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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 7 mai 2002 - Vol. 37 N° 96

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de parlementaires de l'Assemblée régionale des Açores

Présence de représentants de la communauté noire de Montréal

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Affaires du jour

Alors, nous débutons nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le ministre à nous indiquer l'item à l'ordre du jour, s'il vous plaît.

M. Bégin: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 6, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 50

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 6, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 30 avril 2002, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code civil. Y a-t-il d'autres interventions?

Une voix: ...

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Donc, les interventions sont terminées pour l'ensemble des députés, puis il n'y a pas de réplique non plus, je crois. Alors, à ce moment-là, je soumets le principe du projet de loi n° 50, Loi modifiant le Code civil, à votre adoption. Ce principe est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Gautrin: Sur division, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Bégin: Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions et pour que le ministre de la Justice en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bégin: Alors, M. le Président, j'aimerais que vous preniez en considération l'article 9, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 68

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 9, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 9 avril 2002, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 68, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions? M. le député de Verdun. Alors, je vous cède la parole.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: ...M. le Président, m'empêcher d'intervenir sur ce projet de loi éminemment important.

Alors, M. le Président, devant un gouvernement qui n'a plus d'idées, qui n'a plus de projets de loi à présenter, qui ne sait plus où il va, le ministre de la Justice apparaît comme faisant bande à part, nettement bande à part, dans la mesure qu'il a fait un effort législatif notoire pour présenter, lui, des projets de loi novateurs, alors que ses collègues attendent désespérément la fin de la session.

Alors, M. le Président, c'est avec plaisir que nous saluons aujourd'hui le projet de loi n° 68, la loi sur la réforme des tribunaux judiciaires. Et, comme l'a rappelé tout à l'heure la porte-parole, Mme la députée de Bourassa, l'opposition va voter en deuxième lecture en faveur du projet de loi n° 68. J'espère que cela va réjouir le ministre de la Justice, M. le Président. Je veux néanmoins rappeler certains éléments qui ont attiré notre attention dans ce projet de loi et soulever, avec le ministre de la Justice, un certain nombre de questions, questions que nous ne manquerons pas de soulever en commission parlementaire lorsqu'on arrivera à l'étude article par article. Mais, dans l'ensemble, l'opposition est en faveur de la réforme des tribunaux municipaux, M. le Président.

Essentiellement, qu'est-ce que fait ce projet de loi? Ce projet de loi vient uniformiser en quelque sorte les tribunaux municipaux. Au lieu de placer les juges municipaux sous l'autorité d'un juge en chef des tribunaux municipaux, ils vont être placés sous l'autorité d'un juge en chef adjoint de la Cour du Québec, ce qui va faciliter en quelque sorte l'harmonisation entre le fonctionnement des différentes cours municipales. Et, dans ce sens-là, M. le Président, on pense qu'il y a un pas qui est fait dans la bonne direction.

n (10 h 10) n

Je ne peux cependant, M. le Président, m'empêcher de relever un certain nombre d'articles particulièrement irritants dans ce projet de loi, non pas suffisamment irritants pour justifier de notre part un vote négatif sur le projet de loi, mais articles qui, il me semble, devraient être modifiés, amendés lorsque nous arriverons en étude article par article.

Je commence, si vous voulez, par l'article 9. L'article 9, M. le Président, va toucher les juges des tribunaux municipaux. Bien évidemment, vous le savez, puisque vous êtes député d'un comté qui est en partie un comté rural, vous savez que les juges municipaux ne sont pas en général à plein temps, c'est-à-dire qu'ils continuent à avoir leur fonction d'avocat et, sur le côté, ils agissent comme juge municipal. Ces juges ont donc une pratique d'avocat. Il reste évidemment, M. le Président ? et je pense que, de part et d'autre, on va en convenir ? juste et sain que, dans leur pratique d'avocat, puisqu'ils sont juges dans un tribunal municipal, ils ne puissent plaider devant un tribunal municipal. Ça fait partie... une évidence, à mon sens, pour empêcher des conflits éventuels, des conflits d'intérêts.

Cependant, la loi va beaucoup plus loin. La loi va beaucoup plus loin, car elle va leur interdire dorénavant de plaider devant les cours du Québec, M. le Président. Alors, ça veut dire qu'on prive l'ensemble des gens qui, en région particulièrement, choisiront, dans leur plan de carrière, d'être un juge dans un tribunal municipal de pouvoir plaider dorénavant devant les cours du Québec. Ils pourront, bien sûr, continuer à plaider devant la Cour suprême, de plaider devant la Cour supérieure, devant les cours d'appel, mais ils ne pourront plus plaider devant la Cour du Québec, ce qui va les priver d'une partie importante de leurs revenus, ce qui va les priver d'une partie importante de leurs causes.

Je comprends la logique, et je ne veux pas que le ministre... mais la logique, à mon sens, ne tient pas. La logique, c'était de dire: Puisque, à l'heure actuelle, nous soumettons l'ensemble des juges à la juridiction d'un juge adjoint de la Cour du Québec, à ce moment-là on les excluait automatiquement de plaider devant les cours du Québec. La réalité dans la vraie vie, la réalité dans la vraie vie, c'est que la majeure partie de la pratique de ces citoyens qui acceptent d'être juge municipal et qui vont agir... qui ont une pratique d'avocat sur leur côté, ne pourront plus... ils vont perdre nombre de leurs clients. Nombre de leurs clients, avant d'aller à la Cour d'appel, voire à la Cour suprême du Canada, commencent par s'adresser à la Cour du Québec, et ils ne pourront plus agir, représenter leurs clients devant la Cour du Québec si le projet de loi n'est pas amendé, M. le Président.

Et là il me semble qu'il y a, pour le fonctionnement de la justice, pour le fonctionnement de la justice, quelque chose de grave, parce que, lorsqu'on sera en région, vous aurez énormément de difficultés pour recruter des avocats brillants qui se verraient privés de leur possibilité de plaider devant la Cour du Québec lorsqu'ils auraient accepté un poste de juge municipal, M. le Président. Il y a là une anomalie. Et je ne suis pas le seul qui a dû avoir des représentations de l'Association des juges municipaux. La majeure partie des députés de cette Chambre ont dû être soumis au même type de représentation face à l'anomalie que l'on voit dans l'article 9 du projet de loi.

M. le Président, ce n'est pas les seules anomalies qui se passent à l'intérieur de ce projet de loi. Vous savez, puisque vous êtes un député de la région de Québec, qu'une partie des villes de votre circonscription ont été fusionnées, je crois, dans la grande région de Québec, comme certaines villes de l'île de Montréal ont été fusionnées dans la nouvelle ville de Montréal, que dans la mécanique transitoire il y a des juges municipaux, et je pense plus particulièrement à des juges municipaux de grandes villes de banlieue de Montréal, ville LaSalle par exemple, Verdun, Montréal-Nord, où le juge municipal, même s'il n'était pas à plein temps, était virtuellement à plein temps, c'est-à-dire qu'il était amené à juger quatre jours et demi, être sur le banc quatre jours et demi par semaine. Ce qui fait que la pratique d'avocat de ces juges municipaux qui n'étaient pas des juges intégrés à la Cour de Montréal était relativement minimaliste. Et ils ont laissé tomber leur clientèle, se trouvant dans la précinquantaine ou la postcinquantaine, n'ayant plus de clientèle et ayant agi virtuellement comme des juges municipaux à plein temps.

Ils ne sont pas encore intégrés à la Cour de Montréal, puisque la loi a intégré à la Cour... a transféré les dossiers municipaux à Montréal, à la Cour de Montréal, et je crois que ça doit être la même chose à Québec actuellement. Il y a un processus dans lequel on verra éventuellement à en intégrer un certain nombre à la Cour de Montréal. Là, les questions traînent en longueur, et je voudrais réellement sensibiliser le ministre de la Justice sur ces questions-là. Les questions traînent en longueur quant à l'intégration de ces juges à la Cour de Montréal, et il faut, malgré tout, même si vous êtes juge, il faut que vous mangiez, il faut que vous ayez un salaire, un revenu régulier. Et, dans cette période de transition, des personnes qui avaient laissé en quelque sorte de côté ou s'étaient moins intéressées à la pratique d'avocat se trouvent dans des situations difficiles et pénibles, M. le Président. Ils continuent à siéger pour finir les causes qui avaient été instruites à l'époque, avant la fusion, et ils ne sont plus en mesure réellement de connaître quel va être leur futur. Alors, je prends l'occasion du débat sur les tribunaux municipaux ici pour rappeler au ministre l'urgence, l'urgence d'intervenir dans ce dossier, M. le Président.

Je vais aborder maintenant deux petits, petits points, M. le ministre, qui peuvent poser problème à l'intérieur du projet de loi. C'est relativement technique, mais vous allez comprendre, M. le Président. Ça va toucher les cours de Montréal, de Laval et de Québec et leur juridiction en matière criminelle.

Alors, en termes de juridiction en matière criminelle, les juges de la cour de Montréal et de Québec avaient le statut de deux juges de paix, ce qui leur permettait d'avoir juridiction, en termes du Code de procédure, sur les causes qui étaient instruites en fonction de la partie XXVII du Code criminel, c'est-à-dire les procédures sommaires, mais aussi en fonction de l'article 19 du Code criminel. Là, à l'heure actuelle, on retire aux cours municipales, particulièrement à la Cour de Montréal, sa juridiction en matière criminelle sur ce qui est fait à ce moment-là sur les éléments de l'article 19 du Code criminel.

n (10 h 20) n

Ça va avoir pour effet, M. le Président, d'alourdir, d'après moi, les procédures pour certains justiciables, si vous me permettez, parce que les cours du Québec sont déjà très, très lourdes, ont un rôle important et... Un rôle, j'entends le nombre de personnes qui attendent pour pouvoir être justiciées. Leur rôle est... leur liste d'attente ? si on veut prendre un terme qui est propre au secteur de la santé ? est pleine. Et de retransférer des responsabilités aux cours du Québec sans nécessairement transférer les fonds nécessaires ? donc, dans le débat sur les crédits, on n'a pas vu à l'heure actuelle des crédits supplémentaires attribués aux cours du Québec pour tenir compte du transfert de cette responsabilité qui actuellement est propre aux cours municipales et qui va être transférée aux cours du Québec ? risque de retarder le processus de jugement pour certaines personnes.

Il faut rappeler que la question n'était pas réglée entre les parties: d'un côté, le comité de transition recommandait que, pendant une période de trois ans, on maintienne la juridiction, à titre expérimental, des cours municipales sur les causes instruites en fonction de la partie XIX du Code criminel; la ville de Montréal voulait s'en départir pour des raisons bien évidentes sur le plan financier. Il me semble qu'il aurait été plus sage d'avoir une période de transition un peu plus longue, comme le recommandait d'ailleurs le comité de transition.

Je voudrais aborder aussi un troisième élément. Il y a toujours dans ces lois des articles qu'on ne sait pas d'où ils viennent, et on ne comprend pas bien la portée, mais qui peuvent avoir une portée assez gênante. Je me pose des questions sur l'article 43 actuellement. Je vais vous dire, l'article 43, c'est celui qui perçoit la perception des amendes suite à une condamnation pour des raisons criminelles. Dans le projet de loi actuellement, à l'article 43, on donne la possibilité de nommer des percepteurs à pouvoirs restreints. C'est bien ce que je comprends dans... C'est-à-dire qu'on va, pour multiplier les percepteurs... c'est-à-dire qu'on veut dire: On veut rendre plus de services aux justiciables, donc on va avoir plus... on va régionaliser ou décentraliser la perception des amendes.

Sauf que, au lieu de multiplier les percepteurs d'amendes, on va créer deux classes de percepteurs d'amendes: une vraie classe, autrement dit la classe d'un percepteur des amendes de celui qui sera condamné, qui devra payer des amendes, et une sous-classe, une deuxième classe, un percepteur de deuxième niveau, un percepteur, un sous-percepteur, l'équivalent d'un secrétaire d'État par rapport à un ministre délégué, par exemple, c'est-à-dire une personne qui n'a pas vraiment les fonctions et les pouvoirs mais a quelques pouvoirs à l'intérieur du système judiciaire.

Il me semble... J'ai besoin personnellement d'être convaincu et d'entendre les arguments du ministre sur cette question pour pouvoir me prononcer en faveur de l'article 43. Je vois, au contraire, énormément de problèmes où le justiciable s'adressera à un véritable percepteur qui, lui, aura toute la juridiction pour passer entente avec le justiciable quant aux délais de paiement. Vous comprenez un peu ce que fait ce percepteur, il s'entend en disant: Bon, vous devez payer 1 500 ou 2 000 $ d'amende, mais, à ce moment-là, vous ne pouvez pas le faire tout de suite, alors on va s'entendre avec vous pour le faire dans des délais qui sont des délais raisonnables, où vous êtes en mesure de satisfaire à ce moment-là à vos obligations envers la justice.

Si on crée, donc, un système de percepteurs qui ont les pleins pouvoirs et le système de sous-percepteurs qui, eux, n'auront seulement que des pouvoirs partiels, je trouve qu'il risque d'y avoir, dans le fonctionnement, des difficultés. Ne serait-il pas plus sage, M. le Président, ne serait-il pas plus sage, bien au contraire, de nommer... d'augmenter le nombre de percepteurs? Parce que ça serait sain de... Je comprends le problème à l'heure actuelle de donner un meilleur service en augmentant le nombre de percepteurs, mais de ne pas créer une classe nouvelle de sous-percepteurs à l'intérieur du système de justice. À moins qu'il y ait des raisons que je n'ai pas perçues et qu'il faudrait réellement qu'on m'explique, là, mais, dans la manière dont, moi, j'ai lu le projet de loi, j'ai en quelque sorte été heurté par cet article, qui est l'article 42, et je voyais, au contraire, qu'il aurait été plus sage d'augmenter en quelque sorte le nombre de percepteurs, M. le Président.

Je vois que le temps passe, alors je vais vous résumer en quelques mots notre position à ce sujet-là. Nous sommes donc en faveur d'une réforme des tribunaux municipaux et, comme on l'a rappelé deux fois ou trois fois, soyez heureux, nous allons voter en faveur du projet de loi. Mais il reste des interrogations, et elles sont de trois niveaux, M. le Président.

Premier type d'interrogation, purement administratif, ce n'est pas dans le projet de loi, mais, M. le ministre, vous devriez regarder la situation, à l'heure actuelle, d'intégration des anciens juges des cours municipales, particulièrement à Montréal, de ceux qui, par exemple, étaient à la Cour municipale de Saint-Léonard, la Cour municipale de Montréal-Nord, la Cour municipale de Verdun ou la Cour municipale de ville LaSalle, qui étaient des juges qui, quasiment, fonctionnaient à temps plein virtuellement et qui, actuellement, sont dans une situation transitoire assez délicate.

Deuxième élément, M. le Président, pour les juges qu'on va recruter, de faire en sorte... Je ne vois absolument pas la raison pourquoi on les prive de la possibilité de représenter leurs clients devant la Cour du Québec. Qu'ils ne puissent pas représenter leurs clients devant la cour municipale, très bien, mais devant la Cour du Québec... Il me semble inacceptable qu'ils ne puissent pas représenter leurs clients devant la Cour du Québec. Donc, on demande ici une modification à l'article 9 pour que l'ajout du... et même qu'on biffe complètement l'article 9 à l'heure actuelle.

Sur la question du Code criminel, c'est-à-dire du pouvoir des cours de Montréal, de Laval et de Québec en matière criminelle, j'aurais besoin... Je serais enclin à penser qu'il y aurait lieu de suivre la recommandation du comité de transition et d'avoir, à ce moment-là, une période de transition d'un an ou deux où on aurait maintenu la juridiction des cours municipales de Montréal, Québec et Laval en matière criminelle, c'est-à-dire à la fois sur les procès qui sont instruits en fonction de la partie XXVII du Code criminel, mais aussi en fonction de la partie XIX du Code criminel.

Et, en terminant, M. le Président, je dois vous dire que, en ce qui touche le percepteur, la perception des amendes, c'est-à-dire l'article 43 du projet de loi, il me semble qu'il y aurait lieu à d'énormes explications, car je vois beaucoup de difficultés administratives en ce qui touche l'application d'avoir un percepteur et un sous-percepteur. M. le Président, je vous remercie.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, je vais mettre aux voix le principe du projet de loi n° 68, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales, la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives. Est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Bégin: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions et pour que le ministre de la Justice en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bégin: Alors, M. le Président, l'article 13.

Projet de loi n° 84

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 13, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 84, Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation. M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, chers collègues, mesdames et messieurs, lors des audiences sur l'avant-projet de loi, des témoins experts et des porte-parole de divers groupes sont venus nous dire des choses qui resteront longtemps dans notre mémoire. Je pense particulièrement aux témoignages troublants des hommes, des femmes et des jeunes qui ont marqué cette commission. Ils sont venus tour à tour nous parler d'eux à coeur ouvert, de leur vie, de celle de leur famille et de leurs proches. Ils nous ont fait part de leurs craintes et des situations difficiles qu'ils vivent parfois, de leurs attentes et de leurs besoins, des espoirs qu'ils entretiennent. Mais ils nous ont également communiqué, et cela est évidemment très précieux pour nous, des avenues concrètes pour améliorer notre projet de loi.

n (10 h 30) n

L'avant-projet de loi déposé en décembre dernier démontre la maturité de notre société, qu'un témoin a qualifiée de tolérante envers les homosexuels, société que nous voulons également acceptante à l'égard des minorités. Nos travaux démontrent le rôle déterminant que nous pouvons jouer pour faire cesser des iniquités profondes entre nous, mais aussi pour préparer l'avenir pour tous les enfants du Québec.

Il est certain que les membres de la commission n'oublieront pas le témoignage de cette jeune femme qui nous a dit qu'elle ne veut plus que des enfants aient honte à cause du choix de vie de leurs parents homosexuels. Je me permets de citer deux extraits de son témoignage où elle dit: «C'est vrai que ça a été dur de taire et de mentir à propos de son orientation sexuelle. C'est un lourd fardeau à porter d'être différent, que ce soit à tout âge. Imaginez maintenant comment ça peut être difficile pour moi et pour les milliers d'enfants qui vivent la même situation que moi de subir les préjugés associés à l'homosexualité de leurs parents à 10, 12 ou même 16 ans.» Elle poursuit et dit plus loin dans son intervention: «Continuer de faire l'autruche et [...] ignorer ? pour des parents homosexuels ? des droits normalement reconnus aux parents hétérosexuels constituent selon moi davantage une menace pour la famille que peut l'être l'inverse, contrairement à ce que certains peuvent penser. En quoi donner tout ce qu'on a d'amour et s'engager pour toute la vie auprès d'un enfant peuvent-ils être une menace pour la société ou pour la famille? Pourquoi demander aux gais et aux lesbiennes de renoncer à une partie de leur humanité au nom de leur différence?» Fin de la citation.

Lors du début des travaux de la commission parlementaire, j'ai mentionné la richesse des 56 mémoires que nous avions reçus et que j'avais tous lus sans exception. J'ai alors fait état de mes attentes sur certaines questions de même que de notre ouverture à considérer tous les points de vue afin d'améliorer le projet de loi. L'audition des témoignages ne m'a pas déçue, bien au contraire, car leur contenu et la qualité des présentations m'ont beaucoup aidé pour la rédaction du projet de loi présenté en début de session. L'accueil réservé à l'avant-projet de loi a été très positif, ce qui témoigne d'un large consensus social sur l'union civile pour les conjoints de même sexe.

Mais plusieurs ont exposé leur crainte que l'union civile crée une forme de discrimination, une ségrégation entre les couples si elle devait être réservée aux seuls conjoints de même sexe. L'objectif de la reconnaissance de la réalité et l'égalité des couples homosexuels serait ainsi nié par la création d'une institution civile qui leur serait strictement réservée, tout comme le mariage est réservé aux hétérosexuels.

Une chose est maintenant certaine, la société québécoise a évolué. Elle est actuellement prête à reconnaître la réalité des cellules conjugales formées de deux hommes ou de deux femmes de même que la réalité de la famille qu'ils forment avec leurs enfants. Plusieurs sont venus nous dire que la nouvelle institution de l'union civile pourrait avoir une reconnaissance sociale moindre que celle que l'on a traditionnellement reconnue au mariage si elle devait être réservée aux homosexuels. Les gais et lesbiennes veulent être traités de la même façon que les hétérosexuels et veulent avoir accès aux mêmes institutions sociales. Voilà pourquoi le gouvernement a décidé d'agir pleinement dans les limites de ses compétences constitutionnelles et de faire de l'union civile une institution ouverte aussi bien aux homosexuels qu'aux hétérosexuels. En élargissant aux hétérosexuels la possibilité de contracter et de célébrer une union civile, le projet de loi reconnaît trois types de conjugalité: celle des conjoints unis en mariage, celle des conjoints en union civile et celle des conjoints de fait. Le projet de loi ne propose aucune modification touchant la modalité de vie commune des conjoints de fait qui conservent ainsi la liberté d'établir les modalités régissant leur couple. Le projet de loi comprend toutefois des dispositions sur certains aspects de l'union de fait, notamment les droits des enfants issus de ces unions et sur le consentement aux soins pour le conjoint.

Tous ceux et celles que nous avons entendus en commission sur l'avant-projet de loi le reconnaissent, une modification à l'institution du mariage ne relève pas de la compétence du Québec. Il nous faut souhaiter que des changements soient maintenant apportés par le Parlement fédéral à l'institution du mariage de manière à corriger cette situation. D'ailleurs, le projet de loi vient modifier le deuxième alinéa de l'article 365 pour éliminer la référence au mariage entre un homme et une femme et pour indiquer que le mariage peut être contracté entre deux personnes qui expriment librement leur consentement libre et éclairé à se marier. Si les conditions de fond du mariage ne relèvent pas de nous, nous n'avons pas à porter la responsabilité des discriminations fédérales à l'égard des homosexuels. Cette modification n'aura cependant aucune portée juridique, puisque la loi fédérale demeure inchangée à cet égard.

Le projet de loi vient aussi préciser le libellé de l'article 15 du Code civil du Québec. Il doit être clairement compris que le conjoint homosexuel peut consentir aux soins requis par l'état de santé de son conjoint lorsque ce dernier est inapte à donner lui-même son consentement.

Tout cela m'amène à traiter d'une situation injuste encore plus grave à mes yeux, soit celle des enfants des couples homosexuels. Il m'apparaît clair que l'intérêt supérieur de l'enfant doit prévaloir dans tous les choix que nous pourrons faire en matière de parentalité. Les interventions de tous les parlementaires membres de la commission, lors des audiences sur l'avant-projet de loi, m'amènent à conclure qu'ils partagent ce point de vue. Comme je le mentionnais à la conférence de presse suivant le dépôt de l'avant-projet de loi, je souhaitais recevoir les avis de tous concernant la filiation et la parentalité et que c'était là un des deux objets de la consultation, le premier étant l'union civile de deux hommes ou de deux femmes et le second étant la filiation et la parentalité que j'ai couverts du vocable de l'adoption.

Là encore, comme je l'ai mentionné lors de la clôture des consultations particulières, j'ai été heureux de constater la pertinence et la richesse des mémoires et des propos tenus devant nous sur ces questions. De nombreux témoignages ont fait état de situations difficiles vécues par des enfants vivant avec des conjoints de même sexe. Dans certains cas, la santé d'un enfant peut être en péril dans la mesure où le conjoint du père ou de la mère ne peut consentir aux soins urgents requis par l'enfant. D'autres exemples portent sur la difficulté pour l'enfant de voyager à l'extérieur du pays avec sa seconde mère ou son second père. De même, le droit à la succession de cette personne et de sa famille constitue un autre exemple concret qui nécessite notre intervention. Le projet de loi fera en sorte que soit reconnue à tous les enfants une pleine égalité des droits tant juridiques que sociaux.

De nombreux experts sont venus nous faire part d'études étoffées et bien documentées, réalisées au cours des dernières décennies et selon lesquelles des enfants vivant à l'intérieur de familles composées de deux pères ou de deux mères n'étaient pas en butte à un développement différent de celui d'enfants vivant dans une famille dite traditionnelle. C'est l'amour dans le couple qui est le ciment permettant aux enfants d'évoluer vers une pleine maturité, comme l'ont d'ailleurs démontré de manière éloquente les témoignages d'Annick Gariépy, de Julie Pétrin, de Ludovic Maillé-Prévost et de François Ricard. En disant ceci, je ne veux nullement nier qu'il puisse y avoir des familles vivant des dysfonctionnements, mais cela se rencontre aussi bien chez des couples hétérosexuels que chez des couples de gais et de lesbiennes.

L'intérêt que suscite la prise de position de l'American Academy of Pediatrics a été souligné plusieurs fois dans les témoignages. On y reconnaît que le développement émotionnel, cognitif, social ou sexuel d'enfants élevés par une ou deux personnes homosexuelles est comparable au développement d'un enfant élevé par un couple hétérosexuel. Il semble que c'est beaucoup plus la nature de la relation et les interréactions dans la famille qui favorisent un développement harmonieux chez l'enfant. Ce point de vue a été aussi présenté par des spécialistes en psychologie, en psychothérapie et en sociologie. Ils ont tous confirmé que rien ne permet de retenir l'orientation sexuelle des parents comme motif pour refuser à ces couples la possibilité d'être parents. Aucune étude sérieuse ne va contredire cette vision d'enfants sains et bien équilibrés, élevés par des parents de même sexe.

En 1980, le ministre de la Justice de l'époque, Me Marc-André Bédard, a permis que soient éliminées du Code civil les distinctions à la naissance selon qu'un enfant soit né à l'intérieur ou non du mariage. Je crois qu'il faut maintenant aller encore plus loin, car il en va de l'intérêt des enfants. Ainsi, le projet de loi revoit la notion de filiation dans le Code civil pour reconnaître la réalité et l'importance que nous accordons aux enfants et, surtout, que soit éliminée toute forme de discrimination entre les enfants, peu importe qu'ils soient nés au sein d'un mariage, d'une union civile ou d'une union de fait.

Par ailleurs, si le Code civil permet, depuis plusieurs années, à l'article 3, l'adoption d'un enfant ? pardon, l'article 346 ? l'adoption d'un enfant par une ou deux personnes, sans distinction de leur orientation sexuelle, les textes qu'il contient pourraient être plus clairs à cet égard. Rien n'interdit qu'un couple de personnes de même sexe puisse adopter un enfant. Seul l'intérêt de l'enfant doit présider au choix des parents. L'Association des centres jeunesse nous a d'ailleurs confirmé en commission que des directives ont été émises, en septembre dernier, à tous les centres jeunesse pour que ce principe seul justifie le choix des parents adoptifs, quelle que soit l'orientation sexuelle des futurs parents. Il faut que cesse toute discrimination systémique vécue par plusieurs couples stables, aimants et compétents à élever un enfant. Les dispositions du Code civil sur cet aspect seront donc modifiées par souci de clarté.

n (10 h 40) n

En définitive, l'objectif fondamental poursuivi par le projet de loi est de contribuer à ce que les personnes, jeunes ou adultes, qui se découvrent une orientation homosexuelle ne se sentent en aucun temps discriminées et ostracisées de quelque manière que ce soit. Les valeurs de tolérance, de respect et d'équité doivent guider notre travail de parlementaires et de législateurs. Ainsi, nous pourrons aspirer à construire un monde plus ouvert où tous et toutes auront une place, sans distinction. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Y a-t-il d'autres intervenants? Il y a Mme la députée Bourassa. Alors, je vous cède la parole.

Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour d'intervenir au niveau de l'adoption du principe du projet de loi n° 84, Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation. Permettez-moi d'emblée, M. le Président, de vous préciser que l'opposition officielle s'est prononcée en faveur de l'adoption du principe du projet de loi n° 84. Et évidemment le principe dudit projet de loi vient reconnaître que les couples homosexuels ont le droit de s'aimer et de vivre ensemble, donc accorde également une reconnaissance aux enfants issus de leur union, et cette reconnaissance-là vise à faire en sorte que les enfants ne subissent pas de discrimination, qu'ils soient issus du mariage, d'une union civile ou d'une union de fait. Donc, l'opposition officielle a toujours été sensible à la situation des enfants; elle l'est toujours d'ailleurs et elle a toujours pris en compte de façon sérieuse les notions de «meilleur intérêt des enfants». Alors, je tenais à vous le dire d'emblée pour que ce soit bien clair que l'opposition officielle entend voter en faveur de l'adoption du principe du projet de loi n° 84, et elle le fait plus particulièrement à cause de ses préoccupations et de son souci envers le meilleur intérêt de l'enfant.

Le projet de loi n° 84, c'est un projet de loi qui institue l'union civile et qui vient par conséquent établir de nouvelles règles, dont des règles au chapitre de la filiation. Alors, le projet de loi crée une nouvelle institution qui dorénavant sera connue et reconnue comme étant l'union civile, et cette union-là sera ouverte tant aux personnes homosexuelles qu'aux personnes hétérosexuelles. Elle est par ailleurs plus significative pour les personnes homosexuelles, puisqu'elle vient reconnaître ou confirmer leur volonté de vouloir vivre ensemble et de vouloir conférer plus de stabilité à leur union et vouloir également conférer plus de stabilité à leur projet de vie, parce qu'il est question ici, comme dans le mariage ou dans l'union de fait, de deux personnes qui s'aiment et qui veulent... qui expriment un accord commun à faire vie ensemble.

Alors, l'opposition officielle... Vous devez comprendre que nous sommes ici face au projet de loi n° 84, lequel a été précédé par un avant-projet de loi qui portait également sur l'union civile. Il y a par ailleurs des différences importantes entre l'avant-projet de loi portant sur l'union civile et le projet de loi instituant l'union civile. Si on prend une image, M. le Président, c'est un petit peu comme si on disait qu'il y avait une marche. Il y a maintenant une marche importante dans le projet de loi n° 84. Cette marche-là, ça pourrait être: adoption, filiation et procréation médicalement assistée. Et cette marche-là n'existait pas dans l'avant-projet de loi concernant l'union civile, puisque le ministre de la Justice n'avait pas pris la décision à ce moment-là d'inclure ces dimensions-là ou de mettre cette marche-là. Et, encore une fois, la marche dont il est question, c'est adoption, filiation et insémination artificielle.

Lors de la conférence de presse, M. le ministre a confirmé son intention de déposer le projet de loi n° 84 et, vu qu'il y avait maintenant une nouvelle marche, une marche assez importante, assez haute avec l'avant-projet de loi, l'opposition officielle a jugé important de réclamer la tenue d'auditions, de consultations. D'ailleurs, je dois remercier le ministre de la Justice qui a consenti de sorte que nous aurons des consultations particulières. Il est par ailleurs regrettable d'une certaine façon que M. le ministre ait pris la décision d'appeler l'adoption du principe avant la tenue desdites auditions, mais je comprends.. Et le ministre, je le vois soulever les épaules, hausser les épaules, j'imagine ce qu'il veut me confirmer, c'est que, bon, ça fait partie des attributions, des pouvoirs dont il dispose. Ça, je peux bien en convenir.

Il aurait par ailleurs été important, je pense, que nous puissions entendre d'autres personnes, étant entendu que le débat est nettement plus large qu'il ne l'était au départ parce que, au départ, le débat était circonscrit à l'union civile et, encore une fois, circonscrit parce qu'il n'abordait pas la question de l'adoption, de la filiation et de l'insémination artificielle. Alors, nous aurons donc des consultations. Je ne sais pas à quel moment elles pourront se tenir, mais je pense qu'il est important qu'un débat plus large... Il y a eu un débat, oui, lors de l'avant-projet de loi, mais je ne pense pas qu'on puisse prétendre globalement que tout aura été dit ou encore que nous aurions tout entendu, étant bien entendu que certaines questions ne faisaient pas partie de l'avant-projet de loi et que maintenant celles-ci fassent partie du projet de loi n° 84. C'est ce qui fait que nous pensons, vu que ces questions-là maintenant font partie intégrante du projet de loi, qu'il y aurait lieu de tenir un débat beaucoup plus large et d'entendre toute personne qui pourrait être intéressée par les questions qui sont maintenant comprises à l'intérieur du projet de loi n° 84. Encore une fois, je rappelle qu'il s'agit d'adoption, de filiation et de procréation médicalement assistée.

Le projet de loi n° 84, il serait bon que je me réfère aux notes explicatives pour vous préciser à ce sujet qu'il viendra modifier en outre le Code civil pour ajouter de nouvelles règles en matière de procréation assistée. Donc, il viendra en quelque sorte baliser les règles en matière de procréation assistée, et là je comprends que c'est une bonne chose qu'il en soit ainsi. Et le projet de loi va, de la même façon, venir préciser les règles d'adoption en ce qui concerne les parents de même sexe, ce qui est également important. Je me souviens notamment de l'Association des centres jeunesse du Québec qui était venue se faire entendre plus spécifiquement sur l'article 546 du Code civil. Actuellement, le Code civil du Québec n'empêche pas formellement l'adoption par toute personne majeure. Elle peut adopter soit seule ou conjointement. Alors, il n'y a pas de restriction ou d'exigence particulière. Le Code civil dit simplement «toute personne majeure», impliquant évidemment que cette personne-là puisse être une personne homosexuelle. Alors, il n'y a pas actuellement au Code civil d'empêchement.

Cependant, l'Association des centres jeunesse sont venus dénoncer que l'article leur semblait poser problème dans les faits. Ils semblaient y voir ambiguïté. Alors, on peut penser que, sur la foi de ce qui aura été entendu en commission parlementaire, notamment à cet égard-là, bien que l'Association des centres jeunesse a dit qu'ils étaient pour envoyer une nouvelle directive aux centres jeunesse pour lever cette espèce d'ambiguïté qu'ils avaient vue au Code civil, on peut penser, par ailleurs, que le souci de venir préciser les règles d'adoption peut donner suite à ce qui a été entendu à l'occasion des commissions parlementaires. Donc, c'est un projet de loi qui est intéressant.

Globalement, c'est un projet de loi... Sous réserve, je crois qu'il comporte plus de 236 articles, des articles que nous allons lire avec intérêt. Globalement, ce sont les articles 1 à 70 qui viennent modifier le Code civil du Québec, les autres articles devant être vus comme des modifications de corrélation, avec plus d'une cinquantaine d'autres lois qui vont être également abordées dans le cadre de l'étude subséquente, là, du projet de loi article par article.

Évidemment, le Code civil, le projet de loi va venir reconnaître, comme je vous le disais précédemment, il va venir créer une nouvelle institution qui est l'union civile pour les personnes de même sexe mais également pour les personnes de sexes différents, et ça, ça donne suite aux témoignages que nous avons entendus. En effet, les groupes des communautés gaies et lesbiennes ont dénoncé la discrimination voulant... parce que, au moment de l'avant-projet de loi, l'union civile n'était réservée qu'aux personnes homosexuelles. Donc, les groupes de la communauté gaie et lesbienne ont dénoncé cette discrimination-là et ils ont également demandé que l'union civile soit étendue ou élargie également aux hétérosexuels, ce que fait le projet de loi n° 84.

n (10 h 50) n

Évidemment, l'union civile va venir reconnaître l'engagement de deux personnes à vouloir vivre ensemble, avoir un projet de vie commune. Il va venir reconnaître leur engagement de façon publique. Et il est prévu au projet de loi n° 84 des conditions ou des règles relatives à la formation, à la célébration, à la publicité et à la dissolution de cette union civile.

Le dissolution est une distinction que l'on peut faire avec le mariage parce que, à toutes fins pratiques, l'union civile va emporter les mêmes effets que le mariage. La seule différence, c'est lorsque la volonté des deux personnes sera irrémédiablement compromise, qu'il n'y aura plus de possibilité pour eux de vivre ensemble, évidemment à moins qu'il n'y ait des enfants, il leur sera possible, par voie d'aller devant notaire et par voie de contrat passé devant notaire, de mettre fin, donc d'apporter une dissolution à l'union civile qu'ils avaient antérieurement contractée. Ça, la dissolution, c'est une formalité qui est beaucoup plus souple et qui est différente de celle que connaissent les personnes qui sont mariées, parce que, quant à elles, il s'agit du divorce. Donc, c'est une façon de procéder qui est beaucoup plus simple parce qu'on passe devant le notaire et on convient dans un écrit, lorsqu'il n'y a pas d'enfant, qu'on peut mettre un terme à cette union-là.

Évidemment, le projet de loi va également permettre aux futurs conjoints d'établir entre eux, par contrat, un régime d'union civile, lequel va être soumis aux mêmes règles que celles des régimes et contrats matrimoniaux. Alors là, encore là, c'est tout à fait pareil; ils vont donc pouvoir, par contrat, établir les règles du contrat. Et, à défaut de celui-ci, ce sont les règles du régime de la société d'acquêts qui vont s'appliquer. Encore là, c'est la même chose; les responsabilités... évidemment, il va y avoir des responsabilités qui vont être confiées à l'officier de l'état civil, qui va pouvoir dresser l'acte constatant l'union.

Lorsqu'on parle des effets de l'union civile, je crois utile, M. le Président... Je sais que vous pouvez donc prévoir qu'ils auront des droits et également des devoirs. Ces devoirs-là seront les mêmes, et l'union civile, en ce qui concerne la direction de la famille, l'exercice de l'autorité parentale, la contribution aux charges, la résidence familiale, le patrimoine familial et la prestation compensatoire, aura évidemment, compte tenu des adaptations qui seront nécessaires, les mêmes effets que le mariage. Alors, je voulais vous illustrer ce que je vous ai mentionné précédemment, à savoir que l'union civile aura les mêmes effets que le mariage, et je viens de vous expliciter plus particulièrement ce que ça voulait dire ou d'illustrer... Évidemment, les conjoints, en union civile, vont devoir se prêter mutuellement respect, fidélité, secours et assistance, ce qui est également important. Alors, c'est un projet de loi dont nous allons aborder l'étude avec un grand intérêt.

Je dois dire que j'ai lu également... Il y a eu 56 mémoires qui ont été déposés, je les ai tous lus, sans exception. J'avais souligné antérieurement la qualité de la facture et du contenu de ces mémoires-là; je le réitère. Je veux soulever aussi, M. le ministre l'a dit... revenir sur la beauté de certains témoignages que nous avons entendus. Et, du côté de l'opposition officielle, il en va exactement de même, nous avons été particulièrement sensibles à la beauté du témoignage donné par trois jeunes adultes qui sont venus nous démontrer tout l'amour qu'ils avaient reçu de leurs parents et nous montrer à quel point cet amour-là qu'ils avaient reçu avec générosité leur avait permis de se développer tout à fait fort adéquatement, ce qui est très intéressant.

Nous voulons, par les consultations particulières, donner ouverture à un débat plus large. Et, je vais vous expliquer, c'est juste pour qu'on ait l'assurance d'avoir toutes les informations nécessaires. Parce que le projet de loi n° 84 va modifier les règles de filiation, alors on croit important que des experts, des spécialistes, en bioéthique par exemple, viennent nous expliquer exactement quels impacts... Est-ce qu'il y aura des impacts? Il est possible qu'il n'y en ait pas. S'il y en a, de quelle nature seront-ils? Est-ce qu'ils ont été bien pris en compte, bien évalués? Est-ce qu'on est bien conscient...

Du côté de l'adoption, il en va de même, on n'a jamais pensé et on ne le pense pas non plus que, soit individuellement ou conjointement, des personnes homosexuelles ne puissent pas être des parents adéquats. Au contraire, on est prêt à en convenir. On veut, par les commissions, entendre des spécialistes, d'autres spécialistes. Au-delà, il y a des études. M. le ministre le disait, le Centre d'orientation sexuelle de McGill est venu déposer la somme de quelque 20 années d'études.

Mais j'observais au même moment qu'un très haut tribunal européen des droits de l'homme avait reconnu à un État ? en l'occurrence la France ? le pouvoir de refuser l'adoption individuelle à des homosexuels. Et cet arrêt-là est tout à fait récent. Il est tombé, si je puis dire. Le jugement du plus haut tribunal européen des droits de l'homme est survenu subséquemment à la tenue des auditions que nous avions eues sur l'avant-projet et le tribunal a pris la peine d'indiquer dans son jugement qu'il reconnaissant à la France le droit d'interdire l'adoption à des personnes homosexuelles. Et, d'autre part, il est venu dire: On l'interdit parce que nous estimons que les études scientifiques quant au développement de l'enfant ne sont pas unanimes.

Alors, nous pensons qu'il pourrait être intéressant... Et je sais que M. le ministre pourrait également être intéressé par ces questions-là. Nous avons eu des études; celles-ci étaient extrêmement positives. Est-ce qu'il y en aurait d'autres? Il n'y en a pas peut-être pas. C'est donc un petit peu ce que l'on veut vérifier. D'autant plus, encore une fois, que ces questions-là n'ont pas été abordées lors de l'étude de l'avant-projet puisqu'elles ne faisaient pas partie de l'avant-projet de loi. Donc, un segment important de personnes, de groupes, d'associations n'a pas pu participer aux consultations lors de l'avant-projet de loi et pourrait être intéressé à participer à ce débat sociétal qui est beaucoup plus grand parce qu'il aborde des questions telles l'adoption, la filiation, l'insémination.

Et je sais que M. le ministre, avant d'adopter un projet de loi, voudra, lui également, le faire de façon responsable. Et, lorsqu'on dit «de façon responsable», c'est le même souci pour l'opposition officielle, toujours dans la perspective du meilleur intérêt de l'enfant.

Alors, encore une fois, M. le Président, l'opposition officielle va voter en faveur de l'adoption du principe du projet de loi n° 84 parce que l'opposition est consciente du meilleur intérêt de l'enfant; elle ne voit pas pourquoi des enfants devraient être pénalisés en raison du statut de leurs parents, que ceux-ci soient mariés, en union civile ou en union de fait. Je vous remercie.

Et, M. le ministre, excusez-moi, je peux vous assurer de notre collaboration lorsque nous aborderons l'étude article par article et également lors de la consultation à laquelle vous avez gracieusement consenti.

n (11 heures) n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. Est-ce qu'il y a d'autres... Oui, une autre intervenante, Mme la députée de Mercier. Mme la députée.

Mme Nathalie Rochefort

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. C'est avec bonheur que je prends parole aujourd'hui sur le projet pour l'union civile en vertu de la loi n° 84, le projet de loi n° 84. Bonheur en pensant à Carl, à Julien, à Léo, à Nicole, à Sylvie, Sylvia, aux enfants, aux mères. Donc, je me réjouis parce que le Parti québécois s'est enfin décidé à emboîter le pas aux milliers de militants et militantes libérales qui, en octobre 2000, ont adopté une résolution visant l'élimination des pratiques discriminatoires, l'article 365 du Code civil. En présentant le projet de loi n° 84, M. le Président, le gouvernement péquiste acquiesce à une demande maintes fois répétées par la Table de concertation des gais et lesbiennes du Québec, mais surtout il reconnaît l'égalité de tous, de tous les hommes, de toutes les femmes, de tous les enfants au Québec.

En janvier dernier, nous avons eu le privilège immense, comme parlementaires, d'entendre des citoyens, des groupes qui sont venus nous expliquer, souvent avec beaucoup d'émotion ? ma collègue la députée de Bourassa et M. le ministre en ont fait état ? sont venus nous expliquer avec beaucoup d'émotion leur vision du couple homosexuel ou lesbien ainsi que les diverses inégalités dont ils sont victimes. Mais, le plus important, ils ont été compris par leurs représentants de l'Assemblée nationale. Nous aurions aimé, l'aile parlementaire libérale mais aussi les représentants des groupes gais et les citoyens venus se faire entendre, que le ministre inclue l'homoparentalité dans l'avant-projet de loi dont nous avons eu le privilège d'entendre... que nous avons eu le privilège d'étudier.

Historiquement, M. le Président, quatre revendications reviennent constamment, et ce, depuis plus d'une dizaine d'années dans la communauté gaie et lesbienne: le consentement aux soins, qui est enfin résolu par le projet de loi n° 84, consentement aux soins qui, au-delà de permettre à un conjoint de pouvoir répondre au nom de son conjoint, va aussi permettre, au crépuscule de la vie des gens, à la personne mourante d'être entourée de ceux qui l'aiment, sans discrimination en regard à son orientation sexuelle.

Ensuite, une autre revendication historique, M. le Président: modification de l'article 365 du Code civil, ce qui est aussi fait. On reconnaît donc le droit à deux personnes de se marier et non pas à un homme et une femme, ce qui est une avancée majeure et ce qui est depuis si longtemps revendiqué.

Ensuite, dans le projet de loi n° 84, M. le Président, on parle bien entendu de la filiation, de l'adoption. Filiation et adoption, c'est reconnaître aussi l'existence des enfants. Ces enfants, comme Carl et Julien, existent. Ces enfants, M. le Président, pour leurs amis, leur famille, ont une existence réelle, ce sont des frères. Malheureusement, devant la loi, ils étaient des étrangers, ce que vient régler le projet de loi n° 84.

Autre fait excessivement important pour la communauté gaie et lesbienne, c'est que l'union civile s'adresse maintenant à l'ensemble de la population, évitant ainsi la création d'une discrimination juridique qui aurait pu être préjudiciable à la communauté gaie et lesbienne. Le projet de loi actuel reconnaît donc aussi les enfants des couples gais et lesbiennes du Québec.

Mais une chose dont on ne parle pas dans ce projet de loi et qui devra être étudiée dans le futur, M. le Président, c'est toute la question de l'immigration, qui est aussi une revendication historique de la communauté gaie et lesbienne.

En terminant, M. le Président, tout comme ma collègue l'a à maintes reprises mentionné, nous ne nous opposons pas à l'adoption du principe du projet de loi et nous allons voter en faveur de cette adoption. Et nous sommes conscients aussi que l'union civile et ses modifications amènent des modifications au Code civil du Québec, mais il est aussi impératif que le gouvernement fédéral modifie sa propre loi sur le mariage et vienne confirmer l'égalité du mariage pour les conjoints de même sexe, et ce, sans égard à leur statut. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mercier. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Et je pense qu'il est important pour nous d'intervenir aussi sur ce projet de loi pour dissiper, je crois, quelques ambiguïtés et bien préciser dans quel cadre ce projet de loi va exister, et aussi pour voir... Et j'ai bien compris qu'avant le débat article par article il y aura certains points de vue qui pourront être présentés devant les parlementaires pour pouvoir améliorer éventuellement le projet de loi.

Je vais donc intervenir, M. le Président, sur trois points: premier point, qu'est-ce que c'est que l'union civile, deuxième point, la question de l'adoption et, troisième point, la biparentalité, qui sont, à mon sens, trois points importants à l'intérieur du projet de loi.

Alors, je prends le premier, union civile. L'union civile est donc un acte qui va être prévu au Code civil, qui n'est pas limité à des conjoints de même sexe mais qui va être ouvert à toute personne qui veut officialiser en quelque sorte leurs liens. Ça permet, en particulier, sans passer par des mécanismes de contrat d'inaptitude, etc., de pouvoir, dans toutes les fonctions normales de la vie, au conjoint, c'est-à-dire à l'autre partenaire, de pouvoir remplir ou avoir des responsabilités envers le premier partenaire. C'est essentiellement ça que ça apporte.

Quelle différence, M. le Président, y a-t-il entre l'union civile et le mariage? Une énorme différence. Une énorme différence dans la dissolution de cette union. Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, à l'heure actuelle, les affres dans lesquelles nous devons passer au moment des divorces successifs et les difficultés que cela peut impliquer de devoir judiciariser abusivement les séparations. Le ministre raconte que, lui, il n'a pas encore eu ce plaisir, je ne le lui souhaite pas d'ailleurs, mais c'est quelque chose que certains d'entre nous ont dû expérimenter avec difficulté.

L'union civile, M. le Président, va permettre, lorsque les gens s'entendent, de pouvoir, devant notaire, c'est-à-dire devant un officier public mais qui n'est pas un système judiciarisé, mettre fin dans des termes normaux à ce qui a été l'union entre les partenaires ? lorsque les deux personnes s'entendent. Ça va permettre, à mon sens, un pas de plus dans des rapports plus normaux et ça évitera peut-être ce qu'on connaît de plus en plus, que les gens choisissent de vivre en union de fait plutôt que de se marier parce qu'ils ont peur des difficultés au moment de la dissolution en quelque sorte du mariage. Donc, mesure intéressante qui, n'en doutons pas, M. le Président, va intéresser probablement les personnes qui sont de même sexe, mais certainement, certainement nombre de Québécois et de Québécoises qui préféreraient voir leurs liens officialisés par ce type d'union plutôt que par le type normal ? le mot «normal» n'a pas de sens ici ? le type, disons, traditionnel qui était celui du mariage.

Alors, saluons, saluons avec un coup de chapeau... Et je l'ai rappelé au ministre tout à l'heure que, dans ce gouvernement, qui est en perdition, qui ne sait pas où aller, qui tourne en rond, on a un ministre qui fait, disons, bande à part et qui présente quelques mesures originales, alors que ses collègues cherchent encore une voie ou une direction. Alors, félicitations pour faire bande à part à cet effet-là, M. le Président.

n (11 h 10) n

Donc, au niveau de l'union civile, on apporte, on offre en quelque sorte aux Québécois et aux Québécoises une nouvelle manière d'officialiser en quelque sorte leur lien et leur union, et on ne peut qu'applaudir à cette approche à l'heure actuelle. Et ne laissons pas courir quelques éléments quant au fait que nous puissions être en désaccord avec cette démarche.

Deuxième élément, M. le Président, la question de l'adoption. J'ai lu partout, dans des documents parfois biaisés, que ce projet de loi allait automatiquement permettre aux couples homosexuels d'adopter des enfants, et à ce moment-là les écrivains ou ceux qui publiaient ces lettres ouvertes ou qui nous écrivaient disaient: Il y a danger pour l'intégrité de l'enfant. Je me permets de vous rappeler, M. le Président, que le projet de loi ne change rien à la situation actuelle, il ne fait que préciser la situation actuelle.

Comprenons-nous bien, comprenons-nous bien. Actuellement, l'adoption est permise par une personne ou par deux personnes. Et on ne précisait rien, en l'occurrence, quant au sexe des deux personnes qui peuvent faire l'adoption. Mais l'adoption n'est pas un droit. Autrement dit, vous ne pouvez pas décider d'adopter X, ou Y, ou tel, ou tel enfant. Il existe, mais pas au niveau légal mais au niveau réglementaire, M. le Président, nombre de règlements qui viennent encadrer cette adoption. C'est-à-dire, vous ne pouvez pas décider de ramasser un enfant sur le coin de la rue, comme certaines personnes nous ont laissé croire, et dire: Bon, je vais vouloir l'adopter. Il y a, de la part de la Protection de la jeunesse, de la part de l'ensemble des services sociaux dont le Québec a réussi à se doter, des règles extrêmement strictes où on évalue la situation dans laquelle ce nouvel enfant va devoir vivre, on évalue le potentiel du couple, quelles que soient ses caractéristiques, de ce couple, avant de confier à l'adoption un enfant. Il n'y a pas au Québec aujourd'hui, M. le Président, il n'y a pas au Québec aujourd'hui une direction de protection de la jeunesse qui va en quelque sorte ouvrir la porte en disant: N'importe qui va pouvoir adopter n'importe quelle personne. L'adoption est clairement...

Et je dois rappeler, à cet effet-là, rappeler une loi, la Loi sur l'adoption, qui avait d'ailleurs été présentée, pour ceux qui ont de la mémoire, par le député, à l'époque, de Laurier-Dorion. Le député de Laurier-Dorion avait été le premier qui avait balisé réellement ? alors il faut remonter à huit ou neuf ans en quelque sorte ? avait balisé en quelque sorte la situation dans laquelle on pouvait procéder à l'adoption. Alors, M. le Président, il n'y a pas de crainte à avoir. Il n'y a pas de crainte à avoir aujourd'hui. Ce projet de loi ne va pas, à l'heure actuelle, changer quoi que ce soit à la situation actuelle. Vous ne pouvez pas adopter un enfant sans qu'il y ait une étude et une évaluation de la situation psychologique dans laquelle votre couple se trouve et quelle va être la capacité d'aimer et d'éducation que vous allez pouvoir donner à l'enfant que vous adoptez. Donc, il n'y a pas de crainte à avoir actuellement quant à une surlibéralisation en quelque sorte des mécanismes d'adoption.

Troisième élément. Troisième élément, et ils sont peu nombreux, mais ce n'est pas parce qu'il y a des cas peu nombreux qu'ils ne sont pas éminemment touchants sur le plan de ce qu'ils vivent. Il existe déjà, M. le Président, des couples homosexuels formés... pour la majeure partie, dans le cas de couples féminins qui choisissent d'avoir un projet de parentalité commun, qui vivent dans une situation de couple depuis longtemps, qui choisissent aujourd'hui ? et ils peuvent le faire, M. le Président, donc on n'est pas ici en train de changer la loi, ils peuvent parfaitement aujourd'hui le faire ? d'avoir, de choisir un projet de parentalité. Vous allez me dire: Il y a un problème purement biologique. Mais vous savez qu'il existe la possibilité d'insémination artificielle, dans certains cas, voire, le cas échéant, de demander l'apport occasionnel d'un élément masculin pour ensemencer ? excusez-moi le terme ? une des deux partenaires. C'est quelque chose qui se passe. Et le projet est quand même un projet qui est essentiellement vécu par un couple de personnes lesbiennes.

Alors, maintenant, la situation, M. le Président, si on ne change pas la loi... Et on a vu des enfants venir témoigner devant nous, témoigner devant nous, d'ailleurs nous dire d'une manière extrêmement naturelle: L'homosexualité ne s'attrape pas. L'homosexualité n'est pas une maladie. L'homosexualité n'est pas quelque chose de contagieux. Ces enfants, qui sont venus témoigner devant notre commission, avec beaucoup d'émotion, nous dire: Nous sommes des êtres hétérosexuels, mais nos parents sont homosexuels. Nous avons été élevés dans un couple, dans une famille homosexuelle et nous ne pouvions pas, nous ne pouvions pas, à cause de la société, faire état de la situation dans laquelle nous vivions, même si nous étions heureux dans le couple que formaient nos parents, nous ne pouvions pas en faire état à cause des pressions sociales et encore au fait que la législation n'était pas adaptée à la réalité dans laquelle nous avons vécu. Une jeune femme ? et je suis sûr que le ministre va s'en rappeler ? dire: Je vais enfin pouvoir dire à ma mère: Tu peux te présenter avec ta conjointe sans la présenter comme ma tante, alors qu'elle n'a jamais été sa tante. Tu vas pouvoir te présenter comme conjointe, alors qu'elles deux ? il s'agit à l'heure actuelle des deux femmes qui ont élevé cette jeune personne ? elles deux l'ont élevée depuis qu'elle est... depuis la naissance.

Alors, M. le Président, il existe ? pas nombreux, j'en suis conscient, pas nombreux ? des cas extrêmement émouvants. Et la loi doit s'adapter, même si les cas ne sont pas nombreux, à ces réalités qui sont souvent présentes. Alors, qu'est-ce que va dire la loi? Elle va dire: Lorsqu'un enfant, dans le cadre d'un couple homosexuel, est le résultat d'un projet de parentalité commun ? d'un projet de parentalité commun ? ils seront à ce moment-là présumés être issus... d'avoir des co-mères. Excusez-moi le terme, je sais qu'on peut faire, disons, facilement des jeux de mots sur le mot «co-mère» et «commère»; mais co-mère, à ce moment-là, et qui n'est pas nécessairement une commère. Je comprends tout à fait le jeu de mots qu'on pourrait faire, mais qui serait mal venu lorsqu'on discute actuellement d'un projet de loi de cette importance. On pourra, à ce moment-là, dire: Lorsqu'un couple de femmes lesbiennes ont choisi ? ce qu'elles peuvent faire aujourd'hui ? ont choisi un projet de parentalité, il faut que cette enfant, qui aura déjà une certaine difficulté peut-être d'acceptation parce que la société n'est pas aussi ouverte que nous souhaiterions qu'elle puisse être... elle pourra avoir deux parents, qui, en fonction des deux parents, pourront, face aux autorités de l'école, de l'hôpital, de l'ensemble d'une société, prendre ensemble les responsabilités pour ces enfants, premièrement.

Mais, deuxièmement, M. le Président... Et nous n'oublions pas que la nature et les êtres humains étant ce qu'ils sont, parfois il y a des séparations. Si séparations existent dans les couples hétérosexuels ? et Dieu sait si on peut en parler, M. le Président ? si séparations existent dans les couples hétérosexuels, il existe aussi des séparations dans les couples homosexuels. Et vous vous trouvez dans la situation où le couple qui avait eu ce projet de parentalité et qui aura, à ce moment-là, cet enfant ensemble, lorsqu'il se sépare, bien, à ce moment-là, les responsabilités envers l'enfant continueront à être partagées par les deux personnes qui ont choisi ce projet de parentalité et non pas...

Mme Lamquin-Éthier: Le tribunal peut même ordonner une pension.

n (11 h 20) n

M. Gautrin: Oui, absolument, et avec la possibilité ? merci, Mme la députée de Bourassa, qui êtes une experte ? et avec le phénomène que, dans tout... même mécanisme de séparation, il pourrait y avoir recours éventuellement à pension alimentaire d'un parent envers l'autre, droit de visite, droit de garde, etc.

Donc, on est en train de faire... Et je sais qu'il y a un certain nombre de réticences. Je souhaite ? et je suis sûr que le ministre va être d'accord avec moi ? qu'il y ait, dans... lorsqu'on étudiera article par article, lorsqu'on recevra des personnes qui ne se sont pas encore exprimées. La Conférence des évêques, à mon sens, devrait pouvoir s'exprimer sur ce projet de loi, quoiqu'ils sont relativement ouverts, mais il me semble qu'ils doivent être en mesure de pouvoir s'exprimer eux aussi sur ce projet de loi, il me semble, M. le Président.

Mais comprenons-nous bien, comprenons-nous bien, il ne s'agit pas... Et les critiques que nous avons entendues lorsque nous étions en commission parlementaire n'étaient pas des critiques sur le projet de loi. Il existe, dans notre société, des gens ? ils ont le droit ? qui réprouvent l'homosexualité. Il y a des gens qui réprouvent l'homosexualité. Nous n'avons pas ici à juger, mais nous avons à constater qu'il y a des personnes, des citoyens, des Québécois et des Québécoises qui ont une sexualité homosexuelle. Ce n'est pas un jugement que nous avons à faire, c'est une réalité. La loi doit s'adapter aux besoins des citoyens et non pas imposer des situations sur les citoyens, M. le Président. Et, dans ce cadre-là, la loi qui est devant nous fait un pas en avant. Elle fait un pas en avant en disant, en introduisant un nouveau type... en offrant aux Québécois et aux Québécoises une nouvelle manière d'officialiser leur union et elle permet, dans les cas relativement rares, mais qui existent aussi, de couples qui ont choisi un projet de parentalité ensemble, d'assumer ensemble l'ensemble des responsabilités qui découlent d'un projet de parentalité. Et ça, M. le Président, c'est les deux éléments qui me semblent les deux éléments importants du projet de loi.

Et, en terminant, on se permet de le rappeler, contrairement à ce que j'ai vu dans les journaux, contrairement à ce qui a été écrit, ce projet de loi n'introduit rien de véritablement nouveau en ce qui touche l'adoption actuellement, n'introduit rien de nouveau parce que les mesures qui permettent l'adoption existent déjà à l'intérieur du Code civil et sont balisées par l'ensemble des réglementations qui protègent en quelque sorte la jeunesse dans l'ensemble des réglementations.

Alors, M. le Président, l'opposition libérale, comme l'a rappelé ma collègue de Bourassa et comme l'a rappelé ma collègue de Mercier, va voter en faveur du projet de loi, ce qui ne veut pas dire que, lorsqu'on fera l'étude article par article... Comme d'habitude, nous aurons certaines questions et quelques modifications à suggérer au ministre. Je vous remercie, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Verdun. Alors, il n'y a plus d'autres intervenants?

Alors, le principe du projet de loi n° 84, Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Bégin: Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des institutions et pour que le ministre de la Justice en soit membre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

Alors, M. le leader, est-ce que vous avez autre chose à nous proposer?

Alors, écoutez, s'il y a un accord, nous allons suspendre nos travaux immédiatement, étant donné que...

M. Gautrin: Il y a accord, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a accord? Bon. Très bien. Alors, nous allons donc suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 24)

 

(Reprise à 14 h 5)

La Présidente: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Vous pouvez vous asseoir.

Présence de parlementaires
de l'Assemblée régionale des Açores

Alors, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes d'une délégation de parlementaires de l'Assemblée régionale des Açores, présidée par M. Clélio de Menezes.

Présence de représentants
de la communauté noire de Montréal

Et j'ai également le plaisir de souligner la présence parmi nous cet après-midi de représentants de la communauté noire de Montréal.

Affaires courantes

Aux affaires courantes aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, veuillez prendre en considération l'article b du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 96

La Présidente: À l'article b du feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux présente le projet de loi n° 96, Loi sur les services préhospitaliers d'urgence et modifiant diverses dispositions législatives. M. le ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

M. François Legault

M. Legault: Oui. Merci, Mme la Présidente. Ce projet de loi propose un nouveau modèle d'organisation des services préhospitaliers d'urgence au Québec. Il identifie les services à mettre en place, les différents acteurs de cette organisation et précise les droits, rôles et responsabilités de chacun, que ce soit au niveau national, régional ou local.

Au niveau national, le projet de loi définit les rôles et responsabilités du ministre et du directeur médical national des services préhospitaliers d'urgence. Le ministre aura notamment pour fonctions de déterminer les grandes orientations en matière de services préhospitaliers d'urgence et de définir les niveaux de compétence requis des acteurs de cette organisation. Le directeur médical national devra conseiller le ministre sur l'aspect médical des services préhospitaliers d'urgence et, entre autres, établir les orientations nationales en matière de qualité de soins.

Au niveau régional, la régie régionale devra principalement établir les priorités en matière de services préhospitaliers d'urgence dans le cadre de l'élaboration de son plan stratégique triennal d'organisation de services. Pour ce faire, elle devra notamment déterminer le modèle d'organisation des services préhospitaliers d'urgence qui sont offerts dans sa région, de même que les effectifs qui y sont affectés. C'est également la régie régionale qui aura pour fonctions de délivrer les permis d'exploitation des services ambulanciers, de dresser et maintenir à jour une liste de tous les premiers répondants qui pourront agir conformément à la loi et de conclure un contrat de services avec les titulaires de permis d'exploitation de services ambulanciers.

De plus, le projet de loi prévoit que chaque régie régionale devra désigner un directeur médical régional des services préhospitaliers d'urgence, qui devra, entre autres, contrôler et apprécier la qualité des actes posés par le personnel d'intervention des services préhospitaliers d'urgence et assurer que soient fournis les services nécessaires au maintien des compétences de ce personnel.

Le projet de loi prévoit également la mise sur pied de centres de communication santé dont le nombre et les régions qu'ils desservent sont déterminés par le ministre. Il indique qu'un tel centre doit être une personne morale constituée à des fins non lucratives, détermine la composition de son conseil d'administration et en prévoit les fonctions.

Au niveau local, finalement, Mme la Présidente, le projet de loi prévoit la présence de services de premiers répondants et de services ambulanciers. Le projet définit les rôles et responsabilités des premiers répondants et des techniciens ambulanciers et prévoit les conditions nécessaires pour agir à l'un de ces titres dans le cadre de l'organisation des services préhospitaliers d'urgence. Il prévoit aussi qu'un permis est nécessaire pour exploiter un service ambulancier, les conditions pour que la régie régionale puisse suspendre, révoquer ou refuser de renouveler un tel permis, de même que les responsabilités et les obligations du titulaire d'un tel permis. On achève, Mme la Présidente. C'est un long résumé.

n (14 h 10) n

Le projet de loi prévoit par ailleurs des dispositions particulières applicables à la Corporation d'urgences-santé, précise que cette personne morale exercera, pour les territoires des régies régionales de Montréal-Centre et de Laval, les fonctions autrement dévolues à une régie régionale, à un centre de communication santé de même qu'à un service ambulancier.

Donc, enfin, le projet de loi comporte des modifications de concordance de même que des dispositions transitoires.

La Présidente: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce qu'il est de l'intention du leader du gouvernement ou du ministre de la Santé de tenir des consultations générales quant à ce projet de loi?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Déjà de nombreuses consultations ont eu lieu, mais, si l'opposition le souhaite, peut-être que nous pourrions convenir de courtes consultations particulières.

Mise aux voix

La Présidente: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: L'article c, Mme la Présidente.

Projet de loi n° 99

La Présidente: À l'article c du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement présente le projet de loi n° 99, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives. M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Mme la Présidente, ce projet de loi propose de modifier la Loi sur la qualité de l'environnement afin d'habiliter le ministre de l'Environnement à regrouper en un seul certificat l'ensemble des certificats d'autorisation qu'il a délivrés en vertu de l'article 22 de cette loi relativement à un même ouvrage ou établissement, à une même activité ou aux mêmes travaux, et ce, sur demande du titulaire de ces certificats.

Le projet de loi prévoit que le ministre ne peut effectuer aucune modification aux conditions énoncées dans les certificats d'autorisation ainsi regroupés qui aurait pour effet de diminuer la protection de l'environnement accordée par ces conditions.

Enfin, le projet de loi permet également l'intégration dans une attestation d'assainissement délivrée à un établissement industriel en vertu de la section IV.2 de la Loi sur la qualité de l'environnement des conditions d'exploitation qui ont été initialement énoncées dans un certificat d'autorisation délivré pour cet établissement en vertu de l'article 22 de cette loi.

Mise aux voix

La Présidente: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

La Présidente: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. L'article d du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 103

La Présidente: Alors, à l'article d du feuilleton, M. le ministre de l'Environnement présente le projet de loi n° 103, Loi portant restrictions relatives à l'élevage des porcs. M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, le projet de loi a pour objet de suspendre, relativement à l'élevage de porcs, la délivrance, entre le 1er mai et le 15 juin 2002, des autorisations requises en application de la Loi sur la qualité de l'environnement.

Il prévoit que le gouvernement devra édicter, d'ici le 15 juin 2002, de nouvelles mesures pour remplacer le Règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole.

Il prévoit enfin qu'à compter de l'entrée en vigueur des nouvelles mesures les demandes d'autorisation pendantes à cette date et relatives aux élevages de porcs seront soumises aux dispositions du nouveau règlement.

La Présidente: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le député...

M. Benoit: Oui. Mme la Présidente, on sait qu'un grand nombre de groupes au Québec se sont déjà prononcés pour ou contre le projet de loi. Je pense aux saumoniers, je pense à l'UMQ, je pense à l'UPA. Finalement, il y a plein de groupes qui se sont prononcés pour et contre, et il serait intéressant de savoir si le ministre veut tenir des consultations avant de procéder avec le projet de loi.

La Présidente: M. le ministre d'État à l'Environnement et à l'Eau.

M. Boisclair: Nous considérons, Mme la Présidente, toujours les demandes de l'opposition. Et, si l'opposition a des propositions à me faire, je les regarderai attentivement.

Mise aux voix

La Présidente: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

La Présidente: Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: L'article e du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 104

La Présidente: À l'article e du feuilleton, Mme la ministre responsable de la Charte de la langue française présente le projet de loi n° 104, Loi modifiant la Charte de la langue française. Alors, Mme la ministre d'État à la Culture et aux Communications, responsable de la Charte de la langue française.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, Mme la Présidente. Ce projet de loi vient créer l'Office québécois de la langue française qui a pour mission de définir et de conduire la politique québécoise en matière d'officialisation linguistique et toponymique, de terminologie ainsi que de francisation de l'administration et des entreprises. Il est également chargé d'assurer le respect de la Charte de la langue française.

Le projet de loi crée aussi le Conseil supérieur de la langue française pour conseiller le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

Le projet de loi apporte par ailleurs des modifications au chapitre de la langue d'enseignement en ce qui a trait à l'admissibilité à l'enseignement en anglais. Il prévoit de plus que les établissements d'enseignement collégial et universitaire doivent se doter, tout en tenant compte de leurs particularismes linguistiques, d'une politique relative à l'emploi et à la qualité de la langue française.

Enfin, il modifie diverses dispositions relatives à la langue de l'administration et à la francisation des entreprises.

La Présidente: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'il est de l'intention de Mme la ministre ou du gouvernement de tenir des consultations quant à ce projet de loi?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Je comprends qu'à défaut de voir le député d'Outremont se lever pour poser cette même question le leader de l'opposition décide de prendre la balle au bond. Je remarque aussi l'intérêt... Je suis d'autant plus étonné de voir le leader se lever, puisque nous savons tous combien l'opposition libérale a été muette au moment de déposer un mémoire à la commission Larose. Mais, encore là, pour «rejénuver» l'intérêt de l'opposition sur la question linguistique, si nous nous entendons avec eux sur une liste, nous pourrions très certainement la considérer.

La Présidente: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Nous sommes d'accord, tout en faisant remarquer à mon bon ami le leader du gouvernement que je n'obtiens pas de réponse plus claire de sa part sur ce dossier que le député d'Outremont n'en a obtenu de la ministre la semaine dernière.

Mise aux voix

La Présidente: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. Toujours à la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Mme la Présidente, l'article a du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 91

La Présidente: À l'article a du feuilleton, M. le ministre responsable de l'Administration et de la Fonction publique et président du Conseil du trésor présente le projet de loi n° 91, Loi concernant la prolongation de certaines conventions collectives des secteurs public et parapublic. M. le ministre d'État.

M. Joseph Facal

M. Facal: Merci, Mme la Présidente. Ce projet de loi prévoit certaines modalités découlant de la prolongation de conventions collectives des secteurs public et parapublic.

Mise aux voix

La Présidente: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: On fait le choix de l'efficacité, Mme la Présidente. L'article f du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 89

La Présidente: À l'article f du feuilleton, M. le ministre de la Sécurité publique présente le projet de loi n° 89, Loi sur le système correctionnel du Québec. M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, Mme la Présidente, ce projet de loi a notamment pour objet d'établir les principes généraux qui doivent guider les Services correctionnels du ministère de la Sécurité publique, la Commission québécoise des libérations conditionnelles ainsi que leurs partenaires des organismes communautaires et tous les autres intervenants du système correctionnel dans l'exercice de leurs mandats respectifs. Ces principes sont la protection de la société, le respect des décisions des tribunaux et la réinsertion sociale des personnes contrevenantes.

Il définit le rôle des agents des services correctionnels, des agents de probation et des conseillers spécialisés en milieu carcéral et leur accorde le statut d'agent de la paix dans l'exercice de leurs fonctions.

Ce projet de loi énonce diverses responsabilités des Services correctionnels à l'égard des personnes qui leur sont confiées. Ainsi, ils doivent évaluer chacune de ces personnes et constituer sur chacune d'elles un dossier informatisé. Pour ce faire, les Services correctionnels doivent prendre tous les moyens possibles pour obtenir les renseignements nécessaires concernant ces personnes. Le contenu du dossier qu'ils doivent communiquer à la Commission québécoise des libérations conditionnelles est également précisé. Il prévoit en outre la prestation de programmes et de services de soutien à la réinsertion sociale aux personnes contrevenantes ainsi que le suivi de ces personnes dans la communauté.

Ce projet de loi prévoit que le gouvernement peut instituer des établissements de détention et des centres correctionnels communautaires. Il prévoit également qu'il peut conclure des ententes avec des communautés autochtones pour leur confier l'administration des centres correctionnels communautaires. En outre, ce projet de loi établit les responsabilités de la personne incarcérée, notamment à l'égard du personnel et des autres personnes incarcérées, et crée des comités de discipline chargés d'étudier la situation des personnes qui manquent à ces responsabilités.

Ce projet de loi donne au directeur d'un établissement de détention le pouvoir d'accorder des permissions de sortir à des fins médicales, humanitaires, de réinsertion sociale et de participation aux activités du Fonds de soutien à la réinsertion sociale ou à des activités spirituelles. Pour chaque type de permission, il est précisé qui peut en bénéficier ainsi que les motifs, les conditions et les modalités pour l'accorder.

n (14 h 20) n

Par ailleurs, ce projet de loi autorise la Commission québécoise des libérations conditionnelles à accorder des permissions de sortir au sixième de la peine aux personnes condamnées à des peines de six mois et plus. De plus, il reprend substantiellement plusieurs des dispositions actuelles de la Loi favorisant la libération conditionnelle des détenus, entre autres celles relatives à la libération conditionnelle, à la composition et au fonctionnement de la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

Il prévoit aussi l'obligation pour les Services correctionnels et la Commission québécoise des libérations conditionnelles d'informer certaines victimes d'infraction de la date d'admissibilité à une permission de sortir ou à une libération conditionnelle de la personne qui a commis l'infraction ainsi que de la date de son octroi.

Il prévoit de plus que le ministre peut reconnaître comme partenaires des Services correctionnels, au moyen d'un accord de partenariat, des organismes communautaires répondant à certains critères. Ces organismes offriront des activités ou des services complémentaires à ceux offerts par les Services correctionnels et susceptibles de répondre aux besoins des personnes contrevenantes.

Il reprend substantiellement les dispositions actuelles de la Loi sur les services correctionnels, notamment celles relatives au Fonds au bénéfice des personnes incarcérées, dont le nom est remplacé par celui de Fonds de soutien à la réinsertion sociale.

Il propose que soient institués deux nouveaux organismes de concertation, le Comité de concertation des Services correctionnels et de la Commission québécoise des libérations conditionnelles et le Conseil des pratiques correctionnelles du Québec.

Enfin, ce projet de loi énonce les responsabilités du ministre de la Sécurité publique eu égard au système correctionnel du Québec.

La Présidente: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

M. Dupuis: Mme la Présidente.

La Présidente: M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Le gouvernement, j'en conviens, avait tenu une consultation générale sur un avant-projet de loi de même nature, mais la Commission québécoise des libérations conditionnelles, dont il est amplement question dans le projet de loi, avait choisi de ne pas se faire entendre. Est-ce que le gouvernement entend tenir au moins une consultation particulière pour que nous ayons l'opinion de la Commission québécoise des libérations conditionnelles sur ce projet de loi qui la concerne au premier chef?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, il serait très opportun que la Commission, sous une forme ou sous une autre, se fasse entendre sur le contenu du projet de loi. Est-ce que ce sera par écrit, en commission? Reste à voir, mais j'accueille avec intérêt la demande du député.

Mise aux voix

La Présidente: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement. L'article g du feuilleton.

M. Boisclair: L'article g. Voilà, Mme la Présidente. L'article g du feuilleton de ce jour.

Projet de loi n° 100

La Présidente: Alors, M. le ministre de la Sécurité publique présente le projet de loi n° 100, Loi modifiant la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement et la Loi sur les permis d'alcool. M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, Mme la Présidente, ce projet de loi modifie certaines règles régissant principalement le commerce des boissons alcooliques. Ainsi, le permis de restaurant pour vendre autorisera désormais la vente, pour emporter ou livrer, de boissons alcooliques accompagnées d'un repas durant la période comprise entre 8 heures et 23 heures. Quant au permis de restaurant pour servir, il autorisera le client du restaurant à y apporter, outre du vin, toute boisson alcoolique, sauf des alcools et des spiritueux. Pour leur part, les titulaires de permis de brasserie et de taverne pourront permettre la tenue d'une réception dans une pièce ou sur une terrasse de leur établissement autre que celle où leur permis est exploité.

De plus, le projet de loi modifie, supprime ou ajoute certaines interdictions, notamment en ce qui a trait à la préparation à l'avance de carafons de vin, au mélange de boissons alcooliques, à leur conservation dans un système de tuyauterie et à la garde de boissons alcooliques contenant un insecte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jutras: Par ailleurs, le projet de loi prévoit que nul ne pourra détenir, posséder ou utiliser un appareil d'amusement qui n'est pas immatriculé par la Régie des alcools, des courses et des jeux.

La Présidente: Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie... M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Sans faire référence aux insectes, Mme la Présidente, ce projet de loi ? je le constate à la lecture des notes que le ministre vient de faire ? va modifier de façon importante certaines habitudes qui ont cours dans cette industrie. Alors, je voudrais savoir si le gouvernement entend faire des consultations générales sur ce projet de loi pour entendre différents représentants de l'industrie qui auraient très certainement des choses intéressantes à dire sur leur façon de procéder.

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Mme la Présidente, ce n'est pas prévu à ce moment-ci, mais je ne ferme pas complètement la porte.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente: M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Je voudrais savoir. Ça veut dire quoi? On pourrait-u avoir une réponse claire, là? Est-ce que le gouvernement entend tenir des consultations générales? Et nous lui demandons, Mme la Présidente, nous demandons au gouvernement de dire aujourd'hui qu'il consent à tenir des consultations générales. C'est un projet de loi qui va modifier de façon importante certains comportements dans cette industrie-là, et les gens veulent se faire entendre. J'ai déjà eu des échos de ça. Est-ce qu'on pourrait avoir une réponse claire, s'il vous plaît? Allez-vous faire une consultation générale, oui ou non? Laissez faire les portes ouvertes, là. Allez-vous faire une consultation générale, oui ou non?

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Je comprends que le député attend de défoncer les portes, mais je pense que nous pourrions, avec le leader de l'opposition, convenir de l'ensemble de la démarche pour la suite des choses d'ici la fin de la session. Nous venons de déposer aujourd'hui sept importants projets de loi. À chaque fois, il y a un député qui s'est levé pour réclamer des consultations. Je voudrais bien qu'on puisse s'assurer aussi que nous puissions mener à terme nos travaux, parce que non seulement, Mme la Présidente, nous voulons consulter correctement ? ce que dans bien des cas nous avons déjà fait ? mais nous voulons surtout prendre des décisions et nous voulons que l'Assemblée, le plus rapidement possible, puisse soumettre son opinion et son point de vue et que les lois puissent entrer en vigueur.

Donc, je conviens qu'il faudrait peut-être que dans les prochains jours j'aie une conversation avec le leader de l'opposition pour voir exactement, compte tenu des projets de loi qui sont déposés aujourd'hui et de ceux qui seront aussi déposés demain, de voir comment ensemble nous allons nous rendre au 24 juin.

La Présidente: M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Bien, je veux simplement dire, Mme la Présidente, que le leader n'a que lui à blâmer s'il ne finit pas à temps. C'est lui qui décide de déposer des projets de loi à cette date-ci. Oui, nous faisons notre devoir. Il y a, dans ce projet de loi, des comportements importants qui vont être modifiés dans l'industrie. Je pense qu'il est essentiel que des gens soient entendus. Nous en faisons la demande. Mais ce n'est pas nous qui avons décidé de déposer le 7 mai, c'est eux autres qui décident ça. Puis ensuite ils vont nous reprocher à nous de demander des consultations? Voyons donc! Ça n'a pas de sens.

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Très, très rapidement, je constate que le député n'a pas eu l'occasion d'encore discuter avec le leader de l'opposition et qu'il souhaite, en s'adressant à moi, d'abord s'adresser à son leader. Nous allons convenir, les deux leaders, de la suite des démarches à convenir pour la suite des choses, Mme la Présidente.

La Présidente: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, et je tiens à rassurer mon bon ami le leader du gouvernement quant à mes relations très cordiales avec le député de Saint-Laurent. Mais, lui, peut-être qu'il n'a pas eu le temps de consulter la vice-première ministre qui, suite au dernier sondage, disait ce qui suit: «"Il est temps de se remettre à l'écoute des citoyens", dit Marois.» Peut-être que le leader devrait comprendre le message de la vice-première ministre.

Mise aux voix

La Présidente: Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement, toujours à la présentation de projets de loi.

M. Boisclair: Oui. L'article i, Mme la Présidente.

Projet de loi n° 216

La Présidente: À l'article i du feuilleton, alors j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 216, Loi concernant la Municipalité de Caplan. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

La Présidente: Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission
de l'aménagement du territoire

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales et de la Métropole en soit membre.

Mise aux voix

La Présidente: Est-ce que cette motion est adopté? Adopté.

Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre des Transports.

Rapport annuel de l'Agence
métropolitaine de transport

M. Ménard: Mme la Présidente, je dépose le rapport annuel 2001 de l'Agence métropolitaine de transport.

La Présidente: Alors, ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.

Réponses à des pétitions

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, je dépose les réponses aux pétitions du 12 mars 2002 présentées par le député d'Orford concernant le trafic de l'autoroute 30 entre Sainte-Catherine et Candiac, ainsi que la réponse à la pétition déposée le 20 mars 2002, qui avait été présentée par le député de Rivière-du-Loup, concernant l'autoroute 185.

Rapport des résultats officiels du scrutin
lors des élections partielles du 15 avril 2001

La Présidente: Alors, ces documents sont déposés. Le Directeur général des élections a transmis au Secrétaire général de l'Assemblée, en vertu de l'article 381 de la Loi électorale, le rapport détaillé des résultats officiels des scrutins tenus le 15 avril 2002 dans les circonscriptions électorales d'Anjou, de Saguenay et de Viger. Alors, je dépose donc ces documents.

Préavis d'une motion
des députés de l'opposition

Et, toujours au dépôt de documents, j'ai reçu dans les délais prescrits préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition. Et, conformément à l'article 97.1 du règlement, je dépose copie du texte de ce préavis.

n (14 h 30) n

Alors, au dépôt de rapports de commissions, il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député d'Abitibi-Est.

Assurer la présence d'un nombre
suffisant de médecins de famille
dans la circonscription d'Abitibi-Est

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, Mme la Présidente. Je désire déposer l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par plus de 21 000 pétitionnaires du comté d'Abitibi-Est.

«Les faits invoqués...»

Des voix: ...

La Présidente: Est-ce qu'il a consentement pour permettre au député d'Abitibi-Est de déposer une pétition même si celle-ci n'est pas conforme au règlement? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Mme la Présidente, compte tenu qu'elle est signée par plus de 21 000 personnes, comme l'a indiqué M. le député, même si elle n'est pas conforme, on sait qu'elle donne suite à une question du chef de l'opposition à l'Assemblée nationale la semaine dernière. Il y a donc consentement.

La Présidente: Consentement.

M. Boisclair: Je suis heureux de voir que l'opposition, elle aussi, est à l'écoute.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente: Alors, consentement. M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier (Abitibi-Est):«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant le manque de médecins dans notre communauté;

«Considérant qu'il est temps d'insister auprès du ministre de la Santé, de la Régie régionale, du député afin que les mesures nécessaires soient assurées pour donner les services adéquats à la population;

«Considérant qu'après le départ prochain de quatre médecins de notre communauté il deviendra difficile de trouver un médecin de famille;

«Considérant que le tiers de l'Association des ACV traumatisés crâniens de Val-d'Or n'auront plus de médecin de famille après ce départ collectif;

«Considérant l'obligation pour chacune de ces personnes d'avoir accès à un médecin de famille;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons le droit aux mêmes services que le reste de la population du Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Et nous abordons maintenant la période de questions et de réponses orales. Je cède la parole au député de Châteauguay.

Situation des salles d'urgence
de la région de Montréal

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, Mme la Présidente. Ma question est pour le ministre de la Santé qui nous répète souvent qu'à chaque matin il consulte les documents concernant la situation dans les urgences de nos hôpitaux, notamment à Montréal.

Peut-il nous dire ce qu'il a remarqué de particulier et de troublant au cours des derniers mois dans les urgences de Montréal?

La Présidente: M. le ministre d'État à la Santé.

M. François Legault

M. Legault: Mme la Présidente, vous avez remarqué que c'est une belle question générale. Ça va me permettre peut-être d'expliquer comment les personnes qui travaillent dans nos urgences, incluant Montréal, fonctionnent.

Lorsqu'un patient se présente à l'urgence, il y a un code qui est assigné au patient, de 1 à 5, selon l'urgence du cas qui est à traiter. Tous les cas urgents, Mme la Présidente, sont traités immédiatement, donc ce qu'on appelle entre autres les codes 1 et 2. Bon.

Je veux rappeler aussi qu'on a mis en place un groupe qui s'occupe plus particulièrement des 10 urgences où on a des difficultés au Québec. C'est important de le répéter, parce qu'évidemment l'opposition parle beaucoup de ces 10 urgences. Mais ce qui est important de dire, c'est que, dans la majorité des cas au Québec, il n'y a pas de problème dans les urgences, donc ça fonctionne bien.

Il y a une dizaine d'urgences qui sont situées effectivement dans la grande région de Montréal. Si je prends, Mme la Présidente, les chiffres de ce matin, on remarquait qu'à l'hôpital Saint-Luc la situation s'améliore lentement, mais elle s'améliore quand même: on avait 51 patients sur une capacité de 42, donc un petit excédent. On en a déjà vu beaucoup plus que ce qu'on reconnaît actuellement.

On remarque aussi, Mme la Présidente, que dans plusieurs hôpitaux de Montréal il n'y avait pas de débordement, mais les débordements se concentrent à trois ou quatre endroits, entre autres à l'hôpital Notre-Dame, à l'hôpital Maisonneuve-Rosemont.

On a une équipe, qui est dirigée par le Dr Afilalo et le Dr Poirier, qui fait le tour de ces urgences, parce que souvent on nous dit que pour régler ces problèmes, ce qu'il faut faire, c'est de faire de l'urgence une priorité, donc s'assurer que tout le personnel et tous les médecins soient capables de pouvoir régler le problème avec l'aide de la direction. Donc, Mme la Présidente, on a espoir qu'au cours des prochains mois on va continuer à régler les problèmes et que les 10 endroits où il y a des problèmes seront réglés d'ici six mois, Mme la Présidente.

La Présidente: En complémentaire. En principale, M. le député de Châteauguay.

Nombre de patients en attente
de soins depuis plus de 48 heures dans
les salles d'urgence de la région de Montréal

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, Mme la Présidente. Au ministre qui nous dit que tout va bien somme toute, une compilation des données de la Régie de Montréal pour l'ensemble des établissements de Montréal démontre que pour les mois de mars et avril derniers, période où il n'y avait pas de grippe ni de vacances, le taux moyen d'occupation des urgences était de 155 % et 144 %.

Mais ce qui me surprend, c'est que le ministre n'ait pas remarqué ce qui était troublant dans ces chiffres. Parce que, pire encore que les taux d'occupation en mars et avril, 15 % des personnes se présentant à l'urgence, je dis bien 15 %, M. le ministre, des personnes se présentant à l'urgence y ont attendu plus de 48 heures. Ce qu'il faut savoir, c'est que, bien qu'il y ait un objectif de tolérance zéro pour les 48 heures et plus, le gouvernement a complètement perdu le contrôle.

À Montréal, en 1998-1999 ? et c'est étonnant que le ministre n'ait pas suivi ça ? 3,5 % des personnes attendaient plus de 48 heures. En 1999-2000, ça a augmenté à 5,1 %. En 2000-2001, ça a augmenté à 9 %. En mars et en avril derniers, on est maintenant rendu à 15 %, et ça ne finit plus d'augmenter. On est passé de 3 % à 15 %.

Est-ce que le ministre peut nous dire, à partir des crédits de cette année pour les hôpitaux, combien de nouveaux lits aux étages pourraient être ouverts dès ce mois-ci pour soulager les patients en attente de plus de 48 heures? Je vous rappelle que, selon vous, selon vos indicateurs, la tolérance, c'était zéro; on est parti de 3 à 15 % des personnes qui attendent plus de 48 heures aux urgences.

La Présidente: M. le ministre d'État.

M. François Legault

M. Legault: Oui, Mme la Présidente. J'aurai l'occasion au cours des prochaines semaines d'annoncer un plan d'action pour les 10 hôpitaux où nous vivons des problèmes. Et j'aurai aussi l'occasion au cours des prochains mois de sortir, pour la première fois au Québec, un bulletin des différents hôpitaux où on aura une série d'indicateurs de performance. Et, pour ce qui est de la durée d'attente aux urgences, il y aura trois indicateurs, Mme la Présidente, trois indicateurs qu'on suit sur une base journalière.

Donc, oui, il y a le pourcentage de la capacité qui est occupée. Il y a aussi la durée moyenne, la durée moyenne qui est visée à l'urgence. La durée moyenne d'attente, c'est 12 heures. C'est la moyenne qui est atteinte actuellement par la majorité des établissements. Il y a des problèmes dans la dizaine d'établissements qui est mentionnée. Et le troisième indicateur qui est suivi, c'est effectivement s'assurer qu'aucun patient n'attende plus de 48 heures à l'urgence. D'ailleurs, quand on regarde les hôpitaux, ce matin, à l'hôpital Angrignon, il y avait seulement une personne qui était là depuis plus d'une heure. À l'hôpital Fleury, il y avait seulement une personne qui était là depuis plus de 48 heures. À l'hôpital St. Mary, il y en avait seulement une. À l'Hôpital général juif, il y en avait aucune.

Mme la Présidente, on a une équipe actuellement qui suit de très près les urgences, les délais d'attente, et je pense que... Et il faut être prudent quand on dit que la seule solution, c'est d'investir plus d'argent. Parce que c'est ce que le député de Châteauguay... Bien sûr, encore une fois, des solutions faciles: Combien de lits? Combien on va mettre d'argent pour améliorer les urgences? Je rappellerai au député de Châteauguay que dans certains hôpitaux, par exemple, que j'ai visités, comme la Cité de la santé à Laval, sans investir de montants additionnels, en gérant mieux les activités à l'urgence, on a réussi à réduire de moitié le délai d'attente à l'urgence et à respecter les standards qu'on devrait avoir dans tous les hôpitaux au Québec.

Donc, Mme la Présidente, on s'assure d'avoir une gestion rigoureuse partout dans les hôpitaux. Je le suis personnellement à chaque matin. Et j'invite le député de Châteauguay à appuyer ceux qui travaillent fort dans les hôpitaux, plutôt que de critiquer.

La Présidente: En complémentaire, M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Comment le ministre peut banaliser le fait qu'on soit passé à des taux maintenant de 15 % de ceux qui vont à l'urgence qui attendent plus de 48 heures, alors que l'indicateur que vous aviez... Je comprends que vous ayez changé parce que ça ne faisait pas votre affaire, là, mais l'indicateur, c'est tolérance zéro. On est rendu à 15 %. Et là il nous accuse d'avoir une solution: d'ouvrir des lits. «Levine veut réduire à 12 heures maximum le séjour à l'urgence ? tiens donc! ? et propose une série de mesures, dont celle d'augmenter le nombre de lits aux étages.»

Moi, tout ce que je demande au gouvernement, là, c'est de savoir lequel qui est ministre, lequel qui s'occupe de la santé. C'est-u pour ça que c'est si compliqué de trouver un comté à Levine, parce qu'il n'est pas capable de nous donner la vérité? Vous n'avez pas de crédit. Levine, dans le fond, ses promesses, c'est du vent. Vous n'avez rien pour les patients de Montréal.

n(14 h 40)n

La Présidente: M. le ministre d'État à la Santé.

M. François Legault

M. Legault: Mme la Présidente, d'abord, je dirais que mon collègue David Levine, qui est ministre délégué, fait un travail extraordinaire. Il est actuellement en Outaouais, où on a vécu en fin de semaine, Mme la Présidente, des problèmes importants au CHVO. J'ai moi-même eu des conversations samedi et dimanche pour suivre la problématique de l'urgence au CHVO, où on a géré les ambulances pour s'assurer que tous les patients soient bien traités dans un délai raisonnable. Mon collègue est présent, donc, dans la région aujourd'hui. On en a discuté aussi avec le ministre qui est responsable de la région. Donc, il a beaucoup d'impact sur ce qui se fait dans la région, il est très présent sur le terrain. J'essaie de l'être, moi aussi, quand je ne suis pas ici, à l'Assemblée nationale.

Maintenant, Mme la Présidente, ce que je veux répéter, c'est que tous les cas urgents sont traités immédiatement. Donc, oui, il faut revoir, à certains endroits, nos façons de faire. C'est pour ça qu'on est en train de mettre en place les groupes de médecine familiale, s'assurer que, quand il y a un cas urgent qui se présente à l'urgence, on s'en occupe. Quand une personne se présente à l'urgence pour une grippe, par exemple, c'est possible que, parce qu'il y a d'autres cas plus urgents, elle passe plus longtemps après. Mais ce qu'on essaie de faire actuellement ? on a des discussions qui devraient aboutir dans les prochains jours avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec... On va avoir 330 médecins qui vont avoir des cliniques ouvertes, avec le service d'Info-Santé, 24 heures par jour, sept jours par semaine pour éviter justement que des personnes se présentent inutilement à l'urgence.

Donc, Mme la Présidente, je pense qu'on agit dans le réseau et, encore une fois, j'invite le député de Châteauguay à appuyer les gens du réseau qui, avec des ressources très limitées ? puis on sait pourquoi, à cause des petits amis du député de Châteauguay qui ne veulent pas comprendre la vraie situation... Je l'invite, plutôt que de faire des critiques à l'endroit du personnel, à nous appuyer pour aller chercher notre argent à Ottawa pour faire encore mieux, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

La Présidente: Je vous rappelle que vous êtes en complémentaire, M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Est-ce que le ministre peut cesser de prendre nos propos et de les déformer? Ce que je critique, c'est la gestion du gouvernement. Ceux qui sont dans les établissements de santé, eux, ils paient en ce moment pour les mauvaises décisions que vous avez prises.

Ce que je veux savoir: Comment vous trouvez ça qu'on soit rendu à 15 % des gens qui attendent plus de 48 heures? Est-ce que ça vous émeut? Est-ce que vous voulez travailler là-dessus? Est-ce que, au mois de juin, vous avez une cible qui va nous amener plus bas que ça? C'est quoi, le plan de match pour le mois de juin prochain? Je vous donne un mois, là. C'est quoi, le plan de match, c'est quoi, votre cible pour le mois de juin prochain? Levez-vous et, au lieu de nous amener sur d'autres pistes, dites-nous ce que vous pensez des gens qui rentrent dans les urgences à Montréal, qui attendent, à plus de 15 %, plus de 48 heures. Je veux savoir de vous ce que vous leur dites, à eux.

La Présidente: M. le ministre.

M. François Legault

M. Legault: Mme la Présidente, il n'y a pas de réponse simple à ce genre de question. Ce que je veux répéter, c'est que, pas 85 %, 100 % des cas urgents sont traités immédiatement dans nos urgences. 100 % des cas urgents sont traités immédiatement dans nos urgences.

Maintenant, que faut-il faire pour s'assurer que des personnes qui ont des problèmes moins urgents ne se présentent pas à l'urgence ou qu'on puisse s'en occuper plus rapidement? Il faut faire plusieurs choses, Mme la Présidente. Oui, il faut réorganiser le travail dans nos hôpitaux, s'assurer qu'on ait les bonnes personnes aux bonnes places, mais il faut aussi agir sur la première ligne, il faut s'assurer qu'on ait des cliniques, avec les CLSC, qui soient ouvertes 24 heures par jour, sept jours par semaine, que des médecins prennent en charge les patients pour être certain qu'ils ne se présentent pas de façon inutile à l'urgence. C'est là-dessus qu'on travaille, Mme la Présidente, et je suis confiant qu'au cours des prochains mois on va continuer à voir les délais d'attente diminuer dans les urgences, qu'on va suivre les trois indicateurs que j'ai mentionnés, donc le pourcentage de la capacité qui est occupée, les délais de plus de 48 heures, qu'on veut les éliminer complètement, et réduire le délai moyen d'attente à 12 heures. C'est ça, notre objectif, puis je suis confiant qu'on va l'atteindre, Mme la Présidente.

La Présidente: En principale, Mme la députée de Mercier.

Aide aux jeunes homosexuels et lesbiennes
dans les écoles secondaires

Mme Nathalie Rochefort

Mme Rochefort: Merci, Mme la Présidente. Alors que des milliers de jeunes au Québec fuguent, dépriment, alors que le Québec détient le record du taux de suicide le plus élevé chez les jeunes des 10 provinces canadiennes, alors que des études tendent à prouver que les tentatives de suicide seraient de trois à sept fois plus élevées chez les jeunes homosexuels, il est malheureux de constater que les écoles ne semblent pas s'adapter à la réalité homosexuelle, Mme la Présidente, mais surtout ne pas s'adapter aux besoins des jeunes qui se questionnent sur leur orientation et qui vivent avec cette réalité. En plus de nier les besoins des jeunes, l'école leur refuse l'accès aux ressources qui sont en mesure de les aider. En effet, seulement 28 % des écoles secondaires a accepté cette année d'inscrire le numéro de téléphone de la ligne référence Gai Écoute dans le bottin remis aux étudiants du secondaire.

Ma question, Mme la Présidente: Qu'est-ce que le ministre de l'Éducation attend pour intervenir et s'assurer que tout est mis en oeuvre pour donner accès aux ressources de soutien pour les jeunes homosexuels et lesbiennes dans nos écoles secondaires?

La Présidente: M. le ministre délégué aux Relations avec les citoyens.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui, Mme la Présidente, mon collègue le ministre de l'Éducation national sans doute apportera un complément de réponse, mais je pourrais déjà dire à Mme la députée de Mercier que ce gouvernement, contrairement au gouvernement issu de son parti, n'a pas hésité à subventionner, depuis 1994, les organismes issus de la communauté gaie et lesbienne qui veulent travailler pour régler des dossiers. Et, dans celui que vous parlez, nous avons annoncé il y a deux semaines une subvention de 35 000 $ à Gai Écoute pour faire la promotion d'une ligne Gai Écoute dans toutes les écoles. Nous avons lancé un appel aux écoles de façon à ce qu'elles améliorent le taux de pénétration de ces services-là. Et vous verrez que le ministre de l'Éducation va continuer à agir également dans le même sens que nous.

La Présidente: En complémentaire, Mme la députée de Mercier.

Mme Nathalie Rochefort

Mme Rochefort: Mme la Présidente, merci. Est-ce que le ministre de l'Éducation est au courant que même notre collègue de Sainte-Marie?Saint-Jacques a frissonné lui-même quand il a su que seulement le quart des écoles avait consenti à mettre le numéro de téléphone de Gai Écoute, et ce, malgré les millions investis par le gouvernement du Québec? Est-ce que le ministre peut s'engager à envoyer une directive claire dans les écoles pour que ce numéro de Gai Écoute soit inscrit dans les bottins donnés aux étudiants des écoles secondaires? C'est du bon sens seulement, madame.

La Présidente: M. le ministre.

M. Sylvain Simard

M. Simard (Richelieu): Mme la Présidente, en plus des actions qui ont été énoncées tout à l'heure par le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, le ministère de l'Éducation, depuis plusieurs années, a pris plusieurs mesures afin de venir en aide aux jeunes qui sont dans une situation parfois extrêmement difficile et qui ont besoin d'aide. Et on sait que ces jeunes parfois commettent l'irréparable tant leur situation est difficile.

Nous avons publié des guides d'action, nous avons fait de la formation et nous incitons actuellement toutes les écoles, toutes les commissions scolaires ? les directions régionales du ministère de l'Éducation sont entrées en contact avec toutes les commissions scolaires ? nous incitons toutes les écoles effectivement à donner le maximum d'information, à prendre tous les moyens pour que les jeunes qui vivent ces problèmes difficiles puissent aller chercher facilement l'aide dont ils ont besoin.

Mme la Présidente, je peux vous assurer que, de ce côté-ci de la Chambre, contrairement à l'autre côté, nous sommes extrêmement fiers de ce que nous avons fait pour permettre aux jeunes du Québec ? à tous les jeunes ? quelle que soit leur orientation sexuelle, de vivre une vie normale à l'école et de pouvoir ainsi s'épanouir pleinement.

Des voix: Bravo!

La Présidente: En principale?

M. Mulcair: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente: En principale, M. le député de Chomedey.

Investissements publics dans l'usine
d'affinage d'aluminium Lavalum inc.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Mme la Présidente, il y a une semaine, j'ai demandé à la ministre des Finances d'expliquer en cette Chambre combien d'argent des contribuables a été perdu dans l'aventure de Lavalum.

Rappelons que, le 22 juin 2000, avec beaucoup de fanfare, on annonçait que la Société générale de financement, Investissement Québec et le Fonds de solidarité allaient investir des millions et des millions de dollars pour faire du recyclage d'aluminium sur le site d'une compagnie de ferraille à Laval, et qu'à peine 15 mois plus tard la compagnie était en faillite.

Combien les payeurs de taxes ont perdu dans Lavalum, Mme la ministre?

La Présidente: Mme la vice-première ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui. Mme la Présidente, j'ai pris avis de la question. Je me suis engagée à répondre à cette question et j'avais l'intention ? et j'ai toujours l'intention ? de répondre à cette question demain, Mme la Présidente, lors de notre séance de période de questions.

n(14 h 50)n

La Présidente: En complémentaire ou en principale?

M. Dupuis: En principale.

La Présidente: En principale, M. le député de Saint-Laurent.

Nature de l'enquête sur le décès d'un détenu
de l'Établissement de détention de Saint-Jérôme

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Mme la Présidente, Un détenu mort dans le silence et dans le mystère, titrait La Presse samedi dernier. En effet, Serge Therrien, une personne détenue au centre de détention de Saint-Jérôme, décédait à l'hôpital Notre-Dame le 30 décembre dernier dans ces circonstances pour le moins nébuleuses.

Premièrement, malgré ce que prévoit la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, ni l'hôpital ni le centre de détention de Saint-Jérôme n'ont avisé le Bureau du coroner du décès de M. Therrien. D'ailleurs, le coroner lui-même dit qu'il a appris le décès de M. Therrien par le biais des médias; deuxièmement, comme conséquence, évidemment, aucune autopsie n'a été pratiquée pour déterminer les causes exactes du décès de M. Therrien; troisièmement, la Direction des services correctionnels n'a été saisie de toute l'affaire qu'un mois après le décès de M. Therrien. Et ce que l'article révèle, c'est qu'à tout le moins un certain nombre d'autres faits relatifs aux conditions d'hospitalisation de M. Therrien sont troublants.

Ma question est simple, au ministre de la Sécurité publique: Pourquoi cautionne-t-il, dans cette affaire-là encore et aussi, la tenue d'une enquête interne plutôt que d'ordonner la tenue d'une enquête publique qui aurait le mérite que les faits soient révélés à la vue et au su de tout le monde?

La Présidente: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, Mme la Présidente, au niveau de la Direction des services correctionnels, il y a une enquête qui est en cours sur les circonstances de toute cette affaire, et le rapport... une fois que cette enquête-là sera complétée, le rapport sera acheminé au coroner, qui est saisi aussi de cette affaire-là et qui devra faire un rapport; c'est une investigation qu'il fait.

Je voudrais reprendre, Mme la Présidente, l'affirmation que fait le député de l'opposition. C'est faux de dire qu'en vertu de la Loi sur les coroners il y avait obligation dans le cas présent d'aviser le coroner. Parce que cet individu-là est décédé dans un hôpital, et il est décédé dans des circonstances qu'on peut qualifier de naturelles, si vous voulez, il est décédé des suites d'un cancer. Alors, dans un cas comme ça, quand ce ne sont pas des circonstances obscures, il n'y a pas d'obligation d'avis par le médecin ou par le directeur de l'hôpital, il n'y a pas d'obligation d'avertir le coroner. Et c'est ce qui s'est passé en l'occurrence.

Par ailleurs, Mme la Présidente, il y a aussi... il y a des faits qui doivent être vérifiés. La dame, la conjointe du détenu, prétend qu'il aurait été menotté, là, jusqu'à sa mort. Alors, effectivement, il y a des vérifications qui se font là-dessus, parce que la directive est à l'effet qu'effectivement, quand un détenu est malade et est rendu en phase terminale, il est hospitalisé, et, à ce moment-là, les directives sont à l'effet qu'effectivement cette personne-là n'est pas menottée. Alors donc, est-ce que, en l'occurrence, il était menotté? Pourquoi l'était-il? Alors, c'est le rapport que nous attendons, Mme la Présidente. Et, par la suite, nous recevrons le rapport d'investigation du coroner.

La Présidente: En principale? En principale, M. le député de Saint-Laurent.

Tenue d'une enquête publique
sur le décès d'un détenu de l'Établissement
de détention de Saint-Jérôme

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Pourquoi le ministre choisit-il d'ignorer l'article 37 de la loi sur les causes et les circonstances des décès, qui stipule que «le directeur ou [...] la personne qui détient l'autorité dans un lieu visé dans le présent article doit aviser immédiatement un coroner lorsqu'un décès survient ? 3° ? dans une installation maintenue par un établissement de santé et des services sociaux alors que la personne qui est décédée était sous garde»? Pourquoi chercher à noyer le poisson? C'est clair, le coroner devait être avisé. Pourquoi le ministre ne choisit-il pas de tenir une enquête publique, d'autant plus qu'il admet lui-même dans sa réponse que la famille conteste les raisons du décès? Alors, est-ce que le ministre va se raviser et consentir... Plutôt que de faire tenir une enquête par les Services correctionnels, qui, eux, vont envoyer le rapport au coroner, qui, lui, décidera s'il tient une enquête, allons-y donc tout de suite franchement, une enquête publique, puis on saura les faits.

La Présidente: M. le ministre.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, Mme la Présidente, le député de Saint-Laurent fait erreur dans l'interprétation qu'il donne à l'article 37.3°. L'article 37.3°, lorsqu'il dit que le directeur de l'établissement doit donner un avis au coroner, on parle de l'établissement... le directeur de l'hôpital, et il doit donner avis lorsqu'il y a un décès dans une installation maintenue par un établissement de santé et de services sociaux, donc survenu dans un hôpital, alors que la personne qui est décédée était sous garde. Mais là, ce à quoi on fait référence dans le cas présent, Mme la Présidente, c'est lorsque la personne est gardée à l'hôpital en vertu de la loi sur la protection des malades mentaux.

Alors, c'est ce qui s'est passé en l'occurrence. Cette personne-là est détenue... C'est-à-dire, elle était détenue dans un centre de détention, elle est transférée à l'hôpital parce qu'elle a un cancer et, alors qu'elle est sous les soins d'un médecin, elle décède de son cancer. Alors, ce n'était pas, Mme la Présidente, des circonstances obscures d'un décès qui justifient un avis au coroner. C'est ça qui s'est passé et c'est pourquoi le directeur de l'établissement de santé et le médecin, dans le cas présent, n'ont pas prévenu le coroner.

Et l'interprétation que fait le député de Saint-Laurent de l'article 37.3°, elle peut se défendre, mais ce n'est pas de cette façon-là que de façon majoritaire, Mme la Présidente, cet article-là a été interprété. Il a été interprété davantage en fonction du fait... quand il s'agit d'une personne qui est détenue en vertu de la Loi sur la protection du malade mental et que l'on doit hospitaliser et garder sous garde à l'hôpital comme tel parce que cette personne-là a des problèmes de santé mentale.

La Présidente: En complémentaire, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: En principale.

La Présidente: En principale.

Enquête de la Direction des services correctionnels
sur le décès d'un détenu de l'Établissement
de détention de Saint-Jérôme

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le ministre réalise-t-il que, dans sa réponse, il vient de fermer la porte à toute espèce d'enquête? Il a toutes les réponses, Mme la Présidente, c'est ça qui n'a pas de bon sens. Mais, non, ça n'a pas de bon sens!

Des voix: Bravo!

M. Dupuis: Mme la Présidente, ça n'a aucun sens. Le ministre réalise-t-il qu'en se cantonnant dans ses réponses, en se cantonnant dans le cautionnement d'une enquête interne, il se met lui-même dans la position indéfendable, Mme la Présidente, d'être à la fois juge et partie et que tout ce qu'il réussit à faire, c'est d'accréditer la croyance populaire qui veut que, quand on commande une enquête interne, c'est parce qu'on veut mettre le couvercle sur la marmite, puis qu'on ne saura jamais ce qui s'est passé?

Alors, le ministre va-t-il se raviser? Va-t-il se raviser puis arrêter de donner les réponses puis de penser que c'est lui qui a la vérité? Commandez une enquête publique, puis on verra après. On s'excusera si vous avez eu raison, on n'a pas de problème avec ça. Mais les gens veulent savoir.

La Présidente: M. le ministre.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Alors, Mme la Présidente, tout va se faire de façon on ne peut plus transparente dans ce dossier-là: l'enquête des Services correctionnels s'achève, ça va être transmis au coroner, le coroner fait une investigation. Le rapport du coroner, c'est public, il va être rendu public, et on va savoir ce qui s'est passé dans ce dossier-là. Alors, il n'y a rien de caché. Tout procède de façon transparente. Et le député de Saint-Laurent va savoir à quoi s'en tenir.

Et, par ailleurs, Mme la Présidente, il fait référence à des excuses. Je lui ferai remarquer qu'il n'est pas fort sur les excuses. Depuis ce qu'il a lancé en commission parlementaire à l'effet qu'il y avait infiltration des Hells chez les agents des services correctionnels, il ne s'est jamais excusé pour ça, Mme la Présidente.

Des voix: Bravo!

La Présidente: En complémentaire? En principale, M. le député de Saint-Laurent.

Responsabilité de l'enquête sur le décès
d'un détenu de l'Établissement
de détention de Saint-Jérôme

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le ministre tente d'éviter le problème, d'une part. Le ministre va-t-il, dans le cas de M. Therrien, plutôt que de croire qu'il possède toutes les réponses, donner à quelqu'un d'indépendant le mandat de tenir une enquête publique?

Du côté de l'opposition, toutes les affirmations que nous avons faites, M. le Président, nous les avons toujours faites publiquement, devant les caméras, sans avoir honte de nos déclarations. D'ailleurs, les suites de cette aventure devant la commission parlementaire ont bien démontré que l'opposition avait raison, puisque le ministre a recommencé à faire des enquêtes de sécurité lors des engagements des agents de services correctionnels.

Des voix: Bravo!

La Présidente: M. le ministre.

M. Normand Jutras

M. Jutras: Mme la Présidente, le député de Saint-Laurent parle d'une enquête publique, parle d'une enquête qui est confiée à un personnage indépendant. Le coroner, en vertu de la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès, c'est un personnage indépendant, et son rapport va être public. Alors, qu'est-ce qu'il veut de plus, Mme la Présidente?

n(15 heures)n

Mais, puisqu'il parle de transparence, puis il parle d'enquête, on peut se poser des questions sur les enquêtes que mène le Parti libéral par des détectives privés. Est-ce que ça, ce sont des enquêtes publiques, Mme la Présidente?

Des voix: Bravo!

M. Dupuis: Question de règlement.

La Présidente: Un instant. Question de règlement, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Mme la Présidente, vous avez déjà demandé à quelqu'un en cette Chambre, notamment le ministre de la Santé, de retirer ses paroles alors qu'il avait prononcé exactement les paroles que le ministre de la Sécurité publique vient de tenir, et il l'a fait.

Je vous demande, Mme la Présidente, de demander au ministre de la Sécurité publique de retirer ses paroles. Qu'il s'intéresse donc à ses dossiers au lieu d'essayer de faire des effets de toge. Voyons donc!

La Présidente: Alors, je vous rappelle que les paroles qui ont dû être retirées l'étaient parce qu'elles imputaient à un membre de cette Assemblée nationale des motifs indignes. Je ne sache pas que ce soit le cas. Alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Question de règlement, Mme la Présidente. Comme membre de cette Chambre qui a le droit au même respect que tout le monde, j'estime que les paroles étaient insultantes, et déjà...

Des voix: ...

M. Dupuis: Ah bien non! Mme la Présidente, c'est sûr, de l'autre côté, ils trouvent que c'était bien correct, ça; c'est bien sûr. Oui, oui. Ah oui!

Une voix: ...

M. Dupuis: Oui, on va y revenir, à vous, tantôt. Mme la Présidente, je vous demande de demander au ministre de la Sécurité publique de retirer les paroles blessantes qu'il a eues à l'égard de l'opposition, comme vous l'avez fait, comme vous l'avez fait dans le cas du ministre de la Santé. Ce n'est qu'une question de justice.

La Présidente: Alors, je vous rappelle les motifs qui sont ceux contenus à l'article 35, paragraphe 6°, de notre règlement, motifs pour lesquels il est interdit de prononcer de telles paroles. Alors, ces motifs imputent à un député... Je ne sache pas, là, qu'il y ait eu de député incriminé dans les paroles prononcées par le ministre de la Sécurité publique. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Mme la Présidente, tout simplement pour vous indiquer que, lorsque l'événement est survenu il y a quelques semaines, vous avez pris une décision, et le ministre de l'Éducation, après beaucoup... de la Santé, excusez, l'ancien ministre de l'Éducation, avec beaucoup d'hésitation, avait accepté de retirer ses paroles.

Aujourd'hui, les propos sont de même nature et s'adressent, Mme la Présidente, et s'adressent à l'ensemble des députés qui siègent de ce côté-ci de la Chambre. Je soutiens que votre décision à l'effet que ça doit s'adresser à un député est exacte, mais, quand vous vous adressez à l'ensemble des députés de l'opposition officielle, c'est encore plus vrai. Et votre décision devrait être maintenue, de demander au ministre de retirer ses propos.

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Il y a une évidence, Mme la Présidente: celui qui commet une infraction à notre règlement, c'est le député de Saint-Laurent qui remet en cause votre décision. Pouvons-nous, s'il vous plaît, passer à la prochaine question?

La Présidente: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: ...qui s'est levé, c'est le leader de l'opposition officielle. Donc, si le leader du gouvernement veut s'en prendre à quelqu'un, qu'il s'en prenne à son vis-à-vis.

Maintenant, en ce qui concerne les propos du ministre, ce sont des propos qui sont faux et qui sont inadmissibles à l'Assemblée nationale du Québec.

La Présidente: M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Et j'allais ajouter que je ne remets pas en cause votre décision. Au contraire, je veux simplement que votre décision, la décision que je vous demande aujourd'hui, soit conséquente avec celle que vous avez prise l'autre jour.

Et je vous soumettrai en terminant que le ministre a tenu des propos de nature à susciter un débat ? vous savez très bien au sujet de quoi ? et ça, c'est défendu dans notre règlement. Je vous demande de lui demander de retirer ses paroles, Mme la Présidente.

La Présidente: Alors, je rappelle que le règlement prescrit que les réponses doivent être de nature telle à ne pas susciter de débat. De toute évidence, les propos tenus par le ministre de la Sécurité publique ont enclenché un débat que notre règlement ne permet pas. Cependant, je ne sache pas que ses propos imputaient à des députés, ou à un ou à des députés, comme c'est le cas qui est interdit à l'article 35...

Alors, je vais céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

Octroi de contrats d'une valeur
de 24 000 $ à 25 000 $ par le ministère
des Ressources naturelles

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, Mme la Présidente. Dans la suite de l'octroi des contrats à moins de 25 000 $ donnés dans certains cas pour éviter les appels d'offres, comme nous l'avons vu au ministère du Revenu et au ministère des Transports, le ministère des Ressources naturelles a, lui aussi, quelques contrats octroyés à moins de 25 000 $ mais à plus de 24 000 $. En fait, près de un contrat sur cinq dans le ministère des Ressources naturelles se situe exactement dans cette marge.

Par exemple, une firme a obtenu neuf contrats, pour un total de 161 000 $, dont cinq d'entre eux se situaient entre 24 865 $ et 24 999 $. Une autre a obtenu huit contrats, pour un total de 156 328 $, dont cinq entre 24 600 $ et 24 999 $. Par ailleurs, pour restaurer un ruisseau ? un ruisseau ? le ruisseau Pandora dans la région de Candiac, on a donné 10 contrats pour 238 800 $, dont neuf entre 24 500 et 24 900 $. Pour un ruisseau.

Est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut nous expliquer comment il justifie cette pratique et ce qu'il entend faire pour s'assurer que tous ces contrats donnés à moins de 25 000 $ mais à plus de 24 000 ne sont pas tout simplement une astuce pour détourner la réglementation en vigueur?

La Présidente: M. le ministre.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, Mme la Présidente. Je suis très surpris de la question posée, parce qu'on vient de sortir de huit heures de crédits, étude de crédits où spécifiquement ces gens-là nous avaient posé des questions là-dessus. On a donné toute la documentation. Parce que c'est évident que je n'ai absolument rien à cacher là-dessus, pour d'autres raisons que les collègues doivent savoir aussi, même si je sais que la responsabilité ministérielle, on doit la prendre en totalité, alors je la prends en totalité. Mais, lors des crédits, pas un mot là-dessus. Nous avions tous les...

Des voix: ...

M. Gendron: J'ai le droit de contrôler la réponse. C'est moi qui donne la réponse. D'aucune façon, Mme la Présidente, on a de quoi à cacher. C'est la procédure. Je sais qu'en géomatique, par exemple, il y a sept, huit firmes qui étaient spécialisées, et il y avait des contrats qu'ils ne pouvaient pas faire dans la période qui leur était impartie, pour des raisons d'accessibilité sur le territoire. Il y a à peu près 25 règles qui n'ont rien à voir avec la petite politique insignifiante qu'ils veulent poser là-dedans.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Bien, je n'ai pas le choix. Je n'ai pas le choix, Mme la Présidente. On était aux crédits, on avait les personnels pour regarder ça: pas une question. Alors, je peux revenir demain, Mme la Présidente.

La Présidente: M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, en additionnelle. Est-ce que c'est parce que le ministre est beaucoup moins en sécurité seul en Chambre qu'avec ses 25, 30 fonctionnaires à la commission parlementaire pour répondre aux questions qu'il semble aussi nerveux sur les pratiques de son ministère aujourd'hui? Et est-ce qu'il peut nous dire, deux contrats qui se suivent... Est-ce qu'il peut nous dire... Deux contrats qui se suivent, les deux numéros se suivent: un pour développer des fonctions de raccordement de classes d'objets aux raccords de partition de la banque de données topographiques du Québec, et l'autre, par la suite, développer les fonctions de validation de la conformité de saisie hiérarchique, de détection, de gestion et de correction. Finalement, on crée, on développe un programme puis on ajoute des fonctions, mais on divise le contrat pour être sûr que c'est la même firme qui va l'avoir.

Est-ce qu'il peut nous dire pourquoi, dans un contrat qui a une suite, on est obligé de le diviser pour s'assurer que c'est la même firme qui doit l'avoir, si ce n'est pour éviter d'aller en appel d'offres et que ce soient d'autres personnes que peut-être des gens qu'il connaît qui aient le contrat?

Des voix: Bravo!

La Présidente: M. le ministre.

M. François Gendron

M. Gendron: Même quand le chef n'est pas là, ils ont la même mentalité d'insinuer des choses qui n'ont rien à voir. On recommence. Lors de l'étude des crédits, Mme la Présidente, j'ai répondu pendant huit heures. J'étais très heureux que mes collaborateurs m'accompagnent et, pendant huit heures, j'ai fait face à la période des questions... à l'étude des crédits, pardon, sans aucune difficulté.

n(15 h 10)n

Si ces gens-là ont des questions précises sur les contrats... Pensez-vous qu'aujourd'hui j'ai amené... Parce qu'au ministère des Ressources naturelles, je ne voudrais pas faire d'erreur, mais c'est au-dessus de 3 000 contrats de cette nature-là. Pensez-vous que, pour chacun de ces contrats-là, aujourd'hui je suis en mesure de répondre qu'est-ce qui s'est passé dans le contrat b ou dans le contrat c?

Mais, à coup sûr, Mme la Présidente, on a respecté intégralement la politique. Le Conseil du trésor est d'accord que nous allions en appel d'offres pour les contrats moins de 25 000... c'est-à-dire qu'on n'aille pas en appel d'offres pour des contrats de moins de 25 000, pour des raisons d'efficacité, pour des raisons très pratiques. Et ça n'a rien, rien, rien à voir avec la fin de sa question. Je pourrais déposer demain toute l'information sur chaque contrat que vous voulez, comme on l'avait lors des crédits et comme ils sont dans vos cahiers. En passant, ils sont dans vos cahiers des livres de crédits.

La Présidente: En complémentaire? En complémentaire, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Claude Béchard

M. Béchard: Mme la Présidente, est-ce que le ministre se rend compte que, même quand le premier ministre n'est pas là, les débats sont aussi bas que quand il est là, grâce à l'intervention du ministre des Ressources naturelles? D'ailleurs, il devait l'amener au Pérou; il a dû lui faire une joke, il l'a laissé ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Est-ce que vous...

La Présidente: Est-ce que vous pouvez...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Est-ce que le ministre...

La Présidente: Un instant! Bon. D'abord, je vous rappelle, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, que vous êtes en complémentaire et que les commentaires faits étaient inutiles. Alors...

Des voix: ...

M. Béchard: Excusez-moi. Excusez-moi. Excusez-moi, c'était une joke. C'était une joke, Mme la Présidente. Excusez-moi. Excusez-moi, c'était une joke. Bon.

Est-ce que le ministre peut nous garantir... Puis on posera les questions où est-ce qu'on veut. Si on veut les poser en commission, on va les poser en commission.

Des voix: ...

M. Béchard: Mme la Présidente, il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Je pense qu'il y a quelqu'un...

Des voix: ...

M. Béchard: Est-ce que, Mme la Présidente, le ministre des Ressources naturelles peut nous garantir que les divisions de contrats... Écoutez, donner 10 contrats pour restaurer un ruisseau, dont neuf entre 24 500 puis 24 999, à moins qu'on veuille trouver de l'or dans ce ruisseau-là, il y a sûrement une raison. Est-ce qu'il peut nous dire pourquoi on divise les contrats de cette façon-là? Un sur cinq au ministère des Ressources naturelles. Alors, qu'il nous dise simplement aujourd'hui pourquoi on divise les contrats de cette façon-là, pour arriver à des contrats sans aller en appel d'offres. C'est simple.

La Présidente: M. le ministre.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui. D'abord, oui, je devais faire partie de la mission économique au Pérou et au Chili avec le premier ministre, mais je crois que, compte tenu du dossier du bois d'oeuvre, qui est un dossier très important ? nous, on s'en occupe, on ne fait pas juste de la petite politique sur le dossier ? alors, pour m'occuper du dossier du bois d'oeuvre, j'ai resté ici, au Québec.

Quant aux contrats, je vous rappelle, Mme la Présidente, que c'est la pratique qu'on suit de l'ensemble des ministères, pour des contrats de 25 000 et moins. S'il y a des questions précises sur chacun des contrats, ça me fera plaisir de les déposer; on l'a déjà fait dans le livre des crédits. Il ne m'appartient pas aujourd'hui, comme ministre des Ressources, de savoir quelle est la modalité dans chacun des contrats, quand il y en a 3 000, mais, à coup sûr, à coup sûr, on a suivi la procédure. Et, s'il y a quelques contrats sur lesquels il veut avoir de l'information, ça me fera plaisir de lui donner, parce qu'elle était disponible lors de l'étude des crédits et elle l'est encore dans le cahier du livre des crédits qu'ils ont.

La Présidente: En principale, M. le député de D'Arcy-McGee.

Dépôt d'un projet de loi modifiant
la Loi sur les ingénieurs

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Mme la Présidente, ça fait trois ans que l'on parle de la mise à jour de la Loi sur les ingénieurs. En effet, la pratique est telle qu'il est maintenant rendu plus que nécessaire de procéder à ce type d'exercice. L'Ordre des ingénieurs du Québec attend avec impatience un projet de loi les concernant.

Mme la Présidente, est-ce que le ministre de la Justice peut nous dire s'il compte déposer bientôt un projet de loi concernant les ingénieurs, ou cette réforme fait-elle partie de celle que son premier ministre a décidé de mettre au rancart?

La Présidente: M. le ministre de la Justice.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Mme la Présidente, j'ai déjà occupé la fonction de ministre de la Justice et de ministre responsable des lois professionnelles dans un premier terme, et déjà, sur la table, il y avait cette modification à la Loi sur les ingénieurs. En fait, ce n'est pas une modification, c'est une refonte complète de la Loi des ingénieurs. Mais, lorsque l'on fait une telle réforme, on sait que l'on touche bien sûr aux champs d'exercice des ingénieurs, mais on touche également aux champs de compétence de plusieurs autres professionnels, et ceci pose des problèmes importants qu'il s'agit de résoudre. Ce qui fait que, avant de procéder à l'adoption, d'abord au dépôt et ensuite à l'adoption d'un tel projet de loi, il faut s'assurer qu'on ait bien attaché les fils avant, parce que sinon on aura des difficultés considérables, pour ne pas dire... On ne sera pas placé devant une impossibilité de faire adopter la loi.

Alors, quand on aura réussi à attacher tous ces fils, ça me fera extrêmement plaisir de venir devant cette Assemblée. Et vous savez très bien que ce n'est pas le nombre de projets de loi qui me fatigue, puisque j'en ai déjà 12 devant l'Assemblée et que j'entends les faire adopter. Donc, c'est une question de préparation des parties, et, au moment où on se parle, ce n'est pas fait. Mais j'espère bien qu'on va y arriver. Et, dès que ce sera fait, je viendrai devant cette Assemblée pour le faire adopter, Mme la Présidente.

La Présidente: En principale, Mme la députée de La Pinière.

Mesures pour contrer une mauvaise utilisation
du courrier électronique par les employés de l'État

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Oui, Mme la Présidente. Mme la Présidente, le journal La Presse d'aujourd'hui nous apprend, dans un article signé par Lysiane Gagnon, qu'un employé du gouvernement du Québec lui a adressé un courriel antisémite en provenance du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Ma question, Mme la Présidente: À moins que le gouvernement endosse une telle pratique, qu'est-ce que... qu'est-ce que...

Des voix: ...

La Présidente: M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Le calme que j'affiche à ce moment-ci, Mme la Présidente, n'est que le pâle reflet de ma grande indignation. Vous avez entendu les propos de la députée. Il convient, pour le décorum de cette Assemblée, pour le respect des hommes et des femmes qui la composent, pour le respect aussi des Québécois et des Québécoises qui souhaitent que nous ayons des débats de haut niveau dans cette Assemblée, que, de façon impérieuse, vous condamniez les propos de la députée de La Pinière.

La Présidente: Alors, je cède la parole à Mme la députée de La Pinière, en rappelant que des paroles injurieuses ou blessantes pour des membres de cette Assemblée ne peuvent être prononcées dans cette Chambre. Mme la députée de La Pinière.

M. Boisclair: Sur des sujets de bien moindre importance, vous avez exigé que des députés, de part et d'autre de cette Assemblée, qui parfois s'étaient emportés retirent leurs paroles. Dans ces circonstances, compte tenu de la gravité des accusations, nous nous attendons que, de la même façon, avec la même diligence, avec la même autorité, vous exigiez de la députée qu'elle retire ses paroles.

La Présidente: Alors, je rappelle... Oui, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: ...vous me permettez de formuler ma question, parce que le leader du gouvernement est en train de m'imputer des motifs indignes?

M. Boisclair: ...

La Présidente: M. le leader du gouvernement!

Des voix: ...

La Présidente: Alors, je comprends que l'expression «à moins que» précédait, n'est-ce pas, votre formulation, mais je vous demanderais d'être très prudente. Je vous cède la parole, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Mme la Présidente, alors je reformule la question telle que je l'ai posée, et vous l'avez entendue: À moins que le gouvernement endosse une telle pratique, qu'est-ce que... Et ma question...

Des voix: ...

La Présidente: Un instant! Un instant! Alors, Mme la députée de La Pinière, je vous demande de la formuler de telle manière qu'il n'y ait pas de langage considéré comme blessant pour aucun des membres de cette Assemblée. Alors, directement, votre question.

Des voix: ...

La Présidente: Alors, la parole est à Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je la répète, ma question: À moins que le gouvernement endosse une telle pratique, qu'est-ce que...

Des voix: ...

n(15 h 20)n

La Présidente: Alors, je rappelle que le règlement prévoit qu'on ne puisse pas imputer des motifs indignes à des membres de cette Assemblée. Alors, on ne peut pas imputer des motifs indignes ni à l'opposition ni au gouvernement.

Alors, je vous demande, Mme la députée de La Pinière, pour une... je vous demande pour une dernière fois de formuler votre question directement sans imputer aucun motif.

M. Paradis: Question de règlement. Mme la Présidente, vous avez rendu trois décisions...

La Présidente: Pour une dernière fois, je cède la parole à Mme la députée de La Pinière, en lui demandant de poser directement sa question sans imputer aucun motif. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, vous permettez, dans le brouhaha, que je répète ma question pour que ce soit compris de tous. Le journal La Presse d'aujourd'hui nous apprend...

La Présidente: Mme la députée de La Pinière, je vous ai dit et je le répète: Je ne vous demande pas de répéter votre question, je vous demande de poser directement la question à la personne concernée du côté du gouvernement sans imputer aucun motif.

Des voix: ...

La Présidente: Alors, la parole est à la députée de La Pinière.

M. Paradis: Mme la Présidente, il s'agit d'une question principale, une question où on a interrompu Mme la députée sans motif. Vous avez décidé trois fois de la laisser poursuivre. Maintenant, appliquez la décision que vous avez rendue, qu'elle reprenne sa question pour que les gens qui nous écoutent comprennent la question.

Des voix: Bravo!

La Présidente: Je rappelle que la décision que j'ai rendue ne permet pas de reprendre la question, mais de la poser directement sans imputer aucun motif. La parole est à la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Mme la Présidente, je n'impute aucun motif, je pose une question qui est formulée de la façon suivante: À moins que le gouvernement endosse une telle pratique, qu'est-ce que le président du Conseil du trésor, qui est également responsable...

La Présidente: Alors, Mme la députée de La Pinière...

Des voix: ...

La Présidente: Alors, écoutez, Mme la députée de La Pinière, de toute évidence, la formulation de votre question suscite un débat. Cela est interdit par notre règlement. Alors, je vous demande pour une dernière fois, à défaut de quoi je devrai clore la période de questions et de réponses orales, pour la dernière fois, je vous demande de poser directement la question sans autres aspects litigieux.

M. Paradis: De l'autre côté... Vous avez décidé dans un premier temps qu'il n'y avait pas de motif. Vous avez changé d'idée. C'est votre droit, Mme la Présidente. Maintenant, le leader du gouvernement se lève, vous demande de mettre fin à la période de questions, et vous dites, et vous menacez la députée que c'est sa dernière tentative. Il y a des limites, Mme la Présidente!

Des voix: Bravo!

La Présidente: Je vous rappelle que j'ai accepté une question dans la dernière minute de la fin du compte à rebours de la période de questions. Alors, j'ai à plusieurs reprises invité la députée de La Pinière à poser sa question sans susciter de débat. Je le lui dis pour une dernière fois, sinon je devrai mettre un terme à la période de questions et de réponses orales. Mme la députée de La Pinière, je vous cède la parole pour poser directement votre question.

Mme Houda-Pepin: Mme la Présidente, compte tenu qu'on a été entrecoupé, je voudrais présenter ma question intégralement. Je voudrais la présenter intégralement. Je voudrais... Bien que je ne sois pas d'accord avec l'interprétation qui a été donnée lorsque j'ai posé ma question «à moins que», je vais me rendre à votre décision, Mme la Présidente, pour faciliter nos travaux. Mais vous me permettrez, compte tenu que la question est courte, que je la repose, ma question, moins la partie que vous jugez litigieuse. Très bien.

Le journal La Presse d'aujourd'hui, dans un article signé par Lysiane Gagnon, nous apprend qu'un employé du gouvernement du Québec lui a adressé un courriel, un courriel qu'elle juge elle-même comme étant antisémite, en provenance du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Ma question au président du Conseil du trésor qui est également, Mme la Présidente, responsable de l'autoroute de l'information gouvernementale: Qu'est-ce qu'il a fait pour éviter que ce genre de situation ne se produise au gouvernement?

La Présidente: M. le président du Conseil du trésor.

M. Joseph Facal

M. Facal: Oui, Mme la Présidente. Je n'ai évidemment pas lu le texte complet et intégral de ce courriel auquel la député fait référence. Je suis tout à fait disposé à aller chercher davantage d'information pour voir exactement de quoi il en retourne. Mais je veux qu'il soit bien entendu, Mme la Présidente, que la politique de ce gouvernement est tolérance zéro en matière d'exclusion. Nous condamnons, nous condamnons avec la dernière vigueur toute déclaration, tout geste, toute manifestation à caractère antisémite ou raciste, d'où qu'ils viennent.

Je terminerai simplement en disant qu'en huit ans je ne me rappelle pas d'avoir entendu une question reposer sur une insinuation aussi basse que celle-là, ce qui n'honore pas la députée.

Des voix: Bravo!

La Présidente: Alors, M. le président du Conseil du trésor...

Des voix: ...

La Présidente: M. le président du Conseil du trésor, puisque la députée de La Pinière a pleinement collaboré à la demande de la présidence et a retiré cette formulation litigieuse de la question qu'elle vous a adressée, je vous demanderais de retirer également ces insinuations que vous avez faites. Je vous le demande, M. le président.

Des voix: ...

La Présidente: M. le leader... Un instant! M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Le président du Conseil du trésor, Mme la Présidente, n'a fait que refléter le contenu de votre décision, qui vous-même avez jugée...

Des voix: ...

La Présidente: D'abord, je vous rappelle, je vous rappelle que j'ai obtenu la collaboration de Mme la députée de La Pinière. Ce ne fut pas sans difficulté, là, on en convient, mais Mme la députée de La Pinière a retiré de la formulation de sa question les aspects qui étaient considérés comme litigieux. Je vous demande de faire pareil, M. le président du Conseil du trésor.

M. Facal: Mme la Présidente, je me plie évidemment à votre décision, car tout le monde a pu juger de l'incident dont nous avons été témoins.

La Présidente: Alors, c'est la fin de la période de questions et de réponses orales. Et nous en sommes à la période des motions sans préavis. Non, attendez. Voilà. Alors donc, nous sommes à la période de motions sans préavis, et M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux, à la Protection de la jeunesse et à la Prévention... M. le leader du gouvernement.

M. Boisclair: Je comprends qu'à ce moment-ci le ministre de la Santé serait disposé à répondre à une question dont il avait pris avis la semaine dernière ? concernant? ? ...

M. Legault: ...

M. Boisclair: ...concernant le CLSC de Saint-Léonard. Je ne pense pas que les avis avaient été donnés, mais on peut reporter à demain aussi si c'est le souhait du leader l'opposition.

La Présidente: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Compte tenu du grand climat de collaboration qui a été institué par les ministres de l'autre côté, on peut attendre à demain.

Motions sans préavis

La Présidente: Bon. Alors donc, aux motions sans préavis, j'appelle l'intervention du ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux, à la Protection de la jeunesse et à la Prévention. M. le ministre.

Souligner la Semaine de la santé mentale

M. Bertrand (Portneuf): Oui, Mme la Présidente. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour adopter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine de la santé mentale qui se tient cette année du 5 au 11 mai sous le thème Notre santé mentale, c'est notre vraie richesse.»

La Présidente: Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? Consentement.

M. Boisclair: Une intervention de chaque côté.

n(15 h 30)n

La Présidente: Une intervention de chaque côté. Alors, M. le ministre.

M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, Mme la Présidente. J'aimerais d'emblée en profiter pour souligner la présence dans nos tribunes des représentants et représentantes de la Société québécoise de la schizophrénie, et notamment de sa présidente, Mme Pierrette Lépine, et lui souhaiter, de même qu'à tous les membres de la Société, bienvenue en cette Assemblée au nom des membres de l'Assemblée.

Et je souligne également la présence dans les tribunes d'un éminent psychiatre, le Dr Jean Pierre Rodriguez, qui accompagne cette délégation. Bienvenue également.

Depuis plus de 50 ans, M. le Président, à l'initiative des associations préoccupées de promouvoir la santé mentale, la première semaine de mai nous offre l'occasion de réfléchir aux moyens de maintenir et d'améliorer s'il y a lieu notre santé mentale, de militer également en faveur d'attitudes qui feront échec aux préjugés, à la honte et à l'exclusion et de dresser un bilan des actions engagées pour maintenir et améliorer la santé mentale des Québécoises et des Québécois.

Cette semaine est un temps fort de réflexion pour sensibiliser la population à l'importance de conserver son équilibre émotionnel, une responsabilité aussi bien individuelle que collective. Être en bonne santé, c'est bien sûr se sentir bien avec soi-même, entretenir des relations satisfaisantes avec les autres, avoir la capacité de faire face aux exigences de la vie. Lorsqu'on jouit d'un bon équilibre mental, on est mieux à même de supporter les tensions de la vie, on est plus productif, plus utile et l'on a davantage la possibilité d'apporter un concours positif à la société.

Au Québec, comme partout dans le monde, de plus en plus de nos concitoyens, de nos concitoyennes, vivent malheureusement des problèmes de santé mentale. Nous devons nous adapter de plus en plus rapidement à un environnement en constante évolution. Une personne sur cinq connaîtra dans sa vie un problème de santé mentale; 20 % des Québécois et des Québécoises ont un seuil de détresse psychologique élevé, selon la dernière enquête sociale et de santé. Dans 20 ans, selon l'Organisation mondiale de la santé, les maladies mentales représenteront 15 % de l'ensemble des maladies dans le monde et la dépression sera la première cause d'invalidité. Enfin, l'exclusion du marché du travail reliée à des problèmes de santé mentale connaît une croissance inquiétante dans toutes les sociétés.

Or, M. le Président, en dépit de la prévalence et des coûts élevés qui y sont associés, les maladies mentales sont encore largement stigmatisées. Elles demeurent l'objet de tabous les plus persistants. Ces préjugés tenaces empêchent malheureusement le maintien ou la réinsertion en emploi d'un bon nombre de nos concitoyens et concitoyennes. Au Québec, c'est 2 à 3 % de la population qui souffrent de troubles mentaux graves; ce sont des gens qui utilisent la majeure partie des services de santé mentale. Dans le but de mieux répondre aux besoins de ces personnes, le ministère de la Santé et des Services sociaux et ses partenaires ont engagé il y a quelques années la transformation des services de santé mentale au Québec.

Le plan d'action qui est associé à cette transformation vise notamment le développement de réseaux intégrés de services, l'amélioration des services aux enfants et aux jeunes qui présentent des troubles mentaux, la formation des ressources humaines et enfin le transfert de certaines ressources vers la communauté. Malgré qu'il reste beaucoup à faire et que nous soyons conscients que des besoins demeurent insatisfaits, cette transformation engagée de nos services, M. le Président, fait l'objet d'une très large adhésion et profite de la contribution soutenue, de l'engagement et du savoir-faire des principaux intervenants du milieu de la santé mentale au Québec.

Ceci étant dit, il faut bien reconnaître que la santé mentale des personnes est influencée par d'autres conditions que celles qui sont liées à l'organisation des services de santé mentale: la pauvreté, le logement, la discrimination, la violence et l'isolement sont évidemment du nombre.

Je tiens en conséquence à remercier mes collègues qui contribuent dans leur secteur respectif à la réalisation de ces autres conditions qui favorisent l'intégration sociale et l'abolition des entraves qui font obstacle à la santé mentale de nos concitoyens.

Je tiens également à souligner de façon particulière la contribution des parents, des amis, des conjoints, des nombreux bénévoles des groupes d'action et des groupes communautaires et bien sûr tout le personnel du vaste réseau de la santé et des services sociaux qui assistent, soutiennent au quotidien les personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole au whip en chef de l'opposition officielle et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, M. le député de Châteauguay. La parole est à vous, M. le député.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. À mon tour d'apporter ma voix pour souligner, comme le ministre délégué l'a fait, pour souligner cette semaine où nous devons, plus que d'autres, nous attarder à la santé mentale. Et, je le dis d'entrée de jeu, un des éléments que le ministre a mentionnés, qui est bien connu, bien documenté ? on en parlait d'ailleurs dans les auditions sur la carte à puce ? c'est les préjugés, le stigmate qui est accroché à cette maladie, qui fait en sorte que non seulement la chose publique, la gouverne ne s'en occupe pas tellement, pas suffisamment en tout cas ? ça, on peut le dire ? mais que, même dans les échanges qui se font sur la place publique, on n'y accorde, à mon avis, pas assez d'importance. Et je crois que des semaines comme celle-ci sont un moment approprié pour s'y arrêter, pour regarder le chemin parcouru, en profiter au passage pour signaler à ceux qui souffrent et aux proches de ceux qui souffrent combien ils méritent notre respect, et peut-être de se dire ? et c'est ce que j'ai l'intention de discuter un peu sur cette motion ? peut-être de se dire qu'il y a de la place parfois, pour l'État du Québec, d'en faire un peu plus à l'égard de ses proches, à l'égard des personnes atteintes.

Le ministre a parlé de certaines statistiques, je n'y reviendrai pas. Dans certaines éditions de L'Actualité médicale, on faisait abondamment mention de ces statistiques, dont un article récent qui disait ceci à propos du Conseil médical. J'en parlais tantôt. On sait que le Conseil médical du Québec a produit un rapport à l'automne dernier, et on pouvait lire ceci dans L'Actualité médicale: «Le Conseil médical du Québec voudrait que le gouvernement réécrive sa politique de santé mentale, qui date de 1989, pour tenir compte de l'évolution des connaissances depuis 10 ans.» Le Dr Jean-Marie Albert, qui est impliqué au Conseil médical, dit ceci: «Cette politique a été établie pour les personnes souffrant de troubles graves et persistants. Or, cela ne représente que 2,3 % des 20 % des personnes qui ont besoin des services de santé mentale.»

Donc, on voit que, je veux dire, l'échantillon est beaucoup plus large que ce que cible cette politique qui date déjà, à laquelle on a appelé souvent à ce qu'elle soit révisée, ce qui tarde toujours à être fait. Il y a de la place pour le gouvernement de faire quelque chose et de ne pas se limiter à ça, de regarder aussi les conséquences. On dit que dans l'ensemble du système, selon le Conseil médical, en tout cas, dans l'ensemble du système, il y a un problème de diagnostic. On sous-diagnostique les cas de santé mentale. D'une part, il y a là un problème. Et, lorsqu'on le diagnostique, il y a un autre problème, c'est que parfois le traitement n'est pas approprié. Alors, il y a plusieurs problèmes. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a plusieurs problèmes en ce moment à l'égard de la santé mentale.

J'ai apporté avec moi certains extraits, notamment le Dr Pierre Vincent qui a beaucoup écrit sur la santé mentale et qui nous disait ceci dans l'édition de L'Actualité médicale du 13 février dernier, et je le cite: «Le ministère lance des campagnes de sensibilisation afin de tenter de faire diminuer le nombre de suicides dans la province, mais, dans les faits, les services de santé mentale sont réduits. La politique de la santé mentale au Québec date de 1989, elle n'a jamais été revue. En septembre 2001, le Conseil médical a recommandé au gouvernement de mettre à jour cette politique, mais, pour l'instant, ses efforts pour réveiller le ministère de la Santé et des Services sociaux sont restés vains.»

Ce n'est pas l'opposition officielle qui le dit, c'est un expert, le Dr Pierre Vincent, qui regarde ce qui se passe depuis les dernières années et qui constate qu'il y a, pour dire le moins, pour le ministère, un constat à faire. Il n'y a pas que des campagnes de sensibilisation qui doivent être apportées, il faut regarder du côté des services de santé mentale.

n(15 h 40)n

Dans la semaine qui suivait, le Dr Pierre Vincent en rajoutait. Il disait ceci. Et je dois avouer que ça m'a marqué quand j'ai lu ça. On en a parlé... On a tenté d'aborder la question aux crédits, on en a parlé brièvement, mais, moi, j'ai trouvé que c'était assez... des chiffres, des statistiques qui devraient nous réveiller, qui devraient nous fouetter, en tout cas: «En 2000, 172 personnes se sont enlevé la vie dans la région de Québec ? je ne parle pas de la province de Québec, je parle de la région de Québec ? soit un taux de 26,6 pour 100 000, en hausse de 57 % depuis 10 ans.» Il doit se passer quelque chose. «En comparaison ? et là je vous dis, dans la région de Québec, le taux était de 26,6 pour 100 000 ? ce taux est de 11 pour 100 000 aux États-Unis.» Il y a quelque chose qu'on doit faire. «La vieille capitale est prospère et sa qualité de vie fait l'envie de tous les touristes. Pourtant, plus de gens mettent fin à leurs jours à Québec qu'à Moscou, où l'existence est infiniment plus ardue qu'ici.»

On peut aussi regarder, M. le Président, du côté des personnes, des familles, des proches. La Fédération des familles et des amis de la personne atteinte de maladie mentale qui écrivait en novembre 2001 un rapport, je ne citerai pas l'ensemble des éléments, j'ai quelques documents sur lesquels je veux m'arrêter, mais quelques passages qui sont, me semble-t-il, importants.

À la page 16 de ce mémoire, donc, de la Fédération de la famille et des amis, on pouvait lire ceci: «Depuis plus d'un an, le ministère veut réviser la politique sur les services de soutien à domicile. Très rapidement, l'ensemble des partenaires ont constaté l'ampleur des retombées et la nécessité, voire l'obligation pour le ministère de tenir une consultation publique. La ministre de l'époque ? fait à noter, je n'ai pas dit «le ministre de l'époque», auquel cas ça aurait été M. Trudel, «la ministre de l'époque», on nous renvoie donc à Mme Marois ? la ministre de l'époque, Mme Pauline Marois, semblait ouverte à l'idée et prévoyait l'adoption de nouvelles orientations pour le printemps 2001. Depuis son départ, ce dossier est tombé lettre morte, et nous attendons toujours. Nos préoccupations et questionnements demeurent encore sans réponse.»

Il y a une semaine qu'on souligne les gens et les personnes atteintes de maladie mentale, les proches. Et c'est une occasion de constater ce qu'ils nous disent, ces gens: Que le gouvernement, depuis quelques années, avait promis et n'a pas livré. Ils nous disent aussi dans ce rapport, les proches: «La non-hospitalisation ? c'est à la page 2, si le ministre veut vérifier ? les séjours de courte durée, la complexité des cas, le manque de ressources dans la communauté, la polarisation des budgets vers les services publics, le peu de reconnaissance de l'expertise et le sous-financement des organismes communautaires sont des conditions toutes désignées pour rendre la vie difficile aux membres de l'entourage.»

Il y a lieu pour le gouvernement, particulièrement pour le ministre de la Santé et des Services sociaux, de s'arrêter sur ces passages. Nous pouvons faire de belles paroles, mais ceux-ci, les proches, nous indiquent la voie à suivre. Ce n'est pas l'opposition libérale qui montre le chemin. Ce sont les gens, les proches qui nous disent ce qu'il y a à faire, comment on doit aborder la question.

Il y a, M. le Président, un état d'avancement du plan d'action de décembre 1998. Parce qu'il y avait un plan d'action en décembre 1998 qui avait été lancé et, en février de l'an passé, on en a fait un, état d'avancement, une espèce de bulletin, ni plus ni moins, qui a été dressé à l'égard des services en santé mentale. On peut lire ceci dans ce rapport, qui est un rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux. D'abord, permettez-moi, sur un des titres sur lequel je veux m'arrêter, Le soutien aux familles et aux proches, partie A, Rappel d'éléments du plan d'action. Je vais donc citer ici une partie de l'élément, je dirais l'indicateur: «La famille demeure l'un des principaux milieux de vie des personnes ayant des troubles mentaux graves. Généralement, ce sont les femmes qui jouent le rôle de soignantes ou qui apportent le soutien le plus important. De ce fait, elles devraient, tout comme les autres membres des familles jouant ce même rôle, avoir accès à des services de répit et à des groupes d'entraide. De plus, il faut s'assurer que des ressources soient disponibles pour les parents ayant des difficultés en santé mentale afin qu'ils puissent s'occuper de leurs enfants ou les faire garder en toute sécurité.»

Bulletin: «La tournée du groupe d'appui a révélé que très souvent les familles et les proches investissent auprès de la personne à un point tel qu'ils s'essoufflent, faute de soutien suffisant. De plus, ces familles assument les impacts de la réduction des durées de séjour en centre hospitalier parce que le réseau de services dans la communauté est encore incomplet. Les familles et les proches supportent la période de transition de la transformation et sont bien souvent l'entité responsable à l'égard de la clientèle.» Il me semble qu'il y a là de quoi faire réfléchir.

À la page 37, le ministère, dans son bulletin qu'il se donne lui-même, s'arrête sur le financement de la transformation. «Point a: Rappel des objectifs: l'indicateur, s'assurer du financement de la transition des services actuels vers des services dans la communauté de façon à garantir le succès de la transformation des services de santé mentale ? bulletin dressé par le ministère lui-même. Pour l'heure, le rythme de financement: le budget accordé jusqu'à présent par le ministère pour supporter la transformation, les contraintes et les mécanismes de réaffectation des sommes actuellement investies dans le réseau public ainsi que les capacités du ministère et des régies régionales à dégager des budgets transitoires constituent des freins importants à la transformation des services.»

Remarquez bien, c'est le ministère lui-même qui dit que le problème de la transformation vient du ministère lui-même. On ne peut pas accuser ici l'opposition de démagogie; l'opposition ne fait que citer les documents ministériels.

On continue dans ce document du ministère: «Très peu de régies régionales ont dégagé, à partir des budgets actuellement octroyés aux hôpitaux, des sommes permettant des investissements transitoires ou récurrents dans des services ne relevant pas ou plus de leurs responsabilités. Les compressions budgétaires imposées dans le réseau de la santé et des services sociaux, les déficits budgétaires récurrents des établissements hospitaliers ainsi que l'accroissement des demandes de services psychiatriques sont présentés comme des contraintes limitant significativement la réalisation de ce type de réaffectation.»

Je ne m'arrêterai pas sur la sectorisation, M. le Président, on aurait trop à dire notamment sur le ministre itinérant qui disait que, pour ceux qui n'avaient pas de services, ils n'avaient qu'à suivre le médecin qui quittait le secteur, qui quittait le territoire. Ce n'était pas sa plus brillante citation, mais, comme il ne siège pas encore en Chambre, on aura peut-être l'occasion d'en avoir d'autres de sa part. Mais une chose est sûre: à l'égard des problèmes en santé mentale, à l'égard de cette Semaine que nous tenons à souligner, comment ne pas arrêter quelques minutes sur la question du financement?

De l'autre côté, on va nous dire: Ce n'est pas qu'une question de financement, ce à quoi nous sommes prêts de concéder. Effectivement, ce n'est pas qu'un problème de financement. Il y a des décisions qui sont prises, qui ne tiennent pas compte des ressources dans le milieu, qui n'ont rien à voir avec le financement, c'est vrai. Ça n'empêche pas que ces décisions à l'égard des sujets autres que le financement pourraient être prises. Aucune action ne vient du gouvernement.

Est-ce qu'on doit s'empêcher de regarder la question du financement lorsque le ministère lui-même souligne la question? Est-ce malvenu de la part de l'opposition de s'arrêter sur ce sous-financement à l'égard des services de santé, ce qui inclut les services de santé mentale? Est-ce que, M. le Président, je ferais mon travail si je ne parlais pas de sous-financement? Je me suis posé la question.

J'y ai répondu. Je crois qu'il m'est impossible de ne pas m'arrêter sur un point, celui-ci, que vous connaissez mais que trop peu de gens ne connaissent pas: À force de dire que les sommes sont ailleurs, on oublie de voir que nous en avons ici, et je veux bien admettre que, des sommes, il y en ait ailleurs. Mais je vois aussi les sommes qui sont ici, au Québec, et qui ne sont pas utilisées pour les fins de la santé.

Je vous rappelle, M. le Président, qu'en 1994 le Québec se situait au troisième rang des provinces canadiennes en termes de financement des services de santé. Aujourd'hui, après la gouverne du Parti québécois, nous nous retrouvons à la dixième position sur 10 provinces. Autrement dit, au Québec, nous sommes les derniers en termes de financement des services de santé, ce qui a des conséquences sur le financement des services de santé mentale, forcément.

Nous ne sommes pas les plus pauvres au Canada. Je ne ferais pas de débat si nous étions la province la plus pauvre. Nous sommes la province qui, en termes de richesse relative, arrive au cinquième rang. Comment ne pas poser la question encore une fois aujourd'hui: Pourquoi sommes-nous condamnés à la dernière position?

La politique du Parti québécois est de nous dire qu'il faut attendre les sommes d'Ottawa. Cette politique nous condamne pour l'avenir à rester en dernière position. Parce que, si, d'aventure, Ottawa pouvait prioriser la santé comme nous le souhaitons, elle le ferait à l'égard de toutes les provinces, ce qui entraînerait que nous resterions là où nous sommes aujourd'hui, en dixième position. Nous méritons mieux. En cette Semaine de santé mentale, je pense qu'il serait normal que cette question-là aussi soit entendue et qu'on finance suffisamment les services de santé.

n(15 h 50)n

Enfin, aujourd'hui, et je vais me permettre... Des fois, les gens nous regardent à la télévision, M. le Président, et ils regardent ce qu'on porte et ne savent pas nécessairement ce que cela signifie. Aujourd'hui, la Société québécoise de la schizophrénie était avec nous et nous a permis d'arborer le symbole. L'iris que nous portons est depuis longtemps ? et c'est la Société qui nous remettait cette symbolique ? l'iris est depuis longtemps considéré comme un symbole de confiance, d'espoir et de courage. La Société canadienne de schizophrénie et les sociétés provinciales affiliées ont adopté l'iris comme emblème national, en espérant qu'il soutienne le courage et les espoirs des personnes atteintes de schizophrénie et les membres de leur famille. Je souhaite, M. le Président, que cette journée, cette semaine soit une occasion pour les proches, les personnes atteintes de découvrir une nouvelle écoute, d'espérer un nouveau départ.

Nos espoirs sont que le gouvernement du Québec, aujourd'hui, donne suite à la longue litanie de recommandations qui lui ont été déposées par les experts et fasse en sorte que l'on adopte les positions autres que financières qui doivent être adoptées et sont suffisamment documentées, mais qu'enfin aussi on comprenne que les Québécois méritent mieux que la dernière position dans la santé et que la dernière position en santé mentale. Merci, M. le Président.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Nous sommes aux motions sans préavis. Je cède la parole...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): Oui, merci beaucoup, M. le Président. Je me demandais s'il y aurait consentement pour qu'on puisse procéder immédiatement aux avis touchant les commissions?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il a consentement pour... Il n'y a pas de consentement.

Alors, nous sommes toujours aux motions sans préavis, et je reconnais M. le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'application des lois professionnelles et protecteur du consommateur. M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

Souligner la Journée
internationale des sages-femmes

M. Bergman: Merci, M. le Président. M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin que soit présentée la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée internationale des sages-femmes, qui s'est tenue le dimanche 5 mai dernier.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Boisclair: Consentement un-un.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement un-un? Alors, consentement un-un. M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. À chaque instant et depuis l'aube de l'humanité, à chaque coin de la planète, des femmes, assistées par d'autres femmes, donnent la vie. M. le Président, il est remarquable de constater comment les femmes ont toujours su s'entraider lorsque l'une d'entre elles devait donner naissance et comment elles savent trouver les gestes et les mots pour apaiser et calmer les contraintes et les craintes.

M. le Président, ici, au Québec, les sages-femmes sont arrivées avec les premiers colons français. Elles étaient les descendantes d'une longue ligne de sages-femmes unies par les traditions et unies par leur condition de femme. On assistera graduellement à une réduction du nombre de sages-femmes lorsque les domaines de la médecine et de l'obstétrique prendront place. Mais c'est vers l'année 1970 que les femmes du Québec ont manifesté leur désir de retrouver cette communion du corps, de l'âme et de l'esprit avec une autre femme au moment de leur grossesse et de leur accouchement. Elles ont demandé le retour des sages-femmes. M. le Président, la profession de sage-femme, dont l'existence remonte à la nuit des temps, est reconnue officiellement en juin 1999 par l'adoption, dans cette Assemblée nationale, de la Loi sur les sages-femmes.

La démarche des sages-femmes vers la reconnaissance de leur profession a été longue et difficile, et je ne peux que féliciter leur détermination et leur travail. M. le Président, aujourd'hui, je veux rendre hommage à ces professionnelles de la santé qui aident les mères à accomplir le plus merveilleux geste de la vie, soit la naissance de leur enfant. Pour la sage-femme, l'expérience de la grossesse, de l'accouchement et de la période postnatale constitue un événement sain, naturel et normal. Elle est reconnue comme étant la spécialiste de l'accouchement normal. Pour elle, les femmes enceintes, les mères et les pères possèdent les capacités nécessaires pour mettre au monde leur enfant et en prendre soin; la sage-femme est centrée sur leurs besoins pour mieux y répondre.

Mais qui est vraiment la sage-femme? L'Organisation mondiale de la santé définit ainsi ce qu'est une sage-femme, et je cite: «Une personne qui a suivi un programme de formation reconnu dans son pays, a réussi avec succès les études afférentes et a acquis les qualifications nécessaires pour être reconnue ou licenciée en tant que sage-femme. Elle doit être en mesure de donner la supervision, les soins et les conseils à la femme enceinte, en travail et en période post partum, d'aider lors de l'accouchement sous sa responsabilité et donner les soins aux nouveaux-nés et aux nourrissons. Ses soins incluent des mesures préventives, de dépistage des conditions anormales chez la mère et l'enfant, le recours à l'assistance médicale en cas de besoin et l'exécution de certaines mesures d'urgence en l'absence d'un médecin. Elle joue un rôle important en éducation sanitaire non seulement pour les patientes mais pour la famille et la préparation au rôle de parents et doit s'étendre dans certaines sphères de la gynécologie, de la planification familiale et des soins à donner à l'enfant.» Fin de la citation. On peut donc voir le haut degré d'importance que revêt le rôle de la sage-femme.

En terminant, je veux remercier ces femmes remarquables pour leur support. Et permettez-moi de reprendre les mots de Mme Isabelle Brabant, sage-femme, qui dit, et je cite: «L'accouchement est non seulement une expérience qui arrive aux femmes, elle n'arrive qu'aux femmes et l'accouchement est un événement normal et naturel de la vie des femmes et il leur appartient.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le ministre de la Justice, je vous cède la parole.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. C'est à titre de ministre responsable de l'application des lois professionnelles que j'ai le plaisir de m'associer aux femmes et aux familles qui, le 5 mai dernier, célébraient la Journée internationale des sages-femmes.

M. le Président, lorsque j'ai occupé la fonction de ministre responsable de l'application des lois professionnelles en 1994, le dossier des sages-femmes est un des premiers qui est apparu sur mon bureau. À l'époque, les personnes concernées et intéressées travaillaient pour qu'on puisse constituer un ordre professionnel, celui des sages-femmes, afin de pouvoir exercer cette fonction-là dans la société. Nous avons donc procédé, mon collègue de la Santé et député de Charlesbourg et moi-même, comme ministre responsable de l'application des lois professionnelles, à la constitution de projets-pilotes afin de voir comment tout ça pouvait fonctionner et si on pouvait trouver des terrains où tout le monde se sentirait à l'aise de travailler.

Alors, pendant quelques années, on a eu de tels comités, des rapports ont été faits, ils ont été positifs, et finalement ma collègue la députée de Chaudière-Appalaches... pardon, de Lévis, Linda Goupil, a pu faire adopter la loi, au mois de juin 1999, créant l'Ordre professionnel des sages-femmes. Et, depuis ce temps, elles peuvent, dans des maisons de naissance, donner naissance à des enfants, comme elles le désirent. Cependant, je dois mentionner que ceci n'est pas la totalité de ce que les sages-femmes reconnaissent être. Elles sont évidemment bien sûr satisfaites que leur ordre professionnel existe, qu'elles puissent exercer dans ces maisons de santé ou encore dans les hôpitaux, mais elles désirent plus. Ce qu'elles désirent, c'est qu'on puisse faire des naissances dans les résidences, à domicile, ce que la loi actuellement autorise seulement cependant le jour où un règlement sera adopté l'encadrant.

n(16 heures)n

Alors, M. le Président, il reste donc du travail à faire afin d'en arriver à l'adoption de ce règlement-là, mais déjà il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites. Et ça, je pense qu'on doit le dire à toutes celles qui ont travaillé à la création, à la constitution et à la reconnaissance de l'Ordre des sages-femmes, le travail remarquable qu'elles ont accompli. Et je souhaite que le travail puisse se continuer entre elles et tous ceux et celles qui sont concernés, que ce soient les hôpitaux, les médecins, etc., pour qu'on en arrive à pouvoir adopter un règlement qui permettrait à des femmes de choisir d'accoucher dans des conditions différentes de celles que l'on connaît depuis déjà maintenant des dizaines d'années, c'est-à-dire l'accouchement à l'hôpital, et elles puissent le faire de manière telle que la sécurité de la mère comme la sécurité de l'enfant à naître soient assurées par des conditions qui seront établies non pas par moi, mais établies par les gens dans ce métier, de sorte qu'on puisse assurer tout le monde qui choisiront cette voie qu'elles puissent le faire de manière sécuritaire et aussi faire en sorte que la santé publique soit bien respectée.

Alors, M. le Président, je suis content de souligner cette Journée et je souhaite à toutes les sages-femmes et à toutes celles qui désirent accoucher par le biais ou l'intermédiaire d'une sage-femme bonne santé et bonne vie.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 54, Loi portant réforme du Code de procédure civile, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 77, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les municipalités régionales de comté, aujourd'hui, de 16 h 30 à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 8 mai 2002, de 9 h 30 à midi trente, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine;

Que la commission de l'éducation poursuivra les consultations particulières à l'égard du projet de loi n° 66, Loi modifiant la Loi sur les élections scolaires, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 16 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 65, Loi budgétaire n° 1 donnant suite au discours sur le budget du 29 mars 2001, demain, le mercredi 8 mai 2002, de 9 h 30 à midi trente, à la salle Louis-Joseph-Papineau; et enfin

Que la commission des transports et de l'environnement poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 72, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives relativement à la protection et à la réhabilitation des terrains, demain, le mercredi 8 mai 2002, de 10 heures à midi trente, à la salle du Conseil législatif.

Décision du président sur la question
de règlement concernant le retrait du feuilleton
d'une question demeurée sans réponse

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, je vais rendre ma décision à l'égard de la question soulevée le 1er mai par le député de Richmond ainsi que par le leader de l'opposition officielle concernant la réponse du gouvernement à la question écrite adressée au ministre de l'Éducation et au ministre de la Santé et des Services sociaux au sujet des dépenses relatives aux travaux d'enlèvement de l'amiante dans les édifices publics.

Cette question, qui portait le n° 43 au moment où elle était inscrite au feuilleton, a été retirée du feuilleton à la suite d'une réponse déposée par le leader du gouvernement le 26 mars 2002. À la séance du 1er mai, à l'occasion d'un rappel au règlement soulevé à l'étape des affaires courantes prévue pour les renseignements sur les travaux de l'Assemblée, le député de Richmond et le leader de l'opposition officielle ont soutenu que la question n'aurait pas dû être retirée du feuilleton, puisque la réponse à cette question ne contenait que la partie adressée au ministre de l'Éducation et non celle adressée au ministre de la Santé et des Services sociaux.

L'article 314 du règlement prévoit que les règles relatives aux questions orales s'appliquent aux questions écrites. Or, l'article 81 du règlement prévoit qu'aucun rappel au règlement ne peut être fondé sur l'opinion que la réponse à une question posée à un ministre est insatisfaisante. De même, l'article 82 du règlement prévoit qu'un ministre peut refuser de répondre à une question pour différents motifs non exhaustifs qui y sont énumérés. Cet article a une portée très large, puisque le président Saintonge a déjà décidé, et je cite: «Un ministre peut toujours refuser de répondre à une question et il n'est pas permis à un député d'insister pour avoir une réponse. Un ministre peut refuser de répondre sans donner de motif, en donnant un motif ou en ne disant rien. Le président ne peut obliger qui que ce soit à répondre à une question.» Fin de la citation.

Au surplus, on sait très bien que le gouvernement peut répondre aux questions par l'entremise du ministre qu'il délègue. Il découle de ce qui précède que la présidence, sous réserve des dispositions de l'article 79 du règlement, ne peut s'immiscer dans le contenu d'une réponse et ne peut exiger qu'un ministre réponde à une question et ne peut décider quel ministre doit répondre.

Cela dit, le dépôt par le leader du gouvernement d'un document qu'il identifie comme étant la réponse à la question 43 serait, en principe, suffisant pour retirer la question du feuilleton, et ce, peu importe le contenu de la réponse. Toutefois, en l'espèce, la situation est un peu particulière. La question du député de Richmond s'adressait à deux ministres et elle aurait dû faire l'objet d'une question particulière adressée à chaque ministre. C'est pourquoi, après discussion avec le leader parlementaire, la question sera inscrite à nouveau au feuilleton en y enlevant les aspects qui s'adressaient au ministre de l'Éducation. Toutefois, comme je viens de le mentionner, il s'agit d'une situation particulière qui ne changera rien à l'état du droit parlementaire sur la question.

La question qui sera inscrite au feuilleton se lit comme suit: À la suite du rapport effectué par le comité aviseur du ministre de la Santé et des Services sociaux sur l'exposition à l'amiante au Québec dans les édifices publics, quelles ont été les dépenses encourues à ce jour par le ministre de la Santé et des Services sociaux et par les établissements de santé pour les travaux d'enlèvement de l'amiante dans les édifices publics? Quelles sont les prévisions de dépenses par la suite de ces travaux d'enlèvement de l'amiante dans les édifices publics?

M. le député de Richmond.

M. Vallières: ...M. le Président. D'abord, je me réjouis de la sagesse de votre décision. Compte tenu que la question dont on parle qui était répondue partiellement, puisque le ministre de l'Éducation y avait répondu et non pas le ministre de la Santé et des Services sociaux, est-ce que le leader du gouvernement est en mesure de nous indiquer, de nous faire part des délais prévisibles pour que le ministre de la Santé et des Services sociaux apporte réponse à la question qui a été posée et qui apparaîtra à nouveau au feuilleton?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): M. le Président, à la question du député, je ne suis pas en mesure de répondre très précisément. Mais, connaissant le ministre, je suis sûr que la réponse arrivera avec diligence.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ceci met fin à ce débat.

Je vous informe que le projet de loi qui était inscrit aux nouveaux préavis au feuilleton du jeudi 2 mai 2002 au nom du ministre de l'Environnement a été retiré à la demande de ce dernier, et ceci, conformément à un «private ruling» que le président Saintonge a rendu le 26 novembre 1992.

Je vous informe également que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Cette motion se lit comme suit:

««Que les gouvernements du Canada et du Québec assument pleinement leurs responsabilités respectives dans le dossier de la crise du bois d'oeuvre affectant l'industrie forestière québécoise, ses travailleurs et les régions du Québec.»

Je vous informe également que la présidence a reçu dans les délais requis deux demandes de débats de fin de séance. Un premier à la demande de M. le député de Châteauguay suite à une question qu'il a posée aujourd'hui au ministre de la Santé et des Services sociaux, à savoir: Combien de nouveaux lits aux étages seront mis à la disposition des malades qui attendent depuis plus de 48 heures aux urgences?

Et une demande de débat de fin de séance de Mme la députée de Mercier suite à une question qu'elle a posée au ministre de l'Éducation concernant l'insuffisance des ressources mises à la disposition des jeunes homosexuels et lesbiennes dans nos écoles secondaires.

Ces deux débats de fin de séance auront lieu après les affaires du jour, à 18 heures. Ceci met fin... Oui?

M. Simard (Montmorency): Je vous demanderais d'appeler l'article...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Woop! Un instant! Ceci met fin aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée... Ceci met fin à la période des affaires courantes.

Affaires du jour

Nous allons passer maintenant aux affaires du jour, et là je vais vous reconnaître, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Simard (Montmorency): Merci, M. le Président. Veuillez pardonner mon empressement. Vous savez à quel point on est intéressé par nos travaux. Donc, je vous demanderais d'appeler l'article 31.

Projet de loi n° 14

Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 31, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

Alors, M. le ministre du Revenu, je vous cède la parole.

M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je soumets à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 14 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels en vue de son adoption.

Le projet de loi n° 14 a été présenté le 15 mai 2001. Il a fait l'objet d'une consultation particulière le 21 août 2001, et le principe a été adopté le 18 décembre 2001. La commission des finances publiques en a fait l'étude détaillée les 23, 24 et 29 janvier, le 21 février ainsi que les 14, 26 et 27 mars et a adopté 38 des 39 articles du projet de loi.

Des amendements ont été adoptés afin de modifier 15 articles, d'y ajouter un nouvel article et d'en retirer un. Une motion de rénumérotation a été adoptée afin de tenir compte de l'ajout de cet article. Le rapport de la commission a été déposé le 28 mars 2002.

n(16 h 10)n

Alors, M. le Président, ce projet de loi modifie plusieurs lois dont la Loi sur le ministère du Revenu et la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Alors, pour bien comprendre le contexte dans lequel a vu le jour le projet de loi n° 14, rappelons-nous que, le 29 décembre 1999, l'honorable Jean Moisan déposait auprès du gouvernement son rapport intitulé Rapport de la commission d'enquête sur des allégations relatives à la divulgation de renseignements fiscaux et de nature confidentielle. Ce rapport énonçait neuf recommandations et, dès la mi-janvier 2000, mon prédécesseur, c'est-à-dire l'actuel ministre de la Justice, souscrivait à chacune d'elles.

Une des recommandations concernait la nécessité de réviser les dispositions législatives portant sur la confidentialité des renseignements fiscaux pour faire en sorte que ces dispositions soient rendues plus claires et non équivoques par rapport à celles prévues à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Une autre des recommandations voulait que la consultation non autorisée de renseignements fiscaux devienne une infraction spécifique à la Loi sur le ministère du Revenu.

C'est dans cette foulée, M. le Président, que j'ai déposé à l'Assemblée nationale, le 15 mai dernier, un projet de loi qui donne suite à ces deux recommandations et qui complète à cet égard les engagements pris par le gouvernement. Par ailleurs, à l'occasion du discours inaugural du 22 mars 2001, le premier ministre faisait état de la volonté du gouvernement d'accroître la lutte au crime organisé. Le projet de loi n° 14 traite aussi ce volet. Comme vous le savez, la protection des renseignements personnels est une des valeurs fondamentales de notre société. En matière fiscale, j'oserais dire qu'elle est encore plus nécessaire qu'en d'autres domaines, car le secret fiscal est le fondement même des régimes fiscaux comme le nôtre, régime sur lequel repose ce qu'on appelle l'autocotisation. Au Québec, M. le Président, c'est pratiqué par 96 % des contribuables.

Ainsi, M. le Président, je suis heureux d'annoncer dans un premier temps que le projet de loi présenté vise à clarifier et à préciser les dispositions relatives à la protection des renseignements fiscaux prévues par la Loi sur le ministère du Revenu. En ce sens, il vise à clarifier le chevauchement de deux législations en matière de protection des renseignements personnels, soit la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur le ministère du Revenu.

Dans cette perspective, ce projet de loi maintient un régime spécifique au secret fiscal, lequel s'impose en raison de la nature des renseignement fiscaux et de la diversité des clientèles auxquelles s'appliquent les lois fiscales. Ce projet de loi a donc pour effet de maintenir dans la Loi sur le ministère du Revenu un régime spécifique, clair et précis régissant la protection des renseignements fiscaux. Quant à la loi sur l'accès, elle continue de s'appliquer aux renseignement fiscaux, mais à titre supplétif, c'est-à-dire dans la mesure où il n'existe aucune disposition législative dans la Loi sur le ministère du Revenu qui s'applique à la situation. En ce sens, M. le Président, il n'y aura plus de chevauchement ni de conflit de lois, éliminant ainsi l'ambiguïté quant à savoir quelle loi s'applique à une situation donnée en matière de protection de renseignements fiscaux. Il s'agit là, faut-il le rappeler, de la concrétisation de recommandations faites notamment par la commission Moisan.

De plus, pour permettre au ministère d'administrer les lois qui lui sont confiées, la loi prévoira que les renseignements fiscaux pourront être utilisés pour l'application des lois et programmes non fiscaux confiés à ce dernier, par exemple la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires, le Programme allocation-logement et le programme APPORT.

Dans cette perspective, le projet de loi prévoit également la possibilité d'utiliser les renseignements afin de réaliser des sondages ayant pour objet de connaître les attentes des citoyens et des citoyennes du Québec, mais aussi leur satisfaction à l'égard des lois et programmes relevant de l'administration du ministre du Revenu.

À cet égard, un plan triennal des sondages qui seront effectués et qui impliquent l'utilisation des renseignements fiscaux sera dressé et soumis à la Commission d'accès à l'information pour avis. Au surplus, un rapport annuel sur les sondages effectués sera préparé et soumis à la Commission d'accès à l'information, toujours pour avis.

M. le Président, le projet de loi introduit aussi quelque chose de fondamental qu'on appelle la notion de «dossier fiscal» d'une personne. Ce dossier, qui est confidentiel, sera constitué des renseignements que le ministre détient au sujet d'une personne pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale. La notion de «dossier fiscal» d'une personne que le projet de loi introduit est particulièrement intéressante comme mesure de clarification. En effet, je crois que cette notion est plus susceptible d'être comprise par les Québécoises et les Québécois que la notion de «renseignement fiscal», puisque ceux-ci sont déjà familiers avec, par exemple, la notion du «dossier fiscal». Donc, c'est le même sens qu'on apporte au mot «dossier».

Je suis également convaincu que l'introduction de cette notion, à savoir le «dossier fiscal», facilitera le traitement des dossiers au sein du ministère du Revenu ainsi que l'accessibilité aux renseignements fiscaux ou leur communication à des personnes autorisées. Cette notion de «dossier fiscal» est plus claire parce qu'elle comprend tous les renseignements que le ministre détient au sujet d'une personne pour l'application ou l'exécution d'une loi fiscale, et ce, sous quelque forme que ce soit. Par exemple, sur support papier ou sur support informatique.

Cette clarification des renseignements que le ministre détient vise à éliminer le doute qui a pu être soulevé dans le passé, notamment dans le cadre des travaux de la commission Moisan sur le caractère confidentiel des renseignements qui sont générés par le ministère du Revenu dans le cadre du traitement d'un dossier d'une personne, par exemple, l'émission de mises en demeure.

Une autre clarification vise à corriger une certaine ambiguïté relative aux renseignements recueillis lors d'enquêtes administratives concernant les allégations de consultation non autorisée de renseignements fiscaux par des fonctionnaires. Ce projet de loi vient également préciser les règles applicables concernant l'accessibilité à ce dossier fiscal au sein du ministère du Revenu.

En ce qui concerne la communication des renseignements fiscaux, le projet de loi prévoit, dans un premier temps, un droit d'accès spécifique pour la personne à son dossier fiscal ainsi que les modalités d'exercice de ce droit. Il prévoit également que le ministère ne pourra communiquer les renseignements fiscaux à des tiers que si la Loi sur le ministère du Revenu le prévoit expressément.

À titre d'exemple, M. le Président, le projet de loi introduit des règles claires et précises concernant la communication de renseignements fiscaux, notamment lors de l'octroi de contrats de services. Ainsi, je tiens à souligner que l'octroi de ces contrats sera rigoureusement gouverné par des règles strictes relatives aux renseignements fiscaux, règles de protection qui, je me permets de le rappeler, sont beaucoup plus exigeantes que celles prévues par la Loi sur l'accès.

En effet, M. le Président, les personnes à qui les contrats seront confiées seront assujetties à neuf obligations strictes prévues par la loi. Par exemple, mentionnons l'existence, premièrement, d'un engagement de confidentialité signé par toute personne à qui un renseignement peut être communiqué, sauf dispense du sous-ministre; deuxièmement, l'obligation de n'utiliser le renseignement que pour les fins de l'exécution du contrat; et, troisièmement, l'obligation de ne pas transporter de renseignements à l'extérieur des locaux du ministère du Revenu lorsque le contrat est exécuté dans les locaux de celui-ci. Comme on peut le constater, M. le Président, les mesures de protection introduites par le projet de loi sont beaucoup plus nombreuses et exigeantes que celles prévues par la Loi sur l'accès.

Dans la même veine, je tiens à souligner que des contrats qui seront octroyés par les organismes et autres ministères de la fonction publique québécoise, qui auront reçu des renseignements fiscaux conformément aux règles de communication prévues par la Loi sur le ministère du Revenu et qui impliqueront l'accès à des renseignements fiscaux, seront assujettis aux présentes obligations légales, et ce, au même titre que si le contrat avait été octroyé par le ministère du Revenu. Ces nouvelles mesures du projet de loi n° 14 me permettent de dire que la protection des renseignements fiscaux sera très bien encadrée lors de l'octroi de tels contrats.

n(16 h 20)n

Alors, M. le Président, le projet de loi n° 14 introduit de nouvelles dispositions visant à intensifier la lutte au crime organisé. Plus particulièrement, il introduit une disposition qui permet à un fonctionnaire du ministère du Revenu autorisé par règlement de communiquer un renseignement contenu dans un dossier fiscal à un membre d'un corps de police. Cependant, M. le Président, une telle communication ne se fait pas sans contrôle préalable. Ainsi, elle ne peut être faite que suite à une autorisation judiciaire et uniquement dans des conditions très précises, expressément prévues par la loi. Le projet de loi précise que le ministère du Revenu aura l'obligation d'informer annuellement les contribuables notamment à l'égard de l'usage des renseignements qu'il recueille et de leur accessibilité.

De plus, le projet de loi crée une infraction spécifique pour la consultation non autorisée de renseignements contenus dans un dossier fiscal. Ainsi, M. le Président, si vous me permettez cette expression, le voyeurisme dans les dossiers fiscaux entraînera dorénavant une sanction pénale en plus des autres sanctions administratives qui sont déjà en application. Le projet de loi va prévoir également une infraction à l'égard d'une communication ou d'une utilisation non autorisée d'un renseignement fiscal confidentiel.

Enfin, le projet de loi modifie la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels de manière à ce que cette loi, tout en préservant son caractère prépondérant, ne limite pas la protection accordée aux renseignements fiscaux par la Loi sur le ministère du Revenu. Ainsi, lorsque la protection accordée aux renseignements fiscaux par la Loi sur le ministère du Revenu sera supérieure à celle prévue par la Loi sur l'accès, c'est la Loi sur le ministère du Revenu qui aura priorité.

En conclusion, je demande donc à cette Assemblée, M. le Président, de bien vouloir adopter le projet de loi n° 14 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre du Revenu. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels. Et je reconnais la porte-parole de l'opposition officielle en matière de revenu et députée de Beauce-Sud. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Alors, merci, M. le Président. Nous en sommes finalement aujourd'hui à l'adoption finale du projet de loi n° 14. Ça faisait maintenant près de deux ans que nous attendions le projet de loi promis pour la session printanière de l'année 2000, promesse qui avait été faite par le ministre du Revenu de l'époque, qui est aujourd'hui le premier ministre désigné du Québec. Alors, ce projet de loi avait pour but de corriger des lacunes dans la protection des renseignements fiscaux, lesquelles lacunes, rappelons-le, avaient eu pour conséquence la démission de l'ex-ministre du Revenu et députée de Rosemont, Mme Rita Dionne-Marsolais, le 28 avril 1999.

En ce qui concerne, M. le Président, le coeur du projet de loi n° 14, soit l'article 69 de la Loi sur le ministère du Revenu du Québec, qui traite justement des renseignements confidentiels, le gouvernement a créé, bon an, mal an, 15 nouvelles exceptions à la communication des renseignements obtenus dans l'application d'une loi fiscale. Donc, le gouvernement s'autorise, par le passé jusqu'à aujourd'hui, à divulguer... à faire outre, à passer outre au secret fiscal à 15 occasions. Est-ce que le projet de loi n° 14 vient en diminuer le nombre? Eh bien, M. le Président, la réponse est non. Il semble bien que le gouvernement prend les moyens pour qu'on ne parle plus de fuite de renseignements fiscaux, puisque ces renseignements pourront être transmis à une multitude de personnes travaillant dans 17 organismes et ministères et autres gouvernements.

Pourtant, les informations confiées au ministère du Revenu du Québec le sont sur la base du secret fiscal, et la protection des renseignements confidentiels devient donc essentielle au maintien de la relation de confiance qui doit exister entre le ministère du Revenu du Québec et les citoyens. Et il faut se rappeler que c'est là-dessus, sur cette confiance, que repose notre système d'autocotisation.

Alors, ces renseignements-là sont transmis sans que la personne concernée ait donné son consentement et pour toutes sortes de raisons: par exemple, transmission de données à des firmes de sondage privées pour des études sur des impacts psychosociaux, ou encore pour tenir des statistiques ou mesurer la satisfaction de la clientèle; finalement, à toutes fins pratiques et pour toutes les raisons que le gouvernement juge opportun.

Ainsi, M. le Président, il pourra y avoir communication de renseignements dans les situations suivantes... On parle bien d'un projet de loi, là, qui a pour titre, pourtant, la protection des renseignements confidentiels. Mais le ministère pourra transmettre des renseignements à un contribuable qui a fourni le renseignement ou à son représentant et au contribuable qui est concerné par ce renseignement, et il va de soi que cet article-là ne nous cause pas de problème; dans le cadre également de procédures judiciaires ou quasi judiciaires mais uniquement dans la mesure prévue à l'article 69 et auprès des tribunaux qui sont énumérés à cet article-là de la loi, pour l'application de l'entente internationale visant la taxe sur les carburants et lorsqu'il est raisonnable de considérer que la communication est nécessaire à l'application ou à l'exécution d'une loi fiscale à l'égard de la personne concernée ? on sait que le ministère du Revenu, par exemple, gère de nombreux programmes sociaux, et ces informations-là lui sont nécessaires; à un ministère, un organisme du gouvernement ou encore à un ministère ou un organisme du gouvernement du Canada, à un membre de la Sûreté du Québec ou d'un corps de police municipale désigné par une ordonnance de la Cour du Québec, mais uniquement aux fins d'une enquête relative à une infraction de criminalité organisée ou à une infraction désignée au sens de l'article 462.3 du Code criminel; enfin, aux 17 organismes que je vous parlais tantôt et qui sont énumérés à l'article 69.1 de la Loi sur le ministère du Revenu et à tout organisme public dans le cadre de l'application, de l'affectation ou de la compensation fiscale.

Alors, voici donc, M. le Président, pour vous donner un aperçu de l'ampleur finalement des renseignements qui peuvent être transmis par le ministère du Revenu à différents organismes. Alors, les voici, les 17 organismes: il y a le Contrôleur des finances; il y a le Vérificateur général; il y a le ministre des Finances; tout fonctionnaire employé ou préposé d'un organisme public; le ministre des Ressources naturelles, la Commission des normes du travail, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité, le Protecteur du citoyen, l'Institut de la statistique du Québec, le ministre des Affaires municipales et de la Métropole, la Régie de l'assurance maladie du Québec, la Régie des rentes du Québec, le ministre de l'Éducation, la Commission des transports du Québec, la Régie de l'énergie; un ministre ou un organisme à qui incombe la responsabilité de rendre une décision ou encore de délivrer une attestation, un certificat ou un visa ou un autre document semblable pour l'application d'une loi fiscale, par exemple pour l'application des nombreux crédits d'impôt qui sont accordés aux entreprises dans le cadre de la Cité du multimédia, du commerce électronique, des centres de développement des technologies de l'information, les carrefours de la nouvelle économie. Alors, ce sont différents organismes par lesquels les informations fiscales pourront transiger.

Mais il y a également un autre gouvernement avec lequel une entente a été conclue pour l'échange de renseignements ou de documents obtenus en vertu d'une loi fiscale et en vertu d'une loi de cet autre gouvernement imposant des droits.

n(16 h 30)n

Alors, je veux vous rappeler, M. le Président, que tous ces renseignements-là sont transmis sans que la personne concernée n'ait donné son consentement. Et là c'est très critique parce qu'on se rend compte que, de plus en plus, le secret fiscal est érodé, qu'il n'existe à peu près plus. Donc, ça fait beaucoup de monde à qui le ministre permet de transmettre de l'information personnelle et confidentielle. Et d'ailleurs je me demande toujours, je me demande encore la question: Pourquoi le titre du projet de loi est intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu du Québec relativement à la protection des renseignements confidentiels, alors que tout au long du projet de loi le ministre s'autorise à passer outre à ce secret fiscal? Et, pendant que le ministère restreint la portée du secret fiscal, bien, il continue d'affirmer quand même que le secret fiscal, c'est primordial pour l'État québécois puis pour la population qui paie des taxes et des impôts.

Voici ce que nous disait... Parce qu'on a tenu des consultations au cours de l'étude de ce projet de loi là deux fois plutôt qu'une: une fois au mois d'août 2001 et une fois en janvier 2002. Voici ce que nous disait Me Marc Sauvé, du Barreau du Québec, à ce sujet lors des consultations. Il disait, je le cite: «Les exceptions sont si nombreuses que le principe du consentement prend l'allure ici d'une exception dans le régime proposé.» Or, finalement le titre du projet de loi aurait probablement dû être modifié pour s'appeler Loi permettant au ministère du Revenu de divulguer des informations à différents corps, organismes ou ministères.

Donc, le maintien de cette relation de confiance, je vous le disais, dépend justement de la capacité du ministère du Revenu à assurer ce respect du secret fiscal. Et, dans un avis que la Commission d'accès à l'information nous faisait parvenir concernant le rapport du Comité d'examen sur la gestion des renseignements confidentiels au ministère du Revenu ? c'était daté du 5 octobre 1999 et ça faisait suite au dépôt du rapport de la commission Moisan dont le ministre nous a fait part tantôt ? alors, la Commission d'accès à l'information insistait pour dire que la possibilité de recueillir des renseignements personnels est maintenant illimitée, avec le développement des technologies de l'information et des communications, et que finalement seules les barrières que le législateur impose ou celles que les organismes se fixent eux-mêmes constituent un frein à la cueillette de renseignements.

Et, lors des consultations particulières du projet de loi n° 14, la présidente de la Commission d'accès à l'information est venue nous dire ceci, et je la cite. Elle disait: «Il existe, par le fait même, une importante menace, une importante possibilité d'intrusion dans la vie privée, et il y a de moins en moins d'obstacles technologiques qui empêchent la cueillette de renseignements personnels, d'où la pertinence et l'urgence de revoir les règles du secret fiscal aujourd'hui et dans ce projet de loi.» Les nombreux mandats de gestion du ministère du Revenu du Québec dans l'administration des programmes sociaux et économiques à caractère fiscal que lui confie le gouvernement font du ministère du Revenu un détenteur de mégafichiers fiscaux et personnels, qu'on appelle communément le Big Brother. Voilà pourquoi, en tant que législateurs, il nous faut être très prudents lorsque l'on aborde ce projet de loi.

Il faut savoir, M. le Président, que tous les citoyens du Québec, dans toutes les régions, sont préoccupés par la protection des renseignements qu'ils confient à l'État à leur sujet. Ces préoccupations, nous les retrouvions lors des consultations particulières que nous avons tenues une première fois avant l'adoption du principe, en août 2001, puis les 24 et 29 janvier derniers. Plusieurs groupes sont venus en commission parlementaire exprimer leurs inquiétudes par rapport au projet de loi n° 14. Ces inquiétudes rejoignent celles exprimées par les membres de l'opposition officielle.

Et voici, en gros, les objections que nous avons soulevées et celles pour lesquelles nous demandions des amendements. Bon. D'abord, on crée de nouvelles exceptions au secret fiscal. Il y en avait déjà beaucoup, et on en a créé 12 de plus qu'en 1993. Et, avec le projet de loi n° 14, bien, on en crée encore de nouvelles.

De plus, le projet de loi n° 14, dans sa première version, permettait à des fonctionnaires de transmettre des informations personnelles à des corps policiers sans le consentement de la personne concernée et sans obtenir au préalable l'accord d'un juge. Alors, on sait qu'après les nombreuses pressions exercées par les membres de l'opposition officielle et les récriminations qui ont été formulées par les groupes qui sont venus en commission parlementaire, le ministre a reculé sur ce point, c'est-à-dire qu'il pourra toujours y avoir communication de renseignements à des corps policiers, mais le ministre devra au préalable obtenir l'accord d'un juge.

De même, un autre aspect qui nous fatigue un peu dans ce projet de loi, c'est la sous-traitance dans les contrats accordés par le ministère du Revenu à des firmes externes. Nous, on trouve que ce n'est pas assez balisé.

Un autre point que nous avons soulevé, c'est l'insuffisance des amendes pour les fonctionnaires qui seraient pris en défaut de consulter des dossiers fiscaux sans y avoir droit ou de transmettre illégalement de tels renseignements. Par ailleurs, nous avions évoqué que l'accès du ministre aux dossiers fiscaux ne devait pas se faire sans que les règles établies par ce dernier n'aient fait d'abord l'objet d'un avis de la Commission d'accès à l'information. En fait, le fait d'amnistier le ministère du Revenu sur tous les contrats accordés par le passé, bien, ça nous chatouille beaucoup.

Donc, finalement, avec tout ce que je vous dis là, toutes les objections que nous avions soulevées, nous considérions que le ministre devait refaire ses devoirs avant de rappeler le projet de loi en étude détaillée, en commission parlementaire. C'est ainsi que le 21 février suivant, lors de la reprise des travaux de la commission des finances publiques, le ministre faisait une déclaration dans laquelle il s'engageait à déposer de nouveaux amendements pour tenir compte des opinions recueillies lors des consultations particulières des 24 et 29 janvier 2002.

Voici ce que nous disait le ministre dans cette déclaration, et je le cite. Il disait: «Je suis en faveur du durcissement des mesures visant à combattre le crime organisé mais pas au détriment de la protection des renseignements personnels.» Il continue en disant: «Malgré plusieurs aspects favorables, je n'ai pas été pleinement convaincu de l'option qui consistait, même dans un cadre très contrôlé, à transmettre des informations sans avoir à obtenir l'autorisation préalable d'un juge. Par conséquent, je vous informe aujourd'hui que j'ai l'intention de proposer les amendements nécessaires afin d'introduire l'obligation pour le ministère du Revenu à obtenir l'aval d'un juge, et ce, même dans le contexte d'actions ciblées visant à combattre le crime organisé.» Alors, nous avions réussi, par là, M. le Président, à faire reculer le ministre sur un point que nous considérions primordial et très important afin de pouvoir préserver la vie privée des Québécois et des Québécoises.

Il faut savoir, M. le Président, qu'en dépit de l'arsenal de moyens déployés par le ministère du Revenu pour protéger les renseignements fiscaux qu'il détient sur les 5,4 millions de contribuables québécois, il n'est pas à l'abri, on le sait et comme on l'a encore appris ce printemps dernier, de la curiosité de ses employés. Or, que ce soit pour vérifier le dossier d'une vedette ou encore de fonctionnaires engagés dans une chicane de divorce et qui en profitent pour consulter le dossier de leur ex, eh bien, ces renseignements obtenus sans y avoir droit, vous en conviendrez, peuvent porter préjudice à ceux et celles qui font l'objet de cette vérification illégale.

Or, on sait que Revenu Québec a congédié 17 employés entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2001 pour avoir consulté des banques de renseignements confidentiels sans y avoir droit. Et, M. le Président, seulement au cours de la dernière année, 99 employés, 99 employés, ont fait l'objet d'une enquête et ont reçu des sanctions ou ont fait l'objet de mesures punitives. Bien, il s'agit d'une augmentation de 200 % par rapport à l'année 1999. Alors, est-ce qu'on est en situation de contrôle, M. le Président? Bien non.

n(16 h 40)n

J'ai souvent déploré que les actes répréhensibles se répétaient en raison de la légèreté des sanctions accordées. Vous savez, on a beau dire, là, qu'on va suspendre un employé pour un jour, deux jours, une semaine, mais il n'y a pas de pénalité, des amendes payantes qui sont infligées à ces gens-là, dans la plupart des cas. Le projet de loi n° 14 vise donc à prévoir des sanctions pénales graves, au dire du ministre, selon le communiqué de presse qu'il a émis le 15 mai 2001. Or, le projet de loi mentionne que les fonctionnaires qui consulteront un dossier fiscal sans y avoir droit seront passibles d'une amende d'au moins 200 $ et d'au plus 1 000 $ et, en cas de récidive, d'une amende d'au moins 1 000 $ et d'au plus 5 000 $. Bien, entre nous, M. le Président, est-ce qu'une amende de 200 $ est suffisante pour dissuader un fonctionnaire de consulter le dossier de son ex, alors que cette consultation-là, de toute évidence, est susceptible de lui rapporter beaucoup plus?

À mon avis, si le gouvernement avait vraiment voulu donner un coup de barre et démontrer sa réelle détermination à mettre un frein à ces infractions au secret fiscal, bien, il aurait haussé de beaucoup la somme des amendes prévues à l'article 26 du projet de loi n° 14. Voici d'ailleurs ce que nous disait Me Yvon Duplessis, du Barreau du Québec, lors des consultations. Je le cite, il disait: «Je me sens, en tant que contribuable, un peu [...] floué avec la masse de documents qui est détenue par le ministère. Je veux dire, Big Brother[...]. Je comprends qu'il y a des amendes qui sont prévues à la fin, mais des fois l'appât du gain est plus important que l'amende que l'on a à payer et peut-être même du congédiement alors qu'on sait fort bien qu'on sera réengagé avec une augmentation de salaire» dans quelques mois. Il ajoute: «On a tous le sentiment que certaines modalités ou certaines dispositions de ce projet de loi auraient avantage a être resserrées. Par exemple, j'ai de la difficulté parfois à saisir comment il est nécessaire de donner accès à des renseignements sous forme nominative pour faire de la recherche.» Toujours sans le consentement de la personne concernée, M. le Président.

Et encore selon le Barreau du Québec, et je cite, «il y a la question d'insuffisance des amendes ou des peines». Alors, eux autres aussi, ils sont d'accord avec nous, l'opposition officielle. Il poursuit en disant: «Le montant minimum de 200 $ prévu comme pénalité à l'article 71.3.1 proposé est trop faible et ne constitue d'aucune manière un élément dissuasif.» Selon le Barreau, cette amende devrait être d'au moins 1 000 $ et d'au plus 10 000 $ et, en cas de récidive, d'au moins 10 000 $ et d'au plus 20 000 $. Les autres pénalités prévues à l'article 71.3.2 devraient donc être réajustées en conséquence. Alors, moi, M. le Président, je vais vous dire qu'en commission parlementaire j'ai proposé au ministre d'augmenter ces amendes-là et j'ai eu une fin de non-recevoir.

La question qu'il faut se poser, c'est la suivante: Est-ce que ce nouveau cadre juridique, le projet de loi n° 14, sera de nature à rehausser le niveau de confiance entre le ministère du Revenu et les citoyens du Québec ou, plutôt, est-ce que ce nouveau cadre juridique n'a que pour objet de faciliter la tâche à une administration gouvernementale de plus en plus omniprésente dans la vie des citoyens du Québec? Eh bien, M. le Président, quand je regarde le titre du projet de loi qui parle de la protection des renseignements confidentiels, eh bien, je me demande de quelle protection il s'agit. Celle du ministère du Revenu? Sans doute. Celle du contribuable québécois, qui aimerait qu'on respecte un peu plus sa vie privée? Eh bien, là, permettez-moi d'en douter.

Vous comprendrez que les membres de l'opposition officielle et les organismes qui se sont fait entendre en commission ont dû travailler très fort pour convaincre le ministre d'apporter des amendements substantiels au projet de loi. Bien entendu, vous aurez compris que le ministre a fait un grand pas dans la présentation de son projet de loi mais qu'il aurait pu faire encore mieux s'il s'était rendu aux arguments proposés par l'opposition officielle.

En terminant, M. le Président, je profite de l'occasion qui m'est offerte ici aujourd'hui pour remercier les groupes qui ont accepté de se présenter aux consultations particulières à deux reprises et qui ont tout mon respect. Il s'agit de la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le Barreau du Québec, la protectrice du citoyen et l'Association pour la protection de l'information. Ces gens se sont déplacés, il faut le dire, le souligner, dans un délai d'avis très court, et nous l'apprécions beaucoup. Leur expertise fut aussi des plus appréciées. Ils ont vraiment, M. le Président, contribué au débat sur la protection des renseignements confidentiels au ministère du Revenu du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud. Je cède maintenant la parole sur ce même thème, sur l'adoption du projet de loi n° 14, au député de Frontenac. M. le député.

M. Marc Boulianne

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Je suis très heureux d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels.

Alors, M. le Président, le ministre du Revenu soumet à l'Assemblée, donc, le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels, en vue de son adoption. M. le Président, ce projet de loi a d'abord fait l'objet d'une consultation publique le 21 août dernier devant la commission des finances publiques. Ont participé à cette consultation cinq organismes oeuvrant dans le domaine du droit ou de la protection de la vie privée ou encore de la protection des renseignements personnels. Il s'agit, en l'occurrence, d'abord, de la Commission d'accès à l'information, du Barreau du Québec, de la protectrice du citoyen, de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et enfin de l'Association sur l'accès et la protection de l'information. Ces organismes, M. le Président, ont fait part au ministre de leurs commentaires qui, dans l'ensemble et malgré ce que l'opposition officielle aurait voulu entendre, ont tous été favorables au projet de loi. Le ministre a même accepté d'entendre de nouveau trois de ces organismes lors de l'étude article par article du projet de loi, soit la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Barreau du Québec.

Par ailleurs, M. le Président, l'objection majeure de ces organismes portait essentiellement sur l'absence d'autorisation judiciaire lors de la communication des renseignements fiscaux à des corps de police dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. Or, fort des commentaires éclairés par ces groupes, le ministre a mis sur pied, et nous l'avons vu, un comité de travail avec le Barreau du Québec et, après analyse, il y introduit l'autorisation judiciaire, telle que demandée non seulement par les organismes concernés, mais aussi par l'opposition officielle. De plus, le ministre a tenu compte de plusieurs commentaires formulés par ces organismes lors de leurs représentations en introduisant certains amendements favorables qui visaient à répondre aux problèmes soulevés. Il a même accepté, M. le Président, des modifications demandées par l'opposition officielle et qui s'avéraient constructives pour la protection des renseignements confidentiels. Ce projet de loi a donc fait l'objet d'une étude approfondie article par article par les parlementaires devant la commission des finances publiques, laquelle commission a pris fin le 28 mars dernier, comme nous le savons. Le ministre a fait part de beaucoup de souplesse et d'impartialité à l'égard des demandes de l'opposition officielle et des différents organismes.

n(16 h 50)n

Alors, je suis donc heureux, M. le Président, de me joindre au ministre du Revenu pour enfin procéder à l'adoption de ce projet de loi qui est le fruit de plusieurs mois de travail. Comme nous le savons, ce projet de loi, M. le Président, se rapporte donc... était déposé par Jean Moisan auprès du gouvernement le 29 décembre 1999 et intitulé Rapport de la commission d'enquête sur des allégations relatives à la divulgation de renseignements fiscaux de nature confidentielle. Il donne également suite, et c'est important de le noter, à la volonté du gouvernement d'accroître ? on l'a mentionné tout à l'heure et la députée aussi l'a mentionné ? d'accroître la lutte contre le crime organisé, volonté dont faisait part le premier ministre lors de son discours inaugural du 22 mars dernier. Ça a été mentionné aussi par le ministre. Donc, c'est extrêmement important, la portée de ce projet de loi.

Je rappelle, de plus, M. le Président, que le projet de loi n° 14 modifie principalement ? on l'a mentionné encore tout à l'heure ? la Loi sur le ministère du Revenu afin de clarifier et de préciser les dispositions de cette loi relatives à la confidentialité des renseignements fiscaux et d'en coordonner aussi l'application avec la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et aussi sur la protection des renseignements personnels. En ce sens, M. le Président, le projet de loi maintient donc, et c'est important de le souligner, un régime particulier pour le secret fiscal, qui s'impose, comme nous le savons, en raison de la diversité de la clientèle qui est assujettie aux lois fiscales, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales, alors que le régime de la protection de la Loi sur l'accès ne vise que les personnes physiques.

Il assure, de plus ? c'est important de le mentionner ? la coordination de la Loi sur le ministère du Revenu et de la Loi sur l'accès. Ainsi, cette dernière constitue le régime de base gouvernant la confidentialité des renseignements fiscaux. Par contre, les dispositions particulières de la Loi sur le ministère du Revenu portant, elles, sur la confidentialité auront priorité dans la mesure où la protection accordée aux renseignements fiscaux sera plus grande que celle prévue à la Loi sur l'accès. C'est d'une logique, M. le Président, implacable.

En ce qui concerne la communication des renseignements fiscaux, le projet de loi n° 14 prévoit, dans un premier temps, un droit d'accès spécifique pour la personne à son dossier fiscal. Alors, on a là, M. le Président, un point extrêmement important pour des personnes qui voudront consulter leur dossier personnel fiscal, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, il prévoit également que le ministère ne pourra communiquer des renseignements fiscaux à des tiers que si la Loi sur le ministère du Revenu le prévoit expressément. Alors, encore là, c'est une protection importante pour la divulgation des renseignements confidentiels.

Il y a aussi ? et je l'ai mentionné tout à l'heure, le ministre l'a mentionné, la critique aussi l'a mentionné ? les dispositions qui sont relatives au crime organisé. Alors, c'est sous cette rubrique, M. le Président, de la communication que le projet de loi n° 14 introduit, donc, de nouvelles dispositions visant à intensifier d'une façon efficace la lutte au crime organisé. Plus particulièrement, il s'agit notamment d'une disposition qui permet à un fonctionnaire du ministère du Revenu autorisé par règlement de communiquer un renseignement contenu dans un dossier fiscal à un membre d'un corps de police. Cependant, M. le Président, une telle communication ne se fera pas sans contrôle préalable. Ainsi, elle ne pourra être faite que suite ? on l'a mentionné tantôt, le ministre aussi ? à une autorisation judiciaire et uniquement, et c'est important de le préciser, dans des conditions très précises expressément prévues par la loi. Alors, on a là une loi, M. le Président, qui pourra être efficace.

Enfin, le projet de loi modifie aussi la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels de manière que cette loi, tout en gardant ou en préservant son caractère prépondérant, ne limite pas la protection accordée aux renseignements fiscaux par la Loi sur le ministère du Revenu.

Alors, M. le Président, en conclusion, j'invite donc l'opposition officielle à se joindre à nous pour adopter le projet de loi n° 14 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Frontenac et adjoint parlementaire à la ministre d'État à la Solidarité sociale. M. le député de Saint-Laurent.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Merci, M. le Président. Une raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous rendre à la suggestion de mon bon ami le député de Frontenac, avec qui j'ai eu le plaisir d'ailleurs de siéger en commission des institutions pendant plusieurs mois ? ça va se terminer bientôt, malheureusement ? c'est que le ministre du Revenu avait une mission lorsqu'il a déposé le projet de loi n° 14, il avait la mission de rétablir la crédibilité de son gouvernement en matière de communication de renseignements d'ordre fiscal et, malheureusement, on doit le dire, il a failli à la tâche. Il s'est essayé, par contre, et on doit le lui reconnaître, il s'est essayé, mais, malheureusement, la crédibilité de son gouvernement est entachée à ce point que, malgré ses efforts, qui sont à demi méritoires, il n'a pas réussi à rétablir la crédibilité de son gouvernement. Pourquoi?

D'abord, il faut bien expliquer, mettre en situation à quelle époque politique le projet de loi n° 14 a été déposé, après quels incidents politiques le projet de loi n° 14 a été déposé. Ma collègue la député de Beauce-Sud a bien résumé qu'il y avait eu un certain nombre d'infractions commises en matière de transmission des renseignements personnels de nature fiscale par certains fonctionnaires du ministère du Revenu. Il faut les sanctionner quand ces gestes-là sont accomplis. Et elle a bien fait de soulever ces questions-là.

Ce qu'elle n'a pas fait parce qu'elle avait de la délicatesse à l'égard du ministre du Revenu, parce qu'elle a fait deux commissions parlementaires avec lui, c'est rappeler que le gouvernement, je parle des instances politiques de ce gouvernement... ont également accompli des gestes répréhensibles à l'égard de la communication de renseignements personnels de nature fiscale. Souvenons-nous, le député de Frontenac en a parlé, la commission Moisan. Il n'a pas mentionné, le député de Frontenac ? parce que ce n'était pas marqué dans son discours ? qu'est-ce qui avait donné lieu à la commission Moisan, mais je suis sûr qu'il va s'en souvenir. Il n'a pas voulu le dire parce que ça leur fait mal de le dire. Mais il faut bien se rappeler que la commission Moisan a été instituée parce que des renseignements personnels de nature fiscale au sujet d'un député bloquiste avaient été communiqués, avaient été communiqués au bureau du premier ministre ? pas l'actuel, son prédécesseur, Lucien Bouchard ? avaient été communiqués au bureau du premier ministre et le bureau du premier ministre avait communiqué avec les instances des bloquistes pour demander à ce député de rétablir sa situation. Cette action-là a été jugée, bien sûr, comme elle le méritait et il y a eu des sanctions... enfin la commission Moisan a siégé sur ces questions-là et a remis un rapport qui faisait des recommandations importantes au gouvernement pour rétablir la situation. Ce sont les instances politiques qui s'étaient mêlées de cette affaire-là. Ça, c'est la première chose.

La deuxième, souvenez-vous, la maison de sondage SOM qui avait réussi à obtenir, sous la gouverne d'une prédécesseure du ministre du Revenu, la députée de Rosemont, des renseignements personnels pour tenir une enquête. Or, cette affaire-là a été jugée suffisamment grave, cette communication de renseignements de nature fiscale qui avaient été communiqués à la maison de sondage SOM sous la responsabilité de la députée de Rosemont avait été jugée à ce point importante que la députée de Rosemont a été obligée de démissionner, à l'époque, de son poste. Ce n'est pas rien. Quand un ministre du gouvernement est obligé de démissionner pour une action, ce n'est pas banal. Donc, il y a eu ça.

Remplacée par l'actuel premier ministre, qui a occupé les fonctions de ministre du Revenu, voilà que le Bureau de la statistique obtient, sous la responsabilité du ministre du Revenu de l'époque, l'actuel premier ministre, de nouveaux renseignements. Or, l'actuel premier ministre, lui, plutôt que de démissionner, a décidé ? et ça, là, c'est le cynisme des péquistes ? a décidé de déposer un projet de loi amnistiant à l'avance le ministre pour les communications de renseignements. Le premier ministre... Excusez-moi, le ministre du Revenu de l'époque, l'actuel premier ministre, s'amnistiait donc dans un projet de loi qu'il déposait en cette Chambre et qu'il était certain de pouvoir faire adopter, puisqu'il possède la majorité. Ça, ça, là, c'est les actions de ce gouvernement-là.

n(17 heures)n

Alors, le projet de loi n° 14, il est déposé dans cette politique là qui suit et suit ces événements politiques. Alors, le ministre, bien sûr, du Revenu, le ministre actuel du Revenu, c'est pour ça que je dis qu'il avait une mission importante lors du dépôt du projet de loi n° 14, celle de rétablir la crédibilité de son gouvernement en matière de transmission de renseignements personnels de nature fiscale. Il a failli à la tâche; ce n'est pas plus compliqué que ça. Il a failli à la tâche sur plusieurs aspects du projet de loi.

D'abord, M. le Président, il faut bien vous rendre compte que les ententes qui ont été signées avant l'adoption du projet de loi ? l'adoption va avoir lieu, j'imagine, dans les jours qui vont suivre, on est en débat sur l'adoption ? toutes les ententes qui ont été conclues entre le ministère du Revenu et d'autres organismes sont réputées, dans ce projet de loi là, être tout à fait conformes à la loi qu'on va adopter bientôt. Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de sens. C'est encore là une amnistie après coup pour des ententes qui comporteraient des dispositions qui ne sont pas conformes à la loi que le ministre dépose. Mais l'article 35 du projet de loi fait en sorte que, malgré le fait que des ententes soient de quelque nature, des ententes entre le ministère du Revenu et des organismes, que ces ententes-là ne respectent pas les dispositions de la loi que le ministre fait adopter maintenant, elles sont réputées, ces ententes-là seront réputées tout de même être conformes aux dispositions de la loi. Ça n'a pas de bon sens. C'est une amnistie après coup, M. le Président.

De même, M. le Président, l'article 36 prévoit que des ententes qui sont signées entre le ministère du Revenu et certains organismes devront faire l'objet d'un avis de la Commission d'accès à l'information, qui est le chien de garde dans notre société de la protection des renseignements personnels. Mais savez-vous quoi? Ce qu'il dit, l'article 36, il dit que, d'une part, on devra demander l'avis de la Commission d'accès à l'information, mais que, si l'avis de la Commission d'accès est défavorable, ce n'est pas grave. Ce n'est pas grave, ça ne fait pas en sorte que les ententes devront être reprises. Encore une fois, une amnistie après coup. Vous savez, dans une société qui se veut être organisée, dans une société qui se veut être respectueuse des droits de ses citoyens, on ne peut pas permettre, on ne peut pas permettre de telles dispositions.

Alors, c'est bien évidemment... Le ministre, s'il avait été... s'il avait voulu accomplir jusqu'au bout la mission de rétablir la crédibilité de son gouvernement en matière de renseignements personnels de nature fiscale, il aurait défendu que l'article 35 soit libellé de la façon dont il est disposé, que des ententes qui ne sont pas conformes à son projet de loi soient réputées après coup être conformes. Il aurait dit: Non, moi, là, j'ai une crédibilité comme ministre du Revenu. Mon gouvernement veut rétablir sa crédibilité en matière de renseignements personnels de nature fiscale. Je ne tolère pas que des ententes qui ne sont pas conformes aujourd'hui soient réputées l'être une fois qu'on va avoir adopté le projet de loi. Ça ne fonctionne pas. Ce n'est pas ça qu'il a fait, il s'est écrasé. Il s'est écrasé et il a permis qu'une telle disposition soit incluse dans le projet de loi.

De la même façon, M. le Président, de la même façon, il aurait dû dire: Lorsqu'un avis de la Commission d'accès est défavorable relativement à une entente qu'on veut signer, on va reprendre cette entente-là et on va la rendre conforme à l'avis de la Commission d'accès. Il aurait, à ce moment-là... Il aurait, à ce moment-là, été plus certain de son succès dans le rétablissement de la crédibilité de son gouvernement.

Je veux terminer en disant: J'accorde cependant au ministre d'avoir eu l'ouverture d'esprit de se pencher sur le problème de renseignements communiqués aux corps de police en matière de crime organisé. J'avais suggéré au ministre qu'il devait y avoir une autorisation judiciaire avant qu'on puisse communiquer ces renseignements. Le ministre s'est rendu à cette suggestion-là d'une façon qui n'est pas tout à fait complète, mais qui est très certainement respectable, et c'est pour cette raison-là que, sur cet article-là, nous avons été d'accord avec le ministre pour l'amendement qu'il a déposé.

Malheureusement, sur l'ensemble du projet de loi, pour les raisons que j'ai mentionnées, nous ne pourrons nous rendre à la suggestion du député de Frontenac et celle du ministre du Revenu de voter avec le gouvernement le projet de loi, pour défaut de crédibilité.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Saint-Laurent et porte-parole de l'opposition en matière de sécurité publique. Bon. J'invite d'autres collègues à intervenir. Mme la députée de La Pinière.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais, comme ma collègue la députée de Beauce-Sud et notre critique en matière de revenu l'ont si bien fait, M. le Président, tenter de convaincre ce gouvernement, bien qu'il soit trop tard, M. le Président, parce que c'est un gouvernement qui n'écoute pas ? la vice-première ministre s'est sentie obligée de le rappeler, M. le Président ? c'est la preuve que ce gouvernement-là est complètement déconnecté des réalités. Mon collègue le député de Saint-Laurent vient également d'apporter des éléments fort pertinents pour démontrer pourquoi l'opposition officielle ne peut pas aller dans le même sens que le gouvernement par rapport au projet de loi n° 14.

Le projet de loi n° 14, M. le Président, c'est un projet de loi qui modifie la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements personnels. Les renseignements personnels, M. le Président, c'est une disposition qui est bien encadrée par la législation québécoise depuis de nombreuses années, et on peut dire que le Québec a fait des avancées considérables dans ce domaine. Le respect de la vie privée, le respect du secret fiscal, le respect des renseignements personnels et confidentiels, c'était, jusqu'à un certain temps, la marque de commerce de ce gouvernement, du moins en ce qui a trait ? le gouvernement libéral, j'entends ? aux préoccupations et à la législation. Mais, avec le gouvernement que nous avons devant nous, M. le Président, eh bien, on se ramasse avec des projets de loi, comme celui du projet de loi n° 14, qui viennent finalement valider ou corriger une situation qui a été longuement et vastement dénoncée pas seulement par l'opposition officielle, mais aussi par l'opinion publique.

On se rappelle, M. le Président, que ce projet de loi s'inscrit dans un contexte bien particulier. Très brièvement rappeler qu'en 1997, M. le Président, il y a huit fonctionnaires du ministère du Revenu qui ont été congédiés au terme d'une enquête de la Sûreté du Québec. Pourquoi ils ont été congédiés? Eh bien, c'est parce qu'ils ont vendu, M. le Président, des renseignements fiscaux. Voilà ce que l'enquête a révélé. On est rendu à avoir la Sûreté du Québec au ministère du Revenu, M. le Président.

Mais ce n'est pas tout. Le dossier fiscal, M. le Président, du député bloquiste de Chambly, on se rappellera, qui a fait couler les manchettes, ça a résonné ici dans cette Assemblée... Qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président, avec le député bloquiste Ghislain Lebel? Eh bien, M. le Président, son dossier a été consulté illégalement par des membres du cabinet du premier ministre à l'époque, le premier ministre, M. Bouchard, et cela a conduit évidemment à une enquête aussi, cette fois-ci une enquête très spéciale, une enquête qu'on a appelée la commission Moisan et qui a fait des recommandations assez importantes. Il y a eu aussi le dossier d'un député de l'opposition, M. le Président, qui a été également consulté par un attaché politique du bureau du ministre du Revenu.

Et, au début de 1999, il y a eu également des déboires au niveau de la protection des renseignements confidentiels à caractère fiscal par le ministère du Revenu suite à la transmission de renseignements confidentiels ? et on parle ici de milliers de renseignements confidentiels ? qui ont été transmis à la firme de sondage SOM dans le cadre d'une enquête sur le programme de perception des pensions alimentaires, et on se rappellera, M. le Président, que cet épisode très malheureux a amené la démission de la ministre du Revenu d'alors, qui est la députée de Rosemont, M. le Président.

n(17 h 10)n

Et la saga continue, la saga continue. Toujours en 1999, le ministère du Revenu a signé plusieurs contrats avec l'entreprise privée concernant la gestion des données personnelles, et ça, M. le Président, c'est un enjeu majeur. Le ministère, effectivement, s'est rendu compte après coup, parce que la Commission d'accès à l'information s'est opposée catégoriquement à ce projet-là, et on se rappelle que l'actuel premier ministre est revenu aux affaires, à la tête du ministère du Revenu suite à la démission de la députée de Rosemont, M. le Président, et c'est lui qui a introduit un projet de loi, le projet de loi n° 63, qui visait justement à légaliser les gestes qui ont été posés illégalement.

Et là, M. le Président, on parle de banques de données extrêmement importantes. Ça touche 5,4 millions de personnes, M. le Président, contribuables qui ont des dossiers qui sont enregistrés à Revenu Québec. Et c'est tout ça qui est mis en péril. Assez mis en péril que je relisais la déclaration de Mme Jennifer Stoddart, qui est la présidente de la Commission d'accès à l'information. Et Jennifer Stoddart a déclaré devant la commission des finances publiques, le 21 août 2001, lors de l'étude du projet de loi n° 14 qui est devant nous en ce moment... Voici ce qu'elle a déclaré, M. le Président ? parce que ce n'est quand même pas une dernière venue, c'est la présidente de la Commission d'accès à l'information. Et écoutez ce qu'elle a déclaré au sujet du projet de loi n° 14: «Il existe, par le fait même, une importante menace, une importante possibilité d'intrusion dans la vie privée, et il y a de moins en moins d'obstacles technologiques qui empêchent la cueillette de renseignements personnels, d'où la pertinence et l'urgence de revoir les règles du secret fiscal aujourd'hui et dans ce projet de loi.» C'est la déclaration de Mme Stoddart, qui est la présidente de la Commission d'accès à l'information.

Et je partage entièrement son analyse et son opinion à cet effet, M. le Président. Pourquoi? Elle a parfaitement raison, Mme Stoddart, de parler des obstacles technologiques qui sont levés. Pourquoi? Parce qu'on vit dans une société de l'information, on vit avec des banques de données qui sont constituées et dans lesquelles le gouvernement collige des milliers et des milliers d'informations sur les contribuables québécois, M. le Président, et tout ça, sans aucune soupape de sécurité parce que, sur le plan technologique, on est capable aujourd'hui, par un simple clic, d'avoir accès à des données nominatives confidentielles, y compris en ce qui a trait au secret fiscal, M. le Président.

Est-ce que le projet de loi n° 14 vient corriger cette lacune, vient corriger cette faiblesse? Eh bien, la réponse est non. Et le gouvernement nous invite à voter avec lui sur le projet de loi. C'est évident que non, parce que, pour nous, le respect de la vie privée, du secret fiscal, c'est une disposition essentielle, M. le Président. Ça fait partie des droits les plus fondamentaux.

Et Mme Stoddart de continuer dans sa déclaration: «On met tout ça ensemble et la réaction des membres de la Commission d'accès a été de dire: Mon Dieu, comme le secret fiscal a changé au cours des 15 dernières années!» Bien sûr, avec l'évolution technologique, on est capable, M. le Président, d'avoir accès à des documents qui, autrefois, étaient inaccessibles. «Et on se dit: C'est le moment d'arrêter, d'arrêter et de regarder qu'est-ce qu'on fait et, certainement, avant d'entreprendre de nouvelles initiatives qui auraient pour effet de mettre en jeu encore plus le secret fiscal, de nous demander vraiment, comme société, jusqu'où va l'échange de renseignements dans toutes nos sociétés. Y a-tu moyen de s'organiser autrement que d'avoir l'État qui possède de plus en plus d'informations sur nous et qui les échange, dans le but qu'on soutient tous?»

M. le Président, il y a là des préoccupations majeures qui sont exprimées. Malheureusement, on est pris par le temps ? je n'ai que 10 minutes et mon temps s'écoule ? pour vous dire la gravité de ce projet de loi, M. le Président, et la menace, comme elle dit, Mme Stoddart, qui pèse sur les contribuables québécois. C'est pour ça, M. le Président, qu'on ne peut pas voter avec le gouvernement sur le projet de loi n° 14. J'en aurais long à dire, M. le Président. Vous me faites signe que mon temps s'écoule. Et c'est pour cette raison, M. le Président, que ma collègue la députée de Beauce-Sud et tous les collègues de l'opposition officielle vont voter contre le projet de loi n° 49, parce qu'il ne protège pas les renseignements personnels, il ne protège pas le secret fiscal, et, pour nous, c'est une dimension extrêmement importante. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée. Y a-t-il d'autres collègues qui souhaitent intervenir sur ce projet de loi? Non?

Mise aux voix

Bon. Alors, puisqu'il n'y a pas d'autres collègues qui souhaitent intervenir sur le projet de loi, est-ce que le projet de loi n° 14, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives relativement à la protection des renseignements confidentiels, est adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Adopté sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Vermette: Oui. Alors, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à mercredi...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Beaulne): Il faut que vous fassiez une motion de déférer à la commission.

Mme Vermette: Bien sûr, M. le Président, excusez-moi. Le projet de loi n° 87, Loi modifiant la Loi sur la Société Innovatech du Québec...

Une voix: Non.

Mme Vermette: Non?

Une voix: Le principe de...

Mme Vermette: Le principe, c'est ça... du sud du Québec et la Loi sur la Société Innovatech Régions ressources. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail et pour que la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce en soit membre.

Des voix: Bien non. Bien non.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Mme la leader adjointe du gouvernement, simplement pour qu'on se comprenne un peu, nous en étions à la discussion du projet de loi n° 14 concernant le ministère du Revenu.

Mme Vermette: Il a été adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Oui. Mais, maintenant, il nous faut...

Mme Vermette: Il faut l'envoyer en commission.

Le Vice-Président (M. Beaulne): ...une motion pour le déférer en commission parlementaire.

Des voix: Il a été adopté.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Ah! c'est adopté. Bon. Adopté.

Des voix: ...

 

Projet de loi n° 87

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Beaulne): Alors, à l'article 16, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant la Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec et la Loi sur la Société Innovatech Régions ressources. M. le député de Gaspé et adjoint parlementaire de la ministre d'État aux Relations internationales. M. le député.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Alors, merci, M. le Président. Au nom de ma collègue la ministre de l'Industrie et du Commerce qui accompagne présentement le premier ministre dans le cadre de sa mission actuelle au Pérou et au Chili, il me fait plaisir de vous entretenir du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant la Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec et la Loi sur la Société Innovatech Régions ressources. Comme vous le savez, ce projet de loi a pour but de hausser le fonds social de la Société Innovatech du sud du Québec et de la Société Innovatech Régions ressources de 50 millions à 100 millions.

Mme Houda-Pepin: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Mme la députée de La Pinière, oui.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Je pense que ce que le collègue...

Le Vice-Président (M. Beaulne): Nous avons effectivement le quorum. M. le député, veuillez poursuivre.

M. Lelièvre: Alors, M. le Président, je disais donc que ce projet de loi a pour but de hausser le fonds social de la Société Innovatech du sud du Québec et de la Société Innovatech Régions ressources de 50 millions à 100 millions de dollars. C'est une bonne nouvelle, M. le Président.

n(17 h 20)n

D'entrée de jeu, rappelons que ces deux sociétés offrent du capital de risque aux entreprises à caractère technologique qui, généralement, en sont au stade de démarrage ou au stade de développement, c'est-à-dire qu'elles ne génèrent encore que des revenus marginaux. L'opportunité d'investir dans ces entreprises repose à la fois sur une évaluation du risque technologique et sur une évaluation du risque d'affaires.

En plus d'apporter des capitaux, ces sociétés de capital de risque s'impliquent activement dans les entreprises dans lesquelles elles investissent en fournissant notamment une assistance en matière de développement du plan d'affaires, en matière de gestion et en matière de réseautage dans l'entreprise. Dans l'industrie du capital de risque, l'association entre les partenaires est étroite et à long terme. Ainsi, il faut généralement compter sept ans, et plus même, avant que l'investisseur puisse vendre son placement.

Le capital de risque dynamise notre économie de plusieurs façons, M. le Président. Il favorise l'innovation technologique et, particulièrement, l'appropriation des découvertes scientifiques par notre économie. Il permet l'émergence d'entreprises à haute valeur ajoutée et donc d'entreprises qui sont en mesure d'offrir des conditions de travail supérieures à leurs employés. Il contribue à accroître la compétitivité des entreprises et, par voie de conséquence, la compétitivité de l'économie québécoise. Il permet aussi la naissance et le développement de jeunes entreprises qui viennent s'ajouter aux entreprises existantes pour remplacer celles qui, malheureusement, disparaissent. Il favorise la diversification de notre économie, réduisant ainsi sa vulnérabilité aux fluctuations cycliques.

À l'extérieur de Montréal, particulièrement dans les régions que desservent la Société Innovatech du sud du Québec et la Société Innovatech Régions ressources, la diversification de ces économies régionales est impérative afin de réduire la dépendance économique de leurs citoyens aux fluctuations du secteur des ressources naturelles. L'éclatement de la bulle technologique que nous avons connu ces dernières années a tari les sources privées de capital pour bon nombre d'entreprises oeuvrant dans ce secteur. Dans cette conjoncture, les Sociétés Innovatech ont redoublé d'ardeur, ce qui fait qu'aujourd'hui l'Assemblée nationale est invitée à accroître le capital social de deux d'entre elles, soit la Société Innovatech du sud du Québec et la Société Innovatech Régions ressources. Ainsi, elles seront en mesure de poursuivre ardemment leur mission, M. le Président.

La Société Innovatech du sud du Québec a été créée en 1995. Son territoire d'activité couvre 12 municipalités régionales de comté de l'Estrie, de la Montérégie et des Bois-Francs. Au 31 mars 2002, les engagements totaux de la Société depuis sa création s'élevaient à 43 millions de dollars, répartis en 54 investissements et 42 réinvestissements. Ces interventions ont été effectuées auprès de 38 entreprises dans le cadre de projets totalisant 222,8 millions de dollars, qui ont créé ou maintenu 612 emplois directs.

Les entreprises de la région de Sherbrooke ont bénéficié de 66 % des injections de capitaux de la Société. En effet, bon nombre d'entre elles furent lancées en vue de valoriser des découvertes de chercheurs de l'Université de Sherbrooke. Pour leur part, les entreprises de la MRC de La Haute-Yamaska ont reçu 21 % de ces capitaux, le solde étant réparti sur le reste de son territoire d'activité.

Depuis sa création, les mises de fonds de la Société se sont toujours réparties dans trois secteurs: les sciences de la santé, avec 30 % des mises de fonds; les technologies de l'information, avec 39 %; et les technologies industrielles, avec 31 % des mises de fonds.

Pour mieux saisir comment la Société Innovatech du sud du Québec joue son rôle, vous me permettrez d'illustrer sa prestation par quelques exemples. D'abord, une participation de 4 millions dans un projet de 8 millions réalisé par l'entreprise Mediatrix Telecom, qui développe et commercialise des équipements et des logiciels avancés permettant aux utilisateurs de systèmes de transmission d'information d'unifier en un seul réseau deux types de transmission, à savoir la voix et les données.

Trois placements successifs de 2 millions, de 750 000 $ et de 2 millions dans un projet de Néokimia, s'élevant à 9 750 000 $, une entreprise qui oeuvre dans le domaine biopharmaceutique et qui dispose d'un procédé novateur permettant de produire rapidement et de façon économique des agents thérapeutiques pour l'industrie pharmaceutique. Cette plateforme technologique est le fruit de travaux de recherche effectués à l'Université de Sherbrooke.

Une autre participation de 3 150 000 $ dans Betflex, une entreprise qui conçoit, fabrique et commercialise des panneaux de béton flexible à haute performance utilisés dans le domaine de la construction et de la rénovation. Le projet impliquait la construction d'une nouvelle usine dotée d'une technologie de pointe, un programme de recherche et de développement et un programme de commercialisation. Le coût total du projet s'est élevé à 4 730 000 $, et il a créé 25 emplois.

Un autre financement de 4 millions dans Nertec Design, une entreprise de Granby qui oeuvre dans la conception et la fabrication de télélecteurs automatiques de compteurs d'eau, de gaz et d'électricité et qui oeuvre aussi dans le développement de logiciels de gestion des compteurs. L'investissement de la Société avait ici pour but d'appuyer les projets de recherche et de développement de l'entreprise et de soutenir ses efforts de croissance. Les investissements totaux se sont chiffrés à 13 millions de dollars et ont contribué à créer 20 emplois.

La Société Innovatech Régions ressources, M. le Président ? et ça nous concerne, tous les députés qui viennent des différentes régions du Québec qui vivent des ressources naturelles ? la Société a été créée en 1998, et ses activités ont débuté en 1999. Sa création s'inscrivait dans la mise en oeuvre de la stratégie de développement économique du Québec rendue publique à l'occasion du discours du budget 1998-1999.

À la fin de sa troisième année d'opération, soit au 31 mars 2002, les engagements contractés auprès d'une quarantaine d'entreprises de son territoire totalisent la somme de 43,8 millions de dollars. Par région, le décompte des engagements est le suivant: Bas-Saint-Laurent, 8,5 millions; Saguenay?Lac-Saint-Jean, 15,6 millions; Abitibi-Témiscamingue, 10,7 millions; Côte-Nord, 5,8 millions; Gaspésie?Îles-de-la-Madeleine, 3,1 millions.

Aucune société de capital de risque présente sur ces territoires n'investit autant qu'Innovatech Régions ressources dans le domaine de l'innovation. La Société a ciblé le financement de projets d'entreprises en démarrage et en puissance visant le développement des produits à haute valeur ajoutée, dans le secteur des ressources naturelles notamment, des technologies industrielles, mais plus spécifiquement des équipements reliés aux technologies minières et forestières visant à améliorer la productivité de ces secteurs, les nouveaux produits utilisant les ressources forestières qui ne sont pas exploitées à leur maximum, les biomasses marines, les nouveaux produits reliés à l'utilisation de l'aluminium, l'agroalimentaire, les technologies de l'information. Pour l'exercice 2001-2002, ce fut exceptionnel, la Société ayant surpassé le total des engagements des deux premières années avec des engagements totalisant 25,8 millions de dollars. Ici encore, vous me permettrez d'illustrer la prestation de la société Innovatech Régions ressources par quelques exemples.

Ainsi, à Saint-Félicien au Saguenay?Lac-Saint-Jean, la Société a convenu d'investir 1 150 000 $ dans une entrepris appelée Pan-O-Starr. Celle-ci a mis au point une nouvelle technologie d'assemblage de panneaux de bouleau qui permettra la valorisation d'essences de bois non utilisées ou sous-utilisées. Ces panneaux sont particulièrement destinés à l'industrie du meuble. Le projet de 9,3 millions de dollars créera 72 emplois. Déjà, on projette d'utiliser cette nouvelle technologie dans d'autres régions du Québec et possiblement pour mettre en valeur d'autres essences de bois sous-utilisées.

À Matane, la Société a déjà investi plus de 700 000 dans ABK Gaspésie et s'apprête à y investir davantage. Cette entreprise exploite une usine spécialisée dans le traitement des biomasses résiduelles de crevettes. Plusieurs produits à haute valeur ajoutée seront prochainement commercialisés par ABK Gaspésie, tels qu'un supplément alimentaire, un concentré de saveur de crevettes très pigmenté, un concentré de protéines hydrolysées de crevettes. Ces produits sont particulièrement destinés au marché de la transformation alimentaire. Le projet s'élève à 2,7 millions de dollars, et d'autres investisseurs additionnels manifestent leur intérêt d'investir dans cette entreprise.

À La Pocatière, un investissement de 2,2 millions dans un projet de l'entreprise Pocatec, qui a créé 20 nouveaux emplois et qui a contribué à en maintenir 86. Cette entreprise est spécialisée dans la fabrication de systèmes de communication audio et de systèmes de signalisation électronique utilisés particulièrement dans divers types de réseaux de transport.

D'autres projets structurants illustrent la prestation de la Société Innovatech Régions ressources. Mentionnons brièvement: un investissement de 2 250 000 dans un projet totalisant 5,2 millions de Gyro-Trac, une entreprise de Saint-Marc-de-la-Tour sur la Côte-Nord, entreprise qui fabrique divers types de véhicules particulièrement destinés au débroussaillage en forêt; un autre investissement de 1,1 million dans le cadre d'un projet de 2 550 000 $ en vue de construire à Amos une usine de fabrication d'équipements miniers, ce qui a créé 34 nouveaux emplois.

Vous serez à même de constater que l'action de la Société Innovatech concourt à la mise en oeuvre de la stratégie de développement économique des régions-ressources qui, elle, fut rendue publique à l'occasion du discours du budget 2001-2002. En effet, les interventions de la Société s'inscrivent dans le premier axe d'intervention de cette stratégie qui est d'augmenter la valeur ajoutée et d'accélérer la diversification des économies régionales, notamment en soutenant les activités manufacturières, en appuyant la deuxième et la troisième transformation des ressources, en favorisant leur diversification par l'implantation de nouvelles activités et le développement de créneaux d'excellence.

n(17 h 30)n

Les interventions de la Société soutiennent également un autre axe de cette stratégie, soit le financement des PME et la création d'entreprises, et ce, de façon directe, en leur fournissant du capital de risque et aussi, de façon indirecte, en sécurisant d'autres pourvoyeurs de fonds qui, à leur tour, injectent des capitaux dans les économies régionales.

Les prévisions de la Société Innovatech du sud du Québec et de la Société Innovatech Régions ressources nous indiquent que leurs besoins de fonds d'ici la fin de l'exercice financier 2002-2003 auront facilement dépassé le 50 millions de dollars de capital social déjà autorisé. L'importante contribution que ces sociétés apportent à l'économie des régions qu'elles couvrent incite le gouvernement à inviter l'Assemblée nationale à adopter un projet de loi qui aura pour effet de porter leur fonds social autorisé de 50 millions à 100 millions chacune. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Gaspé. J'invite maintenant le député de Beauce-Nord et porte-parole de l'opposition en matière de petites et moyennes entreprises à s'adresser à la Chambre. M. le député.

M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 87, Loi modifiant la Loi sur la Société Innovatech du sud du Québec et la Loi sur la Société Innovatech Régions ressources.

M. le Président, il faut rappeler en cette Chambre qu'il y a quatre sociétés Innovatech qui existent sur l'ensemble du territoire québécois. On retrouve Innovatech du Grand Montréal, Innovatech Chaudière-Appalaches, Innovatech du sud du Québec et Innovatech Régions ressources. C'est les deux derniers qui nous concernent dans le projet de loi n° 87, mais j'aimerais rappeler un peu toute l'action depuis les débuts d'Innovatech, comment on a investi sous l'ensemble des quatre sociétés.

L'ensemble des sociétés Innovatech procurent du capital de risque en haute technologie depuis 1992. Les sociétés Innovatech, avec un fonds de 525 millions de dollars, se distinguent en investissant exclusivement dans des projets d'innovation technologique au Québec. Les quatre sociétés Innovatech s'impliquent dans une variété de projets avec une préférence pour les démarrages et les transferts technologiques et les première ou deuxième rondes de transformation. Elles y font du financement. Le portefeuille combiné des sociétés d'investissement Innovatech compte plus de 200 entreprises dans le secteur des technologies de l'information, des télécommunications, de la biotechnologique, pharmaceutique, de l'industrie aéronautique, de l'optique et des nouveaux matériaux.

Le projet de loi vise à permettre au ministre des Finances, qui est l'actionnaire des deux sociétés, d'augmenter la somme investie dans chacune d'elle de 100 millions de dollars, c'est-à-dire de 50 millions dans les deux sociétés Innovatech qui nous concernent, c'est-à-dire la Société Innovatech du sud du Québec qui, elle, a été créée en 1995, la Société Innovatech Régions ressources qui, elle, a été créée en 1998. Elles ont pour mission de promouvoir et de soutenir les initiatives propres et accroître la capacité d'innovation technologique sur des territoires définis par leurs chartes. Elles font principalement des placements dans des entreprises en phase de démarrage et/ou développement. Il s'agit, en fait, du capital de risque.

Au 31 mars 2001, le capital émis et payé de la Société Innovatech du sud du Québec s'élevait à 21 millions. Il y a eu un apport supplémentaire de 22 millions en 2001-2002, ce qui maintenant a un capital émis de l'ordre de 43 millions. Quant à la Société Innovatech Régions ressources, son capital émis et payé était de 21 millions au 31 mars 2001. En 2001-2002, le ministre des Finances y est allé d'une injection supplémentaire de 15 millions, portant ainsi le capital émis et payé à 36 millions. La loi limite présentement le capital émis de chacune des sociétés à 50 millions de dollars. C'est pour ça que le présent projet de loi permettra, on va dire, d'augmenter les deux sociétés de 50 millions de capital de risque.

La première société Innovatech, il faut le rappeler, a été créée en 1992 par le gouvernement libéral. Aujourd'hui, l'ensemble des sociétés Innovatech, comme je l'ai dit, regroupent environ 500 millions de dollars de capital investi. Contrairement à ce qu'on peut penser, à ce que fait peut-être la Société générale de financement, les sociétés Innovatech sont résolument tournées vers l'innovation et viennent en aide à des entreprises qui oeuvrent dans des secteurs d'avenir.

Je vais vous parler d'Innovatech Régions ressources en parlant de son profil, son territoire, ses investissements. Le gouvernement du Québec a créé, en juin 1998, la Société Innovatech Régions ressources. La mission de la Société était de promouvoir, de soutenir les initiatives propres et d'accroître la capacité d'innovation technologique sur le territoire des régions qui relèvent de la Société, ainsi y améliorer la compétitivité et la croissance économique tout en générant un rendement assurant la continuité de son action. Ce territoire regroupe les MRC des régions administratives de l'Abitibi-Témiscamingue, du Saguenay?Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, la MRC du Haut-Saint-Maurice, la MRC d'Antoine-Labelle, ainsi que les municipalités constituées en vertu de la loi sur la réorganisation municipale du territoire qu'on retrouve en matière de... sur le territoire du Nord-du-Québec.

Les investissements d'Innovatech visent la réalisation de projets innovateurs ayant un contenu technologique important, peu importe le niveau de développement de l'entreprise. Les projets doivent avoir pour objet la réalisation sur le territoire des régions qui relèvent de la Société... au processus d'innovation technologique, y compris la recherche et le développement, le transfert technologique, la mise en valeur économique de l'innovation principalement par la création d'emplois. L'examen des projets est basé sur un ensemble de critères qui tiendront compte du dynamisme de l'entrepreneur, de l'équipe en place, de la qualité du plan d'affaires, des références disponibles et de l'adéquation entre les objectifs de la Société et les propositions soumises dans son ensemble. On tient compte de la rentabilité du projet, de l'importance de la création d'emplois en haute technologie, des effets structurants sur l'économie régionale, des impacts sur l'exportation, des niveaux de risque technologique, commercial et financier. M. le Président, la majorité des investissements sont réalisés sous forme de prise de participation au capital-actions de l'entreprise ou de débentures convertibles en capital-actions ordinaire.

Pour ce qui est de la Société Innovatech du sud du Québec, les objectifs... sa mission est quand même, dans son ensemble, la même. Elle couvre 12 MRC dont celles d'Acton, d'Arthabaska, d'Asbestos, de Brome-Missisquoi, de Coaticook, de Drummond, du Granit, de La Haute-Yamaska, du Haut-Saint-François, de Memphrémagog, de la région sherbrookoise et du Val-Saint-François. La Société Innovatech du sud du Québec est une société à capital de risque en innovation technologique orientée vers le prédémarrage, le démarrage et la croissance d'entreprises ayant un fort potentiel de croissance. La Société intervient sur des territoires de 12 MRC de l'Estrie, de la Montérégie et des Bois-Francs.

Innovatech a pour principaux objectifs de relever la capacité d'innovation technologique des entreprises, de favoriser l'amélioration de leur compétitivité, de contribuer ainsi à la croissance économique et à la création d'emplois dans son milieu. Créée en 1995 par le gouvernement du Québec, la Société Innovatech du sud du Québec est la plus importante source de capital pour les projets technologiques sur son territoire. Innovatech est souvent la première société de capital de risque vers laquelle se tournent les innovateurs technologiques. Pour ceux-ci, la Société représente un appui important et un argument convaincant pour intéresser d'autres partenaires financiers. En effet, la crédibilité de Société Innovatech auprès des fonds spécialisés du secteur bancaire facilite grandement l'accès à des promoteurs à un financement complémentaire avec Innovatech comme partenaire. L'entrepreneur obtient en effet un levier important auprès des banques et des autres prêteurs.

Lors de l'étude en commission parlementaire, M. le Président, je veux en profiter pour poser quand même différentes questions sur la mission d'Innovatech de façon à intervenir... de sa façon d'intervenir auprès des entreprises de manière peut-être à réajuster sa mission, s'il y a lieu. Et aussi, en travaux en commission parlementaire à l'économie et travail, il a été question des sociétés en capital de risque. On le sait, il en existe plusieurs, que ce soit le Fonds de solidarité, que ce soient les SOLIDE, que ce soit la Caisse de dépôt ou la Société générale de financement. Il y a une multitude d'entreprises qui s'offrent ces services-là. On croit qu'Innovatech a un créneau quand même très particulier, mais il serait bon, je pense, pour l'ensemble de ce secteur-là qu'une étude plus approfondie soit faite pour savoir exactement qu'est-ce qui est disponible pour les gens qui ont des entreprises à démarrer, des entrepreneurs qui ont des idées, pour voir si vraiment la mission, c'est toujours celle qui doit être mise de l'avant, peut-être ajuster, peut-être ajouter à cette mission-là de manière, on va dire, à ce que le travail qui s'effectue soit davantage profitable pour les entreprises.

n(17 h 40)n

Également, M. le Président, je voudrais vous faire part d'une expérience que j'ai eue, moi, avec une des premières sociétés Innovatech, mais quand même on peut penser que toutes et chacune se rejoignent dans leur mission. C'est un outil qui a été extrêmement profitable dans ma région, plus précisément dans la région Chaudière-Appalaches. En Beauce-Nord, il y a une entreprise qui s'est prévalue des services de la Société Innovatech en 1994. Elle a amené, on va dire, des investissements, de la connaissance, un développement dans un secteur qui, dans une période donnée, était un secteur qu'on pouvait considérer comme n'étant pas d'avenir. Mais, avec toute la recherche, le développement de ce type d'entreprise, qui est celui des textiles, l'entreprise a quand même contribué, avec son démarrage, avec sa recherche, à créer énormément d'emplois dans le milieu, d'investissements, d'emplois de haute qualité pour des produits qui sont exportés en très grande majorité vers les États-Unis. C'est une entreprise qui a contribué à créer quelque chose comme, je vous dirais, 600 emplois dans le secteur industriel dans la grande région de Beauce.

Ça fait que ça a été vraiment un outil qui aura donné un coup de main à des entrepreneurs à cette époque-là, qui, aujourd'hui, procure énormément de retombées économiques. Même qu'on a ajouté à ça une multitude de soutiens comme, par exemple, de la formation professionnelle. On a développé d'autres types d'entreprises en parallèle, ce qui aura été encore là ajouté à la structure industrielle de ce secteur-là. C'est pour vous dire comment, dans un contexte, dans une époque où il n'y avait pas, peut-être, un outil semblable, on a su faire profiter des entrepreneurs, des chercheurs, des gens des entreprises de ce capital-là qui aura contribué à créer de nombreux emplois et beaucoup d'investissements et de retombées économiques pour notre milieu et pour l'ensemble du Québec.

En fait, M. le Président, je ne vous cacherai pas qu'on est pour le principe, l'adoption de ce principe de projet de loi, et j'aurai sûrement, on va dire, à échanger en commission parlementaire sur l'ensemble de l'action des Innovatech qui sont concernées, c'est-à-dire les deux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Beauce-Nord. M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président, et c'est avec plaisir que je vais intervenir aussi sur ce projet de loi. Je compte expliquer l'importance des sociétés Innovatech, comment elles se situent dans l'ensemble d'offres de capital de risque. Je ne pourrai pas m'empêcher non plus de vous rappeler que ce gouvernement, en ce qui a trait au soutien à l'innovation... Et, comprenons-nous bien, le soutien à l'innovation n'est pas seulement la production ou l'aide à l'accès au capital de risque, c'est aussi beaucoup plus toute la question qui touche le transfert technologique, la possibilité d'innover réellement dans les entreprises. Et là ce gouvernement fait cruellement, cruellement... Les actions de ce gouvernement font cruellement défaut, M. le Président.

Donc, comprenons-nous bien, dans un processus d'innovation, M. le Président, il y a un certain nombre d'éléments. Il y a une première phase qui est la phase où on a une idée, où on développe un produit, on développe un concept, on développe un mode de fonctionnement. Ça, c'est la phase initiale. Il y a une deuxième phase qui va être la phase d'expérimentation, et je comprends bien, M. le Président, c'est le moment où on crée le prototype, on valorise le prototype, on essaie de voir si ça va fonctionner, on est en train de chercher éventuellement des marchés. Et, ensuite, il y a une troisième phase qui est la phase de la commercialisation, la phase de la commercialisation.

Dans chacune de ces phases, M. le Président, il faut avoir accès à du capital. Et l'accès au capital ou de l'accès... n'est pas le même pour les raisons suivantes. Les sociétés de capital de risque dites traditionnelles... Et par «sociétés traditionnelles» j'entendrai, comme l'a rappelé très justement mon collègue le député de Beauce-Nord, des sociétés comme la filiale Sofinov de la Caisse de dépôt, par exemple, la Société générale de financement, le fonds Desjardins pour agir en région, la possibilité qu'il y a des fonds du Fonds de solidarité de la FTQ, voire maintenant de la CSN. Ces investissements de fonds agissent, interviennent dans la période, dans la phase qu'on appelle la phase finale, la phase de commercialisation.

Le soutien à la phase initiale... Et on débattra tout à l'heure, M. le Président, pour vous faire comprendre qu'au niveau de la phase initiale il y a des lacunes actuellement dans la politique gouvernementale, mais est, disons, balisée correctement dans la mesure qu'elle requiert peu d'instruments financiers.

La phase qui est souvent la plus critique, c'est cette phase intermédiaire qu'on appelle la phase d'expérimentation. Et c'est là qu'interviennent les sociétés Innovatech, où elles peuvent directement, en prenant une part au capital ou en faisant des prêts à taux très concurrentiel sur le plan des intérêts... Vous avez d'ailleurs dans les rapports annuels la participation. Entre la part au capital et la part des prêts, ça se résume à peu près à deux tiers-un tiers. J'essaie de dire ça grosso modo. Donc, ces sociétés Innovatech jouent un rôle-clé dans le processus d'innovation au moment où elles vont soutenir l'expérimentation.

Vous allez me dire: Oui, M. le Président, mais pourquoi aujourd'hui un projet de loi pour augmenter la capitalisation des sociétés Innovatech? Je vous signalerai d'abord qu'on a augmenté la capitalisation des sociétés Innovatech en ce qui touchait la Société Innovatech du Grand Montréal et qu'on touche actuellement celle qui va toucher la Société Innovatech pour les régions ressources et celle qui va toucher le sud du Québec. Bien, parce que la loi les limitait à 50 millions. Et il faut bien comprendre que les investissements dans le processus d'innovation, au moment où Innovatech... c'est réellement dans les premières phases du processus d'innovation. Donc, la rentabilité sur le capital, ça prend beaucoup plus de temps qu'au moment où rentreront les autres instruments de capitalisation que pourraient être Sofinov, la SGF, etc. Donc, le capital qui est investi par Innovatech se doit d'être essentiellement un capital profondément patient, patient sur sa rentabilité, Et les Innovatech qui sont concernées par le projet de loi, M. le Président, sont victimes actuellement à la fois de leur succès et victimes de leur jeune âge, c'est-à-dire que les sociétés dans lesquelles elles ont investi, elles ne peuvent pas actuellement obtenir le retour sur leurs investissements, M. le Président.

Alors, dans ce sens-là, le projet de loi va régler, en quelque sorte, les difficultés qui étaient inhérentes aux sociétés Innovatech en augmentant considérablement leur capital, c'est-à-dire leur possibilité de prendre des participations dans les entreprises qui démarrent. Vous remarquerez, si vous regardez Innovatech sud du Québec, sa participation, elle est dans trois grands secteurs ? vous allez comprendre facilement, M. le Président, parce que ça inclut aussi dans la région de Sherbrooke ? essentiellement dans le secteur des technologies de l'information, dans le secteur de la santé et le troisième dans le secteur des technologies industrielles, le concept de la technologie industrielle englobant toutes les innovations de production qu'on peut avoir dans des industries peut-être plus traditionnelles, mais où l'innovation va être une composante importante du processus d'amélioration de la productivité.

n(17 h 50)n

Alors, M. le Président, il est bien important de comprendre, il est bien important de comprendre que, dans ces secteurs-là, le rôle des sociétés Innovatech, c'est un rôle absolument fondamental. Je dois dire néanmoins qu'il y a dans cette approche du gouvernement un vice, et le vice, il va se trouver au début. Il va se trouver au début du processus d'innovation. Il va se trouver au début, au moment où on doit envisager le transfert technologique, au moment où on doit aider les entreprises à pouvoir améliorer, par exemple, une manière de gérer ou un processus de fabrication. Car ce qui devrait être les instruments pour le transfert technologique, qui sont essentiellement les centres collégiaux de transfert technologique, sont terriblement, horriblement sous-financés actuellement. Et, vous le savez, M. le Président, c'est leur survie même qui est remise en question actuellement parce que les obligations depuis trois à quatre ans, les obligations d'autofinancement font en sorte que ces centres collégiaux de transfert technologique deviennent de plus en plus incapables de remplir leur fonction pour laquelle ils ont été créés.

Alors, on se trouve dans une situation, M. le Président, où ce gouvernement a deux types d'approche et, au lieu d'avoir une vision globale, une vision intégrée de l'innovation, il a des visions parcellaires, des visions, disons, qui sont parfois même contradictoires les unes avec les autres. Et, si nous soutenons aujourd'hui l'approche des sociétés Innovatech, ce n'est pas une adhésion de notre part aux politiques d'innovation de ce gouvernement, parce que les autres éléments des politiques d'innovation ? et on va en débattre, et je suis prêt à en débattre à chaque fois ? que peuvent être les CDTI, que sont les carrefours de la nouvelle économie, c'est-à-dire les endroits où on va subventionner par crédits d'impôt les entreprises, les secteurs existants dans les entreprises pour qu'elles déménagent dans des lieux déjà établis, sont des actions gouvernementales toujours dans ce grand processus d'innovation qui, malheureusement, ne donnent pas de résultats et coûtent très cher à l'ensemble des contribuables.

M. le Président, je vous pose une question et je suis sûr que vous allez le savoir, puisque vous êtes un homme qui connaissez bien les choses. Savez-vous quel est l'effort collectif, quel est l'effort collectif de la société québécoise en matière, disons, de soutien à l'innovation? C'est presque du milliard de dollars. Alors, ça inclut bien sûr les crédits d'impôt, ça inclut les petites participations actuellement dans les Innovatech, ça inclut les soutiens aux CDTI, ça inclut les CNE. Et une bonne partie de ces actions qui coûtent très cher ne nous donnent pas la rentabilité que nous devrions avoir. Parce que, sur le plan strictement de la productivité, si on mesure les indicateurs de productivité, nous sommes encore 10 % en retard sur l'Ontario et nous sommes 32 % en retard sur les États-Unis malgré l'effort important que collectivement nous faisons, malgré l'effort important que collectivement nous faisons.

Alors, M. le Président, dans une mesure qui est relativement modeste... Il faut bien comprendre que ce que nous votons ici, c'est une mesure relativement modeste dans l'ensemble des actions que ce gouvernement fait, qui, malheureusement, ne donnent pas les résultats que nous serions en droit de pouvoir escompter. Ces actions, qui sont le soutien aux sociétés Innovatech, vont exactement dans la bonne direction, vont dans la bonne direction parce qu'elles vont directement soutenir le capital des sociétés innovatrices.

Mais ne va pas dans la bonne direction, parce qu'il y a plein d'actions qui sont parfois contradictoires à l'intérieur de ce gouvernement, au point d'ailleurs, à un moment... Vous avez certainement vu ce qui devrait être la bible de tous les membres de ce gouvernement, à savoir Pour des régions innovantes, où, à l'intérieur de ce document, le Conseil de la science et de la technologie va clairement, en ayant analysé tout ce que fait le gouvernement, dire qu'il n'y a pas de politique concertée en matière d'innovation dans ce gouvernement, il n'y a pas d'approche concertée en matière d'innovation, et que, bien souvent, les argents importants qui sont consentis pour cette fonction ne donnent pas les résultats escomptés, M. le Président, et c'est grave.

Vous qui êtes... Et je me permets de m'adresser à vous, vous êtes un banquier, vous connaissez parfaitement toutes ces questions-là, et vous voyez à quel point nos industries actuellement, au Québec, bénéficient indûment, pour une période de temps relativement courte, du fait que notre dollar est un dollar faible, ce qui soutient leur possibilité de pouvoir exporter. Mais aussi, ça a un autre effet, ça fait croire qu'elles sont beaucoup plus efficaces qu'elles ne le sont en réalité. Et, à moyen terme, les avantages qu'on peut avoir d'une monnaie qui est une monnaie faible par rapport au marché qui est le marché américain, notre principal marché d'exportation, vont finir par disparaître le jour où il faudra remplacer les instruments, les machines de production, les instruments de productivité.

Alors, vous comprenez, M. le Président, à quel point, dans une économie qui est de plus en plus ouverte, où nous avons des coûts de main-d'oeuvre relativement élevés si on se compare à d'autres pays, dans une économie relativement ouverte avec des coûts de main-d'oeuvre assez élevés, nous sommes obligés, nous sommes condamnés à innover. Et nous n'avons pas, en face de nous, dans la principale des régions du Québec, de politique structurée, de politique organisée pour soutenir l'innovation. La majeure partie des argents qu'on prend dans vos poches ? lorsque, par exemple, on accorde un crédit d'impôt, ça équivaut à faire en sorte qu'on prend de l'argent dans vos poches, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Beaulne): ...

M. Gautrin: Vous me dites qu'il ne me reste que deux minutes pour arriver à l'élément qui est la fin de notre débat. Je comprends que j'aurai le droit, M. le Président, de pouvoir poursuivre mon intervention dans une autre séance.

Donc, je voudrais simplement vous dire que la majeure partie des argents, du milliard de dollars qu'on prend dans vos poches s'en vont pour soutenir bien souvent la recherche et le développement dans les grandes sociétés, mais ne s'en vont pas soutenir les endroits qui en ont le plus besoin actuellement, à savoir les petites et moyennes entreprises en région. Et c'est ça un petit peu l'élément, la quadrature du cercle qu'on voit dans les politiques d'innovation de ce gouvernement actuellement, M. le Président.

Et je voudrais, pas faire une conclusion, mais je voudrais, dans les 30 secondes que je comprends qu'il me reste actuellement, M. le Président ? et je continuerai plus tard ? rappeler que l'action, les Innovatech, qui d'ailleurs avait été un projet mis de l'avant par Gérald Tremblay, lorsqu'il a été le ministre de l'Industrie et du Commerce, pour revaloriser la région de Montréal, et ça a eu des effets assez structurants dans la région de Montréal, ce concept des Innovatech, où on intervient juste dans la phase, comme je vous l'ai rappelé tout à l'heure, dans la phase initiale, dans cette phase de transition qui est cruciale dans le cadre d'un processus d'innovation, a permis à Montréal de pouvoir atteindre... ou sortir un peu du marasme économique dans lequel elle était.

Et le projet de loi actuellement, M. le Président, qui va soutenir les sociétés Innovatech, va dans le bon sens, mais il n'est qu'une fraction, une petite fraction des argents dépensés par ce gouvernement pour le soutien à l'innovation. La majeure partie de ces argents sont malheureusement gaspillés et on n'en a pas pour notre argent, puisque nous sommes encore 10 % en retard, en termes de productivité, sur l'Ontario et 32 % sur les États-Unis. Merci, M. le Président. Je voudrais continuer plus tard.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Verdun. Comme vous me l'avez fait remarquer tout à l'heure, vous pourrez poursuivre votre intervention sur le projet de loi n° 87 lorsqu'il reviendra à l'ordre du jour. Je dois malheureusement vous interrompre parce que, conformément à nos règlements, il est 18 heures et nous achevons nos travaux de ce jour.

Débats de fin de séance

Nombre de patients en attente de soins
depuis plus de 48 heures dans les salles
d'urgence de la région de Montréal

Je vous rappelle cependant que, conformément aux dispositions de notre règlement, nous avons reçu, en bonne et due forme, deux débats de fin de séance, dont le premier est sollicité par le député de Châteauguay et porte-parole de l'opposition en matière de santé et qui porte sur les nouveaux lits qui seraient mis à la disposition des patients qui attendent dans les urgences. M. le député de Châteauguay.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: M. le Président, ce n'est pas tout à fait comme ça que je voyais le problème, mais, bon, on va le prendre comme vous le présentez. Le problème, dans le fond, vient des statistiques que l'on voit apparaître de plus en plus dans les urgences de Montréal. Et je précise: à Montréal, parce que la Régie de Montréal, depuis longtemps, sur son site Internet, nous donne accès à de nombreuses informations qu'il nous est impossible d'avoir ailleurs, sinon que de passer par des demandes d'accès qui ne sont pas répondues. Alors, on travaille avec ce qu'on a. Avec ce qu'on a, c'est la chose suivante.

n(18 heures)n

D'abord, pour vous faire un portrait, le rapport annuel de la Régie régionale de Montréal 2000-2001, rendu public l'automne dernier, je dirais septembre de l'automne dernier, nous révélait, nous montrait le graphique suivant. Et ça, ce sont les attentes de plus de 48 heures aux urgences. Vous savez c'est quoi, une attente de plus de 48 heures aux urgences? Vous arrivez à l'urgence, on vous rencontre et on doit vous garder pour vous offrir des soins. Mais il n'y a pas de place aux étages ? aux étages, ça veut dire dans les lits ordinaires, dans les chambres ordinaires ? parce que le Parti québécois a eu la très bonne idée de fermer 11 000 lits depuis qu'ils sont au pouvoir, 11 000 lits. Alors, il n'y a plus de lits aux étages qui sont disponibles, ce qui fait qu'on vous garde à l'urgence, derrière un petit rideau en tissu, et là on va prendre vos prises de sang, on va vous donner vos médicaments, on va vous ausculter. Si, par mégarde, vous devez restituer, vous avez des besoins normaux, bien ça se passe en présence de tous les autres qui seront à l'urgence. On ne peut pas vraiment dire que c'est de la médecine moderne, M. le Président; ça ressemble plus à de la médecine de guerre.

Or, les 48 heures aux urgences, je veux dire, personne ne souhaite ça. Il n'y a pas personne sur la planète qui souhaite des 48 heures aux urgences, de rester là même plus de 48 heures. C'est pourquoi le gouvernement a signé des ententes avec les établissements pour empêcher, prohiber les attentes de plus de 48 heures. La tolérance zéro pour 48 heures et plus.

Depuis que ça a été signé, ces ententes-là, on a su ce qui s'est passé. En 1998-1999, il y avait 3,5 % des personnes qui se présentaient à l'urgence qui attendaient plus de 48 heures. L'année d'après, malgré la tolérance zéro, c'est passé à 5,1 %. Bon, c'était en progression. Le gouvernement aurait peut-être dû agir. En 2000-2001, l'année suivante, c'était rendu à 9 % pour les attentes de 48 heures et plus. On constate donc que, depuis que ces ententes-là sont signées, la tolérance zéro, ça signifie, dans la réalité, tout à fait le contraire, on est rendu maintenant avec des attentes de plus en plus nombreuses de plus de 48 heures. On a fait un relevé depuis les mois de mars et avril derniers et on s'est aperçu qu'en 2002, après être à 3 % en 1998-1999, en 2002, on est rendu à 15 % ? 14,9, si on veut donner le chiffre correct ? 15 % des personnes qui attendent aux urgences. Qu'est-ce que ça veut dire, ça, 15 % des personnes qui attendent plus de 48 heures? Grosso modo, M. le Président, grosso modo, vous avez 100 personnes, 100 personnes qui attendent plus de 48 heures.

Pour qu'on comprenne comme il faut ce qu'on veut dire, je vais vous rappeler la première page du Journal de Montréal d'il y a quelques semaines. On fait état du frère de Jean Chrétien qui est resté plus de 24 heures à l'urgence d'un hôpital de la Rive-Sud de Montréal. Les représentants du gouvernement ont dit: C'est inadmissible de se faire ausculter à l'urgence, c'est inadmissible d'avoir des conditions comme celles-là, il faut changer ça. Le ministre Levine ? je l'appelle «ministre», là, mais, remarquez bien, on ne peut pas dire qu'il fréquente souvent notre Assemblée ? le ministre Levine disait qu'il faut réduire à 12 heures maximum le séjour à l'urgence. Il disait ceci: Il ne faut plus avoir de 48 heures à l'urgence. Correct. Il avait vu que c'était tolérance zéro pour les 48 heures. Mais, depuis que le Parti québécois est là, M. le Président, ça ne va qu'en progressant, les attentes de plus de 48 heures.

Alors, le bon M. Levine, comprenez-vous, qui se promène sur le terrain pour dire au monde: Je vous comprends, puis on va régler votre affaire, alors, sa solution à lui, c'est augmenter le nombre de lits aux étages. Lui, il était à Ottawa, comprenez-vous? Il ne le savait pas, lui, que le Parti québécois avait fermé 11 000 lits. Mais là il est membre du gouvernement qui a fermé 11 000 lits puis il dit au gouvernement qu'il faut ouvrir des nouveaux lits. Ce n'est pas le Parti libéral, là. Le ministre m'a dit cet après-midi que je voulais dilapider les fonds publics. C'est son collègue, son ministre délégué, son filleul, vu qu'il est son parrain, qui veut ouvrir des nouveaux lits.

Moi, ma question au ministre, c'était la suivante et c'est encore celle-ci: Pour le mois de juin, là, c'est quoi, sa cible? C'est le ministre responsable des indicateurs, des primes de performance. C'est quoi, son indicateur, pour le mois de juin? Et va-t-il, oui ou non, répondre à la demande de M. Levine, ouvrir des nouveaux lits?

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député de Châteauguay. M. le ministre, vous avez cinq minutes de droit de réplique.

M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, le député de Châteauguay vient de nous livrer une de ses grandes performances, comme lui seul en est capable, pour essayer de faire peur au monde, hein? C'est ce qui est son objectif. M. le Président, d'abord, il nous dit qu'on refuse ses demandes d'accès à l'information. On reçoit des dizaines de demandes de l'opposition pour toutes sortes d'informations qu'on transmet à l'opposition. Donc, je pense qu'il faut faire attention quand on dit des choses comme ça, ce n'est pas exact, M. le Président.

Le député de Châteauguay nous dit qu'il faut suivre certains hôpitaux où on a des délais d'attente, à l'urgence, de plus de 48 heures. C'est important de rappeler, M. le Président, que, lorsqu'un patient se retrouve à l'urgence d'un hôpital, il y a un code qui lui est attribué selon l'urgence de le traiter rapidement. Il y a des codes 1, qui sont très urgents, des codes 2, qui sont moins urgents, 3, 4, 5. Les codes 1 et 2, M. le Président, il n'y a personne qui attend, dans aucun hôpital au Québec. Donc, c'est clair, les cas urgents sont traités immédiatement.

Maintenant, il y a des gens, malheureusement, parce que c'est un réseau complexe où il faut travailler sur la première ligne à redonner des médecins de famille à la population... On travaille sur un projet important avec les GMF actuellement pour qu'il y ait une prise en charge à la première ligne pour, par exemple, un patient qui a une grippe, un rhume, qu'il ne soit pas obligé de se présenter à l'urgence. Bon.

On vit, oui, c'est vrai, des problèmes dans certaines urgences au Québec. Mais, encore là, il ne faut pas généraliser, la majorité des urgences vont bien au Québec. Les endroits où ça ne fonctionne pas ou que ça fonctionne moins bien, c'est là où il y a des grands bassins. Quand le député de Châteauguay nous dit qu'il y a des hôpitaux où il y a des gens qui attendent plus de 48 heures, essentiellement, là, si on regarde à Montréal, ça se résume, aujourd'hui, ce matin, à Saint-Luc, Notre-Dame, Maisonneuve-Rosemont et Sacré-Coeur. Ça se résume à des hôpitaux qui sont à Montréal.

M. le Président, si je regarde d'autres régions... Ici, on est à Québec, là. Prenons la région de Québec. Combien il y avait de gens qui attendaient depuis plus que 48 heures dans les hôpitaux à Québec? Il y en avait un, patient, un patient à l'Hôpital de L'Enfant-Jésus. Ça veut dire qu'à l'Hôpital du Saint-Sacrement il y en avait zéro; au CHUL, il y en avait zéro ce matin; à Saint-François d'Assise, il y en avait zéro; à L'Hôtel-Dieu de Québec, il y en avait zéro; à l'hôpital Laval, il y en avait zéro; à l'hôpital Jeffery Hale, il y en avait zéro; à l'hôpital Chauveau, il y en avait zéro; à Sainte-Anne-de-Beaupré, il y en avait zéro; puis, à Charlevoix, il y en avait zéro. M. le Président, c'est ça, la réalité, là. Je pourrais continuer l'énumération: à Laval, Cité de la santé, il y en avait zéro ce matin aussi qui était là depuis plus de 48 heures. Donc, évidemment que le député de Châteauguay, ce qu'il aime faire, c'est de prendre quelques cas où...

C'est vrai, il y a des choses à faire dans un certain nombre d'hôpitaux de la région de Montréal. C'est pour ça qu'on a une équipe. On a mis en place une équipe avec le Dr Afilalo, le Dr Poirier qui ont publié un guide des urgences qui a été appliqué à certains endroits puis qui a donné des résultats. Exemple, Cité de la santé, on a réussi à réduire les délais d'attente de moitié depuis qu'on a appliqué ce guide. Et qu'est-ce qu'il y a comme différence quand je compare avec un hôpital à Montréal qui a une fréquentation comparable à la Cité de la santé, des lits, un nombre de lits comparable à la Cité de la santé, donc des paramètres comparables? C'est qu'à la Cité de la santé, à Laval, on a fait de l'urgence une priorité. Tout le personnel, tous les médecins ont fait de l'urgence une priorité. C'est ce qu'on doit s'assurer d'avoir dans tous les hôpitaux, incluant dans les hôpitaux, les quelques hôpitaux, là, à Montréal ou dans la grande région de Montréal qui vont moins bien. Donc, j'aurai l'occasion...

J'ai demandé au Dr Poirier et au Dr Afilalo de pouvoir grandir leur équipe parce que c'est certain qu'avec deux personnes c'est difficile d'aller accompagner la dizaine d'hôpitaux où ça va moins bien. Donc, ils sont en train de se former une nouvelle équipe. On va être capables d'annoncer au cours des prochaines semaines un plan d'action très concret avec des objectifs très concrets sur trois indicateurs qu'on va suivre. Trois indicateurs, M. le Président. D'abord, le pourcentage de la capacité qui est utilisé, puis on va essayer de le maintenir partout en bas de 100 %. Deuxièmement, réduire la durée d'attente moyenne à 12 heures, c'est notre objectif, puis on pense que c'est ce qu'il devrait être raisonnable d'avoir, puis c'est ce qui est visé à peu près dans tous les pays industrialisés. Puis, de réduire à zéro les 48 heures et plus. Donc, c'est ça, notre objectif, M. le Président.

n(18 h 10)n

Je vous rappellerai qu'on a mis aussi en place des mesures qui ont montré des améliorations importantes dans les régions au cours des dernières semaines. La semaine de relâche, on n'en a pas entendu parler. Je pense qu'il faut encourager les gens qui travaillent dans les hôpitaux plutôt que de chialer et de faire comme le député de Châteauguay, de venir décourager tous ceux qui font des efforts importants. Donc, je l'encourage à faire la même chose que nous, donc encourager les gens qui travaillent dans nos urgences. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. M. le député de Châteauguay, vous avez deux minutes de réplique.

M. Jean-Marc Fournier (réplique)

M. Fournier: Un ministre qui n'a pas de coeur, M. le Président. Parce qu'ils n'en parlent pas dans les médias, ce n'est pas grave. Les gens qui attendent là, ce n'est pas grave. Vu qu'ils n'en parlent pas dans les médias, ça va bien. C'est ce qu'il nous dit, là, hein: On n'en a pas entendu parler.

Il nous parle des trois indicateurs. Sur la Régie de Montréal, les indicateurs, ils existent déjà, M. le ministre. Je pensais que vous les regardiez à chaque matin, les indicateurs. Je vais prendre juste, là, en date du 6 mai 2002 ? ça, c'est hier ? taux d'occupation globale: 146 %. Remarquez bien que, si je prends celui d'aujourd'hui, 166. Ils sont là, les taux d'occupation. Si on regarde les gens qui attendent plus de 48 heures, c'est déjà marqué, l'indicateur existe déjà, j'en ai 101, personnes, hier, à Montréal.

Là, tantôt, il a fait la liste des hôpitaux qui n'ont pas de problème. Je lui parle des hôpitaux de Montréal qui ont des problèmes. C'est la vaste majorité. Il y en a quatre hôpitaux qui n'en ont pas et 12 qui en ont, et là il vient ici puis il dit: Il n'y en a pas, de problème, tout est beau, tout va bien. Puis là j'ai...

Une voix: ...

M. Fournier: Oui, oui, c'est ça que vous avez dit. Bien oui, c'est ça que vous avez dit. Vous avez banalisé la situation dans ces hôpitaux-là. Vous avez ri des 100 personnes qui attendent plus de 48 heures en nous disant: On travaille là-dessus avec les GMF. Voyons donc! Les gens qui attendent là, ce n'est pas les GMF qui attendent. Ils attendent pour une chambre. Ils ont déjà vu un médecin à l'urgence et ils attendent pour une chambre parce qu'ils sont là en suivi. Et ce que vous acceptez et ce que vous voulez continuer d'accepter, c'est le fait que vous avez fermé 11 000 lits, le fait que vous nous laissiez au dixième rang des provinces.

Nous sommes, les Québécois, ceux qui sont les plus pauvres en matière de santé parce que, vous, au Parti québécois, vous avez décidé que l'argent de la santé irait dans le multimédia, irait dans le commerce électronique, irait dans les compagnies à qui vous donnez des crédits du Fonds de services de santé. Bien, je vais vous dire quelque chose: ce qui nous distingue, nous et vous, c'est qu'on pense que les Québécois méritent plus de respect, surtout ceux qui sont sur des attentes de plus de 48 heures.

Là, vous nous dites aujourd'hui: Nous, notre plan de match, c'est que les gens n'attendent pas plus de 12 heures. Ça fait huit ans que vous êtes là. Depuis les huit dernières années, tout ce qu'on a vu, c'est un système qui dépérit, des gens qui attendent et attendent et qui souffrent en voyant des ministres qui, un après l'autre, se succèdent pour dire que tout va bien. Les gens ont bien compris, ça va mal, et ça va changer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le député. Alors, ceci met fin à notre premier débat de fin de séance.

Aide aux jeunes homosexuels et lesbiennes
dans les écoles secondaires

Nous avons reçu une deuxième demande de fin de séance, concernant l'insuffisance des ressources mises à la disposition des jeunes homosexuels et lesbiennes dans nos écoles secondaires. Mme la députée de Mercier, vous avez cinq minutes pour nous exposer votre situation.

Mme Nathalie Rochefort

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. Cet après-midi, je demandais au ministre de l'Éducation: Qu'est-ce qu'il attend pour intervenir et s'assurer que tout est mis en oeuvre pour donner accès aux ressources de soutien pour les jeunes homosexuels et lesbiennes dans nos écoles secondaires? Malheureusement, le ministre de l'Éducation n'a pas voulu répondre à ma question pourtant fort simple. Heureusement, le ministre délégué aux Relations avec les citoyens était là, et je l'en remercie. Malgré tout, M. le député de Sainte-Marie? Saint-Jacques était surtout heureux de nous dire que son gouvernement a alloué une subvention de 35 000 $ pour venir en aide...

Une voix: ...

Mme Rochefort: Vous aviez dit 35 000 $, M. le ministre.

Une voix: ...

Mme Rochefort: D'accord. Pour venir en aide à la Fondation Émergence de Gai Écoute, ce qui est un très bon geste, ça, j'en conviens, pas de problème. Mais ce dont le ministre délégué ne semble pas se rendre compte, M. le Président, c'est qu'il démontre ainsi le manque de bon sens de son gouvernement. En effet, ça donne quoi d'investir de l'argent pour prévenir l'homophobie dans les écoles secondaires si le ministre de l'Éducation n'est même pas capable d'envoyer une simple lettre à ses directeurs d'école pour dire qu'il investit 100 000 $, comme vient de nous le dire le ministre délégué, pour la prévention de l'homophobie? Ça manque de bon sens.

Tout compte fait, ça n'a rien de surprenant que le ministre de l'Éducation ait d'abord refusé de me répondre, en passant, puisque celui-ci n'a même pas daigné venir rencontrer la centaine d'intervenants du milieu scolaire réunis à l'occasion d'un forum sur les droits et libertés des jeunes homosexuels à l'école, et ça, il y a moins de deux semaines. Pourtant, il aurait eu intérêt à écouter le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Me Pierre Marois, qui déclarait: Suffit, les voeux pieux! Il faut agir pour que cesse l'homophobie dans le milieu scolaire. L'impact seulement de sa présence, M. le Président, aurait été majeur auprès des décideurs scolaires. Malheureusement, il a brillé par son absence.

Lors de cet événement, le ministre délégué aux Relations avec les citoyens déclarait d'ailleurs aux médias présents avoir frissonné quand il a appris que seulement le quart des écoles québécoises avaient accepté d'inscrire le numéro de la ligne référence Gai Écoute dans leur bottin remis aux étudiants du secondaire en début d'année scolaire. Le ministre délégué a même déclaré: «"Les directions d'école ne respectent pas un principe majeur de notre Charte: le droit à l'information", a déclaré le ministre.» Le ministre se rappelle sûrement aussi avoir entendu un participant dire: Pour enrayer un tel fléau, religion et principes ne doivent pas être des obstacles, car les droits doivent être primés sur tout et encore plus sur les croyances. Car s'empêche-t-on de parler de racisme, de sexisme dans les écoles sous prétexte que certaines personnes sont racistes elles-mêmes ou sexistes? Non. Poser la question, c'est y répondre. Il devrait en aller de même pour l'acceptation de l'homosexualité.

D'ailleurs, qu'a fait le ministre depuis les deux dernières semaines pour inciter les écoles à inscrire le numéro de téléphone de Gai Écoute dans leur bottin? Rien. À preuve, le 15 avril, lors de la conférence de presse, 28 % des écoles étaient d'accord seulement pour inscrire le numéro de téléphone de Gai Écoute dans leur bottin. Aujourd'hui même, le 7 mai, on est encore à 30 %, une augmentation de 2 %. Il est à peu près temps que le ministre se décide à agir. Il est à peu près temps qu'il prenne le temps d'écrire une simple petite lettre: MM. les directeurs d'école, Mmes les directrices d'école, notre gouvernement a consenti une subvention de 100 000 $. Voulez-vous, s'il vous plaît, nous aider dans notre démarche pour prévenir l'homophobie dans les écoles? C'est simple. Mais non, ce gouvernement-là fait compliqué. Pourtant, le ministre devrait savoir, devrait comprendre que des propos tels que «fif», «tapette», «pédale» ? j'en passe, là, en passant ? ne sont qu'une démonstration verbale de toutes les violences dont sont victimes les jeunes dans les écoles du Québec, qu'ils soient ou non homosexuels, tout simplement parce qu'ils sont différents.

En terminant, j'aimerais rappeler au ministre que, si l'école demeure encore réticente à la réalité homosexuelle et même a de la difficulté à publiciser un simple numéro de téléphone d'aide et de référence, ce n'est pas le cas pour l'ensemble de la population du Québec. Un sondage Léger Marketing réalisé en avril 2001, visant à mesurer l'opinion des Québécois à propos de la réalité homosexuelle, démontrait clairement que 69 % des répondants estimaient nécessaire d'en parler, de l'homosexualité. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée de Mercier et porte-parole l'opposition en matière d'action communautaire. Et, pour la réplique, j'invite le ministre délégué aux Relations avec les citoyens et à l'Immigration. M. le ministre.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie. Au départ, on va rétablir les faits: le ministre de l'Éducation national n'a pas refusé de répondre à la question, c'est moi qui l'ai saisie au vol. Parce que, si j'attendais après l'opposition pour avoir les questions sur l'immigration et les relations avec les citoyens, je n'en aurais jamais. La deuxième chose, M. le Président, il est de toute évidence que, dans ce sujet, quand c'est notre gouvernement qui parle, nous parlons par conviction et non pas par ambition. La chose est différente.

Je ne vais pas nier, M. le Président, que, lorsqu'on est adolescent et qu'on s'aperçoit de son orientation sexuelle, dans le sens qu'elle est différente de la majorité, ce n'est pas nécessairement un party, pour utiliser une expression coutumière. Ça peut être extrêmement traumatisant, ça peut être extrêmement difficile, M. le Président. L'environnement urbain ou l'environnement rural, l'environnement culturel peut ne pas aider, à l'occasion. L'environnement familial aussi peut ne pas aider, à l'occasion. Mais, M. le Président, nous avons agi, nous avons agi. Je ne vais pas nier qu'il n'y a que 30 % des écoles, je m'en désole. Je ne jetterai pas, par contre, un torrent de boue sur les enseignants comme d'autres le font sur le personnel médical, parce que c'est de bon ton, paraît-il à l'opposition, d'avoir cette attitude. Pas du tout. Les enseignants font un très bon travail. S'il y a des directions d'école qui sont réticentes, eh bien, au départ, elles se sont fait rappeler à l'ordre par nul autre que le président de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, Me Marois, qui leur a écrit et qui leur a dit ? et c'est quand même une autorité: Mais vous ne respectez pas les principes de la Charte, qui est le droit à l'information. Vous devez réagir et vous devez diffuser.

n(18 h 20)n

Et nous avons été heureux de nous associer, M. le Président, à la Fondation Émergence et à Gai Écoute pour la somme totale de 100 000 $. Très heureux de le faire, avec un porte-parole superbe, que l'ensemble des Québécois et des Québécoises adorent, Daniel Pinard. Qui ne l'aime pas? Ciel! mon Pinard! Merci, Daniel, pour ce que vous faites à ce niveau-là.

Mais je trouve, M. le Président, que l'opposition est drôlement culottée et mal placée sur ce sujet. Tenter de nous donner des leçons... M. le Président, vous avez siégé avec moi durant cette période d'opposition, qui peut avoir des vertus salvatrices et rédemptrices. J'espère qu'elle en aura pour les libéraux. Mais, de 1989... 1985, pardon, à 1994, combien ont reçu les organismes qui s'occupent d'aider les gais et lesbiennes, jeunes, d'âge moyen ou vieux? Combien ont-ils reçu? Zéro, M. le Président. Zéro! En campagne électorale, le ministre qui était là à l'époque a tenté de donner 7 000 $. Ils étaient tellement insultés qu'ils lui ont pitché le chèque dans la face, pour employer l'expression bien québécoise. Nous, on a modifié la Charte des droits et libertés. Nous, on a fait la reconnaissance des conjoints de fait. Nous, on est en train de présenter à cette Assemblée l'union civile. Et c'est des millions de dollars maintenant qui sont donnés à la communauté gaie de façon à les aider à régler des problèmes.

La députée de Mercier, avec la foi du charbonnier, peut-elle nous dire combien elle a donné pour aider les organismes de la communauté gaie? Combien a-t-elle donné à Gai Écoute? A-t-elle créé Dire enfin la violence? Non, c'est le Parti québécois qui l'a mis. GRIS, Lambda, Divers/Cité, les Jeux de 2006...

M. le Président, l'intérêt soudain pour la communauté gaie vient sans aucun doute qu'ils se sont aperçus, sur le tard il va de soi, que ces gens-là, ça votait. Donc, je vous dis: Il y a des gens qui agissent par ambition; nous, on a agi par conviction, M. le Président. Et je vous prendrai à témoin, nous avions inscrit, dans les années d'opposition, la reconnaissance des droits des hommes et des femmes dont l'orientation sexuelle peut être différente de la majorité et nous avons toujours respecté nos engagements. Et, si ce dont la députée se plaint, que malheureusement les directions d'école ne suivent pas le mot d'ordre qui a été donné par la Commission des droits de la personne, il y a d'autres moyens, et nous n'hésiterons pas, M. le Président, à les prendre, parce que les droits, c'est sacré.

Nous, ce qu'on dit aux gens qui sont gais et lesbiennes: On est fiers de vous, on n'a pas honte de vous. D'ailleurs, dans ma formation politique, on ne se cache pas quand on l'est, on le dit. C'est un peu différent ailleurs, n'est-ce pas, M. le Président? Et vous contribuez, chacun et chacune d'entre vous, à votre manière, à votre façon, à identifier, à édifier un Québec, et un Québec d'ailleurs dont vous partagez notre option, un Québec souverain, débarrassé d'Ottawa qui n'est même pas capable de faire le quart du tiers de la moitié de ce qu'on fait.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Mercier, vous avez deux minutes de droit de réplique.

Mme Nathalie Rochefort (réplique)

Mme Rochefort: Merci, M. le Président. Je trouve que votre ministre semble faire beaucoup de choses, votre gouvernement, M. le ministre délégué, sauf être capable d'écrire une simple lettre aux directions d'école. Mais, bref, étant membre du Centre communautaire gai depuis 1992, votre bave de crapaud, M. le ministre délégué, ne m'atteint pas.

En terminant, je voudrais citer un extrait du livre de Michel Dorais, qui est très bien connu, Mort ou fif: «Nicolas était depuis des années la cible de propos blessants et homophobes de la part de ses camarades de classe, sans que quiconque à l'école n'intervienne. Étudiant modèle, il ne se plaignait jamais. Ses compagnons le considéraient néanmoins insuffisamment masculin, et le bruit courait qu'il était fif. Un jour, alors que sa classe passait à côté de la piscine de l'école, des garçons le précipitèrent dans l'eau tout habillé. Tout le monde, y compris le professeur, rit un bon coup. Pour Nicolas, humilié, ce fut trop. Le lendemain, il s'est tué, il s'est jeté en bas d'un viaduc.» M. le Président, pour la mère de Nicolas, pour les amis de Nicolas qui ne sont pas gais mais touchés par l'homophobie, par la mort de leur ami, est-ce que le ministre délégué veut, oui ou non, s'assurer qu'on mette le numéro de téléphone de Gai Écoute dans le bottin remis aux étudiants du secondaire afin que tous les étudiants du Québec aient accès au moins à une ressource où ils peuvent être entendus et compris par des humains qui savent ce qu'ils vivent? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Beaulne): Merci, Mme la députée de Mercier.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Beaulne): M. le leader adjoint... M. le ministre, malheureusement, il n'y a pas de question de règlement à cette étape-ci. L'intervention de la députée de Mercier met un terme à nos échanges en débat de fin de séance.

Une voix: ...

Ajournement

Le Vice-Président (M. Beaulne): Vous aurez une autre occasion de vous reprendre. Alors, ceci met un terme à nos débats de fin de séance, et, par conséquent, j'ajourne nos débats à demain, le mercredi 8 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 25)