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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 13 juin 2000 - Vol. 36 N° 121

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment.


Affaires courantes

Bien, veuillez vous asseoir. Nous allons aborder les affaires courantes immédiatement.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles.


Rapports annuels de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec, de l'Ordre des dentistes du Québec et de la Direction de l'indemnisation des victimes d'actes criminels

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je dépose les rapports annuels 1999-2000 de l'Ordre des administrateurs agréés du Québec, l'Ordre des dentistes du Québec, ainsi que le rapport annuel d'activité de 1999 de l'IVAC, soit l'Indemnisation des victimes d'actes criminels.

Le Président: Bien, ces documents sont déposés. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, maintenant.


Rapport annuel de la Commission d'accès à l'information du Québec

M. Perreault: Oui, M. le Président. Alors, je dépose le rapport annuel 1999-2000 de la Commission d'accès à l'information du Québec.


Rapport annuel de la Commission de la fonction publique et rapport du Vérificateur général

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Pour ma part, je dépose, conformément aux articles 124 et 125 de la Loi sur la fonction publique, le rapport annuel 1999-2000 de la Commission de la fonction publique accompagné du rapport du Vérificateur général pour l'année financière terminée le 31 mars 2000.


Tome I du rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale accompagné d'un résumé

Je dépose également, conformément à l'article 44 de la Loi sur le vérificateur général, le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée nationale pour l'année 1999-2000, tome I, accompagné d'une brochure sur les faits saillants dudit rapport.


Rapport spécial du Protecteur du citoyen à l'Assemblée nationale intitulé Affaire Dubreuil – Le Protecteur du citoyen contredit la position du Procureur général , et décision du Bureau de l'Assemblée nationale

Je dépose, conformément à l'article 27 de la Loi sur le Protecteur du citoyen, un rapport spécial du Protecteur du citoyen à l'Assemblée nationale intitulé Affaire Dubreuil – Le Protecteur du citoyen contredit la position du Procureur général . Et, finalement, je dépose la décision 972 du Bureau de l'Assemblée nationale.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, maintenant, M. le président de la commission des institutions et député de Portneuf.


Étude détaillée du projet de loi n° 112

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 7, 8, 9 juin 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 112, Loi sur la sécurité incendie. La commission a adopté le projet avec des amendements.

Le Président: Le rapport est déposé.

Maintenant, M. le président de la commission des finances publiques et député de Richelieu.


Étude détaillée du projet de loi n° 126

M. Simard (Richelieu): Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé les 6, 7, 8 et 9 juin 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 126, Loi sur les coopératives de services financiers. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 131

J'en profite aussi, M. le Président, pour déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé les 1er, 8 et 12 juin, jusqu'à minuit, afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 131, Loi modifiant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés également.

M. le président de la commission de l'aménagement du territoire et député de Richmond.


Étude détaillée du projet de loi n° 110

M. Vallières: M. le Président, je désire déposer le rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a siégé les 24 et 30 mai de même que les 6 et 7 juin 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est également déposé.

M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Charlevoix.


Consultations particulières sur les projets de loi nos 120 et 123

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé les 6 et 8 juin 2000 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 120, Loi modifiant la Loi sur la protection sanitaire des animaux et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les abeilles – ça piquait – et le projet de loi n° 123, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés.


Étude détaillée du projet de loi n° 123

Et, par la même occasion, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé les 8 et 9 juin afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 123, Loi modifiant la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments et d'autres dispositions législatives et abrogeant la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Bien. Alors, ces rapports sont déposés. M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, on parle de la loi n° 120. Est-ce qu'on peut savoir quelle sera la prochaine étape à suivre dans ce dossier et quand?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Trudel: Il est prévu une planification pour faire l'étude article par article pendant le courant de l'été, pour adoption au tout début de l'automne, si nous poursuivons la convention qui a été établie avec l'opposition.

Le Président: Très bien. Alors, M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.


Étude détaillée du projet de loi n° 135

M. Lachance: Merci, M. le Président. Il m'est agréable de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 7 juin 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

(10 h 10)

Le Président: Bien. Ce rapport est aussi déposé.


Dépôt de pétitions

Maintenant, au dépôt de pétitions, Mme la députée de Sauvé.

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement, Mme la députée.


Résoudre le conflit de travail au Centre d'intervention de crise IRIS et financer adéquatement les services de santé mentale dans les plus brefs délais

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 2 234 pétitionnaires en faveur du Centre de crise IRIS.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Facile pour le gouvernement de sortir le patient de l'hôpital, moins facile de financer adéquatement les services de santé mentale! Avec la détresse psychologique élevée atteignant une personne sur quatre au Québec – suicides, dépressions majeures, troubles mentaux sévères – c'est encore le communautaire qui voit son mandat s'alourdir alors que ses ressources financières stagnent. À quand la reconnaissance véritable promise depuis 10 ans?

Le Centre d'intervention de crise IRIS offre des services de première ligne – évaluation, intervention et hébergement de crise – accessibles 365 jours par année, sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Son personnel, majoritairement féminin, dûment qualifié mais sous-payé, dénonce l'état de précarité dans lequel il est maintenu depuis 13 ans. Leur convention collective échue depuis août 1998, les employés demandent une augmentation légitime de leur salaire de 9 % sur quatre ans. L'employeur répond par une offre de 0,05 %. C'est inacceptable! Rappelons que, dans le récent budget Landry, des 2,7 milliards alloués à la santé, seuls 8 millions iront à la santé mentale, soit un maigre 0,3 %.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, dénonçons la situation actuelle des employés du Centre d'intervention de crise IRIS. Nous demandons à Mme Pauline Marois, ministre de la Santé et des Services sociaux, de résoudre ce conflit et de financer adéquatement les services de santé mentale dans les plus brefs délais.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien. Alors, cette pétition est déposée.

Avant d'aborder la période de questions et de réponses orales, je vous avise qu'après celle-ci Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée le 9 juin dernier par Mme la députée de Saint-François concernant le médicament Aredia.


Questions et réponses orales

Maintenant, je suis prêt à reconnaître une première question principale. M. le chef de l'opposition officielle.


Paiement de médicaments par des patients atteints de cancer


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, ma question est au premier ministre et concerne la question de l'accès aux médicaments pour les citoyens du Québec qui justement souffrent de cancer.

M. le Président, c'est une question que le leader du gouvernement en Chambre avait reconnue, vendredi, comme étant une question très grave. Et pour rappeler les faits, le 25 mai dernier, cette question-là a été soulevée pour la première fois à l'Assemblée par la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, et, dans la réponse que donnait la ministre de la Santé à ce moment-là, elle disait qu'elle allait prendre connaissance des informations.

Le 26 mai, à l'Assemblée nationale, la ministre répondait ceci au député de Vaudreuil, elle disait: «Je remercie le député de Vaudreuil de sa question parce que ça va me permettre de revenir sur certains faits erronés qui ont été mentionnés ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président, et qui sont, à mon point de vue, un procédé complètement indigne venant de la part d'un membre de l'Assemblée nationale, concernant justement des patients traités pour le cancer. Sa collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a plutôt choisi hier, plutôt que de choisir la compassion, elle a choisi le spectacle et la démagogie, M. le Président, faisant peur aux patients traités dans nos hôpitaux.»

Plus tard à la même période de questions, elle disait ceci, M. le Président: «Il y a une différence entre Lysiane Gagnon et la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. La députée de Saint-Henri–Sainte-Anne représente la population du Québec, et je réitère que les procédés qu'elle a utilisés sont indignes du poste qu'elle occupe.» Accusation extrêmement grave, M. le Président, lorsqu'une ministre dit ça au sujet d'un collègue de l'Assemblée nationale.

Le 26 mai toujours, elle disait, au sujet de ces informations et du fait que des questions étaient posées, que c'était «absolument inadmissible. Des gens qui sont déjà malades, qui ont déjà peur, qui ont déjà des craintes, elle est en train de leur faire croire qu'on les traite à rabais. Inadmissible», disait-elle le 26 mai dernier, M. le Président.

À deux reprises, le leader du gouvernement en Chambre a accusé l'opposition de ne pas vouloir affronter la vérité, le 30 mai dernier et le 1er juin, c'étaient exactement ses paroles.

Or, M. le Président, justement dans l'esprit de connaître la vérité, on a demandé à la ministre de la Santé, vendredi dernier, on l'a fait verbalement, on l'a fait également par écrit, on a demandé au gouvernement de rendre publics les documents suivants: le rapport de la Direction des enquêtes de la Régie de l'assurance maladie du Québec concernant le médicament Aredia; la lettre transmise par la Régie de l'assurance maladie du Québec au ministère de la Santé et des Services sociaux qui l'incite à agir rapidement; et le mandat confié au comité formé par le ministère pour clarifier les zones grises, ainsi que la composition du comité.

Ma question est donc au premier ministre: À quel moment son gouvernement va-t-il affronter la vérité, comme le disait si bien son leader en Chambre, et rendre publics les documents?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Nous affrontons et disons la vérité tous les jours devant cette Assemblée, et je vais continuer à le faire. Je pourrais redire essentiellement les mêmes propos qu'a cités le chef de l'opposition, sans aucune espèce de réserve. Ce matin, en plus des propos que j'ai prononcés il y a quelques jours, j'ajouterais que le chef de l'opposition essaie de semer la confusion quant à la question de l'utilisation et de l'accès aux médicaments.

Quand on a implanté le régime d'assurance médicaments, on l'a fait justement dans une perspective où on savait que des personnes pourraient recevoir et devoir recevoir certains des médicaments en externe, dans un CLSC ou même voir ces médicaments administrés à la maison. Et cela devenait inéquitable que ce même médicament, gratuit à l'hôpital, doive coûter par la suite 500 $, 1 000 $, 2 000 $ à des personnes parce qu'elles le recevaient à la maison. C'est donc dans ce contexte que nous avons implanté l'assurance médicaments. Dans cette perspective, nous avons établi deux types de médicaments...

C'est-à-dire, en fait, quand ils sont administrés à l'hôpital, les médicaments sont administrés gratuitement. Si des hôpitaux devaient demander des frais, ils n'ont pas le droit de le faire. Si nous devons préciser les directives, nous allons les préciser, comme d'ailleurs on l'a déjà fait il y a quelques semaines. Alors, à cet égard-là, il faut qu'on soit clair, M. le Président. J'ai dit aussi que le système n'était pas parfait et qu'il peut y avoir eu des interprétations ou des erreurs.

Deuxièmement, quant au médicament Aredia lui-même, ce qu'il faut savoir, c'est qu'il peut être prescrit à l'externe, puisqu'il est sur la liste générale. J'avais commencé à dire: Il y a une liste de médicaments sur laquelle on retrouve des médicaments d'exception et une liste sur laquelle on retrouve des médicaments généraux. Certains ne peuvent être prescrits qu'à l'hôpital et d'autres peuvent l'être à l'hôpital ou ailleurs, à la maison, donnés sous supervision, sous surveillance, etc. Dans le cas de l'Aredia, c'est un médicament qui effectivement est sur la liste générale depuis 1997 et qui peut être administré au CLSC ou à la maison, si on accepte la première dose – je ne suis pas une spécialiste de ces questions – qui doit être reçue sous supervision à l'hôpital parce qu'il peut y avoir des risques d'allergie. Mais, cela étant dit, par la suite, le médicament peut être accessible ailleurs, à la maison.

Alors, en ce sens-là, il m'apparaît qu'il n'y a pas de miracle, ou il n'y a pas d'affirmation, comme le fait le chef de l'opposition, à l'effet qu'on aurait obligé certaines personnes à payer un médicament alors qu'elles ne devaient pas le faire. Si l'hôpital l'a fait, il y aura des corrections qui devront être apportées.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, la ministre peut bien parler de confusion, c'est l'experte à l'Assemblée nationale dans le domaine de la confusion. Des trois documents, il y en a un, document, un seul dont on a possession. On n'a pas possession du rapport qui a été produit, qui lui a été remis par la RAMQ; on n'a pas non plus d'information au sujet du comité qui a été formé. Elle qui forme des comités à chaque période de questions en avait formé un justement sur cette question-là.

Mais elle parle de confusion au sujet de l'Aredia. J'ai en ma possession une lettre datée du 31 mars 2000 qui est adressée à Mme Mireille Fillion, qui est sous-ministre adjointe, signée par M. Marc St-Pierre, de la Régie de l'assurance maladie du Québec, où il dit... Les premiers mots de sa lettre sont les suivants: «Après une enquête exhaustive...» Et, dans la lettre, M. Saint-Pierre en question rapporte effectivement qu'il y a un problème très sérieux, puisqu'on fait porter les coûts de médicaments qui devraient être assumés par les établissements au régime d'assurance médicaments, M. le Président.

(10 h 20)

Et il termine sa lettre en disant ceci: «Nous comprenons qu'il s'agit d'un dossier délicat dans le contexte du virage ambulatoire et de la révision en cours du régime général d'assurance médicaments, mais, en même temps, il nous apparaît impérieux de trouver une solution qui ne pénalise pas les personnes victimes de cancer.» Comment explique-t-elle que Marc St-Pierre parle de gens, de citoyens qui sont pénalisés, qui souffrent de cancer, alors que la ministre nous dit aujourd'hui que tout est beau, que tout va bien, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je dis exceptionnellement que tout est beau et que tout est parfait. C'est justement ce que j'ai tenu à préciser dans ma réponse, que nous ne vivons pas ni dans une société parfaite, ni dans un système parfait. Il peut y avoir à l'occasion des erreurs. L'important, c'est que, une fois qu'on les a constatées, c'est qu'on les corrige. Ça, par exemple, nous avons un devoir et une obligation à cet égard.

Alors, je trouvais important dans un premier temps...

Des voix: ...

Le Président: Bien. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je trouvais important dans un premier temps de bien expliquer les faits avant de répondre aux questions plus techniques du chef de l'opposition.

Alors, effectivement, nous avons reçu... c'est le ministère, c'est la Direction de la planification et de l'évaluation qui a reçu une lettre, le 31 mars 2000, qui était cette lettre avec d'autres aspects l'accompagnant, qui était sous étude au ministère, mais dont je n'étais pas informée. Mais, par ailleurs, la Régie de l'assurance maladie du Québec a émis, vendredi, un communiqué dans lequel elle explique... Parce que j'ai demandé, j'ai dit: Si un tel rapport existe...

Des voix: ...

Mme Marois: Pourquoi on rit comme ça, d'une façon absolument incroyable? Quand on l'entend, je n'en reviens pas. Alors, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader, sur une question de règlement?

M. Brassard: Question de règlement. Je suis à deux banquettes de la ministre puis j'ai de la misère à l'entendre. Quand le chef de l'opposition a parlé, tantôt, je l'entendais très bien. Est-ce qu'on pourrait avoir un peu de respect pour la ministre qui donne une réponse?

Le Président: Bien. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, justement, parce que, quand j'ai vu qu'on faisait autant de cas de la situation, pour qu'on aille aussi loin qu'on l'a fait du côté de l'opposition, j'ai demandé à la Régie: Est-ce qu'on peut rendre public ce rapport que vous avez fait? Et je vous donne la réponse de la Régie de l'assurance maladie: «Dans l'exercice de son mandat, la Régie procède de temps à autre à des études et enquêtes en vue d'assumer pleinement et entièrement ses responsabilités. Il en va ainsi pour l'enquête conduite par la Régie concernant le médicament Aredia. Les rapports que produit la Régie à la suite de ces interventions permettent d'établir l'état de situation et d'apporter, s'il y a lieu, les mesures correctives nécessaires de quelque nature que ce soit. Ces rapports étant soumis à des règles strictes de confidentialité, ni la ministre responsable de la RAMQ, ni le ministère de la Santé et des Services sociaux, ni personne d'autre n'en reçoivent un exemplaire.»

C'est amusant que les commentaires viennent du député de Chomedey, qui est le premier à s'inquiéter de la protection de la vie privée, M. le Président.

Le Président: Alors, Mme la ministre, vous êtes en réponse complémentaire. En terminant, s'il vous plaît.

Mme Marois: Alors, seules les unités administratives de la région intéressées par la problématique en cause ont accès au document approprié. La Régie affirme donc qu'en aucun temps le rapport d'enquête visé n'a été porté à la connaissance de la ministre. Bon, il continue dans un certain nombre d'autres informations...

Le Président: Juste un instant, M. le chef de l'opposition officielle.

Bien, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je ne sais pas si la ministre vient de se rendre compte de l'énormité de ce qu'elle vient de nous dire à l'Assemblée nationale, M. le Président. Elle nous confirme qu'elle a commandé un communiqué de presse de la Régie de l'assurance maladie du Québec, qui vaut la peine d'être lu parce que c'est vraiment un exemple de bureaucratie à son meilleur. Il n'y a personne de cité dans le communiqué de presse, il n'y a aucune source officielle. Il n'y a aucune justification pour la politique. C'est un communiqué de presse qui ne fait que refléter, j'imagine, la commande qu'elle a placée.

Mais, puisqu'elle dit qu'elle n'est pas informée, que la RAMQ ne l'informe pas, si on suivait pour un seul instant son raisonnement, comment a-t-elle pu affirmer à l'Assemblée nationale, le 26 mai dernier, que les faits étaient erronés, puisqu'elle n'en savait rien, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Les faits n'étaient pas erronés, nous parlions d'autres types de médicaments, c'est ça que j'ai expliqué au chef de l'opposition et aux membres de cette Assemblée, en plus du fait que, dans le cas des deux médicaments auxquels on a fait référence il y a quelques jours, c'étaient des médicaments qui ne pouvaient s'administrer qu'à l'hôpital, tandis que dans le cas présent c'est un médicament qui peut s'administrer à domicile et qui peut s'administrer en CLSC.

C'est ça, la différence, M. le Président. Et, dans ces cas-là, les personnes peuvent, comme tous les citoyens qui participent au régime d'assurance médicaments, doivent même, dans le cas où c'est administré à leur domicile ou au CLSC, payer leurs médicaments et avoir la franchise et s'assurer que le plafond, bien sûr, est respecté. C'est ça, l'Aredia, là. Il faut faire la différence entre les deux.

Je n'ai pas commandé le communiqué à la Régie. J'ai demandé à la Régie, c'est très différent – le chef de l'opposition devrait m'écouter – de rendre public le rapport, parce que j'ai dit: Si ça énerve tant le chef de l'opposition, ce serait peut-être utile qu'on lui donne l'information, ça va le calmer. La Régie m'a dit: Non, nous ne pouvons le faire, Mme la ministre; vous ne l'avez pas, et nous ne le rendrons pas public. Bien, j'ai dit: À ce moment-là, pouvez-vous le dire? Sinon, ça a l'air d'être moi qui empêche que le rapport soit publié. Moi, je suis franche, c'est clair, c'est transparent, c'est ce que j'ai fait. Alors, voilà le communiqué. Je le dépose.


Document déposé

Le Président: Alors, il y a consentement pour le dépôt du document. M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, dans ce cas-là, est-ce que la ministre peut nous dire, puisque, le 25 mai dernier, elle a dit qu'elle allait prendre connaissance des informations, à qui elle s'est adressée, quelles informations elle a obtenues et quand elle a obtenu des informations pertinentes?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, je me suis informée, tant à la RAMQ qu'aux établissements concernés, qu'à la régie régionale, dans tous les cas, pour m'assurer qu'effectivement les médicaments qui étaient des médicaments d'exception ou qui ne pouvaient être administrés qu'à l'hôpital le soient sans qu'il y ait de coûts chargés aux personnes qui demandaient ce médicament.

On se souviendra qu'il y avait aussi toute une autre polémique derrière ça, où on disait qu'on demandait aux gens de payer pour le médicament plus coûteux et que ceux qui n'avaient pas les moyens de le faire étaient finalement mal soignés, ce qui était faux, complètement faux, ce qui n'a pas d'allure.

Effectivement, dans certains cas, il y a des médicaments plus coûteux qui sont administrés pour certaines personnes, mais parce que la personne est rendue à cette phase dans le problème qu'elle a et que seul ce médicament est adéquat, mais que d'autres médicaments, oui, parfois moins coûteux sont plus adéquats, meilleurs pour soigner le problème ou la maladie là où cette maladie en est arrivée dans son développement, M. le Président.

Alors, il y avait une autre question de posée par le chef de l'opposition. Il m'a demandé quel était ce groupe qui devait nous faire des recommandations, quel était son mandat concernant les fournitures et les médicaments dispensés aux clientèles ambulatoires. Alors, je peux aussi déposer le tout, M. le Président.


Document déposé

Le Président: Bien. Alors, il y a consentement pour le dépôt. M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Il y a consentement, M. le Président, comme il y aura, je présume, consentement pour qu'on dépose la lettre qui est adressée à Mme Mireille Fillion par M. Marc St-Pierre, où il dit, dans cette lettre datée du 31 mars 2000: «Il nous apparaît impérieux de trouver une solution qui ne pénalise pas les personnes victimes de cancer.»

(10 h 30)

Alors, M. le Président, il manque l'essentiel, c'est le rapport de la Régie de l'assurance maladie du Québec, rapport que la ministre dit ne pas vouloir rendre public. Or, son leader en Chambre a dit a deux reprises que l'opposition ne voulait pas affronter la vérité. On a justement l'occasion de mettre à l'épreuve le gouvernement sur cette question de vérité. Je m'adresse donc à son premier ministre. Compte tenu de la gravité...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Question de règlement, parce que là, vraiment, le chef de l'opposition déforme et défigure les propos de la ministre.

Des voix: ...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: M. le Président, si le leader en Chambre veut que je relise ses propos, ça me ferait plaisir de le faire. Le 30 mai, il a dit, et je cite: «Il y a, du côté de l'opposition, une crainte de faire front, d'affronter la vérité.» Le 1er juin dernier, le même leader en Chambre qui vient de se lever est revenu à la charge pour dire qu'il y avait un manque, et je cite, «manque de courage en vue d'affronter la vérité». Hein!

Alors, on va répondre à son appel, M. le Président. Je demande au premier ministre de rendre public le rapport de la RAMQ pour qu'on en ait le coeur net et que les citoyens du Québec puissent savoir à quoi s'en tenir. Pourquoi ne pas rendre le rapport public et permettre à tous les parlementaires d'en avoir connaissance?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition a entendu comme nous tous la ministre expliquer qu'elle avait demandé à la Régie de l'assurance maladie de rendre ce rapport public, et la Régie lui a répondu qu'elle ne peut pas le faire, qu'elle est astreinte à une politique de protection des renseignements confidentiels. Et je pense qu'il faudrait retourner au communiqué pour voir clairement de quoi il est question: «Ces rapports étant soumis à des règles strictes de confidentialité, ni la ministre responsable de la RAMQ, ni le ministère de la Santé et des Services sociaux, ni personne d'autre n'en reçoivent un exemplaire. Seules les unités administratives de la Régie intéressées par la problématique en cause ont accès aux documents appropriés.»

Autrement dit, M. le Président, on demande au gouvernement de déposer un rapport qu'il n'a pas et qu'il ne peut pas avoir. Et je pense que l'opposition, dans son souci de créer de l'agitation autour de cette affaire, devrait se rendre compte que son premier devoir à elle aussi, c'est de respecter les politiques de protection des renseignements privés.

Le Président: En question principale, M. le député de Chomedey.


Accès au rapport de la Régie de l'assurance maladie concernant le médicament Aredia


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut nous dire en vertu de quel article de quelle loi les résultats d'une enquête administrative interne pour veiller à l'application d'un programme seraient gardés confidentiels? Si jamais il y avait des informations nominatives ou personnelles là-dedans, ça serait facile des les bloquer. La seule personne qui est en train d'être protégée en gardant ce rapport secret, c'est la ministre de la Santé et des Services sociaux. Voyons donc!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, les organismes qui gèrent les questions de la santé sont astreints à des politiques qui existent et qu'ils respectent. Alors, ce n'est pas le député de Chomedey qui va changer le mode d'application de la gestion des renseignements dans les agences publiques au Québec. Il doit respecter les politiques qui existent et il peut faire confiance aux dirigeants de ces régies qui sont là pour protéger l'intérêt public et non pas pour créer une agitation de bruit à la période de questions.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Il serait intéressant que ce gouvernement-là ait autant de volonté de protéger la santé des citoyens qui souffrent de cancer, M. le Président. Je vous ferai remarquer que son communiqué de presse ne cite aucune loi et qu'aucune personne n'est mentionnée dans son communiqué de presse. On vient de lui poser la question, au premier ministre; il n'est pas capable de nous dire en vertu de quoi, tout en respectant les informations nominatives. Peut-il nous donner une garantie aujourd'hui qu'aucun rapport ne sera détruit, que rien ne sera éliminé au ministère pendant que ces questions-là sont posées à l'Assemblée nationale, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: C'est un procédé particulièrement mesquin et méprisable de la part de quiconque et a fortiori d'un chef de l'opposition de laisser entendre qu'un gouvernement pourrait détruire un document qu'il n'a pas, M. le Président! Ce document, je le répète, nous ne l'avons pas parce que la Régie a estimé qu'elle ne devait pas le transmettre au gouvernement, en fonction de la protection des renseignements privés. Donc, nous ne l'avons pas, nous ne pouvons pas le produire, c'est évident.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, en question complémentaire.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je sais que le premier ministre doit bien connaître les dispositions de l'article 29 de notre règlement et qu'il veut éviter à sa ministre de subir l'odieux d'un rapport qui demeurerait secret. Dans les circonstances, est-ce qu'il est prêt à s'engager à acquiescer à une motion qui ferait en sorte que l'Assemblée nationale puisse siéger à huis clos pour débattre de cette affaire?

Des voix: Bravo!

Une voix: Un Parlement à huis clos.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, quand on écoute certains propos du chef de l'opposition, ce serait souhaitable que ce soit à huis clos, effectivement. Comment peut-on siéger à huis clos sur un rapport que nous n'avons pas?

Une voix: Demandez-le.

Une voix: Elle l'a demandé puis elle ne l'a pas eu. C'est ce qu'elle a fait.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, est-ce qu'on pourrait savoir à quoi sert donc le rapport?

Mme Marois: Certainement.

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je suis très heureuse que le chef de l'opposition pose la question parce que justement, une fois qu'on a analysé le rapport à la Régie, là on nous fait des recommandations pour apporter certains changements. Entre autres, dans la même lettre qu'a citée le chef de l'opposition, il pourrait même arriver que la Régie récupère auprès des centres hospitaliers ou demande aux hôpitaux qui auraient chargé indûment des frais à leurs patients de les rembourser. C'est à ça que sert le rapport: d'une part, à faire des recommandations si on doit changer des choses d'une façon plus globale; et, d'une façon plus spécifique, intervenir auprès de l'hôpital, auprès des patients, avec des informations, bien sûr, nominatives, auxquelles ces personnes ont droit et ont accès, pour corriger des situations qui auraient été inéquitables, M. le Président.

Et maintenant que le calme semble un peu revenu de l'autre côté, M. le Président, effectivement, dans le cas de l'ensemble des médicaments qui sont prescrits, que ce soit pour des cas de cancer ou pour d'autres types de situations, les directives nous semblaient très claires au ministère. Elles ont pu être interprétées différemment, mais nous allons nous assurer que ce ne soit pas le cas, ni maintenant ni pour plus tard, et que, s'il y avait eu des situations injustes ou inéquitables, les correctifs soient apportés, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, en question principale.


Fonctionnement du centre de traumatologie de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Cartierville


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Oui. Alors, malheureusement, M. le Président, encore une fois, ces jours-ci, l'Hôpital du Sacré-Coeur de Cartierville fait la manchette, notamment en raison d'un rapport d'enquête sur les soins dispensés aux patients traumatisés, lequel a inspiré hier le Collège des médecins et l'Ordre des infirmières qui dénonçaient, de façon virulente, entre autres, premièrement, le manque d'infirmières d'expérience – il y aura une pénurie d'une centaine d'infirmières cet été à l'Hôpital du Sacré-Coeur; deuxièmement, le manque d'équipements de base – un appareil, par exemple, pour prendre la pression pour 23 patients, M. le Président; troisièmement, l'espace insuffisant prévu pour la salle d'urgence, notamment le besoin criant d'une aire de débordement. M. le Président, l'infirmière-chef a même son bureau à l'extérieur de l'hôpital dans une roulotte. Tout ça, là, tout ça, tout ça, malgré le fait que, par exemple, les 6, 7, 8 et 9 juin, la moyenne de débordement de la salle d'urgence à Sacré-Coeur était de l'ordre de 175 %. Tous ces faits, M. le Président, sont d'autant plus inquiétants sur la capacité de la ministre de réagir et de régler les problèmes que, dès 1998, elle avait été prévenue de ces lacunes par le groupe-conseil en traumatologie.

(10 h 40)

Alors, de façon franche, transparente et claire, M. le Président, combien de drames vont devoir aboutir sur le bureau de la ministre avant qu'elle ne réagisse?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que les situations qui ont déclenché l'enquête qui a été menée par le Collège des médecins et l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec évidemment nous interpellent comme personnes, nous interpellent comme parents, mais aussi comme décideurs.

D'abord, j'ai reçu effectivement ce rapport hier, mais je dois vous dire, M. le Président, que nous avions déjà procédé à des réinvestissements au centre de traumatologie en particulier, puisqu'il y a eu des sommes qui ont été versées pour améliorer et rehausser les budgets liés à la traumatologie – on parle de 3,5 millions de dollars qui ont été ajoutés – et j'ai annoncé, il y a quelques semaines ou quelques mois, que nous interviendrions de façon majeure à Sacré-Coeur. Je n'ai pas attendu, j'ai annoncé que nous interviendrions de façon majeure à Sacré-Coeur en investissant dans un centre ambulatoire de l'ordre de 46 millions de dollars.

Je demande d'ailleurs à Sacré-Coeur – je devrais les rencontrer d'ici peu – que, dans leur proposition qu'ils nous déposeront – elle n'est pas venue encore, la proposition qui concerne le réaménagement de l'urgence et évidemment du centre de trauma qui s'y trouve – on intègre mieux, entre autres, ce centre par rapport au centre ambulatoire. Je vais donner suite à toutes les recommandations qui nous sont faites par le Collège des médecins, par l'Ordre des infirmières, et j'ai l'intention d'aller un peu plus loin.

Parce que, d'abord, il faut savoir que les centres de traumatologie tertiaire sont évalués, recommandés et proposés par le ministère comme désignations. Et il faut savoir qu'à Sacré-Coeur, malgré ces problèmes inadmissibles – on en convient tous – il y a eu une amélioration très importante du taux de survie des personnes qui arrivent polytraumatisées à l'hôpital. Et donc, en ce sens-là, le rapport qui nous est fait va nous permettre d'aller plus loin quant au suivi et au contrôle de nos centres de traumatologie. J'ai l'intention qu'on le fasse au niveau national, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: La ministre pourrait-elle, pour une fois, compte tenu du fait qu'elle indique qu'elle entend donner suite à toutes les recommandations du rapport qui a été déposé hier, nous dire quand exactement, puisque ces solutions-là requièrent des sommes additionnelles d'investissements – s'il vous plaît, pour une fois, une date – les sommes vont-elles être disponibles? Quand?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Peut-être que le député aurait dû écouter ma réponse, M. le Président – c'est une habitude qu'on prend, de l'autre côté de cette Assemblée – puisque j'ai dit que déjà nous avions consacré des sommes au centre de traumatologie pour reconnaître leur expertise et leur permettre de pouvoir intervenir de façon plus adéquate. Une des recommandations, c'est qu'on puisse s'entendre avec les chirurgiens généraux pour qu'ils soient rémunérés d'une façon plus équitable. Les négociations sont déjà commencées, M. le Président.

Parce que, dans les faits, ce qu'il faut savoir, c'est qu'à partir des recommandations qui avaient été faites à l'hôpital on s'est assuré qu'un certain nombre d'outils nouveaux soient rendus disponibles à l'hôpital, et on n'a pas attendu ce dernier rapport qui nous a été fait hier. Il vient cependant confirmer un certain nombre d'éléments, va plus loin, et, dans les faits, au fur et à mesure que nous pourrons rendre disponibles autant les sommes que mener les actions, elles seront menées sans tarder, selon un calendrier serré, M. le Président.

Le Président: En question principale...

M. Brodeur: Principale.

Le Président: ...M. le député de Shefford, maintenant.


Frais réclamés pour l'utilisation de bonbonnes d'oxygène en centre d'hébergement et à domicile


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Lors d'une visite de résidence de personnes âgées dans mon comté, la semaine dernière, Mme Madeleine Hébert, une dame âgée confinée à sa chambre et reliée à une bonbonne d'oxygène, me confiait qu'elle devra maintenant se payer l'oxygène nécessaire à sa vie, montant fort appréciable pour une personne à faibles revenus, M. le Président. Elle m'exhibait également, de plus, un mémo de son médecin, sous forme de prescription, demandant au CLSC de la Haute-Yamaska de bien vouloir lui fournir son oxygène.

Au CLSC, M. le Président, on m'a informé que les restrictions budgétaires actuelles ne lui permettaient plus de fournir l'oxygène aux gens à la maison, tout en me rappelant qu'il avait coupé 218 500 $ pour être conforme à la loi antidéficit. Non seulement on refuse de fournir l'oxygène à Mme Hébert, mais aussi à des dizaines de personnes, puisque le CLSC aurait besoin de 50 000 $ pour fournir l'oxygène aux malades qui restent à la maison plutôt qu'à l'hôpital.

Ma question, M. le Président, à la ministre de la Santé: Est-ce que la ministre entend toujours rationner l'air aux CLSC pendant qu'eux doivent rationner l'oxygène aux patients?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je ferai remarquer à notre collègue le député de Shefford que, depuis que nous sommes engagés dans la transformation de nos services de santé et nos services sociaux pour les rendre plus adéquats et mieux adaptés aux besoins de la population, les budgets de nos centres locaux de services communautaires ont, bon an, mal an, augmenté. Donc, en ce sens, ce sont les établissements et les institutions qui ont reçu de nouveaux crédits pour assurer les services et les soins à domicile, tant aux personnes âgées qu'aux autres personnes en perte d'autonomie.

D'ailleurs, et l'an dernier et cette année, j'ai ajouté des sommes considérables, plus de 100 millions de dollars, soit pour des soins à domicile ou soit pour rehausser les soins donnés aux personnes en perte d'autonomie et aux personnes âgées dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée.

Quant à ce qui a trait à la question plus spécifique sur l'oxygène, je prends avis, M. le Président, et je vérifierai.

Le Président: M. le député de Vaudreuil, en question principale.


Commentaires du Vérificateur général sur l'organisation des soins de santé


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Le rapport du Vérificateur général a été déposé aujourd'hui, et ce rapport contient des critiques assez dures à l'endroit de l'organisation des soins et services de santé dans l'ensemble du Québec.

Par exemple, le Vérificateur général nous souligne l'iniquité entre les régions quant à l'accessibilité aux soins et services. Également, en ce qui a trait à la mise en place de réseaux intégrés dont la ministre nous parle souvent, le Vérificateur général dit: «Nous n'avons pas retracé d'objectifs précis assortis d'échéanciers, que ce soit pour l'élaboration des plans régionaux d'organisation des services médicaux généraux ou pour la mise sur pied de réseaux ou de services intégrés.»

Le Vérificateur général nous parle également du développement d'un système parallèle, notamment en ce qui a trait à la réadaptation. Il nous dit: «En bout de ligne, il nous semble contradictoire de prôner l'universalité des soins alors que deux régimes parallèles se développent quant à la prise en charge de la clientèle ambulatoire. Il y a les services offerts en clinique privée pour les personnes qui sont assurées par un régime, qui acceptent de débourser, il y a les services dispensés dans les établissements publics pour ceux qui n'ont pas de couverture additionnelle et qui ne veulent pas ou ne peuvent tout simplement pas payer. Ces derniers, ceux qui ne peuvent pas payer, doivent souvent se résoudre à attendre sans avoir la certitude d'être traités assez promptement pour empêcher l'aggravation de leur état de santé.»

M. le Président, est-ce que la ministre est consciente que ce qu'elle donne comme réponse aux lacunes dénoncées par le Vérificateur général, c'est encore une fois des comités et des projets-pilotes? Est-ce qu'elle peut nous dire pour une fois quelles sont les actions concrètes qu'elle va faire pour remédier à ces problèmes-là, assurer l'accessibilité aux soins partout au Québec d'une façon égale et donner les services aux patients et aux malades?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Les comités, comme le dit si souvent le député de Vaudreuil, auront au moins donné 4,4 milliards à l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, ce n'est pas négligeable, pendant qu'on s'en faisait voler par le fédéral, hein?

(10 h 50)

Revenons sur le fond de la question. J'aurai l'occasion éventuellement, plus tard, de commenter l'ensemble des affirmations qu'on retrouve dans le document du Vérificateur général. Mais le député conviendra avec moi que le plus gros défi, le principal défi qu'auront à relever et qu'ont à relever nos institutions, c'est justement d'offrir des services intégrés. C'est l'un des problèmes auxquels on est confronté. Et ça, ça ne demande pas nécessairement 0,05 $ de plus ou 10 millions de plus. ça oblige et ça demande aux personnes de se concerter, de travailler ensemble à l'égard d'une même personne, en ne demandant pas à cette personne d'avoir à consulter différents établissements, mais d'offrir en continu des services, une prise en charge continue. Et ça, c'est vrai que c'est le principal défi qu'on a à relever et c'est là qu'il y a parfois certaines difficultés et certaines résistances, M. le Président.

Il dit: Il nous manque des ressources et il y a inéquité entre certaines régions. J'en conviens, je l'ai dit ici en réponse à plusieurs des questions de ses collègues, et c'est pour ça que nous avons investi des sommes, cette année, pour commencer à corriger cela. La semaine dernière, en répondant à l'une de ses collègues de la Beauce, je lui ai dit: Dans le cas particulier de Beauce-Appalaches, on sait que les personnes âgées ont moins de services que dans d'autres régions lorsqu'elles sont en institution. On a dit: Oui, il faut corriger cela, on va le faire.

Nous sommes actuellement en train de réorienter certaines façons de faire, de les réorganiser. Et, oui, parfois, ce n'est pas mauvais de procéder par des projets-pilotes dont on tire des conclusions intéressantes, pertinentes, et qu'ensuite on peut appliquer à l'ensemble du réseau où, là, ça peut devenir efficace et améliorer la qualité de vie et les soins de santé offerts à la population québécoise.

Le Président: En question principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Commentaires du Vérificateur sur la gestion du Fonds national de formation


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Il y a maintenant cinq ans, le gouvernement du Parti québécois imposait une nouvelle taxe de 1 % pour, semble-t-il, favoriser le développement de la formation de la main-d'oeuvre. Aujourd'hui, nous recevons un rapport très accablant du Vérificateur général portant sur la mauvaise gestion du Fonds national de formation.

M. le Président, rapidement, quelques citations. «Le suivi exercé est inadéquat dans 80 % des dossiers examinés.» «Les entreprises qui versent des cotisations au fonds ne sont pas celles qui profitent des subventions.» «Les projets déjà approuvés sont modifiés par les promoteurs sans autorisation et, dans une proportion de 42 %, des paiements initiaux de 1,6 million ont été faits sans avoir de preuve attestant du démarrage de l'entreprise.» On donne de l'argent, M. le Président, on ne sait même pas si l'entreprise a démarré.

M. le Président, ma question à la ministre du Travail et de l'Emploi: Est-ce que la ministre réalise que son laxisme, ses cafouillages, ses gâchis sont le fondement même du rapport du Vérificateur général, et quels gestes concrets autres que les pseudoexplications habituelles que ses fonctionnaires ont l'habitude de lui mettre dans la bouche... Qu'est-ce que la ministre a l'intention de faire pour corriger ce gâchis? Est-ce que la ministre responsable de la formation a l'intention de suivre un cours de formation en gestion?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. D'abord, si nous sommes honnêtes en cette Chambre, nous savons très bien qu'il y a eu des progrès extrêmement importants qui ont été faits au cours des deux dernières années au sujet d'Emploi-Québec. C'est la démonstration que nous pouvons corriger ce qu'il y a à corriger au sujet de l'application de la loi 90.

Deuxièmement, M. le Président, la loi 90 est une jeune loi. Je rappellerais qu'il n'y a que depuis deux ans que l'ensemble des entreprises assujetties le sont. Oui, je conviens qu'il y a des ajustements administratifs à apporter, j'en ai déjà apporté, nous allons en apporter d'autres, mais je nous mets tous en garde. Cette loi 90 a eu un effet extraordinaire. Ça ne change pas les ajustements qu'on a besoin de faire, mais rappelons-nous qu'en très peu de temps nous avons fait en sorte qu'il y a eu, pendant trois ans, 1 milliard de dollars qui ont été affectés, dans les entreprises du Québec d'une masse salariale de 250 000 $ et plus, à la formation de la main-d'oeuvre, 1 milliard sur une masse salariale de 77 milliards, que la moyenne d'investissements en formation est de 1,5 % dans l'ensemble des entreprises du Québec. Ce sont des gains importants, et nous n'allons pas massacrer une loi parce qu'il y a des ajustements administratifs à faire.

Le Président: M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, si ça va si bien que ça, est-ce que la ministre peut nous expliquer pourquoi elle n'a pas tenu depuis deux ans la commission parlementaire exigée par la loi pour étudier les rapports d'activité du Fonds national de formation de la main-d'oeuvre? Pourquoi la ministre se place-t-elle au-dessus de sa propre loi?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, j'ai déposé, comme il était convenu dans la loi, un rapport d'application – je l'ai fait la semaine dernière – des cinq premières années de la loi sur la formation de la main-d'oeuvre. Un rapport qui est significatif, qui nous donne des informations précieuses, qui nous permet également de nous mettre sur des pistes pour pouvoir faire en sorte que cette loi-là ait encore plus d'importance et qu'on puisse vraiment, avec cette loi, intégrer une culture de formation dans les entreprises du Québec.

Alors, je pense qu'en termes de transparence et de processus nous permettant d'évoluer et de faire en sorte que cette loi, elle ait un sens pour les entreprises du Québec, je pense que tout est sur la table.

Le Président: M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Est-ce que la ministre pourrait prendre connaissance de sa propre loi? Lorsqu'on parle du Fonds national de formation de la main-d'oeuvre, le rapport qu'elle a déposé, la loi est claire, M. le Président, voici ce qu'elle dit, ce n'est pas long: «La commission compétente de l'Assemblée nationale examine tous les ans – tous les ans – les états financiers, le rapport, et entend à cette fin le président de la société.»

Quand la ministre va-t-elle tenir les engagements prévus à la loi? Quant va-t-elle respecter la loi et tenir la commission parlementaire à cette fin?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, s'il y a des obligations comme celles-ci à la loi, nous allons les respecter.

Le Président: M. le député Kamouraska-Témiscouata, en question principale.


Commentaires du Vérificateur général sur les programmes de stages en milieu de travail


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. Le rapport du Vérificateur général confirme le fiasco du régime d'apprentissage promis lors du Sommet socioéconomique de 1996. On indique que seulement 41 personnes ont été formées, sur un objectif annuel de 1 000. Une autre cible manquée pour le gouvernement péquiste. Dans ce rapport, on découvre qu'Emploi-Québec, le ministère de l'Éducation et les entreprises n'ont jamais réussi à harmoniser leurs actions à ce sujet, et c'est ce qui est la cause du fiasco.

M. le Président, avec les leçons tirées de ce dérapage, est-ce que le ministre de l'Éducation, qui s'est toujours lavé les mains dans le dossier d'Emploi-Québec, peut nous dire ce qu'il a fait de concrètement différent pour éviter que les promesses de stages, d'insertion socioprofessionnelle de 50 000 jeunes, et surtout sa politique de formation continue, ne soient pas un fiasco comparable au régime d'apprentissage qui a formé 41 personnes, sur 1 000 tel que promis?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, effectivement, il y avait eu des engagements importants de la part des partenaires du marché du travail dans l'établissement d'un régime d'apprentissage performant, engagements qui n'ont pas donné les résultats escomptés. D'ailleurs, dès que la Commission des partenaires... Parce qu'il y a aussi des responsabilités qui appartiennent aux partenaires du marché du travail. Dès qu'ils l'ont constaté – et c'est tout à leur honneur – ils ont creusé la question, ils ont essayé de comprendre pourquoi ça ne fonctionnait pas de la manière dont ils l'avaient projeté.

Actuellement, la Commission des partenaires s'est donné un plan de travail plus modeste, mais un plan de travail qui a beaucoup plus de chances de réussir. Et je dirais aussi que le deuxième ingrédient qui fait en sorte que nous nous dirigeons vers des régimes d'apprentissage permettant d'inclure de manière très concrète et de donner des qualifications très, très concrètes aux jeunes... nous avons aussi une collaboration exceptionnelle entre les instances d'Emploi-Québec et du ministère de l'Éducation, et ça, c'est une nouvelle énergie qui va faire en sorte que ce dossier-là va progresser de manière très significative au cours des prochains mois. J'en ai l'engagement des partenaires du marché du travail.

Le Président: Bien. Nous allons maintenant passer à la réponse de la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.... Vous considérez qu'elle a été donnée, Mme la ministre? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, à moins que Mme la ministre se ravise et décide de rendre public le rapport de la Régie de l'assurance maladie.

Le Président: Je pense que la question a été débattue, M. le leader de l'opposition officielle.


Motions sans préavis

Alors, nous allons donc, puisqu'il n'y a pas de votes reportés, aller aux motions sans préavis. J'ai ici une motion conjointe de la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux et du député de Notre-Dame-de-Grâce. C'est ça. Alors, lequel des deux députés va se lever pour présenter la motion?

Mme Marois: Ça ne me fait rien, moi, je n'ai pas d'objection, s'il veut...

M. Paradis: M. le Président, puisque vous l'offrez si gentiment, est-ce que l'auteur du texte pourrait être reconnu le premier, avec le consentement de Mme la ministre?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, on ne fera pas une grande querelle là-dessus, on cède la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

(11 heures)

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Tout mettre en oeuvre pour reprendre les négociations concernant l'assurance parentale en vue d'en arriver à une entente permettant l'implantation d'un programme québécois et demander au gouvernement du Canada de participer de bonne foi à ces négociations

M. Copeman: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Chambre afin de proposer la motion suivante:

«Dans l'intérêt des familles québécoises, l'Assemblée nationale demande instamment:

«1° Au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour reprendre les négociations sur la question de l'assurance parentale, en vue d'en arriver à une entente avec le gouvernement du Canada, permettant l'implantation d'un programme québécois qui répond aux besoins des familles québécoises financé, notamment, par une réduction juste et équitable des cotisations pour les employeurs et travailleurs québécois au programme d'assurance emploi du gouvernement du Canada;

«2° Au gouvernement du Canada qu'il participe de bonne foi à ces négociations et qu'il fasse preuve de plus de souplesse et d'ouverture à l'égard des besoins des familles québécoises et de la maîtrise d'oeuvre du Québec en matière de politique familiale.»

Le Président: Je comprends qu'il y a consentement pour débattre de la motion. Alors, première intervention, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, c'est pour moi un privilège, au nom de mon parti, d'être le coauteur avec la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux et la ministre de la Famille et de l'Enfance de la motion débattue aujourd'hui, qui porte sur un éventuel programme québécois d'assurance parentale, même si ceci n'est pas habituel, c'est le moins qu'on puisse dire, pour un député de Notre-Dame-de-Grâce. L'opposition est très heureuse de constater qu'après quelques jours de réflexion le gouvernement a décidé de faire sien le libellé que nous avions déjà prévu sur cette importante question. Ceci démontre que, fidèle à son histoire, le Parti libéral du Québec exerce un leadership au chapitre de la défense des vrais intérêts des Québécoises et des Québécois.

D'emblée, rappelons que l'opposition officielle est favorable à l'instauration d'un programme québécois d'assurance parentale qui répond aux besoins et aux attentes des familles québécoises. Par contre, il n'en demeure pas moins qu'il faut un débat de fond sur les modalités d'un tel programme, tel qu'énoncé dans le projet de loi n° 140. Nous nous attendons donc à ce que le gouvernement ne procède pas de façon précipitée. Plusieurs questions méritent d'être examinées attentivement, car, si le projet de loi n° 140 présente, à première vue, des bénéfices plus importants, il n'en reste pas moins qu'il faut absolument examiner le coût de ces mesures pour la société québécoise, coût qui sera assumé par les contribuables québécois.

À cet égard, M. le Président, il ne faut pas perdre de vue que certains programmes mis sur pied par le gouvernement du Parti québécois sont de plus en plus remis en question aujourd'hui en raison de leur coût important pour certains groupes de notre société. On n'a qu'à penser au programme d'assurance médicaments, au programme de garderies à 5 $ et à d'autres rapatriements des responsabilités qui, en plus d'impliquer des dépenses publiques énormes, ont également connu d'énormes ratés lors de leur implantation.

Une autre question importante qu'il faut absolument examiner dans le projet de loi n° 140 est celle qui concerne l'obligation pour tous les travailleurs autonomes de participer à ce régime et donc de contribuer non seulement à titre d'employés, mais également pour la moitié de la contribution de l'employeur. Cela représente une importante facture pour les travailleurs autonomes et cela exige qu'ils soient entendus sur cette question.

M. le Président, le but de cette motion aujourd'hui est de passer un message clair aux gouvernements du Canada et du Québec. Ce message est qu'ils ont l'obligation et le devoir de s'entendre au profit des familles québécoises. Nous avons tout le temps qu'il faut pour cela, puisque le gouvernement du Québec espère mettre en vigueur le programme québécois pour le 1er janvier 2002, c'est-à-dire dans 18 mois. Et c'est une question à la fois trop importante pour devenir l'objet d'une chicane stérile et pour laisser place à des stratégies partisanes. Nous attendons donc des deux paliers de gouvernement qu'ils fassent preuve de bonne foi sans équivoque dans ce dossier.

Il faut rappeler qu'en 1997 des négociations ont eu lieu et qu'elles ont malheureusement échoué en raison principalement d'un désaccord sur les chiffres. Le gouvernement du Parti québécois a sa part de responsabilité dans cet échec. Je ne suis pas le seul à le penser, M. le Président. Je cite un extrait d'un article de journal qui dit ceci: «La déclaration du premier ministre réitérant sa volonté d'aller de l'avant avec un programme québécois de congés parentaux, déclaration faite lors du congrès du Parti québécois [...] vient relancer une querelle dont on se passerait volontiers. Si Québec tenait tant à son congé, pourquoi avoir refusé l'offre d'Ottawa, il y a trois ans?» M. le Président, cette citation ne vient pas de moi, elle ne vient pas d'un représentant du gouvernement fédéral, elle vient de l'éditorialiste Jean-Robert Sansfaçon, du Devoir , dans l'édition du 10 mai dernier.

Alors, M. le Président, de ce côté de la Chambre, on s'attend à ce que le gouvernement du Parti québécois adopte une attitude lui aussi plus constructive dans ce dossier. Ils n'ont qu'à s'inspirer de l'attitude de ce côté de la Chambre s'ils veulent réussir.

M. le Président, il ne faut pas perdre de vue l'objectif ultime qui est poursuivi aujourd'hui, c'est celui de doter les Québécoises et les Québécois d'un programme d'assurance parentale qui les supportera mieux dans leur volonté de former une famille. Si tout le monde s'entend et fait en sorte que cet objectif soit atteint, notre avenir comme société ne peut qu'en sortir gagnant. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je suis fière de m'associer au député de Notre-Dame-de-Grâce pour présenter conjointement une motion qui, je l'espère, sera entendue par nos homologues de la Chambre des communes à Ottawa et plus particulièrement bien sûr par les membres du gouvernement fédéral et le premier ministre fédéral.

L'Assemblée nationale est le lieu où les Québécoises et les Québécois de toutes les régions, de toutes les couches de la société, peu importe leur âge, peu importe leur origine, sont entendus. Par la voix de ses parlementaires, le Québec débat de ses idées, il s'interroge sur les moyens à prendre, il exprime ses priorités, énonce ses choix. Aujourd'hui, le Québec parlera d'une seule voix. Une seule voix non seulement parce qu'un accord émerge entre les 125 députés qui forment cette Assemblée, mais parce que la société québécoise, par la voix de ses représentants nationaux, patronaux, syndicaux et communautaires, est parvenue au même constat, aider davantage les parents à concilier leur vie professionnelle et familiale.

Dès 1996 – et je vais me permettre, M. le Président, de rappeler les différentes dates qui ont jalonné ce dossier depuis que nous en avons pris l'engagement en 1996 – lors du Sommet sur l'économie et l'emploi organisé et animé par notre premier ministre, nous l'avions déjà bien compris. En 1997, le ministère de la Famille et de l'Enfance fut créé. Dans la même année, un livre blanc sur la famille fut présenté. Deux des trois dispositions furent immédiatement mises en place, soit l'allocation familiale révisée et les services de garde disponibles à 5 $ pour les parents, de même que, on l'oublie, aussi l'implantation des maternelles à plein temps à compter de cinq ans.

La troisième mesure du libre blanc est évidemment celle qui fait l'objet de cette motion aujourd'hui, soit celle d'un régime québécois d'assurance parentale. En fait, ce régime proposé veut répondre et vient répondre aux demandes historiques formulées par divers groupes sociaux bien sûr, mais qui ne datent pas d'il y a deux ou trois ans, qui remontent plutôt à il y a 10, 15, 20, 25 ans, même. Je me souviens qu'au début des années quatre-vingt nous travaillions sur différents projets permettant à des familles de décider d'avoir des enfants dans des conditions qui leur permettraient de quitter pour un temps le marché du travail avec un remplacement adéquat de leurs revenus.

(11 h 10)

Aujourd'hui, devant l'unanimité qui se dégage ici, à l'Assemblée nationale, j'espère que nous pourrons aller au bout de nos démarches. Je vais, pour mémoire, les rappeler. Il n'y a pas eu de refus de la part du gouvernement du Québec, il y a eu mésentente entre Ottawa et Québec sur les sommes à être transférées, parce que nous croyons – et la motion le dit bien – que nous devons avoir notre juste part, soit celle que contribuent les Québécois et les Québécoises par les sommes que ces personnes paient au régime d'assurance emploi, qui ensuite servent, pour partie, à la mise en oeuvre d'un congé maternité que nous voulons transformer, dans notre cas, en congé parental. C'est cette juste part que nous voulons obtenir.

En fait, dès août 1997, nous avions, pendant l'année, engagé des négociations. En août 1997, effectivement, nous ne nous entendions pas sur les paramètres nous permettant de retirer les sommes payées, les cotisations payées par les Québécois et les Québécoises. Pour être sûrs qu'il soit très clair que la volonté du gouvernement était toujours aussi ferme, à l'automne 1998, pendant la campagne électorale, nous avons repris l'annonce et l'engagement de notre gouvernement, mais nous y avons ajouté deux éléments, M. le Président. Parce que, lorsque nous avons eu des négociations avec Ottawa, celui-ci avait formulé trois conditions pour que nous nous entendions. Nous avons accepté l'une de ces conditions, soit que l'on puisse imposer les prestations versées lorsqu'on prend un congé parental. Et le gouvernement a alors annoncé – parce que nous savons que le régime est plus intéressant bien sûr que celui qu'on a par le régime d'assurance emploi, qui n'est pas fait d'ailleurs pour un congé maternité ou un congé parental – nous avons assuré que nous contribuerions pour un montant à hauteur de 60 millions de dollars pour aider à sa mise en oeuvre. Ensuite, mars 1999, 3 mars 1999, nous réitérons à nouveau cet engagement au moment du discours d'ouverture de la première session.

En octobre 1999, le gouvernement fédéral annonce son intention de bonifier les congés parentaux. Je n'ai pas attendu très longtemps, c'était le 12 octobre, le 27 octobre, j'ai rencontré la ministre du Développement des ressources humaines, Mme Stewart, pour justement discuter du régime québécois d'assurance parentale et voir comment on pouvait dès maintenant commencer la discussion pour éviter que ce nouveau congé proposé par Ottawa ne se mette en oeuvre et que l'on puisse procéder d'ores et déjà à l'implantation de notre propre régime. En décembre 1999, le 2 décembre, il y a eu des pourparlers exploratoires avec le gouvernement fédéral de la part de nos représentants aux Affaires intergouvernementales canadiennes de même qu'un représentant du ministère du Développement des ressources humaines du Canada. Et, enfin, décembre 1999, le représentant d'Ottawa nous a fait savoir que toute rencontre était inutile avant le dépôt du budget fédéral. Nous avons donc convenu d'écouter le budget du fédéral, bien sûr, mais en même temps pour constater que nous allions plus loin que ce qu'il nous proposait. Donc, ça s'avérait inutile d'aller discuter pour conserver cette proposition d'Ottawa. Notre proposition de retrait était tout aussi pertinente qu'elle l'avait été depuis le début.

Et, à partir de là, vous avez entendu depuis quelque temps... En février 2000, le premier ministre du Canada a à toutes fins pratiques refusé de s'engager dans les discussions. On a repris les engagements au Sommet de la jeunesse. En février 2000, j'ai écrit à la ministre du Développement des ressources humaines du Canada pour encore une fois reprendre les négociations. Je n'ai pas eu de réponse. En mars, j'ai renvoyé une lettre à la ministre du Développement des ressources humaines pour nommer mon sous-ministre représentant du Québec dans le cadre des discussions. Et, enfin, en avril dernier, malgré tout, la ministre du Développement des ressources humaines a fait une déclaration publique à l'effet que le gouvernement fédéral n'envisageait pas de reprendre les négociations avec Québec.

Je pense qu'on ne peut pas blâmer Québec de ne pas avoir essayé d'être de bonne foi dans l'ensemble de ce dossier, de souhaiter que l'on puisse procéder harmonieusement. Je crois que nous pouvons toujours le faire dans les mois qui viennent. La semaine dernière, j'ai personnellement rencontré à nouveau, vendredi matin dernier, la ministre, Mme Stewart, responsable de ce programme.

Notre collègue se posait la question: Est-ce qu'on va prendre le temps d'entendre les points de vue des groupes qui pourraient avoir des nuances à apporter au projet? Oui, nous sommes prêts à le faire. Nous pensons que c'est trop important pour les familles québécoises que de ne pas prendre le temps qu'il faut pour débattre des modalités du programme, de ce qu'il pourra signifier pour ceux et celles qui seront appelés à contribuer, les travailleuses et les travailleurs autonomes, M. le Président, qu'est-ce que ça signifiera concrètement. Oui, nous prendrons le temps de le faire.

Je termine, M. le Président, en rappelant brièvement quelle est la différence entre le congé que nous proposons, le congé parental que nous proposons, et celui qui est proposé, même dans les changements soumis par le gouvernement fédéral. D'abord, je le disais plus accessible parce que les travailleurs et les travailleuses autonomes y auront accès, et beaucoup plus de travailleurs et de travailleuses à temps partiel aussi, M. le Président, puisque la limite est beaucoup plus élevée pour qu'une personne à temps partiel puisse avoir accès au congé tel qu'il existe maintenant. Nous rabaissons effectivement le seuil de revenu annuel admissible, qui ne sera que de 2 000 $. Un congé plus flexible. Nous offrirons deux types de couvertures: soit quelqu'un veut prendre un congé plus long, de 50 semaines, à ce moment-là, son revenu sera remplacé à hauteur de 70 % pour les 25 premières semaines et 55 % pour le reste; ou, si on veut un congé plus court, 40 semaines, pendant ce temps-là, le remplacement du revenu sera évidemment plus élevé, à hauteur de 75 %. Donc, il est plus généreux, et ce, peu importe le choix des parents. Le niveau de remplacement du revenu est plus élevé, à 70 % et 75 %, que celui qui est offert, à 55 %, par le présent régime fédéral.

Comme c'est un régime d'assurance emploi, ce n'est pas un régime d'assurance parentale, il y a un délai de carence qui n'a pas de bon sens dans un régime de congé parental. Alors, nous l'abolissons, bien sûr. Ottawa procède à de la récupération fiscale. Nous ne ferons pas de même, cela va de soi. Enfin, le plafond maximal assurable, c'est-à-dire le salaire sur lequel on cotisera mais sur lequel on remplacera surtout le revenu, passera de 39 000 $ à 52 000 $, touchant davantage de personnes de la classe moyenne.

En conséquence, le régime d'assurance parentale que nous proposons est non seulement plus accessible, plus flexible, plus généreux à l'égard des parents comparativement à ce qui existe déjà au Canada, voire dans toute l'Amérique du Nord, mais il est mieux adapté à la réalité que commande le marché du travail moderne aux familles québécoises. En se dotant d'un tel régime d'assurance parentale, le Québec ne fait pas que consolider sa position de leader en matière de politique familiale déjà largement reconnue par la mise en place des services de garde à 5 $, comme en témoignent d'ailleurs plusieurs articles dans divers quotidiens, tant canadiens qu'américains, mais il contribue à améliorer de façon concrète et tangible la vie de millions de Québécois et de Québécoises.

Par conséquent, je demande donc à l'Assemblée nationale, avec mon collègue, d'une même voix, que nous puissions adopter à l'unanimité cette motion appuyant le gouvernement du Québec dans sa demande auprès du gouvernement fédéral de participer immédiatement, de bonne foi, à des négociations afin de rapatrier une portion juste et équitable des cotisations payées par les travailleuses et travailleurs et employeurs du Québec dans le but de créer un véritable régime québécois d'assurance parentale. Je vous remercie.

Le Président: Sur cette motion toujours, M. le député de Rivière-du-Loup maintenant.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Je suis heureux aussi d'appuyer cette motion qui porte sur un thème extrêmement important et qui est celui de la famille. Tout le monde connaît le taux de natalité extrêmement faible qu'a connu le Québec ces dernières années. Tout le monde doit reconnaître maintenant que les politiques du gouvernement, et pas plus celles du gouvernement péquiste dans les dernières années qui n'ont pas été très favorables aux familles, au pouvoir d'achat des familles, ont fait qu'on n'a pas réussi à réconcilier le fait...

Des voix: ...

M. Dumont: On n'a pas réussi... Oui.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

(11 h 20)

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Alors, on n'a pas réussi à réconcilier le fait d'avoir des enfants en l'an 2000 avec la vie, hein, qui existe aujourd'hui. Et je pense qu'on fait un pas dans la bonne direction avec un régime d'assurance parentale.

Cette motion est extrêmement importante pour appuyer le fait que le gouvernement fédéral doit négocier. Tout le monde ici, en cette Chambre, comme les citoyens du Québec, a entendu les réactions a priori du premier ministre du Canada sur cette question-là, les familles, les parents, probablement la plupart des parlementaires, tout le monde a eu le sentiment que ces réactions n'étaient pas dignes d'un premier ministre du Canada, de quelqu'un qui est le chef d'un gouvernement et qui traite des questions qui touchent les parents et qui touchent les familles, qui traite de ce qui, collectivement, est l'amélioration des conditions de vie des familles du Québec. Et je pense qu'il est impératif que l'Assemblée nationale réclame de ce premier ministre qu'il révise sa position, de son Conseil des ministres, de son caucus du Québec, que ces gens-là prennent un instant pour se dire... Ça ne veut pas dire qu'ils vont accepter tout ce qu'il y a à être proposé par le Québec, ils sont membres d'un gouvernement, mais on ne peut pas rejeter du revers de la main l'idée de discuter lorsqu'il s'agit de questions aussi fondamentales qui touchent d'aussi près l'amélioration de la vie quotidienne des familles et d'une population.

Ça étant dit, M. le Président, c'est un appui inconditionnel que notre parti donne à ce besoin de négocier avec le gouvernement fédéral, qui n'est pas, toutefois, un appui à l'ensemble de la politique qui est proposée par le gouvernement du Parti québécois. Moi, contrairement à l'opposition officielle, je pense que la politique de congés parentaux, telle que préconisée par le gouvernement, est incomplète et que plusieurs bonifications peuvent et doivent y être apportées.

Par exemple, est-ce que les congés parentaux ne mériteraient pas d'être bonifiés lorsqu'on arrive à plus d'enfants? Est-ce que, pour des gens qui arrivent à un troisième, un quatrième enfant, on ne pourrait pas songer à avoir un congé parental qui est élargi? Parce que avoir un bébé de plus quand il y en a déjà deux ou trois à la maison, tout le monde sait que ce n'est pas du tout la même affaire. Deuxièmement, est-ce qu'on ne pourrait pas instaurer, au Québec, un programme de congé pour responsabilités parentales – parce qu'il y a des congés, à la naissance, d'un certain nombre de semaines – prévoir, par exemple, dans les normes du travail, un cinq jours annuel de congé pour responsabilités parentales, pour les vaccins, pour les enfants qui ont à aller chez le médecin, pour tout un nombre de responsabilités qui viennent au cours de la vie et qui ne sont pas simplement au niveau de la naissance?

Les régimes de retraite. Est-ce qu'aux fins des régimes de retraite, autant du Régime de rentes du Québec que des régimes de retraite privés, la période où une personne prend un congé parental avec ou sans solde ne devrait pas être considérée, dans notre système, comme une période travaillée et qu'on puisse compenser les régimes de retraite, donc que les personnes qui, au cours de leur vie, vont avoir pris plusieurs périodes de plusieurs mois ne soient pas, au moment de leur retraite, pénalisées par ces périodes d'arrêt pour congés parentaux?

Même chose au niveau de l'ancienneté. Lorsque des conventions collectives prévoient le calcul de l'ancienneté, est-ce que des périodes de congés parentaux, avec ou sans solde encore, ne devraient pas être considérées comme ayant été travaillées aux fins de l'ancienneté pour que les personnes qui ont arrêté de travailler pendant une période pour s'occuper de responsabilités parentales ne soient pas pénalisées aux fins de l'ancienneté?

Alors, c'est une série de suggestions, M. le Président, pour bonifier encore cette politique-là. Et l'esprit dans lequel nous appuyons la démarche de négociations n'empêche pas notre volonté que le programme, au moment de son application, soit bonifié.

Pour le reste, M. le Président, tout ce que je peux dire, c'est que je souhaite que tout cela ne tourne pas en une chicane de gouvernements, parce que les citoyens, les parents du Québec, dans le fond, ils se foutent éperdument des orgueils des gouvernements ou des politiciens qui se font tour à tour piler sur les pieds, les gens veulent les meilleurs résultats pour améliorer leur qualité de vie. Et, à ce chapitre-là, la meilleure façon pour le gouvernement du Québec de démontrer sa bonne foi serait de mettre en place, dans les meilleurs délais possible, par exemple, au niveau des normes du travail, la partie des mesures qui n'exige pas du gouvernement fédéral un accord, qui n'exige pas des transferts de budgets, mais de camper immédiatement la volonté du gouvernement du Québec par des actions qui peuvent être faites par lui-même. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Bien. Alors, on considère que la motion est adoptée?

M. Brassard: Vote nominal.

Le Président: Alors, nous allons procéder à un vote par appel nominal. Est-ce que je pourrais avoir le texte de la motion?

Alors, la motion sans préavis suivante, présentée à la fois par le député de Notre-Dame-de-Grâce et par la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, donc:

«Dans l'intérêt des familles québécoises, l'Assemblée nationale demande instamment:

«1° Au gouvernement du Québec de tout mettre en oeuvre pour reprendre les négociations sur la question de l'assurance parentale, en vue d'en arriver à une entente avec le gouvernement du Canada, permettant l'implantation d'un programme québécois qui répond aux besoins des familles québécoises financé, notamment, par une réduction juste et équitable des cotisations pour les employeurs et travailleurs québécois au programme d'assurance emploi du gouvernement du Canada;

«2° Au gouvernement du Canada qu'il participe de bonne foi à ces négociations et qu'il fasse preuve de plus de souplesse et d'ouverture à l'égard des besoins des familles québécoises et de la maîtrise d'oeuvre du Québec en matière de politique familiale.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Baril (Arthabaska), M. Pinard (Saint-Maurice), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Papineau (Prévost), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Oui, M. le leader du gouvernement.

(11 h 30)

M. Brassard: On pourrait permettre au député d'Abitibi-Ouest de voter.

Le Secrétaire adjoint: M. Gendron (Abitibi-Ouest).

Le Président: Est-ce qu'il des députés contre cette motion? Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 113

Contre: 0

Abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion est donc adoptée.

Aux autres motions sans préavis, M. le leader du gouvernement... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Ça revient au même.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je demanderais à tous ceux qui doivent se rendre en commission ou encore à ceux qui ont des caucus particuliers à faire de bien vouloir se retirer pour qu'on puisse continuer les affaires courantes. S'il vous plaît!

Alors, nous en sommes toujours aux motions sans préavis. M. le leader adjoint du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières concernant le rapport sur l'application des articles 2 et 14 de la Loi modifiant le Code du travail

M. Boulerice: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à des consultations particulières concernant le rapport sur l'application des articles 2 et 14 de la Loi modifiant le Code du travail, chapitre 6 des Lois du Québec de 1994, le mardi 5 septembre 2000, et, à cette fin, qu'elle entende les organismes suivants: le mardi 5 septembre 2000, de 9 h 30 à 10 heures, remarques préliminaires du gouvernement suivies de celles de l'opposition; 10 heures à 10 h 45, Conseil du patronat; 10 h 45 à 11 h 30, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; 11 h 30 à 12 h 15, Chambre de commerce du Québec; 14 heures à 14 h 45, Confédération des syndicats nationaux; 14 h 45 à 15 h 30, Association des manufacturiers et exportateurs du Québec; 15 h 30 à 16 h 15, Centrale de l'enseignement du Québec; 16 h 15 à 17 heures, Fédération canadienne de l'entreprise indépendante; 17 heures à 17 h 45, Centrale des syndicats démocratiques; 17 h 45 à 18 h 15, remarques finales de l'opposition suivies de celles du gouvernement;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la ministre d'État au Travail et à l'Emploi soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? M. le leader de l'opposition. Oui? Alors, motion adoptée.

Toujours au chapitre Motions sans préavis, y a-t-il d'autres motions sans préavis? Alors, même s'il y a des députés qui sont debout, je présume qu'il n'y a pas d'autres motions sans préavis? Voilà.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous en sommes maintenant à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures, de 20 heures à 20 h 55 et de 22 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Une belle salle, et le député de Marquette s'en réjouit. Après. Or, je vais terminer, puis après, M. le...

Le Vice-Président (M. Pinard): Un instant, question de règlement?

M. Ouimet: ...poser une question sur les travaux de la Chambre: Pourquoi l'interruption de 20 h 55 à 22 heures?

Le Vice-Président (M. Pinard): Parce que j'aurai quelque chose à vous annoncer... Aux Renseignements, j'aurais quelque chose à vous mentionner. Alors, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Aux renseignements...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: ...de façon à clarifier et les avis et l'information que vous devez transmettre à l'Assemblée nationale, bien que nous la soupçonnions, à ce moment-ci, M. le Président, peut-être y aurait-il lieu de considérer que les commissions pourraient reprendre le travail strictement à 22 heures, si ce que vous avez à nous annoncer est important.

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, il y a toujours une méthode de fonctionnement. Est-ce que vous désirez que la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée précède l'Avis touchant les travaux des commissions?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, aucune objection?

Une voix: ...


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, au niveau de la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, la présidence vous avise qu'il est de notre intention de suspendre les travaux de 20 h 55 à 22 heures aujourd'hui afin de permettre aux députés d'assister à la mise en lumière de l'hôtel du Parlement. Est-ce que ça vous convient?


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous revenons maintenant à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président.

Que la commission de l'aménagement du territoire entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 134, Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, de 20 heures à 20 h 55 – pour les raisons que tous connaissent – et de 22 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 117, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et la Loi sur la Régie de l'assurance maladie du Québec, aujourd'hui, de 20 heures à 20 h 55 et de 22 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Qu'en dérogation aux règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale quant aux délais de convocation des intéressés dans le cadre de l'étude du projet de loi d'intérêt privé la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi privé n° 235, Loi concernant – c'est toujours la même – la Ville de Sainte-Thérèse, le jeudi 15 juin 2000, immédiatement après les affaires courantes, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 225, Loi concernant l'annexion d'un territoire à celui de la Ville de Lachute, le mardi 20 juin 2000, immédiatement après les affaires courantes, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Je crois, M. le Président, que j'en suis à la limite de l'épuisement et que c'est terminé pour les travaux. Ha, ha, ha!


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Nous revenons à la rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le whip en chef de l'opposition officielle.

(11 h 40)

M. Fournier: Oui, M. le Président. La semaine dernière, j'évoquais en cette Chambre une difficulté que nous rencontrions avec la publication de L'Argus . Je fais notamment mention de l'édition du 29 mai dernier dans laquelle, à la rubrique Activités prévues pour aujourd'hui , on retrouvait la mention suivante: Assemblée générale d'investiture du Bloc québécois dans la circonscription du Louis-Hébert, en donnant l'heure et l'endroit où se tenait cette assemblée d'investiture.

Évidemment, je n'ai pas besoin de plaider longtemps devant vous pour vous dire que le Bloc québécois fait office dans un autre Parlement que l'Assemblée nationale. Et si, d'aventure, c'eût été un autre parti, je suis bien sûr que les gens d'en face auraient soulevé tout un tollé.

La question que j'ai posée très calmement la semaine dernière était la suivante: Est-ce que la présidence peut publiquement et du trône nous aviser des politiques qui sont suivies par notamment la direction qui s'occupe de L'Argus , pour qu'on sache si, à l'avenir, la publication de l'Assemblée nationale deviendra un véhicule de propagande pour la filiale du Parti québécois?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme vous l'avez déjà soulevé, M. le whip en chef de l'opposition officielle, le président doit vous revenir à ce sujet précisément dans les jours qui vont suivre.

Toujours à la rubrique renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, ceci met fin aux affaires courantes.


Affaires du jour

Nous allons maintenant aborder les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 41 du feuilleton.


Projet de loi n° 133


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 41 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 133, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach. Excusez ma prononciation, malheureusement, je n'ai pas de notion en...

Alors, y a-t-il des interventions sur la prise en considération du rapport de la commission? Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui, merci, M. le Président. Effectivement, nous abordons aujourd'hui la dernière étape menant à l'adoption du projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach.

Ce projet de loi a pour objectif d'établir des règles particulières applicables aux établissements publics constitués pour les membres de la nation naskapie de Kawawachikamach et qui sont situés sur le territoire de cette communauté. En effet, au fil des années, la nation naskapie a exprimé son espoir et sa volonté de jouer un rôle plus important dans la planification et la prestation de services de santé et de services sociaux sur son territoire.

Or, il est bon de rappeler, M. le Président, que les orientations du gouvernement du Québec à l'égard des nations et communautés autochtones, telles qu'adoptées en 1998, ont confirmé définitivement la volonté du Québec de permettre à ces communautés de prendre en main leur développement et d'atteindre une plus grande autonomie. C'est dans ce contexte que j'ai procédé, le 17 décembre dernier, à la signature d'une entente avec le chef de la nation naskapie, entente par laquelle je convenais du principe de la mise sur pied d'un établissement de type centre local de services communautaires, CLSC, à Kawawachikamak et des dispositions particulières applicables à cet établissement. Je suis donc heureuse de concrétiser cet engagement en recommandant à l'Assemblée nationale l'adoption des modifications législatives appropriées.

M. le Président, le projet de loi actuellement à l'étude est un pas en avant dans la dynamique des relations du peuple québécois avec les nations autochtones, et il apparaît fructueux sous deux aspects. D'une part, le projet de loi définit une structure et un fonctionnement particuliers à tout établissement public dont le siège sera situé sur le territoire défini par le projet. L'adoption de projet de loi permettra donc non seulement de bonifier la prestation des services de santé auprès de la nation naskapie, mais surtout donnera à cette communauté une voix au chapitre et une responsabilité qui ne pourront que lui être grandement profitables.

D'autre part, le principe et les articles de ce projet de loi ont été adoptés de façon unanime par les membres de la commission parlementaire qui ont eu à l'étudier. Ce consensus est un gage d'ouverture et de solidarité de cette Assemblée à l'égard des besoins et des aspirations des nations autochtones qui sont situées au Québec. Conséquemment, M. le Président, je propose à l'Assemblée nationale la prise en considération pour adoption en troisième lecture du présent projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et également députée de Taillon. Nous cédons maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais participer au débat sur la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 133, la Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach, Bill 133, An Act to amend the Act respecting health services and social services concerning the Naskapi Nation of Kawawachikamch.

Je pense, la ministre va en convenir avec moi, que c'est dommage que tous nos projets de loi dans le domaine de la santé ne soient pas aussi faciles que celui-là. Il y avait une entente qui était convenue entre le gouvernement du Québec et la nation naskapie de Kawawachikamach; préalablement, on a mis en vigueur les propositions qui sont ici, alors le projet de loi fait consensus. Toutes les démarches ont été prises. Alors, on eu a juste à peaufiner. Il y avait quelques petits amendements que nous avons adoptés au moment de nos délibérations en commission.

Mais, règle générale, le projet de loi qui est devant nous, c'est une autre preuve, je trouve, du bien-fondé de notre Convention de la Baie James. Parce qu'on sait, trois ans après la signature de la Convention de la Baie James, on a ajouté à ça la convention qui touche le nord-est du Québec, les Naskapis, qui ont été ajoutés à la convention initiale. Et je pense que c'est une autre preuve de la vision de l'ancien député de Mont-Royal, John Ciaccia, qui a vu dans la Convention de la Baie James le meilleur garant pour l'avenir, pour le développement du Grand Nord du Québec. Et la démarche qu'on est en train de faire aujourd'hui est un autre petit pas, mais un petit pas quand même qui s'inscrivait dans toute la démarche de la signature et de la mise en application de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

I think the bill that is before us today... As well, I'd like to address a few words to Chief Philip Einish and the community of Kawawachikamach, the members of the Council, who have quite deliberately taken an approach where their movement towards greater governmental autonomy... they want to do one step at a time. So they have not come out and made sort of sweeping demands for many, many powers that, with the infrastructure that they have, with the development of people within the community... to take charge of different responsibilities. They've taken a very gradual approach. And I think this is something to the credit of Chief Einish and to his community, that they're moving gradually towards a greater and greater autonomy, a greater and greater consideration of their importance. And I think this is something as well, that the evolutionary nature of our relationship with Kawawachikamach and the Naskapi Nation is something to be highlighted here.

Just by coincidence, in the minute we'll be looking at Bill 86 which deals with, amongst other things, our reform of the Police Act, and once again, we find in the Police Act the similar parallel where slowly Kawawachikamach, with its own and native police force, is taking greater autonomy, greater control. So we have two bills before us this morning, Mr. Speaker, which, I think, are proof of the approach that the Naskapis have taken to have greater autonomy, greater control over their lives.

Et, je pense, surtout pour l'établissement qu'on est en train de créer aujourd'hui, les défis sont de taille. Et, moi, par hasard, j'ai rencontré hier le président de la Régie régionale de la santé du Nunavik, les Inuits du Nord-du-Québec, et j'espère, cet automne, qu'on pourra avoir l'occasion d'écouter la Régie régionale, parce que c'est une obligation qui existe dans notre loi, et on ne l'a jamais fait. Alors, ça fait un grand retard. On n'a jamais reçu la régie régionale du Grand Nord du Québec, qui représente les 14 villages nordiques du Nord-du-Québec. Mais M. Dupuis m'a indiqué que je pense qu'il y a une conférence circumpolaire cette semaine qui se tient en Norvège, et, entre autres, ils ont publié les rapports sur l'espérance de vie, entre autres, chez les Inuits. Et on voit, en comparaison avec le Sud – c'est nous autres, au Sud, dans ce dossier – qu'il y a des manquements, et l'espérance de vie chez les Inuits, c'est autour de 64 ans. Alors, c'est de beaucoup moins que la moyenne québécoise. Les Naskapis, qui sont également une population éloignée, doivent se confronter avec ce genre de défis.

(11 h 50)

On a vu d'autres phénomènes qui sont très prononcés dans nos communautés autochtones au Québec, au niveau de la santé, soit la question du suicide, soit la question de l'abus d'alcool et de la drogue, soit le diabète, qui est un phénomène beaucoup plus prononcé dans ces populations que dans la population en général.

Alors, le petit pas qu'on est en train de faire aujourd'hui, de créer un établissement de santé chez les Naskapis, a une longue liste de choses à confronter. Ce n'est pas pour demain matin, mais je pense, je sais que c'est dans la volonté du conseil, entre autres, d'avoir une prise en charge de la notion de la protection de la jeunesse, qui est maintenant faite à partir de Baie-Comeau. Il y a des relations excellentes entre le bureau de la direction à Baie-Comeau et la communauté, mais il y a un éloignement. Alors, dans la mesure où on peut envisager un jour une prise en charge de toute la notion de la protection de la jeunesse dans la communauté, je pense que ça va être quelque chose qui sera souhaitable, ça va être un prochain pas à franchir dans nos relations avec les Naskapis de Kawawachikamach.

Alors, juste en conclusion, M. le Président, je trouve que c'est une excellente initiative. J'ai dit ça comme une bonne nouvelle, dans mon discours que j'ai prononcé au moment de l'adoption de principe, et je pense que c'est vraiment la façon dont on a fait une évolution: tranquille, mais sûre, vers une plus grande autonomie. C'est le meilleur garant de l'avenir. Alors, je vais, avec la ministre, proposer l'adoption unanime de la prochaine étape de ce projet de loi n° 133. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Y a-t-il d'autres intervenants sur la prise en considération du rapport de la commission? Mme la ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir... Non?


Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la commission des affaires sociales portant sur le projet de loi n° 133, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'article 42.


Projet de loi n° 86


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 42 de votre feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du projet de loi n° 86, Loi sur la police. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 86? M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. Il m'est fort agréable de prendre la parole aujourd'hui en cette Chambre dans le contexte de l'adoption du projet de loi n° 86 intitulé Loi sur la police. Nous voici rendus à l'étape finale d'un long processus législatif, lequel a d'ailleurs nécessité une consultation générale de quatre jours en commission parlementaire de même qu'une période de cinq jours de discussions avec les membres de la commission des institutions lors de l'étude détaillée du projet de loi.

Je désire profiter de l'occasion pour souligner la collaboration manifestée tout au long des travaux par le critique de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, le député de Saint-Laurent. Bien que ce dernier et moi ayons sur un certain nombre de sujets des opinions divergentes, il n'en demeure pas moins que, sur les grandes orientations à la base de ce projet de loi, il nous a été aisé de faire consensus sur des matières d'une importance cruciale pour le devenir de la fonction policière. D'ailleurs, la collaboration prêtée par le critique de l'opposition officielle a même contribué à renforcer notre conviction sur la justesse du contenu du projet de loi n° 86, dans la mesure où son expertise notamment en matière criminelle – comme procureur, il va sans dire, procureur de la couronne – nous a permis d'évaluer l'opportunité, la rigueur et les effets anticipés de plusieurs des mesures.

Le caractère constructif et judicieux des commentaires et suggestions du critique officiel a même donné lieu, en un certain nombre d'occasions, à l'adoption d'amendements au projet de loi dans le cadre des échanges tenus lors de l'étude détaillée. Ce fut notamment le cas lorsque nous avons abordé des questions comme le droit politique des policiers, la double sanction donnant suite à une infraction disciplinaire et déontologique et les contraintes à la divulgation d'informations par un enquêteur du Commissaire devant le Comité de déontologie policière.

Au cours des dernières années, le ministre de la Sécurité publique s'est vu remettre un certain nombre de rapports relatifs à l'organisation policière dans lesquels les auteurs suggéraient d'importants virages. Qu'il suffise simplement de rappeler le rapport Gilbert traitant de la crise d'Oka, le rapport Malouf concernant les émeutes de la coupe Stanley à Montréal, l'enquête du juge Verdon à la suite de l'intervention de la Sûreté du Québec à Chambly, le rapport du groupe de travail Bellemare relatif aux méthodes d'enquête criminelle utilisées par les policiers et, plus récemment, le rapport intitulé Vers un système intégré de formation policière , réalisé par M. Claude Corbo, de même que le rapport de la commission d'enquête chargée de faire enquête sur la Sûreté du Québec, mieux connue sous le nom de commission Poitras.

Tous ces rapports ont mis en perspective l'importance de rehausser la professionnalisation policière. Ces travaux ont conclu qu'il y avait lieu de favoriser une augmentation tangible de la formation des policiers et policières du Québec, notamment à l'égard de l'exercice des fonctions d'enquête et de gestion policières, qu'il fallait revoir le système actuel de formation policière et sa structure, qu'il était impératif de susciter une transparence accrue des organisations policières et qu'il était désormais indispensable que les élus, le ministre de la Sécurité publique et le gouvernement du Québec exercent un plus grand contrôle sur les activités policières dans leur ensemble.

Ce projet de loi qui compte environ 350 articles réfère, pour l'essentiel, à un renforcement de la professionnalisation policière et vise trois grands objectifs: une amélioration de la formation dispensée aux policiers et une restructuration de l'ensemble de ce système; un rehaussement de l'éthique, de la transparence et du contrôle des organisations policières; une fusion de la Loi de police et de la Loi sur l'organisation policière en une seule loi regroupant l'ensemble des normes législatives s'appliquant au milieu policier.

En vue de répondre à ces objectifs, le projet de loi présentement devant nous propose une série de mesures que l'on peut synthétiser de la façon suivante: transformation de l'Institut de police du Québec en une véritable École nationale de police et création en son sein d'une commission de formation et de recherche; rehaussement éventuel des exigences académiques, notamment en ce qui a trait aux fonctions d'enquête et de gestion policières; rafraîchissement de la mission des organisations policières et des devoirs de leurs membres; resserrement des conditions d'exercice de la profession; établissement de mesures destinées au respect de l'éthique; augmentation de la reddition de comptes auprès du ministre de la Sécurité publique et renforcement de l'encadrement ministériel envers les organisations policières; mise en place d'un système relatif à la tenue d'enquêtes criminelles sur un policier; création d'un Conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec.

Sur le dernier point ayant trait à la surveillance et au contrôle de la Sûreté du Québec, on se rappellera que la commission Poitras avait, dans le cadre de sa première recommandation, suggéré la mise en place d'un conseil de contrôle permanent de la Sûreté du Québec. Après avoir réalisé une recherche assez exhaustive sur les mécanismes semblables susceptibles d'avoir été déployés à l'étranger, il nous est apparu clairement que le modèle proposé par la commission Poitras, en plus de représenter une tutelle de fait, comportait des mandats inconciliables entre eux à assumer pour un même organisme. En qualité de ministre de la Sécurité publique, j'ai bien confiance en cette grande institution qu'est la Sûreté du Québec, et c'est la raison pour laquelle j'ai plutôt décidé de responsabiliser cette dernière. Évidemment, dénué de toute complaisance quant au mandat à assumer, le Conseil de surveillance créé à même le présent projet de loi sera une entité administrative qui nous permettra de rejoindre les deux grands objectifs que poursuivait la commission Poitras: susciter un renforcement du contrôle ministériel envers la Sûreté et favoriser une reddition de comptes accrue de ce corps de police envers les élus et la population.

(12 heures)

D'ailleurs, je tiens à rappeler aux membres de cette Chambre, ce qui devrait normalement être de nature à rassurer le critique de l'opposition officielle, qu'en vertu du projet de loi au moins une fois par année – au moins une fois par année, ce qui veut donc dire possiblement plusieurs – la commission des institutions devra entendre le président du Conseil de surveillance de la Sûreté du Québec sur ses activités. Ainsi, les parlementaires pourront non seulement poser toutes les questions jugées utiles et pertinentes, mais ce témoignage leur permettra, au surplus, de préparer le passage de la direction de la Sûreté du Québec devant la commission des institutions, comme le prévoient les prescriptions en matière d'imputabilité des sous-ministres et dirigeants d'organismes. En bref, la structure que nous avons choisie permettra, j'en suis convaincu, au ministre de la Sécurité publique d'être beaucoup mieux informé sur les activités de la Sûreté du Québec aux fins d'un meilleur encadrement du corps policier, de même qu'elle favorisera une transparence accrue de son fonctionnement par la participation des élus, c'est-à-dire l'autorité civile démocratiquement constituée.

J'ajouterai peut-être quelques remarques supplémentaires sur les raisons qui m'ont poussé à ne pas retenir la première suggestion du rapport de la commission Poitras, mais plutôt à adapter l'ensemble de ses suggestions. Une tutelle amène, je crois, une déresponsabilisation de la direction qui est sous tutelle, parce que, quand on a un tuteur, on lui propose des plans; il les accepte ou il les refuse. Si ça vire mal, s'il y a des difficultés avec l'application de ces plans, bien, c'est soit la faute du tuteur... c'est toujours la faute du tuteur, en fait, alors que les principes modernes de gestion, c'est de rendre les gens que l'on nomme aux postes de direction imputables, mais de leur donner la latitude pour réaliser la mission qu'on leur confie.

Le gouvernement justement a changé la direction de la Sûreté du Québec. Il a même mis, ces dernières années, deux civils, un après l'autre, à la direction de la Sûreté du Québec, et il leur a donné une mission à accomplir. Et je pense que, sur les résultats qu'ils obtiennent, ils doivent avoir toute la latitude de prendre, au jour le jour, les décisions rapidement que commandent justement les activités policières en soi, où l'on doit toujours réagir rapidement.

Par contre, nous avons dirigé le Conseil de surveillance sur les points les plus importants mentionnés dans l'ensemble du rapport de la commission Poitras: la conduite des grandes enquêtes criminelles et le respect de l'éthique, de la discipline. En plus, le Conseil de surveillance pourra recevoir d'autres missions, qui lui seront données soit par la commission des institutions, soit par le ministre de la Sécurité publique. Je sais que bien des gens pensent, semblent penser que les élus ne sont peut-être pas les gens les mieux placés pour assurer la surveillance des corps policiers. Mais qui le serait-il? Les régimes où on établit des commissions indépendantes, de toute façon elles sont nommées par les élus, et ça ne les empêche pas d'avoir les mêmes difficultés que les élus, à l'occasion, les mêmes difficultés d'obtenir des informations, les mêmes sujets au chantage, comme on l'a vu, entre autres, à Toronto, sur les membres de la commission du corps civil qui devaient diriger.

Mais, en plus de cela, je réalise bien que les élus ne bénéficient pas d'un très haut niveau de popularité dans l'opinion publique. Pourtant, c'est la population qui les choisit. Je pense que c'est dû à la difficulté d'exercer les fonctions, finalement, plus qu'à la qualité des gens qui les nomment. Mais je poserai la question encore une fois: Qui dirige la police? L'on remarquera que tout dépend du régime de gouvernement dans lequel on est. Dans les monarchies, les monarques dirigeaient la police; dans les dictatures, les dictateurs dirigeaient la police; dans les oligarchies, comme les régimes communistes que nous avons eus, c'était le parti qui dirigeait la police. C'est toujours les dirigeants. Dès lors, je pose la question suivante: Qui doit donc diriger la police dans les sociétés démocratiques? Eh bien, je pense que la réponse est claire, que, si quelqu'un doit diriger la police dans les sociétés démocratiques, ce sont ceux qui sont choisis démocratiquement par la population pour ce faire. C'est pourquoi nous avons préféré un conseil de surveillance qui aura la possibilité de mieux éclairer les élus dans l'exercice de cette fonction essentielle dans n'importe quel système de gouvernement, mais qui, dans un gouvernement démocratique, doit être exercée par les élus dont c'est une des responsabilités essentielles.

De plus, le conseil de contrôle, que je n'ai pas voulu comme une tutelle, je l'ai voulu comme un aiguillon. Je sais qu'il ne sera peut-être pas accepté de gaieté de coeur par la direction de la Sûreté du Québec, d'autant plus qu'elle sera le seul grand corps de police à être coiffé d'un pareil conseil. Remarquez cependant que l'autre grand corps de police, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, a quand même un comité de surveillance... pas de surveillance, mais qu'on appelle un comité de sécurité publique, qui est, lui, par contre, composé uniquement d'élus. Mais je pense que je l'ai conçu comme un aiguillon qui amènera la Sûreté du Québec à vouloir démontrer que, sur les grandes carences qui avaient été identifiées par la commission Poitras en matière de conduite des grandes enquêtes et en matière d'administration de la discipline, elle fait des progrès, et ce conseil aura la crédibilité pour reconnaître, j'en suis convaincu, et pour faire valoir les progrès qui ont été faits, mais aussi indiquer des faiblesses dans des domaines où il peut toujours s'en glisser, où il s'en est glissé des bien pires dans les autres corps de police de cette planète, même dans les États démocratiques.

Je vais maintenant parler des principaux amendements que nous avons adoptés au cours de l'étude article par article. Avant de vous présenter ces principaux amendements que nous avons proposés dans le cadre de l'étude détaillée, je désire soumettre à la présidence que, d'un commun accord, le critique officiel de l'opposition et moi désirons apporter un amendement à l'article 115 du projet de loi n° 86.

À l'article 115, le projet de loi qui traite des conditions minimales pour être embauché comme policier mettait en perspective que le candidat ne devait pas avoir été reconnu coupable d'une infraction criminelle quelle qu'elle soit. Après avoir entendu les propos du député de Saint-Laurent et à la suite de plusieurs échanges sur la question durant les travaux de la commission des institutions, nous en étions venus à la conclusion que, indépendamment des prescriptions de la loi fédérale relative au casier judiciaire et des chartes des droits, il apparaissait souhaitable que nous amendions le projet de loi afin de spécifier clairement que cette interdiction s'exerçait sous réserve de l'obtention d'un pardon. Cet amendement a, lors de l'étude détaillée, été d'ailleurs adopté à l'unanimité.

Depuis que nous avons procédé à l'adoption de l'amendement en commission parlementaire, nous avons reçu un certain nombre de représentations de la part du milieu policier à l'effet qu'une telle prescription était susceptible de générer des impacts néfastes dont il est pour l'instant difficile de préciser l'ampleur. Même la Direction du droit constitutionnel du ministère de la Justice nous a fait remarquer que cette inclusion de la notion du pardon à même le projet de loi apparaissait problématique et que, de toute manière, les chartes des droits et les prescriptions de la Loi sur le casier judiciaire s'exerçaient indépendamment, que la loi encadrant le milieu policier y donne écho ou non. Nous n'avions pas l'intention de changer la loi sur cet aspect, l'application des chartes.

Alors, dans les circonstances, je propose donc qu'au troisième alinéa de l'article 115 soient supprimés les mots «à moins qu'il y ait eu pardon». Ce troisième alinéa se lirait donc comme suit: «Ne pas avoir été reconnu coupable, en quelque lieu que ce soit, d'un acte ou d'une omission que le Code criminel (L.R.C. (1985), chapitre C-46) décrit comme une infraction, ni d'une des infractions visées à l'article 183 de ce Code, créées par l'une des lois qui y sont énumérées.»

Alors, compte tenu que le critique officiel de l'opposition et moi sommes d'accord pour apporter cet amendement ayant pour effet de retirer la référence relative au pardon à l'article 115, que nous avions d'ailleurs adopté d'un commun accord lors de l'étude détaillée, je comprends donc que, sans autre formalité, le projet de loi serait ainsi amendé, à moins d'avis contraire de votre part, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je comprends qu'à ce stade-ci vous faites une demande de consentement pour qu'on procède aux écritures, M. le ministre?

M. Dupuis: Consentement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme il y a consentement, est-ce que la motion de M. le ministre de la Sécurité publique proposant que l'Assemblée se constitue à partir de maintenant en commission plénière est adoptée?

Des voix: Adopté.


Commission plénière


Étude de l'amendement du ministre

M. Pinard (président de la commission plénière): M. le ministre de la Sécurité publique, je vous prierais de transmettre, si ça n'est déjà fait, l'amendement en question.

M. Ménard: Alors, je propose que le troisième alinéa de l'article 115...

Le Président (M. Pinard): M. le ministre, voulez-vous remettre l'amendement, s'il vous plaît?

M. Ménard: Non, je ne l'ai pas. Mais vous pouvez bien prendre ça, ici.

(12 h 10)

Le Président (M. Pinard): Un instant, M. le ministre. Bon. Alors, l'amendement de M. le ministre de la Sécurité publique, au troisième alinéa de l'article 115, se lit comme suit: «Ne pas avoir été reconnu coupable, en quelque lieu que ce soit, d'un acte ou d'une omission que le Code criminel (L.R.C. (1985), chapitre C-46) décrit comme une infraction, ni d'une des infractions visées à l'article 183 de ce Code, créées par l'une des lois qui y sont énumérées.»

Est-ce que cet amendement est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Pinard): Adopté.

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Oui, c'est le troisième alinéa de l'article 115, soit supprimer les mots «à moins qu'il y ait eu pardon». Ce troisième alinéa se lirait donc comme suit. D'accord?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, voulez-vous, s'il vous plaît, remettre ça à notre secrétaire général?


Mise aux voix du rapport de la commission

Est-ce que le rapport de la commission plénière est adopté?

Des voix: Adopté.


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. En conséquence, nous allons donc poursuivre le débat sur l'adoption du projet de loi n° 86. Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard (suite)

M. Ménard: Alors, pour ceux qui seraient intrigués par les mentions de cet article 183 dans le projet de loi, je donnerai des explications plus complètes tout à l'heure, mais disons que c'est cet article qui prévoit des infractions de nature criminelle qui sont prévues à d'autres lois, comme la Loi sur les stupéfiants ou la loi sur les drogues... ou les lois qui interdisent l'usage de certaines drogues et leur trafic, mais qui ont une certaine gravité.

À l'égard des principaux amendements que nous avons adoptés en commission parlementaire, je dois rappeler aux membres de cette Chambre que déjà, lors de l'adoption de principe, j'avais signalé mon ouverture à bonifier ce projet de loi d'une importance majeure. À la suite d'une analyse minutieuse des mémoires nous ayant été présentés par une vingtaine d'intervenants reçus à l'occasion de la consultation générale, nous avions décidé de proposer une soixantaine d'amendements au projet de loi sous étude. À ces amendements que nous avons soumis, dont une portion significative d'entre eux, il faut bien le rappeler, sont de nature technique ou de concordance, une vingtaine d'autres propositions de modification ont été déposées et adoptées par les membres de la commission des institutions lors de l'étude détaillée du projet de loi.

À la simple évocation de ces faits, il apparaît manifeste que l'ouverture à laquelle je m'étais engagé quant à la bonification du projet de loi, conséquemment aux représentations qui nous ont été faites, fut respectée, et ce, à la grande satisfaction de nos partenaires. Évidemment, comme je l'avais déjà souligné au début de ce processus législatif, bien que j'envisageais celui-ci avec ouverture, j'avais du même souffle clairement fait état que nous ferions preuve de fermeté à l'égard de toute modification qui pourrait avoir comme effet d'altérer les principaux objectifs et les orientations fondamentales de ce projet de loi.

Voyons maintenant quels sont les amendements les plus significatifs que nous avons apportés dans le cadre de nos travaux en commission parlementaire. D'abord, la formation policière. Comme on s'en rappellera, lors de la consultation générale, certains universitaires et quelques représentants de l'Université de Montréal ont témoigné d'une appréhension eu égard à une situation de monopole relativement à la mission exclusive que sera appelée à assumer l'École nationale de police en matière de formation policière. En dépit de ces craintes injustifiées, probablement par méconnaissance des orientations véritables du projet de loi, nous avons malgré tout consenti à déposer un certain nombre d'amendements en ce domaine en vue, d'une part, de clarifier le contenu des mesures privilégiées dans le projet de loi et, d'autre part, de mieux arrimer la mission de l'École avec celle des collèges et universités.

Au chapitre de l'organisation policière, maintenant, je tiens à rappeler que nous avions volontairement décidé de ne pas apporter de modifications susceptibles d'avoir une incidence sur le partage des services policiers entre les organisations dans la mesure où il nous semblait primordial d'inscrire l'action du ministère de la Sécurité publique à l'enseigne de la réforme municipale entreprise par ma collègue des Affaires municipales et de la Métropole. Il fallait bien que la réforme de la carte policière s'arrime avec la réforme municipale. Elle a été conçue pour le faire, d'ailleurs.

De même, compte tenu que les principales mesures comprises au projet de loi n° 86 réfèrent à la professionnalisation policière, il ne nous apparaissait pas opportun d'envisager à ce moment-ci un redécoupage de ce qu'il est convenu d'appeler la carte policière, c'est-à-dire la distribution des corps de police entre corps municipaux et la Sûreté du Québec, et entre corps policiers municipaux entre eux d'ailleurs, aussi.

Une voix: ...

M. Ménard: Oui, entre corps municipaux et corps régionaux, comme nous en aurons certainement plus tard.

Mais, malgré ce qui précède et en fonction des représentations nous ayant été faites, nous avons quand même accueilli positivement bon nombre des suggestions soumises lors de la consultation générale à propos du titre II du projet de loi portant sur l'organisation policière. La première qu'il convient de mettre en perspective est la mission générale des organisations policières, laquelle nécessitait d'être revue à la lumière du caractère communautaire de l'action policière. À ce titre, je désire vous faire lecture du nouveau libellé de l'article 48:

«Les corps de police, ainsi que chacun de leurs membres, ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et, selon leur compétence respective énoncée aux articles 50 et 69, les infractions aux lois ou aux règlements pris par les autorités municipales, et d'en rechercher les auteurs.

«Pour la réalisation de cette mission, ils assurent la sécurité des personnes et des biens, sauvegardent les droits et les libertés, respectent les victimes et sont attentifs à leurs besoins, coopèrent avec la communauté dans le respect du pluralisme culturel. Dans leur composition, les corps de police favorisent une représentativité adéquate du milieu qu'ils desservent.» Fin de la citation de cet article de loi.

Dans la même optique, il a été convenu d'un renforcement de la mission d'État du corps de police national qu'est la Sûreté du Québec. Le projet de loi stipule maintenant que la Sûreté du Québec est un corps de police national agissant sous l'autorité du ministre de la Sécurité publique. Non seulement s'agissait-il de reconnaître plusieurs des mandats effectivement assumés de droit par la Sûreté du Québec, mais cette précision répond à une demande légitime maintes fois énoncée aussi bien par l'Association des policiers provinciaux du Québec que par la direction de la Sûreté du Québec.

Par ailleurs, comme on le sait, la Sûreté du Québec assure un service central de renseignements policiers qu'elle doit, en vertu de la loi, mettre à la disposition de tous les autres corps policiers. Au cours des dernières années, le ministère a été l'objet de multiples représentations en provenance de groupes d'agents de la paix autres que les policiers en vue d'avoir accès à certains types de renseignements contenus dans cette banque d'informations. Qu'il suffise de mentionner simplement les contrôleurs routiers, les agents de conservation de la faune, voire même des constables spéciaux du ministère de la Sécurité publique.

Après avoir pris avis de la Commission d'accès à l'information, nous en sommes venus à la conclusion que, dans quelques cas, l'obtention d'un certain niveau d'information pour l'accomplissement de la mission d'un corps d'agents de la paix autre qu'un corps de police était indispensable. En conséquence, le projet de loi stipule désormais que «le ministre de la Sécurité publique peut, après avoir consulté le directeur général de la Sûreté du Québec, rendre ces renseignements accessibles, en tout ou en partie, à tout corps d'agents de la paix dont les fonctions, de l'avis du ministre, le justifient. Il détermine par écrit les conditions d'accès à ces renseignements.»

D'autre part, nous avons également profité de l'occasion pour répondre à l'une des recommandations de la commission Poitras en reconnaissant explicitement la valeur et le rôle indispensable assumé par le personnel non policier de la Sûreté. Enfin, toujours dans le titre portant sur l'organisation policière, nous avons apporté un amendement en réponse à une requête nous ayant été présentée par l'Association des directeurs de police relativement à la durée de leur contrat de travail. De leur point de vue, il apparaissait souhaitable que ces ententes contractuelles soient d'une période minimale en vertu de la législation. Pour des raisons liées à la protection du statut d'agent de la paix conféré au directeur de police, nous avons donc souscrit à la demande de la façon suivante: «Le mandat du directeur est d'au moins cinq ans, sauf autorisation du ministre. Un avis de non-renouvellement doit être donné au moins six mois avant la fin du mandat.» Fin de la citation.

(12 h 20)

À l'égard, maintenant, des conditions d'exercice de la profession, il est opportun de revenir brièvement sur les conditions d'embauche des policiers pour souligner les changements substantiels que nous avons apportés au libellé du projet de loi déposé en décembre 1999, en outre de celui relatif au pardon mentionné précédemment. On nous avait fait remarquer, lors de la consultation générale, que, de la façon dont était rédigé l'article 115 du projet de loi, celui-ci avait pour effet d'éviter la prise en considération d'infractions de nature criminelle comme celles notamment prescrites par la loi fédérale réglementant les drogues et les stupéfiants. Dans ce contexte, nous avons donc convenu d'élargir l'assiette des infractions de nature criminelle en intégrant celles visées par l'article 183 du Code criminel, lesquelles réfèrent à des infractions suffisamment graves pour que les policiers puissent utiliser des moyens d'enquête particuliers, telle l'écoute électronique.

Le second amendement qui fut adopté à l'égard des conditions d'embauche vise à supprimer celles relatives à l'examen médical, puisque cette dernière sera désormais prévue dans un règlement de l'École nationale de police établissant les conditions d'admission en son sein. Cette disposition s'apparente d'ailleurs à une reconnaissance de fait, car ces tests médicaux sont habituellement administrés par des institutions d'enseignement collégial préalablement à l'admission d'un candidat au Diplôme d'études collégiales en techniques policières.

Par ailleurs, une disposition transitoire fut également adoptée de manière à s'assurer que tous les policiers en fonction au moment de la mise en vigueur de l'article 115 concernant les normes d'embauche seront considérés comme détenant un diplôme de patrouille et de gendarmerie de l'École nationale pour agir en qualité d'agents de la paix. En dépit de l'importance de rehausser les exigences de formation, il nous fallait nécessairement protéger les droits acquis des policiers et des policières actuellement en fonction.

En ce qui a trait à l'incompatibilité de fonctions, le milieu policier nous avait soumis que, tel que libellé, l'article 117 était particulièrement contraignant eu égard aux policiers dont la famille exploitait, par exemple, un dépanneur doté d'un permis de vente d'alcool. Dans cette optique, nous avons donc revu le libellé du projet de loi afin de proscrire uniquement la possession d'un permis d'alcool pour consommation sur place, ce qui implique que les policiers ne pourront directement ou indirectement opérer un commerce s'apparentant notamment à une brasserie, une taverne ou un bar, comme le prévoit d'ailleurs l'actuel règlement disciplinaire du service de police de la Communauté urbaine de Montréal.

Nous avons également amendé l'article 119 relatif à la destitution automatique d'un policier reconnu coupable d'un acte criminel afin d'étendre les motifs de destitution aux cas d'infractions de nature criminelle visés dans l'article 115. Nous avons aussi proposé que la destitution ne survienne qu'à la suite d'un jugement considéré comme définitif. Après de multiples échanges, nous avons constaté que cet article 119 était davantage perfectible, puisque celui qui avait été reconnu coupable d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire n'était soumis qu'à une sanction disciplinaire laissée à la discrétion du directeur de police.

Dans les circonstances, un amendement adopté à l'unanimité prévoit qu'au-delà de la destitution automatique pour un acte criminel, là, une citation: «Doit faire l'objet d'une sanction disciplinaire de destitution tout policier ou constable spécial qui a été reconnu coupable, en quelque lieu que ce soit et par suite d'un jugement passé en force de chose jugée, d'un tel acte ou d'une telle omission poursuivable soit sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, soit par voie de mise en accusation, à moins qu'il ne démontre que des circonstances particulières justifient une autre sanction.» Fin de la citation. Il ne faut jamais perdre de vue que la probité et l'intégrité sont des qualités indispensables à l'accomplissement de la fonction policière. Et non seulement sont-elles requises à l'embauche, mais elles sont indispensables pour le maintien à l'emploi.

Dans un autre ordre d'idées, en fonction des représentations qui nous ont été soumises par la Commission des droits de la personne et sur la base de quelques observations du député de Saint-Laurent, certains amendements ont été apportés aux fins de clarifier les droits politiques de policiers. Ainsi, le premier paragraphe de l'article 123 se lira de la façon suivante: «Le policier ou le constable spécial qui veut se porter candidat à une élection ou se livrer à une activité de nature partisane à l'égard d'un candidat à une telle élection ou d'un parti politique a le droit d'obtenir, sur demande adressée à la plus haute autorité dont il relève, un congé sans solde qui doit être accordé dans les meilleurs délais. S'il s'agit d'une élection fédérale ou provinciale, le policier ou le constable spécial doit être en congé total sans solde. La lettre d'autorisation indique le début et la fin du congé, qui doivent être fixés de façon à permettre le plein exercice des activités politiques pour lesquelles il a été demandé.» Fin de la citation.

En matière de déontologie, une disposition transitoire prévoyait l'insertion de tout le bloc de la déontologie entre les articles 126 à 255. Nous ne voulions pas apporter d'amendement à cette portion de la législation policière, puisque celle-ci avait été l'objet d'une réforme majeure en 1997. Le critique officiel de l'opposition a demandé à revoir certains articles qui ont une grande importance; j'ai donné suite à sa demande.

En premier lieu, en vertu de l'article 47 de l'actuelle Loi sur l'organisation policière, le Commissaire à la déontologie policière, le commissaire adjoint, les membres de leur personnel, les enquêteurs et les conciliateurs ne peuvent être contraints par un tribunal de divulguer ce qui leur a été révélé dans l'exercice de leurs fonctions à l'égard d'une plainte ni de produire aucun document rédigé ou obtenu à cette occasion devant un tribunal. Autrement dit, lors d'une audition devant le Comité de déontologie, l'enquêteur du Commissaire à la déontologie ne peut être assigné à témoigner pour corroborer certains faits ou allégations. Compte tenu de l'à-propos de la remarque, il fut décidé que l'exemption prévue à l'article 47 de la nouvelle Loi sur l'organisation policière ne s'appliquerait pas aux enquêteurs devant le Comité de déontologie.

Dans un second temps, en vertu des articles 84 à 87 de l'actuelle Loi sur l'organisation policière, un témoin policier dans une cause déontologique doit sans réserve collaborer pleinement, ce qui implique qu'il peut être inconsciemment appelé à s'autoincriminer. Aux fins de s'assurer du respect de ses droits, nous avons convenu à l'unanimité d'apporter un amendement selon lequel, je cite: «Toute déclaration faite par un policier qui ne fait pas l'objet d'une plainte et qui collabore avec le Commissaire ou ses enquêteurs lors d'une enquête par suite d'une plainte portant sur un autre policier ne peut être utilisée ni retenue contre lui, sauf en cas de parjure.»

Par ailleurs, comme on le sait, actuellement, une municipalité assumant la gestion d'un service policier peut prendre un règlement de discipline. Or, en raison de l'importance d'une telle réglementation encadrant le comportement des policiers, le projet de loi prévoit donc qu'une municipalité a désormais l'obligation d'établir un règlement disciplinaire pour les membres de son service de police.

En outre des différents éléments que comprend généralement un règlement disciplinaire municipal, celui-ci devra également prévoir, et je cite: «L'interdiction pour tout policier de porter ses uniforme, insigne ou arme de service ou d'utiliser tout autre effet appartenant à son employeur lorsque, alors qu'il est censé être en devoir, il exerce des activités qui n'entrent pas dans ses attributions.» Fin de la citation. Pour les directions des services de police, une telle prescription représentera un moyen fort utile aux fins d'encadrer les moyens de pression qui, dans le contexte des mandats d'un agent de la paix ou d'une organisation policière, sont susceptibles d'altérer la qualité des services de sécurité publique déployés sur le territoire. Elles éviteront aussi des manifestations indécentes, comme on en a vu dans d'autres villes nord-américaines. C'est ça.

Lors de la consultation générale, des syndicats policiers sont venus nous réitérer qu'ils considéraient inadmissible le fait de pouvoir être l'objet d'une double sanction pour un même acte, à savoir une sanction déontologique et une sanction disciplinaire. Lors de l'étude détaillée du projet de loi, l'opposition officielle a renouvelé cette requête et plaidé qu'il s'agissait là d'une problématique datant déjà d'un certain nombre d'années.

Après avoir réalisé quelques consultations et comparé avec d'autres corps d'emploi, nous en sommes venus à la conclusion qu'il y avait probablement lieu d'éliminer l'effet de la double sanction de la discipline et de la déontologie. Aussi, le nouvel article 258 du projet de loi stipule-t-il que, et je cite: «Sous réserve de l'article 119 concernant la destitution d'un policier, un policier à qui une sanction a été imposée en vertu des dispositions du chapitre I du présent titre ne peut recevoir une sanction additionnelle en vertu d'un règlement de discipline pour une conduite dérogatoire similaire qu'il a eue à l'occasion du même événement.» Fin de la citation.

Comme nous l'avions fait précédemment en matière de déontologie, nous avons décidé d'apporter un amendement qui aura pour effet d'éviter que le témoin policier d'une faute disciplinaire, déontologique ou criminelle commise par un collègue puisse en venir à s'autoincriminer, de sorte que l'article 262 du projet de loi stipule désormais que «la déclaration complète, écrite et signée ne pourra être utilisée ni retenue contre lui, sauf en cas de parjure».

(12 h 30)

On se souviendra tous par ailleurs que, lors de la consultation générale, plusieurs intervenants ont fait état de la timidité des sanctions pénales que comportait le projet de loi. Nous avons consulté le ministère de la Justice, et il appert qu'effectivement le montant des amendes n'était pas toujours proportionnel à la gravité des infractions. Nous avons, en conséquence, convenu de les hausser de façon significative.

Enfin, la dernière série d'amendements significatifs apportés au projet de loi visait à ce que les constables cris agissant dans les communautés du Nord du Québec deviennent des policiers au sens de la loi. Je rappelle que, dans cette recherche d'une professionnalisation accrue des fonctions policières en milieu autochtone, le gouvernement du Québec avait paraphé une entente, en décembre 1998, avec l'Administration régionale crie pour fins de modifier le statut des constables spéciaux en celui de policier. Les amendements retenus donnent suite à cet engagement. Voilà, pour l'essentiel, les principaux amendements apportés au projet de loi n° 86 lors des échanges que nous avons eus dans le cadre de l'étude article par article.

Avant de conclure, vous me permettrez quelques remarques sur la philosophie qui anime ce projet de loi d'une importance capitale pour l'avancement de la fonction policière au Québec. Comme plusieurs d'entre vous le savent, le projet de loi sur la police se veut, en fait, une réponse législative à la quasi-totalité des recommandations qui avaient été proposées par le professeur Claude Corbo dans son rapport intitulé Vers un système intégré de formation policière , de même qu'il représente une portion significative du suivi que nous avons apporté aux multiples recommandations de la commission Poitras. Sur ce dernier volet, je profite d'ailleurs de l'occasion pour souligner que ces mesures législatives sont, au surplus, complétées par une série de moyens administratifs actuellement en vue d'être déployés.

Les principaux éléments qu'il y a lieu de mettre en perspective sont les suivants: mise en place d'un comité ministériel permanent composé de cinq ministres dont la présidence relève du ministre de la Sécurité publique; création d'une table permanente de travail portant sur les méthodes d'enquête criminelle; élaboration de nouvelles pratiques policières; création d'un service de conseils juridiques accessible 24 heures sur 24 aux corps policiers du Québec; établissement d'un comité composé de trois substituts du Procureur général chargé d'évaluer chacune des enquêtes criminelles portant sur un policier.

Je dois signaler aux membres de l'Assemblée que la collaboration que m'a prêtée ma collègue la ministre de la Justice s'est avérée un apport précieux, notamment en ce qui a trait au développement et à la mise en place des deux mécanismes précités. Il va de soi que les effets de cette vaste réforme de la professionnalisation policière ne seront pas nécessairement perceptibles au cours des prochains mois. Toutefois, la mise en place d'un système intégré de formation policière au Québec, lequel s'appuiera sur l'expertise pointue dont disposera la Commission de formation et de recherche, et le rehaussement éventuel des exigences académiques requises pour le cumul des fonctions d'enquête et de gestion policières amélioreront considérablement les pratiques en cette matière, de même qu'ils façonneront le devenir de la profession pour les prochaines décennies.

À l'égard de la transparence des organisations policières, des mécanismes de reddition de comptes prévus au projet de loi, l'encadrement ministériel rehaussé qu'il suppose et les responsabilités qu'il confie aux différents acteurs du milieu permettront non seulement aux corps policiers de retrouver la crédibilité et la confiance qui leur reviennent de droit, mais, à terme, c'est la culture policière qui s'en trouvera transformée profondément.

En conclusion, je signalerai simplement aux membres de cette Chambre qu'à peine 12 % des articles de cet imposant projet de loi ont été adoptés sur division, alors que près de 88 % d'entre eux furent adoptés à l'unanimité par les membres de la commission des institutions. Bien plus, en outre de la soixantaine d'amendements ministériels déposés, la vingtaine d'amendements additionnels auxquels j'ai consenti lors de nos échanges dans le cadre de l'étude détaillée ont en partie été apportés dans le contexte des observations et des commentaires du député de Saint-Laurent. Dans la circonstance, j'espère bien que le député de Saint-Laurent continuera à nous témoigner sa collaboration et, à ce titre, qu'il nous fera part de l'appui de l'opposition officielle en vertu de l'adoption du projet de loi n° 86.

Je dirai en terminant que j'avais dit au début de l'étude de ce projet de loi que nous espérions, enfin que nous comptions que ce soit un projet de loi qui vive assez longtemps, qui ait une vie assez longue. Et, comme il y a quand même une certaine tradition d'alternance que nous imposent les électeurs, il fallait que chaque personne qui soit appelée à l'étudier le considère dans la vision qu'elle pourrait être appelée à l'appliquer. Je crois que, collectivement, nous avons fait une oeuvre dont nous pouvons être fiers. Je me souviens d'une des premières réflexions que je me faisais moi-même et que je communiquais quand j'ai commencé, comme jeune procureur de la couronne, ma carrière d'avocat. Je me disais, à l'époque – et je crois que c'est une vérité qui s'applique encore aujourd'hui – que, si l'on y songe bien, l'on mesure le degré de civilisation qu'a atteint une société par la qualité de ses services policiers.

Dans le siècle qui vient de s'écouler, les corps policiers ont passé bien des périodes difficiles, mais, dans la dernière partie de ce siècle, ils se sont détachés, comme bien d'autres organismes, comme la fonction politique aussi, d'une atmosphère de corruption et ils ont atteint un niveau très élevé d'honnêteté. Quand j'ai examiné les mesures qui ont été prises dans d'autres pays démocratiques, et que nous invitait d'ailleurs à considérer la commission Poitras, en Australie, aux États-Unis, en France, plusieurs endroits en Europe, j'ai remarqué qu'il y avait là des degrés de corruption inimaginables. Dans les corps policiers du Québec, je crois qu'ils ont atteint aussi un niveau de professionnalisme très élevé. Mais les défis qu'ils auront dans le siècle qui s'en vient demandent un niveau de formation beaucoup plus élevé, et, s'ils ont atteint ce niveau d'indépendance et d'honnêteté qui doit leur amener le respect de la population, le défi du XXIe siècle sera celui de la formation permanente, d'une plus grande professionnalisation.

Je crois aussi qu'un corps de police qui est non seulement honnête, mais qui est transparent et qui est professionnel amène, de la part de la population, un certain respect. Et, si l'on respecte les corps policiers, les citoyens sont encouragés d'autant plus à tenir leurs actions à l'intérieur des lois et à être, eux aussi, honnêtes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre de la Sécurité publique et également député de Laval-des-Rapides. Nous allons maintenant céder la parole au député de Saint-Laurent et critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique, en vous rappelant, M. le critique officiel, que vous avez, vous également, un temps de parole de 60 minutes. À vous.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous rassure tout de suite, M. le Président, je n'ai pas l'intention d'exercer le droit de parole comme vous me le suggérez et de prendre une période de 60 minutes pour discuter au stade de l'adoption du projet de loi n° 86, ne me faisant aucune espèce d'illusion sur l'intérêt que peut susciter le discours à 12 h 40, ce mardi midi, alors qu'il fait un temps superbe à l'extérieur. Vous me permettrez tout de même de remercier le ministre pour les aimables paroles qu'il a eues à mon endroit lors de son discours. Je me permets moi-même de saluer l'ouverture d'esprit qu'il a manifestée à certains moments lorsque l'opposition officielle a fait part d'un certain nombre de suggestions quant à des amendements possibles.

Le député de Portneuf, qui présidait la commission, est présent, il a été témoin de nos échanges; il les a même menés de main de maître à certains moments, puisque, contrairement à ce que les gens qui nous écoutent pourraient penser, cette apparente belle entente que nous avions lors de la commission parlementaire n'était, en fait – et je rassure le ministre – qu'une trêve, de la nature de la trêve plutôt que de la nature de l'armistice. M. le Président, je rassure le ministre de la Sécurité publique immédiatement, j'ai l'intention de continuer à donner tout son sens à l'expression «critique de l'opposition officielle en matière de sécurité publique». Nos deux formations politiques sont trop éloignées, elles sont trop divergentes sur des questions comme l'avenir du Québec, sur des questions comme le rôle de l'État, sur des questions comme la façon de gérer, sur des questions comme la priorité qu'il faut donner aux défis de l'avenir pour que je m'endorme sur les belles paroles du ministre de la Sécurité publique.

(12 h 40)

Ceci étant dit, M. le Président, c'est vrai que je partage plusieurs des remarques qui ont été faites par le ministre de la Sécurité publique, notamment bien sûr sur le professionnalisme de la très grande majorité des policiers qui oeuvrent au Québec, fussent-ils membres de la Sûreté du Québec, fussent-ils membres de corps de police municipaux, fussent-ils membres de grands corps de police municipaux comme le SPCUM. Bien sûr, la très grande majorité d'entre eux font preuve d'un très grand professionnalisme. J'ai eu l'occasion cependant de le dire à certains moments au cours des différentes rencontres que nous avons eues dans l'étude du projet de loi n° 86, malheureusement, les minorités de bavures qui de temps en temps ont lieu au sein de ces organisations policières prennent tellement la vedette dans les médias, prennent tellement la vedette que souvent on a l'impression que ce sont les bavures qui sont les plus importantes, alors qu'en fait à chaque jour, à chaque heure, quelque part au Québec, il y a un policier qui s'illustre d'une façon ou de l'autre. De temps en temps, on le reconnaît publiquement lorsque les actions tiennent de l'héroïsme, mais, plus souvent qu'autrement, malheureusement, on n'a pas l'occasion de souligner le professionnalisme dont font preuve les policiers. Donc, sur cette question-là, je suis d'accord avec le ministre.

Il est vrai, M. le Président, qu'au cours de l'étude du projet de loi l'opposition officielle a suggéré un certain nombre d'amendements, particulièrement en ce qui concerne la déontologie et la conduite policière, et je pense que les policiers sont à même de le savoir, ils en ont déjà témoigné auprès du ministre et à mon endroit, l'Association des directeurs de police a déjà eu l'occasion d'en témoigner aussi à l'endroit du ministre et à mon endroit, il y a eu des améliorations importantes qui ont été apportées au cours de l'étude du projet de loi pour ce qui concerne les policiers eux-mêmes et la protection de leurs droits. Je reconnais que le projet de loi est une amélioration à beaucoup d'égards sur la situation qui existait auparavant, notamment en matière de formation policière, et là-dessus je pense que, le ministre et moi, nous nous entendons, bien que je sois obligé de dire qu'il subsiste des différences d'opinions qui sont fondamentales et qui vont faire en sorte que le projet de loi devra être adopté sur division.

D'abord, et je l'ai souligné à plusieurs reprises – ça va faire sourire le député de Portneuf qui présidait la commission – j'ai, à certains moments au cours de l'étude en commission parlementaire, lors des différentes interventions, mentionné l'agacement de l'opposition officielle en regard de la façon dont ce gouvernement légifère. Il faut savoir que ce gouvernement est passé maître dans l'art de se donner, dans le cadre de ses projets de loi, un pouvoir de réglementation, malheureusement, est passé maître aussi dans l'art de ne jamais dire, au moment de l'étude du projet de loi, ce qu'il entend mettre dans sa réglementation éventuellement. Je vous en donne un seul exemple. En ce qui concerne la formation des policiers, en ce qui concerne un certain nombre de cours qui devront être donnés aux policiers, tout va se faire par réglementation. Et, au moment où je vous parle, malgré mon insistance auprès du ministre pour savoir ce que dorénavant on allait enseigner à l'École de police, à deux semaines ou une semaine et demie de l'adoption du projet de loi, le ministre n'a pas été capable de me répondre. Alors, M. le Président, ça, c'est une frustration qui n'est pas une frustration de l'opposition officielle, c'est une frustration, je l'ai mentionné au ministre, des clientèles qui sont concernées par le projet de loi. Première différence fondamentale entre le gouvernement et l'opposition officielle.

La deuxième différence fondamentale entre le gouvernement et l'opposition officielle dans le cadre du projet de loi n° 86, c'est la création par le ministre de la Sécurité publique, par le gouvernement, du Conseil de surveillance de la Sûreté du Québec. J'ai indiqué à plusieurs reprises que l'opposition officielle était insatisfaite de la façon dont le ministre s'assurait du contrôle des élus sur la Sûreté du Québec. M. le Président, il n'est pas question de faire main basse sur la Sûreté du Québec, il n'est pas question de mettre en tutelle la Sûreté du Québec, il n'est pas question de contrôler la Sûreté du Québec, il est question que les élus, que les représentants de la population, à qui en définitive la Sûreté du Québec est redevable, que ces gens-là qui sont des élus, que, nous, les députés, puissions au minimum être capables d'être en mesure de questionner la direction générale de la Sûreté du Québec sur les suites, entre autres, qu'elle entend donner au rapport Poitras et les suites qui devront être permanentes au sein de l'organisation. Le ministre va nommer un conseil de surveillance lui-même de cinq membres, il va lui donner les mandats, et ça, ce n'est pas assez transparent pour l'opposition officielle. Nous n'avons pas pu réconcilier nos vues à la commission parlementaire, nous le déplorons.

Finalement, M. le Président, et je termine là-dessus, une autre différence. Nous avons réussi ce matin à nous rapprocher par le dépôt de l'amendement qui a été déposé tantôt, conditions d'embauche des policiers. Dorénavant, un candidat, pour être admis au sein d'un corps policier, qui aurait été condamné pour une infraction criminelle pourra se voir refuser l'embauche. Mais une personne qui aurait été condamnée pour des infractions criminelles alors qu'elle était d'âge mineur, c'est-à-dire alors qu'elle était d'âge de se présenter devant la Cour du Québec, chambre de la jeunesse – un service de police qui voudrait refuser une personne qui aurait été condamnée pour des infractions criminelles importantes – pourra tout de même être admise possiblement comme policier, parce que le ministre a refusé de resserrer la loi sur cet aspect-là.

M. le Président, nous avons indiqué au ministre, et nous avons des jugements qui témoignent de ce problème, qu'une personne d'âge mineur qui se verrait refuser l'embauche au sein d'un service de police pour le motif qu'elle a commis déjà des infractions criminelles qui, par une fiction juridique, lui sont effacées après une période de trois ou cinq ans, cette personne-là, donc, pourrait contester le fait qu'un service de police refuse de l'embaucher, parce qu'elle a le droit que les infractions criminelles qu'elle a commises lui soient pardonnées, si vous voulez me permettre cette expression-là, qui est une expression d'ordre juridique. Nous avons indiqué ce problème-là au ministre, l'Association des directeurs de police l'a indiqué au ministre, le Service juridique du Service de police de la Communauté urbaine l'a indiqué au ministre. J'ai insisté auprès de lui à plusieurs reprises pour qu'il règle ce problème-là. Il a choisi de ne pas le faire, il a choisi de ne pas déposer d'amendement, il a choisi de s'en remettre aux tribunaux pour régler cette question-là. Je suis obligé, au nom de l'Association des directeurs de police, au nom des policiers eux-mêmes, de déplorer cette attitude-là du ministre. Il va y avoir un certain nombre de problèmes d'ordre juridique qui vont être créés par cette attitude du ministre, et je suis malheureux et je déplore le fait que l'ouverture d'esprit qu'il a manifestée au cours de la commission n'ait pas eu de suite au moment de l'adoption en troisième lecture du projet de loi. Je dois donc le déplorer.

Alors, pour ces trois différences fondamentales, différence d'opinions sur la façon de légiférer de ce gouvernement-là, différence d'opinions sur la création du Conseil de surveillance, différence d'opinions sur les problèmes juridiques qui vont être créés pour les personnes qui pourraient vouloir être embauchées au sein d'un service de police et qui auraient commis des infractions criminelles alors qu'elles étaient d'âge mineur, malheureusement, M. le Président, l'opposition officielle devra faire valoir sa désapprobation de l'adoption du projet de loi n° 86, et donc ce sera sur division que le projet de loi sera adopté, puisque le gouvernement a la majorité, ce que nous souhaitons dans une période plus ou moins longue, que cette situation-là soit changée par la population, nous n'en doutons pas.

Le Vice-Président (M. Pinard): Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 86?


Mise aux voix

Le projet de loi n° 86, Loi sur la police, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. L'article 45, M. le Président.


Projet de loi n° 128


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 45 de votre feuilleton, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance propose l'adoption du projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 128? Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 128 vient modifier la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance. Ce projet de loi a pour but de prolonger au 31 août 2002 la période durant laquelle une commission scolaire peut soit conserver son permis de garderie ou soit en obtenir le renouvellement. Au-delà du 31 août 2000 prochain, qui s'en vient, certaines garderies opérées par des commissions scolaires ne pourront offrir leurs services, à moins d'adopter cette modification législative prolongeant la période transitoire prévue. Alors, le projet de loi actuel propose donc le prolongement du délai consenti à ces garderies pour se transformer en centres de la petite enfance.

(12 h 50)

La modification législative dont nous proposons l'adoption touche neuf garderies de la grande région de Montréal. Elle pourrait à cet égard sembler relativement mineure à première vue. Il s'agit, bien au contraire, d'une mesure importante, d'autant plus importante qu'elle va permettre d'assurer la continuité des services de garde éducatifs pour quelque 300 enfants. Alors, c'est le pourquoi de ce projet de loi n° 128, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance et également députée de Pointe-aux-Trembles. Nous allons maintenant céder la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce et critique officiel de l'opposition en matière de famille et d'enfance. Alors, M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour d'indiquer tout de suite que l'opposition officielle va appuyer l'adoption du projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance, Bill 128, An Act to amend the Act respecting the Ministère de la Famille et de l'Enfance. Tel que l'a indiqué la ministre, le but du projet de loi, c'est de prolonger une période de transition pendant deux ans afin que, pour trois permis de garderie détenus par trois commissions scolaires qui opèrent neuf garderies, on puisse analyser la nécessité de transformer ces trois garderies-là en centres de la petite enfance, tel qu'exigé par la loi.

On se souvient, M. le Président, qu'en 1997 les garderies avaient jusqu'en 1999 pour effectuer cette transformation-là, et par ailleurs il y a une confusion, ça ne touche aucunement les services de garde en milieu scolaire. Je suis moi-même, à un moment donné, tombé dans cette confusion, mais il s'agit vraiment des garderies qui sont opérées par trois commissions scolaires, et qui reçoivent des enfants hors d'âge scolaire, et qui opèrent comme une garderie dans le sens du terme. Alors, la loi, en 1997, prévoyait une période de transition de deux ans jusqu'en 1999.

L'année passée, M. le Président, à presque pareille date, la ministre a proposé le projet de loi n° 26 qui, lui, il y a un an, prolongeait jusqu'au 31 août 2000 cette période pour que le ministère puisse évaluer la pertinence de procéder avec ces transformations-là avec le milieu, et je pense que c'est important de souligner que les parents impliqués dans les garderies sont également très impliqués dans le processus. Alors, il y a un an, on a accordé ce temps supplémentaire, ce délai supplémentaire au 31 août 2000. Là, on s'aperçoit, pour diverses raisons, que la période de prolongation d'un an n'était pas suffisante, on donne encore deux ans pour régler la situation. Tout ce qu'on souhaite, de ce côté de la Chambre, c'est qu'une solution définitive soit apportée le plus rapidement possible. On est d'accord avec cette prolongation pour la période de transition, mais il faudrait à un moment donné que et les parents et le ministère se penchent sur une solution définitive. Je crois bien qu'on va avoir le temps de le faire au 31 août 2002 et je suis convaincu qu'ensemble le ministère et les parents impliqués vont trouver une solution définitive.

Je prends acte de l'ouverture de la ministre, lors de la commission parlementaire, qui a indiqué très franchement que le ministère est en train d'évaluer s'il faut vraiment procéder à la transformation, ou elle est également ouverte à la possibilité que les commissions scolaires continuent de détenir ces permis de garde, parce qu'il y a la dynamique du conseil d'établissement qui est impliqué, il y a déjà un rôle de parents impliqués dans la gestion de la garderie. Alors, il se peut que ce ne soit pas nécessaire d'imposer cette transformation. Et je comprends que le ministère et la ministre vont regarder cette situation pour en arriver à une conclusion définitive pour le 31 août 2002.

M. le Président, on appuie cette période de transition tout en rappelant qu'il faudrait à un moment donné qu'on se penche véritablement sur la question, parce qu'on ne peut pas permettre à la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance de dire une chose et d'avoir des exceptions ad infinitum dans la loi. Alors, nous allons donner notre accord à cette période de transition en vous indiquant et en indiquant à la ministre, comme on l'a déjà fait en commission parlementaire, qu'il faudrait que cette question soit réglée définitivement à l'intérieur de ce délai de transition accordé par le projet de loi n° 128. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 128? Alors, madame, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre réplique?

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Non plus?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: On suspend. On va suspendre jusqu'à 15 heures, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous suspendons donc nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

(Reprise à 15 h 13)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, bon après-midi à vous tous et toutes. Si vous voulez prendre place.

Merci beaucoup. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, nous souhaitons prendre en considération le projet de loi n° 125. Je vais donc vous référer à l'article 39 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 125


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 39, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 125, Loi sur l'exercice des activités de bourse au Québec par Nasdaq. M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Alors, M. le Président, on a déjà, en commission, été assez loin avec le projet, article par article. L'opposition officielle a fait connaître sa version, qui, sur le fond des choses, je le vois bien, ne diffère guère de la nôtre. Les nuances à apporter, ma collègue les apportera elle-même.

Essentiellement, si nous avons pu attirer au Québec cette extraordinaire Bourse qu'est Nasdaq, c'est parce que nous avons pu agir vite. Le mot-clé, ça a été la rapidité. Alors, il est vrai que pour faire cela nous avons dû contourner notre instance réglementaire habituelle, pour laquelle nous avons le plus grand respect mais qui, si nous n'avions pas légiféré, aurait dû tenir des auditions publiques, entendre tout le monde, bref, empêcher que les terminaux de Nasdaq soient opérationnels en septembre, ce qui est notre objectif.

Cela dit, Nasdaq monde va continuer à évoluer. Nasdaq monde... Ce n'est pas la Commission des valeurs mobilières du Québec qui va régir ce vaste ensemble planétaire, mais les lois de la Commission des valeurs mobilières du Québec vont s'appliquer à la protection de nos consommateurs, à nos sociétés qui vont s'inscrire à Nasdaq quand ce sera une Bourse qui acceptera les inscriptions, c'est-à-dire au début de 2001.

Alors, c'est ça, essentiellement. Et je réitère que je souhaite que notre Assemblée fasse le plus vite possible, puisque le rythme et la rapidité sont de l'essence de l'opération.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre des Finances. Nous poursuivons le débat sur la prise en considération du rapport de la commission, et je cède la parole à Mme la porte-parole officielle de l'opposition en matière de Finances et Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée, je vous écoute.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, tout comme ce que vient de dire le ministre des Finances, la venue de Nasdaq est en soi une très bonne nouvelle, une bonne nouvelle non seulement pour Montréal, mais pour le Québec et pour le Canada.

En effet, M. le Président, Nasdaq est une Bourse qui a grossi à une vitesse vertigineuse. Ça a grossi à une vitesse vertigineuse, et ce qu'on oublie souvent, c'est que Nasdaq existe depuis 1971, sauf que c'est l'arrivée des nouvelles technologies, des entreprises, des compagnies de nouvelles technologies qui se sont d'abord inscrites à Nasdaq qui a fait que Nasdaq a pris la renommée qu'on lui connaît aujourd'hui et les déboires qu'elle a connus récemment, puisque, évidemment, on sait que le marché s'est beaucoup... pas effondré, mais a diminué d'à peu près 25 % et que Nasdaq a eu également quelques problèmes au niveau technologique, au niveau de l'informatique. Mais rappelons-nous que Nasdaq a aujourd'hui à peu près 8 400 titres, et, depuis cinq ans, c'est là qu'il y a eu le plus grand accroissement de titres qui se sont inscrits sur une Bourse.

Ce qui paraît parfois étonnant, c'est qu'on a souvent l'illusion et on a la croyance que Nasdaq s'intéresse principalement aux grands titres, aux grandes compagnies, probablement parce qu'on associe Nasdaq à Microsoft, n'est-ce pas, là, Bill Gates qui a envahi le monde avec toute la technologie informatique. Or, je regardais les statistiques, et, M. le Président, plus de... quelque chose comme... Attendez. 30 % sont des compagnies avec des valeurs de moins de 50 millions de dollars. Alors, c'est donc que c'est une Bourse qui a réussi à attirer des entreprises novatrices et qui ont su donner la possibilité, les liquidités nécessaires pour que ces entreprises se développent.

Évidemment, la première qui devrait naître, ce sera Nasdaq Montréal, qui va donner accès à Montréal, avec tous ses ordinateurs, et donc les courtiers y auront accès, bien sûr. Rappelons-nous qu'il y avait déjà des entreprises québécoises qui étaient inscrites à Nasdaq, il y en avait 17 environ, et, au Canada, il y avait plus de 100 entreprises – je pense que c'est à peu près 135 ou 136 – qui étaient déjà inscrites. Mais, par ailleurs, l'avantage d'avoir Nasdaq à Montréal, c'est qu'on va devoir désormais passer par des courtiers à Montréal, on va devoir également embaucher des avocats de Montréal et embaucher des experts de Montréal. Donc, ça a une grande valeur pour Montréal que d'avoir Nasdaq qui se situe à Montréal.

On se rappelle, M. le Président, que le ministre avait été pris un peu par la porte d'en arrière parce que rappelons-nous qu'il voulait garder les titres jusqu'à 500 millions à la Bourse de Montréal, ne voyant pas des vertus, à l'époque, aux produits dérivés. Il s'est rallié depuis. Il espère que les produits dérivés donneront des résultats.

Moi, je fais bien confiance à ce secteur parce que je pense que non seulement c'est un secteur en croissance, je pense que ce sont des produits à ce moment-là qui appartiennent à la Bourse, et donc que ce ne sont pas des produits qu'on peut déménager du jour au lendemain. Une autre Bourse peut développer un produit semblable, mais il y a des habitudes, il y a des traditions qui s'établissent, si bien qu'un produit développé, comme ça s'est fait, à la Bourse de Montréal, ça appartient à la Bourse de Montréal, et donc c'est un produit qui reste chez nous et qui risque de rester chez nous plus longtemps.

(15 h 20)

On parle bien sûr de la Bourse Nasdaq Canada qui naîtrait apparemment au printemps l'an prochain. Les modalités ne sont pas déterminées, elles seront définies plus tard. Nous, on avait estimé que le ministre des Finances se donnait beaucoup de marge de manoeuvre dans la démarche et, par conséquent, c'est pour ça que nous avions exprimé des réserves. Les réserves que nous avons exprimées, c'est que bien sûr qu'inviter une Bourse à venir s'installer à Montréal, bien, peut-être qu'il fallait faire rapidement, sauf que toutes les Bourses dans le monde sont en train de se fusionner ou de bâtir des alliances, et les discussions ordinairement prennent plusieurs mois.

Or, nous, parce qu'on a voulu faire vite, je pense qu'on l'a fait au détriment d'une institution chez nous, notamment la Commission des valeurs mobilières, qu'on a entendue ici, en commission parlementaire, pour examiner non seulement le mandat et la mission, mais le fonctionnement de cette Commission des valeurs mobilières. Or, le ministre des Finances a cru bon de court-circuiter la Commission des valeurs mobilières, estimant que c'était trop urgent, alors que la Commission des valeurs mobilières était intervenue et avait tenu des audiences dans le cas de spécialisation des Bourses. Rappelons-nous le grand projet qui avait fait que Toronto devenait la Bourse des actions, Montréal les produits dérivés et la Bourse de l'Ouest qui s'occupait des titres à plus faible capitalisation.

Du début à la fin, j'étais très renversée, très étonnée, parce que, dans ma mémoire, ça avait pris plusieurs mois, et j'avais l'impression que ça avait pris cinq, six mois. Or, à ma grande surprise, du début à la fin de l'opération, pour la spécialisation des Bourses, ça avait pris tout au plus trois mois.

Alors, M. le Président, moi, quand je pense à trois mois pour établir ou instaurer une Bourse à Montréal et l'attitude ou le mépris que l'on dénote à l'endroit de la Commission des valeurs mobilières quand on la court-circuite, je ne suis pas sûre que ça valait ce prix-là. Je ne suis pas sûre, parce que la Commission des valeurs mobilières, c'est un outil, c'est un organisme qui est très important dans le secteur financier, et le secteur financier, c'est un secteur qui est basé sur la confiance. C'est donc dire que, si on commence à se comporter de façon non régulière, on envoie un message surprenant au secteur autour de nous, le secteur financier.

Bien sûr, dans ce cas-ci, le secteur financier s'est réjoui d'avoir Nasdaq à Montréal, et, par conséquent, bien il y a un peu une dichotomie: Comment pouvons-nous nous réjouir que Nasdaq arrive à Montréal et, par ailleurs, se dire qu'on n'est pas très content parce qu'on ne suit pas le processus normal d'une telle opération? Je suis d'accord, M. le Président, qu'il semble y avoir des contradictions, mais j'estime qu'il eût été possible de faire une entente avec la Commission des valeurs mobilières pour qu'elle procède le plus rapidement possible. On aurait entendu à ce moment-là les critiques – s'il y en avait eu – et il aurait fallu que les gens donnent leur vrai portrait.

Étaient-ils pour ou étaient-ils contre ce projet de loi ou cette arrivée de Nasdaq à Montréal? Il aurait fallu que les gens se prononcent, et parfois des gens qui avaient peut-être des doubles allégeances, puisque ce sont des grosses maisons de courtage qui, bien sûr, sont également établies à Toronto et auraient peut-être été embarrassées à l'occasion, mais il faut à un moment donné que le chat sorte du sac et qu'on dise ce qu'on pense: Est-ce que c'est bon d'avoir Nasdaq à Montréal? Oui, c'est bon. Est-ce que c'est bon de l'avoir au Québec? Oui, c'est bon. Est-ce que c'est bon que Nasdaq soit au Canada? Oui, c'est bon.

Alors, M. le Président, ce que je voulais dire, et comme le ministre l'a souligné: je me suis réjouie que Nasdaq arrive à Montréal, je me suis réjouie des efforts qui ont été faits pour essayer d'attirer Nasdaq à Montréal, et c'est la raison pour laquelle nous avons appuyé ce projet de loi. Nous l'appuyons fortement, sauf que je soulève les réserves. Je les ai soulevées à plusieurs reprises à l'endroit... dans le processus, la façon avec laquelle on a décidé de donner suite à ce projet de loi. Je pense qu'il eût été plus sage de procéder normalement et de passer par la Commission des valeurs mobilières. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?


Mise aux voix du rapport

Alors, le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 125, Loi sur l'exercice des activités de bourse au Québec par Nasdaq, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, une autre prise en considération. Donc, je vous réfère à l'article 32 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 94


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 32, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 94, Loi sur l'administration financière, ainsi que l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre des Finances. Cet amendement est déclaré recevable. Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur cet amendement? M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Cette loi n° 94 s'inscrit dans une trilogie de trois projets de loi qui visent à améliorer le fonctionnement de notre État national, à le rendre plus moderne. Plusieurs des dispositions que nous allons modifier avaient été adoptées au cours des années, mais au cours d'années assez lointaines. On parle des années soixante-dix, en vérité, quand l'État a commencé à prendre l'ampleur qu'on lui connaît aujourd'hui. Alors, il y a donc trois projets de loi devant notre Assemblée: le n° 82, sur l'administration publique, qui a été sanctionné le 30 mai 2000; le n° 92, sanctionné le 16 décembre 1999; et le n° 94, qui vient compléter le portrait, qui vient compléter le triptyque, la Loi sur l'administration financière.

Encore une fois, c'est une loi extrêmement technique qui vient remplacer l'ancienne loi qui datait des années soixante-dix. Elle permet de réviser plusieurs dispositions administratives pour permettre une gestion moderne et évolutive du trésor public et de la dette publique. Et, compte tenu que ce projet de loi vient compléter une trilogie de réformes, je suis heureux de le recommander à l'Assemblée. Je souhaite que nous puissions l'adopter d'ici la fin de la présente session pour que, dès l'été, se mettent en place les nouvelles moeurs administratives, les nouvelles pratiques administratives, les nouveaux modes de gestion qui vont avec ces trois lois de notre Assemblée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre des Finances. Nous en sommes à l'étape de la prise en considération du rapport sur le projet de loi n° 94, et je cède la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances et députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée, je vous écoute.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, ce projet de loi, comme le disait le ministre des Finances, s'inscrit au sein d'autres lois qui existaient et qui existent toujours. Et il y en a déjà, des projets de loi: le projet de loi n° 92, qu'on a voté en décembre dernier; il y a le projet de loi n° 9, Financement-Québec; et il y a eu d'ailleurs un autre projet de loi, l'administration publique.

Moi, j'aimerais exprimer deux réserves à l'endroit de ce projet de loi. On a parlé d'une cure de rajeunissement, on veut rajeunir nos lois et, à cet égard, on ne peut que se réjouir de rajeunir nos lois. Je pense que, effectivement, le monde dans lequel on vit évolue, l'État évolue, tout l'appareil gouvernemental évolue, la façon de tenir les livres, le trésor, la dette. Tous ces volets, bien sûr, méritent qu'on mette à jour les lois qui nous dirigent.

Or, ce qui me frappe, moi, c'est que j'aurais cru qu'en modernisant on aurait simplifié. Alors, ce qui me frappe... Je regardais ce projet de loi n° 94, il y a 150 quelques articles. Le projet de loi n° 92, je ne sais pas combien il y a d'articles, mais il y en a plusieurs. Le projet de loi n° 82, 200 articles. Et, moi, je me demande jusqu'à quel point, en voulant rajeunir, on n'a pas rendu cette loi encore plus complexe que ce que c'était antérieurement.

C'est bien sûr qu'il faut que l'État et les règles et les façons de faire soient clairs, soient bien articulés pour que le législateur puisse suivre tout ça, mais il n'en demeure pas moins que, quand je nous vois ici, dans cette Assemblée nationale, rédiger des lois avec des nombres d'articles incroyables, qu'on additionne année après année, moi, tout à coup, je commence à me poser la question: Comment le citoyen peut-il se retrouver dans tout ça? Alors, c'est le premier aspect qui soulève, dans le fond, les réserves que j'exprime à l'endroit de tous ces projets de loi qu'on nous a soumis cette année.

(15 h 30)

Le deuxième volet, M. le Président, qui m'apparaît plus inquiétant, c'est le chapitre IV. C'est le chapitre qui touche à l'accès à l'information, chapitre par lequel on permet de transférer de l'information d'un ministère à un autre ministère. Et, encore à l'intérieur de ce chapitre, le ministre peut faire demande de toute information qu'il juge nécessaire pour l'administration publique. Or, on sait, M. le Président, les inquiétudes que nourrissent les citoyens à l'endroit de cette espèce de vie que nous menons, qui est presque une verrière où on se sent de plus en plus examinés, connus, analysés, étiquetés, et de plus en plus les citoyens deviennent inquiets à ce sujet. Or, l'instrument le plus important pour avoir accès à de l'information, à de l'information qui nous touche, bien sûr, c'est le gouvernement, c'est le gouvernement qui a, par l'intermédiaire de plusieurs ministères, notamment le ministère du Revenu, quand on pense, par exemple, au ministère où on donne des données suite à l'aide sociale... Vous avez le ministère de l'Éducation qui fait de la collecte de données, vous avez nombre de ministères qui doivent bien sûr collecter de l'information, et l'État, omniprésent et très puissant, pourra désormais avoir accès à beaucoup d'informations.

Je veux exprimer, M. le Président, des réserves qu'avait mentionnées le Protecteur du citoyen, M. Jacoby, déjà en 1996. Même si on a apporté des correctifs, je relisais des notes de M. Jacoby et il nourrissait toujours quelques réserves à l'endroit du projet de loi n° 94 et en particulier du chapitre IV. C'est donc dire que, si le Protecteur du citoyen exprime des réserves, je pense qu'on doit s'inquiéter un peu, on doit s'inquiéter même peut-être beaucoup et il faut bien sûr qu'on soit aux aguets parce que c'est le monde dans lequel on vit, c'est le monde dans lequel on va vivre de plus en plus, un monde qui va se permettre de divulguer de l'information qui est parfois extrêmement confidentielle.

Alors, d'une part, M. le Président, comme je disais, c'est l'épaisseur de toutes ces lois-là, le nombre d'articles que je trouve détestable, et le deuxième volet, c'est bien sûr ce chapitre IV au niveau de l'accès à l'information qui, ma foi, donne beaucoup trop de pouvoirs au gouvernement, en particulier au ministre des Finances, mais même à des ministres, ministères qui peuvent faire la demande de transférer de l'information d'un ministère à un autre. Alors, c'est la raison, en particulier à cause du problème d'accès à l'information, pour laquelle bien sûr on ne peut pas appuyer ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?


Mise aux voix de l'amendement du ministre

Est-ce que l'amendement proposé par M. le ministre des Finances est adopté? Adopté sur division.


Mise aux voix du rapport amendé

Le rapport, tel qu'amendé, de la commission des finances publiques portant sur le projet n° 94, Loi sur l'administration financière, est-il adopté? Adopté sur division. Madame, adopté sur division? Adopté sur division. Bon après-midi, M. le ministre. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Merci, M. le Président. Pour une autre prise en considération, cette fois-ci le projet de loi n° 100, donc je vous réfère à l'article 33 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 100


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 33, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le ministre de l'Éducation, la parole est à vous.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Le 21 mars dernier, le gouvernement a déposé ici le projet de loi n° 100 qui est une loi qui vient modifier la Loi sur les fondations universitaires. C'est un projet de loi qui est très technique. Ce qu'on souhaite avoir avec cette loi, c'est de pouvoir tenir, comme on le fait dans beaucoup de conseils d'administration dans les entreprises, des réunions par conférence téléphonique ou par des moyens où on peut communiquer oralement.

Et la seule précision que j'ajouterais, c'est que cette loi, donc, va permettre que ces conseils d'administration des fondations universitaires se tiennent à la condition que tous les membres du conseil d'administration y consentent. S'il y a un des membres qui n'y consent pas, on aura les réunions traditionnelles. Donc, physiquement, les gens devront se rencontrer. Je pense que c'est une demande qui a été faite par les universités et je pense qu'elles vont être très satisfaites de cette modification technique qui, je le souligne, a été approuvée à l'unanimité par les membres de la commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Un simple rappel, que nous en sommes à la prise en considération du projet de loi n° 100, et je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. La parole est à vous, M. le député.

M. Béchard: Oui, M. le Président. On a droit à 30 minutes, je crois, à cette étape-ci?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous pouvez prendre 30 minutes, si vous voulez.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Trente minutes? Parfait. Merci. M. le Président, quelques mots sur le projet de loi n° 100, projet de loi modifiant les fondations universitaires, seulement quelques mots pour indiquer qu'effectivement, tel que l'a mentionné le ministre de l'Éducation, ce projet de loi là a pour but de faire en sorte que les rencontres, les réunions du conseil d'administration des fondations pourront se faire par de nouveaux moyens, moyens téléphoniques ou encore téléconférences.

Et je vous dirais simplement quelques mots, que, s'il y a un moyen pour l'Assemblée nationale de faire en sorte que, ces gens-là qui travaillent souvent de façon bénévole à recueillir des fonds, à aller chercher de l'argent, on puisse faire en sorte de leur simplifier la vie et de faire que ce soit plus facile pour eux de travailler, que ce soit moins compliqué tout en étant tout aussi efficace, bien, M. le Président, effectivement, l'opposition, dans son habituelle approche constructive, est d'accord avec ce projet de loi là, et ça va nous faire plaisir d'appuyer l'étape du dépôt du rapport. Il n'y a pas eu d'amendement de déposé. Il y a eu des discussions en commission parlementaire, mais il n'y a pas eu d'amendement comme tel. Donc, à ce moment-ci, nous sommes prêts à passer à une autre étape. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les fondations universitaires, est-il adopté? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, puisque nous sommes si bien partis pour ce qui est des prises en considération, je vais vous en suggérer une suivante. Cette fois-ci, je vous réfère à l'article 34, le projet de loi n° 111.


Projet de loi n° 111


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 34, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le ministre de l'Éducation, la parole est à vous.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. Ce projet de loi vient apporter une solution à un problème qui origine initialement de l'incapacité pour deux commissions scolaires de s'entendre sur le partage d'édifices, c'est-à-dire que, d'un côté, on a des édifices qui ne sont pas pleinement utilisés et, de l'autre côté, on a besoin d'édifices pour répondre aux besoins des étudiants. Donc, je pense que, sur cette première partie du projet de loi, on s'était entendus en commission parlementaire avec l'opposition pour dire que c'est nécessaire d'avoir un projet de loi pour transférer une des écoles. Ici, on a deux écoles, c'est-à-dire l'école Emily Carr ou l'école Francesca Cabrini, qui devront être transférées d'ici le 30 juin, et, s'il n'y a pas de choix de fait, donc je devrai à ce moment-là trancher pour choisir laquelle des deux écoles sera transférée pour répondre aux besoins de la commission scolaire de Montréal. Je pense que, sur cette première partie du projet de loi, tout le monde s'entend.

On a prévu aussi, M. le Président, une deuxième partie du projet de loi pour éviter que se reproduise ce genre de difficulté à l'avenir, donc pour donner au ministre les pouvoirs nécessaires pour faire ce transfert. On sait et on se rappellera qu'il y a déjà des pouvoirs qui sont donnés au ministre de l'Éducation dans le cas de territoires de commission scolaire. Je pense que c'est normal, dans le cas où on a des bâtiments – c'est déjà arrivé à quelques reprises – qui ne sont pas d'un côté pleinement utilisés par une commission scolaire mais où il y a des besoins de l'autre côté, que, s'il n'y a pas d'entente, bien, pour ne pas créer d'incertitude chez les parents qui, si on prend l'exemple qui nous concerne ici, devront attendre au mois de juillet pour savoir où iront leurs enfants, pour éviter ce genre d'incertitude, on suggère donc dans le projet de loi de mettre en place un mécanisme pour donner le pouvoir au ministre de l'Éducation d'effectuer ces transferts lorsque c'est dans l'intérêt public de tous les citoyens du Québec.

Donc, c'est en quelques mots ce qu'on retrouve dans ce projet de loi, et j'espère qu'on pourra passer rapidement à une prochaine étape pour arriver à l'adoption et permettre aux enfants et aux parents de savoir à quoi s'en tenir pour la rentrée qui vient en septembre. Merci, M. le Président.

(15 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Sur ce même sujet, je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière d'éducation et député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député, je vous écoute.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. À mon tour d'intervenir sur l'adoption du rapport du projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique.

D'abord, effectivement, sur la première partie du projet de loi, je pense que tous et toutes là-dedans sont préoccupés de ce dossier-là et ont tenté, au cours de la dernière année, de trouver des solutions. Cependant, je vous dirais qu'effectivement il semble y avoir des problèmes, des conflits entre les deux commissions scolaires. Ce que nous avons relevé à plusieurs reprises est de savoir: Est-ce que vraiment le ministre de l'Éducation a tout fait ce qu'il était possible de faire pour régler cette situation-là avant d'en arriver à un projet de loi?

Lors des commissions parlementaires, M. le Président, il y a certains points qui ont été relevés par moi ainsi que par mes collègues de Mont-Royal et de Notre-Dame-de-Grâce. Ces points-là se résument, je dirais, rapidement en deux éléments majeurs. En ce qui a trait à mon collègue de Mont-Royal, la problématique qu'il a défendue est surtout la suivante, c'est-à-dire: même si on fait ce transfert-là, il y aura toujours un manque d'espace à l'automne prochain pour les enfants du quartier Côte-des-Neiges, un manque d'espace important et un manque d'espace qui va faire en sorte qu'on ne pourra pas uniquement par des transferts d'écoles régler la situation. Donc, il faut envisager des constructions, il faut envisager des agrandissements, et là-dessus je pense que le ministre de l'Éducation est aussi d'accord avec ce fait-là, que ce n'est pas uniquement en transférant les écoles dont il est question ici qu'on va régler le problème comme tel.

En ce qui a trait à mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, ce qui a été relevé surtout de son côté a été de dire: Dans le délai qu'on a dans la situation, avec ce projet de loi là, M. le Président, il ne semble pas, à l'évidence, que les commissions scolaires vont s'entendre avant le 30 juin, tel que prévu dans le projet de loi. Donc, ça veut dire que, dans les premiers jours de juillet, après le 1er juillet, après la fête du Canada, le ministre, en rentrant au bureau, aura la tâche de décider – et après avoir fêté comme il se doit sûrement ces fêtes-là – entre les deux écoles qui sont là, laquelle sera transférée et, même là, donc, on est rendu au début juillet pour l'automne prochain. Ce que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce disait, c'est: Est-ce que c'est assez pour réussir à procéder à une rentrée scolaire à l'automne qui ne viendra pas remettre en question ou qui ne portera pas atteinte à la réussite scolaire durant ces premiers mois là, c'est-à-dire au niveau du transport, au niveau des inscriptions, au niveau du changement, je dirais, dans certains cas, de quartier ou de trajet pour aller à l'école? Le ministre de l'Éducation, quels sont les moyens qu'il va mettre en place pour faire en sorte que la rentrée scolaire se déroule comme prévu malgré le changement et malgré les choix qui seront faits?

Là-dessus, il semble que toutes sortes de solutions auraient pu être envisagées, et une de ces solutions-là au coeur du problème... On sait que, pour céder un immeuble, c'est toujours embêtant pour une commission scolaire. La commission scolaire se dit: En cédant un immeuble comme tel, je perds une bâtisse, il y a toute la question des sommes, des indemnités qui doivent être versées, donc ce n'est pas toujours évident. Il semble qu'il y aurait eu des hypothèses, entre autres sur le fait que, oui, il peut y avoir une cohabitation dans certains endroits, mais à condition que la commission scolaire demeure propriétaire de l'école comme telle, garde la propriété. Il semble que la commission scolaire anglophone était ouverte à ça. Mais, finalement, on arrive avec cette solution-là malgré de nombreuses questions. Moi-même, les questions que je me demandais là-dessus, c'était que c'est extrêmement important de savoir de la part du ministre de l'Éducation quelles seront les mesures particulières qu'il va prendre, comment on va informer les parents. On sait qu'il aime bien envoyer des lettres aux parents. Est-ce qu'il y a des lettres aux parents qui vont être envoyées pour les informer de la décision de la nouvelle école, et des procédures d'inscription, et tout ça, donc les différentes modalités qu'il va mettre en place pour la rentrée scolaire?

Ce qui est aussi ressorti lors de la commission parlementaire, M. le Président, c'est le fait qu'on se doit, dans ce cas-là, de vraiment regarder – et là-dessus on a essayé d'avoir une primeur de la part du ministre mais on ne l'a pas eue – à savoir, des deux écoles en jeu, là, selon quels critères il allait décider. Bien sûr qu'il ne nous a pas dit laquelle des deux écoles serait transférée, il ne l'a pas annoncé encore, mais je pense que, là-dedans, ce qu'il faut prendre en considération en premier lieu, c'est d'abord et avant tout, je dirais, la qualité des lieux et les possibilités pour l'avenir et pour le développement pour les enfants, pour les jeunes qui auront à fréquenter ces écoles-là, et surtout pour la capacité de ces bâtisses-là de s'adapter à des changements de clientèle, que ce soit une décroissance ou une augmentation de clientèle, et j'ose espérer que les études démographiques des quartiers en question seront aussi prises en considération avant qu'on procède au transfert comme tel.

Mais, dans le fond, M. le Président, on a discuté assez longuement là-dessus, on a posé plusieurs questions, mais ce qui accroche plus dans ce projet de loi là... Parce que je l'ai offert à un moment donné au ministre, je pense, si je me souviens bien, de mémoire, et je vois la vice-présidente de la commission de l'éducation qui présidait à ce moment-là. Je pense que vers 16 h 20, si ma mémoire est bonne. J'ai dit au ministre de l'Éducation: Bien, on pourrait adopter le projet de loi immédiatement, si vous êtes d'accord, pour retirer l'article 7 qui, lui, se veut un article à travers lequel le ministre de l'Éducation vient de se donner le pouvoir à lui seul de procéder dans l'avenir à des décisions pour céder un bâtiment d'une commission scolaire à une autre sans avoir besoin de revenir à l'Assemblée nationale. Et ce que mes collègues soulevaient et que, moi aussi, je soulevais, c'est: Est-ce que ces situations-là, c'est-à-dire de projets de loi qui sont nécessaires parce que les commissions scolaires ne sont pas capables de s'entendre sur un transfert d'école, est-ce que c'est un projet de loi qui arrive souvent? Est-ce qu'on en a à toutes les sessions? Est-ce qu'on en a à tous les ans? Et est-ce que c'est vraiment problématique? Bien, il semble que le dernier projet de loi en ce sens-là avait été présenté en 1996, donc ce n'est pas une situation qui arrive tous les jours et ce n'est pas une situation qui arrive régulièrement.

Mais, malgré ça, le ministre de l'Éducation a décidé, pour sa part, que dans l'avenir il déciderait lui-même de faire les recommandations qui s'imposent au gouvernement pour qu'il puisse transférer les écoles d'une commission scolaire à l'autre sans qu'il ait besoin de revenir devant l'Assemblée nationale pour en discuter. Ça, ça veut dire, M. le Président, qu'à l'avenir les députés qui se retrouvent dans une circonscription électorale où il pourrait y avoir ces changements-là d'école d'une commission scolaire à l'autre n'ont à peu près plus rien à dire là-dedans parce que le ministre de l'Éducation... Et ça, l'article 7 l'indique au paragraphe 477.1.1, que sur une «recommandation du ministre, le gouvernement peut, s'il estime que l'intérêt public le justifie et afin de favoriser une gestion efficace [...] des immeubles [...] ordonner que la propriété d'un immeuble appartenant à une commission scolaire soit transférée à une autre commission scolaire afin qu'elle y établisse un établissement d'enseignement». Donc, c'est le ministre qui est le seul garant de décider à partir de quel moment il va y avoir un transfert d'école.

Et ce qui est un peu inquiétant là-dedans, c'est qu'on a demandé au ministre de l'Éducation: C'est bien beau qu'un jour vous vous leviez, que vous disiez: C'est aujourd'hui, il en va de l'intérêt public, et on procède au changement, mais quel est le processus qui va être avant? Est-ce que vous allez avoir des consultations? Est-ce que vous allez informer les gens? Est-ce que vous allez entendre des groupes, des gens? Quels seront la place et le rôle des députés concernés dans ces cas-là? Et ce ne fut pas très clair comme réponse, M. le Président, en ce qui a trait au transfert et à qu'est-ce qui fait qu'un jour le ministre de l'Éducation décide qu'il change l'immeuble et qu'il transfère l'immeuble d'une commission scolaire à une autre.

(15 h 50)

Un autre point important qui a été soulevé est celui relié au versement de l'indemnité, et là-dessus l'argumentation du ministre était de dire: Bien, c'est difficile de dire dans un projet de loi ce qui va être à la base du fait qu'on verse ou qu'on ne verse pas une indemnité et quel en sera le montant. Bon, soit, c'est ce qu'il a mentionné, mais, quand même, quand on l'a regardé puis qu'on a dit: Dans l'avenir, les parlementaires, l'Assemblée nationale, au moment où on veut revaloriser le rôle du député, l'Assemblée nationale n'aura plus rien à dire en ce qui a trait au changement de propriété d'une école d'une commission scolaire à une autre, bien, c'est un élément, M. le Président, qui a soulevé de nombreuses questions de la part de l'opposition et qui a fait en sorte que, pour l'article 7, le projet de loi comme tel a été adopté sur division en commission.

Il y a un autre élément aussi quand on parlait de la consultation des députés. Dans tout ce processus de cession d'une école à une autre commission scolaire, il est très difficile et très dur de voir quelle sera la place des parents là-dedans, quelle sera la place des comités de parents. Est-ce qu'on va être en mesure de dire si les parents vont être consultés, s'ils ne seront pas consultés, si on va y aller, par exemple, au niveau des commissions scolaires? Comment tout ça va se passer? Puis il semble que, dans le projet de loi comme tel, autant il n'y a pas de réponse, autant dans le discours et les réponses du ministre en commission parlementaire il n'y avait pas non plus de réponse à ce sujet-là. Donc, M. le Président, le ministre est demeuré très large là-dessus.

Comme on a mentionné en commission parlementaire, on veut bien que ce projet de loi là, en ce qui a trait à la première partie, soit adopté selon les normes. Ça n'a pas été très long, on a eu des discours, je pense, d'une longueur raisonnable. On a passé un après-midi sur le projet de loi en commission parlementaire, plus quelques heures. Mais, étant donné que c'est une situation importante, hein – les écoles au Québec, c'est un bien public, c'est un bien qui appartient à tout le monde, le ministre aime bien le répéter, tout le monde paie des taxes pour avoir des écoles – bien, nous, on trouve un peu curieux qu'il y ait une partie de ce projet de loi là qui vise à faire en sorte que les représentants de la population, les représentants des Québécois et Québécoises, c'est-à-dire leur députés à l'Assemblée nationale, n'aient plus rien à dire en ce qui a trait aux changements et à la cession d'une école, au transfert d'une école d'une commission scolaire à une autre.

M. le Président, c'est pour ces raisons que, bien qu'étant d'accord avec la première partie, on l'a mentionné à de nombreuses reprises... On a même offert au ministre de l'Éducation de procéder rapidement et de faire en sorte que, à 16 h 15, 16 h 20, un après-midi, tout soit adopté. Mais, malheureusement, il n'a pas accepté notre offre ou la porte qu'on voulait lui offrir pour faire en sorte que le projet de loi réponde spécifiquement à la problématique montréalaise et non pas lui donne un pouvoir, je dirais, illimité et un pouvoir de vie ou de mort sur l'ensemble des écoles au Québec. Bien, il a rejeté cette offre, et c'est pour ça que le projet de loi a été adopté sur division en commission parlementaire. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci bien. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Une voix: Non.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Le rapport de la commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 111, Loi concernant le transfert de la propriété d'un immeuble à la Commission scolaire de Montréal et modifiant la Loi sur l'instruction publique, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je vous réfère cette fois-ci à l'article 36 du feuilleton.


Projet de loi n° 118


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements du député de Kamouraska-Témiscouata

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 36. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le député de Kamouraska-Témiscouata concernant les articles 62 et 66 du projet de loi.

Les amendements du député de Kamouraska-Témiscouata sont déclarés recevables. Compte tenu de la correction de forme que je lui ai apportée, l'amendement à l'article 62 devrait se lire comme suit: L'article 62 du projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité, est modifié par le remplacement, dans la quatrième ligne, des mots «1er juillet 2000» par les mots «1er juillet 2004».

Y a-t-il des interventions sur ce rapport et sur les amendements? M. le ministre?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ce n'est pas compliqué, là, c'est proposé selon les règles, et, lorsque viendra l'adoption de l'amendement, il sera adopté ou rejeté. Il n'est pas question de consentement à ce moment-ci de la motion de l'amendement. Alors, je mettrai aux voix au moment prévu l'amendement du député de Kamouraska-Témiscouata. Il sera adopté ou rejeté et, après ça, s'il est adopté, le projet de loi sera adopté tel qu'amendé, sinon, bien, le projet de loi sera adopté et l'amendement aura été rejeté.

Alors, est-ce qu'il y a des interventions sur ce rapport et sur l'amendement?

M. Legault: Non, sur le rapport.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui? Allez-y, M. le ministre de l'Éducation.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, c'est un projet de loi qui est important, qui est discuté depuis plusieurs années au Québec. Évidemment, on parle de la place de la religion à l'école. Je pense que le projet de loi qui est sur la table montre une avancée majeure vers une façon, une recherche pour favoriser un meilleur vivre ensemble dans une société qu'on sait, au Québec, plus pluraliste. Donc, l'orientation qu'on prend dans le projet de loi, c'est d'avoir une école publique qui soit plus accessible, en toute égalité, à toutes les personnes au Québec qui veulent la fréquenter. Par contre, en même temps on reconnaît les origines culturelles, religieuses du Québec, la tradition judéo-chrétienne et, oui, on préserve certains droits pour l'enseignement de cette religion.

M. le Président, je rappellerais que ce projet de loi est l'aboutissement d'un long processus qui a commencé en 1995 avec les états généraux. On a eu ensuite un groupe de travail qui a été dirigé par Jean-Pierre Proulx. On a eu une des plus longues commissions parlementaires l'automne dernier avec beaucoup de collaboration de la part de l'opposition. Et d'ailleurs, je rappellerai qu'en commission nous avons été d'accord, c'est-à-dire le gouvernement et l'opposition, sur plusieurs orientations qui sont incluses dans le projet de loi, et je les rappelle rapidement: d'abord, l'abolition des dispositions concernant le Conseil supérieur de l'éducation; l'abolition des dispositions aussi concernant les comités confessionnels; l'abolition des postes de sous-ministre associé de foi catholique et de foi protestante; l'abrogation aussi du statut confessionnel des écoles; et aussi l'interdiction d'avoir un projet particulier de nature religieuse à compter du 1er juillet 2001, puisque pour nous c'est la même chose qu'un statut confessionnel.

On s'est mis d'accord aussi sur le remplacement progressif de l'animation pastorale et religieuse par un service commun d'animation spirituelle et d'engagement communautaire. On s'est mis d'accord aussi pour qu'en secondaire IV et V on ait maintenant un programme d'éthique et de culture religieuse qui s'adresse donc aux grandes religions, qui s'adresse à tous les étudiants pour permettre justement d'avoir une société où il y a plus de cohérence.

M. le Président, oui, nous avons proposé de maintenir certains droits. Il y a plusieurs parents qui ont communiqué avec nous au cours de tout ce processus. Il faut rappeler qu'encore au Québec, au primaire, 86 % des parents choisissent l'enseignement religieux pour leurs enfants. C'est ce qui nous a amenés à choisir de protéger ces droits au primaire mais de laisser une porte ouverte aux conseils d'établissement qui choisissent d'aller vers un enseignement éthique des religions dès le secondaire I. Je sais qu'il y a désaccord sur ce point avec l'opposition qui souhaiterait qu'on ouvre nos écoles à plus de religions. Nous pensons que non seulement ça présenterait d'importantes difficultés d'application, mais, en plus, ce n'est pas la direction qu'on doit choisir au Québec. Il faut aller vers une distinction plus grande entre le rôle de l'État et le rôle de l'Église et avoir moins de religions dans nos écoles, donc pas plus de religions dans nos écoles.

Par contre, je tiens, en terminant, à souligner toute la collaboration que nous avons eue pour tenir un débat qui nous a fait réfléchir sur ces enjeux très importants avec l'opposition, et je suis convaincu que le projet de loi nous amène des grands changements dans une direction qu'on est prêts à prendre au Québec, mais c'est encore un défi très grand de l'appliquer. Il faudra maintenant informer tout le monde des orientations qu'on prend, et c'est ce que je compte faire au cours des prochains mois, M. le Président.

(16 heures)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Alors, sur le rapport de la commission et les amendements présentés par M. le député de Kamouraska-Témiscouata sur le projet de loi n° 118, je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député, la parole est à vous.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement, quelques points, quelques remarques sur les débats que nous avons eus en commission parlementaire en ce qui a trait à l'adoption du projet de loi n° 118, projet de loi qui, je le rappelle, a été adopté sur division. Comme le mentionnait le ministre, il y a certains points avec lesquels nous avons été d'accord, et, pour éviter toute polémique, là, je veux les résumer. Souvent, on a l'impression que le ministre nous donne plus d'accords qu'il nous en enlève ou que la réalité en indique.

D'abord, effectivement, en ce qui a trait aux structures, on s'est toujours entendus, au niveau des intervenants, même en commission parlementaire l'automne dernier, en ce qui a trait aux structures. Je pense que tout le monde est assez d'accord pour dire que le statut comme tel de l'école publique peut effectivement être enlevé. Le statut des deux comités, protestant et catholique, du Conseil supérieur de l'éducation, les deux sous-ministres au niveau du ministère de l'Éducation aussi. Je pense qu'au niveau des statuts comme tels confessionnels, au niveau des structures, là-dessus, effectivement, il y a eu une entente.

Mais, avant d'aller plus loin, M. le Président, j'aimerais... Vous savez, le ministre aime bien dire que ce débat-là a été très large, que le débat est commencé depuis 1995, qu'on a entendu plusieurs groupes, qu'il y a eu les états généraux sur l'éducation, qu'il y a eu plusieurs choses, mais force est d'admettre que, sur le projet de loi n° 118, c'est-à-dire la pièce législative que nous avons devant nous, il n'y a pas eu, je dirais, de discussions ou de consultations spécifiques sur les implications de ce projet de loi là. Et, quand le ministre mentionne qu'on a entendu plusieurs groupes, je tiens à lui rappeler que, oui, on a entendu plusieurs groupes, mais nous avons entendu plusieurs groupes face à la problématique particulière qu'amenait le rapport Proulx sur la place de la religion à l'école, déposé en mars dernier.

C'est suite à ce rapport-là que nous avons eu des consultations de 254 groupes, des centaines, voire même des milliers de messages que nous avons reçus, mais ce n'était pas sur le projet de loi n° 118. Et le ministre sera d'accord avec moi que, sur le projet de loi n° 118 comme tel, nous avons aussi reçu, dans les derniers jours, dans les dernières semaines, de nombreuses – je dirais de très nombreuses – communications. Que ce soient des lettres, que ce soient des résolutions, que ce soient des téléphones, nous avons reçu beaucoup de choses. Et c'est dans cet esprit-là, M. le Président, que, au début de la commission... Et, je me souviens, j'avais même fait l'offre au ministre de l'Éducation qu'on pouvait s'entendre rapidement sur une liste de quelques groupes... ne pas recommencer au complet tout le processus de consultation, mais sur quelques groupes afin de faire en sorte d'entendre les groupes plus directement concernés sur le projet de loi n° 118.

D'ailleurs, la motion que j'ai présentée se lisait comme suit: «Que, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, la commission de l'éducation, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité, procède à des consultations particulières et qu'à cette fin elle entende les groupes suivants...»

On n'a pas proposé 200 groupes, M. le Président, on a proposé la Centrale de l'enseignement du Québec. Pourquoi? Parce qu'elle est directement touchée par l'enseignement religieux, parce que ce sont ses membres qui donnent cet enseignement religieux là. La Confédération des syndicats nationaux, elle aussi parce qu'elle a des membres qui sont reliés directement à la question de la confessionnalité. La Coalition en faveur du droit des parents de choisir l'école de leur préférence, parce que, effectivement, les parents ont leur mot à dire. Nous avons adopté, de ce côté-ci, des propositions pour faire en sorte de préserver ce droit-là qu'ont les parents de choisir l'école qui convient le mieux à leurs enfants.

Donc, après ça, il y avait aussi le Comité ca-tholique du Conseil supérieur de l'éducation qu'il aurait été intéressant d'entendre, puisque c'est un des organismes qui va disparaître. Même chose pour le Comité protestant du Conseil supérieur de l'éducation, qui, dans son mémoire, non seulement parle de sa situation, mais parle aussi de la situation des écoles franco-protestantes qui vont disparaître. Et l'Association des communautés scolaires franco-protestantes du Québec ainsi que la Commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Donc, comme vous voyez, M. le Président, une liste de groupes très raisonnable, une liste de groupes, je vous dirais, dont le but pour les entendre n'était pas de retarder indûment les travaux de la commission de l'éducation. Et, d'ailleurs, M. le Président, vous serez à même de le constater en regardant les rapports des commissions à la fin de cette session-ci, la commission de l'éducation n'a pas été, à cette session-ci, la commission la plus occupée de toutes les commissions, parce que les pièces législatives que nous a amenées le ministre, ce n'est pas des grandes réformes. Il n'y avait rien là-dessus, donc on avait du temps encore pour procéder – que ce soit un après-midi, une soirée, entendre sept groupes, ça peut se faire facilement en une journée – à entendre ces groupes-là et savoir ce qu'ils ont à dire et surtout les entendre nous dire comment, dans l'avenir, le projet de loi qui est déposé va modifier leur existence, va modifier leur façon de faire et la perception qu'ils ont de la question de la confessionnalité à l'école.

Je veux vous souligner aussi que, dans les groupes que nous avions proposés, il y a autant de gens qui sont pour la religion à l'école que de gens qui sont contre la religion à l'école, dans un souci d'équité. Cependant, cette motion a été rejetée par nos collègues d'en face. Les députés péquistes ont refusé d'adopter cette motion-là, ont refusé d'entendre ces groupes.

Donc, suite à ce refus, M. le Président, et c'est pour ça, quand nous avons analysé les tenants et aboutissants du projet de loi, que nous avons nous-mêmes des réserves face – même si on est passé très vite là-dessus en commission parlementaire – à la disparition des écoles franco-protestantes, nous avons amené deux amendements, l'amendement 1 et l'amendement 2.

La situation des écoles franco-protestantes, selon le projet de loi, est qu'elles sont appelées... le ministre veut les faire disparaître. Donc, elles vont disparaître. Il n'y aura plus d'école à projet et à statut éducatif particulier sur une base de religion. Nous, ce qu'on a amené comme amendement, puisqu'il y a 12 écoles franco-protestantes au Québec qui vont disparaître, on dit que ces écoles-là ont un an – si on veut, on va l'expliquer de façon simple – pour survivre.

Donc, les amendements qu'on propose, c'est de dire: Est-ce qu'on ne pourrait pas faire en sorte – et d'ailleurs, moi, j'ai indiqué jusqu'en 2004, on peut le ramener jusqu'à 2003, si le ministre est d'accord aussi – d'allonger cette période-là de transition qu'auraient les écoles franco-protestantes pour se retourner de bord, comme on dit, puis trouver des solutions? Et ces solutions-là, quelles sont-elles? Est-ce qu'on peut envisager, par exemple, parce qu'on voit dans le projet de loi que le ministre enlève toute possibilité dans une école publique d'avoir plus qu'un enseignement religieux catholique ou protestant tel qu'il est identifié, la privatisation? Est-ce qu'il y a des moyens que le ministre est prêt à mettre en place pour faire en sorte que ces écoles-là deviennent des écoles privées, des écoles franco-protestantes, et que, de cette façon-là, elles puissent continuer d'avoir un projet éducatif à statut particulier? Parce que le ministre de l'Éducation, dans son projet de loi n° 118, a enlevé cette possibilité-là aux écoles publiques mais l'a laissée pour les écoles privées. Donc, est-ce que ce serait une des solutions?

En tout cas, pour trouver les solutions, nous croyons que ces écoles-là, les écoles franco-protestantes, ont besoin de temps et malheureusement le projet de loi leur laisse seulement un an. Donc, c'est pour ça qu'on propose ces amendements-là, pour faire en sorte que, si c'est possible, bien, qu'elles aient plus de temps pour se retourner, pour trouver une solution et faire en sorte finalement que leur disparition ou leur changement de vocation se fasse dans le respect de la communauté, des parents et des gens qui sont autour de ces écoles-là.

Un autre point important sur lequel nous avons divergé est celui sur le fait que le ministre de l'Éducation s'amuse à dire que l'opposition veut plus de religion à l'école, ce qui est faux. L'opposition ne veut pas plus de religion à l'école en termes de temps d'enseignement, en termes d'heures. Ce n'est pas ça du tout. Mais, si on parle d'une société où on est une société plus ouverte, si on dit qu'il y a de plus en plus de communautés religieuses et de groupes religieux un peu partout, puis qu'une autre des prémisses de base, c'est si on veut respecter le choix des parents de choisir l'école qui convient à leur croyance religieuse, bien, à ce moment-là, il faut regarder, selon nous, du côté de l'ouverture à d'autres types de religion.

On n'est pas les seuls à dire ça, la Fédération des commissions scolaires est venue le dire. Elle est venue dire qu'il fallait examiner l'hypothèse de l'ouverture de l'école à l'enseignement religieux d'autres religions, en retenant comme principes fondamentaux: la nécessité d'une demande formulée par les parents ou l'élève, le concept du nombre justifiant, la définition de critères limitant l'accès aux grands courants religieux et le respect des chartes, et que cette étude devra également comprendre une analyse approfondie de la faisabilité pédagogique, organisationnelle et financière de ladite hypothèse.

(16 h 10)

Donc, à la limite, si le ministre de l'Éducation nous avait dit: Bien, voici, on a étudié la situation, on a étudié le phénomène et, sur la base d'un rapport, sur la base de consultations de spécialistes ou sur la base vraiment de données quantitatives et qualitatives acceptables, c'est impossible, bien, peut-être que, dans cette hypothèse-là, on aurait dit: Bon, si, effectivement, c'est impossible, on va arrêter de dire qu'on peut aller dans ce sens-là. Cependant, il ne l'a pas démontré. Ce qu'il a dit, c'est que lui ne croyait pas à cette solution-là et qu'il ne pensait pas que c'était la voie qu'il fallait emprunter, que c'était la voie de l'avenir.

Donc, là-dessus, M. le Président, nous avons de sérieux doutes, nous avons des objections, parce que, en plus, c'est une des deux solutions qui auraient permis d'aller, je dirais, dans le sens du respect des Chartes des droits et libertés. Et ça, les Chartes des droits et libertés, même s'il n'y a pas... Et d'éviter le recours aux clauses dérogatoires, parce que, dans le fond, même s'il n'y a pas de garantie absolue à ce moment-ci, rien n'empêche de tester le modèle. Mais il n'y a pas de garantie absolue à ce moment-ci. Bien, c'est une des deux voies. Ou on enlève complètement la religion à l'école ou, l'autre voie, on se dit: Bien, on va respecter le choix des parents. Et, dans ce cas-là, bien, le ministre de l'Éducation n'a pas cru bon d'envisager de quelque façon que ce soit ce recours-là, ce qui fait en sorte que nous nous retrouvons avec la reconduction des clauses dérogatoires.

M. le Président, je vous dirais un autre point là-dessus qu'on doit également retenir et que, dans l'analyse du phénomène de la réforme du ministre de l'Éducation... C'est assez particulier de voir que le ministre a été quand même très rusé, c'est-à-dire que, d'une part, aux niveaux primaire et secondaire, il laisse un peu le statu quo au niveau de l'école publique en gardant l'enseignement religieux catholique, protestant. Il diminue un peu le temps d'enseignement, mais qui peut revenir le même si le conseil d'établissement en décide ainsi.

Mais, d'autre part, on dirait comme pour satisfaire aussi un peu les tenants du rapport Proulx, il amène en secondaire IV et V un cours d'éthique et de culture religieuse, et ça, en commission parlementaire, plusieurs sont venus nous dire que, sur cette question-là, ce cours-là, bien, il y avait autant de difficultés à avoir un cours neutre finalement que d'ouvrir à d'autres religions là où le nombre le justifie et selon des accommodements raisonnables. Mais il le fait quand même entrer en secondaire IV et V et optionnel au secondaire I, II, III. Donc, le ministre a visiblement tenté de plaire au plus grand nombre.

Je vous dirais, M. le Président, que finalement un autre point que nous avons relevé, j'en ai parlé un petit peu en quelques secondes tantôt, c'est le fait que, dans le projet de loi qui nous est amené, le projet de loi n° 118, non seulement le ministre de l'Éducation ne veut pas analyser la possibilité d'ouvrir à un enseignement religieux d'autres confessions que catholique ou protestante, mais, en plus de ça, il vient carrément fermer la porte aux possibilités qui existaient actuellement dans la loi. C'est-à-dire que, dans la Loi sur l'instruction publique, à l'article 5 entre autres, il y avait une possibilité pour les commissions scolaires d'organiser un enseignement religieux d'autres confessions si elles le souhaitaient, et, pour ça, il fallait qu'il y ait une autorisation. Donc, il a fermé cette porte-là au niveau du secteur public.

Par contre, au niveau du secteur privé, elle est là. Et une des questions que nous avons soulevées en commission parlementaire là-dessus, c'est: À partir du moment où les écoles privées au Québec sont quand même subventionnées, est-ce que c'est vraiment une école 100 % privée? Est-ce que ce n'est pas une école privée? C'est plus une école semi-publique ou semi-privée, et, à ce moment-là, bien, on arrive avec une certaine discrimination. Les parents qui auront la possibilité financière de payer pour envoyer leurs jeunes à l'école privée, bien, pourront avoir un enseignement religieux de leur choix selon un projet éducatif qui sera défini par le secteur privé aussi à leur choix, mais ce choix-là n'existe pas pour les enfants du secteur public. Donc, on crée une discrimination qui était en partie enlevée avec la loi actuelle.

Donc, M. le Président, voici en gros les raisons pour lesquelles nous avons voté sur division ce projet de loi en commission parlementaire. Et voici aussi les raisons pour lesquelles nous avons proposé les deux amendements, c'est-à-dire dans le but de donner plus de temps aux 12 écoles franco-protestantes, entre autres, de se tourner, de trouver des alternatives et de faire en sorte que, si c'est pour éviter leur disparition ou trouver une nouvelle façon de faire ou de nouveaux éléments, bien, qu'elles puissent le faire. Et, si le ministre rejette ces amendements-là, bien, j'ose au moins espérer qu'il aura des discussions avec les écoles franco-protestantes pour essayer de trouver rapidement des alternatives avant, je dirais, la date butoir de juillet 2001. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Mise aux voix des amendements du député de Kamouraska-Témiscouata

Est-ce que les deux amendements proposés par le député de Kamouraska-Témiscouata sont adoptés? Rejetés. Les amendements sont donc rejetés.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de l'éducation portant sur le projet n° 118, Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la confessionnalité, est-il adopté? Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, l'article 37 maintenant.


Projet de loi n° 119


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 37, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 119, Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec. M. le ministre de l'Éducation, je vous cède la parole.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. C'est avec beaucoup d'enthousiasme et de fierté que je représente, à cette deuxième étape, donc, la loi qui institue le Fonds Jeunesse, un Fonds Jeunesse de 240 millions de dollars qui est un des engagements importants, majeurs, du dernier Sommet du Québec et de la jeunesse.

On se rappellera, M. le Président, que, de ces 240 millions de dollars, 120 millions proviendront du secteur privé, 120 millions du gouvernement. Je pense que ça devient un outil formidable pour les jeunes et les gens qui veulent s'occuper de présenter des projets pour les jeunes, d'avoir ce fonds de 240 millions qui est disponible pour répondre aux besoins.

Donc, je ne veux pas faire une longue intervention à ce stade-ci, M. le Président, je pense qu'il faut adopter ce projet rapidement pour permettre aux jeunes, dès les prochains jours, de commencer à travailler pour déposer des projets, pour que les jeunes prennent plus leur place dans notre société, au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Éducation. Alors, sur ce même sujet, je vais céder la parole au porte-parole de l'opposition en matière de jeunesse dans ce dossier-ci et responsable des loisirs et des sports pour sa formation politique. M. le député d'Anjou, je vous écoute.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, tout de go je vais... Comme on l'avait mentionné, on a été dès le début en faveur du projet de loi tel que présenté par le ministre de l'Éducation. Mon collègue de Verdun a eu la gentillesse de nous apporter quelques amendements, ainsi que la députée de Blainville.

Le ministre l'a mentionné, je pense que c'est un projet de loi qui nécessitait que l'on agisse rapidement. C'est un dossier dans lequel je pense que l'opposition officielle a fait preuve d'une grande collaboration avec le gouvernement, parce que, au-delà des politiques partisanes et des prises de position qu'on peut prendre de part et d'autre durant la session parlementaire, M. le Président, s'il y avait un dossier sur lequel il y avait un consensus, sur lequel il fallait agir rapidement... Le ministre l'a mentionné également lors de sa présentation, c'est un dossier qui, à notre sens, doit être traité rapidement parce que les besoins sont importants, au niveau des jeunes.

On l'a vu lors du Sommet du Québec et de la jeunesse, les jeunes débordent d'enthousiasme, ont des idées, ont des solutions à proposer, ont des projets à présenter, puis ils veulent aller de l'avant. Et il nous est apparu rapidement, M. le Président, que c'était important, de ce côté-ci de la Chambre, d'offrir notre collaboration au gouvernement. Je pense que ça a été fait lors de la commission parlementaire, ça a été fait rapidement, on a soulevé des questions qui étaient à mon sens légitimes. On veut s'assurer – et je l'avais soulevé lors de la commission parlementaire, on le soulève à nouveau – que les sommes d'argent au niveau du fonds servent à financer des projets nouveaux. Je pense qu'au niveau du Sommet du Québec et de la jeunesse les jeunes l'ont démontré, ils ont des idées, ils savent où ils veulent aller, et souhaitons, M. le Président, que le fonds dont on appuie l'adoption serve justement à favoriser des initiatives jeunes.

C'est important, M. le Président, on l'a soulevé, il ne faut pas oublier, c'est une question de vision globale. On ne peut pas seulement se reposer sur le fonds pour s'assurer que les jeunes, au Québec, puissent trouver leur place. C'est une question beaucoup plus large que ça, ça interpelle tout le monde. Le fonds en est un exemple, ça interpelle le gouvernement mais aussi les partenaires privés. Ça fait qu'il faut continuer d'aller de l'avant et il faut s'assurer que, du côté du gouvernement, on ne mette pas tous nos oeufs dans le même panier en se disant que le fonds règle tous les problèmes. C'est beaucoup plus large que ça. Le gouvernement se doit de se doter d'une politique jeunesse globale. On l'avait soulevé, nous, lors du Sommet. Le gouvernement est allé de l'avant, ça semble démarrer de ce côté-là, on s'en réjouit.

Mais, si on peut mentionner une chose, M. le Président, c'est que, du côté de l'opposition, on va évidemment continuer d'appuyer le gouvernement dans sa position au niveau du fonds, mais on va s'assurer de suivre le gouvernement pour que tous les engagements qui ont été pris lors du Sommet du Québec et de la jeunesse soient respectés. Et je pense qu'on le doit aux jeunes, on le doit à tous ceux qui ont mis des mois d'efforts dans la préparation du Sommet, dans les présentations qu'ils y ont faites, dans l'énergie et dans le coeur qu'ils ont mis lors du Sommet du Québec et de la jeunesse pour justement amener leurs problématiques, mais surtout... Et c'est ce qui était admirable, de voir les solutions qui étaient déjà prêtes pour bon nombre de jeunes et qui ont été amenées sur la table.

(16 h 20)

M. le Président, les politiques jeunesse au Québec, c'est, comme je l'ai mentionné, très vaste. Le gouvernement a eu plusieurs occasions, je pense, de manifester ses intentions. Dans plusieurs dossiers, malheureusement, si on veut faire une analogie avec le ministre de l'Éducation, les intras ont été échoués. Il est à souhaiter que le test final ou, en tout cas, un des plus gros examens de la session soit bien réussi. On va s'assurer, de ce côté-ci de la Chambre, que le gouvernement respecte ses engagements. Mais je réitère à nouveau toute ma collaboration au ministre pour que soit adopté le plus rapidement possible, avec beaucoup de diligence, ce projet de loi là, pour que, le plus rapidement possible, les jeunes, au Québec, puissent se mettre en marche. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député d'Anjou. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 119, Loi instituant le Fonds Jeunesse Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: L'article 35, M. le Président.


Projet de loi n° 114


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 35, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de la culture sur le projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur le cinéma. Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, M. le Président. Je suis heureuse de vous faire part aujourd'hui des travaux parlementaires entourant le projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur le cinéma.

Alors, comme je l'ai déjà souligné lors de son adoption du principe, le projet de loi n° 114 vise essentiellement à modifier le statut budgétaire de la Régie du cinéma tout en maintenant les mandats et les fonctions qu'elle exerce. Le projet de loi accroît la liberté d'action de la Régie, lui permet d'autofinancer ses obligations à même ses revenus et lui attribue une marge de manoeuvre qui l'autorise, dans un cadre supervisé par le gouvernement, à ajuster ses activités en fonction des variations du marché de l'industrie du cinéma.

La commission de la culture a siégé le 18 mai dernier afin de procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi. Les échanges que nous avons eus à cette occasion nous ont permis d'avoir un avant-goût des discussions enrichissantes que nous aurons au cours des prochains mois sur la problématique plus globale du cinéma. Les membres de la commission se sont prononcés en faveur du principe d'une plus grande autonomie pour la Régie du cinéma, accompagnée d'un accroissement de l'imputabilité de ses gestionnaires. Certains articles du projet de loi ont été discutés plus à fond, et j'entends y faire un bref retour.

Actuellement, les crédits de la Régie sont votés annuellement par l'Assemblée nationale. Le projet de loi n° 114 accorde à l'organisme un statut lui permettant d'autofinancer ses obligations à même les revenus perçus en application de la loi. Les revenus de la Régie du cinéma ont évolué au rythme des changements de l'industrie cinématographique. Alors que ses revenus ne lui permettaient pas, jusqu'en 1993, d'autofinancer ses activités, l'organisme verse des surplus au fonds consolidé depuis 1994. Cette progression des revenus est essentiellement attribuable à l'accroissement important des ventes de vidéocassettes.

En commission parlementaire, il a été discuté de l'impact de la tarification de la Régie sur la consommation de films, que ce soit en salle ou sous forme de vidéocassettes. M. le Président, selon les chiffres de l'Institut de la statistique du Québec, l'assistance à la projection de films est passée de 16 à 26 millions d'entrées entre 1990 et 1998. Pendant cette même période, la vente de vidéocassettes a plus que quintuplé. Alors, ce qu'il faut comprendre de ces chiffres, c'est que les frais appliqués par la Régie pour les visas de cinéma et pour les vidéocassettes, frais qui ont été en hausse de 1992 à 1998, n'ont absolument pas constitué un frein à la fréquentation de nos salles de cinéma et à la consommation de vidéocassettes. Ça faisait partie des interrogations très pertinentes des membres de la commission de la culture. Alors, j'amène ici un point d'information intéressant.

Les surplus de la Régie du cinéma ont par ailleurs permis au gouvernement d'ajouter des millions de dollars récurrents pour soutenir l'ensemble des activités du domaine du cinéma, et ce, sans compter l'octroi de crédits d'impôt à la production audiovisuelle, lesquels ont atteint 75 millions de dollars en 1998-1999. Je veux ici informer les membres de cette Assemblée que la Régie compte ajuster ses tarifs cette année afin de compenser les pertes encourues par les distributeurs pour les vidéocassettes invendues, ce qui diminuera ses revenus d'environ 1 million de dollars par année.

Il est par ailleurs assuré que les mutations profondes auxquelles sera confrontée l'industrie du cinéma au cours des prochaines années, particulièrement dans le domaine de la distribution, entraîneront des variations dans les revenus de la Régie. Il faudra de la sorte évaluer l'impact qu'auront notamment les DVD et Internet.

Puisque je parle des DVD, je tiens à souligner ici, devant l'Assemblée, qu'il y a encore une grande victoire du gouvernement du Québec qui s'est faite pour la protection de la langue française, pour la protection de notre industrie. Je n'ai pas encore eu le temps de l'annoncer, mais nous avons effectivement conclu un nouvel accord avec les «majors» américains. J'ai négocié avec eux, en tant que ministre de la Culture, et tous les DVD seront, dès juillet, disponibles en français. Les dernières compagnies qui étaient réticentes ont maintenant cédé le pas. Donc, suite aux négociations avec les «majors», tous les DVD auront une piste française. C'est nouveau, ça a été gagné avec eux.

Une voix: Bravo!

Mme Maltais: Quand on sait que ça s'ajoute en plus à la négociation de l'année dernière où, sur l'industrie du doublage, il y avait encore des compagnies récalcitrantes, et, après une négociation avec elles, j'ai gagné que toutes les compagnies, tous les «majors» américains maintenant doublent en français et au Québec. Alors, c'est vraiment intéressant, ce qui se passe. Vous voyez qu'on est très attentifs à la situation du cinéma et à la présence du français au Québec.

La Régie détient toute l'expertise nécessaire pour évaluer elle-même les effets de son action. Elle est aussi la mieux placée pour adapter cette action en fonction des transformations du milieu. Le projet de loi n° 114 donne ainsi à la Régie du cinéma le pouvoir de déterminer elle-même les moyens qu'elle entend prendre pour atteindre ses objectifs. Cela signifie, entre autres, de fixer par règlement les conditions d'obtention et de renouvellement des permis ainsi que le montant des droits exigibles pour l'obtention d'un visa, d'un certificat ou d'une attestation.

Le projet de loi prévoit aussi que le gouvernement conserve un droit de regard sur tout règlement édicté par la Régie, comme sur l'ensemble de ses activités, et qu'il peut les modifier, notamment par souci de cohérence administrative. La ministre de la Culture et des Communications fixera par ailleurs les orientations et objectifs de la Régie qui devra en tenir compte dans l'élaboration de son plan annuel d'activité.

La Régie du cinéma devra enfin transmettre chaque année au ministère son rapport d'activité et ses états financiers, lesquels seront déposés devant l'Assemblée nationale. Ces documents seront alors publics, et la commission parlementaire de la culture pourra faire valoir son mandat d'initiative et demander à les étudier. Les parlementaires – ça a été le sujet de débats en commission de la culture – peuvent aussi se prévaloir de l'article 29 de la Loi sur l'administration publique adoptée récemment, article en vertu duquel la commission parlementaire compétente de l'Assemblée nationale doit entendre, au moins une fois l'an, le ministre, le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme afin de discuter de leur gestion administrative. Il y a donc encore dans ce projet de loi reddition de comptes devant l'Assemblée nationale, et ce projet de loi, donc, s'établit en toute cohérence avec les autres lois.

M. le Président, je suis convaincue que l'Assemblée nationale accordera son appui à ce projet de loi qui s'inspire du processus de modernisation de la gestion gouvernementale. Je remercie mes collègues d'avoir été si attentifs à un projet de loi qui est somme toute technique mais qui est très important pour l'institution qu'est la Régie du cinéma. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Nous en sommes à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission de la culture sur le projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur le cinéma. Je reconnais la porte-parole officielle de l'opposition en matière de culture et de communications, Mme la députée de Sauvé. Mme la députée de Sauvé, je vous cède la parole.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Effectivement, nous avons procédé il y a quelques semaines à l'étude du projet de loi n° 114, projet de loi modifiant la Régie du cinéma. Je dois vous avouer que ça a été un exercice intéressant, puisque ça nous a permis, entre autres, de faire un peu d'histoire, un peu d'historique, et que ça m'a permis, moi personnellement, d'échanger avec la présidente de la Régie du cinéma, Mme Jeanne Blackburn, qui a pu nous indiquer quelle était sa vision d'avenir de cette Régie.

Vous savez que, historiquement, le cinéma a toujours fait l'objet d'une certaine surveillance, mais, jusqu'à la fin des années cinquante, cette surveillance consistait essentiellement en une censure appliquée à des oeuvres cinématographiques. C'est dans les années soixante que la censure a cédé le pas effectivement à des classements par catégories d'âge, et c'est depuis 1983 que le gouvernement du Québec a créé la Régie du cinéma.

(16 h 30)

Ce qui est intéressant, c'est que la Régie du cinéma est un organisme qui jusqu'à maintenant a fonctionné plutôt en vase clos, puisque, ne voulant pas céder le pas à des groupes de pression, à des lobbies qui auraient pu être tentés de faire pression au niveau de la censure, la Régie du cinéma a plutôt fonctionné en vase clos. Mais je crois qu'on nous a annoncé dans une perspective d'avenir que la Régie, dorénavant, tenterait un peu plus de s'ouvrir sur le monde et, entre autres, tenterait d'investir un tant soit peu en éducation et en information du grand public sur ses différentes activités.

Le projet de loi comportait neuf articles. Ça a donc été un projet de loi, comme vient de le souligner la ministre de la Culture, assez technique transférant des responsabilités réglementaires puis, bien sûr, des responsabilités budgétaires du gouvernement vers la Régie. D'entrée de jeu, je vous indique que la formation que je représente ici est favorable au fait de confier comme ça à ce type d'organisme plus d'autonomie lorsque c'est accompagné bien sûr d'une plus grande imputabilité.

La ministre a tantôt souligné le fait qu'elle nous a appris en commission parlementaire, lors de l'étude article par article, que ce projet de loi assez technique et les questions qui accompagnaient l'étude des différents articles de ce projet de loi devaient être vus dans un contexte particulier, à savoir l'intention qu'elle a mentionnée de procéder dans les deux prochaines années à une révision de la Loi sur le cinéma, et j'ai envie de dire un peu de ce que j'appelle, dans mon jargon à moi, les économiques entourant l'industrie du cinéma. J'avais invité la ministre, effectivement, dans mes remarques préliminaires à ouvrir le débat plus sur une vision d'avenir et à ne pas se contenter d'avoir, lors de l'étude article par article, un débat technique mais d'en profiter pour dégager une vision d'avenir. Elle nous a donc annoncé son intention de procéder à une révision de la Loi sur le cinéma. C'est bien sûr un dossier que nous allons suivre d'extrêmement près, bien que, jusqu'à maintenant, on soit un peu sur notre faim, puisqu'on nous a annoncé le processus, l'intention qu'on voulait procéder à cette révision, mais sans vraiment nous donner d'information sur les orientations, la vision qu'a vraiment la ministre en ce moment, enfin du mouvement, de l'inflexion qu'elle voulait donner à cette industrie qui est une industrie importante au Québec.

M. le Président, le projet de loi n° 114, je vous le mentionnais, a deux types d'impacts, des impacts au niveau budgétaire, au niveau réglementaire. Vous me permettrez, d'entrée de jeu, de vous parler des impacts réglementaires. Donc, on a transféré certains pouvoirs de réglementation, qui étaient auparavant dévolus au gouvernement, vers la Régie. C'est des pouvoirs réglementaires au niveau des permis, des visas, des tarifs. Ce changement réglementaire nous a permis de clarifier certaines questions que nous avions lors de la première lecture de ce projet de loi. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a en ce moment des discussions autour du fait qu'on devrait, compte tenu des nouvelles technologies, compte tenu aussi de la nouvelle façon de fonctionner, par exemple, des mégaplex, des salles de cinéma comportant plusieurs unités de salles, peut-être modifier le classement des films pour faire en sorte, par exemple, que des enfants n'ayant pas accès à certains films puissent dorénavant avoir accès s'ils étaient accompagnés de leurs parents.

On se demandait si les changements réglementaires apportés par le projet de loi n° 114 allaient modifier ces pouvoirs réglementaires, enfin si la Régie allait pouvoir d'elle-même modifier ces règlements au niveau du classement des films. Ça nous a permis de plutôt constater que ce n'était pas le cas et que le dossier du classement des films et de l'accès pour des enfants qui ne sont pas en âge d'aller voir un film selon le classement du film, s'ils pouvaient y aller avec un parent ou un adulte de plus de 18 ans, c'est un dossier qui devra être discuté lors de la révision complète de la Loi sur le cinéma. C'est un peu étrange et un peu décevant, puisque la présidente de la Régie du cinéma, Mme Blackburn, elle-même, sur ce dossier, avait par lettre invité la ministre à ce qu'on puisse se pencher sur cette question lors d'une prochaine révision de la Loi sur le cinéma. Mais, comme Mme Blackburn, nous devrons attendre la révision complète avant de parler de la question du classement de films.

Maintenant, il y a aussi des changements au niveau budgétaire. La Régie du cinéma devient un organisme de réglementation extrabudgétaire, ce qui signifie qu'elle devra maintenant déposer ses prévisions budgétaires à la ministre et, en fin d'année, déposer son plan d'activité ainsi que ses états financiers à la ministre qui devra les déposer à l'Assemblée nationale. Ça nous a permis, comme l'a souligné la ministre, d'avoir des échanges sur une situation de fait qui est assez particulière pour un organisme réglementaire comme la Régie du cinéma, c'est que la Régie du cinéma, au cours des dernières années, a eu des surplus budgétaires qu'on peut qualifier, pour ce secteur-là, de très importants, qui vont d'environ 3,5 millions de dollars à... Les prévisions pour cette année sont de plus de 5 millions de dollars de surplus budgétaire. Bien sûr, on a émis, nous, l'hypothèse que ce surplus budgétaire, assumé, en fait, payé par les distributeurs, entre autres les distributeurs de films, était une forme de taxe sur la culture, que cet impact financier qu'avait à supporter l'industrie du cinéma devait inévitablement se refléter sur le consommateur.

La ministre vient de nous donner des chiffres qu'elle n'avait pas lors de l'étude article par article. Elle complète l'information aujourd'hui en nous donnant certains chiffres sur la fréquentation des salles de cinéma puis également l'achat ou le visionnement de vidéocassettes. Je me contenterai de dire que, même si elle affirme que ce n'est pas un frein, il faudra faire des comparaisons avec d'autres sociétés, avec d'autres États pour voir si cette augmentation de fréquentation est tout à fait comparable à ailleurs et également pour voir si au Québec, en fait, le citoyen et la citoyenne du Québec paient tout de même le juste prix pour leur accès au cinéma ou aux vidéocassettes, puisque, je le répète, il est assez étonnant que la Régie du cinéma ait comme ça un surplus de plus de 5 millions de dollars qui est retourné au fonds consolidé de la province en fin d'année. J'espère que, dans les remarques de la ministre, il ne faut pas comprendre qu'elle voit une situation normale au fait qu'un organisme qui est là comme un organisme de réglementation accumule comme ça des surplus financiers en fin d'année. Je pense que, un peu comme la Commission des valeurs mobilières – c'est une comparaison possible, puisque la Commission des valeurs mobilières est aussi un organisme de réglementation extrabudgétaire – c'est une société où l'objectif est de présenter un budget équilibré et d'arriver en fin d'année avec un budget équilibré.

Un budget équilibré, ça veut bien sûr dire que ce n'est pas un budget déficitaire, mais ça veut aussi dire, cette notion-là, qu'on ne devrait pas retrouver des surplus importants dans des organismes qui ont fonction de régie et fonction de réglementation. Donc, j'espère qu'il ne faut pas entendre dans les explications de la ministre une forme d'acceptation de la situation qui fait en sorte que la Régie du cinéma accumule des surplus financiers importants, mais qu'on va bel et bien viser, à la lumière de la révision de la Loi du cinéma qu'elle a annoncée pour les prochains moins, à ce qu'il y ait rééquilibrage au niveau des différents impacts économiques qu'il y a dans ce milieu-là et que la Régie du cinéma ne sera pas une forme de machine à imprimer de l'argent pour le gouvernement du Québec. Comme la ministre l'a souligné, nous pourrons en discuter sûrement à fond, enfin je l'espère, lors de la révision de la Loi du cinéma.

M. le Président, il est un fait que, lors de cette commission, nous avons également parlé assez longuement de la place des élus dans un processus de surveillance et de vérification d'organismes comme ça, extrabudgétaires. Pour que tout le monde nous comprenne bien, ça signifie que, jusqu'à maintenant, la Régie du cinéma, ses crédits apparaissaient dans les crédits du ministère de la Culture et des Communications. Ça faisait en sorte que, comme parlementaires, l'ensemble des parlementaires ici pouvaient, lors de l'étude des crédits en commission de la culture, questionner non seulement la ministre de la Culture, mais questionner les représentants de la Régie sur les orientations de la Régie et bien sûr sur ses budgets, ses crédits.

Lorsqu'on a fait l'étude de ce projet de loi n° 114 qui rend la Régie du cinéma un organisme extrabudgétaire, nous avons parlé un peu du fait que les parlementaires devaient garder un certain contrôle sur ces organismes extrabudgétaires. Donc, dorénavant, les parlementaires, lors de l'étude des crédits, ne pourront plus poser des questions directement sur la Régie du cinéma. À ce moment-là, je tiens à souligner, par exemple, que le député de Marguerite-D'Youville s'est montré aussi assez sensible à cette question du rôle des parlementaires en commission parlementaire, sur leur rôle et leur pouvoir de questionnement des organismes extrabudgétaires. Mais je rappelle qu'à ce moment-là le projet de loi n° 82 n'était pas adopté et qu'il m'apparaissait important de tenter d'insérer dans le projet de loi n° 114 un amendement faisant en sorte que, effectivement, les états financiers et le rapport d'activité de la Régie seraient dévolus devant la commission parlementaire pertinente pour étude. C'est l'explication des discussions que nous avons eues à ce moment-là.

(16 h 40)

En terminant, M. le Président, je réitère le fait que l'opposition officielle est donc favorable au fait que l'on accorde plus d'autonomie à un organisme comme la Régie du cinéma, autonomie accompagnée d'une plus grande imputabilité, mais également je terminerai par une anecdote. La ministre vient de procéder à ce qu'elle a appelé une annonce dans le cas des DVD, les pistes françaises accessibles sur DVD. Je tiens à souligner que nous sommes très heureux du fait que dorénavant toutes les compagnies qu'on appelle les «majors» mettront les pistes françaises disponibles pour les citoyens et citoyennes du Québec sur les DVD. Mais Mme la ministre aurait dû s'apercevoir que sa collègue responsable de la langue française avait déjà procédé à cette annonce et s'en était réjouie, puisque sa collègue ministre responsable de la langue française s'était dite, elle, responsable de ce dossier.

Donc, ça me confirme qu'il y a toujours problème de juridiction, et on se pose toujours la question sur le vrai leadership et la vraie place de la ministre de la Culture au sein du cabinet et surtout face à sa collègue qui était, elle, ancienne ministre de la Culture. Mme la ministre, je vous ferai parvenir le petit communiqué auquel on a eu droit dans les journaux, annonçant le fait que c'est votre collègue responsable de la langue française qui a procédé à cette annonce. Vous êtes quelques jours en retard, malheureusement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Sauvé. Il n'y a plus d'autres intervenants?


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de la culture portant sur le projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur le cinéma, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Je vous réfère à l'article 6, maintenant.


Projet de loi n° 122


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 6, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, on aborde donc le projet de loi n° 122. C'est un projet de loi qui touche l'accès du public à l'information, donc l'accès du public à l'ensemble des documents qui sont émis par les organismes de l'État. Évidemment, c'est une loi qui vise à plus de transparence, à plus de démocratie dans notre société, et qui concerne également la protection par ces mêmes organismes des renseignements personnels, donc le droit à la protection de la vie privée, alors à la fois d'une part dans le secteur public et également dans le secteur privé, dans le secteur des entreprises et des organismes du secteur privé.

C'est un exercice, M. le Président, qui devait être fait depuis bien longtemps. Je suis sûr que mon critique de l'opposition va se joindre à moi pour déplorer le fait qu'on n'ait pas pu le faire avant. Pendant un bout de temps, c'était son gouvernement, après ça, ça a été le nôtre, mais enfin, pour toutes sortes de raisons, la loi prévoyait qu'à tous les cinq ans on devait revoir son application, ses dispositions, ça n'a pas pu être fait comme ça devait l'être, mais aujourd'hui, bon, enfin on se retrouve avec tout près de 120 articles qui viennent, forts de l'expérience des dernières années, modifier la loi, tenir compte également des nouvelles technologies, des nouvelles réalités qui nous interpellent soit en matière d'accès à l'information ou en matière de protection des renseignements privés, et donc apporter les corrections qui s'imposaient tant à la loi que, dans certains cas, aux modalités de fonctionnement de ce qu'on appelle la Commission d'accès à l'information qui est l'organisme, on le sait, qui régit pour l'essentiel l'application de ces lois.

Ce sont des lois importantes, M. le Président, je l'ai dit dès le début, parce que c'est des lois en quelque sorte qui sont au coeur des principes démocratiques de notre société, puisque, d'une part, elles donnent aux citoyens, aux organismes, accès à l'information gouvernementale et, d'autre part, elles préservent l'espace privé, elles protègent les renseignements personnels, les renseignements nominatifs que détient l'État ou que détiennent beaucoup d'organismes, d'entreprises. On le sait, que, maintenant, dans la vie quotidienne de tous les jours, on a constamment à donner de l'information, que ce soit pour obtenir du crédit ou autrement, et donc il s'agit bien sûr pour l'État de légiférer en ces matières. Alors, le projet de loi, dans un premier temps, il faut dire qu'il a été débattu longuement en commission parlementaire, et les élections avaient amené à reporter tout ça. Il y a donc une bonne partie du travail qui a déjà été fait. Je suis convaincu que mon collègue de l'opposition sera d'accord avec nous pour reconnaître, dans le projet de loi qui est devant nous, une bonne partie du travail qui a été fait en commission et qui, pour l'essentiel, fait l'objet d'un large consensus au Québec.

Dans un premier temps, le projet de loi élargit la portée d'application de la loi pour faire en sorte, bien sûr, notamment en matière d'accès à l'information, par exemple, que certains organismes, notamment des organismes municipaux, les CLD, les conseils locaux de développement, les conseils régionaux de développement qui étaient des organismes qui n'existaient pas nécessairement au moment où la loi a été faite, eh bien, par analogie, que ces organismes soient couverts par la loi, soient tenus en quelque sorte d'avoir une gestion transparente de leurs activités. De la même façon, on fait en sorte que les ordres professionnels également soient couverts par la loi, en distinguant, dans le cadre d'un régime qu'on a appelé hybride, les activités des ordres professionnels qui concernent le public, l'intérêt du public, et qui évidemment ont un caractère public, des activités à caractère plus privé qui sont davantage orientées vers la protection des membres des ordres et qui, là, relèvent davantage, dans ce cas-là, non pas de la Loi d'accès mais des activités de l'organisme, M. le Président.

On vient également, par ce projet de loi là, faire en sorte, par exemple, que les décisions du Conseil exécutif, du Conseil des ministres, les décisions du Conseil du trésor soient dorénavant accessibles après 25 ans, encore une fois dans un souci d'une plus grande transparence. Notamment, on sait que les historiens s'intéressent à faire l'histoire, à tenir compte des décisions qui ont été prises. Ils auront donc accès aux décisions dans l'ordre des 25 ans.

On fait en sorte également, M. le Président, que, par exemple, dans le cas de la Loi des archives qui limitait l'accessibilité aux documents à un délai de 150 ans... C'est long, 150 ans, pour avoir accès à des informations quand on est historien, ça remonte à pas mal loin en arrière. Là, maintenant, ce qu'on va faire, c'est faire en sorte qu'on va ramener de 150 à 100 ans, et à 30 ans du décès d'une personne, la possibilité d'avoir accès aux informations. Donc, pour les historiens, pour les archivistes, c'est autant de gagné et pour le public en général en ce sens-là.

On vient aussi, par diverses dispositions, par exemple, faire en sorte qu'une personne handicapée qui doit avoir accès à ses dossiers... L'État dispose de divers dossiers, les entreprises disposent de divers dossiers, mais l'État, notamment, donc tant l'État que les entreprises devront prendre ce qu'on appelle des mesures raisonnables pour faire en sorte qu'une personne handicapée, qu'elle soit handicapée visuelle ou autrement, puisse avoir accès au moins aux renseignements qui la concernent, aux dossiers qui la concernent et qui sont dans les mains de l'État ou dans les mains de ces organismes, M. le Président. Il s'agit là d'une amélioration qui avait été demandée par bien des organismes représentatifs de ces personnes handicapées.

On vient également corriger la loi, ajouter des dispositions particulièrement dans le contexte du développement et de l'utilisation des technologies de l'information. C'est tout un univers qui n'existait pas au moment où les lois ont été créées. Donc, on vient rajouter des dispositions pour faire en sorte que la protection des renseignements personnels dans toutes ces transactions sur le Net ou autrement suive l'évolution de nos technologies. On sait que c'est un défi important. Je suis moi-même conscient, M. le Président, qu'en ces matières les solutions ne passent pas toutes par l'État du Québec. Les solutions définitives vont passer bien sûr par des ententes internationales avec d'autres pays. Le Québec seul ne peut légiférer dans des matières qui transcendent nos frontières à travers le petit écran cathodique des appareils d'informatique, mais on peut quand même bâtir une législation, tenter d'influencer nos voisins, participer aux rencontres internationales pour faire valoir notre compréhension de ce que doit être la protection des renseignements personnels et également faire valoir les propres mesures qu'on a prises en matière de législation, les appliquer sur notre territoire, bien sûr, puis, dans le cas des organismes qui transcendent nos territoires, bien, souhaiter qu'à terme, au cours des prochaines années, à l'échelle de la planète, s'établissent des règles du jeu plus civilisées que celles que nous avons maintenant.

(16 h 50)

Bien sûr, aussi on vient rajouter des obligations, notamment pour un organisme public qui ne pourra pas utiliser un renseignement personnel à une fin qui ne serait pas pertinente à celle pour laquelle ce renseignement a été recueilli. On sait que, lorsqu'on demande aux citoyens de remplir diverses formules, de donner des informations, leur âge, leur sexe, leurs enfants, etc., eh bien, c'est nécessaire, M. le Président, d'obtenir ces informations-là parce que, si l'État veut fournir des services aux citoyens, veut fournir des prestations d'aide sociale, des allocations familiales, il faut quand même qu'il dispose de banques de données d'information. Mais chaque fois ces informations sont recueillies à des fins spécifiques, et on va s'assurer dorénavant que, à moins que la personne concernée n'y consente explicitement et à moins qu'il ne soit prévu dans les lois qui concernent un organisme, si ces dispositions ne sont pas assurées, eh bien, un organisme ne pourra pas transmettre des renseignements personnels à un autre sans le consentement des personnes.

On vient aussi s'assurer que, l'ensemble des fichiers, des inventaires qui sont à la disposition des ministères en matière de renseignements, ce soit fait en toute transparence, et donc on va s'assurer que l'actuelle déclaration de fichier de renseignements personnels, par exemple, que les organismes sont obligés de produire sera remplacée par un inventaire qui va être accessible à toute personne et que les organismes qui sont détenteurs de fichiers, dont la liste pourra être établie, seront appelés à transmettre cet inventaire à la Commission d'accès à l'information, à en faire un sommaire dans leur rapport annuel, donc à agir là-dessus en toute transparence, M. le Président.

Nous venons également modifier certaines dispositions qui concernent la CAI elle-même, donc cette Commission d'accès à l'information qui gère un peu tout ce processus à la fois en conseillant le gouvernement et les organismes dans leur application de la loi, mais aussi en étant appelée à l'occasion à prendre des décisions lorsque des gens se sentent lésés en matière d'accès à l'information ou de protection de renseignements personnels. Bien, on vient s'assurer que cette Commission soit plus efficace, on vient lui donner des moyens d'action plus efficaces notamment en faisant en sorte qu'un commissaire puisse siéger, entendre les plaintes, ce qui n'était pas le cas avant. Il fallait que toute la Commission – quatre, cinq personnes, avec le président – siège, et évidemment ça rajoutait aux délais. On fait en sorte également, M. le Président, que les appels soient simplifiés dans le cadre des règles entourant les décisions de cette Commission lorsque des citoyens considèrent qu'ils sont mal servis par les décisions de la Commission. Il y a également certains articles qui viennent corriger des questions liées à certaines activités, à certaines matières pénales, pour s'assurer qu'enfin notre loi va être le plus efficace possible.

M. le Président, au-delà de tout ça, il y a également des dispositions dans ce projet de loi qui ont fait l'objet de quelques débats, parce que le reste, pour l'essentiel, n'a pas fait l'objet de nombreux débats. Il y a deux questions qui ont fait l'objet de débats. Pour le reste, je crois qu'on peut considérer que les choses ont plutôt été consensuelles. Le premier de ces débats, c'est: Est-ce qu'on devrait ou non assujettir les filiales des sociétés d'État, des sociétés d'État à caractère économique, à la loi d'accès à l'information comme le sont actuellement les sociétés d'État? Un ministère, Hydro-Québec, la Caisse de dépôt, ce sont tous des organismes qui sont assujettis à la loi en matière d'accès à l'information, les dispositions sont très claires. Mais une filiale, par exemple, d'Hydro, Hydro-Québec International, ou d'autres organismes qui sont des filiales de la Caisse ne le sont pas présentement, et certains avaient souhaité qu'elles le soient, que ces filiales le soient. Finalement, le gouvernement a pris la décision de ne pas assujettir ces filiales à la loi.

On est conscient, ce faisant, qu'il fallait choisir en quelque sorte entre deux biens: d'un côté, une transparence très large, un accès le plus large possible à l'information, donc un droit démocratique des citoyens, mais en même temps un autre bien public, un autre enjeu d'intérêt public qui est le maintien pour ces organismes de leur capacité de faire affaire avec des tiers, parce que la raison d'être de ces entreprises... Et le Québec est un peu une société originale en Amérique du Nord. On l'est à bien des points de vue, une société originale, M. le Président. C'est dommage que l'ensemble des Québécois ne s'en rendent pas compte de façon plus déterminante puis ne fassent pas le choix politique nécessaire de la souveraineté. Mais on est, par exemple, en matière économique, à l'évidence, une société originale.

On a ici une économie mixte, l'État a développé beaucoup de bras puissants, de bras agissants, Hydro-Québec est une entreprise nationalisée, il y a des filiales, des filiales importantes, la Caisse de dépôt, la Caisse de dépôt a des filiales, la Société générale de financement. Ce sont des outils un peu particuliers et qui sont très importants pour la vitalité économique du Québec. Alors, ces organismes sont appelés constamment à faire des ententes, des contrats avec des tiers, des entreprises américaines, des entreprises japonaises, des entreprises européennes qui ne connaissent pas toujours nos lois, qui ne sont pas toujours soumises, comme sociétés, aux mêmes exigences de transparence que nous nous sommes données dans chaque cas, et donc il s'agissait de choisir, là, entre l'accès plus large du public à l'information, y compris aux filiales des sociétés d'État, versus l'intérêt pour les entreprises de continuer à faire leurs activités économiques, et on a fait un choix, M. le Président.

Il y avait un deuxième débat qui concernait le rôle de l'Institut de la statistique du Québec. Je sais, M. le Président, que ça a fait l'objet, pour le critique de l'opposition, de sa principale raison, je pense, de critiquer ce projet de loi. Il y a eu des débats. Je n'ai pas entendu récemment beaucoup le critique de l'opposition revenir sur le sujet, parce que je pense qu'il y a eu à un moment donné un éditorial très bien fait dans Le Devoir qui a un peu clos le débat – et vous me permettrez, en terminant, d'en lire quelques extraits – sur ce dossier de l'Institut de la statistique du Québec et en même temps qui fait un peu le tour, cet éditorial, de l'ensemble du projet de loi. L'Institut de la statistique du Québec, c'est ce qui a remplacé le Bureau de la statistique du Québec. C'est un peu l'équivalent de ce qu'on appelle, de ce qu'on connaît sous le nom de Statistique Canada. Il n'y a pas d'État moderne qui peut fonctionner, prendre des décisions, planifier le développement des soins de santé, de l'éducation, du nombre de places sans avoir des chiffres, des statistiques et combien de monde, combien de jeunes entre tel âge et tel âge, le monde gagne combien, ça va être quoi, les choix de l'avenir. Ça prend un Institut de la statistique.

Le projet de loi, ce qu'il vient de faire, tout simplement, c'est de reconnaître que cet Institut peut avoir accès aux données, aux faits, aux chiffres, aux banques de données qui existent, mais pas, contrairement à ce qu'on a entendu, M. le Président, n'importe comment, pas en faisant un mégafichier puis en mettant tous dans un même pot l'ensemble des fichiers existants où un fonctionnaire, un peu comme on avait vu au fédéral, pouvait tout pitonner ça puis avoir accès à 2 000 informations sur chaque personne, votre religion, vos orientations sexuelles, n'importe quoi, là, pas ce genre de mégafichier et surtout pas ce genre d'opération.

Je pense que l'éditorial – et je me permets de le citer – de M. Venne, qui est considéré, au journal Le Devoir – c'est l'éditorial du 30 mai – comme le spécialiste au Québec de ces questions... C'est un observateur neutre, impartial, qui s'est le plus intéressé à cette question de la loi d'accès à l'information. Juste quelques extraits, M. le Président. Le titre c'était La leçon à Ottawa . Évidemment, on n'a pas fait le projet de loi pour faire une leçon à Ottawa, on a fait le projet de loi dans l'intérêt des Québécois. Mais on se souvient des débats qu'il y avait, puis l'opposition voulait un peu nous faire accroire que c'était tout pareil. Alors, ce n'est pas tout pareil. «Tandis qu'Ottawa doit, à la suite de la pression publique, démanteler un mégafichier [...] Québec est en train de moderniser sa loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels. En matière de protection de la vie privée, Québec n'est pas parfait – on le reconnaît, n'est pas parfait – mais fait durement la leçon au gouvernement fédéral.» C'est M. Venne qui dit ça. Puis il disait: «Enfin, Québec a déposé – il disait "le ministre" – un projet de loi pour mettre à jour notre régime de protection de la vie privée.» Ça s'imposait, dit-il, et il reconnaissait que notre loi avait des problèmes et... Bon.

Alors, je continue. Un peu plus loin, il dit: «En matière de protection des renseignements personnels, le projet de loi réaffirme les principes, resserre les règles concernant l'échange de renseignements entre les ministères, renforce les pouvoirs de surveillance de la Commission d'accès à l'information, accroît la sévérité des sanctions. Le régime de protection des renseignements personnels est fait de telle sorte qu'il ne devrait pas légalement être possible de constituer au Québec, y compris à l'Institut de la statistique du Québec, un mégafichier unique de la population comme celui qui avait été créé à Ottawa, l'ISQ étant soumis au contrôle continu de la CAI.» Alors, c'est très clair.

(17 heures)

Il continuait: «Nous saluons également l'élargissement des pouvoirs de la Commission d'accès à l'information qui, tous les cinq ans, au moment de réévaluer la loi, pourra aussi se prononcer sur les dérogations permises à certains ministères à l'intérieur d'autres lois.» Et puis il continue un peu plus loin, il dit: «Malgré tout, le régime québécois de protection des renseignements personnels demeure à l'avant-garde en Occident. Ottawa devrait rougir devant le Québec.» M. le Président, ce n'est pas moi qui le disais, c'était M. Venne. Le rouge est une couleur qui est bien connue de l'opposition. Alors: «Ottawa devrait rougir devant le Québec. Ottawa devrait imiter Québec, se doter d'une loi couvrant l'ensemble de ses activités et donner à son Commissaire à la vie privée les mêmes pouvoirs appropriés.»

M. le Président, je disais ça pour la raison suivante. Il se dit beaucoup de choses autour des questions – et je termine là-dessus – de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. L'accès à l'information, spontanément, on est tous pour ça, c'est l'ouverture démocratique de nos sociétés. En même temps, tout le monde reconnaît que, lorsqu'un dossier est en cheminement, lorsque des décisions se prennent, il n'est pas toujours opportun de donner tout de suite sur la place publique toute l'information. Autrement, on placerait en situation de vulnérabilité le gouvernement qui doit aller devant les tribunaux, une société d'État qui doit faire une entente commerciale. Mais, de façon générale, on s'entend sur le principe, et le projet de loi élargit la portée de la loi de ce point de vue là. Donc, je pense qu'on va tous dans le même esprit.

Pour ce qui est de la protection des renseignements personnels, parfois, M. le Président, je pense que, dans bien des milieux, on étire l'élastique un peu – j'allais presque dire «on charrie un petit peu». Non pas qu'on ne s'entende pas sur l'importance de protéger la vie privée. Au contraire, c'est de plus en plus important, c'est même un enjeu démocratique réel. Mais il ne faut pas tout mélanger. Il faut dire à nos concitoyens qui nous écoutent qu'il est normal que l'État dispose de données sur les citoyens, ce n'est pas un mal en soi. Tous les États, depuis le temps des... Écoutez, César a fait un recensement à l'époque de Jésus-Christ, rappelez-vous. Donc, pour faire un recensement, il avait des données sur les citoyens. Tous les États ont besoin de données. Autrement, ils ne pourraient pas agir, ils ne pourraient pas travailler. Pour fournir les services, ça prend des informations.

Le défi, de l'avis de tous les experts, c'est de s'assurer que ces informations ne sont pas accumulées en secret, ne sont pas additionnées les unes aux autres sans raison, ne sont pas conservées indéfiniment, ne sont pas utilisées par des gens qui n'ont pas raison d'y avoir accès, dont ce n'est pas le mandat de travailler sur cette question-là, ne sont pas faites, donc, à l'insu des personnes concernées – ça, c'est le défi – et qu'on ne puisse pas tout croiser ça, grâce à la technologie moderne du simple pesage sur un bouton, sans que personne ne soit au courant.

Ça, c'était le genre de mégafichier qu'Ottawa avait créé, et c'est pour ça que, devant la pression unanime, il a été obligé de le détruire. Mais je veux répéter, M. le Président, que la loi du Québec en ces matières est à l'avant-garde. Nous n'avons pas l'intention du tout de créer ce genre de mégafichier, et la loi telle qu'on la présente... Et c'est l'avis de M. Venne lui-même quand il dit: «Malgré tout, le régime québécois de protection des renseignements personnels demeure à l'avant-garde en Occident. Ottawa devrait rougir devant le Québec. Ottawa devrait imiter Québec.» Alors, je pense que c'est le signe que la loi, telle qu'on la présente, est une loi qui est équilibrée, est une loi qui est bien faite, bien sûr qui peut être encore perfectible. On ira en commission parlementaire, on entendra d'autres commentaires, on est ouvert à la parfaire.

Mais, pour l'essentiel, M. le Président, je pense que c'est un projet de loi qui devrait, je le souhaite, obtenir... En tout cas, je le sais, que c'est déjà un large consensus au Québec. J'espère qu'on obtiendra l'unanimité de l'Assemblée nationale, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le ministre responsable de l'application des lois concernant la protection de la vie privée est relativement nouveau dans la fonction, il n'est là que depuis 18 mois. Donc, on ne peut pas lui en vouloir de ne pas savoir de quoi il parle lorsqu'il se lève dans cette Chambre pour présenter le projet de loi n° 122.

Par contre, M. le Président, on peut lui en vouloir de faire une erreur dès le départ en disant que les délais ont été occasionnés par un gouvernement libéral. C'est ça qu'il a dit au début. Son gouvernement – tant pis pour la population – est là depuis six ans maintenant. Le délai, donc, de trois ans qu'on accuse pour étudier le rapport en question est à 100 % exclusivement et seulement dû au retard dont lui et son gouvernement sont exclusivement et seulement responsables. Je tenais à rectifier ça dès le départ.

Mais ça aide aussi à nous situer un peu dans cet important débat concernant le projet de loi n° 122. Dimanche, il y a huit jours, le New York Times avait une page complète d'articles concernant l'importance qu'accordaient les citoyens américains à la question de la protection de leur vie privée. Ce qu'il est intéressant de constater, M. le Président, c'est que tous les partis politiques confondus avaient constaté dans leurs «focus groups» – c'est-à-dire que c'est des sondages, mais un peu plus poussés – que la question numéro un de préoccupation pour les citoyens était la protection de leur vie privée face à un État qui se faisait de plus en plus présent, de plus en plus puissant, face à une technologie qu'ils ne maîtrisaient pas et dont ils n'avaient pas le contrôle.

C'est pour ça qu'on est tellement déçus de voir la piètre qualité de l'oeuvre présentée par le ministre des Relations avec les citoyens, car le projet de loi n° 122, intitulé Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives, est extrêmement faible et a des lacunes importantes qu'on va se faire un devoir d'énumérer.

Mais, d'emblée, M. le Président, passons un peu en revue le bilan du gouvernement du Parti québécois en matière de non-protection de la vie privée, en matière de défaut de faire appliquer les lois sur le secteur privé et la Loi sur la protection des renseignements. On peut commencer avec la vente de renseignements confidentiels, personnels, par des employés de l'État, un scandale dont le gouvernement du Parti québécois était responsable. Ils ont été obligés de procéder à des congédiements même s'ils avaient nié dès le départ qu'il y avait eu quelque problème que ce soit à cet égard.

On se rappelle aussi, M. le Président, qu'il y a eu par la suite le scandale de l'utilisation de renseignements fiscaux confidentiels par le bureau du premier ministre du Parti québécois, celui qui siège encore. Le premier ministre actuel, dans son bureau, on a utilisé des renseignements fiscaux d'ordre confidentiel pour des raisons politiques et partisanes, et ça, c'était la conclusion d'une commission d'enquête, la commission Moisan, que le gouvernement du Parti québécois a été obligé de convoquer parce que toutes ses lignes de défense qu'il s'était inventées les unes après les autres pour tenter de justifier les gestes illégaux en question sont tombées.

Dans un premier temps, le premier ministre s'était levé en Chambre pour nier tout. Il a dit: C'est complètement faux que, dans mon cabinet, des gens, M. Charles Chevrette, mon chef de cabinet... Il disait que c'était complètement faux qu'il avait utilisé de l'information fiscale confidentielle concernant un député bloquiste pour fins politiques partisanes. Il a dit: Puis, par ailleurs, je vais donner ça à la Commission d'accès à l'information pour faire enquête. Nous, on réclamait une enquête en commission parlementaire où on pouvait assigner des témoins et aller au fond de l'affaire, le gouvernement a préféré, dans un premier temps, tenter de l'enterrer avec la Commission d'accès à l'information avec les résultats qu'on connaît, qui étaient par ailleurs verbatim, les résultats que, nous, on avait prédits ici, en Chambre.

On avait dit au premier ministre: La Commission d'accès à l'information ne s'est jamais occupée d'une telle affaire, ce n'est pas l'endroit indiqué pour faire ça. Mais la communication était si limpide – pour ne pas dire plus – entre la Commission d'accès à l'information et le bureau du premier ministre qu'ils réussissaient à sortir des communiqués de presse qui les couvraient les uns les autres. Un jour, même, le premier ministre avait déposé ici, en Chambre, des papiers, puis c'était très clair que les papiers étaient en train de s'échanger. Alors, nous, on avait des doutes sur la possibilité objective et subjective de la Commission d'accès à l'information de mener à bien son enquête.

Quelle fut donc notre surprise qu'après qu'a été reconnu par les tribunaux le droit de participer à l'enquête le gouvernement a continué à mettre toutes les barrières imaginables et possibles pour nous empêcher d'aller au fond de cette affaire. M. le Président, vous remarquerez comme nous tous qu'il y a une ironie, car la seule chose que le Parti québécois est capable de garder secrète, c'est les informations concernant ses propres déboires.

(17 h 10)

On a eu un autre exemple en Chambre aujourd'hui, M. le Président, un argument farfelu présenté par la ministre de la Santé et des Services sociaux, comme quoi ça serait illégal, contre la loi, pour un organisme dont elle est responsable, de lui faire des rapports sur la gestion dans cet organisme-là. Ça défie toute logique. Évidemment, c'est un non-sens. Mais c'est dire à quel point ce gouvernement du Parti québécois est prêt à utiliser à peu près n'importe quel argument, à tout moment, pour tenter de se justifier.

Un autre exemple, M. le Président, de leur capacité d'utiliser, quand bon leur semble, les règles concernant la vie privée et la protection de ces renseignements-là. Quand le rapport Moisan est sorti, le 29 décembre, c'est TVA qui a eu le mot juste là-dessus, Simon Durivage, il a dit: Quand le gouvernement ne veut pas qu'une nouvelle se sache, il s'arrange pour la sortir le vendredi soir ou il la sort, si c'est très gros, entre Noël et le jour de l'An. Le rapport de la commission Moisan a été rendu public le 29 décembre. Il n'y avait pas beaucoup de monde qui y portait attention, M. le Président. Mais, nous, on était là. On était là pour dire que le gouvernement, le cabinet du premier ministre qui maintient un ministère...

C'est important, ça, M. le Président, parce qu'il y va d'une question de base, une notion élémentaire, dans un système parlementaire d'inspiration britannique comme le nôtre, de responsabilité ministérielle. Car il – le premier ministre – est responsable, lui-même, comme tous les autres ministres, pour ce qui se passe dans son ministère. On n'y pense pas souvent, mais le premier ministre est responsable d'un ministère. Il y a un ministère dont on n'entend pas parler souvent parce qu'on ne pose pas des questions là-dessus beaucoup, sauf aux crédits, mais il y a le ministère du Conseil exécutif, dont le premier ministre est le ministre responsable. C'est à l'intérieur de son ministère, il est responsable personnellement.

C'est la conclusion de la commission Moisan. Il est personnellement responsable pour l'utilisation illégale, pour fins politiques et partisanes, de renseignements fiscaux confidentiels sur un député du Bloc québécois dont ils voulaient se débarrasser à Ottawa, et ils ont utilisé ça pour tenter de faire la job avec ça.

M. le Président, comme si, ça, ce n'était pas suffisant, il y a un autre élément qui s'est rajouté. C'est un peu la cerise sur le sundae. Pour des raisons encore vagues mais qui, de toute évidence, vu le résultat, ont bien fait l'affaire du gouvernement du Parti québécois, ils ont décidé de nommer non pas un procureur spécial pour décider s'il allait y avoir des poursuites ou pas, mais deux procureurs spéciaux. C'était très mystérieux.

Alors, le ministre, dans un premier temps, a référé toutes les questions concernant l'accès à l'information à Me François Daviault, à Montréal, qui a conclu, comme il devait conclure, qu'il y avait prescription des infractions en vertu de la loi en question. Mais là ça, ce n'était pas le nerf de la guerre. Les infractions à la loi sur l'accès à l'information n'étaient pas vraiment l'objectif principal de la commission Moisan. Il fallait bien qu'on se contente de ce résultat-là, parce que c'était un peu prévisible.

Mais notre curiosité a été piquée quand on est allé pour faire la chose la plus élémentaire, demander à Me Daviault de nous donner une copie de son avis juridique. C'est quand même important. C'est le bureau du premier ministre qui vient de se faire condamner pour avoir utilisé des informations fiscales confidentielles pour fins politiques et partisanes. Ils donnent ça à un avocat à qui ils donnent un contrat pour leur donner un avis juridique. On reçoit un communiqué de presse qui dit: Ah! vous voyez, c'est bien «clean», il n'y aura pas de poursuite. Puis, nous, on s'adresse à l'avocat payé avec l'argent des payeurs de taxes – c'est ça, de l'accès à l'information dans l'intérêt du public – et là on se fait répondre – il faut être culotté quand même: Ah non! ce bout-là, ça, c'est secret.

Alors, vous voyez un peu le topo, M. le Président. Utilisation, au bureau du premier ministre, d'informations fiscales confidentielles pour fins politiques et partisanes, renvoi à un avocat de pratique privée à Montréal – Me Daviault – pour lui demander son opinion là-dessus, est-ce qu'il peut y avoir des poursuites? Décision de Me Daviault communiquée par voie de bribes de presse, un communiqué de presse, on met ça sur le fil, dans le jargon du métier, puis, quand on lui demande de nous transmettre une copie de son rapport, il dit que ça, c'est secret. Pas capable de garder secret le rapport d'impôts d'un député pour le protéger d'une ingérence, ou des menaces, ou de quoi que ce soit, non, non, pas capable de faire ça, mais on est capable de garder secret l'avis juridique de Me François Daviault.

Peu de temps après, un autre avocat, celui-là un proche du ministre du Revenu... Parce que, rappelons-le, M. le Président, aucun député péquiste, à part les membres actuels du Conseil des ministres, n'est ministrable. Ça vaut la peine de le retenir. Le député d'Ungava, pas ministrable, c'est vrai; la députée de Rimouski, pas ministrable. Parce que, quand le ministère du Revenu a été ouvert, et c'est un bon ministère dans lequel faire ses classes, on a pris le député de Louis-Hébert et on lui a refilé, en plus de ses responsabilités comme ministre de l'Environnement, les responsabilités à titre de ministre du Revenu. La députée de Crémazie, elle, devrait être ministrable, mais elle ne l'est pas non plus, parce que, elle non plus, elle n'a pas été nommée ministre du Revenu quand c'est devenu ouvert.

Alors, vous voyez un peu comment ça marche, à l'intérieur du gouvernement du Parti québécois. Un aveu d'incompétence généralisée en dehors des rangs existants des quelques ministres actuels. Selon la rumeur ici, à Québec, on s'apprête à faire la même chose qu'on a faite quand on est allé chercher le ministre de l'Éducation. Pour prouver qu'ils ne sont pas ministrables, ils vont aller chercher des gens en dehors du gouvernement pour aller prendre la place de certains députés qui siègent en ce moment et qui vont accepter de tirer leur révérence, dont un qui serait dans cette Chambre au moment où on se parle. Reste à voir si au mois de juillet, août la prévision s'avère juste.

Mais l'intérêt pour nous de parler du ministre du Revenu, à part le fait que ça a mis en lumière le fait qu'aucun des députés péquistes d'arrière-ban soit ministrable, c'est que le ministre du Revenu a donné un contrat à un avocat, un proche de Québec, un dénommé Routhier. Mais son rapport n'a pas tenu la route beaucoup, parce que lui aussi a conclu, sous forme d'un communiqué du gouvernement du Québec, qu'il n'y avait pas raison de poursuivre pour des infractions à la Loi sur le ministère du Revenu. Contrairement au rapport de M. Daviault, à Montréal, qui avait des aspects un peu prévisibles, bien qu'on tenait quand même à voir son raisonnement et son rapport, Me Routhier n'a jamais rendu public son rapport. Intrigant, ça, M. le Président.

On conclut à un bris des dispositions fondamentales de la Loi sur le ministère du Revenu concernant le secret fiscal. Rappelons-le, M. le Président, le secret fiscal, c'est la base de notre système fiscal au Québec et partout en Amérique du Nord. C'est un système où le citoyen doit rapporter tous ses revenus, peu importe la provenance. Que les revenus proviennent du jeu, que les revenus proviennent d'une autre activité, il faut donner l'origine de ses revenus. Même si l'activité est illicite, on est quand même tenu de le donner. C'est ça qui permet de décider de la base d'évaluation et de la cotisation de ce que, nous, on doit payer au fisc, payer notre part pour les frais, les dépenses de l'État.

S'il y a un bris de confiance entre le citoyen, payeur de taxes, et le gouvernement, qui recueille ces informations privilégiées, confidentielles, personnelles, le système fiscal lui-même peut en être affecté. C'est pour ça que, nous, on trouvait si important d'avoir les suites appropriées lorsque le juge Moisan avait conclu qu'il y avait eu utilisation illégale d'informations fiscales et confidentielles pour fins politiques et partisanes par le chef de cabinet adjoint, M. Chevrette, au bureau du premier ministre Bouchard.

(17 h 20)

M. le Président, quand le rapport Moisan est sorti, on avait quand même confiance qu'il allait y avoir des suites logiques là-dedans, qu'il allait y avoir au moins deux choses: les poursuites appropriées en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu, et que le premier ministre allait accepter que c'était clair comme de l'eau de roche dans le rapport, il y avait une expertise d'un grand expert de l'Université Laval, Me Baccigalupo, qui parlait comme un grand livre, c'était clair qu'en vertu de notre système parlementaire le premier ministre devait assumer sa responsabilité pour ce que son chef de cabinet adjoint avait fait en utilisant pour fins politiques et partisanes le dossier fiscal d'un député bloquiste pour tenter de nuire à ce député bloquiste. Il n'en fut rien, M. le Président, fidèle à lui-même, au-dessus de tout – les lois, c'est pour les autres et pas pour lui – le premier ministre n'a assumé aucune responsabilité.

Mais il était quand même dans une drôle de situation, parce que, s'il faisait assumer après ça la responsabilité à son ancien chef de cabinet adjoint, là il allait avoir des problèmes parce que la personne en question n'allait pas le prendre si facilement. D'ailleurs, il avait déjà fait des sorties au moment où le rapport Moisan avait été publié, puis il y avait d'autres personnes dans le cabinet du premier ministre qui étaient hautement intéressées par cette question et qui allaient le suivre de très près là-dessus.

Alors, on s'organise encore une fois. La seule chose qu'on est capable de garder secrète, c'est le rapport de l'avocat qui dit qu'il n'y aura pas de poursuite. C'est fabuleux. Alors, encore une fois, on a tenté d'avoir l'avis juridique de Me Routhier. Et, encore une fois, on s'est fait répondre: Bien non, c'est un secret, ça. Ça, c'est un secret, pourquoi on ne peut pas poursuivre les gens qui ont utilisé illégalement le dossier fiscal d'un député bloquiste pour fins politiques et partisanes. Ça, c'est secret, le rapport disant qu'on ne le poursuivrait pas. Ce qui n'était pas secret, par exemple – parce qu'ils s'en sont servis illégalement – c'était le dossier fiscal du député bloquiste.

Alors, le ministre responsable des Relations avec les citoyens a beau se lever en Chambre, citer son expert de service, un éditorialiste au Devoir ... Le même éditorialiste au Devoir qui, l'année dernière, lorsque le ministre des Finances s'est fait prendre en train d'avoir fait exactement la même chose pour laquelle la députée de Rosemont avait accepté la responsabilité en démissionnant, avait dit: Mais, dans son cas à lui, ce n'est pas grave. C'est un autre éditorial qu'il a signé, ce qui lui a mérité de se faire appeler l'«expert pointu» par le ministre des Finances.

À chacun son expert. Cet expert-là est particulièrement fiable pour le gouvernement coup après coup. Exemple... Le ministre est en train de hocher oui de la tête, il opine du bonnet comme quoi ce que je dis est vrai. C'est vrai qu'invariablement, parece mentira, c'est juste en faveur du gouvernement, ses éditoriaux. Ça arrive de même. Il y en a qui ont tendance à être d'accord avec l'opposition. Comme dirait la ministre de la Santé, je n'en disconviens pas, mais, M. le Président...

Une voix: ...

M. Mulcair: Bien oui, tout à fait. Mais le ministre devrait avoir un peu plus d'honnêteté intellectuelle que de se lever dans cette Chambre et de dire que le fait pour Michel Venne de signer un édito dans Le Devoir constitue une caution pour ce qu'il s'apprête ou ce qu'il tente de faire dans son projet de loi. Je pense qu'on va regarder ça un petit peu plus objectivement, ratisser un peu plus large, regarder des opinions d'autres personnes avant de conclure, comme le ministre vient de le faire, que c'est un fichu de bon coup, son projet de loi n° 122.

M. le président, je suis par ailleurs quelque peu surpris que le ministre ait décidé de commencer cette procédure aujourd'hui, alors que le ministre a déjà convenu avec nous qu'il y aura des audiences générales au mois de septembre sur cet important projet de loi. Alors, je ne sais pas jusqu'où il veut amener le processus d'adoption, mais à quoi ça sert pour nous autres de pousser ça plus loin, alors qu'on s'est déjà entendus, gouvernement et opposition, pour entendre tous les groupes qui s'intéressent à ces importants sujets au mois de septembre? Alors, à quoi sert de pousser cette question plus loin aujourd'hui? On se pose bien la question.

Un autre sujet qui aurait mérité d'être traité dans le document, dans le projet de loi n° 122, présenté par le ministre, mais qui n'est pas touché, c'est la composition de la Commission d'accès à l'information. J'ai eu l'occasion, lors d'une rencontre informelle avec le ministre, de lui toucher un mot sur notre vision là-dessus. À l'heure actuelle, il y a cinq membres de la Commission d'accès à l'information: un président et quatre membres. Il n'y a pas de vice-président. Aucune de ces quatre personnes... C'est pour rien leur retirer sur le plan personnel, intellectuel ou en termes d'expérience, mais aucun de ces quatre membres – et le président vient d'annoncer sa démission – il n'y en a pas un qui a une expertise en matière de systèmes d'information. C'est ça, le nerf de la guerre aujourd'hui en termes de protection de la vie privée.

On a procédé à du – vous me passez l'expression anglaise – «ethical hacking». Ça, ça veut dire: utiliser intentionnellement des experts qui sont capables de pénétrer les systèmes d'informatique. On a fait ce genre de «ethical hacking» à la Commission d'accès à l'information. Vous savez ce qu'on a découvert, M. le Président? Ça prenait quelques minutes pour pénétrer dans les ordinateurs du ministère de l'Éducation du Québec. Tous les registres pour les prêts et bourses, par exemple, accessibles comme ça, facile! Salaire des parents, situation familiale, situation maritale, si les gens sont sur le chômage, est-ce qu'il y a des problèmes de santé, facile d'accès.

Donc, ce n'est pas juste le gouvernement qui peut aller espionner les gens, c'est: une fois que le gouvernement a légalement obtenu de l'information – parce que c'est normal, si on veut donner un prêt ou une bourse, c'est basé sur la situation familiale, c'est basé sur les revenus, il faut répondre à toutes ces questions-là, c'est correct, ça – la contrepartie, c'est que c'est le gouvernement qui va garder ça secret et il n'est pas capable.

Si on veut avoir une Commission d'accès à l'information et de protection de la vie privée qui va avoir aussi comme rôle d'assurer que, lorsque l'État va chercher cette information personnelle importante, il va la protéger, comment, M. le Président, peut-elle, la Commission, remplir un tel rôle s'il n'y a aucune expertise parmi les cinq membres en matière de systèmes d'information? Je ne suis pas en train de dire qu'il faut évacuer nécessairement les gens qui sont là, peut-être pourrait-on songer de porter de cinq à sept le nombre de commissaires. Mais c'est absurde, de continuer avec une Commission d'accès à l'information dépourvue d'une telle expertise de nos jours, surtout avec ce qu'on sait, les faiblesses, les failles dans les systèmes informatiques du gouvernement du Québec.

Alors, de notre côté, on trouve que le projet de loi, dans ses aspects principaux, c'est-à-dire en dehors de la partie à laquelle on s'adressait tantôt concernant les dispositions transitoires et finales qui touchent à l'Institut de la statistique du Québec, le corpus du projet de loi – même si on va pouvoir au cours des prochaines minutes s'adresser à quelques lacunes, quelques oublis ou quelques items avec lesquels on n'est pas d'accord – reflète majoritairement les préoccupations qui ont été soulevées au cours des années de travaux en commission parlementaire. C'était surtout le collègue du ministre actuel qui est le député de Mercier, ceux du Travail menés par son collègue le député de Gouin lorsque, lui, il était responsable du dossier. Donc, il y a eu un bon travail de définition, un bon travail de tamisage des principaux sujets qui a été fait, et la majorité de ces sujets sont adressés d'une manière tout à fait adéquate dans le projet de loi n° 122.

(17 h 30)

Mais je veux me permettre, M. le Président, de donner quelques exemples de choses qui auraient dû être adressées dans le projet de loi n° 122 et qui ne le sont pas. Le premier que je vais demander risque de surprendre un peu parce que ce n'est pas une question pointue concernant des systèmes avec des milliards de bytes, ce n'est pas une question concernant l'application par une personne en charge de l'accès à l'information dans un ministère ou dans un organisme, ça concerne les concours. Lorsqu'on a fait notre enquête – et on a travaillé avec la commission de la culture sur ces importantes questions là – on a constaté que, dans les applications pour beaucoup de concours, on demande une foule de renseignements personnels, et c'est toujours très étonnant de le constater, mais le public a tendance à donner volontiers ces renseignements-là.

Une grande pétrolière offre un concours avec un grand prix: Voulez-vous la carte de notre compagnie? Oui, oui, qu'est-ce que je dois faire? Remplir la demande. Les gens ont l'habitude de remplir une demande pour une carte de crédit, par exemple. Ça, c'est normal, il faut que la personne qui consent un crédit sache si elle va être payée ou pas et on a des règles pour baliser ça. La loi existe tenant compte de ces réalités commerciales là. Il n'y a pas de problème a priori avec ça. Mais, dans le cas d'un concours, pourquoi demander aux gens leur salaire annuel, puis leurs choix de consommation, puis quelle sorte de voiture, puis c'est financé avec quelle banque? Pour bâtir des banques de données. C'est la seule et unique raison.

Alors, lorsqu'on a regardé ça, on avait amené en commission parlementaire des exemples concrets, c'est effrayant ce que les gens avaient le droit de demander. Alors, en arrière des billets de ces concours-là, lorsqu'on faisait la demande pour la carte de telle pétrolière ou de telle autre, c'était écrit: Formulaire approuvé par la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec, numéro de concours telle affaire. Ça a l'air d'être une affaire approuvée par le gouvernement et ça l'est pour ce qui est des aspects de vérifier que les prix seront véritablement donnés. Pour l'aspect concours proprement dit, il y a des mécanismes qui sont prévus aux termes de nos lois pour s'assurer que c'est fait correctement, mais, comme souvent, M. le Président, la main gauche du gouvernement ne sait pas ce que fait la main droite, la Régie des alcools, des courses et des jeux est en train de regarder pour l'aspect concours, mais la Commission d'accès à l'information n'est jamais allée regarder ces questions-là pour dire: Aïe! à quoi on joue – au sens littéral et au figuré? C'est quoi, cette histoire-là de bâtir ces banques de données?

M. le Président, une anecdote personnelle. Dans le temps que j'étais président de l'Office des professions du Québec, j'arrive au travail un lundi matin puis un proche collaborateur qui travaillait dans un des organismes connexes de l'Office, il m'appelle, il dit: T'es allé faire du shopping dans tel centre commercial à Montréal la fin de semaine dernière. J'ai dit: Oui. Est-ce que tu m'as vu en train de passer? Il a dit: Non, non, il y avait un concours pour gagner un voyage. J'ai dit oui, puis il a dit: T'as rempli un coupon. C'était vrai. Il y avait quelqu'un dans le milieu du mail avec un tableau, avec un beau voilier: Gagnez, participation gratuite pour tous les gens qui sont ici ce weekend. Remplissez un bon de participation. Très naïvement – je dis «naïvement» parce que je ne le ferai plus – j'avais rempli le bon de participation dans ce concours-là. Il m'a expliqué que sa femme travaillait pour une société dont le seul et unique objectif, c'est de ramasser ces informations-là. Juste pour vous le dire, j'ai dans mon bureau, en haut, le communiqué de presse de cette compagnie-là qui a été vendue il y a trois semaines à Équifax pour la jolie somme... C'est un Montréalais qui avait cette compagnie-là. Il l'a vendue pour la jolie somme de 250 millions de dollars américains. C'est beau, hein?

Vous savez ce qu'il a vendu? Ce n'est pas tellement les ordinateurs qui intéressaient Équifax, c'est ce qu'il y avait dedans, c'est les banques de données, c'est les informations, en l'occurrence, qui sont consenties librement par les gens. Est-ce qu'il y a possiblement des limites qu'on pourrait placer sur ce qu'on peut demander dans le cadre d'un concours? Est-ce qu'on devrait exiger que l'on dévoile, même si c'est donné librement, que ça peut être transmis? C'est peut-être des questions auxquelles on aurait pu trouver une réponse ici, parce que ça avait été discuté, débattu et analysé par la commission de la culture. Mais il n'y a pas un mot là-dessus et c'est comme si ça avait été négligé, ou pas vu, ou pas compris, ou pas considéré comme étant suffisamment important. Et pourtant, si on veut regarder les exemples concrets, c'est peut-être là où il faut commencer à regarder. C'est un lieu commun de parler de l'Internet, de l'avènement de nouvelles technologies d'information, mais le fait est, M. le Président, que l'Internet va exiger une réflexion experte et profonde si on veut vouloir garder à jour notre législation.

Si on va, par exemple, dans différents événements pour aller chercher de l'information auprès des gens et solliciter leur adresse courriel – l'adresse courriel, il y a 50 % des Québécois qui vont avoir une adresse courriel d'ici deux ans – l'adresse courriel va être une information cruciale à obtenir parce que, là, on va pouvoir bombarder. Est-ce que les règles régissant les appels à domicile pour la sollicitation vont pouvoir s'adapter au courriel? Est-ce que les informations obtenues lorsqu'on établit son adresse courriel sont suffisamment protégées?

Le gouvernement du Québec avait proposé l'établissement de son propre système pour donner des adresses courriel aux gens. Vous savez ce qui s'est passé, M. le Président? Il y a eu des rapports vraiment cinglants, toujours secrets jusqu'à date, de la Commission d'accès à l'information disant que tout ce qu'ils avaient fait, en établissant ce nouveau système qui aurait prévu des adresses courriel au Québec par un système du gouvernement, c'était illégal, et le bout qui la dérangeait le plus, c'était la masse d'informations que le gouvernement s'en allait chercher pour ouvrir des comptes et pour donner une adresse courriel aux gens, ce qui est intéressant, parce que c'est précisément le reproche qu'avait fait le député de Vimont lorsque la question lui a été posée par ma collègue la députée de La Pinière qui lui demandait: Mais comment ça se fait qu'on va prendre des millions de dollars de l'argent des payeurs de taxes pour donner accès à Internet, alors qu'il existe un accès gratuit maintenant, il existe plusieurs compagnies qui offrent un accès gratuit? Et la réponse, c'était: Mais c'est pour protéger la vie privée des gens, parce qu'on demande beaucoup d'informations sur leurs habitudes de consommation avant de leur donner un accès Internet gratuit.

M. le Président, c'est surprenant. C'est surprenant parce que c'est exactement ce que le gouvernement avait décidé de faire lui-même quand il avait voulu commencer à donner des adresses courriel. Alors, il reproche aux autres d'avoir fait exactement – ha, ha, ha! – ce que, lui, il avait fait. Mais, dans le cas qui nous occupe, la Commission d'accès à l'information avait bien fait son travail, était intervenue puis avait réussi physiquement à débrancher.

Mais il y a d'autres aspects. J'en mentionnais un tantôt, le «hacking» éthique fait par des experts qui ont été embauchés par la Commission d'accès à l'information. Bien, cet aspect-là n'a pas trouvé une réponse adéquate. Par ailleurs, et le ministre le sait fort bien, à l'intérieur de la Commission d'accès à l'information, non seulement il n'y en a aucun, des cinq membres, qui a une expertise en systèmes d'information et en technologies de l'information, mais les laboratoires, les équipes internes qu'on avait commencé à constituer sont en train d'être démembrées, sont en train d'être démantelées. C'est pour nous une source d'inquiétude parce que, si la Commission d'accès à l'information ne dispose pas des ressources nécessaires pour faire son travail, aussi bien fermer la boutique, dire que le projet de loi n° 122 ne sera pas adopté. On va arrêter de faire semblant d'avoir une loi sur l'accès à l'information et de protection de la vie privée et on va dire aux gens: Au Québec, c'est «open bar».

Peut-être, M. le Président, qu'une partie du travail qu'on a à faire est un travail d'éducation. Peut-être qu'avec des exemples vécus, peut-être qu'avec des explications sur ce qui existe dans le domaine aujourd'hui le monde va apprendre non pas à craindre mais, du moins, à être plus préoccupé par ces questions-là et à faire plus attention, parce que, une fois que de l'information est versée dans une banque de données, c'est extrêmement difficile de contrôler où ça va. Mais il y a une place où c'est censé être blindé, c'est au gouvernement, et, malheureusement, ce qu'on a vécu avec le gouvernement du Parti québécois depuis le début nous inquiète au plus haut point.

On peut aussi dire qu'il y a l'importante question des filiales. Le ministre y a fait allusion tantôt, puis on pouvait déjà pressentir ses arguments parce qu'il disait: Dans les dossiers économiques, dans les filiales des sociétés d'État... Il a fait mention d'Hydro-Québec qui est assujettie à la loi, mais il a mentionné avec raison qu'en vertu des jugements récents de la cour et de la loi actuelle une filiale d'Hydro-Québec, Hydro-Québec International, pour donner un exemple concret, ne serait pas assujettie à la Loi sur l'accès. De notre côté de la Chambre, M. le Président, on dit qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. On ne peut pas se réclamer des règles du marché et dire: Oui, mais on est une industrie qui concurrence dans le secteur privé, et continuer de n'avoir aucune loi du marché qui s'applique réellement à nos activités comme entreprise.

(17 h 40)

Lorsqu'il s'agit de dépenser l'argent des payeurs de taxes, ça n'a strictement aucune importance logique ou légale que l'argent des payeurs de taxes soit dépensé par Hydro-Québec ou une filiale contrôlée à 100 %, Hydro-Québec International. Ça n'a aucune pertinence juridique. On ne peut pas jouer sur les deux tableaux à la fois. Le gouvernement du Québec a sciemment omis de traiter de cette question des filiales dans son projet de loi n° 122. Il essaie, ce faisant, de faire oublier l'important débat qui a cours en ce moment – on peut lire les éditoriaux dans des journaux comme Le Soleil – et les importantes questions qui lui ont été posées par des experts disant: Comment ça se fait que, lorsqu'on dépense de l'argent des payeurs de taxes, dans certaines conditions, on peut avoir un contrôle et un accès à de l'information puis, si on veut cacher de l'information, on n'a qu'à se patenter une filiale, à pitcher l'argent là-dedans, puis, tout d'un coup, il n'y a aucun droit de regard du public sur comment son argent est dépensé? De notre côté, on va se battre, on va tout faire pour qu'il y ait plus d'ouverture là-dessus. Si Hydro-Québec veut se constituer partenaire avec d'autres et aller dans ces choses-là, ce serait peut-être une manière. Mais, si Hydro-Québec se constitue des filiales qui sont à elle, pour nous, c'est un non-sens de prétendre qu'il y a une différence de fond, et les deux doivent être assujettis aux mêmes règles, M. le Président.

Il y a d'autres questions, celles-là plutôt techniques, mais qui concernent les délais. Le ministre, dans sa présentation et dans les notes de présentation, ce qu'on appelle les notes explicatives du projet de loi, dit qu'il va y avoir un allégement parce qu'on supprime la demande de permission pour appeler. Mais je ne suis pas convaincu que ça va alléger la procédure. Du moins, ce n'est pas mon expérience comme avocat. Le fait de supprimer l'exigence de demander permission pour en appeler veut juste dire qu'il va y avoir des appels plus fréquents, et ces appels plus fréquents vont venir des gens qui ont les poches les plus profondes, c'est-à-dire les mêmes avocats qui défendent le gouvernement du Québec lorsqu'il veut garder quelque chose secret, comme ce qui s'est passé dans le bureau du premier ministre et ce qui a mené à la commission Moisan. Là, ils sont allés chercher des bons experts, ils ont dépensé sans hésitation plusieurs centaines de milliers de dollars de l'argent des payeurs de taxes pour se défendre et pour garder secret ce qu'ils avaient fait.

Quand Hydro-Québec veut garder secrète l'information concernant ses filiales, ce n'est pas compliqué, elle fait appel à exactement les mêmes cabinets d'avocats, voire aux mêmes avocats pris individuellement. Pourquoi? C'est bien simple, ils ont les mêmes intérêts, le gouvernement et Hydro-Québec. Alors, au lieu d'aider à ce qu'il y ait plus de lumière qui soit portée sur les agissements d'Hydro-Québec, au lieu d'aider le public à mieux analyser comment son argent... Parce que Hydro-Québec n'a pas d'existence en soi, Hydro-Québec n'a qu'une existence en vertu d'une loi dûment votée par l'Assemblée nationale, et c'est 100 % de l'argent du public en cause. Le public a le droit de savoir comment cet argent-là est dépensé. Peu importe qu'il soit dépensé par Hydro-Québec maison mère, Hydro-Québec filiale internationale ou autre, c'est une différence sans distinction, M. le Président, et le gouvernement du Parti québécois, sachant que c'est un réel problème, l'a tout simplement évité, l'a escamoté. Le projet de loi n° 122 est muet sur cette importante question.

M. le Président, je vais parler maintenant d'un aspect du projet de loi qui est pour nous extrêmement préoccupant. N'en déplaise au ministre et à son expert préféré du journal Le Devoir qu'il vient de nous citer, nous sommes préoccupés par le fait que le projet de loi a été génétiquement modifié par le ministre responsable. Il est allé chercher quelque chose, un corps complètement étranger, et il l'a greffé à son projet de loi aux articles 102 et suivants. Le projet de loi, rappelons-le, est censé représenter une révision quinquennale. Le gouvernement du Parti québécois est déjà plusieurs années en retard, et c'est sa seule faute.

Maintenant, au lieu de traiter des sujets qui ont été abordés par la Commission d'accès à l'information dans son rapport quinquennal, dans son rapport qui visait cette révision, il est allé ajouter toute une série d'articles, aux articles 102 et suivants, qui viennent tenter de donner raison au gouvernement du Parti québécois dans ce qui était, on en convient tous, un des chapitres les plus sombres des dernières années. Je fais référence au rapport annuel 1999-2000 de la Commission d'accès à l'information du Québec, déposé aujourd'hui même en cette Chambre, et je cite les pages 13 et suivantes. Le grand titre, c'est Les grands dossiers de l'année , et on commence par Des sondages au coeur d'une tempête et d'une réforme .

«L'administration gouvernementale du Québec est engagée depuis mai 1999 dans une réforme en profondeur des politiques et procédures de protection des renseignements personnels. C'est là le résultat le plus important d'un épisode particulièrement tumultueux dans lequel la Commission a été amenée à jouer un rôle de premier plan au printemps 1999.

«Le 27 avril, la Commission a conclu à l'illégalité de la transmission de renseignements fiscaux par le ministère du Revenu à une entreprise extérieure en vue d'un sondage destiné à évaluer le programme de gestion des pensions alimentaires. Selon la Commission, le ministère du Revenu ne pouvait pas, en raison même de sa loi constitutive, transmettre de tels renseignements à une entreprise extérieure. Dans un geste-surprise, la ministre et la sous-ministre du Revenu ont aussitôt remis leur démission au premier ministre.

«La Commission s'est immédiatement lancée dans l'élaboration d'un guide à l'intention des ministères ou organismes qui désirent faire des sondages d'opinion. En juin 1999, la Commission a publié ses Exigences minimales relatives à la protection des renseignements personnels lors de sondages réalisés par un organisme public ou son mandataire . Ce document juridique est accompagné d'un aide-mémoire destiné aux responsables de tels projets. L'objectif de l'un et l'autre documents est relativement simple: faire l'inventaire des questions et réponses que suscite au regard de la Loi sur l'accès et de la loi constitutive d'un ministère ou d'un organisme l'utilisation de renseignements personnels dans un sondage d'opinion publique.»

M. le Président, le rapport de la Commission continue en disant que «l'avis au sujet du sondage engagé par le ministère du Revenu a provoqué une série de réactions au sein de l'appareil gouvernemental à l'égard de la question des sondages, de même qu'au chapitre plus large de la protection des renseignements personnels.

«Dans un premier temps, le Conseil exécutif – c'est-à-dire le Conseil des ministres – a enjoint les ministères et organismes de soumettre au préalable à la Commission tout projet de sondage. C'est ainsi que la Commission a émis dès juillet des avis sur un certain nombre de projets de sondages précis.

«De même, les ministères et organismes se sont rapidement engagés, à l'invitation du Conseil exécutif, dans l'élaboration de procédures internes pour régir toutes les questions des sondages d'opinion menés à l'interne.»

M. le Président, on peut s'arrêter là, dans un premier temps, et demander au gouvernement: Qu'est-ce qu'il pense qu'il est en train de faire avec ces articles dans son projet de loi n° 122, si vraiment son but, c'est de s'assurer que les renseignements personnels vont être gardés confidentiels? Le projet de loi fait défaut de défendre les intérêts du public, fait défaut de garder confidentiels les renseignements personnels, car le projet de loi n° 122 va permettre que des informations confidentielles personnelles soient transmises sans balises sérieuses à l'Institut de la statistique du Québec, et ce, dans le but de constituer et de faire exactement la même sorte de fichier longitudinal qui a été si vertement reproché par tous les membres de ce gouvernement, et en particulier le ministre responsable, lorsque l'information a été dévoilée qu'Ottawa avait fait exactement cela. Les articles 102 et suivants du projet de loi n° 122 vont permettre au gouvernement du Québec de faire rigoureusement la même chose que ce qui est reproché.

Mais il y a plus, M. le Président, il y a plus inquiétant encore, car non seulement il y a eu les événements que je viens de décrire qui ont conduit à la démission de la députée de Rosemont à titre de ministre du Revenu, il y a eu aussi révélation que, lorsque l'actuel ministre des Finances était le ministre en titre du Revenu, il y avait eu aussi transmission illégale, car les dispositions de la loi n'avaient pas été respectées, d'informations confidentielles par le ministère à l'Institut de la statistique du Québec – dans son incarnation antérieure, Bureau de la statistique du Québec – et c'était pour fins de sondage, justement.

M. le Président, peut-être que je vous appellerais à la règle du décorum, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît.

(17 h 50)

M. Mulcair: Alors, on disait, M. le Président, que le rapport annuel de la Commission d'accès à l'information, déposé en cette Chambre aujourd'hui même, fait état de ses vives préoccupations concernant les tendances actuelles en matière de sondages et de non-respect des informations confidentielles détenues par l'appareil de l'État. Quand je dis que le projet de loi a un corps étranger qui y a été greffé, c'est que nulle part dans la révision quinquennale de la Commission d'accès à l'information n'a-t-il jamais été question de donner de tels pouvoirs à l'Institut de la statistique du Québec. Nulle part non plus dans son rapport annuel cette année demande-t-on à ce que le gouvernement agisse de la sorte. C'est purement une initiative du ministre.

Mais, évidemment, ça l'intéresse comment, l'Institut de la statistique du Québec? Ça ne relève même pas de lui, ça relève du ministre des Finances, ça, croyez-le ou non. C'est des raisons qui sont comprises seulement par les membres de ce gouvernement, qu'est-ce que l'Institut de la statistique fait en dessous du ministre des Finances, mais c'est important de se rappeler que c'est ce même ministre des Finances qui, lorsqu'il était le ministre du Revenu, a fait porter dans la Loi sur le ministère du Revenu les plus importantes brèches concernant la protection des renseignements personnels. C'est là où, pour la première fois, le gouvernement du Parti québécois a commencé à montrer ses vraies couleurs en matière de protection des renseignements personnels, a commencé à montrer à quel point il ne se souciait pas de la protection des renseignements personnels qu'il détient.

C'est là où, par exemple, on a décidé qu'on allait commencer à croiser les fichiers sans limitations sérieuses. Ça a été critiqué vertement par le Protecteur du citoyen, ça a été critiqué vertement par la Commission d'accès à l'information, bien qu'ils se soient arrêtés d'aller jusqu'au fond. Et, encore une fois, le ministre va tenter, quand viendra le temps de l'étudier, de lire certains articles où il va dire: Mais non, vous savez, il y aura des balises. Ce n'est pas vrai qu'il y aura des balises. Ça, c'est du jargon bureaucratique pour dire qu'il y aura des limites. Ce n'est pas vrai, il n'y a pas de limites dans ce qui est prévu à l'Institut de la statistique du Québec.

Je veux juste tenter, M. le Président, par le biais d'un seul exemple, de vous montrer à quel point on ne peut pas faire confiance à ce gouvernement-là sur ces questions de balises ou de limitations. Quand ça a été révélé qu'une autre série d'irrégularités, toujours sous le même gouvernement, avaient été commises, le gouvernement du Parti québécois avait systématiquement négligé d'inscrire... Parce qu'il avait une obligation en vertu de la loi. S'il y avait des transmissions comme ça avec l'accord de la Commission d'accès, fallait que chaque ministère ou organisme tienne un registre pour que le public, pour qu'un citoyen puisse aller dans chaque ministère et savoir qu'est-ce qu'il y avait eu comme transmission d'informations en vertu de la loi. Ils ne tenaient pas les registres. Et, dans un premier temps, une première version de ce projet de loi là, le gouvernement du Parti québécois aurait fait disparaître l'obligation de tenir ces registres dans chaque organisme ou ministère. Alors, on ne peut pas faire confiance au gouvernement du Parti québécois lorsqu'il nous dit: Bien, on va mettre dans la loi, on va inscrire dans la loi des limites. Qu'est-ce qu'il y a de plus important comme limite que l'interdiction formelle de transmettre des informations fiscales et confidentielles pour fins politiques et partisanes? C'est complètement illégal.

Quelle était la sanction, M. le Président, lorsque le bureau du premier ministre actuel lui-même était responsable de l'utilisation illégale d'informations fiscales confidentielles pour fins politiques et partisanes? Aucune. Aucune sanction en vertu de la Loi sur l'accès, aucune sanction en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu, aucune acceptation par le premier ministre de sa responsabilité ministérielle. Il avait bien dit comment la députée de Rosemont avait bien fait d'accepter sa responsabilité ministérielle, mais il s'est bien gardé de reconnaître sa propre responsabilité ministérielle.

M. le Président, il n'y a pas de sanction dans ce gouvernement-là parce qu'il se croit tout permis. Alors, le gouvernement du Parti québécois aura beau se gargariser de termes comme «balises» pour tenter de nous convaincre que ce déversement massif d'informations contenues dans une multitude de fichiers du gouvernement vers l'Institut de la statistique du Québec serait balisé, serait limité, ce n'est pas vrai, parce qu'il n'y a pas de sanction. En termes clairs, il ne se passe rien s'il ne respecte pas la loi. C'est l'expérience vécue. Et ça a exigé une commission d'enquête pour prouver que ce qu'on avait avancé dans le cas de l'utilisation de l'information fiscale concernant le député bloquiste Ghislain Lebel était vrai. Et, une fois que ça a été prouvé qu'il l'avait fait, il y a eu zéro acceptation de responsabilité, zéro sanction, un peu de chaise musicale bureaucratique au ministère du Revenu: Bon, on va arrêter de faire ça de telle manière puis on va le faire de telle autre manière. Mais les gens responsables, les hommes et les femmes politiques, les élus... La seule qui a accepté sa responsabilité alors que ses problèmes avaient été révélés, c'était la députée de Rosemont. Elle a agi correctement, pas les autres. Eux, ils n'assument pas leurs responsabilités, à tel point que le ministre des Finances, avec l'aide de l'expert préféré du ministre des Relations avec les citoyens, a changé rétroactivement la loi pour se disculper, M. le Président. Du jamais vu dans l'histoire de notre Parlement, du jamais vu.

Alors, le ministre aura beau parler de balises, le projet de loi qu'il présente ici aujourd'hui a un corps étranger greffé. Le projet de loi n° 122 a toute une série d'articles où on va dire que toute transmission à l'Institut de la statistique du Québec sera réputée nécessaire. C'est ça que dit l'article 9.1 qui serait ajouté par l'article 110. Je le lis, M. le Président: La loi serait modifiée par l'ajout, après l'article 9, de l'article suivant:

«9.1. Toute communication de renseignements personnels d'un organisme public à l'Institut dans le cadre de la mission de ce dernier est réputée nécessaire.»

C'est du jargon juridique pour dire que c'est irréfutable. C'est une présomption irréfutable. C'est ça, c'est réputé nécessaire. Même si ça ne l'est pas dans les faits, même si c'est du voyeurisme bureaucratique ou administratif, même si c'est pour aider le Parti québécois dans ses prochaines élections, ce n'est pas grave, ça, ce serait réputé nécessaire.

M. le Président, c'est la crédibilité même de l'Institut de la statistique du Québec qui va en souffrir, parce que le ministre est en train de l'amener sur une pente très glissante. Si le ministre tient à ce que ce dossier-là soit discuté correctement, s'il est le moindrement sérieux dans sa démarche, il va faire une chose, il va sortir ce corps étranger du projet de loi n° 122, permettre que ce soit débattu à part, séparément, car ça n'a aucun rapport avec ce dont on est en train de discuter. Ce n'était jamais dans le rapport de la Commission d'accès à l'information. Personne ne lui a demandé de faire ça, sauf son ministre des Finances. Il n'y a aucune priorité sociale dans ce projet de loi là qui exige qu'on aille faire ça avec l'Institut de la statistique du Québec, c'est purement pour la commodité du gouvernement du Parti québécois, de son ministre des Finances et du ministre... C'est pour ça qu'il est en train de livrer la marchandise là-dessus.

Alors, s'il veut qu'on puisse procéder avec ce qu'on est supposé être en train de faire, c'est-à-dire débattre d'un projet de loi qui constitue une révision dans l'intérêt du public – pas du gouvernement, du public – de la loi sur l'accès à l'information, il va accepter notre invitation, et je peux garantir, M. le Président, que le reste du projet de loi, à l'exception de ces dispositions-là, va recevoir une analyse très constructive, très rapide lorsqu'on fera notre consultation là-dessus, et ça va pouvoir être adopté sans trop de difficultés, et je viens de donner quelques exemples de points spécifiques sur lesquels on va insister pour travailler beaucoup. Mais je peux garantir au ministre ceci, que, si ça reste là-dedans, ce projet de loi ira exactement où il mérite d'aller, c'est-à-dire nulle part.

Je garderai le reste de mon temps, étant donné l'heure où on est rendus.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous avez 55 minutes d'utilisées de votre temps. Il est maintenant 18 heures, et nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 12)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement, nous poursuivons. Alors, nous étions à l'article 6 du feuilleton. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 122, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, le Code des professions et d'autres dispositions législatives.

Alors, lors de la suspension de nos travaux, à 18 heures, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition officielle faisait son allocution. Et je tiens à vous aviser que vous avez exactement 55 min 1 s d'écoulées sur votre temps qui est de maximum 60 minutes. Alors, je vous prierais de continuer votre allocution. M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Pendant les 4 min 59 s qu'il me reste, je tenterai de convaincre mes collègues d'en face de l'importance de revoir certains aspects du projet de loi n° 122, notamment les aspects qui sont ajoutés à la toute fin et qui concernent l'Institut de la statistique du Québec, qui, selon nous, n'ont aucun rapport avec le projet de loi qui est censé être une révision quinquennale suite au dépôt d'un rapport de la Commission d'accès à l'information. C'est déjà trois ans en retard. Ce bout-là risque de retarder complètement le projet de loi.

Par ailleurs, M. le Président, je tiens à signaler qu'à l'heure actuelle la Commission d'accès à l'information compte seulement cinq membres. Nous avons mentionné ça plus tôt, puis j'en ai même parlé avec le ministre déjà. La Commission d'accès à l'information est appelée à jouer un rôle de plus en plus grand. On a ajouté, au fil des ans, des importantes responsabilités en matière du secteur privé. On sait aussi quelle importance revêtent les systèmes informatiques au sein du gouvernement de nos jours. Sans expertise, formation ou expérience interne à la Commission d'accès à l'information en matière de systèmes d'information, on est en train de manquer à notre devoir. Et j'espère que le gouvernement va se rendre compte de cet important oubli et va accepter notre suggestion de porter de cinq à sept le nombre de membres à la Commission d'accès à l'information, pour s'assurer que, en dehors des talents nécessaires en matière juridique pour mener des enquêtes, par exemple comme une commission d'enquête, on va accepter que, dorénavant, il faut ajouter de l'expertise en matière de technologies de l'information.

Ça rappelle, M. le Président, le projet de loi n° 193 qui a été présenté la semaine dernière par l'opposition, unanimement, et qui a reçu l'appui tacite du gouvernement sous forme de 58 abstentions. C'est maintenant inscrit dans notre ordre du jour. Je ne sais pas si ça va être appelé, mais c'est important de réaliser qu'il y a des problèmes en ce qui concerne les nominations à ces fonctions-là. Au moment où on se parle, il y a déjà des nominations qui finissent à la Commission d'accès à l'information, qui sont finies. Le président actuel a annoncé qu'il s'en allait au mois d'août. Il faut songer à le remplacer, lui. Nous, on est en train de dire qu'il serait extrêmement important, si on tient à coeur ces institutions-là, de s'assurer que, parmi les membres qui composent la Commission d'accès à l'information, on trouve des gens avec les compétences requises en matière de technologies de l'information, des experts, des gens qui peuvent aider dans une analyse serrée des critères qui existent pour protéger l'information qui est détenue par l'État au moment où on se parle.

Le projet de loi par ailleurs, M. le Président, comporte des failles en ce qui concerne certains oublis. Par exemple, ça traite inadéquatement de la question des filiales des sociétés d'État comme Hydro-Québec. On peut parler aussi des délais qui vont être engendrés par certaines procédures qui sont prévues ici, qui, contrairement à ce que le gouvernement escomptait, risquent d'allonger les délais et de rendre plus avantageuse la loi pour les gens qui ont l'argent pour payer les avocats.

En terminant, M. le Président, je m'en voudrais de ne pas insister à nouveau sur l'importance pour le gouvernement de retirer du projet de loi les articles qui concernent l'Institut de la statistique du Québec. Ces articles-là n'ont strictement rien à voir. Et je me permets de donner un seul exemple, parce que, effectivement, on a très peu de temps. On dit, à l'article 9.1 que «toute communication de renseignements personnels d'un organisme public à l'Institut dans le cadre de la mission de ce dernier est réputée nécessaire». M. le Président, si on est en train de créer la présomption que c'est nécessaire de faire cette communication, c'est qu'on est en train d'enlever le rôle de la Commission d'accès à l'information pour ce qui pourraient être des transferts massifs et non contrôlés d'informations personnelles vers une institution.

Et le problème, M. le Président, c'est que, même quand ce gouvernement se fait prendre, comme ça a été le cas au bureau du premier ministre – transfert d'informations fiscales et confidentielles au bureau du premier ministre – il n'y a pas de conséquences, il n'y a pas de responsabilité. Vous avez vu la commission Moisan. Quel a été le résultat concret? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a été blâmé? Est-ce qu'il y a quelqu'un qui a été accusé en vertu de l'une ou l'autre loi? Non, ils ont fait des rapports d'avocats disant que c'était trop tard ou que ce n'était pas opportun. Et le premier ministre n'a jamais assumé sa responsabilité ministérielle. C'est pour ça qu'on dit que c'est si dangereux de tout transférer à l'Institut de statistique et c'est pour ça qu'on est foncièrement opposés à cet aspect-clé du projet de loi n° 122, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition officielle. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 122? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour ajourner le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Alors, nous ajournons le débat. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. Je vous demanderais de suspendre quelques instants, le temps de permettre au député de Verdun de se joindre à nous.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suspends quelques instants nos travaux.

(Suspension de la séance à 20 h 19)

(Reprise à 20 h 34)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés qui êtes debout, veuillez vous asseoir.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Boisclair: Oui, l'article 4, M. le Président, du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 102


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à votre feuilleton, à l'article 4, M. le ministre de la Solidarité sociale propose l'adoption du principe du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 102? M. le ministre? Alors, M. le ministre de la Solidarité sociale et député de Gouin.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, nous voilà donc rendus, après plusieurs semaines de débats, de discussions en commission parlementaire, dans des forums privés, dans des réunions qui m'ont amené à discuter avec des représentants syndicaux, avec des retraités, avec des employeurs, nous voilà donc au salon bleu pour entamer le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 102.

D'abord, M. le Président, qu'est-ce que le projet de loi n° 102? Le projet de loi n° 102 vient amender la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, une loi qui a été touchée, étudiée, devrais-je dire, par les membres de cette Assemblée, la dernière fois, il y a plus de 10 ans. Donc, au départ, pour n'importe quel observateur averti qui s'intéresse à la question des régimes complémentaires de retraite, une loi comme celle-là, après 10 ans, mérite d'être révisée. Elle mérite d'être révisée, M. le Président, essentiellement pour une raison, parce que les réalités du marché du travail changent et qu'il est important qu'un outil de canalisation de l'épargne des travailleurs et des travailleuses, comme celui proposé dans les régimes complémentaires de retraite, soit un outil qui s'adapte aux temps modernes, aux exigences d'aujourd'hui, particulièrement à une plus grande mobilité des travailleurs et des travailleuses sur le marché du travail.

Nous voulons faire en sorte de renforcer la confiance de l'ensemble des participants et des employeurs aux régimes complémentaires de retraite. Donc, une mise à jour s'impose. Je rappelle, M. le Président, que l'intention du législateur n'est pas de modifier l'ensemble des grands principes sur lesquels la Loi sur les régimes complémentaires de retraite a été bâtie. Il s'agit plutôt d'une mise à jour de la loi.

Avant de rentrer dans les détails du projet de loi et des principes qui ont conduit le gouvernement dans les débats entourant le projet de loi n° 102, rappelons un certain nombre de choses, de faits qui justifient le gouvernement d'agir et qui nous incitent à agir avec diligence.

D'abord, le contexte québécois: vieillissement accéléré de la population. Le nombre de personnes âgées au Québec, environ sur une période de 30 ans, va doubler, passant de 12 % à 24 %. Dans ce contexte, la place que prend le revenu de retraite privé dans l'ensemble des revenus d'une personne retraitée est un élément important. Pourquoi? Parce que nous souhaitons prendre tous les moyens nécessaires pour qu'une personne, au moment de sa retraite, puisse éviter d'être confrontée à une perte de son pouvoir d'achat.

Quelles sont les règles à l'heure actuelle qui régissent tant les lois que les grands principes qui conduisent une personne à pouvoir bénéficier d'un revenu de retraite? Il faut savoir que, dans l'édifice de la retraite, il y a un certain nombre d'étages. D'abord, il y a des régimes qui sont publics. Je pense, par exemple, au régime fédéral de pension de vieillesse. Nous savons aussi que le gouvernement fédéral, pour des personnes qui sont davantage dans des situations de précarité financière, offre ce qu'on appelle le soutien de revenu garanti. C'est ce qu'on appelle le premier niveau de l'édifice de la retraite, essentiellement un régime quasiment universel, un régime d'assistance qui s'adresse à l'ensemble des personnes, avec une préoccupation particulière pour les gens à faibles revenus.

Par-dessus cet édifice, le gouvernement, depuis le début des années soixante, propose aux Québécois, et d'ailleurs invite les Québécois à participer au Régime de rentes du Québec, un régime de retraite public auquel l'ensemble des travailleurs et des travailleuses participent par obligation. On se souvient d'une contribution de l'employeur, d'une contribution des employés. Donc, voilà le deuxième élément de l'édifice de la sécurité du revenu à la retraite.

Par-dessus ces deux interventions, fédérale et provinciale, nous souhaitons faire en sorte que le revenu de retraite privé, donc des revenus de retraite que des travailleurs et des travailleuses québécois et québécoises ont épargnés au cours des ans, puisse prendre davantage de place. Essentiellement, quels sont les outils pour un revenu de retraite privé? D'abord, un outil bien connu qui s'appelle le REER et, par la suite, un autre outil qui est aussi bien connu, qui est d'abord le champ de préoccupation de ce soir, les régimes complémentaires de retraite.

Maintenant, lorsqu'on regarde cet édifice, nous notons une chose, M. le Président, qui est déterminante. Le pourcentage de revenus de retraite privés des Québécois et des Québécoises retraités stagne au Québec alors qu'il augmente ailleurs au Canada, et particulièrement en Ontario. Et c'est sur cette donnée que le gouvernement a voulu d'abord justifier son intervention, a voulu interpeller l'ensemble des membres de l'Assemblée. Et je vous donne ces chiffres. Le revenu de retraite de source privée des Québécois et des Québécoises – donc, on se rappelle, je parle des REER et je parle des régimes complémentaires de retraite – compte pour environ 12 % du revenu de retraite privé des Québécois, et ça, c'est en 1981. Qu'en est-il 14 ans plus tard, en 1995? Les revenus de retraite de source privée couvrent environ 19 % de l'ensemble des revenus de retraite des Québécois. Donc, augmentation, mais légère, de 12 % à 19 %. Pendant la même période, qu'est-ce qui s'est passé chez nos voisins de l'Ontario? Bien, ce pourcentage est passé de 13 % en 1981 à 27 % en 1995. D'où l'affirmation: Les revenus de retraite privés des Québécois stagnent quelque peu, particulièrement lorsqu'on les compare à ceux de l'Ontario. Donc, justification d'agir.

(20 h 40)

Et comment faire en sorte, M. le Président, de favoriser l'augmentation du revenu de retraite privé des Québécois? Bien, en renforçant la confiance tant des travailleurs que des employeurs à l'endroit d'un outil qui est remarquable, qui est efficace, qui est le régime complémentaire de retraite.

Et pourquoi disons-nous qu'il y a de l'espace? Parce que seulement un travailleur sur quatre dans le secteur privé contribue à un régime de retraite. Il faut se rappeler, M. le Président, que ces régimes complémentaires de retraite sont volontaires. L'État n'oblige pas un employeur à offrir à ses employés un régime complémentaire de retraite. C'est un régime qui est volontaire. Mais toutefois la responsabilité du gouvernement du Québec, c'est de faire en sorte que cet outil demeure adapté aux réalités modernes du marché du travail et aussi de l'ajuster pour faire en sorte que les employeurs, eux aussi, aient confiance dans cet outil. Alors, on se dit qu'il faut faire un peu le ménage de la loi et clarifier un certain nombre de choses.

Alors, qu'est-ce qu'on fait dans ce projet de loi, M. le Président? Bien, d'abord, on veut faire en sorte de renforcer la confiance des travailleurs et des travailleuses. On propose essentiellement deux principes. Celui du droit d'une personne d'acquérir immédiatement sa rente et particulièrement la part de l'employeur. Qu'est-ce que ça veut dire? Essentiellement, en ce moment, règle générale, une personne qui contribue à un régime de retraite a droit à la part de l'employeur lorsqu'elle prend sa retraite uniquement si elle a travaillé au moins deux ans pour le même employeur. Un employé qui quitterait une entreprise où il a travaillé pendant une période d'un an n'aurait pas droit, dans les droits qu'il accumule pour le moment de la retraite, à la part de l'employeur. On veut corriger cette situation et donner un accès, après 700 heures de travail, à la part de l'employeur dans la comptabilisation de la rente de retraite d'une personne qui prend sa retraite. Donc, à cet égard, nette amélioration.

Autre élément pour renforcer la confiance des travailleurs. On sait qu'une personne qui aurait changé à plusieurs reprises d'employeur, comparativement à une personne qui a toujours été à l'emploi d'un même employeur, se voit dans une situation pénalisée au moment où elle prend sa retraite. Nous proposons donc, avec des mécaniques qui sont prévues au projet de loi, de revaloriser la rente d'une personne qui a à plusieurs reprises changé d'emploi, pour faire en sorte d'éviter que, par rapport à une personne qui a travaillé toujours pour le même employeur, elle soit pénalisée.

Donc, deux bonifications majeures qui ont reçu en commission parlementaire l'assentiment de l'ensemble des parties, que ce soient des retraités, que ce soient des jeunes qui se sont intéressés à cette question, des employeurs, des syndiqués. Ça, c'est une bonne nouvelle pour tout le monde. Je pense qu'on va, de cette façon, faire en sorte de renforcer la confiance des travailleurs et des travailleuses et qu'on réussira, à défaut de pouvoir créer de nouveaux régimes – parce que c'est quand même ça un peu, l'objectif d'un projet de loi – à tout le moins, à rassurer ceux qui sont là puis éviter qu'il y ait une diminution du nombre de régimes.

Deuxième élément, M. le Président: la confiance de l'employeur. C'est là qu'on entre dans un des éléments qui sont aussi déterminants du projet de loi. Qu'est-ce qu'on dit sur cette question? D'abord, le coeur de la discussion, c'est le droit d'un employeur de prendre un congé de cotisation. Qu'en est-il de ce droit? En ce moment, il y a un flou juridique. La loi n'est pas claire, la jurisprudence n'est pas claire. Plusieurs personnes interpellent le législateur, particulièrement des employeurs, et nous disent: Est-ce qu'on peut clarifier ce droit? Donc, le gouvernement s'est attaqué à cette tâche et a mis au jeu un certain nombre de propositions.

Essentiellement, avant de rentrer dans le détail des propositions, quelle est la situation actuelle, avant l'adoption du projet de loi n° 102, une fois les effets pleinement escomptés après l'adoption du projet de loi? Aujourd'hui, sans le projet de loi n° 102, il se prend des congés de cotisation et il se prend des congés de cotisation parfois sans entente avec les parties. C'est souvent le cas de régimes où les employeurs sont les seuls à contribuer au régime de retraite. Il se prend des congés de cotisation sans information des membres, qu'ils soient des participants actifs ou des retraités. Il se prend aussi, dans la très grande majorité des cas, des congés de cotisation par entente entre les syndicats et les employeurs.

Qu'est-ce que ça a donné, M. le Président, ces dernières années? On sait que les surplus sont environ, en ce moment, de l'ordre de plus de 2 milliards de dollars. Et, quand on regarde dans le temps, sur une période d'environ 10 ans, on voit qu'il s'est pris à peu près pour le même montant de congés de cotisation. Et à qui ont bénéficié ces congés? Bien, à 60 % des cas, souvent parce qu'il y a eu entente avec les parties, ça a servi à bonifier le régime puis, dans l'autre 40 %, ça a servi à permettre à un employeur de prendre un congé de cotisation. Ça, c'est la situation actuelle. Mais ces ententes pourraient faire l'objet d'un certain nombre de débats, de discussions, sachant que le droit de l'employeur n'est pas, en ce moment, clair. On veut clarifier cette situation.

Donc, le projet de loi nous permet de dessiner une option pour un employeur qui souhaite prendre un congé de cotisation. Et là il faut être très clair, le projet de loi ne force personne, le statu quo peut être possible. L'employeur qui décide de procéder comme il faisait puis ne pas être à l'abri de recours et de contestations peut procéder comme il le fait. C'est ce qu'on appelle le statu quo. Il est possible. Mais, toutefois, pour un employeur qui voudrait clarifier son droit au congé de cotisation, on offre une formule. Cette formule a été longuement discutée, négociée avec les centrales syndicales, avec les représentants du patronat, avec aussi des associations de retraités. Tous nous ont dit une chose: Si vous clarifiez le droit du patron de prendre un congé de cotisation, vous devez absolument, en tout temps, respecter les ententes.

Et c'était d'ailleurs un principe général qui nous avait guidés dans les dispositions du projet de loi n° 102. Sauf que, au fur et à mesure que le débat a évolué, des gens nous ont dit que ce principe général devait évoluer et qu'on devait aller encore plus loin. Et nous avons convenu, et tous ont convenu, et les patrons, et les syndicats, et les retraités ont convenu... ils ont demandé au gouvernement des modifications, particulièrement les syndicats, faut-il le dire, mais des syndicats qui ont réussi, avec l'entremise de plusieurs partenaires, ont amené aussi les patrons à modifier leur point de vue. On a fait de ce principe général du respect des ententes une règle stricte.

Donc, là soyons très clair au sujet des congés de cotisation, un employeur qui veut prendre un congé de cotisation devra obligatoirement, partout, s'entendre avec le ou les syndicats de l'entreprise et devra aussi s'entendre avec toute personne avec qui il est lié par contrat. On peut, par exemple, penser que, dans certains cas, des associations de cadres ont des ententes écrites avec l'employeur au sujet de l'utilisation des surplus.

J'ai donc déjà rendu publics des amendements sur cette question, et ces modifications ont reçu l'approbation des patrons, des syndicats et des retraités. Donc, sur cette question du droit au congé de cotisation, j'en suis arrivé à dessiner cette zone de confort, une zone de confort pour l'ensemble des parties et une zone de confort qui, je pense, passe un test qui est celui de la réalité. Parce que les gens doivent comprendre que je pourrais, dans cette loi, mettre bien des éléments, mais, si la conséquence est que le nombre de régimes continue de diminuer ou que des gens transforment leur régime de retraite en REER collectif, on n'est pas plus avancé. Il faut que cet outil soit un bon outil, qu'il soit efficace, que les gens aient confiance dans l'outil et qu'il y ait donc une limite à ce que le législateur peut imposer à l'ensemble des parties. Donc, on règle cette question-là.

(20 h 50)

L'autre principe, c'est celui de la transparence, parce que le gouvernement a la responsabilité – comment je pourrais dire, M. le Président? – de dessiner la patinoire à l'intérieur de laquelle les parties vont jouer, ce n'est pas de se substituer aux parties. Le Barreau est venu nous faire une sérieuse mise en garde: Ne vous substituez pas aux parties, n'intervenez pas dans le contrat, mais dessinez la patinoire pour que les gens puissent jouer à armes égales sur cette patinoire. C'est une analogie, M. le Président, elle est un peu grossière, j'en conviens, mais ça illustre bien mon propos.

À cet égard, bien on a apporté toutes sortes de dispositions qui me font croire qu'au Québec nous aurons, en matière de transparence et de participation des travailleurs et des retraités, les dispositions les plus progressistes qui existent au Canada. Avec ces dispositions, M. le Président, les retraités québécois qui ont déjà participé à des régimes complémentaires de retraite et qui tirent une rente de ces régimes seront protégés comme nulle part ailleurs au Canada.

Quelles sont les dispositions retenues dans le projet de loi? La première: information préalable, lorsqu'un employeur veut prendre un congé de cotisation, à l'ensemble des participants, qu'ils soient retraités ou qu'ils soient des travailleurs, ce qu'on appelle des participants actifs; assemblée générale obligatoire annuelle à l'occasion de laquelle le comité de retraite fait le point sur l'administration du régime.

Nous avons agréé aux revendications de l'Association des épargnants. M. Michaud est venu faire un vibrant plaidoyer en commission parlementaire et il nous a demandé que ce soient les retraités qui puissent élire leur représentant au comité de retraite. On clarifie la loi, il y aura obligatoirement un retraité sur chacun des comités de retraite. On clarifie la loi aussi, on vient dire que ce sont uniquement les retraités qui, à l'occasion de l'assemblée générale, pourront désigner leur représentant, pour éviter que le représentant des retraités soit un représentant un peu complaisant parce qu'il aura été désigné par autre personne que par le groupe qu'il a la responsabilité de représenter. Il en ira de même, M. le Président, pour le représentant des travailleurs et des travailleuses, élu par les participants travailleurs et travailleuses qui sont à l'assemblée générale. On clarifie ces règles.

On dit aussi, dans un contexte où, de plus en plus, les retraités s'organisent: Il faut donner de l'information aux participants, particulièrement aux retraités, sur l'existence d'une association de retraités. Dorénavant, sur le relevé annuel, à chaque fois qu'une entreprise aura comme partenaire un comité de retraités, bien le nom puis les coordonnées du comité de retraite devront figurer sur le rapport annuel. Comme ça, un retraité qui pourrait se poser des questions sur l'état de situation de son régime pourra s'adresser à son association de retraités. Donc, des éléments, des amendements que j'ai rendu publics aujourd'hui qui m'amènent à dire que, hors de tout doute, les retraités québécois seront protégés ici comme nulle part ailleurs.

Petit mot, en conclusion, M. le Président, et je prends les deux dernières minutes pour ça. L'Alliance des retraités est venue me demander que 30 % des retraités qui seraient insatisfaits d'une entente intervenue entre un patron et un syndicat puissent avoir droit à un arbitrage obligatoire. J'ai correctement étudié cette proposition, je l'ai repesée, je l'ai regardée, j'en ai discuté de longues heures avec les représentants de l'Association des retraités. Il nous est apparu très clair que de donner à une minorité de retraités le droit à un arbitrage automatique était certainement pousser très loin la nature des droits des retraités qui, encore aujourd'hui, malgré l'adoption du projet de loi n° 102, pourront utiliser les dispositions du Code civil et avoir recours aux tribunaux de droit commun s'ils s'estimaient lésés par une entente. Cette possibilité demeure. Le projet de loi n° 102 n'enlève rien aux recours qui sont en cours. Le projet de loi n° 102 n'enlève de droit à personne, il vient simplement clarifier les règles du jeu. Et il faut convenir, M. le Président, qu'avoir retenu la proposition de l'Alliance des retraités aurait conduit à donner plus à des retraités qu'à des travailleurs. Les travailleurs, à 30 %, n'ont pas ce droit d'avoir accès à un arbitrage automatique, et les retraités m'auraient demandé de le leur donner.

Donc, le choix du gouvernement, il est simple: définir correctement la glace, permettre à tous les joueurs de jouer à armes égales. Et voilà, M. le Président, les grands éléments du projet de loi.

Maintenant, puisque je sais que nous avons eu de nombreuses discussions, par respect pour l'opposition, je voudrais déposer l'ensemble des amendements, ceux qui ont été annoncés et ceux aussi qui ont fait l'objet de discussions en commission parlementaire. Ils sont assez nombreux, M. le Président. Je pense que les députés de l'opposition auront certainement suffisamment de l'heure qui vient pour correctement les étudier, et que nous puissions, par la suite, reprendre nos travaux, et que l'opposition ait le temps de prendre connaissance de l'ensemble des amendements que je rends compte. Nous sommes très satisfaits, M. le Président. Nous avons trouvé cette zone de confort. Nous avons fait le choix de la transparence, et tout le long nous l'avons respectée, et je pense que l'ensemble des parties seront contentes des propositions qui sont sur la table.


Documents déposés

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il y a consentement pour le dépôt. Merci, M. le ministre.

Et, sur ce, je suspends nos travaux tel que... Ce matin, aux affaires courantes, l'ordre de la Chambre était à cet effet. Nous suspendons donc jusqu'à 22 heures précises.

(Suspension de la séance à 20 h 55)

(Reprise à 22 h 4)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, l'Assemblée reprend ses travaux. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, et je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Alors, je reconnais M. le député de Verdun et vice-président de la commission des institutions, porte-parole de l'opposition en matière de recherche, science et technologie et responsable du programme RREGOP et Régime des rentes. M. le député de Verdun, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. D'emblée, je devrais rappeler à cette Assemblée que ce que nous discutons ce soir est éminemment important. Nous le faisons dans un cadre où probablement les parlementaires qui m'écouteront ici seront tous payés en dessous du salaire minimum, mais je pense qu'il est important de pouvoir continuer et de débattre cette question des régimes de rentes, parce que, dans les années qui vont venir – il est important, M. le Président, de bien comprendre l'effet de la démographie – dans moins de 10 ans, parmi les revenus que vous allez avoir, Québécois et Québécoises, sur trois personnes qui travailleront, deux personnes seront pensionnées, d'où l'importance aujourd'hui, lorsque nous discutons des régimes de retraite, M. le Président... d'où l'importance des régimes de retraite lorsqu'on envisage ce que sera notre société demain. Demain, ceux qui seront en mesure de contribuer, en quelque sorte, à la vie économique du Québec, pour deux sur cinq, seront des pensionnés.

Donc, la vitalité, la qualité des régimes de pension, c'est quelque chose qui, bien sûr, va toucher bon nombre de nos concitoyens, mais touche aussi ceux d'entre vous qui sont préoccupés par ce que sera demain l'économie du Québec. Les consommateurs de demain, pour 40 % des consommateurs de demain, ce seront des retraités, et le pouvoir d'achat de ces retraités, la manière dont ils pourront consommer ou ne pas consommer, sera une condition absolument importante dans la vitalité de l'économie du Québec de demain.

M. le Président, le ministre a dit qu'il fallait maintenir le pouvoir d'achat des retraités. Nous adhérons à cette idée-là. Il faut bien sûr maintenir le pouvoir d'achat des retraités et il faut toujours avoir à l'idée à quel point il est important, en fonction de ce que sera l'économie du Québec dans 10 ans, à quel point le maintien du pouvoir d'achat, c'est-à-dire l'indexation des rentes, est une question qui est fondamentale.

M. le Président, vous le savez parce que vous êtes un homme de culture et un homme de connaissances, les revenus dont peuvent bénéficier les personnes qui ont travaillé et qui sont retraitées se constituent de trois sources. Il y a bien sûr ce qu'on appelle dans notre langage, et le ministre l'a rappelé très justement tout à l'heure, la pension de sécurité de la vieillesse qui vient du gouvernement fédéral. Pour ceux qui ont travaillé, s'ajoute à ce revenu, qui est le revenu de la pension de sécurité de la vieillesse, le revenu qui peut venir des cotisations que la plupart des gens qui travaillent ont payées au Régime de rentes du Québec, le RRQ. Ce n'est pas le lieu d'en parler aujourd'hui, mais il est important de savoir que c'est une pierre importante dans les revenus de nos retraités.

Les revenus supplémentaires, ce qui permet à la personne qui a travaillé toute sa vie, qui arrive à la retraite, de maintenir un revenu décent, c'est soit ses épargnes personnelles, soit les revenus qu'elle sera en mesure de tirer des régimes complémentaires de retraite. Vous savez, comme la majeure partie des parlementaires ministériels ou la députée de Taschereau, par exemple, sait parfaitement, qu'il y a deux types de régimes de pension. Il y a les régimes de pension à prestations déterminées, il y a les régimes de pension à cotisation déterminée.

(22 h 10)

Les régimes de pension à cotisation déterminée, ce sont les régimes dans lesquels, au préalable, la cotisation de l'employeur, la cotisation de l'employé est fixée, et on accumule, année après année, un certain revenu qui est placé et qui, au moment de la retraite, permet d'acheter une rente ou un autre véhicule financier. C'est ce qu'on appelle les régimes à cotisation déterminée.

Les régimes à cotisation déterminée ne tiennent qu'imparfaitement compte de l'inflation, ne tiennent qu'imparfaitement compte des augmentations salariales qu'a pu connaître le bénéficiaire en question. Mais, par contre, et j'en discuterai tout à l'heure, ça permet une certaine flexibilité, particulièrement lorsqu'on envisage ce qu'on appellerait les REER collectifs.

À l'opposé, vous avez des régimes de pension à prestations déterminées. C'est important, ça a l'air technique, M. le Président, mais je pense que, dans une loi comme celle-ci, vous m'excuserez de commencer à faire un peu d'explications. À prestations déterminées. Qu'est-ce qu'on veut dire lorsqu'on parle d'un régime à prestations déterminées? C'est un régime où on établit au départ quelle sera la prestation de retraite, et souvent on l'établit en fonction soit du salaire que la personne a gagné durant la carrière, soit une moyenne des meilleurs salaires finaux, des meilleurs salaires pendant le temps de carrière. Par exemple, pour l'ensemble des parlementaires de cette Chambre, notre régime de pension est un régime de pension à prestations déterminées, basées, M. le Président, sur la moyenne de nos cinq meilleures années de salaire, payables lorsque nous avons atteint l'âge de 60 ans.

Alors, ces régimes de pension à prestations déterminées, il faut quand même les financer, et ils sont financés par ce qu'on appelle des cotisations qui sont établies par l'actuaire du régime qui planifie quel est le coût qu'il faut prévoir, quelle est la cotisation qu'il faut prévoir pour assumer ce régime et qui le partage... Ça dépend des cas, des fois c'est partagé entre l'employeur et les participants, des fois c'est à la charge seule de l'employeur. Il existe beaucoup de types de régimes.

Quelle est la difficulté que nous voyons actuellement dans les régimes de pension à prestations déterminées? La difficulté vient, M. le Président, que c'est un véhicule d'épargne, un élément qui a été conçu principalement pour le cas des travailleurs qui rentraient jeunes dans une entreprise et qui y restaient l'ensemble de leur carrière et qui quittaient après 30 ou 35 ans de service dans la même entreprise. Donc, c'est réellement des régimes qui sont conçus pour fidéliser le salarié dans la même entreprise, rester dans la même entreprise pour pouvoir bénéficier d'une pleine retraite.

Ce type de régime est très pénalisant pour celui qui quitte après un an ou deux ans de travail dans une entreprise pour aller dans une autre entreprise où, là, il doit à nouveau recommencer. Ou, s'il a eu moins de deux ans dans une entreprise, il n'a pas pu accumuler ce qu'on appellerait des crédits de rente et il part simplement avec ses cotisations dûment indexées, avec l'effet du taux d'intérêt. Alors, les régimes à prestations déterminées, ce sont des régimes qui offrent une certaine sécurité, une sécurité contre le monde de l'inflation, qui suit l'évolution salariale de celui qui en bénéficie, par contre, qui est pénalisant pour celui qui doit changer ou qui a choisi ou qui choisit de changer fréquemment de travail, M. le Président.

Alors, à l'heure actuelle, sur l'ensemble des produits, ce qu'on appelle des produits financiers, puisqu'il y a une forte mobilité dans la main-d'oeuvre, très souvent, et les employeurs ou les employés à nouveau vont choisir plutôt, pour avoir une épargne en vue de leur retraite, soit des régimes à cotisation déterminée, soit des REER qu'on appelle des REER collectifs. C'est un véhicule qui est très performant au moment où les taux de revenu sur le marché financier sont des taux extrêmement intéressants. Le jour où vous avez des taux moins intéressants, vous retournez vers la qualité que peuvent amener des régimes à prestations déterminées, M. le Président.

Devant cette nouvelle situation, il faut bien être conscient que nous avons, nous, comme législateurs, à réfléchir: tel qu'il est décrit dans l'actuelle Loi sur les régimes complémentaires de retraite, est-ce que le véhicule des retraites à prestations déterminées est encore un véhicule approprié et utile pour les gens qui sont sur le marché du travail? Je dois dire que je n'en suis pas convaincu. Personnellement, je peux remarquer facilement qu'il a des avantages indéniables, mais il a des difficultés pour tous ceux qui choisissent ou qui ont une mobilité importante.

Alors, le ministre, ou la réflexion du gouvernement actuellement a été d'adapter ou d'essayer d'adapter ce véhicule d'épargne, qu'on appelle le régime à prestations déterminées, pour le rendre plus compatible avec la situation du marché du travail extrêmement mobile. Dans ce sens-là, M. le Président, le projet de loi amène trois modifications sur lesquelles je voudrais m'étendre. Il y en a une quatrième dans laquelle je m'étendrai beaucoup plus tard, mais trois sur lesquelles je voudrais m'étendre: premièrement, l'acquisition pleine et entière du droit à la rente dès qu'on commence à contribuer; deuxièmement, une indexation de la prestation de cessation d'emploi; troisièmement, l'application du taux de rendement de la caisse de retraite aux cotisations salariales pour ceux qui doivent quitter.

Alors, M. le Président, vous comprenez quel est l'élément qui est compris à l'intérieur du projet de loi. C'est que cette espèce de période de deux ans dans laquelle quelqu'un qui rentrait dans une entreprise n'avait le droit souvent de participer au régime de retraite qu'au bout de deux ans, il aura le droit dorénavant de pouvoir participer au régime de rentes dès le début de son engagement. De la même manière, lorsqu'il quittera son emploi – bon, c'est un peu technique – 10 ans avant l'âge normal de la retraite, sa prestation de cessation d'emploi sera dûment indexée à la demie de l'indice, à la moitié de l'indice des prix à la consommation jusqu'à concurrence de 2 %.

(22 h 20)

Alors, M. le Président, bien sûr, il s'agit là des mesures qui peuvent en quelque sorte éviter ou atténuer l'effet qu'avaient sur les travailleurs, qui étaient les travailleurs qui étaient fortement mobiles, des règles qui entouraient les régimes à prestations déterminées. Je dois dire que c'est une réflexion pour rendre ce véhicule d'épargne en vue de la retraite plus adapté à une mobilité forte de la main-d'oeuvre, et je ne peux pas actuellement ne pas le reconnaître. Je devrais néanmoins signaler – et c'est important, M. le Président, que vous en soyez conscient – parce que les mesures sont rétroactives, que ceci a des coûts pour le régime. Donc, lorsqu'on met de l'avant de telles mesures, ce sont des mesures qui ne sont pas neutres pour le régime, ce sont des mesures qui vont avoir un coût pour chacun des régimes. Alors, M. le Président, la grande question qu'on aura toujours à discuter à l'intérieur de ceci, c'est: Est-ce que ces coûts sont justifiés par rapport aux avantages que l'on met de l'avant? On aura à réfléchir et à rediscuter de ces questions.

L'autre élément qui est contenu dans le projet de loi – je pense que c'est celui qui a attiré le plus d'intérêt de la part des médias – c'est celui qui touchait l'utilisation des surplus actuariels ou des excédents d'actif et qui permettait spécifiquement dans la loi, suivant certaines conditions, aux employeurs de pouvoir prendre des congés de cotisation à même ces surplus actuariels ou ces excédents d'actif. Alors, je vais me permettre, M. le Président, de revenir avec vous pour essayer qu'on comprenne bien de quoi nous parlons.

Un régime de retraite, essentiellement, c'est... Un régime à prestations déterminées, c'est quoi? C'est un régime mis de l'avant où vous avez un certain nombre de participants actifs ou retraités envers lesquels vous avez, comme régime, un certain nombre d'obligations, et l'obligation principale, c'est de payer une rente. Ça va? Pour assumer en quelque sorte cette rente, les participants actifs et bien souvent... disons, l'employeur et bien souvent les participants actifs paient une cotisation qu'on appelle une cotisation minimale, une cotisation d'exercice, et bien des fois une cotisation supplémentaire, l'objectif étant de faire en sorte que s'accumulent à l'intérieur de la caisse des montants suffisants pour pouvoir assumer les obligations que le régime a envers les participants.

Régulièrement, M. le Président, ce qu'on appelle l'actuaire du régime procède à une évaluation actuarielle. Lorsqu'il procède à une évaluation actuarielle, il évalue les engagements que le régime a envers l'ensemble des participants, compte tenu du nombre d'années de service qu'ils ont accumulées, compte tenu de leurs salaires, compte tenu des projections que l'on peut faire pour le futur de la croissance des salaires, compte tenu aussi d'une estimation des taux d'intérêt, compte tenu aussi d'une estimation d'un taux d'inflation. Avec ça, vous projetez dans le futur quelles sont les obligations monétaires que la caisse a pour payer lorsque chacun des bénéficiaires prendra sa retraite et pour pouvoir avoir une rente compte tenu de ce qui est prévu au contrat.

Ensuite, il est important de regarder quel est l'actif, c'est-à-dire ce qui a été accumulé actuellement dans la caisse, et de pouvoir faire la différence entre les deux et d'avoir soit un surplus actuariel soit un passif actuariel, le cas échéant. Il faut dire, M. le Président, et ça viendra, ça sera un argument sur lequel je reviendrai un peu plus tard, il faut dire que les actuaires sont des personnes relativement conservatrices et que les planifications qu'ils font et l'établissement de la cotisation d'exercice pour assumer les obligations de la caisse font que, en termes d'exercice – et je pense que le terme est important ici, en termes strictement d'exercice – il est rare qu'il y ait un déficit d'exercice. Par contre, il est fréquent qu'il puisse y avoir un excédent d'actif ou un surplus actuariel, M. le Président.

Face à ça, une fois qu'on a compris ensemble ce qu'est un surplus actuariel, c'est-à-dire lorsqu'on a donc en quelque sorte une caisse de retraite qui est en bon état financier, en excellent état financier, qui est le résultat en quelque sorte des placements qui ont été faits, des cotisations des membres actifs mais aussi des membres retraités actuellement et aussi des cotisations patronales, tous ces argents placés peuvent, parce que les taux de rendement du marché sont suffisamment supérieurs à ce qui avait été prévu dans l'analyse actuarielle, amener à avoir des excédents d'actif, des excédents d'actif, comprenons bien, M. le Président – et, ça, c'est central dans notre débat – qui sont le résultat de la manière dont on fructifiait les épargnes à la fois des retraités, des membres actifs et des cotisations patronales.

Donc, dans une situation où vous avez votre caisse – on va le regarder ensemble – qui est en bon état, elle a donc un supplément d'actif, se pose la question: Puisque nous avons maintenant une espèce de pactole devant nous, nous avons eu des rendements supérieurs à ce que nous avions prévu, qu'allons-nous faire avec ces excédents d'actif ou ces surplus actuariels? Alors, bien sûr, vous avez trois groupes de personnes autour de la table qui ont contribué – et ça, c'est extrêmement important, M. le Président – au fait que telle ou telle caisse de retraite a aujourd'hui un supplément d'actif. Vous avez, d'un côté, la partie patronale ou l'employeur. Vous avez les employés, et permettez-moi de vous dire aussi que, parmi les employés – et ça deviendra très clair dans le futur – il est important de distinguer entre les employés syndiqués et les employés non syndiqués, mais vous avez aussi les cotisations payées dans le passé par ceux qui, aujourd'hui, sont retraités, qui ont fructifié d'une manière supérieure à ce qui était prévu et qui ont contribué aussi au fait qu'aujourd'hui votre caisse de retraite se trouve avec plus d'argent qu'elle n'en a besoin pour assumer strictement les engagements qu'elle avait. Et c'est là que commence non pas le problème, mais que commence la discussion entre nous de savoir comment utiliser les surplus actuariels.

(22 h 30)

Alors, M. le Président, il y a à peu près trois façons, puisque vous avez trois grands groupes, d'utiliser les surplus actuariels. Vous n'en avez pas 107. Et je vais vous les décrire. Vous pouvez utiliser les surplus actuariels pour que l'employeur prenne des congés de cotisation, c'est-à-dire que, pendant une certaine période de temps, l'employeur ne contribue pas la partie de cotisation qu'il aurait dû verser à la caisse, parce qu'il dit: La caisse est suffisamment riche; moi, je ne cotise plus pendant un certain temps. Vous avez des situations où les participants actifs, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués, peuvent dire: Nous aussi, nous prenons un congé de cotisation. Et vous pouvez avoir des situations où à la fois participants actifs et employeur prennent des congés de cotisation.

Comprenez bien, M. le Président, que, si vous avez un salarié qui prend un congé de cotisation, c'est une forme d'augmentation salariale, de salaire, qu'il a pendant deux ans ou trois ans, parce qu'il n'aura pas à payer ses cotisations au régime de rentes. Vous pouvez aussi dire que vous allez augmenter en quelque sorte ce qu'on appelle, dans notre jargon, le passif actuariel de la caisse en augmentant les bénéfices que la caisse peut fournir, c'est-à-dire, dire: Voici, au début, le contrat que nous avions passé, employeur, participants actifs, retraités, prévoyait tel bénéfice; parce que, aujourd'hui, nous sommes plus riches, nous pourrions améliorer les bénéfices.

Il y a différentes manières d'améliorer les bénéfices. Vous avez des améliorations qui bénéficient directement aux participants actifs. Je pense, par exemple, à des améliorations qui diminuent le nombre d'années nécessaire pour prendre une retraite sans pénalité actuarielle. Ça, c'est le genre d'amélioration qu'une caisse peut accorder, qui est une bonification des prestations de la caisse mais qui bénéficie principalement aux participants actifs.

Vous pouvez aussi décider de revaloriser les rentes, en quelque sorte d'indexer a posteriori les rentes pour combattre la poussée inflationniste, en étant conscient à ce moment-là, M. le Président, que ce geste bénéficie principalement non pas aux participants actifs actuellement, mais plus particulièrement aux retraités actuellement. Et vous pouvez avoir toutes sortes de combinaisons de ces différentes mesures. Vous pouvez aussi envisager une partie de congé de cotisation, de revalorisation des prestations de la caisse pour les participants actifs et une revalorisation des rentes pour les retraités ou une revalorisation de ce qu'on appelle les faibles rentes pour les retraités.

Autrement dit, le message que je voulais vous faire passer, M. le Président, c'est: Lorsque existe, à l'intérieur d'une caisse de retraite, un surplus actuariel ou un excédent d'actif actuariel, il y a de nombreuses mesures pour pouvoir l'utiliser, en quelque sorte, et, suivant la mesure qui est choisie, vous favorisez tel ou tel groupe. Les mesures ne sont pas neutres, c'est important de bien le comprendre. Un congé de cotisation va être bénéfique à l'employeur et aux participants qui paient des cotisations. Une revalorisation de la rente va être bénéfique d'abord aux retraités. Des combinaisons de ces différentes mesures vont, au prorata, être bénéfiques à chacun des uns et des autres.

Alors, M. le Président, sur la question d'utilisation des surplus ou des excédents d'actif dans les caisses – et le ministre l'a rappelé dans son intervention, et je dois dire que, sur ce point-là, je suis d'accord avec lui – nous sommes dans un relatif flou juridique. Donc, il y a lieu que le débat se fasse et que nous soyons en mesure de mieux préciser comment nous devrions utiliser ou nous devrions permettre l'utilisation des surplus.

Il est important de bien comprendre au départ qu'un régime de retraite est avant tout un contrat qui lie employeur, employés et participants bénéficiaires ou retraités, que l'État serait très mal venu de vouloir imposer en quelque sorte des règles uniformes pour l'utilisation des excédents d'actif, et ce n'est pas le rôle de l'État de le faire. La loi devrait et doit faciliter l'entente entre chacun de ces groupes qui est directement concerné par les surplus d'actif, et l'objectif de la loi devrait être, M. le Président, ce que nous souhaitons, de faciliter l'entente entre ces trois personnes intéressées à l'utilisation des surplus actuariels ou des excédents d'actif parce qu'elles y ont contribué directement par leurs cotisations, à savoir les employeurs, les employés syndiqués et non syndiqués et les retraités.

Malheureusement, M. le Président, la loi n° 102 ne répond pas à cette interrogation. Je salue néanmoins au départ le fait qu'entre le projet de loi qui a été déposé et le projet de loi que nous allons débattre, j'imagine, en commission, si tant est que le ministre veuille bien présenter les amendements qu'il nous a annoncés aujourd'hui dans le document qu'il nous a déposé, il y a eu malgré tout une certaine évolution dans la réflexion du gouvernement, particulièrement en ce qui touche l'utilisation des excédents d'actif.

Je me permets de vous rappeler qu'initialement, particulièrement en ce qui touchait ce qu'on appelait les surplus actuariels excédentaires... C'est une technicalité, mais qu'il est important de signaler, M. le Président. Lorsque, par rapport à la Loi de l'impôt fédérale, les surplus accumulés dans un régime de rente dépassent deux fois le service annuel courant, vous devez prendre des mesures directes pour réduire votre surplus actuariel. Autrement dit, les caisses ne peuvent pas accumuler surplus sur surplus sur surplus éternellement. Ça, c'était la loi fédérale. Et, lorsqu'on est dans cette situation-là, on est dans ce qu'on appellerait une situation de surplus actuariel excédentaire. La loi initialement, et c'était dans l'article 85 de la loi qui introduisait un article 146.11, donnait un droit unilatéral à l'employeur de prendre congé de cotisation pour éponger les surplus excédentaires.

Les amendements qui ont été présentés, suite aux pressions des différentes centrales syndicales, disent: Ça ne pourra plus se faire d'une manière unilatérale, ça devra être négocié. Il y a de la part du ministre, en présentant ces amendements, et je dois le reconnaître, une certaine évolution. Mais malheureusement il oublie un troisième partenaire qui, lui, siège aussi, qui est partie au contrat et qui devrait être aussi consulté et devrait avoir son mot à dire lorsqu'on utilise ces surplus actuariels, parce qu'il a contribué, par ses cotisations, à l'établissement de ces surplus, je veux dire les retraités. Et, un dernier point, il existe un flou complet dans le projet de loi par rapport à ce que je pourrais appeler le personnel non syndiqué qui participe aussi au régime de retraite.

(22 h 40)

M. le Président, il me semble important de rappeler qu'en stricte équité, et je ne parle pas de droit, puisque nous sommes en train de créer du droit nouveau, mais je parle d'équité ici, en stricte équité... Et il est important de bien comprendre, quand je dis que je ne parle pas de loi, parce qu'on a admis de part et d'autre, au départ, que nous sommes dans un flou juridique et qu'il n'y a pas nécessairement, actuellement, de situations qui sont claires quant à l'utilisation des surplus. Vous savez parfaitement, M. le Président, les interprétations qu'on peut donner soit à la cause Singer, soit à la cause Simons, soit, de l'autre côté, à la cause Air Products, où, de part et d'autre, on pourrait les interpréter dans un sens ou dans un autre.

Donc, nous sommes dans une situation où nous créons du droit, mais nous devons créer du droit en fonction de principes d'équité. Et, si on veut le faire réellement en fonction de principes d'équité, il nous faut reconnaître que, lorsqu'on discute de l'utilisation des surplus actuariels et des excédents d'actif, on ne peut pas ignorer l'apport que les retraités ont donné, ont contribué à la constitution des excédents d'actif. Et, malheureusement, actuellement, le projet de loi les ignore complètement.

M. le Président, la situation est absolument rocambolesque. Et, vous me permettrez, M. le Président, je vais vous l'expliquer en un mot. Lorsqu'on est en situation de terminaison de régime – alors, vous allez comprendre avec moi ce que ça veut dire, «en terminaison de régime», ça veut dire qu'on décide de mettre fin au régime – on regarde l'actif actuellement du régime, on voit les engagements que le régime peut avoir envers chacun des participants et ensuite, lorsque se dégage un surplus actuariel après une situation de terminaison de régime, on partage, on amène les parties, à savoir les retraités, les employés, employeurs et les participants actifs, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués, à devoir s'entendre quant à l'utilisation de ce qui est généré à ce moment-là, qu'on appelle les surplus actuariels, qui sont, à ce moment-là, des sommes d'argent véritables. M. le Président, c'est ce qui arrive lorsqu'on est en fin de régime.

Pouvez-vous me dire quelle est la logique, à l'heure actuelle, lorsqu'on dira aux retraités: En fin de régime, vous avez des droits, vous avez des droits aux surplus actuariels, mais, lorsqu'on est un an avant la fin de régime, trois ans avant la fin de régime, lorsqu'on est en train de faire une évaluation actuarielle et que se dégage un excédent d'actif, là vous n'avez pas le droit d'être consultés, là vous n'avez pas le droit de faire valoir votre point de vue, là vous ne pouvez pas réellement pouvoir défendre ce que vous considérez être votre bien? Alors, M. le Président, il y a là, strictement en termes d'équité...

Je pense que je plaide ici sur la base de l'équité. Il est important que, si nous sommes actuellement, en face de nous, à faire du droit nouveau, si on est aujourd'hui en train de créer quelque chose de neuf, si on est en train... Parce que, de part et d'autre, et je le reconnais, il faut que nous légiférions. Il faut que nous légiférions parce que, d'une part, cette situation d'excédents d'actif devient de plus en plus fréquente compte tenu des rendements importants des marchés financiers, premièrement, et, deuxièmement, compte tenu d'un certain flou dans le droit. Et le rôle des parlementaires, c'est de préciser le droit lorsque nous percevons qu'il y a un flou dans le droit. Alors, lorsque nous sommes face à cela, nous devons, à mon sens, être en mesure de légiférer en équité.

Il me semble important que nous reconnaissions, parce que ce n'est pas reconnu, il semble important que nous puissions reconnaître dans la loi le droit à l'employeur de pouvoir prendre, après entente avec les parties, des congés de cotisation. Ça, c'est un élément important. C'est un élément important. Je pense que personne, de part et d'autre et, je pense, ni les ministériels ni nous-mêmes ne nions ce principe-là. Mais il me semble important aussi que nous soyons à même de dire: Il y a toujours, lorsqu'on arrive dans une situation où il y a un surplus qui semble se dessiner... Il me semble important que nous puissions être en mesure de dire: Oui, ça devrait être partagé de façon équitable.

Je ne voudrais pas tomber dans les éléments mécaniques, M. le Président, mais je sais, et le ministre le sait, que certaines personnes nous ont dit... Et on peut le faire. On peut parfaitement essayer de voir quelle partie du surplus actuariel provient réellement de la part des cotisations provenant des retraités et quelle partie du surplus actuariel provient des cotisations des participants actifs. Je pense qu'il ne s'agit pas, M. le Président, que nous nous immiscions comme législateurs dans un processus qui, de fait, doit être un processus de négociations qui doit mener à une entente.

Mais ce que je plaide, ce que je plaide, ce que je ne peux pas accepter, ce que je pense qui est absolument nécessaire, c'est de dire: L'entente implique non pas deux personnes, mais implique trois personnes. Les surplus qui ont été accumulés ne sont pas simplement le résultat des cotisations des employeurs, ne sont pas seulement le résultat des cotisations des participants actifs, c'est-à-dire des employés, mais sont aussi le résultat du fait que les cotisations des retraités ont fructifié et qu'il y a lieu de leur permettre de pouvoir participer à l'entente qui devrait s'établir entre ces trois parties à un contrat lorsqu'on est arrivé à débattre de l'utilisation des surplus actuariels.

M. le Président, le ministre a essayé, et il a essayé une piste de solution que, moi aussi, j'avais essayé de tester. Il a essayé la piste de solution du comité de retraite et, dans son cheminement, il y aurait peut-être lieu que... On doit réfléchir, à savoir: N'y aurait-il pas lieu, serait-ce une voie... Parce que, vous comprenez, lorsqu'on fait du droit nouveau, il est important de bien réfléchir. Les principes d'équité sont incontournables pour nous. Les principes d'équité dans lesquels à la fois employeur, employés et retraités doivent être parties à cette modification de contrat qui va utiliser les surplus actuariels... ça, c'est un principe incontournable. La manière dont on va l'appliquer, ce principe, à l'heure actuelle il y a matière à voir à être en mesure de mettre des mécanismes qui soient souples et fonctionnels.

Le ministre a ouvert, dans ses amendements, une piste, mais il l'a refermée très rapidement. J'avais, moi, en commission parlementaire, essayé jour après jour de la tester, et je ne suis même pas sûr actuellement de la qualité de cette piste-là. Je vais être très honnête avec vous. C'était la piste de dire: Voici, il existe, dans tout régime complémentaire de retraite, un comité de retraite. Assurons-nous que les parties soient dûment représentées au sein de ce comité de retraite en fonction de leur poids respectif – les amendements précisent quand même qu'au moins quelques retraités vont siéger au comité de retraite. Et pourrions-nous voir ce comité de retraite comme étant le forum où se débattrait, où il y aurait lieu de voir à l'utilisation des... de faire des recommandations quant à l'utilisation des excédents d'actif? C'est une piste qui me semble encore prometteuse mais que je voudrais quand même continuer à explorer.

L'ouverture est quand même faite en partie dans les amendements qui sont proposés par le ministre dans lesquels on étend les pouvoirs du comité de retraite, qui ne sont pas simplement de devoir gérer la caisse, mais qui peut faire aussi des recommandations quant à l'utilisation des excédents d'actif. Il y a une certaine ouverture, mais l'ouverture est minime, M. le Président, et elle ne répond pas complètement au principe d'équité qui était le principe d'équité qui était le nôtre, qui était celui dans lequel nous voulions aller de l'avant, à savoir de pouvoir reconnaître pleinement les droits des retraités.

M. le Président, je m'en voudrais ici de ne pas utiliser les quelques minutes qui me restent pour défaire un argument. Il y a un argument qui est utilisé bien des fois et qui est le suivant. L'argument qui est utilisé bien des fois, c'est de dire: Bon, voici, dans une caisse de retraite, lorsqu'il existe un déficit actuariel – donc, actuellement, vous comprenez, jusqu'à maintenant nous avons débattu de la situation où c'était une situation de surplus actuariel – la loi et le contrat prévoient clairement qu'il est à charge de l'employeur, qui doit l'escompter sur une période de cinq ans.

(22 h 50)

La question, c'est: En équité, est-ce qu'on pourrait, à partir de cet élément-là, en conclure que, s'il y a surplus, il devrait aussi appartenir à l'employeur? Ça me semble être un argument qui ne tient pas la route, M. le Président, pour deux raisons. D'une part, parce que dès le départ, dans la loi, les choses sont clairement établies: il était précisé au départ du contrat que, si déficit actuariel il était, il devait être assumé par l'employeur.

Deuxièmement, la probabilité qu'un déficit actuariel existe par rapport à la probabilité qu'il y ait un excédent d'actif ou un surplus actuariel est complètement différente. Vous le savez. Et le ministre comprend bien mon argument. On parle des déficits d'exercice et des surplus d'exercice ici; je ne parle pas à ce moment-là des déficits initiaux ou des déficits de modification qui peuvent être dus à une volonté conjointe des parties de modifier évidemment le régime, mais en termes réellement des déficits d'exercice, c'est-à-dire de dire à l'actuaire: Vous avez mal prévu.

Je vais vous dire, M. le Président, en général, la gent actuarielle, g-e-n-t, est une catégorie de personnes éminemment conservatrice et qui, dans ses prévisions, tend toujours à sous-estimer les rendements des régimes de retraite, ou, avant qu'ils augmentent de 1 % les taux de rendement ou les taux d'indexation, ça prend beaucoup de temps, parce qu'ils disent: On planifie sur longtemps, alors il peut y avoir des fluctuations qui sont des fluctuations dans les tables de mortalité. Je comprends ça aussi. On peut avoir un régime dans lequel les gens vivent plus longtemps que prévu, je comprends tout ça.

Mais la probabilité, M. le Président – et c'est ça qui est important – d'avoir un surplus par rapport à la probabilité d'avoir un déficit est totalement... des chiffres qui sont sans commune mesure. C'est un peu comme si je vous disais, je sais que ce n'est pas une pratique que vous faites, mais, si vous jouiez, par exemple, de dire: Voici, parce qu'il y a une chance sur 1 000 que tel élément arrive et puis que vous avez 99 chances sur 100 que tel autre événement arrive, bien, comme les deux événements peuvent arriver, on va les traiter sur une base équivalente. Ça ne tient pas debout du tout. Et, dans ce cadre-là, je ne voudrais pas faire... mais c'est ce concept, vous le connaissez bien, d'espérance mathématique d'un jeu qui est entré ici, et il me semble important qu'on ne se laisse pas obnubiler par cette question.

Je crois qu'il est nécessaire de clarifier la loi. Je crois qu'il est nécessaire dans la loi de mieux préciser l'utilisation des excédents d'actif, mais je plaiderai, je vais plaider jusqu'au bout le principe: on ne peut pas discuter, dans un régime de rentes, de l'utilisation des excédents d'actif sans avoir comme partie prenante les retraités.

Alors, souhaitons, il serait utile que les retraités se constituent en association. Ça se fait de plus en plus. Vous avez des regroupements de retraités. On entre dans une ère nouvelle – c'est important de bien comprendre ça – où le retraité n'est plus une personne qui prend sa retraite à 65 ans et qui, malheureusement, n'aura pas une tellement longue espérance de vie et va peut-être décéder dans sa 70e année.

Les retraités vivent beaucoup plus longtemps. Les retraités sont des gens beaucoup plus actifs actuellement. Les retraités sont des gens qui sont capables de s'occuper de leurs biens, de leurs avoirs et de leurs intérêts, et on ne peut pas à l'heure actuelle, en stricte équité, les écarter complètement du partage des excédents d'actif. Il y a là, M. le Président, d'après moi, un geste, un principe que nous devrions reconnaître sans difficulté.

La loi, malheureusement, M. le Président, et je dois le dire, ne fait pas de place. J'ai soulevé tout à l'heure une piste de solution, je vais en soulever une deuxième, piste de solution: Est-ce qu'il serait concevable... Parce qu'il s'agit d'être imaginatif, vous comprenez bien, M. le Président, il s'agit d'être imaginatif, et j'en appelle à mes collègues ministériels ici devant: Soyez imaginatifs deux minutes. J'ai un deuxième élément: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, M. le Président – et vous comprenez ça facilement, vous aussi – d'appliquer à l'utilisation des surplus une mécanique analogue, parce qu'on ne peut pas évidemment, bien sûr, la transposer complètement, une mécanique analogue à celle que l'on utilise en cas de terminaison de régime, en voyant ou en pensant à une possibilité d'arbitrage lorsqu'il n'y a pas entente entre les parties?

Je me permettrai de vous dire: L'Association des retraités – et il y aurait lieu d'en débattre, je pense que le débat devrait être public, et il y aurait lieu d'en débattre même si, de part et d'autre, on peut avoir des réticences quant à cette mesure – dit: Il y a possibilité actuellement – et vous pouvez le comprendre facilement, M. le Président – entre deux évaluations actuarielles, d'assigner les gains actuariels qui sont faits soit aux retraités soit aux participants actifs.

Il y aurait lieu ou il y aurait possibilité, et ça, c'est une autre piste de solution, M. le Président, qu'on aurait devant nous, il y aurait cette autre piste de solution, de pouvoir dire: Voici, puisque, dans les excédents d'actif qui sont générés, on peut identifier parmi les excédents d'actif ce qui est généré par les cotisations des retraités et ce qui a été versé par les employeurs pour les retraités et les autres, les excédents d'actif qui proviennent des cotisations des participants actifs, il y aurait peut-être lieu de voir, lorsqu'on est amené à utiliser les surplus actuariels ou les excédents d'actif, et de dire, lorsque l'employeur et la partie dite qui représente les participants actifs, en vous rappelant, M. le Président, que les participants actifs sont non seulement les membres syndiqués, mais aussi les membres non syndiqués, c'est parce qu'il ne faut pas les oublier à l'intérieur du projet de loi... de leur dire: Ces excédents d'actif qui sont générés par ces personnes-là, qu'il y ait une négociation, une entente entre ces parties-là quant à l'utilisation des excédents d'actif, mais, pour ce qui touchera les excédents d'actif à l'intérieur de la caisse mais qui sont générés suite aux cotisations provenant des retraités, que l'entente implique simplement retraités, retraités et employeur. C'est une troisième piste de solution, M. le Président, qu'on peut mettre de l'avant.

Il y en a d'autres, je pourrais en imaginer une quatrième, voire une cinquième. Et je dis, M. le Président, le point important que je voudrais faire passer aujourd'hui comme message, c'est que vous ne pouvez pas, en équité, utiliser les surplus actuariels qui sont générés dans une caisse de retraite sans avoir obtenu d'une certaine manière – je dis bien «d'une certaine manière» – l'accord des éléments, des parties au contrat initial. Et les parties au contrat initial impliquaient employeur, participants, c'est-à-dire employés, et impliquaient retraités. C'est strictement une question d'équité, et on ne peut pas en faire le tour.

Je terminerai parce que le temps passe, M. le Président. Il y a un autre point que je voudrais aborder et je me permettrai de le soulever au ministre. Il y a dans son projet de loi un certain nombre d'irritants inutiles, et je pense qu'on va pouvoir les éviter, les régler en commission parlementaire. Je pense, par exemple, aux gens qui passent d'un régime à un autre à l'intérieur d'une même compagnie. On a eu des cas, par exemple, chez Bombardier, où il y a cinq ou six régimes, où il y aurait lieu de faciliter, d'éviter qu'une personne, lorsqu'elle passe d'une fonction à une autre, soit obligée de quitter un régime pour entrer dans un autre régime.

(23 heures)

Mais plus que ça, M. le Président, derrière tout ça, et j'invite le ministre et j'invite l'ensemble des ministres responsables dans l'ensemble des provinces canadiennes, il y a lieu de bien comprendre que de plus en plus les corporations, les employeurs ne sont pas uniquement au niveau du Québec, vous avez une situation qui est une situation absolument pancanadienne. Je citais Bombardier tout à l'heure, je pourrais vous citer d'autres corporations; elles ont des employés au Québec, en Ontario, en Alberta ou voire en Colombie-Britannique.

La difficulté que vous avez à l'intérieur du même régime de pension: de devoir appliquer les lois des différentes provinces en fonction du lieu de résidence des bénéficiés. J'en appelle aujourd'hui aux responsables gouvernementaux des différentes provinces du Canada pour une certaine forme d'harmonisation entre nos régimes de retraite. Les principes, j'en suis sûr, auxquels nous tenons ici, au Québec, sont des principes auxquels les Ontariens, le Nouveau-Brunswick – je pourrais vous faire ici l'état de la législation – tiennent eux aussi. J'en appelle à la nécessité actuellement d'une certaine harmonisation entre les législations. Vous ne voyez pas actuellement les difficultés de gestion que vous pouvez avoir dans un régime de pension lorsque vous vous trouvez à satisfaire des lois qui sont semblables, voire analogues, voisines, mais qui ne sont pas identiques. Il y aurait lieu pour une bonne conférence des ministres responsables pour voir à essayer d'harmoniser les lois au niveau du Canada.

Je ne voudrais pas ici vous faire lecture des cas difficiles qui peuvent se trouver entre l'un et l'autre, entre eux dans le même régime de pension. Si vous êtes, par exemple, transféré du Québec en Alberta ou de l'Alberta au Nouveau-Brunswick, ce n'est plus nécessairement la même loi qui s'applique à l'intérieur du même régime de pension. Donc, vous créez à l'heure actuelle des situations qui sont des situations difficiles et anormalement difficiles.

Alors, M. le Président, en résumé, parce que le temps file avec une vitesse qui est terrible, il est important de comprendre que bien sûr ce projet de loi légifère dans une situation où il était utile de clarifier des choses, il était utile d'amener certaines précisions. Je voudrais terminer ici en rappelant une dernière fois un principe d'équité. On ne peut pas oublier que les excédents d'actif, les surplus actuariels ont été accumulés non seulement par les cotisations des employeurs – et je rappelle bien, il s'agit bien de ne pas oublier qu'ils ont des droits aussi, et je ne veux pas non plus les oublier – non seulement par les cotisations des participants actifs, c'est-à-dire les employés, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués – parce que bien souvent on oublie actuellement les non syndiqués – mais aussi par les retraités. Ces retraités ont des droits en termes strictement de justice naturelle, et l'on ne peut pas les brimer dans leurs droits fondamentaux.

Alors, j'en appelle actuellement au ministre, j'en appelle aux ministériels de revoir ce projet de loi, de refaire leur travail, de remettre leur travail sur la planche à dessin et de faire en sorte que l'on n'oublie pas cette partie, cette composante importante que sont les retraités, M. le Président. Ils ont contribué énormément à l'établissement des surplus actuariels, ils ont été une part importante de ces surplus actuariels. De grâce, ne les oubliez pas. De grâce, ne les laissez pas tomber. De grâce, faites en sorte qu'ils ne soient pas les dindons de la farce d'une entente que vous allez faire entre les employeurs et les syndiqués au détriment des retraités. De grâce, écoutez leurs paroles, ils ont le droit d'être entendus. Sachez les entendre, c'est nécessaire aujourd'hui. M. le Président, merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun, de votre intervention. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Je reconnais la porte-parole officielle de l'opposition en matière de culture et de communications et députée de Sauvé. Mme la députée, je vous écoute.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Vous comprendrez d'entrée de jeu que, pendant la vingtaine de minutes qui vont m'être allouées, je ne pourrai faire un exposé aussi étendu, éloquent que celui que mon collègue de Verdun vient de faire, lui qui est notre porte-parole officiel sur ce dossier, mais je me suis portée volontaire pour prendre la parole sur ce projet de loi, puisque, sincèrement, c'est un projet de loi... Je pense que je me fais la porte-parole au nom de bien des députés qui vont rester assis en cette Chambre, parce que je pense que je ne suis pas la seule députée en cette Assemblée nationale à avoir reçu des dizaines, et des dizaines, et des dizaines, et des dizaines de lettres de retraités inquiets. Je me suis portée volontaire parce qu'il y a plusieurs députés dans cette Chambre qui peut-être aimeraient s'exprimer et qui ne pourront pas le faire.

Moi, personnellement, j'ai été interpellée directement non seulement par lettres – j'en ai des dizaines, j'en ai apporté ici – non seulement par courrier électronique, mais directement. J'ai des citoyens et des citoyennes de mon comté qui ont demandé à venir me rencontrer pour me sensibiliser et me parler directement du projet de loi n° 102, qui est la loi portant sur les régimes complémentaires de retraite. Même que je me suis fait intercepter lors de certaines soirées sociales ou lors de sorties dans mon comté, je me suis fait interpeller. Des retraités, non seulement des retraités, des syndiqués aussi, au tout début de la consultation qu'a menée le ministre sur les régimes de retraite, m'ont directement interpellée pour exprimer leur inquiétude sur le droit des travailleurs et particulièrement des retraités de se faire entendre. Mais aussi plusieurs personnes âgées, plusieurs retraités dans mon comté qui possèdent plusieurs résidences pour retraités – donc il y a plusieurs personnes pour se faire entendre – plusieurs personnes m'ont directement interpellée, ont exprimé leur inquiétude et m'ont demandé, en cette Chambre – je pense que c'est notre devoir – d'être leur porte-parole.

M. le Président, je voudrais vous citer un exemple de lettres que nous avons reçues. Je le resouligne, je crois qu'il y a plusieurs députés assis en cette Chambre qui ont reçu exactement les mêmes lettres. Je pourrais vous citer des lettres, ici, signées par des dizaines et des dizaines de résidents de mon comté qui, par exemple, disent ceci: «L'Assemblée nationale du Québec étudie actuellement le projet de loi n° 102 portant sur des modifications à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.» On y dit: «Ce projet de loi est totalement silencieux sur le droit des participants à leur part des excédents d'actif et sur les droits des participants retraités, en particulier.»

Un peu plus loin, on y dit: «À défaut de confirmer dans la loi des droits équivalents pour l'employeur et les participants, y compris les retraités, je vous demande d'exiger du gouvernement qu'il retire du projet de loi n° 102 toute référence à un droit pour l'employeur de prendre des congés de cotisation et de laisser les parties en présence convenir de l'utilisation des excédents d'actif par voie d'entente.»

M. le Président, on nous interpelle également... La personne qui signe, ici, c'est Mme Jeanne Rolland, elle nous demande: «Je compte que vous ferez valoir mon point de vue qui est celui de centaines de milliers de participants à des régimes de retraite. Je serai à l'écoute des débats à l'Assemblée nationale pour entendre vos représentations.»

Il y a comme ça Mme Jeanne Rolland, M. Paul Lamarre, M. Marcel Raby, M. Gérard Bourgeois, Mme Lucille Isabelle, Gaétane Pageau, il y a même M. Loiseau, ici, qui a cru nécessaire de me joindre également un article de journal où on dit: Retraités et syndicats crient au détournement de fonds , lorsqu'on parle du projet de loi n° 102. Des dizaines et des dizaines de personnes comme ça qui ont exprimé leur inquiétude. Et j'insiste, je ne suis pas la seule à avoir reçu ces lettres. Je pense que l'ensemble des élus à l'Assemblée nationale ont dû prendre connaissance de ces lettres et qu'on se doit ensemble de répondre à ces retraités inquiets.

M. le Président, le projet de loi n° 102 concerne les régimes complémentaires de retraite. Ça s'applique particulièrement, donc, aux régimes privés, ceux que les entreprises, les groupes de travailleurs mettent sur pied pour améliorer leurs revenus de retraite. Au Québec, c'est environ 625 000 travailleurs qui sont visés par ce projet de loi. Le projet de loi tente, entre autres – et ce sera l'objet principal de mon intervention, puisque je crois que c'est l'objet principal de l'inquiétude des retraités du Québec – de baliser la façon dont on pourra disposer de surplus d'actif, d'excédents d'actif dans des caisses de retraite. Entre autres, le projet de loi n° 102 prévoit une intervention directe, unilatérale de la part de l'employeur. Et pourtant, ce n'est pas la seule façon de faire, de disposer de surplus d'actif, d'excédents, de surplus excédentaires, des excédents actuariels.

(23 h 10)

Je pourrais vous donner des exemples. Les évaluations actuarielles font souvent apparaître bien sûr des surplus, des excédents d'actif. On a vu récemment, au cours des dernières années, de nombreux exemples de surplus d'actif. Je pense qu'une analyse très sommaire montrera que c'est dû bien sûr aux comportements assez exceptionnels des marchés financiers et aussi à une faible inflation qui a vraiment généré des excédents d'actif importants. Mais, lorsqu'il y a un excédent comme ça, un surplus excédentaire dans un régime de retraite, il y a différentes mesures pour en disposer, pour le réduire, finalement. Ces mesures, par exemple, on peut parler de congé de cotisation de la part de l'employeur, de la part des travailleurs actifs au régime, on peut parler de l'amélioration des bénéfices du régime et bien sûr aussi de la revalorisation des rentes touchées par les retraités. Ces exemples-là, M. le Président, montrent qu'il y a plusieurs parties qui sont touchées, qui peuvent être touchées par différentes décisions concernant les surplus d'actif.

Bien sûr, une solution comme un congé de cotisation, c'est profitable soit à l'employeur soit aux participants actifs. Ce qu'on appelle une amélioration des bénéfices du régime, ça peut être aussi profitable aux participants actifs, aux travailleurs actifs, si vous voulez, syndiqués ou non, parce que, par exemple, ça peut leur permettre de prendre une retraite anticipée, faciliter la prise de la retraite anticipée. Tandis qu'une mesure comme la revalorisation des rentes, pour ceux qui sont déjà retraités, permet au régime de retraite, à la caisse de retraite de tenir compte, par exemple, du taux d'inflation, de l'inflation qu'il peut y avoir.

Donc, il peut y avoir un pacte solution, si on peut dire, pour réduire ce fameux surplus qui touche différentes catégories de personnes. Et, pour moi, c'est la démonstration, donc, qu'un régime de retraite, c'est tout d'abord un contrat, c'est une alliance. Mais, même, c'est plus fort qu'une alliance, c'est un contrat entre trois parties. Et ça, ça sera toujours important de retenir cet élément.

Je viens de vous démontrer que des prises de décision pour réduire des surplus peuvent avoir des impacts différents, des impacts qualitatifs différents sur trois catégories de personnes: l'employeur, le participant actif – le travailleur syndiqué ou non – mais aussi le retraité. Ça signifie donc, par le fait même – c'est une démonstration assez évidente – qu'il y a trois parties au contrat, une alliance entre trois parties, qui sont l'employeur, les employés mais aussi, et il ne faudra pas les oublier, les retraités ou, si vous voulez, les bénéficiaires du régime de retraite.

Et l'intervention que l'opposition officielle a menée durant la commission parlementaire où on a tenu des consultations, mais également que nous continuerons à mener, les représentations que nous continuerons à faire tout au long de l'étude de ce projet de loi, ça sera la recherche de l'équité entre ces trois parties prenantes au contrat, M. le Président. Une recherche d'équité, c'est donc reconnaître les droits de tous de se faire entendre, de participer au débat ou, on pourrait dire, à une négociation lorsqu'il est question d'utilisation du surplus d'une caisse de retraite.

Donc, ce qu'on indique, c'est que les employés actifs, ceux qui travaillent en ce moment et qui cotisent en ce moment ne peuvent pas avoir des privilèges exceptionnels que les retraités, eux, n'auraient plus. Au contraire, lorsqu'il est question de la disposition d'un surplus de la caisse de retraite, les trois parties, l'employeur, les employés actifs et les retraités, les bénéficiaires du régime, doivent être traitées sur un pied d'égalité.

M. le Président, lorsque j'ai rencontré personnellement des retraités inquiets, lorsque j'ai été interpellée sur cette question dans mon comté, lorsque j'ai lu les lettres que les gens m'ont envoyées, lorsque j'ai vu ces dizaines de lettres – j'en ai pris seulement une partie, je n'ai pas apporté le courrier électronique – je vous avoue que ça m'a assez touchée parce que j'ai réalisé jusqu'à quel point, pour ces gens-là, le régime de retraite, c'est ce qu'ils ont construit, c'est eux qui l'ont construit. Je pense que ce n'est pas juste une perception qu'ils ont, je pense que c'est une réalité. C'est la sécurité financière qu'ils ont construite à même leur labeur. Ils y ont participé, comme bien sûr l'employeur. Mais, en fait, pour ces retraités que j'ai rencontrés, les cotisations qu'ils ont versées au régime de retraite, c'est dans le fond du salaire, c'est du salaire auquel ils avaient droit, mais c'est du salaire différé. Plutôt que de toucher ce salaire, ils ont accepté un contrat qui disait: Bien, cette partie du salaire, vous allez la mettre dans une caisse de retraite et ça va vous permettre de construire une sécurité financière.

Et ce sont ces éléments-là qui sont remis en cause par le projet de loi n° 102 ou enfin, en tout cas, que les retraités ont l'impression qu'on remet en cause. Les retraités ont l'impression qu'on remet en cause leur sécurité financière. Et, non seulement ça, ils ont l'impression qu'on ne reconnaît pas un fait fondamental qui est le fait que cette participation financière qu'ils ont faite à la caisse de retraite, c'était leur salaire, c'était leur gagne-pain qu'ils ont accepté de verser dans une caisse de retraite pour avoir finalement un salaire différé, pour pouvoir toucher une forme de pension maintenant.

Donc, il faut comprendre jusqu'à quel point ils peuvent vivre non seulement de l'inquiétude, mais une forme de frustration de voir qu'au moment où on se parle ils n'ont plus voix au chapitre, que le tout premier projet du ministre était même de dire: L'employeur aura pleine autorité de décider comment il pourra disposer des surplus d'actif dans une caisse de retraite. Et il ne faut pas s'étonner devant un tel comportement – que certains pourraient dire cavalier, d'autres pourraient dire la voie de la facilité, dans l'analyse des choses – qu'il y ait eu des réactions aussi fortes de la part des retraités du Québec.

Donc, M. le Président, nous sommes devant un projet de loi qu'il faut construire ensemble. Il faut être innovateur. Il faut vraiment construire ensemble un nouveau droit, entre autres pour les retraités du Québec. Mais le projet de loi qui nous est soumis, c'est un projet de loi dans lequel il y a un profond déséquilibre entre les trois parties au contrat: entre l'employeur, le participant actif – le travailleur actuel – et le retraité. Pour nous, il est clair qu'on ne peut pas omettre une des parties au contrat dans la négociation sur l'utilisation des surplus d'actif. Pour nous, ce serait même odieux d'exclure les retraités complètement de cette législation.

Et mon collègue député de Verdun soulignait un peu plus tôt l'incohérence qui existe dans ce projet de loi, puisque le projet de loi prévoit qu'en fin de régime, lorsque nous sommes à la fin, en terminaison de régime d'une caisse de retraite, là tout à coup on prévoit la présence des retraités pour discuter de la disposition des éléments d'actif. Effectivement, là les retraités ont droit de bénéficier des excédents d'actif, le projet de loi n° 102 le prévoit. Il prévoit que c'est un partage entre tous les participants, donc non seulement les bénéficiaires, les retraités actuels, mais aussi les participants actifs en ce moment. Mais, bizarrement, de façon incohérente – et, nous, on considère que c'est anormal – en cours de régime, s'il y a surplus, s'il y a évaluation actuarielle qui démontre qu'il y a un surplus d'actif, tout d'un coup, là on ne reconnaît pas la place des retraités dans cette négociation qui doit avoir lieu entre les trois parties au contrat.

Donc, M. le Président, nous, nous réaffirmons que les surplus des caisses de retraite, là, ce n'est pas la propriété d'une des parties. On ne peut pas considérer ça comme ça. Comme je vous l'ai dit, je pense qu'il est légitime de la part des retraités de considérer qu'il y a là une partie de leur salaire. Ça n'appartient pas à une seule partie. Bien sûr, les employeurs y cotisent, on doit reconnaître le droit des employeurs également, mais on ne peut pas considérer que c'est la propriété d'une seule partie. Et c'est pourquoi, selon nous, l'utilisation de ces surplus, des surplus dans les caisses de retraite, doit vraiment faire l'objet d'une entente entre les employeurs, les travailleurs et les bénéficiaires du régime de retraite.

M. le Président, en commission parlementaire, ça nous a permis de constater le cri d'alarme lancé. Puis c'est plus qu'un cri d'alarme, en fait, c'était une opposition assez claire au projet de loi n° 102 de la part des organisations syndicales et bien sûr aussi de la part des associations représentant des retraités. Toutes ces associations, les représentations syndicales, toutes se sont élevées contre le projet de loi n° 102.

(23 h 20)

Ce que ça a donné, c'est que le gouvernement, le ministre s'est réajusté – certains diraient a reculé; on va dire a réajusté son tir – et a dit: O.K., on va soumettre l'utilisation des surplus des caisses de retraite à l'accord des syndicats, ce qui est une évolution sensible dans la position du ministre. Mais on doit réaffirmer le fait que cette disposition, cet amendement, si on peut dire, amené par le ministre, cette nouvelle disposition par rapport à son régime original, à son projet de loi original, laisse toujours pour compte les retraités qui, eux aussi, par le passé, par leurs cotisations à ce régime de retraite, ont pourtant participé à l'accumulation des surplus.

M. le Président, tout comme mon collègue de Verdun l'a fait précédemment, on doit aussi admettre qu'il existe présentement, donc, un flou dans le projet de loi, puisque, lorsqu'il y a travailleurs syndiqués, on reconnaît le fait qu'on doive discuter et soumettre à l'assentiment des syndicats toute disposition des surplus de régime de retraite, mais il existe un flou lorsque nous sommes, par exemple, devant des travailleurs non syndiqués. Assurément, l'étude du projet de loi en commission parlementaire de façon plus approfondie devra permettre de clarifier cette situation.

Donc, je le répète, M. le Président, nous sommes toujours devant des retraités qui sont laissés pour compte. Et, bien qu'ils fassent partie du contrat initial, comme je vous l'ai décrit tantôt, qui est un contrat entre trois parties, eh bien, les retraités sont, au moment où on se parle, toujours laissés pour compte. Et je vous disais en tout début d'allocution que la ligne de pensée, la ligne de conduite qui sera suivie de ce côté-ci de la Chambre, c'est vraiment la défense de l'équité entre les trois parties au contrat. Il y a trois parties au contrat. Travaillons ensemble à trouver des solutions innovatrices qui feront en sorte que les trois parties au contrat pourront avoir des positions équitables dans des surplus de régimes de retraite auxquels les trois parties auront participé.

M. le Président, j'aimerais peut-être en profiter, puisqu'il y a eu commission parlementaire, pour vous citer quelques déclarations qui, je pense, ont été marquantes lors de cette commission parlementaire fort suivie par les médias et bien sûr, comme en témoigne le flot de témoignages et de lettres que nous avons reçus à nos différents bureaux de comté, commission parlementaire dont les séances ont été bien suivies également de la part des retraités.

Permettez-moi quelques citations. Par exemple, celle d'Henri Massé, président de la FTQ. Je le cite: «Pour un grand nombre de ces régimes en situation de surplus, l'argent serait mieux utilisé à améliorer les bénéfices. Entre autres, beaucoup de ces régimes ne prévoient aucune indexation pour les retraités.» Voici un commentaire de M. Massé qui fait référence à une des formes d'utilisation des surplus dont je faisais part un petit peu plus tôt, M. le Président. On peut donner des congés de participation à un régime de retraite, mais il y a aussi d'autres façons de faire. Il y a, entre autres, le fait de pouvoir indexer les pensions des bénéficiaires des régimes de retraite, par exemple, bien sûr les indexer selon l'inflation. Voilà une façon de pouvoir utiliser des surplus de caisses de retraite, mais voilà une façon qui concerne directement, qui a un impact direct sur une des parties au contrat, qui sont les retraités qui là, en ce moment, n'ont pas voix au chapitre.

Également, M. le Président, je crois que cette citation, elle est extrêmement intéressante. Je vous cite: «Les retraités ont le droit inaliénable d'être participants à la gestion de leur caisse de retraite. Leur représentation doit être validée par le suffrage de leurs pairs et non par une magouille, ou un accommodement, ou une décision arbitraire ou unilatérale des employeurs et des employés. Exclure ou minimiser la participation des retraités de la gestion de leur caisse de retraite serait une forfaiture.» Je vous ai cité M. Yves Michaud, qui est le président fondateur de l'Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec.

Donc, M. le Président, en conclusion, vous comprendrez que, pour l'opposition officielle, il est clair, net, précis qu'une caisse de retraite, c'est en fait un contrat entre trois parties. Compte tenu que ces trois parties sont l'employeur, le participant actif mais aussi le retraité, le bénéficiaire du régime, eh bien, pour nous, les retraités doivent obligatoirement être consultés sur l'utilisation des surplus. La mécanique de consultation doit faire l'objet de créativité, d'imagination. Je pense qu'on doit en arriver à une position qui va reconnaître la place des retraités. Il doit donc y avoir une obligation d'en venir à une entente entre toutes les parties prises au contrat. Donc, il reste beaucoup de travail à faire pour nous tous, particulièrement pour le ministre, pour faire en sorte que son projet de loi devienne enfin acceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Sauvé, de votre intervention. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Je vous rappelle que nous en sommes sur l'adoption du principe du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Je reconnais la prochaine intervenante, la porte-parole de l'opposition en matière de finances, la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée, je vous écoute attentivement.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, je pense que mon collègue le député de Verdun a longuement exposé les critères sur lesquels le Parti libéral du Québec s'opposait ou revendiquait des modifications additionnelles au projet de loi n° 102. Il s'agit du régime complémentaire de retraite. On peut comprendre les difficultés du ministre. C'est toujours difficile d'atteindre un équilibre, et, dans ce cas-ci, c'était manifestement difficile. Et je me réjouis surtout, M. le Président – je n'ai pas pris connaissance de tous les amendements qui ont été apportés au projet de loi, mais je sais qu'il semblait y en avoir plusieurs – de voir que le gouvernement a été à l'écoute des revendications qui lui ont été faites de part et d'autre, et je me réjouis pour les retraités qui vont pouvoir bénéficier de ces modifications.

Le ministre disait que c'était un amendement. Effectivement, c'est un amendement au régime complémentaire de retraite, puisque ce n'est pas une modification en profondeur du régime complémentaire de retraite. C'est un amendement qui était nécessaire. Il y avait un vide, il y avait un flou, il y avait un manque de clarté dans la loi. La jurisprudence illustrait beaucoup d'incohérences quant à la façon d'utiliser les surplus actuariels. À cet égard, je pense qu'il était impérieux que le gouvernement réagisse et qu'il clarifie cette situation.

Par ailleurs, M. le Président, et c'est la raison pour laquelle je m'associe à ma collègue la députée de Sauvé, qui a démontré par une pile de lettres qu'elles a reçues, des dizaines de lettres... Et, moi aussi, dans mon comté, j'ai reçu des dizaines, et des dizaines, et des dizaines de lettres, M. le Président, des gens tous plus inquiets les uns que les autres et tous plus outrés les uns que les autres parce qu'ils avaient nettement l'impression d'être impuissants, de ne plus avoir de contrôle sur une situation qui allait les affecter, et, par conséquent, ils se sentaient démunis.

On le sait, M. le Président, quand on prend sa retraite, c'est le temps où on a le moins d'impacts sur notre environnement, c'est le temps où on se retire et où on est un peu à la merci des citoyens, des gens qui travaillent, des gouvernements, de l'environnement économique, inflation ou pas inflation. Donc, on est à la merci de tous ces facteurs qui sont extérieurs à nous. Donc, il est normal que les gens qui sont à la retraite se sentent toujours inquiets. Je me rappellerai toujours de mes parents quand ils ont pris leur retraite, quand ils sont devenus à un âge où mon père a pu se retirer du marché du travail. Il y avait une inquiétude chez ces gens-là, il y avait toujours l'impression que peut-être il n'y en aurait pas assez pour tous leurs vieux jours.

Alors, j'ai été très sensible aux revendications qui m'ont été faites. J'ai rencontré, moi aussi, des citoyens dans mon comté. Je les ai écoutés, je les ai entendus parce que ce projet de loi, finalement, c'est un projet d'actuaires, de chiffres que les gens ne comprennent pas trop, et c'est un projet de loi qui... Ça rend les gens vulnérables, mais par ailleurs ils se sentent incapables de comprendre les fondements de toute cette histoire.

(23 h 30)

Alors, M. le Président, le ministre a raison, surtout qu'il va y avoir de plus en plus de retraités. Rappelons-nous que, durant les derniers 30 ans – il y a un chiffre qui est fondamental, il faut s'en souvenir – l'espérance de vie s'est accrue de 25 ans. C'est donc un chiffre fabuleux. Et on dit que, d'ici 10, 15 ans, le nombre de gens qui vont vivre jusqu'à l'âge de 100 ans va atteindre 20 %, 25 %. C'est donc dire qu'on se dirige vers une société qui vieillit et qui vieillit beaucoup non seulement en termes d'âge, mais qui va vivre plus longuement. Donc, se pencher sur ce problème d'un régime complémentaire de retraite, je pense qu'il était impérieux qu'on le fasse et qu'on le fasse maintenant.

D'ailleurs, M. le Président, lors de la commission parlementaire des finances publiques, on a eu bien sûr une longue consultation en commission parlementaire, une consultation qui a duré des semaines, il y a des groupes qui sont revenus à la charge constamment, c'étaient les retraités, les retraités qui se sentent aujourd'hui dans une situation précaire, comme je mentionnais plus tôt, que ce soit le train de vie qui a augmenté, que ce soient des bénéfices gouvernementaux qui ont été resserrés, qui ont été diminués, que ce soit l'assurance médicaments qui augmente, qui a été mise en place, qui augmente, et tout ça gruge sur les revenus des retraités.

En plus de ça, M. le Président, ce qui était remarquable lors de cette commission parlementaire, c'est que, quand les retraités prenaient leur pension, dans le langage qu'on utilise de façon populaire, souvent on avait estimé ces revenus de façon trop optimiste. On avait estimé que les revenus, aujourd'hui, tel qu'on vivait aujourd'hui, seraient suffisants pour vivre pendant les prochains 30 ans. Or, comme je mentionnais plus tôt, il se passe toutes sortes d'événements autour de nous qui font que les retraités sont souvent démunis face à l'environnement dans lequel ils vivent.

Or, M. le Président, les employeurs avaient demandé de pouvoir utiliser ces surplus actuariels pour prendre des congés de cotisation. L'argument invoqué était le suivant: puisqu'il s'agit d'un régime à bénéfice déterminé, c'est-à-dire que le montant que je vais recevoir est déterminé d'avance, l'employeur est celui qui assume le risque et, par conséquent, s'il y a des surplus, il doit prendre un congé de cotisation et, s'il y a des manques, s'il y a un vide d'argent, il doit compenser. Alors, les employeurs se sont dit: Bien, nous, on va prendre un congé de cotisation, puisqu'il y a un surplus, et, par conséquent, ça veut dire qu'on a trop contribué, et, par conséquent, c'est la raison pour laquelle on peut prendre un congé de cotisation.

Or, M. le Président, la raison pourquoi il y a des surplus actuellement, c'est d'abord parce que, bien sûr, les marchés ont été extrêmement favorables, premièrement.

Deuxièmement, les fonds de retraite sont toujours, toujours, toujours gérés de façon extrêmement conservatrice précisément pour ne pas exposer les retraités à des risques indus. Or, cette gestion qui est très conservatrice fait qu'ordinairement il arrive rarement des déficits, mais plus souvent qu'autrement des surplus.

De plus, parce que, justement, les régimes de retraite, c'est souvent géré par des actuaires, les actuaires sont des gens conservateurs et, par conséquent, ils émettent des hypothèses extrêmement conservatrices, d'où les surplus, d'où le fait que généralement on est facilement capable de faire face à ses obligations.

En plus, non seulement avons-nous affaire à des actuaires qui sont généralement très conservateurs, à des hypothèses très conservatrices, à une gestion également très conservatrice, on prévoit, dans un fonds de retraite, un surplus contre les imprévus. Par conséquent, s'il arrive des mauvaises années, comme ça peut arriver, que ce soit l'inflation ou toutes sortes de facteurs qui peuvent arriver, on a des surplus pour pallier à ces problèmes. Alors, c'est donc dire qu'il y a, dans la gestion des fonds de retraite, une culture qui fait qu'ordinairement il y a plus souvent qu'autrement des surplus plutôt que des déficits. Or, M. le Président, dans ce projet de loi... Et je comprends tout à fait le dilemme qu'a connu le ministre pour trancher et je dois dire que les amendements qui ont été apportés, je les ai entendus, j'ai entendu quelques amendements du ministre, et je dois dire qu'il a été à l'écoute, mais je dirais partiellement.

Partiellement, M. le Président, parce que, dans les régimes de retraite et les régimes complémentaires de retraite, il y a, comme le disait très bien ma collègue la députée de Sauvé, trois parties, trois parties également importantes, trois partenaires. C'est un contrat, c'est de l'épargne, c'est une espèce de fiducie qu'on met en place quand on participe à un fonds de retraite: il y a l'employeur qui cotise une partie des cotisations, il y a les salariés qui cotisent, n'est-ce pas, à même leur salaire et il y a, comme troisième partenaire, le retraité ou la retraitée qui bien sûr reçoit les bénéfices.

Une retraite, ce n'est rien de plus qu'un réaménagement de ses revenus à travers un espace de vie plus allongé. Autrement dit, on décide qu'on va, tout le long de sa vie de travail, contribuer pour espacer les années où nous serons sans argent. Alors, c'est une espèce de recette qui nous permet de vivre moins richement aujourd'hui pour en avoir encore demain. Alors, c'est un calcul encore, conservateur, un calcul qui nous permet de faire face aux éventualités futures.

Le ministre a mentionné des données très intéressantes. Il a parlé de l'écart entre le Québec et l'Ontario, de l'écart au niveau de la partie des retraites par rapport à l'ensemble des revenus totaux des retraités. Or, de 1991 à 1995, ce pourcentage est passé de 12 % à 19 % au Québec, et de 13 % à 27 % en Ontario.

Ce sont là des chiffres effectivement troublants. Ce sont là des chiffres qui sont surprenants. Qu'est-ce qui se passe, M. le Président, pour qu'au Québec on y mette une telle désaffection à l'endroit des années futures? Comment se fait-il que tout à coup on décide que c'est moins important de contribuer maintenant à un fonds de retraite alors qu'on le faisait il y a quatre ans? On a augmenté un peu, mais on le fait moins que nos voisins.

Or, y a-t-il quelque chose dans ce projet de loi qui contient des incitatifs pour amener les gens à contribuer davantage pour leurs vieux jours? Moi, je ne vois pas d'incitatifs dans ce projet de loi. Je trouve que ce chiffre est alarmant, mais ce projet de loi n'apporte pas de correctifs aux problèmes qu'a bien identifiés le ministre. En aucun moment trouvons-nous une modification au niveau des incitatifs.

Comment pouvons-nous favoriser l'épargne? Comment amener les gens à contribuer davantage à leur REER? Parce qu'effectivement il y a eu une diminution des gens qui contribuent à leur REER. Comment expliquer ce changement de comportement? Pourquoi les gens deviennent-ils peu soucieux de leur avenir? Et je pense que ça, ça devrait être une préoccupation très importante du gouvernement, parce qu'il faudrait trouver des incitatifs additionnels pour amener les gens à penser précisément à leurs vieux jours.

En plus, M. le Président, comme je mentionnais antérieurement, le fait qu'il y ait de plus en plus de gens qui vieillissent, qui passent dans la classe d'âge ou qui vont prendre des retraites... Et non seulement ça, il semblerait qu'on va vivre encore plus vieux, plus longtemps. Alors, il va falloir qu'on trouve des outils, des incitatifs, des façons de faire qui vont inciter les gens à penser à ce temps.

(23 h 40)

Le projet de loi a amené des correctifs pour les cotisants, notamment devoir travailler 700 heures au lieu des deux ans qu'on avait jusqu'à maintenant, de pouvoir développer une meilleure moyenne quand on a changé d'un employeur à un autre. Mais là je dois dire que les changements sont principalement importants à l'endroit des employeurs pour pouvoir disposer des surplus actuariels.

Alors, que contient ce projet de loi? Bien, ce projet de loi exige que les syndiqués et les employeurs s'entendent. Bon. C'est déjà un bon point. On doit se féliciter que les gens doivent s'entendre avant de pouvoir disposer de quelque façon que ce soit des surplus actuariels. Par ailleurs, M. le Président, dans cette négociation, on retrouve peu les retraités. Il y aura, je pense, dans les amendements, un représentant retraité sur le comité des retraites. S'il y a un représentant, on ne peut dire que ça fait un poids très lourd, surtout que ceux qui paient actuellement, ils ont intérêt à payer le moins possible; et les employeurs qui paient aujourd'hui ont intérêt également à payer le moins possible. C'est la raison pour laquelle, comme le mentionnait le député de Verdun, le porte-parole, il faudrait qu'il y ait une plus grande reconnaissance des retraités dans ce projet de loi.

M. le Président, moi, je voudrais terminer sur une note... parce que je me demande comment il se fait qu'on n'ait pas réussi à ce jour à développer une façon, une formule, pour corriger ces erreurs de parcours ou ces surplus actuariels. Comment se fait-il que récemment on ait tous été témoins de compagnies d'assurances vie qui se sont démutualisées et qui sont devenues, n'est-ce pas, des entreprises publiques et qu'on ait été capable de redonner aux gens, de redonner aux propriétaires, de redonner à ceux qui avaient des contrats d'assurance, des sommes d'argent? On a bâti cette formule sur l'envergure de votre contrat d'assurance, le nombre d'années que vous avez contribué et différents facteurs de cet ordre, si bien que, si vous aviez eu un contrat d'assurance de l'ordre, je ne sais pas, moi, de 5 000 $ ou 10 000 $ lors de votre décès, on estimait ce coût-là, et vous aviez contribué pendant tant d'années à cette police d'assurance, donc vous aviez droit à un remboursement de la compagnie d'assurance.

Comment se fait-il qu'aujourd'hui on soit incapable de développer une formule qui nous permettrait justement périodiquement d'apporter des ajustements, que ce soit l'enrichissement des bénéfices futurs, que ce soit l'enrichissement des bénéfices des retraités actuels? Il me semble qu'on aurait pu trouver une formule, qui a été utilisée à d'autres moments, dans une situation toute récente où on a eu cinq grandes compagnies d'assurances qui se sont démutualisées et où il a été quand même possible, faisable, sans grief, sans recours devant les tribunaux, de distribuer les sommes d'argent qui revenaient aux gens qui avaient participé à ces compagnies d'assurances.

Ce pourquoi les retraités sentent l'injustice, M. le Président, c'est que cette épargne à laquelle ils ont contribué, ces surplus auxquels ils ont également contribué, ça leur appartient également. S'il y a eu un rendement meilleur, ce rendement est également dû à l'argent qu'ils ont contribué au fonds de retraite. Et, s'ils avaient contribué moins que ça, bien, peut-être qu'on ne serait pas dans une situation où les employeurs et les employés actuellement pourraient prendre un congé de retraite. Je pense qu'il est impérieux qu'on soit à l'écoute des retraités également, puisque ce sont là leurs épargnes, ça a été leur façon d'envisager leur vie. Et, M. le Président, je souhaite vivement qu'on soit encore à l'écoute des retraités.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière d'industrie et commerce et député de Mont-Royal. M. le député, nous vous écoutons attentivement.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. À mon tour, il m'est agréable d'intervenir sur le projet de loi n° 102. Tout d'abord, j'aimerais, à l'image de mes collègues, dire que j'ai également reçu de nombreuses lettres de nos électeurs, particulièrement des électeurs qui sont des retraités aujourd'hui, pour nous dire l'état dans lequel ils se sentaient face à ce projet de loi n° 102 et face même au projet de loi tel que modifié par le ministre.

Ce qu'il est important de reconnaître aujourd'hui, c'est qu'une personne qui est aujourd'hui un retraité a été hier un employé. Cette personne-là a contribué à la société québécoise de la même façon que l'employé qui est actif aujourd'hui y contribue. Et, donc, je pense qu'il est important non seulement de reconnaître sa valeur et sa contribution au moment où il est actif, mais aussi de les reconnaître au moment où il devient ce qu'il est convenu d'appeler un retraité.

Plusieurs personnes se préparent à la retraite, vous savez, de la façon suivante. Ils épargnent leur argent, mais aussi ils comptent sur ce qu'on appelle les régimes de retraite. Alors, vous avez évidemment le premier régime de retraite, qui est le régime de pension de la vieillesse, qui est un régime fédéral, comme vous savez; s'ajoute à ça le Régime de rentes du Québec; et finalement on ajoute la troisième dimension, qui est ce qu'on appelle l'épargne personnelle.

L'épargne personnelle peut être faite d'argent, d'épargne véritable personnelle, mais aussi la deuxième dimension de l'épargne, c'est évidemment le régime complémentaire de retraite pour un employé qui fait partie d'une entreprise. Ces régimes de retraite complémentaires sont de deux types. Le premier type, et qui ne pose pas de problème, c'est celui qu'on appelle à cotisation déterminée, c'est-à-dire là où vous avez un employeur et un employé qui s'entendent pour verser une certaine cotisation hebdomadaire, mensuelle ou annuelle au régime de retraite, et le risque est pris par l'employé uniquement, l'employeur ne prend aucun risque.

Dans le cas qui nous occupe, par contre, c'est un régime qu'on appelle à prestations déterminées, c'est-à-dire qu'au moment où l'employé est actif l'employeur et l'employé s'assoient, s'entendent, soit directement ou par l'entremise d'un syndicat, pour dire que, dans un certain temps, l'employé aura une certaine prestation au moment où il prendra sa retraite. Alors, le projet de loi n° 102 s'attaque surtout à ce genre ou à ce type de régimes qu'on appelle à prestations déterminées.

Je dois dire que le projet n° 102 apporte des modifications qui m'apparaissent au départ, certaines d'entre elles, intéressantes, c'est-à-dire, par exemple, quand on donne à l'employé maintenant le droit à la retraite, si vous voulez, dès qu'on commence à travailler, au lieu qu'autrefois il fallait qu'un employé attende deux ans avant d'avoir le droit à la contribution à sa retraite ou à sa rente éventuelle. Alors donc, ça, c'est une amélioration qu'on peut traiter de positive.

Par contre, dans le projet de loi initial, M. le Président, on déplorait le fait qu'on disait, dans ce projet de loi n° 102, initialement, que l'employeur, s'il n'arrivait pas à s'entendre avec le syndicat, par exemple, il pouvait prendre congé de cotisation unilatéralement. Alors, le ministre, après vérification et après avoir entendu, je pense, tous les intervenants en commission parlementaire, a décidé de modifier le projet de loi, et maintenant il oblige employeur et employé actif à s'entendre pour se partager des surplus.

(23 h 50)

Vous savez, les surplus, c'est fait de la façon suivante. Ce sont des estimés que les actuaires font à partir des employés qui sont actifs, de ceux qui sont retraités et aussi en projetant un certain taux d'intérêt et en regardant, dans l'avenir, quels sont les risques ou quelles sont les demandes qui vont être faites à ce régime de retraite. Et, à partir de là, il détermine s'il y a surplus ou pas. Et, dans le cas où il y a surplus, c'est là que, évidemment, la situation donc devient plus compliquée, dans le cas où les gens désirent séparer le surplus.

Alors, le projet de loi n° 102 tel que modifié propose que l'employeur et les employés actifs s'assoient, s'entendent et partagent le surplus, c'est-à-dire se donnent un congé... on ne sépare pas l'argent, là, M. le Président, on se donne un congé de contribution, c'est ça, soit de la part de l'employé et de la part de l'employeur, habituellement.

Ce à quoi le Parti libéral s'objecte, M. le Président, c'est qu'on croit qu'un régime de retraite, c'est un contrat, mais ce n'est pas un contrat, selon nous, qui est à deux parties, c'est un contrat à trois parties, c'est-à-dire que les gens qui ont contribué à ce contrat-là et qui contribuent toujours à ce contrat-là sont les employeurs, évidemment, les employés actifs, mais aussi les employés d'hier, c'est-à-dire les retraités d'aujourd'hui. Ces gens-là ont contribué de la même façon que les employés aujourd'hui contribuent, et la progression que le régime a faite avec le temps, il l'a faite avec les contributions de ces gens-là qui, aujourd'hui, sont à la retraite, mais qui ont travaillé pendant un certain nombre d'années pour l'entreprise et ont contribué à faire en sorte que le régime de rentes complémentaire a progressé et, aujourd'hui, est en situation de surplus.

Donc, il est important que tout partage de surplus, selon nous, soit fait à travers tous les types d'employés, que ce soit un employé syndiqué, un employé non syndiqué ou encore un retraité. Et ça, M. le Président, on y tient énormément, puisque ça nous apparaît très, très juste de répondre à la demande des retraités, demande qui a été faite, comme on vous a dit tantôt, par de nombreuses lettres. Donc, s'il y a entente entre l'employé et l'employeur, il n'y a pas de problème, sauf que, nous, nous désirons que le troisième intervenant, c'est-à-dire le retraité actuel, soit aussi partie prenante à cette négociation, à cette discussion, et que lui aussi y trouve son compte.

Si eux, les gens qui sont actifs, c'est-à-dire l'employeur et les employés actifs, se donnent un congé de cotisation, bien, lui, il ne peut pas se donner un congé de cotisation, puisqu'il ne contribue plus dans le moment, il est retraité. Alors, il est donc normal que lui, sa contribution ou ce qu'on lui donne serait une amélioration ou une indexation, sous une forme ou sous une autre, de sa pension, c'est-à-dire de l'accroître dans des proportions que le surplus permet.

Ce qu'il est important aussi de reconnaître, c'est que la plupart de ces fonds de pension là, M. le Président, ces régimes de retraite complémentaires, la plupart d'entre eux ne sont pas indexés. Donc, c'est important. Si on regarde l'avenir, M. le Président, dans quelques années, 40 % de la population du Québec sera formée de retraités. Donc, c'est important de prendre soin de ces gens-là. Ces gens-là, c'est nous tous, ici, dans cette salle, et d'autres qui nous écoutent dans le moment. Alors donc, c'est important qu'on en prenne soin et qu'on prépare l'avenir de ces gens-là, et la façon de le préparer, c'est justement de dire que, dans le cas où le régime complémentaire de retraite a des surplus, ces gens-là ont tout aussi droit à ces surplus-là que les employés qui s'adonnent aujourd'hui à être actifs et, évidemment, que l'employeur qui y a contribué également.

D'ailleurs, M. le Président, si on regarde ça de la façon suivante, et c'est pour cette raison-là qu'on arrive à cette conclusion, c'est que, si on regarde les contributions aux régimes de retraite complémentaires, c'est une forme de salaire. Quand vous êtes employé dans une entreprise, vous avez un salaire, c'est-à-dire un montant d'argent, mais vous avez aussi un montant d'argent qui vous est donné et qui est placé justement pour vos vieux jours, pour votre retraite. Et c'est donc ce qu'on a un peu appelé un salaire différé. Et c'est normal, si cet argent qui a été investi a progressé plus que ce que les actuaires prévoyaient, c'est donc aussi normal que vous en ayez votre bénéfice. L'employé qui est actif, lui, son bénéfice, ce sera d'avoir un congé de contribution, et l'employé qui est retraité, bien, lui, ce sera d'avoir une amélioration de sa pension, et ce sont des décisions qui devraient se prendre en collégialité, c'est-à-dire entre l'employeur, l'employé actuel et le retraité.

De même, M. le Président, la loi, d'ailleurs, suite à des causes qui sont célèbres comme la cause Singer, reconnaît aujourd'hui qu'en fin de régime, quand un régime est terminé, les participants, c'est-à-dire ceux qui sont actifs ou, si vous voulez, vous préférez, plus simplement, les employés actifs et aussi les retraités se partagent le surplus qu'il y a. Alors, c'est donc très difficile de comprendre qu'en situation de fin de régime la loi reconnaîtrait qu'un retraité a tout autant droit au surplus qu'un employé actif et que, pendant que l'entreprise est encore active et ne décide pas de fermer ses portes, pourquoi alors le retraité n'aurait pas également droit à sa part du gâteau, au gâteau qui est, comme vous savez, le surplus du régime de rentes?

C'est donc important de reconnaître que c'est un contrat, M. le Président, c'est un contrat en trois parties: l'employeur, l'employé actif et celui d'hier, c'est-à-dire le retraité. Et c'est pour cette raison que, nous, du Parti libéral, nous croyons que, s'il y a surplus, ce sont ces trois groupes-là qui doivent se le partager. Ceux qui sont actifs actuellement bénéficieraient d'une élimination, si vous voulez, de contribution pendant un certain temps et ceux qui sont retraités, eux, verraient leurs rentes améliorées pour les années à venir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Mont-Royal. Alors, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de cette Assemblée au 14 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 57)


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