L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 29 octobre 2015 - Vol. 44 N° 121

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Féliciter M. Pierre Bolduc, lauréat du Prix de reconnaissance des bénévoles en matière de
véhicules hors route

M. Jean Rousselle

Souligner le 35e anniversaire du Centre de femmes L'Éclaircie

M. Alain Therrien

Souligner la tenue d'une journée de sensibilisation de la Société canadienne de la sclérose
en plaques

M. Jean Habel

Souligner le 350e anniversaire de l'arrivée des Grondin en Amérique

M. André Spénard

Rendre hommage à M. George Jaaji Okpik, primé aux Indigenous Music Awards

M. Jean Boucher

Féliciter Mme Anne Sohier, lauréate du Prix du bénévolat en loisir et en sport Dollard-Morin,
et M. Jean-Luc Bujold, lauréat du prix Étoiles Stingray

M. Gaétan Lelièvre

Souligner le 25e anniversaire de l'organisation Place aux jeunes Charlevoix

Mme Caroline Simard

Rendre hommage à M. Roland Joannin, agronome, pour sa contribution à la communauté
de Mirabel

Mme Sylvie D'Amours

Féliciter les récipiendaires des bourses du mérite de la Fondation du collège Montmorency

M. Saul Polo

Rendre hommage à Mmes Madeleine Landry et Steven Thériault de la brigade scolaire
de Rivière-du-Loup

M. Jean D'Amour

Présence de M. Janvier Grondin, ex-parlementaire de l'Assemblée nationale

Présence de M. Stephen J. Ortego, député de l'État de la Louisiane

Présentation de projets de loi

Projet de loi n° 211 Loi concernant la Municipalité régionale de comté Les Moulins

Mise aux voix

Renvoi à la Commission de l'aménagement du territoire

Mise aux voix

Dépôt de documents

Plan d'immigration du Québec pour l'année 2016

Rapport annuel de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie

Réponses à une pétition et à des questions inscrites au feuilleton

Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 57 Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite principalement quant au financement des régimes de retraite à
prestations déterminées

Élection à la vice-présidence de la Commission des institutions

Étude détaillée du projet de loi n° 20 Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services
de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions
législatives en matière de procréation assistée


Dépôt de pétitions

Maintenir le programme de formation en charpenterie-menuiserie au Centre de formation
professionnelle Mont-Joli
Mitis

Installer un service d'hémodialyse à l'Hôpital Hôtel-Dieu de Gaspé

Questions et réponses orales

Investissement du gouvernement dans Bombardier inc.

M. Pierre Karl Péladeau

M. Philippe Couillard

M. Pierre Karl Péladeau

M. Philippe Couillard

M. Pierre Karl Péladeau

M. Philippe Couillard

M. Pierre Karl Péladeau

M. Philippe Couillard

Enquête sur certains policiers de la Sûreté du Québec à Val-d'Or

M. Pascal Bérubé

M. Jean-Marc Fournier

M. Pascal Bérubé

M. Jean-Marc Fournier

M. Pascal Bérubé

M. Jean-Marc Fournier

Investissement gouvernemental dans le développement des CSeries

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

M. François Legault

M. Philippe Couillard

Distribution de livres de propagande islamique à des bibliothèques publiques

Mme Nathalie Roy

Mme Hélène David

Mme Nathalie Roy

Mme Hélène David

Mme Nathalie Roy

Mme Hélène David

Intentions du gouvernement concernant la hausse de la taxe de vente

M. François Bonnardel

M. Carlos J Leitão

M. François Bonnardel

M. Carlos J Leitão

M. François Bonnardel

M. Carlos J Leitão

Protection patrimoniale du studio d'Ernest Cormier

Mme Véronique Hivon

Mme Hélène David

Mme Véronique Hivon

Mme Hélène David

Négociation des conditions salariales dans la fonction publique

Mme Françoise David

M. Philippe Couillard

Mme Françoise David

M. Martin Coiteux

Mme Françoise David

M. Martin Coiteux

Construction d'un pôle logistique de transport intermodal en Montérégie

Mme Sylvie D'Amours

M. Jean D'Amour

Mme Sylvie D'Amours

M. Jean D'Amour

Mme Sylvie D'Amours

Document déposé

M. Pierre Paradis

Patients dirigés vers une clinique privée par L'Hôpital de Montréal pour enfants

Mme Diane Lamarre

M. Gaétan Barrette

Mme Diane Lamarre

M. Gaétan Barrette

Impact d'une hausse de la taxe spécifique sur les boissons alcooliques sur les microbrasseries

M. Gaétan Lelièvre

M. Carlos J Leitão

Mme Agnès Maltais

M. Carlos J Leitão

Mme Agnès Maltais

M. Carlos J Leitão

Motions sans préavis

Presser le gouvernement d'abolir les allocations de transition des députés démissionnant en
cours de mandat pour des raisons autres que de santé ou familiales sérieuses

M. Jean-Marc Fournier

M. Bernard Drainville

M. Benoit Charette

Mme Françoise David

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Affaires du jour

Projet de loi n° 59   Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours
haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses
modifications législatives pour renforcer la protection
des personnes

Adoption du principe

Mme Stéphanie Vallée

Mme Agnès Maltais

Mme Nathalie Roy

M. Jean-François Lisée

M. Jean Boucher

M. Mario Laframboise

M. Sylvain Gaudreault

Motion de scission

Débat sur la recevabilité

M. Gerry Sklavounos

Mme Agnès Maltais

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, bon jeudi à tous et toutes. Vous pouvez prendre place.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Nous allons débuter cette journée avec la rubrique des déclarations de députés. Et, sans plus tarder, je cède la parole à M. le député de Vimont.

Féliciter M. Pierre Bolduc, lauréat du Prix de reconnaissance
des bénévoles en matière de véhicules hors route

M. Jean Rousselle

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. Lors de la remise des prix de reconnaissance des bénévoles en matière de véhicules hors route, un lauréat de provenance de la circonscription de Vimont fut récompensé pour sa grande implication au sein du Club de motoneige Guillaume-Tell de la région de Lanaudière.

En effet, M. Pierre Bolduc, membre de son club depuis de nombreuses années, n'a jamais compté ses heures. Malgré ses 79 ans, ce passionné de motoneige continue à consacrer plus de 300 heures de bénévolat par année. Directeur depuis 1985 et vice-président depuis quelques années, M. Bolduc est un homme profondément honnête et déterminé. Bon administrateur, il a su, grâce à ses compétences en comptabilité, résoudre les problèmes financiers du club lorsque celui-ci traversait des années difficiles. Ponctuel, négociateur hors pair, il réalise ses tâches avec rapidité et, en plus, est un excellent motivateur et conseiller.

Merci, M. Bolduc, d'offrir une des choses les plus précieuses qui existent : du temps. Je tiens d'ailleurs à vous réitérer mes plus sincères félicitations pour votre prix qui est amplement mérité. Merci, madame.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci beaucoup, M. le député de Vimont. Et, pour la prochaine déclaration, je cède la parole à M. le député de Sanguinet.

Souligner le 35e anniversaire du
Centre de femmes L'Éclaircie

M. Alain Therrien

M. Therrien : Merci, Mme la Présidente. C'est avec plaisir que je souligne aujourd'hui les 35 ans d'existence du Centre des femmes L'Éclaircie. Ce centre, qui regroupe des intervenantes chevronnées, oeuvre dans notre région afin d'aider des femmes en situation de difficulté à retrouver l'autonomie et la confiance en elles. Pour ce faire, le centre offre à celles qui en ont besoin le support d'une communauté dynamique et fait la promotion de l'égalité entre les sexes.

Plusieurs raisons peuvent mener une personne à perdre confiance en elle. Par exemple, il peut s'agir de quelqu'un qui n'a jamais eu l'environnement ou l'occasion pour s'émanciper. Il peut s'agir également de femmes qui ont subi de la violence physique ou psychologique. Quelles qu'en soient les raisons, je suis heureux de savoir qu'il y a un organisme comme le Centre de femmes L'Éclaircie dans notre région pour aider celles qui en ont besoin.

Joyeux anniversaire au Centre des femmes L'Éclaircie et merci pour tous les services extraordinaires que vous rendez à notre population!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Sanguinet. Maintenant, pour sa déclaration d'aujourd'hui, je cède la parole à M. le député Sainte-Rose.

Souligner la tenue d'une journée de sensibilisation
de la Société canadienne de la sclérose en plaques

M. Jean Habel

M. Habel : Merci, Mme la Présidente. En tant que membre de la Commission de la santé et des services sociaux, il me fait plaisir ce matin de prendre la parole afin de souligner la journée de sensibilisation de la Société canadienne de la sclérose en plaques. J'aimerais mentionner que la Société canadienne de sclérose en plaques est présente dans le foyer du parlement afin de sensibiliser les députés et de les informer sur la maladie qui affecte plusieurs dizaines de milliers de gens au Québec.

Il faut souligner les besoins de ces personnes, tant au niveau de l'hébergement et le renforcement des ressources pour le maintien à domicile et l'aide aux proches aidants. Également, la question de l'accès aux médicaments est très importante. Les maladies neurologiques évolutives ont notamment en commun les caractéristiques suivantes, soit complexes et variables. Il faut améliorer la qualité de vie de ceux-ci, Mme la Présidente.

Donc, en terminant, j'aimerais mentionner que la division du Québec de la Société canadienne de la sclérose en plaques regroupe plus de 8 000 membres et a pour mission d'être le chef de file de la recherche sur les remèdes de la sclérose en plaques et de permettre aux personnes aux prises avec cette maladie d'améliorer leur qualité de vie. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Sainte-Rose. Et, pour la prochaine déclaration, je cède la parole à M. le député de Beauce-Nord.

Souligner le 350e anniversaire de
l'arrivée des Grondin en Amérique

M. André Spénard

M. Spénard : Merci, Mme la Présidente. L'année 2016 marquera le 350e anniversaire de l'arrivée de celui que l'on peut considérer comme le père des premiers Grondin en Amérique. En effet, c'est en 1666 que Jean Grondin laissa derrière lui Brouage, sa ville natale en France, tout comme l'avait fait Samuel de Champlain quelque 60 ans plus tôt, pour s'établir sur le nouveau continent. Plus tard, dans les années 1690, Pierre Grondin vient également s'installer en Nouvelle-France et y fonda lui aussi une famille.

Étant l'une des familles souches du Québec, voilà que l'Association des Grondin d'Amérique voit le jour officiellement à Sainte-Marie en 1993. Depuis une vingtaine d'années, elle oeuvre notamment à regrouper les descendants, organiser des rassemblements, honorer la mémoire de Jean et Pierre, et aider les membres à établir leurs généalogies respectives.

En terminant, je tiens à souligner, dans la tribune, la présence de nombreux membres de l'Association des Grondin d'Amérique, notamment celle de mon prédécesseur, M. Janvier Grondin, ancien député de Beauce-Nord. Alors, bienvenue, messieurs dames.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Bienvenue. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Maintenant, pour sa déclaration d'aujourd'hui, je cède la parole à M. le député d'Ungava.

Rendre hommage à M. George Jaaji Okpik,
primé aux Indigenous Music Awards

M. Jean Boucher

M. Boucher : «Ullaakkut», Mme la Présidente. «Wachiya», chers membres de l'Assemblée. Bon matin à tous.

Ce matin, je voudrais vous parler de M. Jaaji Okpik qui a été récompensé dernièrement aux Indigenous Music Awards. Le jeune compositeur et interprète inuit Jaaji Okpik, originaire du village nordique de Quaqtaq au Nunavik, dans le comté d'Ungava, a reçu en septembre dernier un Indigenous Music Award à Winnipeg.

Music is one of the most important ways of expression for Inuit people. Recognition of that art is very significant, and I'm very proud of the young award-winning.

Le prix de la meilleure chanson francophone lui a été décerné, album qu'il a lui-même enregistré dans sa maison, sur lequel il chante en anglais, en français et en inuktitut. Ça reflète bien le visage actuel du Nunavik.

Album title is Nunanga, my home, my land. Great job, Jaaji! Congratulations! Merci. «Nakurmiik.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci. Merci, M. le député d'Ungava. Et, toujours à la rubrique des déclarations de députés, je cède la parole à M. le député de Gaspé.

Féliciter Mme Anne Sohier, lauréate du Prix du bénévolat en
loisir et en sport Dollard-Morin, et M. Jean-Luc Bujold,
lauréat du prix Étoiles Stingray

M. Gaétan Lelièvre

M. Lelièvre : Merci, Mme la Présidente. Je souhaite aujourd'hui reconnaître le succès d'un citoyen et d'une citoyenne de ma circonscription, lesquels ont reçu récemment des reconnaissances à l'échelle nationale.

Je souhaite donc féliciter Mme Anne Sohier, de Marsoui, en Gaspésie, qui s'est vu attribuer la semaine dernière ici, au parlement, le Prix du bénévolat en loisir et en sport Dollard-Morin pour la qualité de son engagement dans les domaines du loisir et du sport. Grâce à sa remarquable implication et à son grand dévouement, les citoyennes et citoyens de Marsoui peuvent bénéficier d'une offre culturelle unique et diversifiée.

Mme Sohier, bravo encore une fois pour cet honneur pleinement mérité! Vous êtes non seulement une leader de votre communauté, vous êtes un exemple à suivre pour l'ensemble des Gaspésiens et Gaspésiennes.

Je souhaite également souligner le talent artistique de M. Jean-Luc Bujold, de Sainte-Thérèse-de-Gaspé, qui a remporté en septembre 2015 le prix Étoiles Stingray dans la catégorie Country western traditionnel au festival de Saint-Tite. Musicien, compositeur et interprète bien connu au sein de la région, Jean-Luc Bujold a également offert des prestations aux quatre coins du Québec, et le succès remporté au prestigieux festival de Saint-Tite confirme le grand talent de cet artiste gaspésien.

Jean-Luc, félicitations pour cette reconnaissance bien méritée et merci de faire rayonner la Gaspésie à l'échelle du Québec! Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Gaspé. Et maintenant, Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, la parole est à vous.

Souligner le 25e anniversaire de l'organisation
Place aux jeunes Charlevoix

Mme Caroline Simard

Mme Simard : Merci, Mme la Présidente. Il y a 25 ans, l'organisation Place aux jeunes en région s'impliquait dans trois municipalités régionales de comté, dont celle de Charlevoix-Est. Depuis, sa mission est de favoriser la migration, l'établissement et le maintien des jeunes diplômés âgés de 18 à 35 ans en région dans le but de contrer l'exode des jeunes vers les grands centres puis qu'ils contribuent au développement économique et démographique.

À titre de députée et d'adjointe parlementaire du premier ministre pour le volet Jeunesse, je suis à même d'observer l'engagement des agents à faire briller nos jeunes et nos régions, ces jeunes qui désirent participer au dynamisme de notre territoire, bâtir, créer et innover, ces mêmes jeunes dont nous pouvons être très fiers.

Chez nous, Place aux jeunes Charlevoix constitue un organisme fort apprécié de ses partenaires promoteurs et des organisateurs locaux et régionaux. Je désire remercier l'équipe de Place aux jeunes Charlevoix, les bénévoles et les membres fondateurs pour leur contribution significative. Je les encourage, bien sûr, à continuer à s'impliquer dans la communauté. Bon 25e! Et merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci beaucoup, Mme la députée. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Mirabel.

Rendre hommage à M. Roland Joannin, agronome, pour
sa contribution à la communauté de Mirabel

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Merci, Mme la Présidente. Ce matin, je veux honorer un innovateur, un agronome réputé et un rouage important de la vie communautaire de ma circonscription de Mirabel, M. Roland Joannin.

Arborant plusieurs chapeaux, il est, entre autres, un conseiller pomicole auprès d'Agro-Pomme depuis plus de 30 ans, il est membre fondateur des Jardins solidaires et il est à l'origine du collectif La Pomme de demain, qui oeuvre dans le domaine de la création et de la diversification variétale du pommier depuis 1986. Bon nombre d'agriculteurs pourront le dire, Roland Joannin les a accompagnés dans la régénération de leur exploitation agricole. C'est un homme qui n'arrête jamais, passant d'un projet à un autre et cherchant toujours à innover en animant et en dynamisant le domaine pomicole de la région.

J'espère pouvoir compter sur sa présence et son dévouement encore longtemps dans notre belle circonscription de Mirabel. Bravo, M. Roland Joannin! Merci, Mme la Présidente.

• (9 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci. Merci de ces bons mots. Maintenant, M. le député de Laval-des-Rapides, à vous de nous présenter votre déclaration.

Féliciter les récipiendaires des bourses du mérite
de la Fondation du collège Montmorency

M. Saul Polo

M. Polo : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'ai eu le plaisir de participer la semaine dernière au gala des bourses de mérite de la Fondation du collège Montmorency à Laval-des-Rapides. Lors de cette soirée, les étudiants ayant fait preuve de persévérance et d'excellence étaient honorés.

J'ai eu le plaisir de remettre, en mon nom, ainsi qu'au nom de la ministre responsable de Laval et députée de Mille-Îles, ainsi qu'au nom de mon collègue le député de Chomedey, des bourses de mérite à quatre étudiants lauréats. Je tiens donc à féliciter Mmes Joy Victoria Viera et Marie-Anne Léveillé, récipiendaires dans le programme d'études de soins infirmiers, ainsi que M. Rodric Haddad, récipiendaire dans le programme d'études en technique informatique, et Mme Abigaëlle Gascon, récipiendaire pour le programme études en sciences humaines.

Je tiens à féliciter l'ensemble des membres de la Fondation du collège Montmorency pour la qualité de l'événement auquel nous avons assisté, également en compagnie de mon collègue de Vimont. Bravo à tous! Et merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Et, pour la dernière déclaration d'aujourd'hui, je cède la parole à M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

Rendre hommage à Mmes Madeleine Landry
et Steven Thériault de la brigade
scolaire de Rivière-du-Loup

M. Jean D'Amour

M. D'Amour : Alors, merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, pour tout parent, savoir ses enfants en sécurité lorsqu'ils se rendent à l'école, c'est une priorité, c'est une source de grand réconfort. C'est la raison pour laquelle j'aimerais souligner l'excellence du travail de la brigade scolaire de Rivière-du-Loup ce matin, particulièrement Mmes Madeleine Landry et Steven Thériault qui célèbrent respectivement 25 et 30 ans de service en tant que brigadières scolaires et, avouons-le, parfois même en tant que conseillers ou confidents de nos jeunes écoliers. Beau temps, mauvais temps, et on connaîtra des jours froids bientôt, Mmes Landry et Thériault sont au rendez-vous afin de faire circuler de façon sécuritaire nos enfants vers l'école Joly, dans ce cas-ci, ou encore l'école Saint-François de Rivière-du-Loup.

Alors, au nom de la population que je représente, au nom aussi de l'ensemble des parlementaires de cette Chambre, j'aimerais féliciter Mmes Landry et Thériault, en espérant qu'elles puissent continuer à travailler à la sécurité de nos enfants encore longtemps, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député de Rivière-du-Loup—Témiscouata.

Ceci met fin à la rubrique des déclarations de députés, et je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 52)

(Reprise à 10 heures)

Le Président : Mesdames messieurs les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Présence de M. Janvier Grondin, ex-parlementaire
de l'Assemblée nationale

Merci. Veuillez vous asseoir. J'ai remarqué la présence de notre ancien collègue Janvier Grondin qui est avec nous. Janvier était député de Beauce-Nord.

Présence de M. Stephen J. Ortego,
député de l'État de la Louisiane

Et nous avons aussi la présence d'un député de l'État de la Louisiane, M. Stephen J. Ortego, qui est avec nous aussi.

Alors, nous poursuivons les affaires courantes. Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi

À la rubrique Présentation de projets de loi, M. le leader de l'opposition.

M. Drainville : M. le Président, pouvez-vous appeler l'article a de notre feuilleton?

Projet de loi n° 211

Le Président : Certainement. Ah! Ha! À l'article a du feuilleton, j'ai reçu le rapport de la directrice de la législation sur le projet de loi n° 211, Loi concernant la Municipalité régionale de comté Les Moulins. La directrice de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.

Mise aux voix

En conséquence, M. le député de Terrebonne présente le projet de loi d'intérêt privé n° 211, Loi concernant la Municipalité régionale de comté Les Moulins. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix : ...

Le Président : Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la Commission de l'aménagement du territoire

M. Fournier : Conformément au premier alinéa de l'article 267 de notre règlement, je fais motion afin que ce projet de loi soit déféré à la Commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire en soit membre, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix : ...

Dépôt de documents

Le Président : Adopté. À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.

Plan d'immigration du Québec pour l'année 2016

Mme Weil : Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de déposer aujourd'hui le Plan d'immigration du Québec 2016.

Le Président : Le document est déposé. M. le ministre de l'Éducation.

Rapport annuel de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie

M. Blais : M. le Président, il me fait plaisir de déposer aujourd'hui le rapport annuel de gestion 2014‑2015 de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec.

Le Président : Ce rapport est déposé. M. le leader du gouvernement.

Réponses à une pétition et à des
questions inscrites au feuilleton

M. Fournier : M. le Président, je dépose la réponse du gouvernement à la pétition présentée par la députée de Richmond le 6 octobre 2015. Je dépose également les réponses du gouvernement aux questions inscrites au feuilleton le 24 septembre par le député de Marie-Victorin, le 6 octobre par le député de La Peltrie et le 20 octobre par le député de Granby.

Le Président : Alors, ces documents sont déposés.

Dépôt de rapports de commissions

À la rubrique Dépôt de rapports de commissions, M. le président de la Commission de l'économie et du travail et député de Bertrand.

Consultations particulières sur le projet de loi n° 57

M. Cousineau : M. le Président, je dépose le rapport de la Commission de l'économie et du travail qui, les 27 et 28 octobre 2015, a tenu des auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite principalement quant au financement des régimes de retraite à prestations déterminées.

Le Président : Le rapport est déposé. M. le président de la Commission des institutions et député de Chomedey.

Élection à la vice-présidence de la
Commission des institutions

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la Commission des institutions qui, le 28 octobre 2015, a procédé à l'élection à la vice-présidence de la commission.

Le Président : Ce rapport est déposé. M. le président de la Commission de la santé et des services sociaux et député de LaFontaine.

Étude détaillée du projet de loi n° 20

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le président. Je dépose le rapport de la Commission de la santé et des services sociaux qui, les 26, 27 mai, les 3, 4, 5, 8 et 10 juin, 21 août, 4, 8, 14, 15, 16, 17, 22, 23, 24, 29, 30 septembre, 5, 6, 7, 8, 20, 21, 22, 27, 28 octobre 2015, a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi édictant la Loi favorisant l'accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée. La commission a adopté le texte du projet de loi avec des amendements.

Le Président : Ce rapport est déposé.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, M. le député de Matane-Matapédia.

Maintenir le programme de formation en
charpenterie-menuiserie au Centre de formation
professionnelle Mont-Joli
—Mitis

M. Bérubé : Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 275 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que le programme en charpenterie-menuiserie est offert aux jeunes depuis maintenant 10 ans;

«Considérant que le Centre de formation professionnelle de Mont-Joli possède déjà tous les équipements nécessaires, ainsi qu'un personnel compétent pour offrir une formation de qualité;

«Considérant que cette formation ne serait maintenant offerte qu'à Rivière-du-Loup ou Bonaventure, engendrant des coûts supplémentaires et représentant ainsi un frein à l'éducation;

«Considérant que les cohortes ont toujours été à pleine capacité et que 41 personnes se sont déjà inscrites pour le cours débutant en janvier 2016;

«Considérant que cette formation offre une excellente possibilité d'emploi au sein de plusieurs entreprises du Bas-Saint-Laurent;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec d'intervenir auprès du ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche afin que soit autorisé le maintien du programme de formation en charpenterie-menuiserie au CFP Mont-Joli—Mitis en janvier 2016.»

Et je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président : Alors, l'extrait de cette pétition est déposé.

J'ai reçu de la part de M. le député de Gaspé une demande de dépôt d'une pétition, mais cette pétition n'est pas conforme. Est-ce que j'ai une autorisation, un consentement pour le dépôt de cette pétition?

Des voix : ...

Le Président : Consentement. M. le député de Gaspé, nous vous écoutons.

Installer un service d'hémodialyse
à l'Hôpital Hôtel-Dieu de Gaspé

M. Lelièvre : M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 8 489 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

Il n'y a pas de faits invoqués.

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, désirons demander au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec d'installer à l'Hôtel-Dieu de Gaspé un service d'hémodialyse afin de soigner les gens souffrant d'insuffisance rénale dans le grand Gaspé.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.

Le Président : L'extrait de cette pétition est déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une question de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes donc rendus à la période de questions et de réponses orales. Je cède la parole à M. le chef de l'opposition officielle.

Investissement du gouvernement
dans Bombardier inc.

M. Pierre Karl Péladeau

M. Péladeau : Merci, M. le Président. Alors, nous apprenons ce matin que le gouvernement a finalement décidé d'agir dans le dossier Bombardier. Après de nombreuses interpellations, il vient de se réveiller. Le problème, c'est qu'à la lueur des informations que nous obtenons...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Il n'y a qu'une personne ici qui a le droit de parole, surtout au début de la période de questions. Je veux entendre le chef de l'opposition poser sa question.

Une voix : ...

Le Président : M. le député de Louis-Hébert, c'est assez. Je vous ai entendu. M. le chef.

M. Péladeau : À la lueur des informations que nous avons obtenues, nous sommes obligés de conclure que le premier ministre et son ministre de l'Économie ne comprennent rien à l'économie, ils ne comprennent rien à la finance et qu'ils sont de piètres négociateurs.

Nous apprenons ce matin qu'ils ont décidé d'investir 1 milliard dans le programme de la série C. Le problème, c'est que le gouvernement investit, prend tous les risques et ne reçoit aucun bénéfice. Le premier ministre s'apprête à faire en sorte qu'il renonce à tous les autres actifs qui sont très importants dans Bombardier, la division ferroviaire, la division aéronautique, avec des grands succès comme le Challenger Q400. En décidant d'investir dans une coquille spécifiquement créée pour l'investissement dans la série C, il renonce à tous ces bénéfices.

Alors, est-ce que le premier ministre peut nous dire pourquoi il a décidé que les contribuables et les Québécois devaient prendre tous les risques pour le bénéfice des actionnaires? C'est ça, la question, M. le Président.

Le Président : M. le premier ministre.

Des voix : ...

Le Président : Est-ce que ça vous tenterait d'écouter le premier ministre? M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : Désolante manifestation d'amateurisme, M. le Président, ici. D'abord, c'est comme si on avait attendu les remarques du chef de l'opposition officielle — et Dieu sait qu'on n'attend pas grand-chose de sa part — pour nous intéresser à l'avenir de l'aéronautique au Québec, M. le Président. La filière aéronautique au Québec, M. le Président, à Montréal particulièrement, dont le socle est Bombardier, c'est plus de 40 000 emplois, et c'est aussi important pour le Québec, l'aéronautique, que l'automobile l'est pour l'Ontario.

Alors, bien sûr, et je voudrais l'amener à corriger ce qu'il vient de dire parce que ce qu'il dit est entendu par les marchés et les autres observateurs, ce qu'il vient de donner, c'est une marque de non-confiance envers Bombardier pour le développement de la série C. Moi, j'affirme au contraire qu'on a là l'avion le plus moderne actuellement disponible sur le marché. La première certification arrive bientôt. J'affirme que c'est également un choix d'investissement tout à fait stratégique et justifié, et qu'il fallait faire, et que nous devions faire, et que nous avons fait. Et je voudrais d'abord féliciter, féliciter mon collègue le ministre de l'Économie, qui a montré un grand doigté et un grand jugement, M. le Président, dans la conclusion de cette négociation.

Maintenant, je comprends que, du côté de l'opposition, on aurait aimé ça être du côté de ceux qui ont réalisé cette opération si importante pour l'avenir du Québec. Malheureusement, ce n'est pas le cas. C'est nous qui sommes au gouvernement, c'est nous qui l'avons fait, avec fierté, M. le Président. Et on va aller de l'avant avec la série C, qui va être un grand succès pour tous les Québécois.

• (10 h 10) •

Le Président : Première complémentaire, M. le leader de l'opposition... M. le chef de l'opposition.

M. Pierre Karl Péladeau

M. Péladeau : M. le Président, j'ai interpellé à plusieurs reprises, à titre de député de Saint-Jérôme, le ministre de l'Industrie. Je le fais aujourd'hui à titre de chef de l'opposition envers le premier ministre, je l'ai fait également dans le passé. Je n'ai jamais dit que l'État devait prendre tous les risques, et c'est la raison qui m'amène à conclure que vous êtes de piètres négociateurs.

Alors, si l'entente est si bonne que vous le prétendez, M. le premier ministre, allez-vous rendre publique cette entente pour savoir si les Québécois en ont pour leur argent?

Le Président : M. le chef de l'opposition, je vous rappelle qu'on s'adresse à la présidence. M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, l'habitude de hurler ses questions est à la fois ridicule et non efficace, je pense qu'il faut le dire ici. Il vaut mieux avoir une conversation sensée sur un sujet aussi important.

S'il veut avoir les détails de la transaction, bien, qu'il lise donc le communiqué de presse et les documents publiés par l'entreprise, tout y est, notamment le fait que le gouvernement obtient également 200 millions de bons de souscription pour la société mère, qui seront exercés à partir d'un certain niveau d'actions de Bombardier, société mère également, ce qui donne lieu à une considérable plus-value, M. le Président, parce que nous, on a confiance dans Bombardier. Et c'est ça qui est au coeur de l'intervention de mon collègue. Bien sûr, lui le déguise comme une attaque contre le gouvernement parce qu'il aurait bien voulu, lui, être ici pour faire cette entente, et malheureusement ce n'est pas le cas, mais ce qu'il exprime, c'est un manque total de confiance...

Le Président : En terminant.

M. Couillard : ...envers Bombardier et l'avenir de l'aéronautique à Montréal.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Pierre Karl Péladeau

M. Péladeau : M. le Président, si la transaction que prétend le premier ministre est si bonne, où est le gouvernement fédéral? Parce que, quand le secteur de l'automobile est en difficulté...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Péladeau : ...il vient à sa rescousse avec notre argent. Alors, nous serions curieux de savoir pourquoi le gouvernement fédéral n'est pas présent dans cette transaction. Alors qu'il dépense des millions d'argent... de sommes d'argent qui proviennent des Québécois, il est absent dans cette transaction. Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer pourquoi?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, c'est toujours émouvant d'entendre le chef de l'opposition demander l'aide du gouvernement fédéral. Franchement, ça me sidère. Mais j'en suis heureux, il en est peut-être venu à la conclusion, M. le Président, comme l'ont dit deux économistes, ce matin, dans La Presse, que son plan pour le Québec est totalement désastreux sur le plan économique. D'ailleurs, je l'invite à lire la La Presse+ de ce matin.

Maintenant, il fait erreur encore une fois, le gouvernement fédéral est déjà intervenu pour soutenir Bombardier, même à un niveau plus élevé que le gouvernement du Québec. Au cas où il ne l'aurait pas remarqué, depuis trois mois il y avait des élections fédérales. Il y a un nouveau gouvernement qui va être formé. Actuellement, la nouvelle entreprise... la nouvelle coentreprise prend son essor et commence ses activités. Bien sûr, M. le Président, on va interpeller le gouvernement fédéral pour la même raison...

Le Président : En terminant.

M. Couillard : ...que ce qu'il a dit : c'est aussi important pour le Québec que l'auto l'est pour l'Ontario.

Le Président : Troisième complémentaire, M. le chef de l'opposition.

M. Pierre Karl Péladeau

M. Péladeau : M. le Président, le premier ministre ne souhaite pas parler de l'argent que les Québécois envoient à Ottawa, alors je vais lui demander : Pourquoi la Caisse de dépôt n'est pas présente dans cette transaction? Nous savons que la Caisse de dépôt est indépendante, mais je peux vous dire quelque chose, M. le premier ministre : La Caisse de dépôt ne refuse jamais un bon deal.

Alors, peut-il nous expliquer pourquoi la Caisse de dépôt n'est pas présente à cette transaction, M. le Président?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : En français, s'il vous plaît. En français, s'il vous plaît.

Des voix : ...

M. Couillard : Alors, oui, la Caisse de dépôt est indépendante, M. le Président, et bien sûr elle prendra les décisions d'investissement qui lui sembleront justes de prendre. Et je l'invite à la patience, je crois qu'il y a de nombreux investisseurs institutionnels qui vont s'intéresser au cas de Bombardier, de façon constructive, au cours d'un proche avenir. Mais justement, M. le Président, il a dit dans sa question : La Caisse de dépôt est indépendante. Alors, on va la laisser prendre ses décisions, et je pense que ces décisions seront prises, mais c'est à la caisse de les annoncer et d'en répondre.

Le Président : Principale, M. le député Matane-Matapédia.

Enquête sur certains policiers de la
Sûreté du Québec à Val-d'Or

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, lorsqu'en novembre 2012 le gouvernement du Parti québécois a déposé un projet de loi créant le Bureau des enquêtes indépendantes, le principe était simple : les enquêtes de la police sur la police ne seront plus acceptables; un processus indépendant est nécessaire afin de préserver en tout temps la justice et l'apparence de justice. Le projet de loi ayant été adopté à l'unanimité, le Parti libéral était d'accord. Pourtant, au printemps 2015 et depuis une semaine, le gouvernement défend exactement le contraire; il défend des enquêtes faites par les policiers sur des policiers à propos d'allégations graves. Pourquoi, M. le premier ministre?

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Notre collègue de la Sécurité publique n'est pas avec nous, M. le Président, pour des problèmes de santé. Je profite donc du moment pour répondre en son nom, si me le permet notre collègue de l'opposition.

Il a déjà été établi, d'une part, qu'une fois que nous sommes revenus aux affaires, nous avons pris des décisions qui permettaient de mettre en place le bureau. Le bureau lui-même a fait la... Sa dirigeante a fait une communication publique établissant les étapes qu'elle avait franchies et celles qu'il restait à franchir, notamment au niveau de la formation, de manière à pouvoir entrer en fonction de façon complète... je crois que la date était avril prochain. Alors, ils se font dans des étapes qui vont dans la suite du projet de loi qui a été adopté. Nous avons toujours l'intention que ce bureau puisse être en fonction.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Matane-Matapédia.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, j'offre un précédent au gouvernement pour étude. Lorsque le Parti québécois était au pouvoir en 2012, il se souviendra que des allégations troublantes concernant des agissements d'ex-hauts gradés de la SQ auraient pu ébranler la confiance du public envers leur police. Pour éviter que la police enquête sur la police, la ministre de l'époque a créé un comité d'enquête spécial et indépendant, exactement ce que nous demandons depuis une semaine.

Qu'est-ce qui empêche le premier ministre de faire exactement la même chose aujourd'hui dans le dossier de Val-d'Or?

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Je pense qu'on connaît tous, là, les nouvelles récentes sur le sujet. Le SPVM fait enquête. Il y a une question d'observateurs, donc, pour permettre qu'il y ait justement cette indépendance-là. Je sais aussi qu'il y a une volonté que les autochtones soient aussi mis à contribution dans ce type d'enquête et du côté des observateurs. Enfin, c'est les nouvelles que nous avons tous. Alors, je crois qu'on est en mesure d'avoir cette démarche-là qui puisse être accomplie de façon indépendante.

Ceci étant dit, il n'y a pas que cet élément-là dans l'ensemble de l'oeuvre. Il y a toutes les relations à rebâtir. Et nous savons tous que le premier ministre — d'ailleurs, c'est public — avec notre collègue des Affaires autochtones, va entreprendre de façon très intensive des rencontres...

Le Président : En terminant.

M. Fournier : ...et des discussions avec les autochtones, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Matane-Matapédia.

M. Pascal Bérubé

M. Bérubé : M. le Président, je viens d'exposer un précédent qui est à la disposition du gouvernement. Il n'y a rien qui l'empêche de procéder. S'il y a un blocage, il s'explique comment, au bureau de la ministre de la Sécurité publique, au bureau du premier ministre? On aimerait pouvoir procéder maintenant. Je pense que c'est la demande de la population qu'on puisse y aller en toute transparence et en toute indépendance. C'est toujours compliqué lorsque vient le temps de parler de la police puis du gouvernement.

Est-ce qu'il pourrait, pour cette fois, cette fois, utiliser un précédent puis répondre aux attentes de la population en cette matière?

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : On assiste à un précédent dans la mesure où le SPVM va mener l'enquête de façon indépendante avec un observatoire ou des observateurs. Alors, de cette façon-là, nous avons une façon de le faire qui nous semble indépendante, qui constitue peut-être aux yeux de notre collègue un précédent en lui-même. Mais l'important, c'est de nous assurer qu'il y ait justement cette marge d'indépendance, et l'observateur le permet.

Je tiens à dire encore qu'il est très important aussi que cela se fasse toujours en collaboration avec les autochtones. Mon collègue le dit tellement souvent, il l'a tellement souvent répété : Ce n'est pas en provenance du Sud qu'on peut tout régler le Nord. On ne peut pas aller faire un tour, revenir puis dire : C'est réglé. On doit le faire avec eux, et je pense que c'est la bonne voie.

Le Président : Principale, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

Investissement gouvernemental dans
le développement des CSeries

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, dans l'entreprise Bombardier, il y a trois grandes divisions. Il y a deux divisions qui vont très bien actuellement, la division du matériel de transport, la division des avions d'affaires. Il y a une division qui a des graves difficultés. Ce n'est pas un secret, là, tous les analystes le disent, c'est la partie des avions commerciaux, donc le développement de la série C. Pourquoi? Bien, M. le Président, évidemment, c'est très risqué de développer un avion de 100, 160 places quand on est en compétition avec deux géants, Airbus et Boeing. Ce n'est pas le cas dans les deux autres divisions.

Donc, M. le Président, Bombardier, actuellement, a des problèmes de liquidités, et nous, on pense qu'il faut que le gouvernement intervienne pour sauver ce joyau, mais pour sauver les trois divisions. Or, le gouvernement libéral a décidé d'investir 1 milliard de dollars américains seulement dans la division qui va mal, dans la CSeries, dans la plus risquée, avec l'argent des Québécois.

Est-ce que le premier ministre peut nous expliquer pourquoi il n'a pas investi le 1 milliard américain dans l'ensemble de Bombardier pour minimiser les risques de la transaction puis qu'il a choisi d'aller seulement dans la division qui a des graves difficultés?

• (10 h 20) •

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, d'abord, il faut établir et exprimer ici, dans cette Chambre, hein, un message de confiance envers Bombardier et sa capacité de développer la série C. C'est actuellement l'avion le plus perfectionné et le plus compétitif sur le marché. Comme il le sait, il y a un grand nombre d'ententes fermes et d'autres types d'ententes qui ont été signées, et on veut que ça continue.

Maintenant, je vais l'amener à aller plus loin dans sa pensée. Compte tenu de l'investissement qui est fait, 1 milliard de dollars, quelle est, à son avis, la valeur totale de l'entreprise Bombardier dans son entier? Et quelle influence aurait donné ce milliard pour Bombardier dans son entier, alors qu'avec cet investissement nous nous retrouvons avec 49,9 % de l'actionnariat de la nouvelle entreprise de la série C, la garantie pour 20 ans, pour 20 ans, de conserver le siège social des activités de fabrication, d'ingénierie à Montréal, au Québec, ce qui est absolument capital, M. le Président, pour cette filière aéronautique dont je parlais, et également la possibilité d'obtenir des bons de souscription dans la compagnie mère à partir d'un certain niveau de valeur de l'action, comme il le sait très bien? Il n'a qu'à lire le communiqué de l'entreprise ce matin.

Alors, c'est une décision qui était justifiée, équilibrée, sage, M. le Président, et surtout à la hauteur des ambitions des Québécois.

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, avec tout le respect que j'ai pour le premier ministre, il vient de nous montrer qu'il ne comprend rien. Il nous dit qu'il aime mieux investir 49 % dans une division qui ne va pas bien qu'un plus petit pourcentage dans une entreprise qui va bien au global. Il nous parle de confiance. Depuis l'annonce de la transaction, le prix de l'action a baissé de 16 %. Donc, belle confiance!

M. le Président, lorsque le gouvernement américain a décidé d'investir dans GM, ils n'ont pas juste investi dans les automobiles qui n'allaient pas bien.

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : Encore une fois, j'invite le collègue à la prudence. Ce qu'il vient de dire, ça va exactement avoir l'effet dont il vient de parler sur l'action de Bombardier. Chaque mot qui est prononcé ici sur cette entreprise et ses projets...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Couillard : ...a un impact direct sur les marchés, M. le Président. Alors, j'invite tout le monde à faire preuve de retenue et d'un plus grand sens des responsabilités.

Mais effectivement, M. le Président, on veut avoir un impact direct dans les décisions qui seront prises sur le développement de cette filière-là. Tout le monde s'entend que c'est le socle sur lequel l'aéronautique, à Montréal, va continuer de croître au cours des prochaines années. Avec la position stratégique qu'on détient là, qui est très préférable à une position très minoritaire dans le reste de l'entreprise dont, en passant, beaucoup des activités sont en Europe plutôt qu'en Amérique du Nord...

Le Président : En terminant.

M. Couillard : ...on est beaucoup mieux placés pour faire progresser l'aéronautique à la hauteur des ambitions des Québécois, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef du deuxième groupe d'opposition.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, lorsque le gouvernement américain a investi dans GM, il n'a pas investi seulement dans les modèles qui étaient des mauvais vendeurs. Il a investi dans les bons actifs et dans des actifs plus risqués.

Pourquoi prendre autant de risques avec l'argent des contribuables? C'est un mauvais deal. Le gouvernement libéral s'est comporté comme un enfant d'école dans cette transaction-là. Pourquoi ne pas avoir investi dans l'ensemble de Bombardier?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je crois qu'on voit pourquoi notre collègue a quitté le milieu des affaires, là. Et clairement c'était la décision stratégique...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Couillard : C'était la décision stratégique à prendre.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le leader du...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le leader du deuxième groupe d'opposition.

M. Bonnardel : Je pense que mon chef a eu pas mal plus de succès en affaires que lui a pu en avoir avec Arthur Porter.

Le Président : Bon. M. le leader du gouvernement.

M. Fournier : M. le Président, je crois que non seulement on a pris la décision toute récente de modifier le règlement pour qu'il n'y ait plus d'applaudissements, mais je crois aussi qu'on avait pris cette décision pour qu'il y ait un ton différent et que le débat soit plus relevé. Je vois le leader de la deuxième opposition, M. le Président, qui a de l'air à l'avoir déjà oublié, et je le regrette. Je le regrette.

Le Président : Bon, je vais demander au premier ministre de continuer, s'il vous plaît, mais en s'adressant à la présidence.

M. Couillard : Je vais demander, M. le Président, avec politesse, à mon collègue d'être plus constructif dans ses propos sur ce fleuron de l'entreprise et de l'économie québécoise. La décision que nous avons prise vise à garder au Québec l'actif stratégique le plus important pour l'avenir. Oui, bien sûr, les jets d'affaires vont continuer à se développer puis les avions avec d'autres modes de propulsion également, mais ce qui est absolument crucial, ne nous contons pas d'histoire, M. le Président, ce qui est absolument crucial pour l'avenir de la filière aéronautique du Québec centrée à Montréal autour de Bombardier, c'est le développement de la série C, dans lequel le gouvernement du Québec a déjà investi, dans lequel il continue d'investir, dans lequel il est partenaire et non pas subventionnaire, M. le Président.

Le Président : Principale, Mme la députée de Montarville.

Distribution de livres de propagande islamique
à des bibliothèques publiques

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Oui, merci beaucoup, M. le Président. On sait que plusieurs bibliothèques du Québec ont reçu gratuitement, il y a quelques jours, des livres de propagande islamique provenant de l'Arabie saoudite. Ces livres, accompagnés d'une lettre adressée aux bibliothécaires, auraient été envoyés par la Ligue islamique mondiale, qui prétend vouloir améliorer la compréhension interculturelle. On n'est pas dupes. En réalité, plusieurs de ces ouvrages prêchent carrément contre nos valeurs et dénigrent la façon de vivre des femmes occidentales. Par exemple, un des livres soutient que l'émancipation des femmes a mené à l'infidélité, à la destruction des familles et à la négligence et la maltraitance des enfants.

Bon, d'abord ici, M. le Président, j'aimerais saluer le jugement des bibliothécaires qui ont dénoncé cette propagande. Ils ne sont pas restés les bras croisés.

Maintenant, j'aimerais savoir quelles actions la ministre de la Culture a posées, elle, depuis que nous avons tous pris connaissance de ces envois de livres qui n'ont rien d'innocent dans le contexte actuel.

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Écoutez, je pense que ce qu'il n'y a de rien d'innocent dans le contexte actuel, c'est la question de la collègue, justement. Ce n'est pas innocent de soulever que cinq bibliothèques ont reçu effectivement un envoi qui a été envoyé à peu près à toutes les bibliothèques au monde. Bon, c'est la question des dons que les bibliothèques reçoivent très régulièrement, c'est la question des bibliothèques publiques qui reçoivent des livres de toutes sortes et qui ont la responsabilité de classer, de faire des choix, des choix. Et je suis très, très contente que ma collègue fasse la constatation que nos bibliothécaires sont très bien formés, et ils ont un jugement qui est absolument impeccable dans l'immense majorité des cas et ils l'ont eu dans ce cas-ci.

Il faut aussi dire que les bibliothèques publiques sont la responsabilité des municipalités, donc mon collègue pourra donner un peu plus de détails là-dessus, et qu'effectivement ils exercent un choix à tous les jours sur la quantité impressionnante de livres qu'ils reçoivent, de dons qu'ils reçoivent, et ils auront un jugement critique. Et il est évident que l'égalité hommes-femmes est toujours, toujours, toujours un critère extrêmement important, et ils ont toutes sortes d'autres critères aussi qu'ils suivent.

Le Président : En terminant.

Mme David (Outremont) : Ils se donnent des règlements, soumis aux municipalités qui les adoptent.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Montarville.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Oui, merci, M. le Président. Si ce gouvernement veut vraiment lutter contre la radicalisation des jeunes — c'est ce qu'il dit — il doit agir devant de tels envois qui sont inacceptables. L'Arabie saoudite n'a pas à imposer sa propagande islamique au Québec. L'envoi de ces livres, ce n'est pas un hasard, ce n'est pas innocent de la part de la Ligue islamique mondiale, qui a comme vocation de faire la promotion de la charia autour du monde.

Alors, la ministre a-t-elle entrepris des vérifications pour connaître les véritables motivations de ceux qui ont expédié ces ouvrages de propagande au Québec? Les avez-vous contactés?

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Écoutez, je répète, la question n'est pas innocente non plus de vouloir faire un peu un petit parcours, un petit chemin par rapport à cette question pour toujours ramener un public cible par rapport à un autre public. Et je vous répète qu'on reçoit à tous les jours... que les bibliothèques reçoivent à tous les jours des livres qui peuvent être non indiqués de mettre sur les étagères des bibliothèques, par exemple des livres qui seraient beaucoup trop à connotation ultrareligieuse, dans un sens comme dans l'autre, à connotation sexuelle, dans un sens comme dans l'autre. Ils exercent leur jugement à tous les jours, et ils le font avec des politiques réglementaires qui sont soumises aux conseils municipaux. Et ils le font très bien, car ils sont...

Le Président : En terminant.

Mme David (Outremont) : ...très bien formés, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Montarville.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Je le répète, ces envois ne sont pas innocents. La Ligue islamique mondiale est basée à La Mecque, en Arabie saoudite. Cette organisation est hostile à la démocratie, aux droits et libertés. Elle finance à coup de milliards les avancées de la charia dans le monde. Elle a d'ailleurs ici, au Québec, un représentant qui était derrière le projet d'instaurer une charia, ce tribunal islamique, dans les années 2000.

Est-ce qu'il y a quelqu'un dans ce gouvernement qui va avoir le courage d'agir contre l'islamisme radical au Québec? Oui, ça existe.

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Écoutez, le courage d'agir, il est chez les bibliothécaires et leur jugement. Le courage d'agir, c'est de dire : Je ne mets pas ces livres-là dans les rayons des bibliothèques. Le courage d'agir, c'est la formation formidable que le Québec s'est donnée par rapport aux bibliothécaires qui... Les bibliothécaires, c'est un métier important, c'est un métier que nous respectons tous, et ils le font avec un très grand jugement. Donc, le courage, c'est justement de porter un certain jugement critique et de bien le faire, et nous respectons nos bibliothèques publiques et nos bibliothécaires.

Le Président : Principale, M. le député de Granby.

Intentions du gouvernement concernant
la hausse de la taxe de vente

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Merci, M. le Président. Depuis des mois, nous questionnons le gouvernement sur son intention ou non de ne pas augmenter la TVQ. Jusqu'à maintenant, aucune réponse du gouvernement ne nous a permis de croire qu'il n'augmentera pas la TVQ. Au contraire, le premier ministre laissait clairement entendre la semaine dernière que c'était possible. Or, le premier ministre a été catégorique. Hier, de passage dans Beauce-Sud, il a dit, et je le cite : «Il n'est pas question d'augmenter la TVQ.» Ce gouvernement semble avoir une position à géométrie variable. Quand on est en élection partielle, on dit clairement qu'on n'augmentera pas la TVQ, mais, quand on répond aux questions en Chambre, il laisse planer le doute.

Ma question est très simple au ministre des Finances : Peut-il répéter mot pour mot en cette Chambre la déclaration du premier ministre hier en Beauce et nous dire clairement : Non, je n'augmenterai pas la TVQ?

• (10 h 30) •

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Carlos J Leitão

M. Leitão : Alors, M. le Président, comme M. le premier ministre l'a très bien et très clairement dit non seulement hier, mais ici, dans cette Chambre, plusieurs fois, nous n'avons aucune intention d'augmenter le fardeau fiscal des Québécois, nous voulons le baisser. Eh oui! Eh oui! Eh oui! nous n'avons aucune intention d'augmenter la TVQ.

Le Président : Première complémentaire, M. le...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député de Granby, c'est à vous la parole en première complémentaire.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : M. le Président, est-ce qu'il s'engage à ne pas augmenter la TVQ pour la durée du mandat? Et, s'il augmente la TVQ, est-ce qu'il est prêt à mettre son siège en jeu?

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Carlos J Leitão

M. Leitão : Peut-être, M. le Président, on s'engage dans la prochaine ère glaciale. Je ne sais pas, peut-être que l'on devrait faire ça aussi. Est-ce que le député de Granby s'engage aussi à ne pas barbouiller les affiches électorales de nos candidats en Beauce, M. le Président?

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Granby.

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Je répète ma question, M. le Président : Est-ce qu'il est prêt à mettre son siège en jeu si la TVQ augmente d'ici la fin du mandat libéral? Oui ou non?

Une voix : ...

Le Président : S'il vous plaît, M. le député d'Orford! M. le ministre des Finances.

M. Carlos J Leitão

M. Leitão : Est-ce que le député de Granby s'engage, oui ou non, à ne plus déformer les pancartes électorales en Beauce et dans les autres circonscriptions, M. le Président?

Le Président : Bon. Principale, Mme la...

Des voix : ...

Le Président : Les deux...

Des voix : ...

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Fournier : 35.6° : Le député qui a la parole ne peut refuser d'accepter la parole d'un autre député. Notre collègue a répondu. Il est revenu trois fois parce qu'il n'aimait pas la réponse, mais cette réponse-là exige simplement qu'il retire ses bulles dans la Beauce, M. le Président.

Le Président : Mme la députée de Joliette, en principale.

Protection patrimoniale du studio d'Ernest Cormier

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : ...M. le Président, la ministre de la Culture nous refait le coup de la petite annonce en mettant une fois de plus en vente un édifice patrimonial en douce comme s'il s'agissait d'une banale transaction immobilière. Après l'épisode de la bibliothèque Saint-Sulpice, c'est le tour de la petite annonce de vente du «lot 2 340 042, du cadastre du Québec, [...]un bâtiment de type résidentiel unifamilial à paliers multiples», lot qui s'avère, en fait, être l'atelier d'Ernest Cormier, probablement l'architecte le plus illustre du Québec, un bâtiment d'exception selon le directeur de l'École d'architecture de Montréal. Encore une fois, pas de débat public, pas de discussion avec la ville, aucune explication ne venant de la ministre, simplement qu'elle n'en avait pas besoin.

Faudra-t-il désormais surveiller les petites annonces tous les jours, comme semble le faire le chroniqueur François Cardinal, pour s'assurer que la ministre ne liquide pas notre patrimoine? Devant le tollé de la mise en vente de la bibliothèque Saint-Sulpice, la ministre a finalement reculé. Est-ce qu'elle peut faire la même chose pour le...

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Je sais que ma collègue de Joliette aime beaucoup le mot «reculer», mais ça s'adonne qu'on avance beaucoup dans tous ces dossiers-là, et non seulement on avance... Parce que c'est plutôt le mode habituel de la civilisation que d'avancer, on n'aime pas reculer en général. Et, dans le cas de la bibliothèque Saint-Sulpice, je crois que tout le monde est au travail, et tout le monde est extrêmement satisfait. Et je rappellerai, évidemment, à ma collègue l'immense collaboration que nous avons avec la ville de Montréal. Et je pense qu'elle doit être très, très, très fière du comité que nous avons nommé avec M. Corbo et Mme Courchesne, ils sont au travail, ils font un travail remarquable, et ça, j'appelle ça avancer de façon exemplaire.

Pour ce qui est du studio Ernest-Cormier, là, vraiment, je ne sais pas si ma collègue a eu l'occasion d'aller en faire le tour. Évidemment, moi, j'en avais fait le tour, c'est très intéressant. On ne parle pas du tout, du tout de la même chose, soyons très, très clairs, et de parler de processus de mise en vente... Écoutez, il y a un nombre incroyable de maisons, de sites classés patrimoniaux qui appartiennent à des intérêts privés, là n'est pas la question. Est-ce qu'elle va me demander, un jour, si j'interviens dans toutes les ventes...

Le Président : En terminant.

Mme David (Outremont) : ...chaque appartement d'Habitat 67 qui est classé et privé?

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Le village des Tanneries, la bibliothèque Saint-Sulpice, maintenant le studio Cormier, le gouvernement fait vraiment bien peu de cas de notre patrimoine au Québec. Je cite le professeur émérite Jean-Claude Marsan si, moi, ça ne compte pas : «J'ai représenté le Québec pendant 16 ans à la Commission des lieux et monuments historiques et je n'ai jamais vu un gouvernement agir de la sorte.»

Comment la ministre de la Culture, la première gardienne de notre patrimoine, peut-elle justifier une telle manière de procéder et un tel mépris pour notre patrimoine? Peut-elle poser le seul geste qui s'impose et, oui, renoncer à la vente du studio Cormier?

Le Président : Mme la ministre de la Culture.

Mme Hélène David

Mme David (Outremont) : Il va falloir que je donne un cours à ma collègue sur la différence entre classer un site, mettre un site patrimonial et vendre un site. On peut tout à fait... Il y en a des centaines à travers le Québec. Depuis 50 ans, nous sommes les champions de la protection du patrimoine. Il y a des sites patrimoniaux, il y a des immeubles patrimoniaux, ça n'empêche pas qu'il puisse y avoir des propriétaires privés.

Ceci dit, la loi passée en 2012, la Loi sur le patrimoine culturel, donne une protection formidable. Et ça s'adonne que le site Ernest-Cormier, la maison Ernest-Cormier est dans une aire protégée, ils ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent. Puis ça s'adonne aussi qu'avant que M. Cardinal même mette le doigt là-dessus il y avait une demande...

Le Président : En terminant.

Mme David (Outremont) : ...que j'avais formulée de, justement, pouvoir rehausser le niveau de cet édifice-là.

Le Président : Principale, Mme la députée de Gouin.

Négociation des conditions salariales dans la fonction publique

Mme Françoise David

Mme David (Gouin) : M. le Président, cette semaine, des milliers de travailleuses et travailleurs du secteur public ont été en grève. Malgré la volonté du président du Conseil du trésor de les dépeindre comme des gras-dur, leur réalité est tout autre. Depuis 25 ans, les employés du secteur public se sont appauvris, la hausse du coût de la vie a augmenté bien plus vite que leurs revenus. L'écart entre leurs salaires et ceux des travailleurs du privé a plus que doublé au cours des six dernières années en défaveur, évidemment, du public. 75 % des employés du secteur public sont des femmes, 50 % d'entre elles occupent un emploi atypique, à statut précaire ou à temps partiel et gagnent en moyenne 28 000 $ par année.

Comment le président du Conseil du trésor peut-il justifier ses propositions salariales, qui ne couvrent pas la hausse du coût de la vie et le rattrapage que les travailleuses et travailleurs méritent et appauvrissent celles et ceux qui, chaque jour, éduquent nos enfants et soignent nos parents?

Le Président : M. le premier ministre.

M. Philippe Couillard

M. Couillard : M. le Président, je vais être heureux de répondre à ma collègue. D'abord, si elle compare ce qui se fait au Québec en matière de contrôle des finances publiques avec la situation de nos voisins, elle constatera que notre situation au Québec n'a rien d'inhabituel, notamment avec nos voisins de l'Ontario, autant pour la croissance des dépenses de programmes que pour les offres et, on l'espère, le règlement qui sera bientôt conclu à la table de négociation, parce que c'est là que ça va se conclure.

Je pense qu'il y a déjà des éléments, cependant, qu'il faut remettre sur la table et rappeler à la population. D'abord, c'est qu'avec 27 % de tous les emplois au Québec dans le domaine gouvernemental à tous les niveaux confondus personne ne peut dire qu'au Québec l'État est atrophié, au contraire, d'autres ont l'opinion inverse.

Deuxièmement, c'est qu'il est clair que c'est à la table que ça va se régler. Il ne faut pas oublier qu'il y a 1 $ qui est mis dans la convention collective. On souhaiterait que ce soit le cas, mais ce n'est pas nécessairement le cas. Il n'est pas certain que 1 $ investi dans la convention collective va apporter une amélioration de la qualité et de l'accessibilité aux services publics. Il faut garder des réserves financières pour les deux, oui, avoir une entente juste et équitable avec les employés du secteur public, compte tenu de la situation financière du Québec, mais également garder des réserves pour développer les services, notamment en éducation.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Gouin.

Mme Françoise David

Mme David (Gouin) : M. le Président, 86 % des Québécois sont satisfaits du travail des infirmières et 81 % croient que leur charge de travail est trop lourde. À l'école, 82 % des Québécois s'objectent à l'abolition des postes d'enseignantes et de professionnels qui travaillent auprès des élèves en difficulté, 84 % des Québécois rejettent l'augmentation du nombre d'élèves par classe en plus d'être contre le gel salarial.

Comment le président du Conseil du trésor peut-il demander aux infirmières et enseignantes de faire plus en s'appauvrissant?

Le Président : M. le président du Conseil du trésor.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : Bien, M. le Président, je suis très heureux que les Québécois soient satisfaits du travail des employés du secteur public, c'est notre cas également. Et moi, évidemment, j'ai l'occasion, comme d'autres de mes collègues, de travailler notamment avec les gens de la fonction publique à tous les jours puis je suis là pour témoigner de leur dévouement puis de la grande qualité de leur travail.

Ceci dit, les finances publiques du Québec vivent une période très difficile, et ce qu'on doit avancer dans le cadre de cette négociation, c'est de faire avancer toute notre société au complet à la hauteur de nos moyens, qu'on souhaiterait plus élevés. C'est d'ailleurs parce qu'on veut nos moyens plus élevés qu'on investit parfois dans des secteurs aussi névralgiques que celui de l'aéronautique, par exemple, aujourd'hui.

• (10 h 40) •

Le Président : En terminant.

M. Coiteux : Alors, M. le Président, on fait des propositions sur la table qui permettent à tous de progresser dans notre société.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Gouin.

Mme Françoise David

Mme David (Gouin) : Le président du Conseil du trésor, au fond, nous dit que les demandes des travailleuses et travailleurs des services publics coûtent trop cher à l'État, mais, en même temps, ce gouvernement refuse d'imposer plus de redevances aux minières et de taxer le capital des banques, qui ne manquent pas de profits. Il versera, au cours des cinq prochaines années, plus de 13 milliards au Fonds des générations.

Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de mettre en place des mesures fiscales permettant de soutenir les services publics et les gens qui y travaillent?

Le Président : M. le président du Conseil du trésor.

M. Martin Coiteux

M. Coiteux : ...notre approche, M. le Président, c'est de penser non pas une année à l'avance ou deux années à l'avance, mais de penser 20 années à l'avance, 30 années à l'avance.

Un des problèmes du Québec actuellement, c'est qu'il y a 10,5 milliards de dollars qui vont en intérêts sur la dette publique qu'on a accumulée dans le passé. Ces 10,5 milliards de dollars, bien entendu, ne sont pas disponibles pour l'éducation. Dans les faits, c'est plus d'argent que ce qu'on met dans les écoles primaires et secondaires à chaque année, M. le Président.

Alors, le Fonds des générations, c'est un outil par lequel on se désendette peu à peu, de manière responsable, pour que nos jeunes, là, pas ceux à naître dans les prochaines années, là, mais nos jeunes, on en a, des enfants, là, ici, les collègues autour de la table, ici...

Le Président : En terminant.

M. Coiteux : C'est pour qu'ils puissent accéder à des services publics de qualité à un coût qu'ils soient capables de payer.

Le Président : Principale, Mme la députée de Mirabel.

Construction d'un pôle logistique de
transport
intermodal en Montérégie

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Merci, M. le Président. Le gouvernement du Québec envisage d'implanter un pôle logistique de transport dans la région de Vaudreuil-Soulanges, en plein coeur d'une zone agricole. J'ai personnellement rencontré tous les producteurs agricoles du coin, et ils craignent d'être expropriés. Près de 25 fermes pourraient être amputées d'une partie ou de la totalité de leurs terres. On parle ici de 500 hectares parmi les meilleures terres agricoles du Québec.

Le ministre responsable de la Stratégie maritime a déclaré qu'il était prématuré de songer à dézoner et à exproprier des terres agricoles. Il n'a donc pas fermé la porte. D'ailleurs, le gouvernement libéral a voté hier contre ma motion qui réitérait l'importance de privilégier d'abord le site de Contrecoeur pour l'implantation d'un futur pôle logistique de transport.

M. le Président, est-ce que le ministre peut rassurer les producteurs agricoles en fermant définitivement la porte à une expropriation?

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Fournier : Écoutez, mon collègue répond... Seulement une précision, nous n'avons pas voté contre.

Le Président : M. le ministre responsable de...

Une voix : ...

Le Président : ...délégué aux Transports.

M. Jean D'Amour

M. D'Amour : Alors, merci, M. le Président. Effectivement, au Québec, il y aura installation, implantation de pôles logistiques. On a eu l'occasion d'en parler du côté de Contrecoeur, du côté de Vaudreuil-Soulanges parce que c'est bon pour l'emploi. Et sincèrement, M. le Président, j'ai eu l'occasion, il y a deux ou trois semaines, de rencontrer les représentants de l'UPA de la région de Vaudreuil-Soulanges, où on a échangé. D'abord, je tiens à dire à la députée qu'il y a plus de 300 hectares disponibles, dézonés pour l'implantation d'entreprises en territoire de Vaudreuil-Soulanges. C'est une bonne nouvelle.

Moi, je travaille en collaboration avec l'ensemble de mes collègues, et ça va créer des emplois à court terme et à moyen terme dans la région. Ça fait partie de nos orientations gouvernementales que de développer l'économie, et on est d'avis aussi que l'agriculture fait partie de l'économie. C'est la raison pour laquelle nous avons multiplié nos rencontres au cours des dernières semaines pour faire en sorte que l'implantation des pôles logistiques se fasse sous l'angle de la création d'emplois, mais du respect des communautés aussi, M. le Président.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Mirabel.

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Les firmes agricoles créent de l'emploi, eux autres aussi, M. le Président. L'expropriation possible de 25 producteurs agricoles à Vaudreuil est lourde de conséquences. Pourtant, le gouvernement pourrait implanter le pôle logistique à Contrecoeur, là où il n'y a pas de terres agricoles menacées et là où le port est accessible 365 jours par année.

Est-ce que c'est parce que le pôle logistique se retrouvait dans un comté libéral que le ministre est prêt à exproprier de nombreux producteurs agricoles?

Le Président : M. le ministre délégué aux transports.

M. Jean D'Amour

M. D'Amour : ...M. le Président, on nous prête des intentions, mais ce que nous voulons comme gouvernement, c'est de créer des emplois partout dans les régions du Québec. Et, sur la question des pôles logistiques, il y a pour nous une opportunité d'affaires importante. Tout comme l'agriculture, je le répète, je l'ai dit tout à l'heure, c'est important parce que ça fait partie de notre économie au Québec.

Alors, évidemment, il y a d'autres pourparlers qui s'en viennent, qui vont nous permettre de développer... C'est ça, la stratégie maritime, M. le Président, et c'est important pour nous.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Mirabel.

Mme Sylvie D'Amours

Mme D'Amours : Un propriétaire producteur agricole qui risque l'expropriation a envoyé hier un courriel au ministre de la Stratégie maritime et à celui de l'Agriculture pour les aviser que ses terres agricoles de qualité sont menacées. Il n'a pas le même discours que le ministre aujourd'hui. Je la dépose ici.

Il dit que le rendement de ses terres agricoles est l'équivalent, au hockey, d'un joueur de Canadien qui compte 50 buts dans la même année. Essayez de faire la différence.

Est-ce que le ministre de l'Agriculture est d'accord avec l'expropriation des terres à Vaudreuil?

Le Président : Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt?

Une voix : Oui.

Document déposé

Le Président : Consentement pour le dépôt. M. le ministre de l'Agriculture,

M. Pierre Paradis

M. Paradis (Brome-Missisquoi) : ...remercier Mme la députée pour son intervention. Comme l'a indiqué mon collègue, on le travaille en équipe, ce dossier-là. La croissance économique, c'est important, puis, comme il l'a indiqué, l'agroalimentaire, c'est de la croissance économique. Le principal secteur créateur d'emplois au Québec — puis je le dis ce matin, là, dans le cadre... — avant l'aéronautique, avant le pharmaceutique, avant les jeux vidéo, c'est le secteur agroalimentaire. Donc, vous pouvez compter sur le gouvernement du Québec pour se porter à la défense de son secteur agroalimentaire.

Le Président : Principale, Mme la députée de Taillon.

Patients dirigés vers une clinique privée par
L'Hôpital de Montréal pour enfants

Mme Diane Lamarre

Mme Lamarre : M. le Président, on apprend ce matin que L'Hôpital de Montréal pour enfants envoie les parents et leurs enfants vers une clinique privée toute proche qui est détenue par Brunswick Medical Group. Les parents arrivent à cette clinique référés par l'hôpital, et on leur demande leur carte d'assurance maladie. Donc, il y a une facturation qui est faite à l'assurance maladie par les médecins, et on leur demande en plus des frais supplémentaires, entre 25 $ et 200 $, pour un test d'allergie ou une prise de sang. Pourtant, tous ces services sont absolument gratuits lorsqu'ils sont donnés à l'hôpital, et on dirige volontairement ces parents et leurs enfants malades vers une clinique toute proche.

Est-ce que le ministre va mettre fin à cette pratique et s'assurer que ce qui est gratuit à l'hôpital reste gratuit à l'extérieur de l'hôpital?

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : Alors, M. le Président, je suis content que la députée de Taillon se lève en Chambre pour me poser cette question d'actualité pour ramener les pendules à l'heure. Alors, je vais rappeler la situation qui fait que nous sommes là aujourd'hui. Il y a une dizaine d'années, M. le Président, il a été convenu de construire un nouvel hôpital universitaire, le Centre hospitalier de santé de l'Université McGill, et, dans cette planification-là, il avait été convenu, M. le Président, que le centre hospitalier en serait un de centre tertiaire et quaternaire et que la première et la deuxième lignes ne s'y feraient que peu, seulement en quantité suffisante pour y prodiguer de l'enseignement. Il avait donc été convenu à la naissance, M. le Président, de ce projet que des activités devaient se faire dans la communauté, et c'est exactement ce qui est arrivé, évidemment, aujourd'hui.

Malheureusement, M. le Président, tant chez l'adulte que chez l'enfant, les gens ne se sont pas préparés en conséquence — et je parle du corps médical ici — il a dû y avoir des décisions qui ont été prises et est née une clinique à côté de l'hôpital. Il est donc faux de dire que l'hôpital envoie des patients à l'extérieur, se font à l'extérieur des choses qui n'auraient pas dû se faire à l'hôpital...

Le Président : En terminant.

M. Barrette : ...et on a une nouvelle situation qui est maintenant normale, tout simplement.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Taillon.

Mme Diane Lamarre

Mme Lamarre : Alors, le ministre reconnaît qu'il est normal que les gens aient à payer quand leur enfant est malade et qu'ils vont vers une clinique où ils sont dirigés par l'hôpital. C'est ce qu'il vient de reconnaître. Alors, on dit même ici que c'est sur directive du ministère dans l'article, The Gazette. Alors, le ministre, clairement, favorise la privatisation du réseau de la santé, il impose des frais complètement imprévisibles pour les parents et les enfants malades qui sont pris en otage.

Est-ce qu'il va mettre fin à cette pratique, abolir les frais accessoires et punir ces...

Le Président : M. le ministre de la Santé.

M. Gaétan Barrette

M. Barrette : M. le Président, j'ai bien expliqué que la situation actuelle était connue et prévue depuis longtemps. Maintenant, M. le Président, au moment où on se parle, la députée de Taillon aurait pu peut-être s'informer aux autorités compétentes pour apprendre que le gouvernement n'a donné aucune directive à cet effet. Les patients ne sont pas dirigés de l'hôpital à cet endroit, les patients peuvent aller là.

Maintenant, M. le Président, d'insinuer que tous les patients qui vont là vont devoir payer des frais, c'est faux. Évidemment, on a mis en place récemment, hein... on a terminé l'étude sur une loi qui va faire en sorte que les abus et les tarifs qui sont illégaux et qui sont, en général, exceptionnels...

Le Président : En terminant.

M. Barrette : ...soient éliminés, tout simplement. M. le Président. C'est une situation qui est donc normale.

Le Président : Deuxième complémentaire... Principale?

Une voix : ...

Le Président : Principale, M. le député de Gaspé.

Impact d'une hausse de la taxe spécifique sur les
boissons alcooliques sur les microbrasseries

M. Gaétan Lelièvre

M. Lelièvre : M. le Président, le rapport Godbout propose de hausser la taxe spécifique pour les microbrasseries québécoises. Rappelons-nous que c'est sous l'impulsion d'un gouvernement du Parti québécois, en 1996, que le secteur des microbrasseries a pris son essor au Québec. Aujourd'hui, en 2015, nous retrouvons 130 entreprises réparties dans 16 régions du Québec et 3 800 emplois directs répartis partout, en Abitibi, au Lac-Saint-Jean, Cantons-de-l'Est, dans les Laurentides, etc. Nous devons être fiers de cette nouvelle génération d'entreprises qui remportent des prix dans des compétitions même internationales, Pit Caribou, Anse-à-Beaufils. Percé a remporté récemment le prix de la meilleure bière brune au monde. M. le Président, ce sont des entrepreneurs dont nos régions ont besoin, des personnes dynamiques qui participent activement au développement des régions.

Est-ce que le ministre des Finances peut, aujourd'hui, confirmer qu'il renonce à implanter cette nouvelle taxe contre les microbrasseries québécoises?

• (10 h 50) •

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Carlos J Leitão

M. Leitão : M. le Président, on a passé un grand nombre de mois, même une commission parlementaire, à regarder le rapport Godbout. Il y a plusieurs recommandations dans le rapport Godbout sur la réforme de la fiscalité québécoise. À ce que je sache, on n'a rien mis en oeuvre de ce... jusqu'à aujourd'hui. Je m'étais aussi engagé publiquement, il y a à peine quelques jours, à dire que, quelle que soit la réforme, on va d'abord attendre et voir quelle va être la décision du nouveau gouvernement fédéral en termes de... eux aussi qui font une réforme fiscale. Donc, on est très loin d'arriver à ces scénarios-là. Ça ne fait pas du tout partie de nos intentions de changer la taxe sur la bière, du tout, M. le Président.

Le Président : ...

Une voix : ...

Le Président : Complémentaire, Mme la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Pour que les gens comprennent, je vais vous citer le propriétaire de la Microbrasserie Saint-Pancrace à Baie-Comeau : «C'est certain que ça vient mettre fin à toute capacité de croissance de l'entreprise.» Donc, le développement, c'est quelque chose qu'ils vont être obligés de mettre de côté. Après ça, la rentabilité, même en fonction des installations actuelles, est sérieusement menacée. C'est ça qu'ils ont compris, les propriétaires de microbrasserie.

Est-ce que vous tenez véritablement, véritablement à faire fermer des petites installations comme la Microbrasserie Saint-Pancrace de Baie-Comeau?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Carlos J Leitão

M. Leitão : Je trouve ça vraiment désolant. Encore une fois, l'opposition officielle nous porte des intentions, saute aux conclusions absolument pas fondées du tout. Je viens de dire, M. le Président, je viens de dire qu'on n'a aucune intention d'augmenter la taxe spécifique sur la bière. Alors, la députée saute aux conclusions sans aucune justification. De plus, de plus, la brasserie qu'elle a citée a bénéficié de l'aide gouvernementale, M. le Président, et nous comptons continuer à le faire.

Le Président : Complémentaire, Mme la députée de Taschereau.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Ce que je cite, c'est un propriétaire de microbrasserie. Ce n'est pas nous qui le disons, là, ce sont les propriétaires de microbrasserie partout sur le territoire des régions. Puis je pense à la Microbrasserie Saint-Pancrace de Baie-Comeau parce que je la connais, je connais les jeunes entrepreneurs comme ceux-là. Prenez un engagement ferme, M. le ministre.

Est-ce que vous prenez un engagement ferme, ferme de ne pas augmenter la taxe, de ne pas augmenter la taxe sur les microbrasseries comme celle qu'on a à Baie-Comeau?

Le Président : M. le ministre des Finances.

M. Carlos J Leitão

M. Leitão : M. le Président, je ne comprends pas que... Encore une fois, là, je l'ai dit clairement deux fois, donc troisième fois : Nous n'avons aucune intention, nous n'avons aucune intention d'augmenter la taxe spécifique sur la bière. Est-ce qu'on peut être plus clair que ça, M. le Président? Peut-être je ne connais pas très bien la langue française, mais je ne suis pas capable d'être plus clair que ça.

Le Président : En tout cas, cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, puisqu'il n'y a pas de votes reportés, nous allons passer à la rubrique des motions sans préavis. Et, en fonction de nos règles et de l'ordre de présentation, je reconnais maintenant un membre du deuxième groupe d'opposition et je cède la parole à M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. Je demande le consentement pour déposer la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse que le versement d'allocations de transition aux députés qui choisissent de quitter leurs fonctions en cours de mandat contribue grandement au cynisme de la population envers la classe politique;

«Qu'elle reconnaisse que cet enjeu peut être réglé indépendamment des autres enjeux touchant les conditions de travail des députés et presse le gouvernement d'abolir dès maintenant les allocations de transition; enfin

«Que tous les députés actuels de la 41e législature s'engagent à renoncer à leur allocation de transition s'ils quittent durant le présent mandat sans que leur démission ne soit attribuable à des raisons de santé ou familiales.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci, M. le député. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Pas de consentement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, il n'y a pas de consentement. Pour la prochaine motion sans préavis, je reconnais un membre du groupe formant le gouvernement, M. le ministre responsable de l'Accès à l'Information et de la Réforme des Institutions démocratiques.

Presser le gouvernement d'abolir les allocations de
transition des députés démissionnant en cours
de mandat
pour des raisons autres que de
santé ou familiales sérieuses

M. Fournier : Merci, Mme la Présidente, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Gouin ainsi que la députée d'Arthabaska :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse que le versement d'allocations de transition aux députés qui choisissent de quitter leurs fonctions en cours de mandat contribue grandement au cynisme de la population envers la classe politique;

«Qu'elle reconnaisse que la solution à cet enjeu pourrait entrer en vigueur plus rapidement que l'ensemble des autres conditions de travail des députés et presse le gouvernement d'abolir dès maintenant les allocations de transition;

«Que tous les députés actuels de la 41e législature s'engagent à renoncer à leur allocation de transition s'ils quittent durant le présent mandat sans que leur démission ne soit attribuable à des raisons de santé ou familiales sérieuses justifiées auprès du Commissaire à l'éthique et à la déontologie.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, très bien. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Oui, Mme la Présidente, il y a consentement pour le débat. Durée maximale de trois minutes par intervenant dans l'ordre suivant : notre ministre responsable de l'Accès à l'Information et de la Réforme des Institutions démocratiques, l'auteur de la motion, suivi du leader de l'opposition officielle, le député de Deux-Montagnes et, finalement, la députée de Gouin.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier : Merci, Mme la Présidente. D'abord, je remercie l'Assemblée de permettre que nous puissions débattre de cette motion, qui était l'amendement, la motion que j'ai présentée hier dans le débat sur la même motion de la deuxième opposition. Et, à ce moment-là, le proposant n'a pas accepté que nous ayons le débat sur cette motion, j'apprécie, aujourd'hui, que nous ayons ce consentement et que nous puissions en discuter.

Ça me permet d'expliquer que ce qui ne fonctionne pas dans la motion d'hier présentée par la deuxième opposition... et qui explique pourquoi nous avons voté contre était le fait qu'elle disait — et je le rappelle, d'ailleurs elle vient d'être citée tantôt — que l'enjeu est indépendant des autres enjeux du rapport L'Heureux-Dubé. Et, pour nous, il y a un lien avec l'ensemble de L'Heureux-Dubé. Pourquoi? D'abord, parce que, dans le rapport indépendant L'Heureux-Dubé mis sur pied avec le consentement de tous pour que ce soit un comité indépendant, le rapport indépendant appelle à l'adopter comme un tout. Donc, en respect au mandat qu'on a donné, c'est, pour nous, normal qu'on l'envisage comme un tout.

On se souvient que le Commissaire à l'éthique est intervenu dans son rapport, son dernier rapport, où il dit aux députés de cesser d'être en conflit d'intérêts et plutôt de s'en reporter à des comités indépendants comme celui de L'Heureux-Dubé. Nous voulons respecter la recommandation du Commissaire à l'éthique.

Nous voyons bien que, dans l'ensemble du rapport L'Heureux-Dubé, il y a des économies de 270 000 $ pour les allocations de transition en cas de démission durant mandat, mais il y en a aussi de 550 000 $ pour les allocations de transition en cas de défaite ou de retraite. Il y a 2 240 000 $ d'économies sur le régime de retraite, il y a 230 000 $ d'économies sur le régime d'assurance collective, et on pourrait continuer. L'ensemble de l'oeuvre fait en sorte que, lorsqu'on prend tout L'Heureux-Dubé, il y en a pour 400 000 $ annuellement, 4 millions sur 10 ans, d'économies pour les Québécois, et nous croyons qu'on devrait considérer tous ces éléments.

Cela étant dit, on l'a dit depuis longtemps, parce qu'on voyait bien le fait que les députés, tous les députés souhaitaient que, pour ce qui est des départs à la retraite durant mandat, la prime de transition soit éteinte... On le voyait, et donc j'ai proposé plusieurs fois qu'on puisse faire entrer en vigueur plus tôt cette disposition-là et que tout le reste, tel que le propose L'Heureux-Dubé, se fasse à la prochaine législature. C'est le sens de la motion que nous avons déposée hier.

On n'a pas pu en discuter, mais, ce matin, j'apprécie que nous puissions discuter de cela. Et l'intention que nous avons, c'est de faire en sorte que l'Assemblée soit saisie en même temps, le même jour, de deux projets de loi qui vont reprendre l'ensemble de L'Heureux-Dubé, qui vont nous permettre ensemble de mettre fin aux allocations de transition durant mandat avant Noël peut-être, Mme la Présidente, et aussi d'étudier l'ensemble des autres recommandations pour que, le plus rapidement possible — je comprends qu'il y a plus d'éléments — le plus rapidement possible, on puisse mettre toute cette question-là derrière nous, qu'on ait respecté un comité indépendant, qu'on ait respecté le Commissaire à l'éthique et qu'on puisse fonctionner normalement, dans le respect les uns des autres. Merci, Mme la Présidente.

• (11 heures) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, M. le ministre. Et maintenant, M. le leader de l'opposition officielle, la parole est à vous.

M. Bernard Drainville

M. Drainville : Merci, Mme la Présidente. Alors, oui, nous allons voter en faveur de cette motion, puisque cette motion reprend l'essentiel d'une proposition que nous avons faite non pas à une reprise, mais à deux reprises, Mme la Présidente.

Nous avons déposé le projet de loi n° 33 lorsque nous étions au gouvernement. Malheureusement, les élus du Parti libéral l'avaient, à ce moment-là, bloqué, ce qui en avait empêché l'adoption. On a de la suite dans les idées. Mon collègue de Verchères a redéposé le même projet de loi, qui est maintenant le projet de loi n° 398, qui reprend, effectivement, les mêmes orientations qui nous engagent comme élus à mettre fin à ces allocations de transition, à moins que le ou la député ne quitte pour des raisons de santé ou des raisons familiales. Et l'explication, la justification doit être portée à l'attention du Commissaire à l'éthique, qui doit porter un jugement sur les raisons évoquées pour le ou la députée qui demanderait à ce moment-là qu'on lui verse l'allocation, mais, à moins d'avoir de très bonnes raisons, il n'y en aurait plus, d'allocation. Et c'est ce que dit 398 et c'est ce que disait 33.

Alors, la motion du projet... du Parti libéral, dis-je, reprend l'essentiel de l'engagement et le projet de loi que nous avons déposé, donc on va, bien sûr, appuyer cette motion-là, Mme la Présidente. Et, comme je l'ai dit hier, lors de la prise de parole sur la motion de la deuxième opposition, nous, on pense depuis le départ que c'est un geste que nous devons poser comme députés, comme élus pour redonner confiance aux citoyens, Mme la Présidente. Les citoyens, tous partis confondus, nous demandent de poser des gestes qui vont leur redonner foi dans la fonction de député. Les gens sont très critiques des politiciens de façon générale, ils sont soupçonneux, ils sont sceptiques, ils sont méfiants, ils sont cyniques et, je l'ai dit hier et je le répète aujourd'hui, Mme la Présidente, ils sont très, très cyniques et très, très critiques quand ils voient l'un des nôtres, peu importe le parti, quitter avec sa prime sans raison valable. Alors, si on peut, par un geste comme celui-là, Mme la Présidente, contribuer à redorer la fonction de député, contribuer à réduire le cynisme, contribuer à redonner confiance dans la fonction du député ou de la députée, il faut poser ce geste-là. Et ça fait longtemps qu'on veut le poser, Mme la Présidente. Et, si on peut enfin s'entendre, comme élus, à travers cette Chambre, toutes formations politiques confondues, je pense qu'on aura, Mme la Présidente, posé le bon geste, le geste noble qui va nous permettre d'avancer et de dire à nos concitoyens : Vous voyez, tous ensemble, on est capables de répondre à ce que vous souhaitez de nous, à ce que vous voulez de nous.

populaire, à cette volonté citoyenne et entendre enfin ce que réclament les Québécois et les Québécoises, ce qu'ils souhaitent de nous comme députés. Voilà, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le leader de l'opposition officielle. Maintenant, M. le député de Deux-Montagnes, c'est à vous la parole.

M. Benoit Charette

M. Charette : Merci, Mme la Présidente. C'est invariablement ou immanquablement un sujet extrêmement sensible parce qu'on est tous touchés par la question. Ça nous oblige à deux choses : ça nous oblige à beaucoup d'objectivité, ça nous oblige à de la rigueur. Et ça nous oblige à de la constance, mais ça nous oblige également à traiter le sujet en respect des opinions des autres.

Je ne veux pas insister beaucoup sur le sujet, mais hier le leader du gouvernement, dans son argumentaire, a employé des termes extrêmement insultants, antiparlementaires. Il s'est excusé par la suite, et j'en prends bonne note, mais cette attitude, pour nous, signifie une chose, c'est qu'il y a un malaise de la part du Parti libéral au pouvoir sur cette question. Et ce malaise s'explique par une chose, c'est qu'il est absolument impossible de tracer une ligne de conduite ou, à tout le moins, une opinion claire sur ses intentions. Pendant l'essentiel de sa plaidoirie, hier, le ministre, le leader du gouvernement, a plaidé contre l'idée de scinder différents aspects du rapport L'Heureux-Dubé, plaidant qu'il doit au contraire être adopté comme un tout. Or, ce matin, dans Le Journal de Québec — etde Montréal — on lit exactement le contraire : il aurait donné une entrevue exclusive à la journaliste Geneviève Lajoie où il aurait affirmé qu'il y aura deux projets de loi bien distincts de présentés au cours des prochaines semaines. Si c'est le cas, c'est un revirement majeur en 24 heures, et on ne le lui reprochera pas, parce qu'effectivement il y a possibilité de s'entendre rapidement sur la question des primes de départ aux députés démissionnaires. Cependant, cependant, ce flip-flop — on peut l'appeler ainsi — nous interpelle énormément et nous amène à se poser une autre question, c'est sur la valeur des votes que l'on tient en cette Assemblée nationale.

Moi, je vais lui rappeler une motion qui a été adoptée à l'unanimité, donc, par tous les collègues du Parti libéral le 12 novembre dernier où il est clairement mentionné et dit que les membres de l'Assemblée nationale acceptent de contribuer à hauteur de 50 % à leur régime de retraite. Or, si, aujourd'hui, il veut adopter dans l'intégralité le rapport L'Heureux-Dubé, il est en contradiction avec son propre engagement qu'il a pris lors de ce vote-là.

Donc, aujourd'hui, on est devant un flou qui est plus qu'artistique, Mme la Présidente, qui nous empêche de connaître les véritables intentions du gouvernement. Il n'y a aucun projet de loi qui est déposé à ce jour, et chaque jour nous arrive une version différente. Donc, pour cette raison, on ne peut pas appuyer la motion qui est présentée par le Parti libéral. Et, pour tous les citoyens, pour tous les citoyens qui nous regardent, on va tout de même...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Je peux vous demander le silence? Il y a une personne qui a la parole, et c'est M. le député de Deux-Montagnes, et j'aimerais bien pouvoir l'entendre.

Des voix : ...

M. Charette : Tout à fait. Et, pour tous les citoyens qui nous regardent et qui, à juste titre, nous demandent...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Un instant! Je vous ai demandé le silence. S'il vous plaît! M. le député, vous pouvez poursuivre.

M. Charette : Donc, j'allais dire, Mme la Présidente : Pour tous les citoyens qui nous regardent et qui s'attendent de nous à un minimum de rigueur et de constance, on va tout de même souhaiter qu'un projet de loi soit déposé rapidement, même si ça constitue un revirement majeur de la part du gouvernement, un projet de loi qui soit déposé rapidement et qui interdise le versement des primes de départ aux députés qui quitteraient sans des raisons familiales ou de santé, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, M. le député de Deux-Montagnes. Maintenant, Mme la députée de Gouin, à vous d'intervenir.

Mme Françoise David

Mme David (Gouin) : Merci, Mme la Présidente. J'écoute avec un certain plaisir l'ensemble des discussions. Il me semble que, ce matin, ce qu'on doit surtout retenir, nonobstant bien sûr les divergences et les différences, c'est qu'on a, je pense, collectivement enfin trouvé ce qui pourrait s'appeler un début de solution à un débat qui durait depuis trop longtemps, c'est-à-dire comment faire pour mettre fin à la pratique actuelle du versement, à peu près sans condition, des primes de transition mais, en même temps, s'attaquer à l'ensemble de la question de la rémunération des députés. Donc, moi, je pense qu'il faut tout le temps se réjouir quand on commence à trouver des pistes de solution qui nous permettent d'agir en même temps sur deux fronts.

Je rappelle aussi à mes collègues que la prime de transition, quoi qu'il soit écrit dans la motion, contient un autre élément qui n'est pas seulement l'élément prime, c'est l'élément transition, et qu'on va avoir du plaisir, à partir du rapport L'Heureux-Dubé, à en débattre, puisque ce rapport ne propose pas seulement les balises indiquées dans la motion pour le versement ou non de la prime de transition, il propose aussi de la limiter à la période de transition pendant laquelle le ou la députée se cherche un nouvel emploi. Donc, vous voyez qu'il y a des débats qui débordent largement la seule et unique question de : Allons-nous, oui ou non, verser des primes de transition au moment du départ d'un député en cours de mandat?

Nous allons nous intéresser beaucoup, dans ma formation politique, à l'ensemble de la discussion, à l'ensemble de l'architecture du rapport L'Heureux-Dubé parce que c'est une architecture rigoureuse et intelligente et c'est une très bonne base de débat. Maintenant, est-ce que nous, nous sommes prêts à dire que nous allons l'adopter sans ambages, sans aucune modification et sans aucun amendement? Tel n'est pas le cas, parce que, dans ma formation politique, nous allons nous objecter à ce qu'il y ait des augmentations de rémunération pour chacun et chacune des députés, ministres et personnes assumant différentes fonctions politiques. Donc, il y aura des débats, ce qui veut dire que ça ne sera peut-être pas adopté avant les fêtes pour ce qui est de l'ensemble du travail. Par contre, oui, sur la question des primes, je pense que l'entente pourrait venir assez vite.

• (11 h 10) •

En terminant, Mme la Présidente, je dirais ceci sur la question du cynisme de la population : Il serait peut-être intéressant qu'on se comporte de façon un petit peu moins masochiste, si j'ose m'exprimer ainsi. Il y a, oui, dans certaines couches de la population, je dirais, encouragées par certains médias une certaine dose de cynisme. Il y a aussi, en ce moment, un peu de découragement. Il y a aussi pas mal de colère, il y a pas mal d'inquiétude. Vous savez, les gens ne passent pas leur journée à discuter seulement de primes de transition. Ces temps-ci, ils discutent de bien d'autres choses. Et, s'il y a quelque chose qu'on peut faire comme politiciennes et politiciens pour que les gens aient confiance en nous, c'est de répondre à leurs besoins quotidiens. Ça, ça aiderait beaucoup à un meilleur moral dans la population. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée de Gouin. Maintenant, est-ce que cette motion est adoptée?

M. Sklavounos : Vote par appel nominal, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous allons procéder avec un vote par appel nominal. Appelons les députés. Je suspends les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 11)

(Reprise à 11 h 13)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous allons maintenant mettre aux voix la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale reconnaisse que le versement d'allocations de transition aux députés qui choisissent de quitter leurs fonctions en cours de mandat contribue grandement au cynisme de la population envers la classe politique;

«Qu'elle reconnaisse que la solution à cet enjeu pourrait entrer en vigueur plus rapidement que l'ensemble des autres conditions de travail des députés et presse le gouvernement d'abolir dès maintenant les allocations de transition;

«Que tous les députés actuels de la 41e législature s'engagent à renoncer à leur allocation de transition s'ils quittent durant le présent mandat sans que leur démission ne soit attribuable à des raisons de santé ou familiales sérieuses justifiées auprès du Commissaire à l'éthique et à la déontologie.»

Et que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Couillard (Roberval), M. Fournier (Saint-Laurent), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Hamad (Louis-Hébert), M. Leitão (Robert-Baldwin), M. Coiteux (Nelligan), M. Moreau (Châteauguay), Mme David (Outremont), M. Poëti (Marguerite-Bourgeoys), M. D'Amour (Rivière-du-Loup—Témiscouata), M. Huot (Vanier-Les Rivières), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vallée (Gatineau), M. Lessard (Lotbinière-Frontenac), M. Barrette (La Pinière), M. Blanchette (Rouyn-Noranda—Témiscamingue), M. Heurtel (Viau), M. Arcand (Mont-Royal), Mme Charbonneau (Mille-Îles), Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vien (Bellechasse), M. Billette (Huntingdon), M. Blais (Charlesbourg), Mme St-Pierre (Acadie), M. Reid (Orford), Mme Vallières (Richmond), M. Morin (Côte-du-Sud), M. Bernier (Montmorency), M. Ouellette (Chomedey), Mme Charlebois (Soulanges), Mme Ménard (Laporte), M. Sklavounos (Laurier-Dorion), M. Girard (Trois-Rivières), Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger), M. Carrière (Chapleau), M. Drolet (Jean-Lesage), M. Chevarie (Îles-de-la-Madeleine), M. Matte (Portneuf), M. Tanguay (LaFontaine), M. Bolduc (Mégantic), Mme de Santis (Bourassa-Sauvé), M. Iracà (Papineau), M. Rousselle (Vimont), M. Proulx (Jean-Talon), M. Giguère (Saint-Maurice), M. Fortin (Sherbrooke), M. Fortin (Pontiac), M. Bourgeois (Abitibi-Est), M. Boucher (Ungava), M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), M. Auger (Champlain), M. Habel (Sainte-Rose), M. Hardy (Saint-François), M. Merlini (La Prairie), Mme Montpetit (Crémazie), Mme Nichols (Vaudreuil), M. Plante (Maskinongé), M. Polo (Laval-des-Rapides), Mme Simard (Charlevoix—Côte-de-Beaupré), M. St-Denis (Argenteuil), Mme Tremblay (Chauveau).

M. Péladeau (Saint-Jérôme), M. Drainville (Marie-Victorin), M. Marceau (Rousseau), M. Therrien (Sanguinet), M. Bérubé (Matane-Matapédia), Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lamarre (Taillon), M. Traversy (Terrebonne), M. Lelièvre (Gaspé), M. Bergeron (Verchères), M. Gaudreault (Jonquière), Mme Maltais (Taschereau), M. LeBel (Rimouski), Mme Hivon (Joliette), M. Cloutier (Lac-Saint-Jean), M. Lisée (Rosemont), M. Rochon (Richelieu), M. Villeneuve (Berthier), Mme Ouellet (Vachon), M. Turcotte (Saint-Jean), M. Kotto (Bourget), Mme Richard (Duplessis), M. Roy (Bonaventure).

Mme David (Gouin), Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), Mme Roy (Arthabaska).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Maintenant, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint : M. Legault (L'Assomption), M. Bonnardel (Granby), M. Caire (La Peltrie), M. Charette (Deux-Montagnes), M. Martel (Nicolet-Bécancour), Mme Roy (Montarville), Mme Samson (Iberville), M. Laframboise (Blainville), M. Schneeberger (Drummond—Bois-Francs), Mme D'Amours (Mirabel), M. Lemay (Masson), Mme Lavallée (Repentigny), M. Surprenant (Groulx), Mme Soucy (Saint-Hyacinthe), M. Spénard (Beauce-Nord), M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière), M. Jolin-Barrette (Borduas).

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Maintenant, y a-t-il des abstentions? Alors, pour le résultat du vote, M. le secrétaire général.

Le Secrétaire : Pour :             87

                     Contre :           17

                     Abstentions :     0

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, cette motion est adoptée.

(Applaudissements)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous allons poursuivre. Toujours à la rubrique des motions sans préavis, je vais maintenant céder la parole à un membre du groupe formant...

Des voix : ...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vais vous demander de quitter le salon bleu. En silence, s'il vous plaît; il y a d'autres motions.

Maintenant, Mme la députée de Duplessis, à vous la parole.

Mme Richard : Mme la Présidente, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec le député de Groulx et la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement qu'il rende publique l'entente signée entre Investissement Québec et son partenaire financier, Yara International, pour le projet Mine Arnaud.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, Mme la députée. Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Pas de consentement, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, malheureusement, il n'y a pas de consentement. Et, pour la prochaine motion, je cède la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, Mme la Présidente. Je demande le consentement de la Chambre pour débattre de la motion suivante conjointement avec le député de Terrebonne et le député de Masson :

«Que l'Assemblée nationale salue la qualité du travail des groupes qui ont participé aux consultations particulières sur la cibles de réduction des émissions [de] gaz à effets de serre à l'horizon 2030;

«Qu'elle prenne acte que le scénario présenté par le ministère du Développement durable prévoit que 40 % des réductions d'émissions de gaz à effet de serre se [réaliseront] hors-Québec par l'achat de crédits carbone, ce qui représenterait un transfert de 325 millions $ par année vers d'autres juridictions et freinerait ainsi la réalisation de mesures au Québec;

«Que l'Assemblée nationale presse le gouvernement de réduire de façon significative la part des réductions des émissions de gaz à effet de serre réalisées hors-Québec.»

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci beaucoup, Mme la députée.

Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Pas de consentement, Mme la Présidente.

• (11 h 20) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, il n'y a pas de consentement.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes maintenant à la rubrique des avis touchant les travaux des commissions, et je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, j'avise cette Assemblée que la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 54, Loi visant l'amélioration de la situation juridique de l'animal, aujourd'hui, immédiatement au terme de la séance prévue pour l'élection d'un nouveau président, jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

La Commission des institutions, quant à elle, poursuivra l'étude détaillée à l'égard du projet de loi n° 51, Loi visant notamment à rendre l'administration de la justice plus efficace et les amendes aux mineurs plus dissuasives, le mardi 3 novembre 2015, de 10 heures à midi, à la salle Louis-Joseph-Papineau. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci. Alors, pour ma part, je vous avise que la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles se réunira aujourd'hui, après les affaires courantes, à la salle du Conseil législatif, afin de procéder à l'élection à la présidence de la commission.

Je vous avise par ailleurs que la Commission des relations avec les citoyens se réunira en séance de travail aujourd'hui, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de la commission concernant le mandat d'initiative portant sur les conditions de vie des femmes autochtones en lien avec les agressions sexuelles et la violence conjugale.

La Commission des institutions se réunira, pour sa part, en séance de travail aujourd'hui, de 12 h 30 à 13 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. Et l'objet de cette séance est de statuer sur la demande de mandat d'initiative du député de Borduas concernant les ressources allouées au Directeur des poursuites criminelles et pénales et le plan du gouvernement dans le cadre de la lutte contre le crime organisé.

Cette même commission se réunira également le lundi 2 novembre 2015, en séance de travail, de 14 heures à 15 heures, à la salle RC. 171 de l'hôtel du Parlement, afin de préparer l'audition du Commissaire à la lutte contre la corruption; et, en séance publique, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, afin de procéder à l'audition du Commissaire à la lutte contre la corruption, de discuter de sa gestion administrative ainsi que d'examiner ses orientations et ses activités.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous en sommes maintenant à la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Et je vous rappelle que, lors de l'interpellation prévue pour demain, vendredi 30 octobre 2015, M. le député de Lac-Saint-Jean s'adressera à M. le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche sur le sujet suivant : La perte de confiance généralisée envers le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Je vous avise de plus que l'interpellation prévue pour le vendredi 6 novembre 2015 portera sur le sujet suivant : Les enjeux et défis du secteur agricole au Québec. Et c'est Mme la députée de Mirabel qui s'adressera alors à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour, et je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Merci, Mme la Présidente. Je vous demanderais de bien vouloir suspendre nos travaux pour une dizaine ou une quinzaine de minutes environ, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, très bien. Alors, je suspends les travaux pour une quinzaine de minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 24)

(Reprise à 11 h 39)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous allons reprendre nos travaux. Et je cède sans plus tarder la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Oui, merci, Mme la Présidente. Je vous demanderais d'appeler l'article 6 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi n° 59

Adoption du principe

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, à l'article 6 du feuilleton, Mme la ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes. Mme la ministre, à vous la parole.

Mme Stéphanie Vallée

Mme Vallée : Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, le projet de loi n° 59, la loi édictant la loi concernant la prévention et la lutte aux discours haineux et aux discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes, a été déposé à cette Assemblée le 10 juin dernier.

Dans un premier temps, je crois qu'il est important, en fait il est essentiel de rappeler à nos collègues les objectifs du projet de loi.

• (11 h 40) •

Tout d'abord, ce projet de loi prévoit l'interdiction de tenir ou de diffuser publiquement des discours haineux ou des discours incitant à la violence qui visent une personne ou qui visent un groupe de personnes qui présentent une caractéristique commune identifiée comme un motif de discrimination à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Ce projet de loi prévoit également l'interdiction d'agir de manière à ce que de tels actes soient posés. Le projet de loi met en place une procédure bien spécifique de dénonciation auprès de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, un organisme qui déjà, déjà, veille à assurer le respect de l'ensemble des droits et libertés prévus dans notre charte. Et la commission reçoit, par le projet de loi, des pouvoirs d'enquête. Il permet aussi à la commission qu'elle s'adresse aux tribunaux afin que cesse la tenue, la diffusion d'un tel discours. Les nouvelles responsabilités sont aussi confiées au Tribunal des droits de la personne, tribunal dont nous avons souligné le 25e anniversaire la semaine dernière, et l'une de ces responsabilités, Mme la Présidente, est celle de déterminer si le discours haineux ou le discours incitant à la violence a été tenu ou diffusé et, s'il y a lieu, à fixer le montant des sanctions qui pourraient être applicables.

Vous savez, Mme la Présidente, la liberté d'expression, c'est l'un des fondements de notre démocratie. Les seules balises de la liberté d'expression doivent viser à contrer la tenue de discours qui incitent à la haine ou à la violence contre une personne, contre un groupe de personnes pour des motifs de discrimination.

C'est pourquoi, Mme la Présidente, que le projet de loi prévoit plusieurs étapes au sein desquelles la plainte sera examinée avant d'en arriver à une sanction. Il n'est pas du tout, pas du tout dans l'intérêt de la démocratie de freiner la liberté d'expression ni de restreindre les débats. L'expression d'opinions contradictoires, elle encourage les échanges, elle contribue à notre démocratie.

Je tiens à le réitérer, Mme la Présidente, et je tiens à réitérer ce que j'ai mentionné et martelé à plusieurs reprises tout au long du processus de consultation : Le discours haineux, ce n'est pas un simple discours qui est répugnant, ce n'est pas simplement un discours qui est offensant. Le discours haineux, ce n'est pas celui qui ridiculise quelqu'un. Bien qu'il ne soit pas agréable, ridiculiser quelqu'un ne constitue pas en soi un discours haineux. Le discours haineux, ce n'est pas la critique d'une idée, Mme la Présidente, ce n'est pas la critique d'une religion, ce n'est pas la critique d'une orientation politique. Le discours haineux, tel que l'a défini la Cour suprême dans l'affaire Whatcott, c'est d'une ampleur telle qu'il ne nuit pas seulement à des individus, mais qu'il tente de marginaliser le groupe dont ils font partie en attaquant son statut social et en compromettant son acceptation.

Mme la Présidente, nous avons passé de nombreuses heures en commission parlementaire, nous avons entendu de nombreux groupes, de nombreux individus qui sont venus formuler leurs commentaires à l'égard du projet de loi. Nous avons entendu également les préoccupations qui ont été exprimées quant à la nécessité de clarifier la notion de discours haineux. Mme la Présidente, là-dessus, je rejoins ces préoccupations-là. C'est important, pour des fins ne serait-ce que pédagogiques, de prévoir au projet de loi une définition claire, une définition qui permettra de bien comprendre ce que constitue un discours haineux. Et, Mme la Présidente, j'entends travailler dans ce sens, je l'espère, lors du processus d'étude article par article du projet de loi puisque c'est justement à ça que sert notre processus parlementaire, à bonifier, à peaufiner et à permettre de mieux saisir les dispositions d'un projet de loi si celles-ci ne sont pas clairement définies.

Mme la Présidente, il est proposé, dans le cadre du projet de loi n° 59, également de modifier la Charte des droits et libertés de la personne pour prévoir l'interdiction de tenir ou de diffuser un discours haineux ou qui incite à la violence à l'égard d'une personne en particulier. Les mécanismes de réparation qui sont prévus à ce texte s'appliqueraient dans un tel contexte.

Le projet de loi ne fait pas qu'encadrer, ne fait pas qu'interdire la tenue d'un discours haineux, la tenue d'un discours qui incite à la violence, mais il prévoit également une pléiade de mesures qui visent à renforcer la protection des personnes, et ces mesures, Mme la Présidente, sont importantes. Et ces mesures méritent également d'être analysées, d'être étudiées, mais elles sont importantes.

Parmi celles-ci, dans un premier temps, le projet de loi prévoit la possibilité d'émettre des ordonnances civiles de protection afin de favoriser la protection des personnes dont la vie, la santé ou la sécurité serait menacée par une autre personne.

Le projet de loi prévoit de préciser que le contrôle excessif peut constituer une forme de mauvais traitement psychologique qui justifie l'intervention du directeur de la protection de la jeunesse. Le projet de loi prévoit de confier au tribunal le pouvoir d'autoriser la célébration de mariages lorsque l'un des futurs époux est mineur. Vous savez, Mme la Présidente, les mariages forcés ont fait l'objet de plusieurs préoccupations, notamment ont fait l'objet d'un avis, de recommandations de la part du Conseil du statut de la femme. Ils constituent une préoccupation grandissante au sein de la population, et il est important de bien protéger les mineurs et de s'assurer du consentement du mineur. Et qui de mieux que le juge pour pouvoir apprécier de façon tout à fait neutre et impartiale la portée du consentement d'un mineur?

Le projet de loi prévoit aussi l'ajout de pouvoirs d'enquête au ministre de l'Éducation dans les secteurs de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire, secondaire et collégial à l'égard de tout comportement qui pourrait raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves ou des étudiants. La tolérance d'un tel comportement par un établissement entraînerait des conséquences, telles la retenue ou l'annulation d'une subvention ou la révocation d'un permis d'établissement d'enseignement privé.

Concernant, Mme la Présidente, l'interdiction de tenir ou de diffuser des propos haineux ou incitant à la violence, j'entends déjà l'opposition officielle nous demander : Pourquoi est-il nécessaire de légiférer? Au cours de la dernière année, nous avons vu apparaître des comportements à proscrire basés sur des motifs de discrimination interdits à l'article 10 de la charte québécoise, comme l'intimidation ou la tenue de propos haineux. Une action gouvernementale a d'ailleurs été réclamée en ce sens dans le cadre de la consultation publique sur la lutte contre l'intimidation en 2014. Ainsi, notamment en réponse à ces réalités de plus en plus complexes, notre gouvernement a déposé le projet de loi n° 59 dans le cadre du plan de lutte à la radicalisation, qui vise à agir, à prévenir, à détecter et à mieux vivre ensemble.

Notre société, elle est riche de sa diversité. La crainte de l'autre, le rejet des différences font reculer le Québec, c'est pourquoi nous devons rejeter les atteintes aux valeurs de respect, d'ouverture et d'inclusion qui sont les nôtres. Le Québec ne peut accepter des comportements qui compromettent la sécurité et la dignité des personnes. Le projet de loi n° 59 s'inscrit justement dans une volonté de défendre, de promouvoir les droits et libertés fondamentaux tout en assurant la sécurité des Québécois et des Québécoises. L'objectif est donc de protéger les citoyens les plus vulnérables contre cette forme de discours discriminatoire qui a malheureusement souvent pour effet d'isoler les personnes qui en sont victimes.

Ceci étant, Mme la Présidente, le projet de loi ne vise pas à sanctionner les membres d'un groupe en particulier mais toute personne qui tient ou qui diffuse un discours haineux ou qui incite à la violence, et ce, évidemment, dans un souci de respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens et des citoyennes.

• (11 h 50) •

Le projet de loi n° 59, évidemment a fait l'objet, comme je le mentionnais, de vastes consultations, lors des mois d'août dernier et septembre. Et, lors de ces consultations, 38 groupes ont été entendus, 39 mémoires ont été déposés. Les audiences, en commission parlementaire, ont pris fin et nous ont permis et ont permis aux organismes de nous faire part de leurs commentaires évidemment. Nous avons abordé les consultations avec une ouverture. Nous avons été à l'écoute des commentaires. Nous entendons d'ailleurs continuer d'être attentifs aux propositions qui se voudront constructives. Nous avons entendu les préoccupations qui étaient exprimées, comme je le mentionnais, quant à la nécessité de clarifier la définition du discours haineux. Nous allons nous y attarder.

L'expression d'opinions publiques contribue à la démocratie en encourageant l'échange d'opinions opposées. Par contre — par contre — tel qu'énoncé par la Cour suprême du Canada en 1990 dans l'affaire Taylor, tel qu'énoncé par la Cour suprême du Canada en 2013 dans l'affaire Whatcott, les propos haineux vont directement à l'encontre de cet objectif du fait qu'ils empêchent tout dialogue en rendant difficile, en rendant voire impossible pour les membres du groupe vulnérable de réagir, entravant la possibilité, l'échange d'idées. C'est donc pourquoi la Cour suprême considère que l'interdiction du discours haineux est justifiée dans une société libre et démocratique. Une telle interdiction n'est pas contraire à la charte québécoise ou à la Charte canadienne des droits et libertés.

Quant à l'atteinte à la liberté d'expression, il est important de mentionner que la commission des droits de la personne et de la jeunesse a comme mission de veiller au respect des principes qui sont énoncés dans la charte québécoise, y compris le principe de la liberté d'expression. Il s'agit donc, en confiant le mandat à la commission, d'un double rempart de protection. Autant la Commission des droits de la personne et de la jeunesse que le Tribunal des droits de la personne devront pondérer le droit à la liberté d'expression avec la restriction visant les discours interdits. Ce rôle de pondération de différents droits est déjà assumé par la commission des droits de la personne et de la jeunesse et par le Tribunal des droits de la personne, notamment à l'égard de l'interdiction de la diffamation, qui est fondée sur un motif de discrimination. L'interdiction qui vise les discours haineux ou les discours incitant à la violence basée sur un motif de discrimination est donc le prolongement d'un rôle qui est déjà assumé par la commission des droits de la personne et de la jeunesse.

Par ailleurs — et ça, c'est important de le mentionner, Mme la Présidente — contrairement à ce qui a été énoncé par plusieurs, la notion de discours haineux est un concept qui est bien connu par la jurisprudence. Il a été abondamment repris. Selon les enseignements de la Cour suprême... Je vous ai lu tout à l'heure quelques extraits de l'affaire Whatcott, mais, selon les enseignements de la Cour suprême, pour être considéré haineux, un discours doit être fondé sur une caractéristique commune identifiée comme un motif de discrimination interdit. Qu'est-ce que c'est? On parle de la race, on parle de la couleur, on parle du sexe, on parle de la grossesse, on parle de l'orientation sexuelle, on parle de l'état civil, de l'âge, de la religion, des convictions politiques, de la langue, de l'origine ethnique ou nationale, de la condition sociale et du handicap.

Le discours haineux doit exposer un groupe de personnes à la déconsidération, au dénigrement, à l'exécration ou au rejet. Le discours haineux rend le groupe illégitime, rend le groupe dangereux, rend le groupe ignoble ou inacceptable aux yeux de celui auquel le message est destiné. Le discours haineux est d'un extrême tel qu'il est susceptible d'inciter ou d'inspirer, à l'égard de ce groupe de personnes, un traitement qui est discriminatoire justement en raison de ce motif interdit. Je vous citerais quelques exemples de discours qui ont été considérés haineux par la jurisprudence : lorsqu'on parle de créatures horribles qui ne devraient pas avoir le droit de vivre; lorsqu'on reproche à certaines personnes d'être la cause actuelle des problèmes de la société; lorsqu'on qualifie certaines personnes de race parasite, de mal à l'état pur.

Par contre, Mme la Présidente, je vous fais la démonstration de ce qu'est les discours haineux, mais j'aimerais également vous indiquer ce que la jurisprudence n'a pas considéré comme constituant du discours haineux : par exemple, l'expression d'idées répugnantes, d'idées offensantes, des propos qui suggèrent simplement de restreindre les droits des groupes vulnérables de la société, des propos satiriques qui visent des groupes protégés. Dans ce contexte, la critique, même la critique la plus virulente d'une religion ou d'une pratique religieuse n'est pas en soi un discours haineux.

Plusieurs groupes, Mme la Présidente, ont également insisté sur l'importance, au-delà de la sanction, de fournir des moyens qui nous permettraient de prévenir la tenue d'un tel discours. J'entends donc proposer des améliorations au projet de loi lorsque nous reprendrons les travaux. Avec les mesures qui sont proposées au projet de loi, nous souhaitons pouvoir affirmer haut et fort notre volonté de faire du Québec une société égalitaire, une société qui est respectueuse, une société qui est non violente et une société qui est exempte d'intimidation.

Plusieurs groupes sont favorables aux objectifs du projet de loi, Mme la Présidente. Les groupes ont formulé des recommandations, les groupes ont formulé des suggestions de bonification, mais, quant à la base du projet de loi... et ça, malheureusement, on en a très peu parlé, mais j'aimerais quand même réitérer que le Barreau du Québec est favorable aux objectifs visés par le projet de loi, le Conseil du statut de la femme est favorable aux objectifs visés par le projet de loi, la Fondation Émergence aussi, la ville de Montréal est favorable aux objectifs visés par le projet de loi, la Fondation Jasmin-Roy est favorable aux objectifs visés par le projet de loi, Cyber-aide est favorable aux objectifs du projet de loi et la commission des droits de la personne et de la jeunesse également, puisque c'est la commission des droits de la personne et de la jeunesse elle-même qui, lors des consultations de ma collègue ministre de la Famille et responsable de l'Intimidation, a abordé cette nécessité d'encadrer le discours haineux ou le discours incitant à la violence.

Je vais vous citer, Mme la Présidente, quelques extraits de ce que les groupes sont venus nous dire en commission. AMAL-Québec est venu nous dire en commission : «Dans une société où circulent des discours haineux contre les femmes, les homosexuels, les musulmans, les Noirs, les Juifs, il nous [apparaît] essentiel de promulguer une telle loi afin de protéger les groupes vulnérables.»

Le Barreau du Québec, quant à lui, nous a dit : «D'emblée, le Barreau est favorable à ce que le législateur impose des limites aux discours haineux ou incitant à la violence en tant qu'actes discriminatoires et que la [commission des droits de la personne et de la jeunesse] ait un contrôle sur ces dossiers. Nous soulignons qu'un régime administratif éviterait le recours automatique au droit criminel tout en favorisant le respect des droits et [des] libertés de la personne et en garantissant le respect des libertés civiles de tous.»

De son côté, Mme la Présidente, la Fondation Émergence affirmait, dans son mémoire, ce qui suit : «Enfin, élevée au rang des droits fondamentaux, la protection individuelle contre les discours haineux est, pour nos communautés LGBT et nos personnes LGBT, un levier supplémentaire pour leur intégration sociale et leur pleine participation à l'avancement de [la] société.»

Et le Conseil du statut de la femme ajoutait ce qui suit : «Le conseil désire un autre outil juridique pour interdire les propos haineux à l'égard des femmes, pour punir les auteurs afin de permettre aux femmes d'exercer réellement leur liberté d'expression.»

Je tiens à rappeler que l'ensemble des mesures prévues au projet de loi ont un objectif commun, soit de renforcer la protection des personnes. Les consultations qui ont été effectuées ont été faites avec le plus grand sérieux et afin que le projet de loi puisse être bonifié et qu'il réponde réellement aux besoins de la population.

Mais j'aimerais rappeler aux collègues ce que disait la députée d'Hochelaga-Maisonneuve le 4 août dernier lors de la venue du blogueur Roosh V, reconnu pour ses propos haineux envers les femmes. Elle a dit que c'était le devoir du gouvernement de lancer un message pour indiquer que les propos haineux faisant la promotion de la violence envers les femmes étaient inacceptables. Je suis d'accord avec ma collègue, Mme la Présidente. C'est exactement ce que nous entendons faire avec le projet de loi n° 59.

Mais, pour lancer ce message fort que les propos haineux sont inacceptables, il faudrait que la députée de Taschereau écoute sa collègue et qu'elle collabore avec nous afin de faire cheminer nos travaux. J'espère vraiment, Mme la Présidente, pouvoir compter sur son appui, pouvoir compter sur l'appui de la députée de Montarville, pouvoir compter sur l'appui des collègues de cette Assemblée pour permettre de faire cheminer rapidement cet important projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

• (12 heures) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, merci beaucoup, Mme la ministre de la Justice. Et maintenant, pour la prochaine intervention, je cède la parole à Mme la députée de Taschereau et leader adjointe de l'opposition officielle.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : Merci, Mme la Présidente. Alors, je veux saluer la ministre qui vient nous présenter sa loi pour l'adoption de principe. Je me permettrai de faire ce que je n'ai pas fait en 17 ans, Mme la Présidente : je vais dédier mon allocution sur ce projet de loi qui porte sur la liberté d'expression à une amie décédée cette semaine, Jocelyne Corbeil, qui était membre d'un groupe qui s'appelait Les Folles alliées. Nous étions quatre, comme les Beatles. J'ai perdu une Beatle. Alors, à cette femme auteure, poète et amoureuse de la liberté d'expression, je dédie cette allocution.

Un projet de loi doit répondre à un besoin. Je sais que la ministre a, tout à l'heure, cité une de mes collègues, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, en disant : Il faut protéger les femmes des propos haineux, des discours haineux, et elle a demandé que le gouvernement intervienne, comme j'ai, moi aussi, demandé régulièrement que le gouvernement intervienne quand, par exemple, venaient des religieux, peu importe quelle religion, qui décriaient, décriaient l'égalité entre les hommes et les femmes, qui avaient des discours qu'on peut qualifier de haineux. Nous avons toujours demandé que le gouvernement agisse, j'ai moi-même agi à titre de ministre responsable de la Condition féminine à l'époque. Mais quel est le moyen qui a été utilisé par le gouvernement? Une loi restreignant la liberté d'expression. C'est là où il y a un problème. Il y a une différence entre donner des outils à une municipalité, à des écoles, à des commissions scolaires pour gérer la situation et décider de faire un amendement à la Charte des droits et des libertés pour essayer de juguler la liberté d'expression.

Et je veux dire à la ministre que je comprends bien la difficulté qu'elle vit. On a eu une série d'événements dans la... au Québec qui reflètent un peu la situation, des événements qu'il y a eu dans le monde entier. On sait qu'il y a eu les événements de Charlie Hebdo qui ont bousculé tout le monde, et, à ce moment-là, on a d'ailleurs répété... Combien de fois on a répété qu'il était important de protéger la liberté d'expression? Il y a eu au Québec, ensuite, les événements de Saint-Jean-sur-Richelieu, puis l'événement d'Ottawa où des gens sont décédés parce qu'il y avait une radicalisation de jeunes qui ont décidé d'exprimer par la violence des convictions qu'on peut croire religieuses, et nous avons interpellé le gouvernement en disant : Qu'est-ce que vous allez faire? Malheureusement, la réponse que nous avons entre les mains ne nous satisfait pas. Non seulement elle ne nous satisfait pas, nous pensons qu'elle passe à côté de la cible.

Ce n'est pas... Ce «nous» que j'exprime, Mme la Présidente, ne signifie pas seulement l'opposition officielle, la deuxième opposition, qui, je sais... qui va probablement... qui s'est exprimée jusqu'ici un peu dans le même sens, mais la grande majorité des mémoires qui ont été présentés par de très grandes organisations. Je crois qu'il est venu à peu près une cinquantaine de mémoires. Il y en a eu d'autres aussi qui sont entrés par voie Internet. La CSN s'est exprimée, la CSQ, elles se sont exprimées. La grande majorité des mémoires disent : Bon, on veut bien, mais ce moyen que vous nous apportez, il est difficilement applicable. C'est de ça dont je veux parler.

Je suis un peu surprise que l'amendement qu'on attendait tous, quelque chose de profond, de sérieux, une véritable révision de la loi, d'après ce que vient de nous dire la ministre, c'est simplement un ajout à l'article 1 pour définir le discours haineux. Nous ne croyons pas que ce sera suffisant, Mme la Présidente, nous nous attendions à beaucoup plus.

Bien sûr, nous avons demandé une révision profonde de la loi. Pourquoi on a demandé une révision profonde de la loi? Je vais l'expliquer dans mon allocution, j'ai un certain temps pour le faire. C'est très rare d'ailleurs qu'on a autant de temps pour exprimer vraiment sa vision dans l'Assemblée nationale, il faut prendre le temps de le faire. Mais il n'y a pas que cet article 1, il y a une série d'articles et la mise en branle dans cette loi d'un processus parallèle de jugement des attaques aux droits de la personne, un processus parallèle, des sanctions parallèles au Code criminel par un tribunal parallèle et une façon, donc, de procéder différente du Code criminel, qui est l'abandon de la preuve hors de tout doute raisonnable. Pas un mot là-dessus. Alors, là-dessus, je vais citer des mémoires. Ce n'est pas seulement moi qui le dis, c'est, entre autres, tiens, le Barreau. Le Barreau que la ministre a cité, mais le Barreau, il dit ça. Il n'y a pas que nous qui parlons en ce moment.

Notre devoir, quand on fait l'adoption de principe comme ça, c'est d'exprimer ce qui s'est passé en commission parlementaire. Et, de la part de la ministre, pour dire : J'ai entendu telle chose, telle chose, de ce côté-ci je comprends qu'elle a entendu qu'on demandait... ou à tout le moins de clarifier l'expression «discours haineux». Mais, sur tout le reste de la loi, je n'entends rien et j'en suis profondément déçue. On a le temps de se rattraper.

Mais présentement, ce que j'ai devant moi, n'ayant aucun amendement en plus, Mme la Présidente, et devant la façon dont — je vais utiliser le terme, il est un peu dur, mais je l'ai déjà utilisé, alors je vais le reprendre — cette loi s'est fait ratiboiser en commission parlementaire, je n'ai jamais vu autant un tel tollé devant une loi, autant d'articles défavorables, mais je m'attendais à tout le moins à soit un dépôt d'amendements soit à une nouvelle vision présentée ce matin.

Les réactions dans les médias, par exemple, je fais juste lire les gros titres, je reviendrai avec les articles, mais les gros titres, Pierre Trudel, Le Journal de Québec : Le projet de loi n° 59 : une très grave menace à la liberté d'expression. The Suburban: Bill 59 : Our continuing problem with freedom. Le Devoir, Josée Boileau : La mauvaise loi. Denise Bombardier, blogueuse au Journal de Québec : La loi comme bâillon. Mathieu Bock-Côté : Peut-on critiquer les religions, les tourner en ridicule, les conspuer? Lise Ravary : Alerte — encore — à la liberté d'expression. Et The Montreal Gazette : Québec's hate speech bill is problematic, en éditorial, un éditorial The Gazette assez étonnant.

Alors, vous voyez qu'il y a une diversité d'expressions... de voix, plutôt, qui s'élèvent contre le projet de loi tel qu'il est présenté actuellement. Et ce que je comprends bien, c'est que le principe du projet de loi actuel n'a pas été abandonné, et on discute du principe.

Je vais d'abord citer pour ma cause la ministre elle-même. Ma première citation pour défendre ma cause, Mme la Présidente, en sera une de la ministre de la Justice porteuse du projet de loi n° 59. Cette citation date du 18 février 2015. À l'époque, ma collègue de Montarville, députée de la deuxième opposition, avait présenté une motion avec laquelle je n'étais pas d'accord, je le dis, c'est vrai. Vous devriez aller fouiller dans les galées, il y a des citations intéressantes, Mme la députée. Moi, je suis allée.

Alors, la ministre de la Justice disait à la députée de Montarville qui avait présenté une motion qui voulait toucher à la liberté d'expression et à la charte, un peu de la même façon... elle y allait un peu plus rudement, ce qui m'avait mis à m'objecter, mais voilà ce qu'a dit la ministre de la Justice à l'époque : «M. le Président, la problématique à laquelle on fait face, la montée du radicalisme qui amène à la violence, cette montée de la violence, cette incitation à la violence, cette apologie du terrorisme, c'est ce que nous devons combattre. Nous devons — et nous l'avons dit et nous le répéterons — d'abord détecter, enquêter et sanctionner, c'est ce qui est important, parce que, si on prend la logique et le libellé de la motion, on ne détecte pas, on n'enquête pas et on ne sanctionne pas. On sanctionne, d'une certaine façon des propos [et] des opinions.» C'est une citation exacte, je n'ai enlevé aucun mot, aucun mot.

Alors, la ministre dit deux choses là-dedans. Elle dit, un : Ce qu'il faut faire, c'est prévenir la montée du radicalisme. C'est ce qu'elle dit. «Détecter, enquêter, sanctionner», c'est ça qu'elle dit. Or, cette loi ne contient aucune, aucune notion de prévention, d'éradication, d'éducation envers le radicalisme. Il n'y a rien qui prévient la montée du radicalisme. C'est d'ailleurs une des grandes déceptions de la loi n° 59. Une des très grandes déceptions de ce projet de loi, c'est qu'il n'y a rien là-dedans pour faire face au phénomène contemporain que nous vivons, phénomène très actuel de la radicalisation des jeunes. Au contraire, il embrouille un peu les choses. Quand on va tomber dans le milieu de l'éducation, on va le voir. Mais c'est plutôt un problème comme loi, ce que sont venues nous dire toutes les fédérations éducatives : commissions scolaires, cégeps et écoles privées. Les trois fédérations sont venues nous dire : Ne faites pas ce que prévoit cette loi, vous allez tout mêler. La Loi de l'instruction publique couvre déjà ce secteur.

• (12 h 10) •

Mais la deuxième partie de ce qu'a dit la ministre, c'est : «On sanctionne, d'une certaine façon, des propos, des opinions.» Elle s'élevait contre la sanction d'opinions et d'expressions. Et il y a plein de ministres du gouvernement actuel qui se sont levés, j'ai plein de citations où ils ont dit : Ça ne se fait pas. La députée de Gouin s'était levée en disant : Ça ne se fait pas. La députée de Gouin aussi.

Alors, qu'est-ce qui se passe? Bien, malheureusement, une loi qui a été présentée restreint la liberté d'expression, est très floue. On peut considérer comme une avancée, peut-être, qu'on va spécifier la... on va rectifier la définition de discours haineux, mais tout le reste de la loi ensuite qui en découle, qui a été décrié, tout le reste est encore là. On ne peut pas adopter le principe d'une loi comme ça sans avoir écouté les commissions, la commission parlementaire. Je suis vraiment stupéfaite.

Je suis leader adjointe, on discutait aux leaders de qu'est-ce que ferait le gouvernement. On se disait : Peut-être qu'il va y avoir une déclaration ministérielle ce matin. Je m'attendais à ça, une déclaration qui dise : Écoutez, on a entendu, on a écouté et nous allons provoquer tel changement, ce qui aurait changé la nature du débat de ce matin. Je serais en approche d'ouverture, en me disant : Bon, O.K., quels sont les grands mouvements qu'amène le gouvernement face à cette loi? Il aurait pu y avoir un dépôt d'amendements, ce matin, il aurait pu y avoir une annonce. Rien. Il n'y a surtout pas de réponse à quelque chose qui, pour moi, est fondamental, et pour mon parti.

Ce projet de loi, en fait, contient deux lois. Il y a d'abord une loi toute nouvelle, complètement nouvelle. Si je prends ma loi, c'est... on crée la loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, et le premier article contient toute la nouvelle loi. Donc, on aurait pu prendre cette partie-là, la mettre dans une autre loi pour qu'on débatte de cette partie-là, qui a été vertement critiquée, vertement critiquée.

Par contre, l'autre, à partir de l'article 2, partie II, c'est l'article 2, puis là c'est toutes les modifications qui sont intéressantes, à notre avis. Puis ça, je ne suis pas gênée de le dire à la ministre, je l'ai dit récemment, couramment, constamment. Il y a là-dedans des choses qu'il faut faire, sur lesquelles nous désirons travailler. Je pense aux modifications pour renforcer la protection des personnes. Je pense au Code de procédure civile qui serait modifié, d'ajouter des injonctions à des ordonnances de protection. Je pense au réseau... qu'on regarde particulièrement la section sur les mariages forcés. Nous voulions débattre de ces questions.

Et, je le disais, on pourrait arriver après à une solution consensuelle, qui ferait rapidement l'unanimité, j'en suis convaincue. Ça aurait été un article par article facile à faire, avec quelques débats de juristes, bien sûr, mais on aurait pu traverser cette période, puis là la ministre aurait entre les mains de quoi agir sur sa société, de quoi qui aurait fait grandir sa société immédiatement et dans l'unanimité. On l'aurait applaudi. Mais, en conservant la partie conflictuelle de cette loi, cette nouvelle loi, intégralement dans cette loi, dans le projet de loi n° 59, on ne pourra pas travailler dans la même harmonie, on ne pourra pas aller rapidement à ce que nous voulons, les mariages forcés. Pourquoi? Parce que la partie la plus discutée pendant les auditions parlementaires, la partie la plus contestée est au début de la loi, elle n'est pas à la fin, elle est au début, ça fait que les grands débats qu'on va faire, ça va être là-dessus. Or, je trouve dommage que la ministre n'ait pas répondu à notre appel de séparer les deux parties de loi.

D'ailleurs, je sais qu'il y a des députés indépendants... Je pense que c'est la députée de Gouin qui disait : Ce serait le fun qu'on sépare ça. On n'est pas seuls dans l'Assemblée à dire ça. Ça nous aurait permis d'avancer et d'évoluer rapidement, c'est dommage.

Donc, pas de scission. Inadéquation entre la demande, le besoin québécois et la réponse. Le besoin, c'est la lutte au radicalisme. Il y a un plan d'action de... Je vais répéter ce que la ministre a répété régulièrement en commission parlementaire, le gouvernement actuel a déposé un plan de lutte à la radicalisation. Bravo! Bravo! Il y a des gestes là-dedans qui doivent être posés rapidement, d'accord. Misons sur l'éducation et la prévention, d'accord. Mais comment comprendre que le projet de loi n° 59, qui est — je répète ce qu'on s'est fait dire en commission parlementaire et ce qu'on croit — une atteinte à la liberté d'expression et qui en plus crée un nouveau régime juridique qui n'a pas de bons sens... comment comprendre... — je viens de me perdre, excusez-moi. J'ai une bonne grippe ce matin, là. Mais cet appel à... comment comprendre que ce soit... que ça n'a pas été éliminé? Je ne comprends pas. Je ne comprends vraiment, vraiment, vraiment pas.

Alors, comment comprendre que le projet de loi n° 59, comme le dit la ministre, soit à l'intérieur d'un plan de lutte à la radicalisation? Voilà où je voulais en arriver. Là, je viens de me retrouver, Mme la Présidente. Comment comprendre que le projet de loi n° 59 soit un outil de lutte à la radicalisation quand il n'y a pas un mot sur la radicalisation? Il n'y a pas un mot sur la prévention, il n'y a pas un mot sur l'éducation, rien, nul, nenni. Du beau vieux français, «nenni»! Voilà.

Alors, pourtant, comme le disait Nicolas Boileau : «Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. Et les mots pour le dire viennent aisément.» Bien, ils ne viennent pas. Sur la radicalisation, il n'y a rien là-dedans, là. Pourquoi ce n'est pas là? Je ne comprends toujours pas. Et, malgré nos demandes, malgré les demandes des gens en commission parlementaire, on n'a pas eu de réponse là-dessus.

Les problèmes générés par le projet de loi n° 59, tel qu'il est actuellement libellé et qu'il le restera dans sa majeure partie, d'après ce que je viens de comprendre... Parce que la ministre n'a pas remis en question de grands pans de sa loi qui ont été vertement critiqués.

D'abord, la liberté d'expression est touchée. Là-dessus, je vais citer la ministre de la Sécurité publique — toujours pendant la discussion sur la motion de ma collègue de Montarville. Elle dit ceci : «Au contraire, je pense, comme mon chef a répondu ce matin — ah! parce que j'aurais pu aussi citer le premier ministre — comme le premier ministre l'a dit [...] comme ma collègue la ministre de la Justice s'est exprimée également, je pense qu'on risque de se créer encore plus de problèmes en voulant limiter les expressions des gens.»

Ça fait qu'en plus la ministre de la Sécurité publique avait compris la même chose que moi de la ministre de la Justice : qu'elle ne voulait pas limiter l'expression des gens.

«Je crois à [la liberté et] l'égalité des hommes et des femmes, mais je crois aussi à la liberté d'expression. Et on ne peut pas arriver et dire : Je suis Charlie, prôner la liberté d'expression, se draper dans la Charte des droits et libertés et, de l'autre côté, arriver et dire : Non, mais ça, par exemple, on ne peut pas.» La ministre de la Sécurité publique.

Je continue ce qu'elle a dit : «[Êtes-vous] en train de me dire... [...]par l'entremise de la députée de Montarville, qu'on va commencer à décider que ça, ce n'est pas correct comme discours, puis ça, on a le droit. [...]sa vérité n'est pas la vérité de tous les citoyens. Ma vérité n'est pas sa vérité, mais j'ai autant [de raisons] qu'elle de vouloir protéger les droits», à la charte des libertés et droits, M. le Président.

«Nous sommes des êtres humains. On est fondamentalement différents. Ici, là, ce n'est pas une question de dire qu'on va limiter les propos haineux.» Ministre de la Sécurité publique, cette année.

Elle en rajoute : «Mais sérieusement, M. le Président, le débat qu'on a aujourd'hui, qui vient faire en sorte qu'on décide, nous, que ça, c'est un propos haineux, elle est où, la ligne, M. le Président? Elle est où, la ligne, M. le Président?» Quelle entende sa collègue qui disait : «Elle est où, la ligne?» On ne peut pas tirer cette ligne si facilement. C'est ça, le problème. Même elle, même ses collègues le reconnaissaient, le 18 février 2015. Alors, ce n'est pas simple.

D'autre part, un des graves problèmes, c'est le tribunal de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le nouveau tribunal, en partie, qui va être créé. Il va y avoir une infraction pénale, une nouvelle infraction pénale, donc il va y avoir une nouvelle définition du discours haineux, c'est ce qu'on comprend. Jusqu'ici, il n'était même pas défini, ce qui est un problème. Maintenant, il va être défini. Je ne sais pas comment on va faire pour le définir. Moi, je m'attendais à voir la définition, parce que c'est la base au moins sur laquelle on aurait pu travailler, on ne l'a pas. Or, on va créer une infraction pénale calquée sur l'interdiction, au Code criminel, relativement à la tenue et à la diffusion de discours haineux ou incitant à la violence.

• (12 h 20) •

Là, vous comprenez : calquée sur l'interdiction au Code criminel. Il y a déjà une interdiction là-dessus dans le Code criminel. Ce sont les articles 318 à 320. Ils existent déjà. Donc, si ce qu'on veut faire, c'est contenir les appels à la violence et à la haine, c'est déjà inscrit dans le Code criminel.

Est-ce que la loi québécoise qu'on nous propose quant à cet objet, à cet objet, l'appel à la violence, et pour contrer le discours haineux, est-ce que ça va ajouter quelque chose? Non. Non. Cette partie-là, elle est déjà couverte, surtout si on redéfinit encore plus le discours haineux. Parce que le premier ministre, 17 février 2015, disait ceci : Ce qu'il faut, et c'est seulement ça qu'il faut... Puis il y en a plein, de citations de lui, là, j'en ai plein, mais il y en a une le 17 février 2015 : Ce qu'il faut, c'est limiter les appels à la haine et à la violence, et c'est déjà couvert par le Code criminel, c'est déjà couvert par le Code criminel.

Donc, cette partie-là, on la dédouble. Bon, ça peut arriver qu'on dédouble pour se donner des nouveaux pouvoirs au Québec. Ce n'est pas tellement l'usage chez le Parti libéral du Québec, de donner de nouveaux pouvoirs au Québec, mais je me dis : Bon, on veut rappeler que ça existe. D'accord. Et, si on rappelle ça, le problème, c'est qu'on ajoute après ça... on donne des pouvoirs à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Donc, comment ça fonctionne? Quand tu vas devant les cours, en vertu du Code criminel, tu dois prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé, hors de tout doute raisonnable, c'est comme ça que fonctionne notre système, c'est comme ça que fonctionne notre système. Là, maintenant, devant le Tribunal des droits de la personne, on ne fonctionne pas de cette façon-là, c'est la prépondérance de la preuve, c'est l'équilibre entre les deux qui est le facteur de jugement, qui est la base de jugement. Plein de gens sont venus nous dire : Il y a un problème avec ce problème de la prépondérance de la preuve. Julius Grey, Julie Latour — ce n'est quand même pas n'importe qui — ils sont venus nous parler de ça, ce sont des juristes renommés particulièrement en matière de Charte des droits et des libertés. Donc, la prépondérance de la preuve disparaît, c'est l'équilibre, premièrement. Deuxièmement, comme on va aller devant le Tribunal des droits de la personne et des droits de la jeunesse, on va avoir affaire à un tribunal qui jusqu'ici n'a pas... en vertu de ces nouveaux pouvoirs là n'a pas de jurisprudence accumulée, hein, ils n'ont jamais travaillé là-dessus, là, c'est nouveau, c'est un nouveau pouvoir.

Ce qui est étonnant, c'est que Jacques Frémont, le président de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, est venu nous voir en commission parlementaire et nous a dit : Je n'ai jamais demandé ces pouvoirs. C'est le plus loin que peut aller un président qui ne veut pas quelque chose. Je n'ai jamais vu ça, là, c'est rare, là, exceptionnel, un président d'une organisation à qui le gouvernement veut céder de nouveaux pouvoirs vient dire en commission parlementaire à sa ministre de tutelle : Je n'ai jamais demandé ces pouvoirs. C'est parce qu'il est mal à l'aise, c'est évident, avec ces pouvoirs, parce que lui aussi a entendu, lui aussi a compris ce qui s'est passé, d'autant que M. Frémont a été fortement cité, régulièrement cité, dans cette commission parlementaire, parce que M. Frémont avait dit que lui, s'il voulait une loi contre la liberté d'expression pour restreindre les propos haineux, c'était pour restreindre les discours islamophobes, point final, c'est ça qu'il visait. Alors, vous comprenez l'inquiétude dans la société, là. La loi est très large, mais l'intention du président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse était de viser le discours islamophobe. Alors, c'est lui qui... il nous dit son intention, il l'a dit publiquement à Radio-Canada.

Alors, il dit cette intention claire, il la réaffirme dans des interventions, des conférences qui sont sur Internet, puis c'est lui à qui on va confier le tribunal qui va juger de ça, mais le tribunal a déjà un penchant, il l'a dit. Le tribunal a exprimé au départ ce qui va exister, le président de ce tribunal-là dit : Moi, c'est ça que je veux faire avec. Mais ce n'est pas ça que la loi dit, mais on sait qu'il y a un penchant. C'est mal parti, c'est mal barré. Mais il est venu en commission parlementaire, il dit : Bon, je voulais une loi contre les discours haineux, ça, il tient encore son bout, mais il dit : Pas moi, pas moi, je n'ai pas... je n'ai jamais demandé ça. Vous connaissez l'expression «je n'ai jamais demandé ça». Quand tu dis : Je n'ai jamais demandé ça, ça veut dire : Je me retire. Il n'en veut pas.

Pourquoi il n'en veut pas? Il y a plein de raisons. Probablement que ça tient aussi à ce qu'on voit ici, c'était dans... le média que j'aime bien, Radio-Canada, nouvelles, jeudi le 11 juin 2015 : La Commission des droits de la personne a-t-elle les moyens d'enquêter sur les plaintes pour discours haineux? On parle de moyens, on est en pleine période d'austérité, Mme la Présidente, on va aller voir où c'est que le gouvernement a décidé de mettre de l'argent, hein? Il a décidé d'ajouter de l'argent, j'espère, à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour créer un nouveau tribunal pour sanctionner la liberté d'expression. C'est toujours amusant à dire en file, ça fait un peu bizarre.

Mais ce que Radio-Canada nous apprend, c'est : «La Commission a-t-elle les ressources nécessaires pour assumer ces nouvelles responsabilités?

«Vérification faite : non.

«La Commission peine déjà à traiter les plaintes qui lui sont soumises : plus de 1 600 concernant les droits de la personne au cours de l'exercice financier 2013-2014.

«[...]Le problème est que[...], avec son budget annuel de 15 millions de dollars, [la commission] dispose de seulement 23 enquêteurs pour s'occuper de tous ces dossiers, [...]les retards s'accumulent.

«...le traitement d'une plainte prend [en moyenne] 376 jours, soit plus d'un an. Et, lorsque l'affaire nécessite la judiciarisation du dossier, le délai moyen — tenez-vous bien — est de 525 jours.» Le délai moyen est de 525 jours.

Alors, je vais vous inviter à... je vais prendre une gorgée d'eau et vous inviter à imaginer quelque chose. Un professeur dans une école primaire, primaire, tient des propos, ça peut être dans toutes sortes d'affaires, dans le cours d'éthique et culture religieuse, ça peut être dans le gymnase, ça peut être... tient des propos sur la religion. Quelqu'un, un parent, se sent attaqué, frustré dans ses convictions profondes et décide de porter une plainte à la CDPDJ. La CDPDJ décide de recevoir la plainte. Qu'est-ce qui se passe avec le professeur? On le suspend? Il y a une plainte officielle, là, contre un prof. La direction de l'école, qu'est-ce qu'elle fait? Bien, les gens de la Fédération des commissions scolaires sont venus nous dire : Bien, on va le suspendre, on n'a pas le choix, il est l'objet d'une plainte à la CDPDJ, d'un processus judiciarisé, donc on va le suspendre. Pendant combien de temps? Moyenne, 525 jours? Moyenne, 525 jours, l'actuel traitement des plaintes, puis on n'a même pas encore ajouté les nouveaux pouvoirs. La moyenne, elle va monter, là. Qu'est-ce qu'on fait? Comment on applique ça?

J'ai parlé à des syndiqués après, j'ai dit ce qu'elle nous a dit, la Fédération des commissions scolaires. Ils ont dit : Bien oui, c'est là-dedans qu'on va se retrouver, puis devant des griefs, puis là devant... On va compliquer, on judiciarise quelque chose que normalement une direction d'école aurait tout à fait été capable de gérer, c'est-à-dire une direction d'école a déjà tous les pouvoirs en cette matière, mais, si un parent y tient, on va se retrouver suspension de prof, délais, quelque chose de complètement inutile.

Alors, vous voyez les... Ça paraît beau de dire : On va protéger les discours haineux, mais, dans l'application pratique à la CDPDJ, ils vont avoir des sérieux problèmes.

Alors, sur l'intention de la CDPDJ, les motivations, j'ai cité les propos de M. Frémont, sur la capacité de la CDPDJ, j'ai exprimé la situation actuelle et, sur le traitement judiciaire qui est différent, je vous ai expliqué qu'on sort de la preuve hors de tout doute raisonnable.

• (12 h 30) •

Qu'en disait le ministre des Affaires municipales et de la Métropole? J'ai dit qu'il y a plusieurs ministres qui ont jasé lors de la motion de la députée de Montarville. Vraiment, députée de Montarville, allez faire un petit tour dans les galées, c'est assez amusant, vous allez voir, vous avez suscité quelques réactions. Ministre : «Vous savez, en droit criminel, on dit souvent : Le principe du droit criminel amène la preuve hors de tout doute raisonnable. Pourquoi, la preuve hors de tout doute raisonnable? La députée de Montarville le sait très bien : parce qu'on préfère, dans une société démocratique, qu'un criminel échappe à la justice plutôt que de voir un innocent condamné. Utilisons exactement la même approche dans le dossier qui nous occupe et disons-nous que les interventions que l'on doit faire, particulièrement lorsqu'il s'agit de limiter la liberté d'expression, doivent amener une tolérance à entendre des choses», blablabla. Mais voilà il dit : «Utilisons exactement la même approche dans le dossier qui nous occupe», celui de la preuve hors de tout doute raisonnable. Deuxième ministre qui a tenu des propos qui vont tout à fait à l'encontre, à l'encontre directement de ce que nous propose la ministre de la Justice. J'en ai d'autres, là. Tantôt. Je vais m'en garder pour tantôt.

Donc, la liste noire, l'autre problème, la liste noire. Je suis très étonnée, très étonnée que ce matin la ministre ne nous ait pas annoncé d'entrée de jeu que la liste noire n'existerait plus. Qu'est-ce que la liste noire? Une fois que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a décidé d'enquêter sur vous, avec les conséquences dont on a parlé, une fois qu'elle a statué et qu'elle dit que vous êtes effectivement coupable d'avoir tenu des propos haineux, un discours haineux ou incitant à la violence, qu'est-ce qui vous arrive? Bien, vous allez être sur une liste, une liste publique, pas n'importe quoi, là, pas une liste comme celle des délinquants sexuels, qu'on peut aller... que des gens, sur demande, peuvent aller consulter, pas ça, là, puis qui est entre les mains, je crois, de... Je pense qu'elle est entre les mains de la Sécurité publique ou de la SQ puis qu'il faut, par exemple, un CALACS, un centre d'aide aux victimes de violence, pour aller voir. Bon, il y a des choses... il y a une manière, là. Non, non, non, c'est une liste...

Voici comment on le dit : «...tenir à jour une liste des personnes qui ont fait l'objet d'une décision du tribunal concluant qu'elles ont enfreint une interdiction prévue à l'article 2 — celui interdisant les discours haineux — et la rendre disponible sur son site Internet.» La rendre disponible sur son site Internet! La ministre ne nous a pas annoncé ce matin ce que je m'attends, là, ce que je dis : Elle va disparaître, là, la liste noire. Même pour les délinquants sexuels, on ne fait pas ça. Même dans un processus rigoureux, Code criminel, et avec preuve hors de tout doute raisonnable, délinquants sexuels, un des crimes les plus horrifiants dans une société, on ne fait pas ça.

Aïe! Ça va être le fun. On va avoir une liste, ça va être marqué : Délinquant sexuel : Jean Tremblay. Il y a à peu près 300 Jean Tremblay au Québec — je me suis laissé dire, j'ai appelé des gens — à peu près 300 Jean Tremblay au Québec. Ça fait que : Délinquant sexuel : Jean Tremblay. Là, tu fais : O.K., comment je fais pour le distinguer des autres? Qu'est-ce que je mets? Je mets son adresse? Je mets son numéro d'assurance sociale? Comment je fais? C'est un Jean Tremblay, il y en a des centaines au Québec, ça fait que je suis obligée de le faire identifier. C'est fou, c'est complètement fou!

Je sais que la ministre a dit : Non, on ne sera pas de même. Mais comment? J'attends une solution, j'attends une solution sur la liste. Comment on va faire? Une liste publique, en plus. Il y a des gens qui sont venus dire : Ah! mais, si, après, il y a une erreur judiciaire ou après un certain temps, on pourra vous enlever de la liste, parce qu'il y a un système au Québec qui s'appelle le système de la réhabilitation. L'éducation, la prévention sont exclues de cette loi, la réhabilitation aussi.

Alors, imaginons que vous disparaissez de la liste à un moment donné, la capture d'écran sur Internet, ça existe. Vous êtes marqués à jamais, en plus de la rumeur, en plus de l'opprobre, etc. La capture d'écran, ça existe. Les moyens technologiques actuels sont comme ça. On n'a même pas ce matin l'annonce que la liste va disparaître, je n'en reviens pas. C'est pour ça que je dis : Je suis un peu stupéfaite. Je suis prudente, j'essaie de rester dans un climat de collaboration, mais j'exprime les choses qui ont été exprimées par à peu près tout le monde. Même le Barreau est contre la liste. Même le Barreau est contre la liste. Alors, la liste noire n'est pas disparue.

Les amendes. Il y a des amendes prévues dans la loi. Elles peuvent être assez salées, mais vraiment assez salées. Et j'imagine qu'un jeune sur Twitter... Parce que, ça aussi, un discours haineux sur Twitter, tu peux être traîné devant la CDPDJ par quelqu'un. Un jeune se lâche sur Twitter, traîné devant la CDPDJ, l'opprobre, les parents... Y a-t-il processus d'enquête? Oui, ce sont des discours haineux. O.K., sanction. Est-ce qu'il va y avoir une amende? Combien? Comment ça va marcher? Est-ce que le jeune va payer? Ça va être ses parents. C'est complètement fou, là. Je trouve qu'on est en train d'établir un système de justice parallèle.

Je vais citer le Barreau du Québec. «Ce régime serait en parallèle avec le régime de plaintes pour discrimination, prévu aux articles 74 et suivants de la charte québécoise. Le projet de loi semble donc établir un motif particulier de discrimination qui nécessite un régime parallèle bien que la Cour suprême du Canada a établi que les discours haineux constituent un acte discriminatoire aux droits de la personne.» Donc, c'est déjà couvert.

«Le Barreau s'interroge sur les conséquences d'un tel régime parallèle, compte tenu des nouvelles responsabilités confiées à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, y compris le dédoublement des procédures et le pouvoir de recevoir des dénonciations.» Dédoublement. «De plus, il reprend une série de dispositions de la charte québécoise concernant notamment les pouvoirs d'enquête de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, lesquels devront être interprétés.» C'est ce que je disais.

La liste. «Enfin, l'article 17, paragraphe 3° du projet de loi confère à la CDPDJ le pouvoir de tenir une liste de personnes faisant l'objet d'une ordonnance du Tribunal des droits de la personne sans pour autant prévoir la protection des droits des personnes inscrites sur cette liste.»

C'est le Barreau. Moi aussi... Moi, je les ai écoutés en commission parlementaire. «Le Barreau reconnaît la compétence de la province de Québec d'adopter une législation créant des sanctions civiles en matière de discours haineux. Nous constatons que ce nouveau régime pourrait créer une tension entre des plaintes pour discrimination et les dénonciations anonymes de discours haineux.» Voilà.

Régime parallèle. Ça fait que, d'un côté, tu as le Code criminel avec son régime où on peut aller en cour contre un appel à la violence ou un discours haineux. De l'autre côté, tu as la commission des droits de la personne et de la jeunesse sur laquelle tu peux aller faire une plainte, tu peux aller faire une plainte pour discrimination. Puis, à côté de ça, tu as la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pour lequel tu peux aller non seulement faire une plainte, tu peux aller faire une dénonciation. Trois systèmes parallèles différents pour le même objet. C'est ça que nous dit le Barreau, c'est ça qui n'a pas de sens.

Alors, les amendes — j'ai hâte de voir, les jeunes, comment on va prendre ça. Voilà pour à peu près la première partie de la loi. Vous comprenez... Je ne sais pas si vous avez compris à quel point il y a des problèmes dans cette partie de la loi. C'est pour ça qu'on n'a pas dit : Mettez tout aux poubelles. On n'a pas dit d'envoyer ça à la déchiqueteuse, de l'expression de la ministre qui disait : L'opposition officielle me demande de l'envoyer à la déchiqueteuse. Non. Nous avons dit : Revoyez en profondeur cette partie-là. Cette partie de la loi avait besoin d'être remaniée en profondeur. On ne doit pas créer un tribunal parallèle.

Malheureusement, la réponse n'est pas à la hauteur de nos attentes. Malheureusement. Tout ce qu'on nous propose, c'est un ajout, une précision à l'article 1, mais ça ne défait pas le nouveau tribunal parallèle qui est créé, même si j'ai des doutes quant à ce qui va se passer avec l'article 1. Mettons que j'oublie que je trouve que ça n'a pas de bon sens sur le principe, il y a tout le principe de la création d'un tribunal parallèle qui est dans cette loi-là, qui n'a pas de sens.

Alors, Mme la Présidente, juste le principe de cette partie-là de la loi, pour nous, est inacceptable. On est en train de débattre du principe, puis je tiens bien à démêler les deux choses parce qu'on aurait dû les démêler. Le principe de cette partie-là est inacceptable. On ne s'avancera pas en essayant de créer des tribunaux parallèles au Québec, des tribunaux basés sur un autre système de justice de la prépondérance de la preuve au lieu de la preuve hors de tout doute raisonnable, qui vont stigmatiser des personnes pendant peut-être des années. Alors, c'est ce que je pense.

• (12 h 40) •

Maintenant, deuxième partie de la loi — parce que la loi est vraiment deux mondes complètement différents. D'ailleurs, la grande majorité des mémoires qui ont été déposés disaient qu'ils séparaient, eux, les deux parties. Qu'ils séparaient. La ministre en a cités quelques-uns qui ont été pour. Le nombre de contre est assez volumineux, mais, quand il y en a qui étaient pour, il y en a même qui disaient : Nous ne sommes pas contre le principe de limiter sur le discours haineux, d'accord si vous voulez y aller, mais ne faites pas ça, ne faites pas ça, ne faites pas ça. En général, ça démolissait à peu près tout l'autre pan de la loi, tout l'autre pan.

Mais, sur la deuxième partie, là je souhaite qu'on travaille ensemble. Le problème de la deuxième partie : la deuxième partie nous parle des écoles, elle ajoute des pouvoirs au ministre pour intervenir dans les écoles de façon particulière. Je vais retrouver l'article : «Le ministre peut également désigner une personne pour enquêter sur tout comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves.»

Vous rappelez-vous, Mme la Présidente, le débat que nous avons eu quand Yves Bolduc, ex-ministre de l'Éducation, avait défendu ce qu'on peut appeler une fouille à nu — même si on a des... on peut discuter de la pertinence d'appeler ça «fouille à nu», mais c'est le terme utilisé habituellement — une fouille sur une jeune élève? Suite au tollé de protestation qui s'est ensuivi, le ministre avait désigné un enquêteur qui était allé à l'école. Pourquoi on a besoin de rajouter un pouvoir au ministre? La Loi de l'instruction publique prévoit déjà que le ministre peut dépêcher des enquêteurs. Quel est le besoin de rajouter des pouvoirs exceptionnels sur la sécurité physique ou morale des élèves? La sécurité physique est déjà assurée, ça, c'est clair. C'est déjà dans la Loi sur l'instruction publique. Le ministre a tous les pouvoirs pour intervenir dans une école. On l'a prouvé dans le passé. Ils l'ont prouvé, puis ça a été correct. On était d'accord pour qu'ils envoient un enquêteur. Donc, c'est un pouvoir déjà utilisé.

Mais là il y a quelque chose qui est nouveau : la sécurité morale. Qu'est-ce que la sécurité morale? Qu'est-ce que la sécurité morale d'un élève? Pour aborder cette définition de «sécurité morale», je vais, avant, vous montrer le... vous ramener le filigrane de la discussion qu'on avait au Québec. J'en ai parlé d'entrée de jeu, mais ça commence à être loin, ça fait 42 minutes que je parle. En filigrane, il y a la montée du phénomène religieux et la radicalisation, c'est ce qu'on sent. Mais c'est aussi... c'est la radicalisation, dont on ne parle pas, mais la montée du phénomène religieux. Est-ce qu'un croyant radical, intégriste, là... Je ne parle pas de la majorité des croyants, ils sont très à l'aise, mettons, avec le cours d'éthique et culture religieuse, des choses comme ça. Mais est-ce qu'un croyant radical, intégriste pourrait se dire : Je suis contre tel propos en classe, ça affecte la sécurité morale d'un élève, de mon enfant, la sécurité morale de l'enfant devient un élément du débat entre les professeurs, les directions d'école et les parents? Il n'y a pas de définition de la sécurité morale dans la loi, aucune idée de ce que c'est, et personne, absolument personne en commission parlementaire, ni la ministre, ni les collègues, ni les intervenants n'ont été capables de nous expliquer qu'est-ce que la sécurité morale de l'élève.

Les directions d'école sont venues nous dire le problème. Les directions d'école, dans la Loi sur l'instruction publique, ont déjà un devoir d'intervention, et cela, ils sont venus nous le rappeler. Commissions scolaires, cégeps, les directions d'école se doivent d'intervenir s'il y a quelque chose qui affecte la sécurité des enfants. Mais là, en mettant le focus, vraiment un éclairage particulier dans une nouvelle loi, sur la sécurité morale et physique dans un contexte où c'est une loi qui parle de la lutte contre les discours haineux et, on sait, qui vient, d'après même le débat qu'on a eu, du fait qu'il y a une montée du phénomène religieux, comment est-ce que va être interprétée cette loi-là? Les directions d'école étaient très mal à l'aise. Il y a vraiment un problème à cet endroit-là. Il n'y a pas de définition puis il n'y a pas de nécessité. Elles sont toutes venues nous dire : Il n'y a pas de nécessité. C'est déjà couvert par la loi, et les pouvoirs du ministre, et ce devoir de s'occuper de sécurité morale et physique des élèves.

Par contre, ce qu'elles nous ont dit, comme la direction d'école est imputable, elle pourrait être sanctionnée, la direction de l'école, si elle tolère au sein de son établissement un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves. Des directions d'école sont venues nous dire : Écoutez, on s'en occupe déjà, de la sécurité morale et physique de nos élèves, là. Vous ne nous donnez pas de moyens pour intervenir quand il y a des locations de locaux par les Adil Charkaoui, semeurs de haine de ce monde — je répète ces mots-là, les semeurs de haine de ce monde — et nous avons ici un article qui va nous mettre une pression intolérable, qui fait qu'on va devenir plus que prudents. Il y a une espèce d'autocensure qui va s'installer.

Mme la Présidente, le terme «autocensure» est venu à maintes reprises dans la commission parlementaire. Les gens qui sont venus nous dire : Attention à l'autocensure, particulièrement les Nord-Africains pour la laïcité... Il y a une association des Nord-Africains de la laïcité qui est venue nous dire : Attention! Ceci, la partie 1 de la loi et le reste vont nous amener à un climat d'autocensure. Les gens savent qu'il y a un nouveau tribunal qui touche à la liberté d'expression dans un processus fou, avec des... «fou» dans le sens d'un processus qui dépend de la Commission des droits de la personne, qui elle-même a déjà dit que ce qu'elle voulait, c'était lutter contre l'islamophobie et qui a déjà des délais d'attente immenses. Puis, déjà, tu sais que tu as une plainte contre quelqu'un, mais tu as un délai d'attente de presque deux ans. Et puis là les gens nous disent : On va être obligés de s'autocensurer parce qu'on va craindre ce processus.

Il y a une différence entre donner des outils à une société pour gérer de vrais problèmes et créer un climat d'autocensure. Créer un climat d'autocensure, ce n'est pas moi qui le dis, Mme la Présidente. Ce thème-là a été abordé dès les premiers intervenants en commission parlementaire et il a duré toute la commission parlementaire. On l'a entendu souvent. Il n'a pas été apporté par nous, il a été apporté par les intervenants. Ce sont les gens qui sont venus nous dire ça, les gens qui vivent, entre autres, dans les communautés religieuses qui sont visées. Les gens de la communauté des Nord-Africains pour la laïcité sont venus nous dire : Ne nous mettez pas dans un climat d'autocensure. Des juristes sont venus nous dire : Ne créez pas un climat d'autocensure. Le Mouvement laïque est venu dire : Ne créez pas un climat d'autocensure. C'est vraiment un problème, vraiment un problème de cette loi.

Par contre, sur les mariages forcés, bien là on avait plutôt hâte de travailler là-dessus. Je pense que c'est quelque chose qui va avoir l'unanimité des parlementaires. Sur les mariages forcés, on peut faire quelque chose, même si la loi n'est pas parfaite. Il y a eu des interventions, de très belles interventions, entre autres... Je vais chercher ma liste des intervenants parce que, de mémoire, je ne les trouve pas, mais je pense que c'est le conseil des femmes musulmanes... l'association des femmes musulmanes canadiennes qui est venue nous dire : Oui, il y a des choses à faire, mais, faites attention, vous pourriez... est-ce que ça va vraiment aider les femmes qui subissent des mariages forcés à l'extérieur, à l'étranger puis quand elles reviennent? Alors, elles sont vraiment venues nous interpeller là-dessus.

• (12 h 50) •

Alors, il y a des choses à faire, on veut travailler dessus. Malheureusement, ce n'est pas, pour l'instant, détaché de la loi actuelle, mais... Vous voyez la série de problèmes qu'on a à régler avant d'arriver à ce vrai problème. C'est ça que je déplore ce matin, Mme la Présidente. Il va falloir régler tout un paquet d'autres problèmes qui sont, je vais vous avouer, un noeud gordien en matière de liberté d'expression, là, très difficile. Ce noeud gordien, c'est entre la liberté d'expression et la lutte à l'intimidation, aux discours haineux, là. Il y a un noeud, là. Là, on l'a déplacé, puis ça va être difficile à trancher, très difficile à trancher. C'est comme ça qu'on a réglé le problème du noeud gordien : Alexandre le Grand est venu trancher. Alors, sur les mariages forcés, malheureusement, ça va... On aurait aimé travailler dessus assez rapidement. À moins que la ministre décide que ces articles-là devraient passer tout de suite. On verra, mais moi, j'ai une petite crainte.

Dans les crimes motivés par la haine d'une race ou d'une origine ethnique et déclarés par la police, le fondement de cette loi, le principe, c'est de protéger les gens des discours haineux. J'ai ici ce qui nous a été suggéré. Je pense que c'est le conseil juif qui est venu nous présenter ça, d'une communauté juive. Il nous a dit... Il nous a référés à Statistique Canada. C'est assez surprenant, ce qu'on a appris : d'abord, que le nombre de crimes motivés par la haine d'une race ou d'une origine ethnique et déclarés par la police au Canada en 2013 visaient d'abord les Noirs. C'est la grande majorité, c'est au-delà de 50 %, presque 60 %. Les seuls groupes qui représentaient la communauté noire qui sont venus à l'Assemblée nationale, en commission parlementaire, nous voir nous ont dit : Ne prenez... ne faites pas cette loi. Les principales victimes des discours haineux en matière de race et d'ethnie sont venues nous dire : N'adoptez pas cette loi, nous préférons l'éducation et la prévention. Ils sont venus nous le dire. C'est eux, les principales victimes. Je ne sais pas si on réussit à voir dans ce petit tableau, là, mais l'immense majorité des crimes haineux, c'est contre eux. Ils ont dit : N'adoptez pas cette loi. Quelle est la justification du gouvernement? La deuxième, les Asiatiques de l'Est et du Sud-Est, du Sud, ensuite les Arabes et les Asiatiques, mais la grande, l'immense... près de 60 % des crimes haineux sont contre les Noirs. Ils ont dit : Ne faites pas cela.

Les religions, les crimes haineux contre les religions, crimes motivés par la haine d'une religion et déclarés par la police, population ciblée, l'immense majorité, l'immense majorité des crimes haineux sont contre les Juifs. Les représentants des Juifs sont venus nous voir et ont dit : N'adoptez pas cette loi. J'en ai encore vu hier soir qui étaient là, ils sont venus à la soirée Québec-Italie et ils m'ont répété : Mon Dieu, n'adoptez pas cette loi! Ce sont eux, les principales victimes des crimes haineux en matière de religion. Ils sont pour l'éducation, la prévention, c'est ça qui fait avancer une société.

Je suis membre de la communauté gaie. Les LGBT sont venus nous dire, les associations, sauf la Fondation Émergence, qui n'avait pas vu ça sous cet angle-là, je le dis, là... Ils ont dit : Ah! avez-vous vu que ça pourrait être contre vous? Ils ont dit : Non. Ah! O.K. On pensait être protégés, mais effectivement on n'a pas vu que ça pourrait être un discours religieux contre les gais qui nous attaque. Alors, les LGBT disent : Non, n'adoptez pas cette loi. Ils sont venus, les grandes coalitions sont venues nous dire : Ce n'est pas le bon moyen. Le bon moyen, c'est l'éducation et la prévention.

Donc, les principales victimes de discours haineux en matière de race et d'ethnie, et l'immense majorité, là, 60 %, les principales victimes en matière de crimes religieux, les Juifs, immense majorité, près de 50 %, et les LGBT sont venus nous dire : N'adoptez pas cette loi. La justification de la ministre ne tient pas la route, le gouvernement doit y réfléchir et entendre les appels. La prévention, l'éducation sont des outils majeurs, et c'est comme ça qu'on a fait changer les choses au Québec.

Je ne dis pas de ne pas faire la lutte à la radicalisation. Au contraire, je le dis, nous avons salué le plan de lutte à la radicalisation, mais ce n'est pas une loi contre la radicalisation, ce n'est pas une loi de protection des jeunes. Il y a quelques ajouts pour la DPJ, d'accord, ça, c'est dans la deuxième partie, mais ce n'est pas une loi qui atteint les objectifs sociétaux auxquels nous avons envie de nous associer.

Là-dessus, je vais citer la députée de Gouin qui... je ne sais pas encore où son parti va se loger dans ce débat-là, c'est un peu difficile à saisir pour le moment, mais voici ce qu'elle nous dit dans le débat du 18 février 2015. Félicitations, Mme la députée de Montarville, vous avez fait beaucoup jaser.

Là, je cite Mme la députée de Gouin : «Deuxième paragraphe, on nous dit : Il faut reconnaître la nécessité de défendre des valeurs auxquelles adhèrent la nation québécoise et qui sont contenues dans notre charte des droits et libertés. Bien évidemment qu'il faut les défendre, ces valeurs, mais la question, c'est : Comment? Comment combattre les idées défendues par des individus porteurs de valeurs rétrogrades, voire obscurantistes? Pour moi, pour Québec solidaire, c'est d'abord et avant tout par le débat, par l'éducation, par l'inclusion et par des mesures qui visent à contrer les terreaux sur lesquels s'appuient les intégristes, en tout premier [lieu] : la lutte aux inégalités, au racisme, à l'exclusion.»

Je cite encore : «Elle veut interdire — elle parlait de la motion — les expressions qui nient nos valeurs communes, soit en faisant la promotion de la haine — et je rappelle qu'à ce chapitre c'est déjà couvert par le Code criminel», donc la députée de Gouin reconnaît que c'était déjà couvert par le Code criminel, «soit, et je cite, "en incitant au mépris et à la marginalisation d'une personne ou d'un groupe de personnes sur la base d'un motif de discrimination interdit"». On voit qu'il y a un petit peu de la CAQ dans le projet de loi n° 59, dans le sens où ils sont allés rechercher une partie de vos idées.

Alors : «C'est absolument vrai que des individus et des organismes utilisent la liberté d'expression que nous avons au Québec pour dénigrer des personnes ou des groupes marginalisés. [...]Est-ce qu'il faut sanctionner les gens qui se permettent des blagues sexistes et homophobes plus que douteuses[...]? Ou alors est-ce que l'éducation et le débat sont les meilleurs moyens que nous avons pour réagir?» Ça fait pas mal de monde de notre bord, Mme la Présidente, pas mal de monde de notre bord.

Alors, j'ai cité déjà, pour terminer, le mémoire du Barreau : parlant. J'ai expliqué un peu les positions des fédérations d'écoles, cégeps et enseignement privé qui sont venus nous dire à quel point ce projet de loi n'atteignait pas sa cible. J'ai peu parlé du Mouvement laïque, on s'y attardera. Le Mouvement laïque québécois aurait pu dire : Oui, c'est intéressant parce qu'on va lutter contre les propos haineux incitant à la violence des imams religieux, par exemple. Il y en a certains... De certains, certains imams, pas tous. Il ne faut pas tous les mettre dans le mettre paquet. De certains. Mais, non, le Mouvement laïque dit : Non, non, pas comme ça, pas comme ça, ce n'est pas un bon moyen. On parle toujours du moyen, là, ici.

Alors, un des mémoires qui a le plus lancé le débat, c'est le premier, c'était le mémoire présenté par Les Juristes pour la défense de l'égalité et des libertés fondamentales, représentés par Me Julius Grey et Me Julie Latour. Le résumé de leur mémoire parle beaucoup : «Nous sommes — je cite, je cite le début, là, le résumé — également très inquiets de constater les atteintes potentielles à la liberté académique qui y sont instaurées [et] avec l'avènement d'un pouvoir unilatéral et non balisé pour le ministre de l'Éducation d'"enquêter sur tout comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique et morale des élèves".»

Donc, sur la sécurité morale, ils sont d'accord avec nous, mais sur le projet de loi lui-même : «Nous sommes des juristes spécialisés en droit constitutionnel et en droit public, de tous âges et de tous horizons, mus par la vive inquiétude que suscite en nous la volonté du projet de loi n° 59 d'inscrire dans la Charte des droits et libertés de la personne et dans la législation québécoise des dispositions contre les discours haineux ou incitant à la violence, en duplication avec les dispositions qui existent déjà au Code criminel — articles [318 à] 320 notamment. Nous estimons que le projet de loi n° 59 générerait des entraves majeures et injustifiées à la liberté d'expression de tous les citoyens du Québec et à la liberté académique. Loin de favoriser le vivre-ensemble et la cohésion sociale, nous croyons que les dispositions proposées risqueraient de créer un climat social de suspicion aux effets délétères, aux effets délétères.»

Voilà. La pile de mémoires, là, qui dit qu'il ne faut pas aller là, elle est épaisse comme ça, et je n'ai pas imprimé ceux qui sont sur Internet. On est de plus en plus environnementalistes, on ménage le papier, mais on peut remonter un peu la pile.

Dans le temps, le bref temps qui m'est imparti, Mme la Présidente, je voudrais conclure en disant que, bien sûr, on va collaborer, on collabore tout le temps aux projets de loi, on essaie de les améliorer. Le problème que nous avons dans cette loi, c'est que la matière de base, la première partie n'a pas... on n'a pas d'annonce d'amendement solide, sérieux, fondamental dans un projet de loi qui a été totalement décrié par la grande majorité des gens qui sont venus.

• (13 heures) •

Alors, de ce côté-là, Mme la Présidente, c'est évident qu'on ne pourra pas être pour le principe de cette loi-là. Nous ne pourrons pas être pour le principe parce que nous n'avons pas eu ce dont nous avions besoin : une intention claire et forte du gouvernement d'amener des changements sérieux, profonds à cette idée mauvaise de créer un tribunal parallèle, de créer un système de droit parallèle, d'amener une liste noire — je n'en reviens pas — des sanctions pour rattraper des jeunes, en fait, un système juridique parallèle qui ne devrait pas exister et qui, en plus, ne devrait pas être confié à la commission des droits des personnes et la commission des droits de la jeunesse, parce qu'elle n'en a — d'abord, elle a une intention qui a été émise au départ, étonnante d'eux — pas les moyens, Mme la Présidente. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, je vous remercie, Mme la députée de Taschereau et leader adjointe de l'opposition officielle.

Compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, chers collègues, veuillez prendre place. Nous allons poursuivre l'adoption du principe du projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Et, avant la suspension temporaire, nous en étions rendus à l'intervention de Mme la députée de Montarville. À vous la parole pour votre intervention, Mme la députée.

Mme Nathalie Roy

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Écoutez, je ne suis pas une vieille politicienne, j'ai peu d'expérience, on apprend à chaque jour. Et je dois dire aux gens qui nous écoutent qu'on est ici pour parler du projet de loi n° 59, le fameux projet de loi dont le titre spécifie qu'il doit lutter contre les discours haineux, les discours incitant à la violence.

Et c'est un projet de loi dont nous attendions beaucoup, ma formation politique, et également, je pense, la population. C'est un projet de loi que nous attendions, et nous l'avons réclamé à plusieurs reprises, d'ailleurs, à la ministre parce qu'il se passe quelque chose au Québec qui... Ma collègue de l'opposition officielle en faisait mention, des événements — j'y reviendrai tout à l'heure — qui ont bousculé la façon de voir les choses des Québécois, et qui nous ont bousculés, et qui nous ont blessés dans nos convictions, et qui nous ont blessés comme société, et le gouvernement libéral nous avait promis un vaste plan pour contrer la radicalisation des jeunes. Parce que c'est de ça dont il s'agit, la radicalisation des jeunes — c'est important de le dire — et le projet de loi n° 59 s'inscrivait dans cette vague d'actions prises par le gouvernement. Alors, vous comprendrez que j'ai salué la ministre, au printemps dernier, lorsqu'elle a déposé ce fameux projet de loi, puisque nous l'attendions, nous l'attendions depuis plus d'un an. Force est de constater, à la lecture de ce projet de loi et de ses articles, que j'ai été très, très surprise, et je vous dirai pourquoi tout à l'heure.

Puis je vous rappellerais aussi, M. le Président, que, dès février 2015, nous avions déjà fait une sortie médiatique qui avait été soulignée et remarquée par le gouvernement, d'ailleurs, et les autres partis, puisque nous demandions des choses très précises pour nous attaquer aux discours... mais aux discours de ces prédicateurs autoproclamés qui endoctrinent nos jeunes. Alors, on était bien précis, hein? C'étaient des discours très précis auxquels nous voulions que le gouvernement réagisse, et nous demandions — oui, c'est ce qu'on appelle en droit... — nous demandions, effectivement, que la liberté d'expression, à cet égard, à l'égard de ces discours qui sont prononcés pour endoctriner les jeunes, pour les amener à vouloir quitter le Québec pour aller se battre en Syrie, pour aller faire le djihad... donc, nous voulions spécifiquement que ces discours qui touchaient nos jeunes, qui endoctrinaient nos jeunes, ce genre de lavage de cerveau dont ils étaient victimes et qui les influençait soient interdits.

Et, mon Dieu! le gouvernement avait fait les hauts cris quand je suis sortie au mois de février dernier pour dire ça. J'étais Satan, je m'attaquais à la liberté d'expression. C'était épouvantable, ce que la CAQ faisait, ça ne tenait pas la route. Ça n'avait pas de bon sens, on attaquait directement la liberté d'expression, c'était horrible. Et je me souviens très, très bien de... j'avais questionné la ministre à cette époque et je me souviens très, très bien de la réaction du leader du gouvernement officiel, qui avait dit que les droits et libertés, que la liberté d'expression étaient beaucoup mieux protégés par l'actuelle ministre de la Justice que par elle — «elle» étant la députée de Montarville — qui avait soumis qu'on devait s'attaquer aux propos des prédicateurs autoproclamés qui endoctrinent les jeunes.

C'était ça, l'essentiel de notre point. On ne disait pas : Il faut faire fermer la trappe à tout le monde, ça prend une police de la parole, il faut censurer tout le monde. On n'a plus le droit de parler, on n'a plus le droit de s'exprimer. Ce n'est pas ce que nous disions, nous étions très précis sur le type de discours et d'intervenants qui allaient endoctriner les jeunes. Parce que c'est de ça qu'on parle, la lutte contre la radicalisation, ces jeunes à qui on lave le cerveau et qui passent à l'acte. Parce que c'est très grave, on parle ici d'actes de terrorisme, on parle de meurtres, on parle d'une radicalisation épouvantable. Et c'est un phénomène occidental, puis on ne connaissait pas ça au Québec il y a une quinzaine d'années. Là, force est de constater que c'est une nouvelle réalité qui nous frappe.

• (15 h 10) •

Donc, je vous disais que, d'entrée de jeu, lorsque la ministre a déposé sa loi que nous lui avons réclamée, et nous étions... enfin, on avait quelque chose, on avait un projet de loi entre les mains qui allait, nous l'espérions, régler cette problématique, cet endoctrinement, ce lavage de cerveau, j'ai été extrêmement surprise de constater que les propositions de la ministre étaient de loin beaucoup plus larges que ce que nous lui avions soumis en février dernier et j'ai été très, très surprise de voir jusqu'à quel point son projet de loi porte atteinte à la liberté d'expression et va beaucoup plus loin, je vous dirais mille fois plus loin que ce qu'on suggérait. Alors, je pense qu'il y a des nuances importantes à faire, et c'est important de le dire aux gens qui nous écoutent, très important de le dire aux gens qui nous écoutent.

Et, d'entrée de jeu, je vous disais : Je suis une jeune parlementaire, je commence — quoique j'ai 51 ans, mais je suis jeune parlementaire — je suis depuis trois ans ici, et il y a une chose que j'ai découverte et que les gens doivent savoir de la façon dont ça fonctionne, c'est extrêmement important, les fameuses commissions parlementaires, la tenue de ces consultations lorsqu'un projet de loi est déposé. Alors, Mme la ministre nous a déposé le projet de loi n° 59 au printemps dernier. La commission et ses audiences, ses consultations ont commencé au mois d'août dernier. Et je veux vous dire que c'est extrêmement important et que c'est extrêmement formateur parce que nous nous faisons une tête en tant qu'élus, en tant que députés, en tant que parlementaires. Nous lisons le projet de loi, nous l'analysons avec des juristes, nous le décortiquons, mais ce que les gens viennent nous dire a une extrême valeur. Mme la ministre le disait à juste titre, nous avons reçu 38 groupes, et des groupes choisis, des groupes ciblés, justement, en raison de la délicatesse du sujet parce que, oui, c'est un sujet qui est délicat, oui, il faut faire attention.

Donc, les groupes que nous avons entendus nous ont beaucoup appris. Et ce qui m'a impressionnée, c'est la mesure avec laquelle la majorité de ces groupes étaient inconfortables avec cette atteinte à la liberté d'expression que le projet de loi n° 59 va édicter, et j'ai été extrêmement surprise de constater... Mme la ministre disait : Ils étaient d'accord avec l'objectif. Certes, oui, plusieurs étaient d'accord avec l'objectif du projet de loi. Cependant, on ne s'entendait pas sur la façon, la manière d'y arriver. Et d'accord avec l'objectif, on ne peut pas être contre la vertu. Il n'y a personne qui peut être contre le fait de vouloir s'attaquer à l'endoctrinement des jeunes, à ces discours radicaux, mais ce n'est pas si simple que ça, et c'est la façon d'y arriver. Et, à la lumière des commentaires des gens que nous avons entendus, commentaires que j'ai trouvés fort édifiants, j'ai été, d'une certaine façon, confortée dans notre première appréciation du projet de loi parce que plusieurs des intervenants, la très grande majorité, disaient comme nous, disaient ce que nous avions dit lorsque le projet de loi a été déposé, que ce projet de loi est beaucoup trop large, est beaucoup trop vaste et rate sa cible.

Alors, je vous rappelle la mise en contexte. C'est un vaste plan pour contrer la radicalisation, plusieurs ministères sont impliqués. On lit la loi, le p.l. n° 59 — j'imagine que tous les collègues du gouvernement l'ont lu — et on se rend compte que, dans ce projet de loi, le mot «radicalisation», là, oubliez ça, M. le Président, il ne s'y trouve même pas. Donc, écoutez, le principe du projet de loi — parce que c'est bien du principe du projet de loi que nous débattons actuellement — dans sa forme actuelle, ne pourra pas obtenir l'appui de ma formation politique pour la simple et bonne raison que la ministre de la Justice, à la lumière des audiences que nous avons eues et à la lumière aussi de l'excellente revue de presse qu'a faite ma collègue de l'opposition officielle — que je ne répéterai pas, là, je vous en ferai grâce, mais, effectivement, la revue de presse était édifiante — donc, la ministre de la Justice a été incapable de recueillir l'acceptabilité sociale nécessaire pour assurer la légitimité de ce projet de loi.

Il y a eu énormément d'opposition, et de l'opposition justifiée, d'autant plus qu'actuellement, au moment où on se parle, là, on ne sait pas sur quel projet de loi nous votons. Parce que je vous rappelle que le premier ministre, à la sortie du caucus présessionnel, en août dernier, si je m'abuse — ou début septembre, mais je pense que c'était en août, 27, 28 août — avait demandé, justement, à la ministre de revoir son projet de loi n° 59, de retourner faire ses devoirs et d'amender le projet de loi, donc on nous demande de se prononcer sur un projet de loi qui, aux yeux mêmes du premier ministre, devra être complètement retravaillé. Donc, sur quoi on va travailler en bout de ligne? On ne le sait pas. Alors, dans sa forme actuelle, on ne peut pas voter pour ce projet de loi tel qu'il est.

Certes, écoutez-moi bien, nous avons besoin d'une loi pour protéger les valeurs fondamentales des Québécoises et des Québécois contre cette menace intégriste que leur posent les agents de radicalisation qui dénigrent nos droits et libertés et qui fomentent la haine et la violence chez nos jeunes, parce que c'est bien de ça qu'il s'agit. Or, ce projet de loi dont nous avons besoin — nous avons besoin de quelque chose — eh bien, ce n'est pas le projet de loi n° 59, pas à la lumière de la façon dont il est écrit actuellement.

Et, je vous l'ai dit d'entrée de jeu — et je pense qu'il est important de le répéter — que, cette dernière année, le Québec a été le théâtre non seulement de discours méprisants, discours haineux à l'endroit des valeurs démocratiques que nous chérissons, mais également et, malheureusement, le Québec a été le théâtre d'un attentat meurtrier, un attentat perpétré par un jeune au nom de la religion après qu'il se soit converti, qu'il ait été endoctriné. Et là je ne vous parle pas non plus de l'attentat qui est survenu sur la colline Parlementaire à Ottawa, encore là un jeune Montréalais endoctriné, radicalisé qui, au nom d'une religion, s'en va commettre l'irréparable. Puis je ne vous parle pas non plus des attentats de Charlie Hebdo qui se sont passés en France. Il y a quelque chose qui s'est passé, il fallait agir. C'est pourquoi nous avions demandé — et nous l'avons fait à répétition — au gouvernement libéral qu'il dote le Québec des outils nécessaires pour lutter contre cette menace, pour lutter contre l'intégrisme religieux et la radicalisation.

Parce que, M. le Président, ça existe, l'intégrisme religieux. D'ailleurs, nous avons beaucoup apprécié, lors des audiences de cette consultation lors du projet de loi n° 59, le témoignage de Mme Fatima Houda-Pepin, que je salue, qui, vraiment, est une mine intarissable d'information sur le sujet et qui est venue nous dire : Attention! l'intégrisme religieux existe, il existe, et c'est à ça qu'il faut s'attaquer. Et d'ailleurs, ce matin, à la période des questions, c'est justement l'essence même de ma question, la troisième question, la deuxième complémentaire, est-ce qu'on va s'attaquer à cet islamisme radical? Parce que ce n'est pas le Coran, ce n'est pas les musulmans, le problème, c'est l'islamisme radical. On n'a qu'à voir les attentats qui ont été commis, c'est mouvant, c'est ce qu'on peut lire, il se passe quelque chose, il faut agir. Nous ne croyons pas que le p.l. n° 59 s'y attaque, pas plus que nous croyons que tout le plan de radicalisation s'y attaque vraiment.

Le projet de loi n° 59 constitue peut-être un pas dans la bonne direction. Parce que, oui, Mme la ministre, je salue qu'il y a de très bonnes choses là-dedans, très bonnes choses concernant les mariages forcés, ces jeunes filles qui... M. le Président, ce qu'on a appris, c'est qu'on ne les marie pas de force ici, on les envoie en voyage durant l'été, puis elles reviennent, puis elles sont mariées avec quelqu'un de beaucoup plus âgé, puis ce n'était pas leur choix. Eh bien, ça, ça existe au Québec, et on s'est fait donner des chiffres. Moi, j'ai demandé à certaines organisations des chiffres, et les chiffres sont afférents dans la mesure où c'est un phénomène qu'on ne connaissait pas, qui n'était pas comptabilisé, il y a une quinzaine d'années, mais maintenant on nous dit : Bien, oui, une vingtaine, une trentaine, une quarantaine de cas. Bien, 40 petites filles, au Québec, qui se font marier de force, c'est 40 de trop. Donc, il y a quelque chose, et c'est à ça qu'il faut s'attaquer, et je salue les mesures de la ministre qui sont dans ce projet de loi pour contrer les mariages forcés. Mais ça, c'est un autre volet du projet de loi. Ce volet-là, il est bon. Donc, c'est un pas dans la bonne direction, mais pas à tous les égards.

Les consultations particulières, les avis d'éminents juristes et la réaction de la population démontrent que ce projet de loi crée davantage de craintes qu'il n'en apaise. Comme je vous dis, je ne vous referai pas la nomenclature de la revue de presse, mais on a pu lire abondamment, autant des éditoriaux que des journalistes, qu'il y avait un problème, puis il y avait un problème, entre autres, à l'égard de la liberté d'expression, qu'il y avait... enfin, il y avait un problème, mais il y avait plusieurs problèmes, certaines faiblesses qu'on appelle des faiblesses majeures.

Un message clair a été lancé à la ministre dans le cadre des consultations et dans l'espace public médiatique. Et, je l'ai dit dès ce printemps, dès le dépôt du projet de loi par la ministre, et je vais le répéter, le p.l. n° 59 rate sa cible, ne s'attaque pas à la menace qu'on veut réellement éradiquer au Québec, soit l'intégrisme religieux, l'endoctrinement idéologique qui mènent à la discrimination et au radicalisme violent. C'est ce qui préoccupe réellement les Québécois. Pourtant, ces concepts et ces mots que je viens de vous dire ne se trouvent pas du tout dans le projet de loi.

• (15 h 20) •

Je vous disais tout à l'heure que le mot «radicalisation» n'était pas dans le projet de loi. Le mot «endoctrinement» n'est pas dans le projet de loi. Les mots «intégrisme religieux», les mots «dérive religieuse» ne sont pas dans ce projet de loi. Alors, vous voyez que la cible est beaucoup trop large, il faut être précis.

L'absence de définition aussi... Parce que c'est une loi qui s'attaque aux discours haineux. «Discours haineux», c'est une notion qui peut sembler large à à peu près toute la population qui n'a pas fait de cours de droit et qui n'est pas allée lire toute la jurisprudence qui nous explique ce que c'est qu'un discours haineux. Alors, l'absence de définition de «discours haineux» dans le projet de loi, malgré la jurisprudence — et jurisprudence qui doit guider la commission des droits et libertés de la personne dans l'application de la loi — bien, ce manque de définition, ça a soulevé énormément de craintes chez plusieurs groupes quant à sa portée et quant aux conséquences sur la liberté d'expression. Mais la ministre en a glissé, d'ailleurs, souvent... en a glissé plusieurs mots et a entendu ce message-là, et je salue le fait qu'elle ait entendu ce message-là. Mais ce projet de loi est tellement large et flou que des agents de radicalisation islamistes comme Adil Charkaoui, par exemple, qui ont semé la haine dans le coeur de jeunes qui sont partis en Syrie faire le djihad, qui pensaient pouvoir s'en servir pour se protéger et leur permettre, à ces agents, de faire avancer les préceptes intégristes au Québec et de continuer à dénigrer nos valeurs fondamentales... alors je ne sais pas si vous voyez l'ironie de la chose.

Lorsque nous avons reçu plusieurs groupes, la majorité exprimaient plusieurs craintes, mais certaines personnes qui nous disaient : Il n'y a pas de problème, puis la ministre devrait aller encore plus loin... bien, c'est un imam radical qui est venu nous dire qu'on devrait aller tellement plus loin, qu'on devrait mettre dans ce projet de loi là qu'on n'a même pas le droit de rire des religions ni des dieux des religions. Écoutez, quand on vient nous dire ça, quand on vient nous dire au Parlement qu'on devrait censurer à ce point-là puis qu'on est bien d'accord avec le projet de loi n° 59, moi, ça soulève des craintes. Ça me soulève des craintes sur la perception, la perception que certains peuvent avoir de l'utilité d'interdire discours haineux, discours incitant à la violence tous azimuts.

Le Barreau du Québec, également Me Julius Grey et Me Julie Latour, qui sont des juristes spécialisés dans le domaine — vous les connaissez, c'est des spécialistes — également un groupe de défense des droits des communautés noires et juives, et même des musulmanes, des musulmanes sont venus nous dire que l'absence de balises claires dans ce projet de loi soulève d'importantes craintes. Il est trop large, trop flou, trop attentatoire.

Je vous soumets que l'objectif de ce projet de loi ne devrait pas être de prévenir et de lutter contre les discours haineux, comme l'indique son titre, bien que leur proscription doive en faire partie, mais ce projet de loi devrait plutôt viser à prévenir et à lutter contre leur principale cause, soit les prêches et les enseignements intégristes qui encouragent le dénigrement de nos valeurs et de nos libertés démocratiques. C'est à la racine du mal qu'il faut s'attaquer, pas au mal une fois qu'il est là.

Malheureusement, le gouvernement libéral a été incapable de nommer les vraies affaires dans ce dossier-là. Nulle part dans ce projet de loi ne retrouve-t-on les mots qui sont au coeur du problème. Nous, ça nous dérange, et puis ça dérange la population. Pourtant, je reviens à ces spécialistes, Me Julius Grey, notamment, et d'autres spécialistes sont venus nous dire qu'il serait possible de cibler les prêches et les enseignements intégristes qui visent à endoctriner et à fomenter la haine. Et je lui ai personnellement posé la question — pourquoi me priver d'une expertise, de celle de Me Grey, pour le dire? — ce qu'on avançait en février lorsqu'on lui disait : Nous devrions cibler le discours, Me Grey, vous êtes une sommité, dites-nous, est-ce que c'est faisable? Le gouvernement était monté aux barricades en disant qu'on était complètement fous, là. Bien, il dit oui. Il dit : Oui, des propos qui visent l'embrigadement — ça, c'est pour utiliser son terme — oui, on peut les circonscrire, oui, on peut faire une limite à la liberté d'expression pour des propos qui visent l'embrigadement. Croyez-moi pas, là, M. le Président, c'est Me Julius Grey qui l'a dit. Donc, il faut être précis. Quand on précise trop, on exclut, me répondra la ministre. Je lui répondrai : Quand on précise trop peu, on inclut peut-être trop aussi, et c'est le cas ici avec le projet de loi n° 59.

Certes, on en a parlé, là, en long et en large. La Cour suprême a dressé des balises dans ses jugements, le fameux arrêt Whatcott de 2013 notamment. Or, il y a quand même des risques de subjectivité qui demeurent, et la ministre ne peut pas ouvrir une porte aussi large et donner une telle carte blanche à la Commission des droits et libertés de la personne malgré toute la compétence et l'intégrité des gens que nous avons mis en place dans cette organisation névralgique pour la protection des droits et libertés québécoises. Ces balises doivent être codifiées pour des raisons de clarté et de pédagogie. C'est important de dire qu'on est ici en droit civil. Ce n'est pas du common law, ce n'est pas la jurisprudence, il faut être précis.

Or, si les définitions ne sont pas resserrées, mieux encadrées, ce projet de loi ne permettra pas d'atteindre l'objectif qu'il poursuit implicitement. Je vous ramène au grand plan de lutte contre la radicalisation des jeunes, donc ce projet de loi ne permettra pas d'atteindre l'objectif qu'il poursuit implicitement, soit de mener la lutte à l'intégrisme religieux et de prévenir la radicalisation, car la menace n'y est pas clairement identifiée, et on n'y retrouve aucun de ces concepts clés.

Le projet de loi ne précise pas la définition du concept de discours haineux. Ce flou s'avère problématique et soulève des préoccupations chez bon nombre d'intervenants dans la population et, notamment, chez des juristes réputés quant aux risques — et là ce sont les risques inhérents à ça — de plaintes frivoles, de censure excessive et d'interprétation subjective de la part des 13 membres de la Commission des droits de la personne qui risqueraient de porter atteinte à la liberté d'expression. S'ils n'ont pas de définition claire, autant d'individus, autant de définitions.

En assumant que cette nouvelle infraction serait traitée par la Commission des droits de la personne et le Tribunal des droits de la personne en respectant les balises dessinées par la Cour suprême du Canada au sujet des discours haineux, la ministre de la Justice mine quand même l'acceptabilité de ce projet de loi auprès de la population. Aller dire aux gens que ça sera les balises de l'arrêt Whatcott, les balises de la Cour suprême, ça ne veut rien dire. Il faut être précis, il faut dire précisément ce que sont les discours haineux.

Selon la jurisprudence, et là je la cite... Parce que vous allez voir jusqu'à quel point, pour un néophyte ou un non-initié, c'est compliqué, selon la jurisprudence — là, je cite le texte — voici ce que c'est qu'un discours haineux : «Les propos haineux constituent une façon de tenter de marginaliser des personnes en raison de leur appartenance à un groupe. Au moyen de messages qui exposent à la haine le groupe visé, le propos haineux cherche à dénigrer les membres du groupe aux yeux de la majorité en attaquant leur statut social et en compromettant leur acceptation au sein de la société.» Ils doivent être — ces propos — virulents, et extrêmes, et sous-tendre une aversion profonde qui ne saurait exprimer une simple opinion, une moquerie ou des propos véhiculés de bonne foi dans le cadre d'une discussion argumentée en public, par exemple.»

Fiou! Ça, c'est la définition de ce que c'est. Comment les gens vont-ils s'y retrouver? Comment les gens qui voudront porter plainte pourront dire : Bien oui, bien oui, ça répond carrément aux critères de la jurisprudence?

On change de registre. Ça, c'est pour le manque de clarté de la définition et l'absence de définition de «propos haineux». Au niveau des sanctions, il y a des sanctions, dans ce projet de loi. C'est un projet de loi qui, naturellement, a été... Ça a été répété, là, maintes et maintes fois, mais, je vais vous le dire une nouvelle fois, qui reprend essentiellement les dispositions du Code criminel. Parce que c'est prévu au Code criminel de porter plainte à la police, et ensuite la police fait enquête, et là, s'il y a lieu, des accusations sont portées, la couronne porte des accusations contre la personne qui aurait tenu des propos haineux. Donc, ce projet de loi reprend essentiellement les dispositions qui sont prévues au Code criminel, et, selon nous, bien, faire ça et ne faire que ça, on rate la cible. Ce n'est pas nécessairement d'un dédoublement qu'on a besoin, même si toute l'application de la preuve est différente, j'en conviens, et je n'embarquerai pas là-dessus pour endormir les gens qui nous écoutent. On aurait aimé, on aurait apprécié que le gouvernement soit plus créatif, et j'y reviens, mais cible le discours précis, très précis.

Par ailleurs, il y a des sanctions qui sont prévues au projet de loi, des sanctions qui, selon nous, n'ont pas été assez loin, dans la mesure où elles ne sont pas assez créatives, et je vous donne un exemple. Nous avions proposé des avenues de sanction en février dernier, mais on ne les a pas retrouvées dans ce projet de loi, et je m'explique.

• (15 h 30) •

Avec ce projet de loi, les activités des corporations religieuses qui diffusent ou facilitent la tenue de discours haineux continueront d'être indirectement subventionnées par les contribuables du Québec par l'entremise de généreuses exemptions fiscales. Les corporations religieuses recevront toujours leurs exemptions fiscales. Moi, je ne comprends pas, ça me dépasse. On donnait une piste de solution ici. Ça fait des mois qu'on demande au gouvernement de sanctionner les organisations religieuses, et on martèle l'importance de réitérer ces privilèges que reçoivent ces corporations religieuses si elles contreviennent, par exemple, au projet de loi n° 59 ou à un autre projet de loi, mais si, justement, elles s'en prennent, par leurs discours, à l'endoctrinement des jeunes, parce que, n'oubliez pas, là, la cible, là, c'est de contrer la radicalisation des jeunes, là... Donc, ça fait des mois qu'on dit : Pourquoi ne pas aller là? Depuis février qu'on le dit.

Vous savez, il y a même... on avait eu des discussions, l'ancien député de Fabre, il aurait déjà plaidé en faveur d'une telle mesure au sein du caucus libéral. Donc, ce n'est pas complètement fou, ce qu'on a dit, là. Il y a des choses là-dedans qui ont de l'allure, mais le manque d'écoute à l'égard de ses collègues, enfin, ça a donné ce que ça a donné. Malheureusement, le député de Fabre n'est plus là avec nous. J'aurais aimé qu'il soit là pour participer au débat, il n'est plus là.

La ministre nous dit donc que son gouvernement, en ne sanctionnant pas les organisations religieuses, bien, va continuer à piger dans les poches des contribuables pour subventionner les activités de propagande intégristes d'organismes dont les enseignements véhiculent les mêmes idées haineuses visées par son projet de loi. La réalité, c'est qu'on ne touche pas aux organisations qui se veulent des organisations religieuses. Pourtant — je vous ramène dans l'actualité — il y a quelques mois — et ça, ma collègue de la première opposition l'a omis dans sa revue de presse — on apprenait que deux réseaux islamistes intégristes au Québec qui se réclament des Frères musulmans sont propriétaires d'écoles et de lieux de culte au Québec et bénéficient d'au moins un demi-million de dollars par année en exemptions.

Alors, les exemptions, pour les gens qui nous écoutent, on parle d'exemptions de taxes municipales et de taxes scolaires. Donc, en ne touchant pas à ces organisations, la ministre leur dit : Bien, écoutez, si vous contrevenez au projet de loi n° 59, vous devrez payer une amende de 10 000 $ à 250 000 $ si on vous attrape, mais on va quand même continuer à subventionner vos pratiques et vos prêches qui sont contraires à nos valeurs.

Il y avait une opportunité, ici, M. le Président, de faire quelque chose, on ne l'a pas fait. Par surcroît, cet argent, compte tenu du fait que ce sont des amendes qu'on retrouve dans le projet de loi pour les organisations qui auront contrevenu, l'argent de ces amendes, elle ira où, M. le Président? Bien, elle va aller dans les coffres de l'État, pas dans celui des municipalités, pas dans les coffres des municipalités, les municipalités qui, elles, ne pourront pas récupérer les précieux dollars qu'elles ont offerts en exemptions de taxes municipales.

Vous savez, on a fait des parallèles. Selon la Loi sur l'intégrité dans les contrats publics, une entreprise qui commet une infraction doit payer une amende, certes. Elle est ensuite mise sur une liste noire et ne peut plus recevoir de contrats publics pendant cinq ans. Alors, moi, ce que je vous soumets bien respectueusement, bien, pourquoi, pourquoi les organisations religieuses, les organismes religieux qui prônent la charia, qui font l'apologie du terrorisme et le financement, dans certains cas, du terrorisme, ne sont pas autant sanctionnés? Le Parlement aurait pu le faire, le gouvernement aurait pu le faire.

Mais, non, ce n'est pas le nom des contrevenants qui ont été jugés par le tribunal qui devrait être mis sur une liste publique. Parce que, dans le projet de loi n° 59, les contrevenants qui auront été reconnus d'avoir eu des discours haineux ou incitant à la violence vont être mis sur une liste noire. On va avoir le nom de ces gens-là, mais ce n'est pas le nom de ces gens-là qui devrait être mis sur une liste, mais ce sont le nom et les noms des organismes qui devraient être sanctionnés qu'on devrait mettre sur cette liste. Il faut savoir quel organisme religieux ou qui se dit un organisme religieux a des liens avec des organisations terroristes. Il faudrait le savoir, il faudrait le dire, il faudrait l'écrire en quelque part.

Vous savez, le gouvernement fédéral a été proactif à cet égard. Il y aurait peut-être des exemples à prendre. Il y a des organisations de bienfaisance, des organisations religieuses qui ont perdu les exemptions d'impôt auxquelles elles avaient droit en fonction de la fiscalité fédérale parce qu'elles avaient des liens avec les Frères musulmans, entre autres. Ici, qu'est-ce qu'on fait au Québec à cet égard? Rien. Ça aurait été une opportunité, je pense, de faire quelque chose, et je pense que la population aurait apprécié.

Donc, nous vous disons que les personnes morales, les corporations religieuses devraient être inscrites sur une liste. C'est ce que nous croyons, c'est ce que nous avons suggéré.

Et je vous rappellerai d'ailleurs... Et ça, c'est intéressant parce que c'était d'ailleurs une question de Mme la ministre lors de la tenue de ces audiences. Mme la ministre a questionné M. le maire de Montréal. Denis Coderre est venu faire un tour, et, lors de son témoignage en commission parlementaire, le maire de Montréal, M. Coderre, a non seulement invité le gouvernement à mieux définir les termes utilisés dans son texte de loi, ce que nous disons depuis tout à l'heure, vraiment il y a des définitions qui doivent être apportées, mais aussi il a invité le gouvernement à doter les municipalités de véritables outils afin de lutter contre la radicalisation. Et là Mme la ministre l'a questionné sur nos propositions de février, et il a également dit, suite au questionnement de la ministre, à savoir : Ça a-tu du bon sens, ma collègue de la deuxième opposition suggère que... Bon, eh bien, il a également dit que notre mesure proposée en février dernier concernant les exemptions de taxe municipale en valait la chandelle, que c'était un outil concret qui frappait là où ça fait mal. On connaît le coloré maire de Montréal, c'était clair, c'est une façon de mettre des bâtons dans les roues aux agents de radicalisation. Alors, ça nous réconforte dans notre position de voir qu'il y a des choses qui pourraient être faites mais qui malheureusement ne se retrouvent pas dans le projet de loi. Et nous les avons dites bien avant que le gouvernement le dépose.

Par ailleurs, nous déplorons que le projet de loi n'offre aucun outil aux élus locaux pour leur permettre de prendre des mesures adéquates lorsqu'ils sont confrontés à des situations délicates comme le cas, on s'en souvient tous, de l'imam Chaoui. Nous soutenions, de notre part, en février dernier, que les municipalités doivent pouvoir refuser par résolution, sous recommandation de la Commission des droits de la personne, la délivrance d'un certificat d'occupation s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'un immeuble sera occupé pour mener des activités qui comportent la diffusion d'idées fondées sur la haine, toute incitation ou assistance à des activités discriminatoires ou même terroristes. Ça, donner des outils aux municipalités, ça pourrait les aider lorsqu'on voit ce qui se passe sur le terrain.

Par ailleurs, avec tout le respect que j'ai pour ma collègue de l'opposition officielle, que je salue d'ailleurs, dont je salue la présence, nous ne croyons pas qu'il faille scinder le projet de loi en deux. Pour nous, c'est un tout. La radicalisation, l'endoctrinement et ses conséquences, ça va ensemble. Même s'il n'est pas suffisamment explicite quant à l'objectif poursuivi, sa première comme sa deuxième partie, à ce projet de loi là, visent à mettre des mesures en oeuvre pour protéger les personnes contre les dérives et des pratiques religieuses qui vont à l'encontre de nos droits et libertés, et les deux parties de ce projet de loi partagent donc un esprit et un objectif communs. C'est un aparté, mais nous croyons que c'est un tout qui devrait être pris ensemble.

Mais ce qui nous préoccupe grandement, c'est qu'on est ici pour l'adoption de principe d'un projet de loi, et ce qui nous préoccupe, c'est que le 28 août, dans les journaux, on pouvait lire que le premier ministre a annoncé que le projet de loi n° 59 allait être amendé afin de limiter sa portée aux appels directs à la violence. Ah! Si on limite la portée aux appels directs à la violence... Et je vous rappelle que le projet de loi s'intitule — c'est quand même un titre édifiant — Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes. Donc, Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, quand nous lisons que le premier ministre songe à limiter sa portée aux appels directs à la violence, bien je me dis : Mais qu'est-ce qui se passe avec les discours haineux? On n'en parle plus.

• (15 h 40) •

Les discours haineux que diffusent les prédicateurs religieux et les agents de radicalisation, et ça, c'est important de le dire, n'incitent pas forcément directement à la violence, vous comprenez. Ces agents de radicalisation ou ces prédicateurs autoproclamés peuvent en dire, bien des choses pour endoctriner les jeunes, avant que ce soit : Prends les armes, va faire le djihad. Il y a une gradation dans le propos avant d'arriver là. Mais, si on enlève les discours haineux, qu'on ne garde que les appels directs à la violence, bien on vient de vider pratiquement la loi d'un de ses objectifs, parce que, comprenez-moi bien, il faut parler contre les discours incitant à la haine et incitant à la violence, mais, nous, ce que nous disons, c'est qu'il faut viser spécifiquement les discours qui sont de cet ordre mais qui endoctrinent, parce qu'on lutte contre la radicalisation des jeunes, ne l'oublions pas, même si ce n'est écrit nulle part dans le projet de loi.

Nous avions fait des propositions en février dernier, et d'ailleurs j'ai spécifié à la ministre qu'avant de voter pour le projet de loi il y aurait de nombreux amendements à voir, que nous souhaitons. Et je vais vous faire la nomenclature de quelques modifications que nous souhaitons, que nous avons souhaitées, et c'est le même discours que nous maintenons depuis le début, là.

Ce que nous aurions souhaité voir dans ce projet de loi, c'est, naturellement, préciser la nature des propos interdits et la portée de cette interdiction, tel que nous l'avons proposé en février dernier, en nous fondant sur la jurisprudence. Oui, ça prend des balises, il faut les prendre en quelque part, les balises, mais il faut l'écrire en quelque part. Nous vous soumettons bien respectueusement une suggestion d'écriture pour que les gens puissent au moins avoir une base, alors : «Nul ne peut tenir ou diffuser publiquement, notamment par des enseignements ou des prêches, des propos haineux qui expriment une aversion profonde à l'égard d'un principe énoncé dans la Charte des droits et libertés de la personne et qui sont susceptibles d'inciter à la violence ou à l'hostilité, de promouvoir ou d'encourager un traitement discriminatoire, de porter atteinte à la dignité inhérente de chacun ou d'exposer une personne ou un groupe de personnes au dénigrement, au rejet, à la détestation ou la marginalisation sur la base d'un des 13 motifs interdits de discrimination.» C'est une suggestion, je la soumets bien respectueusement. Parce que, vous savez, lorsqu'on parle de discours haineux ou de discours incitant à la violence, le prédicateur autoproclamé qui est en train de faire un lavage de cerveau sur les jeunes, là, qui est en train de les endoctriner lentement, pas vite, là... Puis on en a vu, hein? On en a vu qui sont partis, puis on en a vu qui heureusement, Dieu soit loué, ont été arrêtés avant de prendre l'avion parce qu'ils avaient un papa, un papa assez vite qui a appelé la police pour dire : Il se passe quelque chose avec ma fille, puis elle est sur le point de s'en aller. Donc, ces gens qui ont un discours... et j'appelle ça un discours dangereux, un discours de radicalisation, d'endoctrinement et d'embrigadement, comme l'a appelé Me Julius Grey. C'est dangereux. Et, les gens qui ont ces discours-là, et je reviens à ma prémisse de départ, ce sont vraiment ces discours d'embrigadement qu'il faut interdire, et ce n'est pas une liberté d'expression tous azimuts qu'il fallait interdire mais bien spécifier le type de discours.

Donc, les gens qui ont ce type de discours, il y a une gradation, il y a une gradation, ce n'est pas du jour au lendemain, mais, à l'heure actuelle, et avec le projet de loi que la ministre nous soumet, ces espèces d'agents de radicalisation pourraient continuer à dire aux jeunes hommes : Vous savez, la femme, là, c'est vous, le patron, puis la femme n'a pas le droit de sortir de sa maison sans un tuteur. Ces folies totalement moyenâgeuses, là, on peut continuer à les enseigner sans problème avec ce qui est écrit actuellement dans le projet de loi n° 59. Donc, si l'essence même du projet de loi n° 59 était d'éradiquer la radicalisation des jeunes, bien il ne faut jamais oublier que le processus de radicalisation, c'est un processus d'endoctrinement très subtil, graduel, pervers, insidieux mais qui arrive à faire son chemin. Et ça ne commence pas avec : Tiens, prends les armes, va te battre contre les méchants, ce n'est pas comme ça du tout que ça se passe.

Autre modification souhaitée : nous souhaitons que le gouvernement clarifie l'objectif du projet de loi en spécifiant la menace qu'il vise à contrer, soit l'intégrisme religieux et la radicalisation. Et je vous ramène — j'y vais de mémoire — en décembre 2013, lorsque le premier ministre a été élu chef de son parti. Lors de son discours, il avait spécifié qu'il fallait lutter contre l'intégrisme religieux et la radicalisation. Ce sont ses paroles. Il nous l'a répété lorsqu'il a été élu premier ministre. Moi, j'applaudissais. Parfait. Mais, quelques mois plus tard, ce n'était plus lutter contre l'intégrisme religieux, parce que l'intégrisme religieux était devenu un choix personnel, pas de problème avec ça, il faut lutter contre les dérives religieuses. Le discours du premier ministre a changé, soit, c'est sa prérogative. Alors, expliquez-moi pourquoi on en est rendu à vouloir lutter contre les dérives religieuses et qu'à nulle part le mot, le mot choisi par le premier ministre n'apparaît dans ce projet de loi. Donc, nous aurions apprécié que le projet de loi soit précis à l'égard de l'objectif.

Autre modification que nous souhaitons, nous souhaitons accorder au Tribunal des droits de la personne les pouvoirs, un, de retirer aux corporations religieuses contrevenantes le privilège de bénéficier d'exemptions fiscales diverses — je vous ai expliqué tout à l'heure — et nous souhaitons accorder au Tribunal des droits de la personne le pouvoir de révoquer par résolution tout certificat d'autorisation d'occupation à l'égard d'un immeuble.

Autre demande, nous aimerions voir accordé au Tribunal des droits de la personne le pouvoir de dissoudre une personne morale constituée en corporation religieuse, naturellement, qui irait en contravention de la loi. Mais ça, ça n'existe pas, on n'en parle pas. Nous aimerions également voir ajouté au projet de loi que l'on inscrive sur une liste publique les corporations religieuses reconnues coupables d'avoir facilité la diffusion de discours haineux dans leur lieu de culte. Ça n'apparaît pas non plus en nulle part. Nous demandons aussi de retirer la liste de personnes reconnues coupables d'avoir tenu un discours haineux, parce que, là, ça va loin, là.

Naturellement, c'est un survol, c'est un aperçu. Nous avons travaillé 38 heures en commission parlementaire, et j'y reviens parce que ces consultations sont extrêmement éclairantes. Et ce qui est un peu dommage... C'est l'ancienne journaliste qui va parler, là. Ce qui est un peu dommage, c'est lorsque l'on voit les reportages le soir. Bien, naturellement, les médias, les électroniques surtout, ont des contraintes de temps. Les médias écrits ont plus de colonnes, mais les médias électroniques doivent faire un reportage de 1 min 30 s. 1 min 30 s, là, ce n'est pas long, et, en 1 min 30 s, on doit expliquer les travaux qui se passent en commission, alors que nous avons tous ici travaillé de bonne foi, travaillé fort, travaillé 38 heures. Alors, on comprend qu'on est loin d'avoir tout vu, d'avoir tout entendu dans un reportage qui se veut un résumé très, très, très succinct. Et c'est la contrainte des médias électroniques.

Cependant, l'ancienne journaliste que je suis... parce que je suis là puis j'entends, j'écoute, je pose des questions pendant 38 heures à des gens, la grande majorité de tous les gens qui se sont présentés devant nous disent : Attention, attention, attention! Ça va trop loin. Ça va trop loin, c'est une bien trop grande atteinte à la liberté d'expression que le gouvernement est en train de faire. Ce n'est pas assez précis. On aurait pu être beaucoup plus précis. On aurait pu limiter aux discours qui mènent à l'embrigadement, ce qui n'est pas fait. Moi, j'ai écouté, moi, j'ai entendu et je suis ici dans un dessein constructif, là. On a fait des suggestions en février dernier. Je crois que la population attend du gouvernement des actions. On attend qu'il se passe quelque chose.

Et d'ailleurs, ce matin, j'y reviens parce que... C'est peut-être anecdotique, mais c'est quand même révélateur de ce que la population pense, parce que ce matin, lors de la période des questions, j'ai questionné le gouvernement, vous savez, sur ces envois qui nous sont arrivés de l'Arabie saoudite. Nous étions en semaine de circonscription, hein, nous étions tous en circonscription quand la nouvelle est sortie dans les médias. Il y a, la ministre nous a dit, sept bibliothèques... Je peux vous nommer les villes où les bibliothèques ont reçu des volumes, un beau petit paquet, un petit paquet-cadeau qui nous arrive de l'Arabie saoudite, la Ligue islamique qui nous envoie de l'information et de la documentation.

Et j'aurais aimé avoir plus de réponses ce matin. J'aurais aimé savoir : Ces envois ont-ils été sollicités? De toute apparence, non, c'est ce que nous disent les bibliothécaires. Quel est le contenu de ces envois? À la lecture de ce qu'on a pu faire, ce sont des livres en anglais. On peut constater que le contenu, ce n'est pas anodin, ce n'est pas innocent, c'est vraiment l'apologie, l'apologie de l'islamisme radical. Et je pense que c'est important que la population sache que l'Arabie saoudite a un agenda, que le groupe qui a envoyé ces livres a également un agenda, qui est un agenda politicoreligieux, qui est celui d'instaurer la charia dans le plus d'endroits possible sur la planète. Bien, on en est rendus là, au Québec. On reçoit des petits paquets-cadeaux de l'Arabie saoudite avec un contenu plus que douteux.

• (15 h 50) •

Et j'aurais aimé... et j'ai demandé au gouvernement : Y a-t-il quelqu'un, de grâce, au gouvernement qui va dénoncer l'islamisme radical? Parce que c'est de ça qu'il s'agit. Il est là, le problème, et personne n'ose le dire, personne n'ose le mentionner. Tout le monde se met la tête dans le sable. Et de le dire...

Et, vous savez, M. le Président, si vous saviez, durant cette commission parlementaire, ce qui m'a le plus touchée lorsqu'on a vu ces 38 groupes... Bien, il y avait quand même... des groupes, mais il y avait plus que 38... plus qu'une personne, donc, on a vu plusieurs dizaines de personnes. Il y avait aussi des citoyens, des musulmans du Maghreb, qui sont venus ici pour avoir la paix, hein? Ils sont venus ici parce qu'ils ont fui, ils ont fui les exactions dans les années 90 en Algérie. Il y a 200 000 Algériens qui ont été massacrés par des islamistes qui voulaient justement imposer leur agenda. Et ces gens-là ont trouvé refuge au Québec, et on les accueille à bras ouverts. Ils sont extraordinaires. Ils sont venus ici pour avoir la paix, pour vivre en paix. Mais vous savez ce qu'ils m'ont dit durant cette commission parlementaire? Et là j'en ai des frissons. Ils m'ont dit : Madame, on a peur. Il n'y a plus personne qui nous protège. Plus personne ne veut dénoncer les islamistes radicaux.

Et, durant cette commission parlementaire, on a même eu l'ultime plaisir de recevoir M. Adil Charkaoui, qui est venu nous dire que ce que Mme Fatima Houda-Pepin a dit : Pas vrai, ça! Mme Pepin nous a bien spécifié que l'islamisme radical existe au Québec, tout comme ces musulmans qui sont venus ici trouver asile, trouver la paix pour vivre avec nous. Et ce monsieur qui vient nous dire que ce que Mme Fatima Houda-Pepin a dit est faux. Ça n'existe pas, les mariages forcés. Voyons donc! Je suis partie à rire. Ça n'existe pas, l'islam radical au Québec. Voyons donc! Qu'est-ce que vous dites là? Vous êtes islamophobe.

Écoutez, M. le Président, si poser des questions, si oser dire qu'il y a un problème avec les islamistes radicaux... Puis même, d'ailleurs, certains me disent que c'est un pléonasme parce qu'«islamiste», c'est déjà radical, mais on va les appeler islamistes radicaux pour bien faire la différence, là, avec quelqu'un qui pratique sa religion de façon tout à fait paisible, là, et il y a des mondes entre les deux, c'est très important de le dire. Mais que cet individu vienne nous dire que tout ça est faux, que ça n'existe pas...

Moi, je me pose des questions en tant que parlementaire. Pourquoi personne n'ose dénoncer l'islamisme radical au Québec? Alors, ce matin, ma question, elle portait là-dessus : Est-ce qu'il y a quelqu'un qui va le dénoncer? Parce que, là, ce que je vois, ce que j'en conviens, ce que j'en conclus, à la lecture du p.l. n° 59, c'est qu'on tourne autour du pot, on essaie de sauver la chèvre et le chou, on essaie de trouver une solution, mais, à quelque part, le vrai problème, on ne le mentionne même pas. Les mots n'apparaissent pas dans la loi, alors que le premier ministre lui-même nous a dit, nous a répété qu'il fallait s'attaquer aux extrémistes religieux, à la radicalisation. Les mots ne sont pas là. Alors, je pense que la démonstration est faite, là. Et je reviens à ces gens qui sont venus nous dire : Nous avons peur, on ne se sent plus protégés, et il faut dénoncer.

Alors, moi, je lève ma voix, je lève mon petit drapeau, puis je dénonce. Il faut le faire, il faut le faire pour nos concitoyens, ces gens qui sont venus vivre avec nous en paix. Puis il faut le faire aussi pour tous les Québécois qui le voient aussi, qu'il se passe quelque chose. Les citoyens, là, allez vous promener dans vos comtés, là, puis allez leur dire que l'islamisme radical, ce n'est pas un problème puis que ça n'existe pas. Allez leur dire ça, voir. Puis allez leur dire qu'avec le p.l. n° 59 il n'y aura plus de problème, puis la radicalisation des jeunes est enrayée et... plus de problème. Moi, j'ai de la difficulté à croire ça, surtout que je considère et que nous considérons que le projet de loi rate sa cible. Nous l'avons dit, et je le répète, malheureusement.

Et les travaux que nous avons faits... Comme je vous dis, les témoignages que nous avons entendus, moi, je les trouve très marquants. Et puis, surtout, je voudrais saluer — tiens, je vais en profiter pour le faire — saluer le courage, entre autres, de la communauté maghrébine, de ces gens d'Afrique du Sud qui sont venus me voir puis me parler après la commission.

Et j'irai plus loin que ça, je vais vous faire une confidence. Après que nous ayons rencontré certains personnages qui nous disaient qu'il fallait aller beaucoup plus loin puis, même, il ne fallait pas rire des religions ni de la mère du Prophète, là, c'est épouvantable, on n'avait pas le droit, il aurait fallu mettre ça dans le projet de loi, là : Non, non, non, on n'a pas le droit de rire de ça, vous devriez voir les courriels que j'ai reçus à mon bureau, chez moi, les lettres sur Facebook. Des gens de partout, des gens de la Tunisie, la Tunisie, M. le Président, m'ont écrit pour dire : Oui, il faut dénoncer. Oui, il faut dénoncer les islamistes radicaux. Oui, ils ont un agenda politique, politicoreligieux, oui. Et je les ai écoutés, je les ai lus, j'ai répondu à chacun d'entre eux. Ça a été long, j'en avais, j'en avais, j'en avais des centaines.

Mais, je me dis, qu'une petite députée de Montarville se lève pour dénoncer quelque chose et qu'elle reçoive des centaines de commentaires et de courriels, il y a quelque chose qui se passe, et j'apprécierais que le gouvernement ait cette sensibilité, et voie qu'il y a quelque chose qui se passe, et qu'il puisse apporter des modifications au projet de loi n° 59 pour s'attaquer, s'attaquer vraiment à la radicalisation des jeunes, aux discours d'endoctrinement, à l'endoctrinement, à l'embrigadement.

Et je n'ai aucune prétention, aucune prétention à l'égard de la rédaction du projet de loi, je laisse ça aux éminents juristes du ministère, de l'équipe de la ministre, mais je lui soumets respectueusement qu'il faudrait être beaucoup plus précis à l'égard des discours que nous voulons contrer parce qu'actuellement, et plusieurs sont venus nous le dire, et c'est une des craintes, c'est que c'est tellement large, je veux dire, qu'on ne peut pas... qu'on va lutter contre les discours haineux incitant à la violence, c'est tellement large qu'on en est rendus... que certains en sont rendus à croire que ça permettrait à certains groupes qui, eux, ont des intentions et un agenda caché de nous interdire de parler contre leur religion. Alors là, voyez-vous dans quel dilemme on est rendus? Et puis nous vivons justement dans une société de droit avec des libertés, avec la liberté d'expression, et moi, au Québec, il n'y a personne qui va m'empêcher de rire de quelque religion que ce soit et il n'y a personne qui va m'empêcher de dire, de critiquer ou de poser une opinion. Ce n'est pas de la violence, puis ce n'est pas de la haine, puis ce n'est pas de l'islamophobie, d'ailleurs. D'ailleurs, au demeurant, c'est très important que ce soit dit. Et j'aimerais, j'apprécierais qu'il y ait des modifications d'apportées à ce projet de loi parce que, pour le moment, on passe à côté, on passe à côté d'une opportunité. Il y a une écoute, les citoyens sont là. Et je repose la question aux députés de la partie gouvernementale. Vous ne me ferez pas croire que vos citoyens ne vous ont pas interpellés à cet égard, ne voient pas qu'il se passe quelque chose et qu'il faille faire quelque chose de précis, de précis.

Alors, sans les modifications que nous demandons, bien la Coalition avenir Québec ne pourra pas appuyer ce projet de loi. Nous aurions apprécié aussi que la ministre nous fasse part de ses intentions d'amendement avant, avant d'appeler l'adoption du principe de ce projet de loi, parce que, je vous le disais d'entrée de jeu, on est ici pour l'adoption de principe, mais le premier ministre nous a avertis à la fin du mois d'août que la loi qu'on a entre les mains, ce ne sera plus la même tantôt. Alors, comment se prononcer sur une adoption de principe d'un projet de loi qui ne sera plus le même tout à l'heure sans que nous ayons des amendements, sans que nous sachions précisément où va-t-on aller? Et le premier ministre, disant qu'il voulait exclure les discours haineux, bien là il ne reste plus rien, alors on passe de tout à rien. Je pense qu'il y aurait beaucoup de nuances à apporter.

La façon de faire du gouvernement dans ce dossier, à notre avis, a miné l'acceptabilité de son projet de loi, cette acceptabilité qui a été dénoncée par un grand nombre de personnes, des gens qui considèrent le projet de loi... Et c'est des termes très sévères qui ont été employés, je vais les dire une seule fois. Les gens qui sont venus nous voir et qui ont dit que ce projet de loi était inacceptable, ils ont dit que c'était un canon législatif, un projet liberticide qui menace au lieu de protéger nos valeurs. Et puis ce n'est pas moi qui le dis, ce sont ces citoyens que nous avons rencontrés et de tous azimuts, ce qui était intéressant dans le choix des intervenants, vraiment de tous azimuts, mais la grande majorité s'entendaient pour ne pas, pour ne pas accepter le projet de loi tel quel. D'ailleurs, aucun, aucun des 38 groupes n'a dit : Ce projet de loi là, parfait, Mme la ministre, vous êtes en plein dans le mille, c'est ça qu'il nous faut. Au contraire, au contraire.

Et là je vous fais grâce — et ma collègue de la première opposition l'a bien fait — de tout ce qui touche les écoles. Oui, il faut agir dans les écoles, mais là c'était large, et très, très, très large. Et on parle de mineurs.

Une voix : ...

Mme Roy (Montarville) : Quoi?

Une voix : ...

Mme Roy (Montarville) : Oh! désolée.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, comme ça a l'air à bien s'arranger ensemble, la présidence n'interviendra pas. Alors, merci. Veuillez poursuivre. Ça va bien. Il vous reste un gros six minutes, si vous voulez l'utiliser, alors on vous laisse la parole.

• (16 heures) •

Mme Roy (Montarville) : Il n'y a pas de mauvaise intention derrière. Et j'y reviens, et c'était le propos d'entrée de jeu, et nous le disons depuis le mois de février, nous avons fait nos recommandations... en fait, nos suggestions, ce n'est pas des... On n'a pas la prétention de dire au gouvernement quoi faire, mais nous suggérions en février des pistes de solution via une conférence de presse à laquelle on s'est fait traiter de tous les mots. Et, je le disais d'entrée de jeu, même en période de questions, on m'a traitée de... j'étais Satan, là, je m'attaquais à la liberté d'expression tous azimuts comme ça ne se peut pas. Mais, à la lumière des travaux que nous avons faits, on a pu constater que ce n'est pas vrai, je ne m'attaquais pas à la liberté d'expression tous azimuts. Et vous savez très bien, M. le Président, que, la liberté d'expression, il est possible, en vertu de nos chartes, d'y apporter certaines limites, il est possible... elle n'est pas absolue.

Et c'est la raison pour laquelle nous suggérions très précisément dans quelles circonstances il fallait limiter la liberté d'expression si on voulait limiter, ou éradiquer, ou tenter d'éradiquer la radicalisation via justement l'endoctrinement des jeunes. Mais force est de constater qu'à la lecture du projet de loi n° 59 ce que le gouvernement fait est extrêmement large et va, je le disais d'entrée de jeu, 1 000 fois plus loin que ce que nous suggérions à l'égard de la liberté d'expression. Et ça, malheureusement, il n'y a personne qui est là pour le rapporter ou pour faire le parallèle, là, mais ce serait bien intéressant que quelqu'un le dise, mais, du moins, je le dis pour les gens qui nous écoutent. Nous voulions faire une petite limitation à la liberté d'expression, précise, ciblée. Nous avions d'ailleurs utilisé les termes de l'arrêt Whatcott, puisqu'en droit, lorsqu'on veut faire une limitation, il faut utiliser les termes que les juges utilisent pour faire évoluer le droit, surtout que c'étaient de nouveaux termes qui étaient utilisés dans cet arrêt de 2013. Donc, dans l'optique de faire avancer le droit, nous utilisions les termes qui étaient employés par les juges dans cet arrêt. Un arrêt, ça veut dire un jugement. Et c'est la raison pour laquelle nous l'avions fait de la sorte. Nous avons eu droit aux foudres des médias, et aux foudres du gouvernement, et aux foudres de l'opposition officielle, et aux foudres du groupe indépendant. Cependant, on se rend compte qu'à la lumière de ce qu'on a dans le projet de loi n° 59 c'est le gouvernement qui porte extrêmement atteinte à la liberté d'expression avec son projet de loi, qui est beaucoup trop large, qui, je le répète... tout est là, accessible, n'ose pas s'en prendre aux vrais problèmes, n'ose pas contrer les discours des intégristes religieux, des dérives religieuses, de la radicalisation, rien, pas un mot, zip, «niet». Ce n'est pas ça qu'on fait.

Alors, écoutez, M. le Président, pour ces raisons, ma formation politique et moi-même ne pouvons pas être en faveur avec cette adoption de principe pour ce projet de loi. Nous espérons tout de même... Nous aurions aimé voir des amendements, nous aimerions aller voir où s'en va la ministre, compte tenu du fait que le premier ministre lui a donné un devoir, si je peux dire, ou lui a dit : Il faut faire quelque chose, il faut changer le projet de loi. Mais on ne sait pas vers où on s'en va. Alors, comment se prononcer sur un principe de projet de loi lorsque le premier ministre nous dit : Le projet de loi, là, ça ne sera plus ça? Bien, sur quoi on se prononce?

Donc, vous comprenez que, sur 1 min 50 s qu'il me reste, j'aimerais...

Une voix : ...

Mme Roy (Montarville) : Non, ce n'est pas une question de toffer, mais c'est vraiment... J'aimerais rendre hommage aux gens qui sont venus en commission parlementaire puis qui nous ont éclairés, parce que ça sert à ça, des commissions parlementaires, et qu'ils ont tous été pertinents à leur façon, à leur façon. Certains nous ont montré les manquements, certains nous ont montré les risques, certains nous ont montré les conséquences, certains nous ont montré l'interprétation qu'ils feraient du projet de loi n° 59 s'il devenait loi, ce qu'il n'est pas pour le moment. Et, moi, ce qui m'inquiète et ce qui me fait peur, c'est quand la personne la plus radicale qui était devant nous nous dit : C'est excellent! Puis rajoutez-en une couche. Empêchez... il faut empêcher de rire des religions.

Écoutez, bien sûr, il n'y a personne qui accepterait ça dans une société libre et démocratique comme la nôtre. C'est la base de notre démocratie de justement avoir cette liberté d'expression, pouvoir rire, pouvoir se moquer, pouvoir questionner, pouvoir mettre en doute. C'est ça qui fait avancer les choses. Mais, quand quelqu'un vient nous dire en commission parlementaire qu'on n'a pas le droit de faire ça puis qu'on ne devrait pas avoir le droit de faire ça, vous comprenez que j'ai été renversée. Et ça nous montre un peu l'absurdité du projet de loi, dans la mesure où, si certaines personnes ont compris ça, qu'est-ce qu'on va faire avec ce projet de loi là? Comment vont-ils s'en servir? Parce que ce projet de loi permettrait, de la façon dont il est rédigé, à toute personne de porter plainte, et même dans l'anonymat. Écoutez, cette personne-là pourrait porter plainte rapidement.

Je vois le temps qui file. Déjà. M. le Président, je vous remercie de votre attention, et nous espérons de grandes, grandes, grandes modifications, mais on n'en voit pas le début du commencement. Merci.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, Mme la députée de Montarville, je vous remercie de votre intervention. Je rappelle que nous en sommes toujours sur l'adoption du principe du projet de loi n° 59. Et, pour la poursuite du débat, je reconnais maintenant M. le député de Rosemont, qui sollicite la parole. M. le député de Rosemont, à vous.

M. Jean-François Lisée

M. Lisée : M. le Président, on est ici pour discuter d'un projet de loi qui nous amène dans un genre de parcours de l'absurde.

Au début de l'année, des extrémistes radicaux islamistes sont entrés dans un journal satyrique français, dans les locaux, et ont tiré, et ont fait plusieurs morts et plusieurs blessés. Pourquoi? Parce que ce journal, Charlie Hebdo, blasphémait, montrait des caricatures de Mahomet, comme il blasphémait contre les Juifs, il blasphémait contre les catholiques, il blasphémait contre les athées, il blasphémait contre tout le monde. C'est un journal satyrique extrême, et beaucoup de gens, dont moi, n'aimaient pas particulièrement ce genre d'humour, mais la communauté internationale a dit : Non, on ne peut pas tuer des gens qui font des dessins puis on doit affirmer le droit au blasphème, même si on trouve que ce n'est pas une bonne chose de blasphémer. On ne fait pas la promotion du blasphème, on fait la promotion du respect mutuel, puis ce n'est pas une bonne idée, mais ça fait partie de la liberté d'expression. Quand on protège la liberté d'expression, on ne la protège pas quand les gens se font des gentillesses, pas besoin, on la protège quand les gens sont méchants et ont des propos méchants. C'est le seul propos qu'il faut défendre, parce que sinon il n'y a pas de difficulté.

Et là on est parti de là puis on est parti d'attentats terroristes qui ont eu lieu à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa et là on nous arrive avec un projet de loi qui, s'il était appliqué, interdirait la publication, au Québec, d'un Charlie Hebdo parce qu'on pourrait très bien dire que ce sont des propos haineux, que ce sont des propos méprisants, que ce sont des propos qui distillent la détestation. On pourrait affirmer ça sans problème. Sans problème, on pourrait l'affirmer. Et, s'il y avait un Charlie Hebdo québécois, le nombre de dénonciateurs anonymes qui utiliseraient la ligne d'appel que la ministre nous propose, bien, seraient très nombreux. Alors, on se dit : Mais comment on est arrivé à un renversement complet et au fait qu'un imam est venu dire à la ministre en commission parlementaire : Vous savez, le projet de loi, il devrait être encore plus précis pour faire en sorte qu'on arrête d'insulter Mahomet, la femme de Mahomet et ma religion, et ça, c'est ça qui devrait se faire. Et là on se dit : Mais là c'est sûr que ce n'est pas ce que la ministre a voulu faire. Et je la vois me dire : Non, non, non. Mais je n'ai pas de doute que ce n'est pas ça qu'elle a voulu faire, mais comment se fait-il qu'on parle de ça maintenant? Comment se fait-il que des juristes de renom, Julius Grey et Julie Latour... et c'est intéressant parce qu'ils étaient tous les deux opposés sur un autre débat identitaire que nous avons eu sur la charte. Julius Grey était contre la charte, Julie Latour était pour la charte, mais là ils sont venus ensemble pour dire : Bien là, on est unis contre le projet de loi du Parti libéral. C'est quand même extraordinaire, ils ont réussi à unir les procharte et les anticharte contre leur projet de loi, et ceux qui en disent du bien, ce sont des islamistes plus ou moins radicaux. Alors, je pense qu'ils devraient voir un problème là, ils devraient voir un problème.

Alors, quel est le problème auquel ce projet de loi, ou un projet de loi, ou une action gouvernementale devrait s'adresser? Bien, j'ai écrit une lettre ouverte au premier ministre en février dernier, après qu'il ne se soit pas rendu à la grande manifestation contre Charlie Hebdo. Il était absent. Le gouvernement libéral était absent. Il n'y avait pas de ministre qui était présent alors qu'il y avait un ministre canadien qui était présent et que des membres de toute la communauté internationale y étaient, et ils nous ont dit : Ah! bien, finalement, on n'avait pas été invités.

• (16 h 10) •

Bien, c'est justement l'expression de l'amitié, M. le Président. On n'a pas besoin d'être invité quand une nation soeur est en deuil, on dit : Je viens, j'arrête tout et je viens parce que c'est grave, ce qui se passe.

Mais là on a un peu plus compris pourquoi le premier ministre n'y était pas allé, lorsque, dans une visite subséquente, il est allé au Royaume-Uni et en Belgique et là il a dit que la radicalisation n'avait aucun lien avec la neutralité ou la laïcité de l'État. Il a dit ça à côté d'un ministre belge qui venait de lui dire qu'il faudrait collaborer davantage sur l'éducation à la laïcité comme moyen de prévention contre la radicalisation. Et le premier ministre du Québec a dit : Ça n'a rien à voir. Alors, le ministre belge était un peu interloqué, parce que les islamistes radicaux, eux, ils veulent un État non laïque. Ils veulent un califat religieux où c'est le Coran et la charia qui décident. Alors, eux, ils ont bien compris que c'était le contraire de la laïcité et que donc d'enseigner dans nos écoles que la religion doit être respectée et que, lorsqu'il y a un conflit entre la norme sociale et la norme religieuse, c'est la norme sociale qui doit primer... si tout le monde comprenait ça, bien les dérives de dire «non, moi, je veux un État religieux» seraient prévenues, jusqu'à un certain point. Alors, quel est le problème? Est-ce que c'est les discours haineux en soi?

Alors, dans ma lettre au premier ministre, je disais : Cher premier ministre, la principale menace qui pèse sur la vie de nos citoyens dans les années qui viennent ne provient pas d'athées, de Juifs ou de Témoins de Jéhovah radicalisés, elle provient de l'islamisme radical. Alors, le problème qu'il y a devant nous, c'est qu'il y a une organisation internationale qui a des relais locaux qui essaie de convaincre des jeunes de passer de l'aliénation, du désengagement petit à petit vers l'islamisme radical et vers la violence, le djihad, là-bas ou ici. C'est précisément le problème.

En quoi est-ce que le projet de loi de la ministre satisfait les conditions de résolution et de prévention de ce problème? Bien, aucunement, aucunement. Ce qu'il faudrait faire, et c'est intéressant... Un des très bons mémoires qui a été présenté, c'est celui de la ville de Montréal. Alors, la ville de Montréal, eux, ils ont créé un centre de prévention de la radicalisation menant à la violence. Ils ont compris que c'est ça, le problème. Et ils ont fait un très beau tableau, très intéressant, une pyramide qui montre qu'au début la personne visée par les recruteurs islamistes, bien, a un questionnement sur son vivre-ensemble, ensuite elle commence à former son discours anti-valeurs occidentales, ensuite elle consolide son discours, ensuite il y a des incidents haineux, ensuite elle envisage la violence comme moyen légitime et, à la fin, elle commet des crimes haineux, elle peut faire le djihad ici ou là-bas. Alors, c'est un continuum. Alors, si on veut lutter contre la menace, bien il faut voir ça comme un continuum. Alors, ce n'est pas le discours haineux en soi. Et d'ailleurs on le sait maintenant, parce qu'on a suffisamment de témoignages de recruteurs, qu'ils ne commencent jamais par le discours haineux, ils commencent toujours plus graduellement en isolant la personne de sa communauté, en disant : On est tes amis, on va t'aider, on va t'appuyer, on va t'envoyer de la littérature, tu peux venir chez nous, créer un réseau d'amis et petit à petit l'amener à se couper de son milieu et à vouloir poser des gestes.

Alors donc, si on avait un projet de loi ou un plan d'action, on dirait : Bon, bien, nous sommes à la recherche de personnes qui vont s'inscrire dans un continuum pour pousser des gens à la violence, à la violence religieuse ou autre. Je comprends très bien que dans une législation on ne veuille pas pointer spécifiquement un processus, celui-là, l'islamisme radical, et, s'il y en avait d'autres, il faudrait qu'on puisse avoir un outil contre ceux-là aussi, mais là, en ciblant sur les discours haineux alors même qu'il y a un débat, au Canada et ailleurs, sur la portée du discours haineux, c'est-à-dire... Et Charlie Hebdo est un exemple. On peut dire que, selon la législation canadienne actuelle, selon même le jugement Whatcott de 2013, Charlie Hebdo pourrait être considéré comme haineux au Canada, alors que ce n'est pas de ça dont on veut parler. Et c'est pour ça que Me Latour et Me Grey ont dit : On n'en revient pas que vous légifériez là-dessus en en élargissant la portée, en faisant des listes de coupables qui seraient publiques, avec des dénonciations anonymes, alors qu'on se pose la question même de cette définition de discours haineux, un discours qui mène à la violence, un appel à la violence. Là-dessus, on est tous sur le dur. Il n'y a pas de problème. Dès qu'on passe de «je déteste telle religion» à attaquer tel temple, bien là on est certain qu'attaquer tel temple, ça doit être absolument... on appelle la police immédiatement.

Et donc le gouvernement s'est engagé dans un débat qui est déjà décalé et qui n'est pas apte à répondre à la question posée, et donc c'est pourquoi ma collègue leader adjointe de l'opposition officielle a demandé de scinder le projet de loi. Comme plusieurs groupes, on se dit : Bien, toute cette question, là, de discours haineux, là, scindez-la, oubliez-la... en fait, retirez-la, retirez-la, ce n'est pas la bonne voie. L'autre partie, qui protège les enfants qui seraient entraînés dans des mariages forcés ou qui fait en sorte que la DPJ a plus d'outils pour protéger des enfants qui seraient dans des sectes, ah! ça, c'est bien, quoiqu'il y a des libellés qui sont un peu forts. On dit qu'il faut protéger la sécurité morale des étudiants. Encore là, on comprend, la sécurité morale... c'est juste mal écrit. Je ne comprends pas que les légistes aient laissé passer ça, parce que, comme le disent M. Grey et Mme Latour, dans les années 50, on aurait dit qu'un propos communiste est une atteinte à la sécurité morale de nos étudiants. Dans les années 60, on aurait dit que des propos favorables à l'homosexualité ou au séparatisme auraient été une atteinte à la sécurité morale des élèves. Alors, qu'est-ce que c'est, ça, la sécurité morale? Qui décide de la sécurité morale, vous savez? Alors, évidemment, c'est une façon de rédiger les choses qui est complètement gauche. Ça n'aurait jamais dû arriver, à l'étape d'un projet de loi, d'avoir mis ça là-dedans. Et d'ailleurs le mémoire qui a été déposé par la Fédération des cégeps a dit que c'est un peu fort de café et que... qui va venir, dans les écoles, dans les cégeps, dire : Voilà, votre sécurité morale est en cause? Et même, vous savez, cette question de la sécurité morale, c'est aussi, bon, le propos révolutionnaire. Est-ce que le propos révolutionnaire, s'il n'est pas un appel immédiat à la violence, doit être considéré comme illégal? Bien, dans ce cas-là, on aurait mis George Washington en prison, puis Nelson Mandela, et puis certainement Martin Luther King, et plusieurs autres, Thomas Jefferson.

Donc, voilà le genre de champ de mines vers lequel s'est jeté le gouvernement libéral, alors que ce n'était pas la direction qui était nécessaire du tout pour essayer de lutter contre le problème que nous avons, qui est celui de la radicalisation vers la violence religieuse.

Donc, c'est quand même extraordinaire que, lorsqu'ils étaient au gouvernement, avant, ils avaient échoué dans toutes leurs tentatives de proposer et de faire voter un projet de loi sur des questions sur les accommodements raisonnables ou autrement. Cette fois-ci, ils avaient une chance de se reprendre. Et puis ils savaient, là, ce n'était pas comme s'ils n'étaient pas avertis, là. Ça fait des années qu'on discute de ça, ça fait des années qu'on dit que le gouvernement libéral n'agit pas. Donc, ils avaient le temps de bien se préparer et ils nous sont arrivés avec un projet de loi qui, de toute évidence, ne tient pas la route, pose plus de problèmes qu'il n'en règle, pose les mauvaises questions. Et, la meilleure solution, il y a un moment où le premier ministre a semblé indiquer qu'il avait, lui, entendu raison et qu'il y aurait une refonte majeure du projet. Mais non, il est revenu sur cette opinion, et là on nous annonce quelques précisions qui ne vont rien régler et qui, au contraire, vont ajouter à la complexité.

Parce que, si — on revient sur le plancher des vaches — moi — je suis un parent — j'observe qu'un enfant ou un ami de mon fils est en train d'être embrigadé là-dedans, alors, moi, je dis : Il y a juste une chose à faire, là, c'est d'appeler la police de Montréal. C'est ça qu'il faut faire : Appelle la police de... si tu es à Montréal. Si tu n'es pas à Montréal, appelle la police locale...

Une voix : ...

• (16 h 20) •

M. Lisée : ...ou appelle le 9-1-1, me souffle-t-on, de la deuxième opposition. Oui, parce que, là, ils vont l'envoyer directement au Centre de prévention de la radicalisation, puis là il y a quelqu'un qui connaît ça qui va voir à quel niveau il est rendu. Est-ce qu'il est à la veille de prendre son billet d'avion pour la Syrie ou est-ce qu'il est encore seulement en train d'être isolé de son groupe par les recruteurs? Mais là on va lui dire : Ah! non, non, il y a un processus de plainte, là, à la commission de la personne, puis c'est peut-être des propos haineux, puis est-ce que vous avez entendu ces propos haineux là dans une conversation privée, une conversation publique? Est-ce que c'est une conversation privée qui pourrait être rendue publique? Puis là vous allez aller là, puis là ils vont vous mettre en attente. En ce moment, ça prend un an avant d'entendre une plainte, puis là, à un an, là, le jeune, il va être rendu en Syrie, tu sais.

Alors, on crée une confusion dans l'action qu'il faut prendre. Il faut dire : Non, non, madame, n'appelez pas à la commission, n'appelez pas à la Cour suprême, n'appelez pas votre député, appelez la police. La police, elle va savoir, tu sais, quoi faire puis à quel niveau d'intervention. Puis peut-être qu'ils vont revenir sur les cégeps. On dit : Bon, votre enfant est au cégep Maisonneuve? Bon, bien, on a un intervenant au cégep Maisonneuve. Il va le rencontrer. Ou bien : Votre enfant, il n'est plus là, il n'est plus au cégep, il est chez lui, vous n'avez pas pu lui parler depuis six mois, puis il va faire du soccer dans le centre musulman de soccer. Bien, on sait que ce n'est pas vraiment du soccer qu'ils font là, parce que, M. le président, il y a eu un rapport récent, en France, sur l'infiltration des groupes de sport jeunesse en France par des islamistes radicaux. Alors, quand ils disent qu'ils font juste jouer au soccer, là, bien, il faut aller voir ça. Donc, moi, ce que je trouve, c'est que ce projet de loi, avec son institution de plaintes, de listes, est en train de mélanger les genres, de créer un parcours qui n'est pas nécessaire et qui en fait peut nuire, hein, parce qu'on ajoute de la bureaucratie là où on a un centre de prévention de la radicalisation qui doit concentrer les efforts, qui connaît les réseaux, qui connaît les gens, qui a de l'information et qui est le mieux à même de réagir rapidement. Et d'ailleurs c'est le chroniqueur Yves Boisvert, dans un de ses écrits, qui... et là lui aussi est contre le projet de loi, qui dit : Bien là, c'est écrit que, si la commission de protection des droits et de la jeunesse constate qu'il y a urgence, il peut appeler les autorités policières. Bien, comment ça, tu sais, qu'il appelle la police immédiatement, tu sais? Puis on montre comment, là, il y a un délai supplémentaire qui est créé par l'étude de la plainte qui ne devrait pas exister, hein? Si c'est urgent, appelle la police. Alors, moi, je pense que toute cette partie du projet de loi nuit, ça nuit, ça devrait être retiré. Si vous n'êtes pas assez bons pour aider, au moins, arrêtez de nuire, arrêtez de nuire.

Alors, ça, M. le Président, j'espère que, du côté gouvernemental, on va se rendre compte de l'ampleur de la bévue, qu'on va scinder le projet de loi, qu'on va nous permettre d'adopter la deuxième partie sur les crimes haineux, sur les mariages forcés et puis l'autre projet de loi sur l'encadrement des accommodements raisonnables, sur la neutralité de l'État. Le gouvernement est trop timide pour parler de laïcité, c'est dommage, mais en tout cas, ça ne nuit pas, mais tout ce qui nuit devrait être simplement retiré, puis qu'on ne perde pas notre temps avec ça, parce qu'ensuite il y a des sous là-dedans, il y a des sous. Et je vais essayer de retrouver la citation du mémoire des juristes pour la défense des libertés fondamentales, je regarde mes feuilles, là, parce que... Et je vais terminer là-dessus : «En cette époque d'austérité économique étatique, où d'importants programmes sociaux sont supprimés ou significativement réduits, l'idée que des deniers publics soient investis pour que la commission des droits de la personne et de la jeunesse [...] se dote d'une brigade d'effectifs pour recevoir des dénonciations anonymes [...] avant même la supposée diffusion d'un discours [...] pour créer un "comité des dénonciations" [...] et tenir une liste à jour sur son site Internet des coupables qui auraient fait l'objet d'une décision à leur encontre [...] nous apparaît totalement inconciliable avec les assises d'une société libre et démocratique et nous heurte profondément.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Gendron) : Alors, je vous remercie, M. le député de Rosemont, de votre intervention. Et pour la poursuite du débat...

Une voix : ...

Le Vice-Président (M. Gendron) : Oui. Alors, je reconnais M. le député d'Ungava. M. le député d'Ungava, à vous la parole.

M. Jean Boucher

M. Boucher : Merci beaucoup, M. le Président. Bon après-midi à vous. Bon après-midi à tous.

Nous sommes ici aujourd'hui, bon, pour faire le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 59, la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes. M. le Président, bon, souvent, pour savoir où on s'en va, il faut savoir d'où on vient. Vous n'êtes pas sans savoir, bon, vous suivez l'actualité comme tous, que le monde est présentement en ébullition puis il y a des choses qui se passent présentement qu'on ne voyait pas quelques années auparavant. Je voudrais répéter, là, bon, les objectifs de ce projet de loi là, M. le Président.

Dans le projet de loi en question, on vise à lutter contre les discours haineux, M. le Président, puis ça s'inscrit dans le plan d'action gouvernemental, afin de prévenir la radicalisation. On veut renforcer les interventions et se doter de nouveaux moyens pour assurer la protection des personnes et sanctionner la diffusion de propos haineux ou incitant à la violence, M. le Président. Nous voulons élever au rang de droits fondamentaux la protection individuelle contre les discours haineux ou incitant à la violence en l'incluant dans la Charte des droits et libertés de la personne. Nous voulons proposer une série de mesures afin de prévenir et de faire cesser la diffusion de discours haineux et pour en sanctionner les auteurs, M. le Président. En matière de protection de la personne, nous voulons lutter contre le mariage forcé. Puis on a vu que, bon, c'est des choses qui se passent, c'est des choses qui existent, même si on n'en entend pas beaucoup parler. On veut prévenir les crimes basés sur une conception de l'honneur, M. le Président, implanter des outils de protection immédiate pour les personnes dont la sécurité pourrait être menacée, menacée par quelqu'un d'autre ou menacée par eux-mêmes, et mieux protéger les élèves dans les établissements d'enseignement sanctionnés.

M. le Président, on est allés en commission parlementaire pendant 38 heures pour permettre à ceux qui le souhaitaient de nous faire part de leurs opinions. Il s'agissait du processus démocratique pour débuter la loi. On a entendu des groupes, des individus, et puis on veut, bon, finalement une loi qui dit non à la violence mais qui ne limite pas l'expression de la liberté garantie par nos chartes. Vous savez, M. le Président, ici il ne s'agit pas d'une loi, on n'est pas en présence d'une loi, là, où il s'agit de régir l'utilisation de tel véhicule sur tel type de route, ce n'est pas quelque chose de technique, c'est quelque chose de très humain, de très subjectif. Vous savez, dans la foulée des événements survenus à Saint-Jean-sur-Richelieu, M. le Président, à Ottawa, au collège Maisonneuve, le premier ministre avait annoncé la mise en place d'un comité interministériel sur la question de la radicalisation chez les jeunes. Le gouvernement a donc proposé un plan d'action gouvernemental portant le titre La radicalisation au Québec : agir, prévenir, détecter et vivre ensemble. J'inviterais d'ailleurs tous les collègues qui ne l'ont pas déjà fait à en prendre connaissance puis à le lire. Il y a des choses intéressantes dans ça. Puis finalement, dans le dépôt... dans la foulée dans ce plan d'action là, pardon, on a eu le dépôt du projet de loi n° 59, qui nous intéresse aujourd'hui, dont j'ai mentionné le titre tout à l'heure.

Si on reprend un petit peu, un par un, là, les objectifs visés par la loi, on va...

Une voix : ...

M. Boucher : Bonjour, M. le Président. Je viens de me rendre compte qu'on a changé de président au moment où j'avais les yeux baissés.

Le Vice-Président (M. Gendron) : ...

• (16 h 30) •

M. Boucher : Je le sais, mais je prends le temps de saluer le président 2.0.

Si on parle de discours haineux ou incitant à la violence, on veut élever au rang de droits fondamentaux la protection individuelle contre les discours haineux et les discours incitant à la violence en l'incluant à la charte québécoise des droits et libertés. Il ne s'agit pas, M. le Président, ici de limiter le droit à la liberté d'expression, le droit à la liberté de la presse.

Vous savez, il n'a jamais été question... puis la ministre l'a dit à de nombreuses reprises, ce n'est pas la question de dire qu'un humoriste, un journaliste, un éditorialiste ou quiconque, là, n'aurait plus le droit de parler en mal de telle religion, de faire de l'humour sur telle religion, de la critiquer sévèrement, objectivement ou même subjectivement, de dire : Bien là, écoutez, mon Dieu, en lequel je crois, est meilleur et supérieur à ton Dieu à toi, il n'a jamais été question de ça. Au contraire, je pense que toute religion, comme tout sujet, comme tout parti politique... On vit dans une société qui est libre, ouverte et démocratique, donc on peut donner notre opinion, critiquer et même faire de l'humour là-dessus sans aucun problème. Là où ça devient problématique, c'est quand vous vous adressez à un groupe de personnes en particulier, puis invitez les gens à les haïr, invitez les gens, comme disait la ministre plus tôt ce matin... Tel type de personnes ou tel groupe de personnes ne mérite pas de vivre, ne devrait pas être accepté dans notre société. Nous devrions retourner tel type de personnes dans leurs pays parce qu'ils n'ont pas le droit d'être ici. C'est des discours qui mènent à la violence, M. le Président, puis c'est le genre de chose dans laquelle on veut légiférer.

Ça joue dans les deux sens, M. le Président. Autant, bon, les prêcheurs que les critiques de certaines religions... Quand un prêcheur vient en chaire, peu importe la religion — parce qu'ici je ne pense pas qu'on soit dans un projet de loi anti-islamisme ou antimusulman, bien au contraire, je pense que c'est un projet de loi à portée générale, et c'est bien comme ça — un prêcheur ne pourrait pas dire : Bien, écoutez, si tu n'embrasses pas mes croyances, tu es un mécréant. On doit s'attaquer à toi, on doit... Je veux dire, ça aussi, on ne peut pas faire ça. Donc, c'est un projet de loi qui couvre ces aspects-là.

L'attribution à la commission des droits de la personne et de la jeunesse de pouvoirs d'enquête dans le cas de discours haineux ou incitant à la violence tenus publiquement tant à l'égard d'un groupe d'individus... est basée sur des motifs de discrimination interdits à l'article 10 de la charte québécoise des droits et libertés. L'instauration par la commission d'une liste publique de personnes sanctionnées par le Tribunal des droits de la personne pour avoir tenu ou diffusé des propos haineux incitant à la violence ou qui ont agi de manière à ce que de tels actes soient posés. L'attribution au Tribunal des droits de la personne du pouvoir de délivrer des ordonnances pour faire cesser des discours haineux, faire cesser la publication de tracts, faire cesser la tenue d'assemblées qui incitent à la violence. L'attribution au Tribunal des droits de la personne du pouvoir de déterminer le montant des sanctions civiles pécuniaires que doivent payer les personnes ayant tenu ou diffusé des discours haineux ou incitant à la violence... ainsi qu'aux personnes qui agissent de manière à ce que de tels actes soient posés, de même que la durée de leur inscription sur une liste diffusée sur le site Internet.

Donc, concernant les discours haineux et incitant à la violence, c'est un petit peu l'objectif de la loi. Vous savez, M. le Président, ici, bon, on est dans une Assemblée élue démocratiquement. Certains disent que ça serait peut-être même l'Assemblée la plus démocratique au monde, où on est un modèle souvent pour des visiteurs qui disent : Bien, écoutez, on a regardé comment vos travaux se tiennent, et puis, franchement, on est admiratifs. Dans notre pays, ça ne se passe pas comme ça. Dans notre pays, il n'y a pas ce niveau de débat là. Bien, vous savez, M. le Président, malgré qu'on est peut-être les plus démocrates et les plus libres, si tout ça se passe bien, c'est parce qu'il y a un ensemble de règles qui diminuent nos libertés. Ainsi, vous n'êtes pas sans savoir qu'on ne peut pas dire ce qu'on veut, comme on veut, à qui on veut, quand on veut. Il y a plein de règles qui diminuent nos libertés, mais que, finalement, le vivre-ensemble, à l'intérieur du salon bleu, fait qu'on a une Assemblée qui s'élève au-dessus des autres.

Bien, c'est un peu ça qu'on veut faire sur un autre plan avec cette loi-là, où il ne s'agit pas de dire : Bien, on n'a plus le droit de critiquer telle religion, on n'a plus le droit de dire que tel Dieu n'est pas bon, ou est ridicule, ou que je ne partage pas sa foi. Ce n'est pas du tout ça, sauf qu'on ne peut plus tenir de discours ciblant des personnes, les pointant comme étant des personnes à être détestées systématiquement, pointant ces personnes-là comme étant des futures victimes d'actes.

Vous savez, M. le Président, on n'a pas besoin d'être des très grands historiens pour voir que, dans le passé, dans les derniers 100 ans, souvent, au nom de la religion, au nom de la politique, il y a des choses épouvantables qui se sont passées dans le monde. Et puis, si on avait dit : Ah! bien là, écoutez, il a le droit de dire ça, il a le droit de tenir tel discours, bien, peut-être que, si certaines libertés auraient été restreintes pour dire : Bien là, non, ça, c'est un discours haineux, on ne peut pas tenir tel discours face à tel type ou telle catégorie de personnes, il y a peut-être certains drames qui auraient été évités ou qui auraient été moins étendus, M. le Président.

La loi, aussi, vise à donner des ordonnances de protection. La création d'un pouvoir d'ordonnance civile de protection peut être demandée lorsqu'une personne croit que sa vie ou sa santé est menacée. C'est un autre des objectifs de la loi. Du côté de la protection de la jeunesse, une modification à la Loi sur la protection de la jeunesse, notamment par l'ajout à la liste des exemples de mauvais traitements psychologiques la notion de contrôle excessif auprès des enfants.

Vous savez, bon, mon collègue, là, disait tantôt : Il y a des choses qui étaient inacceptables dans les années 50, puis aujourd'hui c'est la normalité, puis on ne pourrait plus empêcher ça. Dans les années 50, dire à un jeune adulte : Tu n'as pas le droit de sortir avec tes amis à partir de telle heure, tu n'as pas le droit de t'habiller de telle façon, c'était tout à fait convenable et puis c'était à l'époque où la religion catholique tenait notre Québec serré, puis tout le monde était fermement croyant. Aujourd'hui, bien, tout ça a évolué, les libertés ont évolué. Donc, est-ce que quelqu'un peut empêcher son enfant ou son jeune de moins de 18 ans à vivre une vie comme le jeune Québécois moyen la vit, à voir ses amis fréquenter... sortir dans les bars? Je ne vous parle pas d'une vie de débauche, M. le Président, puis d'une vie débridée, mais simplement une vie normale de jeune, diverses fréquentations. Donc, ça pourrait être associé à un contrôle excessif auprès des enfants.

Une loi qui modifie aussi la Loi de la protection de la jeunesse pour y préciser qu'en «aucune considération, qu'elle soit d'ordre idéologique ou autre, [y compris] celle qui serait basée sur un concept [d'honneur], ne peut justifier» que la sécurité ou le développement d'un enfant soit compromis.

Une modernisation du mode de publication des unions conjugales, soit leur publication sur un site Internet de l'État civil pour empêcher les mariages forcés, M. le Président. On parlait, bon, que, souvent, le mariage forcé n'était pas... dire : Bon, bien, voici, là, ma petite fille, aujourd'hui, tu maries M. Untel, puis on s'en va au coin de la rue, puis tu te maries, tu n'as pas le choix. Souvent, bien, non, non, on va aller dans tel pays visiter la famille cet été pour un mois, deux mois, sauf que, oups! un des objectifs du voyage, c'est que la jeune, là, de 13, 14, 15 ans doit se marier involontairement à tel type souvent deux fois et même trois fois son âge. Donc, ce genre de chose là pourrait être grandement diminué ou même évité dans le futur.

La sécurité physique ou morale des élèves, de nouveaux pouvoirs d'enquête et de sanction pour le ministre de l'Éducation. À la suite d'un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves, cette mesure s'appliquerait tant dans le domaine de l'enseignement public que celui de l'enseignement privé, tant aux ordres d'enseignement primaire, secondaire que collégial. On parlait tantôt de clubs de soccer. Un nouvel entraîneur arrive ou un bénévole arrive pour s'impliquer auprès des jeunes, mais première nouvelle qu'on a, bon, on se rend compte que tel type de religion est promu, puis : Ne parle plus à telle autre personne parce que ce ne sont pas des bonnes personnes pour toi, puis etc. Il y aurait des pouvoirs d'intervention à ce niveau-là. Donc, M. le Président c'est un petit peu ça, en résumé, qui sont les objectifs de la loi.

On parle beaucoup de radicalisation des jeunes, mais ce que j'ai bien aimé dans un groupe, à un moment donné, qui est venu nous voir en commission parlementaire, M. le Président, où lui, il parlait de contreculture, on disait : Pourquoi un jeune de 19, 20 ans, 21 ans qui vit souvent un confort standard de la classe moyenne déciderait de partir pour aller dans un autre pays prendre les armes, puis faire la guerre, et se mettre lui-même en péril, et, si cette personne-là n'est pas blessée ou ne décède pas, vivre des moments vraiment difficiles? C'est une question de contreculture. De tout temps, on a toujours... Bon, tout le monde a été jeune, moi comme vous, M. le Président, et puis certains ont eu une jeunesse plus mouvementée que d'autres. On a toujours contesté nos aïeux, là, contesté l'autorité en place. Ça a été le mouvement hippie à l'époque, bon, qui voulait se sortir, là, de l'emprise des années 50 et 60, où on réclamait plus de libertés. De tout temps, ça a existé, puis ça, ça peut être associé à une contreculture chez les jeunes. Et puis c'était une idée qui vraiment, là... que je trouvais intéressante puis qui mériterait d'être développée.

• (16 h 40) •

Donc, à ce niveau-là, M. le Président, c'est toutes des pistes qui peuvent être regardées, et puis, si ce jeune-là décide de s'intéresser à d'autres choses, décide de s'intéresser à une nouvelle religion qui n'est pas la sienne — puis c'est tout à fait correct, il n'y a rien de blâmable dans ça — mais que cette personne-là reçoit des enseignements qui se rapprochent plus de la secte, hein... Vous savez, on parlait tantôt, tout à l'heure, de décrire... On commence par dire : Bien, viens, regarde, moi, je vais t'écouter, moi. Moi, je vais te rendre service. Moi, je suis de ton bord. Moi, je te comprends. Ah! bien, lui, c'est sûr, lui, c'est ton ennemi, parle-z-y plus... puis isoler tranquillement des amis, de la famille. Et, pour avoir l'emprise totale sur la personne, c'est exactement le même procédé que la secte. Donc, c'est une façon, là, en diminuant ou en empêchant les discours haineux, bien, à ce moment-là, de dire au jeune : Écoute, là, l'enseignement que tu reçois, ça n'a pas de bon sens. Est-ce que tu trouves ça correct?

Et puis cette loi-là, est-ce que c'est une loi qui dit : Bon, bien, voici, là, le projet de loi n° 59 est là, on le vote, le lendemain matin, c'est fini, il n'y aura plus de radicalisation, il n'y aura plus d'endoctrinement? C'est impossible, M. le Président. Peu importe la loi, peu importe qui la votera, c'est impossible. C'est de l'humain, c'est du subjectif. Jamais on ne sera capable de contrôler tout ce qui se dit dans les assemblées, à gauche et à droite, mais il faut créer un mouvement puis une voix pour que les gens réalisent, là, que ce n'est pas une façon, là, une marche à suivre, et puis éveiller les consciences, puis éveiller les jeunes à ce moment-là.

Donc, M. le Président, ça fait un petit peu le tour de ce que j'avais à vous dire cet après-midi sur le sujet, et puis personnellement, bien, c'est bien sûr que, du côté gouvernemental, on va être en faveur de l'adoption du principe pour aller dans une étude article par article où, justement, chaque article pourra être évalué, soupesé à sa valeur et bonifié avec la participation et la collaboration des deux oppositions et des députés indépendants, puis je souhaite que tous ensemble... ce projet de loi là soit aussi bien mené que possible et puis puisse atteindre ses objectifs dans la mesure du possible. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député d'Ungava. Je cède maintenant la parole à M. le député de Blainville. J'ai vu M. le député de Blainville se lever en premier, M. le député de Blainville.

M. Mario Laframboise

M. Laframboise : Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi n° 59 au nom de mon parti, la Coalition avenir Québec. Il me fait plaisir de prendre la parole après que la députée de Montarville, ma collègue, ait fait un si beau discours. Je pense que ma collègue, que j'ai eu la chance d'accompagner à quelques reprises cet été, là, à la commission parlementaire, a fait un résumé très, très important. Ce n'est pas facile de parler d'une situation aussi importante que la lutte à l'intégrisme, et ça, évidemment, ma collègue, depuis février 2015...

Puis je pense que, si le gouvernement a déposé le projet de loi n° 59, c'est en bonne partie parce que ma collègue, depuis maintenant plusieurs mois... Évidemment, on a connu les événements de Saint-Jean-sur-Richelieu, les événements d'Ottawa, mais, en début d'année 2015, les événements entourant les cégeps à Montréal où des étudiants et des étudiantes ont quitté pour aller rejoindre... et, après ça, bien, des locaux qui étaient loués dans divers équipements publics et puis l'impossibilité, pour les décideurs publics, d'empêcher qu'on loue des locaux, justement, pour prêcher et puis... Et c'est de là, depuis février 2015, que notre parti, la Coalition avenir Québec, mais plus particulièrement ma collègue la députée de Montarville, s'est empressé d'aller au-devant parce que je pense qu'on ne peut pas laisser nos institutions publiques, on ne peut pas laisser les municipalités du Québec libres à elles-mêmes quand elles ont à respecter, entre autres, la Charte des droits et libertés, et, évidemment, qui fait que des décisions, parfois, ne se prennent pas parce qu'elles ne se sentent pas aptes à décider, de peur de se faire accuser en vertu de la Charte des droits et libertés. Donc, ce n'est pas pour rien que ma collègue de Montarville puis la Coalition avenir Québec, on a posé plusieurs questions ici, à l'Assemblée nationale, et on a décidé de mettre la pression nécessaire pour que le gouvernement puisse, une fois pour toutes, contrer ce qui, pour nous, est le discours haineux.

Mais je vais juste... je vais revenir au texte du projet de loi, mais je voudrais juste... Parce que, quand la Coalition avenir Québec défend un dossier, elle ne fait pas juste parler, elle dépose les documents, puis il y avait... Et puis je peux vous lire le texte, là, de ce qu'aurait souhaité la Coalition avenir Québec, ce qui a été présenté par ma collègue de Montarville, basé sur l'arrêt Whatcott et, évidemment, basé sur une décision judiciaire où il y avait, dans cet arrêt-là, une ouverture à montrer aux décideurs publics l'opportunité de régler ce problème-là. Et pourquoi? Parce que cet arrêt-là mentionnait qu'on pourrait notamment, quand on parle des enseignements et des prêches... les propos haineux pourraient être... on pourrait faire une législation pour empêcher ces enseignements dans une lutte, évidemment, à l'intégrisme religieux, et à la radicalisation, et à l'endoctrinement. Donc, c'était de cette façon-là qu'on avait abordé ce dossier, qui n'est pas facile parce que, quand on parle de la Charte des droits et libertés de la personne, ce n'est jamais facile. Mais il faut se baser sur des décisions judiciaires, et ce que ma collègue de Montarville avait fait, puis ce qui avait été proposé par la Coalition avenir Québec, c'était de s'attaquer à... et de lutter contre l'intégrisme religieux, la radicalisation, l'endoctrinement et, évidemment, s'attaquer aux enseignements et aux prêches.

Ça, je pense que les Québécois sont en symbiose par rapport à ça. C'est-à-dire que moi, là, je n'ai pas eu aucun commentaire négatif par rapport à la position de la Coalition avenir Québec de dire qu'on ne veut plus que dans nos édifices publics, que dans des lieux publics au Québec il n'y ait aucune possibilité d'y avoir des enseignements, des prêches sur des propos haineux susceptibles d'inciter à la violence et à l'hostilité. Moi, je pense que de lutter contre l'intégrisme religieux, puis la radicalisation, puis l'endoctrinement... je pense que tout le monde est favorable à ça. J'ai beaucoup de difficultés à comprendre qu'on ne puisse pas être d'accord avec ce concept-là de lutter contre l'intégrisme religieux. Mais là, évidemment vu qu'on est dans la religion, le diable est dans les détails, là, c'est comme ça, et arrive le projet de loi n° 59, et là, évidemment...

Puis, comme je vous dis, M. le Président, j'ai eu la chance de participer à deux journées d'audiences où des témoins — puis ma collègue de Montarville a très bien exprimé ça — de tous les... Je pense qu'on a, oui, oui... Puis on avait un tant soit peu, là... tous les horizons étaient représentés à cette commission parlementaire là, et c'était pour moi, là, qui n'est pas un spécialiste du droit, là... Je suis notaire de formation, mais je ne suis pas avocat, là, donc de la plaidoirie ou quoi que ce soit, là... C'était intéressant de voir des témoins de tous les horizons qui viennent donner toutes les positions, mais qui se basent sur un texte, pas celui que je vous ai lu tantôt, là, qui était celui de la Coalition avenir Québec, qui parlait de ne plus... Nul ne peut tenir publiquement des enseignements, des prêches, des propos haineux susceptibles d'inciter à la violence et à l'hostilité. Ce n'était pas ça, le texte. Le texte, c'est : «La présente loi a pour objectif d'établir des mesures de prévention et de lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence.

«Elle s'applique aux discours haineux et aux discours incitant à la violence tenus ou diffusés publiquement [...] qui visent un groupe de personnes qui présentent une caractéristique commune identifiée comme un motif de discrimination interdit [par la] Charte des droits...»

• (16 h 50) •

Là, quand je vous dis que le diable est dans les détails, bien là, évidemment, on s'aperçoit que ceux qui... Puis c'était ça, là. Moi, là, j'étais renversé des témoignages qui ont été présentés devant la commission parce que les plus radicaux se servaient de ce texte-là pour dire : Puis il faut aller encore plus loin parce qu'évidemment nous, on fait l'objet de discours haineux, de discours incitant à la violence, donc il faut nous défendre, nous. Je veux dire, c'est... Et c'est là qu'il faut vraiment, là, monsieur...

Puis je peux comprendre que le premier ministre, à un moment donné, a dit à sa ministre : Bien là, il va falloir être capable de corriger le tir. Mais il a décidé de dire qu'il fallait enlever les discours haineux de dedans, alors qu'il faut lutter contre les discours haineux, il faut lutter contre ça, c'est tout simplement ça, c'est ça qu'il faut faire. Mais, par contre, il faut y aller dans l'optique de l'enseignement, des prêches et des propos qui incitent à la violence et à l'hostilité, il ne faut pas laisser la marge de manoeuvre pour... Comme je vous dis, quand on lit : «Elle s'applique aux [...] discours incitant à la violence tenus ou diffusés publiquement et qui visent un groupe de personnes qui présentent une caractéristique commune...» Et là, évidemment, le projet de loi — et ma collègue de Montarville a raison — est trop large, et beaucoup d'intervenants le trouvent trop large.

Et ça, M. le Président, je pense que, qu'on demande un vote de principe sur ce projet de loi là sans qu'on ait vu les amendements que le premier ministre a demandés à sa ministre, de dire : Écoutez, il faut que tu nous déposes quelque chose d'autre, je ne suis pas d'accord avec ce qu'il y a là... Bien, je veux dire, on ne peut pas donner notre accord de principe sur ce projet de loi là, qui va être, de toute façon, modifié, puis que sûrement son article 1 va être modifié. Donc, comment on peut être capables aujourd'hui de dire oui ou donner notre accord de principe à un projet de loi qui, dans son premier article, va être modifié?

Parce qu'il le faut, M. le Président. Et je pense qu'encore une fois ce n'est jamais facile, mais, pour nous... Puis vous avez entendu, là, bon, je pense que l'opposition officielle a le même discours, c'est-à-dire que c'est plus facile pour nous de dire qu'on ne peut pas donner notre accord de principe sur ce projet de loi tant qu'on n'a pas vu, évidemment, les amendements qui seront déposés par le gouvernement et qui pourraient, en sa face même, changer, là, l'article 1 même du projet de loi, là.

Parce que tout se base sur l'article 1, parce que, par la suite... Puis là je pourrais... Je vais aller à l'article 3 parce que, ça aussi, l'article 3... «Toute personne qui a connaissance de la tenue ou de la diffusion d'un discours haineux ou un discours incitant à la violence peut le dénoncer.» Et la dénonciation, bien, évidemment, n'est pas obligée d'être publique. Donc, n'importe qui peut, sous l'anonymat, décider de faire une dénonciation. Donc, à quelque part, là, c'est trop important pour qu'on ne puisse pas aller au fond des choses, M. le Président.

Puis ça, là-dessus, j'en fais foi parce qu'étant porte-parole aux affaires municipales ma collègue a depuis... Même avant que j'arrive ici, en ce Parlement, en 2014, la Coalition avenir Québec décriait le fait que des organismes religieux bénéficient des crédits, entre autres, des crédits fiscaux, entre autres, des crédits de taxes municipales et scolaires. Et évidemment, moi, qui est issu du milieu municipal, ancien président de l'Union des municipalités du Québec, je vous dirais que les villes au Québec sont prises avec ce problème-là, finalement, des organismes religieux qui se créent, là, à la queue leu leu. Dès que tu es un organisme religieux, puis un organisme sans but lucratif, puis que tu as une mission religieuse, tu es exempt de taxes. Ça, il y a eu un resserrement, souvenez-vous, parce que, là, c'est les lieux de culte seulement. Mais là il faut penser que, dans des lieux de culte, il n'y a pas juste l'endroit, là, il y a même certains endroits qui sont des terrains beaucoup plus vastes qui, maintenant, sont des lieux de culte.

Donc, je peux comprendre quand ma collègue, qui a senti... Quand la ministre a demandé au maire de Montréal : Bien là, notre collègue de la deuxième opposition revient toujours... qu'est-ce que vous en pensez?, ma collègue était nerveuse, elle avait peur que le maire dise : Ah! ça n'a pas... Non, bien au contraire, il ne fallait pas qu'elle soit nerveuse, le maire de Montréal a dit : Écoutez, il faut mettre fin à ça, c'est effrayant!

Puis ça, ça ne finira jamais, là. Parce que je m'étais amusé... Étant donné que je suis dans le milieu municipal, je suis allé faire un voyage aux États-Unis pour regarder, à un moment donné, dans un annuaire téléphonique comment il y avait, tu sais, comment il y avait d'églises, il y en avait... J'ai arrêté, au-dessus de 300, de compter, là. Donc, ça veut dire qu'il y avait au moins, aux États-Unis, au-dessus de 300 types de religion dans une grande ville américaine. Donc, inévitablement, là, nous, on en a peut-être une soixantaine, 70, mais, écoute, laissez-les aller, ils vont réussir à atteindre 300, là. C'est comme ça que ça arrive, là, il n'y a aucun problème avec ça. Sauf que je pense qu'il faut mettre fin... Puis ma collègue, à juste titre, trouvait ça intéressant de dire : Bien, écoutez, pourquoi qu'on ne profite pas de ce projet de loi là pour, justement, mettre fin à ces paradis fiscaux? Parce que c'est un paradis fiscal, finalement, là, que tu aies la possibilité d'avoir un lieu de culte puis que tu ne paies pas de... puis en plus que tu puisses faire de l'endoctrinement, puis... Écoutez, là, quand on se parle bien gentiment, je pense que ça n'a aucun sens, puis tout le monde va en convenir.

Pourquoi on n'est pas capables de s'entendre autour d'un projet de loi puis dire : Écoutez, là, ça n'a aucun sens que des organismes religieux puissent bénéficier de crédits de taxe municipale et scolaire et puis que des organismes qui font de l'endoctrinement, des gens qui font des enseignements puis des prêches puissent utiliser des endroits publics, puis qu'on puisse mettre mal à l'aise les villes, puis qu'on dise au gouvernement : Bien là, c'est aux villes de prendre la décision? Mais il n'y a rien de pire que ça, les villes vont vous dire qu'on est pris avec la Charte des droits et libertés, donc...

Puis, encore une fois, là, il faut penser que, pour certains, là... N'oubliez jamais qu'il y a 1 100 municipalités au Québec, là. La ville de Montréal, la ville de Québec ont leurs services juridiques, Laval, Longueuil, mais ce n'est pas toutes les municipalités du Québec qui ont un service juridique, là. Donc, imaginez-vous, là, à quelque part, là, tous ces prédicateurs-là puis, évidemment, ces prêcheurs et ceux qui font des enseignements religieux, évidemment, qui sont des radicaux puis qui font de l'endoctrinement de nos enfants, bien, auront beau aller... Il y a plusieurs... Là, les grandes villes peuvent peut-être, comme je vous disais, se défendre avec leur contentieux, mais ce n'est pas toutes les villes qui en ont au Québec dans les 1 100, et, encore une fois, il faut...

Et il y a trop d'exemples dans la société au cours, je vous dirais, des cinq dernières années. Ce n'est pas quelque chose, là, qu'on peut dire que ça fait juste un temps, je pense que l'intégrisme radical... En tout cas, moi, je souhaiterais bien que ce soit éliminé, mais je ne pense pas que c'est quelque chose qui est présentement... Puis, ma collègue le soulignait aujourd'hui, justement, judicieusement dans une question, quand on reçoit des envois de l'Arabie saoudite dans nos bibliothèques pour qu'ils nous envoient des livres, justement, pour prôner cet intégrisme et cette radicalisation, bien il y a comme un malaise dans le problème, M. le Président, là, c'est-à-dire que c'est quelque chose qui... que, là, ils peuvent se permettre ouvertement d'envoyer ça dans nos bibliothèques, puis en sachant très bien qu'il n'y aura rien qui va se passer par rapport à eux, là, tu sais. Le Québec est une terre d'accueil, c'est ça que ça veut dire pour eux, là. Donc, il faut que ça arrête, là, il faut arrêter de laisser ces gens-là profiter de notre largesse parce qu'on est ouverts sur le monde. Moi, je veux bien, mais jamais qu'on ne sera ouverts à l'intégrisme religieux, puis aux propagandes, puis à l'endoctrinement de nos enfants, là, jamais, jamais, jamais, là, puis, évidemment, c'est pour ça que je vous dis : Est-ce que c'est quelque chose qui va diminuer? Non, on s'aperçoit que nos Québécois, nos Québécoises même réussissent à se faire endoctriner pour toutes sortes de raisons, là.

Moi, je veux bien qu'on... Oui, c'est vrai qu'on a des éléments qui sont un petit peu plus faibles dans notre société, il faut être capable de lutter contre la pauvreté, et tout ça, moi, je veux bien, là, mais il reste quand même qu'il faut empêcher ces gens-là de venir prêcher dans nos édifices publics, puis même sur tout le territoire du Québec, puis il faut faire une lutte féroce à ça, puis il faut être capable de donner... Puis la vigilance, là, ça, là-dedans, il faut être capable de donner les outils nécessaires aux villes puis à tous nos organismes publics, à nos cégeps, à nos universités pour qu'ils soient capables de prendre les bonnes décisions très rapidement, là, tu sais. À quelque part, là, pourquoi...

Puis ce qui m'a étonné parce qu'un des témoins qui... C'est de tous les horizons, M. le Président, puis ça vaut la peine parce qu'un des témoins, lui, ne veut pas de cette loi-là parce que lui, il les chasse partout à travers le Canada. Lui, sa mission, c'est de les chasser partout à travers le Canada, et il s'invite puis il va dans ces endroits-là où ils font des prêches puis qu'ils endoctrinent parce que, lui, ça lui permet de les découvrir. Lui, c'est comme un chasseur. Il y en a qui chassent les ouragans ou les tempêtes, lui, là, bon, lui, il chasse les extrémistes. Bon, c'est le fun, là, c'est... bon, tu sais, mais sauf que lui, il ne veut pas de loi parce que, si j'ai une loi puis que vous les faites disparaître, je ne pourrai plus les trouver. Bon, ça, c'est comme ça qu'il nous a vendu ça, puis il nous a dit ça, puis il nous a... Puis il était bien sérieux, là, je veux dire. Lui, c'est sa vie, là, lui, c'est faire ça. Puis, vu que c'est public puis qu'ils peuvent le faire, bien, lui, ça permet de les détecter puis de les trouver. Bon. C'est la nouvelle génération James Bond, là, il n'y a aucun problème. J'aime mieux aller regarder les films, là. Il y en a un nouveau, là. Mais, tu sais, je veux dire, ceux-là, je les aime moins. C'est juste qu'à quelque part il faut vraiment, là...

 (17 heures)

Tu sais, on peut toujours essayer de faire quelques farces, là, mais ce n'est pas drôle, parce que, dans la vérité, dans la vraie vie, on a de nos jeunes Québécois, nos jeunes Québécoises qui sont plus fragiles dans certains moments de leur vie, puis là je pense... En même temps, je pense aux parents qui ont à vivre ça, puis qui ont à subir ça, puis qui n'ont pas vu venir. Parce que, ces choses-là, on n'est pas habitués à ça, nous, hein? C'est récent, c'est pour ça que je vous dis : Ce n'est pas quelque chose qui... ce n'est pas appelé à disparaître, parce qu'on en a de plus en plus. Mais il faut être très vigilant, M. le Président, puis il faut mettre un terme à ça.

Donc, si ce projet de loi là peut avoir un effet qui aurait été soulevé par ma collègue de Montarville, la Coalition avenir Québec, si on peut être capables d'en arriver à la... le gros bon sens, M. le Président, de ne plus jamais que, sur le territoire du Québec, il y ait des enseignements et des prêches, des propos haineux susceptibles d'inciter à la violence et à l'hostilité, tel que le permet l'arrêt Whatcott qui, évidemment, prend en compte la Charte des droits et libertés, bien, je pense qu'il faut y aller, il faut faire ça, puis il faut être capables de...

Il faut que le gouvernement dépose le plus rapidement possible ses amendements, puis encore une fois, là, il faudrait qu'il le fasse avant qu'on vote sur l'accord de principe de ce projet de loi là. Il aurait fallu qu'il fasse ça... Puis il a encore le temps, parce que j'ai l'impression qu'on va lui donner du temps. Puis, en tout cas, moi, en tout cas, mon objectif à moi, c'est qu'il ait le temps d'y penser puis de bien y repenser, parce qu'à quelque part il y a des fois où on parle en cette Chambre puis il y a du temps qui se gaspille. Mais là je ne pense pas qu'il y ait du temps qui se gaspille à dire au gouvernement : Tu as déposé un projet de loi trop large, un projet de loi qui n'est pas conforme à ce que les citoyens, les citoyennes du Québec souhaitent, et c'est ce que le premier ministre a reconnu. Donc, il est temps, avant qu'on adopte le principe de ce projet de loi là, de nous déposer les amendements, puis c'est ce qu'on va demander à la ministre. Puis ça, on le fait dans l'intérêt de nos enfants, nos petits-enfants, M. le Président. Parce que moi, j'en ai, des petits-enfants, là. J'en ai quatre, là, puis qui sont tout petits, là. Puis j'en ai un tout neuf, en plus, qui vient d'arriver il y a quelques semaines, là, puis je ne voudrais pas qu'il ait à vivre ces situations-là, M. le Président, puis qu'on ait passé au côté de la possibilité d'empêcher ces extrémistes de prendre la possession des cerveaux de nos enfants. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Blainville. Je suis prêt à céder la parole à un prochain intervenant et je reconnais M. le député de Jonquière.

M. Sylvain Gaudreault

M. Gaudreault : Oui. Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 59, la Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Alors, les objectifs de ce projet de loi, M. le Président, comme vous le savez, puis je pense que plusieurs collègues l'ont énoncé de façons différentes, mais qui reviennent toutes au même, évidemment c'est de contrer le radicalisme, contrer l'endoctrinement et aussi contrer, évidemment, le recrutement dans les groupes islamistes, notamment, ou les groupes religieux radicaux, contrer le recrutement notamment de certains jeunes Québécois, Québécoises qui peuvent être sensibles ou entendre ces arguments ou ces chants de groupes radicaux avec des objectifs qui ne sont pas louables.

Donc, évidemment, la chasse à l'islamisme radical est un objectif extrêmement important que nous partageons tous. Mais nous pensons qu'il y a des façons différentes d'atteindre cet objectif de chasse à l'islamisme radical, je vais y revenir tout à l'heure. Parce que nous avons fait un geste... en fait, ma collègue de Taschereau, au nom de notre formation politique, a fait un geste extrêmement important en déposant un projet de loi à cet égard, le projet de loi n° 395, sur lequel je reviendrai tout à l'heure.

Ce projet de loi, le n° 59, donc, sur lequel nous nous exprimons aujourd'hui, fait suite à des cas troublants, notamment chez des jeunes, entre autres, des cégeps, certains cégeps, qui ont été recrutés par des groupes islamistes radicaux. Il y a également eu des attentats terroristes profondément troublants, il y a à peine un an, du côté de Saint-Jean-sur-Richelieu mais aussi dans un autre Parlement, à Ottawa, donc des attentats qui ont troublé profondément les gens et qui ont été le fait de jeunes d'origine québécoise et qui se sont radicalisés auprès de groupes islamistes ou qui ont été séduits par justement les arguments de ces groupes.

Et cette question-là est une véritable préoccupation partagée par l'ensemble de la population du Québec, notamment la question du recrutement. C'est un phénomène complexe, hein? Nous serions fort présomptueux de dire ici qu'une seule raison explique pourquoi un jeune ou une jeune de classe moyenne, qui vit relativement bien, dans une famille unie, unie ou désunie, ça n'a rien à voir, mais qu'il soit recruté ou qu'il se laisse séduire par ces groupes radicaux. Donc, c'est profondément troublant, puis il ne faut pas apporter des réponses simplistes.

Le gouvernement, évidemment, a hésité longtemps, malgré toutes les ressources que nous connaissons dans la machine gouvernementale, malgré la présence d'universités sur le territoire québécois, malgré la présence de spécialistes, malgré même, au sein de leur caucus, du côté du gouvernement, la présence pendant de nombreuses années de l'ancienne députée de La Pinière, Fatima Houda-Pepin, le gouvernement a hésité longtemps avant de présenter un projet de loi, pour finalement aboutir avec le projet de loi n° 59, qui est divisé en deux parties.

Et je vous annonce tout de suite qu'à la fin de mon intervention j'aurai une motion à déposer, une motion de scission, parce que nous, nous croyons qu'il y a deux parties complètement distinctes. D'ailleurs, je fais un aparté, hein, pour dire que ça devient une pratique courante, du côté de ce gouvernement, de mettre à l'intérieur d'un seul texte législatif plusieurs objectifs complètement différents. Et la première partie de ce projet de loi vise davantage à contrer les discours haineux, mais la deuxième partie vise à mieux protéger les personnes.

Donc, que pense... De quelle manière veut se prendre... veut prendre le projet de loi n° 59 pour lutter contre les discours haineux et les discours qui incitent à la violence? Bien, c'est par la mise en place de dispositions pénales, par des pouvoirs d'enquête confiés à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, par l'établissement d'une liste publique de personnes ciblées comme ayant tenu des propos haineux. À première vue ça peut paraître séduisant, tout cela, ça peut paraître séduisant, mais il faut y regarder de plus près et faire attention, M. le Président.

Vous savez, la question de la liberté d'expression est un sujet extrêmement sensible au Québec, comme dans plusieurs sociétés occidentales, évidemment. Mais, vous savez, j'ai un défaut, je suis historien de formation, alors j'ai tendance à remonter un peu dans les archives et dans l'histoire, et, en regardant le projet de loi n° 59, j'ai pensé à ce qu'on appelait la «loi du cadenas» sous le gouvernement de Duplessis. Le vrai nom était la Loi protégeant la province contre la propagande communiste, mais elle avait été surnommée la «loi du cadenas» parce que cette loi permettait de fermer des maisons où la police prétendait qu'il pouvait y avoir des activités communistes. Elle a été présentée et adoptée par le gouvernement de M. Duplessis ici, en cette Chambre, en 1937. Alors, elle visait donc à mettre un terme aux activités communistes dans la province, hein, vous savez, c'était un peu le diable, le communisme, à l'époque. Même dans les années 60, il y a eu une vague, aux États-Unis, de maccarthysme. Alors, le gouvernement Duplessis, à cet égard, était précurseur parce que déjà en 1937 il a fait adopter sa loi, mais c'est une loi qui a été extrêmement contestée parce qu'elle a servi, au fil du temps, finalement, à légitimer la fermeture de journaux, comme le journal Clarté en novembre 1937. Elle a permis de faire de nombreuses perquisitions. En 1948, la police a même effectué une saisie au local du journal le Combat. Il y a même d'autres groupes non politiques et certainement pas communistes qui ont été ciblés, comme les Témoins de Jéhovah.

• (17 h 10) •

Alors, je ne veux pas dire que ce gouvernement est duplessiste, mais ce que je veux dire, c'est qu'inspirons-nous d'une histoire somme toute assez récente ici, au salon bleu, puis là je ne prends pas des exemples tirés des antipodes, mais je prends des exemples qui viennent d'ici, d'une histoire assez récente pour dire : Faisons attention au dérapage, faisons attention au dérapage d'une loi qui vise la liberté d'expression.

Et finalement qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président, avec la loi du cadenas de Duplessis? Elle a été déclarée inconstitutionnelle en 1957, donc c'était bien avant l'époque des chartes des droits et libertés, elle a été déclarée anticonstitutionnelle ou non constitutionnelle en 1957 par la Cour suprême du Canada à la suite du procès Switzman contre Elbling. Donc, inspirons-nous de ce que nos prédécesseurs parlementaires ont fait ou ont connu pour se poser des questions sur la pertinence réelle du projet de loi n° 59 que nous avons devant nous.

D'abord, il y a déjà des possibilités, hein, les instances gouvernementales ont déjà des moyens via le Code criminel, qui interdit déjà les propos haineux. Mais évidemment le Code criminel est de compétence fédérale. Mais il prévoit des garanties procédurales constitutionnelles, entre autres la preuve hors de tout doute raisonnable. Mais le problème que la ministre de la Justice a, c'est qu'elle ne peut agir qu'en matière civile, où il n'y a pas les mêmes garanties procédurales que permet le Code criminel fédéral.

Évidemment, nous, nous aurions une solution parfaite pour elle, si elle veut agir en ce sens, en matière de droit criminel, ça s'appelle de faire du Québec un pays où, là, on aurait l'ensemble de nos pouvoirs, notamment en matière criminelle. Mais la ministre refuse de regarder cela, donc elle essaie, par toutes sortes de manières, d'arriver à un peu faire ce qu'elle ne peut pas faire directement. Vu qu'elle ne peut pas modifier le Code criminel, elle essaie de passer par des procédés civils, mais qui causent quelques problèmes, sur lesquels nous pouvons intervenir maintenant.

D'abord, dans son projet de loi, le projet de loi n° 59, bien, nous avons constaté... Puis j'ai regardé un peu les auditions en commission parlementaire, j'en ai parlé avec ma collègue de Taschereau qui a assisté à tout cela, qui a participé, j'ai lu également la revue de presse sur le sujet, et à peu près tout le monde s'entend pour dire qu'il y a une définition à tout le moins floue de ce que sont des discours haineux. On pourrait en parler longuement, M. le Président, qu'est-ce qu'un discours haineux. Où on tire la ligne entre ce qui est haineux et pas haineux? Alors, il y a eu de longues discussions là-dessus en commission parlementaire, également via les journaux, notamment dans un éditorial du Devoir, des chroniques abondantes dans l'ensemble des médias du Québec.

Parce que la ministre a dit : Laissons les tribunaux éventuellement définir ce qu'est un discours haineux. Bien, vous savez, nous, comme parlementaires, on a cet immense privilège de pouvoir donner quelques indications aux tribunaux. Mais la ministre, elle s'en est lavé les mains tout de suite en disant : Laissons les tribunaux s'inspirer de ce qui se fait ailleurs ou d'une éventuelle jurisprudence, le pouvoir des juges, laissons-les construire ce qu'est une définition de discours haineux au lieu de prendre cette question à bras le corps. En fait, peut-être qu'elle a vu la complexité de ce que ça pouvait représenter, définir «discours haineux», et elle a préféré s'en laver les mains.

Ça, c'est malheureusement ce à quoi nous faisons face ici. Ce qui a fait dire à des intervenants crédibles, des intervenants crédibles... Et je lisais les articles, entre autres, de Marco Bélair-Cirino dans Le Devoir au mois d'août, entre autres le 17 août, au moment où la commission siégeait à plein régime. Me Julie Latour, ex-bâtonnière du Barreau de Montréal, et je la cite : La ministre a «recours à un canon législatif pour tuer une mouche hypothétique». Au-delà de la beauté de cette formule, c'est extrêmement significatif sur le problème derrière le projet de loi n° 59.

Elle a créé également, la ministre, une brigade d'enquête, hein, via la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, entre autres à l'alinéa deux de l'article 6 du projet de loi n° 59, qui nous pose une série de questions. Ça va coûter combien, cette brigade d'enquête, dans une époque d'austérité? Ça va nous coûter combien? Comment elle va procéder, cette brigade d'enquête? Surtout qu'il n'y a pas de définition claire de ce que sont des soi-disant propos haineux, alors ça donne toute une discrétion... tout un pouvoir discrétionnaire à cette Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de faire des dérapages, inspirés, M. le Président, nous devons y revenir, de la loi du cadenas de Duplessis, comme il y a eu des dérapages à cette époque. Alors, on n'est pas... on risque d'être victimes de cela.

Me Latour et Me Julius Grey, qui est bien connu également au Québec comme un défenseur acharné des droits de la personne, disent que ce projet de loi peut emmener, entre autres, via la brigade d'enquête créée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse via le projet de loi n° 59, ça peut emmener, et là je les cite, «un climat social de suspicion aux effets délétères». On trouve que ça pourrait faire une belle façon de décrire le climat qui a été emmené par la loi du cadenas de Duplessis.

Autre problème avec le projet de loi n° 59, c'est qu'il ouvre la porte à des abus. Il ouvre la porte à des dérapages, comme je disais tout à l'heure, il ouvre la porte à des abus, à des dérapages. Et je veux juste utiliser deux exemples. Je veux juste utiliser deux cas possibles qui ont été énoncés en commission parlementaire.

Premier exemple a été longuement et fortement exprimé, illustré par Fatima Houda-Pepin, l'ancienne députée de La Pinière. On se rappellera qu'elle a été exclue du caucus libéral par le premier ministre. Ça a été un événement assez marquant de l'année 2014. Mais, en commission parlementaire, Mme Houda-Pepin a amené finalement ce que j'appellerais, moi, une réflexion a contrario sur le projet de loi n° 59. Elle dit qu'au fond ce projet de loi pourrait avoir un effet pernicieux ou un effet inattendu en emmenant une protection juridique aux islamistes. Autrement dit, des groupes religieux pourraient se dire la cible d'un discours haineux, alors qu'au fond il s'agit de la simple liberté d'expression, qui est celle de critiquer des religions. Des groupes pourraient prétendre ça à partir du moment où on ne définit pas ce qu'est un discours haineux. Donc, Mme Houda-Pepin nous dit que ça amène une menace au droit à la dissidence, et là on est complètement dans le sens contraire de l'objectif que prétendait emmener ou rejoindre la ministre. C'est que son projet de loi amènerait indirectement une protection supplémentaire aux intégristes. Alors, il faut le faire, M. le Président. Et vous comprenez à quel point cela nous inquiète. Et c'est Mme Houda-Pepin, qui, comme vous le savez, est très, très fortement impliquée dans toutes ces questions et dans toutes ces préoccupations de lutte contre l'islamisme radical.

Deuxième exemple que je veux donner, et cela m'interpelle particulièrement, c'est toute la question de la lutte contre l'homophobie. Alors, il y a plusieurs groupes qui sont venus en commission parlementaire pour insister sur l'approche préventive plutôt que répressive, donc rappeler à quel point la prévention est davantage importante que la coercition. Et ce sont des groupes sérieux, la Chaire de recherche sur l'homophobie de l'Université du Québec à Montréal, l'Association pour la diversité sexuelle et de genre de Bonaventure, en Gaspésie, la Coalition des familles LGBT, le fameux GRIS-Montréal et Québec, Groupe de recherche et d'intervention sociale gais et lesbiennes, et qui parlent eux aussi un peu comme Mme Houda-Pepin, mais dans un autre volet, des effets pernicieux que peut emmener le projet de loi n° 59, s'il devient loi, sur la lutte contre l'homophobie.

Vous savez, M. le Président, l'homophobie est souvent le fait d'insultes, de moqueries, d'actes ou d'actions qui nuisent à l'estime de soi, qui isolent la personne qui en est victime, mais qui ne sont pas des discours haineux pour autant, surtout dans un contexte où on ne sait pas quelle est la définition de discours haineux.

• (17 h 20) •

Donc, ces groupes nous disent quoi dans leur mémoire? C'est que le projet de loi n° 59, par les dispositions qu'il amène, risquerait de banaliser l'homophobie, de banaliser le problème de l'homophobie. Et le projet... le mémoire, c'est-à-dire, de ce groupe est extrêmement éclairant à cet égard. Et je vous invite à le lire, notamment la conclusion à la page 16, là, de ce mémoire, M. le Président, c'est extrêmement éclairant et ça pose toutes sortes de questions, entre autres, quant aux risques de dérapage possibles amenés par le projet de loi n° 59, s'il s'avère qu'il devenait loi.

Alors, comprenez que, de notre côté, nous voyons de nombreux risques à l'adoption de ce projet de loi, c'est pour cette raison que nous vous informons que nous allons voter contre. D'autant plus que nous croyons... Évidemment, considérant l'importance de cet enjeu, nous croyons qu'il faut des actions structurées, des actions fortes, des actions qui vont porter immédiatement sur le terrain mais qui en même temps vont agir en amont pour éviter la répétition et la récurrence de ces actions des groupes islamistes. Parce que, vous savez, comme le disaient des groupes qui luttent contre l'homophobie, rien ne vaut l'éducation, le travail sur le terrain de groupes communautaires. Par exemple, Mme Fatima Houda-Pepin propose la création d'un centre de recherche sur l'intégrisme. Et c'est, entre autres, pour toutes ces raisons mais aussi parce que nous y croyons fondamentalement que notre collègue de Taschereau a déposé le projet de loi n° 395, la Loi sur l'observateur de l'intégrisme religieux. Je vous invite à le relire, M. le Président, parce que vraiment c'est un projet de loi qui implique l'Assemblée nationale en raison de ce poste exceptionnel qu'est celui de l'observateur, qui serait nommé par l'Assemblée nationale, mais aussi parce qu'il amène davantage un travail de compréhension, comme je le disais d'emblée, d'entrée de jeu, qui aurait pour mission, cet observateur, d'identifier, de documenter les manifestations d'intégrisme religieux au Québec, mais il aurait également un pouvoir d'enquête, mais balisé, contrairement à ce que le projet de loi n° 59 propose, un projet... ce serait un pouvoir d'enquête balisé par une définition, par une définition de ce qu'est l'intégrisme religieux.

Motion de scission

Alors, M. le Président, là-dessus, je voudrais proposer une motion de scission qui se lirait de la façon suivante :

 «Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes, soit scindé en deux projets de loi :

«Un premier intitulé Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, comprenant l'article 1 et l'article 43; et

«Un second [projet de loi] intitulé Loi apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes, comprenant les articles 2 à 43.»

Alors, je fais dépôt de cette motion, M. le Président, et je vous remercie... Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le député de Jonquière, pour cette intervention. Votre motion est déposée. Là-dessus, M. le député de... leader adjoint du gouvernement.

M. Sklavounos : Oui. M. le Président, je vous demanderais une suspension de cinq minutes, s'il vous plaît, afin de regarder le tout, en prendre connaissance et revenir avec les arguments.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Je vais suspendre, M. le leader adjoint, jusqu'à 17 h 45. Les précédents veulent qu'on suspende 15 à 20 minutes pour permettre à tous les députés de bien prendre connaissance... Cinq minutes semblent convenir à tout le monde?

M. Sklavounos : Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, nous allons suspendre cinq minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 24)

(Reprise à 17 h 33)

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, l'Assemblée poursuit ses travaux.

Débat sur la recevabilité

Et je suis prêt à entendre les plaidoiries sur la motion de scission présentée par M. le député de Jonquière. Et je cède la parole à M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Gerry Sklavounos

M. Sklavounos : Oui, merci, M. le Président. Alors, nous sommes devant vous sur une motion de scission présentée en vertu de l'article 241 de notre règlement par notre collègue de Jonquière avant de terminer son intervention. Et je veux vous lire, évidemment, juste pour les fins de clarté, cet article-là, M. le Président, que vous connaissez bien : «Lorsqu'un projet de loi contient plusieurs principes, il peut, avant leur adoption, faire l'objet d'une motion de scission. Si elle est adoptée, les projets de [la] loi résultant de la scission doivent être réinscrits à l'étape de la présentation.

«Une telle motion ne peut être faite qu'une fois, sauf par la ministre. Elle ne peut être amendée et fait l'objet d'un débat restreint.»

Et nous sommes ici, M. le Président, devant un projet de loi, et nous avons entendu, écouté attentivement l'argumentation de notre collègue de Jonquière, nous présentant ce projet de loi comme ayant deux parties distinctes qui peuvent coexister indépendamment.

On va commencer au début, M. le Président, parce que — vous savez très bien, et je vais le réitérer pour ceux et celles qui n'ont peut-être pas suivi — le principe de ce projet de loi, puisque je vais vous soumettre à la fin de ma plaidoirie, entre autres, qu'il y a un principe dans ce projet de loi. Et je commence en vous disant que ce principe s'inscrit dans le cadre du plan d'action gouvernemental 2015‑2018 qui visait à agir contre la radicalisation au Québec, intitulé Agir, prévenir, détecter et vivre ensemble.

Alors, ce que je vous soumets, M. le Président, c'est que les mesures qui sont proposées dans ce projet de loi, malgré les différentes modalités qu'elles puissent prendre lorsqu'on rentre dans les détails, visent la protection des individus qui seraient vulnérables contre non seulement les discours qui pourraient être haineux, qui pourraient susciter la haine, mais qui pourraient également susciter la violence, et qui pourraient également aussi faire en sorte que des individus passent à l'acte. Et vous avez entendu à plusieurs reprises notre collègue faire référence à des incidents... nos collègues de l'autre côté faire référence à des incidents malheureux qui se sont passés dans notre pays, qui ont fait en sorte que, veux veux pas, notre société a vu ici, chez nous, des choses qui faisaient plus partie des bulletins de nouvelles internationales qu'on entendait, des choses qui se passaient à l'extérieur, mais qui nous a ramené cette question, ce sujet de la radicalisation, qui peut mener, dans des circonstances, à de la violence, nous la ramener bien près de chez nous.

Il y a des mesures également, des modalités, dans ce projet de loi, pour protéger des individus, surtout des personnes qui sont en vulnérabilité, on pense entre autres à des mineurs, des dispositions pour protéger contre des mariages dans des situations qui ne cadrent pas avec nos valeurs et qui ne cadrent pas avec la protection que, nous croyons, doit être apportée à des personnes d'un jeune âge et qui visent également... Et il y a une autre partie qui rentre à l'intérieur des institutions académiques, où il pourrait y avoir des messages qui sont véhiculés, qui eux aussi ne cadrent pas avec nos valeurs et qui ont le potentiel de provoquer des résultats qui peuvent soit provoquer la haine, soit provoquer la violence, soit un mélange des deux, mais qui, de toute façon, ne peuvent pas être tolérés dans une société libre et démocratique, où nous voulons favoriser le vivre-ensemble dans une société, un climat pacifique.

Alors, je vous soumets, M. le Président, que ces arguments font en sorte que le but, le principe de ce projet de loi est bien la protection. Maintenant, vous allez me dire : Mais il y a une partie qui agit sur la protection contre... ou les discours, il y a une partie qui agit contre la protection des actes, il y a une partie qui touche plus ce qui est dit, d'autres parties sur ce qui est fait, mais le principe qui englobe le tout est une de protection, et je vous soumets que la protection soit à l'encontre des mots, que ça soit à l'encontre des gestes, on est dans un principe de protection. Pourquoi un principe de protection? Vous allez vous souvenir que même nos collègues, lorsqu'il y a eu des appels à la ministre d'agir, nous mettaient le tout dans un amalgame et nous disaient : Vous ne pouvez pas agir sur l'un sans agir sur l'autre parce que l'un trouve sa genèse dans l'autre. Et, en n'agissant pas en prévention, là où les paroles sont prononcées, où ces paroles ont l'occasion de toucher des gens qui sont vulnérables, vous vous retrouverez avec le potentiel d'avoir des gens qui agissent sur ces propos-là et qui passent à l'acte, des gens vulnérables. Alors, je vous soumets, M. le Président, que le principe est un, est unique, les modalités sont différentes.

• (17 h 40) •

Maintenant, outre cet argument, et vous le connaissez bien, M. le Président, il y a de la jurisprudence, et je ne vais pas passer mon temps à la réitérer pour vous, elle est bien connue, cette jurisprudence-là, on va aller également sur le fait que nos jurisprudences et nos principes bien connus nous obligent de regarder attentivement la motion de scission pour voir si les parties qu'on vous demande de scinder peuvent exister indépendamment l'une de l'autre. Alors, il faut regarder plus attentivement outre cette argumentation que je viens de faire. Et vous êtes, évidemment... vous connaissez bien que chaque projet de loi qui résulterait de cette motion de scission, si jamais elle était accordée et votée, devrait créer des lois, des projets de loi qui seraient cohérents, complets et qui pourraient vivre indépendamment l'un de l'autre. Il y a des décisions, je vous citerais, 1er juin 1995, Raymond Brouillet : «Chaque série de mesures [...] forme en soi un tout cohérent qui peut exister distinctement.» Donc, le contraire est aussi vrai, et je vais vous citer, avant de vous amener directement sur la partie qui pose problème, quant à nous, la décision de votre collègue, que je ne peux pas nommer, votre collègue vice-président, 241.16, une décision du 27 mai 2004, où on avait évidemment à se prononcer sur la recevabilité d'une motion de scission, et je vais vous citer une partie de cette décision-là : «En effet, l'article 18, qui concerne l'entrée en vigueur du projet de loi, se retrouve dans les deux projets de loi qui résulteraient de la scission. Or, il contient des références à des dispositions contenues uniquement dans le premier projet de loi proposé dans la motion de scission. Cela fait en sorte que cet article réfère à des dispositions qui ne se retrouvent [plus] dans le deuxième projet de loi.»

Alors, vous avez un cas très spécifique. Je vais vous référer maintenant aux articles particuliers qui nous concernent, où, si on est pris avec deux projets de loi qui résulteraient distinctement, mais que, dans le deuxième, on ferait référence... et qui nécessiterait un des articles du premier pour pouvoir exister et donner force à cet article, et cet article aura été enlevé dans la scission et existerait seulement dans le premier, bien, le deuxième ne pourrait exister indépendamment, et donc la motion serait irrecevable et caduque selon la jurisprudence, bien claire, M. le Président.

Alors, regardant le projet de loi maintenant, M. le Président, je vous réfère évidemment à la partie I, qui comporte l'article 1, mais qui est introductif... d'autres articles. Alors, à l'intérieur de l'article 1, on prend complètement la première partie du projet de loi, qui veut dire que, est introductif des articles 1 à... il termine avec 25. Et je vous demande d'aller à l'article 17, plus particulièrement introduit par l'article 1 dans la première partie, et je vais vous lire, et vous pouvez suivre avec moi : «Section II. Autres fonctions et obligations de la commission. 

«17. Pour l'application de la présente loi, la commission assume en outre les fonctions suivantes :

«1° assurer un rôle de prévention et d'éducation en matière de lutte contre les discours haineux et ceux incitant à la violence;

«2° formuler des recommandations au gouvernement sur toute mesure de prévention et de lutte contre les discours haineux et ceux incitant à la violence;

«3° tenir à jour une liste des personnes qui ont fait l'objet d'une décision du tribunal concluant qu'ils ont enfreint une interdiction prévue à l'article 2, et la rendre disponible sur son site Internet.» Alors, cet article-là, le 17.3° introduit par le 1, donne le mandat de créer cette liste. Maintenant, cet article-là partirait selon la motion de scission que vous avez devant vous — mais que j'essaie de trouver devant moi — dans le premier projet de loi qu'on vous demande de... qui résulterait de cette motion de scission. Alors, si je vous amène... Merci, madame.

Alors, parce que, vous voyez, on vous demande de créer un premier projet de loi intitulé Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, comprenant l'article 1, qui inclut le 17.13° et le 43, qui veut dire que le 17.13° quitterait et irait avec le premier projet de loi.

Là, le deuxième qui en résulterait... Si on lit attentivement, M. le Président, je vous invite à lire l'article 27 dans la deuxième partie du projet de loi : L'article 118 de la Loi sur l'enseignement privé est modifié par l'insertion, après le premier alinéa, des suivants :

«Le ministre peut également désigner une personne pour enquêter sur tout comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves.

«Est réputée avoir un comportement pouvant raisonnablement faire craindre pour la sécurité physique ou morale des élèves, la personne dont le nom est inscrit sur la liste tenue par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en vertu de la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence.»

Le problème avec ça, M. le Président, c'est que, si on vient d'enlever le 17.3° avec l'article 1 de la première partie, bien, il serait très difficile que le 27 existe indépendamment, et donc le 27... Et il y a également le 32, je vous invite à regarder l'article 32 également de cette deuxième partie, qui fait également, dans le dernier alinéa, référence également à cette liste-là. Alors, on lirait ce projet de loi puis on se demanderait de quelle liste on parle, où est la liste, d'où vient la liste; bien, la liste n'est pas là, elle est partie dans l'autre projet de loi.

Alors, sans vouloir retarder indûment mon intervention, M. le Président, je vous soumets que, pour cette raison-là, qui est apparente à la face même, à la lecture de cette motion-là, suite à notre lecture du projet de loi et des deux qui en résulteraient, nous sommes devant une situation où la motion de scission ne peut être acceptée puisque les deux projets de loi qui en résulteraient ne seraient pas cohérents, ne pourraient pas exister indépendamment une fois une telle motion accordée. Alors, le tout respectueusement soumis, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci à vous, M. le leader adjoint du gouvernement. Je suis prêt à entendre d'autres plaidoiries sur la recevabilité et je cède la parole à Mme la leader adjointe de l'opposition officielle.

Mme Agnès Maltais

Mme Maltais : M. le Président, ce projet de loi, c'est exactement deux principes très différents. Je n'en reviens pas d'entendre le leader adjoint du gouvernement dire que le grand principe, c'est l'intention gouvernementale. On a souvent plaidé ici, dans l'Assemblée nationale, qu'une scission, ça se fait sur la loi qui est présentée et non pas sur l'intention du gouvernement.

L'intention du gouvernement, c'est le plan de lutte à la radicalisation. Et la preuve même que le leader adjoint erre, sûrement pas de façon intentionnelle, bien sûr, en disant qu'il s'agit d'une intention gouvernementale, donc ça doit se refléter dans une seule loi, c'est que l'intention gouvernementale, qui est le plan de radicalisation selon sa propre ministre... j'espère qu'il est d'accord avec sa ministre, sa ministre dit : Tout ça découle d'un plan de lutte à la radicalisation qui s'exprime dans plusieurs lois. Déjà, le projet de loi n° 59 et le projet de loi n° 62, d'après sa propre ministre, membre de son gouvernement, la ministre de la Justice, sont deux lois qui découlent de l'intention gouvernementale de lutter contre la radicalisation. Donc, l'affirmation du leader adjoint selon laquelle un principe est une intention gouvernementale est démentie par les gestes de son gouvernement. Il y a déjà la loi n° 59, il y a déjà le projet de loi n° 62, et il y aurait un troisième projet de loi. Donc, cette idée d'une intention gouvernementale est un principe est totalement erronée et a souvent, M. le Président, été plaidée dans cette Assemblée. C'est arrivé régulièrement.

Donc, quels sont les deux principes qui sont dans cette loi? Ils sont édictés clairement dans le titre. Le titre nous propose une loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence. C'est une loi. Elle est inscrite telle quelle dans la loi. Et le deuxième, c'est d'apporter diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Or, comment je peux dire que la première partie que j'ai nommée, qui termine au mot «violence», est en soi une loi indépendante, autonome, et tout? Regardez bien. L'article 1 édicte un texte qui suit à l'intérieur de l'article 1 dans combien d'articles, dans 25 articles. 25 articles. Donc, c'est une nouvelle loi qui est édictée par l'article 1. Elle est autonome en soi. Elle ne réfère à aucun autre article d'un autre projet de loi. Aucun autre article d'une autre loi n'est référé là-dedans, c'est véritablement... c'est une nouvelle loi sur un nouveau principe, de nouvelles idées. On peut être d'accord ou pas d'accord, mais c'est intégral.

• (17 h 50) •

Chaque partie du projet de loi scindé peut être considérée distinctement et constitue plus qu'une simple modalité. La première partie, c'est les discours haineux, et on en a parlé, qui incitent à la violence. La deuxième partie, c'est la protection des personnes, c'est totalement et intégralement la protection des personnes, complètement différent. D'ailleurs, souvent, j'ai plaidé, et je l'ai fait encore cet après-midi, en disant : Écoutez, la partie importante de cette loi-là, on la retrouve dans la partie II, c'est les mariages forcés, par exemple. Alors, tous les intervenants en commission parlementaire sont même venus nous dire : Ce sont deux principes complètement différents, traitez-les de façon séparée, c'est important, parce qu'on n'est pas dans les mêmes objets. Alors, ce sont deux principes totalement différents.

Et les projets de loi qui résulteraient de la scission constituent des projets de loi cohérents en eux-mêmes. Il n'y a aucune référence dans la partie II disant : Allez voir tel autre article, réfère à l'article 22, réfère à l'article 12. Il n'y a aucune référence à une autre disposition ailleurs. Ils se tiennent intégralement. Ils sont indépendants tels quels.

Et finalement il n'y a aucun article qui a été oublié, tous les articles seraient à l'intérieur de la scission qu'on propose, aucun oubli, tout y est. Deuxièmement, on n'y ajoute aucun élément nouveau.

Les critères que je viens d'énumérer ont été réitérés à de nombreuses reprises, notamment par Lefebvre, en 1990, Pinard, Claude Pinard, le 11 décembre 1997, Claude Pinard, le 3 juin 1998, Raymond Brouillet, le 29 novembre 2000, le député d'Abitibi-Ouest, le 5 juin 2006, et Fatima Houda-Pepin, 18 mai 2011. Toutes ces décisions confirment le plaidoyer que je vous tiens.

De plus, concernant l'article 43... Et là ça démolit un peu l'argument du leader adjoint. L'article 43 a déjà ce type d'article qui est final, là, qui est la fin de la... qui est la finale d'une loi, le dernier article, qui, dans ce cas-ci, dit : «Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur à la date ou aux dates déterminées par le gouvernement.» Il a déjà été édicté que, dans cette Assemblée, souvent, l'article de mise en vigueur de la loi doit être séparé sans qu'on le modifie. Bien là, on l'accole aux deux, tout simplement. Il n'y a aucune modification de l'article. Décision du 27 mai 2004. Je vais la citer. Elle est importante, cette décision. Le député d'Abitibi-Ouest indiquait qu'«une motion de scission doit contenir les précisions nécessaires afin d'être déclarée recevable sans que la présidence ait à modifier le contenu de la motion». Aucun problème. «La présidence ne peut apporter que des corrections de forme, conformément à l'article 193, et la modification de certains articles visés par une motion de scission n'entre pas dans cette catégorie de corrections.» On ne demande aucune modification. «Dans une motion de scission, on ne doit pas réécrire les articles du projet de loi dans le but de la rendre recevable.» Aucune réécriture, aucune réécriture. «Cependant, la présidence doit déclarer recevable une motion de scission qui adapterait l'article d'entrée en vigueur aux projets de loi qui résulterait de la scission.» Jugé 27 mai 2004, le député d'Abitibi-Ouest.

D'ailleurs, dans tous les projets de loi, il y a uniquement un article d'entrée en vigueur et la présidence a toujours déclaré recevable une motion qui inclut cet article dans tous les projets de loi qui résultent de cette scission. Ce que nous faisons, c'est exactement ça : on prend l'article, on ne le modifie pas, mais on l'inclut dans tous les projets de loi qui résultent de cette scission. C'est une pratique qui a été confirmée encore une fois par le député d'Abitibi-Ouest dans sa décision du 23 mars 2010.

Donc, à notre sens, M. le Président, cette motion est tout à fait acceptable, recevable. Ce sont deux lois complètement indépendantes, séparées. Et je dirais que, pour le gouvernement, de voter pour, d'accepter qu'on fasse deux lois avec ça serait répondre à la grande demande qui a été faite pendant les auditions en commission parlementaire. La population, les groupes concernés nous ont demandé de traiter ces deux questions séparément parce que ce sont deux questions séparées. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Ouimet) : Alors, merci, Mme la leader adjointe de l'opposition officielle. Y a-t-il d'autres interventions sur la recevabilité? Sinon, je remercie et la leader adjointe de l'opposition officielle et le leader adjoint du gouvernement. Et je vous avise que je vais prendre cette question en délibéré. Lorsque le principe du projet de loi sera rappelé, je rendrai ma décision à ce moment-là.

Ajournement

Et d'ici là, compte tenu de l'heure, je vais ajourner les travaux à mardi 3 novembre 2015 à 13 h 40. Merci et bonne fin de semaine.

(Fin de la séance à 17 h 55)