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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le lundi 21 février 2011 - Séance extraordinaire

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Table des matières

Dépôt d'une lettre du premier ministre demandant
que l'Assemblée se réunisse d'urgence

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Note de l'éditeur: Prorogation par décret de la première session de la 39e législature
le 22 février 2011, à 10 heures.

Journal des débats

(Neuf heures sept minutes)

Le Président: Alors, bonne journée, chers collègues. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Veuillez vous asseoir.

Dépôt d'une lettre du premier
ministre demandant que
l'Assemblée se réunisse d'urgence

Avant de procéder aux affaires courantes, je vous rappelle que nous sommes réunis à la suite de la lettre que m'a adressée M. le premier ministre, me demandant de prendre les dispositions nécessaires pour que l'Assemblée se réunisse en séances extraordinaires à compter de 9 heures, ce lundi 21 février 2011, selon le calendrier et l'horaire qui seront déterminés par l'Assemblée, afin de permettre la présentation d'un projet de loi visant à assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics ainsi que de procéder à toutes les étapes de son étude. Je dépose cette lettre.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Aux affaires courantes, à la rubrique Déclarations de députés, je cède maintenant la parole à M. le député de Drummond.

Saluer le succès du Festival
Montréal en lumière

M. Yves-François Blanchet

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Dans une oeuvre remarquable qui nous a tous bercés de ces images dont Gilles Vigneault a le secret, il nous réconforte dans notre affrontement quotidien avec des éléments difficiles à apprivoiser, mais Gilles Vigneault, en chantant son seul pays qui est l'hiver, n'est pas le seul à en imaginer et à en magnifier les charmes. C'est dans le registre ultracontemporain des nouvelles technologies du multimédia et des arts multidisciplinaires, portés par les accents de toutes les musiques, de toutes les saveurs ou de la danse contemporaine, dans le cadre impressionnant du Quartier des spectacles, qui redonne à Montréal ses lettres de noblesse et son identité nordique enluminée et forte, que se déploie la 12e édition du Festival Montréal en lumière.

J'offre nos félicitations aux artistes, aux artisans et aux gens de Spectra, les Alain Simard, André Ménard, avec une salutation spéciale à Marie-Josée Lord, qui en est coprésidente d'honneur et qui a offert un spectacle exceptionnel en fin de semaine, et aux autres amants de culture et d'une fierté durable et dignement montréalaise.

**(9 h 10)**

Le Président: Merci, M. le député de Drummond. Nous en sommes maintenant à M. le député de Masson.

Rendre hommage à
M. Bernard Patenaude,
ex-maire de Mascouche,
à l'occasion de son décès

M. Guillaume Tremblay

M. Tremblay: Merci beaucoup, M. le Président. Le 9 janvier dernier est décédé M. Bernard Patenaude, un grand citoyen de ma circonscription qui fut maire de la ville de Mascouche. Je tiens à rendre un hommage particulier à cet homme qui a joué un rôle important dans sa municipalité.

Enseignant de formation, M. Patenaude a tout d'abord été président de la commission scolaire de 1962 à 1972. En parallèle à sa carrière dans le monde de l'éducation, il a été propriétaire de nombreux commerces, notamment trois dépanneurs et un salon de quilles. Entrepreneur prospère, il fonde en 1976 la Chambre de commerce de Mascouche. Élu conseiller municipal en 1965, il devient maire de Mascouche en 1983 et occupera ce poste pendant huit ans. Sous sa gouverne, la municipalité connaît un développement considérable.

Homme de famille exemplaire, il laisse dans le deuil une grande famille de neuf enfants, 21 petits-enfants et deux arrière-petits-enfants.

Aujourd'hui, je tiens à souligner l'immense contribution de M. Patenaude à la communauté. Et je veux réitérer les plus sincères sympathies à la famille et aux proches. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Masson. Toujours aux déclarations de députés, M. le député de Saint-Jean.

Souligner le 150e anniversaire de
l'Institut Nazareth et Louis-Braille

M. Dave Turcotte

M. Turcotte: Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec honneur aujourd'hui que je prends la parole pour souligner l'année du 150e anniversaire de la fondation de l'Institut Nazareth et Louis-Braille. Réparti dans cinq villes au Québec, notamment à Saint-Jean-sur-Richelieu, l'institut demeure le principal réseau de réadaptation visuelle au Québec et, rappelons-le, le premier en Amérique du Nord à enseigner le braille, dès 1861.

Fort de sa 150e année de fondation, l'Institut Nazareth et Louis-Braille assure des services et des traitements de qualité auprès des Québécois vivant une déficience visuelle. Spécialement, je tiens à remercier l'ensemble des intervenants, des professionnels, spécialistes et bénévoles qui, avec leur dévouement et leur passion, contribuent à aider, encourager et soutenir chaque jour les personnes atteintes de déficience visuelle au Québec.

Je termine en félicitant l'Institut Nazareth et Louis-Braille ainsi qu'en lui souhaitant un avenir rempli de succès. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député de Saint-Jean. Nous en sommes maintenant à M. le député de Johnson.

Féliciter les élèves de la
circonscription de Johnson qui ont
participé au Parlement des jeunes

M. Etienne-Alexis Boucher

M. Boucher: Merci, M. le Président. Par la présente, je souhaite adresser mes plus sincères félicitations à six jeunes de la circonscription de Johnson pour leur participation à la neuvième édition du Parlement des jeunes qui s'est tenu ici même du 26 au 28 janvier dernier. Ainsi, Lydia, Rose, Jérémy, Michaël, Anthony et Annick ont tour à tour joué le rôle de parlementaire pour ainsi mieux vivre concrètement cette expérience de démocratie.

Au cours de cet événement, ces six jeunes de l'école Le Tournesol, de Windsor, et de la polyvalente Robert-Ouimet, d'Acton Vale, ont eu l'occasion de se familiariser avec les divers aspects du métier de député et de journaliste. Ainsi, ils agissèrent comme d'excellents représentants, législateurs et contrôleurs de l'action gouvernementale. De plus, ils effleurèrent le rôle de fonctionnaire. Ce faisant, ils prirent part aux différentes étapes jalonnant l'adoption d'un projet de loi.

Par leur participation, ces jeunes ont fait ainsi la promotion de l'importance de l'implication et de la conscientisation à la vie politique, un élément essentiel à notre démocratie. Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le député. Cela met fin à la rubrique Déclarations de députés.

Toujours aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.

Il n'y a pas de dépôt de documents.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, M. le député de Labelle.

Décréter un moratoire sur les
projets d'exploration et
d'exploitation des gaz de schiste

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 173 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que des travaux d'exploration visant à exploiter [les] gaz de schiste se déroulent au Québec et qu'ils présentent des risques environnementaux et sanitaires importants, notamment pour l'eau en raison des produits chimiques utilisés pour la fracturation ainsi que l'augmentation des gaz à effet de serre;

«Considérant des conséquences environnementales de cette exploitation [qui] ont eu des effets dévastateurs aux États-Unis et en Alberta [notamment];

«Considérant que ces travaux soulèvent une inquiétude légitime chez les citoyens et les citoyennes, des communautés ainsi que des élus municipaux qui n'ont pas [le pouvoir] d'arrêter ces travaux ou n'ont pas les ressources pour gérer les conséquences de tels travaux;

«Considérant que le Bureau [des] audiences publiques sur l'environnement a reçu un mandat qui se limite à proposer très rapidement un cadre de développement de la filière des gaz de schiste;

«Considérant que le Québec est actuellement apte à entreprendre un virage vers l'exploitation des énergies [renouvelables] durables qui contribuerait à la diminution des GES tout en contribuant à l'emploi et à la richesse collective dans une optique nationale;

«Considérant qu'il est fondamental de décider collectivement de l'exploitation de nos ressources et [de] l'importance de cet enjeu nécessite une large consultation publique;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, citoyens québécois, demandons que le gouvernement du Québec décrète un moratoire complet et immédiat sur [l'exploitation et l'exploration des] gaz de schiste.»

Je certifie que cet extrait, M. le Président, est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. Toujours aux pétitions, M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Merci beaucoup, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 186 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que des travaux d'exploration visant à exploiter le gaz de schiste se déroulent au Québec et [qu'il y a présentement] des risques environnementaux et sanitaires importants notamment pour l'eau en raison des produits chimiques utilisés pour la fracturation ainsi que l'augmentation des gaz à effet de serre;

«Considérant que des conséquences environnementales de cette exploitation ont eu des effets dévastateurs aux États-Unis et en Alberta;

«Considérant que ces travaux soulèvent une inquiétude légitime chez les citoyens et les citoyennes, des communautés ainsi que des élus municipaux qui n'ont pas [le pouvoir] d'arrêter ces travaux ou n'ont pas les ressources pour gérer les conséquences de tels travaux;

«Considérant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a reçu un mandat qui se limite à proposer très rapidement un cadre de développement de la filière des gaz de schiste;

«Considérant que le Québec est actuellement apte à entreprendre un virage vers l'exploitation des énergies durables qui contribuerait à [diminuer les] gaz à effet de serre tout en contribuant à l'emploi et à la richesse collective dans une optique nationale;

«Considérant qu'il est fondamental de décider collectivement de l'exploitation de nos ressources et que l'importance de cet enjeu nécessite une large consultation publique;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, citoyens québécois, demandons que le gouvernement du Québec décrète un moratoire complet et immédiat sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Bon.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. Toujours aux pétitions, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement? Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 177 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que des travaux d'exploration visant à exploiter le gaz de schiste se déroulent au Québec et qu'ils présentent des risques environnementaux et sanitaires importants, notamment pour l'eau en raison des produits chimiques utilisés pour la fracturation ainsi que l'augmentation des gaz à effet de serre;

«Considérant que des conséquences environnementales de cette exploitation ont eu des effets dévastateurs aux États-Unis et en Alberta;

«Considérant que ces travaux soulèvent une inquiétude légitime chez les citoyens et les citoyennes, des communautés ainsi que des élus municipaux qui n'ont pas les pouvoirs d'arrêter ces travaux ou n'ont pas les ressources pour gérer les conséquences de tels travaux;

«Considérant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a reçu un mandat qui se limite à proposer très rapidement un cadre de développement de la filière des gaz de schiste;

«Considérant que le Québec est actuellement apte à entreprendre un virage vers l'exploitation des énergies durables qui contribuerait à la diminution des gaz à effet de serre tout en contribuant à l'emploi et à la richesse collective dans une optique nationale;

«Considérant qu'il est fondamental de décider collectivement de l'exploitation de nos ressources et que l'importance de cet enjeu nécessite une large consultation publique;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, citoyens québécois, demandons que le gouvernement du Québec décrète un moratoire complet et immédiat sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. M. le député de Jonquière.

M. Gaudreault: M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement? M. le député de Jonquière.

**(9 h 20)**

M. Gaudreault: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 250 pétitionnaires. Désignation: citoyens, citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que des travaux d'exploration visant à exploiter le gaz de schiste se déroulent au Québec et qu'ils présentent des risques environnementaux et sanitaires importants, notamment pour l'eau en raison des produits chimiques utilisés pour la fracturation ainsi que l'augmentation des gaz à effet de serre;

«Considérant que des conséquences environnementales de cette exploitation ont eu des effets dévastateurs aux États-Unis et en Alberta;

«Considérant que ces travaux soulèvent une inquiétude légitime chez les citoyens et les citoyennes, des communautés ainsi que des élus municipaux qui n'ont pas les pouvoirs d'arrêter ces travaux ou n'ont pas les ressources pour gérer les conséquences de tels travaux;

«Considérant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a reçu un mandat qui se limite à proposer très rapidement un cadre de développement de la filière des gaz de schiste;

«Considérant que le Québec est actuellement apte à entreprendre un virage vers l'exploitation des énergies durables qui contribuerait à la diminution des gaz à effet de serre tout en contribuant à l'emploi et à la richesse collective dans une optique nationale;

«Considérant qu'il est fondamental de décider collectivement de l'exploitation de nos ressources et que l'importance de cet enjeu nécessite une large consultation publique;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, citoyens québécois, demandons que le gouvernement du Québec décrète un moratoire complet et immédiat sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Assemblée pour déposer l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 188 pétitionnaires. Désignation: citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que des travaux d'exploration visant à exploiter le gaz de schiste se déroulent au Québec et qu'ils présentent des risques environnementaux et sanitaires importants, notamment pour l'eau en raison des produits chimiques utilisés pour la fracturation ainsi que l'augmentation des gaz à effet de serre;

«Considérant que des conséquences environnementales de cette exploitation ont eu des effets dévastateurs aux États-Unis et en Alberta;

«Considérant que ces travaux soulèvent une inquiétude légitime chez les citoyens et les citoyennes, des communautés ainsi que des élus municipaux qui n'ont pas les pouvoirs d'arrêter ces travaux ou n'ont pas les ressources pour gérer les conséquences de tels travaux;

«Considérant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a reçu un mandat qui se limite à proposer très rapidement un cadre de développement de la filière des gaz de schiste;

«Considérant que le Québec est actuellement apte à entreprendre un virage vers l'exploitation des énergies durables qui contribuerait à la diminution des gaz à effet de serre tout en contribuant à l'emploi et à la richesse collective dans une optique nationale;

«Considérant qu'il est fondamental de décider collectivement de l'exploitation de nos ressources et que l'importance de cet enjeu nécessite une large consultation publique;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, citoyens québécois, demandons que le gouvernement du Québec décrète un moratoire complet et immédiat sur l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cet extrait de pétition est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions qui portent sur un droit ou une violation de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes donc maintenant à la période de questions et de réponses orales des députés. Et je cède la parole à Mme la chef de l'opposition officielle.

Conflit de travail avec les
procureurs et juristes de l'État

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Au moment où le Québec est affligé par des scandales à répétition, par des histoires de corruption ou de tentative de corruption au plus haut niveau, au moment où les liens entre l'industrie de la construction et le crime organisé sont mis à jour, le gouvernement a choisi, lui, de se mettre à dos ses procureurs et ses juristes. J'en profite d'ailleurs pour les saluer parce qu'ils sont actuellement présents dans nos galeries.

Au moment où nous avons le plus besoin de nos procureurs de la couronne, le gouvernement impose une loi spéciale, et ce, sans jamais avoir négocié de bonne foi. Après la commission Bastarache, le refus de tenir une commission d'enquête publique, les conséquences sur nos institutions et la confiance du public sont dévastatrices. Déjà, le procureur-chef du Bureau de lutte au crime organisé a claqué la porte, remis sa démission hier soir. Il suggère même qu'on devrait laisser au fédéral le soin de lutter contre le crime organisé et indique que le Québec n'a plus la capacité de lutter efficacement contre celui-ci. Même le Barreau du Québec s'est opposé à une imposition d'une loi spéciale. En plus, les procureurs de la couronne remettent en cause l'indépendance du Directeur des poursuites, Louis Dionne.

Est-ce que le premier ministre se rend compte de la mauvaise foi du gouvernement? Est-ce qu'il sait qu'il est en train de miner complètement nos institutions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, d'abord, je veux vous dire que personne n'aurait souhaité voter une loi spéciale. Et nous aurions souhaité conclure une entente avec les procureurs de la couronne comme nous avons réussi à conclure une entente avec la fonction publique en général, ce qui représente 475 000 personnes, presque un demi-million de personnes, et comme nous avons conclu une entente avec les infirmières, M. le Président.

Puis on a pris la même approche avec la fonction publique et les infirmières que nous avons prise également avec les procureurs de la couronne, ça a été la même approche. Alors, on a négocié de bonne foi. Nous avons fait tous les efforts. Et on a posé des gestes, on a déposé une offre qui est sérieuse, qui est crédible et qui va dans le sens d'une bonification des conditions de travail des procureurs.

Maintenant, nous constatons, et c'est la chef de l'opposition officielle, la semaine dernière, qui le disait il y a moins d'une semaine, à l'Assemblée, elle parlait de drame humain, elle parlait d'un nombre incalculable de dossiers qui sont retardés. Et nous sommes forcés de constater, M. le Président, que nous devons agir dans l'intérêt supérieur des citoyens du Québec. Pour la suite des choses, nous avons tous une responsabilité, ceux et celles qui sont au service des citoyens québécois, d'agir de manière responsable et nous savons que chaque employé de l'État, chaque mandataire de l'État agira en fonction de cette responsabilité.

Le Président: En première complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, encore une fois, le premier ministre n'a pas assumé ses responsabilités. La loi spéciale que nous étudierons aujourd'hui, c'est l'aboutissement de huit ans: huit ans où la justice a constitué la dernière préoccupation du gouvernement, huit ans de mépris envers les procureurs et les juristes de l'État, huit ans de gouvernement libéral.

Parce qu'aujourd'hui on peut bien avoir des mots de compassion, quand on n'a pas discuté, quand on n'a pas négocié avec les procureurs, il est normal que ceux-ci soient en désaccord, M. le Président. Nous voulons savoir ce que le premier ministre a à leur proposer.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Jean Charest

M. Charest: M. le Président, je regrette que la chef de l'opposition officielle choisisse ce type de langage aujourd'hui, à l'Assemblée, sur une question qui interpelle la responsabilité du législateur. Nous avons négocié dans un temps record une entente de cinq ans avec la fonction publique. Nous avons négocié également avec les infirmières.

On a pris exactement la même approche avec la fonction publique, qu'avec les infirmières, qu'avec les procureurs de la couronne. La conclusion n'est pas la même. On aurait voulu, nous, conclure une entente, puis on a posé tous les gestes responsables pour y arriver.

Je regrette que la chef de l'opposition officielle se permette ce langage aujourd'hui.

Le Président: En terminant.

M. Charest: Puis, en même temps, sur les questions essentielles, elle n'a jamais voulu se prononcer, sur l'arbitrage obligatoire ou les autres clauses. Qu'elle nous dise donc...

Le Président: Mme la chef de l'opposition officielle, en deuxième complémentaire.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Si le premier ministre veut poser des questions, je lui offre mon siège, M. le Président. Quand il s'est agi... quand il s'est agi de nommer la commission Bastarache, ça a été pas mal rapide, M. le Président.

Pourquoi le premier ministre tient-il autant à avoir une couronne affaiblie? Pourquoi le premier ministre veut-il punir les procureurs de la couronne parce qu'ils ont osé demander la tenue d'une enquête publique sur la corruption? C'est quoi, le jeu du gouvernement, M. le Président?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, je tiens absolument à réitérer aujourd'hui la volonté du gouvernement d'améliorer les conditions de travail de nos procureurs et de nos juristes. C'est un élément qui faisait partie de notre offre sérieuse, il y avait là plusieurs aspects que nous souhaitions bonifier. Et à cet égard nous reconnaissons l'importance du travail, et nous voulons les soutenir, et c'est pourquoi nous allons ajouter dès maintenant 80 procureurs de la couronne et 40 personnes pour les soutenir, de même que nous ajouterons et embaucherons 25 juristes de plus dans nos ministères et nos organismes. Pourquoi, M. le Président? Parce que nous...

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: Parce que nous considérons que ce travail est important, qu'ils ont besoin de ce soutien et, dans ce sens-là, nous...

**(9 h 30)**

Le Président: En troisième complémentaire, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, la présidente du Conseil du trésor fait actuellement exactement la démonstration qu'elle ne s'est pas occupée de ce dossier. C'est dans les derniers jours qu'elle a proposé d'ajouter de nouveaux procureurs. Est-ce qu'elle a proposé ça il y a un an quand elle était... ou que ses collègues étaient à la table de négociation? Est-ce qu'il y en a eu, de véritables négociations?

C'est évident, M. le Président, qu'on s'est traîné les pieds depuis huit ans, de telle sorte qu'aujourd'hui malheureusement on se trouve à imposer une loi spéciale. Nous serons en désaccord avec cette loi, M. le Président.

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, depuis un an, il y a eu, avec les procureurs, 23 rencontres, dont plus d'une dizaine en présence d'un conciliateur, et, avec nos juristes, M. le Président, 18 rencontres ont eu lieu dont sept en présence d'un médiateur. M. le Président, ces volontés d'améliorer les conditions de travail sont là, dans les discussions, depuis ce moment, M. le Président. Et, dans ce sens-là, nous regrettons que nous n'ayons pu le faire à la table de négociation. Cela dit, il y a 475 000 autres employés de l'État qui ont signé cette entente, M. le Président. Il n'y avait aucune raison que nous ne puissions pas avoir la même approche et le même dialogue.

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: Ce sont les mêmes personnes ici qui ont négocié avec les 460 000 qu'avec les procureurs et les juristes, M. le Président, et...

Le Président: M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition officielle.

Négociations avec les procureurs
et juristes de l'État

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, le gouvernement libéral démontre aujourd'hui le peu d'importance qu'il accorde à la justice. Nos juristes, nos procureurs sont l'épine dorsale de notre système judiciaire. D'ailleurs, la Cour suprême a déjà dit à propos des procureurs: Personne n'est chargé d'une fonction civile plus lourde pour l'intérêt de la société.

M. le Président, comment le gouvernement peut-il risquer de perdre sans broncher cette expertise toute particulière au niveau des crimes économiques, au niveau du blanchiment d'argent, au niveau de la lutte à la corruption et de la lutte au crime organisé? Et on le voit déjà ce matin, M. le Président, avec la démission de Me Claude Chartrand, un procureur d'expérience qui dirigeait le Bureau de lutte contre le crime organisé.

M. le Président, à qui profite une couronne aussi affaiblie? M. le Président, comment le gouvernement peut-il laisser ainsi notre système de justice se détériorer? Y a-t-il, coudon, un gouvernement responsable dans cette salle?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, c'est justement le sens des responsabilités qui nous amène ici aujourd'hui pour redonner aux citoyens du Québec un système judiciaire qui soit fonctionnel, que les tribunaux puissent reprendre leurs activités.

M. le Président, je rappelle à cette Chambre que, sur la table, justement pour soutenir, aider, et accompagner, et renforcer le travail des procureurs, nous avions des propositions sur le nombre d'heures travaillées. Nous avions des propositions sur la complexité de la tâche. Nous avions des propositions sur le recrutement. Nous avions des propositions sur l'éloignement en région. Nous avions des propositions sur les mandats spécifiques. Et, ce matin, j'annonce que nous allons embaucher 120 effectifs de plus, dont 80 procureurs, M. le Président. Voilà un gouvernement responsable qui veut que son système de justice soit adéquat et efficient, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, ce gouvernement a laissé traîner les choses pendant six ans: une loi spéciale en 2005 sans une seule minute de négociation, pas de vraie négociation depuis 2010, et aujourd'hui une deuxième loi spéciale, par-dessus le marché.

M. le Président, dans l'esprit des grands principes de droit qui nous gouvernent, est-ce que le gouvernement accepterait de rencontrer les représentants des procureurs et des juristes en commission parlementaire dans le cadre du débat sur la loi spéciale, aujourd'hui? Acceptez-vous de les rencontrer?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: À la question précise du député, je dirais d'abord que notre collègue a toujours été disponible pour rencontrer les représentants, a fait plusieurs rencontres. Hier, hier encore...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, M. le leader du gouvernement. Un instant. M. le député de Chambly, votre question a été correctement posée...

Des voix: ...

Le Président: Voilà. M. le leader du gouvernement.

M. Fournier: Oui. Je disais donc, M. le Président, que la présidente du Conseil du trésor a multiplié les rencontres, encore jusqu'à hier, avec les procureurs et les juristes de l'État, les juristes de l'État, je crois, hier soir. Alors, là-dessus, il est évident que nous n'avons jamais l'intention de fermer la porte, ni hier, ni aujourd'hui, ni demain, ni après-demain. Le gouvernement responsable, qui a à prendre des décisions, M. le Président, continue de dire que les procureurs et les juristes de l'État sont excessivement importants à notre société.

Ceci étant...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...sur la procédure parlementaire à l'égard des débats sur cette motion, ils se feront comme les autres motions de...

Le Président: M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, encore une fois, ce gouvernement refuse d'écouter les procureurs et les juristes en commission parlementaire aujourd'hui. C'est ça qu'on vous demande.

Il y a également, M. le Président, Le Soleil du 18 février qui nous apprenait l'existence d'une étude préparée par des procureurs-chefs et des procureurs adjoints et qui évaluait les besoins réels de la couronne au Québec. Cette étude, elle n'a jamais été rendue publique. Est-ce que le gouvernement pourrait déposer cette étude aujourd'hui, avant que l'on entame nos débats sur la loi spéciale?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, lors de nos discussions en négociation... lors de nos discussions, lors des rencontres que j'ai eues avec les représentants et des procureurs et des juristes, à maintes reprises j'ai offert que nous ayons une entente signée dans laquelle... dans laquelle nous pourrions donner un mandat d'étude sur les paramètres qui détermineraient les capacités d'offrir des salaires qui soient comparables.

Alors, M. le Président, cette étude date de 2002, il faut la mettre à jour. Et dans ce sens-là nous avons offert de travailler conjointement avec eux, définir les indicateurs, définir les paramètres...

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: ...se fixer une échéance dans le temps, se définir un mandat précis...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Chambly, M. le député de Chambly, même si c'est...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Alors, même si ce sont des propos qui sont dits hors micro, je vous demande de faire attention aux propos qui ne sont pas en relation avec le genre d'institution que nous avons ici. M. le député de Verchères, en principale.

Impact du conflit de travail avec
les procureurs et juristes de l'État
sur la lutte contre le crime organisé

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: M. le Président, dégoûté par l'attitude de ce gouvernement qui méprise ses procureurs et ses juristes, le grand patron du Bureau de lutte au crime organisé, Me Claude Chartrand, claque la porte. Selon lui, le manque de ressources et la grogne ressentie par les procureurs mettent carrément en péril la lutte au crime organisé au Québec. Il ajoute que, devant l'état lamentable des ressources au Québec, le gouvernement devrait laisser au fédéral le soin de faire la lutte au crime organisé.

M. le Président, Me Chartrand n'est pas n'importe qui. C'est un juriste de renom, un cadre ayant plus de 30 ans d'expérience et occupant le poste clé dans la lutte contre le crime organisé au Québec et qui dit maintenant que la situation est inacceptable.

Le gouvernement ne réalise-t-il pas que sa mauvaise foi et son intransigeance à l'égard de ses procureurs et de ses juristes aura pour effet d'affaiblir encore davantage le système de justice québécois face à un crime organisé omniprésent?

**(9 h 40)**

Le Président: Avant de vous céder la parole, M. le leader du gouvernement, peut-être faire une petite mise en garde au député qui pose les questions, par rapport à l'imputation de motifs. On est dans un débat qui, je sais, est musclé, mais il faut faire attention aux propos que nous tenons en cette Assemblée. M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, M. le Président. Nous l'avons dit il y a déjà un bon bout de temps, on le répétait dans les dernières semaines, ça me fait plaisir de le répéter encore aujourd'hui, les procureurs, les juristes de l'État... La question posée, elle est sur les procureurs. Les procureurs sont un rouage excessivement important de notre société et ils font un excellent travail. Ils ont indiqué durant les dernières semaines, ils ont indiqué l'importance d'être outillés pour pouvoir faire leur travail, et malheureusement nous sommes rendus au point où nous sommes rendus aujourd'hui.

Mais, néanmoins, notre collègue du Trésor vient tout juste de dire à cette Chambre qu'il y aurait un ajout de 80 procureurs, 40 employés de soutien, 40 personnes qui vont venir soutenir ces procureurs; on parle de 120 personnes. C'est 36 % de la masse salariale du DPCP qui sera relevée pour ces nouvelles ressources qui seront données. Parce qu'effectivement, lorsque nous disions que nous comprenions l'écho, l'appel qu'ils faisaient, nous le faisons aujourd'hui même par l'annonce qui est faite par la présidente du Conseil du trésor. Nous allons continuer d'épauler... Je comprends très bien qu'ils ne sont pas satisfaits, nous l'entendons, je le sais, mais en même temps il faut vivre avec les ententes qui ont déjà été réglées, avec la capacité de payer et...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...et aussi avec des éléments où, comme pour l'arbitrage, nous ne pouvons y donner suite.

Le Président: En première complémentaire, M. le député de Verchères.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: M. le Président, ils sont tellement importants pour ce gouvernement que ça fait huit ans qu'il ne fout absolument rien dans ce dossier!

M. le Président, Me Chartrand explique aujourd'hui que seulement 10 des 16 postes de procureur disponibles requis pour le mégaprocès antimotards de l'opération SharQc ont été comblés et qu'aucune candidature ne s'annonce. Bref, on manque d'avocats de la couronne pour faire condamner les motards.

M. le Président, à qui profite l'attitude inqualifiable du gouvernement, sinon au crime organisé?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: J'imagine que c'est la réponse... c'est la question qu'il se serait posée et la réponse qu'il se serait donnée en 2002, après huit ans de gouverne du Parti québécois, M. le Président. Quelques titres: Paul Bégin menace les procureurs de sanctions -- Les procureurs sont furieux; Le ras-le-bol des procureurs; 22 octobre, Les négociations sont rompues; 30 octobre, Paul Bégin démissionne, M. le Président. Tout cela parce que le gouvernement du Parti québécois, M. Bégin inclus, le gouvernement ne voulait pas donner l'arbitrage, ne voulait pas donner l'arbitrage. La demande des procureurs portait justement là-dessus, M. le Président, et nous ne pouvions pas plus. Si, aujourd'hui, la position de l'opposition, c'est de dire qu'ils sont prêts à cela, qu'ils le disent...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...mais ils ne peuvent pas nier qu'il y a 36 % d'augmentation de la masse salariale pour avoir plus de procureurs.

Le Président: En question complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: À l'époque, face à l'impasse avec les procureurs, par la reconnaissance que le gouvernement avait de leur travail, le premier ministre Landry s'était mêlé du dossier et il avait réglé avec les procureurs. Pendant ce temps-là, on a un premier ministre qui reste assis. Pendant six ans, depuis 2005, il a imposé une loi, il veut le refaire aujourd'hui en ne se mêlant pas du dossier, en refusant d'assumer ses responsabilités.

Pourquoi le gouvernement, pourquoi, par son incurie, place toute la situation du Québec dans une situation où c'est tout notre système de justice qui est en péril?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Ce qui était la demande des procureurs à l'époque, c'était l'arbitrage. Ils l'ont refusé. Je vous ai cité les titres, c'était la même chose. Nous ne pouvons accorder l'arbitrage. Si, aujourd'hui, la chef de l'opposition dit qu'elle est favorable à l'arbitrage, qu'elle le dise. À l'époque, ça ne l'était pas, ça n'a pas été laissé non plus.

Alors, ce que nous savons, M. le Président... Et les procureurs ont le droit d'avoir leurs positions, on respecte cela. Cela étant dit, nous voulons les appuyer dans le travail qu'ils ont à faire. Il y aura 36 % d'augmentation de la masse salariale pour des nouveaux effectifs pour faire le travail, parce que nous sommes à l'écoute du fait qu'ils ont besoin d'aide, M. le Président. Et j'entends le leader de l'opposition me parler des huit ans du PQ, où il ne s'est rien fait.

Le Président: Mme la députée de Lotbinière et leader du deuxième groupe d'opposition.

Impact du conflit de travail avec
les procureurs et juristes de l'État
sur l'administration de la justice

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: M. le Président, la semaine dernière, j'ai dit qu'on n'aurait jamais vu notre système de justice autant en décrépitude. Cette semaine, c'est pire encore. Le gouvernement donne un droit de vote... un droit de grève à des procureurs qui n'en veulent pas. Par une loi spéciale comme aujourd'hui, ils font une similinégociation, puis on lui retire par une autre loi spéciale.

M. le Président, un homme qui a consacré sa vie à lutter contre le crime organisé, Claude Chartrand, quitte dégoûté pour une raison bien spéciale: il considère qu'il n'est pas en mesure de continuer à faire la lutte contre le crime organisé. On peut bien vouloir des superunités anticorruption, faire des annonces, M. le Président, on n'a aucune considération pour le système de la justice.

Comment le gouvernement pense-t-il lutter contre cette corruption sans ses procureurs, sans le procureur-chef, sans enquête sur la construction? M. le Président, le veulent-ils vraiment?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: C'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, M. le Président, parce que nous voulons justement que ce travail-là puisse être fait. J'entends, nous entendons tous qu'il y a une insatisfaction du côté des procureurs, même chose du côté des juristes de l'État, mais il faut tenir compte d'ententes qui ont été négociées avec plus de 400 000 personnes. Le choix qui nous est fait, c'est de renier cette signature avec 400 000 ou de donner l'arbitrage. C'est le choix qu'on a entre les deux. J'entends notre collègue dire qu'ils ne voulaient pas... Je regrette, ils voulaient l'arbitrage. Et la question est la suivante: Est-ce que, du côté de votre formation, vous êtes d'accord avec l'arbitrage? L'arbitrage, c'est quoi? C'est dire que quelqu'un d'autre que cette Assemblée, quelqu'un d'autre que le gouvernement va décider de l'attribution des fonds publics. Dites-nous si c'est ce que vous souhaitez, vous. Pour l'instant, notre compréhension...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, M. le leader du gouvernement. Un instant. Expressément, M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Vos questions ont été posées. Nous en sommes maintenant à une question de la députée de Lotbinière, puis je voudrais qu'on entende la réponse du ministre. Non, M. le ministre n'a pas terminé. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Fournier: Oui. M. le Président, c'est... Il faut prendre des décisions. Il faut, à un moment donné, dire jusqu'où on peut aller. Il y en a qui sont insatisfaits, mais c'est ça, gouverner, c'est ça, un gouvernement responsable. Il faut tenter d'être le plus juste possible. Et nous avons, malgré cette loi que nous devons... à laquelle on doit procéder, il y a néanmoins de l'aide qui sera donnée à nos juristes, à nos procureurs, parce qu'ils en ont besoin, et nous le reconnaissons. Mais en même temps il faut agir de façon responsable.

Le Président: En terminant.

M. Fournier: On ne peut pas dire oui à tout. C'est ce qu'on fait quand on a les deux mains sur le volant, M. le député de Chambly.

Le Président: En première complémentaire, Mme la leader du deuxième groupe d'opposition.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: M. le Président, le ministre de la Justice ne se rappelle peut-être pas que, la semaine dernière, il a déposé le rapport sur le salaire des juges, fixé par un comité, un tiers, M. le Président. Écoutez, en Ontario, on va les qualifier de gouvernement non responsable? C'est un pourcentage du salaire des juges qu'on fixe, puis ce salaire des juges là est fixé en fonction de la capacité de payer puis du niveau de vie de la province. L'association des procureurs, des juristes du Canada trouve déplorable la situation qui prévaut ici. Le Barreau, qui est un allié traditionnel du gouvernement, la dénonce aussi.

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui. Bien, je pense que ma collègue sait très bien, elle sait très bien que, dans le cas des juges, il y a un jugement de la Cour suprême qui nous indique que cette façon de procéder... c'est un jugement auquel on se soumet parce que c'est comme ça que ça fonctionne. Et, lorsqu'il y a des jugements, il faut les respecter, et c'est ce que nous faisons.

Ceci étant, je comprends que, du côté de l'ADQ, comme ce que je comprends être du Parti québécois en ce moment, une certaine acceptation d'aller vers une décision d'un tiers. Si c'est le cas, je suis obligé de dire que, dans ce cas-là, nos concitoyens, que nous fréquentons à tous les jours, vont nous interpeller et vont nous dire: Pourquoi est-ce que les fonds publics sont dorénavant gérés, et les décisions prises, par d'autres qui ne sont pas imputables?

Le Président: En terminant.

M. Fournier: Et nous avons fait le choix d'être un gouvernement qui prend ses...

Le Président: En deuxième complémentaire, Mme la leader du deuxième groupe d'opposition.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: M. le Président, le Barreau du Québec a toujours été un allié naturel et traditionnel du gouvernement. Il dénonce la situation. L'association des procureurs du Canada déplore cette situation. Ils ne comprennent pas pourquoi notre gouvernement traite les procureurs de cette façon. Ils sont les derniers en termes de conditions de travail, les derniers en termes de rémunération.

Est-ce qu'on peut arrêter d'être en queue de peloton et briller enfin parmi les meilleurs?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Je comprends que l'ADQ, et la députée le resoulève, comme le Parti québécois, favorise l'arbitrage liant. Ce n'est pas notre cas, M. le Président.

Pour ce qui est des procureurs, nous avons déjà reconnu qu'il y avait des gestes à poser. Il y a eu une offre sur la table, qui était l'équivalent de 20 % de plus dans les poches des travailleurs. Ils n'ont pas voulu. Je veux dire, je veux bien... je veux bien qu'on pousse le plafond le plus haut possible quand on est dans des représentations syndicales, pas de problème. Mais en même temps on répond à toute la population, à 400 000 qui ont déjà... qui ont déjà signé une entente avec le gouvernement, sans compter tous les Québécois qui paient des taxes et des impôts, et qu'on a à gérer. Et c'est normal qu'on la gère...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...et qu'on prenne des décisions. On ne peut pas faire plaisir à tout le monde, mais on peut aider les procureurs. C'est ce qu'on fait avec...

**(9 h 50)**

Le Président: En question principale, M. le député de Verchères.

Participation des procureurs
de la couronne à l'Unité
permanente anticorruption

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: M. le Président, à l'automne 2009, les procureurs du Québec ont posé un geste plutôt inhabituel: exceptionnellement, ils ont fait une sortie publique pour demander la tenue d'une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction. Le président de l'Association des procureurs de la couronne du Québec, Me Christian Leblanc, avait alors affirmé: «Pour nous, il ne s'agit plus simplement d'enquêter sur certains dossiers et éventuellement de faire condamner quelques individus. C'est l'intégrité de toutes nos institutions qui est aujourd'hui en cause.» Les procureurs de la couronne ont aussi affirmé qu'«il faut mettre au jour l'ensemble d'un système qui semble avoir gangrené un secteur important de notre économie et qui a des impacts insoupçonnés sur nos finances publiques et, ultimement, sur les contribuables».

De faux-fuyant en faux-fuyant, de mesure de diversion en mesure de diversion, le gouvernement a annoncé, vendredi, la mise en place de l'Unité permanente anticorruption. Comment le gouvernement pense-t-il que cette nouvelle mesure sera plus efficace que tout ce qu'il a tenté de mettre en place jusqu'ici pour éviter la tenue d'une commission d'enquête sur l'industrie de la construction?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, M. le Président. Ce n'est pas parce qu'on ne resoulève pas cet élément-là à tous les jours... Mais on n'est pas sans se rappeler que la chef de l'opposition, il y a deux semaines à peine, reconnaissait que... et je cite, elle disait: «...on ne peut pas mettre quelqu'un au pilori [...] l'accuser sans avoir un certain nombre de preuves.» Le député sait très bien à quoi je fais référence, et je n'en dirai pas plus, pour éviter que le leader de l'opposition nous fasse encore un autre spectacle désolant.

Ceci étant, vous nous...

Des voix: ...

M. Fournier: Vous insinuez... Le collègue, M. le Président, insinue les choses les unes après les autres. Nous avons pris des mesures, et mon collègue de la Sécurité publique a pris des mesures pour s'assurer que nous puissions suivre... poursuivre les gens qui font des infractions. Vendredi dernier, il a annoncé une autre étape pour aller encore plus loin, qui permet notamment d'avoir l'avantage de connaître les stratagèmes qui sont connus... qui sont connus par les policiers et les poursuivants. Voilà une autre étape qui s'ajoute et qui nous permet, M. le Président, d'avoir de l'information pour nos concitoyens...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...de bien connaître la façon dont les systèmes fonctionnent et d'amener en prison ceux qui ont à y aller. Bien sûr qu'on a besoin des procureurs de la couronne, ça...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! Alors, je vous demande votre collaboration pendant la réponse. En maintes reprises, on entendait des gens, des députés qui interpellent, qui empêchent qu'on entende bien la réponse qui est donnée.

Nous en sommes à une question complémentaire du député de Verchères.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: L'Association des procureurs de la couronne se demande comment l'État québécois pourra faire aboutir de façon efficace toutes les enquêtes policières en cours, en plus des nouvelles escouades annoncées récemment, alors que le Québec souffre d'un manque chronique de procureurs et que ceux-ci sont déjà à bout de souffle, sous-payés, surchargés, comme le soulignait récemment le juge à la retraite John Gomery.

Comment le gouvernement compte-t-il s'assurer que son escouade permanente anticorruption puisse être le moindrement efficace contre le crime organisé, alors que les procureurs ont affirmé qu'ils n'entendaient pas, dans les conditions actuelles, y participer?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, il est évident qu'au moment d'annoncer cette Unité permanente anticollusion il y a eu beaucoup de discussions dans les semaines préalables. Et, dans le cadre de nos négociations avec les procureurs, je le répète, ce n'est pas nouveau, nous avons toujours eu une oreille extrêmement attentive pour augmenter le nombre de procureurs. Or, aujourd'hui, je peux vous dire que nous allons embaucher 80 procureurs de plus et 40 personnes pour les soutenir. Il est évident, M. le Président, qu'un nombre de ces procureurs seront affectés à l'Unité permanente anticollusion, ça va de soi. Et, dans ce sens-là, nous croyons que nous allons pouvoir améliorer...

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: ...la situation des procureurs. Et c'est un seul élément, c'est un seul élément parmi d'autres pour améliorer les conditions de travail...

Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Verchères.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: La question, M. le Président, c'est: Elle va les trouver où, ses procureurs? Ils ont déjà de la difficulté à en embaucher dans les conditions actuelles, comment pensent-ils qu'ils vont réussir à en embaucher davantage, avec les conditions qu'ils vont imposer aujourd'hui, M. le Président?

M. le Président, la situation actuelle, c'est qu'il y a présentement des procureurs qui sont mal traités par le gouvernement et qui refusent de s'associer à la nouvelle mesure de diversion du gouvernement. J'ai ici les signatures, M. le Président, des quelque 150 procureurs qui refusent d'y participer et je demande le dépôt de ce document.

Document déposé

Le Président: Il y a consentement pour le dépôt des documents? Il y a consentement. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Alors, M. le Président, c'est précisément ce que nous voulons faire avec l'ensemble des procureurs de l'État et les juristes, ne pas les oublier. Nous voulons améliorer leurs conditions de travail, M. le Président, je le répète. Il y avait là, et il y a toujours, une série d'éléments que nous voulions bonifier justement pour répondre aux préoccupations du député, mais répondre surtout aux préoccupations des procureurs et des juristes, M. le Président.

Donc, pourquoi n'avons-nous pas pu obtenir cette entente comme on l'a fait avec les autres syndicats, comme on l'a fait avec les autres employés de l'État? Il n'y avait aucune raison, puisque c'était la même approche, la même façon de discuter, la même façon de négocier.

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: Et ces éléments-là étaient clairement établis sur la table, ne serait-ce que les heures travaillées, M. le Président...

Le Président: En question principale, M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition officielle.

Analyse des besoins en matière
d'administration de la justice

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, si le gouvernement était vraiment sérieux, s'il était vraiment préoccupé par notre système de justice, avant d'adopter cette loi que Jean-Claude Leclerc décrit ce matin comme Une loi qui risque de faire mal à la justice, il déposerait, premièrement, le rapport que Me Louis Dionne a en sa possession, un rapport récent. Me Louis Dionne, d'ailleurs, dont on se demande où il est passé, M. le Président. D'abord, il déposerait ce rapport pour qu'on sache quels sont les besoins tels qu'exprimés par les procureurs-chefs et les procureurs-chefs adjoints. Ensuite, il offrirait aux procureurs et aux juristes d'être entendus ce matin en commission parlementaire pendant deux heures pour qu'on les entende avant d'adopter cette loi spéciale. Plus que ça, il inviterait aussi le bâtonnier du Québec qui, ce matin, Me Gilles Ouimet, disait: «...on risque de détruire la relation de confiance client-avocat qui est à la base du rôle de l'avocat dans une société de droit, alors que toutes les avenues de négociation n'ont pas été épuisées.»

Pourquoi vous refusez tout cela? De quoi avez-vous peur?

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Le même député, la semaine dernière, soulevait les inconvénients -- ou la semaine d'avant -- les inconvénients que cela avait pour les citoyens et pour la justice, le fait qu'en ce moment nous soyons dans ce contexte de grève pendant un bon nombre de jours. Et nous souhaitons que l'administration de la justice puisse reprendre son cours, M. le Président.

Je n'ai aucune difficulté qu'ils fassent cause commune avec le bâtonnier. Je comprends que ce qu'ils recherchent, c'est bien sûr de permettre l'arbitrage exécutoire. Nous n'en sommes pas là, M. le Président, parce que nos responsabilités sont de gérer les fonds publics. Nous allons donc procéder selon les usages, qui ne sont pas nouveaux. Ce n'est pas la première fois qu'une telle loi est déposée ici. Ce n'est pas la première fois qu'il y a une motion comme celle-ci, qui fait partie de nos règlements, qui nous permet d'adopter un projet de loi, je dois le dire, en urgence, parce que nous sommes maintenant à deux semaines de grève, et il y a des impacts après ce temps-là. Donc, nous devons y procéder. Nous n'allons pas avoir de procédures qui vont nous permettre ou qui feraient en sorte que ce serait plus long.

Ceci étant...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...les procureurs et les juristes de l'État peuvent être entendus. Il le sont d'ailleurs sur...

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Chambly et leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le gouvernement... M. le Président, ce gouvernement est le pire gouvernement de notre histoire en matière de justice. M. le Président, après le petit jeu des nominations de juges, après la parodie de justice qu'était la commission Bastarache, voilà maintenant qu'on pousse les procureurs à la démission, à la retraite. Ça n'a aucun bon sens, M. le Président.

Est-ce que le gouvernement pourrait déposer le rapport qu'on lui demande, sur les besoins réels de la couronne au Québec? Est-ce qu'il pourrait entendre les procureurs et les juristes en commission parlementaire? Ce n'est pas compliqué.

Le Président: M. le leader du gouvernement et ministre de la Justice.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: En profitant notamment d'une période de questions à chaque jour pour répéter des insinuations qu'ils savent non fondées avec un point d'interrogation insidieux à la fin, par l'irrespect qu'ils ont témoigné à la commission...

Des voix: ...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît. Un instant.

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

**(10 heures)**

M. Fournier: Oui. J'allais dire aussi, M. le Président, qu'en termes de discrédit de la justice, lorsque l'opposition répète sans arrêt un manque de respect par rapport à la commission Bastarache -- c'était au premier jour, ça a été jusqu'au dernier jour, M. le Président -- et le travail qui a été fait à cette commission-là, je veux dire, je leur laisse de leur côté. La procédure que nous allons suivre sera la procédure usuelle. Nous souhaitons que ce projet de loi soit adopté. Nous ne voulons pas empêcher les procureurs et les juristes de prendre la parole, ils l'ont eue publiquement, ils vont l'avoir encore publiquement. Et, avec la présidente du Conseil du trésor...

Le Président: En terminant.

M. Fournier: ...les contacts, les portes sont toujours ouvertes, M. le Président.

Le Président: En deuxième complémentaire, M. le député de Chambly, leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, dans ce dossier, ce qui frappe, c'est l'absence du premier ministre, pourtant membre du Barreau du Québec depuis près de 30 ans, qui connaît bien les procureurs de la couronne pour avoir pratiqué le droit lui-même, dans les années quatre-vingt, qui connaît bien les juristes de l'État pour travailler avec eux comme premier ministre.

M. le Président, pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas daigné lever le petit doigt dans ce dossier-ci? Pourquoi est-il resté assis constamment? Pourquoi ne s'en est-il pas mêlé? Pourquoi, en gros, a-t-il agi d'une manière totalement irresponsable?

Le Président: Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, je veux rappeler que, depuis un an, il y a eu plus d'une vingtaine de rencontres, dont plusieurs devant le conciliateur, M. le Président, et le député le sait très bien. Je vais continuer de redire que nous avons sur la table une offre sérieuse et responsable qui tient compte, bien sûr, de la capacité de payer mais qui tient compte de l'équité avec les 475 000 autres employés de l'État. Et, parmi cette amélioration des conditions de travail, M. le Président, je le répète: tenir compte des heures travaillées, tenir compte de la complexité de la tâche, tenir compte des mandats spéciaux, tenir compte, M. le Président, du recrutement...

Le Président: En terminant.

Mme Courchesne: ...du travail éloigné en région, M. le Président, et, bien sûr, l'ajout des procureurs...

Le Président: Votre temps est terminé, Mme la ministre. En question principale, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mesures visant la réussite
scolaire des jeunes

Mme Monique Richard

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): Merci, M. le Président. M. le Président, dans le dernier budget libéral, on a donné très peu de moyens pour lutter contre le décrochage scolaire. Après la rencontre des partenaires sur les élèves en difficulté, la ministre a encore reporté d'un an l'application de mesures concrètes pour la réussite des élèves, alors que le milieu les attend depuis cinq ans. S'ajoute actuellement la pression venant des directions d'école, qui est très forte sur le dos des enseignantes et des enseignants, afin d'augmenter artificiellement les notes des élèves pour atteindre les cibles de réussite qu'a fixées la ministre de l'Éducation. Les enseignants, les parents sont inquiets.

Que répond la ministre aux enseignants qui reçoivent des pressions des directions d'école pour atteindre ses cibles à elle?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Vous me permettrez, M. le Président, de commenter le préambule de la députée parce qu'elle a soulevé plusieurs enjeux. Elle a commenté le dernier budget du gouvernement du Québec. Moi, c'est avec beaucoup de fierté que je veux lui rappeler qu'en tout temps, sous le leadership du premier ministre, l'équipe libérale, qui forme le gouvernement, a toujours préservé et augmenté les budgets du ministère de l'Éducation, ce qui n'est pas l'histoire que l'opposition officielle peut raconter puisqu'eux ont choisi de diminuer littéralement les budgets en éducation quand ils formaient le gouvernement. Premier point. Jamais les budgets de l'Éducation n'ont été réduits, toujours les coûts de système ont été assumés, et même les milieux de l'éducation ont toujours eu plus de moyens pour assurer les défis, relever les défis devant eux.

Deuxième élément. Elle a soulevé les enjeux reliés à l'intégration des enfants handicapés ou présentant des difficultés d'apprentissage et/ou d'adaptation. Je veux lui rappeler qu'en toute transparence les mandats donnés pour relever ce défi-là apparaissent dans un tableau de bord sur le site Internet du ministère et qu'elle verra que...

Des voix: ...

Le Président: On a peine à vous entendre. S'il vous plaît! Alors, s'il y a des échanges entre les gens du groupe parlementaire à ma gauche, il faut le faire discrètement pour ne pas nuire à ceux qui s'expriment lors des réponses. Mme la ministre.

Mme Beauchamp: Donc, le tableau de bord de... Tous les travaux menés suite à la rencontre du 25 au 26 octobre dernier apparaissent en toute transparence dans un tableau de bord. Il y a des dates d'échéanciers différenciées: en juin, au mois de septembre, au mois de décembre...

Le Président: En première question complémentaire, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Monique Richard

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): M. le Président, je comprends que la ministre a relu les notes du ministère, mais ça fait huit ans que vous êtes aux affaires. Et qu'est-ce qu'on répond sur la réalité dont on prend note aujourd'hui dans les médias? La ministre semble beaucoup plus préoccupée par son propre bulletin que par la réussite réelle des élèves.

Comment explique-t-elle actuellement que... la pression que subissent les enseignantes et les enseignants? Et qu'est-ce qu'elle va faire concrètement pour que nos élèves n'aient pas des diplômes à rabais...

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: M. le Président, je suis un peu étonnée parce que la députée de Marguerite-D'Youville commente le contenu du projet de loi n° 88, qui est un projet de loi pour lequel le Parti québécois a voté pour, en faveur du projet de loi n° 88. Donc, il faut être conséquent avec ses votes et savoir que, si on appuie un projet de loi qui parle notamment qu'on doit être capable de mesurer le progrès qui se fait dans la diplomation de nos enfants, il faut assumer ce que ça veut dire. Donc, oui, le Parti québécois a voté en faveur du projet de loi n° 88. Et ce qu'on dit, ce qu'on dit aux parents, ce qu'on dit aux équipes-écoles, ce qu'on dit au ministère de l'Éducation, c'est qu'on doit être capable de mesurer les résultats.

D'ailleurs, M. le Président, je veux souligner que, malgré certaines doléances de Mme Bernard, présidente du syndicat de l'enseignement...

Le Président: En terminant.

Mme Beauchamp: ...elle appuie. Elle dit: On est d'accord avec...

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Marguerite-D'Youville.

Mme Monique Richard

Mme Richard (Marguerite-D'Youville): M. le Président, oui, il est important d'avoir des cibles au niveau de la réussite. Encore faut-il que les moyens soient au rendez-vous. Et les moyens, ce n'est pas de hausser les notes des enfants de façon factice pour répondre à des objectifs et à un bulletin de la ministre de l'Éducation.

Alors, qu'est-ce que vous entendez faire, Mme la ministre, maintenant?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Bien, on fait du progrès, M. le Président. Je suis très, très, très heureuse d'entendre la députée de Marguerite-D'Youville dire, au nom de sa formation politique, qu'ils sont en accord avec le fait qu'on se donne des cibles et qu'on se donne des outils de mesure de la réussite de nos enfants. C'est un progrès par rapport au préambule de ses premières questions.

Maintenant, elle dit: Il faut donner des moyens. Oui, et nous sommes au rendez-vous. Les budgets du ministère de l'Éducation ont augmenté. C'est 1,8 milliard de dollars consacrés à la réussite des enfants qui présentent des difficultés d'intégration, d'apprentissage, d'adaptation. Nous avons livré un plan d'action salué sur la persévérance scolaire, qui comprend plus de 800 millions de dollars en accompagnement.

Le Président: En terminant.

Mme Beauchamp: Un exemple concret: la diminution des...

Le Président: En question principale, Mme la députée de Vachon.

Liste des produits utilisés
pour la fracturation du schiste

Mme Martine Ouellet

Mme Ouellet: Merci, M. le Président. En réponse à la demande des listes de produits chimiques ajoutés à l'eau pour la fracturation des puits de gaz de schiste, le ministre de l'Environnement essaie de s'en tirer en déposant la page Internet du site de Questerre, une page Internet d'une gazière. C'est inacceptable. Pourtant, l'article 18.4 de la Loi sur la qualité de l'environnement est très clair: «Toute personne a droit d'obtenir [...] tout renseignement disponible concernant la [qualité], la [quantité] ou la concentration des contaminants émis...»

Est-ce que je dois comprendre que le ministre de l'Environnement n'applique même pas sa propre loi? Est-ce que je dois comprendre que le ministre n'a jamais rien demandé aux compagnies de gaz? Est-ce que je dois comprendre que le ministre n'a aucune idée des produits toxiques injectés dans le sol pour chacune des fracturations?

Comment le ministre de l'Environnement peut se fier au site Internet d'une gazière pour informer la population?

Le Président: M. le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs.

M. Pierre Arcand

M. Arcand: M. le Président, la semaine dernière c'était, avec la chef de l'opposition, la semaine des forages; cette semaine, c'est la semaine des moratoires avec la députée de Vachon, M. le Président.

M. le Président, j'invite encore une fois la députée de Vachon à non seulement consulter les documents qui sont déjà publics, non seulement les documents de Questerre, mais également les documents de l'institut de la santé publique, également les documents qui sont déjà présents au BAPE. M. le Président, sur la question des contaminants dans l'eau comme sur toutes ces questions-là, nous le faisons avec le maximum de transparence, M. le Président.

**(10 h 10)**

Le Président: Alors, ça met fin à la période de questions et de réponses orales des députés.

Il n'y a pas de votes reportés.

Motions sans préavis

Nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. Et là-dessus je cède la parole à M. le leader du gouvernement.

M. Fournier: Oui. J'ai deux motions, tel que le dit le règlement, M. le Président.

Déterminer le cadre temporel des
séances extraordinaires

D'abord, conformément aux dispositions de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale:

«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, l'Assemblée se donne le cadre temporel suivant:

«Que l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 9 heures jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»

Établir la procédure législative
d'exception en vue de permettre
l'adoption du projet de loi n° 135

À ce moment-ci, je fais la deuxième motion, M. le Président...

Le Président: Allez.

M. Fournier:«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, l'Assemblée établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement;

«Qu'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement», M. le Président.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Je vais maintenant suspendre la séance pour une durée d'une vingtaine de minutes afin que les députés puissent prendre connaissance des deux motions présentées par le leader du gouvernement. Je suspends donc les travaux 20 minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 11)

 

(Reprise à 10 h 39)

Le Président: Alors, collègues, nous reprenons nos travaux. Alors, je voudrais, à ce moment-ci, vérifier avec chacun et chacune d'entre vous: Est-ce qu'il y a des interventions sur la recevabilité des deux motions présentées par le leader du gouvernement avant la suspension de nos travaux? Est-ce qu'il y a des demandes d'intervention?

Une voix: ...

Demande de directive sur la recevabilité
des motions fixant le cadre temporel
des séances extraordinaires
et la procédure d'exception

Le Président: Alors, il y a donc une demande d'intervention. M. le leader de l'opposition officielle, sur la recevabilité des deux motions.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Vous savez que notre règlement a beaucoup modifié... il a évolué. Je vous dirais que les oppositions, en général, ont été quand même au coeur de ces modifications en utilisant ce que leur permettait le règlement pour retrouver les failles qui existaient auparavant dans les motions. Il est évident que maintenant la procédure est assez simplifiée, mais elle s'autorise encore, je vous dirais, des raccourcis, M. le Président, qui démontrent des contradictions dans notre règlement. Après les heures, la dernière fois... les heures de convocation et les délais, cette fois-ci, nous aborderons quatre points, M. le Président.

**(10 h 40)**

Le premier porte sur, je vous dirais, le cadre temporel. Nous avons actuellement... Nous avons été convoqués aujourd'hui, lundi. Or, le règlement, à son article 20, prévoit un cadre temporel, M. le Président. Déjà, l'article 20 identifie les heures et... les heures et le début des séances dans lequel doivent se tenir nos périodes de questions ou si, à tout hasard, le président... pas le président mais le premier ministre décidait de convoquer cette noble Assemblée les lundis. Donc, vous avez, à l'article 20, une exception très claire qui dit que, les lundis, c'est le cadre temporel qui s'applique à une séance qui est convoquée par le premier ministre.

Donc, comme nous ne sommes pas, M. le Président, en dehors du cadre temporel prévu par les règles de l'Assemblée, comme le premier ministre n'a pas encore prorogé cette Assemblée, ne l'a pas dissoute ou, comme ça a été le cas il y a maintenant plus d'un an, M. le Président... il avait ajourné les travaux de cette Chambre pour, une heure après, je vous dirais même cinq minutes après reconvoquer les membres de cette Assemblée.

Actuellement, nous ne sommes dans aucun des cas de figure dont je viens de vous faire mention. Nous sommes plutôt dans le cas où la Chambre et la session se déroulent normalement, selon les préceptes de notre règlement. Et, dans ce cas-là, donc, l'article 20 trouve son application et ne peut entrer en contradiction avec d'autres articles.

Donc, si le premier ministre avait souhaité se conformer aux règles de notre règlement, il aurait dû tout simplement appliquer ce qui est prévu à l'article 20 et convoquer la Chambre. Cela ne l'empêche surtout pas, M. le Président, comme cas de figure, par exemple, de faire une loi spéciale en dehors du cadre temporel -- par exemple, si on était le mercredi soir, M. le Président, ou le jeudi soir -- donc de se soustraire à l'application de notre règlement et d'ordonner la convocation de cette Chambre et le début d'une séance extraordinaire qui commencerait, vous le savez, M. le Président, par une période des questions, peu importe le moment où il convoquerait cette séance extraordinaire là en dehors des délais prescrits par notre règlement. Pour cette raison, M. le Président, nous vous soumettons que la convocation du leader du gouvernement, et du premier ministre surtout, est illégale et contraire à notre règlement.

Le deuxième est d'ordre un peu de fond, M. le Président, il est sur la forme et un peu de fond... un peu sur le fond, c'est l'article 55 de la Loi de l'Assemblée nationale. Je ne l'ai jamais invoqué parce qu'il est toujours risqué d'aller sur le fond des choses à cette... à l'époque... à cette étape-ci, M. le Président. Or, on ne peut pas faire abstraction de la réalité et de la vérité.

Depuis maintenant deux semaines, nous demandons au gouvernement de retourner à la table avec les procureurs. Or, nous avons été informés jeudi que le gouvernement retournait à la table avec des offres formelles et que les négociations allaient recommencer. Ce que nous constatons, M. le Président, c'est qu'au contraire, à la lumière de ce qu'a dit encore aujourd'hui, devant vous, la présidente du Conseil du trésor, nous n'avons pas réouvert... -- rouvert, je vous dirais plutôt, pardon, M. le Président -- nous n'avons pas rouvert les négociations, nous nous sommes plutôt contentés de reprendre certaines des propositions.

L'article 55 prévoit que cette Assemblée ne peut être tournée en ridicule, M. le Président. Autrement dit, on ne peut se servir de notre siège ou des droits que nous avons, et privilèges, pour tourner l'ensemble des membres de cette Assemblée en ridicule. Lorsque la présidente du Conseil du trésor a avisé les membres de cette Assemblée qu'elle allait retourner à la table des négociations, elle a fait abstraction de dire que finalement elle ne négociait plus, il n'y avait rien de nouveau à proposer, ce qui fait que le premier ministre, lorsqu'il a convoqué cette Chambre, par la même occasion, a tourné en ridicule l'ensemble des membres de cette Assemblée. Et c'est pour ça que nous vous demandons, de façon exceptionnelle, d'appliquer l'article 55, qui, vous le savez, est une évolution jurisprudentielle qui oblige chacun des parlementaires à éviter de tourner en ridicule cette Assemblée.

Troisième thème, M. le Président, qui, lui, va demander de votre part des précisions, je vous dirais, de nature déontologique. Nous avons été informés de la part de Me Marc Lajoie, qui est membre des juristes de l'État, de la situation problématique dans laquelle se trouvaient les greffiers de l'Assemblée, étant membres... étant juristes de l'État et étant principalement ceux et celles qui vont vous conseiller, M. le Président.

Je viens de recevoir cette lettre qui est adressée au ministre ainsi qu'aux différents membres de cette Assemblée, au leader de la deuxième opposition ainsi qu'au bâtonnier du Québec. Cette lettre fait référence à des problématiques d'ordre déontologique, M. le Président, de la nature suivante: Comment peut-on conseiller, je vous dirais, de façon indépendante quelqu'un lorsque nous sommes impliqués directement dans cette... je vous dirais, dans le litige? Et ces questions, à la lumière, je vous dirais, de l'argumentaire qui a été développé, ont soulevé chez moi beaucoup de questions effectivement d'ordre déontologique.

Vous savez à quel point nous sommes soucieux, de ce côté-ci, de l'application des règles d'éthique et déontologiques par rapport à la présence en Chambre, M. le Président. Nous souhaitons que les éléments qui se retrouvent dans la lettre que je dépose aujourd'hui, M. le Président, se retrouvent dans votre décision. Je sais que vous avez...

Document déposé

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt? Il y a consentement.

M. Bédard: Je sais que certains services ont été déclarés services essentiels, M. le Président, et cet article y fait référence. Mais, dans le cas présent, où les greffiers seront appelés à traiter d'une loi et d'une procédure qui s'intéresse à leur cas particulièrement, M. le Président, je demande à ce que vous clarifiiez la situation des différents greffiers qui vous conseillent et qui se trouvent à la table juste en face de moi, M. le Président.

Dernière chose que j'aimerais clarifier avec vous et qui s'inscrit un peu comme complément au premier argument que j'ai développé relativement au cadre temporel. Vous savez à quel point nous sommes ici pour longtemps. Alors, nous pouvons tout de suite aviser le gouvernement que nous allons être ici le plus longtemps possible. J'aimerais... Dans cette volonté claire, M. le Président, de vouloir affirmer haut et fort les droits de ceux et celles qui étaient devant nous il y a encore quelques minutes dans cette Assemblée, nous aurons demain matin, 9 heures, un... je vous dirais, une réalité que nous souhaitons que vous composiez et que vous clarifiiez parce que le règlement est muet.

Si vous rejetez nos arguments, à 9 heures demain matin, M. le Président, est-ce que nous recommencerons par une période de questions ou nous devrons suivre le cadre temporel qui est prévu et qui prévoit que nous devons plutôt procéder à cette période de questions mardi? Autrement dit, est-ce que vous allez autoriser les membres du gouvernement de bénéficier d'un cadre temporel qui est particulier dû au fait que nous sommes le lundi, alors que normalement nous devrions suivre les règles où chaque journée, chaque séance doit commencer par une période des questions? Ce point n'a jamais été éclairci, et nous croyons d'ailleurs qu'il s'inscrit dans la définition que nous avons du cadre temporel défini à l'article... pas à l'article 1, dans le premier argument.

Autrement dit, notre règlement est complet par lui-même et d'ailleurs s'est attardé beaucoup plus, lors de la dernière réforme, à s'assurer d'un cadre qui est normal au niveau temporel pour éviter de se retrouver dans les situations que nous avons connues dans le passé. Or, en faisant cela, nous avons donc déterminé le carré dans lequel doit exercer le gouvernement les règles d'exception. Et, si vous ne donnez pas suite... ne donnez pas suite, M. le Président, à notre premier argument, vous faites en sorte, autrement dit, que nous nous retrouvons en contradiction avec l'ensemble du cadre temporel qui est prévu à notre règlement.

Merci. Et mon leader... le leader adjoint, pardon, aura peut-être quelques éléments à ajouter.

Le Président: Très bien. Alors, merci de vos commentaires, M. le leader de l'opposition officielle.

Des voix: ...

Le Président: Non, je pense qu'il n'y a pas d'autre commentaire à ma gauche. Mme la leader du deuxième groupe d'opposition et députée de Lotbinière.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: M. le Président, je veux apporter un complément. Puisque mon collègue le leader du gouvernement dépose une motion de détermination du cadre temporel de la séance, cette motion-là n'est pas encore acceptée, vous ne l'avez pas ni acceptée ni refusée encore, donc, puisque cette motion-là n'est pas acceptée, c'est le cadre normal. Je reprends un peu l'argumentation de mon collègue le député de Chicoutimi. Sauf que la question est que, si vous rendiez une décision acceptant cette motion du cadre temporel de la séance, c'est donc dire que vos décisions auraient des effets rétroactifs. Et je crois que, si vous acceptez cette motion telle quelle, vous devez définir comment vous pouvez avoir des décisions rétroactives et jusqu'à quel niveau cette rétroaction-là peut avoir lieu. Parce que ça va nous mettre dans une situation un petit peu difficile que d'avoir des décisions qui ont des effets rétroactifs ici, comme parlementaires.

Maintenant, pour parler des juristes de l'État, je voulais, pour le bénéfice de nos auditeurs, exprimer un peu ce qu'ils considèrent comme étant un conflit d'intérêts, parce qu'ils ont signé le Code d'éthique et de... À l'instar du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale que les parlementaires se sont eux-mêmes donnés d'observer en décembre dernier, le respect du code de déontologie constitue, autant pour les juristes de l'État que les procureurs de la couronne, la pierre angulaire de leur profession. Les quatre juristes qui vous conseillent ont tous prêté serment de respecter ce code. Et, puisque le Parlement est le lieu de naissance de toutes les lois, il incombe, en conséquence, à ce que l'Assemblée nationale soit la première à les respecter.

Pour cette raison, je vous prie, M. le Président, de prendre les dispositions nécessaires afin que les juristes visés par cette loi spéciale ne se voient pas obligés de renier le serment qu'ils ont prêté lorsqu'ils ont choisi d'accéder à la profession d'avocat. Je vous demande donc, en conséquence, de répondre à ce conflit d'intérêts que vivent les juristes ici présents. Merci.

**(10 h 50)**

Le Président: Merci, Mme la leader du deuxième groupe d'opposition. M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, M. le Président. Les deux questions -- je ne veux pas les identifier, là, particulièrement -- les deux sujets soulevés par notre collègue reviennent à des sujets qui avaient été soulevés antérieurement. Je vais donc les prendre dans l'ordre qu'ils ont été présentés.

D'abord, sur le cadre temporel, il faut rappeler ici la situation où, jeudi dernier, l'Assemblée a été ajournée à mardi, 13 h 45. Et donc nous sommes dans un contexte où le règlement prévoit de procéder de la façon dont on le fait aujourd'hui. Incidemment, d'ailleurs, c'est, à quelques mots près, c'est-à-dire le nom du projet de loi et le numéro du projet de loi... il s'agit des motions identiques à celles sur lesquelles nous avons déjà discuté l'automne dernier. D'ailleurs, la question concernant le moment d'une période de questions avait d'ailleurs déjà été soulevée à ce moment-là. Donc, le point 1 et le point 4 du leader de l'opposition, repris ensemble, trouvent une réponse par l'ajournement à mardi, d'une part, et, d'autre part, au fait que ça avait déjà été soumis dans une motion identique, à l'automne dernier.

Le leader nous parle de l'article 55 de la Loi de l'Assemblée nationale, où il nous dit qu'il va traiter un peu du fond et pas simplement de la forme. Je tiens à vous indiquer, M. le Président, d'une part, que, pour qu'il puisse faire sa présentation, il doit... il est obligé de se mettre dans une situation où il ne prend pas la parole d'une de nos collègues, nommément la présidente du Conseil du trésor. Le règlement, bien sûr, la loi nous indique que nous devons prendre la parole, d'autant que cette parole-là est la réalité dans les faits de ce qui s'est produit.

D'autre part, je tiens à noter aussi, évidemment, ce que vous savez à ce moment-ci et à tout moment, en fait: la présidence n'a pas à juger de l'opportunité de la motion... du projet de loi. Ceci est à la discrétion des membres de cette Assemblée, lorsqu'ils auront exprimé un vote sur le projet de loi lui-même au terme de la motion. Donc, il est clair que cet argument-là ne peut pas être retenu, ne serait-ce que parce qu'on doit prendre la parole du député qui... et des ministres.

Sur l'aspect déontologique, M. le Président, je veux simplement vous rappeler que, dans notre Assemblée, nous avons des décisions à prendre. Il y a l'exécutif, le gouvernement, il y a des pouvoirs qui sont dévolus à l'Assemblée nationale, et cette Assemblée doit pouvoir être effective, elle ne peut pas être paralysée. S'il fallait aller dans cette direction, M. le Président, Dieu sait où nous en serions la semaine prochaine et le mois prochain. Et qu'en serait-il des responsabilités du gouvernement, de l'Assemblée à l'égard de l'attribution des fonds publics, à l'égard de l'administration de la justice, en fait, à tous égards, M. le Président? Parce qu'imaginez l'effet domino, par la suite, appliqué à toutes les relations de travail de l'État, de tous ses employés et, je dirais même, à tout projet de loi, M. le Président.

Alors, je vous laisse simplement sur cette réflexion. Nous devons préserver la capacité de l'Assemblée nationale de prendre des décisions qui, je le sais, ne peuvent pas être toujours faciles à accepter. On aimerait tous, M. le Président, pouvoir faire plaisir à tout le monde, mais nous ne sommes pas dans une société où on peut faire plaisir à tout le monde. Il faut prendre des décisions. Certains y trouvent matière à contentement, d'autres pas. On essaie de les prendre de la façon la plus juste possible. Mais, ceci étant, nous avons besoin d'une Assemblée nationale qui permet de siéger, permet de débattre et permet de décider. C'est ce que je vous soumets, M. le Président.

Le Président: Alors, je vous remercie de vos commentaires. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Écoutez, il y a un élément, là... Au-delà de la procédure... et vous aurez, sur la question déontologique d'ailleurs, qui peut-être, je vous dirais, devrait être réglée même avant même toute autre forme de délibération, M. le Président... Parce que, comme elle est déontologique et qu'elle nous amène même à discuter de la recevabilité de cette motion, je vous invite peut-être, en termes de prudence, de nous transférer tout de suite cette décision.

La deuxième, c'est les derniers mots du leader, M. le Président. Je trouve inacceptable tout simplement qu'on parle de plaisir à ce moment-ci. Vous comprenez pourquoi je ne suis pas allé sur le fond des choses. Le principe n'est pas de faire plaisir à tout le monde. Et je trouve assez surprenant qu'on parle que la justice des uns produit des injustices pour les autres. Donc, c'est un argument qui me semble assez fallacieux à ce moment-ci.

Le Président: Alors, je veux vous remercier de vos commentaires. Alors, je vais rendre ma décision en bloc après avoir délibéré. Et évidemment les députés seront appelés par les cloches avant que nous reprenions nos travaux.

Alors, à tout à l'heure.

(Suspension de la séance à 10 h 56)

(Reprise à 12 h 35)

Le Président: Alors, l'Assemblée reprend ses travaux.

Décision de la présidence

Et je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la recevabilité des motions présentées par le leader du gouvernement. Il s'agit d'une motion établissant le cadre temporel des séances extraordinaires ainsi qu'une motion établissant la procédure d'exception prévue au règlement. Je veux remercier les leaders parlementaires qui m'ont fait part de leurs arguments relativement à la recevabilité de ces motions.

Alors, tout d'abord, le leader de l'opposition a fait valoir quatre arguments à l'encontre de la recevabilité des motions.

Premièrement, il est d'avis que la motion établissant le cadre temporel est irrecevable puisqu'elle ne respecte pas les dispositions du dernier alinéa de l'article 20. Cet alinéa prévoit que l'Assemblée peut décider sans débat, sur motion sans préavis du leader du gouvernement, de se réunir le lundi, de 13 h 30 à 21 h 30, avec suspension de 18 heures à 19 h 30.

Ainsi, pour pouvoir siéger le lundi en séance ordinaire, il faut qu'une motion sans préavis du leader du gouvernement ait été présentée aux affaires courantes de la séance précédente. En l'espèce, comme il n'y a pas eu une telle motion présentée par le leader du gouvernement jeudi dernier et que l'Assemblée a alors ajourné ses travaux au mardi 22 février, soit demain, l'Assemblée ne peut donc, aujourd'hui se réunir en séance ordinaire. C'est pourquoi elle peut se réunir en séance extraordinaire conformément aux dispositions de l'article 23, qui prévoit que, «en dehors des périodes, jours ou heures prévus [au règlement], l'Assemblée, sur demande du premier ministre, se réunit en séances extraordinaires». La séance extraordinaire est valablement convoquée, et la motion établissant le cadre temporel est donc conforme au règlement.

Deuxièmement, le leader de l'opposition officielle invoque l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale pour mettre en contradiction certains propos de la présidente du Conseil du trésor avec ceux avancés par les représentants des procureurs de la couronne et des juristes de l'État.

À cet égard, je vous rappelle les dispositions du paragraphe 6° de l'article 35 du règlement, qui prévoit qu'on ne peut refuser d'accepter la parole d'un député. Or, la présidence n'a pas à évaluer les points de vue des uns et des autres sur le fond de la question. Le rôle du président, en l'espèce, est de déterminer si la séance est valablement convoquée et si les motifs sont recevables. De même, la présidence ne se prononce pas sur les motifs de la convocation. Cela relève de l'entière prérogative du premier ministre, et c'est l'Assemblée qui décidera, au terme du débat restreint, de l'opportunité de la convocation en séances extraordinaires.

Troisièmement, le leader de l'opposition officielle invoque que quatre juristes de l'État sont également secrétaires à l'Assemblée, ce qui peut les placer dans une situation de conflit d'intérêts. À cet égard, il a déposé une lettre du président de l'Association des juristes de l'État.

Le Conseil des services essentiels, dans une décision rendue le 10 février dernier, a reconnu que le privilège d'assignation du personnel parlementaire existe et qu'il est nécessaire pour assurer la bonne marche, sans entrave, des travaux parlementaires. Selon le conseil, et je cite: «Le Conseil retient de la preuve que le privilège invoqué, celui de l'autorité du président de l'Assemblée nationale d'assigner au travail, à titre de services essentiels, les avocats en procédure parlementaire, est nécessaire à la bonne marche des activités délibératives et législatives de l'institution.» Fin de la citation.

Quatrièmement, le leader de l'opposition officielle mentionne que le cadre temporel des séances extraordinaires pourrait entrer en contradiction avec les dispositions du règlement si jamais la présente séance n'était pas terminée demain à 9 heures.

À ce sujet, si jamais la présente séance n'était pas terminée à 9 heures demain, une nouvelle séance débuterait alors, comme le prévoit la motion établissant le cadre temporel. Dans une telle éventualité, cette deuxième séance commencerait par les affaires courantes et se poursuivrait jusqu'à ce que l'Assemblée ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée, et ce, indépendamment des heures prévues au règlement pour la tenue des séances ordinaires du mardi.

De fait, comme je l'ai mentionné le 18 octobre 2010, la motion de procédure d'exception ne demande pas la suspension des articles du règlement qui pourraient être incompatibles avec la motion. Le troisième alinéa de l'article 182 prévoit plutôt que, dès l'adoption de la motion de procédure d'exception, les dispositions du règlement incompatibles avec la procédure prévue dans la motion sont implicitement suspendues pour les fins de l'étude de l'affaire faisant l'objet de la motion.

La leader du deuxième groupe d'opposition prétend, dans un premier temps, que la motion établissant le cadre temporel pourrait avoir un effet rétroactif si le président la déclarait recevable.

En fait, lorsque l'Assemblée est convoquée en séances extraordinaires, les travaux débutent par les affaires courantes. La séance se poursuit indépendamment des heures prévues au règlement jusqu'à ce que l'Assemblée ait adopté son cadre temporel. Ainsi, au terme du débat de deux heures, l'Assemblée se prononcera sur les motions. Si la motion établissant le cadre temporel est adoptée, c'est ce cadre qui s'appliquera par la suite. On ne peut donc pas parler de rétroactivité. La motion prend uniquement effet au moment de son adoption.

La leader du deuxième groupe d'opposition évoque également le possible conflit d'intérêts des juristes qui agissent à titre de secrétaires à l'Assemblée. J'ai déjà disposé de ce point un peu plus tôt concernant cet argument du leader de l'opposition officielle.

Alors, pour toutes ces raisons, je déclare recevables les motions présentées par le leader du gouvernement. M. le leader de l'opposition officielle.

**(12 h 40)**

M. Bédard: Je n'aurai pas de commentaire supplémentaire, si ce n'est, M. le Président, qu'effectivement nous avons révisé les règles du règlement qui font que... Je pense que cette mesure exceptionnelle est malheureusement bien encadrée par le règlement maintenant. Donc, on a une part de responsabilité là-dedans, je vous dirais. On évite ce qui se passait avant.

Par contre, M. le Président, je fais une dernière offre face à votre décision. Je fais une dernière offre. Comme nous avons les procureurs parmi nous toute la journée et toute la nuit, et... d'ajouter au temps, M. le Président, nous serions disposés à donner une partie de notre temps à ce qu'ils viennent faire des représentations devant nous en commission plénière, à une des étapes, sans que cela n'ajoute une minute que ce soit au temps qui est déterminé.

Donc, je pense que les gens se sont déplacés, je pense que c'est une preuve de respect en même temps. Et, si ça peut, sans apaiser, mais au moins donner une voix à des gens qui croient sincèrement ne plus en avoir, ce serait une offre qui serait, je pense, de bon ton et permettrait aux parlementaires d'avoir un éclairage particulier des premiers concernés. Et, comme nous avons sous la main la présidente du Conseil du trésor, M. le Président, bien, ça permettrait d'égaliser, je pense, cette voix qui est entendue à l'extérieur de notre Assemblée.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Fournier: Je veux simplement rappeler qu'autant la présidente du Conseil du trésor que le gouvernement ont, à de nombreuses reprises, eu des rencontres. Nous n'empêcherons vraiment pas les procureurs et les juristes à discuter avec l'opposition si c'est leur souhait de les rencontrer. Dans le cadre actuel, nous avons une motion qui a... qui est urgente, M. le Président. Et, à cet égard, nous allons suivre la procédure usuelle.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Écoutez, je concède... Je ne sais pas si c'est le ton qui a changé ou non, mais je peux vous dire que la manière, elle, n'a pas changé, M. le Président.

Le Président: Bien. Alors, ceci étant dit... ceci étant dit, je vais donc maintenant suspendre les travaux pour permettre à l'ensemble des députés de prendre connaissance du projet de loi.

Nous suspendrons nos travaux pour une période de 1 h 30 min. Je comprends que ça va pour tout le monde? Alors, ça va pour tout le monde. Alors, nous suspendons pour 1 h 30 min.

(Suspension de la séance à 12 h 44)

 

(Reprise à 14 h 20)

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, Mmes et MM. les députés, bon après-midi. Nous allons reprendre nos travaux.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, à l'ordre! Veuillez vous asseoir.

Débat restreint sur le motif de la
convocation en séances extraordinaires
et sur les motions fixant le cadre
temporel et la procédure d'exception

Alors donc, l'Assemblée reprend ses travaux. Je vous informe de la répartition du temps de parole établi pour le débat restreint sur le motif de la convocation en séances extraordinaires et sur les deux motions présentées par le leader du gouvernement, soit la motion fixant le cadre temporel de la séance et la motion de procédure d'exception.

La répartition du temps de parole se fera comme suit: cinq minutes sont allouées au député de Mercier; 1 min 45 s est allouée à chacun des autres députés indépendants; 8 min 30 s sont allouées aux députés du deuxième groupe d'opposition. Le reste du temps sera partagé également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, soit 51 min 30 s pour chacun des deux groupes.

Dans ce cadre, le temps non utilisé par un député indépendant ou par les députés du deuxième groupe d'opposition sera redistribué également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et le temps non utilisé par le groupe parlementaire formant le gouvernement ira au groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et vice versa. Et les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Je suis maintenant prête à entendre le premier intervenant. Le premier intervenant, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Mme la Présidente, je vais être très bref. Je n'avais pas prévu discuter à cette étape-ci, je voulais laisser à mes collègues... Je profite de l'occasion qui m'est donnée, Mme la Présidente, pour vous dire que la situation dans laquelle nous sommes, elle est... c'est une première, Mme la Présidente. Nous apprenons que d'autres procureurs-chefs ont annoncé leur démission. Pour bien comprendre, pour bien comprendre, il n'y a plus de gens qui distribuent les dossiers, Mme la Présidente.

L'attitude du gouvernement, depuis plusieurs mois, dans ce dossier, a été irresponsable. Nous sommes en train de vivre un véritable chaos au niveau juridique, au niveau de nos institutions. Vous le savez, on en a vécu plusieurs jusqu'à maintenant, mais celui-ci dépasse les bornes, Mme la Présidente. L'élément le plus inconvenant, je vous dirais, et insupportable, c'est la réponse du gouvernement: se servir de sa majorité à ce moment-ci face à des gens qui sont... qui se sentent exploités, qui se sentent découragés. Et d'utiliser l'Assemblée nationale pour frapper le dernier clou, c'est ignoble, M. le Président.

On a retiré tout rattrapage dans le projet de loi actuel. Ce gouvernement est encore en train, encore une fois, de jouer au plus fou. Il dit: Regardez, je suis encore un peu plus fou, moi. Moi, ce que je vais faire, là, je vous avais promis du rattrapage, mais vous n'êtes pas gentils avec moi, je retire mes offres. Et, si vous n'écoutez pas, vous allez avoir des pénalités. Quelle a été la réponse des procureurs? Nous commençons à l'entendre. Ce gouvernement n'a pas prévu un seul coup à l'avance. Nous sommes tous plongés dans une situation où actuellement l'ensemble des procureurs est en train, je vous dirais, de répondre au mépris qu'a eu le gouvernement à leur égard depuis des semaines, maintenant des mois.

Je demande au gouvernement, et c'est la première fois que je le fais... Vous savez, nos règles parlementaires, Mme la Présidente, tolèrent n'importe quel débat, et nous avons le droit d'entendre l'opinion contraire. Actuellement, la deuxième institution en termes d'importance est attaquée de façon importante, puis ce n'est pas la commission Bastarache qui peut régler ça, Mme la Présidente. Je demande au leader du gouvernement, à ce moment-ci, de suspendre les travaux de cette loi spéciale. Je demande au leader et au ministre de la Justice, au premier ministre et à la présidente du Conseil du trésor de faire ce qu'ils doivent faire à ce moment-ci. Nous prendrons nos responsabilités, nous, comme opposition, mais maintenant, face à la réaction de l'ensemble des procureurs, et plus particulièrement suite au dépôt de la loi spéciale qui est devant nous, je demande au gouvernement de retirer sa loi. Je demande au gouvernement de prendre une pause, une pause à ce moment-ci, d'être pour une fois responsable.

Je ne sais pas comment va finir cette loi, Mme la Présidente. Je sais que nous serons encore ici aux petites heures du matin. Mais l'idée, ce n'est pas si elle va être adoptée ou pas, c'est: Quelles vont être les conséquences de son adoption, Mme la Présidente? Les conséquences sont au-delà de nos petits débats partisans. On a des gens devant nous, des gens qui sont exaspérés mais, face à la loi, qui ont l'impression profonde et la conviction profonde qu'ils ont été méprisés. Leur réaction est en dehors de nos standards qu'on connaît, là.

Ce qu'on s'attend, Mme la Présidente, c'est que le gouvernement, il a une dernière chance. Nous lui offrons la possibilité qu'il se reprenne. Je comprends qu'il y a un discours inaugural qui est prévu pour mercredi, je comprends qu'il y a un agenda du premier ministre, gouvernemental, mais, à ce moment-ci, on n'est pas dans une question d'agenda politique ni pour le premier ministre, ni pour François Legault, ni pour l'opposition. Nous sommes à un moment où il y a des gens, des procureurs, des personnes qui ont une des responsabilités les plus importantes de notre société, qui ont décidé que, la façon de faire du gouvernement, qu'ils ne laisseront pas faire le gouvernement sur cette voie.

Je ne sais pas si le gouvernement sait, plusieurs d'entre vous ne le savent pas, à l'évidence, là, mais la démission d'un procureur-chef, pour notre système de justice -- il y a même des gens qui trouvent ça un peu drôle, Mme la Présidente -- c'est à peu près ce qu'il y a de plus grave. Alors, au-delà du fait qu'on aura à siéger longtemps ici, là, prenons une pause, Mme la Présidente. Que le leader, là, qui... dont je vais avoir l'amabilité qu'il n'a pas eue à l'égard d'autres collègues, là, que le leader prenne ses responsabilités au lieu de nous amener dans un gouffre dont il n'a aucune idée des conséquences. C'est irresponsable, ce qui se passe actuellement, de répondre avec une loi méprisante en disant finalement: D'ici à la fin de la journée, là, si vous ne répondez pas, vous allez avoir encore un autre cinq ans où tout l'État va vous mépriser. Est-ce qu'il pense que c'est une façon de faire avec des gens qui vivent, je vous dirais, une profonde autonomie? Ce sont des professionnels, Mme la Présidente. Alors, j'ai l'impression que personne ne comprend la gravité dans laquelle nous sommes plongés, Mme la Présidente.

Je demande sincèrement -- il y aura d'autres gens qui vont parler: À cette étape-ci, là, que quelqu'un aille voir le leader et lui dise: Écoutez, il est encore temps, là. Il peut... Pas reculer, là, je ne lui demande pas de reculer. Je lui demande de suspendre. Je lui demande de s'asseoir avec des gens responsables qui ont tout autant à coeur que nous la défense du système de justice et la condamnation des criminels, et de faire le travail qu'on doit faire dans le délai qu'on veut, et de sortir de nos agendas politiques, Mme la Présidente. Parce que ce n'est pas seulement le discours inaugural qui va être contaminé par... du premier ministre, ça va être tout le système de justice, tous les justiciables, tous ceux et celles qui s'attendent à avoir la justice devant nos tribunaux.

La démission aujourd'hui d'un des procureurs les plus émérites de notre système de justice n'a pas ébranlé personne; on en riait presque ici, Mme la Présidente. C'est dramatique, ce qui se passe. Et un homme avec autant de valeur, s'il a posé ce geste, c'est qu'il était profondément... Profondément, il se sentait méprisé par la décision du gouvernement. La réponse légale du gouvernement, elle est ignoble, ignoble. Elle ne tient pas compte du fait que ces gens-là attendent depuis minimum six ans -- six ans -- une véritable considération par rapport à leurs conditions de travail, par rapport au soutien qu'ils doivent obtenir de groupes de recherche, à l'embauche de procureurs. Je pense que faire le choix de leur imposer des conditions aussi inadmissibles, c'est faire le pire choix, pas politique mais pour notre système de justice.

**(14 h 30)**

Le premier ministre ne pourra pas s'en sortir en nommant encore quelqu'un qu'il connaît puis en faisant une parodie de justice. On ne vivra pas deux fois Bastarache, Mme la Présidente. Aujourd'hui, on est face à la vraie justice. On est face à des vrais procureurs qui, eux, sont face à de vrais criminels, et, dans leur réalité à eux, ils demandaient une chose: de la considération. On leur a répondu par le mépris.

Je veux seulement dire, Mme la Présidente, au gouvernement, là, qu'on va faire notre travail, nous, comme opposition, mais que nous n'avons aucune responsabilité, parce que nous avons utilisé tous les moyens pour aviser le gouvernement de l'inacceptable dans lequel il nous plonge actuellement. Nous avons pris tous les moyens, vous avez vu, depuis des semaines et encore aujourd'hui, pour éviter la situation dans laquelle nous plonge le gouvernement. Je leur demande... d'autant plus que, Mme la Présidente, ça fait assez longtemps, dans ce Parlement, que le gouvernement pourrait d'ailleurs décider de suspendre, de proroger l'Assemblée, ce matin à compter de 8 heures. Ça doit être dans un des éléments de stratégie de notre cher gouvernement.

Alors, au lieu de faire ça, ce que je lui fais: mon temps, je lui donne, je le donne au gouvernement, je le donne aux procureurs. Il leur resterait jusqu'au discours inaugural pour arriver à une vraie solution avec ces gens et qui va les respecter, du moins dans un cadre, un cadre de négociation qui va nous permettre d'éviter le pire scénario, Mme la Présidente. Parce que toutes les conséquences... le leader... encore moins les membres du gouvernement ne semblent conscients des conséquences d'imposer les conditions tel qu'ils le font dans le projet de loi actuel.

J'espère, Mme la Présidente, que le leader ou quelqu'un du gouvernement va comprendre la situation et va répondre à notre offre, la seule qui est responsable à ce moment-ci, et que nous puissions éviter le pire chaos au niveau de nos institutions, où nos tribunaux ne seraient plus fonctionnels, ou, pire encore, ceux et celles... peut-être la classe d'emploi qui a le plus d'estime dans nos sociétés se verraient découragés et pourraient prendre des décisions qui seraient regrettables pour eux, mais aussi pour toute la société. Je demande au gouvernement de poser au moins un geste responsable et de sortir de leur agenda politique, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition officielle. Je reconnais maintenant M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. D'emblée, je commencerai cette intervention en rappelant à toute cette Chambre des déclarations qui ont été faites par le premier ministre du Québec, par le ministre de la Justice, par la présidente du Conseil du trésor lorsqu'elle parle des procureurs de la couronne.

Ce sont des gens qui sont estimables. Le travail qu'ils font, c'est un travail de première importance. Loin de les mépriser, nous les estimons et nous considérons que le travail qu'ils font est un travail de première importance.

Une voix: ...

M. Gautrin: Et ça paraît actuellement, monsieur, ça paraît. Ça paraît dans les offres...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Mmes et MM. les députés, il y a une seule personne qui a le droit de parole. C'est la personne qui est reconnue par la présidence. Actuellement, c'est M. le leader adjoint du gouvernement. Je sollicite votre collaboration pour que ce débat, qui est très sérieux et grave, se fasse dans l'ordre, et ça, ça veut dire le silence aussi. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Ce gouvernement a été en mesure d'obtenir une entente négociée avec 475 000 employés de l'État, une entente négociée, ce qui démontre que, de ce côté-ci de la Chambre, nous n'abusons pas, comme on essaie de nous faire croire, des mesures spéciales. Nous avons été en mesure d'obtenir, ce qui est absolument unique, Mme la Présidente, une entente négociée avec l'ensemble des employés de l'État et de surcroît, de surcroît, Mme la Présidente, avec la Fédération des infirmières du Québec. Ce gouvernement -- et ce qui est une première, Mme la Présidente, c'est une première -- a été en mesure d'obtenir une entente négociée. Avec les procureurs de la couronne et les juristes de l'État, nous devons reconnaître au départ qu'ils avaient des demandes de rattrapage. Ils avaient des demandes qui étaient à la fois des demandes de nature salariale et des demandes qui étaient de nature... leurs conditions de travail. Il y a eu 23 rencontres de négociation, un certain nombre de rencontres de négociation qui ont eu lieu avec l'aide d'un médiateur, et des rencontres de négociation qui, cette fin de semaine, ont eu lieu en présence de la présidente du Conseil du trésor. Des choses importantes ont été négociées, Mme la Présidente, particulièrement en ce qui touche les conditions de travail.

Et vous avez entendu ce matin, ce matin même, au moment de la période de questions, la présidente du Conseil du trésor a annoncé à cette Chambre qu'elle était prête à augmenter de 80 le nombre de procureurs, et de non seulement d'augmenter le nombre de procureurs, mais aussi de leur allouer 40 postes de soutien. Parce qu'il faut bien être conscient que, dans un travail juridique, il y a évidemment celui de plaider, mais il y a celui de préparer en quelque sorte les causes. Donc, il y a un élément important, Mme la Présidente, qui était une ouverture contre... conditions de travail des procureurs de la couronne.

Deuxième élément. Deuxième élément, on sait, et vous le savez, et nous le savons, et le gouvernement le reconnaît, que bien des procureurs de la couronne, même s'ils sont officiellement payés pour 35 heures, des semaines de 35 heures, travaillent jusqu'à 37,5 heures, voire 40 heures de travail, et cette partie du temps de travail va leur être reconnue. Troisième élément. Si j'ai bien compris l'intervention, il existe aussi des mandats spéciaux, il existe aussi le fait qu'il y a des gens qui travaillent en région éloignée. Cette situation de travail, particulièrement par les procureurs de la couronne, va leur être reconnue.

Mme la Présidente, il y a eu de la part du gouvernement un effort pour essayer, dans la mesure de sa capacité de payer, de pouvoir reconnaître la situation des procureurs de la couronne. Mais, Mme la Présidente, les procureurs de la couronne font partie du grand ensemble des employés de l'État. Vouloir briser, pour un ensemble d'employés de l'État, les paramètres de rémunération, même si... même si on peut plaider qu'il y a une comparaison nécessaire avec un marché ou avec d'autres personnes, serait ouvrir la porte à une avalanche de demandes et d'augmentations, même avec des gens avec qui nous avons déjà négocié. Le marché existe pour un certain nombre d'employés de l'État, non pas seulement les procureurs de la couronne, je pourrais... un domaine que je connais un peu mieux, les informaticiens, par exemple, ont un marché qui est beaucoup plus attrayant hors du gouvernement, mais malgré tout ils ont accepté les grands paramètres de rétribution qui ont été établis par l'État.

Vouloir dépasser, vouloir, à l'heure actuelle, dépasser, c'est-à-dire déplafonner les échelles des procureurs de la couronne entraînerait un risque de demandes de déplafonner aussi les échelles pour les infirmières, de déplafonner les échelles pour certains professionnels du gouvernement du Québec, de déplafonner les échelles pour des gens avec qui nous n'avons pas encore une entente, et particulièrement le corps médical. Et vous voyez, Mme la Présidente, les énormes dépenses que ça entraînerait dans un gouvernement, un gouvernement qui s'est engagé déjà d'arriver à l'équilibre budgétaire, un gouvernement qui s'est déjà engagé de faire en sorte que 62 % de l'effort pour atteindre l'équilibre budgétaire sera pris à même les compressions et la manière de gérer, actuellement, l'État.

**(14 h 40)**

Parce que nous voulons réaliser cet objectif, parce que nous savons gouverner d'une manière responsable, il faut être en mesure de se dire: On ne peut pas, à l'heure actuelle, être en mesure de considérer et de donner justification à toutes ces demandes et changer les paramètres de rétribution qui sont les paramètres établis dans les négociations avec les 475 000 employés de l'État. Mme la Présidente, avoir accepté de déplafonner les échelles salariales pour les procureurs de la couronne aurait voulu dire qu'on ouvrait la porte au déplafonnement de toutes les échelles salariales pour tous les employés de l'État. C'était totalement être irresponsable. Je suis sûr qu'il n'y a pas un parlementaire de l'opposition qui était prêt actuellement de nous demander de déplafonner aujourd'hui et en même temps, dans le même discours, de nous dire: Oui, mais il va falloir que vous arriviez à l'équilibre budgétaire. Voyons donc! Soyez réalistes deux minutes.

Mme la Présidente, dans une négociation, il arrive un moment où les deux parties se rendent compte que ce qu'on appelle... il n'y a pas possibilité d'avancer, on ne peut plus avancer. Et je reconnais la position des procureurs de la couronne comme étant valable, disant: Nous nous sommes engagés envers nos membres en disant: Il faut ce rattrapage; d'un autre côté, l'autre partie, la partie gouvernementale, d'être en mesure de dire: Nous ne pouvons pas... si nous voulons respecter notre droit de gouverner et la capacité de payer des Québécoises et des Québécois, nous ne pouvons pas donner justice à vos demandes. Face à ça, on est... Il faut être en mesure des fois de prendre acte, de prendre acte qu'on ne peut pas faire un pas de plus, non pas de se retrouver une journée ou deux journées de plus... de prendre acte qu'on ne peut pas faire un pas de plus, que les demandes, les demandes salariales sont arrivées à un terme, qu'on ne peut pas aller plus loin, qu'on ne peut pas aller plus loin... qu'elle est la position qui est à notre disposition.

Très justement, le collègue député de Chicoutimi et leader du gouvernement a rappelé: Il y a un risque de chaos. Il y a à faire en sorte que... Sans que les procureurs de la couronne s'occupent, à l'heure actuelle, des causes pendantes, il y a un risque de chaos. Si les juristes de l'État ne continuent plus à supporter actuellement l'action législative du gouvernement, il y a un risque de chaos. Dans ce sens-là, qu'est-ce que fait un gouvernement responsable et qu'est-ce qu'ont fait aussi les gouvernements responsables d'en face lorsqu'ils étaient au gouvernement? Nous avons... Nous utilisons une mesure qui reste à la fin, au terme... qui reste au terme d'une négociation lorsqu'on prend acte, acte qu'on arrive dans une impasse, qu'on est face à un mur, on prend acte, à ce moment-là, de dire: On va faire en sorte de briser le chaos et de revenir, à ce moment-là, en utilisant le pouvoir qui est le nôtre, celui de la loi.

Et c'est pour ça, Mme la Présidente, qu'on est réunis aujourd'hui. Nous sommes réunis aujourd'hui parce que nous voulons gouverner, gouverner et être en mesure que le Québec ne tombe pas dans le chaos. Et c'est le sens, à l'heure actuelle, d'une mesure, qui n'est pas extraordinaire, qui est prévue dans notre règlement, qui a été votée de part et d'autre, à laquelle l'opposition a adhéré aussi, Mme la Présidente, et cette mesure est de dire: Lorsqu'on arrive... lorsqu'on prend acte qu'on arrive à une impasse, à ce moment-là, lorsqu'il n'y a plus d'autre possibilité, nous devons recourir à la loi spéciale.

Mais rappelons-nous, Mme la Présidente, et il est important, nous arrivons à la loi spéciale parce qu'il y avait une impasse entre la capacité de payer, actuellement, du gouvernement et les responsabilités que nous avons au point de vue budgétaire. Mais nous avons quand même reconnu la difficulté qu'il y avait pour les procureurs de la couronne et nous avons... et la présidente du Conseil du trésor l'a réaffirmé ce matin, il y a un certain nombre d'aménagements qui sont préparés pour les procureurs de la couronne. Je vous les rappellerai: augmentation du nombre de procureurs de la couronne, augmentation du soutien aux procureurs de la couronne, reconnaissance du travail jusqu'à 40 heures, aller... pouvoir aller aussi... prime pour les régions éloignées, prime aussi, si vous me permettez, pour les gens qui ont des mandats spéciaux. Il y a quand même de l'évolution, Mme la Présidente.

Mais aujourd'hui un gouvernement responsable doit être en mesure de faire en sorte que le système judiciaire marche, et, dans ce sens-là, Mme la Présidente, il faut voter en faveur de cette mesure qui est devant nous, voter en faveur de la loi spéciale. Je vous remercie, Mme la Présidente.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je sollicite toujours votre collaboration pour que les interventions se fassent dans l'ordre. Merci. Et je reconnais maintenant Mme la députée de Lotbinière et leader parlementaire du deuxième groupe d'opposition.

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Merci, Mme la Présidente. Avec tout le respect que je dois à mon collègue qui vient de parler, je ne partage pas son avis, Mme la Présidente. Il faut comprendre le rôle des procureurs de la couronne dans notre société. La cour d'État le disait... La Cour suprême le disait: Il n'y a personne au civil qui a une si lourde responsabilité. C'est eux qui décident de porter des accusations, qui mettent... qui font le travail pour mettre sous verrous les criminels. Ils sont apolitiques, ils ne sont pas membres d'aucun parti. Quel citoyen ici a ce genre de contrainte pour son travail? Ils ont des responsabilités énormes. Ils peuvent... leur travail peut permettre d'emprisonner quelqu'un pour 25 ans de sa vie, Mme la Présidente. C'est une responsabilité difficile, mais ce sont des gens dédiés. C'est une vocation.

Vous remarquerez que la plupart des plaideurs qui ont arrêté de plaider ne retournent plus à la pratique, parce que c'est un travail extrêmement exigeant. Le travail se fait au jour le jour devant les yeux de la foule, devant les yeux des victimes, du juge, c'est un travail qui demande des nerfs d'acier, Mme la Présidente. Mais ce sont des personnes extrêmement respectueuses du système, parce que ce sont elles qui le portent à bout de bras. Et naturellement et traditionnellement ce sont des personnes qui doivent absolument, comme officiers de justice, amener à la considération du système de justice par le public. Donc, pour qu'ils aient été poussés à ce cul-de-sac, premièrement, avoir une grève, c'est parce qu'ils ont dû se marcher sur le coeur, Mme la Présidente.

Vous l'avez vu de façon assez... Depuis sept ans, depuis 2003 que je siège ici, le Barreau est toujours très respectueux, jamais il ne se heurte de plein fouet avec le gouvernement, ce qui n'est pas le cas dans ce dossier-ci, parce que ce dossier-ci dépasse tout seuil de tolérance admissible envers notre système de justice.

Mme la Présidente, ils sont les moins payés, ils sont les moins dotés de... Notre moyenne nationale de procureurs de la couronne, c'est la plus faible au Canada par population. C'est le plus faible salaire. C'est aussi les plus faibles supports en termes de paralégaux et puis c'est aussi un taux d'acquittement qui a diminué, Mme la Présidente. Ils réussissent moins bien à faire leur travail. Et on ne peut pas prétendre dans cette Chambre jour après jour que la réponse à toutes les questions qui sont demandées pour les enquêtes, les malversations qu'on voit à tous les jours dans les médias, on ne peut pas prétendre que la seule réponse, c'est le système judiciaire, comme on le fait, quand on le méprise autant que ça.

Mais aujourd'hui, là, c'est encore pire. C'est une journée encore plus tragique. Il y en avait un, procureur de la couronne émérite, qui... il y a consacré sa vie. Je vous le dis, Mme la Présidente, c'est une vocation que d'être procureur de la couronne. Il a consacré sa profession à devenir le chef des enquêtes sur le crime organisé. Il a démissionné parce qu'il se sentait, en son âme et conscience, incapable de continuer à faire un travail efficace contre la lutte à la criminalité.

Maintenant, ce sont plus de 80 % des procureurs-chefs et des procureurs adjoints, qui ont dépensé énergie jour après jour pour obtenir ces postes, qui ont démissionné. On ne peut pas penser, Mme la Présidente, que c'est simplement un geste politique. Moi, je pense que c'est un cri du coeur et que, si on n'entend pas ce cri du coeur là, bien... On a dit qu'on avait fait cette loi-là pour éviter qu'on ne tombe dans le chaos; bien, ce n'est pas ça qu'on fait, on provoque le chaos en faisant ça. On ne peut pas continuer ainsi, Mme la Présidente.

Pour avoir fréquenté les cours de justice, c'est fragile, c'est fragile, la confiance que le public a en l'administration de la justice. C'est également très fragile, la confiance que le public a envers les politiciens. On ne peut pas aller de crise en crise. Depuis que le gouvernement est majoritaire, puis alors qu'il l'était auparavant, on n'a que de provocations et de crises. Vous avez rencontré des procureurs de la couronne, qui sont des gens solides, qui savent négocier, qui ne font que cela dans leur vie. C'est leur profession, de négocier. Puis, il y a une règle dans la profession, Mme la Présidente, parce qu'on ne survit pas si ça ne fonctionne pas: Avec la parole donnée, on la respecte, parce qu'on ne peut pas travailler ensemble si cette parole-là donnée n'est pas respectée. Et, dans ce cas, je pense que c'est ce qui choque le plus les procureurs de la couronne, c'est le fait qu'ils négocient et que les paroles données ne sont pas suivies.

**(14 h 50)**

On a admis qu'il y avait un rattrapage. Quand mon collègue dit qu'on ne peut pas déplafonner les échelles, on a admis, dans leur cas, qu'il y avait un rattrapage à faire. On a donc à retourner jusqu'au moment où on leur a enlevé leur droit de négocier leur convention collective, parce qu'elle n'était pas terminée. On n'a qu'à retourner à cette date-là pour commencer le niveau salarial des procureurs de la couronne, Mme la Présidente. Mon collègue le leader adjoint du Parti libéral, du gouvernement, sous-estime l'imagination que ses collègues ont, parce qu'ils en font preuve, de créativité, quand ça leur sert. Mais ici on s'enferme dans des... on restreint notre façon pour s'en servir...

Mme la Présidente... mais pire que ça, pire que ça, j'ai analysé la clause de hausse des employés de la fonction publique et la clause de hausse des procureurs de la couronne: on donne moins aux procureurs de la couronne qu'à la fonction publique. On en donne moins, parce qu'on a plafonné ça à 0,5 % -- c'est le chiffre technique, là, mais je pourrai en faire la démonstration, je pense qu'on va avoir jusqu'à demain matin pour pouvoir faire cette démonstration-là? C'est vraiment du mépris, parce qu'ici on dit que c'est la même clause puis que c'est une question d'équité. Ce n'est pas une question d'équité, ce n'est pas le même travail, on ne part pas du même endroit, les procureurs de la couronne avaient beaucoup plus de recul en termes salarial que les employés de l'État, et puis, Mme la Présidente, on ne peut pas leur faire ça. On ne peut pas leur faire ça, parce qu'on s'est appuyés à 100 % sur eux pour régler tous les problèmes qu'on entend, de malversation dans la société, et puis on ne les dote pas des outils nécessaires... on dit même qu'on va faire d'autres unités, alors qu'on n'est pas capables de doter ceux qu'on a de postes.

Mme la Présidente, ils offrent des postes de procureur de la couronne, et personne ne vient appliquer. Imaginez l'unité anticorruption qu'ils veulent créer. Ça va prendre des procureurs d'expérience, ces procureurs d'expérience là sont souvent ceux qui ont eu des postes de responsabilité, mais plus de 80 % de ceux-là démissionnent, Mme la Présidente. Vraiment, on a créé le chaos, et nous allons voter contre ce projet de loi là.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Lotbinière. Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant et je cède la parole à M. le député de Chambly, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'accès à l'information et leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, nous procédons actuellement à un débat restreint de deux heures où le gouvernement présente une motion visant à ce que l'on adopte une procédure d'exception -- un bâillon, dans le jargon habituel -- pour qu'il puisse présenter et faire adopter une loi spéciale décrétant les conditions de travail des procureurs de la couronne et des juristes de l'État.

Mme la Présidente, c'est le troisième bâillon en huit mois de la part du gouvernement libéral, le quatrième de cette législature, le quatrième en deux ans. Mais ce bâillon, Mme la Présidente, il est tout particulier parce qu'il touche nos institutions, parce qu'il touche notre institution judiciaire, parce qu'il touche notre système de justice, et manifestement, Mme la Présidente, le gouvernement libéral ne réalise pas la gravité de ce qui est en train de se passer. J'aurai l'occasion de vous dire, Mme la Présidente, tantôt à quel point je trouve l'attitude du gouvernement irresponsable, mais je me dois dans un premier temps, dans la foulée de ce que vient de dire le leader parlementaire de l'opposition officielle, je dois vous dire, Mme la Présidente, que je ne sens pas, de l'autre côté, cette préoccupation sur la gravité de ce qui est en train de se passer, parce que ce qui est en train de se passer -- et je m'adresse à vous... par votre intermédiaire au député de Verdun -- c'est justement, Mme la Présidente, un début de chaos.

Parce que, ce matin, ce qu'on a appris, c'est que le procureur en chef... en charge du Bureau de lutte contre le crime organisé, un procureur de 30 ans d'expérience, Me Claude Chartrand, a remis sa démission. Ça, c'était ce matin, et on aura l'occasion au cours des prochaines heures d'y revenir, mais ce qu'on entend présentement, c'est que pas loin de 40 procureurs chefs et chefs adjoints, sur les 50 qu'il y a au Québec... toute la structure, Mme la Présidente, hiérarchique de nos procureurs de la couronne est en voie de démissionner. On me parlait tantôt... On a parlé de Me Chartrand qui a remis sa lettre de démission hier soir, mais je pourrais vous parler de Me Madeleine Giauque, Mme la Présidente. Or, Me Chartrand, là, c'est le procureur en charge du Bureau de lutte contre le crime organisé. Son adjointe, qui s'occupe de l'opération SharQc, Me Madeleine Giauque, bien connue pour avoir mené la bataille contre les groupes de motards dans la foulée de l'opération printemps 2001, Me Giauque, qui est en charge, qui est l'adjointe de Me Chartrand, aurait aussi démissionné. Me Roger Carrière, qui est l'adjoint de Me Chartrand pour s'occuper, lui, des gangs de rue, aurait aussi démissionné au cours des dernières heures. Il y en aurait comme ça 40. 80 % des procureurs-chefs et des procureurs-chefs adjoints au Québec auraient à ce moment-ci démissionné.

Est-ce que ce n'est pas ça, le chaos, Mme la Présidente? Quand mon collègue de Verdun dit: Il faut adopter la loi spéciale parce que, sinon, il va y avoir un chaos, je lui réponds, Mme la Présidente, que c'est justement en agissant comme le gouvernement libéral agit présentement qu'il est en train de provoquer le chaos. C'est ça, la réalité. Et je ne comprends pas, Mme la Présidente, que, de l'autre côté de la Chambre, on continue comme si de rien n'était. 80 % des têtes dirigeantes de notre système de justice, au niveau des procureurs de la couronne, démissionnent, et puis la vie continue! Est-ce qu'on pense, Mme la Présidente, qu'on va remplacer ces gens par de jeunes avocats qui viennent de sortir de l'école du Barreau? Bien, voyons donc! Ce sont des procureurs d'expérience qui ont mené des combats contre le crime organisé, contre les Hell's Angels, qui démissionnent aujourd'hui. Ce n'est pas une mince affaire, Mme la Présidente, ce n'est pas une petite affaire.

Mme la Présidente, ce gouvernement, dans le dossier des procureurs de la couronne et des juristes de l'État, a été depuis six ans complètement irresponsable. Ai-je besoin de vous rappeler, Mme la Présidente, et je pourrai y revenir tantôt, qu'en 2005 le gouvernement libéral a fait adopter une loi spéciale pour décréter les conditions de travail des juristes et des procureurs de la couronne, alors que, dans les deux cas, leurs conventions, leurs contrats de travail étaient toujours en cours. Dans le cas des procureurs de la couronne, il devait se terminer en 2007, mais on les a amenés dans la... inclus dans la loi spéciale, Mme la Présidente, jusqu'en 2010, sans qu'il y ait eu une seule heure de négociation. Et qu'est-ce qu'on a fait par la suite? Qu'est-ce qu'on a fait en 2006? En 2007? En 2008? En 2009? Rien, Mme la Présidente, pour s'attaquer au problème de nos procureurs de la couronne et des juristes de l'État. On a laissé les choses traîner, on a pelleté ça en avant, comme dans combien de dossiers de la part de ce gouvernement depuis huit ans. On a pelleté ça en avant jusqu'en 2010. Et, depuis 2010, Mme la Présidente, depuis que le contrat... depuis que la loi décret ne s'applique pas, les négociations ont été particulièrement modestes avec nos juristes et nos procureurs de la couronne.

Mme la Présidente, on aura l'occasion d'y revenir, mais effectivement je pense qu'il est important de se rappeler un peu l'histoire. Je vous l'ai dit, Mme la Présidente, une loi spéciale en 2005, alors que le contrat de travail n'était pas terminé ni pour les juristes ni pour les procureurs de la couronne, on ne fait rien pendant cinq ans, et là, aujourd'hui, on nous propose une deuxième loi spéciale jusqu'en 2015. C'est complètement irresponsable.

D'ailleurs, Mme la Présidente, je vous rappelle au passage que cette décision du gouvernement libéral, en 2005, d'inclure les procureurs de la couronne dans la loi spéciale, la loi n° 43, a été... cette décision a été évaluée par le Bureau international du travail, un organisme des Nations unies, qui a blâmé le gouvernement pour avoir agi ainsi dans une décision rendue en mars 2007. Le gouvernement du Québec s'est retrouvé, dans ce rapport du Bureau international du travail, en compagnie notamment du Burkina Faso, du Bénin, de la Colombie et de la République dominicaine. M. le Président... Et on disait, en mars 2007: «Une instance de l'ONU condamne Québec qui viole les conventions internationales 87 et 98 qui portent sur la liberté syndicale et le droit d'organisation et de négociation collective des employés.»

**(15 heures)**

Mme la Présidente, ce gouvernement a été irresponsable en 2005 en incluant les procureurs de la couronne et les juristes dans la loi spéciale. Il a été irresponsable en 2006, en 2007, en 2008, en 2009 en laissant les choses traîner. Et il a été irresponsable depuis avril 2010 en ne négociant pas sérieusement avec ses procureurs et ses juristes qui, eux, avaient pourtant présenté des propositions, Mme la Présidente, dès le mois d'avril 2010, dans les jours suivant l'application de la loi de 2005, qui avaient proposé des propositions. On leur a à peine répondu à l'été 2010, et, depuis ce temps-là, quoiqu'en dise la présidente du Conseil du trésor, Mme la Présidente, il n'y a eu que des négociations pour l'essentiel, des négociations de très, très courte durée, sauf pendant une période de quelques jours au début du présent mois.

Je pourrais revenir, Mme la Présidente, plus en détail, un peu plus tard aujourd'hui, sur tout ce qui s'est passé depuis un an, pour vous démontrer à quel point ce gouvernement n'a pas été sérieux dans ses négociations avec les procureurs de la couronne et les juristes de l'État. Je vois que le temps file, je vais me limiter à ce moment-ci; on aura d'autres occasions, plus tard aujourd'hui, pour y revenir.

Mais je vous dis tout ça, Mme la Présidente, pour vous démontrer à quel point ce gouvernement a été irresponsable au cours des six dernières années dans ce dossier-là. Mais il est aussi encore plus irresponsable présentement quand on regarde les dommages qui vont être causés. Je vous en ai parlé, Mme la Présidente, en introduction, les dommages à très court terme vont être considérables. Écoutez, là, si les procureurs-chefs et les procureurs-chefs adjoints se mettent à démissionner en série, qui va faire le travail, Mme la Présidente, pour la lutte contre le crime organisé? Qui va faire le travail pour la lutte contre la collusion, la corruption? Qui va faire le travail pour la lutte contre les crimes économiques, qui sont une priorité, nous dit-on, à ce gouvernement? Qui va faire la lutte au blanchiment d'argent? Mme la Présidente, au moment où on se parle, les gens qui dirigent ces boîtes sont tous en train de démissionner parce qu'ils en ont assez de cette irresponsabilité du gouvernement.

Mme la Présidente, je pense, dans la foulée de ce qu'a dit tantôt le député de Chicoutimi, le leader parlementaire de l'opposition, qu'il n'est pas trop tard pour prendre conscience, là -- j'espère que, de l'autre côté, il y a des gens qui nous écoutent, Mme la Présidente -- pour prendre conscience de la gravité de ce qui est en train de se produire présentement, des conséquences immédiates -- je vous ai donné des exemples de ce qui se passe présentement -- et des conséquences à moyen et à long terme sur le travail des procureurs de la couronne, Mme la Présidente, au Québec. Parce que c'est bien évident qu'avec une deuxième loi spéciale en cinq ans je n'ai pas besoin de vous faire un grand dessin, Mme la Présidente, pour vous dire à quel point on risque de retrouver, parmi nos procureurs de la couronne, à tout le moins ceux qui resteront, une démoralisation généralisée.

Les procureurs, là... je vous parlais de Me Giauque, Mme la Présidente, je vous parlais de Me Chartrand, je vous parlais de Me Carrière, ces trois procureurs que j'ai connus dans une autre vie, ce n'est pas des gens qui travaillent 35 ou 37 heures par semaine, ça. Quand vous menez la lutte, Mme la Présidente, au crime organisé, c'est du sept jours par semaine. Puis je peux-tu vous dire que ça vous préoccupe sept jours par semaine, que vous traînez ça les week-ends? Est-ce que je peux vous dire, Mme la Présidente, que, quand vous vous attaquez à «Mom» Boucher, aux Hell's Angels, vous ne vous en retournez pas chez vous le vendredi après-midi, à 4 h 30, la tête en paix? Bien souvent, ça prend même une protection policière, quand on est procureur de la couronne dans ces dossiers-là. Ce sont des tâches extrêmement pointues, extrêmement difficiles, qu'on ne remplace pas, du revers de la main, en disant à un jeune avocat qui sort du Barreau: Tiens, tu vas venir travailler, toi, tu vas venir faire le procès X ou Y en matière de lutte au crime organisé. J'aurai l'occasion, Mme la Présidente, de revenir un peu plus tard sur toutes ces conditions qui présentement ne sont pas présentes dans le travail des procureurs de la couronne.

Je pourrais vous donner quelques exemples, Mme la Présidente, à ce moment-ci. Je vous l'ai dit ce matin, Mme la Présidente, la Cour suprême du Canada a déjà parlé des procureurs de la couronne en disant: Personne n'est chargé d'une fonction civile plus lourde pour l'intérêt de la société que les procureurs de la couronne. Ce sont des gens qui reçoivent les rapports d'enquête des policiers, qui décident s'il y a matière à porter des accusations, s'il y a une preuve hors de tout doute, souvent qui doivent rencontrer les victimes, les familles des victimes, les policiers, qui portent les accusations, qui plaident les dossiers devant les tribunaux, et présentement ils ne peuvent le faire avec toutes leurs capacités parce qu'ils n'ont pas ce soutien minimal, Mme la Présidente, que l'on doit à leurs fonctions.

Mme la Présidente, à ce moment-ci, je vais y aller brièvement sur les conditions. Je ne veux pas abuser du temps à ce moment-ci, parce qu'on n'est pas au niveau de l'adoption du principe. Mais je pense qu'il est très, très clair, Mme la Présidente, qu'il y a présentement un manque criant de ressources au niveau des procureurs de la couronne. Ils sont surchargés, ils n'ont pas de moyens, ils sont sous-payés. Ai-je besoin de vous dire, Mme la Présidente, qu'ils sont les bons derniers au Canada? Et c'est la même chose pour nos juristes. Et le gouvernement aujourd'hui décide, Mme la Présidente, décide de leur imposer une deuxième loi spéciale, avec toutes les conséquences que cela va vouloir dire. Mme la Présidente, nous sommes, de ce côté-ci, renversés par l'attitude méprisante du gouvernement libéral face à ses procureurs et à ses juristes. Le gouvernement a été, je le répète, irresponsable, il est toujours irresponsable à ce moment-ci, et manifestement il n'a pas négocié d'une manière correcte avec ses employés.

Mme la Présidente, j'invite, à ce moment-ci... Nous aurons l'occasion de revenir plus tard sur le rôle des procureurs de la couronne, sur leurs conditions exactes, sur le rôle des juristes de l'État, sur leurs conditions exactes, au niveau de l'adoption du principe. Mais, à ce moment-ci, je pense que le gouvernement doit, en quelque sorte, se ressaisir, réaliser la gravité de la situation, réaliser ce qui est en train de se passer dans nos palais de justice présentement, et agir. Il n'est pas trop tard. Le ministre de la Justice, Mme la Présidente, le ministre de la Justice doit, lui aussi, entendre ce qui se passe. Il est aussi le leader du gouvernement. Nous l'invitons à réaliser ce qui se passe, à réaliser, pour reprendre le terme utilisé par le député de Verdun, que, si le gouvernement ne réalise pas ce qui est en train de se passer, il va y avoir effectivement un chaos au niveau de nos tribunaux criminels.

Alors, nous invitons, Mme la Présidente, à ce moment-ci, le gouvernement à se ressaisir, à prendre une pause. Comme le disait mon collègue, pourquoi ne pas prendre un certain nombre d'heures où on prend une pause, on stoppe les choses, on prend un peu plus de temps pour réaliser ce qui se passe, réaliser les dommages que vous êtes en train de causer à notre système de justice, à la fois les dommages qui sont causés présentement et les dommages qui vont être causés si on va de l'avant avec cette loi spéciale que le gouvernement nous demande d'adopter aujourd'hui, et qu'il nous demande d'adopter via cette procédure d'exception sur laquelle nous débattons présentement?

Alors, Mme la Présidente, je conclus, et nous aurons l'occasion de revenir, si jamais le gouvernement maintient son entêtement sur le fond de la question, sur les conditions exactes des procureurs, sur les conditions exactes des juristes de l'État. Mais je lance à mon tour un appel au gouvernement de se ressaisir, de stopper les choses à ce moment-ci -- les procureurs sont ici, les juristes sont ici présents -- qu'on prenne une pause, parce que les conséquences de ce qui s'en vient au niveau de notre système judiciaire, au niveau de notre système de justice, au niveau de cette institution centrale, Mme la Présidente... Nous sommes ici dans une institution qui est un Parlement, c'est notre institution législative. Mais notre autre pouvoir, c'est l'institution judiciaire, et, si ce gouvernement ne met pas les freins au cours des prochaines heures, il va y avoir, oui, Mme la Présidente -- et je le dis par votre entremise au député de Verdun -- oui, il va y avoir un chaos au niveau de nos institutions judiciaires.

Alors, Mme la Présidente, j'invite le gouvernement à faire cette pause avant qu'il ne soit trop tard. Les gens attendent cela, Mme la Présidente. Je vous remercie.

**(15 h 10)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Chambly. Je reconnais maintenant M. le ministre des institutions démocratiques.

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Merci, Mme la Présidente. À mon tour d'intervenir sur le projet de loi qui est devant nous et sur la procédure d'exception qui s'offre au gouvernement et aux parlementaires et sur laquelle nous allons débattre aujourd'hui. D'abord, la procédure, puis j'irai sur le fond des choses et ce qui motive le gouvernement à aller de l'avant avec cette procédure et avec cette loi, Mme la Présidente.

Sur le fond des choses, et l'opposition se plaira sans doute à utiliser cette expression de bâillon, mais heureusement, dans le cadre de la réforme parlementaire que nous avons amorcée et que nous avons conclue en grande partie, cette procédure-là est maintenant modifiée pour une motion de procédure d'exception. C'est une disposition réglementaire qui a été adoptée à l'unanimité dans le cadre de la réforme parlementaire. Et je me permettrai de prendre quelques instants pour nous rappeler le contexte dans lequel le débat d'aujourd'hui se présente.

D'abord, la motion de procédure d'exception, Mme la Présidente, ne constitue pas, et ça, il s'agit d'une décision constante et d'une jurisprudence constante de la présidence, ne constitue pas un abus de droit ou une violation des droits ou de privilèges de l'Assemblée ou de ses membres. Le président Bissonnet, alors qu'il occupait le fauteuil que vous occupez, Mme la Présidente, a rendu une décision dans laquelle on retrouve le texte suivant: «Même si le privilège constitutionnel de la liberté de parole est à la fois le plus incontesté et le plus fondamental des droits [des députés], ce privilège est circonscrit par les règles du débat parlementaire auxquels se sont astreints [...] les députés au moment de l'adoption du règlement», règlement qui, encore une fois je le rappelle, a été adopté à l'unanimité des parties en cette Chambre.

D'ailleurs, mon collègue le député de Chicoutimi, qui est leader de l'opposition officielle, saluait le retour de cette procédure qui avait été utilisée de façon temporaire lorsque le Parti québécois formait le gouvernement, et je cite ce qu'il disait le 21 avril 2009: «La fin des bâillons tels que nous les connaissons. Cette proposition, sans vouloir [en] prendre tout le crédit, [...]est une proposition qui émanait à l'époque où nous étions au gouvernement, nous avions appliqué cette nouvelle forme d'imposer des projets de loi, mais d'une façon plus respectueuse des règles de l'Assemblée. Cette procédure avait été suspendue pendant un certain moment. Maintenant, elle revient, et je pense que c'est une bonne chose qu'elle revienne.»

C'est donc dans ce contexte de respect des parlementaires qui ont choisi de se donner un cadre temporel précis que le gouvernement intervient pour déposer et faire adopter un projet de loi qui, à l'évidence, Mme la Présidente, lorsque l'on écoute les propos de la présidente du Conseil du trésor, lorsque l'on écoute les propos du ministre de la Justice et Procureur général et le leader du gouvernement, n'était pas le premier choix du gouvernement. Ce n'était pas notre premier choix parce que le gouvernement du Québec a pu réaliser, cette année, une chose qui n'avait jamais été faite dans le passé: nous avons même dû adopter un projet de loi pour modifier les règles des conventions collectives et extensionner le délai des conventions collectives, qui à l'origine étaient de trois ans, à cinq ans. Pourquoi avons-nous dû faire cela, Mme la Présidente? Parce que, de façon absolument exceptionnelle et sans précédent, le gouvernement, avec les mêmes acteurs et avec le concours aussi de la ministre des Relations internationales, a réussi à négocier les conventions collectives avec 475 000 employés de l'État. Et donc nous avons dû modifier la loi, et ces conventions collectives négociées prévoient des durées de cinq ans. Et c'est la raison pour laquelle nous avons dû modifier la loi, pour encadrer finalement ce qui était non seulement une négociation sans précédent, mais les conclusions favorables aux bénéfices des parties d'une négociation sans précédent.

Et aujourd'hui ceux qui négocient avec les juristes et les procureurs de l'État -- dont je salue la présence dans nos tribunes aujourd'hui -- sont exactement les mêmes personnes qui ont exactement les mêmes mandats et qui sont là à négocier de bonne foi dans le but d'en arriver à une entente. Je vois en face de moi la députée de Marguerite-D'Youville qui a travaillé beaucoup dans le domaine de la négociation des conventions collectives, particulièrement dans le domaine de l'éducation, et elle sait très bien, comme tous les députés de cette Chambre savent très bien, que, lorsqu'on s'engage de bonne foi dans une négociation de convention collective, malgré toute la bonne volonté, il n'est pas toujours permis de parier sur une issue qui est favorable à une négociation conclue, à une entente négociée.

Très sincèrement, Mme la Présidente, je déplore le fait que, dans les délais impartis, les parties n'ont pas pu arriver à une entente négociée. Mais une chose demeure: les procureurs et les juristes de l'État jouent un rôle absolument fondamental dans l'institution qui est l'institution législative et dans l'institution judiciaire de l'État. Et j'en parle avec, je dirais, beaucoup de sincérité parce que, moi-même, je suis avocat de formation, et j'ai pratiqué pendant 22 ans avant de faire de la politique, et je sais très bien -- j'ai pratiqué dans un domaine qui était le droit public -- et je sais très bien à quel point les avocats s'investissent dans ce qu'est le mandat qu'ils se confient eux-mêmes, au-delà du mandat que leur confient leurs clients.

J'entendais le député de Chambly dire: Vous savez, quand on est dans la lutte à la corruption, quand on combat les Hell's Angels, quand on est dans des procès criminels, on ne compte pas nos heures et on n'arrête pas à 35 heures. Le député de Chambly a raison, mais il y a bien plus que ça: quand on accepte un jour de prêter serment pour être avocat, on accepte de ne plus jamais compter ses heures et on est investi et on s'investit soi-même d'un mandat, et le mandat dans lequel on s'investit, c'est celui de faire en sorte que l'on arrive... que l'on arrive, Mme la Présidente... que l'on arrive, Mme la Présidente...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, M. le... Attention, M. le ministre.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. le député de Verchères, j'ai besoin de votre collaboration, comme celle de tous les autres collègues. Il y a une seule personne qui a le droit de parole, c'est M. le ministre, et on va le laisser terminer son intervention, s'il vous plaît. S'il vous plaît. Merci. M. le ministre.

**(15 h 20)**

M. Moreau: Merci, Mme la Présidente. Et je sais très bien que les procureurs et les juristes de l'État s'inscrivent dans cette idée où on dit: Nous, on fait l'ensemble et tout ce qu'on peut avec les talents que l'on a pour faire en sorte d'avoir les meilleurs résultats compte tenu des mandats qui nous sont confiés. Et, à cet égard-là, Mme la Présidente, il y a un élément sur lequel je ne peux me résoudre, moi, c'est de comparer... et les procureurs et les juristes de l'État font un travail très important, je l'ai dit et je le répète, mais c'est l'incapacité de comparer un degré d'importance dans ce que font les employés de l'État. Les médecins font un travail important, les procureurs font un travail important, les infirmières font un travail important, et, lorsque...

Une voix: ...

M. Moreau: ...et les ingénieurs font un travail important, et, lorsque le gouvernement est face à ses employés, il n'estime pas que l'un est moins important que l'autre. Ce qu'il fait, le gouvernement, il doit prendre en compte, d'une part, l'importance des gens avec qui il négocie, bien sûr, mais, d'autre part, l'équilibre relatif qu'il doit établir entre tous ceux qui sont au service de l'État. Et, lorsque le gouvernement négocie, il négocie avec plus d'un demi-million de personnes qui travaillent pour l'État dans des fonctions diverses. Alors, il y a un équilibre qui doit être pris en compte à l'égard des négociations lorsque l'État se place comme employeur.

Il y a aussi un autre élément qui entre dans la composition de la réflexion de l'État lorsque celui-ci négocie, et c'est la capacité de payer des contribuables. Et, à cet égard-là, la marge de manoeuvre du gouvernement tient compte de cette capacité de payer des contribuables.

Sur les négociations qui ont eu lieu, j'ai entendu tous les qualificatifs utilisés par le député de Chambly et honnêtement je pense qu'il faut faire fi des faits pour maintenir ça. Le gouvernement a négocié de bonne foi. Il y a eu, Mme la Présidente, 23 rencontres, dont plus d'une dizaine en présence d'un conciliateur. Pour les juristes, il y a eu 18 rencontres, dont sept avec la présence d'un médiateur, et trois heures de rencontre directe, là où il y a eu un face-à-face avec les procureurs. On ne peut pas, dans un contexte semblable, Mme la Présidente, penser que les négociations n'ont pas été conduites avec diligence, que les négociations n'ont pas été conduites de bonne foi, et le fait est que, je le disais en ouverture, ce sont les mêmes personnes qui ont négocié et qui ont réussi à s'entendre avec 475 000 employés de l'État.

Alors, pour quelle raison est-ce que soudainement les choses, aux tables de négociation, auraient à ce point changé que le gouvernement aurait souhaité ne pas s'entendre avec ses procureurs? Le recours à la loi spéciale, Mme la Présidente, est toujours un recours ultime et ce n'est jamais le premier choix d'un gouvernement, quel qu'ait été le gouvernement, quel qu'ait été le parti qui ait formé le gouvernement, j'en suis absolument convaincu.

Alors qu'est-ce qu'on a sur la table? On a sur la table une proposition qui, je le disais, tient compte de la capacité de payer de l'État, mais qui tient compte aussi de la particularité de la situation des procureurs. On a sur la table des ajustements ou des modalités, sur lesquels la présidente du Conseil du trésor reviendra, dans les cas de mandats spéciaux, parce qu'on reconnaît que les procureurs de la couronne et les juristes de l'État peuvent être investis de mandats qui sont particuliers et qui demandent une rémunération qui s'ajuste au caractère particulier du mandat.

On a sur la table des primes possibles pour l'éloignement régional et le recrutement. On a sur la table des primes pour la complexité des causes, parce que dans certains cas il n'y a pas strictement des causes qui demandent... qui revêtent un caractère complexe, parce qu'on parle du crime organisé autrement, il y a des dossiers qui individuellement amènent des problèmes ou soulèvent des problèmes juridiques qui sont d'une complexité telle que l'on doit reconnaître l'effort additionnel qui est fait par les procureurs. Et donc on a sur la table un élément qui est une modalité qui évite que l'on dise qu'il s'agit du mur-à-mur. On tient compte des situations particulières.

La présidente du Conseil du trésor l'a indiqué plus tôt ce matin, le gouvernement entend procéder à l'embauche de 80 procureurs additionnels, reconnaissant en cela qu'il y a une charge de travail qui est énorme, 40 personnes qui seront là pour soutenir les 80 procureurs qui seront engagés et 25 juristes de plus. Parce que les juristes de l'État -- on a parlé beaucoup des procureurs -- les juristes de l'État aussi jouent un rôle qui est fondamental et pour tous les aspects législatifs qui touchent quotidiennement le travail des membres de cette Assemblée, que ce soit en commission parlementaire, que ce soit à l'égard des cabinets ministériels ou encore dans l'ensemble des travaux que les députés indépendants peuvent avoir. Je voyais, cette semaine, un député indépendant qui déposait un projet de loi, qui avait été assisté justement dans ses travaux par l'un des procureurs de l'État.

Et pourquoi est-ce que la situation actuelle est une situation qui commande la procédure d'exception dans laquelle nous sommes engagés, Mme la Présidente? Parce que, particulièrement pour les procureurs de l'État, et à cet égard-là la chef de l'opposition le reconnaissait, il y a des impondérables pour le fonctionnement du système de justice, pour éviter que des situations irréparables ne se produisent. Je vous citerai le commentaire de la chef de l'opposition à la période des questions du 15 février 2011, qui justifie pleinement et qui rejoint l'opinion du gouvernement à l'égard de la situation sur le fait que nous devions agir immédiatement. La chef de l'opposition disait ceci, parlant de la grève: «Elle se poursuit, cette grève. Le résultat, c'est un nombre incalculable de dossiers qui sont retardés. À la Régie du logement seulement, c'est 600 dossiers qui n'ont pas procédé. En matière criminelle, on assiste à de véritables drames humains. Une victime d'agression sexuelle, qui attend que son agresseur soit condamné depuis cinq ans, devra attendre une année entière de plus. [...]Les dossiers retardés se comptent pas centaines, par milliers», disait-elle.

Dans ce contexte-là, Mme la Présidente, le gouvernement doit prendre les décisions qui feront en sorte que les dossiers puissent procéder, que les situations telles que celles décrites par la chef de l'opposition ne puissent pas continuer. Mais en même temps le gouvernement... et la présidente du Conseil du trésor l'a dit à plusieurs reprises ce matin, elle l'a dit la semaine dernière et elle le répète encore, et le gouvernement à cet égard-là est à l'unisson de ce message, nous sommes ouverts à poursuivre les discussions. Et ce que l'on demande, c'est: Écoutez, venez vous asseoir, procédons à discuter ensemble et voir ce qui peut être amélioré à l'intérieur des paramètres qui s'imposent à l'État.

Et, dans ce contexte-là, Mme la Présidente, la loi qui est proposée aujourd'hui et sur laquelle nous devrons débattre plus tard aujourd'hui, ce soir et cette nuit fait en sorte qu'on va pouvoir mettre fin aux situations que décrivait la chef de l'opposition et que nous avons également constatées. Ce n'est pas notre premier choix, mais devant la situation actuelle le gouvernement devait prendre une décision, et c'est celle que nous avons prise, et c'est ce qui, à mon point de vue, vient justifier la procédure qui est devant nous.

Maintenant, l'opposition a également un rôle à jouer dans l'ensemble de ce débat. L'opposition ne peut pas, à une période de questions, décrier une situation, tel que le faisait la chef de l'opposition, et n'apporter aucune suggestion. L'opposition ne peut pas décrier une situation et s'opposer à ce qui est la procédure la plus immédiate pour y remédier. L'opposition ne peut pas simplement dénoncer une situation. Et à cet égard-là j'écoutais le discours du député de Chambly et je n'ai entendu de lui aucune, aucune suggestion. Aucune.

Et à cet égard-là, Mme la Présidente, lorsque les négociations s'avèrent infructueuses, lorsque malheureusement les négociations ne mènent pas à une entente, lorsque les situations deviennent hors contrôle et avec des conséquences, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. C'est ce que nous faisons. Et j'invite l'opposition à faire des gestes, qu'ils peuvent faire jusqu'à demain, des gestes constructifs pour justement participer au débat plutôt que de dénoncer sans apporter aucune solution, aucune justification.

Vous savez, l'opposition a des responsabilités, le gouvernement a des responsabilités. Le gouvernement les prend. Je souhaite simplement que mes collègues de l'opposition soient à la hauteur et qu'ils les prennent également.

**(15 h 30)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Verchères, porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique. M. le député.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: Mme la Présidente, je dois dire que je suis quelque peu éberlué par la fin de l'allocution de notre collègue de Châteauguay, lorsqu'il nous disait, sans même sourciller: On va imposer la loi spéciale, puis après ça ils viendront s'asseoir avec nous pour nous dire ce qu'il pourrait y avoir de mieux. Ça, ça m'a rappelé, Mme la Présidente, là... l'image qui m'est venue à l'esprit, je pense, c'était un film de Louis de Funès, où on voyait un soldat allemand ou un général allemand, je ne sais trop, dire, par rapport à des prisonniers capturés: Fusillez-les d'abord, nous les interrogerons ensuite. Bien, c'est un peu la même chose, Mme la Présidente, qu'on nous propose cet après-midi, là, hein? On utilise la matraque, on les assomme comme il faut, puis après ça on va leur dire: Venez nous voir, là, puis dites-nous ce qui pourrait aller de mieux.

Mme la Présidente, le Québec vit des heures sombres. Bon, vous allez me dire, c'est probablement le genre de commentaires qu'un député de l'opposition fait chaque fois qu'il y a un bâillon qui est imposé à l'Assemblée. Mme la Présidente, dans le cas présent, le Québec ne vit pas simplement que des heures sombres parce que le gouvernement nous impose un bâillon -- en soi, ça serait suffisant pour dire que le Québec vit des heures sombres -- mais le système de justice québécois est au bord du chaos, Mme la Présidente, gracieuseté de ce gouvernement.

Mme la Présidente, les procureurs de la couronne et les juristes de l'État sont l'épine dorsale de notre système judiciaire. Comme porte-parole en matière de sécurité publique, moi, je m'occupe d'abord et avant tout des policiers. Vous comprendrez, Mme la Présidente, que, s'il n'y a pas de loi sur laquelle s'appuient les policiers, le travail des policiers est un peu superfétatoire. Alors, Mme la Présidente, il faut reconnaître là l'importance du rôle des juristes. Et, lorsqu'on a des lois, lorsqu'il y a des enquêtes, lorsqu'on accumule des preuves, encore une fois, s'il n'y a pas de procureurs pour porter des accusations, tout cela, tout cela tombe à plat, Mme la Présidente.

Et là on se retrouve dans la situation où de nombreux procureurs et juristes menacent de quitter, par démission, à la retraite accélérée, et notre système, qui est déjà au bord de l'éclatement, risque de se retrouver dans une situation critique. Et cela, c'est sans même prendre en considération, Mme la Présidente, le fait que les procureurs-chefs, en grand nombre -- près de 80 % au moment où on se parle, Mme la Présidente, et ce n'est pas terminé, l'hémorragie, malheureusement, n'est pas terminée -- tirent leur révérence. La direction de ce système au bord de l'éclatement a tiré sa révérence. Notre système au bord de l'éclatement est décapité, Mme la Présidente. Pourquoi? En raison de l'intransigeance de ce gouvernement.

Mme la Présidente, s'il y a un rai de lumière dans la situation qu'on vit présentement, c'est le fait qu'il n'est pas trop tard. Il n'est pas encore trop tard, puisque nous n'avons pas encore adopté la motion ou les motions qui vont faire en sorte qu'une fois qu'elles seront adoptées le mécanisme va se mettre en branle jusqu'à l'adoption, aux petites heures, de cette loi inique. Il est encore temps de se ressaisir. Il est encore temps de dire: Écoutez, on va s'asseoir... Plutôt que de les fusiller d'abord puis les interroger ensuite, on va faire en sorte, Mme la Présidente, de tout suspendre et d'essayer de se parler avant que l'irréparable ne soit commis.

Et, une fois que l'irréparable sera commis, Mme la Présidente, n'en déplaise au député de Châteauguay, il sera trop tard. Les choses ne vont faire que s'empirer à compter de ce moment-là. Donc, il nous faut éviter de commettre l'irréparable. Il nous faut faire en sorte de suspendre les travaux de notre Assemblée pour tenter de trouver un dénouement, profitable à toutes les parties, à la crise qui a cours présentement. Je suis convaincu que le ministre de la Justice et procureur en chef du Québec est présentement à tenter de colmater les brèches de notre système. J'espère qu'il a quelques petites secondes pour écouter ce qu'on a à dire, Mme la Présidente, parce que lui plus que quiconque sait que nous devons mettre un frein à ce qui a cours présentement immédiatement, sans tarder.

Il nous faut suspendre les travaux de l'Assemblée avant l'adoption de ces motions, Mme la Présidente, c'est impératif. Alors, j'en appelle au discernement de mes collègues. Mme la Présidente, je ne peux croire que la plupart des collègues ministériels ici présents et présentes, dans cette Assemblée, sont convaincus de faire le bon choix. Je ne doute pas de leur bonne foi, mais il faut qu'ils réalisent que le geste que nous nous apprêtons à poser aura des conséquences dramatiques sur notre système de justice, conséquences qu'il nous faut tenter d'éviter à tout prix. J'en appelle donc à leur sagesse, à leur discernement pour que nous ajournions quelques instants les travaux de cette Chambre, pour voir s'il y a possibilité de trouver une voie de passage pour éviter l'irréparable.

Mme la Présidente, le fossé qui sépare la rémunération et les conditions de travail de nos juristes et procureurs par rapport à leurs homologues de partout à travers le Canada est immense et il date de nombreuses années. Mme la Présidente, la présidente du Conseil du trésor l'a reconnu publiquement, le ministre de la Justice l'a reconnu publiquement. Il y avait un début du commencement d'une amorce de quelque chose qui pourrait ressembler à un rattrapage dans les offres présentées, retirées, présentées, retirées par le gouvernement. On se serait attendus minimalement, M. le Président, à retrouver cela... Mme la Présidente, pardon, à retrouver cela dans le projet de loi que nous avons à l'étude aujourd'hui, tout comme les procureurs et les juristes se seraient attendus à retrouver cela à la table des négociations. Parce qu'ils le voyaient dans une déclaration publique de la part de la présidente du Conseil du trésor, et, arrivés à la table, ce n'était plus là. Ils retournaient à l'extérieur, ils l'entendaient de nouveau. Ils retournaient à la table, ce n'était plus là. Mais toujours est-il, Mme la Présidente, qu'il y avait quelque chose qui ressemblait au début du commencement d'un processus de rattrapage.

Et, puisqu'il nous faut essayer de discerner l'état des lieux véritables à travers ce qu'on peut entendre ici, en cette Chambre, de ce qu'on a pu lire dans les médias, de ce qu'on a pu avoir comme discussions avec les juristes et les procureurs, Mme la Présidente, force est de constater que les parties n'étaient pas si loin l'une de l'autre, contrairement à ce que le gouvernement veut bien tenter de nous faire croire aujourd'hui. Et, plutôt que de tenter de trouver le moyen de trouver un terrain d'entente, on nous arrive aujourd'hui avec cette loi matraque.

J'entendais, encore une fois, le député de Châteauguay nous parler tout à l'heure de la capacité de payer de l'État, de la capacité de payer des contribuables. Je veux bien, Mme la Présidente, mais, si les contribuables, si l'État était prêt à payer un rattrapage de 12 % il y a de cela quelques jours, comment se fait-il, tout à coup, aujourd'hui, que l'État n'est, semble-t-il, plus capable de payer ce rattrapage de 12 %? Mme la Présidente, force est de constater qu'on a décidé d'utiliser la matraque, la guillotine, pour reprendre une expression qui a été utilisée récemment, pour punir les procureurs et les juristes d'avoir osé défier publiquement le gouvernement.

Or, Mme la Présidente, qu'ont fait les juristes et les procureurs, sinon que d'exercer un droit que ce gouvernement lui-même leur avait imposé, le droit de grève? On ne leur a pas permis de le mettre en oeuvre en 2007, parce qu'on avait décrété en 2005, et là, alors qu'ils exercent enfin ce droit de grève, on leur dit: Votre tâche est trop importante, vous devez retourner au travail. Mais, si leur tâche est trop importante -- ça a l'air qu'elle n'est pas plus importante que la tâche de n'importe qui d'autre, à écouter le député de Châteauguay -- mais, si leur tâche est à ce point importante, Mme la Présidente, qu'on ne peut tolérer qu'ils soient en grève, pourquoi leur avoir imposé le droit de grève, Mme la Présidente? La question se pose.

**(15 h 40)**

Alors, Mme la Présidente, j'écoutais notre collègue de Châteauguay dire... Écoutez, j'écoutais la présidente du Conseil du trésor ce matin, à la période de questions, nous dire qu'il y avait une bonification pour l'éloignement qui était prévue, il y avait une bonification pour des tâches complexes qui était prévue. Il n'y a rien de ça dans le projet de loi, Mme la Présidente. Ça a l'air que la capacité de payer de l'État, la capacité de payer des contribuables permettait ce genre de bonification il y a de cela quelques jours. Aujourd'hui, ça ne le permet plus. L'État et les contribuables, aujourd'hui, n'ont plus les moyens de rencontrer les engagements du gouvernement d'il y a quelques jours. Que vaut la parole du gouvernement, Mme la Présidente, lorsque le gouvernement ne cesse de retirer des offres qui ont été faites en bonne et due forme?

Mme la Présidente, comme je le disais tout à l'heure, on se retrouve dans une situation extrêmement délicate, extrêmement délicate, du point de vue de notre système de justice. On a mis en place vendredi, on a annoncé, du moins, cette Unité permanente anticorruption comme solution au mal de la corruption dans notre société. Vous remarquerez, Mme la Présidente, que ce même gouvernement nous avait proposé, depuis déjà plusieurs mois, plusieurs solutions comme étant la solution au mal de la corruption. D'abord, je crois que l'annonce de vendredi est un aveu du fait que le problème de la corruption est beaucoup plus profond et étendu que ce qu'a voulu reconnaître jusqu'à présent... ce que le gouvernement a voulu reconnaître jusqu'à présent. D'autre part, Mme la Présidente, c'est, à mon sens, un désaveu flagrant de toutes les mesures et mesurettes qu'il a mises en place jusqu'à présent pour tenter de nous faire croire qu'on en arriverait... on en viendrait à bout, avec le problème de la corruption, parce qu'il dit: L'opération Marteau, là, l'unité anticollusion au ministère des Transports, là, oubliez ça, là, on va tout regrouper tout ça, là, sous l'Unité permanente anticorruption. On va ajouter des ressources, on va ajouter de l'argent. Vous allez voir, ce coup-là, on va y arriver.

Mme la Présidente, je parlais ce matin dans l'enthousiasme et voulant, j'imagine, me montrer conservateur, dans le sens propre du terme, Mme la Présidente... j'ai fait état de 150 procureurs qui avaient annoncé qu'ils ne voulaient pas prendre part à cette opération. On parle de 420, 420 sur 450, des procureurs qui disent d'emblée: Nous n'allons pas participer à l'Unité permanente anticorruption, Mme la Présidente. 420, Mme la Présidente. Ils vont les trouver où, les procureurs pour faire partie de cette unité, hein? Ils vont les trouver où, Mme la Présidente? La présidente du Conseil du trésor nous disait cette année... ce matin: On va en embaucher 80. Ils vont les prendre où, hein, Mme la Présidente? Ils vont les prendre où? Ça va prendre plus que des Post-it, Mme la Présidente, pour les embaucher...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Non, ça va, ça va. On va laisser M. le député de Verchères, il est bien parti, poursuivre sont intervention sans être interrompu, s'il vous plaît, par les commentaires des uns et des autres. Poursuivez, M. le député de Verchères. Dans l'ordre. Merci.

M. Bergeron: Alors, Mme la Présidente, je disais: Ça va prendre plus que des Post-it pour combler ces postes-là et ça va être difficile de les combler, surtout dans les conditions que le gouvernement veut imposer aux procureurs, Mme la Présidente.

Donc, qui se réjouit aujourd'hui de ce qui se passe, sinon le crime organisé? Quand le chat dort, Mme la Présidente, les souris dansent. Et là le gouvernement, qui prétend vouloir tout mettre en oeuvre pour lutter contre la corruption, s'est donné, semble-t-il, pour mission de déstabiliser le plus possible le système de justice au Québec. Pouvez-vous imaginer une situation plus ridicule que celle-là, Mme la Présidente?

Mme la Présidente, le gouvernement avait tous les signaux qui lui indiquaient que, s'il allait de l'avant dans son approche musclée, ça allait péter, et malgré tout il a décidé d'aller de l'avant, le rouleau compresseur, et nous mettons à mal notre système de justice, ce qui va nuire considérablement aux efforts de tout le système pour lutter contre la corruption. Mme la Présidente, je suis extrêmement préoccupé de ce qui se passe aujourd'hui. Et j'ose espérer que l'ensemble des membres de cette Assemblée le sont autant que je le suis. Aussi, Mme la Présidente, je vous demande de bien vouloir demander le consentement unanime aux collègues pour que nous suspendions les travaux de cette Assemblée pendant quelques instants, le temps de tenter de trouver une solution à l'impasse qui se dessine.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député de Verchères. Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant.

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Verchères, cela fait partie de votre intervention. Il n'est pas prévu dans notre règlement de demander le consentement. Donc, je suis prête à reconnaître le prochain intervenant ou intervenante.

M. Bédard: ...normalement l'alternance... Je comprends que le gouvernement n'a plus personne à envoyer, qu'ils le disent tout de suite. À moins que le député, le leader adjoint veuille se relever, mais on aimerait au moins entendre un argument. Les procureurs sont ici. Nous, on peut en parler pendant des heures, mais on aimerait au moins entendre une personne du gouvernement, l'alternance, sinon, s'ils ne veulent pas prendre leur temps, qu'ils nous le disent, on va tout le prendre, ça nous fera plaisir de répéter chacun des arguments, mais qu'on nous le dise tout de suite.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gautrin: Mme la Présidente, c'est la prérogative des parlementaires de se lever au moment opportun. Nous le ferons au moment opportun. Nous ne pensons pas qu'il est opportun de nous lever maintenant.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): On reste...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Du calme, du calme, s'il vous plaît!

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Du calme, s'il vous plaît.

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, M. le leader adjoint du gouvernement.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ça n'ajoute rien au débat. S'il vous plaît! Je cède la parole à M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Ah! j'ai un de mes collègues qui est prêt. J'aimerais au moins entendre quelqu'un du gouvernement. Le règlement prévoit que ça y va par alternance. J'aimerais au moins... Je comprends qu'ils sont gênés de parler devant les procureurs, mais est-ce qu'on peut... et devant les juristes de l'État, mais est-ce qu'on peut au moins en entendre un? La règle de l'alternance s'applique dans cette Assemblée, Mme la Présidente, donc qu'on entende quelqu'un. Je comprends qu'ils sont tous gênés, là.

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La présidence cède la parole au député qui le demande, qui est reconnu par la présidence. L'alternance est un principe qui guide la présidence pour céder la parole, surtout lorsqu'il y a...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): ...lorsqu'il y a deux députés qui se lèvent en même temps. Alors, pour le moment, je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. Oui?

M. Gautrin: ...de ce côté-ci, on est prêts à voter.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors donc, du côté du gouvernement, on me signale qu'ils sont prêts à voter. Je suis prête à reconnaître d'autres intervenants, s'il y en a. M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: ...répartir le temps, effectivement, du gouvernement, et nous allons prendre tout le temps restant avec plaisir, Mme la Présidente. Combien reste-t-il de temps?

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, pour vous, le temps s'en vient. La répartition exacte du temps...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant! Un instant!

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît! Donc, avant la dernière intervention de M. le député, il reste 22 min 30 s au gouvernement. Il reste...

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant! Il reste 22 min 30 s au gouvernement. Combien reste-t-il pour l'opposition officielle, s'il vous plaît, après l'intervention de M. le député de Verchères?

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Pardon?

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Il reste 6 min 30 s pour le groupe formant l'opposition officielle. Alors, vous êtes prêts... vous êtes prêts à le...

**(15 h 50)**

M. Bédard: ...je comprends que le gouvernement, là, il veut rentrer cette motion-là le plus rapidement possible dans la gorge des procureurs, là, puis le leader, il est prêt à commander le vote tout de suite. Il reste 22 minutes, il nous en reste six, minutes. Je comprends qu'ils sont gênés de se lever, et ils ont raison d'être gênés, mais est-ce qu'on peut au moins nous déléguer quelqu'un du gouvernement pour utiliser une partie du leurs 22 minutes? Sinon, ça va nous faire plaisir, Mme la Présidente, de les prendre en entier et leur laisser un 30 secondes à la fin pour au moins qu'ils prennent notre parole et notre demande, qui est celle de suspendre l'application de cette loi qui est totalement ridicule, au moment où on se... où on se place, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais entendre le leader, qu'il nous confirme effectivement qu'il nous donne son temps, et il nous fera plaisir de le prendre. Sinon, rétablissez l'équité en cette Chambre pendant... et de faire en sorte qu'il nous reste un temps égal, à défaut de quoi nous prendrons tout le temps qui reste, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors donc, il vous reste 22 min 30 s, M. le leader de l'opposition... du gouvernement, et je voudrais que vous indiquiez à cette Assemblée la suite des choses de votre côté.

M. Gautrin: Mme la Présidente, à l'heure actuelle, vous allez reconnaître ceux qui se lèvent. Si personne ne se lève, on sera prêts à voter. Nous ne sommes pas prêts actuellement de vous dire que nous abandonnons nos 22 minutes.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît. La présidence... La présidence ne décide pas de qui doit prendre la parole. La présidence, elle reconnaît le député ou la députée qui se lève et qui demande à prendre la parole. Pour le moment, je vous ai donné la répartition du temps. De votre côté, il reste 6 minutes, si vous voulez les prendre.

M. Bédard: Non, non, Mme la Présidente, sur la question de règlement, pas du tout. La règle d'alternance, c'est de demander: De l'autre côté... Sinon, je vais demander au président de venir. La règle d'alternance, c'est: De l'autre côté, qui est prêt à parler? C'est ça, le devoir que vous avez ici comme présidente. C'est le seul devoir. Si personne ne se lève, c'est qu'on prend pour acquis qu'il n'y a... ils ne veulent pas utiliser leur temps. Ce n'est pas vrai qu'on va s'enfermer dans une logique qu'ils ont imposée aux procureurs, là. Donc, nous, ici, on ne négociera pas comme ça, Mme la Présidente. Votre devoir de présidente, il est simple. Vous vous tournez de l'autre côté, vous regardez s'il y a quelqu'un effectivement qui est prêt...

Puis, la madame, elle trouve le moyen de nous saluer. Ça prend toute une députée! J'espère qu'elle va dire au moins à son ministre qu'il y a d'autre chose à faire que de provoquer la démission des procureurs adjoints, bon Dieu! des procureurs en chef. Irresponsables! Bande de...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, monsieur... monsieur...

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le...

M. Bédard: ...cette question, à suspendre, s'il le faut, pour qu'on ait un éclaircissement. Ce n'est pas vrai qu'il va nous rester 30 minutes à la fin. Tout le monde va se cacher ici jusqu'à la dernière minute, en attendant que les procureurs s'en aillent, parce qu'ils sont gênés de parler devant les procureurs. Alors, votre règle... Mme la Présidente, comme présidente, vous devez vous assurer que l'alternance soit respectée. Et je demande une décision écrite sur ce...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, sur une question de règlement...

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît!

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, un instant! D'abord... d'abord, je demande au leader de s'adresser à la présidence, d'accord? On ne s'adresse pas aux députés, on ne nomme pas un député, on s'adresse à la présidence. Je suis prête à vous écouter sur des questions de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Gautrin: Mme la Présidente, la question d'alternance, elle est à la... C'est une décision qui appartient uniquement à la présidence, lorsque deux personnes se lèvent, d'être en mesure de choisir à qui donner la préséance. Il n'y a aucune règle qui nous oblige à respecter l'alternance actuellement dans les interventions. Actuellement, jusqu'à maintenant, on a simplement entendu des rabâchages inutiles de la part de l'opposition, qui continue à rabâcher les mêmes choses. Actuellement, ça ne nous impressionne aucunement.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant! Je voudrais... je voudrais avoir une... Je voudrais avoir une réponse claire, du côté du gouvernement, s'il y a un intervenant ou une intervenante. S'il n'y a pas d'intervenant, je vais devoir répartir le temps qui reste pour les députés qui n'ont pas encore pris la parole. Alors, je voudrais avoir un signal clair du côté du gouvernement.

M. Gautrin: Mme la Présidente, vous aurez en temps et lieu ce signal.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors donc, je comprends, M. le leader du gouvernement, qu'il n'y a personne qui va prendre la parole de votre... Non?

M. Gautrin: J'ai dit, à l'heure actuelle: Pour l'instant, personne de ce côté-ci ne se lève.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est maintenant que nous devons décider du temps de parole qui reste et qui doit être réparti selon les directives qui ont été données par la présidence. Alors, je veux savoir s'il y a quelqu'un qui va intervenir, je suis prête à vous entendre. M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce qu'il y a quelqu'un qui va prendre la parole?

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, dans ce cas-là, je veux juste vous rappeler... Donc, c'est bien le temps qui a été... qui n'est pas utilisé. Mme la députée de Lotbinière a utilisé presque tout son temps, il vous reste une minute. Donc, vous n'avez pas l'intention de poursuivre? Quelqu'un d'autre de votre groupe, j'entends? Non? Très bien. Alors, du côté du député de Mercier, le temps de parole n'a pas été pris, de cinq minutes. J'ai également 1 min 45 s de députés indépendants qui n'ont pas été prises.

Alors, je voudrais suspendre quelques instants -- un instant, s'il vous plaît -- quelques instants pour permettre à la table de répartir le temps équitablement, et je vous reviens. Je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

 

(Reprise à 15 h 58)

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous poursuivons donc nos travaux. Et, après répartition du temps non utilisé et la volonté exprimée par le deuxième groupe de l'opposition de reprendre le 1 min 26 s qui leur restait, le temps qui reste au total est de 37 min 16 s. Et je suis donc prête à reconnaître un intervenant du deuxième groupe d'opposition pour 1 min 26 s.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Alors, merci, Mme la Présidente. Écoutez, malgré que ce n'est pas un domaine que je connais très bien, mais je pense que, si, dans la population du Québec, à l'heure actuelle, il y a des groupes de citoyens ou de... qu'on a besoin pour donner confiance aux Québécois, c'est bien les procureurs de la couronne, c'est bien la loi, c'est les représentants de la loi, de la justice au Québec. Alors, on ne peut pas se permettre d'avoir ces gens-là, il me semble, à dos. On peut faire des grèves dans, je pense, moi, le ministère des Transports, on peut faire des grèves avec les gens de l'UPA, ce n'est jamais le fun. Mais avoir une grève puis avoir des problèmes avec la justice au Québec, à l'heure actuelle, avec tout ce qui se passe dans les villes, dans les municipalités, dans tous les systèmes anticorruptions qu'on veut mettre en place, moi, je crois que c'est la dernière chose qu'on devrait vivre ici, au Québec.

Je pense que, comme notre collègue de l'opposition officielle l'a dit, on a... il me semble qu'on aurait pu négocier puis de venir à une entente négociée avec ces gens-là. Ça aurait été le plus beau signal qu'on aurait pu envoyer à la population du Québec, comme de quoi qu'aujourd'hui on est encore capables de négocier au Québec.

Alors, écoutez, on ne peut pas être d'accord avec ce projet de loi là, c'est sûr qu'on va s'y objecter jusqu'au bout. Merci, Mme la Présidente.

**(16 heures)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Beauce-Nord. Vous avez utilisé votre 1 min 26 s à bon escient. Alors, je cède maintenant la parole à M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci, Mme la Présidente. Alors, mon collègue vient de faire référence à une entente négociée. Mme la Présidente, quand on voit la façon dont le député de Verdun se comporte en Chambre, ce qu'il nous dit, ce qu'il dit aux parlementaires, c'est: Plus de débat, plus de débat à l'Assemblée nationale; nous, on est prêts à voter du côté du gouvernement. Mme la Présidente, j'ai une petite nouvelle pour le gouvernement: non seulement on ne votera pas la loi dans les prochaines minutes, mais on va mener le combat nécessaire et on va prendre tout le temps nécessaire pour dire, redire, répéter et recommencer à nouveau parce qu'on pense que la loi que le gouvernement est en train d'adopter à l'heure actuelle est carrément un non-sens.

Ma question que je pose à la ministre du Conseil du trésor: Elle fait quoi, maintenant, avec les procureurs-chefs qui démissionnent? Elle fait quoi avec les nouveaux procureurs-chefs qui ont décidé qu'ils retournaient comme procureurs? Elle fait quoi, dans le fond, avec ces cadres, avec ces gestionnaires...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député du Lac-Saint-Jean, je vous prie de vous adresser à la présidence. Vous pouvez toujours poser vos questions.

M. Cloutier: Bien, Mme la Présidente, vous savez bien que je passais à travers vous pour m'adresser à la ministre du Conseil du trésor. Mme la Présidente, la réalité, c'est qu'on vient d'apprendre que la majorité des procureurs-chefs démissionnent de leur poste de gestionnaire. Concrètement, ce que ça veut dire, Mme la Présidente, c'est que ceux qui mènent, ceux qui gèrent, ceux qui donnent des instructions ne feront plus leurs tâches, ne donneront pas suite à leurs responsabilités en collaboration, en appui aux procureurs actuels.

Mme la Présidente, qu'est-ce qu'on va faire? Comment le gouvernement du Québec va donner suite? Une nouvelle loi-bâillon? Est-ce que, maintenant qu'ils ne sont plus procureurs-chefs et qu'ils sont simplement procureurs, le bâillon actuel va s'appliquer à eux ou, Mme la Présidente, on va être convoqués à nouveau pour aussi englober ces procureurs-chefs qui dorénavant vont siéger comme procureurs?

Mme la Présidente, ça montre un peu le non-sens actuel. Alors, je vous le lis: «Les procureurs-cadres des bureaux de Montréal -- puis probablement que la majorité des députés libéraux, là, ne le savent pas encore, alors je vous invite à lire cette nouvelle, Cyberpresse, ça vient de sortir, alors -- les procureurs-cadres des bureaux de Montréal, d'Abitibi-Témiscamingue, de l'Outaouais, de Rimouski, de Valleyfield, de Laval -- et Dieu sait qu'il y a sûrement beaucoup à faire à Laval -- et de Saint-Jérôme ont notamment claqué la porte à leur tour.»

Mme la Présidente, la réalité, c'est que le gouvernement du Québec s'en va directement dans un mur. Le gouvernement du Québec a décidé d'affronter, par une loi spéciale, alors qu'il a déjà été condamné; il a été condamné à l'OIT, Mme la Présidente, en 2007, j'ai le jugement ici. On aime souvent nous dire, faire référence aux grandes instances internationales, le respect des droits, etc. Pourtant, le gouvernement du Québec, Mme la Présidente, dans un jugement gênant -- il faut le dire -- gênant pour le Québec, dans des circonstances similaires, parce que c'est la première loi-bâillon concernant les procureurs, c'est donc la deuxième loi-bâillon qui est imposée par ce même gouvernement alors qu'il a déjà été déclaré... condamné -- merci à mon collègue de Chicoutimi -- alors qu'il a déjà été condamné par l'OIT pour avoir procédé sensiblement dans les mêmes circonstances. Mme la Présidente, le gouvernement du Québec s'attaque à nos institutions, et c'est vraiment ce qui me chagrine le plus.

Aujourd'hui, on a notre ancien collègue François Legault, les premières lignes de son manifeste, c'est de dire que la population québécoise a perdu confiance en ses élus. Mme la Présidente, s'il y a une raison pour laquelle la population québécoise a perdu confiance en ses élus, c'est certainement à cause de ce gouvernement qui dénigre nos institutions. Puis le premier dénigrement, c'est certainement ce qu'on a fait avec tout le processus de nomination des juges. Et après s'en être pris au processus de nomination des juges, qu'est-ce qu'on fait maintenant? Bien, on s'en prend aux procureurs. Et comment réagissent les procureurs? Comment réagissent les procureurs-cadres? Bien, en solidarité, en disant: Nous, on renonce à nos fonctions pour retourner cadres, pour démontrer le ridicule de la situation actuelle. Qui va diriger, Mme la Présidente? Qui va mener à terme les procès importants? Qui va se battre contre l'industrie... contre la corruption au Québec, contre la collusion, si ce n'est nos procureurs?

Mme la Présidente, on est dans une situation en plus où non seulement le gouvernement du Québec bâillonne à nouveau, on bâillonne qui, on bâillonne les parlementaires, on impose une loi... Alors que pourtant, semble-t-il, on avait prévu un 12 % d'augmentation, on a le culot maintenant de revenir avec l'insulte, avec une proposition qui est de moitié à ce qui avait été proposé aux procureurs.

40 des 50 procureurs-cadres demandent d'être remis de leurs fonctions, alors sincèrement j'ai beaucoup de difficultés à voir comment le gouvernement maintenant va pouvoir poursuivre, va pouvoir se convaincre qu'il va toujours dans la bonne direction. Ils ont encore du temps devant eux, la loi n'est pas adoptée, contrairement aux volontés du député de Verdun, qui nous a dit tout à l'heure qu'il était prêt à adopter la loi dans les minutes qui suivent. Bien, je vous invite à suivre l'actualité, parce que ce n'est pas terminé, parce que les procureurs ont décidé de se battre puis d'aller au fond des choses.

Comment imaginer les procureurs... Moi-même qui est avocat, M. le Président, quand j'ai sorti de la faculté de droit, je suis allé travailler dans un grand cabinet d'avocats, et à l'époque la contribution, la rémunération, M. le Président, comme beaucoup d'autres jeunes, était certainement un des éléments...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant! Un instant! J'invite les députés, s'il vous plaît, au silence. S'il vous plaît, des deux côtés, laissez le député du Lac-Saint-Jean terminer son intervention. S'il vous plaît, poursuivez.

M. Cloutier: ...Mme la Présidente, ce que j'étais en train d'illustrer, c'est la nécessité d'avoir une rémunération attirante pour s'assurer que les meilleurs jeunes qui sortent de nos facultés de droit soient attirés à aller travailler dans la fonction publique, contrairement au député de Châteauguay tout à l'heure qui disait carrément que c'était une vocation, hein, être avocat pour le gouvernement du Québec. On disait qu'on ne comptait pas nos heures au gouvernement du Québec, une forme de bénévolat. Je vous trouve extrêmement généreux, Mme la Présidente. J'imagine que le député de Châteauguay...

Une voix: ...

M. Cloutier: Oui, il chargeait ses heures. Fort probablement que le député de Châteauguay... En tout cas, je le souhaite pour lui. Ça montre le ridicule de la situation, Mme la Présidente.

Nos procureurs québécois doivent pour le moins être compétitifs pas seulement avec le secteur privé, mais avoir la parité avec les autres procureurs des autres provinces canadiennes. Qu'est-ce que ça fait, Mme la Présidente, s'ils n'ont pas cette parité ou si ce n'est pas compétitif avec le secteur privé? Bien, ça fait qu'ils ont de la misère à recruter. Et qu'est-ce qu'ils nous disent à l'heure actuelle? Ils nous disent qu'ils ne sont pas capables de recruter. Et qui nous dit ça? Claude Chartrand. Ce n'est pas n'importe qui, Mme la Présidente. Le procès SharQc, un procès qui a coûté des millions aux Québécois, des millions de dollars, plusieurs dizaines de criminels, des centaines de criminels en fait, hein, plus de 150 sont mis en cause dans cette décision-là, on a besoin de 16 procureurs; on en a trouvé 10, il en manque six.

Pourquoi en manque-t-il autant, Mme la Présidente? Pourquoi il y a si peu de gens, de procureurs, d'avocats, qui ont envie de travailler pour le gouvernement du Québec? Ça se pourrait-u, Mme la Présidente, que peut-être les conditions salariales y soient pour quelque chose? Est-ce que ça se pourrait, Mme la Présidente, que le rattrapage à faire, de l'ordre de 40 %, soit un peu une des raisons pour lesquelles les procureurs actuels, les jeunes procureurs, ne se tournent pas vers la fonction publique? Il est fort probable, Mme la Présidente.

Et tout ça remet en cause des procès aussi importants que le procès des Hell's Angels, des présumés Hell's Angels, et l'opération SharQc qui a mobilisé des centaines de policiers pendant de nombreuses années. C'est ça qui est en train de se passer, Mme la Présidente. Le procureur responsable de BLACO, qui lui-même est responsable du procès SharQc, nous dit qu'il veut... nous dit qu'il veut être remis de ses... qu'il veut être...

Une voix: ...

**(16 h 10)**

M. Cloutier: ...démis, merci, de ses fonctions parce qu'il n'arrive pas à avoir l'expertise nécessaire autour de lui, le nombre suffisant de procureurs pour donner suite à cet important procès, Mme la Présidente.

Les choses sont graves au Québec. Et, comme jeune parlementaire, ça me choque profondément de voir à quel point, Mme la Présidente, le gouvernement du Québec actuel dénigre nos institutions. On a eu un spectacle désolant cet automne avec la commission Bastarache. On a vu de quelle façon le gouvernement du Québec procède à la nomination des juges avec le système de Post-it, qui a marqué l'imaginaire québécois. On a vu le travail de dénigrement qu'a fait le gouvernement du Québec avec la Caisse de dépôt. On voit l'entêtement du gouvernement du Québec aussi à ne pas rendre publiques une série d'informations, l'entêtement du gouvernement du Québec avec la commission d'enquête dans le domaine de la construction...

Une voix: ...

M. Cloutier: Le DGE, effectivement, la loi qu'on voulait imposer au DGE.

Mme la Présidente, là on est placés dans une situation où on utilise à nouveau le bâillon, une procédure parlementaire exceptionnelle, la deuxième fois dans le cas des procureurs, pour leur imposer des conditions salariales et un rattrapage qu'ils ne souhaitent pas. Le Parti québécois avait demandé qu'il y ait une négociation de bonne foi qui soit entamée. Le gouvernement du Québec a choisi la ligne dure. Et la réponse qu'a le gouvernement du Québec, c'est aussi la ligne dure, avec la démission des procureurs. Car, lorsqu'on affaiblit, Mme la Présidente, la couronne comme on le fait présentement, c'est l'ensemble de la société québécoise qu'on affaiblit. Non seulement, les procureurs, on leur impose des nouvelles conditions de travail, mais il ne faut pas penser, Mme la Présidente, que ça n'aura pas d'impact aussi sur la population québécoise et que ça n'aura pas d'impact non plus sur la suite des choses, dont les mégaprocès en matière criminelle, Mme la Présidente.

Alors, évidemment, le problème des procureurs puis le problème de rattrapage, c'est un problème, je dirais, récurrent. Le gouvernement du Québec, depuis 2005, a choisi le laisser-aller, a choisi le statu quo, a choisi de s'en tenir à la loi bâillonnée plutôt qu'entamer dès 2005 une procédure de négociation avec les procureurs pour qu'ensemble on en arrive à un terrain d'entente. Au lieu de ça, comment on a procédé? Bien, on a laissé le cinq ans s'écouler puis finalement on a imposé le bâillon, alors qu'évidemment, de toute évidence, pendant que le gouvernement disait négocier, bien il y avait leurs collègues à eux qui de l'autre côté étaient en train d'écrire le projet de loi, Mme la Présidente.

Alors, Mme la Présidente, je constate que le gouvernement du Québec s'est non seulement attaqué à nos institutions économiques, s'est non seulement attaqué à nos institutions juridiques par l'intermédiaire du processus de nomination des juges du Québec, mais maintenant force est de constater aussi que la façon dont on se comporte avec les procureurs va avoir de graves répercussions pour la suite des choses. Et entre autres comment pensez-vous qu'on va faire la lumière dans l'industrie de la construction et toutes les allégations de collusion si nous n'avons pas la collaboration des procureurs? Bonne chance au gouvernement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député du Lac-Saint-Jean. Je reconnais maintenant Mme la députée de Taschereau et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. Il vous reste environ 24 minutes.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Il faut que ce train qui s'enfonce dans un gouffre soit stoppé. Ce qui est en train de se passer à l'Assemblée nationale a des répercussions actuellement dans toute la société québécoise. Les justiciables sont pris en otages actuellement à cause d'une négociation ratée par la présidente du Conseil du trésor. Et j'irai même jusqu'à dire que le gouvernement, et le premier ministre en tête, utilise à des fins partisanes de mauvaises politiques. Actuellement, on est en train, sous prétexte de vouloir un discours inaugural qui fasse tabula rasa, qui mette tout en arrière, on est en train de dire aux procureurs de l'État qu'on va leur entrer une loi spéciale dans la gorge pour des fins politiques et partisanes. Ça n'a pas de sens. On en voit, des lois spéciales ici, mais jamais je n'ai vu une loi spéciale mettre véritablement en danger un des piliers de l'État, et c'est ce qui est en train de se passer, Mme la Présidente. Ce n'est pas seulement ce qui se passe ici actuellement qui est grave, c'est ce qui se passe à l'extérieur. Et je demande aux députés du gouvernement, actuellement, aux députés libéraux de se réveiller, de se lever. La population québécoise attend de vous... elle vous a donné un droit de vote. Elle vous a donné un droit de parole, il est très précieux. Je ne vous dis pas de vous lever ici, en Chambre, vous n'avez pas voulu. Vous, vous avez le droit de parole -- je parlerai peut-être en votre nom -- allez dans l'antichambre, parlez au ministre de la Justice, parlez au premier ministre, vite.

Ce qui se passe dans la société actuelle actuellement est sérieux. 40 de 50 procureurs-chefs et procureurs adjoints ont démissionné, et pas n'importe lesquels, pas n'importe lesquels, certains ont 30 ans, 30 ans d'expérience. De grandes opérations policières, SharQc, la lutte contre les Hell's Angels, sont menacées actuellement. Pourquoi? Pour préparer un discours inaugural, parce que le gouvernement et le premier ministre ont besoin de se refaire une image. Mais ce n'est pas comme ça qu'on se refait une image. Ce n'est pas en ébranlant un des piliers de l'État québécois, notre système de justice. Allez dans l'antichambre, allez parler au leader, au ministre de la Justice. Vous avez un devoir, vous avez un droit qui est très précieux, vous avez le droit de parole. Vous avez un devoir. Servez-vous-en.

J'ai entendu dire, là, un député qui vient de dire: Ah! c'est juste les procureurs de l'Est qui viennent de démissionner. Écoutez bien: les procureurs-cadres des bureaux de Montréal, d'Abitibi-Témiscamingue, de l'Outaouais, de Rimouski, de Valleyfield, de Laval et de Saint-Jérôme, et maintenant ceux de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent ont claqué la porte à leur tour. Ce que ça veut dire? Ça veut dire que, tous les nouveaux dossiers qui vont arriver, là, il n'y a plus personne pour les prendre en main et les donner, les donner à des procureurs.

D'ailleurs, à quels procureurs? À des procureurs qui sont démotivés, qui se sentent méprisés, qui sentent que le gouvernement ne les a pas écoutés et les a même floués. Un gouvernement qui les a floués, un gouvernement qui plaide aujourd'hui... une présidente du Conseil du trésor qui plaide qu'ils doivent être soumis à une négociation à laquelle ils n'ont jamais eu le droit de participer. Ils n'ont pas été invités à la table de négociation du public et du parapublic. Personne ne leur a dit: Aïe! justement, venez donc, on va négocier vos conditions en même temps. Il n'y a personne qui leur a dit ça. Aujourd'hui, on leur dit: Ah! vous ne saviez pas, au fait, voici votre convention collective. Vous ne le saviez pas, on ne vous a pas invités, on ne voulait pas vous dire pourquoi, parce que c'est gênant, parce que c'est gênant, parce qu'ils sont mécontents, et ils ont raison, des conditions de travail dans lesquelles on les met.

Au moment où jamais on n'a vu un système de justice être ébranlé comme on l'a vu actuellement, avec ce qui s'est passé autour de la commission Bastarache... La première chose qui s'est passée, au Québec, qui a affecté le système de justice, c'est qu'on a appris que les juges étaient nommés d'après des avis partisans de solliciteurs, de contributeurs libéraux. Ça a été très grave. Moi, quand j'ai appris ça, j'ai été soufflée. Il y a des gens qui sont allés directement en commission dire à un juge: Oui, j'en ai parlé. Puis un premier ministre qui a dit que c'était normal qu'il voyait la liste. Et une attachée politique qui a dit: Moi, je collais des Post-it et je disais si c'était partisan ou pas. Très important pour une nomination de juge, très intéressant pour les procureurs puis les avocats, puis tout ça, d'apprendre que le vrai jugement qu'on pose sur leur travail à la fin, c'est leur affiliation politique. Incroyable. Et le premier ministre reconduit ce système. Alors, un système de justice qui est déjà ébranlé, déjà ébranlé.

Deuxièmement, on a ébranlé d'autres... Deuxièmement, le commissaire Bastarache qui a été nommé par le premier ministre pour lui-même, toute la commission au grand complet, toute la commission, un juge comme le commissaire Bastarache qui s'en va, nommé par le premier ministre, puis, après ça, écouter le premier ministre, être assez gentil et attentif quand c'était le premier ministre qui parlait, puis avec un rapport qui est assez complaisant merci, ça a ébranlé la confiance des Québécois en notre système de justice.

**(16 h 20)**

Troisième geste que vous posez maintenant, une loi spéciale, une loi spéciale qui entraîne du désordre. Le désordre, il est profond, il est profond aujourd'hui. Il y a une réaction viscérale de la part des gens qui travaillent avec eux, de la part des procureurs, de la part des procureurs adjoints. Il y a une réaction viscérale aussi, je vais vous le dire, moi, comme parlementaire, que j'ai. Les juristes de l'État aussi sont dans nos tribunes. Ils travaillent à côté de vous, les ministres, vous le savez, à côté de vous, les parlementaires, tous les jours en commission parlementaire. Ils nous aident à cheminer. Ils sont les garants de la loi, ils sont les garants de la législation. Ils nous éclairent. Ils ont à poser des jugements que les ministres leur demandent sur les gestes qui sont posés dans la société québécoise. Quand arrivent des fois des octrois, des appels d'offres, des gestes de municipalité, ce sont les juristes d'État qui s'en viennent dire aux parlementaires, dire aux ministres, dire au gouvernement si le geste est bon ou n'est pas bon, s'il est valide, s'il est légal, s'il est dangereux, s'il faut s'aventurer ou non dans une voie. Ils méritent notre respect, ces gens-là. Ils ne méritent pas le mépris d'une loi spéciale. Ils méritent une véritable négociation.

Le cri du coeur qui vient d'être lancé par les procureurs en chef et les procureurs adjoints est sérieux et grave, et la situation est dramatique, M. le Président. Regardez le titre de ce projet de loi. Je pense que, si la situation n'était pas... il serait loufoque si la situation n'était pas aussi dramatique. Nous avons une loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Eh bien, cette loi qui devait assurer la continuité vient de briser la continuité. C'est une loi brisant la continuité de la prestation des services, car les gens, les cadres qui tiennent debout notre système de justice et qui travaillent avec ces gens-là viennent de dire: Nous démissionnons en bloc. C'est notre système de justice qui vient de dire: Nous démissionnons en bloc, nous arrêtons les travaux, nous arrêtons la continuité.

C'est sérieux et c'est grave. C'est une loi qui brise la paix sociale, qui brise les liens entre l'État et ses juristes, entre l'État et ses procureurs, qui prend en otages les justiciables à travers tout le Québec, pas à travers l'Est comme j'ai entendu. À travers tout le Québec actuellement, il y a des justiciables qui vont se retrouver face à un mur parce qu'on a voulu privilégier un agenda gouvernemental, parce qu'on a voulu faire tabula rasa pour le discours inaugural. J'accuse le gouvernement d'avoir présenté un projet de loi qui n'est là que pour faire une façade, que pour faire tabula rasa pour son propre agenda politique.

Faites une suspension. Ils sont ici, rencontrez-les. On veut les entendre. Allez voir. Faites quelque chose. Vous rendez-vous compte de l'impact du geste que vous avez posé? 40 sur 50, 80 % des procureurs-chefs et des procureurs adjoints viennent de démissionner. Dans toutes les régions du Québec, actuellement, ils sortent et disent: Je quitte, je vous lâche. Vous êtes lâchés par votre propre administration, vous êtes lâchés par les gens les plus précieux d'un système de justice, vous êtes lâchés par les procureurs-chefs, les procureurs adjoints et vous avez des procureurs et des juristes qui crient au secours et qui disent: Nous voulons faire notre travail. Mais pas avec une loi enfoncée comme ça dans la gorge, pas avec une négociation à laquelle ils sont soumis, à laquelle ils n'ont jamais assisté, une table à laquelle ils n'ont été jamais invités. Ce n'est pas de la négociation, ça.

Qu'est-ce qu'on a comme travaux qui vont être arrêtés? La lutte contre la corruption. Ce n'est pas gênant un peu? Un gouvernement qui est aux abois. Le mot «corruption», M. le Président, est lancé ici à toutes les deux minutes, et les scandales, les allégations et même les preuves de corruption apparaissent à tous les jours dans les journaux depuis deux ans. S'il y avait quelque chose à laquelle le gouvernement devait s'attaquer, c'est à ça, M. le Président. Or, non seulement il ne déclenche pas d'enquête sur la construction et les allégations de corruption, de malversation, de collusion, mais en plus le système de justice vient de bloquer.

Députés, s'il vous plaît, allez dans l'antichambre, parlez au ministre de la Justice. Vous avez une responsabilité, vous avez un droit de parole. Ce n'est pas ça qu'on avait prévu de dire aujourd'hui. On s'attendait à débattre même du contenu de la loi spéciale. Mais ce n'est pas ça, le problème, là, c'est que vous venez de bloquer les rouages du système de la justice au Québec. C'est déjà épouvantable, une loi spéciale après si peu... après absolument pas de négociation, mais là, maintenant, l'impact, c'est le chaos, c'est le désordre. L'impact, c'est l'arrêt du système de justice au Québec. C'est ça, l'impact de ce que vous venez de faire. Levez-vous. Sortez de vos chaises, allez à l'antichambre. Parlez-leur. C'est inadmissible, ça ne se fait pas. Vous êtes en train de briser un des piliers de l'État.

Le système de justice, c'est un des piliers de l'État, et vous êtes en train de le voir s'effondrer. Et, de ce côté-là, ça rigole et ça placote au lieu d'être en arrière, à l'antichambre, en train de dire au ministre de la Justice, au leader: Arrêtez tout! Le problème est sérieux, mais enlevez vos oeillères partisanes, ce n'est pas si important que ça. Mais, même là, le discours inaugural, il arrivera quand il arrivera, mais enlevez vos oeillères partisanes, on a un problème: 80 % des juristes, et même maintenant, je ne sais plus où on en est rendus, mais il y en avait au moins 40 sur 50, c'est 80 % des juristes, des procureurs-chefs et adjoints viennent de claquer la porte. Arrêtez tout! Je suis convaincue que jamais la présidente du Conseil du trésor ne pensait que ça se rendrait là. Elle n'a pas pu vouloir quelque chose comme ça, mais maintenant que c'est ça, la situation, arrêtez tout! Levez-vous! Parlez-vous! Arrêtez cette machine infernale! Ce sont les justiciables qui vont en payer le prix, c'est la lutte à la corruption, c'est la lutte au crime organisé.

Le directeur de BLACO vient de lâcher, 32 ans d'expérience, il vient de dire: Moi, je n'en peux plus. Je ne veux pas vivre cette situation. La lutte au crime organisé, les Hell's Angels, je vais vous lire une citation de la lettre de démission de Claude Chartrand. Écoutez bien ceci: Le procureur-chef du BLACO croit que la loi spéciale pourrait même être à l'avantage des 155 Hell's Angels arrêtés dans la vaste opération antimotards SharQc. Je vais le citer, c'est sa lettre. J'aimerais ça que les députés du gouvernement écoutent ce que dit le procureur-chef de BLACO.

Voici la citation: «Bien sûr que les 155 Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.»

Je pense que je vais la répéter, elle est majeure. C'est quelqu'un qui a 32 ans d'expérience au sein de la couronne: «Bien sûr que les 155 Hells Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.»

Eh bien! On est du bord des bandits! Le gouvernement est du bord des bandits. C'est quoi? Vous faites une loi spéciale qui fout le bordel dans le monde de la justice. Vous avez foutu le bordel dans le monde de la justice avec la commission Bastarache. Vous avez ignominieusement osé mettre des Post-it politiques sur les nominations de juges, et maintenant -- et maintenant -- vous menacez le travail de combien d'années de policiers et d'enquêtes en permettant peut-être aux Hell's Angels qu'on a fini par arrêter d'être libérés. Sympathique, vraiment! J'espère qu'il y a des députés qui vont se lever, qui vont aller à l'antichambre jaser au ministre de la Justice. Il a un problème, et ce problème est majeur.

Nos juristes, nos procureurs sont là pour protéger les citoyens et pour appliquer les lois. La barrière, cette barrière légale, c'est un des fondements d'une société. L'État est là pour toutes sortes de choses, mais il y a des piliers. L'État est là pour certaines choses fondamentales. Le système de justice, c'est fon-da-men-tal. Ils veillent à attaquer les criminels. Ils veillent à monter les dossiers, vérifier si on peut aller en cour. Ils veillent à protéger les citoyens des malversations, de la corruption, de la collusion. Ils sont abandonnés. Ils sont abandonnés, et le signal d'alarme est tiré par les cadres qui ne sont pas dans cette loi spéciale, c'est ça qu'il faut comprendre, là. Vous n'avez pas touché seulement les procureurs et les juristes par cette loi spéciale, c'est les cadres, les boss, ceux qui sont au-dessus, qui disent: Arrêtez, nous ne voulons pas être responsables de ce qui va se passer par la suite.

**(16 h 30)**

Est-ce que le gouvernement va déposer une loi spéciale pour envoyer les cadres travailler maintenant? Est-ce qu'on va mettre des lois pour obliger ceux qui ont démissionné à retourner au boulot? Est-ce qu'on va amener des amendements qui vont inclure maintenant les procureurs-chefs, les procureurs adjoints? Pourquoi pas? Tant qu'à faire rentrer le monde au travail à grand coup de pied, allons-y! Qu'est-ce que c'est que ces manières?

Un projet de loi qui arrive après un simulacre de négociation, un simulacre de négociation, qui arrive aussi après cinq ans d'espoir. Ça fait cinq ans qu'ils se sont fait imposer une convention collective. Ça fait cinq ans qu'ils se sont fait imposer, déjà, par une loi-cadre, ils se sont fait imposer les conditions de travail. Ils ont avalé la couleuvre, ils ont continué, ils ont travaillé et ils ont dit: La prochaine fois, on va négocier. La prochaine fois, on va être assis à la table. La prochaine fois, on va... Et le gouvernement, j'en suis sûre, leur a dit: Non, non, vous allez voir, la prochaine fois on va régler ensemble. Et qu'est-ce que le gouvernement fait? Négocie avec le public et le parapublic, puis après ça se tourne vers eux puis dit: Ah, au fait, la négociation est passée, on vous a oubliés en chemin. C'est ça qui est inacceptable, c'est qu'il n'y a pas eu de négo. Il n'y a qu'une seule urgence à l'heure actuelle, c'est une urgence politique, partisane, un premier ministre qui est aux abois, qui est dans le coin et qui décide de laver son image par une loi spéciale aux procureurs et aux juristes. C'est totalement inadmissible. C'est utiliser l'État à des fins partisanes. Ça ne se fait pas. C'est de l'État dont je parle. Je ne parle pas d'un programme, je ne parle pas d'une subvention. Je parle des piliers et des fondements de l'État, et c'est ça qui est important.

Les dommages sont à long terme. C'est ça qui est grave aujourd'hui, là. C'est pour ça que je dis: Sortons de la Chambre, sortons de l'Assemblée, là. Sortons de cet espace confiné. Les dommages sont à long terme. Les dommages sont dans toutes les cours de justice du Québec. Les dommages sont dans des causes partout. En voulant régler un problème, vous en causez un plus gros. En voulant régler un problème, vous causez une énormité. Vous introduisez une faille dans l'État. Vous allez avoir des problèmes maintenant, là. Regardez dans les prochains mois, là. C'est le chaos, c'est le désordre, et ce chaos et ce désordre sont votre responsabilité.

Depuis tout à l'heure, nous vous disons: Suspendez, suspendez les travaux. Prenez le temps. On est prêts, on est collaborateurs. Écoutez, on est ici jusqu'à sept heures du matin, là. Il n'y en a pas, de problème, là. M. le Président, on peut traverser, on peut aller, ça ne nous dérange pas, mais il y a un moment important. Vous ne saviez pas, vous ne mesuriez pas les conséquences de votre geste. Maintenant que vous les voyez, réagissez. Ces conséquences, vous ne les avez pas vues venir, mais là elles sont là, là. Elles sont sur la table. C'est ce qu'on appelle un fait nouveau, je crois, dans notre système. Alors, est-ce que vous pourriez prendre acte du fait nouveau? Et je vais dire «M. le Président», mais je pourrais dire «M. le juge». M. le Président, est-ce que vous pourriez prendre acte du fait nouveau et demander au gouvernement de suspendre les travaux?

Il y a un fait nouveau. Il y a chaos. Personne, personne, personne ne doit mener notre système de justice au chaos et au désordre. C'est irresponsable. C'est dangereux. C'est inacceptable. Les termes, on peut les... Et c'était même, à mon sens, inimaginable. Vous n'avez pas mesuré les conséquences de votre geste. Arrêtez. Arrêtez tout. Arrêtez. Prenez le temps. Nous allons collaborer, nous serons très collaborateurs, très collaboratrices, mais arrêtez. Vous êtes en train de mettre le système de justice en danger.

Et il n'y a vraiment pas de quoi rigoler, M. le leader adjoint. Ça vous fait rire, 40 procureurs-chefs et adjoints qui viennent de démissionner? Ça vous fait rire, la cour de justice, dans votre coin? J'ai hâte de voir quand les justiciables, M. le leader adjoint, vont débarquer dans votre bureau de comté en disant: Ma cause vient de tomber, qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que vous avez fait?, en disant: Je n'ai personne. Qu'est-ce qu'ils vont faire, les justiciables? J'ai hâte de vous voir aussi quand vous allez être en commission parlementaire. Je ne sais pas si vous allez rire avec le juriste à côté qui s'est fait enfoncer une loi dans la gorge. C'est ça que vous êtes en train de faire.

Alors, M. le Président, malheureusement il faut mettre ce geste, poser ce geste à côté des autres qu'a posés le gouvernement. J'ai parlé de Bastarache qui a été terrible, terrible pour le système judiciaire et pour l'image du gouvernement. Ça a été la même chose avec l'institution qui était le Directeur général des élections. Nos grandes institutions sont importantes, cessez de les massacrer. Cessez de rentrer dedans à tout bout de champ puis de démolir les fondements de cette société québécoise que nous avons bâtie. Vous pilez sur nos institutions une derrière l'autre. Une derrière l'autre. J'ai vu des ministres engueuler le Directeur général des élections. Il a démissionné juste après, exactement le même genre de scénario qu'on a là. Mais cessez de marcher sur nos institutions systématiquement; respectez-les. Le mandat que les gens vous ont donné, il est important, assumez-le de façon responsable, pas de façon irresponsable. Cessez de poser des gestes irrémédiables. Prenez un temps pour respirer, regardez les conséquences des gestes que vous posez.

Pour les gens qui sont ici, dans nos tribunes, et qui assistent, c'est cinq ans de déni, mais ils l'ont avalé. C'est cinq ans d'injustice, ils l'ont avalé. Depuis des années, ils travaillent avec des services de recherche restreints, restreints. Et ils avaient de l'espoir, ils se disaient: Enfin, on va pouvoir discuter de nos conditions de travail. Et ces gens-là, ils avaient de l'espoir et l'espoir qu'ils portaient, c'était que les députés du gouvernement et les ministres avaient une idée un peu haute de la fonction qu'ils assument et de la foi qu'ils ont en notre système, non seulement de justice, en nos institutions. Les gens qui sont ici, je pense aux juristes de l'État, là, aux procureurs et aux juristes de l'État mais aux juristes de l'État, ils travaillent quotidiennement avec nous, mais ils ont choisi de faire carrière dans la fonction publique. Ils ont... Certains d'entre eux que je connais...

M. Bédard: M. le Président, là, l'article 32...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui, M. le leader?

M. Bédard: Je comprends qu'il y a des gens qui ne veulent pas entendre. Je les invite à ne pas entendre en silence, comme le prévoit l'article 32, et de faire comme les procureurs qui sont ici puis eux ont le goût de crier, mais ils écoutent aussi en silence. Je pense, par respect pour ceux qui sont là, je demanderais, M. le Président, de maintenir le silence dans cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Chagnon): En ce qui me concerne, Mme la députée de Taschereau, il vous reste encore à peu près 20 secondes, 20, 25 secondes, et je pense que, pour...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui, on va entendre Mme la députée de Taschereau, pour ses 20 secondes.

M. Reid: ...depuis tout à l'heure, comme mes collègues, contrairement à ce dit le leader de l'opposition, et j'ai remarqué qu'elle a tendance, la députée, à parler directement aux personnes dans la salle plutôt que parler au président. Est-ce qu'elle pourrait s'adresser au président?

Le Vice-Président (M. Chagnon): O.K. Alors, il reste quelques secondes à Mme la députée de Taschereau, et je vais l'écouter.

Des voix: ...

Mme Maltais: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Chagnon): En conclusion, vite.

Mme Maltais: M. le Président, ces gens ont consacré leur carrière à l'État et à la vie collective. J'aurais souhaité un peu plus de respect. Et je demande une suspension.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, cela met fin au débat restreint.

Je mets donc aux voix la motion de M. le leader du gouvernement fixant le cadre temporel de la séance extraordinaire et qui se lit comme suit, conformément aux dispositions de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale:

«Qu'en vertu de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, l'Assemblée se donne le cadre temporel suivant:

«Que l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 9 heures jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Vote par appel nominal. Qu'on appelle les députés.

**(16 h 40 -- 16 h 47)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors je remarque que les whips sont assis.

Mise aux voix de la motion
proposant de déterminer le cadre
temporel des séances extraordinaires

Alors je fais lecture de la motion fixant le cadre temporel, conformément aux dispositions de l'article 26.1 du règlement de l'Assemblée nationale:

«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement [...] de certains organismes publics, l'Assemblée se donne le cadre temporel suivant:

«Que l'Assemblée puisse siéger tous les jours à compter de 9 heures jusqu'à ce qu'elle ait terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée ou qu'elle décide d'ajourner ses travaux.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Courchesne (Fabre), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bachand (Outremont), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Blais (Saint-Henri--Sainte-Anne), M. Lessard (Frontenac), Mme Thériault (Anjou), M. Corbeil (Abitibi-Est), M. Auclair (Vimont), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Ménard (Laporte), Mme James (Nelligan), Mme Vien (Bellechasse), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. MacMillan (Papineau), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Gignac (Marguerite-Bourgeoys), M. Arcand (Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), Mme Boulet (Laviolette), M. Simard (Dubuc), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bernier (Montmorency), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Ouimet (Marquette), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Gautrin (Verdun), M. Whissell (Argenteuil), Mme L'Écuyer (Pontiac), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Reid (Orford), M. Dubourg (Viau), Mme Gaudreault (Hull), Mme Gonthier (Mégantic-Compton), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Vallée (Gatineau), M. Huot (Vanier), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Diamond (Maskinongé), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Lehouillier (Lévis), M. Mamelonet (Gaspé), M. Matte (Portneuf), M. Pigeon (Charlesbourg), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. D'Amour (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît.

**(16 h 50)**

Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Charlevoix), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), Mme Beaudoin (Rosemont), Mme Malavoy (Taillon), Mme Richard (Marguerite-D'Youville), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), Mme Doyer (Matapédia), M. Trottier (Roberval), M. Cousineau (Bertrand), Mme Champagne (Champlain), Mme Bouillé (Iberville), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Blanchet (Drummond), Mme Richard (Duplessis), M. Bergeron (Verchères), M. Ratthé (Blainville), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Bérubé (Matane), M. Marceau (Rousseau), M. St-Arnaud (Chambly), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme Ouellet (Vachon), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Pagé (Labelle), M. Ferland (Ungava), M. McKay (L'Assomption), M. Gaudreault (Jonquière), Mme Lapointe (Crémazie), M. Dufour (René-Lévesque), M. Lemay (Sainte-Marie--Saint-Jacques), M. Kotto (Bourget), M. Rebello (La Prairie), M. Pelletier (Rimouski), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Robert (Prévost), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Tremblay (Masson), M. Boucher (Johnson), M. Traversy (Terrebonne), M. Simard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Deltell (Chauveau), Mme Roy (Lotbinière), M. Grondin (Beauce-Nord), M. Bonnardel (Shefford).

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Y a-t-il des abstentions? M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 61

Contre: 50

Abstentions: 0

Mise aux voix de la motion proposant
d'établir la procédure législative
d'exception en vue de permettre
l'adoption du projet de loi n° 135

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, la motion est adoptée. Je mets maintenant aux voix la motion de procédure d'exception présentée par M. le leader du gouvernement et qui se lit comme suit:

«Qu'en vue de procéder à la présentation et à toutes les autres étapes de l'étude du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, l'Assemblée établisse la procédure législative d'exception telle que prévue aux articles 182 à 184.2 et 257.1 à 257.10 du règlement;

«Qu'à tout moment de la séance, le président puisse suspendre les travaux à la demande d'un ministre ou d'un leader adjoint du gouvernement.»

Est-ce que cette motion est adoptée? Vote. Alors, quels sont les députés en faveur de cette motion?

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Courchesne (Fabre), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bachand (Outremont), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Blais (Saint-Henri--Sainte-Anne), M. Lessard (Frontenac), Mme Thériault (Anjou), M. Corbeil (Abitibi-Est), M. Auclair (Vimont), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Ménard (Laporte), Mme James (Nelligan), Mme Vien (Bellechasse), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. MacMillan (Papineau), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Gignac (Marguerite-Bourgeoys), M. Arcand (Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), Mme Boulet (Laviolette), M. Simard (Dubuc), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Bernier (Montmorency), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Ouimet (Marquette), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Gautrin (Verdun), M. Whissell (Argenteuil), Mme L'Écuyer (Pontiac), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Reid (Orford), M. Dubourg (Viau), Mme Gaudreault (Hull), Mme Gonthier (Mégantic-Compton), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Vallée (Gatineau), M. Huot (Vanier), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Diamond (Maskinongé), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Lehouillier (Lévis), M. Mamelonet (Gaspé), M. Matte (Portneuf), M. Pigeon (Charlesbourg), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. D'Amour (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Charlevoix), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), Mme Beaudoin (Rosemont), Mme Malavoy (Taillon), Mme Richard (Marguerite-D'Youville), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), Mme Doyer (Matapédia), M. Trottier (Roberval), M. Cousineau (Bertrand), Mme Champagne (Champlain), Mme Bouillé (Iberville), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Blanchet (Drummond), Mme Richard (Duplessis), M. Bergeron (Verchères), M. Ratthé (Blainville), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Bérubé (Matane), M. Marceau (Rousseau), M. St-Arnaud (Chambly), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme Ouellet (Vachon), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Pagé (Labelle), M. Ferland (Ungava), M. McKay (L'Assomption), M. Gaudreault (Jonquière), Mme Lapointe (Crémazie), M. Dufour (René-Lévesque), M. Lemay (Sainte-Marie--Saint-Jacques), M. Kotto (Bourget), M. Rebello (La Prairie), M. Pelletier (Rimouski), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Robert (Prévost), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Tremblay (Masson), M. Boucher (Johnson), M. Traversy (Terrebonne), M. Simard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Deltell (Chauveau), Mme Roy (Lotbinière), M. Grondin (Beauce-Nord), M. Bonnardel (Shefford).

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a des députés qui s'abstiennent? Pas d'abstentions. M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 61

Contre: 50

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, la motion est adoptée. Conformément au deuxième alinéa de l'article 27 du règlement, cela met fin à la période des affaires courantes. M. le leader.

M. Dutil: Alors, M. le Président, il y aurait présentation du projet de loi par le président du Conseil du trésor.

Affaires du jour

Projet de loi n° 135

Présentation

Le Vice-Président (M. Chagnon): Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. Conformément à la motion que nous venons d'adopter, je cède la parole à Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor pour la présentation de son projet de loi.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Je dépose le projet de loi, assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Ce projet de loi a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics et de pourvoir aux conditions de travail des avocats et des notaires nommés suivant la Loi sur la fonction publique ainsi que des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, conformément aux paramètres salariaux déjà convenus entre le gouvernement et la majorité des associations de salariés du secteur public.

À cette fin, le projet de loi prévoit notamment que ces avocats, notaires et procureurs doivent cesser de participer à la grève en cours et doivent reprendre le travail, conformément à leur horaire habituel et aux autres conditions de travail qui leur sont applicables.

Le projet de loi procède également au renouvellement de la convention collective ou de l'entente liant ces avocats, notaires et procureurs et qui a expiré le 31 mars 2010, tout en y apportant certaines modifications afin notamment de majorer les taux et les échelles de traitement.

Le projet de loi contient enfin des dispositions relatives à la continuité des services juridiques qu'il vise, notamment de nature administrative, civile et pénale.

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Oui.

Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui. Alors, nous allons maintenant procéder au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Je vous rappelle que, conformément au premier paragraphe de l'article 257.1, la durée de ce débat est limitée à cinq heures. La répartition du temps de parole se fera comme suit: 5 minutes sont allouées au député de Mercier; 4 min 30 s à chacun des autres députés indépendants; 21 minutes sont allouées aux députés du deuxième groupe d'opposition; le reste du temps sera partagé également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, soit 2 h 12 min 30 s pour chacun des deux groupes.

Dans ce cadre, le temps non utilisé par un député indépendant ou par les députés du deuxième groupe d'opposition sera redistribué également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle et le temps non utilisé par le groupe parlementaire formant le gouvernement ira au groupe parlementaire formant l'opposition officielle et vice versa. Et les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Mme la ministre responsable du Conseil du trésor et de l'Administration publique, à vous la parole.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. le Président, nous sommes ici réunis aujourd'hui pour adopter des mesures extraordinaires qui ont d'abord et avant tout comme premier objectif de pouvoir reprendre les travaux au sein de nos tribunaux et pouvoir redonner notre système judiciaire à nos concitoyens. Nous savons, M. le Président, que bon nombre d'hommes et de femmes sont en attente depuis plusieurs mois, parfois même plus d'une année, pour pouvoir procéder à des causes qui touchent leur vie, souvent personnelle, familiale, et qui ont été au coeur de drames humains. Cette responsabilité, nous l'avons tous ici, en cette Chambre.

**(17 heures)**

Après de nombreuses rencontres de négociation avec nos procureurs et nos juristes, nous en sommes venus à la conclusion que malheureusement, malheureusement, nous sommes effectivement dans une impasse. Cette impasse, j'aurai l'occasion dans quelques minutes de vous en donner tout le détail requis. Mais avant, M. le Président, je veux réitérer, au nom des membres de ce gouvernement, au nom de tous les parlementaires, notre respect le plus profond envers le travail de nos procureurs et de nos juristes. Nous voulons, au nom de tous ici réunis et au nom du gouvernement du Québec, leur dire qu'en aucun cas et en aucun temps nous ne voulons sous-estimer l'importance de leurs tâches, qu'en aucun temps et en aucun cas nous ne voulons sous-évaluer l'exigence de leur profession et de leur métier. Et c'est, croyez-moi, avec beaucoup de regret et de déception que je me présente devant vous pour défendre l'adoption de principe de ce projet de loi.

Bien sûr, il mettra fin à cette grève illimitée, mais je tiens à répéter que, depuis un an maintenant, tout près d'un an, 13 avril 2010, que nous sommes en discussion avec les différentes associations, plus de 20 rencontres avec les procureurs, avec l'aide, bien sûr, d'un conciliateur... Mais je peux vous assurer que, même personnellement, j'ai rencontré à plus d'une reprise les représentants pour tenter d'établir un dialogue dans une relation de confiance. Parce que, pour arriver à trouver des solutions quand il y a des embûches et des contraintes, il faut que nous soyons capables d'établir ce dialogue en toute franchise et évidemment en toute confiance.

Nos enjeux étaient importants. Nos enjeux sont délicats. C'est une négociation difficile, il faut l'admettre. Mais par ailleurs, M. le Président, jamais nous n'avons renoncé à l'espoir d'y arriver. Pourquoi? Et je m'empresserai maintenant, tout de suite, de vous dire quelles sont... parce que je crois que c'est utile et nécessaire pour bien comprendre les raisons pour lesquelles nous sommes ici réunis.

Les procureurs de la couronne et les juristes ont établi, selon eux, et j'insiste, selon eux, qu'il devait y avoir un rattrapage salarial, un rattrapage salarial entre eux et les autres procureurs des autres provinces. Ils ont établi ce rattrapage salarial à la hauteur de 40 %, M. le Président. C'est énorme. Une étude de l'Institut de la statistique du Québec, qui date de 2002, pourrait effectivement... devrait effectivement être mise à jour pour s'assurer que nous nous entendons sur les mêmes paramètres et les mêmes indicateurs pour établir ce niveau d'écart, M. le Président. Je pourrais vous dire, par exemple, que le Secrétariat du Conseil du trésor a fait une mise à jour, une mise à jour qui nous dit que, si on se base sur l'indice du coût de la vie, la moyenne se situe plutôt... le pourcentage d'écart se situe plutôt à 20 %.

Sauf que, M. le Président, le coût de la vie, c'est important, nous avons une différence entre le nôtre et celui de l'Ontario ou des autres provinces. Nous avons des programmes sociaux ici, au Québec. Que l'on pense aux garderies, que l'on pense, par exemple, au régime d'assurance parentale, qu'on pense à des droits de scolarité inférieurs, qu'on pense à l'assurance médicaments. En fait, nous avons fait des choix de société, et nous sommes fiers de ces choix-là, M. le Président, et nous voulons préserver nos acquis, c'est très important.

Mais il y a aussi une norme qui dit que dans nos sociétés, aujourd'hui, nous devons aussi établir ces comparaisons en se basant davantage sur le produit intérieur brut, le PIB. Qu'est-ce que le PIB? Le PIB reflète notre richesse collective, le PIB reflète notre capacité effectivement d'offrir les conditions de travail à nos employés. Si on se base sur ces paramètres, M. le Président, selon des données du Conseil du trésor, l'écart serait davantage entre 9 % et 14 %.

Mais vous savez comme moi qu'on peut faire des guerres de chiffres pendant très longtemps et on peut effectivement s'obstiner, s'argumenter trop longuement et se retrouver devant un dialogue de sourds. C'est pourquoi, M. le Président, nous avons offert à la fois aux procureurs et aux juristes, nous avons offert, pour dénouer cette impasse, que nous puissions, après avoir amélioré les conditions de travail dans les semaines et les mois qui viennent, que nous puissions ensemble, ensemble, s'entendre sur les paramètres à utiliser, sur les indicateurs à utiliser, sur les chiffres qui vont établir ces coûts de la vie, qui vont établir ces paramètres et ces indicateurs, et essayer de voir ensemble comment nous pouvons à l'avenir éviter une telle situation et, toujours dans cette capacité de l'État de payer, comment nous pouvons arriver à offrir des conditions qui soient acceptables, mais surtout obtenir cette entente négociée.

Or, M. le Président, les procureurs et les juristes, puisqu'ils ont décidé -- et ça, nous respectons ça, c'est leur choix -- ils ont décidé de s'associer dans le parcours de cette négociation, nous ont dit très clairement que cette question de rattrapage à 40 % est une condition sine qua non avant d'aborder même les bonifications des conditions de travail. Parce que, M. le Président, ce que nous souhaitions, c'est de dire: Écoutez, nous avons pris des engagements envers 475 000 employés de l'État, nous avons signé une entente historique avec le front commun qui représente la majorité de ces employés et pour lesquels les paramètres salariaux sont établis, mais pour lesquels nous avons, comme gouvernement, pris l'engagement d'offrir ces mêmes paramètres à tous les employés de l'État, sans exception.

Pourquoi? Parce que ce front commun et ses différentes associations ont reconnu l'importance de retrouver l'équilibre budgétaire dès 2013-2014, parce que ces associations syndicales ont reconnu les difficultés financières de l'État. Pourquoi? Parce qu'ils ont reconnu aussi que nous avions investi dans la reprise économique du Québec, que nous l'avions fait de fort brillante façon et que nous nous en étions tirés plutôt bien, et même, dans ce cas-ci, mieux que bien des provinces canadiennes. Sauf que ces associations ont reconnu que nous avions un effort collectif à faire jusqu'en 2013-2014 pour retrouver cet équilibre.

Ils nous ont dit: Nous sommes prêts à faire cet effort, dans la mesure où vous, gouvernement, vous nous assurez que ces paramètres seront les mêmes pour tous et pour toutes. Et nous avons pris cet engagement. Une fois que nous avons dit ça, que signifie le rattrapage? Pour que ceux qui nous écoutent comprennent bien l'enjeu, c'est que les procureurs et juristes souhaiteraient que nous puissions déplafonner les échelles salariales. C'est ça qu'on nous demande. C'est ça que ça veut dire, le rattrapage qui nous est demandé. Déplafonner les échelles et les échelons, M. le Président, a des répercussions extrêmement importantes.

Et, si nous le faisons pour les procureurs et pour les juristes, aussi juste soit la cause, vous comprendrez, M. le Président, que, si, en toute équité, nous le faisons pour eux, bien les autres employés de l'État seront tout à fait en droit de demander la même chose. Or, ce n'est pas ça sur lequel nous nous sommes... ce ne sont pas les paramètres sur lesquels nous nous sommes entendus, et je ne pense pas, M. le Président, que quiconque de l'autre côté de cette Chambre accepterait à ce stade-ci, à cette période-ci de notre économie, accepterait de déplafonner les échelles salariales. Et, M. le Président, ça sera intéressant d'entendre les députés de l'opposition là-dessus.

Moi, je veux bien savoir, et nous voulons, nous, ici, savoir si les députés d'opposition, peu importe leur formation politique, mais encore plus, je dirais, le Parti québécois, qui a été au pouvoir pendant très longtemps, la chef de l'opposition officielle, qui a été ministre de l'Éducation, ministre de la Santé, présidente du Conseil du trésor, ministre des Finances... Elle sait très bien, la chef de l'opposition, ce que ça veut dire, déplafonner les échelles salariales des employés de l'État. Elle sait très bien les conséquences financières que ça peut exiger. Et on ne peut pas demander au gouvernement à la fois de rétablir l'équilibre budgétaire et en même temps d'octroyer des augmentations aussi substantielles à nos employés.

**(17 h 10)**

C'est ça, l'enjeu, M. le Président. C'est l'enjeu de cette négociation. Et ces termes-là étaient très clairs depuis les mois de mai et juin derniers, depuis le temps où nous nous sommes entendus avec les employés de l'État. Il n'y a pas de surprise à cette déclaration, M. le Président, c'est très clair. Ça a été clair publiquement, ça a été clair privément lorsque j'ai rencontré le président de l'Association des procureurs, le 26 novembre dernier, personnellement. Lorsque j'ai rencontré le président de l'Association des juristes, le 26 janvier dernier, c'était très clair que nous ne pouvions pas bouger sur les paramètres salariaux.

Maintenant, qu'est-ce qu'il a été dit, par contre? Parce que, oui... Et, je le répète, nous, comme gouvernement, reconnaissons les exigences de leurs métiers, nous reconnaissons le caractère spécifique de leur pratique, et que, pour cela, nous avons dit: Essayons plutôt d'effectuer un rattrapage, un rattrapage à l'intérieur de la bonification des conditions de travail. Ça, ça veut dire à l'intérieur des clauses normatives. Nous l'avons fait pour la fonction publique, nous l'avons fait pour les professionnels de la santé, nous l'avons fait pour les infirmières. J'ai ici les chiffres à l'appui. Et je peux vous dire, M. le Président, que ce que nous offrons aux procureurs et juristes en termes de bonification des clauses normatives -- mais, moi, j'aime mieux dire «de bonification de leurs conditions de travail» -- pour reconnaître effectivement les heures travaillées, pour reconnaître effectivement la complexité de la tâche, les mandats spéciaux, le recrutement en région, le travail des cours itinérantes en les régions éloignées, ce sont des bonifications substantielles qui étaient sur la table et pour lesquelles on leur dit: Nous allons pouvoir effectuer un certain rattrapage. En tout cas, ça va donner plus de sous dans la poche de ces hommes et de ces femmes.

M. le Président, nous avons fait une autre chose, parce que, comme ils souhaitaient que nous déplafonnions ces échelles salariales... Ça, ça veut dire que le maximum devient plus élevé pour chaque catégorie d'emploi, chose que nous n'avons pas faite et ne pouvons faire. Par contre, nous avons offert de couper, de retrancher, de retrancher les échelons inférieurs. Qu'est-ce que ça veut dire, de retrancher les échelons inférieurs? Ça veut dire que, justement pour favoriser le recrutement, les jeunes qui sont embauchés ou les jeunes qui sont au début de leur carrière vont voir leur progression salariale augmenter plus rapidement. C'est ça que ça veut dire. Donc, pour tous ceux qui oeuvrent, ils pourront donc se rendre au maximum de l'échelle plus rapidement. C'est quand même un effort louable, M. le Président. C'est un effort, aussi, respectueux, M. le Président.

Et, dans ce sens-là, je vous dirais que ceux qui sont là depuis plus longtemps, qui sont au maximum, sont souvent ceux aussi qui travaillent 37 heures et demie ou 40 heures. Or, qu'est-ce que fait le projet de loi aujourd'hui, M. le Président? Le projet de loi permet, permet aux dirigeants des organismes publics de reconnaître le travail de ces procureurs et de ces juristes, de reconnaître un maximum de 40 heures-semaine. Et c'est dans la loi, M. le Président. Donc, étant dans la loi, cela démontre effectivement notre volonté de reconnaître l'importance de leur travail, mais surtout les exigences liées à leur profession. Alors, dans ce sens-là, oui, les paramètres salariaux des ententes collectives reconnues, mais cet élément.

Là, vous pourriez me dire, M. le Président: Mais pourquoi vous n'en ajoutez pas d'autres? Bien, moi, je vais vous dire pourquoi. Parce que notre objectif aujourd'hui, c'est de faire en sorte que les activités reprennent, c'est de faire en sorte que les citoyens retrouvent les services auxquels ils ont droit. Et il serait incorrect qu'à ce stade-ci nous imposions d'autres conditions de travail. Pourquoi je le dis aussi simplement, M. le Président? Parce qu'il y aura un demain et un après-demain. Et je répète et je réitère en cette Chambre que ce n'est pas parce que nous adoptons cette loi spéciale, ou que nous l'adopterons demain matin, que le dialogue est terminé. Ce n'est pas parce que nous adopterons cette loi spéciale que nous ne pourrons plus continuer à évaluer ensemble la façon dont nous pouvons améliorer leurs conditions de travail, toujours, par ailleurs, dans le respect de l'équité avec les 475 000 autres employés de l'État et toujours, bien sûr, dans le respect de notre capacité de payer à tous.

Et c'est pour ça que nous ne souhaitons pas imposer davantage de conditions, parce que, dans la liste des offres que nous avons déposées, nous voulions effectivement permettre aux procureurs et aux juristes de faire les choix. Qu'est-ce qui est le plus important pour eux dans leur travail quotidien et qu'est-ce qu'ils souhaitent prioriser? Est-ce qu'ils souhaitent donner plus à la prime aux mandats spéciaux, davantage à la prime à la complexité, davantage au recrutement en région, davantage de reconnaissance de procureurs qui travaillent 40 heures, davantage de reconnaissance aux procureurs qui travaillent 37 h 30 min?

En fait, nous étions prêts à tenir compte de leur réalité, et c'est ça, une véritable négociation. Une véritable négociation, c'est de dire: Voici toutes les possibilités, et maintenant voici le cadre financier que nous devons respecter. Parce que, oui, en gouvernement responsable, nous avons un cadre financier à respecter. Et je pense que, si on n'avait pas de cadre financier, M. le Président, en face de nous, ils seraient les premiers à nous reprocher de ne pas l'avoir, ce cadre financier. Mais il y a là une marge de manoeuvre importante, intéressante. Et je trouve infiniment triste, et je vous le dis comme je le pense, infiniment triste que nous... que les juristes et les procureurs soient privés de ces sommes additionnelles, d'une part.

Maintenant, j'écoutais le député de Verchères, j'écoutais le député de Chambly, le leader, tous disaient: Les procureurs et les juristes n'en voulaient pas, de ce droit de grève. C'est vous, le gouvernement libéral, qui avez donné ce droit de grève en 2005. C'est vrai, mais j'aimerais que les députés d'opposition continuent leur démonstration jusqu'au bout. Pourquoi y a-t-il eu un droit de grève dans la loi spéciale de 2005, M. le Président? Pour une bien bonne raison. C'est qu'à ce moment-là l'exigence qui était sur la table était le mécanisme d'arbitrage obligatoire. C'était ou le droit de grève ou nous reconnaissons un mécanisme d'arbitrage obligatoire.

M. le Président, je connais suffisamment les députés d'en face parce que je... plusieurs d'entre eux, je ne les connais pas uniquement depuis 2003; entre autres, la chef de l'opposition, je la connais depuis 1988. Et je sais très bien que les députés d'en face n'accepteraient jamais, s'ils étaient au gouvernement, un mécanisme d'arbitrage obligatoire, parce que, de toute façon, en 2001, sous Paul Bégin, puis avant, quand le leader nous parlait de M. Bernard Landry, s'ils avaient voulu le reconnaître, s'il avait effectivement autant d'importance pour eux dans la négociation de ces conditions, ils l'auraient donné, et ils ne l'ont pas donné, M. le Président. Alors, ils ne peuvent pas nous demander aujourd'hui de donner ce mécanisme d'arbitrage obligatoire.

Qu'est-ce que ça veut dire, ce mécanisme d'arbitrage obligatoire? Ça veut dire qu'un gouvernement se décharge de sa responsabilité première qui est celle d'établir les conditions de travail de ses employés, de dire: Parfait, c'est un tiers, une personne, aussi indépendante soit-elle, mais c'est quand même une personne indépendante qui va gérer les fonds publics et qui va décider de la somme que les contribuables vont affecter à l'ensemble de nos salaires.

**(17 h 20)**

C'est évident, M. le Président, que la difficulté de notre dossier aujourd'hui et la difficulté de cette négociation... et on est tous très sensibles à la situation des procureurs et des juristes. Si on n'avait que les procureurs et les juristes, si on n'avait que ces conditions de travail là à établir aujourd'hui, honnêtement on pourrait peut-être discuter plus aisément. Mais personne ne pourra nous reprocher, comme gouvernement, de nous dire que ça, ça a des conséquences sur les infirmières, sur les enseignants, sur les employés de la fonction publique, sur les ingénieurs, sur les policiers de la Sûreté du Québec et même sur tout le personnel médical de nos hôpitaux, incluant les médecins et les docteurs. Et, dans ce sens-là, M. le Président, ça fait partie tout à fait de nos responsabilités de tenir compte des particularités de chacun de ces métiers, mais c'est aussi notre responsabilité de nous assurer que tous sont traités avec la même équité. Et c'est fondamental. Et, si on ne le faisait pas, M. le Président, en face, ils seraient les premiers à nous le reprocher. Ils seraient les premiers à nous le reprocher.

Bien sûr, ils font leur travail d'opposition. Bien sûr, ils sont l'opposition et ils s'objectent. Mais ce que j'apprécierais des députés de l'opposition, ce que j'apprécierais de la chef de l'opposition officielle qui a, elle, toute cette expérience de tous ces ministères, qui a vécu des situations, des négociations: qu'ils puissent effectivement, en toute justice, en toute transparence, nous dire ce qu'eux feraient. Est-ce qu'ils donneraient 40 % à cette étape-ci? Est-ce qu'ils donneraient l'arbitrage obligatoire à cette étape-ci? Est-ce qu'ils renieraient, eux, à cette étape-ci, l'entente que nous avons signée avec le front commun? Qu'est-ce qu'ils iraient dire aux 475 000 demain matin si nous acceptions les conditions sine qua non? Parce que, quand on a une condition sine qua non qui nous est imposée avant même qu'on soit capable de parler de l'amélioration des conditions de travail, M. le Président, c'est ce qui fait qu'on se retrouve dans une impasse.

Il est faux, il est faux de prétendre que nous n'avons pas négocié. Il est faux de prétendre que nous ne voulons pas négocier, M. le Président. Mais, à chaque fois, à chaque fois que nous voulions aborder ces bonifications, on revenait constamment à cette difficulté de déplafonner le maximum de nos échelles salariales.

M. le Président, je veux vous dire en terminant que le geste que nous posons est un geste qui est effectivement très sérieux. C'est un geste, une loi spéciale, et on le sait... nous sommes tous suffisamment aguerris maintenant pour connaître tout l'impact d'un tel geste. Et, vous savez, je peux réaffirmer que, pour moi, présidente du Conseil du trésor, pour nous, comme gouvernement, cette adoption de loi spéciale n'est certainement pas la fin de nos discussions. Ce n'est certainement pas la fin de nos collaborations. Ce n'est certainement pas l'abdication d'arriver à nous entendre et d'arriver à améliorer ces conditions. Mais, si les procureurs et les juristes reviennent de façon aussi insistante sur cette nécessité d'effectuer ce rattrapage, je vous dis ce soir qu'à ce moment-là nous avons, comme gouvernement, la responsabilité de penser aux concitoyens qui vont se présenter demain, après-demain, la semaine prochaine et le mois prochain dans nos tribunaux.

On évoquait aujourd'hui la situation de chaos. Moi, je dis, M. le Président, que nous avons la responsabilité de ne pas aggraver les services qui sont... qui doivent être donnés à nos citoyens. Et c'est pour ça que l'objectif de la loi, pour moi, est d'abord et avant tout, d'abord et avant tout de mettre fin à la grève et de nous assurer que les procureurs et juristes entrent au travail. Et ça, c'est dans l'intérêt public de le faire et c'est dans l'intérêt des concitoyens qui attendent pour obtenir ces services. Parce que j'imagine que, quand on se retrouve devant un juge, lorsqu'on est défendu, bien, sur le plan humain, il y a là de l'anxiété, il y a là des drames, il y a là des situations difficiles. Et, dans ce sens-là, je crois que le seul geste que nous avons à poser, c'est d'adopter cette loi spéciale et c'est d'adopter bien évidemment, à ce stade-ci, le principe de cette loi. Merci, M. le Président.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Il n'y a pas de limite, il n'y a pas de limite. Normalement... Merci, Mme la ministre responsable du Conseil du trésor. Nous allons maintenant écouter M. le député de Chambly pour une période qui normalement aurait dû être 30 minutes, mais, comme on l'a spécifié plus tôt, il y a 2 h 12 min et il n'y a pas de limite de temps pour chacun des intervenants. Alors, nous vous écoutons.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, quel gâchis! Depuis plus de six ans, le gouvernement libéral agit d'une manière irresponsable à l'endroit de ses procureurs de la couronne et de ses juristes. Mais là, M. le Président, depuis quelques heures, c'est pire que de l'irresponsabilité, c'est de l'insouciance, c'est de la négligence. C'est de la négligence grave, parce qu'on se doutait bien, M. le Président, que, s'il y avait aujourd'hui une loi spéciale, on se doutait bien qu'il y aurait une démoralisation généralisée chez nos procureurs et nos juristes. On le savait bien qu'il y aurait vraisemblablement des départs. Mais ce que l'on voit aujourd'hui, M. le Président, c'est pire que tout.

On apprend cet après-midi que la majorité des procureurs-chefs et des procureurs-chefs adjoints au Québec ont démissionné. Ça, M. le Président, là, pour que vous compreniez bien, pour que les gens qui nous écoutent comprennent bien: les procureurs de la couronne étaient en grève, les services essentiels étaient assurés par leurs patrons, les procureurs-chefs adjoints et les procureurs en chef, dans les différents districts judiciaires. Ils sont 50, 50 patrons. Bien, 40 de ces 50 viennent aujourd'hui de dire, eux qui n'étaient pas en grève, qui étaient les patrons des procureurs de la couronne, viennent de dire: Nous démissionnons.

M. le Président, la démission ce matin de Me Claude Chartrand, un procureur d'expérience, de 30 ans d'expérience, qui dirigeait jusqu'à ce matin le Bureau de lutte contre le crime organisé, qui est une petite équipe d'une quinzaine de procureurs normalement, parce que tous les postes ne sont pas comblés, qui s'attaquent à la lutte contre le crime organisé, Me Claude Chartrand, qui est le patron des procureurs qui luttent contre le crime organisé, a remis sa démission. Et, cet après-midi, on apprend que la démission de Me Chartrand a eu l'effet d'une bombe. Les procureurs-cadres des bureaux de Montréal, d'Abitibi-Témiscamingue, de l'Outaouais, de Rimouski, de Valleyfield, de Laval et de Saint-Jérôme ont notamment claqué la porte à leur tour. La grande majorité des cadres ont ainsi remis leur démission. Me Claude Chartrand lance un message extrêmement important. Il ne fait pas ça pour appuyer ses amis, mais bien pour expliquer à la population québécoise qu'une couronne affaiblie représente un danger pour la société.

M. le Président, c'est grave. Demain matin, là, si la loi est adoptée, aux petites heures demain matin, les procureurs de la couronne vont retourner au travail parce qu'on les aura obligés par voie législative. Mais, quand ils vont arriver au bureau, demain matin, leurs patrons ne seront plus là, parce que leurs patrons ont démissionné. Le procureur-chef à Montréal, les quelque quatre, ou cinq, ou six procureurs-chefs adjoints, ils ont démissionné, M. le Président. Il n'y a plus personne. Au Bureau de lutte contre le crime organisé, Me Claude Chartrand, qui était le pilier de cette lutte contre le crime organisé, qu'on nous répète, de l'autre côté de la Chambre, comme étant si important -- et effectivement, de ce côté-ci, on souscrit à ça -- Me Claude Chartrand vient de démissionner. Son adjointe, son adjointe, M. le Président, pour les grands procès, Me Madeleine Giauque, que vous connaissez sûrement parce qu'elle a mené le combat contre les Hell's Angels dans la foulée de l'opération Printemps 2001, Me Madeleine Giauque, son adjointe, procureure aussi de 25, 30 ans d'expérience, expertise de très, très haut niveau, a démissionné. L'autre adjoint, celui qui s'occupe des gangs de rue, Me Roger Carrière, un procureur qui a 30, 35 ans d'expérience, a démissionné.

**(17 h 30)**

Écoutez, là, ce n'est pas une situation normale. Notre institution judiciaire, qui est un des piliers de notre système démocratique, est en danger. Demain matin, 40 des 50 personnes qui dirigent les procureurs de la couronne ne seront plus là. Quand les procureurs vont rentrer de force, il n'y aura plus de patrons. C'est quoi, cette situation, M. le Président, qui a été créée par le gouvernement libéral?

Je vous le disais tantôt en introduction, M. le Président, ce gouvernement, dans ce dossier, et ça remonte à six ans, a été complètement irresponsable. Je résume un peu la situation, M. le Président. Les procureurs de la couronne et les juristes avaient un contrat de 2004; pour les juristes, ça allait jusqu'en 2006, puis pour les procureurs, ça allait jusqu'en 2007. Arrive 2005, les deux ont des contrats de travail qui vont jusqu'en 2006 ou 2007, dans le cas des procureurs jusqu'en 2007. Le gouvernement décide, sans qu'il y ait eu, pour ce qui est des procureurs, une seule heure de négociation, de leur imposer une loi spéciale. Dès décembre 2005, on adopte une loi spéciale, on décrète les conditions des procureurs et des juristes, alors que, dans le cas des procureurs, il y avait un contrat de travail jusqu'en 2007. D'ailleurs, cette attitude du gouvernement a été blâmée, M. le Président, par le Bureau international du travail, qui relève des Nations unies, lors d'une décision rendue en 2007.

Mais que fait le gouvernement par la suite? Il impose une loi spéciale. Et qu'est-ce qu'il fait après ça, en 2006, en 2007, en 2008, en 2009? Rien, M. le Président, rien pour s'attaquer aux problèmes criants de la couronne et des juristes de l'État, des problèmes qui sont reconnus par tous. Le gouvernement ne fait rien. C'est de l'irresponsabilité.

Et, quand arrive le moment, l'an dernier, où le décret de 2005 se termine, le 31 mars 2010, les procureurs, les juristes déposent, dès le mois d'avril, toute une série de propositions pour améliorer les conditions de travail des procureurs et des juristes. Que fait le gouvernement? Il attend l'été pour leur envoyer tout simplement, M. le Président, presque un accusé de réception. On leur fait des propositions qui sont essentiellement, M. le Président, les mêmes qu'on a faites au reste du secteur public.

Et par la suite, contrairement à ce qu'a dit la présidente du Conseil du trésor, oui, il y a eu un certain nombre de rencontres, mais des rencontres où les procureurs et les juristes se retrouvaient face à des gens qui leur disaient: On n'a pas de mandat. C'étaient des rencontres très brèves. Les premières rencontres véritables ont eu lieu à partir de la fin janvier, du début février.

Alors, M. le Président, ça fait six ans que ce gouvernement se traîne les pieds dans ce dossier. C'est irresponsable. Il s'est traîné les pieds jusqu'à aujourd'hui, mais aujourd'hui c'est pire que tout, parce qu'aujourd'hui, en déposant une deuxième loi spéciale, en imposant à ses procureurs de la couronne et à ses juristes une deuxième loi spéciale jusqu'en 2015, eux qui sont déjà sous le coup d'une loi spéciale depuis 2005, il vient de créer une situation qui, bien honnêtement, M. le Président, je vous le dis comme je le pense, va avoir des conséquences graves pour notre système de justice. On en voit déjà aujourd'hui des conséquences immédiates avec la démission de 40 de nos procureurs les plus chevronnés. Ça, M. le Président, là, Me Claude Chartrand, Me Madeleine Giauque, Me Roger Carrière, on ne remplacera pas ça par un étudiant qui sort de l'université, là. C'est des gens qui ont développé une expertise pointue pour lutter contre le crime organisé, pour lutter contre les crimes économiques, pour lutter relativement au blanchiment d'argent. C'est des gens qui ont développé une expertise pointue que connaît bien le député de Chomedey, M. le Président, parce qu'il a travaillé avec eux. Il sait à quel point ces gens-là sont indispensables. Mais aujourd'hui ces gens ont démissionné.

M. le Président, ce gouvernement, dans ce dossier, a effectivement été d'une très grande irresponsabilité et aujourd'hui il a manifestement refusé l'offre que nous lui faisions cet après-midi de faire une pause. Il me semble, là, M. le Président, que, quand on est aux commandes de l'État, quand on est supposé avoir les deux mains sur le volant et qu'on voit, durant l'après-midi, 40 de nos 50 procureurs-chefs et procureurs-chefs adjoints démissionner, on se dit: Oui, peut-être qu'on a causé une situation un peu particulière, là. Il faudrait peut-être y penser deux fois, il faudrait peut-être prendre... faire une pause. Manifestement, le gouvernement a refusé l'offre que nous lui faisions à cet égard.

M. le Président, je vais vous parler un peu des procureurs de la couronne, je vous parlerai ensuite des juristes de l'État. Parlons un peu des procureurs de la couronne. Je vous le disais tantôt, M. le Président, les procureurs de la couronne sont des avocats qui reçoivent les rapports des policiers, les analysent, rencontrent les victimes, doivent rencontrer les victimes quand ils ont le temps, rencontrent les familles des victimes, évaluent s'il y a matière -- en fonction de leurs connaissances juridiques -- s'il y a matière à porter des accusations, si le fardeau de preuve, qui est hors de tout doute raisonnable en matière criminelle, est suffisant, qui plaident évidemment le dossier devant les tribunaux, qui représentent l'État devant les tribunaux de nature criminelle.

Et, dans les matières très spécialisées comme la lutte contre le crime organisé, la lutte contre la... pour la... contre les crimes économiques, ça prend évidemment un degré d'expertise tout particulier. Ce n'est pas n'importe qui qui peut s'improviser du jour au lendemain, M. le Président, procureur dans ce genre de dossier. Et, pour connaître, M. le Président, ces gens, pour plusieurs d'entre eux, je sais à quel point... je pense à Me Giauque, je sais à quel point cette personne s'est investie dans son travail. Quand elle s'est levée pour aller donner suite à l'opération Printemps 2001, puis se lever face à des avocats de la défense qui ont plein de moyens, qui ont des ressources financières quasi illimitées, qui ont des recherchistes qui leur amènent les plus récents arrêts de jurisprudence d'un peu partout dans le Canada et même des arrêts de jurisprudence, M. le Président, étrangers, australiens ou britanniques, pour justement... parce qu'ils ont tellement de moyens, ils ont tellement de ressources... Me Giauque était de l'autre côté, M. le Président, avec à peu près pas de moyens, et c'est assez... et c'est ça, la réalité des procureurs de la couronne, et ce n'est pas juste une job de 9 à 5. Quand on est procureur de la couronne dans ce genre de dossier, quand on est aux assises, qu'on fait un procès devant jury, est-ce qu'il y a quelqu'un dans cette salle... il y a quelques personnes, M. le Président, qui ont cette expérience de procès devant les assises. On le sait bien, vous le savez probablement, M. le Président, on vit ces procès-là sept jours par semaine. Quand la cour ajourne à 4 h 30, on passe la soirée, une partie de la nuit, et, le lendemain matin, à 6, 7 heures, on est déjà en train de penser à la suite du dossier.

Quand on est procureur dans des causes de meurtre, c'est plusieurs semaines où ne vit plus, où on ne retourne même plus ses appels parce... puis encore plus dans ce genre... dans les dossiers où on fait face à des adversaires qui représentent des groupes de motards, qui ont des moyens illimités. Et, bien souvent, certains de ces gens-là, M. le Président, comme... je n'en nommerai pas, mais on en connaît, ont eu besoin d'une protection policière; c'est vous dire que non seulement leurs causes les préoccupent constamment, non seulement, le soir, la nuit, ils pensent à ça, mais ils doivent aussi assurer leur propre sécurité, parce que s'attaquer à certains criminels, ce n'est pas une partie de plaisir, je pense que tout le monde en convient.

Alors, c'est vous dire c'est quoi, un procureur de la couronne, ce n'est pas... c'est un avocat qui joue un rôle particulier dans notre société, qui joue avec la liberté des gens, qui décide si on accuse une personne ou pas, qui décide si une personne va rester en prison ou va être remise en liberté sous cautionnement, si elle va s'objecter à sa remise en liberté. Et, dans les grandes escouades, c'est des gens qui vivent constamment avec leurs causes, avec leurs dossiers parce qu'ils y croient. Parce qu'ils y croient, parce qu'ils croient à ce qu'ils font, parce qu'ils croient qu'ils apportent quelque chose à notre société en faisant ça.

Mais aujourd'hui les têtes dirigeantes, M. le Président, nos meilleurs procureurs de la couronne, 40 de nos 50 procureurs-chefs et procureurs-chefs adjoints ont démissionné. Ça va être beau demain matin pour essayer de gérer la situation dans nos palais de justice, ça va être beau demain matin, la semaine prochaine, le mois prochain, quand on va essayer de mener une lutte qui a un minimum d'allure contre le crime organisé, la collusion, la corruption, les crimes économiques et le blanchiment d'argent.

D'ailleurs, M. le Président, la Cour suprême du Canada a déjà dit à propos des procureurs de la couronne: «Personne n'est chargé d'une fonction civile plus lourde pour l'intérêt de la société.» Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, ce sont les juges de la Cour suprême. Et le juge Gomery, que l'on connaît bien, qui est bien connu du public pour avoir présidé la commission qui porte son nom mais qui est connu des avocats pour avoir siégé à la Cour supérieure, division criminelle, pendant des décennies, disait: Le gouvernement -- on peut l'écouter, le juge Gomery, ancien juge de la Cour supérieure en matière criminelle pendant plusieurs décennies -- ne reconnaît pas le rôle essentiel des procureurs de la couronne dans notre société et ne leur donne pas les moyens de réaliser leur mandat. Ça, c'est une personne qui s'appelle John Gomery, qui a vu travailler les procureurs de la couronne pendant des décennies et qui nous dit: Le gouvernement ne reconnaît pas le rôle essentiel des procureurs de la couronne dans notre société et ne leur donne pas les moyens de réaliser leur mandat. Et, M. le Président, je partage cette opinion du juge Gomery, nous la partageons, de ce côté-ci.

**(17 h 40)**

D'ailleurs, le bâtonnier du Québec disait, lui aussi, en 2005: «Les conditions de travail des procureurs au Québec, et pas seulement leur salaire...» Et on y reviendra, là-dessus, ce n'est pas juste une question de salaire, M. le Président. «Les conditions de travail des procureurs du Québec, et pas seulement leur salaire, ont été dénoncées comme étant des atteintes [à] l'exercice d'une profession.»

Me Gilles Ouimet rappelait, ce mois-ci, M. le Président... Me Gilles Ouimet, qui est le bâtonnier du Québec, cette année, disait que les procureurs... rappelait d'abord... dénonçait le sous-financement chronique de la justice et rappelait, le 7 février dernier, que les procureurs de la couronne ont un important mandat de protection du public puisqu'ils sont responsables de déposer des accusations criminelles.

Le simple fait -- et vous le savez, M. le Président, vous êtes vous-même avocat -- le simple fait d'être accusé au criminel est une décision lourde de sens, et les procureurs prennent des centaines de décisions comme ça quotidiennement. Ce n'est pas des décisions simples que prennent les procureurs de la couronne, même les procureurs de la couronne qui sont dans des... qui ne sont pas nécessairement dans les équipes spécialisées de lutte contre le crime organisé. Des procureurs de la couronne reçoivent, à Montréal, peut-être 50, 60, 70 dossiers de policiers par jour, puis là des gens qui ont été arrêtés, là, dans les dernières 24 heures, là. Il faut lire le dossier, puis il faut décider si on porte des accusations, puis ensuite il faut décider si on s'objecte à la remise en liberté desdits citoyens. C'est des décisions lourdes de conséquences. Et le gouvernement, malheureusement, là-dessus, ne semble pas le réaliser. En tout cas, ça ne transpire pas, de la façon avec laquelle ils ont traité les procureurs de la couronne depuis six ans.

Les procureurs de la couronne, M. le Président, ont un manque criant de ressources. Je vous parlais tantôt que ce n'est pas seulement une question de salaire. D'abord, les procureurs, M. le Président, il en faudrait des centaines de plus. J'aurais aimé savoir... Ce matin, j'ai posé une question, M. le Président, au gouvernement. Nous avons eu vent par les journaux qu'il y avait un rapport qui avait été commandé par Me Louis Dionne, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui est le grand patron des procureurs de la couronne, un rapport qui a été commandé par Me Dionne auprès de ses adjoints sur les besoins réels de la couronne au Québec. Ce rapport existe. Il n'est pas public. Nous avons demandé ce matin de le rendre public. Le gouvernement a refusé de rendre public ce document qui, selon ce qu'on me dit... M. le Président, vous savez que les procureurs disaient: Il manque 200 procureurs, bien ce qu'on me dit, c'est que ce rapport-là dit qu'il en manque 300, procureurs. Et tant... et... 100 procureurs de plus que la demande des procureurs de la couronne. De l'avis de tous, M. le Président, en tout cas, il manque des centaines de procureurs. D'ailleurs, le ratio procureur-population est très clair. Par exemple, M. le Président, dans les Maritimes... Attendez, je vais vous donner un exemple. En Colombie-Britannique, il y a un procureur pour 9 342 citoyens -- un pour 9 300; en Ontario, un pour 11 916; dans les Maritimes, un pour 11 006. Au Québec, un pour 16 526.

Selon un sondage récent qui a été fait auprès des procureurs de la couronne, 80 % considèrent ne pas avoir le temps de faire un travail professionnel à l'intérieur de leur horaire normal. Je vous le disais tantôt, M. le Président: Ce n'est pas vrai, quand tu es procureur de la couronne, sauf exception, que tu quittes et puis que tu ne... tu quittes à 4 h 30 sans problème. Tu as des dossiers, tu as des dossiers le lendemain, des dossiers d'agression sexuelle, des dossiers de vol qualifié. Et puis ça, c'est quand tu n'es pas aux assises, dans des dossiers de meurtre, de séquestration ou de cette ampleur-là, M. le Président. Ce n'est pas des choses qu'on arrive le matin au bureau, puis on dit: Tiens, aujourd'hui, j'ai un dossier d'agression sexuelle -- ce n'est pas comme ça que ça marche -- ou: Tiens, je m'en vais passer la semaine faire un procès aux assises, un procès de vol qualifié, ou: Je m'en vais passer trois semaines, là, un procès de meurtre. 80 % des procureurs de la couronne considèrent ne pas avoir le temps de faire un travail professionnel en fonction de leur horaire.

Trois procureurs sur quatre estiment ne pas avoir assez de temps pour se préparer à la cour. D'ailleurs, c'est intéressant de noter que c'est chez les procureurs de la couronne qu'on retrouve le taux d'absentéisme le plus important, en raison d'une maladie professionnelle, de toute la fonction publique. Et je peux en témoigner, M. le Président. J'ai connu des procureurs qui effectivement ont dû quitter en burnout, comme on dit, parce qu'ils n'étaient plus capables de travailler avec ce rythme de surcharge.

Alors, vous voyez, M. le Président, à quel point on manque de procureurs. On ne leur donne pas... Ils sont débordés, mais, plus que ça, on ne les accompagne pas. On ne leur donne pas de soutien. J'ai été, en approfondissant le dossier, M. le Président, j'ai été estomaqué d'apprendre que, pour les 450 procureurs au Québec, on avait, pour les appuyer, sept recherchistes. En Ontario, ils ont 500 recherchistes. Sept au Québec pour aider les procureurs, 500 recherchistes en Ontario pour aider leurs procureurs, qui, soit dit en passant, sont payés deux fois plus que les procureurs du Québec.

Les procureurs que l'on rencontre nous le disent: On n'a pas de temps. On n'a pas de temps pour rencontrer les victimes puis qu'ils viennent dans notre bureau. On n'a pas le temps. Il faut faire ça en 10 minutes parce que c'est le dossier suivant. On n'a pas de temps pour rencontrer les parents des victimes, pour leur accorder toute l'attention que ces gens-là ont besoin. Quand votre enfant a été tué, M. le Président, et puis que vous vous retrouvez au palais de justice pour la première fois de la vie, vous avez besoin de quelqu'un qui est là. Bien, les procureurs de la couronne, ils ont... ils tournent les coins ronds à cet égard-là, tant pour ce qui est des victimes, des parents de victimes, des témoins. Combien de témoins se retrouvent au palais de justice, puis personne ne s'en occupe. Normalement, le procureur de la couronne devrait s'en occuper, mais, quand on a 20, 25 dossiers dans la journée, puis ça veut dire 25, 50 témoins, vous ne pouvez pas tous... on ne pourra pas tous... vous ne pouvez pas faire le travail que vous devriez faire eu égard à chacun d'entre eux.

M. le Président, il manque de procureurs. Ça... Le travail... Ils sont surchargés. Ils n'ont pas de soutien. Quand je vous dis que ce n'est pas juste une question de salaire: sept recherchistes versus 500 recherchistes en Ontario. Mais c'est aussi effectivement une question de salaire, parce que les procureurs de la couronne au Québec sont les moins bien payés. Ils sont bons derniers. Est-ce que, M. le Président, la justice vaut moins cher au Québec? Un indicateur, par exemple, pour savoir où on se situe, un indicateur pertinent, nous disent les études, pour évaluer le salaire des procureurs, c'est de les comparer avec celui d'un... ce qu'on appelle un juge provincial. Je n'aime pas beaucoup le mot, M. le Président, mais disons qu'au Québec c'est un juge de la Cour du Québec, et, dans les autres provinces, c'est un juge de juridiction provinciale. Bien, en Ontario, un procureur de la couronne gagne 79 % du salaire du juge de compétence... de juridiction provinciale. 79 % en Ontario, 72 % en Colombie-Britannique, 64 % au Manitoba et en Saskatchewan, 42 % au Québec. Un procureur de la couronne ne gagne même pas la moitié du salaire d'un juge de la Cour du Québec.

Un procureur de la couronne qui agit, M. le Président, pour le gouvernement fédéral, qui est un procureur fédéral, gagne des dizaines et des dizaines de milliers de dollars de plus qu'un procureur de la couronne du Québec, ce qui fait que bien souvent, le procureur de la couronne du Québec qui a son bureau au palais de justice de Montréal, tout à coup on apprend qu'il est rendu sur le boulevard René-Lévesque, au complexe Guy-Favreau, parce qu'il a décidé d'aller travailler comme procureur du gouvernement fédéral. Randall Richmond, Me Randall Richmond, M. le Président, un procureur de très grande qualité qui a fait des causes de meurtre, qui a fait des causes importantes depuis 30 ans, vient tout juste de dire: Bien, moi, ça suffit, je vais aller à un endroit où on va me donner des moyens pour travailler.

**(17 h 50)**

Parce que les procureurs fédéraux ont des moyens, ont des recherchistes. Ils ne font pas leurs photocopies tout seuls, puis ils ne font pas leurs recherches tout seuls, puis ils ne cherchent pas leur jurisprudence sur l'heure du midi. Ils ont une équipe, ils ont des moyens à la hauteur de la responsabilité qu'ils ont. On leur... on lui donne, au fédéral, des moyens et on lui donne aussi, M. le Président, on lui donne aussi un salaire qui démontre qu'on reconnaît cette expertise pointue qu'il a. Et encore tout récemment on me disait: Un procureur qui gagnait 80 000 $ par année vient de transférer au fédéral pour 115 000 $. Vous voyez le genre de situation, M. le Président. Et, si c'était en Ontario, ce serait encore pire, parce qu'un procureur qui travaille à Hull, procureur du Québec qui travaille à Gatineau, par rapport à un procureur de l'Ontario qui travaille à Ottawa ou à Hawkesbury, bien le procureur à Hawkesbury puis à Ottawa gagne deux fois plus cher que le procureur qui est à Gatineau. Est-ce que la justice vaut moins cher à Gatineau qu'à Hawkesbury ou à Ottawa, M. le Président? C'est ça, le problème. Alors, vous comprenez que c'est difficile, avec les conditions actuelles, avec les moyens qu'on donne à nos procureurs, de recruter et de maintenir, de garder en poste des avocats d'expérience. Et je vous parlerai des juristes tantôt, mais c'est un peu la même chose avec les juristes. Dès qu'ils développent cette expertise, ils s'en vont ailleurs parce qu'ils ne sont pas considérés lorsqu'ils sont à l'emploi du gouvernement du Québec.

Alors, qu'est-ce qui arrive? Les départs à la retraite sont comblés par des procureurs plus jeunes, moins expérimentés. Il y a un exode. Je vous donnais quelques exemples. Il y a des... Il y a un exode vers le fédéral, il y a un exode vers le privé. M. le Président, la situation des procureurs de la couronne au Québec est préoccupante, et malheureusement le gouvernement... préoccupante depuis de nombreuses années, et malheureusement le gouvernement, depuis 2005, n'a rien fait pour améliorer les moyens et les conditions de travail de nos procureurs de la couronne.

Un autre exemple, M. le Président: les dossiers en appel. Les procureurs de la couronne portent de moins en moins de causes criminelles devant la Cour d'appel, seulement 43 à Montréal et 30 à Québec, sur un grand total de 414. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'on n'a pas le temps d'aller en appel. Vous savez ce que c'est, aller en appel. Ce n'est pas évident, il faut fouiller, il faut faire une recherche, il faut monter un mémoire, il faut être capable d'affronter les trois juges de la Cour d'appel qui nous attendent. Ça demande une préparation. La couronne n'a pas le temps d'aller en appel, et cela, comme le disait ici un intervenant, cela peut entraîner une injustice pour les plaignants.

M. le Président, je vous parlais tantôt des procès où on s'attaque au crime organisé. Savez-vous, M. le Président... Évidemment, je n'ai pas besoin de vous dire que les quelques procureurs de la couronne qui sont là, là, font face à une batterie d'avocats. Dans le procès SharQc, là, M. le Président, il y a 60 avocats de la défense. Certains ont... plusieurs d'entre eux ont des ressources financières illimitées, sont capables d'aller chercher les décisions de jurisprudence les plus pointues pour défendre leurs clients.

Aujourd'hui, d'ailleurs, soit dit en passant, ces personnes qui ont été accusées dans l'opération SharQc doivent rire en maudit puis ils doivent être contents en maudit, ces criminels qui sont présentement accusés par le gouvernement, M. le Président, parce que là ils voient que Me Chartrand... Me Chartrand, M. le Président, je l'ai connu, moi, il y a 30 ans. Je peux vous dire une affaire, c'était un procureur de la couronne qui était sévère, M. le Président, qui était à son affaire, compétent, sévère. Me Giauque, je l'ai connue aussi. Bien, je peux vous dire une chose: Aujourd'hui, j'en connais qui sont dans leur cellule à Bordeaux, puis je peux vous dire une chose: ils sont contents en maudit de savoir que Me Chartrand a démissionné, que Me Giauque a démissionné. Puis je connais des gens de gangs de rue qui sont contents que Me Carrière, qui a aussi 35, 40 ans d'expérience, Me Carrière ait démissionné. Les gagnants aujourd'hui, c'est les criminels, M. le Président, c'est ceux qui font face présentement à des accusations criminelles devant nos tribunaux.

Alors, je vous disais: Dans ces procès-là, vous avez quelques procureurs, qui là ne sont plus là parce que la plupart d'entre eux ont démissionné aujourd'hui, mais face à une batterie d'avocats, les meilleurs, avec un grand nombre de ressources. Et même ceux des accusés qui sont sur l'aide juridique... M. le Président, savez-vous comment gagne un avocat qui accepte un mandat d'aide juridique pour une cause comme celle, par exemple, qui s'annonce avec les Hell's Angels? 1 050 $ par jour, 1 050 $...

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Non, c'est en vertu d'une loi, Mme la... M. le Président. La présidente du Trésor me dit que c'est déterminé par un juge. Non, M. le Président. Suite à la loi qui a été adoptée l'an dernier, on a adopté des standards, et maintenant c'est des standards classiques. 1 050 $ par jour. Ça, c'est pour les avocats les moins bien payés, là, ceux qui acceptent des mandats d'aide juridique, là, qui n'ont pas les ressources illimitées que d'autres accusés peuvent avoir. 1 050 $ par jour! Un procureur, même les plus seniors, ceux dont je vous parlais tantôt, gagne moins de 400 $ par jour, et les juniors gagnent à peu près 200 $ par jour. Vous voyez un peu l'écart, M. le Président. C'est un déséquilibre total, déséquilibre total. Et je le dis aujourd'hui. Aujourd'hui, M. le Président, je vous le dis, le 21 février 2011: Il va arriver un jour un événement dommageable dans ces procédures-là parce que -- parce que -- les procureurs de la couronne qui sont là n'auront pas eu les moyens pour faire valoir tous les points de droit, pour faire valoir tous leurs arguments, toute la preuve, d'une manière la plus compétente possible, pour obtenir une condamnation. Je vous le dis, il va arriver quelque chose à un moment donné. On ne peut pas, à un moment donné, continuer à laisser les procureurs de la couronne, surtout ceux-là, sans moyens, sans soutien, puis qu'on pense que tout va se faire puis qu'après ça tout le monde va se retrouver en prison. Ce n'est pas comme ça que ça va se passer, M. le Président. Je vous le dis aujourd'hui, il va arriver un jour des acquittements, des arrêts des procédures, puis on dira: Bien, ah! coudon, hein? Bien, c'est ça, la réalité, M. le Président, les grands gagnants de l'attitude du gouvernement aujourd'hui, c'est les criminels, c'est les gens du crime organisé, parce qu'ils n'auront plus à faire face aux procureurs les plus chevronnés que nous avons dans notre système.

M. le Président, je termine sur les procureurs de la couronne. Je lisais quelques commentaires de certains d'entre eux. Ici, il y a un procureur qui dit: «J'avais beaucoup d'espoir suite à la nomination du DPCP, surtout que les pratiques de gestion allaient quitter le Moyen-Âge pour rattraper le 21e siècle. En rétrospective, rien n'a changé sauf le nom.»

Un autre ici: «Ce qui me dérange le plus, c'est la surcharge de travail qui ne me permet pas de bien représenter nos témoins et surtout de leur accorder tout le temps auquel ils auraient droit pour être prêts eux aussi, être rassurés et avoir au moins l'impression qu'il y a une certaine justice.»

Un autre: «[Avoir] des conditions pareilles, il n'est pas surprenant que les gens prennent de l'expérience à la couronne et passent de l'autre côté par la suite. C'est le McDo du droit...»

«Les procureurs de la couronne sont rémunérés pour 35 heures de travail par semaine [...] ne bénéficient pas de temps supplémentaire.» Mais 90 % d'entre eux disent effectuer des heures supplémentaires non rémunérées durant l'année qui a précédé le sondage.

M. le Président, un autre commentaire: «Je fais en moyenne 15 heures de temps supplémentaire juste pour arriver à me tenir la tête sortie de l'eau. Je ne vais pas en appel même si dans certains cas [ce] serait important d'y aller. Je plaide des sentences sans déposer de jurisprudence; des requêtes en vertu de la charte avec seulement mon Code criminel et les résumés de jurisprudence» qu'il y a dans le Code criminel. Ça, c'est la réalité de tous les jours, M. le Président. Un procureur de la couronne qui dit qu'il fait 15 heures de temps supplémentaire, parce qu'il a un minimum de conscience professionnelle, juste pour se tenir la tête au-dessus de l'eau, il ne va pas en appel parce qu'il n'a pas le temps, même si ce serait important, il plaide des sentences sans jurisprudence, juste avec le code puis les petits résumés de trois lignes qu'on peut retrouver dans le Code criminel. C'est ça, la réalité.

«Une justice de brousse», dit un autre. Et, pour terminer, un dernier: «Ces véritables miracles que nous faisons tous au quotidien, c'est dans l'indifférence qu'ils se produisent et au surplus pour une rémunération qui est la risée de tous nos collègues ailleurs au pays! Heureusement, nous pouvons compter sur notre solidarité [...] sur cette passion qui nous anime pour poursuivre, contre vents et marées, notre combat.»

Mais aujourd'hui, M. le Président, le procureur qui a dit ça, là, je ne suis pas sûr qu'il va avoir bien, bien le goût de continuer à se battre pour une rémunération qui fait la risée de tous les collègues ailleurs au Canada. Puis je ne suis pas sûr, M. le Président, qu'il va y avoir encore beaucoup de passion qui va l'animer, quand on ne se sent pas apprécié.

Puis, ce n'est pas un problème d'hier, M. le Président, c'est un problème qui date d'au moins six ans, sur lequel le gouvernement ne s'est pas penché, a laissé les choses traîner. M. le Président, c'est ça, la réalité des procureurs de la couronne.

M. le Président, je continue avec les juristes de l'État peut-être pour vous dire... je ne reprendrai pas ce que je vous disais tantôt, mais que la situation s'applique aussi à nos juristes de l'État, qui sont des avocats plaideurs à l'assurance automobile, aux Normes du travail, à la CSST. On me racontait, M. le Président, qu'un avocat plaideur du gouvernement qui a un procès le lundi matin à Gaspé part évidemment le dimanche, à ses frais; il part le dimanche midi, quitte sa famille puis il s'en va... bien, évidemment, il n'est pas rémunéré le dimanche... pour se retrouver, à 9 h 30, au palais de justice, le lendemain, à Gaspé, et plaider la cause qu'on lui a confiée.

Ce que ces juristes veulent -- parce qu'encore une fois, tout comme les procureurs de la couronne, ils sont les moins bien payés au Canada, je pense qu'ils étaient avant-derniers, M. le Président, depuis que l'étude a été faite, ils sont rendus les derniers -- ils souhaitent tout simplement qu'on reconnaisse leur travail, ce qu'ils ne sentent pas présentement, et qu'on leur donne, eux aussi, des moyens et un salaire qui va à la hauteur de ce qu'ils font.

**(18 heures)**

Et aujourd'hui le bâtonnier du Québec, Me Ouimet, disait: «...on risque de détruire la relation de confiance client-avocat qui est à la base du rôle de l'avocat dans une société de droit, alors que toutes les avenues de négociation n'ont pas été épuisées. Le gouvernement briserait ici -- il parle de la loi spéciale -- l'essentiel lien de confiance avocat-client, puisqu'il est l'employeur, mais aussi le client. Un lien de confiance qui pourrait bien prendre des années à reconstruire», M. le Président. Et effectivement je pense que ça va prendre des années à reconstruire le gâchis, le gâchis, M. le Président, et je pèse mes mots, que ce gouvernement libéral a créé depuis six ans et qu'il a accentué par le dépôt de sa loi spéciale aujourd'hui.

Je souligne au passage, M. le Président, que le Barreau du Québec appuie les revendications à la fois de l'Association des procureurs et de l'Association des juristes de l'État. Et ils ne sont pas seuls, M. le Président, écoutez, parmi ceux qui appuient les revendications des procureurs de la couronne, je vous en mentionne quelques-uns: le regroupement provincial des maisons de femmes victimes de violence conjugale qui, eux, voient ce que fait un procureur de la couronne sur le terrain, M. le Président, et qui voient comment ils sont débordés puis qu'ils manquent de temps pour s'occuper des victimes de violence conjugale; l'organisme Plaidoyer-Victimes; de nombreux corps policiers, en fait à peu près tous: la Sûreté du Québec, la Fraternité des policiers de la ville de Montréal, les policiers municipaux, M. le Président.

Et l'économiste Dominique Vachon, de l'Institut économique de Montréal, a rappelé, pour sa part, l'importance de revoir à la hausse le salaire des procureurs de manière à permettre l'embauche et la rétention de procureurs compétents et indépendants.

M. le Président, voilà la situation: nous avons un système de justice qui est en péril par un manque de ressources, par un manque de moyens. Les procureurs de la couronne sont un maillon essentiel de notre fonctionnement, et malheureusement le gouvernement, aujourd'hui, leur impose, pour la deuxième fois en cinq ans, une loi spéciale. C'est un gâchis monumental.

Je vous ai parlé, M. le Président, de Me Chartrand qui a quitté. Jean-Claude Hébert disait, dans Le Devoir, ce matin: Une loi qui risque de faire mal à la justice. Et il disait ceci: «En recourant à une loi spéciale, Québec risque de détériorer davantage un climat qui est déjà délétère.»

Me Chartrand, ma collègue de Taschereau tantôt vous a lu des extraits de sa lettre. C'est assez tragique de lire une lettre comme ça, M. le Président, de Me Chartrand, qui est le procureur en chef démissionnaire, depuis hier, au Bureau de lutte contre le crime organisé, et qui dit ceci: «De quoi sera fait l'après-demain? Nous verrons ces mêmes procureurs rentrer au travail les joues rouges et la tête entre les jambes. S'attend-on à les voir poursuivre leur travail avec la même vigueur?

«Qu'adviendra-t-il de ces projets en marche dans lesquels les forces policières ont investi des millions de dollars pour pouvoir lutter contre ces organisations criminelles toujours plus dévastatrices?

«Déjà, depuis plusieurs années, en raison du manque de ressources, je dois me démener auprès des forces policières pour retarder l'issue de projets, car nos effectifs limités ne nous permettent pas d'évaluer la preuve pour porter des accusations à l'intérieur du temps escompté.

«Actuellement, je n'arrive pas à combler mes postes disponibles pour relever l'important défi de l'opération SharQc pour lequel vous avez obtenu l'ajout de 16 procureurs. À ce jour, je n'ai que 10 procureurs et aucune candidature ne s'annonce. De [son] côté, la défense se compose d'une armada d'une soixantaine d'avocats dont plusieurs sont parmi les plus chevronnés de [la] profession.» C'est ça, la réalité, M. le Président.

Et il ajoute: «Dans ce contexte...» Il ajoute: «Pour y pallier, nos élus nous proposent -- le gouvernement libéral nous propose -- une loi spéciale.»

Je cite Me Chartrand: «Dans ce contexte -- je vous ai fait ma prédiction tantôt, M. le Président, voici celle de Me Chartrand -- je ne peux que manifester de sérieuses craintes quant à l'issue des procédures.»

Est-ce qu'il y a quelqu'un qui écoute en quelque part, là, M. le Président? On a mis des millions, des dizaines de millions, on a arrêté 150 Hell's Angels, et, aujourd'hui, les avocats qui sont chargés de poursuivre ces gens-là ont démissionné et celui qui était en charge du Bureau de lutte contre le crime organisé nous dit: «...je ne peux que manifester de sérieuses craintes quant à l'issue des procédures.»

M. le Président, vous vous en rappellerez, du 21 février 2010. Me Chartrand nous dit: Il y a un danger, et, lui, il quitte, Me Giauque quitte, les gens quittent. Qu'est-ce qu'il va se passer avec cette cause-là, M. le Président? Vous savez que, si ça traîne trop... vous savez ce qui va arriver, vous connaissez votre droit, M. le Président, vous connaissez la charte de 1982, vous savez ce que ça veut dire quand on n'est pas capable de tenir un procès dans un délai raisonnable. Puis je peux vous dire que les avocats de la défense, ils vont se charger de faire respecter la Charte canadienne, M. le Président. Puis là, demain matin, il n'y a plus personne qui s'en occupe. Et il ajoute, Me Chartrand... Ce n'est pas moi, qui parle, M. le Président.

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Oui. Puis vous devriez écouter, M. le ministre.

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Vous devriez écouter. Vous allez moins rire le jour où les 150 vont être acquittés suite à un arrêt de procédure. Vous allez moins rire.

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le député de Chambly. M. le député de Chambly. On s'adresse à moi.

M. St-Arnaud: Alors, M. le Président, Me Chartrand dit ceci: «Bien sûr que le 155 Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.» Puis Me Chartrand, là, il n'a rien à gagner, là. Il n'est pas en grève, là, lui. C'est un cadre. C'est le procureur chef. Il n'était pas en grève. Il assurait les services essentiels. Et il ajoute... Il fait un constat terrible: «Avons-nous les capacités financières de faire la lutte au crime organisé? Ça fait déjà plus de cinq ans que je dirige cette équipe et force est de constater que nous n'en avons plus les moyens.»

Il termine en disant: «...personnellement, je n'ai pas le courage d'assister à la déconfiture, conséquemment -- etc. -- je vous demande de me réaffecter à mes tâches de [simple] procureur le temps d'entreprendre les démarches appropriées pour hâter ma retraite.»

M. le Président, ce n'est pas moi qui dis ça, là, c'est quelqu'un qui est sur le terrain puis qui constate ce que ça veut dire, l'imposition de cette loi spéciale irresponsable de la part du gouvernement. J'ai été surpris, M. le Président, je n'ai pas encore croisé le député de Chomedey aujourd'hui. Mais il m'avait fait cadeau de son livre l'an dernier: Mom. Plusieurs, je présume, de l'autre côté, l'ont lu.

Curieusement, je n'ai pas vu le député de Chomedey aujourd'hui. Mais, là-dedans, il parle, M. le Président... il parle du procès de Mom Boucher. Il parle du procès de Mom Boucher et il rappelle le travail que Me France Charbonneau a effectué dans ce dossier-là. Je le recommande à tout le monde. Lisez les pages sur le travail d'un procureur de la couronne et sur la reconnaissance... sur l'importance du rôle d'un procureur de la couronne pour faire condamner des gens comme Mom Boucher. Lisez les quelques pages sur Me Charbonneau. Et il parle aussi d'ailleurs de Me Lebeuf, Carole Lebeuf, M. le Président, parce que vous savez que, dans le cas de Mom Boucher, il y a eu un premier procès. Il y a eu un acquittement. La couronne a décidé d'aller en appel. Il nous parle de Me Lebeuf, qui a mené le combat pour aller à la Cour d'appel, et il revient nous parler ensuite de Me Charbonneau qui a obtenu un verdict de culpabilité contre Mom Boucher.

Des témoignages comme ça, il y en a plein, M. le Président. Cette semaine, j'ai lu, le 10 février, en fait, dans La Presse, un ancien policier de la Sûreté du Québec, Michel Oligny, qui, parlant des procureurs de la couronne, nous dit: Ce sont les enfants pauvres du système pénal: «Les procureurs de la couronne méritent de meilleures conditions de travail.»

Il nous dit: «Lorsque j'étais policier à la Sûreté du Québec, j'ai côtoyé pendant 26 ans les procureurs de la couronne, ces hommes et ces femmes pour la majorité dédiés à une cause: que justice soit faite dans le respect de la loi, de la Constitution et de la population.

«À mon avis, les procureurs de la couronne sont les enfants pauvres de notre système pénal québécois...»

Et plus loin, s'adressant à la population, il ajoute: «...vos procureurs sont vos représentants contre l'accusé qui, lui, par l'entremise de ses avocats, possède souvent des moyens financiers incroyables, des services de recherchistes compétents, des technologies à la fine pointe. Les procès de motards, du crime organisé, l'affaire Vincent Lacroix en sont d'excellents exemples.

«Les procureurs, eux, n'ont rien de cela ou presque. Leur salaire n'est pas équitable compte tenu de leurs responsabilités, leurs équipements sont encore désuets. Ils doivent effectuer leurs recherches eux-mêmes, calmer les ardeurs des policiers-enquêteurs, composer avec la pression des victimes et familles, négocier avec leurs collègues de la défense[...].

«[...]le rapport de force est rompu!

«Obligeons nos élus, quelles que soient nos opinions politiques, à agir immédiatement et à négocier un traitement plus que raisonnable dans ces circonstances avec les procureurs de la couronne, vos procureurs.

«J'espère de tout coeur que le gouvernement ne réglera pas ce conflit par une loi spéciale.»

Témoignage éloquent, M. le Président, de quelqu'un qui a été policier de la Sûreté du Québec pendant 26 ans, qui a vu travailler les procureurs de la couronne au quotidien.

**(18 h 10)**

Valère Audy, dans La Voix de l'Est, disait aussi, M. le Président, je vous le cite: «Le conflit opposant les procureurs de la couronne et les autres juristes de l'État au gouvernement du Québec fait une nouvelle fois la démonstration de l'erreur que commettent nos élus lorsque, pour des considérations budgétaires ou des motifs politiques, ils lésinent concernant la rémunération de certains professionnels à l'emploi de l'État...»

Yves Boisvert nous rappelait également, dans La Presse, le 9 février, que «le fait est que la dévalorisation relative de la fonction de procureur de la poursuite l'entraîne insensiblement vers la médiocrité.

«Ce n'est pas seulement ceux qui partent pour le fédéral ou la magistrature qu'il faut compter. C'est tout le talent perdu parce qu'il va voir ailleurs. Ces avocats jouent un rôle névralgique dans l'État et on ne peut pas faire comme si la concurrence n'existait pas.»

Je vous ai mentionné, M. le Président, le Barreau, les syndicats policiers, les associations de victimes. Plus que ça, on a même un regard étranger, M. le Président. Enfin, «étranger», ça dépend de qui le dit. Ça vient, M. le Président, de l'Association canadienne des juristes de l'État, qui compte 6 000 membres et dont le président a dit ceci: «La situation des juristes de l'État et des procureurs de la couronne au Québec est préoccupante. Ils sont de loin les moins bien payés de tous les juristes et les procureurs du Canada. Il faut absolument que quelque chose soit fait et rapidement. Il en va de la protection du public et de la justice du Québec. Sans règlement de la situation, les Québécois perdront assurément des juristes et des procureurs.»

Et il ajoute... C'est M. James Chaffe, président, donc, de l'Association canadienne des juristes de l'État, qui ajoute: «Le gouvernement provincial soutient qu'il prône l'ordre public et qu'il sévit contre les gangs, les criminels en col blanc et la corruption. Mais ce sont en réalité les juristes québécois qui, au terme de longues heures de travail et à des salaires qui se situent au minimum de l'échelle nationale, s'occupent de ces enjeux importants.»

Les procureurs sont au coeur de cette lutte, M. le Président, ils sont au coeur de cette lutte, et on ne leur donne pas les moyens pour qu'ils puissent continuer à faire cette lutte que, tous ici, nous reconnaissons être une priorité.

M. le Président, ce qui se passe aujourd'hui est un gâchis monumental. Pour la deuxième fois, le gouvernement adopte une loi spéciale pour décréter les conditions de travail de ses procureurs et de ses juristes de l'État. M. le Président, la Justice, c'est un pilier de notre démocratie. Nos institutions judiciaires sont au coeur de notre démocratie et le gouvernement, malheureusement, a choisi de laisser cette institution se délabrer, M. le Président.

Et je vous avoue que ça m'inquiète quand je vois ce qui va arriver dans les prochains mois. Bien sûr, il va y avoir d'abord une démoralisation généralisée. Le procureur, tantôt, que je citais, qui nous disait faire 15 heures de temps supplémentaire bénévolement par semaine, je ne pense pas qu'il va avoir bien, bien le goût, dans les prochains mois, de faire ses heures de temps supplémentaire. Il va y avoir une démoralisation généralisée, les gens vont s'en tenir au strict minimum.

Mais, pire encore, dans les escouades importantes, comme celles de lutte contre le crime organisé, comme celles du blanchiment d'argent, dans ces escouades dont on nous a vanté la création depuis un an et demi, que ce soient les escouades sur le crime économique, sur les crimes de... à col blanc, l'escouade Marteau, l'escouade qu'on avait créée en septembre 2009, créée par Jacques Dupuis, le prédécesseur de l'actuel ministre, il y avait des procureurs là-dedans, ces procureurs sont en train de quitter. C'est qui qui va faire le travail?

M. le Président, c'est bien beau mettre de l'argent dans la police, dans les forces policières, et nous en sommes, mais en parallèle il faut aussi s'assurer que le maillon suivant, qui est de transposer ça devant nos tribunaux pour obtenir une condamnation hors de tout doute raisonnable, que ce maillon-là soit là, qu'il existe. Mais, quand je vois, M. le Président, Claude Chartrand, procureur-chef de l'équipe de lutte contre le crime organisé qui démissionne, Madeleine Giauque, son adjointe pour l'opération SharQc qui démissionne, Roger Carrière, qui s'occupe des gangs de rue, son autre adjoint, qui démissionne, quel gâchis! Et dans quelle situation allons-nous nous retrouver?

M. le Président, au cours des derniers jours, j'ai souvent dit que le gouvernement avait été irresponsable, mais, je vous le dis, là, quand je vois la situation actuellement, c'est plus que de l'irresponsabilité, ça n'a aucun bon sens de poser un geste comme cette loi spéciale que ce gouvernement, par sa majorité, va imposer à l'Assemblée nationale au cours des prochaines heures, enfin au cours de la prochaine nuit.

M. le Président, depuis huit ans, le gouvernement libéral nous a habitués à bien des gestes insensés. Il a échoué dans bien des domaines. Tout le monde le reconnaît, M. le Président. Il a échoué en matière de santé avec des urgences qui débordent plus que jamais. Il a échoué, toujours en santé, avec ce fameux CHUM, M. le Président, qui serait aujourd'hui en opération si on n'avait pas remis en question les décisions qui avaient été prises par le gouvernement du Parti québécois en 2000, 2001, 2002, M. le Président. Aujourd'hui, des gens seraient en train d'être servis dans les hôpitaux, d'être soignés dans les hôpitaux du CHUM si on n'avait pas renversé la décision de ma collègue députée de Charlevoix qui avait déjà procédé au départ de ce CHUM au coin de Saint-Denis et Rosemont.

M. le Président, ce gouvernement, dans bien des domaines, a échoué. Il a échoué donc en matière de santé, urgences, record type... record majeur... record, M. le Président, de temps d'attente dans les urgences; le CHUM, une catastrophe. Des fois, on se demande si on va voir le CHUM, M. le Président, de notre vivant.

Échec aussi en matière de relations fédérales-provinciales où ce gouvernement a été probablement... aura été le pire gouvernement en termes de revendications... de défense des droits du Québec, de défense des revendications du Québec, probablement le pire gouvernement de notre histoire depuis Adélard Godbout, M. le Président. Échec en ces matières.

Échec en matière linguistique, M. le Président. On a seulement à se promener dans la région de Montréal pour comprendre qu'il y a aussi un échec en matière linguistique.

Échec en santé, échec en relations fédérales-provinciales, échec dans le domaine de la langue, et aujourd'hui, aujourd'hui, M. le Président, s'ajoute à ça et d'une manière, comme je vous le disais au départ, d'une manière qui est particulièrement attristante, aujourd'hui, échec en matière de justice, M. le Président.

Le gouvernement laisse tomber nos procureurs de la couronne, le gouvernement laisse tomber notre système de justice. Ai-je besoin de vous rappeler, M. le Président, que c'est au Québec, de toutes les provinces canadiennes, c'est au Québec que l'on consacre le moins per capita à l'administration de la justice. Et les salaires des procureurs de la couronne et des juristes vont dans ce sens-là également, puisque ce sont eux qui sont les procureurs de la couronne et les juristes de l'État les moins bien payés. C'est ceux à qui on donne le moins grand nombre de moyens, M. le Président. C'est un sous-financement de notre système de justice et de la justice qui donne des résultats désastreux. Et malheureusement, avec le gâchis monumental que ce gouvernement est en train de faire... On a essayé de l'arrêter, M. le Président, on va continuer à le faire toute la nuit, à la mesure de nos moyens, mais malheureusement ce gouvernement est en train d'aller de l'avant avec cette loi, cette loi n° 135 qui est un gâchis monumental. C'est plus que de l'irresponsabilité. Je manque de mots, M. le Président, pour vous dire comment je qualifie l'attitude du gouvernement, aujourd'hui, eu égard à ses procureurs de la couronne et aux juristes de l'État.

M. le Président, ce que je peux vous dire, c'est que, de ce côté-ci de la Chambre, il est 18 h 20, nous aurons encore... nous serons encore plusieurs à intervenir tout au long des prochaines heures. Nous reviendrons toute la nuit avec tous les outils parlementaires que nous avons, M. le Président, jusqu'au lever du soleil demain, mais nous ne lâcherons pas sur ce dossier. Nous allons continuer à interpeller le gouvernement en espérant, mais je vous avoue que j'ai un peu perdu espoir de ce côté-là, mais en espérant qu'il se rende compte de la situation, qu'il se rende compte du gâchis monumental qu'il est en train de créer avec toutes ces démissions qui nous arrivent minute après minute, heure après heure, M. le Président, qu'il est en train de faire un gâchis terrible.

Et j'espère, M. le Président, que nous allons... mais, comme je vous dis, j'ai un peu perdu espoir à cet égard, mais, en tout cas, nous allons faire tout ce que nous pouvons, de ce côté-ci de la Chambre, pour continuer à interpeller le gouvernement pour arrêter ce rouleau compresseur qui vise à faire adopter ce projet de loi qui est complètement irresponsable, le projet de loi n° 135. Je vous remercie, M. le Président.

**(18 h 20)**

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Chambly, de votre intervention. Et je reconnais maintenant M. le chef du deuxième groupe parlementaire. Alors, à vous la parole pour votre intervention, en sachant que vous avez le droit d'utiliser 21 minutes si vous décidez de le prendre au complet. À vous.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, notre système de justice est un des piliers de notre nation, et ça, c'est vrai pour toute démocratie. Il y a l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Et c'est essentiel d'avoir un système judiciaire qui soit solide, qui soit fort pour assurer une démocratie saine. Or, M. le Président, au moment où l'on se parle, notre système de justice au Québec vit un véritable chaos. Et rarement aura-t-on vu une situation dégénérer de façon aussi spectaculaire, et le seul et unique responsable... le seul et unique architecte de cette situation désastreuse, c'est le gouvernement actuel.

Jamais dans l'histoire, M. le Président, les procureurs de la couronne n'auront été en grève. Jamais dans l'histoire, M. le Président, les procureurs de la couronne n'auront été obligés de retourner au travail par une loi spéciale. Et jamais dans notre histoire, M. le Président, n'aura-t-on vu des démissions massives de procureurs de la couronne. Ça, c'est le bilan actuel du gouvernement, du gouvernement libéral, concernant la gestion du système de justice. Ça fait bientôt huit ans, M. le Président, qu'ils sont au pouvoir, et ils sont les responsables de A à Z de la situation catastrophique que nous vivons aujourd'hui.

D'abord, regardons certains éléments pour bien comprendre l'état de la situation. Quand on parle d'officiers de justice, quand on parle de procureurs de la couronne, on parle de personnages qui sont essentiels et qui jouent un rôle très délicat dans notre système judiciaire. Ce sont eux qui doivent porter les accusations contre les criminels. Ce sont eux qui doivent démontrer, hors de tout doute raisonnable, si tel individu a commis un meurtre, si tel individu a commis un vol, si tel individu a commis des voies de fait. Ces gens-là, M. le Président, ont une responsabilité incroyable concernant notre vie en société. C'est eux qui doivent épurer notre société des criminels. C'est eux qui doivent prouver, hors de tout doute raisonnable, que les gens à qui on va soustraire le droit de vivre en liberté... Donc, il faut que ces gens-là soient très forts. Ces gens-là ont une responsabilité où il faut qu'ils soient... qu'ils reposent sur des assises solides. Ces gens-là jouent un rôle majeur dans notre vie sociale, M. le Président, dans notre vie nationale. Il faut en être conscients.

J'ai eu le plaisir, M. le Président, pendant 20 ans, d'être journaliste et j'ai assisté à des dizaines de procès. Et il faut voir toute l'importance que ces gens-là ont dans notre système de vie, dans notre système judiciaire et comment ces gens-là doivent être bien préparés. Or, M. le Président, la démonstration est faite que ces gens-là sont non seulement sous-payés, sous-équipés, mais surtout ça amène des dérives majeures et catastrophiques -- et je pèse le mot, M. le Président -- catastrophiques pour notre vie en société.

Savez-vous qu'un criminel a quatre fois plus de chances d'être acquitté au Québec qu'ailleurs au Canada? Quatre fois plus de chances. C'est terrible quand on voit ça. C'est notre système de justice, c'est l'équité dans notre société qui est ainsi mise à mal par le fait que ce gouvernement-là a tardé à prendre des décisions réalistes et responsables et a laissé une dérive totale concernant notre système judiciaire, et il mérite d'être sévèrement condamné pour cette réalité-là.

Regardons donc l'état de la situation concernant les procureurs de la couronne au Québec. Il a été beaucoup question des salaires de nos procureurs, et on entendait les discours ministériels disant: Ils demandent 40 % d'augmentation de salaire, ça n'a pas de bon sens, il ne faut pas aller jusque-là, ta, ta, ta. M. le Président, les procureurs de la couronne ne réclament pas 40 % d'augmentation de salaire, les procureurs de la couronne réclament un rattrapage normal, réaliste par rapport à leur situation, face que ce qui se vit à l'extérieur du Québec. Il y a un décalage de 35 % entre leur salaire et la moyenne canadienne, 35 %, M. le Président, ce n'est quand même pas rien. Alors, c'est sûr qu'on ne peut pas arriver du jour au lendemain puis dire: O.K., c'est beau les «boys», on va vous augmenter de 40 % les salaires, puis c'est beau, on n'en parle pas. C'est sûr qu'on ne peut pas faire ça. Bien entendu. Mais, M. le Président, si on a un tel décalage, c'est parce que, pendant des années, année après année, on a laissé les choses dériver comme ça.

Et, M. le Président, je dois vous le rappeler, vous le savez mieux que moi, ça fait neuf fois que vous avez été... huit fois que vous avez été élus, donc vous le savez, il y a eu élection en 2003, le 14 avril, et le Parti libéral a été élu, il y aura bientôt huit ans. Ça fait huit ans qu'ils sont au pouvoir et ils ont laissé dépérir la qualité de notre système judiciaire, et ça, c'est irresponsable.

Donc, oui, on parle des salaires, mais regardons aussi, et ça, c'est peut-être plus alarmant, M. le Président, le traitement des dossiers judiciaires au Québec. Et ça, je vous avoue, quand j'ai été mis au fait de cette réalité-là, ce sont des chiffres qui font peur. Il faut dire les mots tels qu'ils sont: ce sont des chiffres qui font peur. M. le Président, le taux d'acquittement au Québec est de 13,1 %. La moyenne canadienne, c'est 3,2 %. Et ça revient à ce que je vous disais tantôt. Au Québec, un criminel a quatre fois plus de chances d'être acquitté qu'ailleurs au Canada. 13,1 % de taux d'acquittement au Québec, alors que la moyenne canadienne est de 3,2 %. Ça n'a pas de bon sens. Comment se fait-il, M. le Président, qu'on en arrive à une telle situation qui est inquiétante? Il faut dire les choses telles qu'elles sont: Notre système judiciaire n'est pas tenu comme il se doit. C'est inquiétant de voir qu'un criminel au Québec a quatre fois plus de chances d'être acquitté qu'à l'extérieur du Canada parce que, nous, au Québec, nous avons 450 procureurs de la couronne. Ce n'est vraiment pas suffisant, M. le Président.

En Ontario, c'est 900. Vous allez me dire évidemment: en Ontario, il y a plus de population. D'accord. Oui, c'est vrai. Mais du simple au double? Non, ça ne tient pas la route. Les procureurs estiment que ça en prendrait au moins 200 pour atteindre la moyenne canadienne, donc d'augmenter de près de 50 % le nombre de procureurs actuel. C'est clair que c'est beaucoup, c'est clair que c'est même immense, mais c'est clair aussi qu'on a laissé, pendant huit ans, sous ce gouvernement-là, dépérir notre système de justice, et ça, c'est inacceptable.

Délais en justice criminelle qui, au cours des 10 dernières années, ont augmenté de 55 %. Et, dans un sondage mené auprès des procureurs eux-mêmes, 80 % disent ne pas faire... ne pas avoir la satisfaction du travail professionnel fait comme il se doit. Ça, ça veut dire, M. le Président, que quatre procureurs sur cinq trouvent qu'ils ne font pas une bonne job. Ça ne va pas bien, là. Ça ne va pas bien. Mille tonnerres, on ne parle pas de petites jobs de rien, là, on ne parle pas d'une job d'été, là. On parle d'officiers qui dirigent la justice, on parle de gens qui ont la responsabilité d'amener des criminels en prison, on parle de gens qui sont là pour défendre la veuve et l'orphelin, puis il y en a quatre sur cinq qui trouvent qu'ils ne font pas une bonne job parce qu'ils n'ont pas les outils nécessaires. M. le Président, il faut redresser la situation. On ne peut pas laisser les choses aller comme ça, et ce gouvernement, pendant huit ans, a laissé les choses aller comme ça. Et les trois quarts disent qu'ils n'ont pas le temps de traiter comme il se doit les cas qui leur sont proposés.

Donc, M. le Président, ce n'est pas juste une question de salaire. C'est facile et réducteur de la part du gouvernement de dire que c'est une question de salaire. Ce n'est pas le cas. Oui, il faut faire un rattrapage salarial, mais, d'abord et avant tout, il faut équiper nos officiers de justice correctement.

Ça passe par le nombre aussi de personnes qui vont leur donner un coup de main. Il ne faut pas uniquement regarder le procureur comme un élément isolé. Il faut voir les recherchistes, il faut voir les officiers qui sont là pour les aider dans l'appareil judiciaire. Savez-vous, M. le Président, qu'au Québec il y a sept recherchistes pour les procureurs, alors qu'en Ontario savez-vous combien il y en a? Deux, trois, quatre fois plus? Il y en a 500, M. le Président, pour les 900 procureurs. Nous autres, au Québec, il y en a sept. Il me semble qu'il y a un petit déséquilibre. Et, comme le disait tout à l'heure le député de l'opposition officielle, il nous rappelait qu'un procureur de la couronne a peut-être d'autres choses à faire que d'aller faire des photocopies, a peut-être d'autres choses à faire que d'aller porter des documents pour avoir le sceau de la justice. Il a sûrement d'autres choses à faire que ça. Le procureur de la couronne doit être là à travailler dans la jurisprudence, à faire la recherche nécessaire, à interroger les témoins, à contre-interroger les témoins, à travailler avec les policiers. Mais non, M. le Président, ils n'ont pas le temps de travailler comme il faut.

Il faut voir l'affaire au-delà du simple salaire. C'est les conditions de travail qui sont mises en cause là-dedans, M. le Président. Et c'est pour ça que j'en appelle à la responsabilité du gouvernement qui, pendant huit ans, a laissé la situation dépérir de la sorte. Et, résultat, qu'est-ce qu'on voit? Eh bien, on se retrouve aujourd'hui dans le mur. On se retrouve avec une loi spéciale.

On voit un gouvernement -- et ça, c'est inédit -- en 2007, qui a accordé le droit de grève à un groupe de travailleurs qui n'en voulait pas. Je ne m'en souviens pas, là. Je ne me souviens pas, M. le Président, dans notre histoire -- et j'aime bien ça, l'histoire, mais des fois on ne sait pas tout, là -- je ne me souviens pas, dans notre histoire nationale, d'avoir assisté à un gouvernement qui donne le droit de grève à un groupe qui n'en veut pas. Généralement, c'est le contraire, mais là voilà que le gouvernement, en 2007, a accordé le droit de grève aux procureurs pour aujourd'hui le retirer par loi spéciale. Ces gens-là ont exercé leur droit de grève, légitimement reconnu par le gouvernement, et voilà que, comme ça ne fait pas leur affaire, bang!, ils envoient une loi spéciale. Mais c'est le gouvernement lui-même qui a donné le droit de grève aux procureurs. C'est le gouvernement lui-même qui a été l'architecte du chaos d'aujourd'hui non seulement en laissant traîner les dossiers, non seulement en n'augmentant pas les salaires comme il se doit aux procureurs, non seulement en faisant en sorte qu'ils ne sont pas équipés comme il se doit, mais en plus il leur donne le droit de grève. Résultat: aujourd'hui on a une grève, ils ne sont pas contents, bang!, ils envoient une loi spéciale. Ce sont les architectes de A à Z de la crise actuelle, et ça mérite d'être souligné et d'être condamné vigoureusement.

**(18 h 30)**

Il y a eu des négociations, on ne peut pas mettre en cause la bonne foi des gens, bien entendu, M. le Président. Mais sans rire, là, quand j'entends la présidente du Conseil du trésor dire: On fait un blitz de négociations, aïe! ça s'en vient bien, là, ça va bien, ça a duré 18 minutes. Je n'appelle pas ça un blitz, moi là, là, j'appelle ça un clin d'oeil, ce n'est rien d'autre que ça. Un blitz, c'est: O.K. C'est beau, on s'assoit, ça va. On se fait amener des sandwiches, de la liqueur, tout ça, puis on travaille, comme disait Maurice Bellemarre dans le temps, hein, le premier ministre du Travail dans les années soixante, 1968, il avait réglé la première grève dans la fonction publique en disant: On va fermer la porte, on va la barrer, on fait venir des sandwiches, tout ça, puis on règle ça. C'est ça, un blitz.

Ça a duré 18 minutes, M. le Président, on ne peut parler de blitz. On ne peut pas parler de blitz, non, et c'est pour ça que les gens... Puis écoutez, M. le Président, je le disais tantôt à ma collègue, qui est également avocate, la députée de Lotbinière et leader parlementaire de mon groupe parlementaire, on les voyait quitter, les procureurs de la couronne, qui étaient tous ici lors du vote, qui, soit dit en passant, lors du vote qu'il y a eu... Généralement, lorsque le ministre parrain du projet de loi, oui, le ministre parrain du projet de loi présente... le vote a lieu, eh bien, généralement, les députés ministériels applaudissent le ministre en question. Curieusement, ça n'a pas eu lieu tantôt. Pour moi, il y en a qui n'ont peut-être pas la conscience en paix. Mais ça se comprend, M. le Président, une loi spéciale, c'est tout sauf démocratique et c'est tout sauf parlementaire, et il faut l'éviter le plus possible.

Pour revenir, M. le Président, au point que j'avais en tête tout à l'heure, les procureurs de la couronne, ce sont des officiers de justice. Les juristes du gouvernement, ce sont des officiers de justice, des gens qui ont fait des grandes études, des gens qui ont le sens du service public à coeur, pas une bande de voyous, là. Ce n'est pas une bande de bornés, là, c'est des gens intelligents qui ont le service public à coeur, des monsieurs, des madames, là, des gens qui ont du coffre, et voilà que ces gens-là sont traités par une loi spéciale. C'est déshonorant, M. le Président, et c'est malheureux de voir que notre système de justice est si mis à mal.

Et résultat de tout ça, résultat du fait que le gouvernement a laissé pendant huit ans à la dérive notre système de justice, résultat du fait qu'en 2007 ils ont accordé le droit de vote... résultat du fait que ces gens-là ont exercé leur droit de grève, pardon, résultat du fait que ces gens-là ont maintenant exercé leur droit de grève, on se retrouve aujourd'hui avec une loi spéciale, de l'inédit, du jamais-vu. Eh bien, ce qui devait arriver arriva, M. le Président: démissions massives de procureurs de la couronne. Au moment où on se parle, le dernier chiffre que j'avais, c'était une quarantaine de procureurs chefs et adjoints qui ont décidé de quitter leurs fonctions. Ça, M. le Président, là, le gouvernement aura beau faire des lois spéciales qu'ils voudront, aura beau obliger les procureurs de la couronne à revenir au travail demain, à 13 heures, les procureurs en chef ne seront plus là. C'est le chaos.

Encore une fois, M. le Président, c'est le gouvernement actuel qui est l'architecte de A à Z de cette situation-là. Ils nous en avaient parlé, les procureurs de la couronne, lorsqu'on les a rencontrés il y a une dizaine de jours ici avec notre caucus, ils nous avaient dit: Si, par malheur, il y a une loi spéciale, attention! il va y avoir des démissions massives. Eh bien, c'est exactement ce qui se passe aujourd'hui, notre système judiciaire vit le chaos, et ça, c'est parce que, malheureusement, le gouvernement a manqué à sa tâche.

Me Claude Chartrand, chef du Bureau de lutte contre le crime organisé, un avocat reconnu, prestigieux, un avocat émérite, un avocat qui commande le respect, 32 ans de pratique, décide de quitter. Bien, au-delà de ça, M. le Président, au-delà des personnalités, au-delà du nombre, c'est la symbolique que ça représente, bien entendu, mais c'est, d'abord et avant tout, la gestion de notre système judiciaire. Il y a de grands procès qui ont cours actuellement. 155 sympathisants et membres des Hell's Angels sont actuellement en procès. Que va-t-il arriver de ces gens-là? Tout ce qu'on peut souhaiter, M. le Président, c'est que ces criminels-là, que ceux qui sont en mise en accusation aient droit à un procès juste et correct, bien entendu, et une défense pleine et entière, bien entendu, mais que ça se passe correctement. Or, tout indique que ça ne pourra pas se passer correctement en raison de la crise créée de toutes pièces par ce gouvernement d'abandon qui a abandonné notre système judiciaire actuellement.

Et, au-delà de ça, M. le Président, c'est toutes les opérations qui ont cours dans notre monde policier parce qu'il faut comprendre... Vous le savez, évidemment, mais il faut comprendre que, dans notre système, bien, mettons, vous avez des criminels, les policiers les arrêtent. Pour les amener au palais de justice, ça prend des accusations, qui, elles, sont évidemment préparées par les procureurs de la couronne, et, après ça, un juge décide si, oui ou non, la personne a vraiment commis l'acte qui lui est reproché. Mais, pour ça, il faut que toute la chaîne fonctionne comme il le faut. Mais là voilà que la chaîne va casser au niveau des procureurs de la couronne. Ça veut donc dire, M. le Président, que tout le travail fait en amont, tout le travail fait par les escouades policières, tant vanté -- à juste titre, d'ailleurs -- par le gouvernement, eh bien voilà que ce travail-là risque de faire pouet, pouet, pouet, risque de tomber par terre, risque d'être égrené, risque d'être émietté parce que ce gouvernement a abandonné les procureurs de la couronne.

C'est un ensemble, il faut le voir dans l'ensemble, M. le Président. Mais, par malheur, ce gouvernement a abandonné les procureurs, avec le résultat que, toutes les opérations policières, SharQc, Marteau, les escouades contre les gangs de rue, et tout ça, eh bien tous les efforts déployés par des centaines de policiers qui, eux aussi, ont le coeur à l'ouvrage, qui veulent que ça fonctionne puis voient le bien commun, bien tous ces efforts, tout ce travail risque d'être émietté parce que, justement, ce gouvernement n'a pas pris les mesures nécessaires pour avoir un système de justice qui se respecte au Québec.

Eh bien, ça, quand on sait que ce gouvernement n'a de cesse de dire: On ne veut pas voir les criminels à la télévision, on veut les voir en prison, bien, pour ça, il faut que les tribunaux fonctionnent. Et, à cause de ce gouvernement-là, les tribunaux ne fonctionnent pas. Donc, le travail des policiers risque de s'effoirer en raison de l'inaction de ce gouvernement, et c'est pourquoi, M. le Président, on se retrouve aujourd'hui dans une situation qui est décevante, qui est malheureuse, qui est hautement condamnable, mais qui, malheureusement, est l'apanage de ce gouvernement.

En matière de santé, M. le Président, ce gouvernement, la main sur le coeur, s'était fait élire en 2003: Nous allons régler les problèmes en urgence. On n'a jamais autant attendu depuis que ce gouvernement est là. À l'époque, en 2003, c'était 16 heures d'attente. Aujourd'hui, c'est 17 heures d'attente dans les urgences. Ce gouvernement qui s'était dit, la main sur le coeur: Nous allons lutter contre le décrochage scolaire, nous allons faire de l'éducation notre priorité, M. le Président, jamais autant de Québécois n'auront décroché du système scolaire, avec ce gouvernement-là. Ce même gouvernement qui s'était fait élire en 2003 en disant: Nous autres, on connaît ça, l'économie, nous autres, on connaît ça, les finances publiques, on a plein de gens qui sont bardés de diplômes, et tout ça, puis, attention, on sait gérer ça, nous autres, jamais le Québec n'aura été aussi endetté, et jamais un premier ministre n'aura autant endetté le Québec que l'actuel premier ministre. C'est ça, la signature de ce gouvernement-là: dis une chose, fais son contraire. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.

Et voilà que ce gouvernement non seulement a-t-il attaqué les fondements de notre système de santé, le système d'éducation, les finances publiques, voilà qu'il attaque notre système judiciaire. Du jamais-vu, M. le Président. On aurait pu croire, on aurait pu rêver, on aurait pu imaginer qu'au moins ce secteur-là aurait été prémuni. Eh non, M. le Président, eh non, quel malheur! Ce gouvernement-là a laissé s'émietter ce pilier essentiel qu'est le système judiciaire au Québec par sa propre et sa seule et unique responsabilité parce qu'il n'a pas su reconnaître et identifier les problèmes avant qu'ils ne surviennent, avec le résultat aujourd'hui, M. le Président, que jamais dans notre histoire nationale n'aura-t-on vu autant de chaos et de crises dans notre système judiciaire: départs massifs de procureurs en chef, de procureurs adjoints, loi spéciale pour retour au travail dans notre système judiciaire et également grève des procureurs et des juristes de l'État. C'est du jamais-vu, M. le Président, et c'est très décevant de voir que ce gouvernement-là en soit réduit à imposer une loi spéciale.

C'est devenu presque une coutume pour ce gouvernement-là. Au cours des huit derniers mois, à trois reprises, la Chambre a été convoquée d'urgence pour une loi spéciale. Et je crois que, depuis 2008, on est rendus à quatre, mais c'est possible que je me trompe là-dessus, je n'ai pas pu vérifier. Mais, au cours des huit derniers mois, c'est trois fois. On ne peut pas, M. le Président, gouverner à tous les six mois avec une loi spéciale, on ne peut pas faire ça. Ça peut arriver à l'occasion parce qu'une opposition -- et je nous inclus là-dedans -- peut être butée sur un principe et ainsi freiner le travail parlementaire régulier. Ça fait partie des règles, et donc c'est pour ça que ça existe, cette histoire-là. Mais, M. le Président, de voir ainsi notre système de justice mis à l'abandon par ce gouvernement, ça, c'est inacceptable et c'est intolérable, et c'est pourquoi, M. le Président, jamais on n'aurait pu imaginer que ce gouvernement, qui s'est distingué en disant une chose et en faisant le contraire, allait attaquer ce pilier fondamental qu'est le pilier de la justice.

Nous avons le pouvoir exécutif, c'est-à-dire le Conseil des ministres, le pouvoir législatif, c'est-à-dire l'Assemblée nationale, et le pouvoir judiciaire, et il faut établir une distinction, il faut établir un mur entre chacun de ces pouvoirs-là pour s'assurer que, justement, tous ces piliers-là soient respectueux et travaillent bien, comme il se doit. Et, malheureusement, le gouvernement a émietté les fondements de ce pilier essentiel qu'est notre système de justice, et c'est malheureux, M. le Président. Alors que 85 % des Québécois réclament la tenue d'une enquête publique dans le domaine de la construction, ce gouvernement n'a de cesse de nous dire: Laissez les policiers faire leur travail, laissez les procureurs faire leur travail. On aimerait bien, M. le Président, mais ils ne peuvent plus le faire, leur travail, actuellement parce qu'actuellement, en raison de l'abandon de ce gouvernement-là, les procureurs ne peuvent plus faire leur travail, c'est le chaos.

Et là, M. le Président, la population peut perdre confiance en un parti politique, la population peut perdre confiance envers un élu, mais, quand la population perd confiance en son système judiciaire, ça, c'est très grave, et, actuellement, la population risque de voir sa confiance émiettée face au système judiciaire en raison du chaos créé de toutes pièces par ce gouvernement d'abandon. Merci, M. le Président.

**(18 h 40)**

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le chef du deuxième groupe parlementaire. Et, pour la poursuite du débat restreint, dont les temps sont impartis, je cède maintenant la parole à M. le député de Vanier pour son intervention. M. le député de Vanier, à vous la parole.

M. Patrick Huot

M. Huot: Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir à mon tour. C'est ma première intervention comme adjoint parlementaire à la présidente du Conseil du trésor, vous m'en voyez très honoré. Donc, c'est à mon tour d'intervenir sur le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, projet de loi qui a pour objectif d'assurer la continuité des services publics et l'administration de la justice, renouveler les conditions de travail dans le respect des finances publiques et mettre fin à une grève générale illimitée prématurée.

M. le Président, on est ici, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, en séances extraordinaires afin de débattre d'une loi spéciale qui va permettre d'assurer la continuité des services juridiques par le retour au travail des 1 500 juristes et procureurs aux poursuites criminelles et pénales. M. le Président, nous parlons du retour au travail de femmes et d'hommes qui ont un rôle extrêmement important quant au bon fonctionnement du système juridique québécois.

On est ici aussi, M. le Président, à la suite de deux semaines de grève qui ont eu des impacts importants qui ont nui, évidemment, au processus judiciaire, qui ont paralysé de nombreux dossiers névralgiques dans les ministères et organismes, une grève qui a des impacts négatifs sur plusieurs services à la population, une grève, malgré le maintien des services essentiels, qui a eu des impacts sur un nombre de citoyens qui subissent des conséquences de la grève. La prolongation de la grève aurait donc eu pour effet d'augmenter le nombre de remises de dossiers et de ralentir la tenue de procès, en plus de paralyser de nombreux dossiers névralgiques dans les ministères et organismes. Donc, on doit rétablir maintenant le fonctionnement normal du système de justice parce que, ça a été mentionné à plusieurs reprises ici dans les échanges au salon bleu, il y a de nombreuses personnes qui ont vu leur recours au tribunal reporté, il y a des victimes qui voient leur cause au criminel reportée aussi, il y a de nombreuses personnes en attente d'être entendues comme témoins ou simplement pour faire valoir leurs droits qui demeurent indûment en attente. Il est donc temps, M. le Président, de mettre un terme avant que la situation ne devienne insurmontable. Et, si la grève devait durer encore longtemps, ce sont les justiciables qui seraient à risque de perdre leurs droits, M. le Président.

Donc, maintenant depuis deux semaines, les Québécois se voient privés des services juridiques offerts par les procureurs et les juristes de l'État. Étant donné le grand nombre de causes qui ont dû être reportées devant les tribunaux, cette situation a eu pour conséquences de créer une pression sur les opérations du système judiciaire et de ralentir considérablement le bon fonctionnement de l'État. Par conséquent, cette situation ne peut plus durer.

Il faut le répéter, M. le Président, le répéter et le répéter, ce projet de loi n'est pas facile. Personne n'est ici de gaieté de coeur, personne ne voulait en arriver à une loi spéciale. Obliger le retour au travail de gens compétents, ce n'est pas la situation souhaitable, ce n'est pas agréable, il n'y a aucun parlementaire ici, dans cette Chambre, qui fait ça de gaieté de coeur. Par contre, le projet de loi qui a été déposé aujourd'hui sert à assurer la reprise des services des procureurs et juristes de l'État, compte tenu des graves conséquences que cette grève entraîne sur la population québécoise.

Comme l'a mentionné la ministre, le gouvernement n'a ménagé aucun effort pour s'entendre avec les juristes et les procureurs, qui ont, malgré tout, poursuivi leur grève. Par conséquent, il est évident que le gouvernement allait prendre ses responsabilités, ce que nous faisons aujourd'hui, pour que l'ensemble des citoyens retrouvent un système de justice fonctionnel. Nous savions dès le départ, M. le Président, ça a été dit, que les négociations n'allaient pas être faciles. Nous avons reconnu aussi dès le départ les réalités inhérentes au travail des procureurs de la couronne et nous avons aussi reconnu que la contribution des juristes et des procureurs était essentielle à la bonne administration de la justice et des affaires de l'État, et que ces deux groupes de salariés vivaient des problématiques particulières quant à leurs conditions de travail. Et, malgré les contraintes financières et comme il l'avait fait avec les autres syndicats, le gouvernement a toujours négocié de bonne foi, et nous avons manifesté de l'ouverture en proposant des solutions sérieuses et concrètes qui répondent aux particularités de leur travail. Et on l'a montrée, M. le Président, notre ouverture avec le front commun et tout ce qui a été fait dans les dernières semaines, ça été mentionné par la ministre.

Je veux simplement faire quelques rappels. Il y a eu, avec les procureurs, 23 rencontres qui ont eu lieu, dont plus d'une dizaine en présence d'un conciliateur. Avec les juristes, il y a eu 18 rencontres, dont sept en présence de médiateurs. Il y a eu une relance des négos le week-end dernier. Malheureusement, la grève s'est poursuivie. On ne voulait pas que ça se termine de cette façon-là. Je le répète, il y a eu des négociations de bonne foi qui ont été menées, on a fait preuve d'ouverture. Et on démontre l'ouverture un peu, M. le Président, avec l'entente qu'il y a eu avec les 475 000 autres salariés de l'État. On a tenu compte d'un contexte budgétaire, le front commun des syndicats a tenu compte d'un contexte budgétaire. C'est une entente qu'on peut qualifier d'historique, l'entente de juin dernier entre le gouvernement et le front commun. L'échéance était le 31 mars 2010, l'échéance des conventions collectives. Moins de trois mois après l'échéance des conventions collectives, on a réussi à signer une entente de principe, 475 000 employés de la santé, et de l'éducation, et de la fonction publique, et tout ça en respectant la capacité de payer des Québécois et en respectant l'objectif qu'on s'est fixé de retour à l'équilibre budgétaire en 2013-2014.

Des ententes pour une durée de cinq ans sur les salaires, les retraites, les congés parentaux, on est... la durée des prochaines... avec cinq ans de durée des prochaines conventions collectives parce que tant les syndicats que le gouvernement, ils ont convenu que ça donnerait le temps à notre économie de se renforcer pour nous donner la marge de manoeuvre nécessaire pour offrir des hausses salariales raisonnables aux employés de l'État. Donc, les ententes respectent le cadre financier, la capacité de payer de l'État et notre objectif de retourner à l'équilibre budgétaire. Donc, M. le Président, nous considérons que nous avons fait une très bonne offre tout en respectant le cadre financier et la capacité de payer des contribuables québécois.

Par contre, on est ici aujourd'hui, M. le Président, avec l'imposition d'une loi spéciale, qui était inévitable, puisque le gouvernement -- la ministre et le gouvernement -- on avait épuisé tous les outils à notre disposition pour en arriver à une entente. Et, pour faire preuve également de l'ouverture du gouvernement et de la ministre, la ministre a annoncé ce matin un ajout à la direction des poursuites criminelles et pénales de 120 employés équivalents temps complet, dont 80 procureurs, et la ministre a également annoncé que 25 juristes supplémentaires allaient être rajoutés. Et tout ça, ça représente un investissement de près de 90 millions de dollars sur cinq ans afin d'alléger la charge de travail des juristes, des procureurs. Donc, c'était ce qui était sur la table, et là ce qui est proposé, ce qui a été annoncé ce matin, on ajoute un 90 millions sur cinq ans, ce qui n'est pas négligeable.

Et je veux profiter de l'occasion pour réaffirmer que nous reconnaissons, je reconnais personnellement l'expertise des procureurs, des juristes. Et on est enclins à combler un certain rattrapage, mais ça devait se faire en toute équité avec les membres du front commun, avec les 475 000 personnes qui ont signé l'entente de principe, M. le Président. Donc, M. le Président, j'aimerais rappeler que l'ensemble des citoyens du Québec a besoin des procureurs et des juristes de l'État pour assurer l'intégralité, et la cohésion sociale du Québec, et la qualité démocratique de notre société. Tout le monde reconnaît leur rôle essentiel, il n'y a personne qui va nier l'importance du rôle qu'ils jouent dans notre société. Et je veux rappeler que le gouvernement a toujours pris les négociations très au sérieux et qu'on n'a ménagé aucun effort pour nous entendre avec les juristes et les procureurs, qui ont, malgré tout, poursuivi leur grève.

Je l'ai mentionné plus tôt, suite à l'échec des négociations, le gouvernement n'a pas d'autre choix que de prendre ses responsabilités et mettre un terme à la grève des procureurs et des juristes de l'État. Et, comme il a été mentionné, avec le travail qui a été accompli, avec la collaboration des syndicats membres du front commun qui a mené à une entente historique, on aurait souhaité être en mesure d'arriver à une entente de ce type avec les procureurs, les juristes, à une entente négociée, pas à une loi spéciale. On aurait visé une entente négociée, mais, malheureusement, les circonstances ont fait qu'on n'a pas le choix, on est ici aujourd'hui pour ça. Et c'est dommage, ça aurait été la meilleure solution, ça aurait été la meilleure façon de s'entendre, mais le gouvernement considère qu'il a fait le maximum pour s'entendre, mais que les efforts ont été vains, M. le Président. Et ce n'est jamais agréable pour quiconque de clore une négociation collective en employant une loi spéciale, mais, dans ce cas-ci, M. le Président, l'intérêt public ne nous laissait pas d'autre choix.

Et, cette loi-là, M. le Président, on se doit de la présenter. Les procureurs et les juristes font... Les négociations qu'il y a eu font en sorte qu'on nous oblige à présenter ce projet de loi, qui assure la continuité des services juridiques, comme je l'ai dit, de nature civile, pénale et administrative, qui renouvelle les conditions de travail conformément aux augmentations salariales du front commun, qui procède au renouvellement de la convention collective... de l'entente qui a expiré le 31 mars. Et, M. le Président, on a la chance -- je veux le répéter une dernière fois -- au Québec de pouvoir compter sur une fonction publique qui est compétente, des juristes, des procureurs d'une grande valeur. Ce n'est jamais agréable pour un gouvernement de clore une négociation collective comme ça, mais l'intérêt public ne nous laissait pas d'autre choix. Le projet de loi permet aux citoyens de recouvrer les services auxquels ils ont droit, il accorde des conditions de travail justes et équitables par rapport à ce qui a été négocié avec les autres salariés de l'État, tout cela sans alourdir indûment le fardeau fiscal des Québécois.

Et, je vais le répéter une dernière fois, M. le Président, il n'y a personne qui souhaitait en arriver à une loi spéciale, tout a été fait de bonne foi, dans le maximum... La présidente du Conseil du trésor voulait en arriver à une entente. Et on est ici, malheureusement, aujourd'hui parce qu'on assume nos responsabilités. C'est le rôle d'un gouvernement d'assumer ses responsabilités, de faire des choix, des choix qui sont difficiles des fois. Mais on est ici parce qu'on assume nos responsabilités, et c'est ce qu'on est obligés de faire aujourd'hui, M. le Président, et, moi, évidemment, bien je vais voter en faveur de cette loi-là. Merci.

**(18 h 50)**

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, M. le député de Vanier, de votre intervention. Et, toujours pour la poursuite du débat sur ce débat restreint, je cède maintenant la parole à M. le député de Chutes-de-la-Chaudière. M. le député, à vous la parole.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Non. À vous.

M. Marc Picard

M. Picard: Merci, M. le Président. Encore une fois, ce gouvernement place la société québécoise dans une position insoutenable en se retrouvant en conflit avec ses procureurs. Après des semaines de négociations inutiles, nous nous sommes retrouvés aux prises avec un arrêt de travail qui va coûter cher, très cher à l'administration de la justice et, par conséquent, aux contribuables québécois. Ce gouvernement a décidément beaucoup de problèmes en matière de justice. Il a institué la commission Bastarache, qui, après 5 millions de dollars de dépenses des deniers publics, a accouché d'un rapport qui n'a apporté aucun éclairage concluant sur les mécanismes de nomination des juges.

Ces dernières heures, M. le Président, nous apprenons que le procureur en chef du Bureau de lutte au crime organisé a démissionné de son poste. Est-ce que le but poursuivi par ce gouvernement est d'affaiblir les ressources qui doivent démanteler le fonctionnement et l'étendue du crime organisé au Québec? Le procureur en chef, M. Chartrand, du Bureau de lutte au crime organisé, croit que la loi spéciale pourrait même avantager les Hell's Angels arrêtés dans la vaste opération anti-motards SharQc. M. le Président, qu'adviendra-t-il de ces projets en marche dans lesquels les forces policières ont investi des millions de dollars pour pouvoir lutter contre ces organisations criminelles toujours plus dévastatrices?

M. le Président, cette loi spéciale que se propose d'adopter le gouvernement libéral nuira même à l'unité permanente anti-collusion annoncée en grande pompe la semaine dernière par le ministre de la Sécurité publique. Cette unité risque d'être une coquille vide, M. le Président. Environ 420 des 450 procureurs se sont engagés par écrit à ne pas postuler pour ces emplois. Les policiers vont faire des enquêtes, et on va les empiler dans des classeurs. Est-ce que c'est cela que cherche le gouvernement libéral?

Et l'impact de la loi spéciale ne se limitera pas à la lutte contre le crime organisé. De façon générale, M. le Président, le gouvernement est en train d'affaiblir la couronne et de créer ainsi un déséquilibre dans le système de justice.

M. le Président, pourquoi le gouvernement a-t-il choisi l'affrontement avec ses procureurs? Les députés de ce côté de la Chambre l'interpellent pour qu'il modifie son attitude intransigeante et étroite dans un domaine aussi crucial que l'administration de la justice. Pourquoi fait-il la sourde oreille? Pourquoi cet entêtement irresponsable et lourd de conséquences pour nos concitoyens? Nous connaissons maintenant la réponse à cette attitude. En effet, M. le Président, les hommes et les femmes de loi au service de l'État ont adhéré en mai dernier à la nécessité d'une enquête publique sur les malversations en cours de l'industrie de la construction. Nous concluons qu'à partir de ce moment, M. le Président, les négociateurs libéraux ont mis de côté toute bonne foi dans leur relation avec les juristes de l'État. Ils n'ont eu en tête qu'une seule idée, pousser ces hommes et ces femmes vers un conflit ouvert pour ainsi les soumettre par la suite à une loi qui constitue un avertissement à l'encontre de toute intention des procureurs de l'État à mener une véritable investigation publique sur la crime organisé au Québec. D'ailleurs, M. le Président, dans mon esprit, le simple fait de créer une unité permanente anti-corruption est un constat d'échec pour ce gouvernement. C'est avouer que la maladie de la fraude et du trafic d'influence est drôlement bien installée dans notre société. Vendredi dernier, lors de son annonce, le ministre de la Sécurité publique indiquait qu'il n'existait aucune escouade de ce genre au Canada, que c'était une première au Québec. Quel élément de fierté, M. le Président!

Nous vivons une triste journée, M. le Président, quand un gouvernement est contraint de s'en prendre à ses juristes pour camoufler les relations du parti dont il est issu avec le crime organisé. Voilà pourquoi, M. le Président, je vais voter contre cette façon d'agir tout à fait répréhensible du gouvernement libéral. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je cède maintenant la parole à M. le député de Verchères pour son intervention. M. le député de Verchères, à vous la parole.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: M. le Président, juste avant que nous n'entreprenions le débat sur ce projet de loi inique, j'avais tendu une branche d'olivier au gouvernement, j'avais offert que nous suspendions momentanément les travaux avant que le rouleau compresseur de ce projet de loi ne se mette en marche. J'avais même rencontré mon collègue le ministre de la Sécurité publique derrière, ici, dans l'antichambre, je lui ai parlé à coeur ouvert en mettant de côté la rhétorique partisane, M. le Président, en lui faisant remarquer les impacts dévastateurs du projet de loi que le gouvernement nous présente aujourd'hui sur notre système de justice. Le ministre, pour lequel j'ai un immense respect, a semblé convenir avec moi qu'il y avait lieu de s'inquiéter. Aussi, ai-je été pour le moins surpris et, je dois le dire, déçu de voir que c'est ce même ministre qui a invité la présidence à appeler l'article autorisant la présidente du Conseil du trésor à présenter son projet de loi.

Je comprends, M. le Président, de cette décision du gouvernement que celui-ci s'est entêté dans son attitude belliqueuse d'affrontement, affrontement qu'il a entretenu avec les juristes de l'État, les procureurs de la couronne et qu'il poursuit ici même, en cette Chambre. Pour un gouvernement qui souhaitait un changement de ton, il y a lieu d'exprimer un certain scepticisme, M. le Président.

M. le Président, le procureur en chef au Bureau de lutte au crime organisé... j'y reviendrai un peu plus tard, mais, dans sa lettre qu'il transmettait au Directeur des poursuites criminelles et pénales, écrivait: «Confronté à l'état de nos ressources, je me vois dans l'obligation de vous recommander de laisser au service des poursuites fédérales le soin de faire la lutte au crime organisé et de limiter nos mandats aux luttes que nous avons la capacité d'entreprendre.» M. le Président, je pense que j'ai eu la réponse à mon inquiétude par rapport à l'attitude du ministre de la Sécurité publique puisque, dans une dépêche, on pouvait lire: «Le ministre de la Sécurité publique n'a pas écarté la possibilité qu'on transfère au fédéral une partie de la lutte au crime organisé. On verra, s'est-il contenté de dire.»

**(19 heures)**

M. le Président, ce gouvernement, qui, la main sur le coeur et avec énergie, nous a dit et répété jusqu'à plus soif qu'il entendait déployer toutes les énergies possibles et imaginables pour lutter contre le crime organisé nous annonce, à mots à peine couverts, qu'il renonce, qu'il capitule, qu'il lance la serviette, qu'il est prêt à laisser au gouvernement fédéral le soin de faire la sale job, hein? Parce que ça doit être bien compliqué pour ce gouvernement-là de s'attaquer au crime organisé, ça fait qu'on laisse ça au gouvernement fédéral. M. le Président, c'est tout simplement pathétique. Ce gouvernement qui nous a promis de déployer toutes les énergies possibles et imaginables pour lutter contre le crime organisé s'est employé, depuis, à miner les bases de notre système de justice.

Il y a des négociations qui ont cours présentement avec des policiers, M. le Président, négociations qui ne sont pas conclues. Il y a des négociations qui avaient cours avec les procureurs de la couronne et les juristes de l'État. J'entendais tout à l'heure le député de Vanier dire: Ce projet de loi était inévitable. Avec une logique comme celle-là, M. le Président, c'est clair que tout a été orchestré pour qu'on en arrive aujourd'hui à ce projet de loi. Les gardiens de prison, M. le Président, sont en négociation, négociations qui ne sont toujours pas conclues. Et, comble de l'ironie, on s'en va même couper les vivres à nos policiers en devenir, puisqu'après une coupure de 800 000 $ le gouvernement annonçait une coupure additionnelle de 3 millions de dollars dans le budget de l'École de police du Québec. Ce gouvernement qui disait vouloir déployer toutes les énergies possibles et imaginables pour lutter contre le crime organisé n'a eu de cesse, dans les faits, M. le Président, de miner les bases de notre système de justice. Qui se frotte les mains aujourd'hui, M. le Président? Qui se réjouit? Le crime organisé. Le crime organisé regarde béatement et avec contentement le travail magnifique, merveilleux de ce gouvernement pour les soutenir. M. le Président, c'est pathétique!

Et la feuille de route de ce gouvernement à l'égard de nos procureurs et de nos juristes, bien elle date de longtemps, elle date de longtemps. Même à l'époque du gouvernement Bourassa, c'était déjà la matraque contre les procureurs de la couronne et les juristes de l'État, M. le Président; je vais y revenir dans quelques instants. Malgré le fait qu'on reconnaisse qu'il y ait un retard à combler par rapport aux conditions de travail, à la rémunération des procureurs de la couronne et des juristes de l'État comparativement à leurs homologues du reste du Canada, on ne lève pas le petit doigt pour véritablement combler cet écart, M. le Président. Et ce n'est pas vrai que, dans le projet de loi qu'on a sous les yeux, on comble cet écart, mais alors là pas du tout.

M. le Président, j'entendais, un peu catastrophé, le ministre du Développement économique répondant à un journaliste cette fin de semaine, dire: On ne peut pas demander d'avoir les mêmes conditions de travail, au Québec, pour les procureurs et les juristes que dans le reste du Canada alors que nous n'avons pas la même richesse que dans le reste du Canada. Je veux bien, je veux bien, M. le Président. Comment ça se fait, par exemple, que nos juristes puis nos procureurs ont un traitement moindre que ceux de l'Île-du-Prince-Édouard, que ceux de la Nouvelle-Écosse, que ceux du Nouveau-Brunswick, M. le Président? Comment se fait-il que telle soit la situation? Ce matin, dans les journaux, on faisait état d'un conflit plutôt musclé à la police de Montréal il y a de cela quelques décennies. Qu'est-ce qu'on avait fait, M. le Président, à l'époque? Parce qu'on avait également le même principe de vouloir rattraper l'écart par rapport aux policiers ontariens, Toronto, si je ne m'abuse. Qu'est-ce qu'on a fait? On a dit: Bien, c'est quoi, la moyenne des salaires, puis on va faire un ajustement en fonction de cela. Pantoute! On ne s'est même pas rendu là ici. On n'a même pas voulu regarder ce qu'on pourrait faire éventuellement pour essayer de combler l'écart ou de commencer à combler l'écart, M. le Président. Pantoute! Non, je regarde la ministre des Aînés nous dire: On a commencé. Non, non, vous n'avez pas commencé. Vous aviez proposé de commencer. Ça, ça faisait partie des propositions qui étaient sur la table, mais ces propositions-là qui étaient sur la table, elles ne sont pas dans le projet de loi. Elles ne sont pas dans le projet de loi, M. le Président, hein?

Une voix: ...

M. Bergeron: Bien oui, mais, écoutez, vous avez juste à vous en aller à côté si vous trouvez que je parle trop fort. Alors, M. le Président, M. le Président... Je suis sûr qu'ils vont vous accueillir avec joie dans l'antichambre, Mme la ministre. M. le Président...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): Un instant, là. Un instant. Tout... Ça n'arrive pas si on laisse la parole à celui qui l'a. Et effectivement, effectivement, là, on ne pourra pas ajuster le son dépendant des personnes. Alors, il appartient à...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Gendron): C'est lui qui a la parole. Et c'est lui seul qui a la parole. Alors, si on l'écoute religieusement -- puis qu'on est dédié à d'autres tâches, ça dérange des gens -- il va y avoir moins de problèmes. Alors, M. le député, veuillez poursuivre.

M. Bergeron: Vous avez parfaitement raison, M. le Président. Je n'oblige pas la ministre du Tourisme à m'écouter. Si les propos que je tiens lui déplaisent, elle n'a qu'à se gouverner en conséquence.

Alors, M. le Président, comme je le disais en réponse à la ministre des Aînés, il y avait une proposition pour commencer le début d'une amorce d'un rattrapage. Ça, c'était au niveau des négociations... bien, si on peut appeler ça des négociations, parce qu'on présentait les offres, puis on les retirait, puis on les représentait, puis on les retirait. Puis, tout dépendant à qui on s'adressait, elles étaient là ou elles n'y étaient pas. Quoi qu'il en soit, elles ne sont pas dans le projet de loi, M. le Président, ces offres qui ont été faites aux procureurs de la couronne et aux juristes de l'État.

Alors, M. le Président, comme j'allais le dire tout à l'heure, la feuille de route de ce gouvernement à l'égard de nos juristes et de nos procureurs est peu reluisante, et ce, de longue date. En 1987, sous un gouvernement libéral, les procureurs ont tenu des journées d'étude et réclamaient, déjà à ce moment-là, une augmentation de leur effectif. La réponse du gouvernement Bourassa: les procureurs se sont fait signifier des avis disciplinaires par huissier à leur domicile. En 1988, un groupe de travail présidé par le juge Jean-Pierre Bonin, alors juge en chef adjoint à la Cour des sessions de la paix, a été mandaté pour proposer des solutions au trop-plein de travail des procureurs. Le rapport Bonin a souligné que dans certaines salles le volume des dossiers est tel que les procureurs craignent de faire des erreurs, mettre en péril leur crédibilité, la qualité de leur travail et, au final, l'intérêt public. À la suite de ce rapport, l'Association des procureurs de la couronne a commandé une étude, le rapport Dolan. Les auteurs de ce rapport, déposé en 1989, déterminent que près de 20 % des procureurs ayant participé à l'étude sont déjà en phase critique d'épuisement professionnel, donc proches du burnout.

Depuis le retour au pouvoir des libéraux, M. le Président, la situation ne s'est guère améliorée. Si ça se trouve, elle est encore pire, tant pour les procureurs que pour les juristes. Le gouvernement a préféré, plutôt que de négocier, a préféré imposer un droit de grève aux procureurs et aux juristes, droit de grève qu'ils pouvaient utiliser, qu'ils pouvaient mettre à exécution en 2007. Le gouvernement s'est bien gardé de leur permettre de le mettre en pratique en 2007, puisqu'en 2005, après aucune négociation, le gouvernement a décidé d'inclure les procureurs et les juristes dans l'entente conclue... bien, l'entente conclue, que dis-je, dans le décret qui a été imposé à l'ensemble de la fonction publique et dans lequel ils se sont retrouvés coincés. Et là c'est la première occasion qu'ils ont de pouvoir exercer leur droit de grève, et le gouvernement, ce même gouvernement qui leur a imposé ce droit de grève, prétend aujourd'hui que leur travail est à ce point indispensable, n'en déplaise au député de Châteauguay qui disait que leur travail n'est pas plus important que n'importe quel autre... alors, leur travail est à ce point indispensable, M. le Président, qu'on n'accepte pas qu'ils puissent exercer leur droit de grève.

**(19 h 10)**

M. le Président, on se retrouve dans une situation où le rapport de force est inégal, parce qu'évidemment, dans un rapport de force, chacun utilise les moyens qu'il a pour faire valoir son point de vue. Dans le cas des procureurs et des juristes, le moyen qu'ils avaient à leur disposition, c'est ce droit de grève qu'on leur a imposé. Et le gouvernement utilise la matraque, fait en sorte qu'ils retournent au travail, leur impose de retourner au travail, et ça s'arrête là. Sauf que, M. le Président, il faut être bien conscients que, lorsque, demain, 13 heures, les procureurs, les juristes vont retourner au travail, en dépit de l'article 5 du projet de loi -- puis on en discutera tout à l'heure en commission plénière, M. le Président -- ces gens-là ne vont pas retourner de gaieté de coeur au travail. Puis on ne peut pas s'imaginer que ces gens-là, qui sont des professionnels et qui, comme le disait le député de Châteauguay, n'ont jamais compté leurs heures par le passé, vont se montrer plus enthousiastes qu'il ne le faut dans l'exécution des tâches que le gouvernement voudra bien leur confier.

M. le Président, je le disais ce matin, leur travail est absolument indispensable pour notre système de justice. Ce sont les juristes notamment qui produisent ces textes législatifs que les législateurs que nous sommes adoptons et qui constituent l'encadrement sans lequel toute société ne pourrait opérer. Et les procureurs sont ceux qui voient à l'application de ces lois, qui plaident devant les tribunaux pour l'État, M. le Président, pour les citoyennes et les citoyens du Québec.

Et là on parle, bien sûr à grand renfort de démonstrations, du crime organisé, mais on peut parler également de choses qui ne touchent pas le crime organisé mais qui touchent intimement chacune de nos concitoyennes et chacun de nos concitoyens dans leur vie. Qu'on parle de violence conjugale, qu'on parle d'agressions sexuelles, qu'on parle de vols à l'étalage, toutes sortes de situations qui font en sorte que le travail de nos procureurs est absolument indispensable.

Alors, M. le Président, il ne faut pas s'attendre à ce que, contrairement à ce qu'ils faisaient auparavant, nos procureurs, nos juristes acceptent de faire du bénévolat pour leur employeur. Parce que c'est carrément ça qu'on leur demandait. Quand nos procureurs et nos juristes travaillent 40, 45 heures par semaine minimum et qu'ils n'en sont payés que pour 35, le reste, je suis désolé, M. le Président, c'est du bénévolat. Ça contrevient aux normes du travail. L'État québécois lui-même contrevient aux normes du travail puisqu'il fait travailler de ses employés sans rémunération. Et les professionnels que sont les procureurs et les juristes l'ont toujours fait par souci de faire leur travail avec la conscience qui les caractérise, M. le Président. Il ne faut pas s'attendre à ce que les juristes, à ce que les procureurs, demain, 13 heures, continuent de faire du bénévolat pour l'État.

Alors, inévitablement, M. le Président, il y aura des conséquences. Il y aura des conséquences au niveau de la motivation, il y aura des conséquences au niveau de l'enthousiasme au travail, il y aura des conséquences parce que plusieurs d'entre eux -- ils l'ont déjà annoncé -- vont démissionner, vont accélérer leur retraite, vont hâter leur retraite. Le résultat, M. le Président, c'est que notre système, qui souffre déjà de manque de ressources, va s'en trouver encore davantage affecté.

Et ça va plus loin, M. le Président. Les procureurs, cette semaine, se demandaient comment il se fait que leur patron, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, demeurait muet. Comment il se faisait qu'il n'intervenait pas pour dire à quel point la situation était intenable, pour dire à quel point il fallait des correctifs. À défaut d'une intervention du Directeur des poursuites criminelles et pénales, M. le Président, il y a eu une intervention de plusieurs autres cadres de notre système de justice. Près de 40 cadres, jusqu'à maintenant, M. le Président, auraient remis leur démission. Des procureurs en chef, des procureurs en chef adjoints, près de 40 sur 50 auraient déjà remis leur démission, et on s'imagine, M. le Président, que, demain matin, notre système va être bien outillé pour faire face et lutter contre le crime organisé. Tel n'est pas le cas. Ce n'était déjà pas le cas hier, ce ne sera pas le cas demain, M. le Président, vous pouvez en être assuré.

On a la démission, bien sûr, de Me Chartrand, le directeur du Bureau de lutte contre le crime organisé, M. le Président, et je vais revenir sur sa lettre dans quelques instants, mais on a également les cadres des bureaux de Montréal, d'Abitibi-Témiscamingue, de l'Outaouais, de Rimouski, de Valleyfield, de Laval et de Saint-Jérôme qui ont notamment claqué leur porte. Nous avons appris ce soir que ça a été le cas également à Québec; il y aurait un cadre de la région de l'Estrie qui aurait eu un malaise cardiaque aujourd'hui. C'est dire à quel point, M. le Président, cette situation occasionne des pressions sur les membres du personnel, actuellement, de notre système de justice.

M. le Président, vous me permettrez de vous lire quelques extraits de la lettre de Me Claude Chartrand, procureur en chef au Bureau de lutte au crime organisé, qui a démissionné hier, et je cite: «Déjà, depuis plusieurs années, en raison du manque de ressources, je dois me démener auprès des forces policières pour retarder l'issue de projets, car nos effectifs limités ne nous permettent pas d'évaluer la preuve pour porter des accusations à l'intérieur du temps escompté.

«Actuellement, je n'arrive pas à combler mes postes disponibles pour relever l'important défi de l'opération SharQc pour laquelle vous avez obtenu l'ajout de 16 procureurs. À ce jour, je n'ai que 10 procureurs et aucune candidature ne s'annonce.»

M. le Président, c'est capital: il y a une autorisation pour 16 procureurs, on n'a pu en trouver que 10, et aucune candidature ne s'annonce. «De l'autre côté, la défense se compose d'une armada d'une soixante d'avocats dont plusieurs sont parmi les plus chevronnés de notre profession.

«Pour y pallier, nos élus nous proposent une loi spéciale. Dans ce contexte, je ne peux que manifester de sérieuses craintes quant à l'issue des procédures. Bien sûr que les 155 Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.»

M. le Président, ce sont des propos d'une extrême gravité. Ce que dit le procureur en chef au Bureau de lutte au crime organisé, M. le Président, c'est que ce projet de loi risque de faire en sorte que les millions de dollars et les efforts que nous avons investis pour lutter contre les motards criminalisés risquent d'avoir été investis en pure perte. Tout ça risque de s'effondrer. Tout ça veut dire, M. le Président, que les efforts que ce gouvernement prétend avoir déployés pour lutter contre la corruption et la collusion seront vains, M. le Président. C'est ça que ça veut dire. C'est ça, la signification du projet de loi qu'on a sous les yeux aujourd'hui, M. le Président.

**(19 h 20)**

M. le Président, les procureurs s'attendaient à ce que leur patron parle. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales est demeuré muet. Les autres procureurs-chefs, les procureurs-chefs adjoints, ont parlé pour les procureurs. En fait, en fait, non, M. le Président, je dois m'amender, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a finalement parlé. Il s'est exprimé aujourd'hui pour dire, et je lis l'extrait de la dépêche, M. le Président: «Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a informé tous les procureurs en chef et procureurs en chef adjoints qu'il ne consentait pas à ces reclassements pour l'instant et leur a signifié qu'ils devaient demeurer à leur poste de cadre jusqu'à nouvel ordre.» En d'autres termes, M. le Président, le Directeur des poursuites criminelles et pénales a appliqué aux cadres de notre système de justice la même médecine que ce gouvernement applique à ses procureurs: Vous rentrez au travail, que ça vous plaise ou non. Pour la suite des choses, on verra.

M. le Président, on a là tous les ingrédients pour s'assurer d'une opération pour le moins erratique de notre système de justice, et c'est dans ce contexte qu'on prétend vouloir faire la lutte au crime organisé. M. le Président, je vous soumets respectueusement que, contre le crime organisé, nous nous présentons à la guerre avec des fusils de bois. M. le Président, à grand renfort de publicité, le ministre de la Sécurité publique a annoncé vendredi la création d'une unité permanente anticorruption. M. le Président, quand 240 procureurs sur 250 disent: Nous ne participerons pas à cette Unité permanente anticorruption, il y a lieu de penser que cette unité a un peu de plomb dans l'aile, et c'est presque une figure propre, M. le Président.

M. le Président, la ministre nous dit: Bien, écoutez, on vous a dit qu'on allait en embaucher 80, puis on a comme compris, en filigrane de ses réponses depuis un certain nombre de jours, que ce qu'elle pourrait proposer, c'est que, si les procureurs en poste ne veulent pas postuler sur l'Unité permanente anticorruption, bien on l'offrira à de nouveaux avocats, de nouveaux procureurs qu'on embauchera. Dans ce lot de 80 nouveaux procureurs, là, on leur offrira les postes à l'unité permanente. Aïe! Ça, c'est de l'expérience, M. le Président. Ça, ça va être efficace en partant, là, il n'y a pas à dire! M. le Président, qui va accepter? Le directeur... le directeur... le procureur-chef au Bureau de lutte au crime organisé déjà peine à combler ses effectifs, les conditions de travail sont telles qu'il n'y a pas d'intérêt pour les jeunes de la profession à devenir procureur, M. le Président, procureur de la couronne, et on s'imagine que, d'un coup de baguette magique, on va en embaucher 80 puis on va avoir réglé le problème de l'Unité permanente anticorruption? M. le Président, c'est du rêve, c'est de la poudre aux yeux, et c'est ça, la politique de ce gouvernement en matière de lutte au crime organisé depuis deux ans: de la poudre aux yeux, M. le Président. Ce qui a été mis en place vendredi, c'est un aveu de la part du gouvernement que le problème est beaucoup plus profond et étendu que ce qu'il n'a jamais voulu reconnaître jusqu'à présent. M. le Président, ce qui a été mis en place vendredi, c'est une reconnaissance que tout ce qu'il a mis en place jusqu'à présent n'a pas fonctionné, ça n'a pas donné les résultats escomptés. Et ils vont nous faire croire que, cette fois, ça va donner les résultats escomptés? Mais non, M. le Président, ça ne donnera pas les résultats escomptés.

Puis là je pourrais vous parler -- puis j'y reviendrai probablement un peu plus tard, cette nuit, M. le Président -- mais je pourrais vous parler des raisons pour lesquelles cette Unité permanente anticorruption ne pourra pas donner les résultats escomptés, ne serait-ce que parce que, comme n'importe quelle enquête policière, elle va être confrontée au principal écueil auquel sont confrontées toutes les enquêtes policières, le droit au silence des prévenus. Un policier ne peut pas contraindre une personne à parler si cette personne-là ne veut pas parler. La seule instance véritablement indépendante qui puisse assigner des témoins à comparaître, c'est la commission d'enquête publique indépendante, M. le Président. Le gouvernement aura beau user de toutes sortes de stratagèmes, de faux-fuyants, de mesures de diversion pour tenter d'éviter la commission d'enquête publique indépendante, M. le Président, force est de constater qu'il doit y avoir cette commission d'enquête, cette commission d'enquête qu'ont réclamée les procureurs de la couronne et pour laquelle ils paient aujourd'hui de l'attitude intransigeante de ce gouvernement.

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Verchères, de votre intervention. Et je suis prêt à entendre le prochain intervenant. Et je reconnais maintenant M. le député de Chapleau pour son intervention. M. le député de Chapleau, à vous la parole.

M. Marc Carrière

M. Carrière: Merci, M. le Président. Vous comprendrez sûrement que ce n'est pas à la légère, que ce n'est surtout pas de gaieté de coeur que nous devons prendre les décisions qui s'imposent aujourd'hui pour restaurer la prestation des services juridiques aux Québécoises et aux Québécois afin que ceux-ci puissent avoir droit à nouveau à un système de justice efficace. On aurait tort d'interpréter la suspension des règles de procédure à laquelle nous assistons comme étant un déni de démocratie de la part du gouvernement, car il n'en est rien.

Le gouvernement ne s'est pas prémuni de cette procédure extraordinaire par pur plaisir mais bien parce qu'il y va de la continuité des services juridiques à la population. Malgré nos efforts à la table de négociation, malgré les appels et les offres de conciliation du premier ministre, il faut constater le blocage complet d'un processus qui doit par ailleurs trouver son terme. C'est un point extrêmement important, car, dois-je le rappeler, la bonne conduite des affaires en lien avec la justice est un élément essentiel dans toute société moderne digne de ce nom.

Le gouvernement ainsi que l'ensemble des députés de notre Assemblée nationale ont énormément d'estime quant au travail remarquable qu'accomplissent les procureurs et le juristes de l'État québécois, sans compter le dévouement dont ils ont toujours fait preuve dans l'exercice de leurs fonctions. Nous avons toujours reconnu l'existence d'un problème de rémunération et de charge de travail pour les procureurs et les juristes. De plus, nous avons manifesté à maintes reprises une ouverture à combler un certain rattrapage salarial, mais il est hors de question pour le gouvernement de confier... de confier, pardon, la détermination du pourcentage à un arbitre. Ce serait abdiquer à nos responsabilités de bien gérer les fonds publics, et le gouvernement ne peut permettre une telle chose.

De surcroît, nous ne pouvons accepter que le système de justice soit pris en otage. En effet, force est de reconnaître que les procureurs et les juristes sont les piliers de ce système qui est par le fait même le garant de nos bonnes moeurs et de la bonne conduite de la société. Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout parce que le maintien du système est menacé, et la situation nous apparaît maintenant intenable. Même si les services essentiels sont maintenus, la prolongation de cette grève aura pour effet d'augmenter le nombre de reports de dossiers et de ralentir la tenue des procès, en plus de paralyser de nombreux dossiers sensibles dans les ministères et organismes.

Il est inacceptable qu'un trop grand nombre de procès soient remis en raison de cette grève. En effet, ces reports sont excessivement lourds de sens. Dans certains cas, ils génèrent auprès des victimes et de leurs proches des situations d'attente déraisonnable, de l'insécurité ainsi que beaucoup d'angoisse. Il m'apparaît anormal que des milliers de Québécoises et Québécois puissent être privés plus longtemps des divers services qu'ils sont en droit de recevoir de la part de leur État sur le plan juridique. Il faut garder en tête que cette situation fait en sorte que certains criminels dont le niveau de dangerosité est variable tardent à être jugés afin qu'ils puissent faire face aux conséquences de leurs gestes.

À eux seuls, les impacts néfastes de la grève réussissent à démontrer clairement à quel point cette dernière est, à notre avis, précipitée, excessive et injustifiée. Son caractère général et illimité risque de porter atteinte aux droits et à l'intérêt du public. Il ne faut pas que les citoyens fassent les frais d'un conflit de travail qui s'est étiré au-delà des limites du raisonnable. Et c'est essentiellement pour sauvegarder leurs intérêts que le gouvernement a le courage de déposer la loi spéciale qui est l'objet de ce débat.

**(19 h 30)**

Il est à noter que, contrairement à ce qui a pu être véhiculé dans les médias depuis le début du conflit, le gouvernement a fait preuve d'une grande ouverture, d'une patience exemplaire et d'une compréhension tout indiquée. Au cours de cet imbroglio, l'attitude de la partie gouvernementale a tiré sa source du bon vieil adage voulant qu'entre gens de bonne foi on puisse toujours trouver un terrain d'entente. Que dire du précieux temps que le gouvernement a mis à la disposition des procureurs et juristes dans le cadre des négociations qui ont eu lieu. Depuis le tout début des négociations avec les procureurs, le gouvernement a assisté à plus d'une vingtaine de rencontres, dont 13 en présence du conciliateur. En ce qui concerne... en ce qui a trait, pardon, aux pourparlers avec les juristes, ce sont plus de 18 rencontres qui ont été tenues, dont sept en présence d'un médiateur. Cela fait foi à quel point nous n'avons ménagé aucun effort en vue d'un règlement harmonieux dans ce dossier qui concerne nos procureurs et nos juristes.

Les représentants des procureurs et des juristes ont décidé de maintenir le cap sur des demandes qui dépassent la capacité de payer des citoyens, et ce, malgré le fait que le gouvernement, par l'entremise de ma collègue et présidente du Conseil du trésor, ait déposé des offres respectueuses et responsables. À titre d'exemple, le gouvernement préconisait l'ajout de procureurs et de personnel supplémentaire afin d'alléger la charge de travail avec laquelle le système de justice québécois doit composer. Il ne faut surtout pas oublier la proposition qui se serait traduite par la mise en place des primes permettant d'améliorer l'attraction de nouveaux procureurs et la rétention de ceux qui ont acquis une grande expérience.

Ce matin même, ce matin même, la présidente du Conseil du trésor a annoncé l'ajout de 120 employés temps complet supplémentaires à la Direction des poursuites criminelles et pénales, dont 80 procureurs. Nous ajouterons également 25 juristes de plus. Ces mesures représentent à elles seules un investissement de près de 90 millions sur cinq ans dans le but de réduire substantiellement l'énorme poids que doivent supporter les procureurs et les juristes en termes de charge de travail.

À la lumière du bout de chemin que notre gouvernement était prêt à faire, il est fortement déplorable que les associations des juristes et procureurs n'aient pas répondu présent à cette invitation. Il est clair que notre gouvernement entend honorer et respecter le cadre financier serré avec lequel le Québec doit composer. En effet, la situation des finances publiques du Québec ainsi que notre ferme volonté d'éponger le déficit d'ici l'année 2013-2014 requièrent beaucoup de vigilance de la part du gouvernement. C'est principalement au nom de cette rigueur budgétaire qu'il nous est impossible de donner suite aux demandes des associations.

En plus d'être responsables et respectueuses de la tâche qu'ils effectuent, les conditions salariales ainsi que les dispositions normatives que nous leurs avons offertes respectent parfaitement l'entente que nous avons conclue avec les 475 000 employés de l'État, tous membres du Front commun, avec lesquels nous avons signé une entente qui limite les hausses de salaire à 6 % sur cinq ans, une hausse qui peut atteindre jusqu'à 10,5 % si la croissance économique est au rendez-vous. Ces paramètres respectent la capacité de payer des contribuables québécois.

Si vous me le permettez, M. le Président, j'aimerais revenir brièvement sur l'entente historique dont je viens de faire mention, car je crois sincèrement qu'elle renferme certaines leçons positives prouvant que la collaboration et l'ouverture ont toujours été partie prenante de la relation entre l'actuel gouvernement et les employés de l'État.

Pour le bénéfice de celles et ceux qui nous écoutent, j'aimerais rappeler en cette Chambre qu'en date du 25 juin 2010 le premier ministre du Québec et la présidente du Conseil du trésor de l'époque annonçaient conjointement qu'une entente négociée de cinq ans sur les salaires et les avantages sociaux était intervenue avec le front commun syndical. Le défi était de taille étant donné que les représentants syndicaux arrivaient à la table de négociation avec des demandes très précises.

Le gouvernement a fait le pari qu'il était possible de s'entendre avec les syndicats dans des délais raisonnables et d'en arriver à une entente négociée apte à satisfaire toutes les parties. Cette entente est une démonstration claire que, lorsque des négociations s'inscrivent sous le signe du respect, de l'ouverture et de la bonne volonté de part et d'autre, il est possible de convenir d'un règlement négocié qui offre aux employés de l'État de meilleures conditions de travail tout en respectant le cadre financier que le gouvernement s'est fixé et surtout, surtout, respecte la capacité de payer des citoyens et citoyennes du Québec.

Le positivisme dont a fait part le gouvernement dans la foulée des négociations entreprises avec les 475 000 autres employés de l'État est principalement à l'origine du succès que nous avons connu quant au règlement de ce dossier. Nous avons également conclu la première entente de l'histoire du Québec avec la FIIQ, la Fédération des infirmières du Québec. Également, dans le respect du cadre financier, nous avons réussi une première entente collective avec les RSG.

En tout respect des employés de l'État, nous avons introduit avec nos partenaires, que sont nos employés, une clause de croissance économique qui pourrait permettre, si la performance de l'économie est supérieure aux prévisions établies dans le plan de retour à l'équilibre budgétaire, de majorer le paramètre des trois dernières années des conventions collectives d'un maximum de 3,5 %. C'est du jamais vu, M. le Président, lors des négociations, ce genre d'entente entre l'État québécois et ses travailleurs. Autre fait historique, nous avons conclu, avec cette entente des... cette négociation, pardon, des ententes d'une durée de cinq ans. Il s'agit encore là d'une première dans l'histoire.

M. le Président, il faut se rappeler le contexte économique qui a teinté ces dernières négociations. Premièrement, le Québec, le monde entier a subi la pire crise économique depuis les 70 dernières années. Le Québec s'en est mieux tiré... s'en est mieux sorti que partout ailleurs. Le taux de chômage est plus bas que nos voisins ontariens, plus bas que la moyenne canadienne. Nous avons créé plus d'emplois pendant cette pire crise économique à l'échelle mondiale depuis la fin des années trente que lorsque le Parti québécois était au pouvoir pendant des années de croissance économique.

Nous avons mis de l'avant, premièrement, le Pacte pour l'emploi, pour maintenir les emplois, pour perfectionner les employés; le programme SERRE, qui est un programme de soutien aux entreprises à risque de ralentissement économique. On a mis sur pied le programme Renfort. Nous avons aussi mis en branle le programme d'investissement énergétique et aussi, M. le Président, le Plan québécois des infrastructures. À terme, c'est plus de 42 milliards de dollars qui seront investis pour maintenir les gens en emploi et même créer plus de 100 000 emplois. Ce plan d'investissement des infrastructures aura également comme mérite et fait en sorte que nous aurons réussi une mise à niveau de nos infrastructures, nos infrastructures qui en avaient grand besoin. Nous aurons investi, par ces 42 milliards, dans nos écoles, dans nos hôpitaux, nos routes, nos infrastructures sportives, culturelles et de loisir, et j'en passe, et ce, dans toutes les régions du Québec.

Vous savez, M. le Président, nous avons accepté de faire un déficit raisonnable pour soutenir l'emploi et aider les familles à passer à travers cette crise. La chef de l'opposition souhaitait, elle, qu'on fasse un plus gros déficit, un déficit démesuré. Vous serez d'accord avec moi qu'il s'agit là d'une grande contradiction auquel elle est bien capable.

En conclusion, M. le Président, nous avons la chance, au Québec, de pouvoir compter sur une fonction publique compétente, des juristes et des procureurs d'une grande valeur, de grande qualité. L'intérêt public ne nous laisse d'autre choix pour assurer et préserver les services aux citoyens de grande qualité... Même avec cette procédure exceptionnelle, les conditions sur la table sont des plus raisonnables et responsables et sont preuve des efforts faits par notre gouvernement, et ce, tout en respectant autant les procureurs et les juristes, et surtout en respectant la capacité de payer des Québécoises et des Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron): Je profite du moment... Ce n'est pas parce que certaines règles du règlement sont suspendues, en motion spéciale, là, qu'on ne doit pas rester sur le sujet. Alors, par déférence, je n'ai pas voulu intervenir, mais j'en appelle à tous les parlementaires, il faut rester sur le sujet et non pas en profiter pour... Il y a deux occasions où on peut faire pas mal de choses, c'est lors du discours inaugural et lors du discours du budget. Mais, mis à part ces deux occasions-là, il faut rester sur le sujet qui est le nôtre.

Alors, je reconnais M. le député de Mercier pour son intervention. En vous rappelant, M. le député, que, selon les règles antérieures, vous avez cinq minutes.

M. Amir Khadir

M. Khadir: D'accord. Merci, M. le Président. Je comprends, donc, par exemple, que je ne peux pas utiliser ce débat pour faire le procès du capitalisme ou d'un certain modèle de développement économique du gouvernement... Je comprends.

Le Vice-Président (M. Gendron): Oui, vous comprenez bien. Alors, on reste sur le sujet du jour, même si on est en procédures spéciales.

**(19 h 40)**

M. Khadir: M. le Président, donc, pour aller au coeur du sujet, il s'agit là d'une lutte, d'une bataille qui oppose des employés de l'État, des gens d'une grande compétence, les procureurs de la couronne et les juristes de l'État, qui réclament simplement les moyens et le respect nécessaires pour mener à bien leur travail.

Il s'agit d'abord, pour nous, pour Québec solidaire, de saluer le courage et la combativité de ces employés qui sont, à tous égards, admirables et une leçon, en fait, de combativité, parce qu'ils refusent d'accepter... parce que les juristes de l'État et les procureurs de la couronne refusent d'être traités avec mépris par un gouvernement malheureusement qui agit en matamore en voulant infliger une humiliation à ses employés en continuant une attitude envers ses employés qui ne respecte pas vraiment le principe de l'égalité. Je m'explique.

Le gouvernement nous affirme que, dans le fond, son attitude envers les procureurs de la couronne et les juristes de l'État est justifiée par le fait qu'il veut accorder le même traitement à ces employés que ceux accordés à d'autres, à d'autres employés ou à d'autres personnes de la... qui sont, en fait, dans le giron de l'État et qui agissent au nom et qui sont financés par l'État québécois.

Évidemment, on comprend que, quand le gouvernement parle de ses employés, il parle toujours des gens qui sont en bas de la hiérarchie économique et sociale. On parle des éducateurs, des enseignants, des infirmières et bien sûr des juristes et des procureurs de la couronne. Pourtant, quand il s'agit pour l'État de s'adresser aux gens qui sont au sommet de la hiérarchie sociale, y inclus dans le cadre du service public -- et là, je pense, des médecins spécialistes, qui sont quand même financés et sont au service de l'État -- ce n'est pas du tout la même attitude. Le gouvernement a accepté une augmentation beaucoup plus importante du traitement des médecins spécialistes.

Pour nous, il ne s'agit pas de faire avec les médecins spécialistes ce qu'on a fait avec les employés de l'État mais plutôt le contraire. Mais, pour ce faire, il faut d'abord que l'État croie que l'appareil d'État sert à quelque chose, que l'appareil d'État sert à rendre un certain nombre de services aux citoyens. Or, la réalité, c'est que, malgré les prétentions de la partie gouvernementale au fait qu'il n'agisse finalement avec cette loi spéciale, cette loi matraque que dans le but de rétablir des services aux citoyens, ce gouvernement, dans toute son attitude, qui consiste à diminuer la capacité de l'État d'intervenir en privant l'État des ressources nécessaires, des ressources qui lui reviennent pour pouvoir adéquatement respecter et traiter avec le même respect et la même déférence que l'égard qu'il porte aux gens qui sont au sommet de la hiérarchie économique et sociale... bien, l'État, il faut qu'il aille chercher des ressources dans ses ressources naturelles, c'est-à-dire des justes revenus dans ses ressources naturelles en luttant contre l'évasion fiscale, en faisant de meilleures économies là où le gouvernement peut le faire, sans nuire aux services aux citoyens. Et manifestement ce n'est pas dans l'intention de cet État.

Alors, on aurait souhaité qu'à la veille du discours inaugural le gouvernement, en fait, montre un peu plus de sensibilité à la situation dans laquelle le Québec se trouve. La situation actuelle, c'est un énorme écart entre les attentes des citoyens et l'action de l'État. Une fois de plus, en restant insensible vis-à-vis une demande légitime des citoyens, qui veut que l'État fasse montre qu'il lutte efficacement contre la corruption, avec la décision que le gouvernement s'apprête à prendre, il est clair qu'on met à dos ceux qui sont les artisans de cette lutte et qui doivent être au front pour mener cette lutte à bien.

Il est certain, M. le Président, à ce moment-là que, dans ce contexte-là, nous allons voter contre le principe, l'adoption de principe du projet de loi et contre la loi. En fait, la question de plus en plus se pose: À qui profite ce chaos? Dans quel but le gouvernement adopte cette confrontation?

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, je vous remercie, M. le député de Mercier, de votre intervention. Et, pour la poursuite du débat, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Gatineau.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée: Merci, M. le Président. Ce soir, on est réunis pour discuter d'un projet de loi spécial, le projet de loi n° 135, projet de loi qui a été déposé dans un contexte particulier. Dans un premier temps, je vous dirais, M. le Président, il n'y a pas un de mes collègues qui est ici de gaieté de coeur. Il n'y a personne qui est derrière cette loi-là, qui... En fait, les collègues qui sont réunis aujourd'hui ici ne le font pas pour narguer l'opposition, ne le font pas pour narguer les procureurs de la couronne. Bien au contraire, on le fait ici... Cette loi-là est déposée parce qu'elle s'imposait dans un contexte bien particulier.

Les procureurs de la couronne, les juristes de l'État font un travail extraordinaire. Leurs conditions de travail, leurs conditions de travail, qui sont particulières, sont reconnues... et qui sont difficiles, sont reconnues. La situation, elle est reconnue par le gouvernement. Et c'est pour ça que, pendant les dernières semaines, il y a eu des mesures intenses et une énergie qui a été mise dans les négociations, un effort qui a été mis sur la table, qui a été refusé par les procureurs. Mais il y avait une volonté de reconnaître la particularité de leur situation mais aussi de le faire en gardant en tête la capacité de payer du gouvernement. Parce que, même si on reconnaît le travail extraordinaire qui est fait quotidiennement par les procureurs de la couronne dans les différents palais de justice au Québec, on n'a pas plus de ressources financières pour autant. Et on se doit de gouverner de façon responsable, et c'est ce qui a été fait.

M. le Président, je vous dirais, j'ai eu la chance, au cours d'une ancienne vie, de travailler en étroite collaboration avec des procureurs de la couronne, dont certains étaient ici cet après-midi. Et ce n'est pas parce que je me retrouve de ce côté-ci de la Chambre, ce soir, que je ne reconnais pas et que je ne salue pas le travail qui a été fait par mes collègues, par des confrères qui, pour de... la majorité d'entre eux travaillent de longues heures. Mais on ne peut faire autrement aujourd'hui, on n'a pas le choix de déposer cette loi spéciale pour permettre à la justice de suivre son cours.

Ce qui s'est passé depuis le 8 février dernier a donné lieu à des situations qui étaient vraiment difficiles pour les citoyens du Québec. On a vu de nombreux dossiers qui ont été reportés devant les tribunaux, des remises, des acquittements et parfois même des sentences très, très, très réduites imposées à des accusés, car aucune représentation n'était faite sur sentence par les procureurs en place. Et ça, ça s'est produit dans tous les tribunaux, un petit peu partout sur le territoire du Québec. C'est important, pour un citoyen qui est un témoin dans une affaire criminelle, pour un citoyen qui a été victime d'un acte criminel, qui attend après la décision pour pouvoir continuer dans son cheminement, c'est important que la justice puisse suivre son cours.

Les offres qui ont été mises sur la table par la présidente du Conseil du trésor, les discussions qui étaient en cours étaient vraiment sérieuses, visaient non seulement la rémunération des procureurs, mais visaient également une augmentation de la qualité des conditions de travail offertes aux procureurs. On entendait le député de Chambly, un petit peu plus tôt ce soir, parler de la difficulté qu'avaient certains procureurs de la couronne à faire avancer leurs dossiers, à trouver de la jurisprudence, à faire tout le travail clérical qui accompagne un procès. Parce qu'évidemment, pour le citoyen qui est dans une salle de cour, qui est témoin dans un procès criminel, il s'imagine qu'un dossier, ça se fait exclusivement devant le tribunal, alors qu'on sait qu'il y a des heures de recherche, il y a du travail clérical, il y a des rencontres avec des témoins qui doivent se faire.

Tout ça est reconnu par le gouvernement, M. le Président, mais on ne peut accéder actuellement aux demandes d'augmentation de 40 % qui ont été présentées par les associations. On n'a pas la capacité de dire oui à cette demande-là. Est-ce qu'on a la capacité de dire oui à autre chose? Certainement. C'est ça qui était sur la table. Mais évidemment, lorsque, dans une négociation, une des deux parties tient fermement son bout, il peut arriver des situations comme celle que nous vivons ce soir, pas des situations souhaitées, pas des situations souhaitables, mais des situations inévitables lorsqu'on se campe dans nos positions.

Il était impossible pour notre gouvernement d'accéder à cette demande d'augmentation de 40 %. Mes collègues l'ont dit précédemment, il y a eu des ententes qui ont été convenues en juin dernier, en novembre dernier avec d'autres organismes, avec 475 000 employés de l'État, 475 000 intervenants qui oeuvrent quotidiennement pour assurer le bien-être des citoyens du Québec. Il n'est pas question, ce soir, comme le laissait mentionner... le laissait planer le député de Verchères, d'indiquer, de faire une gradation entre l'importance des rôles entre les fonctionnaires de l'État, pas question de faire ça. Par contre, il n'est pas question non plus de dire... de ne pas reconnaître le travail essentiel aussi effectué par ces 475 000 salariés de l'État qui ont reconnu la difficulté actuelle, la difficulté budgétaire, la situation qui existait, les efforts mis de l'avant par le gouvernement pour arriver à l'équilibre budgétaire et qui ont accepté dans un contexte bien particulier des augmentations ciblées, encadrées, mais tout de même des augmentations. Et il serait loin de moi, ce soir, de vous dire que l'enseignante de ma fille ne joue pas un rôle essentiel au sein de la société québécoise, que les enseignants à la polyvalente de mon fils, qui travaillent pour contrer le décrochage scolaire, ne jouent pas un rôle important, que les techniciens de laboratoire dans les hôpitaux ne jouent pas un rôle important pour l'administration de l'État. Ce serait leur manquer de respect.

**(19 h 50)**

Ceci étant dit, je reconnais le rôle essentiel qui est joué par les procureurs de la couronne, par les juristes de l'État. Et, je dois vous dire, M. le Président, je suis très désolée de voir d'éminents juristes, comme Me Carrière, comme tous ceux qui ont choisi, aujourd'hui, de mettre de côté leurs responsabilités pour s'opposer à la loi spéciale qui a été déposée, je suis désolée de voir ces gens-là quitter. Mais, qu'est-ce que vous voulez, M. le Président, c'est leur choix, un choix difficile probablement et un choix fort regrettable parce qu'effectivement il s'agissait là de procureurs chevronnés, des procureurs qui ont mené d'une main de fer des dossiers fort délicats au cours des dernières années. Et j'espère qu'ils réviseront leur décision et que nous pourrons compter sur leur collaboration au fil des prochains jours et des prochaines semaines, parce qu'il y a eu...

Vous savez, M. le Président, il faut aussi revenir un petit peu, recadrer la question des revendications salariales et des demandes salariales et remettre le tout dans une perspective. Actuellement, un juriste de l'État... Pardon. Actuellement, la moyenne salariale des juristes de l'État est de 80 000 $. On a le tiers des procureurs qui gagnent en moyenne 92 000 $. Cette moyenne salariale là se base sur un minimum de 43 297 $, un maximum de 103 734 $. Ça, c'est la moyenne salariale des procureurs de la couronne et juristes de l'État. À ça évidemment s'ajoutent les fonds de pension et les congés payés.

Je ne dis pas que les procureurs ne travaillent pas fort, mais je recadre tout de même leurs conditions actuelles de travail. Et vous rappeler que le revenu moyen québécois demeure de 34 000 $, je pense que c'est important pour les citoyens qui nous écoutent ce soir de tenir compte de cette réalité. Actuellement, les procureurs de la couronne ont tout de même un revenu moyen de 80 000 $. Alors, lorsqu'on entend les collègues de l'opposition parler, c'est comme prétendre que les procureurs de la couronne reçoivent un revenu moyen de 30 000 $, 35 000 $, ce qui n'est pas le cas.

Ceci étant dit, on reconnaissait le besoin d'augmentation salariale, on le reconnaît toujours. La loi spéciale, contrairement à d'autres lois spéciales adoptées sous l'opposition, ne prévoit pas des coupures dans les salaires des salariés de l'État, on y prévoit une augmentation de 7 % sur cinq ans. On ne coupe rien, là. Parce que, ça aussi, on pourrait, à entendre ou à réécouter les commentaires de nos collègues de l'opposition, croire que le gouvernement s'apprête à couper dans les salaires des procureurs de la couronne et juristes de l'État, ce qui n'est pas le cas. On prévoit des augmentations. Évidemment, ce n'est pas tout à fait ce qui était sur la table hier matin, mais on n'en a pas voulu et on l'a dit clairement.

Le représentant des associations de juristes a catégoriquement rejeté les offres patronales du revers de la main, a été très cinglant dans ses propos aux médias et a dit: On n'en veut pas. Mais, à partir de là, M. le Président, compte tenu du contexte dont on vous a fait part précédemment, c'est-à-dire l'importance d'assurer un service continu à la population du Québec, l'importance d'assurer un suivi dans tous les dossiers judiciaires qui sont actuellement devant les tribunaux, assurer que les criminels recevront les sentences appropriées, s'assurer qu'il n'y aura pas de remises et qu'il n'y aura pas d'acquittements faute de procédure, on n'avait pas le choix que d'aller de l'avant avec cette loi-là. Mais par contre, si, hier, on avait senti une volonté, bien, je suis persuadée, M. le Président, qu'on ne serait pas ici ce soir à débattre de cette loi-là. Mais on a préféré rejeter du revers de la main, via le représentant de l'association, ces offres sérieuses qui étaient sur la table.

Tout à l'heure, je vous ai parlé du revenu moyen du Québécois. Mais, M. le Président, les infirmières cliniciennes, qui travaillent aussi de longues heures, qui travaillent aussi dans des conditions pas toujours faciles, ont un revenu moyen minimal de 39 000 $ et maximal de 70 000 $. À entendre l'opposition, est-ce qu'une infirmière clinicienne est moins importante qu'un procureur de la couronne? Est-ce qu'on veut vraiment commencer à jouer à ça ce soir? Je ne crois pas. Je pense qu'on doit sortir justement du cadre partisan et on doit reconnaître que ce qui est sur la tale, M. le Président, c'est une loi sensée, une loi qui représente les ententes intervenues avec les 475 000 employés de l'État, c'est-à-dire que les augmentations correspondent aux augmentations qui ont été négociées en juin et novembre dernier. Et c'est une loi qui s'inscrit dans une volonté de retrouver l'équilibre budgétaire, dans une volonté de gouverner d'une façon sérieuse et responsable. Et évidemment, lorsqu'on gouverne d'une façon sérieuse et responsable, M. le Président, on doit faire des choix, des choix parfois déchirants, mais ces choix-là doivent être faits.

Et je voudrais faire un petit clin d'oeil à mon collègue de Verchères, qui, un peu plus tôt ce soir, nous a sorti des citations historiques, nous a parlé de différentes mesures qui avaient été mises en place sous d'autres gouvernements, dont le gouvernement de M. Bourassa. Mais j'aimerais citer un parlementaire fort respecté de cette Assemblée, qui, le 26 mai 1982, disait: «...on va respecter nos signatures à moins qu'on puisse, par négociation, arriver à un meilleur aménagement de ce qui est nécessaire pour l'équilibre financier de l'État québécois. [...]Il faut que [les] efforts soient répartis et que les secteurs public et parapublic, dotés de la sécurité d'emploi absolue depuis 1976, soient appelés à faire leur part.» Ça, c'était M. René Lévesque, M. le Président, qui s'adressait à cette Assemblée dans un contexte où on imposait des diminutions salariales de 20 %.

Par la suite, dans les années quatre-vingt-dix, on a également imposé d'autres coupures. On a imposé d'autres coupures dans les rémunérations de l'État sous des gouvernements péquistes.

Alors, M. le Président, je vous dirais, ces coupures-là qui ont été imposées par d'autres gouvernements, malheureusement, on en paie encore le prix et on en a aujourd'hui un bel exemple. Puis je sais que ça déplaît à mes collègues de l'opposition, mais on ne peut pas fermer les yeux sur cette situation parce que, si on coupe de 20 %, à un moment donné, on doit le rattraper.

Alors, ceci étant dit, M. le Président, comme on le disait, ce n'est pas une loi facile, ce n'est pas un contexte facile. Nous respectons énormément le travail qui est fait quotidiennement par les procureurs de la couronne, par les juristes de l'État, nous respectons ces professionnels, nous respectons ce qui est fait au quotidien, mais nous n'avons pas d'autre alternative que d'être ici ce soir et de présenter le projet de loi n° 135, et j'espère que nos collègues de l'opposition se rallieront à notre projet de loi.

Et ensemble j'espère que nous pourrons aller de l'avant et assurer aux citoyens du Québec des services juridiques de qualité et assurer que les criminels soient traités comme ils doivent être traités, c'est-à-dire que les procès puissent avoir lieu rapidement, que les criminels puissent être punis, et ce, sans que les citoyens en soient lésés. Merci.

**(20 heures)**

Le Vice-Président (M. Gendron): Alors, merci, Mme la députée de Gatineau, de votre intervention. Et pour la poursuite du débat je cède maintenant la parole à M. le député du Lac-Saint-Jean. M. le député du Lac-Saint-Jean, à vous.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci, M. le Président. Alors, j'imagine que, pour les procureurs qui regardent le débat puis qui regardent le gouvernement s'applaudir, applaudir le bâillon, applaudir la suspension des règles parlementaires, applaudir une loi qu'on leur impose, ça doit être un spectacle désolant, d'autant plus que je ne peux pas passer sous silence le propos de ma collègue de Gatineau lorsqu'elle dit que, si on avait senti la volonté, et je répète, senti la volonté de s'entendre, on n'en serait pas rendus là aujourd'hui.

Alors, semble-t-il, messieurs mesdames, qu'on ne sentait pas votre volonté à vouloir s'entendre avec le gouvernement du Québec. Et, pire, son collègue de Chapleau, il en rajoute puis il dit: Entre gens de bonne foi, on peut toujours s'entendre. Alors, je présume que vous étiez de bonne foi. Alors, j'imagine qu'il faisait référence peut-être à son gouvernement qui, lui, n'était pas de bonne foi, puisqu'on ne s'est pas entendus, M. le Président.

M. le Président, je trouve ça particulièrement désolant qu'on en soit rendus là à se voir imposer une loi qui va imposer des nouvelles conditions salariales aux procureurs du gouvernement du Québec. M. le Président, j'ai déjà eu la chance de... de m'expliquer, pardon... m'exprimer, pardon, plus tôt aujourd'hui et je vais plutôt parler par l'intermédiaire de Michel Oligny, qui est policier à la Sûreté du Québec... qui est un policier retraité, qui, lui, avait l'habitude de travailler avec les procureurs de la couronne. Alors, je lui donne la parole. Dans une lettre qu'il a publiée dans La Presse, il écrit: «Lorsque j'étais policier à la Sûreté du Québec, j'ai côtoyé pendant 26 ans les procureurs de la couronne, ces hommes et ces femmes pour la majorité dédiés à une cause: que justice soit faite dans le respect de la loi, de la Constitution et de la population.»

Il continue: «À mon avis, les procureurs de la couronne sont les enfants pauvres de notre système pénal québécois, [...]vos procureurs sont vos représentants contre l'accusé qui lui, par l'entremise de ses avocats, possède souvent des moyens financiers incroyables, des services de [recherche] compétents, des technologies à la fine pointe. Les procès de motards, du crime organisé, l'affaire Vincent Lacroix en sont d'excellents exemples. Les procureurs, eux, n'ont rien [...] cela ou presque. Leur salaire n'est pas équitable compte tenu de leurs responsabilités, [et] leurs équipements sont encore désuets. Ils doivent effectuer leurs recherches eux-mêmes, calmer les ardeurs des policiers enquêteurs, composer avec la pression des victimes et [des] familles, négocier avec leurs collègues de la défense quelques fois arrogants, gérer [les] menaces [gérer les] intimidations.»

M. le Président, lorsqu'un policier à la retraite prend la peine de donner son point de vue dans un débat aussi important qui est en cours présentement, on peut comprendre que c'est parce que c'est venu le chercher droit au coeur. Pour lui, avec son expérience, l'expérience d'une carrière, il en est venu à la conclusion que les procureurs du Québec n'avaient pas les conditions dignes de ce nom pour affronter les organisations criminelles mais pour bien faire leur travail, un travail qui les tient à coeur.

M. le Président, moi-même étant du Barreau 2002, je n'ai pas eu le temps ce matin de finir la comparaison, mais, lorsque j'ai terminé mes études et que j'ai joint un grand cabinet d'avocats, chez Fasken Martineau, à l'époque le salaire moyen qu'on donnait à un avocat de première année, M. le Président, en 2002, c'était à peu près 80 000 $, 80 000 $ à un jeune qui sort de l'université, qui n'a pas d'expérience professionnelle et qui a à peu près l'équivalent du salaire d'un député. C'est ça, M. le Président, la réalité. La réalité, c'est que les jeunes qui sortent de nos universités doivent non seulement... On leur offre de choisir l'entreprise privée par rapport à l'entreprise publique, et nécessairement, M. le Président, les salaires doivent être pour le moins compétitifs pour assurer d'aller chercher la crème, M. le Président, et d'aller chercher les meilleurs.

Évidemment, M. le Président, la comparaison est un peu boiteuse, parce que vous comprendrez que les chiffres actuels sont nettement plus élevés et sont probablement aux alentours de 100 000 $ pour un avocat de première année dans un grand cabinet. Eh oui, 100 000 $, M. le Président, pour un avocat de première année dans un grand cabinet privé.

Dans une chronique d'Yves Boisvert, M. le Président, il dit: «...il y a 10 ans, le gouvernement ontarien a dû augmenter de 30 % les salaires des procureurs de la couronne. À Toronto, [...]on [a de la difficulté] à retenir les procureurs fédéraux, attirés par les salaires de la couronne ontarienne. Les meilleurs peuvent y gagner plus de 200 000 $ en comptant les primes au mérite. Au bas de l'échelle, un procureur ontarien touche 76 000 $. Quatre ans plus tard, ce blanc-bec en est à 105 000 $ -- déjà le maximum québécois. Suivent deux autres séries d'échelons qui peuvent les mener au maximum. Mais, sauf incompétence, le procureur moyen ontarien atteindra 185 000 $ avant 15 ans d'ancienneté.»

La députée de Chapleau... non, pas de Chapleau, la députée de Gatineau nous dit tout à l'heure que la moyenne québécoise est de 80 000 $, et on peut lire que la moyenne des procureurs en Ontario est de 185 000 $. Je veux bien, M. le Président, mais on ne peut pas faire abstraction de la réalité de ce qui nous entoure. Il y a une disparité importante entre les procureurs d'ici et les procureurs d'ailleurs, et, cette disparité, on ne peut pas en faire abstraction. Évidemment, je ne dis pas que tout... on doit... le gouvernement du Québec doit dire oui à tout, que le gouvernement du Québec doit augmenter de 150 % les salaires des procureurs, M. le Président. Ce n'est pas ce que je suis en train de dire. Ce que je suis en train de dire, M. le Président, c'est que les procureurs ont le droit de négocier, ont le droit de faire entendre leurs points de vue, ont le droit de négocier de bonne foi avec le gouvernement. Quelle est l'attitude du gouvernement? On ne négocie pas, on ferme la porte. Et qu'est-ce qu'on fait? On utilise une procédure parlementaire qui bâillonne l'opposition.

On impose un projet de loi. On met fin aux négociations et on impose de façon unilatérale des conditions de travail et des conditions salariales qui sont en deçà de ce que le gouvernement était prêt à offrir aux procureurs de la couronne. M. le Président, c'est pour le moins gênant, cette façon unilatérale de procéder, alors qu'ils ont, dois-je le rappeler, été condamnés par l'Organisation internationale du travail dans un jugement où le gouvernement du Québec a procédé essentiellement de la même façon, M. le Président.

Alors, on suspend des droits, on suspend le processus de négociation en cours pour y aller de façon unilatérale, en imposant sa vision, la seule, la seule bonne réponse, comme si le gouvernement du Québec avait le monopole de la réalité.

**(20 h 10)**

Le problème, M. le Président, c'est que, lorsqu'on ne tient pas compte de la réalité soit de l'entreprise privée ou des autres gouvernements qui nous entourent, incluant le gouvernement fédéral, M. le Président, parce que je n'ai pas besoin de vous dire que nos procureurs du Québec ne peuvent sous aucune façon être avantageusement comparés aux procureurs fédéraux en matière de rémunération... Alors, lorsqu'on se compare, M. le Président, force est de constater qu'il y a un rattrapage important à faire, et ce rattrapage doit se faire en toute bonne foi, en négociation, dans un processus de donnant, donnant et dans un processus où éventuellement le gouvernement avec les procureurs va s'entendre.

Alors, non seulement il y a une disparité importante en matière de rémunération, mais en plus il manque de monde, il manque de procureurs. En Ontario, M. le Président, il y a 900 procureurs. Au Québec, il y en a 450. Bon, je veux bien, M. le Président, qu'il y ait plus... que la population soit plus nombreuse en Ontario, mais certainement pas le double du Québec, M. le Président. Alors, la réalité et les chiffres du gouvernement ontarien le démontrent bien, c'est que le Québec tire de la patte, tire de la patte parce que, un, les conditions de rémunération sont peu avantageuses par rapport à l'entreprise privée, peu avantageuses par rapport au gouvernement fédéral, peu avantageuses par rapport aux autres gouvernements canadiens. Alors, qu'est-ce qui attire les jeunes dans le goût de servir pour la fonction québécoise? Le goût du bénévolat, comme le député de Châteauguay nous a dit un peu plus tôt aujourd'hui? Je ne pense pas, M. le Président.

Alors, la réalité, c'est que non seulement on a de la difficulté à attirer nos jeunes procureurs dans la fonction publique québécoise, mais il y a des conséquences à ça, puis une des conséquences a été donnée cette semaine par l'intermédiaire de M. Claude Chartrand. Alors, qui est ce M. Claude Chartrand? Il est le procureur en chef du Bureau de lutte au crime organisé. Le bureau... Le chef... Le procureur-chef du Bureau de lutte au crime organisé, qu'est-ce qu'il nous dit? Il nous dit qu'il n'est pas capable de recruter du monde, M. le Président, le nombre suffisant de procureurs pour mener sa lutte contre le crime organisé, entre autres, dans le procès des Hell's Angels qui fait suite à l'opération SharQc. M. le Président, il avait besoin de 16 procureurs, il est capable d'en trouver juste 10. Pourtant, M. le Président, personne ici, dans cette Chambre, ne doit nier l'importance du travail de ces procureurs.

Comment se fait-il qu'un procureur chevronné, et un procureur qui a gagné le respect au fil du temps, est incapable de recruter une équipe de 16 procureurs? Il y a de l'emploi disponible, il est prêt à les payer. Le gouvernement du Québec a sans doute autorisé l'embauche de ces nouvelles personnes. Pourtant, il est incapable, il est incapable d'aller chercher les six procureurs supplémentaires. Est-ce que ça se pourrait que les conditions salariales y soient pour quelque chose? Est-ce que ça se pourrait, M. le Président, que, lorsque tu traites avec les Hell's Angels, bien, que des fois, quand tu rentres chez toi le soir, tu... une dose de courage, puis tu as peur peut-être à l'intimidation puis tu as peut-être peur aussi au chantage. Est-ce qu'on s'entend, M. le Président, que minimalement, lorsqu'on fait la lutte au crime organisé, ça prend un courage qui devrait être pour le moins souligné? Alors, ces gens-là, M. le Président... la réalité, c'est que le procureur en chef est incapable.

Alors, qu'est-ce qu'il nous dit, ce M. Chartrand? Il nous dit qu'il veut être démis de ses fonctions parce qu'il en a carrément ras le bol, ras le bol de faire ce travail dans les conditions qui lui sont imposées. Alors, ce qu'il nous dit: Selon lui, le Québec n'a carrément plus la capacité de lutter efficacement contre le crime organisé dans les conditions qu'on lui impose. Alors, M. le Président, lorsque quelqu'un d'expérience comme M. Chartrand... lorsque quelqu'un qui a consacré sa vie à la société québécoise, à la Justice, au grand sens du terme, avec un J majuscule, nous dit qu'il est incapable de recruter le nombre de procureurs qu'il a de besoin, M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que ça doit nous sonner des cloches.

Alors, quelle est la réponse du gouvernement à ça? C'est d'imposer une loi, M. le Président, imposer une augmentation, parce qu'il y en a une, oui, M. le Président... -- Mme la Présidente, bonsoir -- c'est d'imposer une augmentation de 6 %, alors que, semble-t-il, l'augmentation... pardon, la proposition du gouvernement était plutôt de l'ordre de 12 %.

Mme la Présidente, j'ai... en fait, dans ma courte expérience de parlementaire, il faut le dire, j'ai le... la qualité des propos et la justesse des propos de l'association des policiers et des policières provinciaux de Québec méritent amplement qu'on les cite. Alors, selon Jean-Guy Dagenais, qui est, vous comprendrez, est policier, président de l'association de policiers et policières du Québec, «nous devons tous reconnaître qu'il y a un profond malaise dans le domaine des relations de travail, et ce, dans l'ensemble des sphères d'activité de l'appareil judiciaire au Québec. Les procureurs de la couronne, un maillon essentiel au bon fonctionnement de notre système de justice, sont présentement en grève pour des raisons qui nous paraissent tout à fait légitimes -- Mme la Présidente, alors l'appui ici, la fédération des policières, policiers du Québec, alors je continue -- quand on pense à l'écart salarial qui les sépare avec leurs collègues du reste du Canada et du manque criant des ressources [pour exercer leur travail].»

Même son de cloche, Mme la Présidente, chez les policiers et policières de la ville de Québec, et je les cite: Le président de la Fraternité des policiers, M. Bernard Lehre, estime lui aussi qu'il y a un profond malaise au sein de l'appareil judiciaire québécois. Après avoir fait les mêmes... observations, pardon, que son collègue, M. Lehre a souligné le fait que le gouvernement Charest ne semble pas réaliser toutes les conséquences de la mésentente que leurs représentants gouvernementaux entretiennent avec les procureurs de la couronne. Alors, un appui, Mme la Présidente, comme vous venez de le constater, de la part des policiers et policières de la région de Québec, de même que ceux de la région de Montréal.

Alors, on pourrait penser que les procureurs ne reçoivent pas l'appui de la communauté juridique. On aurait pu penser, par exemple, que le Barreau du Québec, qui nous a habitués, il faut le dire, à une certaine neutralité ou du moins à ne pas être le premier dans l'arène politique... Pourtant, le Barreau du Québec a émis un communiqué qui ne peut pas être plus clair. Alors, je vous lis le communiqué qui a été émis hier, Mme la Présidente: «En adoptant la loi spéciale, on risque de détruire la relation de confiance client-avocat qui est à la base du rôle de l'avocat dans une société de droit, alors que toutes les avenues de négociation n'ont pas été épuisées.» Alors, Mme la Présidente, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Barreau du Québec qui dit aux parlementaires du gouvernement qu'on n'a pas été aux limites, aux limites des négociations avec les procureurs de la couronne, qu'on a agi de façon prématurée, qu'on a agi trop tôt et qu'on n'a pas laissé la chance aux procureurs et au gouvernement du Québec de s'exprimer à l'intérieur d'une négociation à laquelle on en serait fort probablement arrivés à un meilleur résultat que le résultat qui est devant nous.

Le problème également, Mme la Présidente... imaginez l'effet sur le moral que ça a sur les procureurs. Le gouvernement du Québec nous dit: On veut lutter contre la corruption au Québec, on veut lutter contre la collusion, on veut mettre sur pied une entité anticollusion. Mme la Présidente, et je suis sûr que mon collègue va être d'accord, comment peut-on avoir la volonté de s'attaquer à la corruption lorsque les procureurs de la couronne, eux, ne suivent plus? Et c'est ce qui est en train de se produire, Mme la Présidente, les procureurs ne suivent plus le gouvernement. Non seulement le lien est brisé avec le procureur, le lien client-avocat qu'on... que le Barreau du Québec parlait tout à l'heure, mais le lien de confiance, le lien de confiance est brisé avec le gouvernement du Québec parce que les procureurs ne croient pas en ce gouvernement. Et, lorsqu'ils regardent la façon dont il les a traités lors des négociations, on peut certainement questionner, Mme la Présidente, leur volonté à vouloir donner le meilleur d'eux-mêmes dès demain, alors qu'on leur impose une loi.

La preuve, Mme la Présidente, c'est que, pas plus tard qu'à 2 h 30, sur le site de Cyberpresse, qu'est-ce qu'on pouvait lire? On pouvait lire que la majorité des procureurs-chefs démissionnent.

**(20 h 20)**

Mme la Présidente, on avait compris que les procureurs, eux, étaient en grève et que, suite à ça, le gouvernement du Québec voulait les bâillonner en leur imposant une loi. Mais les procureurs-chefs, eux, étaient exclus, étaient exclus parce qu'ils étaient cadres, parce qu'ils n'étaient pas syndiqués, parce que la loi ne peut pas s'appliquer à eux. Qu'est-ce qu'ils ont fait, eux, Mme la Présidente, après-midi? Par geste de solidarité avec leurs collègues, ils ont fait quoi? Ils ont demandé d'être relevés de leurs fonctions, Mme la Présidente. Et pourquoi ils ont fait ça? Ils ont fait ça en guise de solidarité avec leurs collègues.

Alors, qu'est-ce que le gouvernement du Québec va faire, Mme la Présidente, pour faire la lutte au crime organisé, pour faire la lutte à la corruption au Québec, pour faire la lutte à la collusion, alors que 40 des 50 procureurs cadres nous disent qu'ils veulent être remis de leurs fonctions et qu'en plus on impose, dans une loi de bâillon, un cadre de travail qu'on impose de façon unilatérale, au gouvernement du Québec?

Mme la Présidente, j'ai déjà eu la chance de citer le jugement de l'OIT, qui condamnait le gouvernement du Québec et qui faisait certainement mauvaise presse à toute la société québécoise au niveau international dans un jugement qui a été rendu, où on a imposé des conditions de travail aux procureurs, d'ailleurs, dans des circonstances similaires. Alors, selon le Bureau international du travail, la loi n° 142, la loi de l'époque, va à l'encontre des conventions internationales du travail, et à cet égard il prie le gouvernement du Québec de modifier cette loi pour la rendre conforme aux conventions n° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et n° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective que le Canada, donc le Québec, comme partie constituante encore se doit de respecter.

Mme la Présidente, je voulais juste vous citer cette décision du Bureau international du travail juste pour vous rappeler que, malgré les condamnations, malgré les réprimandes au niveau international, le gouvernement du Québec s'entête dans la même façon de faire, la même arrogance. On peut parler d'arrogance parce qu'on impose, on oblige, on force et on ne laisse pas place, pendant ce temps-là, à toute la négociation. Le gouvernement du Québec a encore la possibilité de prendre acte de ce qui s'est passé aujourd'hui, avoir un peu de recul puis de se dire que finalement ça n'a pas vraiment de bon sens, ce qui est en train de se passer, puis que ça mérite certainement de retourner à la négociation.

M. le Président, lorsque je parle de la disparité salariale, il faut être conscient que ça a des répercussions importantes sur l'ensemble de la société québécoise. Non seulement il faut assurer que nos procureurs aient un salaire pour le moins valable pour qu'ils soient à l'abri de toute influence, même argument pour les juges, même argument pour les policiers, même... Ce même argument est certainement valable pour les procureurs, Mme la Présidente, parce qu'ils sont placés en contact avec le crime organisé dans le cadre de leur travail. Et, ces gens-là, on doit les protéger, Mme la Présidente. On doit s'assurer qu'on ne les contraint pas dans une structure trop, je dirais, alléchante à toute tentative, quelle qu'elle soit, de corruption possible. Alors, Mme la Présidente, on doit regarder, on doit faire une analyse sur les conditions des procureurs dans un contexte où il faut préserver la confiance qu'ont les Québécois envers leur système judiciaire et leurs procureurs. Mais j'ai presque envie de dire: Qu'est-ce qui reste de cette fierté de notre système judiciaire, Mme la Présidente, lorsqu'on...

En fait, tous les Québécois ont été témoins, cet automne, du processus de nomination des juges des tribunaux administratifs de même que ceux de la Cour du Québec. Et, Mme la Présidente, on l'a vite vu dans les sondages, non seulement le gouvernement du Québec a miné la confiance des Québécois envers toute... envers la classe politique en général mais en plus a trouvé le moyen de miner la confiance des Québécois envers leur système judiciaire et particulièrement en ce qui a trait au processus de nomination des juges. Maintenant, Mme la Présidente, quand on prend un Post-it, en fait il faut dire que le Post-it a pris toute une nouvelle connotation maintenant au Québec, hein, on n'a plus envie de prendre le Post-it... un papier bleu, un papier orange, mais certainement pas un Post-it, Mme la Présidente, lorsqu'on fait de la politique, parce que maintenant ça a une connotation bien particulière.

On a appris, et tous les Québécois ont appris que, sans Post-it, pas de nomination; avec un Post-it, bien, une nomination. C'est ce genre de propos là qui sont tenus sur la place publique, qui viennent miner toute la confiance des Québécois envers leur système judiciaire.

Et, malheureusement, la loi bâillon vient ajouter à ce cynisme, vient ajouter... pour une raison bien simple, parce que le gouvernement est en train de perdre la collaboration des procureurs. Et ça, perdre la collaboration des procureurs, lorsqu'on prétend, de l'autre côté, vouloir s'attaquer à la corruption, entre autres, dans l'industrie de la corruption, on a envie de leur souhaiter bonne chance parce que ce n'est certainement pas de cette manière-là qu'on encourage notre monde, qu'on leur dit qu'ils font du bon travail, qu'on leur dit qu'on a besoin d'eux puis que la petite tape dans le dos que ces gens-là devraient avoir... on est loin de la petite tape dans le dos d'encouragement. Alors que le Québec vit des moments historiques de lutte... d'allégations importantes en ce qui a trait à la corruption au Québec, alors que jamais, sans doute, nos procureurs ne seront autant sollicités pour mener à terme les enquêtes des policiers, qu'est-ce qui se passe, Mme la Présidente? On leur impose une loi. On les force à retourner au travail, alors qu'il y a une disparité flagrante, flagrante, Mme la Présidente, entre leurs conditions de travail, le secteur privé et les autres provinces canadiennes, de même que le gouvernement du Québec.

La députée de Gatineau disait tout à l'heure: Il n'y a pas d'autre solution, Mme la Présidente, il n'y a pas d'autre solution. Bien, je vais lui en donner au moins une, elle s'appelle la négociation, la négociation. Bon, il faut dire que votre gouvernement est de plus en plus habitué à imposer des lois bâillons, et la négociation ne semble pas tellement faire partie des valeurs de ce gouvernement. Il n'en demeure pas moins, Mme la Présidente, qu'il est toujours temps de négocier, de suspendre les procédures actuelles, d'envoyer les députés chez eux jusqu'à demain et de reprendre, Mme la Présidente, les négociations le plus rapidement possible.

La preuve que les procureurs n'ont plus le coeur à la collaboration: lorsque 420 des 460 procureurs nous disent qu'ils ne participeront pas à la lutte anticorruption, la nouvelle unité lancée vendredi, pas il y a six mois, Mme la Présidente, vendredi. Alors, ils vont les prendre où, les procureurs, Mme la Présidente? Ils vont aller au Barreau du Québec, ils vont aller à l'Université de Montréal faire la file puis leur dire: Terminez votre Barreau, on engage 80 procureurs. Ça va être ça, Mme la Présidente, leur unité de lutte à la corruption au Québec? Ça va être ça, les procureurs qui vont collaborer avec les policiers, sans expérience, sans le bagage nécessaire pour affronter la difficulté et la dureté du milieu?

Alors, Mme la Présidente, je vais conclure en disant que la négociation, c'est du donnant, donnant, que les procureurs ont amplement démontré la justesse de leurs arguments, et qu'ils méritent, à tout le moins, le respect, et qu'à ce stade-ci ils auraient beaucoup plus besoin d'une petite tape dans le dos d'encouragement et d'une négociation conclue en toute bonne foi, dans le respect et la dignité de la fonction. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député du Lac-Saint-Jean. Je reconnais maintenant M. le député de Huntingdon.

M. Stéphane Billette

M. Billette: Merci beaucoup, Mme la Présidente. C'est avec beaucoup de plaisir et ainsi qu'avec un intérêt très marqué que je prends la parole dans le cadre de l'adoption du projet de loi n° 135, de la loi visant le retour du travail de 1 500 employés essentiels au bon fonctionnement de l'État, soit les procureurs et les juristes de l'État.

**(20 h 30)**

Comme chacun d'entre vous, je suis particulièrement au fait de la situation peu banale dans laquelle se retrouvent tous les citoyens et citoyennes de la province de Québec. Dans notre régime parlementaire, la suspension des règles de procédure est un procédé dont il faut user de façon intelligente, et l'utilisation de cette méthode mérite que l'on explique de long en large les raisons qui ont poussé le gouvernement à y avoir recours.

C'est sûr et certain, Mme la Présidente, à entendre mon collègue du Lac-Saint-Jean, lorsqu'il parlait, il y avait une dernière solution qui était envisagée, en reprenant les propos de ma collègue de Gatineau... Il est important de savoir, lors d'une négociation... il faut avoir les deux parties assises à la table, et d'autant plus pour le bon fonctionnement d'un État, un État de droit, il est très important de s'assurer du bon fonctionnement de cet État.

Essentiellement, la principale raison qui motive le choix du gouvernement m'apparaît comme étant extrêmement légitime. Cette raison n'est nulle autre que le sens des responsabilités. Et, au niveau des sens des responsabilités, Mme la Présidente, il est essentiel que le gouvernement s'assure du bon fonctionnement de l'État, et ça, pour tous les citoyens et citoyennes. En effet, ce serait repousser les limites de l'irresponsabilité que de laisser les procureurs et les juristes de l'État donner libre cours à leur débrayage, et ce, ne serait-ce qu'une journée de plus. Toutes celles et ceux qui siègent dans cette Assemblée nationale, ainsi que les gens qui nous écoutent par le truchement de la télévision ou même de l'Internet, savent très bien que le fonctionnement efficace et sans anicroche du système de justice est un élément essentiel afin que la société ne plonge dans un désordre duquel personne ne ressortirait gagnant. C'est la base même de notre système de démocratie.

Je vous prie, Mme la Présidente, de bien vouloir me croire lorsque je parle de désordre appréhendé, puisque nous avons eu l'occasion d'observer d'ores et déjà des signes de perturbation reliés étroitement à la grève des procureurs et des juristes de l'État. Nous n'avons qu'à penser au nombre effarant de remises de dossiers judiciaires et le ralentissement notoire qu'a connu la tenue des procès depuis le début de cette saga, il y a quelques jours.

Ce n'est plus un secret pour personne lorsqu'on affirme que le système était déjà très occupé avant même le déclenchement de la grève. Imaginez à quel point la poursuite de cette grève pourrait avoir des effets très graves à plus ou moins longue échéance sur le système judiciaire québécois.

De plus, Mme la Présidente, dans une société de droit comme la nôtre, régie à travers les multiples préceptes et de l'autorité légale rationnelle, ce n'est pas que les palais de justice qui se retrouvent à être neutralisés par cette grève insensée. En effet, afin de voir à la bonne gouvernance, les ministères, les organismes publics et parapublics ainsi que les sociétés d'État doivent avoir recours aux avis éclairés que leur fournissent les juristes de l'État. C'est donc l'exercice du gouvernement qui est, par le fait même, affecté par ce débrayage.

Je vous invite également à avoir une pensée toute particulière pour les citoyennes et les citoyens pour qui les conséquences de cette grève se matérialisent et une angoisse insoutenable. Je fais ainsi référence aux nombreuses victimes qui doivent composer avec le report de leur cause, et ce, en plus de vivre avec les séquelles morales et physiques... ou physiques d'un crime dont ils ont fait l'objet, sans compter la frustration d'une multitude de Québécoises et Québécois qui ne sont pas en mesure de faire valoir dûment leurs droits en raison de l'interruption de la prestation ordonnée des services juridiques.

En tant que législateurs, mais surtout en tant que représentants du peuple, nous devons absolument tenir compte du caractère humain rattaché à ce dossier. À mon avis, ce n'est surtout pas aux honnêtes citoyens à faire les frais de ce conflit de travail. Je suis d'avis, Mme la Présidente, que, malgré les discours enflammés prononcés par nos collègues des partis d'opposition, chacun d'entre eux sait pertinemment au plus profond d'eux-mêmes que le gouvernement n'a malheureusement aucun autre choix que celui de faire appel à une loi spéciale.

À ce stade-ci de mon intervention, Mme la Présidente, j'aimerais attirer votre attention sur une déclaration faite par le représentant du procureur de l'État. Cette déclaration était à l'effet que le recours à la loi spéciale était planifié depuis le début du litige. Je vous prie de bien vouloir me croire lorsque je vous dis que le gouvernement a été d'une limpidité exemplaire, Mme la Présidente, et d'une ouverture irréprochable tout au long du processus de négociation. L'attitude que le gouvernement a arboré s'est parfaitement inscrite dans sa ferme volonté d'en arriver à une entente négociée dans les règles de l'art. Quiconque prend le temps d'analyser la chronologie des événements des derniers jours pourra rapidement comprendre que l'odieux du recours à la loi spéciale doit être porté par les associations représentant les procureurs et les juristes de l'État et non le gouvernement.

Je serais enclin à reconnaître les torts du gouvernement si celui-ci n'avait pas un bilan aussi reluisant au chapitre des négociations avec ses employés au cours des derniers mois, des dernières semaines. Dois-je rappeler à cette Chambre que notre gouvernement, qui a conclu l'entente historique avec le front commun représentant d'au-delà de 400 000 employés de l'État... Selon les termes de cette entente, Mme la Présidente, les augmentations négociées sont de 7 % sur cinq ans, dont 1 % lié à l'inflation, qui s'appliquerait le dernier jour des conventions collectives, soit le 31 mars 2015. Une entente historique, Mme la Présidente, d'une durée de cinq ans. Nous avons dû adopter même une loi, car c'était la première fois, au Québec, où une entente de cinq ans, la paix sociale avec tous les employés de l'État, était assurée pour une durée de cinq ans.

De plus, l'entente prévoit, Mme la Présidente, une clause de croissance économique qui pourrait permettre, advenant que la performance de l'économie québécoise soit supérieure aux prévisions établies dans le plan de retour à l'équilibre budgétaire, de majorer les paramètres des trois dernières années des conventions collectives au moyen... d'un maximum de 3,5 %.

L'entente est innovante dans ce sens: les employés de l'État auront l'occasion de bénéficier d'une croissance économique et d'y participer, tout comme les citoyens et citoyennes du Québec. Donc, la croissance passera par le travail acharné de tous ces fonctionnaires, et nous devons être reconnaissants envers eux, l'entente le prévoit, Mme la Présidente.

De plus, notre gouvernement a conclu des ententes de principe avec deux associations représentatives des responsables du service de garde en milieu familial: la Fédération de la santé et des services sociaux, affiliée à la CSN, Centrale des syndicats nationaux, et la Fédération des intervenants en petite enfance du Québec, qui, eux, étaient affiliés à la Centrale des syndicats du Québec, communément appelée, Mme la Présidente, la CSQ. Ces deux associations réunies ensemble représentent plus de 15 000 responsables des services de garde en milieu familial.

La dernière mais non la moindre, soit: l'entente intervenue entre notre gouvernement et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, la FIIQ, communément appelée. Force est de reconnaître que les négociations avec la FIIQ ont débuté sous un bien mauvais auspice. Par contre, la volonté d'en arriver à un terrain d'entente a primé sur les divergences que chacune des parties pouvait avoir au préalable. Le résultat, Mme la Présidente: une entente négociée, tout comme les représentantes en service de garde en milieu familial, une première entente négociée et résolue.

Ces exemples, Mme la Présidente, représentent très bien la philosophie qu'adopte instinctivement notre gouvernement lorsque vient le temps de négocier avec ses employés. Cette philosophie est caractérisée par une grande écoute, une volonté ferme d'en arriver à un compromis consultatif, ainsi... très important, d'un respect mutuel par rapport à la partie de l'autre côté de la table de négociation.

Cependant, Mme la Présidente, pour en arriver à une entente, il faut impérativement que chacune des parties soit prête à faire des concessions. Or, malgré la teneur de nos offres, les procureurs et les juristes n'ont malheureusement pas pris le soin de mettre l'eau dans leur vin. À titre d'exemple, les procureurs ont continué d'exiger le rattrapage rapide de l'écart de 40 % au niveau de la rémunération, alors qu'un tel rattrapage serait beaucoup trop onéreux pour les coffres de l'État.

Je dois revenir, Mme la Présidente, également sur les propos de mon collègue du Lac-Saint-Jean qui nous mentionnait... et je vais dire, on ne peut remettre en doute la parole d'un député ou d'un collègue ici, en cette Chambre, mais c'était la première fois que j'entendais... -- et je vais faire, par intérêt personnel, Mme la Présidente, mes propres recherches -- lorsque mon collègue a affirmé qu'un avocat, à sa première année, gagnait 100 000 $ minimum par année. Je vais faire les vérifications, car on ne peut remettre... Mais ça a suscité une certaine interrogation.

À cet égard, Mme la Présidente, lors des négociations, le gouvernement a mis les cartes sur table dès le début en précisant d'emblée que, nonobstant les difficultés que les juristes et les procureurs peuvent vivre quant à leur rémunération et à leurs conditions de travail, le règlement de leur convention collective ne se ferait jamais au détriment du cadre budgétaire de l'État.

En conclusion, Mme la Présidente, je tiens à dire que cette loi spéciale ne doit pas être perçue comme étant un désaveu du travail ou de l'excellent travail que font quotidiennement les procureurs et les juristes de l'État. L'exercice de leurs fonctions dans un système de droit est primordial à la bonne administration de la justice et de la gestion de l'État au jour le jour. Le gouvernement reconnaît haut et fort que certaines décisions gouvernementales doivent être prises afin de rehausser le sort des procureurs et des juristes de l'État. J'ose espérer, Mme la Présidente, que, malgré cette loi spéciale, le gouvernement ainsi que ses procureurs et juristes pourront ensemble jeter les bases d'une solution concrète, novatrice et durable afin de régler la situation qui a cours à l'heure actuelle.

Si je n'avais qu'un message à transmettre aux procureurs et aux juristes, ce serait celui-ci: Cette loi spéciale n'est pas dirigée contre vous, loin de là. Elle n'est qu'un outil dont le gouvernement doit se servir pour assurer l'intérêt public, tel est son devoir, et surtout le bon fonctionnement de l'État pour le bien-être de toutes les citoyennes et citoyens. Je suis de ceux qui croient qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, et c'est par cela que j'exhorte les procureurs et les juristes à forger un partenariat avec le gouvernement, comme l'ont fait tout près de 500 000 autres employés de l'État.

Mme la Présidente, je dois vous avouer que je voterai pour ce projet de loi, cette loi spéciale, le projet de loi n° 135, non au détriment des juristes ou des procureurs mais pour le bien-être de la collectivité, de toutes les citoyennes et des citoyens et la base même de notre système démocratique, qui est le système de droit. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

**(20 h 40)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le député de Huntingdon. Je reconnais maintenant Mme la députée de Taschereau, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. Mme la députée.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais: Merci, Mme la Présidente. Qui applaudit aujourd'hui? Qui applaudit aujourd'hui? Je vais en nommer trois qui sont évidents pour moi.

La première personne qui applaudit, ce n'est pas... qui applaudit le plus fort, ce n'est pas les députés libéraux qui sont dans la salle. Ceux et celles qui applaudissent le plus fort actuellement, c'est les Hell's Angels, et c'est le directeur du BLACO, le Bureau de lutte au crime organisé, qui le dit. Les premières personnes qui applaudissent ici aujourd'hui cette loi spéciale, c'est les Hell's Angels.

Qui est la deuxième vague d'applaudissements qu'on entend le plus fort résonner dans cette Assemblée nationale? D'ici, on l'entend. C'est la mafia. C'est la mafia, parce qu'alors qu'on demande des enquêtes sur la construction, alors que le gouvernement se permet des annonces comme ça en période de questions: On va avoir 80 procureurs de plus, 420 procureurs viennent de dire non. Non, ce n'est pas comme ça qu'on traite la justice au Québec.

J'entends les Hell's Angels, j'entends la mafia et j'entends les députés libéraux applaudir. Je ne serais pas très fière, pas très fière d'applaudir une loi spéciale comme celle-là aujourd'hui. Ça ne serait pas vraiment, Mme la Présidente, les sons que je voudrais entendre.

Moi, je dis souvent, quand quelqu'un se demande: Pourquoi ça se rend là, pourquoi c'est rendu là, qu'est-ce qui se passe à cet endroit-là?, je fais: Lis le processus. Souvent, Mme la Présidente, l'intention se lit dans le processus. Quel est le processus qui nous a menés à ce geste dramatique qu'est le dépôt d'une loi spéciale en matière de justice au Québec qui entre dans la gorge aux procureurs et juristes de l'État une loi spéciale et des conditions de travail? Quel est le processus? Le processus, il a commencé en 2003, Mme la Présidente. Ça a commencé en 2003 avec un gouvernement qui, très, très, très préoccupé par son image, très, très, très préoccupé par une image qu'il considère plus importante que la gestion des affaires de l'État, un gouvernement, en 2003, a accordé le droit de grève aux procureurs et juristes de l'État. Eh! Tiens, c'était une nouveauté. Ils ont été applaudis. Et il y a eu un règlement jusqu'à... en disant: Vous avez maintenant un règlement négocié jusqu'en 2007. Belle façade, belle image pour le gouvernement.

Les vraies affaires sont arrivées en 2005, quand ici, dans cette Assemblée nationale, encore une fois par une loi spéciale, hein, par une loi spéciale dans cette Assemblée, on a imposé les conditions de travail aux secteurs public et parapublic et dans lequel on a glissé en douce le décret, on a glissé en douce les conditions de travail des procureurs et des juristes de l'État. Alors que normalement le décret... la dernière convention avait été signée jusqu'en 2007 on a coupé court à leurs conditions de travail pour deux années, on les a inclus dans le décret, pas un mot. Et vlan! Vous êtes embarqués dans la loi spéciale de 2005. Alors, on peut dire que, pour l'utilisation de la grève qui leur avait été offerte par ce gouvernement si préoccupé par son image, on pouvait attendre encore un peu.

Alors, ils se sont dit: Tiens, on va négocier. Donc, on est décrétés jusqu'en 2005, on aurait dû avoir des conditions de travail jusqu'en 2007, maintenant c'est reporté à 2010, on va sûrement avoir des négociations d'ici 2010, on va sûrement pouvoir enfin discuter avec le gouvernement de nos conditions de travail parce qu'il me semble qu'on est importants, parce qu'on fait un boulot d'enfer pour le bien de la société, parce qu'on est des gens qui avons misé sur la fonction publique, des gens qui ont étudié, qui auraient pu aller faire des travaux dans le privé mais qui ont cru, comme nous, qu'il y a encore des rêves collectifs, qu'il y a encore des projets collectifs, qu'il y a encore une société québécoise à bâtir et à défendre. Ces gens-là, c'est comme ça qu'ils pensent, c'est comme ça qu'ils travaillent avec nous, c'est comme ça qu'ils réfléchissent. Ils ont donc attendu la négociation. Il n'y en a pas eu, de négociation, Mme la Présidente. Ça a commencé en 2003, cette histoire-là et, lisez le processus, il se rend jusqu'en 2010. Il n'y a pas eu de négociation. Quelques petites rencontres et vlan! une loi spéciale.

Et aujourd'hui le gouvernement leur dit: Ah! mais c'était dangereux, ils faisaient la grève. Mon Dieu! La loi sur les services essentiels qui avait été appliquée, d'après ce que je comprends, faisait que les gens étaient au travail.

Le pire là-dedans, c'est que rien dans cette loi spéciale, rien, rien dans ce projet de loi n'améliore les conditions de travail des procureurs et des juristes de l'État. Oui, il y a des conditions salariales, mais ce n'est pas pour ça seulement qu'ils se battaient, ce n'est pas seulement pour ça qu'ils sont debout, qu'ils sont dehors, ce n'est pas seulement pour eux qu'ils étaient là, c'est pour nous. C'est pour les victimes d'actes criminels, c'est pour les victimes d'agressions sexuelles, c'est pour les législateurs que nous sommes, c'est pour les enquêtes sur la construction, c'est pour tout le problème qu'on a au Québec actuellement. La justice est malmenée au Québec actuellement. Les gens sont cyniques de plus en plus.

Et ce qui est terrible, c'est qu'eux aussi, les procureurs et les juristes de l'État, ils avaient cru aux promesses du gouvernement, mais, si je suis la route des promesses du gouvernement libéral, je la nomme le boulevard des rêves brisés. C'est un grand boulevard des rêves brisés qu'on a devant nous. Encore une autre promesse, encore une autre image importante mais encore une fois des résultats qui sont décevants pour l'ensemble de la société.

**(20 h 50)**

Cette fois-ci toutefois, ce rêve brisé, celui du respect des juristes, des procureurs, celui du respect de notre société mais surtout celui d'une justice qui puisse véritablement faire son travail à un rythme normal parce que le rythme est rendu anormal, beaucoup trop lent, avec des moyens, avec des moyens, parce qu'une société de droit, ça se base sur une justice effective, efficace et effective, ce rêve-là qu'ils ont eu, ils n'ont pas réussi, ils n'ont pas réussi à vous le faire comprendre, ils n'ont pas réussi à l'implanter. On n'a pas réussi... Ils n'ont pas réussi la partie collective de leurs revendications, la possibilité de travailler au bien-être de la société mieux, plus rapidement, plus fort, d'aider plus justement, de façon plus efficace. Cette capacité-là, cette possibilité-là, elle vient de nous échapper. Elle est passée dans la déchiqueteuse qu'est une loi spéciale. Donc, applaudissent aujourd'hui à tout rompre, les Hell's Angels, la mafia et les députés libéraux.

La justice, aujourd'hui, elle est malmenée -- et je vais citer mon collègue de Chambly, il a dit une phrase que j'aime bien: Actuellement, elle est malmenée dans un climat qui est déjà délétère, extrêmement délétère. Pourquoi est-ce qu'on en est rendus là au Québec? J'ai emprunté le boulevard des rêves brisés... Je dirai aussi que les Québécois sont fortement ébranlés dans leurs institutions et je me rappellerai du tollé qui a été soulevé quand il y a eu, Mme la Présidente, cette première page du Maclean's, où on disait que le Québec était la province la plus corrompue. Nous avons protesté, collectivement, nous avons été heurtés, nous avons été choqués de cette première page. Mais, à ça, il faut réagir, il faut répondre. Il faut bâtir des équipes. Il faut...

Nous, on demande une commission d'enquête parce que c'est ce que nous voulons: démasquer les systèmes. Le gouvernement, lui, nous propose des opérations ciblées, pointues -- trop, à notre goût -- mais ce qui est étonnant aujourd'hui, c'est qu'il démolit lui-même ce qu'il tente de bâtir. Ce qu'il a essayé de projeter comme image de défenseur de la loi et de la justice en montant l'opération Marteau, il vient de le démolir en un geste, une loi spéciale, en refusant de négocier et en entrant dans la gorge aux juristes et procureurs de l'État cette loi spéciale.

Encore aujourd'hui, les chefs des grandes organisations qui luttent contre le crime, M. Chartrand, de la BLACO... les autres disent: Ils n'arrivent pas -- aujourd'hui, là, avant même l'adoption de ce projet de loi -- à engager le nombre de procureurs. Ils n'y arrivent pas. Ils n'arrivent pas à cause des conditions de travail, pas juste du salaire, là, des équipes de recherche déficientes, inopérantes. Il n'y a pas assez de monde. Les dossiers s'empilent. Ils veulent bâtir des actes d'accusation solides, ils ont besoin de temps, ils ont besoin de ressources, ils ont besoin de gens pour les appuyer, du soutien clérical; ça fait partie du travail. Ces gens-là demandent de l'aide. Or, on n'arrive même pas actuellement à fournir les effectifs pour les besoins du gouvernement. Alors, aujourd'hui, avec cette loi spéciale, on démotive complètement ceux qui sont dans l'appareil gouvernemental et ceux qui voudraient y venir.

Le message qu'envoie le gouvernement, en appliquant cette loi spéciale aujourd'hui, en la déposant et en l'entrant dans la gorge des juristes, et des procureurs de l'État, et de l'opposition officielle -- parce que, nous aussi, on ne l'avale pas, on ne l'avalera pas, cette couleuvre-là, très facilement -- en déposant cette loi, il met à mal tout le système de recrutement qui est... dont on a tellement besoin. Il s'interdit à lui-même l'afflux de nouvelles énergies. Il met... il barre la route aux rêves des gens qui voudraient venir travailler pour l'État. Le message qu'il envoie, c'est qu'il ne veut pas affecter de ressources aux équipes de soutien, aux équipes de travail; il ne veut pas soulager les procureurs actuels et les juristes de l'État qui travaillent déjà des heures énormes, immenses au bien-être collectif, à défendre nos dossiers, à défendre les victimes d'actes criminels, d'agressions sexuelles, toutes les causes criminelles et civiles qui sont sur la table. Il ne veut pas affecter de temps de ressources à ça. Il ne veut pas les soutenir. Il leur dit: Je vous inclus -- c'est la deuxième fois -- dans le processus de négociation auquel vous n'avez pas assistés.

Ça fait deux fois qu'ils se font faire le coup, deux fois qu'ils se font entrer dans les conditions décrétées pour d'autres. Mais, à chaque fois, même problème: Ils n'ont pas été assis à la table de négociation. C'est pour ça que, quand le gouvernement nous dit: On a négocié, on a négocié... Il y a un problème, là, regardez: Cette loi spéciale, c'est exactement, et la ministre l'a dit, la présidente du Conseil du trésor l'a dit, ce sont exactement les conditions de travail qui ont été appliquées à la table de négociation des autres employés de l'État.

Si le gouvernement tenait à leur appliquer les conditions, aux juristes et aux procureurs, ils auraient dû le dire, ils auraient dû leur en parler. Ils auraient pu, à ce moment-là, peut-être s'adjoindre à la table de négociation, aller s'asseoir, faire le travail. Non. Ce que le gouvernement a fait: il a tenu une table de négociation, là, a mis très peu de temps dessus... De toute façon, comme je l'ai dit, l'intention se lit dans le processus, et le processus, il était clair, il était télescopé et il était... il aboutissait dans un mur. Ils ont donc décrété ces conditions.

Mais, à la table de négociation, le pire, le pire de tout, ce qui est encore plus insultant, et ce pourquoi ils se sentent méprisés, c'est qu'il y a eu des avancées à la table de négociation, il y a eu des paroles qui ont été dites, il y a eu des propositions qui ont été évoquées, qui ont été mises sur la table et qui ne sont pas dans cette loi spéciale.

C'est la première fois qu'on voit ça. Il y a une négo, il y a des choses qui s'avancent, enfin, une négo, un brin de négo, des propositions qui sont mises sur la table, et, quand arrive la loi spéciale, on ne les retrouve pas. Ils ont de quoi se sentir méprisés. C'est comme si le gouvernement, par cette loi, s'était arrogé le droit de punir, le droit de dire aux juristes et aux procureurs de l'État: Ah! Ha! Vous n'avez pas été gentils, vous n'avez pas craqué devant les petites rencontres qu'on a eues, vous avez osé faire la grève, droit dont on s'était vantés... Au gouvernement, on s'était vantés de leur accorder le droit de grève. Ils n'ont jamais pu l'exercer, mais cette fois-là... Alors, on vous punit. La loi spéciale, c'est un recul en plus, c'est un recul sur ce qui s'était dit à la table de négo. Ça, c'est une belle première.

Et, pour un premier ministre qui se vante de faire des affaires historiques à tout bout de champ, j'ai bien hâte de l'entendre à quel point sa loi spéciale est un recul historique en matière de négociation de conditions de travail.

Une voix: ...

Mme Maltais: Ça va être une loi historique, en effet, un recul d'une table de négo, un droit de punir, c'est ce qu'est cette loi. On vient de s'arroger le droit de punir. Vous négociez mal: Ah! Non seulement on va faire une loi spéciale, mais on va reculer sur la négo. Ce n'est pas comme ça, ce n'est pas ça, des relations de travail normales, Mme la Présidente.

Un climat, donc, qui est délétère. On sait qu'il y a des enquêtes sur des entreprises, des municipalités. Il y a même une enquête sur un député de l'Assemblée nationale, ici, le député de LaFontaine. Le besoin, le besoin que nous avons de redonner confiance aux institutions et au système de justice et, face à ça, un gouvernement qui s'entête, qui s'emmure et, vous le savez, depuis plusieurs heures, nous disons, Mme la Présidente, c'est le chaos et c'est le désordre en matière de justice.

40 des 50 procureurs-chefs et procureurs adjoints du Québec viennent de donner leur démission aujourd'hui. C'est un scénario assez dramatique, aux conséquences inattendues, inattendues. Mais ce que font ces procureurs en chef et ces procureurs adjoints en démissionnant, c'est donner le signal, justement, qu'il n'était pas ici seulement question de conditions de travail, il était question de conduite en matière de justice. Il était question d'un système collectif et non pas de besoins individuels dans cette négociation. Mme la Présidente, il était question du besoin de rendre la justice au Québec.

**(21 heures)**

Et ce qui est terrible actuellement, c'est que Louis Dionne... entre Louis Dionne, le Directeur des poursuites criminelles et pénales et nos procureurs actuellement, il n'y a plus rien. Il y a un étage complet de l'organigramme qui vient de disparaître. C'est ça, l'impact de cette loi spéciale, et c'est là que c'est grave parce qu'il n'y a plus de confiance dans le système. Le DPCP, le Directeur des poursuites criminelles et pénales, se retrouve tout seul en haut. Les juristes vont rentrer de force au travail demain, et, entre les deux, il y a une strate qui dit: Non, c'est inacceptable. Il faut refuser, il faut que ça cesse. Il faut qu'on ait les moyens de rendre la justice au Québec, il faut qu'on ait le moyen de protéger les justiciables au Québec. Il faut que les ministères aient le moyen de vérifier la légalité des gestes qui se posent au Québec.

Alors, je vais finir, Mme la Présidente, en répétant ceci: Qui rit aujourd'hui, qui rigole, qui applaudit? ...la mafia et les députés libéraux.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Taschereau. Je cède maintenant la parole à M. le député de Charlesbourg, qui est également adjoint parlementaire à la ministre de l'Éducation, du Sport et du Loisir. M. le député.

M. Michel Pigeon

M. Pigeon: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, je prends la parole ce soir non pas par plaisir, mais par devoir, parce que je me dois, en tant que député de Charlesbourg, d'expliquer pourquoi je vais voter en faveur du projet de loi n° 135. Et je rappelle le titre, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Donc, nous devons assurer la continuité des services publics et l'administration de la justice. Nous devons renouveler les conditions de travail des juristes et des procureurs dans le respect des finances publiques. Nous devons mettre fin à une grève générale et illimitée prématurée.

Mme la Présidente, une grève, ça a toujours des impacts, et c'est rarement très positif. Actuellement, cette grève nuit considérablement au processus judiciaire. Je pense qu'on peut dire qu'elle porte atteinte à l'intérêt public. Elle paralyse de nombreux dossiers névralgiques dans les ministères, les organisations gouvernementales. Elle a des impacts négatifs sur plusieurs services à la population, et, malgré le maintien des services essentiels, il faut le mentionner, nombre de citoyens subissent les conséquences de cette grève. La prolongation de cette grève aurait pour effet d'augmenter le nombre de dossiers remis, de ralentir la tenue des procès, en plus de paralyser de nombreux dossiers névralgiques. Mme la Présidente, nous devons rétablir le fonctionnement normal du système de justice.

Alors, une grève, Mme la Présidente, ça a des impacts, ça a des conséquences. Donc, de nombreuses personnes voient leur recours au tribunal être reporté, de nombreuses personnes en attente d'être entendues comme témoin ou tout simplement pour faire valoir leurs droits demeurent dans l'attente, et il est temps, donc, de mettre un terme à cette grève avant que la situation ne devienne tout à fait insurmontable. Si la grève devait durer encore longtemps, ce sont les justiciables qui seraient à risque de perdre leurs droits, et cela, nous ne le voulons pas.

Mme la Présidente, nous n'avons pourtant ménagé aucun effort, et le gouvernement a agi en toute bonne foi. Dans le cas des procureurs, 23 rencontres ont eu lieu, dont plus d'une dizaine en présence d'un conciliateur. Dans le cas des juristes, 18 rencontres ont eu lieu, dont sept en présence d'un médiateur. Et, durant le week-end dernier, il y a eu un effort de relance d'un blitz de négociations pendant le week-end, mais, malheureusement, les procureurs et les juristes ont poursuivi une grève portant, je le rappelle, atteinte à l'intérêt public. Honnêtement, nous ne souhaitions pas que cela se termine de cette façon. Le gouvernement a négocié de bonne foi et, plus que cela, le gouvernement a fait preuve d'ouverture et de transparence.

Il faut rappeler, Mme la Présidente, l'entente historique conclue avec les 475 000 autres salariés de l'État. De cette entente nous pouvons être extrêmement fiers. Le maître mot de cette négociation avec les salariés de l'État, ça a été le respect. Ça a fonctionné parce qu'il y a eu respect mutuel. Le gouvernement a respecté ses employés, mais il a aussi respecté le contexte budgétaire du Québec et, donc, il a aussi respecté aussi l'ensemble des citoyens de la province. Les procureurs et les juristes, ils le savaient dès le départ, que nous étions limités par le contexte budgétaire du gouvernement et par l'objectif absolument incontournable de recouvrer l'équilibre budgétaire en 2013-2014, un objectif incontournable.

Nous n'avons ménagé, donc, aucun effort afin d'en arriver à un règlement négocié avec eux, mais, Mme la Présidente, force est de constater aujourd'hui -- et je l'avoue, c'est très dommage -- qu'il n'y a pas de règlement possible. Les revendications sont tout simplement... les revendications des procureurs et des juristes sont des hausses salariales irréalistes. Depuis avril 2010, les deux associations n'ont malheureusement pas démontré de réelle ouverture en maintenant à la hauteur de 40 % leurs demandes salariales. En fait, il ne me semble pas qu'ils aient vraiment eu l'intention de faire avancer la négociation pour trouver une solution, et, Mme la Présidente, je déplore leur attitude particulièrement obstinée.

Mme la Présidente, nous avons fait des offres intéressantes. La présidente du Conseil du trésor a annoncé ce matin, ce matin même, que le gouvernement ajoutera à la direction des poursuites criminelles et pénales 120 personnes à temps complet ou équivalents temps complet supplémentaires, dont 80 procureurs, et nous ajouterons aussi 25 juristes supplémentaires. Cela représente -- ça a déjà été mentionné dans cette Chambre, et je veux le répéter -- un investissement de près de 90 millions de dollars sur cinq ans afin d'alléger la charge de travail des juristes et des procureurs. Voilà, Mme la Présidente, une preuve de bonne volonté. Nous avons aussi offert d'ajouter des primes qui permettent d'améliorer l'attraction des nouveaux procureurs et la rétention de ceux qui ont acquis une grande expérience et dont nous avons particulièrement besoin.

Nous offrons, bien sûr, d'appliquer les paramètres généraux d'augmentation salariale convenus avec le front commun. C'est normal, on ne peut traiter différemment les différents groupes d'employés de l'État. Mais nous reconnaissons leur expertise, nous sommes sensibles aux réalités de leur travail. Nous étions et nous sommes toujours, Mme la Présidente, prêts à améliorer leurs conditions de travail, mais cela doit se faire en toute équité avec les autres employés de l'État. Malheureusement, les représentants des procureurs et des juristes n'ont pas vraiment voulu parler de conditions de travail. Ils ne voulaient parler que de hausses salariales irréalistes et ils ont rejeté les offres intéressantes, les ouvertures que nous avons faites, et nous sommes dans une impasse, dans une impasse dont nous devons impérativement sortir.

En conclusion, Mme la Présidente, je souhaite dire clairement que nous avons la chance, au Québec, de pouvoir compter sur une fonction publique compétente, des juristes et des procureurs d'une grande valeur. Ce n'est pas la première fois, Mme la Présidente, que j'ai l'occasion de le dire -- et je le dis avec beaucoup de conviction -- la fonction publique québécoise est d'une très grande qualité, et cela doit être vraiment dit le plus fortement possible. Mais il n'est jamais agréable pour un gouvernement de clore une négociation collective de la manière dont nous le faisons ce soir, et, dans une vie professionnelle antérieure, j'ai aussi connu des négociations collectives parfois difficiles, parfois qui se terminaient bien, mais ce n'est pas facile. Mais, ce soir, l'intérêt public ne nous laisse pas d'autre choix. Ce projet de loi permet aux citoyens de recouvrer les services auxquels ils ont droit. Ce projet de loi accorde des conditions de travail justes et équitables par rapport à ce qui a été négocié avec les autres salariés de l'État, et tout cela, sans alourdir indûment le fardeau fiscal des contribuables.

Mme la Présidente, je trouve la situation difficile, mais j'ai le sentiment, j'ai la conviction que le gouvernement fait ce qui doit être fait. Merci, Mme la Présidente.

**(21 h 10)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député Charlesbourg. Et, compte tenu que l'opposition officielle a utilisé son temps, je procède au partage du temps non utilisé par l'un des députés indépendants, ce qui donnerait à l'opposition officielle 3 min 37 s éventuellement. Et je suis prête à reconnaître le prochain intervenant -- et il reste, du côté du gouvernement, 53 minutes -- je suis prête à entendre le prochain intervenant, M. le député de Vimont et whip adjoint du gouvernement.

M. Vincent Auclair

M. Auclair: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Écoutez, d'emblée de jeu, je voudrais dire que je suis déçu, je croyais vraiment que mes collègues de l'opposition allaient utiliser immédiatement le principe d'alternance. Comme ça, on aurait pu continuer dans notre bon esprit qu'on avait établi tantôt, mais bon.

Mme la Présidente, si je prends parole ce soir sur le projet de loi n° 135, c'est qu'il y a beaucoup de choses qui ont été dites ce soir. Vous avez entendu, autant du parti ministériel que du parti de l'opposition... Je pense que mes collègues au parti ministériel ont établi vraiment... ont mis cartes sur table, ont vraiment mentionné tous les efforts qui ont été faits par la ministre, la présidente du Conseil du trésor. C'est certain que, si on se met du côté de nos procureurs, du côté de nos spécialistes au niveau juridique, nos juristes, c'est certain que, de leur côté, ils auraient préféré que ça ne se termine pas comme ça. Sincèrement, moi non plus, Mme la Présidente. On arrive dans une situation où... et cette situation-là, elle n'est pas mieux que la situation qu'on a vécue dans le passé avec d'autres employés de l'État quand on a vécu des moments similaires.

C'est certain que, lorsqu'on écoute et on entend les membres de l'opposition, on croit que c'est différent, et ils laissent sous-entendre ce soir aux procureurs, aux procureurs des poursuites criminelles et pénales, aux 1 500 juristes que, si ça avait été eux au pouvoir, ça aurait été totalement différent. Moi, j'espère que nos juristes, certains qui sont dans les galeries ce soir, comprennent bien que, là, on est dans un jeu parlementaire ici, que l'opposition fait ses belles courbettes pour sembler porter un intérêt particulier. Mais on se rappellera quand même les années quatre-vingt-deux, on se rappellera les années quatre-vingt-dix-huit, quatre-vingt-dix-neuf, 2002 alors que l'opposition, lorsqu'ils étaient au gouvernement, ont posé des gestes similaires. Je vois mon collègue qui me regarde avec un grand sourire, c'est certain que ce n'est pas agréable de se faire rappeler ces situations-là, mais, Mme la Présidente, on doit prendre des décisions lorsqu'on est au pouvoir, et c'est ce que l'on fait ce soir.

Les commentaires de mes collègues de l'opposition officielle semblent laisser entendre qu'il n'y aurait aucun problème, la négociation aurait été terminée, que les procureurs auraient tout obtenu ce qu'ils désiraient, sûrement qu'ils auraient obtenu l'arbitrage et qu'ils auraient vraiment donné tout ce qu'ils auraient voulu. Et, pourtant, on sait très bien que ce n'est pas le cas et ça n'aurait pas été le cas. Donc, j'ose espérer que les procureurs, nos juristes, qui, d'ailleurs, ont procédé souvent... et ont aidé les ministres, au cours de leur existence et de leur carrière, à rédiger des projets de loi, savent très bien que ce que dit l'opposition, c'est un leurre, et ça fait partie de notre réalité parlementaire britannique.

Vous savez, les négociations collectives qu'on a vécues, on a eu quand même des très bonnes négociations avec les employés de la fonction publique, les 475 000 autres employés de la fonction publique qui, dans certains cas, oui, méritaient du rattrapage. On ne peut parler que des infirmières, il aurait été très agréable... Et je pense qu'il n'y a pas un citoyen au Québec qui n'aurait pas voulu donner aux infirmières des augmentations de salaire, des meilleures conditions de travail, des emplois ou des congés additionnels, mais il y a aussi une réalité qui fait en sorte que la capacité de ces citoyens, qui sont toujours les mêmes en bout de ligne... Donc, Mme la Présidente, on peut conclure sur ce volet-là, cette partie-là que, malheureusement on n'a pas tout donné comme gouvernement à nos infirmières. On a fait un chemin, on a amélioré leurs conditions.

Il est certain qu'on aurait préféré améliorer encore plus les conditions de nos juristes, de nos procureurs. Et, je ne le sais pas, il y a sûrement des évolutions. Le projet de loi, quand même, permet certains règlements et certaines ententes additionnelles. Donc, connaissant la présidente du Conseil du trésor, je suis assez... et même je voudrais dire que je suis pas mal certain qu'il va y avoir des ajouts qui vont satisfaire nos juristes. Juste le fait, Mme la Présidente, que l'on ait un ajout de 80 employés, 80 nouveaux juristes, c'est déjà une addition de personnel qui va permettre à nos juristes d'accomplir plus de travail dans des meilleurs délais, dans une meilleure qualité.

Le fait d'ajouter aussi, de reconnaître des heures additionnelles dans leur travail est déjà aussi une reconnaissance. Est-ce que le comparable avec ce qui se gagne à l'extérieur du Québec, avec les autres provinces canadiennes serait souhaitable et agréable? Je suis sûr que, si je suis un procureur, je vais vous dire oui immédiatement. Malheureusement, les capacités de payer ne sont pas au rendez-vous en ce moment. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas commencer à faire des efforts, comme le souhaitait la présidente du Conseil du trésor. Donc, il y a une évolution, il y a des choses qui peuvent être faites et il y a des choses qui, dans l'avenir aussi, vont pouvoir être faites.

Aujourd'hui, la décision de faire un projet de loi spécial pour forcer le retour au travail des juristes n'est pas de gaieté de coeur. Mais, d'un autre côté, lorsqu'on s'adresse... quand nos citoyens nous appellent au bureau et nous disent qu'eux autres, ils ont des délais additionnels au niveau de la Régie du logement, lorsqu'il y a des délais pour régler d'autres dossiers des petites créances...

Une voix: ...

M. Auclair: Mon collègue me demande combien d'appels, cinq. Quand même qui est déjà beaucoup pour un comté comme Vimont qui est un comté tranquille. Et je peux vous dire que des citoyens qui appellent pour régler des dossiers que ça étire, et qu'il y a beaucoup de pertes d'argent pour le contribuable, ça, veux veux pas, ça nous touche, mais ce n'est pas les seules raisons pourquoi on procède de cette façon. C'est parce que plus qu'on étire et plus qu'on a un sentiment aussi qu'il n'y aurait pas eu d'entente finale, on se serait retrouvé justement avec des délais additionnels, d'autres citoyens qui se seraient vus à payer la note, si on peut parler ainsi, et, en bout de ligne, on aurait juste retardé encore plus l'inévitable.

Donc, Mme la Présidente, en respect pour ce qui a été offert aux juristes et aux procureurs de la Couronne, je pense qu'il était préférable que cartes sur table soient mises, et c'est ce qui a été fait. Et, au lieu d'étirer puis d'étirer les négociations pour en finir peut-être dans deux autres semaines au même résultat, je pense que la présidente du Conseil du trésor a été sage et a arrêté les pourparlers, qui ne menaient à rien. Donc, sur ce, Mme la Présidente, je vais... je sais que j'ai d'autres collègues qui veulent prendre parole et j'ose espérer que, lorsque le projet de loi va être terminé, qu'une chose que les juristes et nos procureurs vont se rappeler, c'est que l'opposition a son rôle à jouer, mais que, dans la réalité, ils ne peuvent pas se fier sur l'opposition parce qu'être dans la même situation que nous, ils auraient sûrement posé les mêmes gestes. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, je vous remercie, M. le député de Vimont. Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors donc, je vous ai rappelé qu'il restait... Oui, Mme la whip du gouvernement.

Mme Charlebois: Bien, vous demandez pour un autre intervenant...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Alors, allez-y, c'est vous.

Mme Charlebois: Je vais y aller.

**(21 h 20)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

Mme Lucie Charlebois

Mme Charlebois: Alors, merci, Mme la Présidente. Et à mon tour d'intervenir sur le projet de loi, et à mon tour de dire que ce n'est pas de gaieté de coeur que nous procédons à ce vote sur cette loi. Mais dites-vous bien que c'est par sens des responsabilités que nous devons adopter cette loi parce que les objectifs de la loi visent à assurer la continuité des services publics dans l'administration de la justice, renouveler, évidemment, les conditions de travail dans le respect des finances publiques et mettre fin à la grève générale illimitée qui sévit actuellement.

Pourquoi? Parce que les impacts de la grève, vous le savez, nuisent considérablement au processus judiciaire, et portent atteinte à l'intérêt public, et paralysent d'ailleurs de nombreux dossiers névralgiques. Il y a plusieurs impacts négatifs sur la population, et, malgré le maintien des services essentiels, nombreux citoyens subissent ces conséquences de la grève. Alors, étant donné que de nombreuses personnes voient leur recours au tribunal reporté, des victimes voient leur cause au criminel être reportée, de nombreuses personnes en attente d'être entendues comme des témoins ou simplement pour faire valoir leurs droits demeurent indûment en attente en ce moment, on doit procéder. Je veux juste vous rappeler à ce moment ici, Mme la Présidente, qu'il y a...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): ...s'il vous plaît, Mme la whip du gouvernement, il y a trop de bruit. J'apprécierais beaucoup, s'il vous plaît, que l'on puisse faire silence pour entendre l'intervention de Mme la députée. Allez-y, madame.

Mme Charlebois: Je veux vous rappeler certains faits qui se sont déroulés. Il y a un historique au cours du processus de négociation, il y a eu 23 rencontres avec les procureurs, dont plus d'une dizaine en présence d'un conciliateur. Les juristes ont eu 18 rencontres, dont sept en présence d'un médiateur. Il y a eu un blitz de négos pendant le weekend. Malgré tout, la grève s'est poursuivie. Et, honnêtement, on ne souhaitait pas que ça se termine de cette façon, puisque nous avons négocié de bonne foi et on a fait preuve de transparence, on a honnêtement mis les efforts et...

Des voix: ...

Mme Charlebois: À ce moment ici, Mme la Présidente, j'aimerais ça qu'on me laisse continuer mon intervention sans murmurer. On a fait preuve de transparence, et je vais vous dire, Mme la Présidente, que nous devons tenir en compte les ententes que nous avons déjà de signées avec les autres employés de l'État, les 475 000 autres employés de l'État. Le front commun, à cette époque, a tenu compte du contexte budgétaire du Québec. Et nous souhaitons faire en sorte de revenir à l'équilibre budgétaire en 2013-2014, et, en ce sens-là, les procureurs et juristes savaient ça dès le départ, et ça fait partie du contexte des négos que, dans l'ensemble des négociations, on devait tenir compte de ce retour à l'équilibre budgétaire. Alors, à ce moment ici, je vous dirai que je me rappelle avoir entendu des gouvernements précédents faire à peu près le même scénario à l'époque, et ils savent très bien que -- les partis de l'opposition -- à ce moment ici, il n'y a pas d'autre choix que de recourir à cette loi dont nous faisons part.

La présidente du Conseil du trésor, ce matin, a annoncé que le gouvernement va ajouter à la direction des poursuites criminelles et pénales 80 procureurs et 25 juristes, C'est ce qui va alléger la tâche de ces gens-là, et nous souhaitons faire en sorte que le système judiciaire reprenne son cours le plus rapidement possible. Je vais donc voter pour l'adoption de ce projet de loi, Mme la Présidente, et je souhaite que tous puissent se remettre à travailler et à consentir à faire en sorte que notre système judiciaire soit en bonne santé et que nous puissions prendre en compte l'intérêt de la population et l'équilibre financier pour lequel nous travaillons si fort. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, Mme la whip du gouvernement. Je reconnais maintenant M. le ministre responsable des institutions démocratiques.

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Merci, Mme la Présidente. J'étais en Chambre un peu plus tôt lorsque mon collègue de Lac-Saint-Jean est intervenu ce soir et j'ai senti le besoin d'intervenir à nouveau sur cette question et sur le fond du projet de loi parce que j'ai entendu mon collègue de Lac-Saint-Jean indiquer qu'il y avait des jeunes avocats qui commençaient dans la pratique au sortir de l'université à des rémunérations de 100 000 $ par année. Probablement qu'ils se comptent sur les doigts de moins d'une main -- pour la ville de Montréal -- et pour une raison bien simple, c'est que les cabinets de pratique privée à Montréal ne fonctionnent pas dans l'abstrait.

Et non seulement ils ne fonctionnent pas dans l'abstrait, mais ils regardent aussi les données que le Barreau compile sur cette question de la rémunération des avocats depuis de nombreuses années. Et n'en déplaise au leader de l'opposition, Mme la Présidente, le Barreau du Québec établit quels sont les barèmes et quels sont les critères de rémunération des avocats selon les années de pratique, selon l'expérience et selon la situation des avocats, selon qu'ils sont des travailleurs autonomes, selon qu'ils sont des salariés ou selon qu'on combine le statut d'autonome et de salarié. Et, je vous le dis très sincèrement pour avoir pratiqué pendant 22 ans, j'ai été dans un cabinet au centre-ville de Montréal, j'ai même été associé administrateur d'un cabinet semblable, je peux vous dire qu'à l'époque et encore aujourd'hui il y a des jeunes avocats qui font des avocats qui font des stages non rémunérés simplement pour être capables de faire leur stage. Alors, de laisser entendre que les avocats, au Québec, en pratique privée, sont tous des millionnaires et que ce sont des gens qui font 200 000 $ par année ou 100 000 $ dès qu'ils sortent de l'université, c'est dépeindre un portrait qui n'a aucune commune mesure avec la réalité.

Et, très sincèrement, je vous dirais qu'au fond le débat qui nous occupe... Et je sais que ça ne fait pas partie strictement de la seule revendication des procureurs et des juristes de l'État, la question salariale, mais il faut quand même être raisonnable lorsqu'on avance des propos en cette Chambre, qu'on soit favorable ou défavorable au projet de loi qui est étudié. Et, simplement, ce n'est quand même pas le gouvernement qui le dit, au niveau de la rémunération des avocats, dans le secteur privé et au niveau des salariés de moins de 10 ans d'expérience, la moyenne salariale est de 67 610 $. Alors, on est loin, là, du pactole du jeune avocat qui sort de l'université et qui se dégote un emploi à 100 000 $ par année. Au niveau des salariés entre 11 ans et 20 ans d'expérience, 20 ans d'expérience, la moyenne salariale est de 104 680 $. C'est ce qu'a répertorié CIRANO. Chez les salariés entre 21 ans et 30 ans d'expérience, on n'est pas rendu à 200 000 $, on est à 116 475 $. Et curieusement, pour les salariés de plus de 30 ans d'expérience, ça ne monte pas, ça descend, la rémunération moyenne est de 112 890 $.

Et il faut comparer des pommes avec des pommes, et, quand on est dans le secteur privé, l'avocat qui est salarié ou n'importe quel avocat dans le secteur privé a des obligations qui ne sont pas les mêmes que les obligations des avocats, des juristes de l'État ou des procureurs de la couronne. Et pas parce que les obligations sont plus grandes ou moins grandes, c'est qu'on vit dans un secteur qui est totalement différent. Le développement de la clientèle, la recherche de la clientèle, le fait de se développer soi-même son propre fonds de pension lorsqu'on est dans le secteur privé, c'est des éléments qui doivent être pris en compte lorsqu'on parle de la rémunération des avocats. Et, quand on est obligé de monter soi-même son fonds de pension puis de cotiser à son REER, que l'on a des obligations parce qu'on paie son loyer et qu'on paie les employés qui sont les employés de soutien dans un cabinet de pratique privée, on est dans un monde qui est totalement différent. Et on est dans un monde qui est totalement différent et qu'on voudrait dépeindre comme étant un monde où les gens font des fortunes, je regrette, il y a des gens qui gagnent honorablement leur vie, il y a des gens qui gagnent très bien leur vie, il y a des gens qui font beaucoup d'argent dans le secteur privé, mais ce n'est pas la réalité de tous.

Le contexte dans lequel on est ici, on est dans un contexte de négociation d'une convention collective avec des employés de l'État qui font un travail fondamental, qui font un travail qui a été, je pense, louangé par l'ensemble des députés qui sont intervenus en cette Chambre sur le projet de loi. La différence entre l'opposition et le gouvernement sur cette question...

Des voix: ...

**(21 h 30)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, M. le député, je ne peux pas vous entendre s'il y a autant de bruit. S'il vous plaît, j'ai besoin de votre collaboration. Et j'invite M. le ministre à poursuivre dans l'ordre, s'il vous plaît.

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît! Mme la députée de Taschereau, vous êtes intervenue dans l'ordre. Alors, allez-y, M. le ministre.

M. Moreau: Alors, la différence qui nous oppose, ce n'est pas de dire: L'opposition reconnaît la validité des... ou la valeur du travail des employés de l'État, des juristes de l'État ou des procureurs, et on ne le fait pas, on reconnaît cette valeur-là. Mais on dit: On a des contraintes inhérentes aux négociations des conventions collectives et des contraintes qui font en sorte que l'on ne peut pas comparer ce qui se passe dans le secteur privé avec ce qui se passe dans le secteur public.

La députée de Taschereau, tantôt, faisait une intervention puis elle disait: Qui est-ce qui a applaudi? Elle nous énumérait les gens qu'elle entendait applaudir. Moi, je lui poserais une question, à la députée de Taschereau: Lorsqu'après avoir négocié des conventions collectives et avoir signé au bas un gouvernement du Parti québécois a par la suite adopté une loi spéciale pour retrancher 20 % de la rémunération consentie, qui applaudissait? Qui est-ce qui applaudissait? Il faudrait que la députée de Taschereau... il lui reste un peu de temps, elle pourra réintervenir et nous dire à ce moment-là qui est-ce qu'elle entendait applaudir.

Le projet de loi qui est sur la table, Mme la Présidente...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai besoin de votre collaboration pour poursuivre s'il vous plaît. Merci beaucoup. Poursuivez, M. le ministre.

M. Moreau: Alors, ce que j'indiquais, Mme la Présidente, c'est que, contrairement à des techniques qui nous ont été malheureusement exposées par les gouvernements péquistes dans le passé, ici, là, il n'y a pas signature d'une convention collective et retrait des offres. Ce qu'on dit aux gens, on dit aux employés de l'État, aux juristes et aux procureurs... et aux procureurs: Écoutez, on vous demande de retourner au travail parce que, vous le savez mieux que nous... Et les procureurs, les procureurs de la couronne le savent très bien, la jurisprudence est constante, il y a un contexte au-delà duquel des procès peuvent avorter. Des gens ont droit de comparaître dans des délais qui sont précis, si ces comparutions-là n'ont pas lieu, si ces procès-là n'ont pas lieu, des gens qui, à l'heure actuelle, sont sous le coup d'accusations seront libérés, les procès vont avorter. On n'a pas besoin de plaider ça à ces gens-là, ils le savent, ils le plaident régulièrement, quotidiennement.

Mais ce que l'on dit... Et là encore, j'interviens à la suite du député de Lac-Saint-Jean, qui disait: Vous savez, la négociation, ce gouvernement-là, ils ne nous a pas habitués à ça. Bien, ce gouvernement-là, il a quand même négocié avec 475 000 employés de l'État et il a conclu des conventions collectives avec 475 000 employés de l'État. Il considère aussi importantes les négociations qui ont eu cours avec les juristes de l'État et les procureurs, malheureusement, pour négocier... ou heureusement, pour négocier, Mme la Présidente, ça prend deux parties à la table de négociation, et il est apparu évident que les négociations étaient rompues. Et, dans le contexte actuel, avec les conséquences inhérentes aux responsabilités qu'ont les procureurs et les juristes de l'État, le gouvernement n'avait d'autre solution, d'autre choix que d'imposer un retour au travail et de mettre fin à la grève qui avait été entreprise. Ça ne fait pas des gens qui sont visés par la loi de moins bons procureurs, ça ne fait pas d'eux des moins bons juristes, ça fait d'eux des gens qui sont dans une situation où on place le gouvernement dans une situation impossible si on ne met pas fin aux moyens de pression qui sont exercés. Ils le savent, nous le savons, l'opposition officielle le sait. Et, dans ce contexte-là, on ne peut pas parler de mettre fin aux négociations.

La présidente du Conseil du trésor dit: Écoutez, on fixe les conditions dans ce projet de loi là, on reconnaît des situations particulières, des situations spéciales où il peut y avoir une bonification des offres qui sont faites, on ajoute des effectifs, on ajoute des effectifs non seulement chez les procureurs, mais on ajoute des effectifs également chez les juristes de l'État et on dit en tout temps, et je l'ai entendu au moins cinq fois aujourd'hui, la présidente du Conseil du trésor répète que nous sommes toujours ouverts aux discussions. Alors, dans ce contexte-là...

Et j'ai entendu l'analogie du député de Verchères après mon intervention et son «tirons-les et après on les interrogera». Écoutez, c'est réducteur et, je vous dirais très sincèrement, le vrai qualificatif pour ce type d'intervention là, Mme la Présidente, c'est de dire que c'est tout à fait fallacieux, parce que, lorsque l'on est dans une situation où il y aura des conséquences sociales, le fait de tourner les choses au ridicule n'avance pas d'un iota la situation.

Une voix: ...

M. Moreau: Et, oui, je pense que c'est le mot, c'est le mot pour qualifier ce que j'ai entendu. Et, comme vous êtes près du député de Verchères, M. le leader de l'opposition, j'espère qu'il aura entendu le message. Alors, dans ce contexte-là...

Une voix: ...

M. Moreau: ...dans ce contexte-là, nous avons fait ce qui devait être fait. Le gouvernement a des responsabilités, il doit les prendre. Nous avons pris ces responsabilités-là. Nous sommes devant une situation qui n'est pas une situation dans laquelle on se retrouve de gaieté de coeur, et il n'y a personne qui n'est intervenu, de ce côté-ci, pour dire que nous étions heureux de la situation dans laquelle nous nous retrouvions. Mais la responsabilité de représenter l'État amène des obligations, c'est des obligations que nous prenons très au sérieux, et c'est dans ce contexte-là que nous nous retrouvons, Mme la Présidente, dans l'obligation d'adopter le projet de loi qui est à l'étude présentement.

Des voix: ...

M. Moreau: Et donc, sur cette...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, M. le ministre, s'il vous plaît. J'ai besoin de votre collaboration pour qu'on puisse poursuivre nos travaux. Je comprends qu'on est fatigués, mais on va siéger jour et nuit. Alors, j'ai besoin de votre collaboration pour poursuivre nos travaux dans la sérénité et le respect des points de vue, même si on ne les partage pas. M. le ministre.

M. Moreau: Merci. Merci, Mme la Présidente. Alors, j'allais terminer en disant que nous nous retrouvons dans une situation où nous allons devoir adopter ce projet de loi, et ça fait partie de notre responsabilité. J'aurais aimé entendre, du côté de l'opposition, une collaboration qui malheureusement n'est pas là.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Je suis prête à entendre le prochain intervenant. Alors donc, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Vous savez, madame, pour clore ce débat, au moment où nous allons arriver à devoir voter cette loi, je voudrais savoir combien de minutes il me reste, Mme la Présidente...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, il reste 19 minutes au gouvernement et, si on partage le temps non utilisé du député indépendant, il resterait 3 min 37 s à l'opposition officielle.

M. Gautrin: Je vous remercie, Mme la Présidente. Alors, nous sommes ici réunis pour voter un projet de loi. Comme l'a rappelé avec justesse mon collègue de Châteauguay, ce n'est certainement pas, de notre part, un mépris ou une absence de reconnaissance de l'importance des procureurs généraux au Québec. Bien au contraire, c'est-à-dire, les procureurs généraux au Québec et les juristes de l'État sont des personnes tellement importantes dans le fonctionnement même d'un appareil qu'on appelle l'appareil judiciaire qu'il est important, à un moment ou l'autre, de pouvoir mettre fin... et pouvoir réavoir le soutien de ces personnes, à la fois dans le fonctionnement du gouvernement -- et je pense spécifiquement, à ce moment-là, aux juristes du gouvernement -- que dans le fonctionnement de nos tribunaux.

Mme la Présidente, le concept de chaos a été présenté bien des fois de part et d'autre, et j'accepte la question de part et d'autre. À l'heure actuelle, nous voulons éviter en quelque sorte la situation chaotique qui résulterait en quelque sorte du fait que les tribunaux ne fonctionneraient pas. Les collègues d'en face ont plaidé et ont plaidé avec force pour dire: Voici, le fait de passer une telle loi va accentuer la situation chaotique. Nous pensons, de ce côté-ci de la Chambre, bien au contraire, que les juristes de l'État et les procureurs de la couronne sont des personnes éminemment responsables, je comprends qu'ils ne sont pas d'accord que nous fixions certaines conditions de travail dans la loi, mais c'est des gens qui sont responsables, ils sont des serviteurs de l'État et ils respecteront en quelque sorte la loi.

**(21 h 40)**

Donc, de notre côté, ce que nous pensons, Mme la Présidente, et toujours pour éviter cette situation, cette crainte d'une situation chaotique, de notre côté, nous pensons que le fait de passer actuellement aujourd'hui une loi spéciale va permettre en quelque sorte de débloquer une situation qui a été décrite et de part et d'autre comme éminemment chaotique, une situation où les tribunaux ne fonctionnent plus comme ils devraient fonctionner.

Mme la Présidente, il était important de se dire où on en était rendus et pourquoi quelques... Et j'ai bien compris l'offre qui avait été faite par le député de Chicoutimi et le leader du gouvernement, et par le leader adjoint, de dire: Bien, suspendons et essayons encore de faire quelques heures de négociation pour voir quelles sont les implications d'une telle loi.

La situation, elle était la suivante, Mme la Présidente, et il s'agit bien de la comprendre. Pour ce qui est de l'aménagement du travail des procureurs de la couronne, la reconnaissance qui a été faite par la présidente du Conseil du trésor et par la loi, à savoir: augmentation du nombre de procureurs, augmentation des personnes de soutien, c'est-à-dire 80 procureurs de plus, 40 personnes de soutien, reconnaissance, Mme la Présidente, de l'importance qu'il peut y avoir lorsqu'un procureur travaille en région et de pouvoir être en mesure d'avoir des primes pour lorsque vous devez agir en région éloignée, possibilité aussi de reconnaître lorsqu'un procureur travaille plus que 35 heures, c'est-à-dire monte à 37,5 heures, voire 40 heures, d'avoir aussi... reconnaître ces augmentations de travail, possibilité aussi, Mme la Présidente, d'aménager, en quelque sorte, et de faire en sorte que le travail des procureurs de la couronne soit plus compatible avec un travail normal dans la société.

Le problème, Mme la Présidente, où se trouvait-il? Le problème, où il se trouvait... Et je comprends les demandes des procureurs de la couronne, à savoir les demandes salariales. Ces demandes salariales ne pouvaient pas être satisfaites par le gouvernement. Pourquoi? Bien, pour un raison très simple, c'est parce que, si vous commenciez à débloquer les échelles... Ça veut dire quoi? Ça veut dire, si vous commenciez à permettre que les échelles salariales puissent être augmentées vers le haut, si vous le faisiez aujourd'hui, Mme la Présidente, pour les procureurs de la couronne, vous étiez quasiment obligé de le faire pour d'autres types de professions aussi éminemment importantes dans notre société, avec lesquelles le gouvernement a été capable de négocier. Et je fais spécifiquement références, par exemple, aux professionnels de la santé. Je peux faire référence, si vous voulez, à certains éléments du gouvernement, professionnels du gouvernement qui ont, eux aussi, un marché dans lequel le fait de travailler pour le gouvernement ne correspond pas à ce qu'ils pourraient gagner dans le secteur privé. Et, Mme la Présidente, c'est une situation qui existe. Et nous ne pouvons pas aujourd'hui commencer à débloquer les échelles, il faut bien comprendre ça, pour les procureurs de la Couronne même si on peut plaider bien des fois, oui, faites-le, sans nécessairement être amenés à devoir aussi débloquer les échelles pour d'autres professionnels du gouvernement, ce qui entraînerait évidemment, Mme la Présidente, une impossibilité pour le ministre des Finances et la présidente du Conseil du trésor d'atteindre l'objectif qui est le nôtre, d'arriver à un déficit zéro sur un échéancier de deux ans.

C'est à peu près ça, le blocage, Mme la Présidente. Alors, lorsqu'on est rendus à un niveau, dans une négociation, où on comprend de part et d'autre, pour toutes sortes de raisons éminemment valables, que, d'un côté, nous ne pouvons pas satisfaire, pour les raisons que je viens de vous dire... Et je vais vous le répéter parce qu'il est important que mes collègues d'en face le comprennent. Pour des raisons éminemment valables, nous ne pouvons pas satisfaire les demandes des procureurs de la couronne, ce qui ne veut pas dire que l'argument qu'ils mettent de l'avant et qui a été appuyé bien par leurs membres, n'est pas un argument valable. L'argument de se comparer est un argument...

On a toujours tendance de se comparer avec les gens qui font un peu le même type de profession. Les informaticiens du gouvernement du Québec, Mme la Présidente, gagneraient à peu près deux fois plus, deux fois plus s'ils travaillaient dans le secteur privé que s'ils travaillent pour le gouvernement du Québec. Malgré tout, ils restent, parce qu'il y a des gens qui travaillent à l'intérieur même du gouvernement et de la structure du gouvernement du Québec. Le fait aujourd'hui, c'est que, nous, le gouvernement, la société, l'ensemble des Québécoises et des Québécois ne peuvent pas dépasser le cadre financier qui est celui qui a été établi pour les 475 000 personnes. Et, Mme la Présidente, c'est une faune importante.

Il est important de signaler et de rappeler ici le travail de la députée de Saint-François lorsqu'elle a été ministre responsable du Conseil du trésor, le travail de la députée de Fabre, qui est aujourd'hui ministre du Conseil du trésor, qui, chacune, l'une et l'autre ont réussi, dans les négociations, à obtenir des négociations et des ententes signées, et ce qui est quelque chose de relativement rare dans notre société, Mme la Présidente. Ces ententes...

Nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, donner droit aux demandes des procureurs de la couronne sans remettre en question tout l'équilibre de ce qui avait été négocié à la fois avec les 475 000 fonctionnaires et particulièrement les professionnels du gouvernement du Québec, avec les professionnels de la santé et particulièrement les infirmières de la FIIQ. Et, Mme la Présidente, si nous ouvrions la porte aujourd'hui à ces rattrapages, tel qu'il est demandé par nos collègues de l'opposition, je me permets de leur dire que, demain, nous avons la négociation qui commence avec les médecins professionnels, des personnes qui sont aussi éminemment importantes dans le fonctionnement même de notre société, et nous serions aussi amenés bien sûr à devoir briser le cadre budgétaire.

Mme la Présidente, ce gouvernement est un gouvernement qui est responsable et qui tiendra le principe de l'équilibre budgétaire sur un horizon de deux ans et sur un fait qui est assez important aussi, de dire que c'est l'effort, l'effort qui est fait par le gouvernement... Et, quand on dit «le gouvernement», bien sûr la majorité des dépenses du gouvernement sont des dépenses de salaires. Donc, l'effort qui est fait par les salariés du gouvernement et les salariés du réseau constitue 62 %, 62 % de l'effort qui est demandé pour arriver au déficit zéro.

Alors, Mme la Présidente, vous comprenez bien, nous étions rendus, après... malgré les efforts, ce qui avait été mis sur la table par la députée de Fabre et présidente du Conseil du trésor, qui était quand même significatif... Et je me permettrai de le rappeler: augmentation du nombre de procureurs, augmentation du soutien à ces procureurs, augmentation des primes pour les régions éloignées, augmentation du... reconnaissance des primes pour les dossiers spéciaux, reconnaissance aussi du fait que les gens puissent travailler 37 heures et demie et 40 heures, ceci était mis de l'avant, et ça a été part de la négociation.

Le point où nous sommes rentrés devant un mur, le point où on est devant un mur, c'est de dire: Nous ne pouvons pas briser le cadre salarial qui a été le cadre salarial établi par ce gouvernement. Alors, une fois que nous sommes devant ce mur, Mme la Présidente, que reste-t-il? Est-ce qu'on peut rester éternellement comme deux chiens de faïence, à se regarder et à dire... les uns ayant des bonnes raisons pour continuer la grève, et, de l'autre côté, le gouvernement qui ne peut pas actuellement satisfaire aux demandes des procureurs de la couronne? Et, ipso facto, ce qui en découle, c'est que cette grève crée un chaos dans ce qu'on pourrait appeler le système judiciaire.

La seule solution qui restait et qui reste à un gouvernement responsable, un gouvernement qui gouverne, c'est de dire: Nous avons encore cette possibilité, cette possibilité de faire appel à une loi spéciale, une loi qui va faire en sorte de demander, par la loi que nous allons voter maintenant en deuxième lecture, que nous allons étudier...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, s'il vous plaît, M. le leader adjoint. Il y a trop de bruit. S'il vous plaît, j'invite les députés, s'il vous plaît, au silence pour qu'on puisse entendre...

Des voix: ...

**(21 h 50)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Oui, mais quand même, quand même, il faudrait que tout le monde puisse vous entendre.

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, M. le leader adjoint, poursuivez.

M. Gautrin: Je vous remercie... Est-ce que ce serait mieux si j'avais un ton de voix plus fort? Non? Bon! Alors, je poursuis, Mme la Présidente, pour synthétiser, en quelques mots, ce que je voulais dire. Un, nous avons essayé de... Nous comprenons la situation des procureurs de la couronne et des conditions de travail des procureurs de la couronne. Nous avons essayé, dans la négociation -- particulièrement la présidente du Conseil du trésor, pour ce qui est des conditions de travail -- et je l'ai répété déjà tout à l'heure, d'améliorer les conditions de travail des procureurs de la couronne. Nous comprenons aussi que les gens, les procureurs de la couronne, voulaient avoir un rattrapage salarial important. Et c'était une des raisons pourquoi ils sont sortis en grève, ils vont rester en grève.

Nous ne pouvons pas satisfaire ces demandes parce que satisfaire ces demandes, ça veut dire être en... briser le cadre salarial qui a été fixé par le gouvernement, parce que satisfaire ces demandes, Mme la Présidente... ce sont des demandes qui vont s'étendre à l'ensemble des employés avec lesquels nous avons négocié une convention collective et ça va être la base des demandes que nous allons avoir avec les médecins spécialistes, Mme la Présidente. Pour ces questions, nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, briser le cadre financier qui est celui qui est le nôtre, cadre financier qui est nécessaire si nous voulons atteindre, comme nous nous y sommes engagés, le déficit zéro dans un objectif de deux ans et avec une contribution de 62 % de la part des réductions du gouvernement.

Devant cette impasse dans laquelle nous sommes, devant cette impasse et devant la nécessité de briser et d'éviter le chaos dans nos tribunaux, nous devons aujourd'hui passer cette loi spéciale. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le leader adjoint du gouvernement. Je suis prête à reconnaître le prochain intervenant.

Une voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, il vous reste le temps du député indépendant, de 3 min 37 s, et il reste trois minutes au gouvernement, ça fait 6 min 37 s.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Alors, Mme la Présidente, le gouvernement libéral a géré cette crise -- parce que c'est une crise que nous vivons actuellement -- il a géré cette crise comme tout simplement une question d'image, comme il fait depuis des années, M. le Président. C'est tout simplement une pièce de puzzle, là, qui s'ajoute, dans laquelle le Parti libéral, lui, souhaite refaire son image. Les procureurs, il faut qu'ils se le disent, ils ne sont qu'une des pièces que le gouvernement balaie ce soir comme il balaie bien d'autres questions. Pourquoi? Pour tenter, mercredi, de se refaire une virginité sur le dos de ces gens, des juristes et des procureurs.

Mme la Présidente, j'ai été avocat en relations de travail, et il y avait trois principes, au niveau des relations de travail, qui guidaient une négociation. Ce n'était pas l'argent au départ, c'était le respect, la considération et la valorisation. C'est les trois principes de base qui doivent guider chaque négociation pour qu'il n'y ait pas de perdants, Mme la Présidente.

Or, quel est le résultat aujourd'hui? Quel est le résultat? J'ai rarement vu autant d'arguments fallacieux. Tout d'abord, la négociation des uns devient le règlement des autres. C'est comme si, au niveau juridique, j'arrive avec ma cause, mes témoins et le juge me dit avant que je commence: J'ai entendu une cause qui ressemblait à la vôtre, et le jugement est rendu, maître, vous perdez et votre client aussi, bonne chance, c'est ça, l'équité, c'est ça, la loi. Les procureurs vivent exactement la même chose. On leur impose un règlement auquel ils n'ont même pas participé. Et là tout le monde répète ça, là, comme des perroquets, là, un à un. Le simple bon sens doit dire: On ne peut pas imposer un règlement à ceux qui n'y ont pas participé. Ça, ce n'est pas de l'équité, c'est du bon sens.

Deuxièmement, Mme la Présidente, il y a plusieurs blâmes à distribuer: à la présidente du Conseil du trésor. d'avoir refusé de tenir sa parole et d'avoir laissé pourrir le dossier depuis 2005; au ministre de la Justice, de ne pas être un ministre de la Justice, Mme la Présidente, il incarne assez bien la dérive de la justice et du rôle de procureur général dans le gouvernement libéral depuis huit ans, il l'incarne très bien; au DPCP, Me Dionne, qu'on a entendu défendre le gouvernement au niveau de la commission d'enquête et que malheureusement on n'entend pas dans une des plus graves crises qui touche la justice au Québec; et le dernier, c'est le premier ministre, de ne pas être préoccupé d'une situation qui est navrante, lui qui a trouvé le moyen un jour d'appeler un juge en fonction, lui qui est intervenu dans un procès criminel en début de mandat, lui qui n'a pas respecté sa parole devant les Québécois depuis huit ans, lui qui a laissé M. Fava et M. Rondeau régler les nominations au Québec jusqu'aux plus hauts fonctionnaires, lui qui a laissé la situation se dégrader, lui qui a fait de la commission Bastarache une véritable parodie de justice, de la nomination jusqu'à la conclusion, en passant par des témoignages truffés, Mme la Présidente, de manque d'équité et de justice.

Le dérapage a assez duré. Si les membres de cette Assemblée pensent que c'est terminé, ils ont bien tort. C'est le début de quelque chose d'autre, Mme la Présidente. Ce n'est pas un jeu. Ce n'est pas une loi ordinaire. J'ai même entendu le député de Vimont dire: C'est un jeu. Ça n'a rien d'un jeu. Actuellement...

Des voix: ...

M. Bédard: Puis il y en a qui rient, qui rient. Puis je suis content parce qu'il y a des gens qui voient ce qu'on vit à tous les jours, ici. Parce que ça n'a rien de drôle, ici. Ce n'est pas une pièce de théâtre. On est face à des gens qui sont méprisés littéralement puis qu'on leur sert des arguments qui ne tiennent pas debout. On a donné toutes les chances au gouvernement de négocier avec eux, de s'asseoir et de sauver notre système de justice, rien de moins. Face aux démissions de Me Chartrand, un des plus éminents procureurs au Québec, le gouvernement, bien, il a la face du leader, il fait comme si de rien n'était. Ça n'a aucun sens.

Mme la Présidente, je suis gêné de participer à cette parodie, je suis gêné d'être membre du Parlement. Mme la Présidente, j'ai trop de respect pour les juristes. Tous ceux qui m'ont vu en commission m'ont vu témoigner le respect. Peu importe, que ça soit la loi sur l'éthique, le financement, les oppositions que j'ai manifestées, j'ai toujours respecté ces gens-là parce que je sais le travail ingrat qu'ils ont mais le travail fondamental et nécessaire. Les procureurs, je ne ferais jamais leur travail qu'ils font devant des gens qui sont mieux armés qu'eux. Ne pas les considérer, Mme la Présidente, ne pas les respecter, ne pas les valoriser, c'est la pire erreur du gouvernement.

Et, le pire, aujourd'hui, ce soir, le gouvernement a décidé de les punir, punir d'avoir fait respecter leurs droits, punir d'avoir revendiqué, punir même peut-être pour avoir revendiqué une commission d'enquête, punir de s'être tenus debout, punir d'avoir attendu pendant six ans, six ans, six longues années... Il y a des criminels qui ont fait des crimes plus graves qui ne sont même pas... qui n'attendent même pas six ans en prison. Eux, ils ont attendu six ans, Mme la Présidente, une loi spéciale injuste, en 2005, pour dire: Un jour, notre tour va revenir, j'aurai à faire valoir mes arguments et je serai entendu. Bien, voici la réponse du gouvernement, la voici, une loi sauvage qui leur dit: Non, non, moi, j'utilise ma majorité, j'utilise ceux, là, qui n'ont même pas le courage de se lever dans le caucus pour dire: Ça va faire!, qui n'ont même pas le courage de dire au ministre de la Justice, au premier ministre: On ne veut pas participer à ça, trouvez une solution.

Le principal n'est pas votre discours inaugural, le principal, c'est de protéger la justice, protéger ceux et celles qui, à tous les jours, sont devant des gens, Mme la Présidente, qui ont des techniques pas mal plus intimidantes que le leader de l'opposition. Mme la Présidente, je pense que c'est un triste chapitre qui se termine, mais un autre va commencer. Comment cet autre va finir, Mme la Présidente? Malheureusement, comme personne qui a à coeur le système de justice, je suis très inquiet.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie, M. le leader de l'opposition officielle. Alors, cela met fin au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics.

Je mets donc aux voix la motion de Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, le vote par appel nominal est adopté...

Des voix: ...

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Est demandé, pardon, il est demandé, oui. Et donc qu'on appelle les députés.

**(22 heures -- 22 h 10)**

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, maintenant que les whips sont assis...

Des voix: ...

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît, à l'ordre!

Je mets donc aux voix la motion de Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Courchesne (Fabre), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bachand (Outremont), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Blais (Saint-Henri--Sainte-Anne), M. Lessard (Frontenac), Mme Thériault (Anjou), M. Corbeil (Abitibi-Est), M. Auclair (Vimont), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Ménard (Laporte), Mme James (Nelligan), Mme Vien (Bellechasse), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. MacMillan (Papineau), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Gignac (Marguerite-Bourgeoys), M. Arcand (Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), Mme Boulet (Laviolette), M. Simard (Dubuc), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Ouimet (Marquette), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Gautrin (Verdun), M. Whissell (Argenteuil), Mme L'Écuyer (Pontiac), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Reid (Orford), M. Dubourg (Viau), Mme Gaudreault (Hull), Mme Gonthier (Mégantic-Compton), M. Ouellette (Chomedey), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Vallée (Gatineau), M. Huot (Vanier), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Diamond (Maskinongé), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Lehouillier (Lévis), M. Mamelonet (Gaspé), M. Huot... M. Matte (Portneuf), M. Charlesbourg... M. Pigeon (Charlesbourg), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. D'Amour (Rivière-du-Loup).

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Charlevoix), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), Mme Beaudoin (Rosemont), Mme Malavoy (Taillon), Mme Richard (Marguerite-D'Youville), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), Mme Doyer (Matapédia), M. Trottier (Roberval), M. Cousineau (Bertrand), Mme Champagne (Champlain), Mme Bouillé (Iberville), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Blanchet (Drummond), Mme Richard (Duplessis), M. Bergeron (Verchères), M. Ratthé (Blainville), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Bérubé (Matane), M. Aussant (Nicolet-Yamaska), M. Marceau (Rousseau), M. St-Arnaud (Chambly), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme Ouellet (Vachon), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Pagé (Labelle), M. Ferland (Ungava), M. McKay (L'Assomption), M. Gaudreault (Jonquière), M. Dufour (René-Lévesque), M. Lemay (Sainte-Marie--Saint-Jacques), M. Kotto (Bourget), M. Rebello (La Prairie), M. Pelletier (Rimouski), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Robert (Prévost), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Tremblay (Masson), M. Boucher (Johnson), M. Traversy (Terrebonne), M. Simard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Deltell (Chauveau), Mme Roy (Lotbinière), M. Grondin (Beauce-Nord), M. Bonnardel (Shefford).

M. Khadir (Mercier).

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière).

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Y a-t-il des abstentions? M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 60

Contre: 51

Abstentions: 0

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, la motion est adoptée. En conséquence, le principe du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, est adopté.

Alors, conformément à la procédure législative d'exception prévue aux articles 257.1 et suivants, je suspends les travaux durant quelques instants afin de permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière pour l'étude détaillée du projet de loi.

(Suspension de la séance à 22 h 16)

 

(Reprise à 22 h 22)

Commission plénière

M. Chagnon (président de la commission plénière): Alors, nous en sommes maintenant réunis en commission plénière pour procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics.

Je vous rappelle que l'étude détaillée en commission plénière est d'une durée de cinq heures, tel que prévu au deuxième paragraphe de l'article 257.1 du règlement. Est-ce qu'il y a des remarques préliminaires?

Une voix: ...

Remarques préliminaires

Le Président (M. Chagnon): Oui, je vous pose la question: Y a-t-il des remarques préliminaires? Si vous n'en avez pas, je vais passer à d'autre chose. Oui. Alors, Mme la ministre, nous vous écoutons.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. D'abord, permettez-moi de remercier toute l'équipe qui est avec nous ce soir pour nous permettre de faire des travaux qui fassent en sorte que nous puissions de façon sereine passer à travers les articles du projet de loi qui sont devant nous... qui est devant nous.

M. le Président, j'ai eu l'occasion cet après-midi de m'exprimer sur nos raisons d'être réunis pour ce projet de loi spéciale. Je tiens à réitérer, M. le Président, que ce n'est certainement pas le premier choix du gouvernement que de procéder à un projet de loi qui a pour objectif, d'abord et avant tout, de mettre fin à une grève, et surtout de redonner les services judiciaires aux citoyens, et de faire en sorte que nos tribunaux fonctionnent normalement.

Je souhaite effectivement que nous ayons l'occasion ce soir de parler davantage des conditions de travail de nos procureurs effectivement, et de voir... d'élaborer sur les offres qui ont été déposées sur la table, et de s'assurer que nous avons la meilleure compréhension possible par rapport à l'exigence de leur métier, par rapport aux caractéristiques propres à la pratique que nous retrouvons dans les tribunaux mais aussi partout, dans toutes les régions du Québec, et de faire en sorte que, malgré la difficulté qu'impose une loi spéciale, malgré le fait qu'aucun gouvernement, aucun gouvernement ne souhaite avoir à avoir recours à une loi spéciale et avoir à prendre de telles décisions...

Cela dit, M. le Président, face à l'impasse à laquelle nous sommes, et je souhaite que nous puissions repartager... j'ai écouté le député de Chambly, j'ai écouté le député du Lac-Saint-Jean, le député de Verchères, je pense qu'il est important qu'on puisse, le plus calmement et le plus sereinement, expliquer encore davantage pourquoi nous en sommes à... nous sommes devant cette impasse. J'ai entendu tantôt les propos du leader à cet égard-là. Évidemment, je ne peux pas être d'accord et partager son opinion. Mais je pense que notre responsabilité, elle est à l'égard des procureurs et des juristes, mais elle est aussi à l'égard de tous les employés de l'État. Je sais que les procureurs et juristes probablement, depuis deux semaines, ne veulent plus qu'on fasse cette comparaison. Et ce n'est pas une comparaison.

Pour moi, ce n'est pas une comparaison, c'est une question fondamentale d'équité lorsqu'il s'agit de déterminer des conditions de travail pour l'ensemble des employés et que donc, dans ce sens-là, nous aurons donc l'occasion de pouvoir nous exprimer, échanger là-dessus et s'assurer d'une meilleure compréhension.

Habituellement, M. le Président, un tel projet de loi regroupe essentiellement les paramètres salariaux, donc, les conditions de retour au travail mais qui se limitent aux paramètres salariaux. Dans celui-ci, il y a un article additionnel qui effectivement, et nous en reparlerons, permet d'ajouter une clause que je qualifie de normative mais qui permet de reconnaître les heures travaillées de nos procureurs. Donc, nous aurons l'occasion d'échanger là-dessus.

Par ailleurs, je le dis d'entrée de jeu, il n'était pas de notre intention d'imposer toutes les conditions de travail. Il n'était pas de notre intention d'imposer des choix, puisque nous avons sérieusement déposé des éléments de discussion et de négociation, nous avons voulu les partager avec les procureurs et les juristes. Nous avons voulu, comme ça se fait dans toutes les négociations, M. le Président... Là, il n'y avait rien de différent que dans d'autres négociations où, dans des séances exploratoires, c'est véritablement l'expression utilisée, dans ces séances exploratoires de négociation, nous voulions nous assurer que les choix qui auraient pu être faits correspondent véritablement aux réalités des procureurs et juristes, correspondent véritablement à leur pratique quotidienne et que ces choix qui pourraient être faits permettent non seulement d'améliorer leurs conditions de travail, mais d'améliorer aussi, je dirais, l'efficacité ou plutôt le bon déroulement. Parce que je pense que les procureurs ont aussi noté que bien des éléments de l'organisation du travail, par exemple, pourraient être revus, et il y a bien des irritants qui concernent... et qui, à un moment donné, font en sorte que ça influence les conditions de travail. Et ça, il y a... j'ai effectivement une sensibilité à l'égard de ces aspects-là et je pense que nous devons effectivement nous assurer que nous puissions apporter des correctifs.

J'ai mentionné cet après-midi, M. le Président, qu'après un projet de loi il y a un lendemain, il y a un surlendemain, il y a des jours qui suivent et qu'un projet de loi, ce n'est pas la fin des discussions, ce n'est pas la fin d'un dialogue. Je vois les députés d'en face qui trouvent ça drôle. Honnêtement, il n'y a rien de très drôle, il y a plutôt quelque chose de très sérieux. À partir du moment où nous avons voulu négocier, M. le député de Saint-Jean, nous avons... Lac-Saint-Jean, nous avons vraiment voulu négocier, c'était sur la table, nous avons voulu échanger et nous avons voulu le faire avec tout le sérieux, la volonté et la bonne foi, et quiconque va mettre ça en doute, quiconque va mettre ça en doute aura tort. Tous ceux qui sont ici sont aussi responsables autant que ceux qui sont en face, et de mettre ça en doute cette nuit, ça ne passera pas vraiment.

Et, dans ce sens-là, je dis qu'après la loi il y aura un lendemain, il y aura un surlendemain, il y a des jours qui suivront, et nous serons toujours prêts pour discuter, échanger et, s'il y a lieu, continuer d'améliorer les conditions de travail dans les paramètres qu'un gouvernement décide.

Et c'est normal qu'un gouvernement ait un cadre financier. C'est normal qu'un gouvernement ait des paramètres à respecter. Parce que, si ce n'était pas le cas, on n'agirait pas en toute responsabilité. Et, si ce n'était pas le cas, ceux qui sont en face seraient les premiers à nous le reprocher.

Alors, M. le Président, je vous offre toute ma collaboration, toute ma franchise aussi pour répondre aux questions le plus adéquatement et avec toute l'ouverture requise pour que nous puissions, durant les cinq prochaines heures, être en mesure de passer à travers les articles de loi qui sont devant nous.

**(22 h 30)**

Le Président (M. Chagnon): Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Il doit peut-être y avoir d'autres commentaires. Alors, M. le député de Chambly, nous vous écoutons.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: Merci, M. le Président. M. le Président, c'est une fin de soirée, il est 22 h 30, un début de nuit... c'est une nuit triste pour nos institutions judiciaires et pour notre système judiciaire. Le gouvernement adopte ou fera adopter vraisemblablement, avec sa majorité, une autre loi bâillon, sa quatrième en deux ans et sa troisième en huit mois. Mais ce bâillon, M. le Président, il est particulièrement grave parce qu'il touche à une des institutions centrales de notre État, l'institution judiciaire.

En imposant cette deuxième loi spéciale d'affilée à ses procureurs de la couronne et à ses juristes -- parce qu'il y a eu une première loi qui a porté sur la période 2005-2010, et, là, on nous propose aujourd'hui d'adopter, cette nuit, une deuxième loi pour la période 2010-2015 -- en imposant une deuxième loi spéciale consécutive pour décréter les conditions de travail des procureurs et des juristes pour une durée finalement qui aura été d'une durée minimale totale de dix ans, le gouvernement joue avec le feu, et, malheureusement pour l'intérêt public, je crois, M. le Président, que le gouvernement est en train de se brûler.

Et il suffit seulement d'écouter ce qui s'est passé, là, depuis ce matin, avec ces démissions en bloc de 80 % des procureurs-chefs et des procureurs-chefs adjoints un peu partout au Québec, et notamment de certains procureurs-chefs qui ont un rôle tout particulier dans la lutte au crime organisé, à la collusion, à la corruption, aux crimes économiques, au blanchiment d'argent. M. le Président, quand on voit des procureurs comme Me Claude Chartrand, 30 ans d'expérience, directeur du Bureau de lutte contre le crime organisé, qui démissionne, quand on en voit 40 qui démissionnent un peu partout au Québec, dont toute l'équipe de Montréal, toute l'équipe du procureur-chef et des procureurs-chefs adjoints à Montréal, je vais vous dire, je pense que le gouvernement ne réalise pas la gravité de la situation en agissant comme il le fait aujourd'hui.

M. le Président, je l'ai dit, je le dis depuis plusieurs semaines déjà, dans ce dossier des procureurs et des juristes, le gouvernement a été irresponsable, et il a été irresponsable, M. le Président, à trois moments, à trois reprises: d'abord, en laissant traîner les choses pendant six ans; ensuite, en ne tenant pas, quoi qu'en dise la présidente du Conseil du trésor, en ne tenant pas de véritables négociations avec ses procureurs et juristes; et la troisième décision irresponsable, c'est celle d'avoir déposé ce projet de loi n° 135 sous bâillon pour qu'on l'adopte au cours de la prochaine nuit.

Pour bien comprendre, M. le Président, à quel point ce gouvernement a été irresponsable, il faut remonter un petit peu dans le temps. Vous savez, les procureurs et les juristes avaient une entente sur leurs conditions de travail qui s'échelonnait jusqu'en 2006, et même en 2007, pour ce qui est des procureurs de la couronne. Or, en décembre 2005, pour ce qui est des procureurs, plus d'un an avant que leurs contrats de travail se terminent, le gouvernement a profité de l'adoption d'une loi concernant les conditions de travail dans le secteur public pour imposer des conditions de travail sous bâillon aux procureurs et aux juristes. Et, dans le cas des procureurs, M. le Président, je vous le disais, ils avaient un contrat jusqu'en 2007, il n'y avait même pas eu une seule heure de négociation, et le gouvernement a décidé de les inclure, à une heure ou deux d'avis, dans la grande loi adoptée sous décret, la loi spéciale de décembre 2005. Même pas une heure de négociation, alors qu'on savait déjà, en 2005, à quel point il y avait une problématique particulière à la couronne et au niveau des juristes.

Ce n'est pas nouveau, ça, que les procureurs n'ont pas les moyens pour exercer leurs fonctions. Ce n'est pas nouveau de savoir qu'il manque des procureurs, que la couronne est surchargée, Ce n'est pas nouveau, ça existait en 2005. Mais le gouvernement libéral a décidé, en 2005, même si les procureurs de la couronne avaient un contrat jusqu'en 2007: Tiens, on va vous mettre dans la loi spéciale jusqu'en 2010. M. le Président, le gouvernement, à ce moment-là, a pelleté en avant d'une manière totalement irresponsable ce problème qui nous explose en pleine face aujourd'hui et d'une manière particulièrement spectaculaire quand on voit ce qui s'est déroulé au cours des dernières heures, avec ces démissions en bloc de 80 % des cadres de la couronne au Québec.

Je dis, M. le Président, que le gouvernement a été irresponsable parce que, d'abord, en les mettant dans la loi spéciale en 2005 sans une seule heure de négociation pour ce qui est des procureurs, mais ce qui a été terrible, c'est qu'est-ce qui s'est passé par la suite, en 2006? Rien. En 2007, rien. En 2008, rien. En 2009, rien. Est-ce que le gouvernement a travaillé à améliorer les conditions de travail des procureurs? Rien, M. le Président. Il a poussé le problème en avant d'une manière totalement irresponsable.

Et d'ailleurs, M. le Président, je le disais cet après-midi, il a été blâmé à cet égard par le Bureau international du travail, un organisme de l'ONU, qui, dans sa décision rendue en 2007, disait: «Le comité prie instamment le gouvernement [...] d'éviter à l'avenir le recours à [des] interventions législatives [imposant des conditions de travail sans qu'il n'y ait eu de] consultations franches et approfondies avec les parties impliquées, [le comité] espère fermement que les prochaines négociations se dérouleront en conformité avec les principes mentionnés ci-dessus.» Blâme sévère du gouvernement à ce moment-là... du Bureau international du travail à l'endroit du gouvernement. M. le Président, c'est là une première, une première irresponsabilité d'avoir laissé traîner les choses... d'avoir rentrer les procureurs et les juristes dans la loi spéciale en 2005 et ensuite d'avoir laissé traîner les choses jusqu'en 2010.

Le deuxième manquement grave, quant à moi, de ce gouvernement s'est produit depuis le 31 mars 2010. Après avoir laissé traîné les choses pendant cinq ans, les procureurs sont arrivés avec une offre, avec une proposition dès le 13 ou 14 avril 2010. M. le Président, savez-vous quand ils ont eu un premier son de cloche de la part de la partie patronale? Selon les informations que j'ai, durant l'été 2010, et un son de cloche particulièrement vague et... vague, M. le Président, pour essentiellement leur dire qu'ils auraient la même chose que les autres fonctionnaires et qu'on n'avait pas de mandat pour faire plus que ça.

À l'automne, il y a eu, oui, quelques rencontres, M. le Président, à l'automne dernier, mais la plupart du temps, les procureurs, les juristes se sont fait dire par leurs interlocuteurs patronaux: On n'a pas de mandat. En fait, M. le Président, un des problèmes qui est central, qui est central dans... qui est central dans tout ce débat, c'est évidemment ce problème du rattrapage salarial. On aura l'occasion d'y revenir un peu plus tard. Bien, savez-vous, M. le Président, que ce problème, qui est au coeur des discussions, il n'a été abordé pour la première fois qu'au cours des dernières semaines à la suite du dépôt d'un avis de grève par les procureurs de la couronne à la fin du mois de janvier.

**(22 h 40)**

M. le Président, manifestement, et avec respect pour ce qui vient d'être dit de la part de la présidente du Conseil du trésor, moi, quand je regarde ce dossier -- et on pourra y revenir tantôt -- quand j'entends ce que j'ai entendu de la part de gens qui ont une crédibilité particulière, les procureurs de la couronne et les juristes de l'État, il m'apparaît, M. le Président, que le gouvernement n'a jamais vraiment négocié, sauf peut-être une période de quelques jours, fin janvier, début février, la première semaine de février, mais, au-delà de ça, le gouvernement n'a jamais vraiment négocié. Pire encore, il a fait miroiter, la semaine dernière, un blitz intensif de trois jours, un blitz qui, en fait, a duré, on le sait maintenant, 18 minutes. Et les procureurs soupçonnent, les juristes également, qu'en fait on voulait les éloigner des médias pour faire cette grande annonce, cette grande annonce de l'unité anticollusion. M. le Président, les procureurs se sont sentis floués, ont senti qu'on les avait menés en bateau, ont l'impression qu'on a abusé de leur bonne foi et qu'on voulait tout simplement gagner du temps.

Je vous soumets que je pourrais reprendre tout ce qui a été dit durant le week-end, M. le Président, là, je n'ai pas besoin de reprendre tout ce qui a été dit, je pense qu'on a tous encore en tête certaines expressions qui ont été utilisées au cours des dernières heures de la part des procureurs, de la part notamment de Me Christian Leblanc, quant au fait que le gouvernement n'avait jamais négocié de bonne foi avec eux.

Irresponsabilité de 2005 à 2010, irresponsabilité du 31 mars 2010 à aujourd'hui, mais, pire encore, M. le Président, troisième geste complètement irresponsable, cette décision de nous présenter aujourd'hui... de convoquer l'Assemblée nationale en séance extraordinaire pour faire adopter sous bâillon le projet de loi n° 135. Pourquoi aujourd'hui? Mon collègue le leader parlementaire de l'opposition le disait tantôt, bien, parce que probablement on veut régler les choses pour un message inaugural qui ne saurait tarder. M. le Président, c'est irresponsable.

Le gouvernement, M. le Président, le gouvernement, en faisant... en présentant cette loi spéciale, 135, est en train de causer un gâchis monumental. Je ne sais pas si... je ne sais pas s'il le réalise, là. Les procureurs de la couronne, bien sûr, ils vont retourner au travail demain, si cette loi est adoptée aux petites heures du matin, mais imaginez dans quel état ils vont retourner au travail. Imaginez, M. le Président, la démoralisation généralisée, les dommages considérables à notre système de justice qui vont être causés par cette deuxième loi spéciale sur nos procureurs, sur nos juristes.

Ils vont retourner au travail, mais vont-ils avoir envie de se défoncer, de se défoncer pour lutter contre les criminels, pour lutter contre le crime organisé, pour lutter contre les crimes économiques à la Vincent Lacroix? Honnêtement, pour en avoir rencontré plusieurs au cours des dernières semaines, je ne pense pas. Je ne pense pas qu'ils vont avoir envie de se défoncer, qu'ils vont... après ce qui leur sera advenu de cette nuit, une deuxième loi spéciale en cinq ans et, via cette loi, un mépris, M. le Président, à l'endroit de ce qu'ils font d'une manière remarquable avec les moyens bien limités qu'ils ont.

Il va y avoir une démoralisation généralisée, il va y avoir des démissions par dizaines, je pense qu'il faut les voir venir, là. Vous savez, ce sont des gens, dans bien des cas, qui ont une expertise pointue, qui vont se retourner vers le privé. J'ai rencontré un juriste de l'État, la semaine dernière, qui me disait où il travaillait, dans un endroit bien particulier, et qui me disait: Écoute, moi, j'ai développé, au cours des ans, une expertise, puis il y a des bureaux d'avocats et des firmes d'ingénieurs qui sont pas mal intéressés à mes services.

Les procureurs de la couronne, à Montréal, vous le savez, madame... M. le Président -- je m'adresse à la ministre -- vous le savez, les procureurs de la couronne, c'est constamment... il y a un transfert de couronne provinciale à la couronne fédérale constant, et ça va s'accentuer. Je voyais un des procureurs chevronnés qu'on avait à Montréal, que j'ai connu quand je pratiquais, Me Randall Richmond, qui vient de quitter la couronne provinciale pour s'en aller à la couronne fédérale. Et ça, il y en a plein, plein, plein à chaque année. Il va y en avoir encore plus parce qu'à la couronne fédérale ils ont des moyens et ils sentent une reconnaissance de la part de leur employeur.

Et ce qui s'ajoute aujourd'hui, c'est catastrophique, c'est ces démissions de procureurs-chefs, de procureurs-chefs adjoints aux quatre coins du Québec, et plus particulièrement au sein de ces unités exceptionnelles qu'on a créées au fil des ans, que sont le BLACO, le Bureau de lutte contre le crime organisé, qui était dirigé par Me Chartrand, qui vient de quitter. Son adjointe, Me Giauque, qu'on connaît pour avoir mené le combat contre les Hell's Angels, a également démissionné aujourd'hui. Un autre des adjoints de Me Chartrand, Me Carrière, qui, lui, est l'adjoint responsable de la lutte aux gangs de rue, a aussi démissionné aujourd'hui. J'avais une liste tantôt, là, j'en avais quelques dizaines, de procureurs qui ont remis leur démission au cours des dernières heures, de procureurs-chefs et de procureurs-chefs adjoints.

Écoutez, je relirai... j'aurai sûrement l'occasion de relire un peu plus tard ce que Me Chartrand nous a... a transmis à Me Dionne dans sa lettre d'aujourd'hui, mais c'est terrible, ce qu'il dit. Il nous dit même qu'avec les démissions qui ont lieu présentement, il nous dit même: «...je ne peux que manifester de sérieuses craintes quant à l'issue des procédures», les procédures contre les 155 personnes membres des Hell's Angels qui sont visées par des procédures, qui voient, nous dit-il, dans cette loi spéciale, «une chance inespérée de se tirer d'affaire».

Et, en ce sens-là, ma collègue de Taschereau avait raison tantôt, ceux qui sont contents aujourd'hui... On a vu des députés libéraux applaudir bruyamment tout au long de la journée. Mais ceux qui sont contents, en plus du Parti libéral, il y en a essentiellement deux, c'est les membres du crime organisé, M. le Président, c'est les membres du crime organisé, ce sont les criminels, eux sont contents aujourd'hui, et ce n'est pas moi qui le dis, c'est Me Chartrand qui le dit, parce qu'ils sentent une... ils sentent qu'ils n'auront plus en face d'eux Me Chartrand, Me Giauque, des procureurs d'expérience, tenaces, compétents, qui malheureusement aujourd'hui ont remis leur démission, comme c'est le cas de Me Chartrand, parce qu'il n'a plus le courage, nous dit-il, d'assister à la déconfiture de la couronne.

Alors, M. le Président, oui ce gouvernement a été irresponsable de 2005 à 2010, en 2010-2011 et aujourd'hui, le 21 février 2011. En fait, avec cette loi, c'est même plus que de l'irresponsabilité. M. le Président, pour employer un terme juridique, je vous dirais qu'on est proche de l'insouciance téméraire ou déréglée. On est à un niveau de négligence qui, je ne... me semble-t-il, le gouvernement ne semble pas réaliser.

Alors, M. le Président, je conclus en deux minutes. Cette nuit, elle bien triste pour le Québec. Je pense que c'est un échec qui s'annonce pour ce gouvernement en matière de justice, ça va être un des plus grands échecs de ce gouvernement. Je ne sais pas s'il le réalise à ce moment-ci, mais ça va être un échec qui va marquer cette législature parce que je ne sais pas dans quel état on va retrouver des institutions comme la couronne et les juristes de l'État dans la foulée de l'adoption de cette loi-bâillon.

M. le Président, le climat est tel... et ce n'est pas moi qui l'invente, là, on les a croisés les procureurs, mais on a surtout vu aujourd'hui les procureurs-chefs, les procureurs-chefs adjoints, des cadres, M. le Président, ceux qui tenaient le fort pendant que les procureurs de la couronne étaient en grève, qui aujourd'hui disent: Moi, je ne suis plus capable... Pour reprendre les termes de Me Chartrand: Moi, je ne suis pas capable d'assister à la déconfiture de la couronne, puis je ne suis plus capable, moi, de voir qu'on ne me donne pas les moyens, comme procureur de la couronne, pour faire face au crime organisé. Puis, je vous l'ai dit cet après-midi, M. le Président, moi, je pense qu'à un moment donné il va arriver quelque chose de triste et de grave en termes de procédures judiciaires, et ça sera malheureusement à cause ou en tout cas dans la foulée de ce qui se sera passé cette nuit. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le député de Chambly. Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui veulent faire des remarques préliminaires? Alors, nous allons procéder...

Une voix: ...

**(22 h 50)**

Le Président (M. Chagnon): Oui? Ah! Je m'excuse. Il était caché, je l'avais... secrétaire de la table en cache un autre... cache un député. Alors, M. le député de Lac-Saint-Jean, nous vous écoutons.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci, M. le Président. M. le Président, la ministre du Conseil du trésor commence ses notes préliminaires... ses remarques préliminaires, pardon, en disant que les irritants peuvent être revus. M. le Président, je commence à me demander ce qu'on fait ici... qu'on n'est pas en train d'adopter une loi-bâillon que le gouvernement du Québec va imposer aux procureurs, une loi qui va déterminer de façon bien précise les nouvelles conditions salariales, la réorganisation du travail, bref une série de mesures, M. le Président, qu'on aura la chance tout à l'heure de discuter en détail.

Elle dit: Inquiétez-vous pas, on va continuer de négocier. Bien, qu'est-ce qu'ils ont fait après 2005, M. le Président? Quand ils ont adopté la loi puis qu'ils ont forcé les procureurs à se doter de nouvelles mesures, de nouvelles conditions de travail, est-ce qu'ils ont continué à négocier? Est-ce que les procureurs, M. le Président, ont raison de penser que peut-être que les irritants dont la ministre nous dit qu'ils peuvent être revus après que le projet de loi est adopté... Peut-être qu'ils ont raison de croire que finalement ces irritants-là ne seront pas revus, M. le Président, considérant qu'ils ont déjà goûté à la médecine du gouvernement actuel, qu'ils se sont déjà fait imposer par bâillon leurs conditions de travail, que c'est la deuxième fois que le même groupe se fait imposer des règles par le gouvernement actuel.

M. le Président, quand on voit le désarroi avec lequel réagissent aujourd'hui les procureurs de la couronne, M. le Président, on réalise à quel point ces gens-là sont découragés. Tout à l'heure, j'ai pris le temps d'aller les saluer, d'aller discuter avec eux, d'aller prendre le pouls finalement de comment ils voyaient la journée qui s'était déroulée. Et il faut discuter avec eux pour réaliser à quel point le moral des troupes est à terre, M. le Président, avec une bonne raison, parce que ce qu'ils réalisent finalement, c'est qu'au moment où le gouvernement du Québec nous dit qu'ils veulent mettre les bouchées doubles pour s'attaquer, semble-t-il, à toutes les allégations en matière de corruption ou de collusion... ce qu'on réalise, M. le Président, c'est qu'au même moment où, plus que jamais, on va avoir besoin des procureurs, bien, ce qu'on fait, c'est qu'on leur impose par loi, on leur fait avaler des dispositions dont ils ne souhaitent pas, alors que ces gens-là auraient besoin d'une petite tape dans le dos, alors que ces gens-là auraient besoin d'être encouragés, alors qu'on aurait besoin de valoriser leur travail, alors qu'on aurait besoin de leur donner des conditions de travail qui sont au moins compétitives avec le secteur privé et au moins comparables avec le secteur public.

Mon collègue en a fait amplement mention, on sait qu'il y a beaucoup de gens qui quittent pour le fédéral, et évidemment, dans les chiffres, ça ne compte pas tous ceux et celles qui souhaitent quitter pour le fédéral en raison des disparités vraiment importantes entre les deux paliers de gouvernement. Dans un article d'Yves Boisvert, on faisait aussi la différence avec les conditions de travail qui sont octroyées aux procureurs de l'Ontario. M. le Président, la disparité avec le Québec, elle est flagrante.

Et, de toute évidence, ça aurait été de loin préférable que nos procureurs puissent négocier de bonne foi, en toute ouverture et aller au fond des négociations pour s'assurer que tout le monde finalement sauve la face et que les conclusions soient positives pour les deux groupes. M. le Président, c'est ça, la négociation, c'est du donnant-donnant, puis, à un moment donné, bien, on arrive à un terrain d'entente, puis tout le monde part avec ça. Malheureusement, dans le cas actuel, on est clairement dans une situation où le gouvernement bâillonne, impose à nouveau des conditions salariales, et, évidemment, évidemment, M. le Président, les procureurs devront vivre avec les mesures qui seront adoptées aujourd'hui, considérant d'autant plus que, contrairement à ce que la ministre dit, les dispositions qui vont être adoptées aujourd'hui... à moins que le gouvernement nous reconvoque dans deux ans, M. le Président, ou dans six mois, pour rediscuter, j'en serais extrêmement surpris.

M. le Président, rappeler aussi que non seulement la question des conditions salariales et des conditions de travail sont en cause dans le débat d'aujourd'hui, mais également le manque d'effectifs. Puis ce n'est pas normal que quelqu'un avec une aussi grande crédibilité que le procureur Chartrand nous dise qu'il soit incapable de recruter le nombre suffisant de procureurs pour mener à terme ses enquêtes, ses recherches et le procès lorsque ça concerne une opération aussi importante que celle de SharQc. M. le Président, M. Chartrand, comme on le sait, le procureur en chef du Bureau de lutte au crime organisé, a demandé d'être relevé de ses fonctions parce que, dans les conditions actuelles, il est incapable d'exercer son travail, il est incapable également de recruter la main-d'oeuvre nécessaire pour s'assurer de mener à bien un procès aussi important que celui de la lutte contre le crime organisé. Alors, selon lui, M. le Président, le Québec n'a carrément plus la capacité de lutter efficacement contre le crime organisé, et, dans les conditions actuelles, il préfère se retirer.

M. le Président, il s'agit du procureur en chef de BLACO. M. le Président, il s'agit d'un leader, d'un de nos meilleurs procureurs au Québec. Et force est de constater aujourd'hui que ça a eu un effet d'entraînement. En fait, dans un geste de solidarité sans doute, les procureurs qui ont des responsabilités de cadres ont demandé d'être relevés de leurs fonctions, eux aussi. En fait, comme le disait mon collègue, c'est 80 % des cadres-chefs qui ont demandé d'être relevés de leurs fonctions. M. le Président, ça démontre bien le malaise qu'ont les procureurs actuels avec les mesures qui sont imposées par le gouvernement du Québec. Non seulement les procureurs sont contre, mais, M. le Président, les procureurs ont reçu des appuis de taille, ont reçu des appuis entre autres de différentes associations des policiers et des policières pour dénoncer le manque criant de ressources.

Un peu plus tôt cette semaine est paru aussi une lettre d'opinion dans le journal La Presse, M. le Président, qui faisait état d'un policier à la retraite et qui exprimait qu'au fil du temps, au fil de sa carrière, il avait vu les procureurs exercer un métier où, selon lui, ils devaient le faire dans des conditions souvent de deux poids deux mesures, où ils devaient se battre contre le crime organisé et où le crime organisé avait nettement plus de moyens que le gouvernement actuel. Et ce policier à la retraite avait pris la plume pour demander au gouvernement de négocier avec respect, de négocier pour que les procureurs puissent avoir les conditions de travail qui leur soient plus, je dirais, honnêtes pour qu'ils puissent exercer leur métier un peu plus à forces égales. Et ce même policier faisait aussi état de ce que lui a vu, des procureurs qui ont été victimes d'intimidation, des procureurs qui doivent composer dans un milieu extrêmement difficile qui est celui où ils doivent côtoyer le crime organisé dans le cadre de leur travail.

Non seulement, M. le Président, le gouvernement du Québec a décidé d'imposer des lois... une loi aux procureurs, mais l'effet que ça va avoir, M. le Président, c'est qu'au problème de recrutement que vit déjà actuellement la profession ce n'est certainement pas avec les conditions actuelles qu'ils vont régler ce problème. M. le Président, alors que le gouvernement du Québec devrait s'assurer d'aller chercher les meilleurs cerveaux, d'aller chercher les meilleurs étudiants, d'aller chercher la crème de la crème pour travailler dans la fonction publique, de valoriser sa fonction publique avec des conditions de travail qui sont, au mieux, comparables et, dans le meilleur des scénarios, favorablement comparables aux professions comparables, M. le Président, au lieu de ça, le gouvernement choisi le nivellement par le bas, et malheureusement ça aura un impact important pour la suite des choses. Alors, voilà, M. le Président, pour l'instant, mais j'aurai la chance de revenir...

**(23 heures)**

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Un autre intervenant, M. le député de Verchères.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: Merci, M. le Président. J'ai écouté attentivement les propos de la présidente du Conseil du trésor et, lorsque j'essaie de mettre ses propos en perspective avec ce qu'on a pu voir dans les médias ou ce qu'on a pu entendre de la part des procureurs et des juristes de l'État, j'ai sincèrement le sentiment, M. le Président, qu'on a affaire à un malencontreux malentendu. Parce qu'à écouter Mme la ministre on a négocié, on a mis tout ce qu'on avait à mettre dans la balance, et puis c'est simplement les procureurs de la couronne et les juristes de l'État qui ont fait preuve de mauvaise foi, d'intransigeance, de rigidité en poursuivant leur grève, en n'acceptant pas les offres qui étaient faites, alors que, lorsqu'on écoute le point de vue des procureurs et des juristes, on n'a pas tout à fait le même son de cloche par rapport aux intentions affichées par la ministre de négocier comme elle le prétend aujourd'hui.

Ce qu'on voit, M. le Président, c'est plutôt une espèce de jeu de chat et de la souris de la part du gouvernement où, lorsque les procureurs et les juristes de l'État se présentaient, on leur faisait savoir, les négociateurs du gouvernement leur faisaient savoir qu'ils n'avaient pas de mandat. Alors là, on repartait bredouilles, puis on se retrouvait un peu plus tard pour se faire dire encore une fois qu'ils n'avaient pas de mandat. Et ça repartait bredouilles, puis ça revenait plus tard, puis ça continuait comme ça, M. le Président.

Là, on parle, tu sais, on fait grand cas, ce soir et durant la journée, du fait qu'il y a eu 23 rencontres de négociation avec les procureurs de la couronne, 18 rencontres avec les juristes de l'État, et, dans les faits, M. le Président, il appert que bien peu de ces rencontres ont véritablement donné lieu à des négociations en bonne et due forme. La plupart du temps, il s'avère qu'il s'agissait d'abord et avant tout de rencontres pour la forme -- de rencontres pour la forme.

Alors, M. le Président, lorsque le gouvernement dépose des offres qu'il retire, ce n'est pas nécessairement les meilleures conditions pour penser qu'on est dans un processus de négociation franc, ouvert et de bonne foi. À preuve, M. le Président, ces fameuses offres que le gouvernement a faites, a retirées, a redéposées, a retirées, on ne les retrouve pas dans le projet de loi. Alors, on entendait aujourd'hui la présidente du Conseil du trésor, le député de Châteauguay notamment, nous dire, la main sur le coeur: On parle de rattrapage. On avait mis des choses dans la balance. On parlait d'une bonification pour éloignement, pour tâches complexes. Il n'y a rien de tout ça dans le projet de loi. Rien de cela, M. le Président. Et la ministre nous dit ce soir: Quand on va leur avoir enfoncé bien profondément dans la gorge, là, hein, puis que ça va être douloureux, là, bien, on se rassoira, puis on discutera.

M. le Président, dans quelles conditions ces négociations-là vont-elles se tenir? Ma question fort simple à la ministre, à la présidente du Conseil du trésor: Pourquoi n'avoir pas négocié avant l'imposition de ce projet de loi? On se propose de le faire après alors que l'état d'esprit sera au plus mal. On sera dans les conditions les plus pitoyables qu'on pourrait imaginer pour négocier quoi que ce soit. M. le Président, juste cela, juste cela devrait nous convaincre que le gouvernement ne se positionne pas dans les meilleures dispositions possible pour négocier de bonne foi avec ses employés.

M. le Président, on aura l'occasion d'en discuter un peu plus tard, mais je m'inquiète personnellement du fait que le gouvernement s'engage une nouvelle fois dans un processus qui l'amènera vraisemblablement à faire l'objet d'une contestation devant le Bureau international du travail et vraisemblablement à être de nouveau débouté devant le Bureau international du travail.

M. le Président, ce gouvernement a déjà imposé des conditions de travail aux procureurs et aux juristes. Ce faisant, d'après plusieurs, il a violé délibérément les conventions internationales sur le travail auxquelles le Canada est partie. Les procureurs de la couronne ont d'ailleurs déposé une plainte auprès du Bureau international du travail sur cette question en février 2006. En 2007, le Bureau international du travail a condamné le passage, par une loi spéciale du gouvernement... l'adoption de conditions de travail, par une loi spéciale, qui s'appliquaient, bien sûr, aux employés de l'État mais également aux procureurs de la couronne et aux juristes de l'État, alors que normalement, M. le Président, il faut le souligner, leurs propres conditions de travail prenaient échéance en 2007. Or, on leur a imposé des conditions de travail en 2005, après leur avoir imposé en 2003 un droit de grève qu'on ne leur a pas permis d'exercer en 2007. Et, maintenant qu'ils exercent ce droit de grève, on leur impose une loi de retour au travail, M. le Président.

Alors, il faut craindre que de nouveau cette loi fasse l'objet d'une contestation internationale. On n'a qu'à penser, M. le Président, à la section V, sur les dispositions pénales, qui ressemble à s'y méprendre aux dispositions de la loi précédente, qui a été dénoncée par le Bureau international du travail, M. le Président. C'est donc dire que le gouvernement tend l'autre joue. Je ne veux pas avoir l'air d'avoir un discours, M. le Président, qui ne soit pas neutre, en cette Chambre, au niveau religieux, mais il semble que le gouvernement ait le goût de tendre l'autre joue et de se faire de nouveau taper sur les doigts ou sur l'autre joue, si vous préférez, par le Bureau international du travail. Pourquoi prêter flanc à une telle dénonciation au niveau international? Pourquoi ajouter l'insulte à l'injure, M. le Président?

M. le Président, on se retrouve dans une situation où le gouvernement a reconnu qu'il y avait un écart salarial et un écart en termes de conditions de travail qu'il s'est employé à tenter de minimiser. On a proposé 12 %, M. le Président. Les procureurs et les juristes étaient à une demande, à ce moment-là, de 18 %. Étions-nous à ce point aux antipodes, M. le Président, pour qu'on ne puisse trouver un terrain d'entente? Étions-nous, M. le Président, à des années-lumière, pour qu'on soit contraints, ce soir, de devoir adopter une loi par bâillon pour forcer le retour au travail de ces employés, M. le Président?

En mai 2002, M. le Président, l'Institut de la statistique du Québec avait estimé que le retard était de l'ordre de 32,6 % entre les procureurs et juristes québécois par rapport à ceux du reste du Canada. Les procureurs et les juristes au Québec sont les moins bien rémunérés au Canada. Le salaire maximum que peut obtenir un juriste de l'État correspond actuellement à 45,5 % de la rémunération d'entrée en fonction d'un juge de la Cour du Québec. Il y a 40 ans -- pas des années-lumière, encore une fois, M. le Président -- il y a 40 ans, un juriste de l'État recevait 80 % de cette rémunération. Donc, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'au fil du temps la rémunération de nos juristes, de nos procureurs s'est étiolée. Le pouvoir d'achat, à toutes fins utiles, de ces employés de l'État s'est amenuisé. Selon Pierre Noreau, professeur de droit à l'Université de Montréal, le budget de la justice représentait en 1970 2 % des dépenses du Québec, alors qu'il ne représente plus aujourd'hui que 1 % des dépenses du gouvernement du Québec.

**(23 h 10)**

M. le Président, pour un gouvernement qui ne cesse de répéter qu'il veut déployer toutes les énergies possibles et imaginables pour lutter contre le crime organisé, force est de reconnaître que tel n'est pas le cas. Et, si ce soir il y a des gens qui se réjouissent, ils ne sont certainement pas de ce côté-ci de la Chambre. Ils ne sont certainement pas du côté des procureurs de la couronne et des juristes de l'État. Et je suis convaincu qu'il y a des gens du côté du crime organisé qui doivent se frotter les mains.

Lorsque M. Chartrand, qui a tiré sa révérence, ou du moins qui a annoncé qu'il souhaitait tirer sa révérence, puisque, dans un geste d'une très grande démocratie encore une fois, le directeur des poursuites pénales et criminelles a indiqué au procureur-chef du Bureau de lutte au crime organisé de même qu'aux autres procureurs-chefs et procureurs-chefs adjoints qu'ils ne pouvaient pas faire l'objet d'un reclassement pour l'instant et qu'ils devaient demeurer à leurs postes de cadre jusqu'à nouvel ordre... Mais, cela étant dit, M. le Président, lorsque le directeur du Bureau de lutte au crime organisé nous dit qu'il ne peut que manifester de sérieuses réserves quant à l'issue des procédure, on parle des procédures dans le cas du dossier de l'opération SharQc: «Bien sûr que les 155 Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.»

Est-ce qu'il y a quelqu'un de l'autre côté qui a lu cette déclaration éminemment troublante, inquiétante de la part du procureur-chef du Bureau de lutte au crime organisé, qui dit: «Bien sûr que les 155 Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire»? Allons-nous sciemment, M. le Président, participer à cette opération qui fait en sorte que les millions de dollars qu'on a investis dans la lutte aux motards criminalisés, tous ces efforts qui ont été déployés -- et je vois mon collègue de Chomedey, qui est probablement le mieux placé parmi nous pour en témoigner -- les efforts qui ont été déployés pour lutter contre le crime organisé, contre les motards criminalisés, voir tous ces efforts, tout cet argent avoir été dépensé et ces efforts déployés en pure perte? M. le Président, allons-nous accepter que, par l'adoption de cette loi, l'unité anticorruption mise en place ou du moins annoncée vendredi dernier par le gouvernement ne puisse véritablement opérer parce que 420 des 450 procureurs ont déjà indiqué qu'ils refuseraient d'y prendre part?

La présidente du Conseil du trésor peut certes nous dire qu'on va procéder à l'embauche de 80 nouveaux procureurs. M. le Président, je pense encore à M. Chartrand, qui nous dit dans sa lettre: «Actuellement, je n'arrive pas à combler mes postes disponibles pour relever l'important défi de l'opération SharQc pour lequel vous avez obtenu l'ajout de 16 procureurs. À ce jour, je n'ai que 10 procureurs et aucune candidature ne s'annonce.» Aucune candidature ne s'annonce pour les six autres, et on va s'imaginer qu'on va être en mesure comme ça, instantanément, très facilement, de trouver les candidatures nécessaires pour permettre à une unité permanente anticorruption de se mettre en branle. Et, même si tel était le cas, M. le Président, allons-nous avoir, pour mener à bien cette opération d'envergure, de nouveaux avocats fraîchement émoulus de l'université qui vont pouvoir effectivement mener à bien, permettre qu'on mène à bien les opérations de cette unité, M. le Président? Poser la question, c'est y répondre.

Le gouvernement, qui prétend avoir ou vouloir déployer toutes les énergies possibles et imaginables pour lutter contre le crime organisé, se sera littéralement employé, depuis des mois, à miner les bases de notre système de justice. Et qui se réjouit de cela? Le crime organisé, M. le Président.

Alors, nous vivons ce soir une soirée bien sombre. Nous allons procéder dans quelques instants à l'étude des différents articles, et peut-être réussirons-nous à en savoir davantage sur les motivations du gouvernement dans l'étude de ces différents articles, mais force est de constater, M. le Président, qu'il y a bien peu de choses que nous puissions faire pour améliorer un projet de loi qui, d'entrée de jeu, est mal foutu. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je vous remercie, M. le député de Verchères. J'entendrai maintenant M. le député de Mercier.

M. Khadir: M. le Président, de combien de minutes je dispose?

Le Président (M. Chagnon): Vous pouvez avoir jusqu'à 20 minutes, si vous voulez.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Non, je n'abuserai pas du temps de tout le monde comme ça. M. le Président, le gouvernement a une série d'arguments pour agir comme il entend agir, c'est-à-dire par une loi spéciale, une loi matraque, que d'aucuns jugent comme étant tout à fait déplacée, disproportionnée, mal pensée dans les circonstances, qui traduit une insensibilité, qui traduit un mépris pour quelques-uns de ses employés les plus, je dirais, critiques, les plus importants dans les rouages de l'exercice de notre démocratie, de notre gouvernement, c'est-à-dire, en la matière, donc, les procureurs de la couronne et les juristes.

Maintenant, si j'ai bien compris la position gouvernementale, cet argument repose sur trois éléments, essentiellement. Le gouvernement dit d'abord: J'agis parce que c'est mon devoir. C'est au gouvernement de trancher, il y a des décisions à prendre, et le gouvernement doit agir en fonction de son meilleur jugement dans le cadre de ses responsabilités.

Ensuite, l'autre argument que j'ai entendu de la part, je crois, de la ministre, mais également d'autres membres du gouvernement, c'est qu'il s'agit d'être équitable, le gouvernement agit ainsi parce qu'il ne peut pas traiter les juristes et les procureurs autrement qu'il a traité les autres employés de l'État. Donc, on consent les mêmes augmentations, pas plus, pas moins. Donc, il y a une question d'être équitable, de traiter sur un pied d'égalité comme les autres employés de l'État ou, enfin, ceux qui sont financés... dont la rémunération dépend directement de l'État.

Le troisième élément, et je pense que c'est le plus important, c'est que le gouvernement dit: Je n'ai pas la capacité de payer. C'est simplement pour respecter ma capacité de payer, je n'ai pas les budgets nécessaires, les fonds nécessaires. C'est les contraintes de mon gouvernement.

J'ai l'impression, malheureusement, que c'est... À chacun de ces éléments, il y a des évidences tellement, je dirais, irréfutables que l'argument et les raisons qu'invoque le gouvernement ne résistent pas à l'analyse.

D'abord, je signalerais à tout le monde, y compris les membres du gouvernement qui sont ici, en commission, que nous avons adopté, le 3 décembre dernier, un code d'éthique et de déontologie où, comme membres de l'Assemblée nationale, on prenait l'engagement de respecter les valeurs de l'Assemblée nationale. Et, si on se rappelle bien, au troisième alinéa de l'article 6 de ce code, on s'est engagés -- en fait, tous les membres de l'Assemblée, tous les parlementaires, y compris les députés et ministres -- de respecter, d'avoir le respect envers les membres de l'Assemblée nationale, les fonctionnaires de l'État et les citoyens.

Or, quand on regarde comment les fonctionnaires, à tout le moins, de l'État, c'est-à-dire les juristes et les procureurs de la couronne, ont vécu le traitement que leur a réservé le gouvernement depuis ces dernières années -- qui a été longuement décrit par mes prédécesseurs -- au cours de toutes ces années où ils attendaient, de la part du gouvernement, un dialogue pour revoir leurs conditions de travail et leurs conditions salariales, puis ensuite, au cours des derniers jours, de la manière dont ils se sont sentis manipulés en fonction des annonces du gouvernement, notamment ce qu'on a dit, c'est-à-dire l'annonce de l'escouade permanente, et puis l'illusion qu'on a entretenue auprès d'eux qu'il allait y avoir une négociation sincère de part et d'autre, pour finalement, disons, finir en queue de poisson au bout de quelques minutes, il est évident que les membres du gouvernement, les ministres, les ministres responsables n'ont pas agi conformément au code d'éthique qu'on s'est donné, c'est-à-dire de respecter les fonctionnaires de l'État, de les traiter de manière digne, de ne pas les traiter avec mépris et avec, disons, ruse.

**(23 h 20)**

Or, c'est l'impression qui se dégage pour tout le monde à la vue de la manière dont ces échanges ont été menés avec les fonctionnaires, avec les procureurs de la couronne et avec les juristes au cours des dernières années et notamment des derniers jours.

Deuxièmement, le gouvernement prétend qu'il traite les procureurs et les juristes pour être équitable avec les autres parce qu'il a accordé les augmentations qu'il a accordées au reste de la fonction publique. Mais ce n'est pas uniquement... D'abord, il y a un problème déjà d'iniquité et de traitement inégal et tout à fait révoltant, quand on pense à ce que ça représente comme fonction, pour l'État, entre la manière dont l'État québécois -- et ce n'est pas nouveau, ce n'est pas uniquement le Parti libéral, mais là, puisque le gouvernement est le Parti libéral... -- traite ses employés, traite ses fonctionnaires, et la complaisance, je dirais, parfois qui frise la complicité, avec laquelle le gouvernement traite ceux qui sont au sommet de la hiérarchie économique à tous les niveaux.

Alors, je n'irai pas trop dans les détails, mais, quand on sait avec quelle complaisance le gouvernement traite ses partenaires, lorsqu'il s'agit de négocier avec des grandes entreprises dans le domaine minier, dans le domaine pharmaceutique, dans le domaine des gaz et du pétrole, dans le domaine de la construction, dans le domaine des contrats aéronautiques, dans le domaine des contrats du métro, par exemple le métro de Montréal, avec quel manque de rigueur, quelle facilité le gouvernement laisse échapper à l'État des opportunités, accorde des avantages, des conditions outrageusement avantageuses pour ceux qui rentrent en négociation avec l'État, puis par ailleurs la sévérité avec laquelle le gouvernement, comptant chacun de ses sous, traite ses employés, il y a d'abord une question qui... enfin une réalité qui n'échappe à personne, le gouvernement n'est sévère qu'avec ceux qui sont faibles, et qui sont sous son contrôle, et qui sont au bas du pouvoir économique dans la société.

Et, même quand on regarde pour ceux dont le revenu dépend de l'État, le traitement est tout à fait inégal. Il y a moins d'un an, le gouvernement a accordé une augmentation de 900 millions de dollars aux spécialistes. Je fais partie de ceux-là. Je fais partie de ce groupe privilégié de gens qui tirent leurs revenus directement de l'État mais qui sont considérés avec respect, avec énormément d'attention de la part de l'État. Parce qu'à chaque fois que cet État, avec son approche des pouvoirs en place, aborde les gens qui sont en situation de puissance il ne se gêne pas d'allonger les chiffres et ne se pose pas la question de sa capacité à payer, ne se pose pas la question de l'équité et agit pour accorder les avantages qui sont attendus. Or, il invoque la question de l'équité et le traitement d'égalité lorsqu'il s'agit des procureurs de la couronne et des juristes. À l'évidence même, c'est inacceptable, ça ne tient pas la route.

Ensuite, l'État parle de sa capacité de payer. On l'a entendu souvent: Bien, voici, on est dans des contraintes budgétaires, on n'a pas les moyens. Je pense que, là encore, les citoyens ne sont pas dupes. On se rappellera qu'il y a à peine une semaine ce même gouvernement a annoncé des investissements de l'ordre de 200 millions de dollars pour un amphithéâtre au Québec, mais, passons, ça, c'est vraiment un détail. Pour l'essentiel, les gens se demandent alors: Si l'État n'a pas la capacité financière pour accorder des largesses, comment se fait-il que l'État laisse échapper des milliards de dollars de nos richesses naturelles? Comment se fait-il que l'État traite avec autant de légèreté une information qui lui a été rendue disponible ici même, en Chambre, par moi-même, il y a plus de neuf mois, à l'effet que l'industrie pharmaceutique des produits brevetés mène actuellement une escroquerie contre l'État en nous cachant l'entente secrète conclue avec l'Ontario, sachant très bien qu'il y a une clause-remorque qui les contraindrait à accorder les mêmes avantages et réductions à l'État québécois, ce qui, suivant les calculs de mon bureau, que le bureau du ministre de la Santé n'a jamais contestés, nous laisse échapper des économies de l'ordre de 1 milliard de dollars? Là, on pourrait allonger la liste de ce genre...

Bon, je ne parlerai pas du contrat du métro de Montréal, que j'ai dénoncé récemment encore. Comment ça se fait que l'État laisse échapper autant d'opportunités d'épargner, d'aller tirer des revenus justes et légitimes? On pourrait penser aussi à l'évasion fiscale, qui représente des milliards de dollars de revenus qu'on a laissé échapper au cours des huit dernières années du gouvernement libéral. Je rappelle pour ceux qui nous écoutent qu'aujourd'hui même, suivant les documents présentés au groupe des 20 pays les plus avancés, au groupe de G20 à Londres, en avril 2009, si on fait juste un calcul au prorata, si on met le Québec dans la moyenne des 43 pays de l'OCDE en termes de PIB, bien il y a plus de 80 milliards de dollars de l'argent du Québec qui sont actuellement dans les 84 paradis fiscaux ou législations de complaisance à travers le monde.

Comment ça se fait que le gouvernement ne fait rien d'énergique pour aller chercher une part de ces richesses qui nous échappent? Comment ça se fait, sachant très bien qu'au cours des 10 dernières années, à tout le moins, les plus hauts revenus ont, année après année, augmenté leur part des recettes de notre richesse collective, c'est-à-dire du PIB? Une part croissante du PIB va au groupe des revenus les plus élevés, donc aux citoyens à plus hauts revenus au Québec. Comment ça se fait que, dans le même temps, si le gouvernement demande vraiment de faire un effort pour tenir compte de la capacité de payer de l'État, pourquoi ça serait uniquement aux employés de l'État de faire cet effort? Donc, dans le fond, l'exercice qui consiste à régler les problèmes financiers de l'État, actuellement l'État demande de manière très inéquitable uniquement à ses employés de contribuer à cet exercice-là, pour l'essentiel, au lieu de mettre à contribution aussi ceux qui disposent de la plus grande part de la richesse produite au Québec.

Donc, à tous les niveaux argumentaires présentés, le gouvernement, à l'analyse, ça ne tient pas la route. Le gouvernement n'a pas de base morale, de base factuelle pour nous convaincre qu'il n'y a pas autre chose à faire que par loi matraque, d'agir en matamore et d'imposer à ces employés des conditions qui vont finir par être injustes parce qu'imposées unilatéralement par l'employeur.

Et tout ça, M. le Président, se déroule à un moment où tout récemment le Québec se faisait traiter comme étant l'endroit où la corruption était la plus répandue, avec la première de Maclean's, disons, pour agrémenter le tout. Au moment où, depuis plus d'un an, 80 % de notre population, avec une rare unanimité dans tous les spectres de la société, on demande la tenue d'une enquête publique, et le gouvernement essaie de nous convaincre que c'est à travers ses tribunaux, c'est à travers ses différentes unités de lutte contre la corruption, contre le banditisme, contre le crime organisé qu'il va en venir à bout, au moment où donc les citoyens du Québec, en raison de ce qu'a fait miroiter le gouvernement comme réponse à cette attente légitime de la population, au moment donc où nos concitoyens québécois ont des attentes très élevées en la capacité du système judiciaire, de l'appareil judiciaire pour agir, au moins pour répondre en partie à cette attente pour assainir le milieu de la construction et globalement l'ensemble de l'octroi des contrats publics, s'il y avait une force, s'il y avait une autorité, un pouvoir au Québec qui voudrait agir contraire à ces attentes-là et saper la capacité de l'État québécois, de son appareil judiciaire de mener à bien cette tâche que lui a confié l'État québécois, bien, cette force ne ferait pas mieux, ne trouverait pas mieux que d'agir comme actuellement le gouvernement agit, en semant le désarroi, le chaos, la désorganisation la plus totale dans l'ensemble de l'appareil judiciaire.

**(23 h 30)**

J'ai entendu, quelques moments avant de rentrer en commission, le dernier bulletin de nouvelles. Non seulement on fait état de la lettre écrite par Me Chartrand, qui a donné sa démission, mais une autre responsable de l'appareil judiciaire de l'État disait sur les ondes qu'à l'heure où on se parle la situation qui va découler de cette loi spéciale et le traitement que réserve l'État à ses juristes ne peut être bénéfique qu'à ceux qui ont maille à partir avec la justice, et en premier lieu le crime organisé. Autrement dit, si quelqu'un cherchait à nuire à ce que le gouvernement, à ce que son ministre de la Justice et son leader en Chambre, à ce que son premier ministre nous ont répété semaine après semaine en Chambre depuis des mois... S'il y avait un pouvoir qui cherchait à saper ce que le gouvernement nous promet, bien ce pouvoir ne serait pas mieux que ce que vous êtes en train de faire avec la loi matraque, la loi spéciale que vous nous demandez de voter, parce que ça consiste en quelque sorte à dépouiller notre appareil judiciaire de sa capacité d'agir, parce que sa capacité d'agir repose sur le travail des juristes de l'État et de ses procureurs de la couronne. Autrement dit, on ne ferait pas mieux pour désarmer notre appareil judiciaire que la loi matraque que la ministre nous demande d'approuver. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Mercier. J'ai encore un intervenant, j'ai M. le député de Chicoutimi, leader de l'opposition, et c'est à vous la parole.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président, de me donner la parole. J'ai eu quelques minutes avant, lors de l'étape du principe, pour résumer certains des arguments, mais j'aimerais y revenir. Seulement vous dire que je suis malheureux d'être ici mais heureux d'y retrouver des personnes bien connues, et je tiens à souligner ici Me Sormany, avec qui j'ai eu le plaisir de passer tout près de 60 heures en commission parlementaire, sur le code d'éthique, entre autres, particulièrement, mais qui revient, je vous dirais, hanter nos commissions assez régulièrement par le biais de petits papillons qu'il nous amène suite à l'écoute de nos discussions.

Et j'ai toujours dit que Me Sormany représentait bien ce que sont les juristes de l'État, des gens dévoués, compétents, qui ont à coeur de faire un bon travail. Et vous savez à quel point j'ai du respect pour leur travail. Et ça m'arrive parfois de ne pas être d'accord avec ceux qui rédigent... ou plutôt tenter d'améliorer, parce que, lorsqu'on fait un travail pendant... On lit un texte de nombreuses fois, vous le savez, des fois on en finit, des fois, par perdre certains éléments. Nous, la chance, c'est que ça nous donne l'occasion parfois d'y apporter un regard un peu neuf, un peu différent, dans une perspective qui est vraiment totalement différente, et il nous arrive parfois, humblement, de bonifier un travail fort bien fait des juristes de l'État.

Donc, je me dois d'intervenir ce soir pour souligner leur travail. Et, à chaque occasion, pas seulement lors des négociations, je vous dirais, à tout moment que j'ai eu à avoir le plaisir, là, à faire de la législation, j'ai toujours reconnu ce travail formidable qu'ils font, M. le Président. Si vous avez assisté aux commissions que j'ai eu le plaisir de participer à titre de porte-parole en justice, porte-parole en matière de loi électorale... J'ai eu la chance, me direz-vous, de passer plus de 100 heures en commission parlementaire, je vous dirais, autour de 120, dans la dernière année, en plus du travail que je fais comme leader. Donc, ça a été pour moi un plaisir de côtoyer ces gens, et de voir à quel point ils nous sont indispensables, et que, bien qu'ils soient, comme nous tous d'ailleurs, dévoués, avec des convictions profondes, dévoués à leur travail, il n'en reste pas moins que la valorisation de ce qu'ils font est fondamentale, la valorisation, le respect. Alors, ce soir... et la considération.

Alors, ce soir, M. le Président, nous sommes complètement ailleurs, nous sommes dans la dévalorisation, la déconsidération et, je vous dirais, l'irrespect. C'est ce qu'ils ont senti, à raison, pas parce que ça s'est passé, je vous dirais, dans les... pas par ce qui s'est passé dans les derniers jours et même les dernières semaines, pour ce qui s'est passé dans les six dernières années. Six ans, pour ces gens, à ronger leur frein, à attendre patiemment, patiemment, qu'un jour ils vont être traités et considérés comme la loi leur permet, on pourrait dire, comme les relations humaines leur permettent -- mais, dans ce cas-ci, il y a un cadre précis qui leur a permis de revenir et de négocier -- parce qu'ils avaient été très injustement -- et vous le savez -- inclus dans une loi spéciale en 2005, à laquelle ils n'ont prêté aucun concours, aucun accord. Ils n'ont pas eu... même pas une minute de négociation, même pas une minute, mais on a profité de la désorganisation et de la loi qui a été imposée en 2005 pour inclure toutes sortes de monde, toutes sortes de monde qui n'avaient pas négocié.

Ça, M. le Président, pour un justiciable, mais surtout pour quelqu'un qui est avocat, c'est la pire chose. Pourquoi? Au-delà de la justice, vous le savez, l'attente de toute personne, c'est avoir l'impression d'obtenir justice. Autrement dit, on peut avoir tort, mais il faut être traité avec équité et justice. Les gens ne s'attendent pas à avoir raison sur toute la ligne, mais la valorisation, la considération et le respect dans ces valeurs fondamentales, ils s'attendent qu'ils auront ce sentiment d'avoir été traités avec justice. Or, ils n'ont pas eu ce sentiment. Pire encore, les faits leur donnent entièrement raison.

Les faits sont intraitables, là, c'est qu'ils ont été inclus dans une loi auquel ils n'ont pas participé. Dans les faits, c'est qu'on avait même, et vous le savez, par le jeu de la négociation... j'étais présent en 2005, c'est qu'on avait réglé une bonne partie des affaires avec les syndicats. Il en restait quelques-unes, et là ça devenait compliqué. Et, dans les faits, il n'y a personne qui voulait supporter ce règlement-là, donc on a dit: On va faire une loi spéciale. Tout le monde sait ça, là. Ce que je dis là, là, ce n'est pas un faux-fuyant, là. On a fait ça, mais, en plus, là on a dit: Ah! On a une occasion pour inclure tout ce beau monde là qui sont en demande contre nous autres. Ils ont des demandes légitimes? Non, non, non, profitons du timing. On a un timing, on a une loi spéciale, entrons-les dans la loi, puis ça ne paraîtra même pas. Donc, c'est la fable du lièvre et la tortue, là.

On arrive... On nous parle du nombre de séances à la dernière minute. La ministre... Moi, c'est la première fois de ma vie que je vois ça, là, la présidente du Conseil du trésor, à la période des questions, faire une offre, là, la journée de la loi spéciale. Si le ridicule tuait, là, M. le Président, on aurait moins de monde. Je n'avais jamais vu ça. Ça, ça veut dire, c'est de l'amateurisme. En termes clairs, là, c'est qu'il y a quelqu'un qui n'a pas prévu qu'on allait se retrouver dans un cul-de-sac et qui arrive à la dernière minute puis qui dit: Aïe! Je fais une offre, et, regardez, là, j'ai le bâton, là, puis j'ai une petite carotte. Qu'est-ce que vous faites? Qu'allez-vous choisir? Cet amateurisme, M. le Président, il ne se manifeste pas seulement dans ce qu'on a ce soir, il se manifeste dans l'ensemble de la... de l'absence de négociation qu'a menée le gouvernement.

J'ai entendu plusieurs députés du gouvernement parler ce soir. D'ailleurs, peu de membres du gouvernement ont parlé, ce qui est assez rare pour une loi qui est de nature... je vous dirais, qui relève principalement, évidemment, de l'exécutif, qui relève du gouvernement. Mais peu de membres de ce gouvernement se sont montrés solidaires. Même lors du vote nominal, on a eu la chance de... de manquer... de ne pas avoir, lors du vote nominal, donc ce n'est pas un manquement au règlement de vous souligner que même le premier ministre avait d'autres choses de mieux à faire. On a envoyé beaucoup de députés, de députés qui ne sont pas membres du Conseil des ministres de venir défendre leur gouvernement. Bien des ministres se sont gardés, là, d'intervenir, bien des ministres qui sont au fait, qui assistent au Conseil des ministres, qui savent, dans les faits, que les négociateurs n'ont jamais eu de mandat. Jusqu'à la dernière minute, là, ils n'ont jamais eu de mandat.

Alors là, on vient nous dire: On a rencontré ces gens-là, on les a rencontrés... combien, 20 séances, a-t-on dit? 20. Et ce qu'on sait des séances, la vérité, encore une fois, c'est quoi? Les gens, après six ans d'attente, cinq ans et demi, se sont retrouvés à des tables où les gens n'avaient pas de mandat. Savez-vous c'est quoi, ça, aller dans une table où tu n'as pas de mandat? Ça m'est déjà arrivé, moi, qu'un client me dise: Tu t'en vas négocier, mais tu n'as pas de mandat. Ça n'a pas duré longtemps. Ça n'a pas duré longtemps, M. le Président, pourquoi? Parce que le Code du travail est ainsi fait que l'obligation de négocier de bonne foi, qui est incluse au Code du travail, oblige les gens à avoir des propositions et des mandats. Refuser de négocier ou enfermer des gens dans une logique qui n'est pas la leur correspond à un manquement à l'obligation de négocier de bonne foi.

**(23 h 40)**

Le principal argument que j'ai entendu des collègues députés, parce que les ministres, comme je vous disais tantôt, n'ont peu ou pas parlé, ils m'ont répété à satiété cet argument complètement loufoque. Complètement loufoque, pourquoi? Pas parce qu'ils n'y croient pas, parce qu'on leur écrit de dire ça. On leur a dit: N'oubliez pas, là, on leur a... on les a rencontrés pendant 20... il y a eu 20 séances, tout en oubliant de leur dire que, pendant la grande partie de ces séances, il n'y avait aucun mandat.

Pourquoi? La raison, c'est dans le deuxième argument: on attend le règlement de la fonction publique. Comment ces gens auraient eu un mandat? Il y a une logique, aussi, là. Comment ces gens auraient un mandat quand dans les faits on est en train de négocier avec l'ensemble du secteur public, où on dit: On veut arriver à un résultat x qui ne tient pas compte de la réalité de ceux qui sont en haut présentement? Alors, la logique, tout tient. C'est vrai. Pendant toutes les rencontres avant le règlement, il n'y a eu aucune offre, pourquoi? Parce que, dès qu'il y aurait eu une offre, qu'est-ce qui serait arrivé aux tables? Bien, elle aurait été récupérée par les groupes syndicaux, qui auraient dit: Bien, écoutez, là, si vous offrez aux procureurs tant, bien, nous, pourquoi on mériterait moins? On va essayer d'obtenir plus. Quelle logique destructrice!

Le pire, M. le Président, c'est qu'on invoque encore cet argument en tentant de faire croire aux gens qu'on a négocié. Je n'ai jamais été procureur-chef du gouvernement, en termes de... je n'ai jamais eu le mandat de négocier pour le gouvernement, mais je peux vous dire qu'un avocat de deux ans de pratique en relations de travail aurait compris cette réalité-là après quelques secondes. Alors, quand je vois mes collègues de l'autre côté se lever puis me dire ça, je les invite à reconsidérer, à être sérieux. Et c'est peut-être pour ça qu'il y a si peu de gens des membres du gouvernement qui interviennent, parce que cette logique-là, elle est imparable: On n'a pas négocié. Moi, il n'y a personne qui peut me convaincre qu'on a négocié avec ces gens-là. Personne. Je n'en ai même aucun doute.

Alors, on a laissé... Qu'est-ce qu'on a fait, dans les faits? C'est qu'ils se sont présentés à la table, puis on a fait de l'amusement, de l'occupationnel, qu'on dit. Les gens arrivent, ils repartent, il n'y a rien. Là, le gouvernement, il retourne parce qu'il a des affaires bien plus... bien plus importantes à régler. Il y a son image, l'entente historique. Vous savez comment le terme «historique» est important pour le premier ministre, notre grand bâtisseur.

Alors, on y va sur d'autres éléments, mais la grogne, elle, elle monte. L'écoeurement, il monte, parce que quelqu'un qui a été traité avec injustice pendant autant d'années puis que, lui, il se présente à la table en disant: Bon, j'ai une occasion, j'ai été patient, je n'ai pas fait de désobéissance, de désobéissance civile -- puis je pense que bien des groupes auraient eu l'idée d'en faire -- j'ai été respectueux... Parce que quiconque va... est ici peut témoigner qu'aucun juriste de l'État n'a manqué à son devoir en commission parlementaire, devant les tribunaux. Personne n'a manqué à son devoir. Puis je suis sûr qu'il y a des matins il y en a qui avaient le goût. Non, ils ont décidé d'être respectueux des lois, comme le mandat qu'ils ont, comme le serment qu'ils ont décidé de respecter. Bien, c'est plate à dire, mais, moi qui défends les lois, mal leur en prit. Parce que leur respect des lois les a menés où? Dans une logique où le premier ministre a décidé, lui, d'arriver avec un bâillon dans la conjoncture qu'on connaît.

Et pourquoi nous sommes ici? Et c'est le troisième argument qui a été invoqué, et mon collègue de Mercier en a fait mention, mais allons plus loin: Nous n'avons pas les moyens. On ne l'a pas entendu, ça. Souvenez-vous. Tout le long, là, on ne l'a pas entendu. Pourquoi? Parce que ça passe plutôt mal. Dans les faits, moi, je me souviens d'une époque, souvenez-vous de Monique Jérôme-Forget. Elle commençait en disant: On n'a pas les moyens, puis elle finissait en disant: On n'a pas les moyens. Ici, jamais on n'a dit ça. Jamais. Avez-vous entendu ça dans les derniers mois? Non, non, pas du tout. On est arrivés à la fin parce qu'il fallait une justification à une loi aussi matraque.

Mais pourquoi on ne l'a pas fait, vous pensez? Pourquoi? J'entends parler de l'autre côté, peut-être qu'ils se le demandent. Bien, M. le Président, c'est qu'on a annoncé tellement de patentes que le discours, il ne tient pas. À Laval, on a annoncé un centre sportif de je ne sais pas combien de millions, le gouvernement a mis 46 millions. Ici, à Québec, on en a annoncé un autre. On n'en finit plus d'annoncer des intentions un peu partout. Les milliards, ça pleut. Cette année, on s'endette seulement de 13 milliards. Bien, c'est sûr que des gens qui disent: Moi, je m'attends à de l'équité. Qui peut croire que le gouvernement, tout d'un coup, après avoir mis et annoncé des centaines de millions un peu partout, il dit: Là, tout d'un coup, je n'ai plus les moyens? Des gens qui ont des raisons légitimes, là, non. Là, tout d'un coup, moi, là, j'ai un agenda politique et je n'ai plus les moyens. La capacité de payer! Il n'y a plus personne qui croit ça. L'État est hors de contrôle, puis on le sait, là, parce que, moi, je vais payer, là -- je suis un peu plus jeune que les autres, en moyenne, ici, là, parce que je sais que je vais payer. Je peux même vous prévoir que je ne toucherai même pas à ma Régie des rentes, ou, quand je vais y toucher, là, je vais avoir 75 ans, parce que la présidente du Conseil du trésor a encore retardé d'un an tout ça. Ça fait partie d'une présentation globale qui, elle, ne s'inscrit pas au niveau de l'intérêt public mais s'inscrit au niveau de l'image, de l'apparence, du paraître, pas du bien faire. On est là-dedans, M. le Président.

Donc, les trois arguments ne tiennent pas. On n'a pas négocié et on n'a... On ne peut pas dire qu'on n'a pas les moyens de bien payer des gens qui le méritent. Et, troisièmement, on ne peut pas imposer une logique de négociation à laquelle les gens n'ont pas participé. Ça, là, encore là, là, dans la première année de droit, on apprend ça, mais, même en relations humaines, en ressources humaines, là, ici, à Laval, ils donnent le cours, on apprend ça. Parce que c'est irrespectueux des gens. Je lui ai donné l'exemple légal qui est peut-être le plus patent, là, je l'ai fait très, très rapidement tantôt, mais j'arriverais avec tous mes clients, mes témoins devant le juge, puis je n'aurais pas encore ouvert la parole, puis il me dirait... ouvert la bouche, puis il me dirait: Maître, j'ai décidé que vos clients ont tort, parce qu'à la lecture de votre déclaration, là, que vous avez faite, et de la défense, j'en conclus que, preuve est faite, est entendue. Ça ressemble beaucoup à ce que j'ai entendu la semaine passée, donc votre client est condamné. Bonne chance! C'est une logique qui ne tient pas. Je vous le dis, là, n'importe qui partirait à rire, là. Bien, c'est ça qu'on les... On le dit depuis tantôt, là. Moi, j'ai entendu des gens se lever et répéter ça ici, là, sans souci de l'impact que ça peut avoir sur les gens, mais en même temps de la vérité. Ce n'est pas parce que le ministère ou le cabinet de la ministre nous écrit quelque chose qu'il faut le lire, là. Ça ne tient pas, les arguments ne tiennent pas. Un à un -- c'est les trois principaux arguments que j'ai entendus -- ils ne tiennent pas la route, M. le Président.

Alors, lequel qu'il reste? Lequel reste-t-il? Pourquoi sommes-nous ici, M. le Président? Pourquoi? Pourquoi pas jeudi passé? Pourquoi pas lundi passé? Pourquoi pas mercredi prochain? Aucune réalité, aucune raison objective ne nous oblige à être ici ce soir, toute la nuit jusqu'à 8 heures. Il y a une réalité subjective, par contre, qui nous y oblige. C'est laquelle? C'est l'agenda de notre premier ministre. Lui, là, on le sait, mercredi, il a annoncé son discours inaugural. Il ne l'a pas encore annoncé, on est en suspens. Par contre, avant de commencer la session, n'étant pas prêt... Il a eu deux mois pour se préparer puis réfléchir pour dire ce qu'il pourrait nous annoncer. Ça lui a pris deux mois, congédier son chef de cabinet, et là dire: Je ne suis pas prêt, là. Attendez-moi, je m'en viens bientôt; là, on a trois semaines, pas maintenant, d'ici le mois de février, la fin février, j'arrive. Regardez-moi bien, là, j'arrive, là, puis je vais arriver avec des affaires... le plan Nord, machin... J'ai eu trois semaines pour penser à tout ça, plus deux mois, puis vous allez voir, là, enfin j'ai été capable de structurer ma pensée, puis je vais vous dire un beau discours comme j'ai fait les derniers, là, sur...

Le plan Nord, on le connaît. Lors de la campagne électorale, il y a deux ans, on s'en souvient encore, deux ans et demi maintenant, là il était sorti en plein milieu de la campagne: campagne, publicité -- et je vois la ministre là-bas, là -- aïe! c'est à grand renfort, tambours, trompettes, majorettes, tout le monde était là. Et là, pouet, pouet, plus rien. Plus rien! Mais là on va refaire l'exercice. Pourquoi?

Une voix: ...

**(23 h 50)**

M. Bédard: Parce qu'on pense que les... Et on m'appelle à la pertinence. La pertinence, c'est que c'est plate, M. le Président, d'être démasqué. La pertinence, c'est plate qu'on comprenne l'agenda du premier ministre. La pertinence, c'est plate et c'est en même temps ignoble pour ceux et celles qui sont victimes de ce stratagème.

Pourquoi on est ici ce soir? Quand aucune raison ne tient, M. le Président, bien la réalité, elle, elle continue de tenir. Puis, la réalité, elle dit quoi? C'est que l'agenda du premier ministre, sa phobie de rester accroché au pouvoir... Vous savez pourquoi il est là? Parce qu'il souhaite... Le sujet, M. le Président, c'est une loi spéciale invoquée par le gouvernement, c'est une loi spéciale imposée par le premier ministre, qui a la phobie de rester au pouvoir. Cet été... Pourquoi il veut rester au pouvoir? Pourquoi? Savez-vous? Demandez à n'importe qui. Même François Legault, il va avoir une meilleure réponse que ça. Lui, il a dit: J'aime la job. Il aime la job. C'est suffisant pour se maintenir au pouvoir. C'est suffisant, puis on m'a même dit... même qu'«on va faire la job», là. J'ai entendu ça. Formidable, formidable, M. le Président!

C'est dur d'être démasqué, puis, pendant que les gens rient, là, il y en a d'autres qui sont victimes de ce manque de cohérence là, mais surtout de ce manque de courage là. Le seul qui peut dire non à un premier ministre, je l'ai toujours dit, je suis assez bien placé pour en parler, c'est le ministre de la Justice, c'est le Procureur général. On dit que c'est le seul qui était supposé, à une certaine époque, auparavant, là, dans les vrais gouvernements, à l'époque où les gens se tenaient, c'était le seul qui disait au premier ministre: Ça, ça ne marche pas; ça, je ne le ferai pas; ça, ce n'est pas de vos affaires. Je le sais de première main, M. le Président. Je le sais de première main. Il y avait quelqu'un qui était... dont le mandat principal, au-delà du maintien de son poste, là, parce que tout le monde peut être démis, y incluant le Procureur général, mais, lui... quand tu acceptes un poste, tu acceptes la responsabilité qui vient avec. Le ministre de la Justice, Procureur général, il est là pour défendre la justice.

J'ai tout le temps, il y a... les temps ne sont pas limités, M. le Président. Alors, dans le règlement... c'est marqué 20 minutes dans le chose? Alors, M. le Président, j'aurai l'occasion de revenir sur l'article 1. Vous voyez dans quelles circonstances qu'on est, M. le Président, c'est qu'on obéit aveuglément, aveuglément au premier ministre, et il n'y a plus aucun, aucun garde-fou dans ce gouvernement.

Une voix: ...

M. Bédard: Toujours.

Le Président (M. Chagnon): Alors, je vous remercie pour vos remarques préliminaires, M. le député de Chicoutimi. Je n'ai pas d'autres remarques préliminaires, je pense.

Étude détaillée

Alors, nous allons prendre en considération l'article 1 du projet de loi. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'article? Pourriez-vous le lire d'abord, Mme la ministre?

Mme Courchesne: ...M. le Président. L'article 1 se lit comme suit: «La présente loi a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement, de ses ministères, de certains organismes et de l'Assemblée nationale ainsi qu'auprès des tribunaux judiciaires et administratifs. Elle pourvoit également aux conditions de travail des avocats et des notaires ayant pour fonction de fournir cette prestation de services ainsi qu'aux procureurs aux poursuites criminelles et pénales, conformément aux paramètres salariaux déjà convenus entre le gouvernement et la majorité des associations de salariés du secteur public.»

Le Président (M. Chagnon): Commentaires?

Mme Courchesne: M. le Président, cet article, bien sûr, énonce... et d'abord... est énoncé d'abord pour assurer le maintien des services juridiques et ensuite de déterminer les conditions de travail des avocats et des notaires ainsi que des procureurs des poursuites criminelles et pénales.

Alors, M. le Président, vous aurez compris que ces paramètres se retrouvent en annexe et qu'ils visent les cinq prochaines années et qu'ils sont identiques aux conventions entendues avec le front commun pour les années qui couvrent 2010 à 2015.

Le Président (M. Chagnon): D'autres questions? Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui, M. le Président. Cet article 1, là, qui porte sur l'objet du projet de loi n° 135, nous ramène au coeur du problème, en ce sens qu'on va, cette nuit, décréter pour la deuxième fois... Parce qu'on l'a dit tantôt, il y a eu une première loi spéciale, en 2005, qui a été imposée aux procureurs de la couronne et aux juristes de l'État alors, comme j'ai mentionné tantôt, que leur contrat de travail n'était pas terminé, leur précédent contrat, puisqu'il se terminait en 2006 pour les juristes et en 2007 pour les procureurs de la couronne. Alors, ici, le projet de loi n° 135, là, constitue une deuxième loi bâillon, une deuxième loi qui va décréter, comme le dit l'article 1, les conditions de travail des avocats et des notaires et des procureurs de la couronne.

M. le Président, la première chose que je veux dire sur cet article, et mes collègues l'ont bien dit tantôt, c'est que nous regrettons, alors que nous amorçons l'étude de ce projet de loi à l'article 1, nous regrettons que le gouvernement n'ait pas accepté l'offre que nous lui avons tendue cet après-midi. Vous étiez présent, M. le Président, vous savez que nous avons offert au gouvernement, alors qu'on voyait de plus en plus les dommages se causer... les dommages être causés par la décision du gouvernement d'imposer le projet de loi n° 135, notamment par ces démissions en série des procureurs-chefs et des procureurs-chefs adjoints un peu partout à travers le Québec, nous avons proposé au gouvernement de faire une pause, de faire une pause avant qu'il ne soit trop tard, au moment même... dans le cadre même du débat de deux heures que nous avons tenu cet après-midi sur cette motion qui visait à faire en sorte que nous ayons ce soir... aujourd'hui une procédure d'exception pour utiliser... pour adopter le projet de loi n° 135.

Alors, c'est la première chose, M. le Président, nous regrettons, de ce côté-ci, que le gouvernement n'ait pas saisi l'occasion pour faire une pause, là, et essayer de trouver une solution qui soit une solution autre que le projet de loi n° 135, qui, on le sait, va causer des dommages importants. Le gouvernement n'a pas accepté. Est-ce que c'est, comme l'a dit mon collègue de Chicoutimi, en raison de l'agenda du premier ministre pour les prochains jours? Mais, à tout le moins, nous regrettons que le gouvernement n'ait pas accepté cette pause que nous lui proposions avant qu'il ne soit trop tard.

Nous amorçons, M. le Président, cet article 1, donc, l'étude du projet de loi sur... qui porte... et la présidente du Conseil du trésor vient d'y faire référence, lorsqu'on lit l'article 1, il faut aller jeter un coup d'oeil sur l'annexe au projet de loi, qui donne des détails sur les conditions de travail des salariés et qui, pour l'essentiel, reprend effectivement les paramètres salariaux qui ont été convenus entre le gouvernement... pour la... Il y a peut-être un chiffre qui diffère, à un moment donné, mais essentiellement c'est la même chose, ce sont les paramètres salariaux déjà convenus entre le gouvernement et la majorité des associations de salariés du secteur public.

Ce que nous déplorons... Je vous ai dit, M. le Président, nous avons déploré le fait qu'il n'y ait pas eu cette pause que nous avons réclamée. Mais, à ce moment-ci, l'autre chose que nous déplorons, quand on se met à regarder les conditions de travail des avocats, des notaires et des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, c'est l'absence de ce rapport qui a été rédigé au bureau de Me Louis Dionne, au bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales, pour évaluer les besoins en termes de moyens, en termes d'effectifs... en termes de moyens et en termes d'effectifs au niveau de la couronne.

M. le Président, nous avons... ce matin, j'ai posé une question à la présidente du Conseil du trésor pour lui demander de rendre public ce rapport, ce rapport qui est récent et qui a fait une étude approfondie des besoins... approfondie, effectivement, des besoins en termes de moyens et d'effectifs à la couronne. Ce qu'on me dit, M. le Président, c'est... et c'est un rapport qui a été fait en collaboration avec les cadres relevant de Me Dionne, les procureurs-chefs et les procureurs-chefs adjoints, ce qu'on me dit, M. le Président, c'est même que... Alors que les procureurs, dans leurs revendications, nous disaient: Ça prend 200 procureurs de plus, les échos qu'on a eus, c'est que, dans ce rapport sur les besoins en termes d'effectifs, on parlait plutôt de 300. Alors, on était 100 procureurs de la couronne en plus que la demande des procureurs de la poursuite.

**(minuit)**

M. le Président, nous déplorons que, ce matin, alors que nous avons demandé à la présidente du Conseil du trésor de déposer ce rapport, ce rapport qui n'est pas public, qui est toujours entre les mains de Me Louis Dionne -- et on reviendra sur le rôle de Me Dionne un peu plus tard cette nuit -- mais nous déplorons que nous ne l'ayons pas lu. La ministre nous a dit: Oui, mais on va mettre à jour l'étude de 2002. M. le Président, l'étude de

2002, les procureurs eux-mêmes ont demandé, dès février 2009, qu'on la mette à jour. Ils se sont fait répondre par M. Normand Légaré, sous-secrétaire au Trésor, en juillet 2009, qu'il n'était pas question de la mettre à jour.

À tout événement, ce rapport, à ce moment-ci, nous aurait été utile, M. le Président. Il y a un rapport qui a été fait, qui a été rédigé en collaboration avec les procureurs-chefs, les procureurs-chefs adjoints de tous les districts judiciaires du Québec pour savoir c'est quoi, les besoins au niveau de la couronne au Québec. Ce rapport n'est pas public. Ce matin, à la période de questions, nous avons demandé à la ministre de le rendre public, et la ministre a refusé de le rendre public.

Alors, c'est une deuxième déception, un deuxième regret, M. le Président, alors qu'on amorce l'étude de cet article 1, que de constater que le gouvernement a refusé de nous transmettre ce rapport qui nous aurait éclairés et qui aurait éclairé notre commission plénière sur la situation réelle sur le terrain.

C'est dommage parce que ça aurait certainement ajouté à nos débats, ajouté à nos débats quant aux conditions de travail des avocats, et des notaires, et des procureurs aux poursuites criminelles et pénales.

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Effectivement, comme le dit mon collègue de Verchères, c'est, à tout le moins, loin d'être très transparent de la part du gouvernement, alors qu'on se penche justement cette nuit sur un projet de loi qui porte sur les conditions de travail des juristes de l'État et des procureurs de la couronne.

Troisième regret, M. le Président, c'est d'avoir refusé une autre offre que nous leur avons faite, de ce côté-ci de la Chambre, ce matin, de prendre un deux heures aujourd'hui, pour les entendre. On le sait, ils étaient... et il y en a même, même s'il est rendu... -- il faudra changer le calendrier, M. le Président, nous sommes déjà rendus mardi le 22 février depuis quelques minutes, puisqu'il est 0 h 2...

Le Président (M. Chagnon): ...dans les secondes.

M. St-Arnaud: Je n'en doute même pas M. le Président.

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Mais, M. le Président, nous aurions pu, ce matin, à l'intérieur du cadre, à l'intérieur de la motion qui allait être déposée par le leader parlementaire du gouvernement et ministre de la Justice, soit dit en passant, insérer une heure ou deux heures où nous aurions entendu les représentants des procureurs de la couronne, de l'Association des procureurs de la Couronne du Québec, les représentants de l'Association des juristes de l'État, et ça n'aurait pas été très, très compliqué, M. le Président, puisque les représentants à la fois des procureurs de l'Association des procureurs de la Couronne, le président, le vice-président, plusieurs membres de l'exécutif, de même que du côté de l'Association des juristes de l'État, plusieurs de ces gens étaient et sont encore... il y en a encore, M. le Président, au moins une vingtaine dans les galeries à cette heure très avancée du jour -- ou, en fait, à cette heure matinale, puisqu'il est maintenant 0 h 4 -- alors, ça aurait été très facile ce matin de dire... d'ajouter, dans la motion d'exception présentée par le leader du gouvernement, de dire qu'à un certain moment de la journée, vraisemblablement avant l'étude relative à l'adoption du principe, l'on tienne une commission parlementaire pour entendre à tout le moins les représentants des deux groupes -- bravo, M. le Président, vous êtes très efficace, nous sommes donc mardi le 22 février 2011. Et, possiblement aussi, M. le Président, et je suis convaincu, pour le connaître personnellement, que le bâtonnier du Québec, Me Gilles Ouimet, se serait fait un plaisir aussi de venir exprimer, de venir faire ses représentations dans une commission parlementaire.

Alors, c'est dommage, M. le Président, alors qu'on amorce là... qu'on se met à étudier cet article 1 qui porte... qui rappelle l'objet du projet de loi, à savoir de pourvoir aux conditions de travail, qu'on fait référence à l'annexe I, comme l'a fait la ministre, qui porte sur les conditions de travail des salariés, il est dommage que le gouvernement, alors que manifestement un de mes collègues le disait tantôt, ce n'est plus une situation ordinaire, là... On est en présence d'une situation extraordinaire, on est en présence de ce qui semble être une crise importante, à la lumière de ce qu'on entend, et qui risque de durer plus qu'une journée.

Alors, il aurait été important, M. le Président, je pense, dans un premier temps... Première offre qu'on a faite: Pourquoi on ne fait pas une pause pendant un certain nombre d'heures ou de jours? Refusé. Pourquoi on ne nous donne pas copie, en toute transparence, du rapport produit au bureau de Me Dionne sur les besoins de la couronne au Québec? Réponse: Non.

Et là on nous parle de l'étude de 2002. Ça n'a rien à voir avec l'étude de 2002, M. le Président. Je vous parle d'une étude récente faite par Me Dionne, dont le journaliste Michel Corbeil a fait état dans le journal Le Soleil du 18 février dernier. Et je vous rappelle que le porte-parole de Me Dionne a dit que cette étude, effectivement, elle existait, mais qu'elle n'allait pas être rendue publique. Nous l'avons demandée ce matin, et la présidente du Conseil du trésor nous a dit encore non. Non à la pause, non au rapport de Me Dionne et non à cette commission parlementaire qui aurait été la plus élémentaire des choses.

Ça aurait été la plus élémentaire des choses. Au lieu de finir à 7 heures demain matin, on aurait fini à 9 heures, M. le Président, hein? Ça n'aurait pas allongé beaucoup notre journée, mais on aurait eu le point de vue... Vous savez, il y a des grands principes de droit, M. le Président, il y a un ancien premier ministre qui nous parlait souvent de la règle de l'audi alteram partem, et il y a d'autres principes qui s'appliqueraient en la matière. Mais ça aurait été, je pense, utile, utile pour nos travaux que nous tenons, à ce moment-ci...

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Pardon? Oui, il va sans dire. Mais ça aurait été utile, M. le Président, bien honnêtement, d'entendre l'Association des juristes de l'État, d'entendre l'Association des procureurs de la couronne du Québec. Malheureusement, encore une fois, le gouvernement a refusé cette troisième demande que nous lui avons formulée aujourd'hui.

Alors, c'est malheureux parce que nous commençons l'étude article par article du projet de loi sans avoir ni le rapport ni avoir entendu de vive voix, aujourd'hui, les représentants des associations, des associations concernées. Voilà pour l'instant, M. le Président. Je ne sais pas si mon collègue veut ajouter là-dessus.

Le Président (M. Chagnon): ...commentaires sur l'article 1? S'il n'y a pas d'autres commentaires, je vais vous demander... Oui. M. le député de Verchères.

M. Bergeron: Si vous me permettez, j'aimerais peut-être prendre le relais de mon collègue de Chambly parce que je voyais la ministre réagir à son assertion selon laquelle il avait demandé ce matin l'étude qui serait actuellement entre les mains du Directeur des poursuites criminelles et pénales et selon laquelle la ministre aurait répondu non au fait de rendre publique cette étude ou du moins de la fournir aux parlementaires. Elle semblait s'étonner de cette affirmation de mon collègue de Chambly. Alors, j'aurais le goût tout simplement de demander à la ministre: Seriez-vous disposée, Mme la ministre, à nous fournir cette étude qui est entre les mains présentement du Directeur des poursuites criminelles et pénales?

Le Président (M. Chagnon): Mme la ministre.

**(0 h 10)**

Mme Courchesne: M. le Président, le député de Verchères et le député de Chambly savent très bien -- j'espère qu'ils savent -- que le Directeur des poursuites criminelles et pénales a, jouit d'une indépendance qui lui appartient. Il a fait un choix aujourd'hui, il a dit publiquement qu'il ne la rendrait pas publique. C'est son choix. Et, M. le Président, j'ai eu l'occasion de dire aussi aujourd'hui en Chambre, et le député de Chambly vient d'y faire référence, que nous étions tout à fait disposés de mettre à jour cette étude de l'Institut de la statistique du Québec qui date de 2002.

Nous avons eu des discussions, j'ai eu des discussions avec les représentants des procureurs et des juristes à cet effet-là. Ils n'ont pas accepté notre offre de travailler conjointement, ensemble, à la mise à jour de cette étude, ensemble pour définir des paramètres, pour définir des indicateurs, pour définir et s'assurer... s'assurer que, si nous la faisons ensemble, cette étude, nous aurons donc un accord sur la lecture commune, sur les résultats puisque nous en aurons établi les... en fait, je n'ai pas d'autres mots que les paramètres et les indicateurs.

Et je pense que cette étude-là, oui, elle doit être faite. Oui, elle doit être mise à jour. Je pourrais vous dire que le Conseil du trésor a fait un travail sérieux à cet égard-là en termes de comparaison, en termes comparatifs, avec les autres provinces du Canada. Mais, si cette étude est faite par le Conseil du trésor, qu'elle n'est pas faite conjointement, autour d'une même table, avec les représentants et des procureurs, et des juristes, et, bien sûr, du Trésor pour s'entendre sur la méthodologie, pour s'entendre sur les principaux éléments qui doivent être étudiés, c'est évident qu'on va dire: Ah! ce n'est pas la bonne, ce n'est pas les bons chiffres.

Et, M. le Président, je crois qu'il faut éviter à tout prix ces guerres de chiffres, à mon avis, qui ne mènent nulle part, et que la seule façon de ne pas tomber dans des guerres de chiffres -- ou dans des interprétations de chiffres plutôt, n'utilisons pas le terme «guerre» mais plutôt d'interprétation de chiffres -- c'est effectivement de s'entendre ensemble sur les méthodologies, les paramètres et les indicateurs, et ensuite que les deux parties, de part et d'autre, participent aux travaux, j'insiste, conjointement pour que nous soyons d'accord sur les résultats, pas nécessairement être d'accord sur ce qu'on fera des résultats mais à tout le moins de dire, bien: L'écart est de tant, et que là on se met... on a cette lecture et on se met d'accord pour ces résultats.

Je vous le dis parce qu'on l'a fait avec les infirmières. Puis, honnêtement, avec les infirmières, c'était une étude qui était... je vous dirais, qui avait d'autres enjeux, mais ça nous a permis effectivement de débloquer la négociation parce que cette étude-là, elle a été confrontée, elle a été argumentée, et les deux parties, avec les spécialistes des parties, avec les experts des deux parties, on peut dire: Ah! les chiffres qui sont devant nous, là, on ne peut pas les contredire, les chiffres qui sont devant nous, là, sont les bons chiffres, les chiffres qui sont devant nous traduisent véritablement la réalité, et c'est ça qu'on a offert aux juristes et aux procureurs.

Et, je l'ai dit dans mes remarques, je l'ai dit aujourd'hui: Après la loi, il y aura un demain... un demain, un lendemain et un surlendemain et il y aura... et nous serons toujours disposés à faire cette étude.

Et là c'est l'engagement que je prends à titre de présidente du Conseil du trésor, et je le prends ici, publiquement. Je l'ai pris privément, maintenant je le prends publiquement. Nous sommes tout à fait disposés à participer à cette étude, à travailler conjointement à cette étude et à faire en sorte que les chiffres que nous aurons seront des chiffres sur lesquels nous nous serons entendus mutuellement.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Verchères? M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: J'avais juste une sous-question.

Le Président (M. Chagnon): M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: C'est que... Écoutez, là, c'est une étude de 2002. Comment ça se fait qu'on ne l'a pas mise à jour en 2006, en 2007, en 2008, en 2009, en 2010? Je vais vous dire... Tantôt, M. le Président, je vous disais à quel point je trouvais que le gouvernement avait été irresponsable dans ce dossier-là. Mais, coudon, on va mettre à jour une étude de 2002, et puis là j'entends la ministre: Je m'engage, là, puis je le dis personnellement, je m'engage, on va la mettre à jour, l'étude, puis elle va nous être utile. Mais, coudon, M. le Président, elle date de 2002, comment ça se fait qu'on ne l'a pas mise à jour avant? Comment ça se fait que les choses ont traîné? Comment ça se fait qu'en... à défaut de l'avoir fait en 2003, 2004, 2005... Quand on a vu la situation en 2005, là, bien, c'était le temps de le faire en 2006, 2007, on... Il faut prévoir, à un moment donné, au lieu de tout simplement pelleter puis: On verra en 2010, 2011, puis coudon, bien, à ce moment-là, on verra s'il y a lieu de la mettre à jour. Il me semble qu'il y a quelque chose là qui ne marche pas.

Pourquoi, M. le Président, la ministre n'a pas... Pourquoi le gouvernement... C'est le même gouvernement, là, c'est le gouvernement libéral qui est au pouvoir, je pense que le Québec le sait, depuis huit ans. Pourquoi, M. le Président, ce gouvernement n'a pas mis à jour l'étude depuis huit ans?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Bonjour, M. le Président, bonsoir, bonne nuit.

Le Président (M. Gendron): Bonjour, Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. le Président, je ne peux pas être plus claire que de dire que cette étude devrait être mise à jour et que ce que nous souhaitons fortement, c'est que nous puissions la mettre à jour conjointement et que nous puissions travailler avec toutes les parties impliquées dans cette étude et dans ce dossier, et ça m'apparaît être une condition essentielle pour que cette étude veuille dire ce qu'elle a à dire et que cette étude puise refléter une entente, en fait, sur la réalité des chiffres.

Le Président (M. Gendron): M. le député. Bonjour.

M. St-Arnaud: Bonjour, M. le Président, bon matin. En fait, bon début de journée. Mais, M. le Président, la réponse de la ministre, là, elle ne répond pas... elle ne correspond pas à ma question. Ma question, c'était: Pourquoi, on ne l'a pas mise à jour, cette étude de 2002, avant 2011? La ministre, là, nous dit: Je prends l'engagement personnel. Nous allons la mettre à jour, et ça va nous aider. Ça nous a aidé dans le cas des infirmières. Pourquoi vous ne l'avez pas mise à jour en 2005, en 2006, en 2007 ou en 2008, ou en 2009, ou en 2010? Est-ce que je peux avoir une réponse à ma question?

Le Président (M. Gendron): Oui. Puis de toute façon, Mme la ministre... Bien là, je veux juste... Est-ce que, oui, vous avez bien saisi sa question? Est-ce que vous avez le goût d'y répondre, parce que, là, c'est le matin, ça fait que vous devriez être fraîche et dispose?

Mme Courchesne: Vous, vous avez certainement dormi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Gendron): Non, pas du tout, pas du tout. Vous n'avez pas le droit de me prêter d'intention, vous n'avez pas le droit de me prêter d'intention.

Mme Courchesne: Vous, vous avez l'air de quelqu'un, là. qui vient de se lever, avec tout le respect que j'ai, M. le Président, pour vous.

Le Président (M. Gendron): C'est défendu, et je n'ai pas dormi du tout. Pour être certain d'être éveillé, je n'ai pas dormi, alors à vous. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Alors, M. le Président, je redis ce que j'ai dit tout à l'heure. Je vais le répéter autant de fois qu'il faudra le répéter. Cette étude, pour laquelle on a porté à mon attention les différentes demandes qui avaient été faites et pour lesquelles j'ai constaté qu'effectivement elles n'avaient pas été mises à jour, je dis au député de Chambly, comme j'ai dit aux procureurs et aux juristes, que notre intention est de la mettre à jour mais qu'il serait nettement souhaitable et préférable que nous puissions le faire conjointement pour s'assurer que nous nous entendrons et que nous aurons une lecture commune des résultats de cette étude et, pour ça, il faut qu'on s'entende sur les paramètres, les indicateurs à être utilisés.

La réponse qu'on m'a donnée, M. le Président, qui est une réponse légitime, que je ne partage pas nécessairement, mais qui est légitime, c'est, bien, qu'on demande à l'Institut de la statistique de la faire puis qu'eux la fassent. Que l'Institut de la statistique soit un collaborateur à l'étude, soit, mais je pense qu'il est de la responsabilité -- qui pourrait être une responsabilité partagée -- du gouvernement de s'assurer... et nous pouvons la faire. Ce n'est pas une étude qui est si compliquée, là, il faut bien s'entendre, là. C'est une étude où effectivement elle pourrait être faite selon... parce que c'est important de s'entendre sur les paramètres et sur les indicateurs.

M. St-Arnaud: M. le Président, ce que je comprends de la réponse de la ministre, c'est que, jusqu'à ce jour, là, ses prédécesseurs dans la fonction qu'elle occupe aujourd'hui n'avaient pas jugé utile de mettre à jour l'étude. C'est ce que je comprends. Vous, vous avez regardé le dossier depuis que vous êtes nommée... Là, vous nous dites que vous allez la...

Mme Courchesne: Je ne peux pas témoigner des conversations qui ont eu cours au cours des dernières années autour de cette étude-là, je ne rendrais pas justice à mes prédécesseurs, très franchement. Moi, ce que je vous dis, c'est que je crois... et j'ai eu des discussions avec le Secrétaire du conseil du Trésor. J'ai eu des discussions avec les gens de l'équipe et je pense qu'effectivement, plutôt que de ne pas s'entendre sur des pourcentages ou des écarts, ou des chiffres, je pense que c'est dans l'intérêt de tous que nous puissions effectivement réaliser cette étude. Mais j'insiste sur le fait qu'elle devrait être réalisée conjointement entre les parties... ou avec les parties, je devrais dire.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. Est-ce que M. le député de Chambly... M. le député de Verchères.

**(0 h 20)**

M. Bergeron: M. le Président, corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que les procureurs auraient souhaité, la ministre l'évoquait il y a quelques instants, que cette étude soit conduite par l'Institut de la statistique du Québec. Or, la ministre dit: Il faudrait qu'on s'entende préalablement sur les paramètres, et patati et patata. Mais, si l'étude de 2002, à partir des paramètres employés par l'Institut de la statistique, était jugée recevable par les différentes parties... Tu sais, l'Institut de la statistique, là, ce sont des employés du gouvernement du Québec, un institut indépendant, des gens compétents, ils sont certainement capables, à partir des mêmes paramètres, de mettre à jour l'étude. Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé cette demande qui, pour ma part, m'apparaît éminemment légitime? Pourquoi n'avoir pas accepté que l'Institut de la statistique, dont l'étude de 2002 apparaît valable aux yeux de toutes et tous, donc les paramètres, la méthodologie, tout le monde semble accepter le travail fait par des spécialistes de l'Institut de la statistique, pourquoi n'avoir pas accepté cette demande éminemment légitime de permettre une mise à jour par l'Institut de la statistique?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre, à la question posée, si vous avez une réponse à fournir.

Mme Courchesne: Si nous sommes d'accord avec les paramètres et indicateurs... Je ne veux pas être trop technique, là, je ne pense pas que ce soit l'intention du député de Verchères ou de Chambly, là, qu'on se mette à... Et, de toute façon, je ne pourrais pas, ce soir, vous donner toute la méthodologie, le détail technique nécessaire pour arriver au résultat que l'on souhaite.

Mais, si nous pouvons nous entendre sur ces éléments que je viens d'énoncer et que l'Institut de la statistique est d'accord pour utiliser ces mêmes éléments dans une perspective... qu'ils nous donneront des résultats dans une perspective qu'ils seront utiles par rapport à notre capacité d'utiliser les résultats par la suite, je n'ai pas d'objection. Tout ce que je dis, c'est qu'il faut qu'on s'assoie autour de la même table, il faut qu'on le statue, il faut qu'on le définisse, il faut qu'on s'entende, il faut qu'on les énumère. Et, si l'Institut de la statistique est prête à respecter ces éléments-là, il n'y a pas d'objection par rapport à ça.

Mais ça prend une démarche préalable, qui est celle de s'asseoir, d'en discuter avec les spécialistes et les experts, très franchement, avec des spécialistes et des experts, et qu'on s'entende sur qui fait quoi. Je n'ai pas de problème avec ça.

Le Président (M. Gendron): M. le député de Verchères.

M. Bergeron: Oui, M. le Président. Moi, j'ai l'impression de comprendre l'intervention ou la réponse de la ministre, mais il y a un petit élément qui me chicote. Si on veut actualiser, mettre à jour une étude, ça ne peut pas être sur des bases différentes de celle qui est à l'origine de cette mise à jour. Donc, on doit partir des mêmes paramètres, de la même méthodologie, puis simplement actualiser.

Donc, si les chiffres de 2002 apparaissent acceptables pour l'ensemble des intervenants, pourquoi ne pas permettre simplement à l'Institut de la statistique, sur la base de la même méthodologie, des mêmes paramètres, qui, semble-t-il, sont acceptés par tous, de procéder à une mise à jour des données, des données factuelles aujourd'hui?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je vais répondre à cette question-là, M. le Président. Entre 2002 et maintenant bientôt 2011, il y a neuf ans, disons huit ans, hein, il y a huit ans. En huit ans, il y a bien des choses qui se passent. En huit ans, effectivement, il y a des faits dans notre société qui évoluent, il y a des paramètres qui peuvent devenir nécessaires, qui n'étaient pas utilisés en 2002, qui, huit ans plus tard, deviennent pertinents et devraient être utilisés. Et c'est de ça, c'est de ça qu'on veut discuter. Peut-être que le député de Verchères a raison, puis que ça va être exactement les mêmes que ceux de 2002, mais, nous, ce qu'on dit, c'est: Regarde, avant de leur donner, regardons avec tous ceux qui nous entourent, d'un côté comme de l'autre, si la situation québécoise ne nécessite pas que justement... l'évolution de cette situation-là ne nécessite pas qu'il y ait de nouveaux paramètres qui soient utilisés pour refléter véritablement la réalité. Ce n'est que ça qu'on dit. On veut juste s'entendre là-dessus.

Il faut bien préciser, M. le Président, qu'une des objections aussi énoncées lors des rencontres que j'ai eues, c'est que les parties souhaitaient que cette étude soit liante, le résultat de cette étude soit liant, voulant dire que le gouvernement, à la suite de ces résultats, était lié par des engagements. Vous comprendrez, puis ça, on l'a dit aussi à maintes reprises, que nous ferons cette étude, mais qu'on ne peut pas se lier et on ne peut pas lier la gestion des fonds publics avant même d'en connaître les résultats. Un gouvernement doit prendre par la suite les décisions auxquelles il est confronté.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le député du Lac...

M. Cloutier: Du Lac-Saint-Jean, M. le Président.

Le Président (M. Gendron): ...Saint-Jean.

M. Cloutier: Oui, c'est toujours le même lac, effectivement. En fait, là, M. le Président, ce qu'on est train de... ce qu'on essaie de démontrer, finalement, c'est que le gouvernement du Québec, la ministre le dit elle-même, hein, elle nous a dit: Ce type d'étude là nous a servi à régler ailleurs, et on doit inscrire cette démarche-là dans une démarche préalable à la négociation. Là, on est dans un scénario où on impose par loi, puis, après, on nous dit: Bien, on va aller s'asseoir avec eux puis pour mettre à jour une étude. M. le Président, on fait les choses à l'envers.

Ce que ça démontre, c'est l'improvisation du gouvernement et le laisser-aller. La ministre nous dit: Je ne peux pas parler pour mes prédécesseurs, je ne peux pas parler pour mes collègues, je ne peux pas parler pour ceux qui étaient avant moi. Bien, elle n'a pas besoin de parler parce qu'on voit bien qu'ils n'ont pas fait le travail. La preuve, c'est que l'étude n'est pas à jour. Alors, quand on regarde la table des matières, Le cadre et les politiques de rémunération, bien, l'Institut de la statistique est allée voir en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au gouvernement fédéral, au Manitoba, en Alberta, en Colombie-Britannique... C'est assez simple, ça, on a-tu besoin d'une longue négociation, M. le Président, avec le représentant pour aller voir ce qui se passe ailleurs?

Ensuite, Les résultats comparatifs de la rémunération globale: les échelles salariales, des avantages sociaux, des heures de travail, la rémunération globale. Ensuite, Les résultats des éléments descriptifs, même chose: formation, fourniture d'équipement, clause de sécurité d'emploi, puis là encore on va voir les primes, les allocations, les politiques particulières de rémunération en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au gouvernement fédéral. Et ensuite les tâches. Ah! Peut-être que les tâches, ça demande un petit peu de discussion, j'imagine,

Mais, M. le Président, on sait que l'étude a été faite, réalisée en 2002. On sait que le décret prenait fin le 31 mars 2010, tout ça, on le sait, M. le Président. Alors, le travail en amont dont parle la ministre, la nécessité d'avoir en main l'étude qu'elle a... qu'elle nous dit elle-même que cette étude a été fort utile dans d'autres négociations, bien tout ça n'a pas été fait, puis ce que ça démontre, dans le fond, c'est que ses prédécesseurs se sont traîné les pieds. C'est ça, la réalité, M. le Président.

Alors, je comprends mal l'offre qu'elle fait aux procureurs. Elle dit: Je suis prête à négocier avec eux pour qu'on s'entende sur les paramètres de l'étude, pour mettre à jour l'étude, alors qu'on est en train de leur imposer la loi, M. le Président. Sincèrement, je ne comprends pas la façon dont on travaille.

Le Président (M. Gendron): Alors, est-ce que vous pouvez l'éclairer, Mme la ministre?

Mme Courchesne: ...M. le Président. Tout simplement parce que les procureurs et juristes ont refusé. Si on est réunis ce soir... Puis, croyez-moi, M. le Président, j'aimerais vraiment, mais sincèrement mieux ne pas être ici à débattre d'une loi spéciale. Puis, je le dis en tout respect, si on a une loi spéciale, c'est parce qu'il y a un certain nombre d'éléments qu'on voulait justement travailler avec les procureurs et juristes, et ils ont refusé, M. le Président. Je ne l'invente pas, là. Ils ont refusé de faire cette étude, parce qu'ils disaient justement: Elle aurait dû être faite avant, il est trop tard, on ne veut plus la faire, on ne la veut plus, cette étude-là. Après ça, ils sont revenus une autre fois, une autre rencontre, ils ont dit: Ah bien! Peut-être que, là, on la voudrait, l'étude, mais il faudrait qu'elle soit liante. La seule condition pour laquelle on accepterait de participer à cette étude, c'est qu'elle soit liante. Or, on ne peut pas.

Un... Puis n'importe quel gouvernement... Vous seriez au gouvernement... Ils seraient au gouvernement... Vous avez été, vous, M. le Président, ministre de bien des ministères. Vous avez été un ministre senior, important du précédent gouvernement. Vous savez très bien que votre gouvernement n'accepterait pas une étude liante sans en connaître préalablement les résultats.

**(0 h 30)**

Alors, M. le Président, c'est... Puis je ne veux pas... Je le dis avec beaucoup de réserve et de respect, parce qu'on n'est pas réunis, là, pour dire: Bien c'est sa faute, ma faute, le blâme, etc. Je dis tout simplement des faits, des faits. On était prêts à prendre... à signer une lettre d'entente. Moi, je voulais qu'on signe, j'ai suggéré qu'on signe une lettre d'entente pour être sûrs que cet engagement soit respecté et qu'on le fasse. Il n'y a rien de statique, et, dans ce sens-là, bien une des raisons, une des raisons... Et, à mon avis, ce n'est pas la raison la plus importante qui fait qu'on est réunis cette nuit, là, ce n'est pas l'étude, sincèrement, ce n'est pas l'étude. Je persiste à croire qu'on aurait pu trouver une... en tout cas, arriver à une entente négociée. Ça n'a pas été le cas. Il y a un élément, je l'ai expliqué cet après-midi, il y a un élément qui, à mon sens, est la véritable cause de l'impasse dans laquelle nous nous retrouvons, et c'est l'élément, comme j'expliquais cet après-midi, du déplafonnement des échelles maximales, des échelons... en fait, le déplafonnement des montants maximaux des échelles, et donc c'est ça, pour moi, qui est le coeur de l'impasse de cette négociation.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: M. le Président, bon, j'en conviens qu'en fait l'étude... M. le Président, ce qu'on essaie de démontrer, finalement, qu'en n'ayant pas une étude à jour en main, de toute évidence, on ne semble pas avoir tous les outils nécessaires pour entamer une discussion sérieuse, d'autant plus que le gouvernement connaissait très bien la nécessité de la mettre à jour.

La ministre nous dit: On leur a fait une offre, ils ont refusé de la mettre à jour. Bon, bien, si c'est le cas, est-ce que c'est le gouvernement du Québec qui a écrit aux procureurs leur demandant de participer à la mise à jour? Est-ce que je comprends que c'est une initiative du gouvernement du Québec? Et, si oui, à quel moment s'est faite cette demande-là?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: C'est au cours, M. le Président, d'une rencontre que j'ai eue où nous avons discuté... En fait, j'ai... Puis à plusieurs reprises, là. Ça a commencé, on a discuté de cette étude, ça, le 26 novembre, puis on a discuté de cette étude-là lors de toutes les rencontres que j'ai eues avec les représentants des procureurs et des juristes, M. le Président. Donc, ça a été énoncé, ça a été discuté. Et je dirais au député du Lac-Saint-Jean que, le Conseil du trésor, il y en a une étude, il y en a une mise à jour, 2009-2010. Il y en a une, il y a des paramètres, il y a des... mais c'est une étude qu'on partage. Mais ce n'est pas une étude de l'Institut de la statistique, et les procureurs et juristes disent: Nous voulons absolument une étude de l'Institut -- bon -- de la statistique. Nous, on dit: Pas de problème, dans la mesure où on s'entend, dans la mesure où on est d'accord et on est capables de définir ensemble les indicateurs et les paramètres.

Alors, tu sais, honnêtement, l'étude du Conseil du trésor, je peux vous la dévoiler, je peux vous donner les écarts, je peux vous donner les chiffres, pas de problème, je n'ai pas de problème avec ça. La seule chose, ce n'est pas cette étude-là que les procureurs et les juristes veulent, c'est une autre étude qu'ils veulent. Alors, c'est là qu'il faut s'entendre, c'est là qu'il faut s'entendre.

Le Président (M. Gendron): M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: M. le Président, là, je note des propos de la ministre qu'elle va la déposer, l'étude du Conseil du trésor? C'est...

Mme Courchesne: ...je peux vous énoncer les résultats.

M. St-Arnaud: Ah bon! Bien, c'est différent. Mais je veux revenir à l'étude de l'Institut sur la statistique. M. le Président, il y a une étude en 2002, le gouvernement ne la met pas à jour jusqu'à aujourd'hui. On arrive avec la loi spéciale, puis là on nous dit: Bien, cette étude-là, si elle était mise à jour, ça nous aiderait à régler le problème, ça nous a aidé avec les infirmières. Le gouvernement n'a pas pensé, à un moment donné, au cours des dernières années, qu'il fallait peut-être la mettre à jour parce que ça pourrait nous aider à régler le problème des procureurs. Ça démontre une fois de plus à quel point... Comme l'a dit mon collègue de Lac-Saint-Jean, on parle ici d'improvisation puis on parle d'irresponsabilité.

Mme la ministre, à ma connaissance, l'Association des procureurs vous a demandé dès février 2009... Parce que, eux, ils ne sont pas dans l'improvisation, ils savaient que la loi spéciale, l'application de la loi spéciale allait se terminer le 31 mars 2010. L'information que j'ai, c'est que, dès février 2009, l'Association des procureurs vous a écrit, vous a demandé de mettre à jour l'étude de l'Institut de la statistique et que la réponse qu'ils ont eue, ça a pris bien du temps parce que la réponse est arrivée en juillet 2009 de la part de Normand Légaré, le sous-secrétaire au Conseil du trésor, qui a dit non. Est-ce que la ministre peut me confirmer ça, que les procureurs, eux, voyant venir le 31 mars 2010, ont pris les devants, ont demandé de mettre à jour l'étude de 2002 et que la réponse, ça a été non? Juillet 2009, non, M. Légaré.

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je peux vous confirmer que M. Légaré, ici même présent ce soir, effectivement, a écrit une lettre et a répondu non. Pourquoi il a répondu non? Parce que, pour le Conseil du trésor, à ce moment-là, j'insiste, cette étude et ces facteurs comparatifs sont un élément parmi d'autres pour déterminer une rémunération globale. Ça, c'était la position du Conseil du trésor en juillet 2009 et c'est sur cette base-là que M. Légaré a répondu à l'association, M. le Président.

M. St-Arnaud: ...ça n'a pas bon de sens. Écoutez, là, le Conseil du trésor a dit non, puis la ministre nous dit: C'est un outil extrêmement important qui nous a permis, dans d'autres négociations, notamment les infirmières, d'en arriver à des ententes. C'est un outil extrêmement important. Juillet 2009, alors que les procureurs souhaitaient que cette étude de 2002 soit mise à jour, en juillet 2009, on leur répond non, puis la ministre nous dit: Bien, c'est parce qu'on ne jugeait pas que c'était approprié à ce moment-là. Écoutez, moi, je n'en reviens pas, M. le Président, parce que tout ça s'inscrit dans cette improvisation qui nous amène, quant à moi, à des gestes irresponsables et des actions irresponsables, et tout ça, ça nous amène au gâchis qu'on vit présentement au Québec, à une crise qu'on vit au niveau de nos institutions judiciaires, et notamment quant à nos procureurs de la couronne. M. le Président, moi, je suis assez renversé de cette réponse. Est-ce que la ministre accepterait de déposer l'échange de 2009 entre l'Association des procureurs et M. Légaré?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre, pour commentaire ou autre chose parce que vous avez signalé que vous vouliez donner une forme de réplique aux propos que nous venons d'entendre du député de Chambly. À vous, Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. le Président, je veux quand même vous dire que j'ai reconnu que c'est un outil qui était utile, c'est un outil utile. Je n'ai pas utilisé le terme «extrêmement important», il est utile, il nous a aidés dans une autre circonstance. À partir du moment où je rencontre les procureurs de la couronne, qu'ils me font part de cette nécessité d'avoir cette étude, je dis: Je n'ai pas d'objection dans la mesure où on peut le faire ensemble, M. le Président, dans la mesure où on peut le faire ensemble.

Mais, attention, le député de Chambly conviendra qu'effectivement c'est un élément, ce n'est pas le seul élément qui permet de déterminer le niveau de rémunération ou qui permet de déterminer, par exemple, les conditions de travail que pourrait offrir un gouvernement. C'est un guide. C'est un guide, cette étude-là, c'est un élément, et c'est dans ce sens-là où j'étais d'accord pour que, selon ce que j'ai dit tout à l'heure... dans la mesure où on le fait ensemble pour définir les paramètres et les indicateurs et voir lesquels ont évolué depuis 2002. Et cette offre-là que nous avons faite, que j'ai faite personnellement, a été refusée par les parties. Et c'est correct, moi, je respecte ça, pas de problème à respecter ça.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le député de Chambly.

**(0 h 40)**

M. St-Arnaud: M. le Président, la ministre nous dit: C'est un élément utile, il a même été utile dans le cadre de... particulièrement utile, puisque vous nous avez dit, il y a à peu près 30 minutes, ça nous a permis, cette étude-là, ce genre d'étude là, de régler avec les infirmières. Comment se fait-il... Parce que, là, on est dans un gâchis, je pense, Mme la ministre, vous en convenez, on est dans une situation... bien, on est dans une situation particulièrement problématique. Je vais vous dire, là, quand c'est rendu que 40 des 50 procureurs-chefs et procureurs-chefs adjoints dans tous les districts du Québec démissionnent, que le directeur du Bureau de la lutte contre la criminalité, Me Chartrand, démissionne, que son adjoint, Me Giauque, reconnu par tous, que connaît très bien le député de Chomedey, démissionne, que Me Carrière, qui est l'adjoint principal aux gangs de rue, démissionne, il me semble qu'il y a comme un problème. Que les procureurs de la couronne menacent aussi de démissionner, qu'il y en a 420 sur 450 de nos procureurs -- c'est pas mal, ça, c'est au-dessus de 90 % -- qui signent un papier, qui signent une lettre disant: Nous, ça ne nous intéresse pas d'aller travailler dans votre unité anticollusion, moi, je pense que, là, il commence à y avoir des méchants problèmes dans nos institutions judiciaires, puis, moi, j'appelle ça un gâchis.

Puis c'est un gâchis que vous avez créé. Puis, si vous aviez pris vos responsabilités avant, puis notamment en 2009 quand les procureurs vous ont demandé, en février 2009, de mettre à jour cette étude un an avant le 31 mars 2010, si vous avis pris vos responsabilités, vous auriez mis, comme gouvernement, à jour cette étude-là, vous n'auriez pas dit, comme a dit M. Légaré en juillet 2009, non. Ça aurait un élément, ça aurait été un élément utile qui, aujourd'hui -- probablement, en tout cas -- aurait été un élément de plus pour éviter ce que, moi, je considère comme un gâchis. Puis je pense qu'on a juste à lire les journaux aujourd'hui, à lire les journaux demain matin pour comprendre que, présentement, au Québec il y a un méchant gâchis au niveau de la justice, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le Président (M. Gendron): Alors, c'était de l'ordre du commentaire. Est-ce que vous en avez un sur... Non. Alors, est-ce qu'il y a d'autres collègues qui ont des choses à dire ou on passe à l'article 2? Alors, sur l'article 1, M. le député de Verchères. Sur l'article 1.

M. Bergeron: M. le Président, sur la base de l'échange que nous avons depuis un certain nombre de minutes, moi, j'aimerais m'intéresser quelques instants à ce que la ministre a appelé le lendemain et le surlendemain. Nous avons à l'annexe les conditions de travail imposées par ce projet de loi. J'aimerais qu'elle explicite, pour notre bénéfice, le bénéfice des personnes qui, à une heure tardive ou, au contraire, si tôt, le matin, sont encore avec nous et pour le bénéfice des procureurs et des juristes de l'État, qu'est-ce qu'elle entend faire le lendemain et le surlendemain. Entend-elle modifier les conditions de travail prévues au présent projet de loi? Est-ce que c'est une invitation après coup à reprendre les négociations? Si oui, est-ce que la ministre va devoir -- j'imagine que oui -- revenir avec une nouvelle législation, un nouveau projet de loi, puisque ce projet de loi stipule que les conditions seront en vigueur pendant un certain nombre d'années? Et, d'autre part, est-ce que le préalable, pour reprendre son expression, à toute nouvelle négociation, c'est qu'il y ait une entente, d'abord et avant tout, sur une mise à jour de l'étude de 2002 sur la base des paramètres, de la méthodologie à laquelle pourraient en arriver elle-même, son entourage et les associations des procureurs et des juristes?

Le Président (M. Gendron): Alors, Mme la ministre, réponse à la question posée ou commentaire, à votre...

Mme Courchesne: M. le Président, le premier ministre a dit aujourd'hui -- puis je pense qu'on ne peut être que d'accord avec ça -- que, peu importe ce que nous faisons au gouvernement, peu importe ce que nous faisons au gouvernement, peu importe le rôle que nous jouons, peu importe le poste que nous occupons, peu importe la fonction, nous avons tous une responsabilité, tous une responsabilité, chacun à son niveau.

Pourquoi je dis ça, M. le Président? C'est parce qu'après la loi nous avons encore la responsabilité des conditions de travail de nos employés. Après le projet de loi, nous avons tous la responsabilité d'offrir un service aux citoyens. Après le projet de loi, nous avons tous la responsabilité de nous assurer que le système judiciaire est efficace, efficient et que tout fonctionne normalement. Je ne refuserai jamais une discussion. Je ne refuserai jamais de rencontrer des représentants d'associations. Qu'on soit en négociation ou qu'on ne soit pas en négociation, je ne refuserai jamais de les rencontrer, je ne refuserai jamais de discuter. Et, je l'ai dit cet après-midi, un projet de loi qui détermine un retour au travail et qui, pour déterminer un retour au travail, établit certains paramètres, est une mesure exceptionnelle. Et ce n'est pas une mesure souhaitable, c'est une mesure exceptionnelle. Mais il faut que la vie continue après la loi, puis il faut que cette responsabilité que nous avons d'offrir ces services et de s'assurer que nos employés travaillent selon des conditions de travail, bien elle demeure. Loi pas loi, ça continue, et c'est ça que je veux dire.

Et, M. le Président, je n'irai pas plus loin que ça aujourd'hui, je n'en dirai pas plus par rapport à ça, mais je dis, par contre... Et j'aurai l'occasion, ce matin, plus tard, d'élaborer aussi sur un avenir, mais surtout sur une vision élargie de ce que devrait être un mode de négociation. Et peut-être que, tous ensemble, on pourra convenir que, pour éviter que nous ayons recours à des lois spéciales comme celle-ci, peut-être qu'en 2011 on a aussi un travail à faire et une réflexion sérieuse à faire sur les modes de négociation. Et peut-être qu'il faut revoir notre mode de négociation, mais là on s'embarque dans une autre discussion, mais très importante. Et ça, je vous assure que, personnellement, j'y crois, mais sauf que c'est une discussion, là, revoir un mode de négociation.

Puis, vous M. le Président, vous savez aussi ce que ça veut dire, vous avez cette expérience-là, c'est majeur, là, c'est un très, très gros travail, puis ce n'est pas un travail, là, qu'on fait comme... puis avec tout respect pour le député du Lac-Saint-Jean, puis dire: C'est facile, tu sais, c'est comme... tourne la page puis les paramètres sur le coin de la table, là. Non, non, non. Et on fait ça avec nos partenaires syndicaux, là, et ça prend les partenaires syndicaux. Mais peut-être qu'on est rendus, au Québec, à se dire que, ces situations qu'on vit cette nuit, là, peut-être qu'il y a d'autres façons d'aborder les relations de travail, il y a d'autres façons d'aborder les négociations, puis peut-être qu'il faut se situer dans un processus de continuité.

C'est peut-être très drôle pour les gens d'en face parce qu'ils se disent: Oui, il y a d'autres façons de négocier. M. le Président, je m'excuse, nous avions des offres sérieuses, nous avons voulu négocier. On l'a fait avec 475 000, on peut continuer de le faire. Et, si les gens d'en face, au lieu de rire, étaient sérieux, ils comprendraient très bien ce que je veux dire par revoir le mode de négociation, comprendraient à quel point cette perspective-là, elle va beaucoup plus loin, là, que de dire: Bien, on va traiter ça sur le coin de la table. Et je pense que, comme société, on est rendus là, on mérite ça, nos travailleurs, nos travailleuses méritent ça, particulièrement dans le secteur public. Et je pense qu'on a tous la raisonnabilité de le faire parce qu'on doit tous avoir les mêmes objectifs, et ça, ça va bien au-delà de tout ce qu'on a pu discuter aujourd'hui.

Et pourquoi je termine là-dessus, M. le Président? Je dis cela aussi parce que, oui, j'ai des préoccupations pour le recrutement, pour notre capacité d'aller chercher les meilleurs, pour notre capacité de garder les meilleurs, pour notre capacité de faire grandir nos employés dans leurs différents secteurs d'activité. Puis, quand j'utilise le terme «grandir», là, je l'utilise en termes professionnels, en termes de cette capacité d'être satisfait du travail accompli avec les meilleurs moyens possible, possible, et que, dans ce sens-là, ça va vouloir dire qu'effectivement nous devons réaborder toute la question de notre capacité, justement, d'embauche dans un contexte où on a des enjeux démographiques importants parce que, oui, il y a une grande partie de notre fonction publique qui prend sa retraite et que donc, dans ce sens-là, nous devons faire évoluer aussi notre façon d'aborder notre gestion des relations de travail, mais aussi d'aborder notre gestion des ressources humaines. Et ça, je pense, M. le Président, qu'un gouvernement responsable, ce serait la suite des choses pour demain, après-demain et après, après-demain.

Le Président (M. Gendron): Alors, M. le député Verchères, est-ce que vous êtes satisfait des explications fournies? Avez-vous d'autres commentaires?

**(0 h 50)**

M. Bergeron: ...certainement d'autres questions, mais je sens que mon collègue de Lac-Saint-Jean piaffe d'impatience de pouvoir rétorquer aux arguments avancés par Mme la ministre il y a quelques instants.

Le Président (M. Gendron): Alors, nous allons vérifier tout de suite. M. le député du Lac-Saint-Jean, est-ce que vous avez des commentaires, des questions additionnelles à poser?

M. Cloutier: M. le Président, la raison pour laquelle j'ai cité l'étude de 2002, c'est uniquement pour démontrer que le gouvernement du Québec savait très bien que cette étude-là n'était plus à jour, il savait très bien que, cette étude-là, la mise à jour était fort utile pour la suite des choses. Les procureurs ont demandé au gouvernement du Québec en 2009 de mettre à jour par l'Institut de la statistique cette étude qui avait été réalisée en 2002, le gouvernement du Québec ne voulait pas avoir les réponses de l'Institut de la statistique parce que ne voulait pas... ne voulait pas l'opinion de l'institut parce qu'il savait très bien que ça allait lui être défavorable, par conséquent a refusé de la mettre à jour, par conséquent a refusé de faire la préparation nécessaire, a laissé les choses aller, a laissé ce flou artistique pour mieux négocier et imposer en bout de course. La raison pour laquelle on rit, M. le Président, quand la ministre nous dit qu'il y a d'autres modes de négociation, on rit, M. le Président, parce qu'on est ici, ce soir, à une heure du matin, à discuter d'un bâillon, d'un bâillon qui impose aux procureurs. J'espère qu'il y a d'autres façons de négocier, M. le Président, j'espère. Voilà.

Le Président (M. Gendron): Alors, c'est un commentaire, un point de vue. Est-ce que, Mme la ministre, vous avez quelque chose à ajouter? Et on va poursuivre sur autre chose ou toujours à vous, M. le député de Verchères?

M. Bergeron: Merci. Merci, M. le Président. La ministre a choisi de demeurer volontairement énigmatique en réponse à la question que je lui ai posée par rapport au lendemain et au surlendemain, elle a dit: Je n'irai pas plus loin ce soir. Mais je crois décoder... Puis elle me corrigera si je fais erreur, mais je crois décoder de sa réponse énigmatique qu'il n'est pas vraiment question d'ajouter quoi que ce soit à ce qui se trouve dans ce projet de loi là, donc il n'est pas question d'éventuelles modifications législatives par la suite pour bonifier ce qu'on a sous les yeux, qu'elle est disposée à rencontrer les représentants des associations, point à la ligne, qu'il n'est pas question d'entreprendre de négociations, même si on devait éventuellement s'entendre sur les paramètres puis une méthodologie pour la mise à jour de l'étude de 2002, au fond, «it's a done deal», si vous me permettez l'expression, ça se règle ce soir.

Ma question à la ministre: Puisqu'elle avait mis sur la table des propositions un tantinet plus intéressantes que celles qu'on retrouve dans ce projet de loi au niveau du rattrapage, au niveau de la bonification pour les tâches complexes, pour le travail en région, pourquoi ces éléments qui avaient fait partie de l'offre du gouvernement ne se retrouvent-ils pas dans le projet de loi que nous avons sous les yeux ce soir?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Parce qu'il n'a jamais été possible, M. le Président, d'en discuter et de les négocier avec les représentants des associations, M. le Président, c'est pour ça que ce n'est pas dans le projet de loi. Puis, pour bonifier les conditions, ce n'est pas obligé que ce soit dans le projet de loi, mais c'est évident qu'on n'imposera pas ces autres conditions. Il faut négocier, il faut discuter, il faut échanger, il faut faire des choix. C'est ça, une négociation, M. le Président. Faire une négociation, c'est faire des choix, et, dans ce sens-là, il faut qu'on soit deux, et il a toujours été refusé de discuter, d'échanger et de négocier sur ces autres éléments que nous avons déposés à la table. Et c'est ça, la... Pourquoi ils ont refusé, M. le Président, de négocier, ou de discuter, ou même d'échanger là-dessus? Parce que, pour eux, le déplafonnement des échelles salariales était une condition préalable, sine qua non. C'est ça, l'impasse, et je ne vois pas pourquoi nous, comme législateurs ici ce soir, nous déterminerions toutes ces autres normes ou toutes ces autres conditions parce que, moi, je veux m'assurer que ce soit fait autour d'une table pour m'assurer qu'on répond véritablement dans nos choix -- parce qu'il faut faire des choix -- aux préoccupations premières des procureurs et des juristes. Et c'est ça, une négociation de bonne foi, M. le Président, et c'est ça que nous n'avons pas pu faire parce que le déplafonnement des échelles salariales était un préalable et une condition sine qua non, un préalable sine qua non à toute autre discussion, M. le Président.

Le Président (M. Gendron): M. le député de Verchères.

M. Bergeron: Alors, M. le Président, je dois dire que ça redevient tout à coup intéressant. M. le Président, ce que je comprends de la ministre, c'est que ces éléments qui ont été mis sur la table ne se retrouvent pas dans le projet de loi parce qu'ils n'ont pas été acceptés par les procureurs et par les juristes. Je veux bien, mais ils n'ont pas davantage accepté ça, M. le Président! Alors, pourquoi avoir choisi de ne conserver, de ce que le gouvernement avait présenté aux procureurs et aux juristes, que ces éléments-ci et de n'avoir pas conservé les éléments qui constituaient une bonification qui n'allait certainement pas à l'encontre de ce qu'auraient souhaité les procureurs et les juristes? En tout cas, c'est nettement mieux, nettement moins pire que ce qu'on a sous les yeux ce soir.

Le Président (M. Gendron): Alors, Mme la ministre, est-ce que vous avez un commentaire, un point de vue? Puis je vous rappelle, pour le bénéfice de tout le monde, effectivement, quand la présidence vous donne la parole, vous avez toujours deux choix: l'utiliser ou dire que vous n'avez rien à ajouter par rapport au commentaire qui vient d'être fait, pour que vous soyez en toute béatitude.

Mme Courchesne: Et dire que nous sommes prêts à voter l'article 1, M. le Président?

Le Président (M. Gendron): Ah! vous pouvez dire... C'est vous qui contrôlez vos propos, mais, moi, je...

Mme Courchesne: M. le Président, je vous dirai que nous sommes ici pour en débattre, c'est le processus démocratique, en l'occurrence,, pour ce genre de situation. Donc, effectivement, je constate qu'il est très facile d'utiliser chaque phrase que je dis, chaque mot puis d'en faire une petite sauce réductrice par rapport au processus normal de négociation. Et vraiment, là, M. le Président, je le dis encore une fois avec beaucoup de respect, mais, si ce que nous faisons en ce moment est aussi sérieux que ce que les députés d'en face nous disent depuis le matin, je suis obligée de vous dire en tout respect que je ne constate pas ce sérieux-là ce soir. Ils font comme s'ils connaissaient ça super bien, les négos, puis que, tu sais, c'était tout... c'était pensée magique. Ils savent très bien qu'en négociation il y a des moments de situation exploratoire. Est-ce qu'il faut que je donne un cours de négociation 101 et que, donc, il y a des moments de situation exploratoire où, effectivement, il y a un certain nombre d'éléments qui sont énumérés, où la partie patronale fait des ouvertures sur des sujets sur lesquels nous pourrions discuter, échanger, négocier, nous entendre? C'est de cette façon-là que ça doit se passer. Et, par la suite, hein, on arrive effectivement à, là, où s'entendre et déterminer des offres finales, étape que nous n'avons jamais pu véritablement arriver, puisqu'il y avait cette condition préalable sine qua non. C'est dans ce sens-là.

Mais ce n'est pas vrai que... Et, si on imposait toutes les conditions, vous n'accepteriez pas plus qu'on impose toutes les conditions parce que l'objectif, c'est toujours d'avoir des ententes négociées, c'est toujours... Et ce qu'on veut, je le répète, l'objectif de cette loi, c'est de retour au travail pour redonner le fonctionnement de nos tribunaux et du système judiciaire. Et c'est ça, l'objectif fondamental, et que, par rapport au reste, bien je pense que ça serait incorrect de ne pas le faire dans le même esprit d'une négociation.

Pourquoi on a choisi la norme qui est ici, le maximum, de reconnaître la semaine de travail pour un maximum de 40 heures? Pourquoi on a choisi celle-ci? Parce qu'effectivement, puis vous... C'est, je dirais, probablement un des enjeux cruciaux, cruciaux. Et, après discussion avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales et aussi après avoir entendu ce que bon nombre de procureurs ont dit particulièrement au cours des derniers jours, qu'ils ne veulent plus travailler un grand nombre d'heures sans être rémunérés... Ils ont raison, et, dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on retrouve cette capacité de reconnaître une semaine de travail maximale de 40 heures. Et ça, je pense que c'est, encore là, reconnaître, c'est un signe de reconnaissance justement par rapport au travail qu'ils ont à effectuer, c'est une signe de reconnaissance par rapport à ce qui s'est fait jusqu'à maintenant et qui doit être corrigé.

Et on doit reconnaître ces heures travaillées, et c'est dans ce sens-là que l'article a été évoqué dans le projet de loi.

**(1 heure)**

Le Président (M. Gendron): M. le député de Verchères.

M. Bergeron: M. le Président, en tout respect, j'aimerais simplement dire que, contrairement à ce que la ministre semble indiquer, elle n'a pas face à elle qu'une gang d'insignifiants, O.K.? Première des choses.

Deuxième des choses, M. le Président, j'ai eu le sentiment personnellement d'avoir posé mes questions de façon toujours respectueuse, d'une part, et, d'autre part, contrairement à ce qu'elle a dit, je n'ai pas essayé de remâcher ses paroles. J'ai même pris soin chaque fois de dire: Corrigez-moi si je me trompe, permettant à la ministre d'apporter les précisions qui s'imposent par rapport... C'est parce qu'elle demeure, je n'y peux rien, là, elle demeure volontairement énigmatique. Je suis obligé d'essayer de décoder ce qu'elle nous dit puis en grande partie ce qu'elle ne nous dit pas. Alors, j'y vais de... essayer de comprendre où est-ce qu'elle s'en va pour essayer de comprendre qu'est-ce qui va se passer le lendemain puis le surlendemain parce qu'elle insiste énormément depuis ce matin sur le lendemain puis le surlendemain. Mais, comme elle ne veut rien dire ou à peu près, on est obligé d'essayer de décoder.

Mais j'ai toujours eu le respect, M. le Président, plutôt que de livrer des affaires mâchées tout de travers, comme elle l'a prétendu, de dire: Corrigez-moi si je me trompe.

Alors, la ministre a l'opportunité de préciser sa pensée, si tant est que j'erre et si tant est que j'interprète à tort ses propos. Ce que je veux savoir, M. le Président, O.K., il me semble que c'est clair, ce que je veux savoir, c'est... Ces conditions qui se retrouvent au projet de loi, est-ce que je comprends bien de ce qu'elle nous a dit qu'advenant la conclusion de négociations ultérieures à l'adoption du projet de loi ces conditions-là pourraient être bonifiées sur la base, entre autres, de ce que vous avez déjà proposé? Et est-ce que je comprends bien de ses propos qu'une telle modification, une telle bonification n'aurait pas besoin... ne nécessiterait pas une autre législation?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre, est-ce que vous avez une réponse ou un commentaire à formuler suite à la question posée?

Mme Courchesne: La réponse, c'est: Pourrait. La réponse, c'est: Ne nécessiterait pas de modification législative. Le député sait ça très bien, autant que moi.

Le Président (M. Gendron): M. le député...

Une voix: ...

Le Président (M. Gendron): Un instant. Est-ce que, M. le député, vous poursuivez?

M. Bergeron: Maintenant, je vais terminer là-dessus parce que je sens que mon collègue de Chicoutimi souhaite poursuivre sur ce débat. La ministre, lorsqu'elle parlait du lendemain et du surlendemain, semblait se préoccuper essentiellement, du moins, à première vue, là, je constate que ça ne s'arrête pas là, mais semblait, d'abord et avant tout, se préoccuper de la prestation des services dans le contexte actuel alors qu'elle impose des conditions de travail, ce qui va miner l'enthousiasme, la motivation au travail. Mais surtout, dans le contexte où plusieurs procureurs ont déjà annoncé qu'ils ne se joindraient pas à l'Unité permanente anticorruption, dans le contexte où plusieurs procureurs-chefs, procureurs-chefs adjoints... plus de 80 % d'entre eux déjà ont annoncé qu'ils souhaitaient être réaffectés à d'autres tâches, comment peut-elle nous dire aujourd'hui qu'il y aura demain une prestation de services équivalente à celle qu'il y avait avant le déclenchement de la grève?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. le Président, je crois que le Directeur des poursuites criminelles et pénales a répondu à cette préoccupation-là aujourd'hui par voie de communiqué. Écoutez, je... Et il a répondu plutôt clairement à cette question-là.

Et il y a une autre chose que je veux rajouter, M. le Président, c'est qu'aujourd'hui, à plusieurs reprises, on a mentionné que c'était impossible de recruter. Moi, je veux juste attirer votre attention sur des données qui se terminent avec l'année 2009-2010. Entre 2007-2008, jusqu'à la fin de 2009-2010, il y a 250 avocats et procureurs qui ont été embauchés et, au moment où on se parle, il y a 1 310 avocats et notaires qui sont inscrits sur des listes de déclaration d'aptitudes, dont 145 qui ont 10 ans d'expérience et plus. Le taux de démission, M. le Président, des avocats et des notaires, depuis cinq ans, se situe à environ 0,4 %, comparativement à 0,9 % pour l'ensemble des professionnels de l'État. Il y a une année chez les procureurs où il y a eu plus de démissions, c'est en 2009-2010. Il y en a eu 17. En 2010-2011, c'est-à-dire jusqu'à maintenant, pour l'année financière 2010-2011, il y en a eu cinq, démissions, M. le Président.

Ce sont les chiffres, ce sont les faits puis c'est la réalité.

Le Président (M. Gendron): M. le député de Verchères. M. le député de Verchères, vous avez terminé?

Une voix: ...

Le Président (M. Gendron): Oui, ici monsieur demande la parole. Je fais juste vous indiquer que...

Une voix: ...

Le Président (M. Gendron): Oui, il n'y a pas de problème. Je fais juste vous indiquer, M. le député de Chambly, que vous aviez terminé votre temps de parole pour la première... l'article 1. On attribue normalement 20 minutes, on compile l'ensemble des temps, et il faudrait envisager, pour la suite des choses, passer à l'article 2. Mais je laisse la parole à M. le député de Chicoutimi, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Gendron): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: J'ai écouté attentivement la ministre et je vous avouerais que je ne relèverai pas ses remarques et ses leçons de négociation, surtout dans le contexte actuel, là. J'ai assez de respect pour les juristes de l'État puis les procureurs pour ne pas faire ce petit jeu. Je pense qu'elle est bien mal placée pour donner quelque leçon de négociation à qui que ce soit.

Une voix: ...

M. Bédard: Mettons, effectivement. Par contre, prenons-la au mot, elle nous dit... Première chose que j'ai remarquée, elle nous dit: J'impose une loi. Ce que je veux, c'est continuer à négocier. J'ai entendu ça de la ministre. Autrement dit, j'impose une loi, mais je suis prête encore à ouvrir. Alors, dans cette logique, pourquoi la ministre n'a pas simplement fait une loi de retour au travail? Pourquoi elle n'a simplement pas invoqué que les... qu'une partie retourne et par la suite de garder... au lieu de prévoir des conditions sur cinq ans, avec des pénalités qui sont énormes?

Le Président (M. Gendron): Alors, Mme la ministre, à la question clairement posée avez-vous une réponse à exprimer?

Mme Courchesne: ...M. le Président, effectivement, il y a plusieurs, plusieurs, plusieurs années, surtout avant la loi sur les services essentiels, il arrivait qu'on faisait effectivement des lois uniquement sur du retour au travail. Ce que les juristes nous ont dit... Parce que, sincèrement, cette possibilité-là, on l'a évoquée et on y a pensé.

Le problème, c'est que, si on ne fait qu'une loi de retour au travail et qu'on dit: Par exemple, on se donne trois mois, quatre mois, cinq mois, on met un temps pour négocier, on enlève un rapport de force parce qu'on enlève le rapport de force à la partie syndicale parce qu'on dit: Là, tu n'as plus de droit de grève, et là, nous, on va décider ce sur quoi on va négocier, puis tu as comme une sorte d'obligation de t'entendre parce que tu n'as plus de droit de grève. Donc, tu perds un rapport de force. Et ça, effectivement, sur un plan juridique, nous devenions vulnérables, et d'autant plus que, depuis la loi sur les services essentiels, bien et les procureurs et les juristes... En fait, les juristes sont allés devant... pas les procureurs, mais les juristes sont allés devant le Conseil des services essentiels et donc qui établit...

Le Conseil des services essentiels établit que, pendant qu'il y a un droit de grève, il y a des services essentiels qui doivent être offerts.

Donc, dans ce sens-là, ça ne devrait pas empêcher une négociation de se poursuivre correctement et normalement. Et donc, si on fait la loi puis on fait juste dire: On suspend le droit de grève, mais venez négocier, venez-vous-en, venez négocier, mais on vous enlève vos moyens de pression, on vous enlève vos rapports de force, on vous enlève vos leviers, on risquerait d'être, bon, plus à risque.

Mais je termine en disant, un peu comme on disait tantôt au député de Verchères: Vous savez, pour la suite des choses, on n'est pas obligés d'avoir de modifications législatives non plus pour continuer, ou pour bonifier, ou pour améliorer.

**(1 h 10)**

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Écoutez, je pense que tout le monde est étonné, là. Ce que la ministre nous dit, si j'ai bien compris, c'est qu'on veut briser le rapport de force des procureurs et des juristes de l'État. Comme ça, on leur enlève tout droit de négocier pendant cinq ans. Donc, ils vont venir s'asseoir parce que, pendant cinq ans, ils n'auront rien. Si on l'avait fait seulement pendant un an, ils ne seraient pas venus s'asseoir. Grosso modo, j'ai entendu ça. Je vous avouerais que je suis étonné parce que, là, on est vraiment à l'encontre du droit de négocier. Priver quelqu'un de son rapport de force, c'est le priver de sa capacité de négocier. Je vous dirais qu'il y a des gens qui se retrouvent devant le bureau... devant... qui ont des plaintes devant le bureau des relations de travail pour pas mal moins que ça.

Je comprends qu'on est le législateur, mais utiliser un moyen ultime, utiliser l'intérêt public pour briser un rapport de force, ça, je n'ai jamais vu ça de ma vie. Ça, c'est une première, je vous le dis, là, ce n'est jamais arrivé. Et c'est bien qu'on le sache.

La deuxième chose, si la ministre nous dit que c'est dans l'intérêt public... J'ai entendu plein de gens nous dire que, bon, les procureurs de la couronne, il y a des causes qui sont suspendues. En quoi les juristes de l'État sont touchés par cette réalité? Si ce qui guidait la ministre et le gouvernement était l'intérêt public, pourquoi n'avoir pas simplement prévu des dispositions de retour au travail pour les procureurs de la couronne et de laisser, par exemple, les juristes de l'État continuer à faire ce qu'ils ont à faire? De toute façon, l'Assemblée est prorogée, et nous ne serons pas en législation avant la deuxième semaine de mars et, je vous dirais peut-être, même la troisième parce qu'on a le budget qui s'en vient. Donc, tout est prorogé, tout est parti.

Donc, pourquoi encore une fois, dans le cas des juristes de l'État, avoir appliqué cette logique supposée d'intérêt public?

Le Président (M. Gendron): ...est posée. Mme la ministre, avez-vous des commentaires?

Mme Courchesne: M. le Président, si vous n'avez pas d'objection, je souhaiterais que Me De Bellefeuille puisse répondre à cette question-là sur le plan juridique et préciser ce que j'ai pu exprimer juste avant.

Le Président (M. Gendron): Je n'ai pas d'objection. Alors, si vous voulez vous-même vous identifier.

Mme De Bellefeuille (Josée): Josée De Bellefeuille, directrice des affaires juridiques du Secrétariat du Conseil du trésor. Alors, comme Mme la ministre l'a très bien exprimé, il était dangereux d'assurer uniquement un retour au travail en privant les groupes de juristes et de procureurs de tout moyen de pression, de tout droit de grève sans procéder au renouvellement des conventions collectives, par le fait même.

M. Bédard: ...c'était: Pourquoi avoir inclus les juristes de l'État? Parce que je comprends qu'ils se sont liés, puis c'est noble à eux, ils se sont liés ensemble quant aux négociations, mais leur réalité est différente. Alors, pourquoi une logique d'intérêt public qui, en ce qui me concerne, ne prévaut pas... Mais en même temps on peut avoir une opinion. Mais pourquoi avoir inclus les juristes de l'État dans la loi spéciale?

Le Président (M. Gendron): ...c'est toujours à vous de décider si c'est vous.

Mme Courchesne: Je vais répondre à cette question-là, parce qu'effectivement c'est un choix, mais, M. le Président, c'est vrai que c'est un choix qui a été influencé par le fait que les juristes et les procureurs avaient cette entente de solidarité qu'on a respectée, tout simplement. Et les grèves étaient en même temps aussi.

M. Bédard: Bien, en tout cas, écoutez, c'est sûr que pour l'avenir les gens vont savoir les conséquences parce que... Moi, c'est une logique de négociation qui ne tient pas.

On a même déposé des amendements au Code du travail pour renforcer des rapports de force, puis tout le monde s'entendait pour dire: Il faut faire en sorte que les gens puissent traiter... je vous dirais, favoriser justement le maintien du rapport de force, puis là ce qu'on me dit, c'est que par loi, concernant deux groupes qui sont les plus reconnus et pour qui on manifeste une empathie extraordinaire, mais, à l'intérieur d'une loi spéciale où on leur impose des conditions pendant pas un an, pas deux ans, pas trois ans, cinq ans... Et là on me dit qu'on les inclut parce qu'ils ont décidé que c'est lié ensemble. Moi, je vous dirais que c'est une logique qui ne tient pas, là.

En relations de travail, ça ne tient pas, là. C'est deux réalités différentes avec des moyens de pression différents.

Le Président (M. Gendron): Alors, est-ce que vous... Ça va? Vous n'avez pas d'autres commentaires à faire? Alors...

M. Bédard: ...connaissent bien un droit, c'est le droit au silence effectivement, parce que ce qu'on apprend aujourd'hui est un peu consternant. Pas un peu. Je vous dirais que j'ai, malheureusement, j'ai l'impression qu'on ramasse de la preuve pour le Bureau international du travail parce qu'on a avoué qu'on... le seul but était de briser le rapport de force pour continuer à négocier à l'intérieur d'une loi spéciale qui prévoit l'ensemble des conditions des travailleurs mais en disant: Venez négocier les miettes, puis on va négocier. Je peux vous dire, effectivement on est dans des primeurs. Moi, c'est la première fois que je vois ça.

La dernière chose où la ministre, elle doit répondre... par rapport aux études. Ça fait six ans qu'on attend. Elle nous dit: Je n'ai pas la responsabilité, autrement dit, je suis là depuis un an, ça fait un an et demi, et je n'étais pas là avant l'ancienne présidente du Conseil du trésor, donc je ne peux pas répondre de ce qu'elle a fait ou elle n'a pas fait. Elle a ses fonctionnaires autour d'elle. J'aimerais qu'elle nous dise... Comment se fait-il que, pendant six ans, il n'y a pas eu ce qu'elle appelle aujourd'hui de tous ses voeux, là, une proposition sur base d'entente commune, là, de... avec Statistique Canada et d'autres intervenants, spécialistes, là, dans le domaine?

Pourquoi, pendant cinq ans, il n'y a pas eu une proposition de cette nature? Pourquoi on attend la loi spéciale pour arriver avec une telle proposition?

Le Président (M. Gendron): Alors, il y a une question. Est-ce que la ministre, vous avez un commentaire ou une réponse à formuler à la question posée?

Mme Courchesne: J'ai déjà répondu, M. le Président.

Le Président (M. Gendron): Il vous appartient de... Ça va. Est-ce que vous avez... Pas d'autres commentaires? Pas d'autre commentaire.

M. Bédard: ...c'est son droit, mais on est là pour poser des questions, puis je ne m'empêcherai pas... Moi, ce que je veux savoir, c'est... Comment se fait-il... et c'est le noeud du problème que nous avons actuellement. Nous sommes ici dans une loi spéciale, que tout le monde qualifie d'inacceptable. Pourquoi? Parce que, pendant six ans, il n'y a pas eu d'offre réelle. Et on le sait, pourquoi. On a eu le contexte, je vous l'ai fait, là, je ne veux pas le refaire, pendant mon exposé de 20 minutes, où on comprend effectivement dans la logique de négociation qu'il n'y a pas eu de véritable offre faite, ce n'est que le cadre prévu aux autres employés mais tout en manifestant une formidable empathie pour le travail qu'ils font et les conditions dans lesquelles ils agissent, mais sans offre valable.

Est-ce que la ministre... Est-ce que ceux qui l'entourent, qui sont... qui étaient là avant elle, parce que l'ancienne présidente du Conseil du trésor n'est pas ici avec nous ce soir, et l'autre avant, je vous dirais qu'à cette période-ci elle est quand même assez loin de nous en général... Est-ce qu'elle peut nous dire... ou quelqu'un, là, on est prêts à lui donner la parole, pourquoi on ne s'est pas entendus avant 2005... après 2005, plutôt, avec les procureurs pour une étude indépendante qui portait sur leurs conditions? Pourquoi?

Le Président (M. Gendron): ...question posée, Mme la présidente du Conseil du trésor, est-ce que vous avez un commentaire ou une réponse à donner?

Mme Courchesne: M. le Président, je ne veux pas manquer de respect à l'égard du député de Chicoutimi, mais je pense qu'il y a déjà presque une heure maintenant j'ai eu l'occasion de m'exprimer abondamment sur ce sujet et j'ai aussi exprimé, au nom du sous-ministre qui est ici présent, ces raisons pour lesquelles il a écrit cette lettre en juillet 2009. Alors, je pense que ce n'est plus utile, M. le Président, qu'on poursuive sur cette réponse-là, tout a été dit.

Le Président (M. Gendron): C'est votre point de vue, et vous en avez le droit. Par contre, le leader de l'opposition officielle a le droit également de prétendre qu'il peut poursuivre les questions pour lesquelles il pense, à son point de vue, qu'il n'a pas eu la réponse qu'il souhaitait. Alors, M. le leader de l'opposition officielle, est-ce que vous poursuivez? D'autres sujets, d'autres points de vue, d'autres commentaires?

M. Bédard: Bien, j'ai, oui, j'ai des questions, pas des commentaires. Je n'ai que des questions.

Le Président (M. Gendron): C'est ce que je vous demande.

M. Bédard: Je veux savoir pourquoi le gouvernement a fixé les conditions pendant cinq ans.

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre, à la question posée.

**(1 h 20)**

Mme Courchesne: ...projet de loi ci? Pourquoi nous avons fixé à cinq ans? Parce que... pour un peu la même raison énoncée sur le fait que, malheureusement, nous ne pouvons déplafonner, entre autres, les échelles salariales mais aussi parce que... et on peut ne pas être d'accord, mais parce que nous évoquons ce principe d'équité envers les 475 000 employés de l'État qui, eux, ont accepté de signer une convention collective de cinq ans.

À partir du moment où, dans ce projet de loi, notamment nous utilisons les mêmes paramètres salariaux que ceux convenus avec le front commun, il va de soi que nous devons aussi maintenir la même durée de convention que celle que nous avons... la même durée que nous nous sommes entendus avec le front commun.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Alors, la ministre nous confirme qu'elle... c'est dans la logique effectivement d'imposer les mêmes conditions et qu'on peut négocier à la marge certaines choses, mais pourquoi, d'abord, à ce moment-ci, nous parler qu'elle est disposée de faire une telle étude, alors que ce qu'elle nous confirme ce soir, c'est qu'elle ne veut pas réouvrir la loi sur les conditions de travail pendant les cinq prochaines années? Alors, pourquoi faire l'étude sur les conditions quand ultimement on ne veut pas ouvrir la loi pendant cinq ans?

Le Président (M. Gendron): ...question est posée, Mme la ministre. Réponse.

Mme Courchesne: Parce que, M. le Président, ce qui a été offert aux procureurs et aux juristes, étant donné cette incapacité de déplafonner, parce qu'il faut comprendre que d'autres employés voudraient certainement la même chose et que, donc là, ça dépasse largement notre capacité d'y adhérer, nous avons offert aux procureurs et aux juristes de pouvoir effectuer un certain «rattrapage», utilisons ce mot, par le biais de la bonification des conditions de travail. C'est ça que nous avons tenté d'offrir aux procureurs et aux juristes parce que, oui, il y a des conditions de travail qui méritent d'être améliorées, parce que, oui, il y a des conditions de travail qui méritent d'être bonifiées pour tenir compte des exigences propres, liées à leur profession, pour tenir compte des spécificités, et des particularités propres, liées à l'exercice de leur profession. Et donc nous avons dit à ce moment-là: Est-ce que nous ne pouvons pas essayer de nous entendre sur ces améliorations de conditions de travail qui constitueraient quand même... Et je peux vous dire que, si on compare ou en tout cas si on met sur la table ce qui a été dévolu, là, pour les cinq ans, on est rendus à tout près de 26 % de plus quand on rajoute tout ce qui a été mis sur la table. C'était une des possibilités.

Si on fait la somme de ce qui était sur la table, ça pouvait aller jusqu'à ce montant-là. Alors, c'est dans ce sens-là que les choix ont été faits.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le...

Une voix: ...

Le Président (M. Gendron): Merci. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: La ministre nous dit qu'elle est prête à refaire l'étude qui porte sur la rémunération et la charge de travail.

Mme Courchesne: ...j'aimerais compléter par rapport à ça, donc. Et cette étude effectivement va toujours être utile. Et donc, dans ce sens-là, cette étude permettait de nous entendre sur cet écart qui nous permettait par la suite de déterminer les mesures de bonification, dans la capacité de payer, bien entendu.

Le Président (M. Gendron): Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Si l'étude qui porte sur la rémunération et la charge de travail recommande une hausse importante du salaire, la condition de base, là, des procureurs et des juristes de l'État, est-ce que la ministre va réouvrir sa loi? Est-ce qu'elle va réouvrir sa loi?

Mme Courchesne: Non, pas du tout. Puis d'ailleurs c'est ce qui fait, M. le Président, que les procureurs et juristes nous demandaient... et c'est pour ça que ça a été une des raisons pour lesquelles la négociation s'est ni plus ni moins interrompue, c'est qu'ils demandaient que cette étude soit liante.

M. Bédard: ...c'est qu'on souhaite s'y référer. Elle fait partie de la négociation, c'est un élément. Mais, lorsque les deux parties s'entendent sur une étude, c'est que, sans être contraignante à l'extrême, elle a, je vous dirais, un poids énorme.

Ça, c'est la règle de négociation de bonne foi. Pourquoi? Parce qu'évidemment on se fie, à ce moment-là, à quelqu'un qui fait des recommandations. Comment les procureurs peuvent embarquer à l'avenir... je comprends que dans le passé ça a été refusé, mais à l'avenir dans une procédure qui va les amener à une étude de rémunération si le gouvernement n'entend pas la suivre mais, je vous dirais, n'entend pas la considérer? La ministre, est-ce qu'elle entend la considérer? Est-ce qu'elle entend... Je lui ai posé la question tantôt. Je n'ai pas dit qu'elle va la réouvrir, la loi, selon ce qui est prévu dans l'étude. Par contre, est-ce qu'elle, si elle constate effectivement des écarts... des écarts, pardon, importants et que cela mérite rattrapage, est-ce qu'elle est d'accord pour réouvrir la loi dans la période de cinq ans?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. le Président, on ne peut pas répondre positivement, par l'affirmative, à cette question-là parce que ce que le député oublie, et c'est une réalité, c'est la capacité de payer de l'État, la capacité de payer. Et je sais qu'il n'aime pas cette réponse-là, M. le Président, mais c'est parce que...

Et c'est là tout le noeud de la problématique, M. le Président, parce qu'il y a cette responsabilité envers tous les employés de l'État. Et, dans ce sens-là, nous, pourquoi le gouvernement veut maintenir sa responsabilité de déterminer les conditions et salariales et de travail? C'est parce que nous devons gérer les fonds publics. Et, malheureusement, dans une négociation, il y a un cadre financier. Il y a un cadre financier, et, ce cadre financier là, il faut le déterminer, mais il faut le suivre aussi. Il n'y a pas un gouvernement qui va se lancer dans une négociation avec sa fonction publique, avec plus de 500 000 employés, plus de 500 000 employés, sans avoir un cadre financier. M. le Président, ils sont les premiers à dire et à constamment se lever pour dire que le gouvernement ne contrôle pas ses dépenses. Ils sont les premiers à le dire à chaque jour. Alors, il faut être cohérent, là, il faut être cohérent. Dans un processus de négociation avec plus de 500 000 emplois, il faut avoir ce cadre financier là, il faut le respecter.

Donc, l'étude est un guide. L'étude, c'est un indicateur, c'est un guide pour nous aider à discuter, à échanger, mais ça ne peut pas engager l'État à poser quelque geste que ce soit au cours de ces cinq années sans savoir qu'est-ce que ça veut dire financièrement. Ce serait totalement irresponsable si on le faisait de la sorte, M. le Président.

Est-ce que ça veut dire que le député de Chicoutimi ou le parti de l'opposition officielle, lui, est prêt à donner 40 % d'augmentation aux procureurs? Est-ce que c'est ça que ça veut dire, 40 %? Comment ils vont expliquer qu'ils donnent 40 % aux procureurs puis pas aux autres, M. le Président? Quelle est la différence entre les différents types? Je comprends que la justice, c'est un pan d'activité de notre société qui est fondamental, mais, comme disait ma collègue de Gatineau, est-ce que l'enseignante qui enseigne à son fils a moins droit? Est-ce que l'infirmière qui soigne dans nos hôpitaux a moins droit? C'est ça, l'enjeu, M. le Président. C'est ça, la véritable question qu'on a à se poser.

M. Bédard: ...pour les procureurs puis les juristes de l'État de négocier. Ce qu'elle nous dit, c'est que ces gens-là n'ont aucun...

Une voix: ...

M. Bédard: Non, non. Je veux seulement... Ce qu'elle nous dit, c'est qu'ils n'ont aucun intérêt de négocier, zéro, zéro, parce que la ministre, elle dit: Bien, non, moi, ce que je donne aux professeurs... je ne peux pas en donner plus aux autres. Ce que je donne aux employés, aux biochimistes, je ne peux pas considérer... même s'il y a un écart épouvantable, même si leur travail n'est pas valorisé, je ne peux pas le donner parce que j'ai un cadre d'augmentation. Mais je vais terminer avec la ministre, parce que, ça m'intéresse, elle parle de cadre financier. Un autre groupe important de notre société avait un problème de rattrapage, les spécialistes, principalement.

Est-ce que la ministre peut nous dire aujourd'hui qu'était le cadre financier de négociation avec les spécialistes... avec les médecins spécialistes?

Mme Courchesne: ...je ne peux pas lui dire quel était le cadre financier, de mémoire, avec les médecins spécialistes à ce moment-là.

**(1 h 30)**

M. Bédard: ...il faut être cohérent, là, elle me l'a dit tantôt. La cohérence, elle m'a dit, elle s'applique à tous les employés puis aux juristes. Or, les médecins, à ce qu'il me semble, sont aussi des membres de notre société. La cohérence aurait indiqué normalement qu'il y avait aussi un besoin de rattrapage, qui, à mon sens, ont eu plus que zéro et 1 % par année. Quel était le cadre financier des médecins spécialistes lorsqu'on a réglé un important rattrapage sur de longues années? Quel était le cadre financier?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre, à la question...

Mme Courchesne: M. le Président, le député de Chicoutimi oublie qu'entre l'entente avec les spécialistes et maintenant il y a eu une grave récession, il y a eu une crise économique importante. Il y a une obligation de retrouver l'équilibre budgétaire d'ici 2013-2014, M. le Président. Ces réalités-là ont changé. On ne peut pas se mettre la tête dans le sable puis faire semblant que ce qu'on vient de traverser n'a pas existé. Il y a effectivement, M. le Président, un effort collectif à faire parce qu'il faut retrouver cet équilibre budgétaire. Et je crois comprendre que l'opposition officielle veut que nous retrouvions l'équilibre budgétaire. Et, dans ce sens-là, c'est une donne extrêmement importante qui est bien différente aujourd'hui de ce qui était au moment où nous avons eu cette entente avec les spécialistes.

Alors, dans la vie d'un gouvernement, mais dans la vie d'une société, il y a des situations qui évoluent, il y a des situations qui changent, il y a des réalités, en fait -- parce que, dans ce cas-là, ce n'est même pas des situations qui évoluent, ce sont des réalités -- qui se sont appelées une crise économique majeure, une récession importante et une nécessité aujourd'hui d'effectivement faire en sorte qu'on puisse le retrouver, cet effort... cet équilibre budgétaire.

Donc, oui, le gouvernement est contraint à une capacité de payer, qu'on aime ça ou qu'on n'aime pas ça. Et il le sait très bien, de toute façon, que, regarde, on ne peut pas tout faire en même temps et on ne peut pas dire oui à tout non plus en même temps.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le député du Lac-Saint-Jean. Oui, oui...

M. Bédard: ...bien gentil, mais j'aime bien le Lac-Saint-Jean aussi, je vous avouerais.

Le Président (M. Gendron): Non, non. Vous avez raison. Non, ce n'est pas grave...

M. Bédard: D'ailleurs, mon père vient de Lac-à-la-Croix. Vous savez à quel point j'apprécie ce bel endroit.

Le Président (M. Gendron): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Merci, merci, M. le Président. Dans cette logique... Bien, écoutez, d'abord, quant à la grande crise économique qu'on a vécue, il faudrait qu'elle en parle à son ministre des Finances parce qu'il nous dit à tous les jours à quel point on s'en est bien tirés puis qu'on est formidables. Là, ce qu'on apprend, c'est que, finalement, ce n'est pas tout à fait vrai, là. On serait dans une situation qui n'est pas très enviable, au point où on n'est pas capables de bien payer nos procureurs, alors que l'Ontario, qui, elle, j'imagine, est dans le trèfle actuellement, là, j'imagine que ça va bien en Ontario, à ce qu'on voit, là, ils sont en train de... Eux, au moins ils sont capables de s'assurer d'un bon système de justice.

Je demande à la ministre: Si elle me dit que la tempête parfaite, celle qu'on a parlé, là, je me souviens encore, en 2008, elle n'existait pas entre 2005 et 2008, pourquoi ne pas avoir entrepris à cette période-là le rattrapage? Pourquoi ne pas avoir négocié sérieusement des conditions de rattrapage des gens pour qui on a une grande empathie, tout le monde ici, ce soir, là? C'est assez formidable d'avoir une si belle unanimité. Mais pourquoi ne pas avoir entamé ces procédures de vraies négociations et de rattrapage entre 2005 et 2008?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. le Président, en tout respect, j'ai le sentiment d'avoir répondu dans les premières heures de ce débat.

Le Président (M. Gendron): Vous avez le droit de faire cette réponse. Alors, moi, je redonne la parole à M. le député de Chicoutimi.

M. Bédard: Bien, j'en parlais à un procureur tantôt. Il n'a pas l'impression effectivement d'avoir eu une réponse. Lui, il ne sait pas -- c'est pour ça qu'on est ici, il nous écoute d'ailleurs -- pourquoi, entre 2005 et 2008, on n'a pas entamé une réelle procédure de rattrapage, comme on l'a fait avec d'autres corps d'emploi, plus principalement les médecins spécialistes. Et la ministre pourra me répondre: Pourquoi les médecins spécialistes, eux, n'ont pas eu de cadre financier? Parce qu'à l'époque ça avait l'air qu'on pouvait dépenser beaucoup. Ah oui? Bien, qu'elle nous le dise, qu'elle nous donne le cadre financier dans lequel ça a été fait.

Le Président (M. Gendron): Alors, Mme la ministre.

Mme Courchesne: Alors, M. le Président, je réitère que j'ai répondu à cette question. Pour ce qui est du cadre financier des spécialistes, M. le Président, c'est évident que je n'ai pas cette réponse-là par coeur ce soir.

M. Bédard: Comment Mme la ministre, pense ramener les juristes de l'État et les procureurs à la table des négociations quand elle vient d'avouer que, peu importe ce que dirait quelque étude, rapport que ce soit, elle ne touchera pas à leur rémunération jusqu'en 2015 ou 2016? Comment elle compte ramener ces gens-là qui sont face à un écart, peu importe l'importance... Pourquoi ces gens-là viendraient se rasseoir quand elle vient d'affirmer que, peu importent les études qui seraient déposées, elle ne réouvrirait pas sa loi qui concerne leur rémunération?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Parce que, M. le Président, comme nous le disons depuis le tout début de cette négociation, nous pouvons améliorer, bonifier les conditions de travail. Qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire les clauses normatives, M. le Président. Nous ne pouvons pas toucher aux paramètres salariaux, mais nous pouvons améliorer les conditions de travail, je vais les répéter: tenir compte des heures travaillées, les primes pour la complexité, les primes pour les mandats spéciaux, les primes d'éloignement, les primes de recrutement en région, les primes pour les cours itinérantes. En fait, ce sont, M. le Président, des éléments sur lesquels nous pouvons bonifier. Et c'est dans ce sens-là que nous souhaitons et que nous souhaitions pouvoir améliorer ces conditions de travail, M. le Président.

Et ce n'est pas négligeable, vous savez. Ces éléments-là ne sont pas négligeables. Si un procureur qui gagne en moyenne 100 000 $ sur cinq ans peut retrouver entre 22 000 $ et 25 000 $ de plus dans ses poches, ce n'est quand même pas négligeable, M. le Président, c'est un effort collectif important. Ce n'est pas comme s'il n'y avait absolument rien sur la table, M. le Président. Et nous avons repris un de ces éléments-là, sur des heures travaillées, nous l'avons mis dans le projet de loi.

Et qu'on aime... qu'on le veuille ou pas, l'ajout d'effectifs, M. le Président, les 120 ETC qu'on va ajouter, les 80 procureurs, les 40 soutiens, M. le Président, ça va améliorer les conditions de travail des procureurs, ça va améliorer. Ça va améliorer la surcharge en tout cas, ça va aider à la surcharge de travail. Ça ne peut pas ne pas améliorer, M. le Président. Et ces 80 procureurs et ces 40 soutiens puis les 25 juristes, bien, il faut les rémunérer aussi, M. le Président, ça fait partie du cadre financier, mais ça fait partie, à un moment donné, du fait qu'il y a une capacité de payer.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: Ils vont être fort heureux d'entendre ça. Mais la ministre nous appelle à la cohérence, alors je l'invite à la même cohérence. Elle nous dit, comme dernier argument... Elle fait une loi pour briser le rapport de force, par contre, elle serait prête à donner plus, mais pas... tant qu'on n'a pas atteint l'équilibre budgétaire. On est d'accord? C'est ce qu'a dit la ministre?

Une voix: ...

M. Bédard: Voilà. Or, l'équilibre budgétaire du ministre des Finances, il est à côté de lui, c'est 2013. Pourquoi la ministre prévoit une application de la loi supérieure à 2013?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Nous prévoyons une application de la loi pour la même durée que la durée des conventions collectives que nous avons signées avec le front commun, M. le Président, pour que ce soit la même durée, M. le Président. Et je rappelle au député de Chicoutimi que, dans ces paramètres, il y a aussi une clause de croissance économique, la clause PIB dont on parle, donc.

Et pourquoi le front commun a accepté de signer une convention collective de cinq ans? Et mon collègue des Finances me corrigera si je me trompe. C'est effectivement parce qu'il y avait cette clause de croissance et de retour aux salariés d'une portion importante de cette croissance économique que nous souhaitons tous, et que cette croissance, elle était évaluée sur une période de cinq ans, qu'étant donné le sérieux de la crise que nous traversions.. traversions et traversons, bien, que les chances que les travailleurs puissent bénéficier de cette clause, bien, c'était sur une période de cinq ans qu'il était plus probable qu'ils puissent en bénéficier. Donc, c'est pour cette raison que nous conservons dans le projet de loi actuel la date de 2015.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le leader de l'opposition officielle.

**(1 h 40)**

M. Bédard: La ministre parle de cohérence, je peux vous dire... je vous dirais qu'on n'est pas très cohérents, là. Parce que, la ministre, elle nous dit depuis tantôt, avec un ton très empathique, qu'elle souhaite rattraper, qu'elle est consciente de leur réalité, mais que malheureusement, peu importent les études qui concluraient à leur écart, c'est qu'il reste l'argument du gouvernement qui est celui de la capacité de payer.

Là, je lui dis: Écoutez, on va être à l'équilibre budgétaire. Alors, les clauses d'indexation, tout le monde a ça, là. On ne commencera pas à appauvrir le monde, là. Ils n'ont pas plus. En Ontario, si on augmente de 3 %, comment pensez-vous que l'écart va s'agrandir si, eux autres, ils ont une clause d'indexation? Si leur moyenne est de 185 000 puis, nous autres, 180 000, 3 % de 185 000, ça fait combien, puis 3 % de 80? L'écart, par le seul fait de l'inflation, va augmenter. Alors là, là, si on est dans la clause de rattrapage, on est loin.

La ministre, si elle veut être cohérente un petit peu ce soir et nous lâcher un peu l'empathie mais aller sur la cohérence, est-ce qu'elle pourrait au moins, au moins, dans son projet de loi, restreindre l'application en termes de délai? Sinon, tout ce que fait le gouvernement finalement, là, c'est gagner du temps, gagner du temps et dire aux prochains, là: Les autres, là, ils vivront avec les conséquences de mes actes parce que, moi, là, d'ici là, je devrais ne plus être là de toute façon.

Le Président M. Gendron): Alors, Mme la ministre...

M. Bédard: L'avantage... Non, M. le Président, c'est qu'on a appris, c'est que tout le monde semblait rigoler. Je vous avouerais que, moi, je trouve ça pas vraiment drôle. Ce que je dis à la ministre, c'est que, si, au moins, par effort de logique un peu, rien qu'un petit peu, rien qu'un petit peu... Est-ce qu'elle peut restreindre l'application, en termes de délai, de son projet de loi? Est-ce qu'elle peut le restreindre? Et, si, en 2013-2014... Elle pourrait fixer une date en 2013. Et, si le ministre des Finances nous annonce -- lui ou un autre -- que malheureusement on ne peut pas, bien on verra. Mais est-ce qu'on peut prévoir une date qui est autre et, là, qui tiendrait compte de ce qu'elle nous dit depuis maintenant des heures, là, qu'elle est très emphatique et que, s'il y avait un rapport qui concluait effectivement à un écart majeur et que cela prend un rattrapage, elle le considérerait à la lumière du rapport, mais à la lumière de la capacité de payer? Pourquoi ne pas retreindre en termes de délai une situation qui est particulière, soit la situation de juristes de l'État et des procureurs?

Le Président (M. Gendron): La question est posée, alors, Mme la ministre, si vous avez une réponse...

Mme Courchesne: M. le Président, si vous me permettez, je céderai la parole à mon collègue ministre des Finances, qui souhaiterait intervenir à cette étape-ci. Mais je veux juste vous dire très amicalement que c'est certainement un précédent qu'on reproche à une présidente du Conseil du trésor son empathie, M. le Président. Honnêtement, c'est du jamais vu.

Le Président (M. Gendron): M. le ministre des Finances.

M. Bachand (Outremont): Oui, merci, M. le Président. Ça me fait plaisir d'intervenir dans ce débat pour la première fois... première fois ce soir, M. le Président. Et j'ai trois, quatre commentaires à faire, mais, pour d'abord répondre au député de Chicoutimi, ce qui est intéressant dans son commentaire, c'est qu'il... Peut-être lui expliquer un peu les finances 101 du retour à l'équilibre budgétaire. Et le retour à l'équilibre budgétaire...

Une voix: ...

M. Bachand (Outremont): Ah! Le retour à l'équilibre budgétaire. Et je le réfère, M. le Président, à l'annexe du projet de loi que nous avons devant nous. Donc, je suis très pertinent, M. le Président. À l'annexe du projet de loi que nous avons devant nous, sur les conditions de travail des salariés, M. le Président, on prévoit donc aller jusqu'au 31 mars 2015. Pourquoi? Parce que, premièrement, comme ma collègue le disait, c'est le cadre de négociation qui a été fait par l'ensemble des employés de l'État, nos infirmières, nos fonctionnaires, nos enseignants, nos travailleurs d'hôpitaux, et, bien sûr, en 2013-2014, nous serons revenus à l'équilibre budgétaire, et, en 2014-2015, M. le Président...

Une voix: ...

Le Président (M. Gendron): Ah! S'il vous plaît, là, s'il vous plaît, je n'entends pas, là.

Des voix: ...

M. St-Arnaud: ...puis là, le témoin a quitté le box des témoins.

Le Président (M. Gendron): Oui, mais ils n'ont pas le... Ce qui s'est passé, c'est permis par le règlement. Alors, c'est pour ça que c'est télévisé. Ça appartient à ceux qui observent de regarder. Et, moi, je n'ai pas à interpréter ce qui se passe. Alors, M. le ministre des Finances, c'est à vous la parole.

M. Bachand (Outremont): J'en ai manqué un bout, M. le Président, mais je pense que c'est peut-être aussi bien comme ça quand je regarde votre sourire. Donc, 2015, 2015, M. le Président, c'est le député de Chicoutimi... c'est très bien, c'est l'ensemble de la convention collective de tous les employés de l'État. On revient, de par la loi, à l'équilibre budgétaire en 2013-2014. 2014-2015, on est donc revenus à l'équilibre budgétaire et, donc, on peut recommencer à augmenter les dépenses de l'État au rythme de la croissance du PIB nominal, c'est-à-dire, mettons, croissance du PIB économique de 2 %, plus inflation, 2 % à 4 %. Voilà pourquoi d'ailleurs les paramètres salariaux pour l'année 2014-2015 sont de 2 %, ce qui est un peu la croissance normale des salaires.

Mais il y a aussi, dans cette convention, ma collègue le soulignait, et c'est accordé aussi aux procureurs, M. le Président, ce partage de la croissance économique. Parce qu'en plus de la croissance des salaires qui serait de 2 % en 2015 -- et voilà pourquoi c'est un cadre de cinq ans -- il y a une récupération possible. Et ça, je dois saluer tous les employés de l'État, les syndicats qui ont convenu de ça. Au fond, nous sommes partenaires dans ce défi économique du Québec de gagner à travers cette crise économique et de récupérer par la suite, de contribuer à la croissance économique du Québec. Mais, si, en 2015... et d'ailleurs cette clause existe à chaque année, mais, si, en 2015, la croissance économique du Québec, pendant cette période, a été plus élevée que les paramètres qui ont été fixés par le ministre des Finances dans son budget, à ce moment-là il y a un partage de la croissance.

Puisque nous sommes maintenant en dehors du cadre financier qui a été plus favorable dans cette hypothèse où la croissance économique aurait été plus élevée, à ce moment-là nous pourrons partager cette croissance parce qu'il y aura plus de revenus de l'État. Et cette annexe, M. le Président, du projet de loi dont nous discutons prévoit, donc, exactement ces clauses-là. Et, à chaque année, on retrouve cette possibilité, pour les travailleurs de l'État et donc pour les procureurs de la couronne et les juristes de l'État ici, de se voir... au-delà des paramètres et des taux des échelles de traitement prévus à l'article 1 de l'annexe, de prévoir une somme additionnelle, cette somme additionnelle provenant de la croissance économique additionnelle. Voilà pourquoi, M. le Président, et je pense que je suis très directement sur la question du député de Chicoutimi, voilà pourquoi, M. le Président, c'est comme les autres employés de l'État... mais ce cadre de cinq ans, pour justement permettre aussi cette récupération par la suite.

M. le Président, puisqu'on parle du cadre financier du gouvernement, on parle aussi de la loi n° 40 et de la loi n° 100, hein, c'est directement pertinent à cet article, la loi n° 40 et la loi n° 100. Et vous me permettrez, en tant que parlementaire qui a participé personnellement à trois débats de ce type en vertu de cette procédure prévue à notre règlement, de souligner avec... avec étonnement parfois que nous avons ces débats où encore une fois maintenant, à près de 2 heures du matin, donc 3 h 30, nous n'avons pas encore adopté l'article 1. C'était la même chose lors de la loi n° 40 et de la loi n° 100, M. le Président, loi n° 40 d'ailleurs qui prévoyait ce retour à l'équilibre budgétaire auquel l'opposition s'est férocement... combattu.

Le Président (M. Gendron): Alors, si vous voulez conclure. Si vous voulez conclure.

M. Bachand (Outremont): Oui, ce que je conclus, c'est que ces lois auxquelles l'opposition a férocement combattues, aujourd'hui... les positions de François Legault qu'il tenait à l'époque, du député de Rousseau aujourd'hui... accepte le retour à l'équilibre budgétaire, accepte qu'il soit en 2013-2014, accepte les principes des projets de loi nos 40 et 100, là, M. le Président, alors s'est particulièrement intéressé de voir qu'on a ces longs débats qui malheureusement... Moi, je pense qu'on est prêts à voter l'article 1, M. le Président.

Le Président (M. Gendron): M. le leader de l'opposition officielle.

M. Bédard: M. le Président, comme on est dans le cours d'économie 101, je vais dire, ça me fait plaisir, on a un témoin de première main. Vous savez, la règle du ouï-dire: normalement, quelqu'un ne doit pas rapporter les propos d'un autre. Là, on a le témoin principal, la règle de la meilleure preuve s'applique. On va même avoir peut-être les documents qu'on a besoin. Je suis content d'entendre le ministre des Finances et je le salue.

La première chose, c'est qu'il nous dit: Il y a une clause d'indexation qui va permettre de participer à l'enrichissement collectif. Au ministre des Finances, je vais lui poser deux questions.

Si le salaire moyen des procureurs de la couronne de l'Ontario est de 185 000 $, si, en général, le taux d'inflation et, je vous dirais, le taux d'accroissement de la richesse devraient, souhaitons-le, être au même niveau -- on peut le souhaiter, au mieux les dépasser, mais on reste dans les mêmes horizons -- 3 % de 185 000 $, c'est 5 550 $, 3 % de 85 000 $, c'est 2 550 $, j'aimerais savoir par quel effet magique cette clause aura un effet sur le rattrapage entre les conditions des salariés, des procureurs et des juristes de l'État vis-à-vis ceux des autres provinces et particulièrement l'Ontario. Alors, je suis prêt à avoir mon cours 101, M. le Président, sur cette question.

La deuxième, comme nous avons un témoin de première main, tantôt j'ai posé la question, il était... il a dû se sentir interpellé, c'est peut-être pour ça qu'il parle à ce moment-ci. J'ai demandé à la ministre... Soyons cohérents. Elle me parlait de cadre financier. Alors, peut-il nous déposer, lui... Il a le document sûrement, il ne peut pas l'assigner avec son budget, mais il doit sûrement avoir le cadre financier dans lequel il a établi la négociation des médecins spécialistes. Est-ce qu'il peut nous déposer ce cadre financier aujourd'hui pour être cohérent avec ce qu'a dit la présidente du Conseil du trésor?

**(1 h 50)**

Le Président (M. Gendron): Alors, Mme la ministre ou M. le ministre des Finances.

M. Bachand (Outremont): Oui, M. le Président. J'aurai la même réponse que ma collègue. À l'époque des médecins spécialistes, je n'étais pas ministre des Finances, d'ailleurs ma collègue était ministre de l'Éducation aussi. Alors, je n'ai pas ces documents ni la mémoire pour répondre à la question du député de Chicoutimi sur cela.

L'autre question, est-ce que... Quant à sa première question, ma collègue ajoutera sûrement quelque chose. Est-ce que le député de Chicoutimi suggère que l'ensemble des paramètres qui gèrent le gouvernement du Québec soient copiés sur ceux de l'Ontario, y compris nos paramètres sociaux?

M. Bédard: Honnêtement, pour un cours d'économie 101, là, je pense qu'on est loin, là. Ce que le ministre nous disait, il invoquait qu'il était équitable avec les employés en leur permettant un rattrapage parce qu'il y avait des clauses, je vous dirais, de participation à l'enrichissement collectif. Ce que je lui ai dit, c'est que, comme l'écart est important actuellement avec les autres employés ailleurs au Canada et que la ministre nous dit, depuis maintenant je ne sais pas combien d'heures, qu'elle constate cet écart mais qu'elle ne peut y donner suite parce qu'elle n'a pas la capacité de payer, il nous dit...

Et, moi, je lui demande depuis tantôt de restreindre l'application de la loi à un délai précis au lieu de 2015. Il nous dit: Non, non, je protège les employés en leur permettant un enrichissement si le taux d'inflation, mais surtout, évidemment, le taux d'enrichissement, l'augmentation du PIB était plus importante que celle qui était prévue. Alors, j'ai posé la question suivante: Comme l'Ontario risque d'avoir -- en tout cas, souhaitons-le -- soit un peu mieux, soit un peu moins mais dans les mêmes proportions, est-ce qu'il ne pense pas que, si on continue sa logique, l'écart qui existe entre nos juristes et nos procureurs va continuer à s'agrandir et que finalement ce que prévoit son projet de loi, en plus de ne pas prévoir de rattrapage... Et c'est ça qui est le plus grave, c'est qu'il a pour effet, au contraire, d'augmenter l'écart qui existe entre le traitement qui est accordé à nos juristes, à nos juristes et aux procureurs de la couronne versus ceux qui existent ailleurs au Canada. Est-ce que le ministre nous confirme qu'avec les chiffres qu'il nous a donnés, cet écart va aller en augmentant du moins assurément jusqu'en 2015 s'il ne change pas le délai qui est prévu dans la loi?

Le Président (M. Gendron): Mme la ministre.

Mme Courchesne: M. le Président, je pense qu'il faut être prudent dans cette démonstration, parce que je rappellerai au député de Chicoutimi qu'en ce qui concerne les juristes le gouvernement ontarien a gelé les salaires. Les salaires de tous les employés de l'État ontarien sont gelés, qui est une dimension qui est importante, ce que nous n'avons pas fait et ce que nous ne faisons pas jusqu'en 2015. Alors, je crois que, dans ce sens-là... et pas que l'Ontario, M. le Président, il y a d'autres provinces qui ont gelé leurs salaires, alors que, nous, nous continuons de les augmenter.

Le Président (M. Gendron): Alors, de toute façon, le temps étant terminé, est-ce que l'article 1 est adopté?

M. St-Arnaud: Est-ce que le député du Lac-Saint-Jean avait terminé son temps aussi?

Le Président (M. Gendron): Non. Le député de Lac-Saint-Jean peut poursuivre à l'article 1. Je voudrais juste signaler que le temps qui vous est imparti...

M. St-Arnaud: Il a une petite intervention.

Le Président (M. Gendron): ...M. le leader de l'opposition, le temps est imparti. Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean, vous voulez poursuivre?

M. Cloutier: Merci, M. le Président. Bien, on voit bien l'importance d'avoir une étude à jour, M. le Président. Parce que, là, on aborde le cas de l'Ontario, puis la ministre nous dit que les salaires ont été gelés. Bon. Très bien. Je veux bien. Dans un article publié le 9 février, Yves Boisvert écrit qu'«il y a 10 ans le gouvernement ontarien a dû augmenter de 30 % les salaires des procureurs de la couronne». À Toronto, contrairement à ce qui se passe ici, au Québec, «on peine à retenir les procureurs fédéraux» parce que les procureurs fédéraux veulent passer du fédéral à la province de l'Ontario. Alors, «les meilleurs peuvent gagner plus de 200 000 $ en comptant les primes au mérite. Au bas de l'échelle, un procureur ontarien touche 76 000 $.» Ça, c'est en commençant. Alors, «quatre ans plus tard, ce blanc-bec en est à 105 000 $ -- déjà le maximum québécois. Suivent deux autres séries d'échelons qui peuvent les mener au maximum. Mais, sauf incompétence, le procureur moyen en Ontario atteindra 185 000 $ avant 15 ans d'ancienneté.»

Ce que je dis à la ministre, c'est: Si effectivement les procureurs en Ontario ont été gelés, force est de constater qu'il y a une disparité flagrante entre les procureurs du Québec et les procureurs de l'Ontario. Ce que je vous dis: Ce que ça vient justifier, c'est la nécessité d'une négociation en toute liberté avec le gouvernement du Québec, chose qui... évidemment on ne fait pas à l'heure actuelle.

Alors, si la ministre veut commenter ou... Elle a son étude. La ministre disait tout à l'heure qu'elle avait une étude de son ministère au Conseil du trésor. Peut-être pourrait-elle nous dire le salaire moyen d'un procureur... des procureurs en Ontario.

Une voix: M. le Président, c'est à vous.

Le Président (M. Gendron): Oui, je le sais. Et je laisse la parole à Mme la ministre, parce que, moi, je ne réponds pas...

Mme Courchesne: Monsieur le...

Le Président (M. Gendron): ...je ne distribue que les droits de parole. Alors, Mme la ministre, à vous.

Mme Courchesne: M. le Président, si on veut parler de l'Ontario et du salaire des procureurs ou juristes de l'Ontario, il faut quand même rappeler, M. le Président, qu'acheter une maison à Toronto, acheter une maison à Montréal, ou à Québec, ou à Chicoutimi, honnêtement, M. le Président, ce n'est pas tout à fait la même chose. Si on veut comparer, M. le Président, l'Ontario et le Québec, on peut aussi se dire que, comme société, nous avons fait de bons choix, de bons choix sociaux, comme par exemple des garderies à 7 $, comme par exemple des droits de scolarité beaucoup moins chers que dans les autres provinces, comme par exemple un régime d'assurance parentale fort généreux, comme par exemple un régime d'assurance médicaments fort généreux, et j'en passe, M. le Président.

Alors, il faut faire attention quand on fait ces comparatifs, il faut comparer des pommes avec des pommes, M. le Président. Et c'est pour ça que de plus en plus, dans ces études comparatives, il est souhaitable de ne pas nécessairement se baser sur l'indice des prix à la consommation, l'IPC, bien que, dans l'exemple que souligne notre collègue du Lac-Saint-Jean, il est évident qu'il faut aussi qu'il nous dise, dans sa démonstration et sa phrase, que ça coûte beaucoup plus cher vivre en Ontario qu'au Québec, et qu'il y a des programmes sociaux qui sont plus généreux ici, et que donc, pour certaines dépenses et investissements, le contribuable, ou le procureur, ou le juriste ontarien doit débourser bien davantage.

Mais je dirai aussi que ce qui est préférable pour évaluer les écarts, c'est d'utiliser plutôt le critère du PIB. Pourquoi? Parce que le critère du PIB, c'est celui de notre richesse collective, c'est celui de notre capacité de payer. Alors, si, par exemple, j'utilise les données du Conseil du trésor et que je... on regarde le rapport moyen salaire par PIB, je vous dirai que l'écart se situerait entre 9 % et 14 % et non pas 40 %. Mais je vais quand même lui dire que, si on le fait par rapport à l'IPC -- et ça, c'est des données, là, au 1er juillet 2009, 2009 -- si on le fait par rapport à l'IPC, l'écart est plus substantiel. Mais, dans toutes les...

Des voix: ...

Mme Courchesne: ...dans toutes les études actuelles, ce qui est utilisé, c'est effectivement par rapport au PIB. Donc, c'est pour ça que c'est important que nous puissions élaborer, déterminer ces critères et paramètres conjointement avec les procureurs et les juristes.

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Merci, M. le Président. Pour le bénéfice de nos travaux, est-ce que c'est possible d'avoir une copie du document auquel la ministre vient de faire référence?

**(2 heures)**

Le Président (M. Gendron): La question est posée. Est-ce que c'est possible d'avoir une copie du document que vous avez cité?

Mme Courchesne: Bien, M. le Président, il est annoté. Alors, si vous me permettez, je pourrai vous le faire parvenir, mais je conserverais ma copie annotée.

M. Cloutier: Pour le bénéfice de mon collègue, là, qui ne peut plus prendre la parole parce que son temps est écoulé sur l'article 1, on pourrait peut-être procéder à...

Une voix: C'est une bonne suggestion.

M. Cloutier: ...à l'article 2. Voilà. Exactement.

Le Président (M. Gendron): Un instant! Est-ce que l'article 1 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Gendron ): Adopté?

M. Cloutier: Bon, bien, sur division.

Le Président (M. Gendron): Sur division. Je m'en doutais, mais ce n'est pas à moi à le dire. Alors, adopté sur division.

Article 2. Est-ce que, Mme la ministre, vous avez des choses à nous dire concernant l'article 2?

Mme Courchesne: Est-ce que vous souhaitez que je le lise, M. le Président?

M. Cloutier: Oui.

Le Président (M. Gendron): Ce serait une bonne idée.

Mme Courchesne: Ce serait une bonne idée, hein?

Le Président (M. Gendron): Bien sûr.

Mme Courchesne: Bon. Alors, je vais m'exécuter. «2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

«"association": l'Association des juristes de l'État, accréditée selon les articles 66 et 67 de la Loi sur la fonction publique et -- en fait, (L.R.Q., chapitre F-3.1.1) -- l'Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, reconnue par le Directeur des poursuites criminelles et pénales selon l'article 10 de la Loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (L.R.Q., chapitre R-8.1.2), ainsi que toute association qui succède à l'une ou à l'autre de celles-ci;

«"organisme public": le gouvernement, un ministère ou un organisme à l'égard duquel une association est accréditée ou reconnue pour représenter des salariés;

«"salarié": un avocat ou un notaire nommé suivant la Loi sur la fonction publique ou un procureur visé à l'article 25 de la Loi sur le Directeur des poursuites criminelles et pénales (L.R.Q., chapitre D-9.1.1), qui, le 20 février 2011, est représenté par une association ou qui le devient par la suite.»

Le Président (M. Gendron): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a des questions sur les trois termes définis à l'article 2? Alors, j'entends le député de Chambly...

M. St-Arnaud: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Gendron): ...pour ses questions.

M. St-Arnaud: Effectivement, Chambly. M. le Président, il est toujours question, à cet article, des procureurs de la couronne notamment, et ça va me permettre de poursuivre sur les discussions qui ont eu lieu au cours de la dernière heure.

M. le Président, moi, j'ai beaucoup de difficultés à comprendre la position du gouvernement et de la ministre. Ce que je comprends, là, c'est qu'aujourd'hui on est en train d'adopter le projet de loi n° 135 qui va décréter les conditions de travail des juristes de l'État et des procureurs de la couronne jusqu'en 2015. Et la ministre nous dit: Une fois qu'on va avoir... Là, on va adopter le projet de loi, ils vont retourner au travail; l'annexe I, dont il a été fait référence précédemment, détermine les conditions de travail des salariés. Ce sont essentiellement les paramètres salariaux, comme on a vu à l'article précédent, qui ont été convenus entre le gouvernement et la majorité des associations de salariés du secteur public. Alors là, on adopte ça ce soir, ça va jusqu'au -- cette nuit, ce matin -- ça va jusqu'au 31 mars 2015. Et là la ministre nous dit: Mais ce n'est pas la fin, ce n'est pas la fin, on va arriver -- je reprends les paroles de la ministre -- on va arriver à s'entendre, on va arriver à s'entendre, il y aura un demain et un après-demain. Je vous avoue que j'ai beaucoup de difficultés, M. le Président, à suivre. Les procureurs avaient littéralement un couteau sur la gorge, qui est cette loi spéciale qu'ils voyaient venir depuis plusieurs jours, et il n'y a pas eu d'entente. Et là la ministre nous dit: Là, il va y avoir une loi-bâillon, on va avoir, pour une deuxième fois en 10 ans, décrété les conditions de travail des procureurs de la couronne et des juristes de l'État jusqu'en 2015, là ils vont avoir une loi-bâillon dans la gorge, puis là, tout à coup, il va se créer un climat qui va permettre de négocier? J'ai beaucoup de difficultés à suivre, M. le Président, cet argument qui dit qu'à partir de maintenant ce n'est pas la fin, ce n'est pas la fin, on va arriver à s'entendre. Je vous avoue, là, que, moi, ça me dépasse.

Je veux revenir à un élément, M. le Président. La ministre nous dit: Il y a une chose qui est claire, on ne s'entendra pas sur le rattrapage salarial. C'est essentiellement ça que vous dites. Vous dites: Il n'est pas question de toucher aux échelles salariales. Si on négocie, ça va être sur des choses en parallèle, là. La ministre a fait référence à un certain nombre de choses en parallèle. Mais le problème, M. le Président, puis... Le problème de l'écart salarial entre les procureurs québécois et les procureurs fédéraux, par exemple, ou les procureurs des autres provinces, il reste là. Pire que ça, comme l'a démontré tantôt le député de Chicoutimi, il risque même de s'accroître, en fonction de l'entente qui est à l'annexe I, au fil des ans. Et, moi, j'ai beaucoup... j'essaie de comprendre, M. le Président.

Il y a un problème, là, majeur -- on va se dire les vraies choses, là. Les procureurs de la couronne -- je vais me contenter des procureurs de la couronne parce que je les connais mieux, parce que je les ai côtoyés pendant plusieurs années dans les palais de justice -- les procureurs de la couronne sont sous-payés au Québec. Ça, je pense qu'on peut convenir de ça. Il y a un indicateur qui nous permet d'évaluer ça, c'est de le comparer avec le salaire, j'y faisais référence cet après-midi, de comparer le salaire d'un procureur avec le salaire d'un juge de juridiction provinciale, comme on dit, donc, ici, un juge de la Cour du Québec -- dans les autres provinces, ça porte un autre nom -- et, quand on compare ça, on voit que les procureurs de la couronne du Québec sont bons derniers, parce que, par exemple, par rapport à un juge ontarien, le procureur gagne 79 % du salaire du juge ontarien; en Colombie-Britannique, le procureur de la couronne gagne 72 % du salaire du juge provincial; au Manitoba et en Saskatchewan, c'est 64 %; au Québec, c'est 42 %. Donc, le procureur québécois gagne moins de la moitié du salaire d'un juge, alors qu'en Ontario il gagne 80 % du salaire d'un juge. Présentement, M. le Président, là, la ministre est consciente qu'on a un problème, là. Les procureurs de la couronne... Il y en a un, là, tout récemment -- on me donnait cet exemple-là -- qui gagnait 80 000 $ comme procureur québécois. Il est passé de la rue Saint-Antoine à la rue René-Lévesque, donc est devenu procureur fédéral, et là il est passé tout à coup, du jour au lendemain, à 105 000 $, 110 000 $, avec, vous le savez, Mme la ministre, beaucoup plus de moyens, beaucoup plus de support pour exercer profession.

Ça, ça... C'est parce que je ne le vois pas dans... je ne le vois pas, M. le Président, dans la proposition de la ministre. Il me semble que c'est une question... il me semble que c'est une question centrale. La ministre nous dit: On ne touchera pas à ça. On va peut-être essayer des petites choses ici, à droite, là, à certaines personnes, pas à tous les procureurs, à certains, des primes d'éloignement, on va essayer d'ajouter des choses à gauche et à droite. Mais, le problème, il va... le problème va demeurer.

Nos meilleurs procureurs, là... J'en ai nommé aujourd'hui. Me Randall Richmond, qui était procureur de la couronne depuis 30 ans à Montréal, il a décidé de s'en aller au fédéral, où il va gagner quelques dizaines, plusieurs dizaines de milliers de dollars de plus pour le... Puis non seulement, j'allais dire, pour le même travail, mais en fait, quand on sait ce que les procureurs... quand on sait, M. le Président, ce que les procureurs fédéraux font, je vais vous dire, ils ont une tâche, dans bien des cas, qui est beaucoup plus allégée. Moi, j'ai pratiqué, puis je voyais les procureurs fédéraux arriver au palais de justice. Ils avaient un dossier, puis il avait tout été monté par un recherchiste, puis c'était presque une farce de voir le procureur du gouvernement fédéral arriver avec son dossier pour une infraction pénale à une loi fédérale, puis c'était son seul dossier, puis il venait passer trois, quatre heures au palais de justice de Montréal pour plaider son petit dossier, pendant que le procureur québécois, lui, de la couronne provinciale, lui, il avait à peu près 30 dossiers, puis il avait à peu près 70 témoins puis 30 enquêteurs, puis il fallait qu'il gère ça, puis il n'avait pas eu le temps de se préparer, il faisait ça sur un coin de table.

Je ne vois pas de solution dans ce que vous faites présentement, et ça me préoccupe parce que... et je pense que ça préoccupe aussi les procureurs de la couronne. Je parle d'eux, là. Je pourrais parler des juristes, mais je vais me concentrer sur les procureurs parce que, comme je vous dis, je les connais bien, et je ne vois pas de solution à ça. Les procureurs vont continuer de s'en aller vers le fédéral. On va perdre nos meilleurs. Je vous parle de Me Randall Richmond, c'était un de nos meilleurs. Il faisait des procès de meurtre, il faisait des procès de crime organisé, puis, à un moment donné, bien il s'est tanné puis il est rendu au fédéral. C'est quoi... Quelle est la piste de solution que la ministre a en tête? C'est ma question, M. le Président.

**(2 h 10)**

Le Président (M. Gendron): Je sens que ça finissait par ça, là, une question. Alors, je cède la parole... Parce que la ministre m'indique que c'est le ministre des Finances qui va répondre. Alors, M. le ministre des Finances, à la question posée.

M. Bachand (Outremont): Oui. À la question posée... Il y avait trois... plusieurs éléments dans la question posée. Je vais prendre le premier -- peut-être que ma collègue voudra prendre les autres -- parce que le coeur de la question posée concerne les comparaisons entre les gens du Québec et les gens d'Ottawa. Est-ce que notre cher collègue veut faire comme ses collègues du Bloc? Les députés ici sont payés autour de 80 000 $. À la Chambre des communes, on m'indique que c'est 165 000 $. Est-ce que, moi, je vais... Moi, j'ai choisi de travailler ici, et ce n'est pas parce qu'il y a un écart de salaire qu'on va tous traverser du côté du Bloc québécois, du côté de la Chambre des communes, M. le Président.

Alors, quand on regarde globalement ces exemples-là, la comparaison entre les gens du Québec et les gens de l'Ontario, il faut faire très attention. On a une préoccupation, au gouvernement du Québec, hein, c'est de fournir des services aux citoyens. Et on a une qualité de fonction publique exceptionnelle dans tous les secteurs, au Québec. Je peux en témoigner au ministère du Développement économique, je peux en témoigner au ministère des Finances, où j'ai côtoyé des gens d'une qualité exceptionnelle, les juristes de l'État, M. le Président. Parce que je suis un des ministres qui a fait beaucoup, beaucoup de législation depuis cinq ans, maintenant, que je suis ici. Je serai ministre depuis cinq ans la semaine prochaine et j'ai côtoyé des juristes de l'État, des gens du Comité de législation, au niveau central, comme Me Sormany, qui est ici. Mais, l'ensemble des juristes dans nos ministères, qualité exceptionnelle de juristes.

Ces gens-là, non, ils n'ont pas le même salaire que les gens à Ottawa. Mon sous-ministre des Finances n'a pas le même salaire. Celui qui gère les transactions sur les 125 milliards de dette du Québec n'a pas les mêmes salaires que dans le marché privé ou qu'à Ottawa. Mais ce sont des gens qui ont aussi d'autres considérations, M. le Président.

Alors, il faut mettre les choses en contexte. Ce qui est important, c'est d'assurer que nos employés de l'État, juristes et procureurs de la couronne, aient des conditions de travail satisfaisantes. Malheureusement, la négociation n'a pas réussi, et ça fait deux semaines que les tribunaux sont paralysés. Voilà pourquoi... Et c'est triste, mais il faut arriver à ce projet de loi, M. le Président. Mais il faut faire attention, malgré l'effort qu'on a, aux comparaisons qui sont faites devant nous. Peut-être que ma collègue voudra compléter ou... à ce moment-ci...

Le Président (M. Gendron): Oui, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: C'est que je ne vois pas de piste de solution à l'horizon. Avec la...

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Non, non, mais c'est parce qu'il faut le vivre sur le terrain. M. le Président, je ne veux pas m'adresser directement à la présidente du Conseil du trésor, mais j'aurais le goût de lui dire, là... Je ne sais pas si elle a beaucoup visité nos palais de justice puis...

Une voix: ...

M. St-Arnaud: Vous savez, là... Non, mais, si elle... En tout cas, je vais vous dire, M. le Président... Non, mais, M. le Président, la présidente du Conseil du trésor devrait savoir, et sait probablement, à quel point il y a ce transfert entre les procureurs québécois vers le fédéral. C'est constant. C'est régulier. C'est nos meilleurs. Et ils font quelques années chez nous, et après ça ils transfèrent au fédéral. Puis c'est pour un salaire qui n'est pas... est loin d'être comparable et dans un contexte professionnel qui est loin d'être comparable. Je le disais tantôt, là, mais, les procureurs fédéraux, là, ils ont des recherchistes, les dossiers sont montés, c'est tout beau, ils vont plaider un dossier au palais de justice. Les procureurs québécois, ils se promènent avec des chariots parce qu'ils en ont 30, puis ils ont 30 accusés, puis ils ont 30 enquêteurs, puis ils ont 60 témoins. Puis ils n'ont pas de recherchistes. On l'a dit, sept recherchistes, puis 500 en Ontario.

Puis, au fédéral, ils ont de l'équipement, ils ont des gens qui font leur... qui recherchent leur jurisprudence. Quand, M. le Président... Je donnais des témoignages cet après-midi. Il y a des procureurs qui nous disent: Écoutez, moi, là, je n'ai même pas le temps de regarder la jurisprudence. Je prends mon Code criminel annoté puis je lis les trois lignes, là, qui sont en rapport avec l'article en question, puis c'est ça, ma plaidoirie, parce que je n'ai pas le temps de... je n'ai pas le temps de rencontrer des victimes, je n'ai pas le temps de... je n'ai pas le temps de me préparer adéquatement. Il y a des procureurs à Montréal qui font 25, 30 enquêtes préliminaires, qui font 10 procès par jour. Le procureur fédéral, lui, il arrive avec... Il me semble que... Et là l'écart, je ne sens pas... On a, M. le Président...

C'est un problème qui est... qui est... C'est un problème qui existe depuis longtemps. En 2005, le gouvernement s'est fermé les yeux sur le problème, a dit: Tiens, on va en profiter, il y a une loi spéciale, en décembre 2005. Même si les procureurs de la couronne ont un contrat de travail jusqu'en 2007, on va les mettre dans la loi spéciale. On les décrète pour cinq ans, jusqu'en mars 2010. Et là on tient une négociation qui, quant à moi, M. le Président... Avec tout ce que j'ai entendu, moi, je ne pense pas qu'on peut parler d'une vraie négociation. On leur ramène une deuxième loi spéciale jusqu'en 2015 sans toucher au coeur du problème qui est cet écart salarial entre... Prenons seulement les... le Québec et le procureur fédéral, qui travaille avec de plus grands moyens, avec plus de soutien, avec des moyens professionnels dignes d'un procureur, M. le Président...

Alors, je lance ce cri du coeur parce qu'il me semble... il me semble sincère, de la part des procureurs. Je les ai côtoyés, M. le Président, je suis membre du Barreau depuis 28 ans, j'ai pratiqué pendant 15 ans, puis, pendant sept, huit ans, j'ai fréquenté le palais de justice à tous les jours. Ça fait que les procureurs de la couronne, je les connais, je connais leurs conditions de travail puis je trouve qu'ils n'ont pas des conditions de travail puis des moyens professionnels.

Et ce qui me déçoit de l'attitude du gouvernement présentement, c'est que je ne vois pas de solution à l'horizon à ce problème, si ce n'est que la ministre nous dit: Bien, on va essayer de s'entendre sur un certain... sur des conditions normatives. Évidemment, le climat va être très propice à s'entendre au cours des prochains mois et des prochaines années! Ça, on n'en doute pas, après les événements de la dernière journée et les événements de ce matin. La ministre dit: On va essayer de s'entendre. Mais le problème de fond, il va demeurer, Mme la Présidente. Puis je le pose avec le plus de sincérité possible puis en faisant le moins de politique partisane possible. Il y a... Où est la solution? Je ne la vois pas dans le projet de loi n° 135, je ne la vois pas dans les intentions de la ministre, de dire: Oui, on peut peut-être trouver des petites solutions, des primes d'éloignement puis des petites choses comme ça, mais ça ne règle pas le problème fondamental. Au contraire, l'écart, comme l'a dit le député de Chicoutimi tantôt, compte tenu de l'annexe I, l'écart risque de s'accroître au fil des années. C'est quoi? On s'en va où avec ça?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est votre question, M. le député de Chambly?

M. St-Arnaud: C'est la question, Mme la Présidente, et nous vous saluons.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je me... Je vous salue également. Alors, la question est posée. M. le ministre des Finances.

M. Bachand (Outremont): Merci, Mme la Présidente. Ça fait plaisir de vous voir. J'espère que vous avez fait un bon dodo pour... avant de reprendre...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): ...dodo...

M. Bachand (Outremont): Ah! O.K.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): ...mais je vous ai écouté quand même.

M. Bachand (Outremont): Ah! c'est bien, Mme la Présidente. Je suis content de savoir que vous êtes passionnée par nos débats, mais c'est vrai que c'est un sujet important, et notre collègue -- j'allais dire votre nom -- mais le député de Chambly le soulève à juste titre, c'est la même question qui se pose d'ailleurs pour tous nos employés de l'État, de s'assurer, parce qu'ils sont au service des citoyens... Les procureurs de la couronne jouent un rôle particulièrement important dans l'État, et on salue toujours, on salue tous, là, leur dévouement et le travail, de même que les juristes de l'État. Parce qu'on oublie, on parle de procureurs, mais les juristes, que, moi, je côtoie plus, hein, vous côtoyez plus les procureurs dans votre... dans votre carrière...

Ceci étant, je voudrais quand même souligner que ma collègue... un geste très concret que ma collègue pose et que le gouvernement pose pour améliorer les conditions de travail des procureurs, c'est l'ajout de 80 procureurs, parce que la surcharge de travail, évidemment qui est réelle, va être allégée par cet ajout de 80 procureurs. Cette clause normative qu'on retrouve ici, au projet de loi, Mme la Présidente, parce qu'au projet de loi... Et je suis sûr qu'on ne se rendra pas, puisqu'on n'est même pas à l'article... on est à l'article 2 et nous avons 80 % du temps d'écoulé, maintenant, sur l'article par article, il en reste maintenant 18 %, à 2 h 20 du matin, mais l'horaire spécial de travail, à l'article 7, monsieur...

Une voix: ...

**(2 h 20)**

M. Bachand (Outremont): ...à l'article 7... J'entends ma collègue; ne me faites pas rire à ce moment-ci. L'article 7 prévoit l'horaire spécial de travail, mais voilà un autre article qui va permettre aux dirigeants d'un organisme de reconnaître aux juristes de l'État et aux procureurs qui travaillent plus que 35 heures, 37 h 30 min, de reconnaître ce temps-là additionnel et donc améliorer leurs conditions de travail. Et ça sera une rémunération additionnelle qui leur sera versée, Mme la Présidente.

Je soulignerais aussi le geste que ma collègue a annoncé ce matin, en plus des 80 procureurs: 40 employés additionnels, soutien, techniciens, recherchistes. Leur dirigeant, le DPCP, décidera lesquels exactement, mais c'est vrai que, parmi les conditions de travail normatives des procureurs, la surcharge de travail, mais aussi parfois ne pas avoir l'aide pour se concentrer sur son métier de base de procureur, mais monter ses dossiers et faire de la recherche, avoir ses dossiers, alors c'est 40 personnes de soutien. Voilà un geste quand même considérable, aussi, qui est posé.

Quant au reste, M. le Président, on aurait souhaité être capables de discuter, de négocier de l'ensemble. Malheureusement, ça n'a pas été possible. Et je pense que ma collègue va, en complément sur le deuxième élément de votre question, apporter un complément de réponse.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor, en complément d'information.

Mme Courchesne: Merci, Mme la Présidente. Le député de Chambly souligne des situations qui effectivement... pour lesquelles on n'est pas à l'abri, c'est-à-dire que surtout, je le disais un petit peu plus tôt, surtout dans les... avec les enjeux démographiques que nous avons, nous avons des enjeux importants pour faire en sorte effectivement, je l'ai mentionné, qu'on puisse maintenir, recruter, garder et maintenir notre fonction publique, mais garder et recruter les meilleurs.

Cela dit, Mme la Présidente, je veux m'adresser au député de Chambly, parce que je suis convaincue, et le DP... Me Dionne me l'a confirmé, c'est vrai que certains procureurs vont quitter pour le gouvernement fédéral, par exemple. Mais j'aimerais qu'il m'explique: Comment se fait-il, comment se fait-il que, pour l'année qui se termine, 2010-2011, il n'y a que cinq procureurs qui ont démissionné? Alors, tu sais, il n'y en a que cinq, là, j'ai les chiffres devant moi, là.

Une voix: ...

Mme Courchesne: Non, non, je ne parle pas de la même chose. Non, des vraies démissions. Non, je ne parle pas de ceux d'aujourd'hui, là. Je parle... Puis, ceux d'aujourd'hui, ils ont démissionné de leurs postes de patron, mais ils vont être encore procureurs demain. Et, dans ce sens-là, comment se fait-il donc qu'il n'y en a que cinq? La pire année a été 2009-2010; il y en a eu 17. Ça, c'est 4 %, 4 % des effectifs. Cinq, c'est 0,9 % des effectifs.

Alors, Mme la Présidente, tu sais, je comprends qu'il y a là une compétition, comme il y en a qui peuvent décider d'avoir des conditions plus avantageuses dans l'entreprise privée. Mais notre collègue ministre des institutions démocratiques aujourd'hui nous disait, par exemple, que le salaire moyen dans l'entreprise privée, pour les salariés, quelqu'un qui a entre 11 et 20 ans d'expérience, la moyenne des salaires pour les avocats dans le privé, c'est 104 000 $; la moyenne de ceux qui ont moins de 10 ans, c'est 67 000 $; la moyenne de ceux qui ont plus de 30 ans d'expérience, c'est 112 000 $.

Alors, c'est sûr qu'il y a dans ce marché, puis je n'aime pas cette expression, mais c'est évident qu'il y a des endroits où il peut y avoir des conditions salariales plus avantageuses. Mais, quand on regarde les statistiques, quand on regarde les chiffres qui sont compilés par le Barreau, bien je ne pense pas, là, qu'on soit dans une situation aussi... bien que je suis d'accord qu'il faille être vigilant, qu'il faille regarder ces situations de près, mais il faut faire attention, là. Il y en a cinq qui ont démissionné cette année. Peut-être que, sur les cinq, il y en a trois, je ne sais pas combien, peut-être même les cinq sont allés au gouvernement fédéral. C'est possible. Mais c'est cinq sur 450.

Et je rappelle qu'il y a 1 310 avocats qui sont sur les listes de déclaration d'aptitudes. Puis, sur les 1 310, il y en a 145 qui ont plus de 10 ans. C'est donc dire que ces gens-là, s'ils sont sur les listes de déclaration d'aptitudes, c'est parce qu'ils souhaitent venir travailler au gouvernement du Québec et que ces gens-là... Je suis certaine qu'ils n'ont pas fait les concours pour le plaisir de faire des concours, là. C'est parce qu'ils ont réfléchi, ils y ont pensé, ils ont pesé le pour et le contre et ils ont... ils sont prêts à faire ce choix.

Et je veux juste qu'on remette les choses en perspective. Je ne suis pas en train de dire ça pour faire en sorte qu'il ne faille pas se préoccuper de façon beaucoup plus large de ces questions d'embauche, de recrutement et de rétention, parce que, ce que soulève le député de Chambly, il faut avoir cette préoccupation-là pour les procureurs et les avocats, mais il faut l'avoir aussi pour les ingénieurs puis il faut l'avoir pour les informaticiens. Il y a des activités en ce moment au gouvernement du Québec où effectivement... surtout lorsque... parce qu'il y a un autre phénomène de société, les jeunes sont beaucoup plus mobiles, les jeunes n'ont pas cette tendance de faire de très longues carrières aux mêmes endroits; ça, c'est un changement par rapport à la dernière décennie. Il y a des phénomènes qu'il faut s'expliquer. Je ne suis pas en train de dire que les conditions de travail ne sont pas un élément important, bien au contraire, mais je dis simplement qu'il faut quand même, à partir de la réalité, nuancer aussi les faits, les faits et les réalités qui sont devant nous.

Parce que mon collègue ministre des Finances a raison de dire que, si on compare exclusivement avec le gouvernement fédéral, c'est évident que le niveau des salaires, au gouvernement fédéral, n'est pas comparable à celui d'aucune province. Ce n'est pas juste pas comparable au Québec, ce n'est pas comparable à aucune des provinces et souvent même pas comparable avec l'entreprise privée, Mme la Présidente, là, il faut être conscient de ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. D'accord. Vous avez...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant. Vous avez terminé, Mme la ministre? M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Je parlais du fédéral parce que c'est une situation qu'on voit constamment depuis des années, des procureurs qui partent de la couronne provinciale pour aller à la couronne fédérale. Mais j'aurais pu vous parler... Mme la Présidente, quand je parlais de l'écart salarial, j'aurais pu vous parler de toutes les autres provinces du Canada, parce qu'à la fois chez les juristes et chez les procureurs on est bons derniers. On est bons derniers, on est en deçà des conditions qui sont accordées aux procureurs des Provinces maritimes. Non, mais... Et je veux... Vous savez, là... Je présume que la ministre ne veut pas à ce point minimiser le problème, mais, quand c'est rendu que des gens, que des procureurs-chefs, des procureurs-chefs adjoints démissionnent en disant: On n'a plus les moyens de mener la bataille... Des gens comme Me Chartrand, qui a 30 ans d'expérience, qui est directeur au BLACO, lui, là, ça ne lui donne rien, là, de démissionner. Au contraire, c'est quelqu'un de convaincu puis de convaincu par... comme un missionnaire, là, il a une mission puis il lutte, là, contre le crime organisé. Ça ne lui donne rien, là, lui, mais il a décidé, avec d'autres procureurs-chefs et procureurs-chefs adjoints, de quitter. C'est donc, je pense, qu'il doit y avoir un certain problème, hein?

Et j'aimerais, à cet égard-là, Mme la Présidente, parler des avocats qui sont payés via un mandat d'aide juridique dans les causes de meurtre, de mégaprocès, et notamment le procès qui découle de l'opération SharQc, le procès des Hell's Angels. Le gouvernement du Québec, le gouvernement libéral a décidé d'octroyer certains tarifs -- il y a eu même une loi qui a passé ici, qui a été adoptée ici l'an dernier -- certains tarifs aux avocats de la défense qui acceptent des mandats d'aide juridique dans le cadre de mégaprocès. On accorde aux avocats de la défense qui sont dans des mégaprocès... Le procès des Hell's, prenons-le, c'est justement le procès où travaillait Me Giauque, sous la supervision de Me Chartrand, du BLACO. Les avocats gagnent 1 050 $ par jour, avocats de la défense, alors que les procureurs de la couronne... Et ça, c'est pour les clients qui sont admissibles à l'aide juridique en défense. Dans un procès comme celui des Hell's, si les gens sont déclarés admissibles, et il y en a toute une série, d'accusés qui ont été déclarés admissibles, c'est 1 050 $ par jour. Je ne dis pas que c'est trop, mais je dis que c'est 1 050 $ par jour par avocat, dans un procès comme celui-là.

**(2 h 30)**

Or, les procureurs de la couronne, qui font face à ces avocats qui sont payés par l'État via un mandat d'aide juridique, eux, gagnent moins de 400 $. Moi, j'ai... Dans l'article de La Presse du 19 février, on me parlait de 386 $. Donc ça, c'est à peu près le salaire de Me Chartrand ou de Me Giauque, 386 $ par jour, et les juniors, eux, gagnent à peu près... les procureurs de la couronne juniors, à peu près 250 $, 200 $, 250 $ par jour. Il me semble que... Mais tout ce monde-là est payé par l'État, là. Tout ce monde-là est payé par l'État. Comment se fait-il qu'on donne, à même les fonds publics, à des avocats de la défense 1 050 $ par jour pour défendre des gens via un mandat d'aide juridique dans le mégaprocès et qu'en parallèle on ne soit pas capable de donner plus que 386 $ par jour à Me Chartrand, à Me Giauque, presque trois fois moins, aux procureurs de la couronne.

C'est sans parler, Mme la Présidente, du peu de moyens qu'on donne à ces procureurs. Je vois le député de Chomedey, qui est devant moi, Mme la Présidente. Le député de Chomedey, dans son livre qu'il a écrit sur l'affaire Mom Boucher, nous décrit très bien le rôle des procureurs de la couronne. Et je pense que... Je le disais cet après-midi en son absence, mais je pense qu'il y a beaucoup de ses collègues qui devraient prendre connaissance du livre. Quand le député de Chomedey parle de Me Charbonneau, de tout le travail qu'elle a fait comme procureure de la couronne, de Me LeBeuf, en appel...

On n'y va plus, en appel, parce qu'on n'a pas les moyens d'aller en appel. On ne va presque plus en appel au Québec, même si dans certains cas c'est à contrecoeur qu'on n'y va pas, parce qu'on n'a pas les ressources. Et Me Carole LeBeuf, effectivement, le député de Chomedey l'a bien dit dans son livre, est une personne qui s'est spécialisée au fil des décennies... Ça fait au moins 20 ans qu'elle s'occupe des appels. Mais, à un moment donné, là... Comment se fait-il qu'on soit prêt à donner 1 050 $ par jour à des avocats de la défense qui représentent des Hell's Angels dans le cadre de mégaprocès et moins de 400 $, même, dans certains cas, 250 $ ou 200 $, aux procureurs de la couronne?

Et là je vous parle juste de ça. Tout ça, c'est de l'argent public. Mais en parallèle je pourrais vous parler aussi, et c'est un peu ça que Me Chartrand nous dit, de tous les autres Hell's Angels qui ne sont pas défendus via des mandats d'aide juridique, qui ont des ressources financières illimitées, dont les avocats sont parmi les meilleurs au Québec, qui sont accompagnés d'assistants qui font de la recherche pour eux, à la fine pointe de la technologie -- l'arrêt de jurisprudence qui est sorti trois jours avant en Saskatchewan, on l'a sur le plancher du... sur le parquet du tribunal -- alors que Me Chartrand et son équipe, ils sont quelques-uns, ils sont payés deux, trois fois moins cher, ils ont peu de gens autour d'eux. Comment on peut accepter une situation comme ça quand on dit que la lutte au crime organisé, la lutte à la corruption, la lutte aux crimes économiques, la lutte au blanchiment d'argent, c'est une priorité, puis on ne sent pas que les moyens suivent?

On a mis des moyens dans les opérations policières, et, de ce côté-ci, on appuie ces ressources qui ont été mises à la disposition des policiers. Mais il ne faut pas perdre de vue le maillon suivant et le... le procureur. Mais le député de Chomedey connaît bien cette réalité-là. Il y a les policiers qui montent le dossier et qui souvent... Vous le décrivez très bien dans votre livre. Le député de Chomedey décrit très bien la synergie, le lien entre les procureurs, et notamment Me Charbonneau, dans l'affaire de Mom Boucher, et les policiers, dont il faisait partie. Comment... Alors, c'est bien beau, mettre de l'argent dans les opérations policières, parfait, mais le maillon suivant, c'est d'avoir ensuite des procureurs qualifiés, les meilleurs, qui sont prêts à... qui ont des ressources, qui sont rémunérés à la hauteur de leurs compétences, de leur expertise pointue, pour obtenir des condamnations.

Et ce que Me Chartrand nous dit aujourd'hui, c'est qu'avec -- et je conclus en quelques secondes -- ce que Me Chartrand nous dit aujourd'hui, c'est que dorénavant il n'est plus capable de faire face à la musique, de faire face aux avocats de la défense. C'est terrible, sa lettre, là. Je ne la reprendrai pas pour la huitième fois aujourd'hui, là, mais c'est assez terrible, ce qu'il nous dit. Il nous dit, et il vous dit, et il dit au gouvernement: Faites attention! Dans le procès des 150 quelques Hell's Angels, faites attention, parce qu'avec le peu de moyens que les procureurs de la couronne ont, le peu de soutien qu'ils ont, ce n'est pas évident que c'est gagné. Et, s'il fallait qu'il y ait un arrêt des procédures ou un acquittement dans ce dossier-là, c'est des dizaines de millions de dollars dans l'eau, directement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Merci, M. le député de Chambly. Alors, je cède la parole à Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Courchesne: Merci, Mme la Présidente. Je pense que le député de Chambly soulève une question qui a été soulevée passablement dans les médias. Et je voudrais répondre au volet de: Comment se fait-il que les avocats des Hell's, les avocats de l'aide juridique des Hell's sont tant payés? Et je demanderai à mon équipe de compléter si je ne raconte pas l'histoire correctement.

Rappelez-vous, dans le temps... dans le cas du procès SharQc, effectivement c'est un juge qui avait déterminé les salaires des avocats. Et c'était pratique courante que, pour ce genre de mégaprocès, surtout quand ça concerne les Hell's, on laissait le soin aux juges de déterminer ces tarifs. Pourquoi? Parce qu'il arrivait, malgré l'exemple que donne le député de Chambly, que certains de ces membres des Hell's ne puissent pas être représentés, ils ne trouvaient pas d'avocats, ou des avocats ne souhaitaient pas les représenter. C'est pour ça que le gouvernement, l'an dernier, a apporté une modification législative, le député de Chambly y a fait référence aujourd'hui.

Et sincèrement nous espérons que la commission de l'aide juridique fixera des critères, des critères qui permettront d'avoir des tarifs qui ne seront plus aussi considérables, mettons ça comme ça, mais aussi... où il y aura un écart de tarif aussi grand pour défendre des membres des Hell's Angels. Parce que je conviens tout à fait, Mme la Présidente, que, tu sais, ça n'a pas de bon sens, là, dans la perception publique, ça n'a aucun bon sens qu'on ait un écart entre le salaire de nos procureurs et ceux des avocats de l'aide juridique qui défendent les Hell's, que ce soient des écarts aussi considérables que ça. Et nous souhaitons que, par le projet de loi... par la loi adoptée, plutôt, on puisse remédier à cette situation-là. Mais je pense que c'est important de le mentionner, c'est important de le dire.

Et je sens, Mme la Présidente, que le député de Chambly veut compléter, alors on va le laisser compléter sa pensée.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Désolé, M. le député de Chambly, votre temps de parole est terminé. Oui, vous m'avez vue vous dire: C'est terminé, c'est terminé. Mais, par contre, si...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Un instant, un instant, un instant. D'abord, je voudrais m'enquérir, du côté de l'opposition, s'il y a d'autres interventions.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Juste pour compléter, Mme la Présidente, sur l'article 2, on n'avait pas fait encore le tour. Mais mon collègue de Chambly fait référence à la lettre de M. Chartrand, puis je pense qu'à ce stade-ci, à 2 h 40...

Une voix: ...

M. Cloutier: Une très bonne heure pour y retourner et en profiter pour saluer les procureurs qui sont toujours avec nous, fidèles au poste dans les tribunes, de même que ceux qui nous écoutent, là, ailleurs.

Alors, Mme la Présidente, M. Chartrand écrit qu'il n'arrive pas à combler les postes disponibles pour relever l'important défi de l'opération SharQc Québec, pour lequel il a obtenu l'ajout de 16 procureurs: «À ce jour, je n'ai que 10 procureurs et aucune candidature ne s'annonce. De l'autre côté, la défense se compose d'une armada d'une soixantaine d'avocats dont plusieurs sont parmi les plus chevronnés de notre profession. Pour y pallier, nos élus proposent une loi spéciale. [...]Dans ce contexte, je ne peux que manifester de sérieuses craintes quant à l'issue des procédures. Bien sûr que les [150] Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.»

Mme la ministre, qu'est-ce que vous répondez à M. Chartrand qui nous dit qu'il a des problèmes à recruter les 16 procureurs pour mener à terme l'opération SharQc?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député du Lac-Saint-Jean. Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Courchesne: Très honnêtement, Mme la Présidente, je ne veux pas manquer de respect au député, mais sincèrement je pense que, cette question-là, on l'a abondamment... Depuis, quoi, quatre heures que nous sommes ensemble, ou presque, là, je ne le sais plus trop, on a quand même abondamment répondu à ces questions-là sur l'ensemble, je dirai, de la problématique. Je pense qu'on est tous réunis, Mme la Présidente, ici avec, honnêtement, la volonté de vouloir améliorer les conditions de travail de nos procureurs, parce que c'est ça que le député du Lac-Saint-Jean veut nous faire dire. Et vous comprendrez que ce n'est pas cette nuit que je commenterai la situation spécifique à laquelle fait référence Me Chartrand.

Cela dit, on a discuté de ces enjeux, de ces problématiques. On a dit qu'effectivement nous devions non seulement en être conscients, mais il fallait être très vigilants et il fallait qu'on puisse s'assurer que nous travaillons dans les meilleures conditions possible, Mme la Présidente. Et je pense, là, que j'ai eu l'occasion à maintes reprises ce soir de m'exprimer sur le sujet.

**(2 h 40)**

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Oui, Mme la Présidente. La répétition a certainement une grande valeur pédagogique.

Ceci dit, Mme la Présidente, tout à l'heure le ministre des Finances a fait référence à l'article 7 de l'annexe. Juste pour fins de précision, Mme la Présidente, là, je comprends qu'on a fixé à 40 heures-semaine le nombre d'heures maximum. Alors, comment on va traiter, par exemple, un procureur qui va en faire 45, heures? Les cinq heures supplémentaires sont calculées de quelle façon?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député du Lac-Saint-Jean. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Courchesne: Mme la Présidente, il y a cet article de loi qui dit que les dirigeants des organismes publics, parce que ça s'adresse autant aux juristes qu'aux procureurs, pourront reconnaître des semaines allant jusqu'à un maximum de 40 heures. Lire l'article du projet de loi, Mme la Présidente, c'est y répondre.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Elle a dit que... Vous n'avez pas entendu?

M. Cloutier: Non, on dirait que le son, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Le son?

M. Cloutier: Non, mais je vais peut-être demander à la ministre de répéter, s'il vous plaît. On a...

Mme Courchesne: Alors, Mme la Présidente, si vous permettez, on reconnaît une semaine de travail maximum de 40 heures. 45 heures, le cinq heures, c'est du temps supplémentaire.

M. Cloutier: ...temps supplémentaire, Mme la Présidente, doit d'abord être autorisé?

Mme Courchesne: Bien, j'imagine, écoutez, j'imagine que oui, parce qu'il n'y a pas de différence. Ça l'est dans tous nos services, donc, pour les procureurs aussi, il faut que ce soit autorisé.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: Oui, Mme la Présidente. Par souci d'équité pour mon collègue, je pense qu'on va procéder maintenant à l'article 3.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Donc, on va voter le 2 d'abord? Alors, l'article 2 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Adopté sur division. Alors, nous sommes à l'article 3. Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Courchesne: L'article 3, Mme la Présidente, se lit comme suit: «L'Assemblée nationale et toute personne nommée ou désignée par cette dernière pour exercer une fonction en relevant, dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique et à l'égard de laquelle l'Association des juristes de l'État est accréditée pour représenter des salariés, sont considérées être des organismes publics pour l'application de la présente loi.

«Il en est de même du Directeur des poursuites criminelles et pénales ainsi que de toute personne nommée ou désignée par le gouvernement en application d'une loi pour exercer une fonction qui y est déterminée et dont le personnel est nommé suivant la Loi sur la fonction publique et à l'égard de laquelle l'Association des juristes de l'État est accréditée pour représenter des salariés.»

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça va? Alors, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Mme la Présidente, je vais profiter de l'article 3 pour revenir sur ce qu'on disait tantôt. Je veux juste qu'on se comprenne bien, parce que je pense que la ministre... il y a des éléments qui échappent à la ministre, là.

Au début de la décennie, quand il y a eu certains procès, certains mégaprocès, un devant le juge Paul et un devant le juge Boilard, effectivement les juges ont décrété les honoraires des avocats: 9 000 $ par semaine. Alors, ça fait pas loin de 2 000 $ par jour. Il y a eu une législation, effectivement qui a été adoptée ici l'an dernier, qui vient faire en sorte d'encadrer les tarifs pour ces mégaprocès pour des avocats qui acceptent des mandats d'aide juridique. Quand je vous parle de 1 050 $ par jour de procès, c'est le tarif, en vertu des modifications à la Loi sur l'aide juridique, qui a été adopté l'an dernier.

Je pense que c'est important, parce que la ministre nous dit: C'est vrai que ça n'a pas de bon sens, cet écart entre les avocats de la défense qui vont gagner au-dessus de 1 000 $ par jour et un procureur comme Me Chartrand qui va gagner en bas de 400 $, et même les avocats plus juniors qui l'encadrent qui vont gagner 300 $ ou 250 $ par jour, par rapport à 1 000 $, tout ça avec de l'argent public. Et la ministre dit: C'est terrible. C'est vrai que ça n'a pas de bon sens, nous dit-elle. Le problème, c'est que son entente, actuellement, son... enfin, son entente, son projet de loi vient confirmer cette situation, vient... parce que... Bien, non seulement il n'est pas content, Me Chartrand, il a claqué la porte. Mais il continue... Me Chartrand, là, il continuerait, s'il continuait à travailler, il travaillerait à 386 $ par jour comme procureur de la couronne dans un mégaprocès, alors. Et les avocats de la défense, eux, sont à 1 000 $, 1 000 $, plus de 1 000 $ par jour. Je vous dis: Vous venez confirmer cet écart entre des avocats qui sont procureurs de la couronne, qui gagnent moins de 400 $ par jour pour le procès des Hell's, et des avocats de la défense. Et je n'ai rien contre le fait qu'on les rémunère convenablement, à 1 050 $ par jour, mais l'écart demeure là, tout ça avec de l'argent public qui vient du budget du ministre des Finances. La ministre dit: C'est vrai que ça n'a pas de bon sens que les avocats de la défense payés par l'État soient payés trois fois plus ou presque que les avocats de la couronne, mais elle ne change rien à la situation, elle ne change rien à la situation. En fait, comme le dit notre recherchiste de ce côté-ci, elle empire la situation.

Alors, encore une fois, je trouve ça triste parce que je ne vois pas de solution, je ne vois pas de solution, Mme la Présidente, si ce n'est que la ministre nous dit: Bien, il y aura un demain et un après-demain, puis on va leur mettre la loi-bâillon dans la gorge, puis après ça ils vont être sûrement très heureux de venir négocier avec nous certaines modalités périphériques quant aux conditions normatives.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Courchesne: Aucun commentaire à ajouter, Mme la Présidente.

M. St-Arnaud: ...une question sérieuse.

Mme Courchesne: Mais elle est très sérieuse.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors...

M. St-Arnaud: Mais avez-vous une piste de solution? Vous dites vous-même que cet écart n'a pas d'allure, mais vous le confirmez en ne donnant pas plus de moyens au niveau salarial à ces procureurs dont, aujourd'hui, leur chef, Me Claude Chartrand, a dit: Ça n'a plus de bon sens. Je m'en retourne... Je quitte le BLACO. Un procureur qui a cette mission de la lutte contre le crime organisé dans ses tripes mais qui dit «je ne suis plus capable», puis qui voit, pendant ce temps-là, que l'État a quand même les moyens, à même le budget du ministre des Finances, de donner 1 050 $ par jour aux avocats de la défense. Hé! Qu'est-ce... Bien, ma question: Comment la ministre réagit à ça?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Courchesne: Bien, Mme la Présidente, je réagis encore une fois en disant: Il faut comparer des comparables avec des comparables. Parce que, là... Oui, absolument, Mme la Présidente, parce que cet avocat qui vient du privé, qui est embauché et dont le salaire va être... dont l'honoraire... Parce que ce n'est pas un salaire, c'est un honoraire qui va être établi par la commission des affaires publiques. Cet avocat du privé, puis croyez-moi, là, je ne le défends pas, mais, lui, il a des dépenses, lui, il va avoir un soutien, une secrétaire, il va avoir une recherchiste, il va avoir une dépense. Donc, il faut là aussi comparer des comparables avec des comparables.

Et il ne vient pas dans cette cause à titre de salarié, hein? Parce que le salarié, ici, il a ses bénéfices marginaux, il a son régime de retraite, il a tout ce qui vient avec le qualificatif de salarié, alors que l'avocat dont parle le député de Chambly est un avocat de l'entreprise privée qui vient pour un mandat spécial, avec une détermination de ses honoraires par cette commission des affaires publiques... des affaires juridiques. Donc, il faut juste, encore une fois, s'assurer qu'on compare des pommes avec des pommes, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la présidente du Conseil du trésor.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Oui, oui, oui. Mais je vais vous donner la parole, M. le député de Chambly. Vous l'avez. Prenez-la.

M. St-Arnaud: Alors, merci, Mme la Présidente, à 2 h 50, en ce beau mardi matin. Non, mais je veux juste dire... je veux juste dire à la ministre que je comprends tout ça, là, qu'effectivement l'avocat de la défense, il a des honoraires, puis qu'il y a un certain pourcentage relatif, là, qui peut être à des dépenses, mais l'écart demeure là: c'est du simple au double pareil. Une fois enlevées les dépenses, là, c'est au moins du simple au double, au moins, au moins, avec de l'argent public. Je vais laisser la parole à mon collègue de Verchères.

**(2 h 50)**

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors donc, vous avez terminé, M. le député de Chambly? Alors, je cède la parole à M. le ministre des Finances.

M. Bachand (Outremont): Mme la Présidente, est-ce que le député de Chambly considère... Parce qu'il donne toujours l'exemple de ces procureurs, des défenseurs des Hell's Angels. Et on ne défendra pas leurs honoraires, là, il y a quelqu'un qui a décidé ça. Mais est-ce qu'il considère... Et puis, dans sa vie antérieure, il sait que parfois on a un honoraire pour un procès particulier. Est-ce qu'il considère que c'est caractéristique de la rémunération annuelle de ces procureurs? Ceux qui sont payés 125 $ de l'heure, disons, 1 000 $ par jour, est-ce qu'il considère que c'est caractéristique de leur rémunération annuelle, qu'ils vont gagner ça pendant 20 ans, sur ces... sur... Est-ce qu'il considère aussi que ces gens-là...

Moi aussi, j'étais dans un métier comme le vôtre. Pas procureur au criminel, mais conseiller stratégique pour les entreprises, avec un honoraire horaire beaucoup plus élevé même que ceux qui sont donnés là, dépendant des clients et des contrats. Mais, bien sûr, quand vous travaillez sur un contrat une journée, 10 jours, 30 jours, vous ne travaillez pas... ce n'est pas un salaire 365 jours par année. Vous êtes responsable de vos charges sociales, de vos dépenses, comme vous l'avez souligné. Vous êtes aussi responsable d'accumuler de l'argent pour votre retraite. Vous n'avez pas de régime de retraite, pas de pension, vous payez vous-même... vous n'avez pas cette sécurité d'emploi. Alors, sans prendre cet élément de comparaison... Parce que, si on regarde le tableau que notre collègue... votre collègue, ancien leader... ministre des institutions...

Une voix: ...

M. Bachand (Outremont): ...démocratiques, merci beaucoup, sur la médiane ou la moyenne des salaires, hein, les salariés avocats de plus de... entre 20 et 30 ans d'expérience gagnent 116 000 $ par année, 102 000 $, la médiane. Mais les autonomes -- peut-être qu'on fait affaire avec des autonomes ici -- gagnent 107 000 $, en médiane, par année. Parce qu'un honoraire quotidien pour un procès qui... Celui-là est long, j'en conviens, il n'est pas comme les autres. Mais, ceci étant, ce n'est quand même pas le «benchmark» caractéristique des honoraires des avocats en pratique privée dans la société, je ne pense pas. Est-ce qu'il considère que c'est caractéristique, que c'est le «benchmark» sur lequel on devrait considérer toutes les comparaisons?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le ministre des Finances. M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Non. Mme la Présidente, évidemment, quand on parle de mégaprocès, on parle de procès qui ne vont pas durer deux semaines. On parle de procès qui vont durer un bon nombre de mois, pour ne pas dire d'années, là. Mais, moi, je pense qu'il y a quand même un écart... Puis, quant à moi, je n'ai aucun problème, c'est pleinement justifié, le 1 050 $ par jour. Puis vous avez ajouté des arguments au fait que c'est pleinement justifié. Mais je pense que, par rapport à ça, bien honnêtement, je pense que, quand on a des procureurs qui ont une expertise pointue, comme Me Claude Chartrand, Me Madeleine Giauque, Me Roger Carrière, et je pourrais continuer d'en nommer, Me Samuel... Me de Champlain, qui a fait le procès des gangs de rue... de la rue Pelletier, puis qui est encore aux gangs de rue, qui sont des procureurs qui ont une expertise reconnue, qui travaillent avec des moyens... qui travaillent avec les mains attachées, qui n'ont pas les moyens pour bien travailler, qui affrontent des avocats souvent parmi les meilleurs à Montréal... Quand ce n'est pas sur des mandats d'aide juridique, c'est des avocats qui ont des ressources financières illimitées, qui ont des ressources, en matière de recherche, illimitées.

Il y a un problème, puis c'est ce problème-là que Me Chartrand a transposé dans sa lettre, aujourd'hui, d'une manière très convaincante. Parce que ce n'est pas quelqu'un qui a l'habitude -- je suis sûr que le député de Chomedey le connaît bien -- ce n'est pas quelqu'un qui a l'habitude de faire ce genre de déclaration à la sauvette. Me Chartrand, vous le connaissez sûrement, Mme la Présidente, le député de Chomedey le connaît sûrement, c'est quelqu'un qui est sérieux dans ses façons de faire, et il ne fait pas ce genre de déclaration s'il n'en est pas profondément convaincu et s'il n'a pas ça intimement au coeur de ses préoccupations. Alors...

Et, moi, ce que je trouve triste aujourd'hui, on va adopter, cette nuit, vraisemblablement ce projet de loi n° 135 qui ne change rien, qui en fait empire la situation. Il y a une exaspération des procureurs qui est rendue à un niveau terrible. Quand c'est rendu que 40 des 50 procureurs-chefs et procureurs-chefs adjoints démissionnent, puis que, là, on est obligé... Parce que c'était le supposé DCPP indépendant, là, qui est obligé de les... les obliger... Vous avez peut-être vu ça, Mme la Présidente, un communiqué de Me Dionne, aujourd'hui, disant: Vous avez démissionné, mais je vous interdis de quitter votre job. Vous devez la garder, votre job, tant qu'on n'a pas... Écoutez, là, c'est... il me semble qu'on est face à un problème particulier, chaotique, qui s'annonce dans nos palais de justice, dans notre institution judiciaire, notamment au niveau des procureurs de la couronne, et je trouve dommage que le gouvernement nous arrive avec un projet de loi qu'on adopte sous bâillon, pour la deuxième fois -- on en a adopté un en 2005 jusqu'en 2010. Alors que, je vous le rappelle, Mme la Présidente, en 2005, les procureurs avaient toujours un contrat de travail jusqu'en 2007, on les a quand même mis sous bâillon, sans une seule heure de négociation. On remet aujourd'hui un deuxième bâillon, jusqu'en 2015, et on... sans régler les problèmes fondamentaux, quant à moi, au coeur de ce litige-là. Je trouve ça extrêmement triste.

Je pense que la... C'est irresponsable de la part du gouvernement d'avoir agi ainsi, je l'ai longuement exprimé aujourd'hui, et je suis très inquiet pour la suite des choses. Je suis inquiet, je suis inquiet comme citoyen, je suis inquiet comme député, et je pense que je ne suis pas le seul, cette nuit, au Québec, à être inquiet. Voilà.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord, M. le député de Chambly. Je cède la parole à M. le ministre des Finances.

M. Bachand (Outremont): Merci, Mme la Présidente. Ma collègue est heureuse, je pense, qu'on soit ensemble ici, tous, à cette Assemblée, pour discuter, parce que, vous avez raison, c'est triste, M. le député de Chambly, c'est triste qu'on en soit arrivé à cette situation-là. Mais, vous-même... Je pense, Mme la Présidente, que le député de Chambly, la semaine dernière, et comme la chef de l'opposition, comme les autres, considérait que la situation était grave, très grave. On a entendu toutes sortes de... et, si ce n'est pas le député de Chambly, c'est la chef de l'opposition, si ce n'est pas la chef de l'opposition, c'est le député de Verchères, si ce n'est pas le député de Verchères... globalement, que la situation était très grave dans nos palais de justice et qu'on ne pouvait pas continuer comme ça longtemps. Ça fait maintenant deux semaines.

Oui, c'est triste. C'est d'autant plus triste, Mme la Présidente, que, dans cette négociation ratée, ma collègue du Trésor avait aussi offert des primes de complexité pour reconnaître les cas, parmi les meilleurs nos procureurs, pour reconnaître les mandats spéciaux, tenant compte effectivement... Je donnerais, par analogie, la comparaison... Et je l'ai dit brièvement, mais il y a, comme ça, dans l'État, des serviteurs de l'État exceptionnels. Il y a des scientifiques dans nos ministères, au Développement économique, à la Santé, à l'Environnement, moi-même, au ministère des Finances, Mme la Présidente, Bernard Turgeon, sous-ministre, je l'appelle le sous-ministre à la dette parfois, mais le sous-ministre aux emprunts, qui s'occupe de... sans... Alain Bélanger, qui est le directeur général, qui s'occupe... C'est les meilleurs au Canada, on a la meilleure équipe au Canada dans les négociations dans les marchés financiers, qui empruntent régulièrement plusieurs dizaines... dizaines... 15 milliards de dollars, 17 milliards de dollars par année pour notre dette, c'est les meilleurs au Canada.

Des postes équivalents à M. Bélanger dans le secteur privé, Mme la Présidente, c'est 300 000 $, 400 000 $, 500 000 $, 700 000 $ , avec les bonis, évidement, qui se font dans ces marchés-là, dans les secteurs... Il y a... Alors, il faut aimer les gens qui travaillent avec nous, il faut les respecter. Il faut les encourager, il faut créer les conditions de travail avec lesquelles ils peuvent s'épanouir. Il faut leur donner de l'aide, ce que ma collègue a fait aujourd'hui avec non seulement les 80 postes de procureurs additionnels parce qu'ils avaient une surcharge de travail, mais avec les 40 personnes qui vont les aider. Il y a cette reconnaissance, à l'article 7 de la loi, pour permettre justement de reconnaître des heures additionnelles de ces gens qui ont une surcharge de travail, il y avait cette offre sur les primes de complexité. Malheureusement, bon, la négociation n'a pas abouti.

Mais, ceci étant dit, il ne faut pas toujours non plus comparer avec une seule personne, un seul corps de métier, surtout quand on compare avec des gens -- et le député de Chambly le reconnaît -- pour qui ce sont des honoraires temporaires et qui doivent aussi assumer toutes les charges de leurs fonctions, tous les risques... leurs charges de bureau, leurs secrétaires, leurs espaces de bureau, leurs assurances médicales et, bien sûr, leurs régimes de retraite, aussi, qui sont... sécurité d'emploi, régime de retraite, qui vaut beaucoup.

Alors, ce n'est pas le même salaire, Mme la Présidente, c'est vrai, que dans le secteur privé. Oui, il faut améliorer les conditions de travail, oui, il faut reconnaître les primes, et là je suis directement pertinent à ce que le député de Chambly dit. Malheureusement, la négociation n'a pas réussi. Malheureusement, la situation ne pouvait pas durer. Malheureusement, nous sommes ici cette nuit pour régler cette situation parce que l'intérêt public exige que les palais de justice fonctionnent, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le ministre. Avez-vous un complément? D'accord. Alors, je cède la parole à M. le député de Verchères.

**(3 heures)**

M. Bergeron: Mme la Présidente, je ne sais pas si nous devons être rassurés par le fait que le ministre ait dit que nous sommes les spécialistes, au Canada, pour ce qui est d'emprunter. Mais, quoi qu'il en soit, Mme la Présidente, je veux peut-être faire d'entrée de jeu une petite précision.

Lorsque le ministre des Finances nous dit que nous avons souligné le caractère dramatique de la situation, je n'irai pas m'en défendre aujourd'hui, Mme la Présidente. Effectivement, la situation était dramatique et nécessitait, de la part du gouvernement, qu'il négocie. C'est ce que nous demandions et c'est ce que nous demandons toujours aujourd'hui. Nous avons même offert au gouvernement de suspendre les travaux avant l'adoption des motions pour qu'on puisse essayer de trouver un terrain d'entente. Ce n'est pas après avoir enfoncé dans la gorge des syndiqués ce projet de loi que les conditions vont être idéales par la suite pour négocier, Mme la Présidente.

Alors, je pense que, lorsque le ministre des Finances rappelle les faits, il ne peut pas les rappeler de façon partielle parce que, ce faisant, il le ferait de façon partiale. Alors, s'il veut rappeler les faits, moi, je veux bien. Nous avons souligné la situation qui avait cours effectivement et qui a cours mais pour souligner, pour insister sur le fait qu'il faille retourner à la table de négociation, Mme la Présidente.

Moi, j'aimerais peut-être revenir sur ce qu'évoquait mon collègue de Chambly il y a quelques instants. S'il est vrai qu'il ne nous appartient pas aujourd'hui de commenter le fait que l'État doive payer les honoraires des avocats de la défense dans certaines causes, j'ai remarqué que Mme la ministre, Mme la présidente du Conseil du trésor disait: Bien, tu sais, il faut prendre en compte un certain nombre de dépenses: secrétaires, recherchistes. C'est fascinant, hein? Il faut prendre en compte toute une série de dépenses pour les avocats de la défense pour des services dont ne bénéficient pas ou de façon très partielle nos procureurs.

Alors, quand on parle de l'efficacité de notre système de justice, c'est au coeur même de nos préoccupations aujourd'hui, Mme la Présidente. Quand on parle du fait qu'il y aurait sept recherchistes au Québec, comparativement à 500 en Ontario, bien là, on parle effectivement d'un manque de ressources pour permettre l'administration de la justice.

Une voix: 900.

M. Bergeron: 900?

Une voix: Procureurs en Ontario.

M. Bergeron: Non, je ne parle pas des procureurs.

Alors, ce que j'aimerais peut-être souligner par ailleurs, Mme la Présidente, et la présidente du Conseil du trésor ne cesse de nous faire des comparatifs avec la situation qui prévaut notamment du côté des infirmières, mais la situation qui prévaut du côté des infirmières, Mme la Présidente, c'est que très souvent, compte tenu de la situation actuelle, le gouvernement doit recourir à des agences pour embaucher des infirmières qu'il va payer à un salaire plus élevé que celui des infirmières qui sont en poste dans nos hôpitaux pour assurer la prestation de services dans les hôpitaux puis dans le système de santé.

Bien, on se retrouve un petit peu avec la même situation au niveau de nos juristes et de nos procureurs de la couronne, Mme la Présidente. Nous savons pertinemment qu'il y a recours, à certaines occasions, à de la sous-traitance au niveau privé, et les sommes qui sont investies de ce côté-là, tout comme dans le cas des infirmières, seraient probablement dépensées de façon plus judicieuse et ce serait peut-être moins dispendieux en bout de piste si nous faisions affaire uniquement avec les employés de l'État, pour peu qu'il y ait une volonté politique de la part du gouvernement de faire en sorte que nous transigions avec les employés de l'État plutôt que de recourir de façon abusive à la sous-traitance.

Alors, la question se pose, outre celle qui a été posée par mon collègue de Chambly il y a quelques instants, par rapport à la différence des traitements, des conditions dans lesquelles travaillent les avocats de la défense par rapport aux conditions dans lesquelles travaillent les procureurs de la couronne, mais également le fait qu'à certains moments l'État préfère recourir à des gens du privé plutôt que d'investir davantage et de recourir exclusivement aux services du personnel de l'État.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien, M. le député de Verchères. Alors, je cède la parole à Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Courchesne: Malheureusement, je n'ai pas de commentaire, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pardon?

Mme Courchesne: Je n'ai pas de commentaire.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous n'avez pas de commentaire. Alors donc, il n'y a pas de commentaire, de ce côté-là. M. le ministre, pas de commentaire. Allez-y.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bien, je vais voir si M. le député de Verchères a fini son intervention.

M. Bergeron: Bien, disons simplement, Mme la Présidente, que je suis un peu éberlué, encore une fois, du fait que les ministres aient préféré ne rien dire par rapport à une situation qui soulève non seulement ma préoccupation comme député de la circonscription de Verchères ici, en cette Assemblée, Mme la Présidente, mais, puisque la présidente du Conseil du trésor ne cesse de faire des comparatifs avec le reste de la fonction publique, je pense que, là, comme pour ce qui est des procureurs et des juristes de l'État, toute la question de la sous-traitance devrait retenir notre attention. Mais il ne semble pas que ça préoccupe outre-mesure la présidente du Conseil du trésor.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, j'ai une réponse du côté du ministre des Finances?

M. Bachand (Outremont): Merci, Mme la Présidente. Je ne peux pas laisser passer le dernier commentaire de notre ami le député de Richelieu.

Une voix: De Verchères. Verchères. Verchères.

M. Bachand (Outremont): De Verchères, pardon. Excusez-moi, Verchères, belles régions côte à côte.

Ne rien dire, voilà 290 minutes, Mme la Présidente, 290 minutes où nous disons beaucoup de choses. Nous avons répondu à toutes ses questions. Le député de Verchères élargit le débat au-delà des procureurs avec les autres employés de l'État, les autres contrats. Je soulignerai que, grâce aux efforts du gouvernement, de la présidente du Conseil du trésor et de l'ancienne présidente du Conseil du trésor, nous avons conclu des ententes avec près de 500 000 de nos employés de l'État, des ententes négociées à la satisfaction et dans un grand partenariat, et toutes ces questions ont été abordées avec nos fonctionnaires, avec nos infirmières, avec nos enseignants, avec les gens du réseau de la santé et de l'éducation. Je pense que c'est la meilleure réponse qu'on peut apporter aux préoccupations du député de Verchères, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vous remercie. Vous avez terminé, M. le député de Verchères?

M. Bergeron: Pour le moment.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pour le moment? D'accord. Alors, je reconnais maintenant M. le leader de l'opposition officielle.

**(3 h 10)**

M. Bédard: Nos débats de cette nuit ont illustré bien des choses. Un des éléments, une des incohérences les plus frappantes, c'est la position de la ministre par rapport au rapport de force. Je vous dirais, je suis même retourné pour voir si elle avait vraiment dit ça. Nous lui avons proposé de suspendre ou du moins de ne pas étaler l'application de sa loi matraque sur les procureurs et sur les juristes de l'État. Pour quelle raison? On a dit: Vous n'avez pas à leur imposer un cadre de cinq ans. Si vous voulez préserver l'intérêt public, comme vous le dites, proposez un cadre différent, faites une loi de retour au travail, nous voterons contre quand même, mais au moins nous préserverons leur droit de négocier. Qu'a fait la ministre? Elle m'a répondu: Bien non! Si je fais ce que vous dites, ils n'auront plus de rapport de force. Je préfère plutôt leur retirer leur droit de grève pendant cinq ans; comme ça, ils vont avoir un rapport de force.

Écoutez, c'est comme si, en 2005... quelqu'un peux-tu m'expliquer ici le rapport de force qu'ont eu les procureurs de la couronne et les juristes de l'État de 2005 à 2010? Quel a été leur rapport de force? Ils n'ont même pas réussi à obtenir, je vous dirais, une étude comparative le moindrement contraignante sur leurs conditions et sur le rattrapage qui pourrait faire l'objet, je vous dirais, de propositions gouvernementales.

On dit parfois que la grâce frappe, on ne sait jamais quand, là. Il ne reste pas beaucoup de temps au gouvernement. Je pense qu'un seul signal ne permettrait pas d'apaiser, parce qu'on ne peut pas parler d'apaisement en ce qui concerne l'ensemble des juristes de l'État qui sont concernés, mais du moins de montrer un soupçon de cohérence et de lucidité pour les minutes qui nous restent à faire ici, Mme la Présidente. Elle devrait au moins, au moins restreindre l'application de son projet de loi à un an. Je lui dis tout de suite que nous serions contre pour la raison suivante, c'est que nous croyons que le gouvernement s'est lui-même mis dans une situation où nous sommes ici et il plaide depuis maintenant des heures sa propre turpitude.

La ministre, la présidente du Conseil du trésor a beau nous dire: Je n'étais pas là à cette époque-là, écoutez, à ma connaissance, entre 2005 et 2010, ce n'était quand même pas un gouvernement du Parti québécois qui était là, là. Elle était au Conseil des ministres, elle avait accès à l'information, son collègue à côté d'elle aussi. Tous ceux et celles qui ont participé à ce gouvernement-là allaient être d'ailleurs dans les derniers à... je vais essayer de prendre le bon terme, là... je vous dirais, plusieurs des membres sont partis, les membres les plus éminents d'ailleurs ont quitté ce gouvernement depuis maintenant quelques années. Alors, elle reste ce qui a formé l'équipe de 2003, alors je vous dirais que c'est assez court de dire: Moi, je ne peux pas porter les décisions de mes collègues avant moi. Je ne vous parle pas du gouvernement de Robert Bourassa, là, je vous parle d'un gouvernement libéral mené par le premier ministre actuel de 2005 à 2010. Non, non, elle fait son propre discours inaugural et elle nous dit: Moi, j'ai commencé en telle année, puis, à partir de là, je n'ai pas à répondre des actes de mes collègues qui siègent à côté de moi au fur et à mesure des conseils des ministres.

Alors, je demande à la ministre, comme il n'y a aucun des arguments qui tient relativement, je vous dirais, au cadre financier... D'ailleurs, on attend encore le cadre financier pour les médecins, que le ministre des Finances a sûrement eu le temps d'aller vérifier, et j'espère avoir la chance d'avoir ce cadre financier qui a permis d'ordonner ou de proposer un tel rattrapage aux médecins spécialistes, ce qu'on pense maintenant qui n'est pas justifié en ce qui concerne les procureurs de la couronne ainsi que l'ensemble des juristes de l'État.

Alors, le dernier geste qu'elle a à faire, pendant les deux heures qui vont suivre la fin de nos débats en étude détaillée, il y aura des amendements de déposés, un demandera de restreindre l'application de la loi. Selon toute probabilité d'ailleurs, la présidente du Conseil du trésor ne sera plus là. Il pourrait même arriver que même l'ensemble du gouvernement ne soit plus là, du moins le premier ministre actuel. Il risque d'avoir bien, bien, bien des événements d'une autre nature, qui nous concernent, vous et moi, mais, dans les faits, qui concernent la décision de quelques personnes.

À cette étape-ci, le seul geste qui pourrait correspondre à une forme, je vous dirais, d'ouverture et qui n'a pas pour effet de diminuer la responsabilité du gouvernement de nous plonger dans le chaos juridique actuel, c'est de restreindre le cadre temporel de l'application de la loi, de laisser aux procureurs et aux juristes de l'État le soin d'au moins présenter leurs arguments pendant les prochains six mois, au mieux la prochaine année. Et, à ce moment-là, là, nous verrons la condition économique du Québec, nous verrons aussi les arguments qui ont été développés ainsi que, peut-être même, les études auxquelles s'était engagée à souscrire la ministre avec les procureurs. Pourquoi ne pas limiter à une seule année l'application de ce projet de loi et éviter les démissions en bloc des procureurs?

J'ai même entendu la ministre, aujourd'hui, amenuiser l'impact des démissions qu'on a actuellement, qui ont été annoncées. Me Chartrand, lui, là, je veux bien croire qu'il va rester procureur, là, mais il a décidé, par solidarité mais aussi par écoeurement, de démissionner du poste qu'il occupait. D'autres l'ont suivi et maintenant le DPCP s'acharne sur les différents procureurs-chefs pour essayer de leur faire changer d'idée.

Voici dans l'état que nous sommes actuellement au moment où on se trouve, Mme la Présidente. Quel argument invoque-t-on? Quelles conséquences, pour eux, leur fait-on valoir pour qu'ils se désolidarisent de ceux et celles qui sont ici ce soir et qui nous écoutent? Je pense que le seul geste responsable aurait été, il y a encore quelques heures, de suspendre l'application de la loi.

Vous savez, souvent les erreurs, lorsqu'on s'enfonce dedans, on finit par être pris avec nos décisions. Et là ça devient comme un petit combat de coqs, là: qui a raison, qui a tort? Mais il vient un moment où même ceux qui ont tort défendent encore avec plus d'acharnement et amènent tout le monde dans leur gouffre. Si la ministre ne veut pas encore une condamnation au Bureau international du travail, si la ministre est le moindrement sérieuse dans les commentaires positifs qu'elle a dits par rapport à leur travail, des procureurs et des juristes, le moins qu'elle puisse faire, à cette étape-ci et dans les deux prochaines heures, c'est d'accepter notre proposition pour faire en sorte que la loi ne dépasse pas un an d'application.

Finalement, qu'on fasse ce qui reste encore innommable, mais du moins avec des conséquences plus limitées, c'est celui d'une loi de retour au travail, et qu'on accorde un an, finalement, qu'on fasse le travail dans la prochaine année, le travail qui aurait dû être fait dans les cinq dernières années. Alors, la ministre pourrait encore dire «je n'étais pas là» dans les cinq dernières années, comme présidente du Conseil du trésor, mais du moins elle ne pourra pas nous dire «je n'étais pas là» dans la prochaine année, à moins qu'elle ait des surprises à nous faire, là, en ce qui concerne son destin personnel.

Donc, de façon responsable, pour éviter une démission en bloc ou, encore pire, une démotivation de l'ensemble des procureurs mais aussi des procureurs-chefs, parce que chaque procureur-chef que le DPCP va maintenir, par diverses méthodes, en poste, ça va être une personne de plus qui va être démotivée et dévalorisée -- ça va être une personne de plus d'ailleurs qui va perdre, je vous dirais, le rapport normal de respect qu'elle doit avoir avec ses collègues qui, eux, ont à plaider à tous les jours devant les tribunaux -- je demande au gouvernement de faire la seule chose disponible -- j'aimerais bien le demander au ministre de la Justice, mais je n'ai pas eu le plaisir de le voir, mais, au moins, la présidente du Conseil du trésor et le ministre des Finances, c'est les seuls à qui on peut s'adresser à qui il reste un peu d'autorité dans ce gouvernement-là -- de suspendre l'article qui concerne, je vous dirais, les délais d'application, et qu'elle entende les voix, là, qui demandent au moins, au moins, qu'on laisse une vraie négociation commencer, parce qu'on parle de commencer.

Alors, je ne m'attends pas à un oui immédiat. Je vous disais tout à l'heure que la grâce peut frapper puis à n'importe quel moment. Mais j'invite plutôt la ministre à réfléchir, dans les prochaines minutes, les prochaines heures, et de faire écho à des centaines de personnes qui ont le respect des gens de ce côté-ci, qui ont le respect même de leurs collègues, dans le cas des procureurs de la couronne, des collègues d'en face qui plaident contre eux à tous les jours. Les procureurs de la défense se sont solidarisés de ceux et celles qu'ils affrontent à tous les jours. Le Barreau du Québec s'est solidarisé des procureurs et des juristes. Et maintenant...

Une voix: ...

M. Bédard: Les organismes de victimes, les policiers et même l'Association des cadres juridiques de la fonction publique qui déplorent ce qui se déroule actuellement. Le précédent qu'est en train de faire la ministre, c'est une logique qui est pour le moins, je vais dire, étonnante, là, pour rester parlementaire. Mais de préserver le rapport de force en imposant des conditions sur une période de cinq ans est totalement illogique et incohérent. Il ne résiste à aucune analyse et n'a pour seule fonction finalement que de balayer un problème et de dire, comme on fait d'ailleurs pour bien d'autres aspects, de la dette en passant par bien des défis qui ont été posés à ce gouvernement... Elle ne fait que reporter le problème mais de l'empirer. Et les conséquences à court terme, elles, elles seront réelles.

J'espère que nous ne tomberons pas, dans les prochains jours, à tenter de diminuer et de minimaliser l'impact des démissions des procureurs-chefs et peut-être même aussi le départ d'autres procureurs ailleurs, en disant: Ah, vous savez, c'est dans le cours normal des choses. Autrement dit, que les gens meurent, vivent, démissionnent, partent, soient tellement écoeurés qu'ils donnent leur démission, ça, c'est dans le cours normal des choses, et on n'a pas à s'inquiéter de ça. Tout ça est normal. Il n'y a personne qui peut acheter, Mme la Présidente, une telle logique.

J'ai été de ceux qui ont été catastrophés d'apprendre le départ de Me Chartrand. J'ai appris aussi le départ et la volonté d'autres procureurs-chefs. Je pense qu'à ce moment-ci nous savons depuis longtemps que le premier ministre a quitté le volant, le bateau de ce navire libéral depuis malheureusement longtemps. Il veille à d'autres occupations. Là, actuellement, il doit être en train de... non, pas rédiger, je vous dirais, de dormir sur ses deux oreilles et pratiquer son discours inaugural. Mais, à ce moment-ci, la moindre des choses, Mme la Présidente, serait d'entendre la voix des procureurs, de limiter l'application de sa loi matraque pour une période de un an et d'espérer qu'un jour, à terme, dans quelques mois... On va se revoir tous les jours -- vous le savez, Mme la Présidente, comment j'ai le plaisir de me retrouver à chaque période des questions ici -- et nous ferons le suivi nécessaire pour s'assurer que ces gens soient respectés, qu'ils soient valorisés et qu'ils puissent continuer leur travail dans une sérénité relative, Mme la Présidente.

**(3 h 20)**

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le leader de l'opposition. Alors, le temps imparti à la commission plénière étant écoulé, je remercie celles et ceux qui y ont participé.

Et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je suspends les travaux quelques instants. Et je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire immédiatement. Donc, je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 3 h 22)

 

(Reprise à 3 h 23)

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan (président de la commission plénière): Mme la Présidente, j'ai l'honneur de vous faire part que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, et qu'elle n'en a pas complété l'étude.

La Vice-Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, je vous remercie, M. le député. Je vous rappelle donc que cette Assemblée... que, conformément à l'article 257.6 du règlement, tout député dispose d'au plus une heure pour transmettre au bureau du secrétaire général copie des amendements qu'il entend proposer à ce rapport. Cet article prévoit également que le débat débute au plus tôt une heure après l'écoulement de ce délai.

Je suspends donc les travaux de cette Assemblée pour une période d'au moins deux heures. Les cloches sonneront pour vous aviser de la reprise de la séance. Donc, les travaux sont suspendus pour au moins deux heures.

(Suspension de la séance à 3 h 25)

 

(Reprise à 5 h 37)

Prise en considération du rapport
de la commission plénière qui en a fait
l'étude détaillée et des amendements
du député de Chambly

Le Vice-Président (M. Chagnon): Bon matin, chers collègues. Alors, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, ainsi que les amendements transmis par M. le député de Chambly.

Les trois premiers amendements du député de Chambly sont déclarés recevables. Le quatrième amendement, qui touche l'annexe du projet de loi, est déclaré irrecevable, puisque tout amendement doit indiquer clairement les modifications qu'il souhaite apporter à un projet de loi. En l'espèce, l'amendement à l'annexe du projet de loi ne prévoit pas clairement ces modifications et nécessiterait que la présidence réécrive l'annexe, ce que le règlement ne permet pas.

Je vous rappelle que, conformément au troisième paragraphe de l'article 257.1, la durée du débat sur la prise en considération du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, et sur les amendements proposés est de une heure. La répartition du temps de parole pour ce débat restreint a été établie comme suit: deux minutes allouées au député de Mercier; 38 secondes sont allouées à chacun des autres députés indépendants, 4 min 12 s sont allouées aux députés du deuxième groupe d'opposition; le reste du temps sera partagé également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par un député indépendant ou par le deuxième groupe de l'opposition sera redistribué également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle et le temps non utilisé par le groupe parlementaire formant le gouvernement ira au groupe parlementaire formant l'opposition officielle et vice versa. Les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps.

Est-ce qu'il y a des interventions sur ce rapport et sur ces amendements? M. le député de Viau.

M. Emmanuel Dubourg

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Bon matin. Bon matin, chers collègues. Alors, c'est à mon tour d'intervenir aujourd'hui en cette Chambre suite à un débat de cinq heures en commission plénière où la présidente du Conseil du trésor a expliqué les articles du projet de loi et l'esprit derrière ce dernier. Nous avons réitéré à plusieurs reprises que le projet de loi n° 135 était un projet de loi équilibré, sérieux et respectueux envers les procureurs et juristes de l'État.

Je profite du temps qui m'est alloué pour vous rappeler le contexte dans lequel nous nous retrouvons pour l'adoption du projet de loi n° 135...

Une voix: ...

**(5 h 40)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le député, juste, juste, juste baisser le ton un peu. Je comprends qu'on n'est pas dans un couvent, là, mais on va juste baisser le ton un peu pour écouter M. le député de Viau. M. le député de Viau, je vous écoute.

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Donc, je disais donc que nous sommes ici pour adopter des mesures extraordinaires qui ont comme premier objectif de permettre la reprise des travaux au sein de nos tribunaux, afin de redonner à nos concitoyens l'accès à un système juridique efficace. Vous le savez, M. le Président, après de nombreuses rencontres de négociation avec les procureurs et les juristes de l'État, nous en sommes venus à la conclusion que malheureusement nous étions dans une impasse.

Toutefois, avant de poursuivre, permettez-moi de réitérer, au nom des membres de ce gouvernement, notre plus profond respect envers le travail des procureurs et des juristes de l'État. J'aimerais leur rappeler que le gouvernement du Québec n'a en aucun cas sous-estimé l'importance de leurs tâches et sous-évalué l'exigence de leur profession et de leur métier. Mais le gouvernement devait prendre ses responsabilités.

Alors, concrètement, le projet de loi que nous avons présenté a pour objet d'assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Il a pour objet de pourvoir aux conditions de travail des avocats et des notaires nommés suivant la Loi sur la fonction publique ainsi que des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, conformément aux paramètres salariaux déjà convenus entre le gouvernement et la majorité des associations de salariés du secteur public.

Le projet de loi prévoit aussi que les avocats, notaires et procureurs doivent cesser de participer à la grève en cours et doivent reprendre le travail, conformément à leur horaire habituel et aux autres conditions de travail qui leur sont applicables.

Le projet de loi procède également au renouvellement de la convention collective ou de l'entente liant ces avocats, notaires et procureurs, tout en y apportant certaines modifications afin de majorer les taux et les échelles de traitement.

M. le Président, il faut dire qu'on aime bien se comparer à d'autres provinces, lorsqu'on cherche à expliquer une position, mais il faut être juste et responsable lorsqu'on le fait. Nous aussi, du gouvernement, M. le Président, nous le faisons. La preuve, lors du dernier budget déposé par notre collègue le ministre des Finances, il a été question d'embaucher un certain nombre d'économistes bien connus pour alimenter le débat sur les finances publiques. À ce moment-là, nous avons dit que les Québécois consommaient, consomment encore, 17,5 milliards de services de plus que l'Ontario.

Certes, nous avons dit: Oui, il faut maintenir ces services pour nous, Québécois, mais il faut aussi les payer. Et, M. le Président, vous le savez, nous avons décidé d'assumer 62 % de cette facture en présentant des réductions de coûts de l'administration publique de 2,5 milliards, révisions de programme, 1 milliard, et discipline budgétaire pour 1,7 milliard. L'État se serre la ceinture et assume la plus grande part de l'effort financier nécessaire pour le retour à l'équilibre budgétaire.

Nous avons aussi déposé le projet de loi n° 130 pour abolir et fusionner certains organismes et certains fonds. Nous voulons revenir à l'équilibre budgétaire en 2013-2014. On va continuer à assainir les finances publiques du Québec. Nous faisons le tout graduellement, M. le Président, et non brutalement comme l'a fait le Parti québécois en sabrant dans le système de santé et d'éducation. Les agences de cotation reconnaissent d'ailleurs nos efforts en ce sens après avoir traversé la pire crise économique des 70 dernières années.

Dans les faits, nous sommes arrivés à un tel projet de loi car les procureurs de la couronne et les juristes avaient établi eux-mêmes qu'il devait y avoir un rattrapage salarial entre eux et les procureurs des autres provinces. Ils ont établi ce rattrapage à la hauteur de 40 %, M. le Président, et cette question de rattrapage à 40 % était une condition sine qua non avant d'aborder les bonifications des conditions de travail.

Nous, de notre côté, ce que nous voulions, c'était de leur faire comprendre que nous avions pris des engagements envers les 475 000 employés de l'État par la signature d'une entente de principe historique avec le front commun. De par cette entente, qui établissait les paramètres salariaux, nous avons, comme gouvernement, pris l'engagement d'offrir ces mêmes paramètres à tous les employés de l'État, et ce, sans exception. L'enjeu principal de cette entente de principe consistait à respecter la capacité de payer des Québécois et Québécoises et de retrouver l'équilibre budgétaire en 2013-2014. Cette entente comprend, entre autres, des ajustements au niveau des salaires, des retraites et des congés parentaux. Pour ce qui est des conditions salariales, l'entente prévoit une augmentation de 7 % sur cinq ans, dont 1 % lié à l'inflation qui s'appliquerait le dernier jour des conventions collectives, soit le 31 mars 2015.

Elle comprend également un élément innovateur, c'est-à-dire une clause de croissance économique. Advenant que la performance de l'économie soit supérieure aux prévisions établies dans le plan de retour à l'équilibre budgétaire, cette clause permettrait de majorer les paramètres des trois dernières années des conventions de travail d'un maximum de 3,7 % au total. Cette clause spéciale rallie sans équivoque tous les acteurs à la relance économique de notre province. Que ce soient les employés de l'État, le gouvernement ou les citoyens, tous y trouvent leur compte, parce que tout le monde a à coeur la croissance économique du Québec.

Cette entente prévoit que la durée des prochaines conventions collectives sera de cinq ans. Il en est ainsi car autant les syndicats que le gouvernement ont convenu que cela donnerait le temps à notre économie de se renforcer pour nous donner la marge de manoeuvre nécessaire afin d'offrir des hausses salariales raisonnables aux employés de l'État. Cette entente de principe est très chère à notre gouvernement, car elle respecte le cadre financier que le gouvernement s'était donné, la capacité de payer de l'État et notre objectif de retrouver l'équilibre budgétaire en 2013-2014. Ces associations de travailleurs ont donc reconnu conjointement que nous avions un effort collectif à faire jusqu'en 2013-2014 pour retrouver notre équilibre budgétaire.

M. le Président, en termes d'entente, nous pouvons dire avec fierté que, nous, du gouvernement, nous savons ce que veut dire négocier de bonne foi. Nous avons eu un règlement historique des négociations avec le secteur public, concernant 475 000 employés, le 25 juin dernier. Nous avons eu une entente de principe avec les 58 000 professionnels de la santé, la Fédération des infirmières du Québec, le 13 novembre. Nous avons aussi eu une entente avec près de 15 000 responsables des services de garde en milieu familial le 5 décembre dernier. Nous avons déposé et fait adopter le projet de loi n° 112 pour autoriser la conclusion, M. le Président, de conventions de travail d'une durée supérieure à trois ans.

Permettez-moi de rappeler qu'au mois de juin, M. le Président, la Fédération des infirmières avait décidé de ne pas adhérer au règlement auquel était parvenu le gouvernement avec l'ensemble du secteur public, les négociations avaient été suspendues tout l'été et avaient repris au mois de septembre. En novembre dernier, la présidente de la Fédération des infirmières, la FIIQ, Mme Régine Laurent, s'est félicitée de ces gains obtenus dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Elle a estimé que la nouvelle convention permettra à ses membres de franchir les prochaines années avec un peu plus de sérénité. La Presse canadienne rapportait, le 14 novembre dernier, sous la plume de Mme Annie Mathieu, que «Régine Laurent a salué à plusieurs reprises le travail de la présidente du Conseil du trésor». Elle disait: «Par sa sensibilité pour le travail que nous faisons dans le réseau [...] de la santé, sa contribution a permis grandement à arriver à l'entente de principe aujourd'hui.» Elle avait la volonté politique de régler. Voyez, nous avons l'expérience, nous avons l'expertise pour régler ces ententes avec ces groupes. Alors, pourquoi pas avec les procureurs et les juristes de l'État?

Comme nous l'avons annoncé, le plan de retour à l'équilibre budgétaire nécessite la mise en place d'une série de mesures qui touchent l'ensemble de la société...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! On va laisser terminer M. le député de Viau. Ensuite, je vous entendrai avec la même attention. M. le député de Viau, continuez, s'il vous plaît.

**(5 h 50)**

M. Dubourg: Merci, M. le Président. Mais, M. le Président, les faits sont là. Je comprends que le Parti québécois refuse d'entendre. Alors, je poursuis.

Certes, M. le Président, notre gouvernement reconnaît les exigences du métier des procureurs et des juristes. Et, parce que nous reconnaissons le caractère spécifique de leur travail, nous leur avons proposé d'effectuer un rattrapage, un rattrapage à l'intérieur de la bonification des conditions de travail, c'est-à-dire à l'intérieur des clauses normatives. Ce rattrapage prenait en compte la bonification de leurs conditions de travail afin de reconnaître les heures travaillées, la complexité de leurs tâches, l'exécution de mandats spéciaux, le recrutement en région et le travail des cours itinérantes en région éloignée. Toutes ces bonifications notoires étaient sur la table de négociation. Admettez, M. le Président, que ces bonifications représentent un effort louable et respectueux de la part du gouvernement.

De plus, le conciliateur a convoqué les deux parties à une séance de conciliation. Nous nous sommes présentés à ces rencontres dans le but de conclure une entente avec les procureurs et avec les juristes. Nous l'avons mentionné à plusieurs reprises, et je le répète encore, M. le Président, nous avons pris ces négociations au sérieux. Nous avons proposé des efforts non négligeables qui répondaient aux réalités de travail qui sont propres aux juristes et aux procureurs.

Malheureusement, les associations de juristes et de procureurs se sont limitées à vouloir discuter d'échelle salariale, tout en sachant depuis le début que le gouvernement se devait de respecter un cadre financier strict et les engagements qu'il avait pris avec les 475 000 employés de l'État membres du front commun. Par conséquent, il est évident que nous déplorons la fermeté de leur position. Néanmoins, notre projet de loi contient des mesures qui visent à améliorer leurs conditions de travail tout en répondant spécifiquement à des problématiques qui leur sont propres.

Je vous rappelle que la présidente du Conseil du trésor a annoncé ce matin... ou plutôt hier matin que le gouvernement avait ajouté à la direction des poursuites criminelles et pénales 120 employés temps complet, dont 80 procureurs. Notre gouvernement a aussi décidé d'ajouter 25 juristes supplémentaires. Ces mesures de rattrapage représentent un investissement de près de 90 millions de dollars sur cinq ans afin d'alléger la charge de travail des juristes et des procureurs. Ces offres respectent les engagements que nous avons avec les 475 000 employés de l'État membres du front commun, avec lesquels nous avons signé une entente qui limite les hausses de salaire à 6 % sur cinq ans, une hausse qui peut atteindre jusqu'à 10,5 % si la croissance économique est au rendez-vous. Ces paramètres respectent également la capacité de payer des contribuables québécois.

En terminant, M. le Président, permettez-moi de rappeler que nos enjeux étaient importants et délicats. Ce processus de négociation a été difficile, il faut l'admettre. Malgré le regret de ne pas avoir pu s'entendre, j'aimerais que l'on se souvienne tout de même des paroles de la présidente du Conseil du trésor, qui affirmait ceci hier après-midi: «...pour nous comme gouvernement, cette adoption de loi spéciale n'est certainement pas la fin de nos discussions. Ce n'est certainement pas la fin de nos collaborations. Ce n'est certainement pas l'abdication d'arriver à nous entendre et d'arriver à améliorer ces conditions.» Fin de la citation.

Nous n'avons ménagé aucun effort pour nous entendre avec les juristes et les procureurs, qui ont malgré tout poursuivi leur grève, mais nous leur assurons que nous sommes ouverts à une possibilité de dialogue dans le futur. En somme, M. le Président, il importe de se souvenir que l'objectif de la loi est d'abord et avant tout de mettre fin à la grève et de nous assurer, pour l'intérêt public, que les procureurs et juristes entrent au travail le plus rapidement possible. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Viau. Je vais maintenant entendre M. le député de Verchères.

M. Stéphane Bergeron

M. Bergeron: M. le Président, notre collègue de Viau nous disait que sa préoccupation, c'était que les procureurs et les juristes entrent au travail le plus rapidement possible. Dans quelles conditions vont-ils entrer au travail dans quelques heures? Ça, il n'en a pas dit un traître mot. Ce qui leur importe: qu'ils entrent au travail le plus rapidement possible.

Il aurait certes été possible, M. le Président, de faire en sorte qu'ils rentrent au travail le plus rapidement possible dans les meilleures conditions possible en assurant le meilleur fonctionnement possible de nos institutions judiciaires. C'était peut-être trop demander à ce gouvernement, M. le Président, que de faire en sorte que nos institutions judiciaires fonctionnent de la meilleure façon possible.

Le député de Viau nous a dit que les négociations avaient été dans une impasse. J'aurais le goût de vous dire, M. le Président, que nous nous trouvons aujourd'hui dans une impasse, parce que d'être obligés d'adopter par bâillon une loi de retour au travail matraque comme celle que nous avons sous les yeux ce matin, c'est la preuve évidente que ce gouvernement s'est trouvé dans une impasse; impasse, il faut reconnaître, M. le Président, qui avait l'air d'avoir été planifiée de toutes pièces. C'était la chronique d'un drame annoncé, pour ainsi dire, M. le Président, que cette loi spéciale. M. le Président, ce qu'il faut reconnaître également, c'est que notre système judiciaire risque, lui aussi, de se retrouver dans une impasse.

M. le Président, au moment où on se parle, à cause de l'entêtement de ce gouvernement qui n'a pas voulu saisir l'occasion que nous lui offrions hier de prendre un temps d'arrêt pour éviter que la situation ne se détériore encore davantage... Parce que, avant même que nous n'entreprenions l'étude de ce projet de loi, nous avions des signaux inquiétants à l'effet que notre système de justice allait subir des contrecoups importants comme conséquence de l'adoption de ce projet de loi. On a offert au gouvernement, à ce moment-là: Écoutez, essayons d'éviter que la situation ne se détériore, prenons un temps d'arrêt. Le gouvernement a repoussé cette offre du revers de la main -- j'imagine qu'il a constaté qu'il y avait là une impasse -- et a décidé d'aller de l'avant avec le rouleau compresseur.

Quel en est le résultat, M. le Président? Le résultat, c'est qu'on nous annonce des démissions du côté des procureurs, du côté des juristes. On nous annonce des retraites hâtives. Ce qu'on nous annonce également, M. le Président, c'est un retour au travail qui va se faire sans grand enthousiasme et où le gouvernement ne pourra pas s'attendre, comme c'était le cas en raison du grand professionnalisme de ses employés de l'État, à ce que ces mêmes procureurs et juristes continuent à faire ce qu'ils faisaient dans le passé, c'est-à-dire offrir gracieusement de leur temps pour le bénéfice du gouvernement et des citoyennes et des citoyens du Québec. Ces gens-là, dorénavant, ne feront plus de bénévolat pour le gouvernement du Québec.

Mais plus encore, M. le Président, plus encore, nous avons assisté à la démission... différée, d'après ce que j'ai pu comprendre, puisque le Directeur des poursuites pénales et criminelles a décidé, dans sa grande sagesse, qu'il allait appliquer aux cadres du système de justice la même médecine que le gouvernement applique aux procureurs et aux juristes, c'est-à-dire: Tu rentres au travail, que ça te plaise ou non. Mais nous avons appris hier, un peu consternés, l'annonce du départ différé de Me Claude Chartrand, procureur en chef au Bureau de lutte au crime organisé, qui, en fait, a fait parvenir à son patron une lettre qui nous glace le sang.

**(6 heures)**

Je vous en lis quelques extraits, M. le Président: «Déjà, depuis plusieurs années en raison du manque de ressources, je dois me démener auprès des forces policières pour retarder l'issu de projets, car nos effectifs limités ne nous permettent pas d'évaluer la preuve pour porter des accusations à l'intérieur du temps escompté.

«Actuellement, je n'arrive pas à combler mes postes disponibles pour relever l'important défi de l'opération SharQc pour lequel vous avez obtenu l'ajout de 16 procureurs. À ce jour, je n'ai que 10 procureurs et aucune candidature ne s'annonce. De l'autre côté, la défense se compose d'une armada d'une soixantaine d'avocats dont plusieurs sont parmi les plus chevronnés de notre profession.

«Pour y pallier, nos élus nous proposent une loi spéciale. Dans ce contexte, je ne peux que manifester de sérieuses craintes quant à l'issue des procédures.» Cette partie est peut-être plus dramatique encore, M. le Président: «Bien sûr que les 155 Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.»

M. le Président, ce qu'on constate, c'est que tous les efforts qu'on a pu déployer jusqu'à présent pour lutter contre le crime organisé, d'abord contre les motards criminalisés et éventuellement contre la corruption, contre la collusion, tous ces efforts risquent d'être anéantis par l'intransigeance, l'entêtement, l'obstination de ce gouvernement, M. le Président. Parce que, ce n'est pas tout, dans la foulée de la démission de Me Chartrand, on a assisté à la démission différée, encore une fois, d'un certain nombre de procureurs en chef, de procureurs en chef adjoints, que ce soit au bureau de Montréal, Abitibi-Témiscamingue, Outaouais, Rimouski, Valleyfield, Laval, Saint-Jérôme, Québec, M. le Président, minant d'autant la crédibilité de nos institutions.

Hier soir, c'était au tour de l'Association des cadres juridiques de la fonction publique de déplorer l'issue des négociations avec les juristes de l'État et les procureurs. Je vais vous lire, M. le Président, une partie du communiqué de presse: «L'Association des cadres juridiques de la fonction publique déplore l'issue des négociations se terminant par une loi spéciale forçant les juristes de l'État et les procureurs des poursuites criminelles et pénales à retourner au travail.

«L'Association des cadres rappelle que ces juristes et procureurs ont déjà fait l'objet de conditions imposées par le gouvernement. Ce retour au travail forcé impliquera une perte de motivation et une difficulté de rétention des avocats et notaires exerçant des fonctions de haute spécialisation à l'acquis du gouvernement et de la population. Ces juristes sont notamment des fiscalistes, légistes, notaires, avocats, plaideurs de haut niveau, conseillers juridiques, etc.»

M. le Président, comme si ce n'était pas déjà suffisant, quelque 420 procureurs de la couronne ont déjà annoncé qu'ils n'entendaient d'aucune façon s'associer aux opérations de l'Unité permanente anticorruption annoncée vendredi dernier par le ministre de la Sécurité publique. M. le Président, alors que ce gouvernement nous annonçait qu'il entendait déployer toutes les énergies possibles pour lutter contre la corruption... semble avoir déployé toutes les énergies possibles pour miner les institutions judiciaires dont on a besoin pour lutter contre la corruption, M. le Président. On se retrouve dans une situation où notre système juridique sera profondément affecté, M. le Président. Et on voudrait nous faire croire, en face, qu'on est sérieux lorsqu'on dit qu'on veut lutter contre la corruption et la collusion. M. le Président, permettez-nous d'être des plus sceptiques ce matin avec ce qu'on a sous les yeux.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Verchères. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais: Brève question de règlement. Rappelez un peu le décorum aux députés. Il y a quatre députés libéraux qui chiquent de la gomme, dont un qui fait des ballounes pendant le débat, c'est un peu gênant.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Bon. Interdit ici de manger ou de boire d'autre chose que de l'eau. Je vais maintenant inviter Mme la ministre responsable du Conseil du trésor à prendre la parole.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): S'il vous plaît! Nous avons une prochaine intervenante, Mme la ministre du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: M. le Président, nous sommes devant vous ce matin pour effectivement adopter une loi de retour au travail des procureurs de l'État et des juristes. Vous aurez compris certes que cette loi n'est certainement pas le premier choix du gouvernement. Mais, vous savez, gouverner, c'est aussi faire des choix difficiles. Et c'est ce choix difficile que nous avons ce matin et c'est ce choix difficile que nous avons discuté au cours des dernières heures et au cours de cette dernière nuit.

Personne ne pourra contester que, malgré le maintien des services essentiels, nombre de citoyens subissent des conséquences négatives, nombre... Personne ne peut nier que bon nombre de dossiers ne peuvent procéder et nos tribunaux ne peuvent fonctionner normalement. Si nous prolongions cette grève, M. le Président, c'est évident que les délais de comparution seraient encore plus longs, le ralentissement des enquêtes serait évident et les citoyens qui sont en attente depuis plusieurs mois parfois, les citoyens qui sont victimes, des citoyens qui sont témoins, des citoyens qui veulent que justice soit rendue en subiraient encore plus gravement les conséquences.

Voilà le terrible choix qui se présente devant nous, d'abord reconnaître les conditions de travail d'hommes et de femmes qui, dans bien des cas, depuis plusieurs années, oeuvrent quotidiennement pour défendre cette justice, oeuvre quotidiennement avec leur expérience, leur dévouement, leur expertise et leur passion, M. le Président, dans leur métier, oeuvrent pour s'assurer qu'au Québec notre système de justice reflète cette capacité, évidemment, de faire en sorte que ceux qui sont victimes puissent bénéficier des recours appropriés.

Donc, personne ne contestera, de ce côté-ci, que le choix qu'il y a devant nous ne peut pas être le premier choix. Et c'est pour ça que nous avons déployé tous les efforts pour arriver à une entente négociée, M. le Président, parce que telle était la volonté très forte du gouvernement, telle était la volonté très forte de celle qui vous parle, de pouvoir correctement améliorer les conditions de travail des procureurs et des juristes.

Cette négociation-ci était complexe, il faut l'admettre, et force est d'admettre aussi qu'elle a été particulièrement difficile. Pourquoi, M. le Président? Parce qu'après plusieurs rencontres de négociation, après avoir fait appel à un conciliateur, après avoir fait appel à un médiateur, après avoir multiplié les rencontres sous diverses formes pour essayer de trouver la réponse à ce que nous appelons aujourd'hui malheureusement l'impasse...

Je sais que plusieurs ne souhaitent plus que nous mentionnions l'importance de l'équité entre tous les employés de l'État puisque, comme gouvernement, nous avons aussi cette responsabilité de définir ces conditions de travail pour tous les employés de l'État. Et je sais que cet argument, lorsqu'on est procureur ou qu'on est juriste, peut paraître difficile à accepter. Mais il n'en demeure pas moins, M. le Président, lorsque nous avons pris un engagement tout aussi sérieux envers 475 000 personnes, ce principe de l'équité et cet engagement que nous avons pris de respecter des paramètres salariaux envers eux doit aussi s'appliquer envers les procureurs de la couronne et les juristes.

**(6 h 10)**

M. le Président, je peux comprendre aussi que ces procureurs et juristes ont voulu faire valoir cet écart, cet écart dont nous avons longuement parlé cette nuit, ont voulu faire valoir les comparaisons entre les différentes provinces, ont voulu faire valoir qu'ils avaient attendu trop longtemps. Et, M. le Président, vous savez aussi que ça peut être agaçant pour eux de se faire dire que, dans notre rôle de gouvernement et dans cette importance de maintenir l'équité, correspond aussi la capacité de payer des contribuables québécois. Il serait totalement irresponsable de se présenter devant des syndicats, des associations syndicales sans un cadre financier bien défini, sans avoir ces paramètres qui nous disent que, oui, nous souhaitons améliorer les conditions de travail, mais que malheureusement nous avons aussi cet objectif de retrouver l'équilibre budgétaire en 2013-2014, cet équilibre budgétaire pour lequel un effort collectif est demandé.

Et c'est toujours ingrat de demander un effort collectif, M. le Président, quand on parle de conditions de travail parce que les conditions de travail concernent aussi des individus. Chaque individu, lui, veut avoir les meilleures conditions de travail, et c'est fort légitime, M. le Président. C'est fort légitime. Et que des associations se regroupent... Et c'est pour ça que nous avons un code du travail, c'est pour ça que nous avons des règles en matière de relations de travail qui font que nous souhaitons pouvoir établir ces différents paramètres de discussion entre nous mais en essayant de reconnaître le contexte qui est devant nous.

Et il a fallu rappeler, M. le Président, cette nuit, que la situation a bien changé au Québec puisque, oui, comme partout ailleurs dans le monde, nous avons traversé une grave crise économique, nous avons traversé une récession et nous avons dû creuser ce déficit et que maintenant notre responsabilité, dans l'espace que nous offrent les finances publiques, c'est de pouvoir en toute bonne foi, sérieusement, correctement et raisonnablement discuter avec les représentants de nos employés. C'est ce que nous avons essayé de faire, M. le Président. Mais ce qu'on nous a demandé était, en toute conscience, et je le dis bien sincèrement, en toute conscience, ce qui nous était demandé était impossible à atteindre face à cet engagement pris au printemps dernier.

Par contre, par contre, M. le Président, nous avons essayé, encore là, avec tout le sérieux requis, de dire: Comment pouvons-nous d'une autre façon améliorer des conditions de travail qui soient spécifiques aux métiers de procureur et de juriste? Comment pouvons-nous reconnaître les exigences de ces métiers? Comment pouvons-nous assurer que des correctifs importants sont apportés à des situations de travail réelles, et ça, dans toutes les régions du Québec? C'est pourquoi, dans ce projet de loi, nous reconnaissons l'importance de rémunérer les heures travaillées, de reconnaître des semaines de travail majorées, que ce soit 37 heures et demie, que ce soit jusqu'à concurrence de 40 heures-semaine.

M. le Président, ce travail, qui est fait dans des conditions souvent de grande tension, puisque nous reconnaissons absolument que travailler dans le monde de la criminalité, ce n'est certainement pas le travail le plus reposant et que, donc, face à ces réalités, nous croyons qu'il y a, par exemple, la nécessité de reconnaître la complexité de la tâche, la nécessité de reconnaître le travail à l'intérieur de mandats spéciaux, la nécessité de reconnaître le travail en régions plus éloignées, la nécessité de reconnaître le recrutement, la nécessité d'ajouter, M. le Président, un certain nombre de procureurs, de techniciens, de recherchistes, de soutien, la nécessité d'ajouter au sein de nos organisations des juristes, qui sont nos premiers collaborateurs, nous, législateurs... Il y avait, M. le Président, il y avait capacité à offrir de meilleures conditions et il y avait capacité de poursuivre cette discussion et s'assurer que nous puissions, là aussi, offrir à ces employés une entente négociée.

Nous sommes dans la prise en considération, M. le Président, nous reviendrons dans quelques minutes sur, espérons-le, l'adoption de cette loi. Et, M. le Président, je vais réitérer aujourd'hui, comme je l'ai fait hier, comme je l'ai fait cette nuit, que nous serons toujours disposés à poursuivre ce dialogue. Nous sommes toujours disposés à poursuivre ce dialogue parce que nous y croyons, M. le Président, et parce que notre force à tous collectivement, notre force à tous collectivement, c'est d'avoir franchi des obstacles qui semblaient insurmontables et de les avoir franchis constamment au nom de l'intérêt public. Et, aujourd'hui, si nous sommes réunis ce matin, c'est parce que tous, tous, peu importe la fonction que nous occupons, peu importe le rôle que nous jouons, peu importe qui nous sommes, nous avons et aurons constamment la responsabilité d'offrir les meilleurs services à nos concitoyens. Et c'est en pensant à ceux et celles qui attendent de recevoir, et de faire justice, et que justice soit faite dans leur vie, M. le Président, que nous devons malheureusement faire ce choix difficile et déchirant qui est d'adopter ce projet de loi.

Alors, M. le Président, je continue de croire que, les jours, les semaines, les mois qui viennent... et nous offrons cette collaboration. Et cette collaboration, elle sera tout aussi sérieuse, et cette volonté, elle sera toujours aussi forte de pouvoir être en mesure d'améliorer ces conditions de travail et de corriger ces situations, M. le Président. Et je sais que, malgré la difficulté et malgré le côté ingrat de notre travail à bien des égards, si nous sommes ici, c'est parce que la population nous demande de répondre à l'appel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la présidente du Conseil du trésor. J'inviterais maintenant M. le député de Lac-Saint-Jean à prendre la parole.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci, M. le Président. M. le Président, ce matin, quand on a commencé l'étude détaillée du projet de loi, les premiers propos de la ministre, ça a été de dire: Bien, on va négocier, on va s'entendre, on va travailler de bonne foi avec les procureurs, on va les inviter à continuer à discuter avec nous pour la suite des choses. M. le Président, la ministre, on est en train d'adopter un projet de loi qui est imposé aux procureurs, il est 2 heures du matin, M. le Président, et on entame des discussions sur le projet de loi détaillé, M. le Président, on nous impose des nouvelles conditions de travail, puis la ministre nous dit: Bien, continuons à discuter, continuons après, une fois que le projet de loi va être adopté, une fois que les conditions de travail vont avoir été imposées aux travailleurs, une fois que l'essentiel, le coeur du litige va être imposé, bien là on va aller discuter ensemble, on va aller négocier, on va vous tendre la main. M. le Président, la situation est pour le moins absurde. Le gouvernement du Québec nous dit: On veut continuer à négocier, alors qu'on est réunis aujourd'hui dans une procédure exceptionnelle pour imposer des conditions de travail aux salariés, aux procureurs... aux procureurs généraux du Québec.

**(6 h 20)**

M. le Président, contradiction assez extraordinaire de la ministre, en 2005, les procureurs, leur convention collective n'était même pas à échéance, le gouvernement du Québec utilise exactement la même procédure, décide de forcer le jeu, décide de leur imposer à nouveau des conditions de travail. Le gouvernement leur dit: Bien, faites-vous-en pas, on va continuer à négocier, on va continuer à s'entendre. Qu'est-ce qui se passe? 2006, 2007, est-ce qu'on a continué à négocier? 2008, 2009, est-ce qu'on a continué à négocier? Bien sûr que non, M. le Président. Entre 2005 et 2010, on a imposé des conditions de travail aux procureurs. Et qu'est-ce qu'on a fait?

Le gouvernement le savait, savait que, les procureurs, leur convention venait à échéance avec la fin du décret. Est-ce que le gouvernement du Québec a entamé les négociations avec les procureurs une année d'avance ou même deux... ou, mieux, même deux ans d'avance en vue de prévoir la fin du décret? Le gouvernement du Québec s'est traîné les pieds. Le gouvernement du Québec n'avait aucune volonté à réellement négocier. La preuve, c'est que, lorsqu'est venu le temps de mettre à jour la fameuse étude sur la rémunération des procureurs, une étude de 2002... Les procureurs demandent au gouvernement du Québec dès 2009 de mettre à jour cette étude-là en vue de prévoir la fin du décret, quelle est la réponse du Conseil du trésor, M. le Président? La réponse du Conseil du trésor, c'est de dire: Non, non, non, nous, l'étude, on n'a pas besoin de la mettre à jour, on n'en a pas de besoin, alors que la ministre, ce soir, nous dit que cette même étude-là a servi de base dans les négociations avec les autres fonctionnaires du secteur public, M. le Président.

Alors, au lieu de prévoir, au lieu d'entamer des négociations de bonne foi avec les procureurs, au lieu d'agir en prévoyant, M. le Président, ce qui allait arriver, on s'est laissé traîné les pieds. On s'est laissé traîner les pieds, M. le Président, parce que non seulement on n'avait aucune volonté de régler, parce que fort probablement que, si on avait mis à jour la fameuse étude par l'Institut de la statistique du Québec comme ça avait été le cas en 2002, fort à parier que le gouvernement n'aurait certainement pas aimé ce qu'il y avait dedans parce que, le rattrapage à faire, alors que, déjà en 2002, on parlait de 32 % de rattrapage à faire, fort à parier que le chiffre aurait été plus important en 2010, M. le Président, de sorte que ça aurait mis le gouvernement dans l'embarras.

Alors, on refuse de participer à cette démarche-là et, lorsqu'on décide finalement de négocier, en 2010, bien, ce qu'on leur dit, c'est: Bien, vous n'êtes pas différents des autres puis vous devez rentrer dans le cadre. Et quel est ce cadre, M. le Président? Bien, le même cadre qu'on applique aux autres fonctionnaires de l'État.

M. le Président, dès qu'on a voulu faire le rattrapage, M. le Président, dès que, les procureurs, on leur a imposé ces nouvelles conditions salariales, M. le Président, qu'est-ce qu'on a fait réellement? C'est que, de façon unilatérale, de façon... sans négociation réelle avec les procureurs parce que sans aucune intention réelle de vouloir négocier, bien, qu'est-ce que ça a fait, M. le Président? Ça a fait qu'on se ramasse dans la situation actuelle parce que le gouvernement du Québec a agi à la dernière minute, s'est laissé traîner les pieds.

Là, on nous dit: C'est urgent, la maison brûle, il faut agir maintenant. On nous convoque de manière urgente, un lundi, on nous fait siéger toute la nuit. Pourquoi? Parce qu'il y a urgence, M. le Président, semble-t-il. Est-ce que ça se pourrait, M. le Président, que le premier ministre du Québec ait un autre agenda? Est-ce que ça se pourrait, M. le Président, qu'en réalité ce qu'il ne veut pas, M. le premier ministre, c'est qu'on nuise à son fameux discours inaugural qu'on sait tous qu'il va avoir lieu fort probablement dès mercredi cette semaine, M. le Président? Est-ce que ça se peut que la vraie urgence, ce n'est pas de régler avec les procureurs, mais ce n'est pas plutôt d'avoir deux sujets importants dans l'actualité qui pourraient venir faire ombrage sur le discours inaugural du premier ministre, M. le Président?

M. le Président, la situation est grave. Durant nos débats aujourd'hui, on a appris que des procureurs cadres avaient demandé d'être relevés de leurs fonctions. Concrètement, ce que ça veut dire, M. le Président, ça veut dire que les procureurs, ceux et celles qui sont dans des positions de gestion, ceux et celles qui dirigent les autres procureurs à travers le Québec, bien, tour à tour, ils ont envoyé une lettre et ils ont demandé d'être relevés de leurs fonctions, M. le Président, par un geste sans doute de solidarité.

Lorsque M. Claude Chartrand écrit et sort sur la place publique, un juriste, un procureur avec une si grande crédibilité, qui nous dit que le Québec n'a plus la capacité de lutter effectivement contre le crime organisé et que les procureurs n'ont pas les conditions nécessaires pour pouvoir affronter le crime organisé, lorsque M. Chartrand nous dit qu'il n'est pas capable de recruter les 16 procureurs, qu'on lui a pourtant octroyés, qu'on lui a pourtant octroyés, parce que la profession n'est pas assez attirante, M. le Président, alors que M. Chartrand est responsable de la mise en oeuvre du procès pour donner suite à l'opération SharQc, alors qu'il occupe des fonctions fort importantes, M. le Président, il nous lance un cri du coeur, il demande d'être relevé de ses fonctions et nous dit: On s'en va dans un mur, la situation est intolérable, il faut redonner espoir, il faut redonner toute la... je dirais, les lettres de noblesse à la fonction de procureur.

M. le Président, si le gouvernement du Québec avait la réelle intention de s'attaquer à la corruption au Québec, si le gouvernement du Québec avait la réelle intention de s'occuper de tous les cas de collusion, bien il ne s'organiserait pas pour aller en guerre comme il le fait présentement avec les procureurs du Québec, alors qu'il sait pertinemment qu'il ne pourra pas faire ce travail-là sans la collaboration des procureurs, alors que plus que jamais il a besoin d'eux pour aller au fond des choses, M. le Président.

Ce que ça témoigne, c'est que non seulement le gouvernement du Québec s'est attaqué à la crédibilité, au processus de nomination des juges, mais là, présentement, M. le Président, c'est l'ensemble de la classe juridique qui est en train d'y passer avec un découragement partagé chez les procureurs. Je les ai rencontrés plus tôt aujourd'hui, M. le Président, ils sont découragés, ils sont déçus, ils sont... Ils n'en reviennent pas de la volonté unilatérale de ce gouvernement.

Alors que les procureurs auraient eu besoin d'avoir une tape dans le dos, d'être encouragés, alors qu'on aurait eu besoin d'eux pour mener de front la lutte à la corruption, M. le Président, le gouvernement du Québec choisit l'affrontement, choisit la confrontation et choisit la démobilisation, M. le Président. Je vais me battre jusqu'à la dernière minute pour ne pas que ça arrive, M. le Président. Le Québec vit une situation grave, M. le Président, force est de constater que le gouvernement du Québec, à nouveau, aura contribué une fois de plus au cynisme de la population québécoise.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? S'il n'y a pas d'autres intervenants...

M. Bédard: Oui, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui.

M. Bédard: ...combien reste-t-il de temps? J'imagine qu'il y aura un porte-parole.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Il reste à peine une minute au gouvernement.

M. Bédard: Une minute au gouvernement?

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui.

M. Bédard: Et combien nous reste-t-il de temps?

Le Vice-Président (M. Chagnon): À peu près 10 minutes.

M. Bédard: Alors, il va me faire plaisir... Je prends la minute du gouvernement aussi.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Bien, on va... on va voir. Est-ce qu'il y a... Est-ce que, du côté du gouvernement, la minute...

Des voix: ...

**(6 h 30)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, nous vous écoutons, M. le député de Chicoutimi et leader de l'opposition.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: ...nous parler avec empathie des procureurs. Je vous dis, mes premiers mots, M. le Président, après cette nuit, vont aux procureurs et aux juristes de l'État pour leur témoigner tout mon respect, mon admiration du travail qu'ils font, de la bataille qu'ils ont livrée, la bataille juste qu'ils ont livrée. Ils l'ont fait depuis des années. C'est rare qu'un combat de six ans... on parle ici d'un combat de six ans, M. le Président, qui se termine dans un tel... je vous dirais, dans quelque chose qui ressemble beaucoup plus à un cirque, à une parodie que vraiment à une vraie négociation.

Ils ont été là tout le temps, parce qu'ils nous ont témoigné, au fur et à mesure de nos travaux, de leur appréciation, de leurs commentaires, mais aussi, plus ça allait, de leurs frustrations, M. le Président, et parfois de leur écoeurement, qui est justifié. Mais je tiens seulement à leur dire que ce qui peut parfois paraître une défaite, dans le temps, peut se retourner et, je vous dirais, vieillir différemment. Pour eux, M. le Président, jamais, des gens, qui pourtant exercent un emploi, une profession aussi névralgique n'ont autant attiré l'attention sur leurs conditions inacceptables, jamais.

Donc, nous les avons entendus. Cette défaite, qui peut paraître une défaite aujourd'hui, se transformera un jour en une victoire. Et je tiens à dire que, pour ceux aujourd'hui que ça a l'air d'une victoire... je peux vous dire que ça va se transformer en défaite aussi. Pourquoi? Parce que les motifs qui sont derrière cette loi innommable défient l'inimaginable, M. le Président, et ont tout l'apparence du manque de respect et de considération, mais surtout qu'encore une fois le gouvernement aura tout faux. Si, à une certaine époque, on a employé le terme «girouette» dans ce Parlement, M. le Président, je dirais que le Parti libéral est devenu une véritable marionnette dans les mains de quelqu'un qui ne distingue ni le vrai du faux -- je parle du Parti libéral, le parti auquel vous appartenez, M. le Président -- dans les mains de quelqu'un qui ne distingue ni le vrai du faux, ni le contenu de l'image, le fond de l'image, ni le principal de l'accessoire, qui est incapable maintenant de distinguer ses intérêts personnels contre l'intérêt public.

C'est l'état dans lequel nous sommes. Parce qu'aujourd'hui j'ai entendu des gens qui ont obéi au doigt et à l'oeil à quelqu'un qui a comme trame de fond quoi, M. le Président? Vous, vous le savez. Vous avez assez d'expérience dans le Parlement. Nous, on le sait aussi. Ça fait assez longtemps que je suis ici pour savoir que ce qui importe au premier ministre, c'est son discours inaugural, c'est son agenda personnel, c'est le fait que jeudi nous allons suspendre nos travaux. Nous allons retourner dans nos comtés et, pendant ce temps, lui, il compte se refaire une beauté, une beauté personnelle.

Je tiens seulement à lui dire qu'il est trop tard pour écrire son histoire, elle est déjà écrite. Elle est écrite de tous les gestes qu'il a posés ou de ceux qu'il n'a pas posés, de toutes les occasions, qu'il a manquées, de se faire valoir, de faire valoir des intérêts qui sont beaucoup plus grands que sa propre personne. Il est trop tard pour lui. Il est peut-être trop tard pour le Parti libéral aussi, M. le Président. Parfois, des partis ont pâti encore plus longtemps que leurs anciens chefs de leurs actions. J'invite seulement ceux qui obéissent au doigt et à l'oeil de voir ce qui se passe au niveau fédéral, comment des gens bien intentionnés, de qui je ne partage à peu près peu de leur idéologie mais pour qui j'ai du respect, pâtissent encore des gestes posés par un des leurs qui était leur chef à une certaine époque. Ils en paient un lourd tribut encore. Et je pense que ce lourd tribut, il va être le vôtre, M. le Président. Il va être celui auquel... pour le parti auquel vous appartenez, malheureusement.

Nous avons eu, au cours de la nuit, des déclarations pour le moins étonnantes. Nous avons fait des propositions les plus responsables possible, M. le Président. Nous avons demandé de suspendre l'application de la loi pour des motifs qui sont vraiment, M. le Président, d'ordre d'intérêt public. De voir un des procureurs les plus émérites démissionner était de nature, moi, à laisser croire que ces gens étaient prêts à aller jusqu'au bout. Si le gouvernement pense que d'avoir donné ordre au DPCP de refuser des démissions de ses procureurs-chefs va régler le problème, je pense que c'est faire fi de la réalité. Ce qu'on apprend d'ailleurs aujourd'hui, un autre chapitre s'écrit dans la triste histoire juridique du premier ministre et de son ministre de la Justice, les procureurs, aujourd'hui, c'est une première, ça n'est jamais arrivé de l'histoire, du moins, que je connais du Québec, là, c'est une dépêche, ils demandent la démission du DPCP, rien de moins.

Les procureurs demandent la démission de celui qui est responsable des poursuites publiques au Québec. Voici le legs de ce gouvernement. Voici l'irresponsabilité, où est-ce que ça peut nous mener. Voici le résultat quand on joue au plus fou.

Le résultat, c'est que le premier ministre actuellement prépare son discours inaugural. Les procureurs, eux, sont révoltés, et le DPCP est mis à mal. Entre vous et moi, là, où est le fond? Où est le principal? Est-ce que c'est le discours inaugural ou c'est ce qu'on voit actuellement et la demande de démission du DPCP et celle de ses principaux procureurs? On me dit même que le Barreau du Québec, qu'on ne peut pas taxer de partisanerie, déclare aujourd'hui, ce matin, que le Québec met en péril l'administration de la justice, rien de moins. Le gouvernement met en péril l'administration de la justice. Et j'ai entendu combien de gens ici se lever... peu de gens du gouvernement, parce que certains, je suis convaincu, sont gênés tout autant que moi, mais d'autres se lever, avec une candeur qui des fois... que j'aime bien mais, dans ce cas-ci, est très mal à propos, faire la leçon et discourir de choses qui n'ont rien à voir avec la réalité concrète.

Des procureurs, certains, et des juristes de l'État sont gênés de ce qui se passe actuellement dans leur Parlement. C'est ça, la conséquence concrète. Et, pour eux, ils doivent retourner travailler pendant que, nous, demain, nous serons convoqués à d'autres choses. Eux, ils doivent retourner au travail, mais dans quel cadre, de quelle façon cela va se faire?

M. le Président, le pire est à venir. Je l'ai dit hier, souvenez-vous, quand je me suis levé, ce n'est pas la fin, ce projet de loi là, c'est le début de quelque chose de beaucoup plus grave. Jamais aucun premier ministre du Québec n'aura laissé la situation empirer à ce point. Le premier ministre actuel a eu deux, trois phrases, comme son ministre de la Justice d'ailleurs, qui n'a pas utilisé la prérogative qu'il a de dire que je ne participerai pas à cette oeuvre, à cette oeuvre de déconstruction. Chacun des parlementaires a ce droit ultime de dire non parce qu'il est jugé ultimement pour ce qu'il vote, pour ce qu'il dit. Il vient des moments, M. le Président, qu'au-delà de la, je vous dirais, de la nécessaire cohésion que nous devons avoir dans nos groupes on cherche où est la vérité, où est notre devoir. Dans ce cas-ci, je pense, sans me tromper, vous dire que pour plusieurs d'entre nous, pour plusieurs d'entre eux c'est une occasion perdue.

Nous tenterons de sauver ce qui reste à sauver, M. le Président. Ce qui reste à sauver, c'est la suite des choses. Le gouvernement a imposé une loi de cinq ans, cinq ans à des gens qui attendaient depuis six ans. J'ai pris toutes les façons possibles pour convaincre la ministre, la présidente du Conseil du trésor. Mais, à l'évidence, ça n'arrivera pas, mais je ne sais pas à qui d'autre je peux m'adresser pour... Au moins, sauvons ce qu'on peut encore sauver, limitons l'application de la loi. Comment? Qui peut croire la présidente du Conseil du trésor, main sur le coeur, qui nous dit: Je n'ai pas négocié pendant six ans, mais je vais négocier pendant les cinq prochaines années? Venez négocier les miettes, je vous attends. Qui peut croire ça? De notre côté, je vous dirai, c'est peut-être normal, mais pensez-vous que les procureurs qui attendent depuis tout ce temps-là peuvent croire une seule de ses paroles, une seule?

Il va rester un peu de temps au gouvernement après nos discussions. Je lui demande de limiter à un an l'application de la loi. Si vous avez un seul rôle à jouer, M. le Président, c'est peut-être celui-là, pour leur permettre, à ces gens, qui ont tous les mérites, dans le cas des juristes de l'État... Je n'ai pas à vous en convaincre. Vous aimez la législation autant que moi et vous retrouvez en commission parlementaire... Pour les procureurs de la couronne, on est dans une autre sphère. On est des gens qui sont face, je vous dirais, à une réalité concrète qui n'a rien de joli. Oui, ça prend une vocation, comme certains le disaient, de faire ce travail, en autant qu'on est considéré. La perte de considération pour ces gens aura des conséquences qui seront... qui dépassent la vie et l'image ou la popularité du premier ministre et de ses gens.

Alors, M. le Président, c'est le dernier voeu que je fais, c'est de limiter l'application de la loi et de faire en sorte au moins que dans la prochaine année, dans les prochains mois, les procureurs trouveront peut-être un certain réconfort à dire que nous aurons enfin justice.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le leader. Cela met fin à la prise en considération du rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics.

Mise aux voix des amendements

Conformément à l'article 257.7 du règlement, je vais donner lecture de chacun des amendements proposés, avant la mise aux voix, et chacun des votes se fera à main levée.

Alors, je mets aux voix la première motion d'amendement présentée par M. le député de Chambly, qui se lit comme suit: À l'article 11 du projet de loi, remplacer «2015» par «2012».

Est-ce que cette motion est adoptée?

**(6 h 40)**

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): La motion est donc rejetée.

Je mets aux voix la deuxième motion d'amendement présentée par M. le député de Chambly, qui se lit comme suit: À l'article 12 du projet de loi, remplacer «2015» par «2012».

Est-ce que cette motion d'amendement est adoptée?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): La motion est rejetée. Je mets aux voix la troisième motion d'amendement présentée par M. le député de Chambly, qui se lit comme suit: À l'article 32 du projet de loi, remplacer «2015» par «2012».

Est-ce que cette motion d'amendement est adoptée?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Elle est rejetée.

Mise aux voix des articles
non adoptés par la commission

Conformément à l'article 255.7 du règlement, je vais maintenant permettre... mettre aux voix, c'est-à-dire, les articles dont la commission n'a pas disposé. Et les autres éléments du projet de loi, ils seront mis aux voix un à un sans que la présidence en donne lecture. Et chacun des votes se fera à main levée.

Est-ce que l'article 3 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, l'article 3 est adopté.

Est-ce que l'article 4 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 4 est adopté. L'article 4 est adopté à la majorité. L'article 3 est aussi adopté à la majorité.

Nous en sommes à l'article 5. Est-ce que l'article 5 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 5 est donc adopté à la majorité.

Est-ce que l'article 7 est adopté? L'article 7 est adopté à la majorité des voix.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Je m'excuse. Est-ce que l'article 6 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 6 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 7 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 7 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 8 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 8 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 9 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 9 est donc adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 10 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 10 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 11 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 11 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 13 est... 12 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 12 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 13 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 13 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 14 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, l'article 14 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 15 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 15 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 16 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 16 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 17 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 17 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 18 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 18 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 19 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 19 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 20 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 20 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 21 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 21 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 22 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 22 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 23 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 23 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 24 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 24 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 25 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 25 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 26 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 26 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 27 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 27 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 28 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 28 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 29 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 29 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 30 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 30 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 31 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 31 est donc adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 32 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 32 est adopté à la majorité des voix.

Est-ce que l'article 33 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'article 33 est adopté à la majorité des voix.

Mise aux voix de l'annexe

Est-ce que l'annexe est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): L'annexe est adoptée à la majorité des voix.

Mise aux voix du titre

Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Le titre du projet de loi est donc adopté.

Mise aux voix du rapport

Je mets maintenant aux voix le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Est-ce que ce rapport tel qu'amendé... Il n'a pas été amendé.

Alors, est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Le rapport est donc adopté.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Appel nominal? Alors, que l'on appelle les députés. Je suspends quelques instants.

**(6 h 45 -- 6 h 46)

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, je mets maintenant aux voix le rapport de la commission plénière sur le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François)... excusez-moi, Mme Courchesne (Fabre), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bachand (Outremont), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Blais (Saint-Henri--Sainte-Anne), M. Lessard (Frontenac), Mme Thériault (Anjou), M. Corbeil (Abitibi-Est), M. Auclair (Vimont), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Ménard (Laporte), Mme James (Nelligan), Mme Vien (Bellechasse), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. MacMillan (Papineau), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Gignac (Marguerite-Bourgeoys), M. Arcand (Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), Mme Boulet (Laviolette), M. Simard (Dubuc), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Ouimet (Marquette), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Gautrin (Verdun), M. Whissell (Argenteuil), Mme L'Écuyer (Pontiac), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda--Témiscamingue), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Reid (Orford), M. Dubourg (Viau), Mme Gaudreault (Hull), Mme Gonthier (Mégantic-Compton), M. Ouellette (Chomedey), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Vallée (Gatineau), M. Huot (Vanier), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Diamond (Maskinongé), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M. Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Lehouillier (Lévis), M. Mamelonet (Gaspé), M. Matte (Portneuf), M. Pigeon (Charlesbourg), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. D'Amour (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Charlevoix), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), Mme Malavoy (Taillon), Mme Richard (Marguerite-D'Youville), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), Mme Doyer (Matapédia), M. Trottier (Roberval), M. Cousineau (Bertrand), Mme Champagne (Champlain), Mme Bouillé (Iberville), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Blanchet (Drummond), Mme Richard (Duplessis), M. Bergeron (Verchères), M. Ratthé (Blainville), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Bérubé (Matane), M. Aussant (Nicolet-Yamaska), M. Marceau (Rousseau), M. St-Arnaud (Chambly), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme Ouellet (Vachon), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Pagé (Labelle), M. Ferland (Ungava), M. McKay (L'Assomption), M. Gaudreault (Jonquière), M. Dufour (René-Lévesque), M. Lemay (Sainte-Marie--Saint-Jacques), M. Kotto (Bourget), M. Rebello (La Prairie), M. Pelletier (Rimouski), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Robert (Prévost), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Tremblay (Masson), M. Boucher (Johnson), M. Simard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Bonnardel (Shefford), M. Grondin (Beauce-Nord).

M. Khadir (Mercier).

M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Que les...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui, je vous écoute.

M. Bonnardel: ...du deuxième groupe d'opposition puisse voter, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a consentement pour permettre au député de Chauveau de pouvoir entrer? Alors, M. le de Chauveau, nous vous attendons.

Le Secrétaire adjoint: M. Deltell (Chauveau).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a des abstentions parmi les députés? M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 60

Contre: 48

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Chagnon): Le rapport est donc adopté.

Adoption

Nous en sommes maintenant rendus à l'étape de l'adoption du projet de loi. Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor propose l'adoption du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics.

Je vous rappelle que, conformément au paragraphe 4° de l'article 257.1, la durée du débat sur l'adoption du projet de loi est de une heure. La répartition du temps de parole pour ce débat restreint a été établie comme suit: deux minutes sont allouées au député de Mercier, 38 secondes sont allouées à chacun des autres députés indépendants, 4 min 12 s sont allouées aux députés du deuxième groupe d'opposition. Le reste du temps sera partagé également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle. Dans ce cadre, le temps non utilisé par un député indépendant ou par le deuxième groupe d'opposition sera redistribué également entre le groupe parlementaire formant le gouvernement et le groupe parlementaire formant l'opposition officielle, et le temps non utilisé par le groupe parlementaire formant le gouvernement ira à l'opposition officielle, et vice-versa.

Les interventions ne sont soumises à aucune limite de temps. Est-ce qu'il y a des interventions sur ce projet de loi?

**(6 h 50)**

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: M. le Président, Mme la députée de Nelligan a des écouteurs sur la tête. Depuis une demi-heure, elle a ses écouteurs sur la tête. Je rappelle que nous sommes à l'Assemblée nationale du Québec, M. le Président, et que les députés, en vertu de l'article 32, doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée. Il me semble que c'est le minimum, quand on est en séance plénière en cette Chambre, de ne pas avoir des écouteurs sur la tête.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Dans tous les bureaux, ici, des membres de l'Assemblée nationale, il y a des écouteurs qui nous permettent de mieux comprendre, entre autres, les débats de l'Assemblée.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Laissez-moi finir. Nous avons...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Nous avons permis depuis plusieurs années... Nous avons permis depuis plusieurs...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce que je...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Nous avons permis, depuis plusieurs années, l'utilisation, entre autres, de micro-ordinateurs et d'ordinateurs sur nos pupitres. Nous avons aussi dit à ce moment-là que nous ne voulions pas entendre les bruits découlant de ces ordinateurs. Et une des façons d'y arriver, c'est de permettre aux gens de pouvoir utiliser un équipement qui est corollaire à cet ordinateur pour éviter que l'Assemblée soit dérangée. Et, à ma connaissance et à ma compréhension, je pense que c'est exactement le cas qui nous occupe au moment où on se parle.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Oui.

M. St-Arnaud: ...est-ce que... M. le Président, nous sommes à... M. le Président, nous sommes à l'adoption d'une loi bâillon, la troisième en huit mois, la quatrième en deux ans, et la députée de Nelligan ne semble pas intéressée d'entendre ces débats, elle a ses écouteurs sur la tête, M. le Président. Un peu de décorum...

Le Vice-Président (M. Chagnon): M. le député de Chambly, les circonstances sont importantes, vous avez raison. Je constate d'ailleurs que Mme la députée n'a plus d'écouteurs et je vais maintenant demander à Mme la présidente... non, à M. le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes de prendre la parole. M. le député de Châteauguay.

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Alors, je suis heureux de pouvoir vous assister, M. le Président, je sais que la nuit a été longue pour tout le monde. Et ma compréhension, également, du décorum, M. le Président, c'était de se conformer aux décisions que vous aviez rendues et de ne pas les discuter.

À tout événement, nous étions ici... nous sommes ici à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 135, et je pense qu'il est important, à ce moment-ci, d'intervenir en, je dirais, en balance à ce que le leader de l'opposition a fait dans son intervention alors qu'il parlait de victoire et de défaite. M. le Président, je pense que la dernière chose que l'on doit faire ici, c'est de considérer le travail que l'on fait comme une victoire ou une défaite. Le travail que le gouvernement a fait et le travail que le gouvernement propose en déposant le projet de loi n° 135, c'est le résultat de la responsabilité qui incombe au gouvernement d'arriver à définir ce que sont les conditions de travail des employés de l'État lorsque, malheureusement, et je le dis, malheureusement, les négociations n'ont pu aboutir à une conclusion où les deux parties ont réussi à s'entendre de façon consensuelle.

C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons. Et, pour avoir assisté à l'ensemble des représentations qui ont été faites depuis le début de ces travaux, alors que nous avons adopté la procédure de suspension des règles... qui est une procédure prévue par les parlementaires et qui a été prévue à l'unanimité des parlementaires, rappelons-nous, M. le Président, qu'ici la façon de régler nos débats se fait à l'intérieur de règles et que les parlementaires se sont toujours fait un devoir d'adopter ces règles à l'unanimité. Et personne en cette Chambre ne peut remettre en question que le processus dans lequel nous nous sommes engagés lorsque le débat a commencé sur cette loi se fait à l'intérieur des règles que nous nous sommes démocratiquement et unanimement données comme parlementaires. C'est le premier point.

Le deuxième point, c'est que, pour avoir entendu l'ensemble des députés s'exprimer sur le projet de loi n° 135, autant ceux de l'opposition, qui y sont opposés, de la deuxième opposition, les députés indépendants, qui ont parlé, que les députés qui représentent le parti gouvernemental, personne, M. le Président, personne n'est venu dire ou soutenir ici que c'est de gaieté de coeur que nous sommes rendus à l'adoption de ce projet de loi. Personne. Personne non plus n'est venu dénigrer, sous-estimer le travail exceptionnel des juristes de l'État ou des procureurs de la couronne. Personne. Au contraire, tous ont vanté les mérites et l'importance du travail de ces fonctionnaires de l'État. Personne en cette Chambre ne peut remettre en question l'importance du rôle que ces hommes et ces femmes sont appelés à jouer pour l'ensemble de la société québécoise. Personne. Mais, dans une société démocratique, M. le Président, le gouvernement doit faire des choix.

La présidente du Conseil du trésor utilisait l'expression plus tôt «des choix qui sont parfois déchirants». Et l'un de ces choix déchirants, c'est de devoir constater que, dans des cas où des situations deviennent intolérables, inacceptables ou posent les conséquences graves et négatives pour l'ensemble de la société, le gouvernement doit prendre des décisions. Et que l'on aime ou que l'on n'aime pas ces décisions, gouverner, c'est aussi choisir et c'est faire ces choix qui sont parfois difficiles. Et c'est arrivé à toutes les formations politiques qui sont représentées en cette Chambre et qui ont eu l'avantage ou l'occasion de former le gouvernement du Québec.

Les gouvernements, au travers des temps, depuis que cette Assemblée se réunit, ont eu à faire des choix qui ont été difficiles. Nous sommes dans cette situation-là et, bien entendu, nous allons procéder.

Dans ce contexte-là, M. le Président, que l'opposition joue son rôle et qu'elle fasse valoir les arguments qui pourraient être invoqués à l'encontre du projet de loi, soit, ça fait partie du travail des parlementaires et ça fait partie du travail auquel on doit s'attendre d'une opposition. Mais que l'on prête des intentions, M. le Président, des intentions négatives ou des intentions, des agendas cachés... M. le Président, il n'y en a aucun.

Ce à quoi nous assistons, c'est la suite d'une négociation qui a été amorcée, qui a été amorcée de bonne foi. Et, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, M. le Président, la démonstration a été faite qu'il y a eu des séances de négociation, des séances de négociation où on ne remet en question ni la bonne foi des procureurs ou de leurs représentants ni la bonne foi des juristes de l'État ou de leurs représentants, mais qu'on ne puisse pas non plus remettre en cause celle des représentants du gouvernement. Et la meilleure démonstration de cette bonne foi, M. le Président, c'est que le gouvernement a choisi, pour le représenter dans le cadre de ses négociations, ceux et celles qui l'ont avec succès représenté dans la négociation des conventions collectives de près de un demi-million de travailleurs au Québec.

Je pense qu'il y a là des arguments qui viennent établir d'une façon claire que nous avons mis les efforts et que nous avons utilisé, dans la mesure et dans les paramètres qui sont ceux qui s'imposent au gouvernement, l'équité entre les travailleurs de l'État, la capacité de payer des citoyens, à l'intérieur de ces paramètres-là, nous avons utilisé les moyens qui étaient à notre disposition dans l'intention de s'entendre avec les procureurs et avec les juristes.

Malheureusement, le constat, c'est que nous n'y sommes pas arrivés. Et je réitère que, dans un contexte semblable, personne ne peut parler de victoire ou de défaite. Personne. Dans ce contexte-là, ce dont on doit parler, M. le Président, c'est de la responsabilité de l'État. Et l'une des responsabilités de l'État, c'est de s'assurer que le système judiciaire fonctionne, que les gens qui sont accusés puissent avoir des procès, que les gens qui sont arrêtés puissent comparaître dans les délais qui nous sont fixés non pas par le gouvernement, mais par la jurisprudence et par les tribunaux, qui sont les instances suprêmes du bras judiciaire de l'État. C'est ça, les paramètres à l'intérieur desquels on doit travailler, et, dans ce contexte-là, M. le Président, nous allons voter le projet de loi n° 135. Je constate, à l'évidence, que l'opposition ne se joindra pas à ce vote, mais, même si l'opposition ne se joint pas à ce vote, M. le Président, il ne faudrait pas voir la situation dans laquelle nous sommes comme une victoire ou une défaite parce que nous ne le considérons pas ainsi. Merci.

**(7 heures)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant M. le député de Chambly à prendre la parole.

M. Bertrand St-Arnaud

M. St-Arnaud: M. le Président, quel gâchis! Nous avons vécu, M. le Président, une nuit triste pour nos institutions judiciaires, pour notre système judiciaire. Le gouvernement s'apprête à faire adopter une autre loi bâillon, sa quatrième en deux ans, sa troisième en huit mois. Mais ce bâillon, il est particulièrement grave parce qu'il touche à nos institutions judiciaires, à notre pouvoir judiciaire. En imposant une deuxième loi spéciale en cinq ans à ses procureurs de la couronne et à ses juristes -- une première en 2005, une autre aujourd'hui jusqu'en 2015 -- le gouvernement joue avec le feu, et, malheureusement pour l'intérêt public, je crois qu'il est en train de se brûler.

M. le Président, je le dis depuis plusieurs semaines déjà, dans ce dossier, le gouvernement a été complètement irresponsable, irresponsable en laissant traîner ce dossier pendant six ans, ensuite irresponsable en ne menant pas de vraie négociation avec les procureurs de la couronne et les juristes de l'État au cours des derniers mois et des dernières semaines et, finalement, encore une fois irresponsable au cours des dernières 24 heures en faisant voter cette loi spéciale, cette loi matraque, cette loi bâillon, le projet de loi n° 135.

M. le Président, reprenons ça rapidement. Pour bien comprendre à quel point ce gouvernement a été irresponsable, rappelons-nous qu'en décembre 2005 le gouvernement a imposé une loi bâillon à ses procureurs et à ses juristes alors qu'ils n'avaient même pas terminé leur contrat de travail. Dans le cas des procureurs de la couronne, ils avaient une entente jusqu'en 2007, mais le gouvernement a décidé de les intégrer dans la loi spéciale de décembre 2005 sans avoir même négocié une seule minute avec eux. C'est complètement irresponsable, M. le Président, et, d'ailleurs, le gouvernement libéral a été blâmé par le Bureau international du travail de l'ONU pour avoir procédé de cette façon. Le gouvernement, à ce moment-là, a littéralement pelleté le problème en avant, M. le Président, jusqu'à 2010, une attitude incorrecte, inacceptable, irresponsable. Et qu'a fait le gouvernement par la suite, M. le Président? Qu'a-t-il fait en 2006, en 2007, en 2008, en 2009? Il n'a rien fait. Il n'a rien fait pour travailler à l'amélioration des conditions de travail des procureurs et des juristes, il a poussé le problème en avant d'une manière totalement irresponsable pour un gouvernement qui se respecte.

M. le Président, irresponsable durant ces six années pour avoir laissé traîner les choses, mais irresponsable aussi dans les négociations depuis le 31 mars 2010. Il n'y a, quoi qu'en dise la présidente du Conseil du trésor, il n'y a à peu près pas eu de négociation avec les procureurs de la couronne et les juristes de l'État. Il y a eu, nous dirait la présidente du Conseil du trésor, 15, 20 rencontres, certes, depuis l'été dernier, mais elle sait bien que la plupart de ces rencontres n'ont duré que quelques minutes avec des gens qui disaient tout simplement aux procureurs et aux juristes: On n'a pas de mandat. Voilà, la réalité, M. le Président, il n'y a jamais eu de vraie négociation dans ce dossier parce que, manifestement, on n'a jamais vraiment négocié. Pire encore, au cours des derniers jours, on a fait miroiter un blitz de trois jours, M. le Président, un blitz qui, en fait, a duré 18 minutes, 18 minutes, M. le Président, et, on le sait bien, le but derrière ça, c'était de pouvoir annoncer l'unité anticollusion, la nouvelle unité du gouvernement, sans avoir les procureurs de la couronne et les juristes de l'État dans le décor. Les procureurs et les juristes se sont sentis floués au cours des dernières semaines et des derniers mois. Ils ont senti qu'on les menait en bateau, ils ont l'impression qu'on a abusé de leur bonne foi et qu'on voulait tout simplement gagner du temps

M. le Président, je cite les représentants des procureurs de la couronne et des juristes de l'État: «On a été dupés, on a été bernés, on nous a attiré à la table sous de fausses représentations. Le gouvernement a abusé de la bonne foi des procureurs pour jouer un jeu politique qui leur est favorable. Tout ce que le gouvernement voulait, c'est nous museler pendant 48 heures, le temps d'annoncer les fameuses unités anticollusion. Nous, les procureurs, on a du pif pour la "bullshit", et de la "bullshit", on en a eu notre lot la semaine dernière avec ce gouvernement.» Voilà ce que pensent les procureurs et les juristes de cette supposée ronde de négociations, de ce supposé blitz de négociations qu'on a tenté de nous faire gober la semaine dernière. Totalement irresponsable, M. le Président, l'attitude du gouvernement depuis le 31 mars 2010 en termes de négociations, il n'y a pas eu de vraie négociation.

Mais le pire, M. le Président, c'est ce qui nous arrive depuis 24 heures. Avec cette autre décision irresponsable de présenter cette loi spéciale n° 135 pour imposer les conditions de travail des procureurs et des juristes de l'État jusqu'en 2015, M. le Président, une deuxième loi spéciale aux procureurs et aux juristes, c'est un gâchis monumental, M. le Président, parce que ça va causer -- et on le voit depuis 24 heures, et ce n'est, je vous le prédis, M. le Président, qu'un avant-goût de ce qui nous attend au cours des prochains jours et des prochaines semaines -- cela va causer des dommages considérables à notre système de justice tenu à bout de bras par nos procureurs et par nos juristes depuis plusieurs années.

D'ailleurs, je salue... Il en reste encore une dizaine, M. le Président, dans nos galeries qui ont passé toute la nuit avec nous, je les salue et je leur souhaite bonne chance parce qu'ils auront besoin de chance, M. le Président, pour faire face au climat qui va s'annoncer dans les prochains jours, dans les prochaines semaines, un climat de démoralisation généralisé. M. le Président, avez-vous envie de vous défoncer quand vous êtes dans une situation où on vous a imposé pour une deuxième fois en cinq ans vos conditions de travail? M. le Président, est-ce que vous pensez que ces gens-là vont avoir envie de se défoncer, de travailler en redoublant d'efforts pour faire face au crime organisé, aux crimes économiques, au blanchiment d'argent? Voyons donc, M. le Président, poser la question, c'est y répondre. Il va y avoir un climat de travail terrible au niveau des procureurs de la couronne et des juristes de l'État. Il y aura -- et on le sait, M. le Président -- des démissions par dizaines parce que ces gens, dont plusieurs ont une expertise pointue, pourront se rendre, se rendront ailleurs, soit au privé soit au fédéral, où ils seront reconnus, où ils auront des moyens pour travailler, où ils seront reconnus pour leur expertise pointue, notamment via un salaire adéquat.

Mais pire encore, M. le Président, ce gâchis, il se concrétise depuis 24 heures par des démissions importantes, démissions de procureurs-chefs et de procureurs-chefs adjoints. Ça, M. le Président, les procureurs-chefs et les procureurs-chefs adjoints, ce sont les 50 plus importantes personnes qui dirigent les poursuites criminelles et pénales au Québec. Eh bien, sur ces 50, il y en a présentement 46 qui ont démissionné en 24 heures.

Voilà la réalité, M. le Président, 46 sur 50, dont Me Claude Chartrand, 30 ans d'expérience, directeur du bureau de lutte contre le crime organisé, qui disait dans sa lettre hier: «De quoi sera fait l'après-demain? Nous verrons ces mêmes procureurs rentrer au travail les joues rouges et la tête entre les jambes. S'attend-on à les voir poursuivre leur travail avec la même vigueur? Qu'adviendra-t-il de ces projets en marche dans lesquels les forces policières ont investi des millions de dollars pour pouvoir lutter contre ces organisations criminelles toujours plus dévastatrices? [...]depuis plusieurs années, en raison du manque de ressources, je dois me démener auprès des forces policières pour retarder l'issue de projets, car nos effectifs limités ne nous permettent pas d'évaluer la preuve, M. le Président. [...]nos élus proposent une loi spéciale. Dans ce contexte, je ne peux que manifester de sérieuses craintes quant à l'issue des procédures. Bien sûr que les 155 Hell's Angels visés par ces procédures voient cette loi spéciale comme une chance inespérée de se tirer d'affaire.» M. le Président, il ajoute: «...je n'ai pas le courage d'assister à la déconfiture [de la couronne].»

M. le Président, ce gouvernement a été irresponsable: irresponsable en laissant traîner les choses pendant six ans, irresponsable en ne tenant pas de vraie négociation depuis un an et irresponsable depuis 24 heures en mettant cette loi spéciale sous bâillon devant nous, M. le Président. En fait, avec cette loi, ce n'est pas que de l'irresponsabilité. Pour reprendre des termes juridiques, M. le Président, ce qu'on a en face de nous présentement, ce n'est pas un gouvernement irresponsable, c'est un gouvernement qui fait preuve d'insouciance téméraire et déréglée.

M. le Président, cette nuit, cette journée fut bien triste pour le Québec. Évidemment, M. le Président, depuis huit ans, le gouvernement libéral nous a habitués à bien des gestes insensés, mais je pense que cet échec qui touche à la justice, qui touche à l'une de nos institutions centrales dans notre système démocratique sera -- je vous le prédis, M. le Président -- sera un des plus grands échecs qui suivra le gouvernement libéral pendant encore plusieurs années.

M. le Président, chose certaine, les procureurs de la couronne, les juristes de l'État ne l'oublieront pas. Mais, plus que ça, je suis convaincu que les Québécois se rappelleront de cette triste journée, de ces tristes journées des 21 et 22 février 2011. Je suis convaincu que les Québécois se rappelleront, M. le Président, de cet autre gâchis monumental du Parti libéral. Merci, M. le Président.

**(7 h 10)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Chambly. J'inviterais maintenant M. le ministre de la Justice à prendre la parole.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Il y a deux semaines, les procureurs notamment, les oppositions, dès la première journée, notre collègue de Berthier, suivi par d'autres par la suite, ont mentionné que la grève avait des effets néfastes sur l'administration de la justice. En fait, je ne crois pas qu'il y ait eu une période de questions durant ces deux semaines où, d'un côté ou de l'autre, cet aspect n'a pas été soulevé. Dès le départ, M. le Président, nous avons dit que nous étions préoccupés, nous aussi, par l'effet de la grève sur l'administration de la justice. Le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui vise à mettre fin à cette grève, vise à ce que ces préjudices à l'administration de la justice cessent. Des préjudices qui ont été notés par l'opposition encore une fois, par les oppositions, mais par les procureurs aussi dès les premiers jours. Et, si nous devons procéder ainsi aujourd'hui, c'est parce que, tous ensemble, l'opposition, les oppositions, les procureurs et nous-mêmes souhaitons que l'administration de la justice reprenne son cours et que les choses se fassent dans l'ordre, comme cela est supposé d'être, M. le Président.

D'autres avant moi l'ont dit, il serait faux de prétendre, comme on tente de le dire, qu'aujourd'hui la discussion cesse, comme il est faux de prétendre, M. le Président, de dire qu'il n'y a pas eu de négociation. Il y a eu négociation, M. le Président, quoi qu'en disent les personnes. La négociation fut entreprise dans un contexte où on retrouve deux éléments majeurs: du côté des procureurs, une soif de respect après 20 ans de demandes de réajustement; du côté gouvernemental, un cadre de négociation qui s'inscrit dans une obligation de respect d'une entente conclue avec plus de 400 000 employés de l'État. Deux éléments qui encadrent les négociations. Une négociation réussie, M. le Président, c'est une négociation qui trouve un passage qui tient compte d'éléments de contexte comme ceux-là. Une négociation réussie devait tenir compte de la soif de respect des procureurs et du contexte de négociation de l'État, responsable de respecter ses obligations face à tous les employés de l'État.

Du côté gouvernemental, M. le Président, nous avons fait des propositions, et les négociateurs le savent, M. le Président, des propositions qui marquent, avec les moyens qui étaient les nôtres, qui marquent toute la mesure que l'on veut donner pour que nos procureurs et nos juristes de l'État puissent faire leur travail avec les moyens dont ils ont le droit d'avoir et avec le respect qu'ils ont le droit d'avoir. On nous a demandé, par contre, que nous devions franchir un passage obligé, nous devions ne pas respecter les obligations que nous avions avec la fonction publique. Ce passage ne nous était pas possible. La négociation réussie, qui demande qu'on puisse tenir compte des éléments de contexte des uns et des autres, ne pouvait donc pas fonctionner.

Cela veut-il dire qu'aujourd'hui tout est terminé? La réponse est non. Aujourd'hui, ce que l'on souhaite, c'est que la grève soit terminée. Ce que l'on souhaite, c'est que la justice puisse retrouver sa place. Ma collègue du Trésor l'a indiqué avec beaucoup de vigueur, M. le Président, nous allons continuer, malgré tout ce qui se dira -- et Dieu sait qu'il s'en dit beaucoup -- nous allons tout faire pour permettre à nos procureurs et nos juristes de l'État d'avoir les moyens appropriés pour faire leur travail parce que nous y croyons, parce que nous les respectons malgré tout ce qui se dit, M. le Président. Avec les moyens qui sont les nôtres, nous devons trouver une façon avec eux, avec eux, une façon de convenir de conditions de travail qui saura redonner un climat de travail correct.

Nous entendons l'appel des procureurs et nous avons saisi le sérieux de celui des procureurs-chefs, M. le Président, tout à fait. Nous ne sommes pas sourds à cela. Par contre, nous ne pouvons pas accepter que le préjudice quotidien à l'administration de la justice nommé par les mêmes procureurs au premier jour de la grève se poursuive tant et aussi longtemps qu'il faudrait que le gouvernement abdique à des obligations qu'il a contractées face à d'autres. Cela ne peut pas, M. le Président. Le geste d'aujourd'hui ne peut pas être interprété autrement que de celui de vouloir se redonner une justice qui fonctionne. Au-delà du qualificatif partisan... Mon collègue de Châteauguay le disait justement tantôt, on peut bien, dans le jeu politique, donner un certain caractère aux décisions qui sont prises, tenter de les définir, mais on ne peut pas non plus faire abstraction des mots et des paroles qui sont prononcées, des volontés qui sont exprimées.

Nous souhaitons que la justice reprenne son cours et nous souhaitons répondre favorablement, avec les moyens qui sont les nôtres -- et je parle de voie de passage -- à la soif de respect tout à fait méritée de la part des procureurs et des juristes de l'État. Je sais bien que, dans trois ou quatre minutes, on dira que les propos que j'ai tenus n'étaient pas de bonne foi, je le sais bien et je dois vivre avec, mais je continue de dire, M. le Président, en cette Chambre que, lorsque nous prenons la parole, elle signifie quelque chose. Nous avons des voies de passage obligées, nous devons y tenir, mais nous souhaitons, nous souhaitons ardemment que ceux qui ont à négocier avec nous, ceux qui ont à discuter avec nous à l'avenir comprennent que, si nous sommes ensemble à chercher les bonnes voies de passage, nous pouvons répondre à la soif de respect qu'ils ont. Nous les avons entendus, nous savons qu'eux aussi souhaitent que la justice reprenne son cours. Maintenant, il nous reviendra, à nous tous et eux inclus, à trouver les bonnes voies de passage pour l'avenir. Merci, M. le Président.

**(7 h 20)**

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le ministre de la Justice. J'inviterais maintenant M. le chef de la deuxième opposition à prendre la parole.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci, M. le Président. M. le Président, d'abord, permettez-moi de prendre la balle au bond avec les prétentions du ministre de la Justice. Quand il dit qu'on va l'accuser de mauvaise foi, ce n'est même pas une question de mauvaise foi, M. le Président, c'est une question de faits, et les faits sont têtus. Quand le ministre de la Justice nous dit: Il faut trouver une façon de travailler avec eux, en parlant des procureurs de la couronne et des juristes, mais, M. le Président, ça fait huit ans que ces gens-là sont au pouvoir, huit ans à laisser traîner les choses, huit ans à laisser une situation se dégrader, huit ans à faire en sorte que notre système judiciaire est effrité actuellement. Ce n'est pas une question de bonne foi ou de mauvaise foi, c'est une question de faits. Ça fait huit ans que ces gens-là sont au pouvoir et ça fait huit ans que ces gens-là laissent traîner les choses.

Deuxièmement, lorsqu'il dit: La grève, actuellement, fait en sorte que notre système judiciaire est attaqué et puis ne pas peut être fonctionnel, et tout ça, bien oui, c'est sûr, ça va de soi, quand il y a grève, ça ne fonctionne pas. Puis, M. le Président, qui leur a accordé le droit de grève? Qui a permis aux procureurs de faire cette chose-là? C'est le gouvernement actuel. En 2007, les procureurs de la couronne ne voulaient pas de ce droit-là, c'est le gouvernement actuel qui leur a donné ce droit-là, puis, aujourd'hui, ils se disent: Là, ils font la grève, ce n'est pas correct, il faut arrêter ça. C'est vous-même qui l'avez donné, M. le Président... bien, pas vous, mais en fait c'est le gouvernement. C'est le gouvernement même qui a donné ce droit de grève là, qui... aujourd'hui, ils disent: Bien là, il ne faut pas qu'ils fassent la grève. C'est ce gouvernement-là qui, pendant huit ans, a laissé traîner les choses puis qui dit: On va essayer de trouver un terrain d'entente. Les faits sont là, M. le Président, ce gouvernement est responsable, je dirais même coupable, pour reprendre les propos du premier ministre d'il y a deux semaines, de la situation actuelle, du fait que notre système de justice est effrité et du fait qu'on se retrouve ici à 7 heures, le matin, pour voter une loi spéciale.

Jamais, M. le Président, notre système de justice au Québec, qui pourtant est un des piliers fondamentaux de toute démocratie, n'a été mis aussi en péril, et le gouvernement en est responsable. Grève, loi spéciale et démission en bloc de 46 procureurs en chef. M. le Président, c'est de l'inédit et c'est dangereux pour notre démocratie, ce qui se vit actuellement, et le gouvernement en est le principal coupable.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là? Il y a tout d'abord un écart salarial majeur entre les procureurs de la couronne du Québec et ceux du Canada, de l'ensemble du Canada. Aussi, ce n'est pas seulement qu'une question de salaire, ce n'est pas seulement une question d'argent, c'est une question de respect des conditions de travail. Ces gens-là ne sont pas assez nombreux. Il y a 450 procureurs de la couronne au Québec, il y en a 900 en Ontario. C'est au moins 200 procureurs de plus dont on aurait besoin pour assurer une justice correcte au Québec. Ils ont donc trouvé un terrain d'entente là-dessus et n'ont pas laissé traîner les choses pendant huit ans, comme le gouvernement l'a fait.

Mais, au-delà de ça, M. le Président, moi, le chiffre qui m'a le plus énervé quand j'ai vu la situation, c'est le taux d'acquittement. Je le dis de la façon la plus brutale et cruelle qui soit, savez-vous, M. le Président, qu'un criminel, au Québec, a quatre fois plus de chances d'être acquitté qu'ailleurs au Canada? Le taux d'acquittement moyen au Canada est de 3 %; au Québec, il est de 13 %. Un criminel a quatre fois plus de chances de s'en tirer au Québec qu'ailleurs, c'est inacceptable. Pourquoi? Parce que nos procureurs n'ont pas les outils nécessaires pour travailler, ne sont pas assez nombreux, et 80 % d'entre eux disent qu'ils ne font pas un travail convenable parce qu'ils n'ont pas, justement, le temps nécessaire de faire le travail requis. C'est donc le système même de la justice qui est en cour.

N'oublions pas, M. le Président, les juristes. Et, malheureusement, moi, le premier, on passe beaucoup de temps pour les procureurs, mais il ne faut pas oublier les juristes, ce sont eux qui écrivent nos lois, M. le Président. Et Dieu sait que, s'il y en a qui savent de quoi on parle, c'est bien les ministres, qui, eux, travaillent quotidiennement avec les juristes pour s'assurer que les lois qui sont déposées sont correctes. Ce n'est facile à faire, c'est très délicat. C'est un métier spécialisé, ça prend des gens compétents. Mais surtout ça prend des gens que l'on respecte, et le gouvernement actuel ne les respecte pas. Comment ne pas respecter ceux qui écrivent nos lois? C'est l'attitude du gouvernement, et c'en est dangereux, ça aussi, M. le Président, parce que, tantôt, les lois qui vont être déposées, est-ce qu'on pourra être sûr de ça? Malheureusement, on ne peut pas le garantir aujourd'hui parce que ce gouvernement a complètement fait pourrir les relations de travail qui doivent exister... la confiance qui doit exister entre les législateurs et les juristes.

M. le Président, c'est un gouvernement d'abandon que nous avons devant nous, c'est un gouvernement qui, pendant huit ans, a laissé traîner les choses. C'est un gouvernement qui a donné le droit de grève à des gens puis qui, aujourd'hui, s'insurge du fait que ces gens-là exercent leur droit de grève. M. le Président, c'est un gouvernement d'abandon, qui a abandonné notre système de justice.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le chef de la deuxième opposition. J'inviterais maintenant M. le député de Mercier à prendre là parole.

M. Amir Khadir

M. Khadir: Merci, M. le Président. Un gouvernement arrogant, qui n'est pas à l'écoute des besoins de sa société devient incapable d'exercer un véritable leadership. Le leadership suppose de faire des choix et de poser des gestes sur la compréhension de problèmes qui sont souvent complexes qui sont devant lui. Sans leadership, pas d'autorité morale. Sans autorité morale, pas de lien de confiance et de respect. Sans autorité morale, un gouvernement tend à faire des choix erronés, poser des gestes malhabiles et injustes et, parfois même, un abus de pouvoir et des violations de droits. En dictature, l'abus de pouvoir, c'est la répression, c'est la violence sanglante. Mais recourir au bâillon en régime parlementaire pour imposer une loi matraque, inéquitable et injuste est aussi un abus de pouvoir, ça témoigne d'un manque désolant d'autorité morale.

Les négociations du gouvernement avec ses juristes et ses avocats de poursuite n'ont pas abouti parce qu'elles n'ont pas commencé. La ministre peut bien plaider un malentendu pour ce qui s'est passé samedi dernier. Parce qu'elle n'est pas là depuis longtemps, au fond, pour ce qui est du Conseil du trésor, peut-être. On peut donner le bénéfice du doute. Mais le problème traîne depuis des années. Alors, huit ans de malentendu, ça ne peut plus être un problème de compréhension, c'est de la mauvaise foi. Cette loi matraque est inacceptable pour toutes les raisons que j'ai mentionnées. Mais cette loi matraque est particulièrement odieuse dans le contexte particulier dans lequel se trouve le Québec, dans lequel l'ensemble de la population demande au gouvernement d'agir contre la corruption, contre l'octroi de contrats dans des conditions inacceptables, contre des abus dans tout l'appareil gouvernemental. En raison de cela, le gouvernement nous promet des poursuites au pénal...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie.

M. Khadir: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Je vous remercie, M. le député de Mercier. J'ai un prochain intervenant, M. le député de Marie-Victorin. Nous vous écoutons.

M. Bernard Drainville

M. Drainville: Merci, M. le Président. M. le Président, nous sommes face à une loi spéciale qui dépasse largement le strict cadre des relations de travail entre le gouvernement employeur et les procureurs et juristes de l'État québécois, dont nous saluons la présence à nouveau et à qui nous redisons toute notre estime pour la formidable contribution que vous faites au service public. M. le Président, c'est une loi d'intérêt politique qui sert l'intérêt politique du gouvernement et qui n'a rien à voir avec l'intérêt public. C'est une loi de nuisance démocratique parce qu'elle va affaiblir notre système de justice. Et c'est aussi une loi qui est profondément partisane parce qu'elle vise, en définitive, à servir un intérêt et un intérêt seulement, celui du Parti libéral du Québec.

C'est une loi politique, M. le Président, parce qu'elle vise à punir les procureurs pour l'appui qu'ils ont donné à la commission d'enquête publique sur la corruption. Et c'est très bien qu'ils se soient prononcés pour la création de cette commission d'enquête parce que les procureurs de la couronne sont sur la première ligne dans la lutte contre le crime organisé. Si les procureurs demandent une commission d'enquête, c'est que ça en prend une, M. le Président. Le gouvernement n'en veut pas et il a décidé d'utiliser son pouvoir législatif pour faire taire les procureurs et pour les sanctionner politiquement parce qu'ils ont eu le courage de dire que les enquêtes policières n'étaient pas suffisantes.

Deuxièmement, M. le Président, c'est une loi de nuisance démocratique parce qu'elle va affaiblir peut-être irrémédiablement notre capacité de lutter contre le crime organisé. Mais, M. le Président, on ne citera jamais assez Me Claude Chartrand, le procureur en chef du Bureau de lutte au crime organisé, qui a déclaré que les 155 Hell's Angels qui sont actuellement en taule et qui attendent leur procès dans le cadre de l'opération SharQc se réjouissent de la loi spéciale que le gouvernement s'apprête à nous faire adopter, s'apprête à nous imposer. Ils pourraient y voir une chance inespérée de se tirer d'affaire, M. le Président. Les Hell's, depuis leurs cellules, pensent au gouvernement libéral et se disent: Une chance qu'on l'a, hein? Une chance qu'on s'a. Peut-on tomber plus bas, M. le Président?

Troisièmement, c'est une loi qui est bassement partisane, M. le Président, parce qu'elle vise à accommoder l'agenda partisan du Parti libéral du Québec, qui veut faire table rase parce qu'il veut présenter son discours inaugural. C'est odieux puis c'est à la limite de la moralité politique, M. le Président. Quand on commence à se servir de l'Assemblée nationale pour refaire son image, quand on commence à se servir de l'Assemblée nationale pour essayer de faire oublier tous les scandales, ça devient gênant, M. le Président.

**(7 h 30)**

Là, on se retrouve, M. le Président, avec une situation qui est assez incroyable, parce que, là, il va falloir vivre avec les conséquences de cette loi spéciale. Et là je vous ramène à la déclaration consternante de Me Chartrand, qui parle de la gifle qu'on va... qu'on s'apprête à infliger aux procureurs et aux juristes d'État, qui parle d'un désastre et qui ajoute ceci, il dit: «Confronté à l'état de nos ressources, je me vois dans l'obligation de vous recommander -- il parle essentiellement au gouvernement -- de laisser au service des poursuites fédérales le soin de faire la lutte au crime organisé et de limiter nos mandats aux luttes que nous avons la capacité d'entreprendre.»

M. le Président, c'est notre capacité d'administrer le système de justice, d'avoir une justice québécoise menée d'ici, à partir de cette Assemblée, en fonction de lois votées dans cette Assemblée, qui est remise en question par Me Chartrand qui a plus de, quoi, 32 ans d'expérience, qui sait de quoi il parle. Et, en réponse à ça, M. le Président, le député de Beauce-Sud et ministre de la Sécurité publique, qui commence d'abord par refuser de commenter la démission de Me Chartrand, mais qui n'écarte pas la possibilité qu'on transfère au fédéral une partie de la lutte au crime organisé... parce que, quand les journalistes lui ont posé la question: Coudon, allez-vous confier, allez-vous demander à Ottawa de faire le travail, de lutter contre la mafia puis contre les motards puis contre les criminels?, il a répondu: On verra. On verra, M. le Président. Ça, c'est le sens des responsabilités qu'on attend d'un gouvernement, M. le Président. Ça, c'est le sens de l'intérêt public qu'on attend d'un gouvernement, M. le Président.

M. le Président, ce n'est pas l'intérêt public, ce n'est pas l'intérêt de la population qui motive la loi spéciale qui va être imposée dans quelques instants. Ce n'est pas le sens de l'État, M. le Président, qui motive le gouvernement, et, contrairement à ce que les ministres et les députés libéraux ont affirmé, moi, je ne crois pas que la première raison pour laquelle ils imposent cette loi-là, c'est une raison budgétaire. Je pense que la raison, elle est d'abord et avant tout politique. Je pense qu'elle est d'abord et avant tout partisane. Je pense qu'elle mine la séparation des pouvoirs, parce que le gouvernement, dans le fond, se sert des moyens qui sont à sa disposition pour mettre la justice à sa place, ce qui est extraordinairement dangereux dans une démocratie, ce qui crée un drôle de précédent, M. le Président, ce qui crée des conditions de retour au travail évidemment pour nos procureurs et nos juristes qui risquent d'être assez épouvantables.

Alors, M. le Président, il y a de ces combats que nous menons en cette Chambre et de ces votes que nous enregistrons en cette Chambre dont nous sommes particulièrement fiers, et cette nuit nous étions extrêmement fiers de mener le combat que nous avons mené, le mener pour le principe que nous l'avons mené et nous allons continuer, M. le Président, à nous battre pour l'intérêt public, pour un bon système de justice et pour une saine démocratie au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, M. le député de Marie-Victorin. J'inviterais maintenant Mme la présidente du Conseil du trésor.

Mme Michelle Courchesne

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. le Président, je pense qu'on doit réitérer ce qu'un collègue a dit derrière moi ce matin. Après ces nombreuses heures et cette nuit, il ne peut y avoir ni victoire ni défaite, M. le Président. Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est vraiment pour nous assurer d'un retour au travail dans les tribunaux du Québec partout. Mais, quoi qu'en disent les députés qui viennent de prendre la parole, M. le Président, je peux vous affirmer en mon âme et conscience, ce matin, que je me lève ici, devant vous, avec le sentiment d'avoir déployé le maximum d'efforts et, si j'avais pu trouver avec les procureurs et les juristes, M. le Président, la façon dont on pouvait améliorer ces conditions de travail et répondre à leurs attentes, M. le Président, je peux vous assurer que chacun d'entre nous aurions au plus haut point participé à cette entente négociée et nous aurions fait en sorte que nous ne nous soyons pas retrouvés dans ce processus de loi spéciale, M. le Président.

Peut-être qu'à cette étape-ci et en 2011, peut-être que ce fait que nous ne souhaitons pas, jamais, à avoir à imposer des conditions de travail, peut-être que ça nous dit qu'effectivement, au Québec, il est temps, il est venu le temps de revoir nos règles, nos règles pour arriver à définir ces ententes collectives qui sont importantes, M. le Président; c'est la base même de nos relations de travail au Québec. Mais peut-être qu'aujourd'hui, en 2011, on peut dire qu'on devrait sûrement s'inscrire dans un processus permanent, dans un processus de continuité de négociation, M. le Président.

Les situations évoluent extrêmement rapidement, bien plus rapidement qu'il y a 10, 15 ou 20 ans. Les paramètres et les indicateurs dont on doit tenir compte pour établir les conditions de travail, eux aussi, évoluent à un rythme rapide parce qu'on vit dans un contexte de société où il faut en tenir compte, de ces paramètres-là. Il y a à peine cinq ans, M. le Président, on ne parlait pas autant de conciliation travail-famille. Il y a à peine deux ou trois ans, on ne parlait pas des retraités actifs et de la conciliation travail-retraite, M. le Président.

Pourquoi effectivement, à partir de ce moment-là, quand on voit que nous évoluons dans ce... Dans ce contexte de mouvance, peut-être que, tous ensemble, on doit se dire que cette offre que nous faisons de poursuivre le dialogue et de poursuivre cette discussion-là devrait se faire constamment dans un processus de continuité, M. le Président. Et ce n'est pas impossible de le faire. On a innové par le passé, on est encore capables d'innover, puis on est encore capables d'innover en matière de relations de travail pour éviter des situations comme celle-ci, M. le Président. Il n'y a personne qui veut... et croyez-moi, il n'y a personne qui veut, comme présidente du Conseil du trésor, avoir à imposer des conditions de travail.

Et les gens d'en face le savent, ce que ça veut dire, le savent parce qu'au fil des dernières décennies ont eu à vivre la même chose. Et, si on a à vivre la même chose, c'est parce que, ce matin, nous devons nous assurer que les cours de justice reprennent leurs activités, que la justice retrouve tout son sens et que le système judiciaire est remis aux citoyens et que nos concitoyens qui attendent depuis très longtemps, qui vivent les conséquences de cette grève, M. le Président, puissent enfin, en toute paix et en toute sérénité, aborder les moments difficiles qui sont devant eux.

M. le Président, continuer et poursuivre la discussion veut dire reprendre certains des éléments qui ont été mis sur la table, ça veut dire tenir compte des exigences du métier et de la profession de procureur de la justice et de juriste, M. le Président, ça veut dire de tenir compte des caractéristiques, des spécificités qui sont liées à ce dur métier, ça veut dire d'être capables de se rasseoir autour d'une table et de faire en sorte que nous tenons compte du contexte dans lequel une négociation doit se tenir, le contexte, oui, bien sûr des finances publiques mais le contexte que nous avons collectivement à décider, M. le Président, parce que c'est de ça dont on parle. C'est de ça dont on parle et, quand on gouverne, M. le Président, ça veut dire que ces responsabilités-là imposent des choix difficiles, imposent des décisions difficiles mais...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): ...Mme la ministre. Est-ce qu'on pourrait... Je comprends qu'il est tard, je comprends qu'il est...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): Vous avez raison, plutôt tôt que tard. Bien, ça dépend d'où on part.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Chagnon): C'est ça. Alors, comme ça n'a pas été beaucoup mon cas, je trouve qu'il est assez tard, mais il est effectivement tôt. Mais on pourrait faire en sorte juste de baisser le ton un petit peu pour permettre à Mme la ministre... que je puisse l'entendre avec l'attention que j'ai portée à chacun de vos discours. Mme la ministre, je vous écoute.

**(7 h 40)**

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Je disais donc, M. le Président, que, oui, nous devons très certainement nous retrouver autour d'une table pour être en mesure de reprendre, M. le Président, ces éléments nécessaires à la pratique du métier de juriste et à la pratique de... métier de procureur, parce que, oui, nous avons la responsabilité de les soutenir, nous avons la responsabilité de leur offrir les moyens, nous avons la responsabilité de leur offrir les outils nécessaires pour faciliter leur travail, faciliter ce travail déjà bien assez difficile. Et, oui, c'est un signe de reconnaissance, M. le Président, de la qualité de ce qu'ils font, de leur expertise et de leur expérience, et ça, c'est énorme, c'est important.

Et pourquoi pas ce processus continu de discussion, M. le Président? Pourquoi ne pas, justement, avec les représentants de toutes les associations syndicales, revoir ce mode de négociation, revoir nos règles, revoir nos façons de faire, M. le Président, et éviter que nous ayons à imposer un retour au travail? Et ça, ça peut se faire dans le respect, ça peut se faire dans le respect des demandes légitimes. Ça peut se faire dans le respect des demandes légitimes, mais ça doit se faire dans le respect aussi du contexte des finances publiques, et, ce contexte-là, on l'a vu, on l'a vu, il a évolué depuis cinq ans, on est obligés d'en tenir compte, on est obligés d'en tenir compte.

Et mon collègue ministre de la Justice, à qui j'offre aussi ma collaboration... Parce que je sais bien qu'il y a un retour, je sais bien qu'il faut qu'on poursuive ces activités-là, et il sait qu'il peut compter sur ma collaboration et il sait que nous pourrons reprendre ces discussions dans le cadre que nous avons exposé au cours des dernières heures, M. le Président.

Déjà, le projet de loi reconnaît des heures majorées, reconnaît une semaine de travail majorée. C'était une demande importante des procureurs. Ils avaient raison, M. le Président. On les a entendus, ces hommes et ces femmes qui disent: On ne veut plus travailler autant d'heures sans être rémunérés, on veut que ça fasse partie de notre base salariale. M. le Président, le projet de loi permet de le faire. Mais on n'a pas voulu imposer toutes les autres améliorations de conditions de travail, parce que, justement par respect, nous voulons avoir cette discussion avec les procureurs pour s'assurer que les moyens que nous choisirons seront les moyens qu'ils auront priorisés pour le faire. Malheureusement, on n'a pas pu s'entendre et on n'a pas pu aller vers ce déplafonnement des échelons et des échelles salariales, M. le Président, mais je peux les assurer et vous assurer qu'en ce qui a trait à toutes les autres conditions de travail nous serons toujours là pour en répondre et nous serons toujours là pour faire en sorte que les discussions puissent progresser.

Entre-temps, M. le Président, ce matin, cet après-midi, ce sont les citoyens du Québec qui pourront en toute confiance, en toute sérénité retrouver les activités de nos tribunaux et s'assurer que justice soit rendue. Merci.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci, Mme la présidente du Conseil du trésor. J'inviterais maintenant Mme la chef de l'opposition à prendre la parole.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Nous sommes au terme d'un débat qui aura duré plus de 20 heures, un débat, M. le Président, qui est caractéristique de la façon de gouverner du premier ministre et de son gouvernement: de crise en crise, attendons que la situation se dégrade, faisons la sourde oreille aux inquiétudes, aux demandes légitimes des personnes concernées, et, quand on arrive au bord du précipice, on agit en catastrophe.

Les règles d'éthique sont bafouées pendant des mois par des membres du Conseil des ministres, mais le premier ministre n'agit que sous la pression, lorsque ça devient insoutenable, et il finit par demander la démission des ministres. De crise en crise.

La gestion du dossier des juristes et des procureurs est de la même nature, M. le Président. Aujourd'hui, c'est un dossier qui a été mal géré par le gouvernement, c'est celui des conditions de travail des juristes et des procureurs.

Pour la troisième fois en trois sessions parlementaires, le gouvernement utilise ce qui devrait être une procédure d'exception pour pallier à son incapacité de faire face à ses responsabilités. C'est un autre exemple de manque de respect à l'égard de nos institutions, et ça arrive, M. le Président, au moment où le Québec est affligé par des scandales à répétition, par des histoires de corruption ou de tentatives de corruption aux plus hauts niveaux. Au moment où les liens entre l'industrie de la construction et le crime organisé sont mis à jour, le gouvernement, lui, a choisi de se mettre à dos ses procureurs et ses juristes. Au moment où nous avons le plus besoin de nos procureurs de la couronne, le gouvernement impose une loi spéciale et sans jamais avoir négocié de bonne foi. Après la commission Bastarache, le refus de tenir une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction, ce geste supplémentaire aura des conséquences majeures et dévastatrices sur nos institutions et sur la confiance du public.

Le gouvernement ne peut dire, d'une part, qu'il souhaite mettre les criminels en prison et, d'autre part, traiter ses procureurs comme il le fait. Depuis hier, on est à même de constater l'ampleur de la perte de confiance entre les procureurs et le gouvernement du Québec, leur client. Même le Barreau... même le Barreau s'est opposé à cette loi spéciale. Le procureur en chef du Bureau de lutte au crime organisé a claqué la porte. Il a remis sa démission. Il suggère même qu'on devrait laisser au fédéral le soin de lutter contre le crime organisé et indique que le Québec n'a plus la capacité de lutter efficacement contre celui-ci.

Hier, c'est 45 procureurs-chefs ainsi que leurs adjoints qui ont démissionné. Ce sont des cadres, M. le Président, qui refusent de continuer de servir un gouvernement qui ne s'intéresse pas à la façon dont la justice est rendue.

La décision du gouvernement est dévastatrice pour la prestation de la justice. Cela causera des délais et des complications inacceptables. Le système de justice pénale est littéralement paralysé. Le remède du gouvernement est plus dommageable que le mal, M. le Président, à ce moment-ci.

Les procureurs de la couronne vont même jusqu'à remettre en cause, et ce n'est pas rien, l'indépendance du Directeur des poursuites, Me Dionne. C'est donc dire l'ampleur de la crise qui frappe notre système de justice, M. le Président, à un bien mauvais moment. On ne parle pas encore de l'expertise que l'on risque de perdre au profit du privé ou d'autres juridictions. On ne parle pas de ces jeunes avocats de la relève laissés à eux-mêmes face à des adversaires pas mal mieux soutenus, plus expérimentés lorsque ceux-ci représentent nos intérêts.

Le gouvernement, il est responsable de cette situation. C'est la deuxième fois qu'il impose des conditions de travail aux procureurs. La loi spéciale que nous étudions aujourd'hui, c'est l'aboutissement de quoi? C'est l'aboutissement de huit ans où la justice a constitué la dernière préoccupation du gouvernement. Huit ans, huit ans d'indifférence et de mépris envers les procureurs et les juristes de l'État, huit ans de mépris envers les traditions, les conventions qui régissent nos institutions démocratiques, huit ans de gouvernement libéral.

Depuis des mois, des mois que l'imminence de cette crise se confirme, rien n'a été fait pour l'en empêcher. La présidente du Conseil du trésor et le premier ministre se sont traîné les pieds. Ce sera donc une pièce de plus au dossier du profond irrespect que le gouvernement libéral porte envers les institutions de la nation québécoise.

Non, le gouvernement n'a pas négocié de bonne foi. Depuis hier, le gouvernement fait soudain le dos rond, utilise un ton compatissant, presque doucereux. M. le Président, ce n'est pas ce qu'attendent les juristes et les procureurs. Ce qu'ils attendent, c'est du respect, de la reconnaissance, de la reconnaissance de leur travail et des conditions qui y sont associées.

**(7 h 50)**

En proposant au dernier moment d'ajouter des procureurs, la présidente du Conseil du trésor a fait exactement la démonstration qu'elle ne s'est pas occupée du dossier, que son gouvernement ne s'est pas occupé du dossier. Pourquoi ne pas avoir proposé d'augmenter le nombre de procureurs il y a un an si on y croyait vraiment? Non, à la toute dernière minute, quand on est sur le bord du précipice.

Mais, par ailleurs, quand il s'agit de servir ses intérêts, le gouvernement est très rapide, très actif. Nommer la commission Bastarache, ça a été pas mal rapide, former Marteau... mais, quand il est temps de servir les institutions, c'est pas mal plus laborieux, M. le Président.

Depuis huit ans, le gouvernement s'est désintéressé des fonctions et responsabilités majeures de l'État. Il a mis à mal la crédibilité du système de nomination des juges. Il a laissé la collusion s'infiltrer dans l'industrie de la construction. Les moyens insuffisants qu'il met en place viennent tous d'être mis en échec par son attitude dans ce dossier. Dans le dossier de la justice et de la sécurité publique, M. le Président, ce gouvernement a failli.

Les procureurs posent la bonne question: Pourquoi, pourquoi le premier ministre tient-il autant à avoir une couronne affaiblie? Le premier ministre veut-il punir les procureurs de la couronne parce qu'ils ont osé demander la tenue d'une commission d'enquête publique sur la corruption? Quel est le jeu du gouvernement? Il y a une chose qui est certaine, s'il voulait encourager la criminalité, nuire aux enquêtes sur la corruption et la collusion, il n'aurait pas agi autrement. Si, aujourd'hui, le gouvernement a gagné une chose, c'est le mépris de ces professionnels les plus émérites.

Je veux dire aux procureurs et aux juristes que nous comprenons leur déception, que nous comprenons leur colère. Nous connaissons leur compétence, leur sens de l'éthique. Ils sont l'un des piliers les plus importants de nos institutions. Nous souhaitons qu'un jour leurs tâches, leurs responsabilités seront reconnues à leur juste valeur, mais, jusqu'à maintenant, le gouvernement est responsable du bris de confiance, du gâchis devant lequel nous nous trouvons, M. le Président. Un jour ou l'autre, il sera sanctionné pour cette incompétence à l'égard d'un geste... d'un dossier aussi majeur et aussi important pour les institutions québécoises. Merci, M. le Président.

(Applaudissements)

Le Vice-Président (M. Chagnon): Merci. Merci, Mme la chef de l'opposition officielle. Ceci met fin à notre débat.

Mise aux voix

Je mets maintenant aux voix la motion de Mme la ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor proposant l'adoption du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, qu'on appelle les députés. Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 7 h 54)

 

(Reprise à 7 h 56)

Le Vice-Président (M. Chagnon): Alors, je mets maintenant aux voix la motion de Mme le ministre responsable de l'Administration gouvernementale et présidente du Conseil du trésor proposant l'adoption du projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Jean Charest (Sherbrooke), M. Fournier (Saint-Laurent), Mme Normandeau (Bonaventure), Mme Courchesne (Fabre), Mme Beauchamp (Bourassa-Sauvé), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bachand (Outremont), M. Bolduc (Jean-Talon), Mme Blais (Saint-Henri--Sainte-Anne), M. Lessard (Frontenac), Mme Thériault (Anjou), M. Corbeil (Abitibi-Est), M. Auclair (Vimont), Mme St-Pierre (Acadie), Mme Ménard (Laporte), Mme James (Nelligan), Mme Vien (Bellechasse), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Paquet (Laval-des-Rapides), M. MacMillan (Papineau), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Gignac (Marguerite-Bourgeoys), M. Arcand (Mont-Royal), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Charlebois (Soulanges), M. Moreau (Châteauguay), Mme Boulet (Laviolette), M. Simard (Dubuc), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Ouimet (Marquette), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Gautrin (Verdun), M. Whissell (Argenteuil), Mme L'Écuyer (Pontiac), M. Bachand (Arthabaska), M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue), M. Morin (Montmagny-L'Islet), M. Reid (Orford), M. Dubourg (Viau), Mme Gaudreault (Hull), Mme Gonthier (Mégantic-Compton), M. Ouellette (Chomedey), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), Mme Vallée (Gatineau), M. Huot (Vanier), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Diamond (Maskinongé), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), Mme Charbonneau (Mille-Îles), M Carrière (Chapleau), M. Billette (Huntingdon), M. Lehouillier (Lévis), M. Mamelonet (Gaspé), M. Matte (Portneuf), M. Pigeon (Charlesbourg), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance--Viger), Mme St-Amand (Trois-Rivières), M. D'Amour (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Marois (Charlevoix), M. Bédard (Chicoutimi), Mme Maltais (Taschereau), Mme Louise Beaudoin (Rosemont), Mme Malavoy (Taillon), Mme Richard (Marguerite-D'Youville), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), Mme Doyer (Matapédia), M. Trottier (Roberval), M. Cousineau (Bertrand), Mme Champagne (Champlain), Mme Bouillé (Iberville), Mme Beaudoin (Mirabel), M. Blanchet (Drummond), Mme Richard (Duplessis), M. Bergeron (Verchères), M. Ratthé (Blainville), M. Turcotte (Saint-Jean), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), M. Bérubé (Matane), M. Aussant (Nicolet-Yamaska), M. Marceau (Rousseau), M. St-Arnaud (Chambly), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Drainville (Marie-Victorin), Mme Ouellet (Vachon), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Pagé (Labelle), M. Ferland (Ungava), M. McKay (L'Assomption), M. Gaudreault (Jonquière), M. Dufour (René-Lévesque), M. Lemay (Sainte-Marie-- Saint-Jacques), M. Kotto (Bourget), M. Rebello (La Prairie), M. Pelletier (Rimouski), M. Leclair (Beauharnois), M. Villeneuve (Berthier), M. Pelletier (Saint-Hyacinthe), M. Robert (Prévost), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Tremblay (Masson), M. Boucher (Johnson), M. Simard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Gérard Deltell (Chauveau), Mme Sylvie Roy (Lotbinière), M. Grondin (Beauce-Nord), M. François Bonnardel (Shefford).

M. Khadir (Mercier), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière).

Le Vice-Président (M. Chagnon): Est-ce qu'il y a des députés qui s'abstiennent? M. le secrétaire général.

Le Secrétaire: Pour: 61

Contre: 50

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Chagnon): Donc, la motion est adoptée. En conséquence, le projet de loi n° 135, Loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, est adopté.

Ajournement

Et, en conséquence, l'Assemblée ayant terminé l'étude de l'affaire pour laquelle elle a été convoquée, j'ajourne les travaux au mardi 22 février 2011, à 13 h 45.

(Fin de la séance à 8 heures)