20 ans; ça coûtera 7 000 000 000 $, mais, dans 20 ans, quand il y aura une crise d'électricité, quand il y aura une crise de verglas au Québec, le petit réseau, lui, sera sous terre. Il faudrait voir que le grand réseau, lui, soit aux normes, comme dit si bien M. Nicolet. Si le grand réseau est aux normes, si le petit réseau est sous terre, probablement qu'on pourra passer à travers les prochaines crises de verglas sans pour autant aller se bâtir des Hertel–des Cantons comme nous avons fait. Et j'invite le ministre à regarder ça très sérieusement.

On va revenir là-dessus, mais je vous le dis tout de suite, c'est un des angles sur lesquels j'ai l'intention, dans les quatre prochaines années, de le ramener, de le réinviter, de lui en reparler constamment: Qu'est-ce qu'ils vont faire avec la recommandation du rapport Nicolet en ce qui a trait à ensevelir les fils électriques du Québec?

Alors, je me résume, M. le Président. Un, nous allons supporter le projet de loi. Deux, nous allons le supporter parce qu'on pense qu'il aurait fallu qu'ils le fassent dans Hertel–des Cantons, parce qu'on pense qu'ils auraient dû le faire dans Les Éboulements puis parce que le Parti libéral, on croit dans l'évaluation environnementale. Trois, j'espère juste qu'on ne dépensera pas un autre million et demi de dollars à Luc Lavoie pour aller faire un tour d'avion là-bas puis monter un spectacle. C'est des deniers publics bien mal dépensés.

(16 h 20)

Quatre, j'aimerais que ces genres de millions et demi là qu'on dépense en publicité pour faire faire des tours d'avion à notre premier ministre juste avant une campagne électorale, on les donne plutôt à des groupes d'environnement qui, eux, vont défendre un autre point de vue que celui dont l'Hydro-Québec, dont l'Hydro-Newfoundland Light Power vont nous faire part, ou les deux provinces conjointement.

Cinq, il me semble que le délai de 2002 est très court. Très, très court. Moi, j'ai vu d'autres batailles d'environnement, M. le Président, et un projet de cette ampleur-là où on va déplacer deux rivières, où on va inonder 1 000 km², il me semble impossible de réaliser ces études-là sans... Ou bien on va les faire pas sérieusement. Ou bien on va les faire pas sérieusement, c'est-à-dire que, encore une fois, la machine étatique du Québec et celle de Terre-Neuve vont tout simplement nous passer ça sans que personne n'ait pu donner vraiment un point de vue autre et qu'on ait regardé les alternatives.

Et, comme environnementalistes, là, ce n'est pas juste ceux de l'Estrie qui vont se lever, M. le Président, ce sera l'Amérique au complet. Ce sera l'Amérique au complet, et vous savez que les Américains sont très sensibles à l'environnement au nord de leur pays. Et, si jamais le ministre s'avérait de ne pas faire faire la job adéquatement, de ne pas aider les groupes d'environnement et que nos clients américains n'étaient pas satisfaits de la façon dont les évaluations environnementales étaient faites, nous pourrions – je dis bien «nous pourrions», nous ne le souhaitons pas, loin de là – avoir des problèmes avec nos clients. Ils sont très chatouilleux avec ces aspects environnementaux là.

D'ailleurs, le ministre des Ressources naturelles, récemment, nous disait, il nous rappelait que le film de Desjardins lui avait fait mal, que nos exportations s'en ressentaient. Ils sont en Europe, ils sont en Asie, ils sont en Afrique, ils sont en Amérique du Sud, et ils ont eu vent de nos coupes à blanc, autant aux monts Sutton que dans la région de l'Abitibi, M. le Président. Ils ont eu vent de ces coupes à blanc là. Alors, imaginez-vous bien que les Américains, si jamais l'évaluation environnementale n'était pas faite de la bonne façon, à la bonne cadence, avec les bonnes personnes, si jamais nos clients avaient l'impression qu'on a «stampedé» le processus, qu'on a «stampedé» les gens compétents, on n'aiderait pas notre cause. Et ça aussi, il faut le prendre en considération.

Alors, M. le Président, nous allons aider le ministre. Encore une fois, je l'invite à rajouter un sixième article à son projet de loi, et, dès qu'il est prêt à procéder, le Parti libéral, l'opposition officielle, nous allons l'aider à améliorer son projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 60, Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill.

Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le président de la commission de l'administration publique et porte-parole de l'opposition officielle en matière autochtone et député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais participer au débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 60, Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill, Bill 60, An Act respecting environmental assessment of the proposed Churchill River hydroelectric development.

À l'entrée de jeu, je veux faire écho aux commentaires de mon collègue le député d'Orford quant à l'importance d'avoir une concertation sur comment on va procéder pour faire les études environnementales. Il y a trois gouvernements qui sont impliqués, et je pense que mon collègue a bien dit que les impacts environnementaux n'arrêtent pas à une frontière. Alors, quelque chose qui aura des conséquences sur le côté du Québec aura également des conséquences sur le côté de Terre-Neuve, Labrador, et je pense qu'on a tout intérêt de travailler ensemble pour éviter des chevauchements, des dédoublements.

Alors, je pense, peut-être, de la façon dont nous sommes arrivés, au lieu d'aller directement à l'intérieur de l'entente avec nos autres partenaires canadiens, nous avons décidé de faire ça cas par cas, alors on est ici pour faire le débat sur ce projet de loi. Mais, au bout de la ligne, si le résultat... quand on va concerter nos efforts pour faire une seule étude environnementale au lieu de trois, je pense que tout le monde doit être heureux. Alors, sur ça, c'est une bonne nouvelle, et c'est pour ça qu'on va voter pour le projet de loi.

Moi, je veux intervenir sur une phrase uniquement dans le projet de loi, un petit peu pour souligner qu'il y a un autre partenaire qui est très important pour la réalisation éventuelle de ce projet, et c'est la nation innu, c'est-à-dire les communautés montagnaises sur le côté du Québec et les Innu du Labrador, qui font un tout. C'est notre frontière que nous avons mise là, M. le Président, mais les Innu sont des Innu des deux côtés de nos frontières, et ça, c'est un groupe qui a beaucoup à dire si un jour on veut arriver avec la construction de ce projet. Je pense qu'on peut dire: Sans les mettre dans le coup, sans les encourager à devenir partenaires avec la démarche, avec le gouvernement de Terre-Neuve, avec le gouvernement du Québec, nous n'irons pas loin avec ce projet.

Mon collègue le député d'Orford a fait allusion au show, si on veut, à Churchill Falls, mais il faut rappeler aussi que le show a raté parce que, effectivement, on n'a pas informé les Innu. Le premier ministre du Québec et le premier ministre de Terre-Neuve sont arrivés dans des hélicoptères avec Luc Lavoie et tous les trucs de publicité de National, mais un tout petit oubli, M. le Président: les Innu, les personnes de la place, les personnes, un petit peu comme les gens d'Hertel–des Cantons, n'étaient pas dans le coup. Alors, pour un peuple qui...

On a juste à penser à une nation qui a mené la lutte contre l'OTAN. Il y a la base des forces aériennes, au Labrador, qui a persisté à faire des vols à très bas niveau, «low-level flying», en anglais, et ça a eu des conséquences néfastes sur la nation innu, surtout sur le côté Labrador de la frontière, mais dans l'ensemble de la nation innu, qui a mené une lutte, à date, avec très peu de succès contre l'utilisation de son territoire pour les fins de l'OTAN et pour les tests pour les avions de guerre dans ce secteur. Alors, quand ils ont vu arriver le premier ministre du Québec, M. Tobin, tout le monde avec son grand cirque payé au-delà de 1 000 000 $, ils étaient là pour préparer une manif. Alors, malgré tous les beaux plans et les beaux spectacles qui avaient été mis de l'avant, on a dû faire le show, improviser un autre endroit parce qu'on n'a pas consulté les Innu.

Également, dans le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, on ne peut pas être contre la vertu. Alors, quand je lis la phrase: «Toute partie autochtone intéressée peut également être signataire de l'entente», on ne peut pas être contre ça, on ne peut pas être contre la vertu, mais je pense qu'il y a des précisions qui s'imposent. Je pense qu'il y a tout un débat à la fois sur leur capacité de participer dans le processus et à quel titre ils vont participer aussi, M. le Président. «Toute partie autochtone», ils ne sont pas juste les parties, «partie» propose que c'est comme un groupe d'intérêts, c'est comme un groupe environnemental. Avec tout le respect que j'ai pour les groupes environnementaux, je pense que les questions qui sont en jeu pour les autochtones sont beaucoup plus fondamentales. On parle ici des droits issus de la Constitution, les articles 25 et 35 de la Charte canadienne des droits et libertés, des droits issus des traités, etc.

Alors, ce n'est pas juste: On va recevoir les personnes pour la protection de la faune et de la flore, ce sont les personnes qui ont des droits qui sont enchâssés dans nos lois fondamentales. Alors, de les traiter comme une partie intéressée, je pense qu'on peut aller un petit peu plus loin. Je pense qu'il faut aller plus loin, et la raison pour ça, c'est qu'on a vu, avec toute la question de la gestion de la Baie James, que les autochtones sont aujourd'hui écoutés à l'extérieur du Québec. Ils ont une écoute à l'ONU, ils ont une écoute chez d'autres groupes internationaux. Alors, je pense qu'on a tout intérêt, comme société, à les inclure dès le départ.

(16 h 30)

Je pense que la première étude, la première occasion pour vraiment, dans la mesure du possible, les intégrer dans le processus serait effectivement au moment de l'étude environnementale parce que c'est eux autres qui doivent vivre avec les conséquences. L'inondation de 1 000 km², le détournement de deux rivières, ça, c'est quelque chose qui aura des conséquences énormes sur les rivières, sur les forêts, sur la pêche, sur la chasse, sur le climat, sur la faune, etc. Alors, je pense qu'on a tout intérêt, parce que c'est eux autres qui doivent vivre avec les conséquences, à ce qu'ils puissent participer pleinement, avec leur consentement. Peut-être qu'ils ne veulent rien savoir, je ne sais pas, et ce n'est pas à moi de déterminer aujourd'hui dans notre débat la position que la nation innu veut prendre dans ce dossier. Mais je pense qu'on a tout intérêt, si on veut arriver un jour à la réalisation de ce projet, à les impliquer dès le départ.

Et, pour le faire, on parle avec les communautés pauvres, on ne parle pas avec les personnes qui ont accès aux biologistes, aux experts dans le climat, des personnes qui peuvent nous aviser des conséquences pour la forêt. Moi, quand j'ai visité Chisasibi chez les Cris, il y a trois, quatre ans, j'ai fait le constat, comme non-expert, que la rivière est toujours polluée, parce que, suite aux inondations de la forêt, il y a la création de mercure dans la rivière, qui va persister pour un autre x années, 10 ans, 20 ans, 30 ans. On m'a dit que les opinions des experts demeurent divisées, mais il y a toujours le mercure dans la rivière, la grande rivière, à cause du fait que nous avons inondé. Et, dans le processus naturel de désintégration des arbres, ça va polluer la rivière.

J'imagine que ça va être la même chose ici. C'est quoi, les conséquences sur le saumon dans ces rivières? C'est quoi, les conséquences sur d'autre gibier que les Innu vont chasser et vont manger après? Ce sont des questions que ce n'est pas juste avec un bac ou un secondaire V qu'on va être capable de mesurer tout ça, ça prend l'accès à certaines expertises. Et j'invite le gouvernement, au lieu de juste dire que les autochtones sont une partie intéressée qui peut être signataire... Je pense qu'il faut viser quelque chose de plus intéressant.

S'ils acceptent – et, comme je dis, ce n'est pas à moi de le faire – d'embarquer dans le processus, je pense qu'on a tout intérêt à les outiller comme il faut, d'avoir accès aux experts, aux expertises dans nos universités, les chercheurs qui sont capables d'arriver, peut-être même les personnes qui ont fait les études sur les conséquences de la construction du projet de la Baie James. Parce qu'on est maintenant 25 ans après. On a vu soit à Chisasibi soit dans les autres communautés cries les conséquences d'une construction d'un projet de cette envergure-là. Parce qu'on est vraiment en train de changer l'écologie de la Basse-Côte-Nord et que ça aura les conséquences sur les mètres de neige qui vont tomber l'hiver, le nombre de journées ensoleillées l'été, etc. Alors, c'est quelque chose qui prend des ressources nécessaires pour participer pleinement dans les travaux de cette étude environnementale et pour évaluer ensuite les conséquences des changements environnementaux sur leur façon de vivre.

Alors, on peut prendre une position qui va nous amener vers des litiges avec les autochtones. On veut les garder à part. Et c'est un petit peu ça qu'ils ont fait au moment de la conférence de presse, parce que j'étais étonné de savoir que, trois jours avant l'annonce aux chutes Churchill, il y avait une rencontre entre le négociateur du gouvernement du Québec et la table pour les Innu pour discuter de leurs revendications territoriales et qu'on n'a même pas fait référence que: Oh! by the way, le premier ministre va être chez vous en fin de semaine. Alors, quel manque de courtoisie avec nos éventuels partenaires à qui on n'a même pas pris la peine, au moment d'une rencontre qui a eu lieu, comme j'ai dit, à peine trois jours avant l'annonce, de dire: MM. les représentants de la nation innu, les premiers ministres de Terre-Neuve et du Québec vont être à Churchill Falls en fin de semaine ou la semaine prochaine pour faire une annonce sur un projet.

Je pense qu'Hydro-Québec, au dernier moment, a fait un genre de briefing technique d'une heure ou deux pour les aviser: On va détourner cette rivière, on va inonder ce territoire ici, et merci beaucoup pour votre intérêt dans notre projet. Ce n'est pas comme ça. Mais, si on peut tirer des leçons de la Baie James, et je pense qu'on a tout intérêt à tirer des leçons de la Baie James... Et ce n'est pas de dire que c'est une merveille, ce n'est pas de dire qu'on n'a pas fait des ratés dans ce projet, mais c'est un projet innovateur. La Convention de la Baie James demeure quand même un document fondamental très important quant au changement de nos relations avec les peuples autochtones. Mais il faut admettre dès le départ qu'une des conséquences est une conséquence structurante pour la nation innu, tout comme on a vu chez les Cris, Inuit et Naskapis.

Le Grand Conseil des Cris, le fait que les Cris aujourd'hui ont des expertises dans plusieurs domaines est une conséquence directe du fait qu'ils sont conventionnés, qu'ils ont les moyens maintenant de défendre leurs intérêts, de participer pleinement soit à la société d'études environnementales dans la Baie James, au développement économique et à toute autre forme d'autonomie gouvernementale qui découle de la Convention. Et ce n'est pas à dire préalablement qu'une entente avec les Innu, au moment du développement du projet de chutes Churchill, aura les mêmes conséquences, mais je pense qu'il faut prévoir qu'il y aura un impact structurant chez les Innu, et je pense que le projet de loi qui est devant nous cet après-midi est une occasion en or pour nous autres d'essayer de les associer tout de suite.

Alors, au moment d'une étude plus détaillée du projet de loi, on peut trouver un libellé, mais de les traiter comme une partie intéressée, comme un Greenpeace ou d'autres personnes, je pense qu'on a tout intérêt à corriger la situation parce que, à ma connaissance, il y a une volonté chez les Innu. Ce n'est pas un engagement formel, mais les ouï-dire, les discussions que j'ai eues avec les représentants des Innu, il y a un intérêt, même aux questions de c'est quoi, exactement les thèmes de référence pour l'étude, c'est quoi, les questions qu'on va poser, c'est quoi... Mais, comme j'ai dit, pour eux autres qui doivent vivre avec les conséquences, ce sont des questions fondamentales. Et je pense qu'on a tout intérêt, si possible...

Et c'est une remarque bipartisane, parce que les deux gouvernements des deux côtés ont essayé d'arriver avec des ententes avec les Attimakeks-Montagnais, il y avait toutes les discussions avec le CAM, dans le passé; maintenant, on a trois tables de négociation avec les nations montagnaises. Ce n'est pas facile, mais je pense, d'entrée de jeu, qu'on a tout intérêt à bonifier l'offre qui est mise ici, M. le Président, pour s'assurer que les Innu seront plus partenaires dans le coût.

In short, Mr. Speaker, I think we have every interest, we have a golden opportunity this afternoon to extend a hand of partnership and a friendship towards the Innu who, on both sides of our border... It's not their border. The Innu of Labrador and the Innu of Québec are the same people. They've been there since time immemorial. And we have every interest, as a society, to try to get them to evaluate with us the environmental consequences of the Churchill Falls project.

I think we have every interest for them to look at what this will do to their trap lines, what this will do to their traditional hunting, to their fishing, the consequences on the water and the rivers that will be affected by the project, which will change directions. It's a very great engineering challenge we're looking at here this afternoon but that will have direct consequences on how the Innu live and consequences for their future.

We have already in Québec the experience of our hydroelectric development in the James Bay area, which has been there now for about 25 years. And we can look at what we can learn, what environmental things probably shouldn't be repeated, other things that could be done differently. I think it's a wonderful occasion for us, but I look at the way the bill is structured and I look at how any interested native party may also be a signatory to the agreement, and it's too passive, Mr. Speaker. What we need is something held out to them, much more committing them to have the resources, to have access to the expertise necessary to participate in an environmental study of this size.

Because it's a huge project. We're talking about a 1 000 km², I believe, of a reservoir that will be created, that will change how much snow falls in the winter, and how much rain falls in the summer, and how many sunny days there are. It is a large change to the ecology of the area. So the Innu will need access to biologists, to meteorologists, to other people to help to understand the changes.

And, at the end of the day, we must have the Innu, with Newfoundland, with Québec, as partners for this project to go forward. I think that has to be the objective for the Québec Government, that, when we sit down, as we did with the James Bay project, and finalize the agreement, whether it will take the form of an another James Bay Agreement or an Innu nation agreement or something or some other form, that's not for today to be decided, but I think that the Minister here has an occasion to associate the Innu people with an environmental review.

(16 h 40)

Donc, en conclusion, M. le Président, je pense qu'on a tout intérêt, aujourd'hui, pour les intérêts du projet, pour la protection des droits et des intérêts de la nation innu, de s'assurer qu'ils peuvent participer pleinement au processus, dans l'objectif, comme je répète, de les avoir comme partenaires. Parce que, si, en 2002 ou 2003 ou 2004, on veut procéder à la construction d'un autre barrage ou un agrandissement du projet des chutes Churchill, je pense qu'il faut s'associer dès aujourd'hui avec les Innu. Et je pense que le projet de loi n° 60 nous donne une occasion pour le faire. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Y a-t-il d'autres intervenants sur le projet de loi? M. le député de Brome-Missisquoi et leader de l'opposition. Vous n'êtes pas le porte-parole officiel, non? Donc, c'est 20 minutes.

M. Paradis: Député.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, on vous cède la parole, M. le député.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans le cadre du projet de loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill. M. le Président, j'avais préparé des notes, fort ou affaibli par l'expérience de quatre ans et demi comme ministre de l'Environnement qui a eu à porter l'angle environnemental du dossier Grande-Baleine. Mais je me suis dit: Pourquoi ne pas faire profiter l'actuel gouvernement de l'expérience que les gouvernements antérieurs ont acquise – le député de Jacques-Cartier l'a mentionné – dans le cadre du premier projet hydroélectrique majeur, la Baie James, le projet Grande-Baleine? Quels sont les points positifs que l'on peut retenir de ces expériences et quelles sont les erreurs à éviter, M. le Président?

Puis je me suis dit, est-ce que... C'est la conclusion, M. le Président, et je vais vous la donner tout de suite pour qu'on suive bien. Est-ce qu'on est dans le cadre d'un projet de loi qui vise le développement durable, ou est-ce qu'on est dans le cadre d'un projet de loi qui vise à faire de la politique? Et je termine, M. le Président, en laissant les points d'interrogation. Et on va se poser ensemble, si vous le voulez bien, les questions.

On se souviendra que, dans le cadre du projet Baie James comme tel, M. Bourassa avait agi très rapidement à l'époque. Le Conseil des ministres avait mis, si vous me passez l'expression, les bulldozers sur le terrain avec un programme, une idée de bâtir, de construire, de développer. Et on se souvient de ce qui est arrivé: on avait oublié que ce territoire-là était occupé par des communautés autochtones. On se souvient des reculs qu'a subis le projet. On se souvient d'une injonction émise par la Cour supérieure du Québec. On se souvient même, et je m'en excuse auprès du regretté Robert Bourassa, d'un outrage au tribunal commis par le premier ministre du Québec, qui, à l'époque, fort de sa jeunesse, fort de sa fougue, fort de sa confiance dans le projet, avait décidé qu'on allait le réaliser, ce projet, coûte que coûte.

M. le Président, M. Bourassa, qui était un homme sage, s'est rapidement rendu compte qu'on ne pourrait procéder sans des études environnementales complètes, qu'on ne pourrait procéder sans avoir comme partenaires et alliées les communautés autochtones, qu'on ne pourrait procéder, parce qu'il y avait des impacts environnementaux transfrontaliers, sans que le gouvernement du Canada participe à ce projet.

C'est l'ancien député de Mont-Royal, celui qui a été notre doyen jusqu'à tout récemment, qui avait été chargé à l'époque, par le premier ministre, d'asseoir tout ce bon monde là ensemble et de travailler à la recherche d'un compromis qui ferait du projet de la Baie James, oui, un projet de développement économique, mais un projet de développement économique durable, dans le respect des communautés autochtones. M. Ciaccia avait réussi à l'époque ce que d'aucuns croyaient l'impossible – on se replace dans le temps, il y a 25 ans, un quart de siècle, M. le Président – une entente, ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui la Convention de la Baie James.

Moi, je suis surpris de ne pas retrouver dans le projet de loi n° 60 les ingrédients qui sont à la base de cette entente historique qui est encore considérée par les experts en évaluation environnementale comme – et je le dis, je sais que M. Ciaccia va le prendre avec beaucoup d'humilité – un chef-d'oeuvre sur le plan des évaluations environnementales.

Quand le Parti libéral est revenu au pouvoir avec M. Bourassa, M. Bourassa a voulu procéder également rapidement au projet Grande-Baleine. Il avait écrit son livre, L'Énergie du Nord , les gens étaient prêts. M. Bourassa, fort de l'expérience qu'il avait acquise dans le cadre du projet de la Baie James, souhaitait procéder le plus rapidement possible à la mise en branle d'un chantier important. On l'a appelé le projet Grande-Baleine. On a tenté, à ce moment-là, M. le Président, de procéder, je pense, un petit peu comme l'actuel gouvernement tente de le faire. Le ministre de l'Environnement me dit que non; il aura tantôt l'opportunité de distinguer. En tentant d'aller un peu vite, M. le Président, on a commencé à être victime de pressions politiques.

La réputation du Québec à l'étranger... on se souviendra des actions menées par, entre autres, les Cris – les Inuit étaient moins visibles sur la place publique – sur le plan de la communauté européenne. On se souviendra également des actions menées par les Cris sur le marché américain. Et ces pressions politiques nous ont amené des répercussions économiques, M. le Président. Même certains fonds de pension d'enseignants, si ma mémoire me sert correctement, du côté américain ont interdit à leurs gestionnaires de portefeuilles d'investir, de financer un projet qui n'avait pas, sur le plan du respect des communautés autochtones ou sur le plan environnemental, donné les assurances nécessaires.

Moi, je me souviens, M. le Président, d'un moment donné où le débat avait dérapé sur le plan international à ce point tel que toute la diplomatie québécoise sur la planète avait dû être mise à contribution pour éviter que les dommages à la réputation du Québec n'atteignent un point de non-retour. Je me souviens, M. le Président, d'avoir été invité par l'Université de Harvard, qui avait fait un symposium particulier sur ce projet de Grande-Baleine et où, lorsque nous sommes arrivés, le Québec, là, son ministre de l'Environnement, les gens d'Hydro-Québec, les gens de l'Énergie, le ministre responsable des Affaires autochtones étaient placés face à des intervenants qui en savaient pas mal plus sur notre projet qu'on pensait, face à des intervenants qui nous ont rapidement placés sur la défensive.

Mais, parce qu'on avait l'expérience de la Baie James, parce qu'on avait comparé tous les régimes d'évaluation environnementale, celui du Québec avec celui des autres provinces canadiennes, celui du Québec avec celui du gouvernement fédéral, celui du Québec avec celui des principaux pays européens, celui du Québec avec l'ensemble de États américains, celui du Québec avec le régime fédéral d'évaluation environnementale du gouvernement américain... Et on avait porté une attention toute particulière, M. le Président, à celui du Québec avec les États de la côte est américaine, celui du Québec encore plus particulièrement avec celui de l'État du Massachusetts – on se retrouvait à Boston, M. le Président, à ce moment-là.

Et, lorsqu'on a eu terminé le forum, moi, je me souviens de la question que la délégation québécoise avait à ce moment-là adressée aux organisateurs du symposium à l'Université Harvard: Prenez la Convention de la Baie James, et, une fois que vous l'aurez comparée à toutes ces législations et à toutes ces réglementations en matière d'évaluation environnementale, dites-nous où est la faiblesse dans la Convention de la Baie James. M. le Président, c'est l'argument qui nous a permis de reprendre le leadership dans le cadre du dossier Grande-Baleine. Mais on avait perdu tellement de temps parce qu'on avait voulu procéder trop rapidement. On a perdu tellement sur le plan politique qu'on en a perdu ce qu'on appelle les moyens économiques de réaliser le projet, parce que les investisseurs sont devenus timides face à un projet qui n'avait pas passé, franchi toutes les étapes d'évaluation environnementale.

(16 h 50)

Là, on est retournés faire nos devoirs, M. le Président. On a recommencé. On a dit: Ce n'est pas parce qu'on s'est trompé qu'on n'aura pas l'humilité de l'admettre – ce n'est jamais facile, quand on est au gouvernement – et on a repris le processus en associant les Cris, les Inuit, particulièrement, en associant le gouvernement fédéral. Moi, je me souviens d'avoir conduit des négociations avec l'actuel premier ministre, qui, à l'époque, était ministre conservateur de l'Environnement à Ottawa, de dures négociations. À ce moment-là, le fédéral voulait empiéter sur nos juridictions. Le premier ministre actuel était à l'assaut des juridictions québécoises.

Une voix: ...

M. Paradis: M. le Président, heureusement, il a été remplacé comme ministre fédéral de l'Environnement, et c'est l'actuel chef de l'opposition qui lui a succédé. Et assez rapidement, je dois en convenir, nous en sommes venus à une entente qui respectait en tous points les juridictions québécoises en matière d'évaluation environnementale. On a eu à faire face à un exemple de fédéralisme constructif, de fédéralisme d'entente, de fédéralisme qui permet à des évaluations environnementales et à des projets économiques de se poursuivre dans le cadre d'un développement durable. Aujourd'hui, je tiens à rendre hommage au chef de l'opposition, qui avait compris cette nécessité du respect des juridictions québécoises.

Lorsqu'on en revient plus immédiatement au projet de loi comme tel, M. le Président, on se demande: Est-ce qu'il s'agit d'un projet de loi politique ou d'un projet de loi de développement durable? On le replace dans le cadre du départ manqué de ce projet qui est évalué à quelque 10 000 000 000 $. On peut comprendre que, sur le plan des retombées économiques, des investissements, c'est un projet gigantesque, c'est un projet qui est majeur et c'est probablement un projet de loi qui est souhaitable.

Mais le premier geste posé par le premier ministre actuel a été un geste non pas de développement durable, mais un geste politique. Conférence de presse – ça a été souligné très habilement, très correctement par le député d'Orford et par le député de Jacques-Cartier – improvisée, coûteuse, plus de 1 000 000 $ de fonds publics à un ami du régime pour faire ce qu'on appelle du «tape», si vous me passez l'expression, pour une campagne électorale qui était anticipée le printemps passé.

On a agi en catastrophe. En agissant en catastrophe non seulement a-t-on gaspillé des fonds publics au bénéfice d'amis du régime, mais on a également suscité une méfiance chez nos partenaires autochtones. M. le Président, placez-vous à la place de ces gens-là. Vous voyez arriver les hélicoptères sur vos terres, un premier ministre qui descend là avec des caméramans pour faire du «tape», puis les gens n'ont pas entendu parler de ce qui allait se passer chez eux. C'était un petit peu grotesque comme façon de démarrer un projet, et ces premiers gestes là laissent un goût amer aux gens sans la complicité de qui on ne peut pas réaliser de tels projets.

Aujourd'hui, le ministre nous arrive à l'Assemblée nationale et nous dit: Mon projet de loi, j'en ai absolument besoin. Je me dis: Est-ce qu'il en a besoin pour aller s'asseoir avec les représentants des communautés autochtones? Est-ce qu'il en a besoin pour aller s'asseoir avec les autorités fédérales en matière d'évaluation environnementale? Est-ce qu'il en a besoin pour faire ça? Moi, je pense qu'il peut tout faire ça sans son projet de loi. Il me dira que je me trompe. Il me dira que ça prend absolument son projet de loi pour le faire. Mais, si ça le prend absolument, pourquoi y aller de façon aussi timide? Moi, j'ai l'impression qu'on va créer encore un petit peu plus de méfiance.

Il y a des mots dans ce projet de loi là, M. le Président, moi, qui m'inquiètent. C'est le député de Jacques-Cartier qui a parlé tantôt des parties autochtones. On les traite de la façon suivante dans ce projet de loi: «Toute partie autochtone intéressée peut également être signataire de l'entente.» Possibilité qu'on leur donne, mais on ne pense pas qu'on a une obligation envers ces gens-là. Si on changeait le «peut» pour «doit», ces gens-là comprendraient qu'on a du respect pour eux autres, ces gens-là comprendraient que l'Assemblée nationale du Québec insiste pour qu'un tel projet, s'il devait être lancé, commande la participation des autochtones chez qui on va exécuter ces travaux.

Encore plus inquiétant, M. le Président, l'article 2, troisième alinéa. Quand vous lisez ça puis que vous avez été au ministère de l'Environnement pendant quelques années, vous avez été responsable de ce ministère-là, vous vous grattez la tête. «Ainsi, sont réputées satisfaire aux exigences de cette loi et de ces règlements l'étude des impacts environnementaux, les séances d'information et de consultation publiques ainsi que les audiences publiques réalisées dans le respect des dispositions de l'entente.»

Ce qu'on nous dit, c'est qu'il va y avoir une entente, qu'il est possible que les autochtones ne la signent pas, puis, quelle que soit cette entente-là qu'on n'a pas encore vue, nous, comme législateurs, bien, ça va mettre de côté les exigences de la loi et des règlements sur l'étude des impacts environnementaux. On accepte déjà, comme législateurs, que, quelle que soit l'entente, ça met de côté, ça prime.

Ça, M. le Président, c'est de nature à inquiéter non seulement les autochtones, mais également les législateurs de l'Assemblée nationale du Québec. C'est une espèce de chèque en blanc que le ministre de l'Environnement, qui est le même ministre de l'Environnement qui a été impliqué dans le dossier Hertel–des Cantons... Je vois mon bon ami le ministre de l'Énergie ici, avec quelle énergie le ministre de l'Environnement est intervenu dans ce dossier d'Hertel–des Cantons, et je me dis: Inquiétant. S'il a pu être renversé par le ministre de l'Énergie dans le cadre d'un projet de quelques millions, imaginez-vous ce qui va lui arriver dans le cadre d'un projet de plusieurs milliards. Il n'en restera pas épais de notre ministre de l'Environnement mais que le ministre de l'Énergie ait décidé que assez, c'est assez là-dedans aussi.

L'autre élément, M. le Président, qui soulève également de l'inquiétude, c'est le dernier article du projet de loi comme tel, qui contient un principe auquel on n'est pas habitué et, quand on le voit, on est habitué de se méfier. Habituellement, sauf exception, le dernier article se lit: Le présent projet de loi entre en vigueur le jour de sa sanction. C'est la formule consacrée à l'Assemblée nationale du Québec quand on n'a pas des choses à cacher. Mais, quand on a des choses à cacher, on dit à l'Assemblée nationale: Votez le projet de loi, donnez-moi un chèque en blanc, si les autochtones ne signent pas, ça fera pareil, ça met de côté mes exigences environnementales. Puis savez-vous quand est-ce qu'il va entrer en vigueur, M. le Président, le projet de loi dont j'ai absolument besoin, là, avant la fin de la session? La présente loi entrera en vigueur à la date fixée par le gouvernement.

Ça veut dire quoi, ça, en pratique? Pourquoi pas la journée de sa sanction si c'est une loi d'intérêt public dont on a besoin? Ça veut dire qu'on fait ce qu'on appelle, suite au premier show médiatique de la conférence de presse avec les amis de National... On fait un show médiatique à l'Assemblée nationale, puis on s'en va avec le projet de loi, puis il n'est pas en vigueur, puis on s'en sert ou on ne s'en sert pas.

Bizarre, comme façon de procéder dans un projet qui va dépasser les 10 000 000 000 $. Pourquoi agir de la sorte si on a des intentions qui sont correctes, si on a des intentions qui sont honnêtes, si on a des intentions qui visent le développement économique durable, si on vise les véritables intérêts du Québec, M. le Président? Qu'est-ce qui empêche le ministre de négocier avec ses partenaires autochtones, avec son partenaire fédéral une entente multipartite inspirée de la Convention de la Baie James, inspirée de l'entente qu'ont signée ensemble le chef de l'opposition et le leader de l'opposition alors qu'un était ministre fédéral de l'Environnement et l'autre ministre provincial de l'Environnement?

Une voix: Ça allait bien, dans ce temps-là.

(17 heures)

M. Paradis: Ces documents-là ont déjà subi ce que j'appelle le test de l'opinion internationale. Et, une fois que cette entente sera signée entre tous les partenaires, venir à l'Assemblée nationale du Québec, sur la foi et sur la base du résultat de ces négociations, demander à l'Assemblée nationale du Québec de sanctionner, de légiférer une telle entente, de légiférer quant à une telle négociation, à partir de ce moment-là, M. le Président, le gouvernement pourra partir avec quelque chose de solide, avec quelque chose de précis. Il pourra faire les annonces qu'il veut, dans le cadre qu'il veut, parce qu'il l'aura fait dans le respect des partenaires, et dans le respect de l'Assemblée nationale, et dans le respect des évaluations environnementales. Et, une fois que l'Assemblée nationale aura sanctionné une telle loi, le gouvernement pourra, parce que la loi donnera une crédibilité, parce que les ententes auront impliqué toutes les parties concernées, donner une crédibilité à ce projet.

Quand un projet est crédible quant à ses partenaires et quant à son respect de l'environnement, quand il est crédible quant à ses retombées économiques, autant en termes de création d'emplois que de dividendes pour la société québécoise, quand un projet de loi jouit d'une telle crédibilité, il est la garantie que le projet hydroélectrique se réalisera. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi. Alors, il n'y a plus d'autres intervenants. Nous allons céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Paul Bégin (réplique)

M. Bégin: Merci, M. le Président. Alors, très rapidement, si nous n'avons pas pris le modèle de Grande-Baleine, la raison en est simple, c'est que ça ne s'inscrit pas dans le cadre de la loi actuelle qui prévoit deux sections différentes: une, générale, qui s'applique à tous les cas, ou tous les secteurs, sauf celui de la Baie-James, et celle qui est le chapitre 2 qui concerne le chapitre de la Baie-James. Dans ce cadre-là, nous aurions pu conclure une entente particulière, prendre le modèle sur celle qui a déjà été conclue, sauf que ça ne s'applique pas. On est en matière interprovinciale, et il n'y a rien dans notre loi qui prévoit une telle façon de faire une entente. Il faut donc prévoir dans les dispositions particulières la capacité, la possibilité de faire une telle entente.

Deuxièmement, on vise par ça à faire un processus uniformisé, c'est-à-dire à s'entendre avec le gouvernement fédéral – imaginez-vous, on s'entend avec le gouvernement fédéral – avec le gouvernement de Terre-Neuve pour avoir une procédure conforme uniforme qui va satisfaire tout le monde. Et là arrive la présence...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le ministre. M. le whip de l'opposition.

M. Bégin: Ah!

M. Fournier: Oui. Je vous demanderais de constater le quorum, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est 13, je crois, à la table, hein?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous n'avons pas quorum. Je donnerai quelques secondes pour le rétablir, sinon on devra appeler les députés. Nous étions 12, là, alors... Onze.

Alors, écoutez, si... Allez! Sonnez! Il faudrait réagir plus vite, à l'avenir. Nous allons suspendre quelques instants.

(17 h 4 – 17 h 5)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous reprenons nos travaux. Je céderai la parole à M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, je disais: Là intervient le membre de phrase qui dit que «toute partie»... Et là c'est important, le député de Jacques-Cartier ne faisait pas état de cette partie de la phrase, c'est: «Toute partie autochtone intéressée». Ce n'est pas: «Toute partie intéressée». Quand il disait que c'était assimiler les groupes autochtones à un groupe environnemental, en disant: «Toute partie intéressée», on peut penser ça; mais, lorsqu'on dit: «Toute partie autochtone intéressée», ce n'est pas du tout le même type d'assimilation que l'on fait. On dit: Si vous voulez être partie à l'entente, vous pouvez y être. Et je pense que nous ne pouvons pas les forcer à devenir partie à l'entente, mais nous les invitons instamment à devenir partie à cette entente, d'abord l'écrire avec nous, s'assurer que le processus que nous allons suivre à la fois nous satisfasse et soit conforme à nos règles légales qui nous régissent de façon générale, mais également qu'ils soient satisfaits de cette façon de faire. Donc, c'est une main tendue, que nous retrouvons dans cette disposition, aux nations autochtones pour qu'elles puissent être partie à cette entente.

Donc, le délai. Il n'y a pas de délai fixé dans la loi, M. le Président, pour conclure une telle entente. Bien sûr que nous voulons être en mesure de la signer le plus tôt possible, mais il n'y a pas d'exigence. Et j'ai relu le texte pour m'assurer que nous n'avions pas commis une telle chose, mais effectivement il n'y a rien dans l'entente. Donc, le plus tôt possible, nous serons en mesure, avec le gouvernement fédéral, avec le gouvernement de Terre-Neuve, de conclure une entente et nous invitons les nations autochtones que j'ai mentionnées ce matin à venir se joindre à nous pour non seulement la signer, mais l'élaborer avec nous, s'entendre sur la façon de faire pour être certains que, quand nous aurons terminé ce projet, nous serons certains que, sur le plan environnemental, tout a été fait pour avoir un projet conforme en tous points au respect de ces règles qui nous concernent, qui concernent autant les autochtones que les gens de Terre-Neuve, ou encore le gouvernement fédéral, ou nous-mêmes.

Alors, merci, M. le Président. Et je voudrais remercier la collaboration offerte par les gens de l'opposition à l'égard de ce projet. Je comprends qu'ils vont travailler avec nous main dans la main pour faire adopter ce projet. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Ceci met fin au débat sur l'adoption du principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 60, Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Brassard: Alors, je fais la motion, M. le Président, pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Et je vous réfère maintenant à l'article 1.


Projet de loi n° 16


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 1, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 27 mai 1999, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Le dernier intervenant était le député de LaFontaine. Alors, je suis prêt à céder la parole au prochain. Alors, M. le député de Châteauguay et whip en chef de l'opposition. M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens cet après-midi sur le projet de loi n° 16, justement, comme vous l'avez dit, M. le Président, une loi... Je vais reprendre le titre, puis après ça on va regarder le court contenu. C'est peut-être un projet de loi qui aurait avantage, en commission parlementaire, à être retitré. Semble-t-il que le titre ne correspond pas tout à fait au contenu du projet de loi, et on pourra sûrement y voir. Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, ça, c'est le titre actuel. On a l'impression d'une loi générale qui modifie l'ensemble des divisions territoriales et des tribunaux judiciaires.

On s'aperçoit, en lisant les quatre articles de ce projet de loi n° 16 – et, si on oublie le quatrième, qui parle de l'entrée en vigueur, on peut dire qu'il n'y a que trois articles – qu'il ne vise qu'une seule chose, c'est le district judiciaire de Bedford, chef-lieu Granby. Et, essentiellement, c'est un projet de loi qui vise à rompre des promesses qui avaient déjà été faites. On n'a pas beaucoup à s'étonner de cette façon de faire: promesses pour gagner des élections et, après ça, législation pour rompre des promesses. Je trouve donc qu'au niveau du titre on devrait beaucoup parler de loi visant à revenir sur nos promesses électorales et faire en sorte de fermer un palais de justice que le gouvernement du Parti québécois... Et le Parti québécois, avant de fermer, le gouvernement avait dit qu'il était pour rénover.

Je vous fais quelques notes de contexte, M. le Président, pour qu'on puisse suivre de quoi je suis en train de parler essentiellement. Entre 1994 et 1998, donc durant le mandat – on s'en souvient – gouvernemental du Parti québécois, différents ministres de la Justice se sont succédé, et les ministres de la Justice qui se sont succédé ont successivement promis des travaux d'aménagement et de rénovation majeurs au palais de justice de Cowansville. Les promesses se sont échelonnées jusqu'à la dernière campagne électorale. Fin de la campagne électorale, retour à la gestion gouvernementale, étude des crédits. Ce n'est pas l'opération communiqué de presse. On peut dire du gouvernement, lorsqu'il attend la question, qu'il souhaite ne pas en parler. Mais, avec une opposition constructive qui cherche à faire son travail, on découvre, à cette étude des crédits, que le gouvernement du Parti québécois a abandonné le projet.

(17 h 10)

Je fais un point juste ici. Je peux vous dire que, lorsqu'ils veulent faire une annonce, ça se voit. On parlait tantôt de National, on a parlé un peu plus tôt des hélicoptères durant le verglas. Quand on veut faire des annonces du côté du Parti québécois, on ne lésine pas sur les moyens, et tous les moyens financiers sont mis à contribution. Les moyens financiers évidemment viennent de la poche des contribuables.

Dans ce cas-là, il s'agit de fermer un palais de justice pour lequel on s'est engagé à de nombreuses reprises à procéder au réaménagement pour desservir de façon normale, usuelle la population locale, autrement dit pour que ces gens-là reçoivent le service auquel ils ont droit en vertu des taxes qu'ils paient comme l'ensemble des concitoyens du Québec.

Je disais qu'il s'agissait d'un autre projet de loi sur les promesses rompues. Est-ce que vous me permettez, M. le Président, de rappeler qu'il s'agit d'une ligne de conduite adoptée de façon absolue par le gouvernement du Parti québécois? Je vais vous citer quelques exemples. Durant la dernière campagne électorale, pour parler par exemple de la ministre de l'Emploi et du Travail qui avait promis de s'occuper de réforme du Code du travail et des clauses orphelin, on s'aperçoit que les engagements pris ont été rompus quand on voit ce qui a été déposé comme projet de loi.

Je me souviens de cette ministre qui avait pris des engagements, fait des promesses aux téléphonistes de Bell. Vous vous souvenez, M. le Président? Elle s'est levée en Chambre, lorsqu'on lui a dit: Mais ça n'a pas d'allure, vous avez fait des promesses aux gens, vous avez pris des engagements et vous ne les respectez pas, et elle nous a dit: Mais de quoi l'opposition peut-elle se plaindre? J'ai du courage. Elle nous a dit qu'elle avait du courage de ne pas faire ce qu'elle avait promis. Drôle de notion de courage, M. le Président. Des engagements, des promesses tenues à l'égard de ce palais de justice, pendant quatre ans, jusqu'à la campagne électorale.

J'en ai un autre exemple qui me vient en tête, M. le Président. Le premier ministre lui-même, qui, pour arracher des votes – ce qui affecte, soit dit en passant, la légitimité d'un gouvernement – promet la levée du moratoire sur les équipements culturels, notamment sur les bibliothèques publiques. Et ce n'est qu'après l'élection qu'il nous dit: Bien, ce que vous n'avez pas su pendant la campagne, lorsque j'ai fait ma promesse, c'est que je n'avais pas donné d'échéancier. J'avais dit: On va le lever, je ne vous ai pas dit quand. Là, aujourd'hui, il dit: Dans le mandat.

Alors, voyez-vous, on a des promesses, comme dans le cas du palais de justice de Cowansville, des promesses qui ont été faites, dans ce cas-là particulièrement, à de nombreuses reprises, par tous les ministres de la Justice qui se sont succédé, et il faut arracher, à l'étude des crédits, il faut aller arracher une information qui commençait à poindre, due à l'absence d'avancement des travaux. Là les gens se disent, après un bout de temps: Bien, coudon, ils ont beau nous promettre qu'ils vont le réaménager, qu'ils vont le refaire, à un moment donné, quand ça fait un bout de temps, tu dis: Ils sont-u sérieux? Et puis, lorsqu'on va poser des questions, on s'aperçoit qu'ils ont abandonné le projet. Promesse rompue.

Est-ce qu'il n'y a pas lieu de regarder aussi ce que ce projet de loi là fait? Ce qu'il fait, c'est qu'il décrète l'abandon sans aucune consultation avec des partenaires directement concernés, impliqués, qui sont en besoin face à ces outils, ces instruments de justice qui servent à établir le lien de confiance entre les citoyens et l'État. Le bâtonnier du district de Shefford se plaint que la région n'a pas été consultée dans ce dossier. Ah non! Ah non! vous pouvez être sûrs qu'avec le gouvernement du Parti québécois, quand c'est pour rompre une promesse, ils n'en parleront pas à grand monde. Quand c'est pour faire la promesse, ils vont s'aligner plein de monde pour la photo; là, là, ils vont se faire voir. Mais, quand vient le temps de rompre les promesses, on trouve plein d'arguties, plein d'arguments. Là, tout à coup, on abandonne le projet. C'est l'image que le Parti québécois laisse comme parti gouvernemental.

Et, si vous voulez avoir la suite des événements de cette image et de cette façon de faire, bien, ce projet de loi là et la situation qu'il y a à l'égard du palais de justice de Cowansville dépeignent complètement la façon de faire, la recette qu'utilise le Parti québécois comme gouvernement. Alors, vous voyez, pendant quatre ans on annonce qu'on va rénover, qu'on va agrandir, qu'on va l'adapter, qu'on va donner à la population les services auxquels elle a droit. Arrive un moment de réalité, l'opposition pose des questions, demande au gouvernement de rendre des comptes. On s'aperçoit qu'ils n'étaient pas sérieux dans leurs promesses, qu'ils ont abandonné le projet. Alors, évidemment, là, les gens n'étaient pas au courant de ça; on a fait de la publicité seulement pour la promesse, pas quand on a rompu la promesse. Alors, là, les gens découvrent ça maintenant; alors, ça crie. Puis là les gens disent: Mais comment ça? On n'a pas été consultés quand le gouvernement a décidé de rompre sa promesse. Et le gouvernement, qui se trouve dans une fâcheuse situation, vous en conviendrez, M. le Président, recourt à l'arme ultime, son arme favorite, il va lancer un ballon de marketing. Alors, un peu plus tard, voyant que l'abandon commence à être mal reçu, là, on laisse entendre... et on donne un contrat à une firme spécialisée pour évaluer la possibilité de créer une maison régionale de la justice.

Là, là, ça me fait penser à un autre dossier que j'ai dans mon comté, le dossier des lagunes de Mercier. Il y a eu une étude, un rapport du BAPE, une grande enquête publique du BAPE qui a été faite à l'égard des lagunes de Mercier en 1994. En octobre 1994, le rapport a été déposé. Ils demandent que, instamment, la décontamination commence et ils demandent qu'on mette sur pied un centre d'expertise, de recherche. Si je vous disais... Même si, M. le Président, vous pouvez avoir de la misère à être convaincu de ce que je vais vous dire, je vous comprends, ça n'a presque pas d'allure, mais pourtant c'est la triste réalité. C'est en octobre 1994 que ce rapport-là a été rendu public. Depuis ce temps-là, le gouvernement a fait – je vais vous le montrer – rien, zéro, rien. Il y a eu des comités, trois comités en fait, qui ont été mis sur pied. J'ai demandé, aux crédits, cette année, au ministre, combien de fois les comités s'étaient réunis l'année passée. Savez-vous combien de fois ils se sont réunis, chacun des comités – il y en a trois – savez-vous combien de fois? Je vais vous le montrer: zéro. Jamais réunis. Ils ne se sont jamais réunis.

Là, je reviens à mon exemple du ballon de la maison régionale. On donne un mandat à une firme de vérifier si on ne ferait pas une maison régionale pour apaiser les gens qui constatent qu'ils ont été trompés. Bien, chez nous, on a le BAPE qui a dit: Il faut un centre d'excellence, de recherche. Le gouvernement a su ça. Il a dit: On va faire une étude de faisabilité pour voir si ça a de l'allure de faire ce que le BAPE dit. Ça fait qu'ils dépensent de l'argent, 50 000 $, pour une étude de faisabilité. Évidemment, c'est une étude qui étudiait ce qui avait été étudié par le BAPE et arrive à la même conclusion: ça en prend un. Bon. Alors, tu demandes au gouvernement, tu dis: Il est rendu où, mon centre d'excellence, mon centre de recherche? Bien, là, ils nous disent: Ça va nous prendre une étude de faisabilité. Mais tu dis: Mais un instant, là, vous venez de la faire. Ça a coûté 50 000 $, puis vous avez fait une étude de faisabilité. Elle vous a dit la même chose que le BAPE. Vous n'allez pas nous faire une autre étude de faisabilité. Savez-vous ce qu'on a eu comme réponse? Ah! vous vous trompez, ce qu'on a fait, c'est une étude d'opportunité; là, on est rendu à l'étude de faisabilité. Qu'est-ce que ça va être tout à l'heure, M. le Président? C'est un dictionnaire de synonymes que ça nous prend pour suivre ce gouvernement-là. Ce ne sont que des étapes pour apaiser le bon peuple.

On prend tous les trucs du marketing pour essayer d'apaiser la population, mais, en bout de piste, ce qui compte pour les citoyens, ce qu'il faut qu'on regarde, ce sont les actions réelles. Est-ce que, à une promesse, correspond un acte? Est-ce qu'un engagement est tenu? Si ce n'est pas le cas, M. le Président, ce n'est qu'une opération qui induit toute une population en erreur, qui pense que le gouvernement s'occupe bien d'elle, mais qui, en bout de compte, lorsqu'on scrute chacune des actions, s'aperçoit qu'elle a été, en toute occasion, trompée. Et c'est ça qu'il faut s'assurer dans des projets de loi comme ceux-là, s'assurer que le gouvernement ne va pas manquer à ses engagements.

Vous savez, ça me fait penser à un autre exemple, on en a parlé. Je pense qu'on va reparler de ça cette semaine. On a créé, il y a deux ou trois ans, le ministère de la Métropole, et, lorsque ça a été créé – je m'en souviens comme si c'était hier – le premier ministre disait: Voilà l'exemple qui montre combien nous avons à coeur la relance de Montréal. Je ne lésine pas sur les moyens, je crée un ministère de la Métropole.

(17 h 20)

Mais ce n'était qu'un ballon politique, ce n'était que du marketing, parce qu'il n'y avait rien dans cette nouvelle structure. Hormis des fonds donnés à une bureaucratie, il n'y avait rien pour les services aux citoyens. C'est tellement vrai qu'on n'en a même pas fait accoucher un pacte fiscal pour lequel, je me souviens encore, Jacques Parizeau se faisait prendre en photo avec Jean Doré, à l'hôtel de ville de Montréal, en 1994. Ce n'est pas d'hier, là. On promettait pour l'année qui suivait, en 1995, un pacte fiscal. On a résumé le tout par un beau ballon politique, du marketing, qui aujourd'hui vient à un retour sur terre. Le ballon revient sur terre, on abolit le ministère de la Métropole. Fin du marketing. On a fait ce qu'on avait à faire, on a donné l'impression.

On dit souvent, et c'est malheureux, en politique, que tout est affaire de perception. Mais quand est-ce que ce gouvernement va faire autre chose que de la gestion de perception? Et je ne parle pas, ici, de la perception d'impôts. Je ne voudrais pas revenir sur les dossiers malheureux des différents ministres du Revenu. Tout est affaire de perception, et ce n'est que ça que fait ce gouvernement. C'était vrai pour la métropole, il n'y a pas un exemple meilleur que celui-là aujourd'hui, cette semaine, lorsqu'on parle de l'abolition du ministère de la Métropole après en avoir fait un outil de marketing.

C'est la même chose avec cette étude qu'on fait pour créer une maison régionale de la justice. S'il avait été sérieux, si le gouvernement avait été sérieux là-dedans, est-ce qu'il aurait vraiment attendu que tout le monde dans le champ, sur le terrain, tous les intervenants soient maintenant outrés? Il l'aurait fait avant. Mais on voit bien, la séquence des événements en est la preuve elle-même, que ce gouvernement ne gère que par perception, et c'est la preuve que ce gouvernement n'est pas sérieux dans ses engagements. Pendant quatre ans, on se dit: Ce palais de justice, concitoyens, vous y avez droit. Et, lorsque poussé dans ses derniers retranchements pour voir si jamais un jour l'engagement sera tenu, on découvre qu'il n'a jamais été de l'intention du gouvernement de donner suite à ses engagements et qu'au contraire ce projet est abandonné. Et, lorsque l'ensemble des intervenants constatent qu'ils ont été leurrés, on leur répond, tout à coup, par une dernière invention: Nous allons étudier s'il n'y a pas lieu de remplacer le palais de justice par une maison régionale de la justice, ce qui se fait par la suite.

Comment peut-on croire que ce gouvernement est sérieux dans la délivrance de services à nos concitoyens? Et c'est ça qui m'importe, M. le Président, d'attirer l'attention de l'ensemble de la population là-dessus. Le gouvernement du Parti québécois est une machine à propagande, une machine à marketing politique pour que les gens aient une impression. Il se donne une couleur de modernisme et ne nous propose que l'immobilisme, ne nous propose que la régression. Il m'importe que la lumière enfin jaillisse, que ce gouvernement soit vu pour ce qu'il est, un gouvernement qui s'engage et un gouvernement qui ne remplit jamais ses engagements.

Et c'est vrai dans de tellement nombreux projets de loi! J'en ai un ici, celui qui est sous étude, qui ne concerne pourtant qu'un palais de justice de Cowansville pour lequel pendant quatre ans on a dit: On va le réaménager. On a dit à tout le monde: On s'occupe de vous, vous avez le droit à des services. Et puis, en cachette, on n'était même pas sérieux, on abandonne le projet. Je me dis, M. le Président, qu'il faut être aux aguets, et soyons-le, dorénavant, soyons-le! Il faut savoir décoder chacun des engagements, chacun des discours, chacun des mots que prononce chacun des membres de ce gouvernement, à commencer par le premier de ses membres, le premier ministre lui-même. Vous allez voir au cours des prochains mois – il nous l'a annoncé durant le weekend – qu'on va en entendre, des discours pour créer des conditions gagnantes. Elles sont de la même nature que celles que je viens d'énoncer à l'égard de tant de projets de loi. Ce sont des propos qui seront tenus pour faire impression, pour donner une perception. C'est de l'essence de la propagande. On appelle ça créer des conditions gagnantes; cela signifie conditionner l'esprit de l'ensemble des Québécois et des Québécoises pour les amener là où ils ne désirent pas aller.

C'est pourquoi le débat sur la question claire a son importance. Si le gouvernement du Parti québécois veut vraiment s'assurer d'une légitimité de démarche, rien de plus normal que de dire oui à la question qui est posée: Est-ce que la question sera claire? Mais non, le gouvernement du Parti québécois n'est même pas capable de prendre l'engagement d'une question claire. Et, imaginez, même s'il prenait l'engagement, on pourrait déjà le mettre en doute, parce que chaque engagement qui est pris par ce gouvernement doit être mis en doute parce que non tenu.

Je le disais à l'égard des coûts de marketing de la Métropole. Je le disais à l'égard de la réforme du Code du travail ou des promesses pour les téléphonistes de Bell. Je l'ai dit à l'égard du moratoire sur les bibliothèques publiques, la levée du moratoire. Combien de promesses non tenues, M. le Président? Comment ne pas voir là une ligne de conduite, une façon de faire, une marque de commerce du Parti québécois? Je vais leur promettre et je vais rompre ma promesse. Vous allez voir, durant un an, combien de discours, combien de propos seront tenus pour amener les Québécois à avoir une perception, à développer chez eux le goût de quelque chose qu'ils ne veulent même pas. C'est ça, conditionner. C'est ça, créer les conditions gagnantes. Et c'est inquiétant dans un régime démocratique. Dans un système démocratique, voilà quelque chose de très inquiétant.

Et je prends le temps de m'arrêter là-dessus en discutant de ce projet de loi à l'égard du palais de justice de Cowansville qui n'est qu'un autre exemple...

Une voix: C'est ça.

M. Fournier: ...d'une marque de commerce de mieux en mieux implantée et que l'on saura découvrir à chaque virage et à chaque tournant, et je vous annonce, pour l'année qui vient, beaucoup de promesses de ce genre qui ne seront pas tenues. On va faire miroiter plein de choses et, après ça, on va s'étonner que le lien de confiance soit rompu entre nos citoyens, nos concitoyens et l'État et cette société que l'on chérit tant.

M. le Président, je pense que c'est faire oeuvre pédagogique que d'intervenir sur ce projet de loi pour attirer l'attention de l'ensemble de nos concitoyens sur une marque de commerce que nous devrions remettre sur les tablettes pour longtemps. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay et whip en chef de l'opposition. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Limoilou. M. le député.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de parler sur le projet de loi n° 16, projet de loi qui s'intitule Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Beau titre, mais, dans la réalité, qu'est-ce que veut dire ce projet de loi n° 16? Ce projet de loi n° 16 vient tout simplement fermer, pour ce gouvernement – tout simplement fermer, pour ce gouvernement – le palais de justice de Cowansville. Quel impact, M. le Président, pour la population? Pendant quatre ans, les gens d'en face ont eu à prendre une décision, parce qu'on avait déjà annoncé les rénovations du palais de justice de Cowansville. On a effectué des travaux au projet de Cowansville. Probablement quelques millions de dollars dépensés dans la rénovation du projet de Cowansville.

Les anciens ministres de la Justice, le député de Louis-Hébert, le député de Laval-des-Rapides, ont cherché une solution, ont mis un moratoire, ont compris que, dans la région, dans la municipalité de Bedford, il y avait une certaine unité, c'est-à-dire de maintenir les services à la population. Tout d'un coup, arrive l'élection, une nouvelle ministre de la Justice arrive. M. le Président, par qui a été influencée la nouvelle ministre de la Justice? Peut-être le vice-premier ministre? Peut-être le ministre du Revenu? Peut-être le ministre des Finances? Peut-être les trois ensemble réunis? Qu'est-ce qui fait que, tout d'un coup, on s'attaque à la région et à la belle ville de Cowansville?

(17 h 30)

Depuis quelques années, on essaie carrément... Et – je vois le ministre des Régions qui est juste en face de moi – on a créé, avec l'arrivée de ce gouvernement, hein, le ministère des Régions. On a créé des structures, on a créé des postes de hauts fonctionnaires, amplement, pas de problème. Un sous-ministre adjoint par région, rien de trop beau. Puis, en même temps, on fait quoi de ce côté-là, M. le Président? On coupe les services à la population. Juste dans la ville de Cowansville, on a fermé la voirie du ministère des Transports, on a fermé la prison de Cowansville en 1995. En 1999, on ferme le palais de justice, et on parle même, M. le Président, de fermer l'hôpital de Brome-Missisquoi. Ça, M. le Président, c'est ce qu'on appelle l'autre façon de gouverner.

Il y a au moins une chose, les gens du comté de Brome-Missisquoi ont compris, avec le dernier thème de la campagne, vous vous rappelez: J'ai confiance . Je ne sais pas quelle est la stratégie du gouvernement en place. Est-ce qu'on veut couper le droit de parole au leader de l'opposition? Est-ce qu'on veut bâillonner le leader? Mais, si c'est ça, M. le Président, l'autre façon de gouverner... Puis je vois le ministre des Régions, très attentionné par sa lecture; j'espère qu'il est préoccupé, parce qu'il y a une chose que je sais: ce n'est pas la création des CLD qui va rouvrir le palais de justice de Cowansville, ce n'est pas ça qui va rouvrir les services de voirie du ministère des Transports, ce n'est pas ça qui va rouvrir la prison de Cowansville.

Mais le ministre des Régions n'a pas l'air très, très préoccupé par ça. La ministre de la Justice non plus. Elle arrive, pas trop au courant du dossier. Les deux anciens ministres réussissent à retarder la décision. Ils permettent, M. le Président... Mieux que ça, le 1er février 1999, la ministre d'État aux Affaires municipales écrit au préfet de la MRC de Brome-Missisquoi, M. Jacques Charbonneau, pour lui accorder une étude de faisabilité que le ministère s'engage à rembourser jusqu'à concurrence de 25 000 $. On n'attend pas le résultat de l'étude, on prend la décision. On ferme, M. le Président. On a dépensé quelques millions de dollars, ce n'est pas grave. On coupe les services à la population, ce n'est pas grave non plus. Il n'y a rien là, M. le Président. On a créé le ministère des Régions. On a créé des centres locaux de développement. Eux, ils vont prendre la relève, ils vont offrir des services à la population.

Je me demande, M. le Président, sérieusement, où s'en va ce gouvernement en fermant carrément des services à la population. Mieux que ça, il y avait tellement un consensus dans cette région pendant des années, probablement que le gouvernement a utilisé ce qu'on appelle en gestion la gestion du temps, on retarde la décision, on retarde le plus longtemps qu'on peut, en espérant peut-être que quelqu'un va prendre la décision tout seul, M. le Président. Tellement consensus que la présidente du Parti québécois, dans le journal La Voix de l'Est du 18 février dernier, en titre: Je démissionne parce que le comté est abandonné par le gouvernement .

Ce n'est pas le député de Limoilou, là. Il ne vit pas là-bas, le député de Limoilou, lui. Mais, elle, la députée du Parti québécois, est-ce qu'elle vit là, M. le député d'Abitibi-Ouest? Vous me regardez. Probablement que oui, la présidente de l'association du Parti québécois, elle, vit dans la région du comté du député leader de l'opposition. C'est dit: «Le gouvernement du Québec n'a pas l'intention de procéder à l'agrandissement et à la rénovation du palais de justice.»

Un instant, M. le Président. La présidente du Parti québécois de Brome-Missisquoi, Mme Pierrette Saint-Onge, dit avoir eu la confirmation de deux fonctionnaires du ministère de la Justice que non seulement il n'y aura pas d'agrandissement ni de rénovation de l'édifice de Cowansville, mais qu'il sera définitivement fermé, M. le Président. Moi, je le sais, vous vous êtes battu pour l'hôpital dans votre comté. Vous étiez seul, M. le Président, mais vous vous êtes défendu pour votre population. Et ce que la présidente du Parti québécois essaie de faire dans son comté, c'est la même chose. Elle a mis sa tête sur le billot. Elle a été obligée de démissionner.

Je vais plus loin et je la cite: «"La Cour du Québec, la Cour supérieure, tout ça sera enlevé à Cowansville, et le palais de justice fermera. C'est ce que j'ai appris de source sûre", affirme Mme Saint-Onge, qui à la suite de ces événements a décidé de remettre sa démission au Parti québécois au cours des prochains jours. "Je démissionne parce que le comté de Brome-Missisquoi est abandonné par le gouvernement."» Ce n'est pas grave, M. le Président, on a créé le ministère des Régions, le ministre est ici, en Chambre. On a créé les CLD. Ça, ça va aider le développement économique local. Mais pensez-vous que ça aide le développement économique de la ville de Cowansville quand on ferme la voirie, quand on ferme le palais de justice, quand on ferme la prison, quand on veut fermer l'hôpital? C'est des services directs, des services publics à la population, et on les ferme. Nous perdons toutes nos institutions. Cowansville va finir par fermer si ça continue. Ça ne peut pas être plus clair que ça, M. le Président. «"La ville de Cowansville va finir par fermer si ça continue" – ce n'est pas mes paroles, c'est les paroles de la présidente de l'Association du Parti québécois – déclare la future ex-présidente du Parti québécois.»

M. le Président, c'est inquiétant de voir ce qu'on appelle, dans le jargon du gouvernement, l'autre façon de gouverner, quand ce n'est pas d'essayer d'attirer la population avec des thèmes comme J'ai confiance .

M. le Président, je vous ai dit tout à l'heure que la ministre des Affaires municipales avait écrit pour accorder une subvention pour faire une étude de faisabilité, mais j'ai oublié de vous dire aussi, en même temps, que la ministre de la Justice, elle aussi, a accordé une subvention: «Il me fait plaisir de vous informer avoir pris connaissance de la résolution 366-12-98 adoptée par la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi. Je consens à octroyer une aide financière de 9 715 $, représentant 50 % des études de faisabilité pour une maison régionale de la justice à Brome-Missisquoi.» Ça, c'est le 16 février dernier, et c'est adressé à M. Robert Desmarais, directeur général de la municipalité de Brome-Missisquoi, et c'est signé: ministre de la Justice, Procureur général, Mme Linda Goupil. Et en même temps qu'elle signe le 18 février – il m'en manque une – la ministre de la Justice vient confirmer officiellement que le palais de justice de Cowansville va fermer.

Mais ne s'arrêtent pas là les appuis à la ville de Cowansville. Dans le journal local, on titre L'effritement des services gouvernementaux fait vraiment mal à Brome-Missisquoi . C'est une lettre ouverte écrite par Mme Suzanne Tardif, coordonatrice d'un organisme pour femmes, qui s'occupe de violence pour femmes, et qui représente l'association Horizon pour elle. Je vais vous en citer quelques mots, parce que ça décrit bien la situation. Depuis tantôt que je vous parle qu'on veut bâillonner le leader de l'opposition, qu'on veut enlever le droit de parole du leader de l'opposition. Et on le fait de quelle façon? Un peu par intimidation, en fermant carrément les services à la population.

Je reviens au groupe Horizon pour elle, M. le Président: «Je me souviens de l'importance de nos institutions près du milieu de vie des gens de Brome-Missisquoi – c'est Mme Tardif qui parle. La situation des femmes victimes de violence conjugale dans Brome-Missisquoi est des plus alarmantes. Avec la fermeture des centres de détention locaux, les policiers de la région, lorsqu'ils se rendent dans un domicile pour un cas de violence conjugale, n'arrêtent que rarement le conjoint violent, car ils se retrouvent seuls avec une patrouille pour assurer les services dans leur communauté et ne peuvent pas se déplacer à Sherbrooke ou à Montréal. Donc, où est la protection des femmes victimes de violence conjugale?» demande Mme Susanne Tardif, coordonnatrice du regroupement Horizon pour elle.

Voyez-vous, M. le Président, comment il est inquiétant de couper des services à la population dans une municipalité comme celle-là? Les policiers ne savent pas quoi faire avec celui qui a attaqué une femme. On est trop loin, M. le Président, des prisons et des palais de justice de Sherbrooke.

(17 h 40)

Et je continue à citer: «Avec la fermeture du palais de justice, Horizon pour elle devra assumer les frais de déplacement dans les accompagnements sociojudiciaires et dans les demandes de services d'assistance juridique. Donc, 64 km de plus et deux heures de plus avec quel budget – demande Mme Suzanne Tardif? Heureusement, les femmes auront quand même le moyen de se faire entendre par la loi. Mais qu'adviendra-t-il à toutes les autres qui n'ont pas le recours à des organismes comme nous qui les accompagnent, les aident et qui n'ont pas les moyens de se rendre à la ville voisine qui est celle de Granby?»

M. le Président, il est plus qu'inquiétant de voir comment le gouvernement, dans cette autre façon de gouverner... On l'a vécu en santé, on l'a vécu en éducation, on est en train de le vivre en justice où constamment on coupe dans les services à la population. Pour quel objectif? J'écoutais en fin de semaine le Conseil général, le bulletin de nouvelles. On a hâte de débattre de quoi?

Des voix: C'est le Conseil national.

M. Després: Ah! excusez-moi. Le Conseil national. Excusez. Nous sommes... Déformation professionnelle, M. le Président. Voyez-vous, déjà le fan club gouvernemental est en train de se faire valoir. Je vois que le leader est très préoccupé de suivre ses troupes. Donc, il va s'occuper de ramener à l'ordre son fan club gouvernemental, hein?

L'autre façon de gouverner, M. le Président, parce qu'on est pressé, c'est qu'il faut couper dans les services à la population parce qu'on a un objectif qui est très important au Parti québécois. Au Conseil national – pour faire plaisir aux députés – on en a parlé toute la fin de semaine, hein, on a hâte de débattre encore une fois d'un futur référendum. Et quand? Apparemment le plus tôt possible. Ces gens-là sont très pressés, beaucoup plus préoccupés de parler de souveraineté, d'un prochain référendum que de s'occuper des services à la population de la ville de notre leader de l'opposition, la ville de Cowansville. Ça, ce n'est pas grave, il n'y a pas de problème, on ferme la prison, on ferme le palais de justice, on parle peut-être de fermer l'hôpital, on ferme la voirie, pas de problème. Mais, quand c'est le temps d'investir du temps, des énergies, des débats pour parler de faire un référendum, dépenser des fonds publics, pas de problème, ça, ça va, il reste de l'argent.

On a parti un projet de rénovation, on a déjà dépensé quelques millions de dollars, mais la ministre, elle nous a dit: Inquiétez-vous pas, on va sauver toutes les jobs. Puis l'édifice, M. le Président, c'est un édifice patrimonial, n'oubliez pas ça. On va en faire quoi? Le savez-vous? Moi non plus. Je ne suis pas sûr qu'ils le sachent eux autres non plus. Puis, au bout de la ligne, au fond, on va économiser quoi monétairement? Vous ne le savez pas, hein? Apparemment, environ 150 000 $ par année, et ça, pour couper les services de justice à la population dans une région et carrément dans la ville du leader de l'opposition.

Mais ce qui est le plus fascinant, c'est que ça s'adresse, M. le Président, carrément toujours dans le comté du leader de l'opposition. Je ne sais pas si on veut l'arrêter de parler, je ne sais pas si on veut lui couper son droit de parole, je ne sais pas si on veut essayer de l'influencer, je ne sais pas si le ministre du Revenu, le ministre des Finances, le vice-premier ministre a trouvé le dernier mois un petit peu difficile, long, pénible.

La ministre de la Justice venait d'arriver, le projet était sur la table depuis maintenant quatre ans. On a dépensé quelques millions de dollars, M. le Président, dans ce projet-là. Les anciens ministres de la Justice l'ont reporté d'année en année et mis un moratoire, étant, eux, peut-être préoccupés par les services à la population. La nouvelle ministre arrive, ne connaît pas trop, trop le dossier. Ce n'est pas long à décider, elle accorde une subvention, on va faire des projets-pilotes. Deux jours après avoir écrit sa lettre, du 16 au 18, ça y est, c'est fermé.

On s'est aperçu de ça. L'étude des crédits est arrivée. Il n'y avait plus d'argent. On avait pris les budgets d'immobilisation, on les avait sortis de là. On les a mis où, dans quel comté? Je ne le sais pas. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que ça ne se reflète pas dans les services à la population. Puis il y avait un consensus, M. le Président, partout dans la ville de Cowansville, dans la région. Le préfet, tout le monde était d'accord. Il fallait maintenir les services à la population.

Je vous le répète, la présidente de l'association du Parti québécois, une de vos amies, M. le député... Hein? Elle vous parle encore? Oui? O.K. Elle ne demeure pas dans votre comté? Non? O.K. Mais je suis un peu inquiet, M. le Président, de voir comment on prend à la légère les services à la population. Moi, je suis inquiet. On crée des ministères comme celui des Régions, je vous le disais tout à l'heure, on crée des structures, on crée des postes puis on enlève les vrais services à la population.

Le développement économique de la ville. Avez-vous déjà pensé quel impact peut avoir... C'est l'équivalent, M. le Président, de 400 emplois directs ou indirects pour cette municipalité. Avez-vous pensé quel est l'impact économique quand ce sont des emplois stables qui, à tous les jours, vont au restaurant, vont au nettoyeur, font vivre l'économie de cette ville-là? C'est des emplois qui vont se perdre et qui ne reviendront jamais. Il ne faut jamais dire «jamais». Peut-être qu'avec un changement de gouvernement on va pouvoir réinstaller des services à la population dans cette ville-là, M. le Président.

Parce que, connaissant le leader de l'opposition, lui, il va prendre les engagements, lui, il va se battre pour les services à la population, comme, vous, vous avez fait, M. le Président. Parce que je viens de la même région que vous puis je vous ai vu travailler. Il y a juste une chose, par exemple, c'est que le gouvernement, lui, M. le Président, il n'écoute pas. Il est obsédé par son objectif, on l'a vu au Conseil national en fin de semaine. Un seul objectif: on s'occupe de l'avenir de la souveraineté. Et c'est pour ça, M. le Président, que je voterai contre le projet de loi n° 16. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Limoilou. Le prochain intervenant, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait extrêmement plaisir, et c'est un devoir que je m'impose aujourd'hui de prendre la parole sur le projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, Bill 16, An Act to amend the Territorial Division Act and the Courts of Justice Act.

Je dis «un plaisir» parce que ça fait partie de notre devoir, comme membres de l'opposition, comme élus, de jeter un peu de lumière sur les erreurs d'un gouvernement, mais ce n'est définitivement pas un plaisir de constater ce qui est en train d'être fait ici aujourd'hui.

M. le Président, pour comprendre le contexte d'un projet de loi, pour bien l'interpréter, je me permets de donner un autre exemple de division judiciaire, de district judiciaire, et certains événements qui ont eu lieu au cours du premier mandat du Parti québécois. Comme vous le savez peut-être, le palais de justice de Laval est situé dans le comté que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale, le comté de Chomedey. Vous vous souviendrez peut-être aussi que, avec mon vis-à-vis, lorsque j'étais porte-parole en matière de justice, on a souvent eu des débats assez vifs, vigoureux, pour ne pas dire plus, et on était fort surpris de constater qu'il avait choisi de déménager un service administratif judiciaire qui couvrait Laval-Laurentides-Lanaudière... il avait choisi de le déménager de Saint-Jérôme, où effectivement il manquait de place, vers Joliette.

(17 h 50)

La raison pour laquelle ce déménagement nous avait surpris, c'est que Joliette – et je vois bien que la députée de Saint-Jérôme comprend exactement ce à quoi je fais référence – le déménagement à Joliette a occasionné des dépenses publiques. Pourquoi? Parce que, en vertu des conventions collectives en vigueur au gouvernement, si on déménage dans un rayon de 50 km, on n'est pas obligé de payer le déménagement et les frais afférents pour les membres de l'administration publique, pour les fonctionnaires que l'on déménage ainsi. Cependant, en déménageant ça vers Joliette, on était obligé de le payer. Ce petit tour de passe-passe, alors qu'il restait énormément de place au palais de justice à Laval, avait, bien entendu, quelque chose en rapport avec le fait qu'il y avait, par hasard, un député libéral en place à Chomedey, puis le député péquiste en question, qui était le ministre de la Justice à l'époque, bien, il voulait bien faire plaisir, hein, comme on dirait en anglais, «to curry a little favor» avec son collègue le tout-puissant député de Joliette.

Chose intéressante, M. le Président, lorsqu'on fait des petits tours de passe-passe comme ça, parfois, ça peut justement, à la fin, finir par jouer des tours, parce que, quand un autre député de Laval, le député de Laval-des-Rapides, mon voisin de comté, est devenu le ministre de la Justice, une des premières choses qu'il a faites, ça a été de regarder le tableau de bord, regarder les décisions récentes, il a dit: Mais c'est ridicule, pourquoi faire on a déménagé ça de Saint-Jérôme à Joliette alors qu'il y avait plein de place au palais de justice de Laval? Alors, parce que c'est un homme efficace puis qui ne regarde pas les choses de cette manière-là, il a immédiatement signé les documents nécessaires pour récupérer le service pertinent au palais de justice de Laval.

Quelle fut donc sa surprise de constater que le brillant et talentueux député de Joliette y est allé d'une de ses crises de nerfs classiques qui a même mené à sa réflexion en Floride, parce qu'il faisait l'objet – c'est son propos – de petites vites de la part de ses collègues, et jamais, lui, de sa carrière, il n'avait vu ça, et, définitivement, il n'avait jamais fait une petite vite à qui que ce soit d'autre de sa carrière.

Cette petite anecdote, M. le Président, pour bien illustrer notre propos aujourd'hui, c'est exactement la même chose qui est en train de se passer ici aujourd'hui. Le député qui représente la population de Cowansville, c'est nul autre que le leader, en Chambre, de l'opposition officielle, le député de Brome-Missisquoi. Si vous pensez que c'est du hasard qu'on soit en train de fermer le palais de justice de Cowansville pour l'amener à Granby, vous vous trompez. Si vous regardez la distance, elle ressemble étrangement, justement, à la distance qui existe entre Saint-Jérôme et Chomedey.

C'est la suite logique d'une menace que j'ai entendu le premier ministre proférer – c'était plutôt une promesse qu'une menace – à l'égard du député de Brome-Missisquoi, le leader en Chambre de l'opposition officielle. Lorsqu'il l'a regardé, il y a à peine quelques semaines, à la suite d'un débat assez vigoureux ici, en Chambre, merci beaucoup, il l'a regardé avec un de ses airs classiques, toujours avec l'index qui va dans tous les sens et il a dit: «Toi, là, tu viens de détruire tes chances d'être nommé juge.» Ça nous est venu un peu comme une surprise, d'apprendre que notre collègue aurait postulé pour être juge, alors que, nous, on était très contents de l'avoir toujours devant nous pour mener les débats en Chambre. Et, vérification faite, on ne sait toujours pas ce à quoi pouvait faire référence le premier ministre.

Mais ça aussi, ça nous permet de contextualiser le projet de loi n° 16, non seulement des menaces ou des promesses d'exécution de ces menaces, mais même, justement dans le cas qui nous occupe, une preuve tangible que, lorsqu'il s'agit du gouvernement du Parti québécois, il n'y a rien qui va les arrêter pour obtenir leurs fins partisanes.

La ministre de la Santé et des Services sociaux se proposait, jusqu'à récemment, de fermer le seul hôpital dans ce coin-là, une extraordinaire institution où les gens reçoivent des soins et où on s'occupe très bien d'eux. Moi, je me souviens, j'avais l'insigne plaisir d'être avec mon collègue le député de Brome-Missisquoi, à l'automne 1997, pour un événement dans son comté, événement au cours duquel j'ai mentionné, pour souligner à quel point les coupures dans la santé nous affectent tous, que ma mère avait eu l'indication que ses cataractes étaient mûres pour être opérées et qu'il fallait lui céduler une opération. On lui a cédulé son opération pour 18 mois plus tard. Le médecin lui a dit que le seul problème avec ça, c'est qu'elle serait devenue aveugle entre-temps. Il va sans dire que ça me préoccupait, mes frères et soeurs aussi. On s'apprêtait évidemment à la faire opérer en dehors du Québec, comme on s'apprête à le faire, au gouvernement, d'une manière systématique, sauf qu'effectivement on a pu constater qu'il y avait un extraordinaire ophtalmo dans cet hôpital-là, le même hôpital que la ministre de la Santé veut maintenant fermer, qui a réussi à faire une opération extraordinaire après de nombreuses années et malgré le fait qu'il fallait qu'il coure après ses 10 enfants. Ma mère voit maintenant sans lunettes, M. le Président, grâce à cette intervention-là.

Mais, pour revenir au thème de mon collègue de Limoilou tantôt, c'est un service direct à la population, ça, tout comme un palais de justice est un service direct à la population. Les gens qui doivent aller témoigner, une femme battue qui doit aller témoigner contre son mari abuseur, des choses comme ça, ah, qu'à cela ne tienne, qu'elle fasse un autre 100 km aller-retour! Que les gens qui ont besoin d'inscrire des documents, des privilèges auprès des propriétés, que les hommes et les femmes d'affaires du coin doivent maintenant faire une autre centaine de kilomètres aller-retour, qu'à cela ne tienne!

On dirait que, dans le monde idéal selon le Parti québécois, un ministère de la Santé et des Services sociaux qui fonctionnerait superbement bien, ça serait plusieurs édifices Joffre. On oublie les hôpitaux avec des draps souillés puis des gens qui ont des bobos puis qui ont besoin de soins. Beurk, beurk, beurk! S'il y avait juste des fonctionnaires qui s'écrivent des notes de service internes, qui échangent ça entre eux autres... Si, au lieu d'avoir des palais de justice avec des gens qui doivent subir un procès et puis des juges qui doivent... s'il y avait juste un ministère de la Justice au 1200, route de l'Église puis plusieurs comme ça où les notes de service sont échangées, puis les coups de téléphone, puis les fax, puis les repas du midi, bien là ce serait l'idéal, on n'aurait plus besoin de se faire déranger.

Vous avez vu ce qui s'est passé dernièrement avec les ascenseurs, M. le Président? On se propose d'instaurer une taxe sur les ascenseurs au Québec. Pourquoi? Parce que la loi qu'on a toujours eue, pour protéger le public, sur les ascenseurs n'a jamais été appliquée, on n'a jamais eu d'inspection. C'est comme les inspections qui faisaient toujours défaut pour les rayons X. Il y a un drame, le funiculaire tombe, des touristes meurent, l'horreur. Qu'est-ce qu'on a découvert? Ça nous prend plus d'argent. Tout l'argent qui est déjà là pour l'inspection année après année... Il y a une loi qui dit qu'on va inspecter les ascenseurs. Année après année, l'Assemblée nationale vote des sommes pour faire ça. Année après année, 100 % de cet argent-là est bouffé par l'administration publique. C'est ça, l'idéal péquiste: tu fais des lois de protection du public, tu fais des ministères, tu fais des directions générales, puis des directions, puis des services, puis des notes de service.

À Laval, on a un hôpital, la Cité de la santé, une excellente institution, par ailleurs, et on a une régie régionale avec 98 employés pour pousser du papier en rapport avec ça. Là, prochainement, la ministre de la Santé et des Services sociaux va venir à Laval pour tenter de convaincre la population que deux étages dans un édifice à bureaux, c'est un hôpital. Moi, j'ai assez hâte de la voir faire ça à Laval. Deux étages dans un édifice à bureaux. Ça va s'appeler le CHARL. Parce que, en cas de doute, il faut donner un acronyme qui pogne. Là, ça va être le CHARL. C'est quoi, le CHARL? Le Centre hospitalier ambulatoire régional de Laval. Ça ne fait rien, là. On a une cité de la santé puis une promesse péquiste qui date des élections de 1994 de faire un deuxième hôpital. Au lieu de faire un deuxième hôpital, il nous font un bout de papier qui s'appelle CHARL. Ils viennent louer des locaux, puis le journal La Presse y est allé. Ils ont dit: On a trouvé plein de boîtes vides puis des gens qui ne savaient pas ce qu'ils faisaient là.

La seule citation qu'on a été capable d'obtenir de la part de la personne qui est censée organiser ça, c'est que, si tout va bien, on va pouvoir prendre le dossier du CLSC et être le lien entre le CLSC puis l'hôpital. Ils appellent ça un hôpital pour tenter d'endormir le monde et faire croire qu'ils ont tenu leur promesse de faire un deuxième hôpital à Laval. C'est ça, le gouffre qui sépare le manque de vision de ce gouvernement du Parti québécois puis la réalité pour les citoyens. Lorsqu'il s'agit d'un service direct à la population, on coupe. Lorsqu'il s'agit de bureaucrates, pas de problème, on peut gonfler à n'en plus finir. Parce que, après tout, le gouvernement existe pour faire plaisir à l'appareil d'État, n'est-ce pas, pas pour s'occuper des citoyens.

M. le Président, on a bien plus à dire sur ce sujet, mais le temps imparti par l'ordre de la Chambre pour nos débats est maintenant écoulé. Mais évidemment je réserve le reste de mon temps pour revenir là-dessus.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition. Vous avez pris actuellement 12 minutes de votre temps. Alors, il restera huit minutes. Alors, nous allons, étant donné l'heure...

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. M. le leader du gouvernement.

(18 heures)

M. Brassard: M. le Président, j'ai bien compris que le leader adjoint de l'opposition a ajourné le débat?

Une voix: ...

M. Brassard: Non? Bien, je lui demanderais d'ajourner le débat parce que ce soir ce seront d'autres projets de loi qui seront appelés, et celui-ci sera plutôt appelé demain en matinée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ça va comme ça? Bon, très bien. Alors, le débat en cours est donc ajourné. Nous allons suspendre jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 2 de l'ordre du jour.


Projet de loi n° 36


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 2 de votre feuilleton, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Y a-t-il des interventions? Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Il s'agit d'un projet de loi comprenant deux articles. Vous comprendrez donc que mon intervention sera assez brève. En fait, le projet de loi vient modifier la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec afin d'attribuer à la Régie la fonction d'assumer la gestion de données en matière de santé et de services sociaux que peut lui confier soit un ou une ministre de la Santé et des Services sociaux, une régie régionale, un établissement, un directeur de la santé publique ou un conseil régional.

La Régie de l'assurance-maladie du Québec administre déjà le régime d'assurance-maladie, le régime d'assurance-médicaments, de même bien sûr que de nombreux autres programmes qui lui sont confiés par la loi ou par le gouvernement. Dans le cadre de ses activités régulières, la Régie a déjà accumulé un nombre considérable de données et elle a dû développer une expertise et un environnement technologique sécuritaire pour la gestion et l'exploitation des données individuelles, de même que des données consolidées sur les services rendus dans le secteur de la santé et des services sociaux. On sait que la Régie de l'assurance-maladie est l'agent payeur dans plusieurs cas évidemment qui concernent nos grands régimes de santé et de services sociaux.

De nombreuses banques de données existent également au ministère de la Santé et des Services sociaux de même que dans le réseau. Depuis quelques mois, le ministère cherchait à confier à un intervenant compétent la gestion et l'exploitation de plusieurs banques de données. Dans un souci de complémentarité et d'utilisation optimale des expertises en place, le ministère s'est tourné naturellement vers la Régie de l'assurance-maladie du Québec dont le comportement exemplaire dans la cueillette et l'exploitation de données nominatives est connu et reconnu.

(20 h 10)

J'attire votre attention sur le fait que la disposition prévoit que chaque mandat devra être confié à la Régie au moyen d'une entente soumise à l'application de l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents d'organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Je rappelle que cette dernière disposition fait en sorte que chaque entente doit être approuvée par la Commission d'accès à l'information ou, à défaut, par le gouvernement, être déposée à l'Assemblée nationale et publiée à la Gazette officielle du Québec . D'ailleurs, la Commission d'accès à l'information a émis un avis favorable à la modification proposée. Elle a cependant suggéré une modification au libellé, dont nous avons tenu compte dans la rédaction finale du projet.

La Commission a insisté aussi sur le fait que les nouveaux mandats confiés à la Régie devaient respecter les règles strictes de confidentialité du dossier de l'usager telles que décrites à la Loi sur les services de santé et services sociaux. Étant donné que chaque mandat sera confié par entente et que les projets d'entente seront soumis à la Commission d'accès, celle-ci aura tout le loisir de faire les commentaires appropriés concernant les modalités de transmission d'information confidentielle et les mesures de sécurité à mettre en place dans chaque cas. En effet, c'est l'entente qui viendra préciser à chaque fois comment ces règles seront fixées.

En conclusion, M. le Président, la proposition de modification législative viendra, en tout transparence, préciser une fonction de la Régie de l'assurance-maladie du Québec en matière de gestion de données de santé et de services sociaux. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa et critique officielle de l'opposition en matière de Santé et de Services sociaux. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, effectivement, nous sommes rendus à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Il a été évoqué précédemment du texte des notes explicatives des extraits que j'aimerais reprendre, si vous voulez, pour l'avantage de la population. Donc, lorsqu'on lit les notes explicatives, on peut voir que le projet de loi, effectivement, attribue à la Régie de l'assurance-maladie du Québec la fonction d'assumer la gestion de données en matière de santé et de services sociaux, données que lui confie le ministère de la Santé et des Services sociaux, une régie régionale, un établissement, un directeur de santé publique ou un conseil régional institué par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris.

C'est une loi donc, M. le Président, qui comporte deux articles, y compris la mise en vigueur. Donc, l'article 1 vient préciser que la gestion de données en matière de santé et de services sociaux sera confiée à la Régie de l'assurance-maladie, et cette gestion fera l'objet d'une entente soumise à l'application de l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Il faut comprendre, M. le Président, lorsqu'on est saisi d'un projet de loi, qu'il faut toujours le lire en parallèle avec d'autres textes de loi qui peuvent être également affectés par le projet de loi qui est sous étude. Le projet de loi n° 36, bien sûr, évoque notamment l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics qui, lui-même, réfère aux articles 68 et 68.1 que nous allons voir aussi plus tard.

Il pourrait de la même façon évoquer d'autres articles extrêmement pertinents sur la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec et également la Loi sur l'assurance-maladie, tout comme, bien sûr, vous comprendrez que beaucoup d'articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux sont concernés par ce dépôt, ce projet de modification d'un article qui est extrêmement important, et également la Charte des droits et libertés de la personne, nous allons le voir plus tard, on pourra aussi expliciter un item extrêmement important.

Mme la ministre disait tout à l'heure que toute entente, que chaque entente serait confiée à l'application de l'article 70. Moi, je veux bien. Lorsqu'on regarde la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, lorsqu'on regarde le texte ici, ce que l'article dit, c'est: «La Régie a aussi pour fonction d'assumer la gestion de données en matière de santé et de services sociaux que lui confie, par entente – ce n'est pas marqué "toute entente", ce n'est pas marqué "chaque entente", c'est marqué "que lui confie par entente" – soumise à l'application de l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels», donc que lui confie le ministre de la Santé, une régie régionale, etc., comme ç'a été précisé à l'aide des notes explicatives.

Il faut donc comprendre que, a priori, le texte ne réfère pas spécifiquement... Il n'y a pas d'engagement, de sécurité, ou de sûreté, ou de garantie audit article que toute entente va être soumise à la procédure qui est prévue à l'article 70 de la Loi sur l'accès. Et vous comprendrez que ce projet de loi soulève pour l'opposition officielle de nombreuses questions, et, justement eu égard à l'objectif premier et aux responsabilités de la Commission, c'est une question importante qui se pose. Donc, obtenir une clarification quant à savoir pourquoi est-ce qu'on ne réfère pas nommément, explicitement dans le texte à: Toute entente conclue en vertu de l'article 2 va être soumise à la procédure prévue à l'article 70. Ce n'est pas ça qui est marqué. On dit simplement que la Régie a pour fonction d'assumer la gestion par entente. Alors, c'est une clarification qui est importante.

Deuxièmement, il faut comprendre qu'il y a donc au préalable une obligation qu'il y ait une entente. L'entente doit également, deux, être approuvée par la Commission d'accès à l'information; trois, cette entente-là doit être écrite; et, quatre, l'entente doit contenir spécifiquement des garanties quant à la confidentialité du dossier de l'usager; donc, cette entente doit prévoir nommément, explicitement et détailler les mesures de sûreté ou de sécurité qui vont être prises pour assurer la confidentialité du dossier de l'usager. Et, pour comprendre ça, il faut faire lecture, si vous me le permettez, M. le Président, de l'article 70, qui fait lui-même référence aux articles 68 et 68.1 de la Loi sur l'accès, qui eux-mêmes réfèrent à l'article 69.

Donc, l'article 70 dit: «Une entente conclue en vertu de l'article 68 ou 68.1 doit être soumise à la Commission pour avis. Elle entre en vigueur sur avis favorable de la Commission.

«En cas d'avis défavorable de la Commission, cette entente peut être soumise au gouvernement pour approbation; elle entre en vigueur le jour de son approbation.

«Cette entente ainsi que l'avis de la Commission et l'approbation du gouvernement, le cas échéant, sont déposés à l'Assemblée nationale dans les trente jours de cet avis et de cette approbation si l'Assemblée est en session ou, si elle ne siège pas, dans les trente jours de l'ouverture de la session suivante ou de la reprise de ses travaux.»

L'article 68 est extrêmement important, et vous allez comprendre pourquoi, M. le Président. L'article 68 se lit comme suit: «Un organisme public...» Il faut comprendre que le projet de loi réfère, dans les notes explicatives, à un transfert d'information qui va être fait par des établissements du réseau de la santé, par une régie régionale, par un conseil régional. Vous comprendrez qu'on est fondé de se demander si ces organismes ou si ces établissements sont couverts par la Loi d'accès à l'information. Il faut donc aller voir dans la Loi d'accès ce qui est considéré comme étant des organismes publics et si les établissements du réseau de la santé sont considérés comme étant des organismes publics. Donc, l'article 3 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels nous fournit des indications. On énonce à cet article: «Sont des organismes publics...» Il y a une énumération, et elle se termine par «les établissements de santé et de services sociaux». Bon. Alors, c'est important de savoir que les établissements sont des organismes publics.

L'article 68 dit: «Un organisme public peut...» Alors, organisme public: établissement du réseau, régie régionale, le conseil régional en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris et directeur de la santé publique. Je n'ai pas trouvé d'explication nous disant, le directeur de la santé publique, comment il était considéré. C'est un individu, une personne seule, ce n'est pas un organisme public. Je n'ai pas trouvé, à ce stade-ci, d'explication, mais j'imagine qu'en commission, lors de l'étude article par article, Mme la ministre de la Santé va pouvoir nous fournir, là aussi, une clarification, parce que, si c'est clair pour les établissements et la Régie, ça ne l'est pas pour ce qui est du directeur de la santé publique.

(20 h 20)

Excusez-moi, M. le Président, j'interromps votre lecture. Donc, je reviens à l'article 68. «Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée – et c'est ça qui est extrêmement important – communiquer un renseignement nominatif.» Il peut le faire dans deux cas, point. Le premier: «à un organisme public lorsque cette communication est nécessaire à l'exercice des attributions de l'organisme receveur» – donc, pas dans tous les cas, limité, très spécifique – ou lorsque c'est nécessaire pour la mise en oeuvre d'un programme dont cet organisme a la gestion. L'organisme public peut également, sans le consentement de la personne, communiquer un renseignement nominatif «à une personne – ça pourrait être notre directeur de la santé publique – ou à un organisme lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient. Ces communications s'effectuent dans le cadre d'une entente écrite.»

On a vu, à l'occasion des débats qui ont eu cours dans la Chambre, malgré l'exigence formelle de la Loi sur l'accès qu'il y ait inscription dans le registre, que ce n'est pas toujours le cas, ou il semblerait, en tout cas, que, dans certains cas, il y ait plus d'un registre. Alors, l'entente, c'est bien beau, elle doit être faite au préalable par écrit, mais elle doit aussi être inscrite dans le registre des communications, et ça, c'est en vertu de l'article 67.3 de la Loi sur l'accès.

L'article 68.1 est extrêmement important également. Cet article dit: «Un organisme public peut, sans le consentement de la personne concernée – vous, moi, mes collègues, tout individu, tout citoyen – communiquer un fichier de renseignements personnels aux fins de le comparer, de le coupler ou l'apparier avec un fichier détenu par une personne ou un organisme si cette communication est nécessaire à l'application d'une loi au Québec.»

Lorsqu'on fait la revue des textes annotés de la Loi d'accès, on s'aperçoit d'un premier commentaire. C'est que le terme «coupler» n'a pas été défini. C'est une notion, au moment où on s'apprête à faire un transfert, une cueillette, et à «communiquer des données», on n'a pas de définition. La Commission d'accès n'a pas fourni, à l'heure actuelle, de définition sur ce qu'on entend par «coupler», «apparier avec un fichier détenu par une personne». Vous comprenez bien que, quand deux ordinateurs se rencontrent pour coupler ou apparier des données, c'est donc un premier qui établit un contact avec un deuxième, qui lui transmet des informations, et, très souvent, ça débouche sur la création d'un troisième niveau d'information, un troisième fichier.

Autant de questions peuvent être posées en raison du transfert. Dans quelles conditions est-ce que ça doit être fait? Certains plaident ou on déjà argumenté que, vu qu'il y avait une transmission rapide, il n'y avait pas vraiment prise de contact avec les données confidentielles transmises. Cet argument-là pourrait également être soulevé lors de l'étude article par article. Est-ce que c'est vrai, ça, que la vitesse de la transmission doit être prise en considération? Est-ce que c'est vrai qu'on peut argumenter: Bien, écoutez, on l'a fait tellement vite qu'on n'a pas pris connaissance des données?

Il faut comprendre ici qu'on touche à des renseignements nominatifs personnels, des renseignements qui sont couverts par l'article 19 de la Loi sur les services de santé, une règle stricte qui dit que le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec l'autorisation de l'usager.

Alors, c'est facile de se représenter un petit peu ce qui peut arriver lors, d'abord, de la cueillette de la donnée, lors du transfert des informations, lors du couplage, lors de l'appariage des informations. Il y a énormément de questions qui se posent, et ces questions-là se fondent en vertu d'un principe sacré qui est le respect, pour l'usager, d'accès à son dossier.

À lui seul, l'article 69 vient confirmer l'importance de la confidentialité des renseignements que je viens d'évoquer. L'article 69 prévoit spécifiquement que «la communication de renseignements nominatifs – c'est ce qui nous occupe – visée par les articles – là, il y a une énumération, dont les articles 68 et 68.1 – doit être faite de manière à assurer le caractère confidentiel des renseignements nominatifs. Dans les cas où une entente écrite doit être conclue, cette entente doit mentionner les moyens mis en oeuvre pour assurer cette confidentialité.» Encore une fois, l'article 19, le dossier de l'usager est confidentiel, c'est un principe absolu. Alors, si on veut faire des exceptions à cette règle-là, vous comprendrez qu'une entente devra prévoir, énoncer spécifiquement, détailler, expliciter toutes les mesures de sûreté, de sécurité qui vont être prévues pour venir garantir la confidentialité du dossier de l'usager.

Quand on regarde le projet de loi, M. le Président – deux articles – à première vue, on se dit: C'est anodin. Bon, il y a deux articles puis il y en a un là-dedans qui concerne la mise... Puis on lit ça, là, puis, bon, ça semble, à première vue, extrêmement anodin. Par contre, nous avons obtenu deux avis de la Commission d'accès à l'information. Ce n'est pas un, c'est deux. Et, pour avoir lu ces deux avis qui ont été émis le 6 octobre 1988, probablement à la demande...

Une voix: ...

Mme Lamquin-Éthier: ... – 1998, merci – à la demande de la responsable de l'accès aux documents de la Régie de l'assurance-maladie, parce que c'est transmis à Me Huguette Lefebvre, donc on présume que c'est Me Lefebvre qui a demandé des commentaires... Le 6 octobre, Me Lefebvre recevait copie d'un premier avis émis par la Commission d'accès à l'information. Et je pense que je vais devoir m'acheter des lunettes parce que je voudrais bien y lire que la Commission d'accès à l'information, tel que vient de le dire Mme la ministre de la Santé, a émis un avis favorable – on va y revenir, d'ailleurs, ça a 12 pages – mais je n'ai vu nulle part, M. le Président – et ça aussi, ça fait l'objet d'une interrogation sur laquelle on va revenir – d'avis favorable.

La même Commission d'accès à l'information, toujours sur le même projet de loi, projet de loi n° 36 – celui-ci et celui-ci, c'est toujours sur la même chose, ce n'est pas compliqué – émettait un avis subséquent en date du 30 mars 1999. Et elle le faisait également parvenir, toujours, à Me Huguette Lefebvre, Régie de l'assurance-maladie du Québec, et probablement toujours à sa demande. Il faut comprendre qu'entre les deux transmissions il y a effectivement eu, à première vue du moins, un amendement qui a été apporté, une petite modification qui aurait été apportée et qui semble être considérée par Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux comme étant une garantie puis comme venant répondre à toutes les questions. Encore une fois, moi, je ne pense pas, là. Ce n'est pas le cas, suivant les deux avis qui réitèrent les mêmes interrogations, qui réitèrent les mêmes demandes à fournir des garanties importantes, encore une fois, compte tenu que le dossier d'un usager est confidentiel et que nul ne peut y avoir accès sans obtenir le consentement de l'usager.

Donc, on a eu deux avis qui ont été émis par la Commission d'accès. Ils ont été transmis à Régie de l'assurance-maladie du Québec. Et, quand on lit ces deux avis-là attentivement, on peut voir l'extrême importance et l'extrême ampleur de la modification qui est apportée ici à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Et je reviens sur «ampleur» et «importance».

Dans le premier avis, celui du 6 octobre 1998, la Commission prend la peine de dire, et je vais lire lentement: «Ce nouveau mandat qu'assume déjà en partie la Régie s'intégrerait dans la mise en place du réseau de télécommunications sociosanitaires. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, maître d'oeuvre de l'implantation de ce réseau, entend ainsi établir un véhicule d'échange d'informations cliniques, financières et opérationnelles entre 600 établissements du réseau de la santé et des services sociaux, 18 régies régionales, la Régie de l'assurance-maladie du Québec», au moment où elle l'avait rédigé, elle mentionnait l'Office des personnes handicapées et le ministère. La Commission prend la peine d'ajouter: «Viendraient ensuite se greffer à ce réseau les cliniques médicales privées et d'autres partenaires sectoriels ou intersectoriels.»

(20 h 30)

Là il est important de référer, encore une fois... Parce que, vous savez, il faut faire une démarche avec beaucoup de précautions. Encore une fois, on doit se référer à la Loi sur l'accès aux documents pour voir si les cliniques privées sont soumises ou pas à l'application de la Loi sur l'accès. Et cette fois, M. le Président, c'est l'article 7 qui va venir préciser une nuance extrêmement importante, à savoir: «Les établissements de santé ou de services sociaux comprennent les établissements publics visés par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, les établissements privés visés par cette loi – et c'est là que c'est important – qui fonctionnent en ayant recours à des sommes d'argent provenant du fonds consolidé du revenu, les régies régionales», etc.

Donc, on peut voir, à la lecture de cet article-là, que ne sont visés que les cliniques ou les établissements privés qui fonctionnent en ayant recours à des sommes d'argent provenant du fonds consolidé du revenu. Alors, vous comprendrez que ça pourrait exclure, et ça exclut à première vue les cliniques médicales privées de même que des établissements privés sans but ou à but lucratif, qui ne reçoivent pas d'argent du fonds consolidé. Donc, ils ne seraient pas soumis aux mêmes obligations. Encore une fois, ça soulève des interrogations qui sont tout à fait légitimes et qui vont demander des précisions, parce que seuls les établissements privés conventionnés sont couverts. Les autres sont exclus, comme les cliniques médicales.

On parle de partenaires sectoriels et intersectoriels. C'est quoi, ça? Il y en a combien? Qui sont-ils? Dans quel cadre auraient-ils besoin, feraient-ils la demande? Et dans quel cadre est-ce qu'on va leur transmettre ces informations-là? Parce que, comme on l'a vu précédemment, la communication doit d'abord, la règle 1, être nécessaire à l'intérieur des attributions de l'organisme qui la reçoit. Alors, on n'a aucune information nous permettant de bien comprendre, un, l'identité des partenaires à la fois sectoriels ou intersectoriels, deux, dans quelle mesure ils demanderaient à recevoir les informations, de quelle façon ça serait nécessaire à l'exercice de leurs attributions, quelles seraient donc leurs attributions ou encore si c'est nécessaire à la mise en oeuvre d'un programme dont ce partenaire aurait la responsabilité.

M. le Président, la Commission d'accès à l'information ajoute – et c'est toujours dans le même avis – elle dit qu'avant d'aller dans cette direction – et là il faut comprendre: avant de mettre en place un réseau de télécommunications sociosanitaires – une réponse claire doit être apportée quant au sort que l'on entend réserver au dossier de l'usager. Alors, la Commission prend la peine de dire qu'une réponse claire doit être apportée, on peut comprendre qu'elle n'a pas été apportée. Encore une fois, ça touche au sort que l'on entend réserver au dossier de l'usager.

La Commission demande également que soient clarifiées toutes les règles relatives à la cueillette et à la communication des renseignements personnels par les divers intervenants. Encore une fois, 600 établissements, 18 régies régionales et d'autres comme la Régie de l'assurance-maladie, vous conviendrez que les règles doivent être claires au départ, pas en cours de route, de sorte que tout le monde puisse obéir aux mêmes critères, aux mêmes règles, puisqu'il s'agit encore une fois du sort du dossier de l'usager.

Dans un deuxième avis, M. le Président – cette fois-ci, nous évoquons l'avis du 30 mars 1999 que j'ai en main – la Commission d'accès à l'information insistait de nouveau pour que le nouveau mandat confié à la Régie de l'assurance-maladie respecte les règles de confidentialité du dossier de l'usager. La Commission, en mars 1999, n'est donc pas satisfaite, a encore des hésitations et elle réitère, elle insiste à nouveau pour que le nouveau mandat confié à la Régie respecte les règles de la confidentialité du dossier de l'usager.

La Commission va plus loin, elle est plus spécifique et elle relance directement des articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, des articles qui sont tous concernés par le projet de loi n° 36 dont il est question. Elle parle de l'article 19, dont nous avons parlé, de l'article 346 de la Loi, toujours, sur les services de santé et les services sociaux, de l'article 381, de l'article 94, de l'article 433 et du paragraphe 26° de l'article 505, toujours dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

La Commission d'accès à l'information, dans les deux avis, formule de nombreux commentaires. Elle les reprend encore une fois. Donc, elle formule des commentaires sur chacun des articles que je viens d'énumérer plus haut, et déjà ces articles-là se retrouvaient dans l'avis du 6 octobre 1998. Écoutez, il y a un avis de 12 pages, là, avec moult détails, moult références, moult explications. C'est donc clair que la Commission, malgré qu'elle ait soulevé des inquiétudes, des interrogations, ait demandé des réponses, ne les a pas obtenues. Parce qu'elle ne les a pas obtenues, elle revient à la charge en mars 1999, reprend les mêmes interrogations, les mêmes justifications, explicite encore une fois la règle de la confidentialité et demande à connaître de façon certaine les garanties qui vont être données ou à avoir des réponses claires quant au niveau de la cueillette et de la communication des données.

Ce qui est étonnant, puis je ne voudrais pas trop insister là-dessus parce que je vais y revenir plus loin... On a deux avis en main, et c'est assez étonnant que la Commission d'accès à l'information n'ait pas émis d'avis défavorable. Mais une chose est très, très, très certaine, très claire: jamais la Commission n'a émis d'avis favorable; au contraire, elle soulève des questions, des interrogations et demande à recevoir des réponses très claires. Il y a eu effectivement un petit changement dans le texte, mais, après ce changement-là, elle revient à la charge et réitère exactement les mêmes choses, repose les mêmes questions et demande les mêmes garanties.

Alors, que Mme la ministre de la Santé ne vienne pas me dire... Et j'aimerais ça qu'on fasse la lecture – cours de lecture 101, peut-être, côte à côte – qu'elle m'explicite les passages où elle a cru distinguer un avis favorable de la Commission. Je ne l'ai pas vu. Ça va être important de clarifier ce point-là. Encore une fois, c'est majeur toujours parce que le dossier de l'usager est confidentiel et que nul ne peut y avoir accès sans son consentement. Et là on parle de transmettre, on parle d'un réseau, un fichier, quelque chose d'énorme, un mégafichier, sans savoir quelles seront les garanties et sans avoir de réponses claires à toutes les interrogations qui ont été soulevées.

La Commission d'accès à l'information attire donc l'attention sur plusieurs articles. On a parlé de l'article 19; je ne reviendrai pas sur celui-ci. Il y a d'autres articles, notamment l'article 346. Celui-ci concerne les régies régionales. Alors, la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit explicitement que la régie régionale doit s'abstenir de consigner – consigner, c'est garder dans un écrit; elle ne peut pas, elle doit s'abstenir de consigner – tout renseignement ou tout document permettant d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur des services d'un organisme communautaire. Alors, si elle ne peut pas consigner, comment est-ce qu'elle pourrait transmettre? Et on peut revenir à l'argumentation que certains ont risquée préalablement. Ils disent: Écoutez, on ne consigne pas, c'est transmis tellement rapidement qu'on n'a pas le temps d'en prendre connaissance. Or, selon la jurisprudence de la Commission d'accès à l'information, ce critère-là, la vitesse de transmission, n'a pas été retenu. La Régie, elle doit s'abstenir – ce n'est pas «peut», c'est «doit» s'abstenir – de consigner tout renseignement permettant d'identifier un usager. C'est dont une règle stricte.

L'article 381, toujours de la même loi, prévoit que les renseignements qui sont transmis à la régie régionale par un établissement de santé ou un organisme communautaire ne doivent pas permettre d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur de services. Alors, encore une fois, c'est le «doit», et la règle n'a pas d'assouplissement, elle est la même.

(20 h 40)

L'article 394 parle, lui, des renseignements qui sont fournis. Alors, le premier, c'est ce qu'on consigne, le deuxième, ce qu'on transmet, puis là c'est ce qu'on fournit. Alors, les renseignements ou les documents fournis par la régie régionale ne doivent pas permettre d'identifier un usager d'un établissement, ou un utilisateur de services évidemment d'un établissement, ou encore un utilisateur des services d'un organisme communautaire. Alors, la Régie, faut qu'elle s'abstienne, elle n'a pas le droit de consigner, elle n'a pas le droit de transmettre si ça permet d'identifier puis elle n'a pas le droit de fournir si ça permet d'identifier. Là, on parle d'un super réseau de transmission d'informations Régie-établissements, alors qu'il y a des articles qui prévoient spécifiquement que la Régie ne peut pas, ne doit pas consigner, ne doit pas transmettre, si ça permet d'identifier, et ne doit pas fournir.

L'article 433, qui est extrêmement important, prévoit, quant à lui, le pouvoir réglementaire édicté au paragraphe 26° de l'article 505. Alors, à cet égard, le ministre – ou la ministre, comme disait Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux – peut requérir d'un établissement, dans le cadre d'un règlement adopté en vertu du paragraphe 26° de l'article 505 et non d'une régie... Donc, la ministre demande à un établissement, dans le cadre d'un règlement qui est pris en vertu du paragraphe 26° de l'article 505, des renseignements, nominatifs ou non, lorsque ces renseignements sont requis pour déterminer les priorités, les objectifs et les orientations dans le domaine de la santé et des services sociaux. La Commission d'accès à l'information a pris la peine, là aussi, d'ajouter un commentaire qui est extrêmement important. Ce qu'elle a indiqué, la Commission d'accès à l'information, c'est que le gouvernement n'a jamais exercé le pouvoir réglementaire qui lui est pourtant reconnu au paragraphe 26° de l'article de l'article 505 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. On a fait des vérifications et, selon les vérifications que nous avons faites, il appert que le règlement visant l'acquisition de renseignements, nominatifs ou non, concernant les besoins et la consommation de services n'aurait jamais été édicté, donc que le gouvernement n'aurait jamais exercé le pouvoir réglementaire qui lui est reconnu par la loi et en vertu duquel, finalement, il va pouvoir demander à un établissement...

Alors, 505, le paragraphe 26° dit: «Le gouvernement peut par règlement – qu'il n'a jamais adopté – prescrire – il n'a jamais prescrit – les renseignements nominatifs ou non qu'un établissement doit fournir au ministre concernant les besoins et la consommation de services.» À défaut d'informations différentes de la part de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux – j'espère que ce n'est pas dans le même texte, parce que je vais encore avoir un problème de lecture – le gouvernement devrait avoir adopté un règlement qui viendrait prescrire les renseignements nominatifs ou non. Et c'est extrêmement important quand on parle de transférer des informations qu'un établissement doit fournir lorsque la ministre le lui demande. Donc, a priori, à défaut d'un tel règlement, un établissement du réseau de la santé pourrait refuser de transmettre des renseignements, disant: Écoutez, le dossier de l'usager est confidentiel, et nul n'y a accès sans avoir son consentement.

Alors, on nous dit aussi... Et c'est extrêmement important. Et ça, ça fait partie des critères qui ont été retenus par la Commission d'accès à l'information, et la jurisprudence en témoigne, puis on va pouvoir revenir lors de l'étude en commission parlementaire. Le ou la ministre, lorsqu'il demande ces renseignements-là, doit faire une demande spécifiquement parce que c'est important, c'est nécessaire. En fait, la loi ne dit pas «important», la loi, elle dit que c'est nécessaire à l'exercice des attributions. Donc, à ce moment-là, c'est dans le cadre des fonctions que le ministre ou la ministre a de déterminer les priorités, les objectifs et les orientations dans le domaine de la santé et des services sociaux. Donc, il faut que ça soit nécessaire dans le cadre de l'exercice de ses fonctions et spécifiquement pour lui permettre de déterminer les priorités, les objectifs et les orientations. Ça veut dire que ça ne pourrait pas être fait ou demandé dans d'autres cas que ceux qui sont explicitement prévus ici.

On parle d'un fichier, là, un mégafichier. Alors, les données qui vont être contenues dans un réseau de télécommunications sanitaires doivent, encore une fois, ne servir qu'à déterminer les priorités, les objectifs et les orientations. Ça ne pourrait pas servir, par exemple, à des levées de fonds. Vous allez peut-être vous étonner de la naïveté de mon observation. Il y a des établissements du réseau de la santé qui, pendant certaines années, parce qu'ils recevaient des patients dans leurs établissements, avaient donc accès à des renseignements nominatifs: le nom, l'âge, l'adresse, le téléphone. Des établissements – évidemment sous le couvert de la bonne foi – dans le but d'aider une fondation d'un établissement, ont donc transmis directement à la fondation de l'établissement des renseignements nominatifs qui étaient protégés par la loi, et protégés puisque contenus dans le dossier de l'usager. Et la Commission d'accès à l'information a émis un avis défavorable disant que l'établissement, lorsqu'il reçoit le nom, l'âge, le sexe et tous les renseignements, les reçoit parce que lui, comme établissement, il a une mission dans le réseau de la santé qui est celle de donner des services. Il ne peut donc pas, il n'est pas autorisé, en vertu de la loi, à transmettre ces informations-là.

Et là, évidemment, la Commission d'accès a aussi considéré d'autres éléments qui sont importants: la nécessité des attributions. Qu'est-ce qui nous dit, M. le Président, que... Ces données-là, on peut faire une extrapolation. Pourquoi pas? On parle d'un mégaréseau de télécommunications sociosanitaires, on parle de données cliniques; une donnée clinique, ça peut comprendre l'état de santé. Qui me dit que ça ne pourrait pas être transmis à des compagnies d'assurances? Je ne le sais pas.

Ce que je peux vous dire, par ailleurs, c'est que la Commission d'accès à l'information, quand on lit la Loi sur l'accès annotée, il y a des notes qui sont extrêmement importantes, dont une qui dit que, lorsque la Commission considère la demande, elle doit l'analyser sur la base de critères qu'elle a déjà explicités, donc la nécessité des renseignements, la nécessité de l'échange, et aussi le degré de sensibilité des renseignements. La Commission dit: Plus les renseignements sont sensibles, c'est-à-dire plus ils concernent la santé d'une personne, plus la Commission sera exigeante quant aux mesures de sécurité à être incluses dans l'entente. Et je vous rappelle que, dans les deux avis de la Commission, la question a été soulevée, il n'y a jamais de réponses qui ont été données. Et on a bien vu dans le texte qu'il s'agit de transmettre des données cliniques. Alors, c'est extrêmement important. On ne sait pas où ça pourrait aller, à la demande de qui et à quelles fins.

Mes collègues ont, à l'occasion des dernières semaines ici... je pense à mon collègue de Chomedey qui est ici présent, mon collègue de Hull, à ma collègue de Beauce-Sud, à mon collègue de Marquette, ils ont évoqué un dossier extrêmement important où il était question de transferts de renseignements. Alors, je pense que l'exercice qu'ils ont fait était extrêmement légitime. C'était tout à fait raisonnable, et je pense qu'on sera fondés, en ce qui a trait au projet de loi n° 36, à soulever également des questions qui sont importantes. Parce que, encore une fois, on parle d'un réseau de télécommunications sociosanitaires, quelque chose de gigantesque, d'énorme.

Et j'aimerais aussi, M. le Président, attirer votre attention sur l'article 28 de Loi sur les services de santé et services sociaux. Et c'est toujours pénible un peu de faire la lecture d'articles du texte de loi, et j'espère que je m'en tire pas trop mal. L'article 28 dit que les articles 17 à 27 de la Loi sur les services de santé et services sociaux, donc l'article 19 qui établit le principe de la confidentialité du dossier de l'usager... Alors: «Les articles 17 à 27 s'appliquent malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.» C'est important ce que ça dit, là. Alors, l'article 19 va donc s'appliquer «malgré la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels». C'est pour vous montrer l'importance qu'on attache au dossier de l'usager et au respect de la confidentialité du dossier de l'usager. Alors, cet article-là, l'article 28, vient donc démontrer que l'article 19 est soustrait de l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

(20 h 50)

Aussi, M. le Président, le principe de la confidentialité du dossier de l'usager qui est énoncé à l'article 19 de la Loi sur les services de santé et services sociaux est aussi dans la Charte des droits et libertés de la personne. Alors, cette Charte-là énonce, à l'article 5, que «toute personne a droit au respect de sa vie privée». Vous savez que la Charte prime, a priorité sur toute autre loi, et on sait déjà que l'article 19 primerait sur la Loi sur l'accès. Alors, c'est vous dire que c'est extrêmement important, et ça ne doit pas être traité à la légère. On doit assurer le caractère confidentiel et, encore une fois, le 19 de la loi a préséance, de même que la Charte, sur toute autre loi.

On est fondé, je pense, à la lecture des avis qui ont été émis le 6 octobre 1998 et le 30 mars 1999 eu égard à la demande de modification qui nous occupe actuellement – le projet de loi n° 36 – à se demander comment Mme la ministre peut aller de l'avant avec cette modification législative tout en nous donnant l'assurance, ou tout en donnant, pas à nous, finalement, à la Commission d'accès à l'information l'assurance qu'elle respecte les règles de confidentialité du dossier de l'usager, règles prévues à l'article 19 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, et aussi les règles qui sont contenues aux articles dont on a parlé tout à l'heure, 346, 381, 394, 433 et le paragraphe 26° de l'article 505.

Comment est-ce que, à ce stade-ci, Mme la ministre peut nous dire que toute entente, ou chaque entente, pour reprendre ses termes, va être soumise, alors que le texte ne le dit pas et que c'est un commentaire qui a été formulé spécifiquement par la Commission d'accès à l'information qui aurait aimé... Et ce n'est pas du tout ce qui est ici. Donc, ça ne satisfait pas à une exigence, puis Dieu sait qu'il y en a, des exigences, l'exigence que toute entente conclue en vertu de l'article 2 de la Loi sur l'assurance-maladie doit être soumise – ce n'est pas «peut», c'est «doit» être soumise – à la procédure prévue à l'article 70. Alors, comment Mme la ministre, à ce stade-ci, peut aller de l'avant avec la demande de modification qui nous occupe tout en respectant les règles de confidentialité, tout en respectant tous les articles qu'on vient d'évoquer et tout en nous donnant l'assurance que toute entente conclue va être soumise à la procédure prévue? Ce n'est pas indiqué, et ce sont des questions qui vont devoir être abordées en commission parlementaire lors de l'étude article par article.

Tout à l'heure, M. le Président... Je vous le mentionne et je le réitère parce que c'est assez difficile à comprendre, surtout que ça a été dit avec force détails, la Commission dit, en 1999 – et elle a le libellé de l'article 2, là: «La Commission craint que le libellé suggéré ne puisse porter à interprétation quant à l'application de chacun des alinéas de l'article 70 de la Loi sur l'accès. Elle souhaiterait donc un amendement pour lever cette difficulté d'interprétation de façon à laisser clairement apparaître que toute entente conclue en vertu de l'article 2 doit être soumise à la procédure prévue à l'article 70 de la Loi sur l'accès.» En mars 1999, la Commission d'accès insiste encore une fois pour qu'on lui prouve que cette modification législative va respecter les règles de la confidentialité, et ça n'a pas été dit.

Et, dans l'autre avis, la Commission a été également très explicite. Effectivement, elle a évoqué – puis je pense que c'était normal: «Et on ne doute pas de l'expertise qui est détenue par la Régie de l'assurance.» C'est le mot à mot du paragraphe un de la page 2 dont Mme la ministre nous a fait lecture tout à l'heure. «La Régie de l'assurance-maladie du Québec, par son rôle de gestionnaire du régime d'assurance-maladie ainsi que du régime d'assurance-médicaments, a développé une expertise et un environnement technologique sécuritaire pour la cueillette, la gestion et l'exploitation de données individuelles et de données consolidées.»

Sauf que, là, on parle de lui confier un nouveau mandat, un mandat additionnel en vertu duquel elle irait chercher d'autres informations. Six cents établissements du réseau de la santé, 18 régies régionales, c'est quand même beaucoup de personnes ou d'intervenants concernés, la Régie d'assurance-maladie, le ministre, encore une fois, des cliniques médicales privées, d'autres partenaires sectoriels ou intersectoriels qui pourraient venir ou jouer ou intervenir au niveau du réseau de télécommunications, demander à recevoir ou à transmettre des informations ou détenir des informations, alors que les règles ne sont pas précisées.

Mme la ministre évoquait la Commission d'accès de 1998, probablement parce qu'elle n'était pas informée qu'il y avait eu un avis subséquent le 30 mars 1999, et pourtant, dans cet avis-là, la Commission dit: Bien oui, ça va apporter une certaine visibilité au nouveau mandat. Mais, ici, ce n'est pas une question de visibilité, c'est une question de respect de la confidentialité du dossier de l'usager, et, encore une fois, il peut être question de transférer des données cliniques. Vous savez très bien que, si on a la malchance d'avoir un problème de santé important, on n'aimerait pas que toute personne ou tout organisme y ait accès.

Alors, je vais résumer, M. le Président, pour laisser à mes collègues la chance d'intervenir également...

Une voix: Prends ton temps.

Mme Lamquin-Éthier: ...parce que je sais que c'est important qu'ils puissent le faire. Alors, je voudrais rappeler que, à cette étape-ci du déploiement du réseau de télécommunications, la Commission d'accès a considéré que l'amendement projeté à l'article 2 de la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie serait et était prématuré. Encore une fois, selon la Commission, avant d'aller dans cette direction, une réponse claire doit être apportée au sort que l'on entend réserver au dossier de l'usager. Doivent également être clarifiées toutes les règles relatives à la cueillette et à la communication de renseignements personnels par divers intervenants. Ça fait beaucoup d'interrogations, hein? Ça fait beaucoup de questions. Ça fait beaucoup de demandes, des demandes qui n'ont, à ce stade-ci, pas été répondues, puisque, le 30 mars, la Commission émettait un avis où elle réitérait encore une fois les mêmes règles.

Et, on a vérifié, nous avons accédé sur le site Internet aujourd'hui, à moins que la Commission d'accès à l'information ne tienne pas une liste de tous les avis qu'elle donne, nous n'avons pas trouvé d'avis subséquent au 30 mars 1999 en ce qui avait trait à la modification à l'article 2 de la loi sur le régime qui nous occupe à l'heure actuelle. Peut-être qu'il y en a un avis de la Commission. Si tel était le cas, bien, nous serions très heureux de pouvoir en prendre connaissance pour nous assurer du respect des règles en ce qui a trait à la confidentialité du dossier, respect des règles quant à la cueillette des données, respect des règles également quant à la communica-tion de renseignements personnels par les divers inter-venants.

La Commission d'accès à l'information, dans l'avis du mois d'octobre 1998, à la page 4, elle insiste quant à l'article 19 et elle se permet de dire: «Cet article laisse clairement apparaître l'intention du législateur. Les ren-seignements contenus au dossier de l'usager méritent une protection exceptionnelle. Cette protection va d'ailleurs bien au-delà de celle qui serait accordée par la Loi sur l'accès si cette dernière loi trouvait application en l'espèce.»

Alors, la Commission prend la peine de dire que l'article 19, ça mérite une protection exceptionnelle, les renseignements contenus au dossier. Et la Commission ajoute que cette protection-là va bien au-delà de celle qui est accordée par la Loi sur l'accès si cette dernière loi trouvait application.

Alors, je pense qu'il est important de revenir... On ne le dira probablement jamais assez, on ne veut pas que toute personne ait accès aux dossiers: à notre dossier, d'abord, et ensuite au dossier d'un usager. On ne voudrait pas que des informations circulent sans que des garanties formelles n'aient été données quant aux mesures de sécu-rité qui sont prises, et je pense que ça doit être clarifié. On ne voudrait pas que le mégafichier... Effectivement, on ne doute pas qu'il y a déjà des données qui sont régies par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, mais, ici, on monte plusieurs coches plus haut, on monte au niveau d'un réseau de télécommunications. Alors, je pense que la question doit être vue sous un angle qui est tout à fait différent.

(21 heures)

La Commission d'accès à l'information a pris la peine, dans les avis qu'elle a émis, de dire que le projet de loi n° 36 pourrait impliquer une communication massive de renseignements personnels, évidemment entre la Régie et les organismes, ceux qui sont mentionnés dans la note explicative. Alors, une communication massive, l'emploi n'est pas de l'opposition officielle. Ce n'est pas nous, là, qui l'utilisons, c'est bel et bien la Commission d'accès à l'information qui parle d'une communication massive d'informations.

La Commission d'accès à l'information, dans les deux avis qu'elle a émis également, soulève que le projet de loi n° 36, donc la modification qui a été transmise – et il n'y a pas de changement avec celle que je regarde précisément – ne précise aucunement – et encore une fois c'est la Commission qui utilise le terme «aucunement» – les règles et les paramètres relatifs à la nature – parce que ça peut être nominatif ou non, on ne le sait pas – des renseignements, à la cueillette, à la communication des renseignements personnels entre les différents établissements du réseau et, encore une fois, éventuellement, avec un réseau de cliniques médicales privées et d'autres partenaires sectoriels et intersectoriels qui ne sont pas identifiés.

La Commission, selon les avis dont nous avons pris connaissance, a toute raison de nous porter à penser – parce qu'on n'a pas trouvé d'avis subséquent au 30 mars – que jamais elle n'a reçu de réponse quant aux règles, quant aux paramètres relatifs à la nature des renseignements, à la cueillette et à la communication. À notre connaissance, il n'y a pas d'autres avis après le 30 mars. Aujourd'hui, le service de recherche est allé vérifier. Ils ont fait un travail extraordinaire. D'ailleurs, je voudrais les remercier. Ils sont allés voir, et il n'y en a pas. Et on a bien sûr pensé que la Commission d'accès à l'information, c'était peut-être difficile pour elle de tenir une liste exhaustive de tous les avis qu'elle émet. Mais, chose certaine, il n'y en avait pas sur le projet de loi n° 36 après le 30 mars 1999.

Le projet de loi n° 36, M. le Président, quand on le regarde, encore une fois, il peut paraître anodin. Mais je pense que les raisons, les interrogations que nous venons de soulever démontrent ou soulèvent, en tout cas à première vue, de façon très claire, et avec deux avis de la Commission d'accès à l'information, qu'il y a beaucoup de réponses qui n'ont pas été données. On peut penser que, tel qu'il est rédigé à l'heure actuelle et malgré un petit amendement qui aurait été fait... Parce qu'il y en a un qui a été apporté en 1998 et il y en a un qui a été apporté après, mais ça ne change pas les exigences. Ça ne change rien au niveau de ces exigences-là, ça ne vient en rien garantir que toute entente va être soumise à la procédure qui est prévue à l'article 70 et ça ne vient en rien démontrer que la confidentialité du dossier de l'usager va être assurée, garantie, préservée. On ne l'a pas, cette garantie-là.

Alors, on a toute raison de penser, l'opposition officielle a toute raison de penser – et d'autant plus qu'elle a deux avis de la Commission puis d'autant plus qu'il y a rien qui nous dit qu'il y aurait un complément d'information – que le projet de loi n° 36, tel qu'il est rédigé, ne donne pas de garantie quant au respect des règles assurant la confidentialité du dossier de l'usager et des renseignements nominatifs.

Encore une fois, pensez à un exemple que je citais... Puis je pourrais vous en citer d'autres. Selon la jurisprudence toujours, un citoyen veut louer un chalet d'été. Il y a des normes qui sont édictées par le ministère de l'Environnement et de la Faune. Il y a un petit formulaire qui est rédigé, et, dans ce petit formulaire-là, il y a une exigence que toute personne fournisse son numéro d'assurance-maladie. Il y a un citoyen qui regarde ça, il dit: Écoutez, moi, je veux louer un chalet, là. On me demande un renseignement qui est personnel, qui est confidentiel. Et, même s'il est prévu sur le formulaire, je ne comprends pas pourquoi j'aurais à fournir ma carte-soleil ou le numéro qui est sur ma carte-soleil, comme tout le monde le dit.

Et, effectivement... Puis ça a été fait pourtant. Il y a des citoyens qui avaient effectivement... C'est une belle région. Ils ont voulu louer des chalets. Ils se sont fait présenter le même formulaire, la même demande, et, de bonne foi, ont donné leur numéro tel qu'il apparaissait sur la carte-soleil. Il y a un citoyen, à un moment donné, qui s'est dit: Pourquoi on me demande ça? On va dans des boutiques, on nous demande notre numéro. On va dans d'autres endroits, on nous demande ça comme preuve d'identité nous permettant de nous identifier. Or, la loi est très stricte là-dessus. Le citoyen a donc porté plainte auprès de la Commission d'accès à l'information, et la Commission... Et là je ne vous lis pas l'arrêt, mais je vous prie de croire, et je l'ai en main, qu'elle a effectivement dit que c'était un renseignement personnel, confidentiel et que le ministère – à l'époque, c'était Environnement et Faune – ne pouvait pas demander à un citoyen qui veut louer un chalet de lui fournir le numéro qui est inscrit sur sa carte d'assurance-maladie.

Rappelez-vous les établissements qui ont envoyé ça aux fondations. Vous sortez de l'hôpital, vous êtes à peine arrivé chez vous, vous avez à peine récupéré, vous recevez une lettre de sollicitation. C'est sûr que vous avez reçu de bons soins. C'est sûr que vous êtes reconnaissant envers le médecin, envers l'établissement, mais là n'est pas la question. Vous recevez chez vous – un viol, c'est votre domicile – une lettre provenant d'une fondation, qui a des buts légitimes, on ne le conteste pas, une lettre de sollicitation parce que l'information qui était détenue par l'établissement a été transmise à une fondation qui n'avait pas le droit de la recevoir.

Alors, il y a donc des cas... puis il y en a de nombreux autres dans la jurisprudence, notamment une entente entre la régie régionale et un établissement. On disait bien qu'il y avait une entente, sauf que, quand le demandeur a porté plainte auprès de la Commission d'accès à l'information et qu'il a demandé à recevoir copie d'une entente qui venait traiter de l'utilisation de surplus d'opération utilisés par un établissement pour implanter un système d'information sur la clientèle, bien ils n'ont jamais trouvé la copie de l'entente.

Encore une fois, au préalable, il faut qu'il y ait une entente, qu'elle soit écrite. Et il y a aussi d'autres arrêts. Et ça, c'est extrait de la jurisprudence de la Commission d'accès à l'information qui reprend qu'on assiste depuis plusieurs années à une prolifération de fondations, alors, avec ce que ça comporte. Quand ça prolifère, c'est difficile à contrôler. Ici, on parle d'un mégaréseau. Alors, je pense que les règles doivent être connues en partant. Il parlait d'une communication d'un ordinateur à un autre, il disait: Ce n'est pas une véritable divulgation. Bien, la Commission d'accès à l'information a eu à considérer cet argument-là. Tout à l'heure, on parlait de la vitesse, mais on pourrait aussi parler de la détention, de la durée de la détention.

Il y a tellement de questions qui sont soulevées, et la jurisprudence est intéressante sur la question. Il y a de nombreux articles qui reprennent des plaintes qui ont été formulées par des citoyens au sujet de la transmission de renseignements médicaux. Une personne qui travaille dans un centre hospitalier, il y a un vol, il y a une agence de sécurité qui intervient. Les gestionnaires de l'organisme, donc de l'établissement, qui ont accès à son dossier, donc accès aux certificats médicaux, accès à tout ce qui a été déposé, se font faire une demande pour transmettre une information qui leur permettrait de faire enquête. Ça n'a pas été retenu. Ce n'était pas autorisé. On ne pouvait pas faire une telle transmission, communication du numéro d'assurance sociale à une agence de sécurité. Non, l'établissement ne pouvait pas faire ça.

Ici, plainte d'un citoyen au sujet de la transmission de renseignements médicaux concernant un salarié à différentes personnes d'un même organisme pour justifier une absence. Parce que ça va être manipulé, là, 600 établissements. Combien de personnes vont recevoir ces données-là? Combien de personnes vont avoir à les manipuler? Combien de personnes vont intervenir? Vous comprenez qu'il y a énormément d'éléments qui peuvent être soulevés. Évidemment, il faudra clarifier peut-être, mais on aura l'occasion de le faire établir en commission parlementaire, qu'est-ce qui est confidentiel, qu'est-ce qui est nominatif, qu'est-ce qui est non nominatif. La couleur de mes cheveux, c'est nominatif parce que ça permet de m'identifier. Le sexe, c'est nominatif parce que ça permet d'identifier une personne. Alors, la Régie ne pourrait pas transmettre une information à cet égard-là parce qu'elle est nominative, et la loi est stricte, elle dit «doit».

(21 h 10)

Alors, M. le Président, l'opposition officielle ne peut pas, ne doit pas, à ce moment-ci, donner son approbation pour l'adoption du principe dudit projet de loi n° 36, et nous sommes assurés que la commission parlementaire nous donnera l'occasion, lors de l'étude de l'article 2... Parce que, à toutes fins pratiques, on n'étudiera que l'article 2, puisque l'autre, c'est la mise en vigueur. Donc, on ne doute pas que Mme la ministre va être accompagnée peut-être du directeur général de la Commission d'accès, peut-être du président de la Commission d'accès, peut-être d'autres personnes avec lesquelles on va pouvoir lire les deux avis qu'ils ont émis pour avoir des réponses qui ne semblent pas avoir été données. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bourassa et critique officielle de l'opposition en matière de santé et de services sociaux. Nous cédons maintenant la parole au député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition officielle.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Je vais commencer en référant aux derniers propos prononcés par ma collègue la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et députée de Bourassa. Elle a dit: À ce moment-ci, l'opposition ne peut définitivement pas appuyer le projet de loi n° 36 sous étude, et je pense que cette référence-là est extrêmement pertinente, car, afin de déterminer si, oui ou non, on va appuyer un projet de loi, il faut toujours se référer au contexte dans lequel il est présenté. C'est la même chose, vous savez, pour l'interprétation des lois. On dit que, pour interpréter une loi, il faut toujours, pour savoir ce qu'une phrase veut dire, l'interpréter par rapport aux autres phrases de la loi, c'est-à-dire son contexte interne, et par rapport à l'intention du législateur et un peu à ce qui est en train de se passer dans la société. Ça ne se lit pas dans un vide, il y a toujours besoin d'un contexte.

Le contexte, ici, M. le Président, est le suivant: on vit depuis 18 mois au Québec une grave crise de confiance du public à l'égard du gouvernement du Parti québécois, notamment à l'égard de son inhabileté chronique, prouvée, à assurer le respect de la vie privée, à garantir la confidentialité des informations qui concernent les choses les plus intimes du citoyen. On vient de le vivre au cours d'une période de plusieurs semaines avec le nouveau ministre du Revenu, rappelez-vous.

Le 27 avril, la Commission d'accès à l'information rend public un avis, un avis dans lequel la Commission dit clairement que, contrairement à la prétention de la députée de Rosemont, qui était jusqu'alors la ministre du Revenu, la transmission d'informations fiscales personnelles nominatives confidentielles... Elle avait fait cette transmission à une compagnie de sondage. La Commission a conclu clairement à l'illégalité de cette transmission-là. J'insiste sur le fait que c'était un avis de la Commission d'accès à l'information, parce qu'il va beaucoup être question ce soir d'avis émanant de la Commission d'accès à l'information mais qui ne sont pourtant pas, à proprement parler, au sens strict, des avis de la Commission d'accès à l'information, qui sont plutôt signés par un officier qui n'est même pas membre de la Commission d'accès, et c'est une distinction extrêmement importante sur laquelle on va avoir besoin de travailler un petit peu plus.

Donc, faisant ce que le premier ministre et le nouveau ministre du Revenu ont dit être la chose honorable, la députée de Rosemont a sollicité un avis à la Commission d'accès et a démissionné de ses fonctions à titre de ministre pour cette chose-là, pour avoir fait défaut de respecter les dispositions pourtant impérieuses de la Loi sur le ministère du Revenu concernant la protection de la vie privée. C'est le sujet qui est devant nous encore ici ce soir, M. le Président. La collègue de la ministre sortante du Revenu l'actuelle ministre de la Santé et des Services sociaux arrive un peu plus tôt en Chambre et dit ceci. Elle dit: Vous savez, M. le Président, cette loi – le projet de loi n° 36 sous étude – a à peine deux articles. Donc, où peut être le problème? Comme si le fait d'avoir deux articles changeait quoi que ce soit quant au fond du projet de loi sous étude.

M. le Président, je l'ai dit tantôt, par rapport à la démission de la députée de Rosemont, il y a eu, en bonne et due forme, un avis de la Commission d'accès à l'information. Tantôt, la ministre de la Santé et des Services sociaux, sans doute de bonne foi, s'est trompée carrément lorsqu'elle a fait l'affirmation suivante: «Le projet de loi n° 36 a fait l'objet d'un avis favorable de la part de la Commission d'accès à l'information.»

In Ireland, Mr. Speaker, that affirmation on the part of the Minister would be called malarkey. There are other words for it in the English language that are less polite. They have to do with bovines. But we needn't go into that right now. What she said was simply not true.

La ministre s'est trompée parce que, de toute évidence, elle référait aux deux documents que voici: un avis daté du 6 octobre 1998 et un autre du 30 mars 1999. Ni l'un ni l'autre de ces avis, de ces opinions – c'est plutôt de ça qu'il s'agit – n'émane de la Commission en tant qu'organisme dûment créé par une loi de l'Assemblée nationale. Ça peut paraître une distinction assez pointue, mais, lorsque le secrétaire et directeur du service juridique de la Commission d'accès à l'information exprime son opinion en tant que directeur des affaires juridiques de la Commission d'accès à l'information, il ne peut pas être interprété comme émettant un avis de la Commission d'accès à l'information proprement dite, et c'est malheureusement ce que la ministre a erronément dit ici, en Chambre, plus tôt, cette soirée. Ça, c'est quant à la forme de l'avis en question. Est-ce qu'on a devant nous un avis de la Commission d'accès à l'information qui dit que le projet de loi n° 36 est correct? Réponse: Non.

Quant au fond des deux opinions exprimées par le secrétaire et directeur du service juridique de la Commission d'accès à l'information, là non plus la ministre ne peut pas trouver refuge ou secours, car, effectivement, comme ma collègue la députée de Bourassa l'a si bien explicité tout à l'heure, le premier avis, celui d'octobre 1998, tire à boulets rouges sur la première version du ministère de la Santé et des Services sociaux. Exit la version d'octobre 1998.

On arrive à la fin du mois de mars 1999, et ce qui est intéressant, encore une fois, pour situer le projet de loi dans son contexte, c'est qu'à la fin du mois de mars, là, en ce qui concerne la vie privée, ça commence déjà à brasser. Là, là, rien ne va plus, on commence à avoir des indications qu'il y a pu y avoir faute grave pour ce qui est de la conservation du secret fiscal, on a des inquiétudes dans plusieurs autres dossiers.

L'avis de la Commission d'accès – l'avis toujours de son secrétaire et directeur du service juridique – est un peu plus prudent. Il ne faut pas faire exprès, il paraît, quand on le lit, mais, même sur le fond, il ne dit jamais – et c'est important d'insister là-dessus – jamais que le projet de loi n° 36 respecte les impératifs de la protection de la vie privée et des renseignements confidentiels. Au contraire, il dit ceci: «Par ailleurs, la Commission – encore une fois, c'est un officier de la Commission qui n'est pas membre de la Commission, c'est un peu compliqué – insiste encore une fois sur le fait que les nouveaux mandats confiés à la Régie, entre autres dans le cadre du déploiement du réseau de télécommunications sociosanitaires, devront respecter les règles de confidentialité du dossier.»

Et sur la même page: «La Commission craint que le libellé suggéré ne puisse porter à interprétation quant à l'application de chacun des alinéas de l'article 70 de la Loi sur l'accès. Elle souhaiterait donc que l'amendement projeté puisse lever cette difficulté d'interprétation et laisse clairement apparaître que toute entente conclue en vertu de l'article 2», et ainsi de suite...

Ce n'est toujours pas écrit là-dedans. Ce n'est toujours pas écrit que toute entente... Au contraire. Parfois, quand il y a une ambiguïté dans la loi, ça nous aide un peu de lire les versions française et anglaise, et c'est ce que je vais me permettre de faire ici avec un bout de phrase dans le projet de loi n° 36 parce qu'il n'était vraiment pas clair en langue française.

(21 h 20)

«La Régie a aussi pour fonction d'assumer la gestion de données en matière de santé et de services sociaux que lui confie, par entente soumise à l'application de l'article 70 de la Loi...» Puis, en anglais: «...to assume the management of data concerning health and social services pursuant to an agreement subject to section 70...» «Subject to section 70» peut vouloir dire «sous réserve de». Et ça ne nous est d'aucun secours pour tenter d'élucider l'intention du législateur, tel que rédigé ici. Je sais que je parle non seulement à un confrère juriste, mais effectivement à un notaire qui, peut-être pas mal plus que la plupart des avocats, a l'habitude de bien soigner un texte et porter attention particulièrement aux mots.

Alors, c'est ce qu'on a devant nous aujourd'hui, M. le Président, une ministre qui se lève et dit: Écoutez, là, ne regardez même pas cette affaire-là, c'est deux articles à peine; voyons donc, arrêtez de vous en faire avec ça! On a un texte qui, soi-disant, fait l'objet d'un avis, et c'est son terme exact, elle a dit «un avis favorable de la Commission d'accès à l'information». Pas vrai? On lit même l'avis, puis ça ne lui donne jamais cette permission-là. Et pourtant, dans un contexte de non-respect du secret fiscal, avec de l'information confidentielle, fiscale, personnelle, nominale pour le ministère du Revenu, avec plusieurs autres cas – ça a commencé aujourd'hui, mais il y en a plusieurs autres qui vont s'en venir – on a la témérité de se lever en cette Chambre et de dire: À bien y penser, voulez-vous donc adopter cette loi-là? c'est juste deux articles, parce que ça urge pour que les fonctionnaires de la Santé puissent commencer à jouer un petit peu plus là-dedans.

Pourquoi est-ce que c'est important pour le public de s'arrêter sur le contenu du projet de loi n° 36? C'est sûr, M. le Président, puis vous avez l'habitude plus que la moyenne des personnes dans notre société d'écouter les prétentions du gouvernement puis les ripostes, récriminations, analyses et critiques de l'opposition officielle. C'est sain, c'est le processus démocratique, et il n'en sera pas autrement ce soir. Mais ce que nous trouvons particulièrement difficile à comprendre dans le contexte qui nous occupe, c'est que cette loi-là vient dans le contexte qu'on vient de nommer. Pourquoi donc, dans ce contexte, est-ce que le public devrait être très inquiet par le projet de loi n° 36?

Parce que, si le secret fiscal a pu être si facilement violé et si le nouveau ministre du Revenu a pu avoir la témérité de venir adopter une loi en utilisant le bâillon, une loi rétroactive pour se donner raison... Et sa collègue de Rosemont n'a peut-être pas pu remarquer, mais, quand il a fait la présentation de ce projet de loi rétroactif pour se désincriminer dans ce qu'il aurait fait lui-même, il a dit: Rien dans le projet de loi n'affecte un geste illégal de transmettre de l'information à une compagnie de sondage privée. On l'a soulevé après puis on a même fait une proposition de modification, on a dit: Attention, là! vous n'êtes pas en train de pousser l'audace jusqu'à dire que ce qui a été fait avec une compagnie de sondage privée, qui était illégal, va le demeurer, mais ce qui a été fait avec un organisme public, qui était tout aussi illégal d'après l'avis de Yves Ouellette, l'ancien doyen de la Faculté de droit de l'Université de Montréal... ce que vous avez fait là, vous êtes en train de laisser la porte ouverte à ce que vous puissiez vous justifier.

Nous, on a dit: Attention, là! il y a une limite à l'indécence; on va vous proposer une modification qui va faire ceci, qui va dire clairement que votre projet de loi, pour vous décriminaliser vous-même rétroactivement, ne saurait en aucun cas servir de prétexte pour de la transmission illégale de données à une compagnie de sondage privée ou à un organisme public, si c'était fait contrairement à la loi. Pour ce qui était des contrats, on comprenait que les jeux étaient faits, mais la Commission d'accès a quand même toujours son travail à faire pour l'autre bout de ce dossier-là.

C'était incroyable de voir le gouvernement agir ainsi parce que c'est tellement... ça participe... ce n'est pas nous qui le disons, c'est la Cour suprême, et je me souviens, Jacques Parizeau l'a déjà dit en Chambre, c'est un des fondements de l'État moderne, de l'intégrité de l'État, le respect du secret fiscal. Pourquoi? Parce que, si on veut que l'État moderne qu'on a fonctionne, si on veut que l'Hydro soit payée à l'Assemblée nationale, si on veut que les routes soient avec de l'asphalte à chaque fois qu'elles en ont besoin, il faut que le gouvernement ait de l'argent. Et, pour que l'argent rentre, il faut avoir un système fiscal. Et, pour que ce système fiscal fonctionne, il faut que les gens déclarent tout, il faut qu'ils donnent beaucoup d'informations confidentielles, privées. Ça gère aussi une loi sur les pensions alimentaires, donc divorcé, pas divorcé, enfants, pas d'enfants, entente hors cour, pas d'entente hors cour. Avez-vous d'autres biens? Est-ce que vous participez à des REER?

Aujourd'hui même, à l'Assemblée nationale, le Protecteur du citoyen a déposé son plus récent rapport annuel, et il cite trois cas de violation flagrante du secret fiscal au ministère du Revenu. Trois autres cas qu'on ignorait jusqu'alors. Alors, ça, c'est au ministère du Revenu. Mais est-ce qu'il existe, dans tous les domaines où le gouvernement touche à nos affaires personnelles, est-ce qu'il existe quelque chose de plus délicat, de plus secret, de plus personnel que tout ce qui s'appelle information sur notre état de santé? Est-ce qu'on prend des médicaments? Ça aussi, c'est là-dedans maintenant parce qu'on a un système universel en ce qui concerne les médicaments maintenant, avec toutes ses imperfections, mais c'est un système qui permet quand même d'avoir aussi accès à cette information concernant tous les médicaments. Est-ce qu'on a fait des visites chez le médecin? Si oui, c'était quoi, le diagnostic?

Dimanche soir, sur le réseau CTV, Dale Goldhawk, qui est un journaliste enquêteur, qui fait un peu le protecteur du citoyen, justement, a soulevé un cas très intéressant d'une dame à Sudbury dont le mari était mort il y a un an et demi.

Une voix: En Ontario.

M. Mulcair: Oui. Vraiment, ils sont très vifs, sur les banquettes du gouvernement, ce soir. Il y en a même un qui sait que Sudbury, c'est en Ontario. Et ça concernait une banque située au Québec, la Banque Nationale, et ils ont filmé ça au siège de la Banque Nationale à Montréal. Et le mystère là-dedans, c'est que ça faisait plus d'un an et demi que le mari, malheureusement, était décédé, et la banque refusait catégoriquement de rembourser en vertu du contrat de police d'assurance; elle refusait de donner la moindre raison. Normalement, on penserait qu'il y a un inspecteur des institutions financières, ou un surintendant des assurances, ou quelqu'un qui peut faire ça, mais transfrontalier, c'est peut-être un peu plus difficile. Peu importe, ça se ramasse dans les mains de M. Goldhawk de CTV. Il rencontre les gens de la banque qui refusent toujours de lui dire pourquoi, mais ils finissent pas dire qu'ils vont émettre le chèque.

Vous savez, M. le Président, vous n'avez qu'à penser à l'opération qui est sous étude ici: accès à tout ce qui s'appelle dossiers de santé personnels. Vous savez comme moi comment ils sont rusés. On les voit, c'est toujours le même réseau, d'ailleurs, qui se promène dans le dossier de l'accès à l'information. Imaginez, justement, puisque relié dans un cas très bien connu à un des cabinets d'avocats qui représente systématiquement des compagnies d'assurances lorsqu'elles veulent refuser de reconnaître leur responsabilité, lorsqu'elles désirent ne pas payer, vous imaginez? Même si c'était, théoriquement du moins, contre l'ordre public pour une compagnie d'assurances d'avoir eu accès illégalement à notre dossier de santé, ça ne les empêcherait pas de le savoir et d'amener les gens, par après, à témoigner sous serment puis d'avoir cette capacité de savoir ça.

Est-ce que vous comprenez non seulement qu'est-ce que ça constitue comme viol de la vie privée, mais comme pouvoir? Comme si les compagnies d'assurances, notamment la compagnie qui représente les médecins au Québec... C'est l'exemple classique. Ils ont tous les moyens inimaginables et possibles pour combattre les réclamations du citoyen devant les tribunaux, au Québec, avec notre Code civil puis la jurisprudence récente: Oui, c'était la jambe droite qui devait être amputée, ils ont amputé la jambe gauche, mais, qu'à cela ne tienne, c'est le genre d'erreur qui arrive.

(21 h 30)

Le citoyen a déjà assez de choses poussées contre lui dans ces choses-là, c'est à nous, les élus, de jeter un regard critique sur des projets de loi comme celui-ci et de dire: Attention, là, vous ne pensez pas que vous avez déjà assez violé le secret fiscal? Vous pensez vraiment que, parce que c'est une couple d'articles, on va vous faire confiance?

J'ai eu l'occasion, lorsque j'étais porte-parole en matière d'accès à l'information et protection de la vie privée, de rencontrer les gens à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, qui s'apprêtaient à porter une brèche extraordinaire dans le secret des services de santé. Ils allaient constituer une compagnie privée, Motus, ça s'appelait; je ne sais pas si ça s'appelle encore, j'espère que ça a disparu de la circulation. C'était le même genre d'illégalité qu'on a faites au ministère du Revenu en transmettant des informations qui devaient être confidentielles en dehors des murs du ministère, mais ils le faisaient parce qu'on est à l'ère où les technologies d'information évoluent tellement rapidement qu'on se convainc qu'il n'y a aucun danger.

M. le Président, sur les planchers, «on the wards», dans les hôpitaux, l'information n'est même... Il n'y a même plus semblant d'un prétexte d'une tentative de garder secret le dossier patient. Il y a tellement de gens qui y ont accès, puis même s'ils n'y ont pas accès, ils peuvent y aller quand même. Puis les professionnels qui ont droit d'y avoir accès puis d'écrire, bon, ils essaient de garder un certain contrôle, mais l'information circule librement. Ne laissons pas ça arriver avec les meilleurs fichiers, sur des millions de citoyens. Disons, ce soir, ensemble... j'espère que le gouvernement et ses membres vont dire: Écoutez, ça n'a plus de bon sens, c'est indécent! Un minimum de pudeur et de respect pour les droits des citoyens! Il est temps qu'on mette fin à ces fuites et à cette indécence dans le transfert trop facile d'informations personnelles confidentielles au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Nous allons maintenant céder la parole au député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. On peut croire qu'aujourd'hui on est dans un débat qui parle de santé uniquement, mais, moi, je vais commencer par parler de technologie.

On est dans un environnement très changeant qui s'adapte rapidement à toutes les nouvelles dispositions, mesures technologiques qui existent sur le marché, et ça bouge à un rythme absolument effarant. Je regarde, notamment sur Internet, toutes les possibilités. On peut aller en voyage sur Internet. On peut aller visiter des galeries d'art. On peut faire des emplettes. On peut s'instruire. On peut se divertir. On peut jouer. Nos enfants... Moi, j'ai des enfants qui, à trois ans, sont très habiles sur ce système-là. On connaît des adolescents qui sont des magiciens avec le clavier. Et ça, c'est en 1999. On peut s'imaginer que le progrès technologique, dans quelques années, va nous amener à des frontières qu'on peut difficilement imaginer aujourd'hui.

Quand on regarde l'avènement, notamment, de la téléphonie cellulaire, de nos machines de retraits automatiques, les guichets automatiques, quand on regarde la technologie qui existe maintenant dans nos voitures, ce sont tous des secteurs qui évoluent très rapidement. Imaginons-nous, il y a quelques années, tout simplement penser pouvoir se promener avec un téléphone sans fil et rejoindre n'importe qui dans le monde. Pensons aux guichets automatiques qui, maintenant, deviennent monnaie courante et qui, il y a quelques années, pouvaient être difficilement envisageables. Pensons à toutes ces technologies qui vont faire évoluer le Québec à un rythme très important. Et on se vante ici d'avoir l'industrie du multimédia. Eh bien, toutes ces réalités sont des éléments de réjouissance. Et, pour nous, du côté de l'opposition officielle, on s'inscrit très certainement dans cette lignée de progrès technologiques.

Mais il y a un autre côté à ce pendant technologique, on n'en connaît pas toutes les faces cachées, et on ne connaît pas où ça va nous amener, et on ne connaît surtout pas quels sont les pièges qui nous guettent avec ce bouleversement technologique extrêmement rapide. Et aujourd'hui, dans un projet de loi de deux articles, on nous demande de signer un chèque en blanc qui va permettre de consolider, dans un mégafichier informatique, des informations très personnelles sur la vie privée, sur la santé des Québécois et des Québécoises. Ce projet-là, c'est comme dire: On va mettre dans une grosse boîte qui, théoriquement, est protégée par toutes sortes de murs coupe-feu, toutes les informations les plus personnelles, les plus délicates, alors qu'on sait très bien que, je pense, n'importe qui peut concevoir que les systèmes américains, notamment de la CIA aux États-Unis, notamment en termes de défense, ce sont des systèmes extrêmement sophistiqués qui ont toutes ces mesures de protection mais qui, par hasard, l'an passé, se sont vu pénétrer par un génie de l'informatique qui a décidé de jouer avec le système pour y pénétrer.

La morale de ça, c'est de dire: On peut prévoir bien des choses, mais on ne peut tout prévoir. Et aujourd'hui on nous demande de donner un chèque en blanc parce qu'on a présumément tout prévu dans ce système, dans ce mégafichier-là pour protéger la vie privée des gens parce que le système va – et, sur le principe, on peut être d'accord – consolider en un seul endroit l'ensemble des informations les plus personnelles des gens, notamment en matière médicale.

Le projet de loi, en fait, nous demande de donner un nouveau mandat qui n'existait pas à la Régie de l'assurance-maladie pour lui permettre d'assumer la gestion de données en matière de santé et de services sociaux, et ça, ça va être confié à la Régie soit par le ministère de la Santé, soit par la régie régionale, soit par un établissement à travers le Québec – et Dieu sait s'il y en a beaucoup – soit par un directeur de la santé publique ou un conseil régional institué par la Loi des services de santé et des services sociaux pour les autochtones cris. Bien, c'est excessivement large, ce qu'on est en train de proposer, et c'est excessivement troublant. D'ailleurs, lorsque nous regardons ce projet-là, il y a lieu d'être inquiet, et l'inquiétude a été contagieuse parce que, lorsqu'on regarde ce qui s'est passé, la Commission d'accès s'est manifestée dans ce dossier-là. Mais pourquoi faut être inquiet? C'est lorsqu'on voit la feuille de route du gouvernement en matière de protection de la vie privée.

J'ai fait mon entrée à l'Assemblée nationale il y a seulement quelques mois – six mois, le 30 novembre – et, depuis ce temps-là, bien, on a vu ce genre de désinvolture à maintes reprises concernant la gestion des dossiers privés des citoyens du Québec. Mon collègue de Chomedey faisait allusion au malheureux incident avec la députée de Rosemont où on a donné des informations personnelles à une firme de sondage au ministère du Revenu. On connaît les conséquences. Certainement que la bonne foi était là dans le ministère, certainement qu'il y avait eu des mesures de prises pour tenter de minimiser les risques, mais le résultat net, M. le Président, c'est qu'il y a eu des informations personnelles de lancées dans le décor. La Commission d'accès s'est prononcée en disant que c'était illégal, et on a eu une démission. Mais ça s'est poursuivi.

On a l'actuel ministre du Revenu qui a avoué que la loi avait été violée en matière de protection de renseignements personnels, notamment avec le Bureau de la statistique du Québec, on a les fuites au bureau du premier ministre, qui sont sous enquête avec un juge, et aujourd'hui on voit, dans le rapport du Protecteur du citoyen, qu'on a encore le Revenu qui... Et c'est pathétique de voir ça. On a une citoyenne du Québec qui dit bien ouvertement à Revenu Québec: J'ai des difficultés de paiement, j'ai de la difficulté à payer mes impôts, et l'employé de Revenu Québec lui dit simplement: Bien, écoutez, là, j'ai regardé ça, et votre mari est en bonne situation financière; demandez-lui donc de payer pour vous, ce qui est encore contraire à la loi. Encore un exemple aujourd'hui où le secret de renseignements personnels, c'est très bas sur la liste de priorités du gouvernement. Et pourtant on nous soumet un projet qui ouvre toute grande la porte certainement à la collecte d'informations, mais à l'abus, à l'abus, parce qu'on a deux avis de la Commission d'accès, soit le 30 mars 1999 et le 6 octobre 1998, qui nous disent, dans un cas: Vous ne devriez pas faire cela, et, dans un autre cas, la Commission dit: Soyez excessivement prudents, vous marchez sur des oeufs, c'est un piège important pour l'accès à l'information.

(21 h 40)

Lorsqu'on regarde, M. le Président, le premier avis qui a été défavorable, daté du 6 octobre, et qu'on lit certains passages, on peut lire – et je cite la Commission d'accès: «Ce nouveau mandat qu'assume déjà en partie la Régie s'intégrerait dans la mise en place du réseau de télécommunications sociosanitaires. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, maître d'oeuvre de l'implantation de ce réseau, entend ainsi établir un véhicule d'échange d'informations cliniques, financières et opérationnelles entre les 600 établissements du secteur de la santé et des services sociaux, les 18 régies régionales, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, l'Office des personnes handicapées et le ministère. Viendraient ensuite se greffer à ce réseau les cliniques médicales privées et d'autres partenaires sectoriels ou intersectoriels.»

M. le Président, on ouvre la porte ici, et je le répète, à l'échange d'informations cliniques chez les gens du Québec, et ça, ça va être consolidé dans un seul fichier. Et la Commission poursuit en disant: «À cette étape du déploiement du réseau de télécommunications sociosanitaires, la Commission d'accès à l'information considère toutefois que l'amendement projeté à l'article 2 – et l'article 2, c'est de ça qu'on parle – serait donc prématuré. Selon la Commission, avant d'aller dans cette direction, une réponse claire doit être apportée au sort que l'on entend réserver au dossier de l'usager. Doivent également être clarifiées toutes les règles relatives à la cueillette et à la communication de renseignements personnels par les divers intervenants.» Et là on fait référence, évidemment, à l'article 19 de la Loi sur les services sociaux qui dit que le dossier de l'usager est confidentiel, et nul ne peut y avoir accès. Bien, M. le Président, ce sont des préoccupations extrêmement importantes de la part de la Commission d'accès.

Et la réponse de la ministre à ça, bien, ce n'est simplement pas satisfaisant. Lorsqu'on poursuit et qu'on regarde ce qui a donné lieu notamment au deuxième avis de la Commission, qui, soit dit en passant, n'est pas un avis, mais simplement un commentaire du secrétaire et directeur du service juridique daté du 30 mars 1999, bien, lorsqu'on regarde ça, on voit que, bien que certaines craintes aient été regardées, la Commission poursuit en disant: «...cependant la Commission craint que le libellé suggéré ne puisse porter à interprétation quant à l'application de chacun des alinéas de l'article 70 de la loi d'accès à l'information. La Commission souhaiterait donc que l'amendement projeté puisse lever cette difficulté d'interprétation et laisse clairement apparaître que toute entente conclue en vertu de l'article 2 doit être soumise à la procédure prévue à l'article 70 de la loi.»

Par ailleurs, la Commission poursuit en disant qu'elle «insiste encore une fois sur le fait que les nouveaux mandats confiés à la Régie, entre autres dans le cadre du déploiement du réseau de télécommunications sociosanitaires, devront respecter les règles de confidentialité du dossier de l'usager et plus particulièrement celles actuellement décrites aux articles 19 et suivants de la Loi sur les services de santé et services sociaux». Et, à cet effet, la Commission réfère, dans cet avis du 30 mars, à l'avis du 6 octobre.

Alors, on voit de toute évidence, M. le Président, que la Commission est très mal à l'aise dans ce dossier-là. Elle est très préoccupée de la fuite d'informations. Elle dresse toutes sortes d'avertissements à la ministre quant à son projet de loi, elle lui dit: Soyez très prudente, Mme la ministre, parce que ce que vous êtes en train de faire va mettre en péril la confidentialité de certains renseignements. Pourtant, la ministre va de l'avant et, pour ajouter l'insulte à l'injure, dit essentiellement dans le projet de loi que, si effectivement un avis à la Commission était demandé, elle pourrait, de toute façon, s'en dissocier et présenter, de toute façon, les conclusions qu'elle tirerait à l'Assemblée nationale sans pour autant respecter la Commission d'accès.

Bien, M. le Président, lorsqu'on regarde la Commission d'accès et ce qu'elle dit pas juste dans ce dossier-là, mais qu'elle a dit... Et je vais me référer ici, M. le Président, au livre rédigé par la Commission d'accès et qui dit: Vie privée et transparence administrative au tournant du siècle . C'est un rapport sur la mise en oeuvre de la Loi d'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, et on voit que, en termes de recommandations, il est clair pour la Commission...

Et je vais lire quelques passages. «La libéralisation des échanges n'est pas un objectif que le législateur devrait poursuivre.» Et, lorsqu'on parle d'échanges, on parle d'échanges entre différents organismes gouvernementaux. C'est l'avis de la Commission. Et on continue en disant: «Au contraire, les recommandations qui suivent s'inspirent des lignes directrices énoncées ci-après.» Puis les lignes directrices qui doivent guider, là, l'ensemble de l'appareil gouvernemental dans cette gestion-là, M. le Président, bien, c'est de dire ceci: Le législateur, bien, il ne s'est pas trompé en 1982 lorsqu'il a fait le pari que «le principe de l'étanchéité des organismes gouvernementaux devrait être au centre des dispositions de la Loi d'accès qui vise à sauvegarder justement les renseignements personnels. L'interdiction de communiquer des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée doit demeurer la règle, et les échanges de renseignements entre organismes, l'exception.» C'est clair. «Le citoyen doit savoir à quelle fin des renseignements sont recueillis à son sujet et il doit savoir à qui ils seront communiqués et, dans la mesure du possible, il doit consentir à cette communication-là.»

«Le critère de nécessité des échanges doit être scrupuleusement respecté et, chaque fois que cela est possible, le législateur devrait préciser dans les lois sectorielles les paramètres qui doivent guider les ministères et organismes. Seuls des motifs impérieux peuvent justifier une atteinte à la protection des renseignements personnels. L'État ne doit pas prendre le citoyen par surprise en rendant des décisions administratives à son sujet sur la seule foi d'informations obtenues d'un autre organisme. En tout temps, le citoyen doit pouvoir faire connaître son point de vue et exiger rectification de renseignements erronés.» Finalement, «la transparence des échanges de renseignements doit être assurée et les règles qui la président doivent être connues».

Ça, c'est la Commission d'accès qui nous a fait part de ces grands principes là, des lignes directrices qui doivent guider tous les ministères. Bien, manifestement, M. le Président, avec les informations que l'on possède maintenant, la ministre n'a pas suivi ces règles élémentaires de conduite pour la protection de renseignements privés dans le projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi n° 36.

Essentiellement, M. le Président, et je terminerai là-dessus, on a un projet de loi devant nous qui ouvre toute grande la porte à une communication massive des renseignements personnels entre la Régie de l'assurance-maladie, les régies régionales, les établissements et le ministère de la Santé. Elle ouvre toute grande cette porte-là. Elle ne ferme la porte à aucun genre de transmission d'informations. On n'a pas de balises, on n'a pas de carcan, on n'a pas d'interdiction. C'est un bar ouvert, M. le Président.

Le projet de loi reste muet quant aux préoccupations que la CAI, la Commission d'accès, a identifiées, tant au niveau du premier avis que du deuxième. Les craintes écrites dans les deux avis, manifestement claires pour la Commission, sont restées lettres mortes aux yeux de la ministre qui a décidé d'aller, de toute façon, de l'avant avec un projet de loi qui risque, encore une fois, de transmettre des renseignements personnels dans le décor.

Essentiellement, c'est pour ces raisons-là que l'opposition officielle ne peut à ce moment-ci souscrire au projet de loi, parce que la priorité dans ce dossier-là, bien que l'évolution technologique doive être une préoccupation gouvernementale, des Québécois également et de l'opposition, malgré ce progrès technologique important et obligatoire, impérieux, on doit tout de même assurer une protection des renseignements personnels et privés. Et ça, cette protection-là, doit être au coeur et au centre des préoccupations gouvernementales, bien avant les objectifs de rentabilité chez le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Alors, pour nous, l'atteinte à la vie privée est un faux pas dans ce dossier-là et c'est pour ça que nous allons nous inscrire en faux contre le projet de loi n° 36. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Hull. Nous allons maintenant céder la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Je ne me suis pas levé tout de suite parce que je pensais qu'un de l'autre côté voudrait parler sur ce projet de loi. Mais je ne suis pas certain que la vie privée, c'est quelque chose qui intéresse l'autre côté.

M. le Président, j'ai voulu faire une intervention dans le projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, Bill 36, An Act to amend the Act respecting the Régie de l'assurance-maladie du Québec, parce qu'il y a beaucoup de choses dans ce petit projet de loi qui m'inquiètent beaucoup.

M. le Président, la vie privée est menacée ici, au Québec. Pour être franc, je pense que c'est menacé partout en Amérique du Nord, avec les nouvelles technologies, mais je pense que c'est vraiment en danger ici. Je me suis levé souvent dans cette Chambre pour faire des commentaires contre les projets de loi soumis par ce gouvernement péquiste qui mettent en danger la vie privée de la population québécoise. Et j'ai beaucoup de questions avec ce projet de loi n° 36, ce soir, M. le Président.

(21 h 50)

Un bref rappel de l'histoire. Comme ancien porte-parole du revenu pour l'opposition, j'ai souvent questionné les deux anciens ministres délégués du Revenu sur leur appétit insatiable à avoir l'information regroupée dans la même place. Il y a plusieurs projets de loi, incluant le projet de loi n° 32, à cette époque, qui a créé les mégafichiers, qui donnent le pouvoir d'échanger de l'information. Je pense, si ma mémoire est bonne – peut-être que ça a déjà augmenté, M. le Président – mais il y a un échange entre 55 ministères, organismes et sociétés québécoises. C'est dangereux d'avoir cet échange d'informations et c'est plus dangereux, selon mon opinion, M. le Président, d'avoir ces mégafichiers. Ce soir, on rediscute toute la question des mégafichiers, mais, cette fois-là, le mégafichier est à la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

J'ai été déçu, M. le Président, par la courte intervention de la ministre, parce que j'ai voulu comprendre mieux pourquoi elle a déposé le projet de loi n° 36. Quand j'ai lu ça et quand mes collègues ont lu ça, j'ai eu de la misère à comprendre pourquoi. Est-ce que c'est pour freiner les services? Est-ce que c'est pour freiner la consommation? C'est quoi, les objectifs en arrière de ce projet de loi n° 36? Est-ce qu'elle veut améliorer les services? Je ne le sais pas et je n'ai pas entendu les commentaires de la ministre.

Laissez-moi juste citer l'article: «La Régie a aussi pour fonction d'assumer...» «A aussi pour fonction d'assumer». Avec ça, M. le Président, c'est une autre fonction. Déjà – et je vais citer ça plus tard – il y a plusieurs fonctions assez claires dont la Régie a la responsabilité. Et ça continue: «...a pour fonction d'assumer la gestion de données en matière de santé et de services sociaux...» «La gestion de données en matière de santé», l'échange de toute cette information confidentielle, malgré les lois. À quelle fin? C'est quoi, en arrière de ce mégafichier que la ministre veut créer? Ça continue, M. le Président, qu'elle peut faire tout ça, ou le ministère peut faire tout ça, par entente: «...par entente soumise à l'application de l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels», une entente qui est supposée protéger toute cette information confidentielle.

Mais, M. le Président, après lecture de cette partie de l'article, moi, j'ai visité le site Web de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et je trouve qu'il y a déjà un mandat de s'assurer de l'admissibilité des personnes, et elle paie ensuite les services, administre les données, et, ainsi, les chercheurs et différents acteurs du domaine de la santé peuvent avoir – peuvent avoir – accès, sur une base non nominative, à des renseignements utiles. Tu peux avoir l'information de ça. Ce soir, plus tard, je pense, M. le Président, que nous allons discuter le projet de loi n° 27 qui met en doute, dans mon opinion, encore une fois la vie privée des patients, de la population québécoise. Avec ça, ça peut être une soirée noire pour la protection de la vie privée.

M. le Président, on continue la lecture de cette mission, et c'est de l'information qui vient de la Régie même. Laissez-moi juste citer un texte sur son site Web: «Riche d'un environnement informationnel aux possibilités multiples et forte des résultats de son expérimentation de la carte à puce – souvenez-vous de la carte à puce, le microprocesseur – la Régie possède une grande expertise en matière de système, de technologie de l'information et de gestion des données qu'elle met au service de ses clients et partenaires – "qu'elle met au service de ses clients et partenaires". Afin d'appuyer dans leurs tâches les divers partenaires décideurs, administrateurs ou chercheurs, notamment le ministère de la Santé et des Services sociaux, les régies régionales et les associations professionnelles, la Régie rendra ces données de plus en plus accessibles.» «La Régie rendra ces données de plus en plus accessibles», M. le Président.

Maintenant, nous sommes en train de créer une loi pour faire un échange de toute cette information confidentielle, et il me semble que la Régie est plus intéressée à échanger cette information qu'à utiliser ça pour le patient.

Moi, j'ai continué mon analyse de la Régie, M. le Président. Je vois la composition du conseil d'administration, avec le pouvoir. Moi, je ne vois pas que, dans le pouvoir et dans les choses notées... et je sais que c'est un survol de tous les pouvoirs, mais il me semble que c'est assez important d'avoir dans cette place privilégiée une protection de l'information confidentielle de la vie privée. Je ne trouve pas ça, M. le Président. Et je demande, avec ce manque de protection: Est-ce que nous allons avoir vraiment la protection de cette vie privée, cette information confidentielle? Est-ce que les membres du conseil d'administration, qui sont nommés, qui représentent les professionnels, certainement le gouvernement, les établissements, les milieux d'affaires, les milieux de travail, les citoyens, est-ce que ces membres vont avoir accès à cette information? J'ai beaucoup de questions sur la vie privée, ce soir.

M. le Président, j'ai parlé d'un appétit insatiable. Il me semble que, déjà, la Régie a toute l'information nécessaire pour faire son travail. Je demande: Pourquoi est-elle en train d'avoir une autre fonction? Est-ce qu'ils ont le métier de protéger cette information? Parce que la vie privée, c'est essentiel et, chaque fois – je me souviens de tous nos débats au ministère du Revenu – il y a une bonne raison d'avoir un autre petit pas contre la protection de la vie privée et c'est nécessaire de faire un échange pour un programme x ou un programme y, mais, étape par étape, nous sommes en train de perdre la protection de notre vie privée.

La ministre a parlé des avis qu'elle a reçus. Certainement, c'est clair, le premier avis que la ministre a reçu en 1998 était complètement opposé. Laissez-moi juste citer un paragraphe de cet avis: «Ce nouveau mandat qu'assume déjà en partie la Régie s'intégrerait dans la mise en place du réseau de télécommunications sociosanitaires. Le ministère de la Santé et des Services sociaux, maître d'oeuvre de l'implantation de ce réseau, entend ainsi établir un véhicule d'échange d'informations cliniques, financières et d'opération entre 600 établissements du secteur de la santé et des services sociaux et les 18 régies régionales, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, l'Office des personnes handicapées et le ministère.» M. le Président, c'est beaucoup.

Le deuxième avis de la Commission parle qu'«avant d'aller dans cette direction, une réponse claire doit être apportée quant au sort que l'on entend réserver aux dossiers des usagers. La Commission demande également que soient clarifiées toutes les règles relatives à la cueillette et à la communication de renseignements personnels par les divers intervenants.»

M. le Président, quand la ministre a parlé de l'avis de la Commission... C'est clair que le dernier avis de la Commission est assez clair, il dit que «la Commission ne s'oppose pas à la modification de l'article 2». «Ne s'oppose pas». Avant, c'était «contre le projet de loi»; maintenant, c'est «ne s'oppose pas». M. le Président, ce n'est pas un avis favorable de notre Commission d'accès à l'information. Un avis favorable, c'est exactement ça, favorable. Et je n'ai pas entendu et je n'ai pas lu dans tout l'avis de la Commission qu'ils sont favorables à cet échange d'informations.

(22 heures)

M. le Président, l'opposition officielle, dans un autre projet de loi, la semaine passée, a proposé des amendements sur l'échange d'informations avec le ministère du Revenu et la Régie des rentes. Nous avons proposé quelques amendements et, enfin, le ministre nous a écoutés et, avec son juriste, ils ont proposé un autre amendement. Nous avons voté sur cet amendement, M. le Président, mais nous avons voté conditionnellement. Je sais que ce n'est pas nécessairement faisable, mais nous avons fait ça en commission par consentement. Parce que nous avons dit que nous sommes en train de changer la protection de la vie privée, mais on veut s'assurer que la Commission d'accès à l'information est bel et bien d'accord avec ça. Nous avons demandé un avis de la Commission d'accès à l'information et, effectivement, nous avons reçu ça le 7 juin, hier, M. le Président.

Dans cet amendement... je ne cite pas l'amendement, mais je voudrais juste citer l'avis, que, «après étude, la Commission – la Commission d'accès à l'information du Québec – me prie de vous informer qu'elle est favorable aux amendements adoptés par cette commission parlementaire». La Commission est favorable. C'est beaucoup différent de «ne s'oppose pas».

M. le Président, c'est assez important, ce que nous sommes en train de faire ce soir. Dans un article de la loi, la ministre est en train d'augmenter les responsabilités de la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui a déjà des responsabilités, a à i, assez expliquées. Et, quand je vois toutes les fonctions, je demande: Pourquoi la ministre est en train d'augmenter ce pouvoir? Qu'est-ce que c'est en arrière de ça? Particulièrement quand on cite quelques autres articles de la loi sur la santé et les services sociaux, comme l'article 19 qui dit: «Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès sans son consentement.» L'article 19. La députée de Bourassa a déjà parlé de ça. L'article 346: «La régie régionale doit s'abstenir de consigner tout renseignement ou document permettant d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur de services.» L'article 381: «Les renseignements qui sont transmis à la régie régionale par un établissement ou un organisme communautaire ne doivent pas permettre d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur de services.»

M. le Président, je peux continuer avec les autres articles de la loi, mais je voudrais juste dire que la base fondamentale de notre système, c'est de protéger les Québécois et les Québécoises, et particulièrement dans la question du dossier de santé. Si, dans mes dossiers de santé, j'ai besoin de visiter un médecin, un psychologue, un spécialiste, je ne sais pas quoi, ou un membre de votre famille, est-ce que vous voulez avoir cette information échangée partout? Je présume que non, M. le Président, je présume que non. Et est-ce que c'est une bonne idée de mettre tout ça à la même place, comme le ministère du Revenu est en train de le faire? Maintenant, le ministère de la Santé et des Services sociaux veut faire ça à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Est-ce que c'est sage, M. le Président, de faire tout cet échange d'informations entre une régie régionale et un établissement, directeur de santé publique, ou un conseil régional et le ministère? Est-ce que c'est sage de mettre tout ça à la même place?

Parce que nous sommes souvent à la remorque de la technologie. On peut faire toutes les choses qu'on croit être nécessaires pour protéger la vie privée, l'information confidentielle, mais chaque jour on entend les fuites. Nous avons entendu que les personnes très habiles peuvent entrer dans les systèmes bel et bien protégés et peuvent sortir des informations. Est-ce qu'on veut avoir toute cette information à la même place?

Une voix: Non.

M. Williams: M. le Président, j'ai entendu la réponse: on ne veut pas avoir toute cette information à la même place. Et, moi, particulièrement depuis les derniers 24 mois, j'ai vu une invasion de la vie privée par ce gouvernement. Souvent, c'est au ministère du Revenu, mais ce soir, c'est aussi au ministère de la Santé et des Services sociaux. Je pense que, comme parlementaires, on doit arrêter toute cette invasion. Il y a une façon de contrôler nos programmes, il y a une façon d'assurer que nos programmes sont rentables, sont efficaces, on peut mesurer les objectifs. Nous n'avons pas besoin d'échanger de l'information normative tout le temps, M. le Président.

Mr. Speaker, Bill 36 is one simple article but a very powerful article. Briefly, it talks about: «A further function of the Board – the Board being La Régie de l'assurance-maladie du Québec – shall be to assume the management of data concerning health and social services pursuant to an agreement subject to section 70 of the Act respecting Access to documents held by public bodies and the Protection of personal information.»

Mr. Speaker, that allows for an exchange between the Ministry, regional boards, public health institutions, individuals – public health directors – of confidential normative information. I am very worried about that. When I look at the Régie, they are not in the business of protecting information. I'm really believing, Mr. Speaker, more and more, that what we need is a much clearer vision of how we protect the private lives of Québec residents. I believe our private lives are being threatened across North America. I don't think it's just here in Québec but other governments, some States and other provinces and the federal Government are working on protection of privacy. This Government seems to do exactly the opposite. They seem to be dreaming up ways of exchanging information, and more importantly, Mr. Speaker, they're putting all that information in one place, in large data banks.

Mr Speaker, I'm not going to give a long speech about Big Brother, Big Brother in which somebody can access in one place information and check on you. What's behind this law? Is this an attempt to be able to control the costs of our health and social services system? Is this an attempt to slow down consumption of programs? If the Régie can see, nominatively, with confidential information, how services are going to be used, how are they going to use it?

And what was very disturbing in this, in this article, in this law, Mr. Speaker, which is one article, is that the minister made no effort to explain how they were going to actually protect confidential information. It's an agreement subject to section 70; it's not continued agreements like the minister talked about. It's one agreement. And we've had a serious problem with this Government. It's that not only do they like to collect information, not only do they like to put it all in one place, they like to keep it. They like to keep it. And the Commission d'accès à l'information has questioned several times about the permanency of this information.

And how can we accept that there would be this massive, massive exchange of information when we don't know under what conditions, and we don't know whether this information intends to be kept? This is information about your healthcare, my healthcare, our family members' healthcare. And that is very serious. And I want to know. I don't want to write a blank check to this Government that says: They can go to the Commission d'accès à l'information and get an agreement subject to section 70, and then away they go and exchange information. We've seen what has happened on this. We've seen, and I've asked the ministers of this Government before, we saw sale of information, a network of sale of information, we saw scandal after scandal on terms of private information.

Mr. Speaker, we have to do everything in our power to make sure that, in this National Assembly, we make sure that the private lives of Quebeckers are protected. And I'm profoundly worried that, with this law, the necessary effort hasn't been put in to, on one hand, give the Régie the power to do his work, on the other hand, to protect the private lives of individual citizens. When it comes to health care, Mr. Speaker, we have to do everything in our power to protect those private lives. But what I've seen tonight, not only do we have Bill 36, but if we haven't convinced the Government that they're wrong on this, right after it, we're going to have another Bill: Bill 27. And here again, they are going to come up with articles – and there's an article that says «notwithstanding», articles that protect the privacy of individual patients – we're going to exchange information. Two laws, Mr. Speaker, in healthcare alone.

M. le Président, j'espère qu'après la brillante intervention de la députée de Bourassa et j'espère qu'après les autres interventions de mes collègues le gouvernement va comprendre qu'il doit retourner faire son devoir d'assurer, avant de proposer un projet de loi comme ça, que la vie privée de la population québécoise est bel et bien protégée. Je pense, particulièrement avec tous les scandales que nous avons vus, causés par ce gouvernement, qu'il doit faire l'effort d'assurer que la vie privée de la population québécoise est bel est bien protégée. Merci beaucoup, M. le Président.

(22 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Nelligan. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Je vais reconnaître maintenant le prochain intervenant, M. le vice-président de la commission des institutions, porte-parole officiel de l'opposition en matière de recherche, science et technologie, responsable du dossier des régimes des rentes et du RREGOP et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je me serais attendu à avoir une intervention de la part du côté ministériel pour défendre ce projet de loi, il n'y en a pas eu. Et je le comprends, parce qu'ils ont honte. Non, non, mais sérieusement, M. le Président, jusqu'à quel point va-t-on abuser de notre patience et de leur patience? Parce que ces gens-là ne sont pas nécessairement des gens qui veulent trahir les secrets. Ce sont de nos concitoyens qui, eux comme nous, sont des gens qui respectent aussi le principe du secret individuel. Mais il y a des fonctionnaires derrière eux, M. le Président, et on l'a vu. Rappelez-vous, la semaine dernière, tout le débat que nous avons eu ici autour du principe où certains renseignements confidentiels... et certainement, sans la volonté, à l'époque, de la députée de Rosemont, pour qui j'ai une très grande estime, et dont les fonctionnaires avaient passé des contrats avec des entreprises privées, trahissant les secrets du ministère de l'impôt, au point que le nouveau ministre du Revenu, pour se protéger et essayer de rendre légal ce qui ne l'était pas, a été obligé de suspendre les règles, bâillonner la démocratie, faire en sorte que nous devions... Et vous vous rappelez, M. le Président, certainement les débats houleux que nous avons eus dans cette Chambre autour du projet de loi n° 63, que nous avons fini par adopter, projet de loi qui ratifiait en quelque sorte le principe où on échangeait en quelque sorte les renseignements privés, des renseignements fiscaux entre le ministère du Revenu et certaines corporations privées. Je ne voudrais pas, M. le Président, aujourd'hui, reprendre le débat autour de la loi n° 63.

Je vais ouvrir aujourd'hui un autre débat sur un autre échange de renseignements sur quelque chose qui vous touche certainement autant que les renseignements fiscaux: votre dossier médical, M. le Président, votre dossier médical qui, comme votre dossier fiscal, est quelque chose qui vous regarde, qui est en quelque sorte quelque chose qui est propre à vous et sur lequel vous ne souhaitez peut-être pas que la place publique... et que l'ensemble des renseignements qu'il contient soient échangés à travers les différentes organisations et les différentes structures de ce gouvernement.

M. le Président, la semaine dernière, malheureusement, nous avons eu à ratifier ici une loi qui ratifiait en quelque sorte la possibilité des échanges des renseignements conclus dans les dossiers fiscaux. Aujourd'hui, M. le Président, ce projet de loi, au préalable, on dirait, il est... c'est un petit projet de loi, il a deux articles, il est un peu mignonnet, il a deux articles, sauf que, des fois, en une phrase simplement, on est capable de changer les choses en profondeur. Alors, ce projet de loi, M. le Président, je voudrais vous le lire... Vous l'avez certainement, parce que mes collègues et la députée de Bourassa l'ont rappelé ici avec beaucoup d'éloquence, il va permettre des échanges d'informations entre les régies régionales. Je vais vous le lire. La phrase, elle est suave: «La Régie a pour fonction... a aussi pour fonction – heureusement, quand même – d'assumer la gestion de données en matière de santé et de services sociaux que lui confie, par entente soumise à l'application de l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics[...] – je reviendrai sur cette phrase-là tout à l'heure dans mon intervention, M. le Président – une régie régionale – ce n'est pas tout – instituée par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, un établissement au sens de cette loi, un directeur de la santé publique ou le conseil régional institué par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris.»

Alors, on va essayer de se comprendre. Ce que je viens de lire, M. le Président, ça veut dire quoi? Les mots qui sont importants là-dedans, c'est «régie régionale», «directeur d'établissement» – c'est des mots importants, «régie régionale, directeur d'établissement» – et aussi l'autre mot qui est «directeur de la santé publique» et, dans le cas des Cris, «le conseil régional pour les autochtones cris». M. le Président, ces trois personnes-là, donc – attention, on ne parle pas de n'importe qui puis on ne parle pas de n'importe quoi – vont avoir la possibilité de transmettre à la Régie – la Régie, c'est la Régie de l'assurance-maladie du Québec – des renseignements sur trois choses: votre dossier clinique, des renseignements sur le plan organisationnel de leur établissement et sur le plan financier. Mais le point qui est important pour vous, comme citoyen, c'est les dossiers cliniques.

Alors, est-ce que vous comprenez bien ce qu'on est en train de faire, M. le Président? Par cette petite loi, ce seul article, on est en train de permettre, aujourd'hui, la transmission des dossiers cliniques des établissements, du directeur de la santé publique, vers la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Est-ce que vous êtes conscient, M. le Président, de ce qu'on est en train de nous faire voter?

Je vais vous rappeler une chose parce que, vous le savez, il y avait une loi qui existait et qui s'appelait la Loi de la santé et des services sociaux, il y avait un article, dans cette loi, c'était l'article 19. Ça va être suave aussi pour vous, M. le Président, de se rappeler à quel point on peut voter des choses et voter après le contraire sans avoir le sentiment de dire quoi que ce soit. Cet article 19, il est intéressant à lire. Je vous le dis, M. le Président, parce qu'il y a beaucoup de nos concitoyens qui croient que c'est la vérité. L'article 19 disait: «Le dossier d'un usager...» Je répète avec vous: «Le dossier d'un usager est confidentiel et nul...» Je répète: «Le dossier d'un usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec l'autorisation de l'usager ou de la personne pouvant donner une autorisation en son nom.»

Alors, c'est magnifique. Ça, c'était un principe général. C'était un principe de fond. C'était un principe sur lequel on avait dit: Voici, dans notre société, il y a des renseignements qu'on collecte sur vous. Il y avait des renseignements fiscaux, qui étaient importants, qu'on pouvait collecter sur vous et il y avait d'autres renseignements que les renseignements fiscaux, il y avait des renseignements médicaux, mais ces renseignements médicaux ne pouvaient être transmis. Ils ne pouvaient être transmis à personne. Et ça, c'était un principe général, un principe de base qui avait été inscrit dans la loi.

Attention, M. le Président! Si vous votez aujourd'hui ou si cette Assemblée vote le projet de loi n° 36, ce n'est plus le cas – ce n'est plus le cas. Les dossiers cliniques vont pouvoir être transmis gentiment du directeur de l'institution hospitalière, du président d'une régie régionale, d'un directeur de la santé publique, vont pouvoir être transmis à la Régie de l'assurance-maladie, et puis, là, ce sera retransmis... Vous savez, c'est un phénomène de tubes qui s'autocommuniquent les uns avec les autres. Ça pourra être retransmis les uns avec les autres.

M. le Président, est-ce que vous comprenez ce qui se passe là-dedans? Mais c'est quand même grave, bon Dieu! On avait un principe qui disait que le dossier d'un usager était confidentiel et que nul ne peut y avoir accès, si ce n'est avec l'autorisation de l'usager. Et, une fois qu'on a voté ce principe-là, qu'il était inscrit dans la loi, alors que vous pensez que, lorsque vous allez voir votre médecin... Je ne sais pas, si quelqu'un d'entre vous avait une syphilis ou une blennorragie, enfin, une vieille chose qui traîne comme ça, bien, vous ne voudriez pas, quand même, que ça soit transmis. Il y a quand même des choses qui n'ont pas besoin d'être transmises comme ça. M. le Président, malheureusement, avec ce projet de loi, ça pourra être transmis. Et ça, voyez-vous, c'est quelque chose où on remet en question complètement le bien-être de nos concitoyens.

Je voudrais, M. le Président, quand même vous rappeler que, bon, bien sûr, il y a eu... On ne nous a pas dit pourquoi, hein. Je n'ai toujours pas compris pourquoi on aimerait ça... Je comprends que, entre fonctionnaires... Et comprenez-moi, je n'essaie pas ici, M. le Président, de blâmer mes collègues ministériels. Je ne veux pas blâmer mes collègues ministériels, ils sont dans les mains des fonctionnaires. D'ailleurs, vous avez remarqué, la majeure partie des projets de loi qu'on a à voter ici ne sont pas des projets de loi qui sont sortis de leur programme. Ce sont des projets de loi qui traînent dans les tiroirs des fonctionnaires, qui ramènent ça aujourd'hui pour dire: Bon, il faut quand même qu'on fasse de la législation. Donc, il y a longtemps que les fonctionnaires...

Des voix: ...

M. Gautrin: Non, mais ce n'est pas... Vous riez, mais c'est très sérieux, ce que je vous dis. Il y a longtemps que les fonctionnaires aimeraient ça savoir. Non, mais c'est sérieux. Vous me faites rire. Ça fait longtemps que les fonctionnaires aimeraient savoir, savoir qui... Bon. Bien, écoutez, là, ils vont pouvoir le faire. Avec cette loi-ci, ils vont être en mesure de pouvoir avoir des transmissions d'informations qui vont circuler entre les uns et les autres. Le dossier ne sera plus confidentiel, le dossier de l'usager ne sera plus confidentiel. C'est quand même fort.

Alors, il y a eu plusieurs versions, vous le savez, M. le Président. Il y a longtemps, parce qu'ils sont tenaces, hein, c'est une race tenace, ces gens-là... Alors, il y a longtemps. Ça a commencé au début, c'était en 1998, ils avaient une première version. Alors, ça a été soumis à la Commission d'accès à l'information. Et cette première version – oui, je l'ai – la première version, elle disait: «La Régie a aussi pour fonction de gérer, conformément à la loi, les données en matière de santé et de services sociaux que lui confie par entente...», et on ne sait pas par quelle entente. Alors, ensuite, on a écrit une deuxième version, parce que tenaces... La Commission d'accès à l'information avait dit à l'époque: Bon, ça, vraiment, ça n'a aucun bon sens. De temps en temps... Alors, là, ils ont quand même réagi. Alors, ils ont dit: «...par entente – on a dit – au sens de l'article 70 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics...» C'était un ajout.

(22 h 20)

M. le Président, je vous dis aujourd'hui que si, de part et d'autre... Et j'invite, honnêtement j'invite, et vous savez à quel point j'ai du respect pour la ministre de la Santé et des Services sociaux, je l'invite aujourd'hui à vouloir reprendre ici une autre rédaction qui protégerait à ce moment-là de part et d'autre, qui dirait que toute entente – toute entente – serait soumise, en vertu de l'article 2, doit être soumise à la procédure prévue à l'article 70. On est quand même loin, entre les «si», on dirait: par entente, etc. On dirait que toute entente qui pourrait avoir lieu devrait être soumise à la procédure de l'article 70.

Et, M. le Président, on n'est pas en train ici de parler de n'importe quoi, hein, on n'est pas vraiment en train de parler de n'importe quoi puis de commencer à faire de l'interprétation des avis de la Commission d'accès à l'information. On parle, M. le Président, et c'est très, très, très, très, très, très sérieux, on parle... Après avoir parlé de votre dossier fiscal, c'est-à-dire de la manière dont vous gérez vos quelques REER et peut-être quelques affaires que vous pourriez avoir – M. le Président, merci – on parle maintenant de l'autre chose. Après avoir parlé de votre fortune, on est en train de parler de votre santé. C'est quand même fort, là, bon Dieu! Et, de ça, on est en train de dire qu'une entente entre deux organismes va pouvoir permettre la circulation complètement des dossiers sur votre santé. Sérieusement! Et je m'adresse à vous, parce que le principe des règles parlementaires m'oblige à m'adresser à vous, mais, à travers vous, M. le Président... je ne m'adresse pas uniquement à vous, je m'adresse à l'ensemble de mes collègues parlementaires ici, ministériels, qui semblent être amenés, conduits... Sérieusement, ce projet de loi, il me fait penser... des fois, j'avais une image – je ne sais pas si vous avez déjà vu ça – quand on fait tondre les moutons, il y a des espèces de trucs dans lesquels on amène petit à petit les moutons les uns après les autres pour avoir un seul mouton qui arrive au bout, et, quand il arrive, clac! et on le tond, etc.

C'est un peu la même chose. Je comprends, ils ont aussi, parce qu'ils sont comme nous, des dossiers médicaux. Ils ont des dossiers fiscaux. Ils n'aimeraient pas certainement... Et, à travers vous, M. le Président, je vais m'adresser au député de Bellechasse, je peux m'adresser à la députée de Pointe-aux-Trembles, je peux m'adresser au député de Berthier qui, eux aussi, ont des dossiers fiscaux et des dossiers médicaux. Ils n'aimeraient pas nécessairement que ça circule à l'intérieur de la place, que ça circule de la régie régionale de Lanaudière à la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Je le connais, il n'aimerait pas tellement que ça circule, son dossier. Mais, s'ils votent cette loi-là, M. le Président, c'est ça qui va arriver, et c'est extrêmement grave. Vous comprenez, c'est extrêmement grave, ce qu'on est en train de faire, c'est l'ouverture complète des dossiers.

Et on est en train de dire: Est-ce que l'opposition fait une guerre qui n'a pas de sens? Vous avez vu la semaine dernière, vous étiez présent, M. le Président, vous étiez même sur le fauteuil, et les gens n'ont peut-être pas compris à quel point, en utilisant tous les artifices que, pour un membre de l'opposition, on peut utiliser pour bloquer un projet de loi lorsqu'on avait, à l'heure actuelle, une motion qui suspendait les règles... Pourquoi on faisait ça? Vous avez peut-être réfléchi. Pourquoi on faisait ça? Parce qu'on veut jouer, etc.? Pourquoi on le faisait? Pourquoi nous étions tant opposés au projet de loi n° 63, M. le Président? Parce qu'il violait un des principes fondamentaux de notre société. Il violait, à l'heure actuelle, un des principes fondamentaux de notre société, à savoir qu'on a droit à la protection des renseignements fiscaux. C'est ça qu'était le projet de loi n° 63. C'est un viol des renseignements fiscaux.

Non seulement, après avoir violé la population sur le projet de loi n° 63, on va non seulement... M. le Président, là, après avoir violé les renseignements fiscaux, on s'en va violer aujourd'hui les renseignements médicaux. Il vous reste quoi, comme viol possible, hein? Après avoir violé vos renseignements fiscaux, on s'en va violer vos renseignements médicaux qui, avec ça, vont pouvoir circuler tranquillement entre les dirigeants d'hôpitaux, les dirigeants de régies régionales, le président de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, etc. C'est extrêmement grave, extrêmement grave, M. le Président.

Et soyez assuré que, de notre côté, de ce côté-ci de la Chambre, parce que nous sommes des gens qui... Et ça, c'est l'un des principes de notre parti. Le Parti libéral est un parti pour qui la protection de l'individu, la protection de la vie privée de l'individu est au centre de notre parti. Nous croyons, M. le Président, que, qui que vous soyez, vous avez le droit à une protection contre... Quelle qu'elle soit, même si une grande majorité, même si un gouvernement veut faire quelque chose, il existe des choses sur lesquelles vous avez des droits comme individu. Et ça, c'est à la base même et un des fondements du Parti libéral. Et comprenez bien, à l'heure actuelle, contre les omniprésences du gouvernement qui essaie d'être présent partout, non seulement dans votre déclaration d'impôts, mais maintenant aujourd'hui à l'intérieur de votre dossier médical, nous pensons, nous, du Parti libéral, que la protection des droits des individus prime. C'est quelque chose sur lequel nous devons nous battre et que nous devons être en mesure de protéger.

Et ça, il y a bien sûr une différence de philosophie, il y a une différence fondamentale de philosophie entre nos amis du Parti québécois qui pensent que l'efficacité du gouvernement peut permettre de dire.. C'est bien sûr, bien sûr, c'est tellement plus facile! Si je connais les renseignements sur vous, je vais tout mettre ça ensemble, et je pourrais être bien organisé, etc. En termes d'efficacité de gestion de l'appareil de l'État, c'est beaucoup plus facile, bien sûr. Si j'avais aussi toute l'information fiscale qui vous concerne, M. le Président, ça serait tellement plus facile aussi, je pourrais savoir toutes sortes d'affaires. Bien sûr, M. le Président.

Mais, pour nous, il existe un principe: que, quelle que soit l'efficacité de l'État, quelles que soient les volontés de... Non, non, mais c'est sérieux. Et je sais que le député de Richelieu est sensible aussi à cette question. Quelles que soient les efficacités qu'on cherche de l'État, quelle que soit la volonté que l'État soit présent pour être plus ou moins efficace, il existe des principes, et ces principes sont que la vie privée des individus doit être protégée. Un des principes est que le citoyen a des droits, et nous allons défendre les droits du citoyen contre l'appareil de l'État.

Et c'est ça, le Parti libéral, et c'est ça qu'on essaie à l'heure actuelle de faire. C'est pour ça qu'aujourd'hui nous nous levons, nous nous levons tous, les parlementaires libéraux, ici, pour nous opposer à cet articulé de cette loi qui a deux articles simplement, mais qui change considérablement, à l'heure actuelle, votre vie et votre fonctionnement. Nous le faisons parce que nous avons une philosophie qui est différente de la philosophie de ceux qui présentent ce projet de loi. Nous le faisons parce que nous croyons que, comme individu, vous, M. le Président, et l'ensemble des parlementaires de cette Chambre et l'ensemble des citoyens du Québec, vous avez des droits, que ces droits méritent d'être défendus et qu'ils ne peuvent être défendus que par le Parti libéral du Québec.

Et c'est pour ça, M. le Président, que nous allons continuer à nous opposer actuellement à l'adoption du projet de loi n° 36, loi qui s'en va brimer vos droits, qui permet actuellement à vos renseignements médicaux, comme la loi n° 63 l'avait fait, de circuler à travers les régies régionales, les différents établissements de santé et la RAMQ. Nous ne pouvons pas, parce que nous sommes des gens qui croyons à la défense des droits des individus, accepter, en aucune manière, le projet de loi n° 36 et nous allons nous y opposer avec la plus grande virulence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Verdun. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. M. le Président, il me fait plaisir, à ce moment-ci, d'intervenir dans le cadre de l'adoption de principe de la Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Comme l'a indiqué celui qui m'a précédé, le député de Verdun, ce projet de loi peut paraître anodin. Un projet de loi qui est, sur le plan de sa consistance, inspiré de la formule Montignac. Il nous apparaît, à premier abord, si je vais de l'autre côté, pour ceux et celles qui en ont pris connaissance, un projet de loi qui est léger, mais, sur le plan des principes, il pèse lourd.

(22 h 30)

Moi, je suis certain que ce n'est pas Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux qui a pensé, qui a insisté, qui a passé les commandes à ce qu'on appelle la «machine administrative» du ministère de la Santé et des Services sociaux pour pondre un tel projet de loi. Je suis plutôt d'avis, comme le député de Verdun, que des fonctionnaires attendaient au tournant soit un changement de gouvernement – parfois ils sont indifférents à ces choses-là, M. le Président – soit un changement de ministre comme titulaire à la Santé et qu'ils ont réussi à convaincre la ministre que c'était plus important d'être présent ici, à l'Assemblée nationale, pour présenter ce type de projet de loi que d'être préoccupé, au moment où on se parle, des problèmes qui affectent le réseau de la santé et des services sociaux.

M. le Président, au moment où on se retrouve en pénurie de médecins un peu partout au Québec, au moment où on se retrouve en pénurie d'infirmiers et d'infirmières un peu partout au Québec, au moment où on s'apprête à fermer, pour une période plus longue que d'habitude, plus de lits que d'habitude dans l'ensemble des centres hospitaliers du Québec – à votre santé, Mme la députée de Rosemont – au moment où on s'apprête, à cause d'une pénurie de certains spécialistes, à envoyer des Québécois et Québécoises être soignés aux États-Unis, à Burlington, là, tout près de ma circonscription électorale, ou à Plattsburgh, que la ministre ait ça comme priorité, ça ne peut pas venir d'elle. Ça doit venir d'une approche bureaucratique et technocratique.

Les plus osés de l'autre côté vont prétendre que ça vient du prédécesseur de la ministre, député de Charlesbourg. Je tiens à les rassurer, il n'a pas voulu présenter un tel projet de loi. S'il avait choisi de prioriser un tel projet de loi, il l'aurait fait. Il a trouvé ce projet de loi trop technocratique et trop bureaucratique. Quand on se dit, entre nous, parlementaires, que le député de Charlesbourg a trouvé ça trop bureaucratique et trop technocratique, il doit y avoir quelque chose de caché dans ce projet de loi. Ce qu'il y a de caché, M. le Président, c'est cette soif de l'appareil de l'État de tout savoir.

Moi, je peux comprendre que, dans une société moderne où les technologies modernes évoluent, il faut que les législations soient modernisées et que la législation évolue. Mais, en ce qui me concerne, quand on parle de législation en matière de santé, moi, je souhaite que cette technologie-là évolue au bénéfice du malade, non pas au bénéfice de l'appareil bureaucratique et de l'appareil technocratique, non pas au bénéfice de ce qu'on appelle le modèle québécois, la société québécoise comme telle, l'État québécois.

M. le Président, on comprend parfois de grands principes par de petites applications. Je vais profiter de l'occasion qui m'est offerte ici, à l'Assemblée nationale, pour vous raconter ce que j'ai vécu dernièrement dans mon comté quant à l'application de cette nouvelle technologie de communication. À partir de ce qu'on appelle chez nous le coeur de notre système de santé, l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, dans le respect de la confidentialité des informations contenues au dossier d'un malade, on avait établi ce qu'on appelle une intraroute entre les divers acteurs du domaine de la santé. On n'expédiait pas à la Régie régionale ou à Québec, au ministère de la Santé et des Services sociaux, des informations, sous quelque prétexte que ce soit, mais, lorsqu'il s'agissait de rendre un meilleur service au malade, on a établi un système de communication de données qui, avec l'autorisation du patient, du malade, pouvait véhiculer entre le centre hospitalier, l'hôpital, le CLSC, les cliniques privées de médecins, les pharmaciens pour mieux traiter le malade, M. le Président, pour mieux traiter le patient qui consentait à ce que l'information circule un petit peu en vase clos dans son milieu pour obtenir de meilleurs services de santé...

Moi, l'ex-ministre de la Santé, le député de Charlesbourg, avait eu l'occasion, discrètement, non pas à l'Assemblée nationale, mais parfois en arrière de votre trône, de souligner que cette initiative se voulait à l'avant-garde de ce qui se passait au Québec, au Canada et en Amérique du Nord pour mieux soigner les malades. Après certaines vérifications, j'ai même pu constater que ce phénomène unique a été récompensé par des compagnies qui oeuvraient dans le domaine, en disant: C'est la voie à suivre.

Il y a à peu près un mois, en lisant ce qu'on appelle l'hebdomadaire – vous savez, le Publi-Sac qu'on reçoit chez nous, M. le Président, on lit nos hebdomadaires – j'apprends que le CLSC, forcé par Québec et forcé par la Régie régionale, était pour investir plus de 1 000 000 $ – retenez bien le chiffre, M. le Président, plus de 1 000 000 $ – non pas dans des services de maintien à domicile puis des services de santé, mais dans des services d'informatique pour faire face supposément au bogue de l'an 2000. C'est imposé par Québec puis c'est imposé par la Régie régionale, 1 000 000 $, M. le Président. Et un des effets, et peut-être l'effet le plus pervers, de cette modification du système informatique du CLSC, c'est que ça rendait le système informatique du CLSC incompatible avec celui de l'hôpital, avec celui des cliniques privées de médecins, avec celui du pharmacien. On dépensait 1 000 000 $ pour s'empêcher de soigner plus correctement la population de mon comté.

M. le Président, moi, lorsque j'ai été alerté, j'ai communiqué directement et immédiatement avec le directeur général de la Régie régionale de la Montérégie, M. Boily. M. Boily, très spontanément – c'est un bonhomme qui a oeuvré dans le domaine de la santé pendant plusieurs années, qui connaît bien son milieu – m'a dit: M. Paradis, je vous assure que ce n'est pas la Régie régionale qui impose ces modifications. J'ai dit: À ce moment-là, M. Boily, on va s'entendre de façon très correcte, est-ce que vous pouvez me dégager une ressource humaine experte dans les systèmes informatiques, qui, en complicité avec les cliniques privées, avec les pharmaciens, avec l'hôpital puis avec le CLSC, va s'assurer qu'il n'y aura pas un sou de l'argent des contribuables qui va être dépensé pour faire en sorte que les gens ne puissent plus se parler sur un même territoire pour mieux soigner la population?

Je tiens à rassurer Mme la ministre, la réponse de la Régie a été positive. J'ignore à date, compte tenu de circonstances que Mme la ministre connaît probablement, si M. Boily a réussi à dégager cette personne pour s'assurer que ces méfaits-là ne se rendraient pas sur le terrain. Mais je demeure inquiet, moi. Quand je lis la note qui accompagne le projet de loi, quand je lis à travers les lignes, je me rends compte que peut-être, en arrière de ces décisions bureaucratiques et technocratiques qui veulent mettre les systèmes informatiques non pas au service des malades, mais au service de la bureaucratie et de la technocratie... il n'y a pas des vendeurs d'équipement non plus à un moment donné puis qu'il faut que ça soit partout pareil au Québec. Ça m'inquiète, ça, moi, quand je vois ce phénomène-là se développer.

Et, M. le Président, je ne suis pas le seul qui est inquiet. La Commission d'accès à l'information – je sais que de l'autre côté, là, à part la députée de Rosemont, il n'y a pas beaucoup de personnes qui attachent de l'importance aux avis de la Commission d'accès à l'information – le 6 octobre 1998, nous disait ce qui suit, M. le Président, et je cite au texte pour que Mme la ministre comprenne très bien: «Ce nouveau mandat qu'assume déjà en partie la Régie – Régie de l'assurance-maladie du Québec – s'intégrerait dans la mise en place d'un réseau de télécommunications sociosanitaire.» Vous comprenez ce que je veux dire, M. le Président, un réseau de télécommunications sociosanitaire, ça, ça veut dire que tout le monde au Québec, dans le réseau de la santé, va avoir le même type d'appareil qui va pouvoir communiquer avec tout le monde toute l'information qui y est contenue.

«Le ministère de la Santé et des Services sociaux, maître d'oeuvre de l'implantation de ce réseau, entend ici établir un véhicule d'échange d'informations cliniques, financières et opérationnelles entre 600 établissements du secteur de la santé et des services sociaux, 18 régies régionales, la Régie de l'assurance-maladie du Québec, l'Office des personnes handicapées et le ministère.»

(22 h 40)

M. le Président, il y a quelqu'un qui a déjà utilisé un terme qui s'appelle Big Brother. Quand tout sur un individu est connu à tous ces niveaux, vous n'avez plus le droit à votre vie privée. C'est pour ça qu'il y a une Commission d'accès à l'information, c'est pour ça que la Commission d'accès à l'information alerte Mme la ministre. Parce que ce n'est pas tout, là, viendraient ensuite se greffer à ce réseau les cliniques médicales privées et d'autres partenaires sectoriels ou intersectoriels. Moi, M. le Président, quand je lis une phrase comme celle-là, si je suis un vendeur d'équipement informatique, très heureux de la décision gouvernementale; si je suis un bureaucrate qui a soif de savoir, très heureux de la décision gouvernementale; si je suis un simple citoyen qui est victime d'une maladie, je suis très inquiet de ce que propose Mme la ministre, ce soir, au nom de ses bureaucrates et de ses technocrates.

La Commission donne quand même un avis qui incite la ministre à la prudence: «Avant d'aller dans cette direction, une réponse claire doit être apportée quant au sort que l'on entend réserver au dossier de l'usager.» Est-ce que ce projet de loi donne une réponse claire quant à ce qui doit être réservé au dossier de l'usager? Non, M. le Président. La ministre, ses fonctionnaires, ses bureaucrates, ses technocrates ont négligé de tenir compte de la première préoccupation du citoyen et du malade quant au respect de sa vie privée.

«La Commission demande également que soient clarifiées toutes les règles relatives à la cueillette et à la communication des renseignements personnels par les divers intervenants.» Moi, je saurais gré, là, à quelqu'un de se lever, de l'autre côté – il y a plusieurs députés qui ont peut-être eu le temps de prendre connaissance de ce projet de loi là, il n'est pas tellement volumineux, comme on l'indiquait tantôt – puis qu'on m'indique où on retrouve ça, cette disposition-là. Encore une fois, on ignore et on fait fi des avis de la Commission d'accès à l'information. Encore une fois, on ignore et on fait fi de la première préoccupation du citoyen et du malade, qui est le respect de sa vie privée.

M. le Président, la Commission d'accès à l'information a formulé des commentaires sur chacun des articles mentionnés dans l'avis du 6 octobre 1998. Ces articles stipulent clairement que:

«1° Le dossier de l'usager est confidentiel et nul ne peut y avoir accès sans son consentement.» À quel endroit retrouve-t-on dans le projet de loi une disposition à cet effet? Nulle part, M. le Président, on veut savoir et on veut tout savoir sur le citoyen.

«2° La régie régionale doit s'abstenir de consigner tout renseignement ou document permettant d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur de services.» À quel endroit, dans le projet de loi déposé par la ministre, retrouve-t-on cette garantie? M. le Président, ce n'est pas tellement compliqué, le projet de loi a deux articles: un premier qui permet de faire circuler l'information puis un deuxième qui dit que ça s'applique dès que c'est adopté. Moi, je ne trouve ça nulle part, M. le Président.

«3° Les renseignements qui sont transmis à la régie régionale par un établissement ou un organisme communautaire ne doivent pas permettre d'identifier un usager d'un établissement ou un utilisateur de services.» À quel endroit, dans le projet de loi de deux articles soumis par les bureaucrates de la ministre, retrouve-t-on une telle garantie pour le citoyen, une telle garantie pour le malade?

«5° En vertu de l'article 433 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et en vertu de son pouvoir réglementaire, édicté au paragraphe 26 de l'article 505, le ministre peut requérir d'un établissement, dans le cadre d'un règlement et non d'une régie, les renseignements nominatifs ou non lorsque ces renseignements sont requis pour déterminer des priorités, des objectifs et des orientations dans le domaine de la santé et des services sociaux. Comme l'indique la Commission, le gouvernement n'a jamais exercé le pouvoir réglementaire qui lui est reconnu au paragraphe 26 de l'article 505. Après vérification – et c'est la Commission qui parle – il appert que le règlement visant l'acquisition de renseignements nominatifs ou non concernant les besoins de la consommation et du service n'a jamais été édicté.»

Autrement dit, M. le Président, même lorsque, dans la loi, le législateur, c'est-à-dire nous, à l'Assemblée nationale, requiert d'un ministère qu'il protège par règlement la population, le gouvernement ne donne pas suite à ces éléments, mais le gouvernement donne suite à tous les éléments qui lui permettent d'obtenir tous les détails de votre vie privée.

M. le Président, moi, je ne peux pas comprendre et je n'arrive pas à comprendre qu'une ministre de la Santé confrontée à des problèmes quotidiens se présente à l'Assemblée nationale et nous dise que sa priorité de fin de session, au moment où le système craque de partout, quand il ne croule pas littéralement secteur d'activité par secteur d'activité, région par région, spécialité par spécialité, se présente devant nous puis dise: Ce qu'il y a de plus important pour l'Assemblée nationale, pour le législateur, pour mon Parti québécois, c'est d'en savoir plus long sur la vie personnelle des gens qu'on n'arrive pas à soigner.

Moi, je suis prêt à faire une entente avec Mme la ministre. Peut-être qu'un jour, en donnant toutes les garanties que la Commission d'accès à l'information exige, peut-être qu'un jour on voudra, pour améliorer le système, avoir davantage de données, mais pas de données personnelles, de données statistiques pour mieux planifier. On a vu les erreurs dans le passé; la planification des effectifs médicaux a été catastrophique, la planification des services infirmiers a été catastrophique, particulièrement au niveau des salles d'urgence, des soins intensifs et des blocs opératoires, M. le Président. Peut-être...

Une voix: Pertinence.

M. Paradis: Il y a quelqu'un de l'autre côté qui pense que ce n'est pas exact et qui rappelle à la pertinence, M. le Président. Ce qui n'est pas pertinent ici, ce soir, c'est d'être réunis pour parler d'informatique, pour parler d'atteinte aux droits les plus fondamentaux des citoyens quant à la protection de leur vie privée, alors qu'on n'est même pas capable de les soigner correctement. C'est ça qui n'est pas pertinent.

Des voix: Bravo!

M. Paradis: S'il y a quelque chose d'impertinent, c'est ce projet de loi à l'Assemblée nationale, M. le Président. Et, si le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques veut s'en prendre à la pertinence, qu'il insiste auprès de la ministre pour que ce projet de loi soit immédiatement retiré, pour que cette Assemblée nationale puisse discuter de façon urgente des véritables problèmes qui affectent la population, pour que, cet été, on ne manque pas de spécialistes nulle part au Québec, qu'il n'y ait pas un hôpital dont le bloc opératoire est fermé parce qu'il y a pénurie d'anesthésistes, parce qu'on en a payé jusqu'à 300 000 $ pour qu'ils arrêtent de soigner la population.

S'il y a quelque chose de pertinent et d'urgent, c'est que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques joigne sa voix à celle de l'opposition non pas pour obtenir davantage d'informations confidentielles sur des dossiers médicaux de la population du Québec, mais qu'il joigne sa voix à l'opposition pour qu'on obtienne davantage de services, davantage de professionnels de la santé pour soigner ici, au Québec, la population du Québec qui a besoin de soins médicaux. Merci, M. le Président.

(22 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Votre droit de réplique, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois (réplique)

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je réagirai très brièvement aux interventions de l'opposition. C'est toujours... Vous savez, je me dis qu'il n'est jamais trop tard pour changer d'avis. Lorsque je suis arrivée au Conseil du trésor, en 1994, une des premières décisions que j'ai eu à prendre à l'époque a été d'aller à l'encontre d'une proposition qui était à toutes fins pratiques attachée, comme on dit dans notre jargon au Conseil du trésor, et qu'avait surtout attachée l'ancien gouvernement qui nous avait précédés et qui, à ce moment-là, avait prévu impartir tous les grands systèmes informatiques et les grandes banques de données du gouvernement. Ça veut dire quoi, ça, «impartir»? Ça veut dire qu'ils avaient décidé de donner la gestion de l'ensemble de nos grands systèmes à une entreprise privée et que, ce faisant, ils devaient faire des économies assez importantes.

Évidemment, ils nous avaient joyeusement mis dans le trou avant de faire ça, là. Mais, cela étant, j'ai empêché que l'on procède ainsi. J'ai demandé à ce qu'au gouvernement on assume la gestion de l'ensemble de nos banques de données, de l'ensemble de nos grands systèmes informatiques, cependant, en demandant à nos fonctionnaires et aux grands serviteurs de l'État, que le leader de l'opposition désigne de façon méprisante comme étant des bureaucrates... J'ai demandé à nos gens de me faire une proposition à l'effet de rendre efficace l'ensemble de la gestion de nos systèmes, de telle sorte que l'on puisse rencontrer les mêmes critères, les mêmes exigences que l'on demandait du côté de l'entreprise privée, de telle sorte que l'on puisse, tout en maintenant justement la confidentialité des données, la sécurisation des systèmes à l'intérieur du gouvernement, par ailleurs procéder à un certain nombre d'économies.

Alors, il n'est jamais trop tard pour changer d'avis, pour changer de principes et de philosophie, n'est-ce pas, comme le député de Verdun l'a dit, puisqu'ils ont maintenant une nouvelle philosophie et de nouveaux principes. Je comprends ça. On dit, je le mets entre guillemets: Il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée. Donc, ça prouve qu'on ne l'est pas, de l'autre côté, tant mieux, tant mieux.

Cela étant, M. le Président, il y a une autre chose. Quand on crie au loup trop souvent, parfois le loup arrive et personne ne nous croit. Mais, dans le cas présent, il me semble qu'il aurait été intéressant que l'opposition étudie correctement le projet de loi et remarque, entre autres, que, dans les recommandations que la Commission d'accès nous fait pour que l'article de loi que nous voulons modifier soit conforme aux exigences de la Commission, donc que ces recommandations qu'elle nous a faites soient appliquées... Ce que l'opposition n'a pas constaté ou n'a pas remarqué, c'est qu'entre la recommandation qu'on nous a faite en mars et le projet de loi qui est déposé il y a eu des modifications à l'article de loi, ce qui fait que l'on se conforme aux attentes exprimées par la Commission dans son avis du mois de mars dernier. S'ils avaient pris la peine de lire comme il faut le libellé de ce qui est dans l'avis de la Commission et dans le nouveau projet de loi, ils constateraient qu'il y a des différences entre les deux.

Donc, au moment où nous étudierons article par article ce projet de loi, nous pourrons évidemment, à ce moment-là, répondre à toutes les autres questions soulevées par l'opposition, puisqu'il va de soi qu'il s'agit d'un sujet très sensible, on en convient, et que nous avons tout intérêt, de part et d'autre, à nous assurer que les modifications apportées respectent bien sûr la confidentialité des dossiers, respectent les exigences que nous pose et que nous fait la Commission d'accès à l'information. En ce sens, M. le Président, si d'autres correctifs peuvent être apportés, c'est avec grand plaisir que je les étudierai au moment où nous aborderons ces questions à la commission parlementaire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci. Mme la députée. Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, en vertu de l'article 213, est-ce que je peux vous demander la permission de poser une question à Mme la ministre qui vient de terminer son intervention?

Des voix: Non.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Là, il n'y a pas de consentement? Pas de consentement. Alors, nous allons... Ceci termine les débats. Le principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, est-il adopté?

Des voix: Appel nominal.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Appel nominal. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, c'est évident que, dès qu'il y a plus que cinq députés de l'opposition, il y a un vote nominal. Donc, à ce moment-là, je vous demanderais de le reporter à la période des affaires courantes de demain.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à votre demande, le vote sur le projet de loi n° 36 est reporté à la période des affaires courantes de demain, le 9 juin 1999, à l'item Votes reportés. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vais vous demander de bien vouloir vous référer à l'article 4 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 53


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 4, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi sur la Corporation d'hébergement du Québec. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux, la parole est à vous.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je veux informer les membres de cette Assemblée que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Je désire soumettre et recommander à l'Assemblée nationale pour étude et adoption le présent projet de loi concernant la transformation de la Corporation d'hébergement du Québec. Nous en sommes évidemment à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 53. Qu'en est-il?

La Corporation d'hébergement du Québec est actuellement une entité du ministère de la Santé et des Services sociaux, constituée le 10 septembre 1974 par lettres patentes délivrées en vertu de la Partie III de la Loi sur les compagnies, et elle doit à ce moment-ci être transformée en une personne morale de droit public dotée d'un fonds social. Permettez-moi, M. le Président, de rappeler les principaux éléments du contexte afin que l'on situe bien les membres de cette Assemblée et que l'on comprenne ensemble les raisons d'être de cette transformation.

Alors, la transformation de la Corporation d'hébergement du Québec est devenue nécessaire à la suite de la réforme de la comptabilité gouvernementale, qui a d'ailleurs été annoncée dans les documents d'accompagnement du discours sur le budget 1998-1999 qui ont été présentés le 31 mars 1998. La Corporation d'hébergement du Québec était directement interpellée par ladite réforme à laquelle nous donnons suite par le projet de loi qui est devant nous. À cet égard, le gouvernement doit, à compter de l'exercice 1997-1998, présenter des états financiers consolidés de l'ensemble de l'appareil gouvernemental incluant la Corporation d'hébergement du Québec, puisque cette dernière fait partie intégrante du périmètre comptable du gouvernement.

Les états financiers de la Corporation d'hébergement du Québec auraient donc dû, dès 1997-1998, être consolidés, ligne par ligne, aux états financiers du gouvernement, et, par le fait même, une dette de 3 800 000 000 $ aurait dû être additionnée à celle du gouvernement. La seule façon d'éviter cette situation consistait à réviser la structure juridique et organisationnelle de la Corporation d'hébergement du Québec afin qu'elle puisse se qualifier au titre d'entreprise publique et ainsi être comptabilisée à la valeur de consolidation aux états financiers du gouvernement.

Alors, M. le Président, le projet de loi dont je propose aujourd'hui l'adoption de principe permettra à la Corporation d'hébergement du Québec d'être reconnue à titre d'entreprise publique dans le périmètre comptable du gouvernement, puisqu'elle possédera toutes les caractéristiques essentielles à cette fin, à savoir: elle constituera une entité juridique distincte ayant le pouvoir de conclure des contrats en son propre nom et d'ester en justice; elle sera investie de pouvoirs financiers et administratifs nécessaires pour mener des activités commerciales; elle aura pour principale activité la prestation de services à des organismes publics non compris dans le périmètre comptable du gouvernement; et elle poursuivra ses activités et assumera ses obligations au moyen de revenus tirés des entités exclues du périmètre comptable du gouvernement. Ainsi donc, les activités de la Corporation d'hébergement du Québec seront comptabilisées selon la méthode modifiée de comptabilisation, à la valeur de consolidation, comme celle des entreprises du gouvernement incluses dans le périmètre comptable du gouvernement, selon les conventions comptables, le tout comme prévu à la réforme de la comptabilité gouvernementale de 1998.

La CHQ, la Corporation d'hébergement du Québec, aura donc pour mission d'offrir aux intervenants du secteur de la santé et des services sociaux, moyennant considération, et dans un objectif d'autofinancement, donc elle aura pour mission d'offrir l'expertise technique et financière ainsi que le financement nécessaire à la gestion, la construction, l'entretien et l'acquisition d'immobilisations, d'équipements et d'infrastructures sociosanitaires. En outre, la Corporation aura toujours pour mission de posséder des biens utilisés ou qui doivent être utilisés par un établissement de santé et de services sociaux, une régie régionale, un conseil régional ou toute autre personne, société ou association désigné par le ministre ou par le gouvernement.

(23 heures)

Précisons, M. le Président, que, pour bien remplir sa mission, la Corporation assurera la gestion d'immobilisations du secteur de la santé et des services sociaux. Elle pourra investir, réaliser ou faciliter la réalisation de projets de construction, d'acquisition, d'investissement et de financement d'immobilisations, d'équipements et d'infrastructures de ce secteur. Elle verra également à apporter un soutien financier et une expertise technique aux ministres et aux intervenants du secteur de la santé et des services sociaux en leur facilitant la réalisation de projets, d'activités ou d'opérations particulières s'inscrivant dans le cadre de leur mission, cela va de soi. Finalement, la Corporation d'hébergement du Québec valorisera l'expertise immobilière du secteur sociosanitaire dans le cadre de partenariat avec le secteur privé.

Je vous rappellerai, M. le Président, que le réseau sociosanitaire est composé de plus de 500 établissements regroupant plus de 2 000 installations et que la Corporation d'hébergement du Québec est propriétaire de 220 de celles-ci. De plus, la Corporation détient des créances importantes auprès de plusieurs autres établissements. Les impacts de ce projet de loi sont à la mesure des raisons qui ont suscité la transformation de la Corporation d'hébergement du Québec en une société d'État publique dotée d'un fonds social.

Sur le plan de la réforme comptable, il importe de le rappeler, M. le Président, les activités de la Corporation d'hébergement du Québec seront finalement comptabilisées selon la méthode modifiée de comptabilisation à la valeur de consolidation, comme celle des entreprises du gouvernement incluses dans le périmètre comptable du gouvernement, selon les conventions comptables.

Sur le plan de l'imputabilité ministérielle, et c'est là un aspect majeur de la nature du présent projet de loi, l'imputabilité ministérielle sera maintenue et protégée. En effet, M. le Président, est-il besoin de rappeler que la ministre de la Santé et des Services sociaux est imputable devant l'Assemblée nationale et la population des décisions qu'elle prend à l'égard des budgets d'investissements immobiliers qui lui sont alloués ainsi, évidemment, que des projets qui en découlent. Avec cette loi, je disposerai donc des outils qui me permettront de prendre les décisions les plus judicieuses, d'en assurer la réalisation avec efficience et au meilleur coût possible, notamment par le biais d'une organisation dédiée et spécialisée en immobilisation et financement sociosanitaires.

Un autre impact majeur se joue également, M. le Président, sur le plan des opérations de financement et des garanties auprès des créanciers. En effet, les opérations de financement gérées par la Corporation d'hébergement du Québec dépassent le financement temporaire des projets de construction et de réfection d'immeubles. Un partage de responsabilités a d'ailleurs été convenu entre le ministère des Finances du Québec et la Corporation d'hébergement du Québec concernant les activités de financement respectives de la nouvelle Corporation d'hébergement du Québec, du Fonds de financement et de la nouvelle société Financement-Québec.

Ainsi, la nouvelle Corporation d'hébergement du Québec continuera à assumer les opérations de financement à court terme et à long terme reliées à ses activités propres. Elle maintiendra également ses opérations de financement à court terme pour les établissements et les régies régionales. Pour effectuer ces opérations de financement, la nouvelle Corporation d'hébergement du Québec pourra s'adresser au Fonds de financement ou aller elle-même sur les marchés financiers à court terme. La Corporation dispose présentement de 2 000 000 000 $ de ligne de crédit pour du financement temporaire, dont près de 1 000 000 000 $ de ligne de crédit privé. Et, rappelons-le, son excellente réputation lui permet de bénéficier de taux très avantageux.

Quant au financement à long terme des établissements et des régies régionales, il sera assumé par la nouvelle société Financement-Québec du ministère des Finances du Québec. La Corporation d'hébergement du Québec poursuivra cependant ses activités de gestion reliées au financement à long terme et fera le lien entre le réseau de la santé et des services sociaux et Financement-Québec, évitant ainsi l'ajout d'un intervenant extérieur au réseau sociosanitaire.

Quant au maintien des garanties auprès des créanciers, une partie de la dette actuelle de la Corporation d'hébergement du Québec est supportée par des promesses ministérielles de subventions qui constituent la garantie auprès des créanciers. En demeurant sous la tutelle du ministre de la Santé et des Services sociaux, le projet Corporation d'hébergement du Québec permet une continuité dans la prise en charge des engagements du ministre à l'égard des subventions. Vous comprendrez, M. le Président, qu'une substitution de garantie aurait risqué d'insécuriser les créanciers et pourrait aussi se traduire par des coûts d'emprunt additionnels. Pour votre information, je vous confirme que l'approche retenue dans le projet de loi sur la Corporation d'hébergement du Québec a été validée par le ministère des Finances du Québec auprès des courtiers et agences de financement.

Il n'y a pas de doute dans notre esprit que le présent projet de loi qui propose la transformation de l'actuelle Corporation d'hébergement du Québec, un outil performant et crédible qui a déjà fait ses preuves depuis 25 ans dans le réseau sociosanitaire québécois, en une société d'État autonome demeurera un atout majeur tant pour le réseau sociosanitaire que pour la ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, Mme la ministre. Alors, un rappel aux membres de l'Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 53, Loi sur la Corporation d'hébergement du Québec. Et je cède la parole à M. le vice-président de la commission des institutions et responsable de l'opposition officielle en matière de recherche, science et technologie, responsable du programme du Régime de rentes du Québec et du programme RREGOP et député de Verdun. M. le député, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec attention l'exposé de la ministre et j'en arrive à une conclusion qui n'est pas très intéressante de ce pour quoi le ministère, le gouvernement propose ce projet de loi. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le discours de la ministre et j'en arrive à une seule conclusion: il faut faire en sorte que le 3 800 000 000 $ – je dois reconnaître qu'elle l'a cité très exactement – le 3 800 000 000 $ de dettes, qui, suite à la réforme comptable, laquelle nous avons acceptée, l'opposition aussi, si nous appliquions les principes de la nouvelle réforme comptable, devrait être ajouté à la dette de l'État... À ce moment-là, on aurait eu une situation claire dans laquelle la dette immobilière des réseaux aurait apparu dans la dette de l'État.

Ça, c'était une position au moment où on acceptait pleinement les principes de la réforme comptable. Sauf que là regardez bien ce qu'on fait, et c'est une tendance maintenant. À un moment où on avait les fonds dédiés, j'étais un spécialiste, un chasseur de fonds dédiés à une époque. C'était dans le mandat précédent. Maintenant, on crée des organismes. On l'a fait il n'y a pas longtemps avec Valorisation-Recherche. On fait des organismes avec qui on crée des liens soit contractuels soit législatifs avec le gouvernement, et c'est dans ces organismes que se situe la dette comme telle. C'est-à-dire que la fameuse dette de 3 800 000 000 $, elle va continuer à exister, M. le Président, elle ne va pas disparaître avec le projet de loi. Soyez sérieux, donc. Elle ne disparaîtra pas, sauf qu'elle n'apparaîtra plus. Elle n'aura pas disparu, mais elle n'apparaîtra plus. Elle se trouvera dans la dette de la Corporation d'hébergement du Québec.

Et ce n'est pas seulement ça. Je me rappelle à l'époque un député ministériel, qui est malheureusement décédé aujourd'hui, qui était le député de Masson...

Une voix: M. Blais.

M. Gautrin: ...M. Blais, le député de Masson, pour lequel cette Chambre avait le plus grand estime, je me rappelle les discours enflammés que le député de Masson avait pu établir et qui lui aussi avait dit: La dette officielle du gouvernement ne correspond pas à la vraie dette que nous avons, nous, collectivement, Québécois, à assumer, elle est beaucoup plus grande. Et le député de Masson – Dieu ait son âme aujourd'hui – rappelait à quel point il fallait ajouter la dette des réseaux de la santé, la dette des réseaux de l'éducation, que la ministre dans son portefeuille avant connaissait bien, de manière à arriver à une dette du gouvernement beaucoup plus grosse qu'elle n'était comptabilisée aux états financiers du gouvernement.

La réforme, M. le Président, de la comptabilité gouvernementale a fait en sorte que maintenant ça ne pourrait plus disparaître. Il fallait que ce soit comptabilisé. Alors, au lieu de la comptabiliser, la société d'hébergement du Québec... Je vais vous expliquer dans un instant ce que c'est, la société d'hébergement du Québec, mais comprenons d'abord la situation générale dans laquelle nous nous trouvons.

(23 h 10)

La Corporation d'hébergement du Québec, c'est elle qui va devoir avoir cette dette de 3 800 000 000 $ au lieu de la faire réellement apparaître comme elle devrait apparaître, à la dette du gouvernement, et comme le vénéré député de Masson aurait voulu voir aussi apparaître à la dette du gouvernement, M. le Président.

Mais, revenons-en à ce qui nous occupe: la Corporation d'hébergement du Québec. C'est quoi, cet animal-là? Bien, cet animal, M. le Président, c'est une corporation qui est actuellement virtuelle, qui est au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux mais qui, techniquement, possède l'ensemble des bâtiments qui sont les hôpitaux, les centres d'hébergement, un certain nombre de centres pour personnes âgées, qui possède les bâtisses mais qui n'a qu'une existence virtuelle, et qui se trouve à l'intérieur du ministère mais qui est le véritable possédant des bâtisses. C'est ça, la Corporation d'hébergement du Québec.

Et vous allez me dire: Oui, mais qu'est-ce qu'elle fait avec ces bâtisses? Qu'est-ce qu'elle fait avec ces hôpitaux qu'elle possède? Actuellement, avant qu'on passe cette loi – et j'espère qu'on ne la passera pas, M. le Président – la Corporation d'hébergement du Québec prête, quasiment pour rien, à un conseil d'administration – prenons l'hôpital Santa-Cabrini chez vous, prenons l'hôpital Angrignon, prenons l'Enfant-Jésus, ici, à Québec – au conseil d'administration de cet hôpital, pour rien, les bâtisses dans lesquelles il va exercer des fonctions hospitalières.

Alors, on se comprend bien actuellement? Si on ne fait rien actuellement, si on ne passe pas la loi n° 53, la Corporation d'hébergement du Québec continuera d'avoir une existence virtuelle, c'est-à-dire n'aura pas de fonctionnaires, sera strictement un organisme à l'intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux. Elle sera techniquement, là, celle qui possède les bâtiments, qui sont les bâtiments des hôpitaux et certains équipements de diagnostic mis en commun, qui sont possédés aussi par la Corporation d'hébergement du Québec, mais bâtiments qu'elle concède pour rien aux corporations qui sont les conseils d'administration des différents hôpitaux ou, éventuellement, des régies régionales. Ça, c'est la situation actuelle.

Regardez ce qui arrive si on change la loi. Et je me permets de dire, avec tout le respect que je dois à la ministre, qu'on change beaucoup plus que ce que l'Assemblée va vouloir nous faire croire. On fait beaucoup plus que changer strictement une espèce d'écriture où on fait disparaître 3 800 000 000 $ des comptes publics du gouvernement sans les faire apparaître ailleurs. Bon, évidemment, c'est peut-être être magicien de vouloir faire disparaître 3 800 000 000 $, M. le Président, mais il y a beaucoup plus que ça. C'est qu'on dit: Voici, on va créer une corporation qui va être une corporation autonome.

Alors, qu'est-ce que ça veut dire, ça? Ça veut dire que la corporation nouvelle, si on suit la logique du gouvernement – ce que, moi, je ne suis pas, M. le Président, actuellement – on va dire: Nous créons une corporation qui, maintenant, continue d'avoir le même nom, qui s'appelle la Corporation d'hébergement du Québec. Elle va continuer à être celle qui possède les différents immeubles, que ce soit l'hôpital chez vous ou l'hôpital que vous pouvez avoir à Sept-Îles, etc. – le député de Duplessis le comprend facilement – ce sera la Corporation d'hébergement du Québec qui possédera les bâtiments qui sont les bâtiments dans lesquels sont logés les différents hôpitaux ou les différents centres d'accueil du Québec. Alors, la Corporation possèdera les bâtiments. Elle aura, elle assumera, en partie, une dette, qui sera une dette de l'ordre de 3 800 000 000 $, qui sera la dette de la Corporation d'hébergement du Québec.

Mais, pour justement assumer ses obligations, la Corporation du Québec, alors qu'aujourd'hui – et voici où le bât blesse, M. le Président – la Corporation d'hébergement du Québec prête pour rien aux conseils d'administration des différents hôpitaux les bâtiments, bâtiments pour que ces conseils d'administration puissent fonctionner, là elle va aller louer. Comprenez-moi bien, M. le Président, elle va aller louer, c'est-à-dire techniquement la Corporation d'hébergement du Québec, si on passe la loi n° 53, va louer les bâtiments qu'elle aura eus aux différents conseils d'administration.

Alors, là, il y a deux craintes, M. le Président, et elles sont graves. J'ai fait le tour du réseau, d'un certain nombre de personnes dans le réseau actuellement – parce que c'est un peu abusif de dire que j'ai fait le tour du réseau ou parlé aux directeurs de tous les établissements, ce n'est pas vrai – mais j'ai parlé à un certain nombre de directeurs d'établissement et j'ai parlé à un certain nombre de responsables des finances dans les régies régionales. Il y a une crainte. La crainte est la suivante, c'est que les établissements, si on passe la loi, vont devoir maintenant payer la location des immeubles dans lesquels se trouvent les bâtisses, ils vont payer la location à la Corporation d'hébergement du Québec. On se comprend? Mais les craintes des établissements du réseau – et ils ont été échaudés, M. le Président, et vous le savez à quel point ils ont été échaudés dans le passé – c'est qu'ils n'aient pas les ressources additionnelles nécessaires pour pouvoir payer ces frais de location.

Alors, on a des établissements hospitaliers qui ont dû subir d'énormes compressions, des compressions importantes – je pense que, de part et d'autre, on va convenir qu'il y a eu des compressions importantes dans le réseau hospitalier – et qui, de surcroît, vont devoir assumer, sans nécessairement que la loi leur prédise que les régies régionales vont leur transférer des fonds nécessaires pour assumer ces frais de location, ils vont devoir assumer, demain, les frais de location des immeubles qui, jusqu'à maintenant, leur étaient prêtés gratuitement. Et ça, déjà, M. le Président, vous comprenez l'inquiétude qu'il y a dans le réseau, un réseau qui a été grandement échaudé, qui a été échaudé par des compressions importantes dans le réseau de la santé, donc, et qui se dit: Voici, nous serions amenés peut-être à devoir assumer, demain, des charges supplémentaires.

Chacun des députés ici présents, dans cette Chambre, ils ont souvent des établissements hospitaliers ou des centres d'accueil dans leur comté, ils sont en relation assez proche avec les conseils d'administration de ces établissements. Les conseils d'administration de ces établissements – il faut bien en être conscient – vont devoir, demain, avoir une charge supplémentaire qui va être la charge de location des immeubles dans lesquels se trouve leur hôpital. C'est ça actuellement le projet de loi n° 53. Et ce n'est pas rien, hein. Ce n'est pas rien, vous comprenez bien, parce que, pour assumer le financement de la dette de 3 800 000 000 $ qui quitte, si je puis dire, l'ajout à la dette du gouvernement, il va falloir que cette nouvelle Corporation impose un certain nombre de frais de loyer.

Je n'ai pas terminé, M. le Président, je n'ai pas terminé. Deuxième crainte. Vous savez – et ce n'est pas clair à l'intérieur de la loi, et ce n'est pas clair au niveau de la fiscalité, ce n'est pas clair, et il va falloir qu'on en débatte – M. le Président, que, dans un cadre comme ceci, les loyers, les services des loyers qui sont donc fournis par la Corporation d'hébergement du Québec seraient soumis à la taxe, la TPS et la TVQ. C'est-à-dire que, implicitement... Vous allez me dire: Sur le côté TVQ – et on pourra débattre s'ils sont soumis ou non, mais une analyse, une certaine analyse de la loi nous amènerait à conclure que les montants des loyers sont soumis et à la TVQ et à la TPS – pour la partie TVQ, les gens vont dire: Bon, c'est parfait, ça va revenir à l'intérieur des coffres du gouvernement du Québec. Mais, si la lecture que l'on peut faire, c'est que le montant des loyers serait soumis à la TPS, le simple jeu que fait actuellement la ministre en créant une corporation individuelle qui va facturer les loyers des bâtisses aux différentes corporations, qui sont le conseil d'administration de votre hôpital ou le conseil d'administration de l'hôpital de Rouyn-Noranda, par exemple, va faire que cette partie de loyer sera soumise à la TPS, ce qui serait un transfert en quelque sorte du budget provincial au budget fédéral.

(23 h 20)

M. le Président, évidemment, on peut avoir une lecture différente du projet de loi, et d'aucuns prétendent qu'ils ont mis les garanties nécessaires pour que ces services qui sont offerts par la Corporation d'hébergement du Québec ne soient pas soumis à la taxe de vente du Québec ni à la taxe sur les produits et services du fédéral. Ce n'est pas, à mon sens, évident, et j'aurais besoin d'énormes garanties de la part de la ministre, et pas seulement me dire: J'ai soumis mon projet de loi aux gens du ministère des Finances et ils pensent que j'ai raison. Je pense qu'il va falloir qu'on ait un échange beaucoup plus sérieux que cela et qu'on reçoive une garantie.

Parce que, autrement, et comprenons bien ce qu'on fait, pour éviter qu'apparaisse aux états financiers du gouvernement la dette qui est réelle, hein – comprenez-moi bien, là, la fameuse dette de 3 800 000 000 $, on la fait disparaître des états financiers du gouvernement, mais ce n'est pas pour ça qu'elle a été remboursée; elle n'apparaît plus aux états financiers du gouvernement, mais elle est quand même toujours présente, il faut bien qu'on soit conscient qu'elle va apparaître ailleurs, mais elle n'apparaîtra plus aux états financiers – pour en quelque sorte ne plus la faire apparaître à cet effet-là, on risque, M. le Président, et c'est le deuxième point sur lequel je veux insister, d'avoir un phénomène de devoir payer en plus, pour les établissements, de devoir payer un loyer sur lequel ils n'ont pas actuellement de transfert de fonds de la part du fonds consolidé, de devoir payer en plus une taxe, une TVQ et une taxe sur les produits et services.

Alors, M. le Président, vous comprenez bien à quel point, à l'intérieur du réseau de la santé et services sociaux, le projet de loi, qui pourrait paraître anodin, être un projet de loi simple qui veut être une suite par rapport à la réforme de la comptabilité gouvernementale et à la loi n° 2 que nous avons déjà adoptée aujourd'hui, peut être particulièrement pernicieux, particulièrement pernicieux, M. le Président, parce que, si c'est le cas, ça va vouloir dire que non seulement les établissements du réseau de la santé vont devoir payer un loyer pour lequel ils n'ont pas eu, dans les différents budgets, actuellement, de paiements de transfert nécessaires pour pouvoir assumer ce loyer, mais, de surcroît, ils devront assumer une dépense sur la taxe sur les produits et services et sur la taxe de vente du Québec sur un montant de loyer pour lequel ils n'ont reçu aucun paiement de transfert.

Troisième élément qui me semble extrêmement inquiétant à l'intérieur du projet de loi, c'est l'article 3, M. le Président. Et je vais me permettre d'en débattre avec vous. Jusqu'à maintenant, on l'a vu ensemble, et je pense que personne ici ne va en discourir, la Corporation d'hébergement du Québec était un élément virtuel, n'avait pas vraiment d'employés, n'avait pas de fonctionnaires. C'était un élément à l'intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux qui, par une fiction comptable, possédait les immeubles dans lesquels étaient logés les différents hôpitaux du Québec, et les centres d'accueil, et les organismes qui leur étaient reliés, mais qui n'avait pas de personnel, n'avait pas de fonctionnaires, qui était vraiment une personnalité presque virtuelle.

La chose change complètement du tout au tout. Non seulement sommes-nous au moment de créer une corporation qui va être une société qui existe vraiment, mais, de plus, M. le Président, allons-nous avoir une corporation qui a pour mission, et je me permets de vous la lire parce qu'elle est importante: «La Corporation a pour mission d'offrir aux intervenants du secteur de la santé et services sociaux, moyennant considération et dans un objectif d'autofinancement – les mots sont très importants, "moyennant considération", ça, c'est l'élément qui va dire que, oui, on va facturer ce qu'on va vous offrir comme service, "et dans un objectif d'autofinancement", rappelez-vous que, dès qu'on parle d'autofinancement, il y a cette fameuse dette de 3 000 000 000 $, M. le Président, ça fait 3 000 millions, ça, c'est important, 3 800 000 000 $ qu'il va falloir financer, alors, "dans un objectif d'autofinancement", il y a, à l'intérieur ici, le service de la dette de 3 800 000 000 $ – l'expertise technique – alors l'expertise technique, ça n'arrive pas dans une société virtuelle, ça, l'expertise technique, ça veut dire qu'il y a, à ce moment-là, des fonctionnaires qui vont rentrer, qui vont être des fonctionnaires dorénavant de la Corporation d'hébergement du Québec – et financière ainsi que le financement nécessaire à la gestion, la construction, l'entretien et l'acquisition d'immobilisation, d'équipements et d'infrastructures sociosanitaires.»

C'est-à-dire, M. le Président, qu'il faut bien comprendre que non seulement créons-nous aujourd'hui, faisons-nous que cette Corporation d'hébergement du Québec, qui, jusqu'à maintenant est une structure virtuelle, nous lui donnons une véritable existence légale, mais non seulement nous lui donnons une existence légale, mais on lui modifie son mandat et on lui donne un mandat tel qu'elle va devoir avoir des employés, du personnel, pour remplir ce mandat, parce que donner de l'expertise tant financière que sur les plans de construction, ça ne se fait pas d'une manière virtuelle. Ça prend des personnes avec des têtes, des bras et des jambes pour pouvoir donner cette expertise. Une expertise ça existe avec des êtres humains. Ça veut dire que la Corporation d'hébergement du Québec, qui jusqu'à maintenant n'avait personne à l'intérieur, était une structure qui était purement pour des fins de comptabilité, va dorénavant avoir en son sein des fonctionnaires, va avoir en son sein des employés, va avoir en son sein du personnel qui aura pour tâche de donner cette expertise. Et ça, M. le Président, c'est une nouvelle structure, à ce moment-là, complète qu'on est en train de créer.

On pourrait dire: On crée une nouvelle structure, est-ce que ça va coûter à l'État? Vous aller me dire: Non, parce qu'il y a une structure d'autofinancement. Je dis: Oui, un instant. La structure d'autofinancement, c'est intéressant, mais qui sont les clients potentiels de la Corporation d'hébergement du Québec? Vous le savez bien, les clients potentiels de la Corporation d'hébergement du Québec, ça ne peut être que les différents conseils d'administration des hôpitaux et centres d'accueil du Québec. Donc, ce qu'on fait pratiquement, c'est qu'on va faire payer, en plus du coût de location, parce qu'on fait tout ça dans un cadre d'autofinancement, dorénavant des immeubles, hôpitaux, centres d'accueil, aux conseils d'administration, on va leur faire payer en plus la fameuse expertise qui pourra leur être dispensée par la Corporation d'hébergement du Québec en matière financière et en matière immobilière.

Ce qui veut dire que pratiquement le choix qu'on ferait si on passe actuellement le projet de loi n° 53, c'est qu'on va non seulement grever les budgets des différentes corporations d'hôpitaux, de votre hôpital dans votre comté, M. le Président, de l'hôpital dans le comté de la ministre ou l'hôpital dans le comté du député de Duplessis à Sept-Îles, non seulement va-t-on les grever du coût de location des immeubles qui jusqu'à maintenant leur était donné gratuitement, premier élément, deuxièmement, va-t-on leur charger en plus, d'après moi, la taxe de vente et la taxe sur les produits et services qui vont aller s'ajouter en quelque sorte sur le coût de location des immeubles, mais de surcroît va-t-on leur facturer l'expertise des fonctionnaires que l'on retrouvera à l'intérieur de la Corporation d'hébergement du Québec.

Alors, comprenez, M. le Président, à l'heure actuelle, la crainte des administrateurs du réseau qui voient clairement par ce projet de loi – c'est très important – une dépense évidente qui va être imposée à chacun des conseils d'administration de vos hôpitaux – et je parle à chacun des députés ici présents dans cette salle – une charge financière qui va être imposée à chacun des conseils d'administration de ces hôpitaux pour des fins – je le rappelais tout à l'heure, c'est important de bien le comprendre – de location d'immeubles, des fins de TPS et des fins de soutien des fonctionnaires de la Corporation d'hébergement du Québec, sans que d'aucune manière ne soient prévus des transferts de fonds, qui viendraient du fonds consolidé, pour permettre de venir compenser ces dépenses que devront assumer les établissements.

(23 h 30)

Et c'est là que le bât blesse, Mme la ministre... M. le Président – je m'adresse à la ministre par votre intervention, vous le comprenez bien. Pour abrier en quelque sorte la fameuse dette de 3 800 000 000 $ que l'on ne veut pas voir apparaître dans le états financiers du gouvernement, on est en train de vouloir et de créer une corporation sur le côté qui va imposer une charge à chacun des hôpitaux. Et vous connaissez la situation, M. le Président, la situation délicate, et il n'est pas besoin d'être aussi bien du parti ministériel que de l'opposition pour savoir à quel point chacun de nos hôpitaux a dû subir des compressions importantes, des compressions budgétaires importantes, et qu'ils ne peuvent pas aujourd'hui assumer en plus, sans qu'on leur dise clairement qu'il va y avoir un transfert de fonds, ils ne peuvent pas assumer aujourd'hui, M. le Président, un coût de loyer qui va s'ajouter à leurs dépenses, M. le Président. Parce que, au bout du compte – et là il est très important que vous le compreniez, M. le Président – qui est celui qui, dans le fond, va finir par en faire les frais? Celui qui va en faire les frais, M. le Président, ça va être le malade. Et c'est ça qui arrive au bout du compte.

Ce projet de loi, si vous le décortiquez correctement, vous dites: Voici, pour cacher une dette qu'on ne voudrait pas voir aux états financiers, on crée une Corporation d'hébergement du Québec qui va facturer à chacun des hôpitaux ce qu'actuellement ils recevaient gratuitement, qui va facturer un loyer à chacun des hôpitaux, loyer pour lequel il n'est prévu nulle part un transfert de fonds, qui va donc être obligé d'être assumé par l'hôpital à l'intérieur de son budget, et, pour assumer ce loyer, il sera bien sûr obligé de couper dans les services qu'il dispensait, c'est-à-dire de couper dans les services aux malades.

Et c'est ça qui est absolument pernicieux, M. le Président, dans le projet de loi, et il faut bien le comprendre. Nulle part dans le projet de loi il n'est dit ou il n'est prévu que, pour cette nouvelle obligation que les établissements vont devoir avoir, pour assumer ce loyer supplémentaire, il y aura un transfert de fonds équivalent de la part des régies ou de la part du gouvernement, c'est-à-dire de la part du gouvernement à travers les régies vers les établissements. Et là on a un problème tout à fait... très, très, très pernicieux, M. le Président.

Quatrième point. On va y aller séquentiellement et lentement. Quatrième point, M. le Président, le conseil d'administration. Le réseau de la santé avait une tradition ou a une tradition de s'autodiscipliner, d'être en mesure de gérer ses propres affaires et, je dois dire, d'une certaine manière, le réseau de la santé a une expertise, à l'intérieur du réseau, et avait réussi, par les experts qui sont les directeurs d'établissement, qu'ils soient à la régie régionale, qu'ils soient dans les établissements de longue durée ou dans les établissements de courte durée, voire dans les CLSC... ils ont une expertise de gestion dont nous devons tous ici reconnaître la qualité de cette gestion, M. le Président. Et, nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous reconnaissons la qualité de la gestion des dirigeants d'établissement.

Et on serait en droit de penser, si vous me permettez, que la Corporation d'hébergement du Québec, qui va être maintenant dirigée, puisque c'est un groupe qui est extérieur complètement au gouvernement... que la Corporation d'hébergement du Québec soit dirigée par un conseil d'administration où les gens issus du milieu de la santé seraient majoritaires. Ce n'est pas le cas. Ce n'est pas le cas, si vous regardez – et je crois que c'est un article à la fin, je pourrais mettre mes lunettes pour vous le lire, M. le Président – l'article précise que le conseil d'administration a bien sûr des représentants du réseau de la santé, mais le président et quatre des autres membres sont nommés et sont des fonctionnaires, sont extérieurs au réseau de la santé et sont nommés par le gouvernement. Il y a donc, à l'intérieur de cet élément de projet de loi, une situation où, en quelque sorte, on retire aux gestionnaires du réseau de la santé la possibilité qu'ils avaient jusqu'à maintenant, en général, de pouvoir gérer leurs établissements.

Alors, si on se résume, M. le Président, parce que, après cet exposé peut-être un peu long, il est bon d'en arriver à l'essentiel: Pourquoi un tel projet de loi? J'espère que vous l'avez compris. Pourquoi un tel projet de loi? Bien, écoutez, c'est bien simple, hein, et je pense qu'on le reconnaît tous, parce qu'on a voulu réformer les normes comptables pour éviter que n'apparaisse à la dette du gouvernement un 3 800 000 000 $ supplémentaire. Pour éviter que n'apparaisse à la dette du gouvernement un 3 800 000 000 $ supplémentaire, on va créer, sur le côté, ce qui jusqu'à maintenant était une société virtuelle à l'intérieur du ministère, on va donner une vie, en dehors du ministère, à une corporation qui s'appelle la Corporation d'hébergement du Québec, à qui on transfère cette dette de 3 800 000 000 $ et on transfère l'ensemble des immeubles qui abritent, à l'heure actuelle, les hôpitaux de longue durée, les hôpitaux de courte durée, les centres d'accueil et certains CLSC.

C'est ça, c'est réellement ça qui se passe. Si tant est que ce n'était que cela, on aurait dit: Bon, c'est un phénomène administratif, ce n'est pas tellement grave. Mais, pour justement pouvoir retirer – et c'est là qu'est le problème, M. le Président – ce 3 800 000 000 $ de la dette du gouvernement, il faut que cette nouvelle corporation qu'on crée en dehors du gouvernement soit autonome sur le plan financier. Pour pouvoir être autonome sur le plan financier, d'où croyez-vous qu'elle peut retirer ses revenus? D'où croyez-vous, M. le Président, qu'elle peut retirer ses revenus?

On se comprend bien, on est en train de créer, sur le côté du ministère, une nouvelle corporation, Corporation d'hébergement du Québec. On dit: Vous allez être autonome financier. Qu'est-ce qu'elle a, cette corporation? Elle possède – jusqu'à maintenant virtuellement parce qu'elle les donnait pour rien aux établissements de santé – des immeubles, des hôpitaux, des centres d'accueil, des hôpitaux de longue durée, elle possède des immeubles et elle a une dette puis quelques fonctionnaires. Mais on reviendra sur les fonctionnaires. Et comment voulez-vous qu'elle s'autofinance sinon de louer ses immeubles? Elle ne veut pas le louer sur le marché, elle peut le louer simplement... parce qu'il y a un hôpital, elle loue l'immeuble de l'hôpital uniquement à la corporation qui actuellement gère l'hôpital, ce qu'on appelle le conseil d'administration de l'hôpital. Et le conseil d'administration de l'hôpital, comprenez-moi bien, il reçoit des fonds principalement des paiements de transfert du gouvernement.

Alors, qu'est-ce qu'on fait, à l'heure actuelle, pratiquement? C'est qu'on dit: Pour supporter ce 3 800 000 000 $, c'est-à-dire les services de dette de ce 3 800 000 000 $, on va dire à chacun des hôpitaux: Les immeubles que jusqu'à maintenant vous receviez gratuitement pour pouvoir effectuer votre mission, dorénavant, vous allez devoir payer un loyer. C'est ça, le projet de loi. Je répète: Les immeubles que vous receviez gratuitement, dorénavant, vous allez devoir payer un loyer.

Et nulle part il est dit et nulle part il est prévu... Et on connaît l'expérience des compressions qu'ils ont eues déjà dans le secteur de la santé pour craindre que cette nouvelle dépense qu'on va imposer aux établissements du réseau de la santé, cette nouvelle dépense qui va être imposée au réseau de la santé, ils devront la prendre à même leur budget. Vous comprenez bien, hein? La nouvelle dépense qui va être le paiement du loyer de leurs immeubles, ils vont devoir la prendre à même leur budget, sans que soient prévus nulle part des transferts de fonds, des augmentations de budget pour assumer ce coût de loyer, M. le Président.

Et la crainte du réseau, c'est de dire: Voici, jusqu'à maintenant, dans nos dépenses, on avait les dépenses pour les médecins, on avait les dépenses pour les infirmières, les dépenses pour les différents services, pour les lits, etc., mais on n'avait pas à assumer des dépenses de loyer. Mais dorénavant, si nous devons en plus payer les dépenses de loyer pour les établissements qui sont les établissements dans lesquels on fait ce qu'on a toujours fait, depuis des temps immémoriaux, nos activités, nous allons devoir prendre ces dépenses de loyer, les prendre en diminuant d'autres activités, qui sont des activités médicales, des activités thérapeutiques, des activités que font normalement nos centres hospitaliers de courte durée, de longue durée ou nos centres d'accueil.

Comprenez bien, donc on est en train de dire que le réseau de la santé, que ce soit le réseau de la santé, les malades, les personnes les plus démunies, va avoir actuellement... C'est ce réseau-là, c'est les services à ces personnes-là qui vont devoir assumer le financement de cette dette de 3 800 000 000 $ qu'on ne veut pas voir apparaître dans les livres du gouvernement. Et c'est ça que je trouve – sans vouloir abuser du langage extrême, parce que, quand on abuse du langage, le poids de notre argumentation parfois disparaît.

(23 h 40)

C'est ça que je trouve particulièrement pernicieux, M. le Président, pour ne pas dire odieux. Comprenez bien, on est en train de dire: pour éviter de voir apparaître cette dette de 3 800 000 000 $, je vais dorénavant charger à chacun des établissements de santé un loyer que vous allez devoir payer à une corporation, qui sera la Corporation d'hébergement du Québec; ce loyer, je n'ai pas de moyens actuellement de vous le financer, et vous allez probablement devoir le financer à même des compressions que vous allez faire ailleurs, et la seule place où vous pouvez faire des compressions, c'est dans le service aux malades.

C'est ça, M. le Président, cette loi qui au début peut paraître bien banale, bien simple, une loi qui dit: Bon, je suis en train de changer les périmètres comptables, je passe une dette, je la mets ailleurs, puis, etc., c'est ça qui est la réalité de cette loi-là. Il n'y a nulle part aucun moyen de dire aux établissements du réseau de la santé: pour assumer la nouvelle dépense que vous devez dorénavant assumer, vous n'avez moyen pour pouvoir payer d'avoir des transferts de fonds.

Deuxièmement, M. le Président, il reste indubitablement que jusqu'à maintenant la Corporation d'hébergement du Québec n'avait pas de fonctionnaires. C'était une corporation, la ministre en conviendra avec moi, ce qu'on appelait une corporation virtuelle, c'est-à-dire une corporation qui existait un peu sur le papier en quelque sorte, une corporation qui n'était qu'un organisme ou un élément comptable. Eh bien, cette corporation va dorénavant, demain, devenir non seulement réelle, parce qu'elle va imposer bien sûr des loyers aux différents établissements, mais de surcroît elle va être amenée à avoir un nombre important de personnels.

Et là, dans une période où on parle de diminution du poids de l'État, d'assouplissement de ce que j'appellerais la technocratie dans le réseau de la santé... Le discours est important, M. le Président, du moins de ce côté-ci de la Chambre. On a toujours dit de ce côté-ci de la Chambre que les dépenses dans le réseau de la santé ne doivent pas aller à l'administration mais doivent aller aux services aux malades. Alors, qu'est-ce qu'on voit dans ce projet de loi? C'est important que vous compreniez bien, hein? Je vous l'ai démontré tout à l'heure, ça va être probablement les services aux malades qui vont devoir supporter le poids actuellement des nouveaux loyers.

Mais, de surcroît, M. le Président, c'est qu'actuellement on est en train de créer une structure avec une structure administrative qui pourrait être légère mais qui pourrait certainement, avec la tentation générale dans ce gouvernement de grossir très rapidement pour administrer une structure sur pied, être une structure lourde – experts-conseils en gestion financière, en gestion immobilière – une structure qui va être – parce que la corporation doit être autofinancée – aussi portée, supportée à l'intérieur du loyer que devra payer chacun des établissements, loyer, comme je vous l'ai rappelé tout à l'heure, M. le Président, où rien n'est permis pour le financer. Et tout nous laisse à craindre que ce loyer soit assumé par chacun des établissements et qu'il ne pourra être assumé par les établissements que par une compression des services aux malades, M. le Président. Et c'est ça qui est une crainte qu'on peut avoir de ce côté-ci de la Chambre.

Vous comprenez bien, hein? On est en train de mettre une corporation qui jusqu'à maintenant est une corporation virtuelle, on est en train de lui donner une existence en incluant à l'intérieur de cette corporation un certain nombre de fonctionnaires et on va faire payer le poids même de l'existence de cette corporation aux différents établissements, établissements qui n'auront pas les moyens de pouvoir la financer et qui devront faire porter aussi le poids à l'ensemble des malades.

Troisième point, M. le Président, si vous me permettez, l'importance de réfléchir sur la question de la TVQ et du poids actuellement de la TVQ.

Et je rappellerai pour terminer, M. le Président, parce que mon temps est en train de s'écouler, j'aimerais peut-être vous rappeler, et c'est important, que, si on est en train de créer à l'heure actuelle à l'extérieur du réseau de la santé une corporation, faisons au minimum confiance aux gestionnaires du réseau de la santé et faisons en sorte que les administrateurs du réseau de la santé se trouvent majoritaires sur le conseil d'administration. Faisons-leur confiance. Ce sont probablement les meilleurs personnes pour être en mesure justement d'administrer le mieux possible cette Corporation d'hébergement du Québec.

Alors, M. le Président, cette petite loi qui, à première vue, paraissait bien simple et sans aucune importance, vous l'avez compris, au bout du compte va être pénalisante pour les établissements de santé et pénalisante, par ce biais-là, pour l'ensemble des malades. Et, pour ces raisons-là, parce que, nous, on croit que les dépenses en santé doivent d'abord aller non pas à l'administration, mais d'abord aller au soutien aux malades, nous allons voter contre le projet de loi. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Est-ce que le principe du projet de loi n° 53, Loi sur la Corporation d'hébergement du Québec, est adopté?

M. Gautrin: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je fais motion que nous ajournions nos travaux au mercredi 9 juin 1999, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à demain, le mercredi 9 juin, à 10 heures. Bonne fin de soirée à tous!

(Fin de la séance à 23 h 45)