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Version finale

42e législature, 2e session
(19 octobre 2021 au 28 août 2022)

Le jeudi 25 novembre 2021 - Vol. 46 N° 15

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Déclarations de députés

Féliciter Mme Maggy Robinson, lauréate du gala Forces Avenir

Mme Geneviève Hébert

Souligner la contribution de M. Albert Lévy aux organismes venant en aide aux enfants et aux
adultes autistes grâce à la collecte de fonds du Grand McDon

M. Jean Rousselle

Souligner le départ à la retraite de M. Robert Beauvais, directeur adjoint du Centre de prévention
du suicide de la Haute-Yamaska

M. François Bonnardel

Souligner les Journées d'action contre la violence faite aux femmes

Mme Isabelle Melançon

Souligner le 30e anniversaire de la Librairie Livres en tête inc.

Mme Marie-Eve Proulx

Souligner les Journées d'action contre la violence faite aux femmes

M. Andrés Fontecilla

Souligner le 100e anniversaire du Club de golf et de curling de Thetford inc.

Mme Isabelle Lecours

Souligner la victoire de l'équipe des Cobras du Roussillon au championnat de la Ligue de
baseball junior AA du Québec

Mme Danielle McCann

Féliciter la Maison de la famille de Mirabel et l'entreprise Garde-robes Gagnon et Frères,
lauréats du Gala des Mirad'Or

Mme Lucie Lecours

Souligner l'importance des banques alimentaires pendant la période des fêtes et inviter les
citoyens à y apporter leur contribution

M. Gregory Kelley

Dépôt de documents

Plan stratégique 2021‑2025 de la Régie des alcools, des courses et des jeux

Rapport annuel du Comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement et rapport
du Conseil supérieur de l'éducation sur l'état et les besoins de l'éducation pour 2020‑2021

Comptes publics 2020‑2021

Réponses à des questions inscrites au feuilleton et à une pétition

Rapport du DGE sur la mise en application de l'article 4 de la Loi visant à faciliter le déroulement
de l'élection générale municipale du 7 novembre 2021 dans le contexte de la pandémie de la
COVID-19 et de l'article 90.5 de la Loi sur les élections et les référendums dans les
municipalités


Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 6 — Loi édictant la Loi sur le ministère de la Cybersécurité et du Numérique et modifiant d'autres dispositions

Dépôt de pétitions

Demander la réouverture de lits au Centre hospitalier de La Sarre

Demander le retour du bingo au profit de la Fondation Maison La Cinquième Saison

Questions et réponses orales

Gestion de la pandémie de coronavirus dans les centres d'hébergement et de soins de longue
durée

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Mme Dominique Anglade

M. François Legault

Gestion de la pandémie de coronavirus dans les résidences pour personnes âgées

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

M. André Fortin

M. Christian Dubé

Accès aux centres d'hébergement et de soins de longue durée pour les proches aidants

Mme Monique Sauvé

M. Christian Dubé

Mme Monique Sauvé

M. Christian Dubé

Mme Monique Sauvé

M. Christian Dubé

Critères d'admissibilité au Programme d'action concertée temporaire pour les entreprises

Mme Ruba Ghazal

M. Pierre Fitzgibbon

Mme Ruba Ghazal

M. Pierre Fitzgibbon

Mme Ruba Ghazal

M. Pierre Fitzgibbon

Enquête sur la gestion de la pandémie de COVID-19

M. Joël Arseneau

M. François Legault

M. Joël Arseneau

M. François Legault

M. Joël Arseneau

M. François Legault

Rapports des visites d'évaluation de la qualité des milieux de vie dans les centres d'hébergement
et de soins de longue durée

M. Marc Tanguay

M. Christian Dubé

M. Marc Tanguay

M. Christian Dubé

M. Marc Tanguay

M. Christian Dubé

Soutien aux cégeps en région

M. Sylvain Roy

Mme Danielle McCann

M. Sylvain Roy

Mme Danielle McCann

M. Sylvain Roy

Mme Danielle McCann

Processus d'attribution de contrats par le ministère de l'Économie et de l'Innovation en contexte
de pandémie

M. Vincent Marissal

M. Pierre Fitzgibbon

M. Vincent Marissal

M. Pierre Fitzgibbon

Motions sans préavis

Dénoncer les pratiques spéculatives de certains propriétaires pour expulser des locataires et
augmenter les loyers et exiger du gouvernement qu'il s'assure que le Tribunal administratif
du logement soit rigoureux dans l'application des règles pour la reprise des logements

Mise aux voix

Souligner le 25e anniversaire de la Loi sur l'équité salariale

Mise aux voix

Dénoncer l'amalgame fait entre la Loi sur la laïcité de l'État et l'islamophobie dans du matériel pédagogique destiné aux écoles ontariennes

Mise aux voix

Avis touchant les travaux des commissions

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Affaires du jour

Projet de loi n° 92 —  Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle
et de violence conjugale
(titre modifié)

Adoption

M. Simon Jolin-Barrette

Mme Christine Labrie

Mme Véronique Hivon

Mme Kathleen Weil

Mme Hélène David

Mme Isabelle Melançon

Mise aux voix

Ajournement

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, bon jeudi à vous tous et toutes. Et vous pouvez prendre place.

Affaires courantes

Déclarations de députés

Et nous allons débuter notre séance avec la rubrique des déclarations de députés. Et je me tourne vers Mme la députée de Saint-François pour sa déclaration d'aujourd'hui.

Féliciter Mme Maggy Robinson, lauréate du gala Forces Avenir

Mme Geneviève Hébert

Mme Hébert : Bonjour, Mme la Présidente.

Étudiante à la Faculté de médecine et de sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke, Maggy Robinson a été désignée Personnalité 1er cycle au gala Forces Avenir.

Avec l'équipe d'Étudiants à l'écoute, la lauréate a organisé une friperie qui a permis de recueillir plus de 400 litres de vêtements et 1 200 en produits hygiéniques pour les personnes itinérantes du Partage Saint-François. L'étudiante en médecine a également cocréé Grandir en santé, un projet de pédiatrie sociale en partenariat avec le centre Le Tandem qui promeut les saines habitudes de vie et l'éducation chez les jeunes défavorisés de l'Estrie.

Mme Robinson a aussi été bénévole pour des causes comme la sclérose en plaques et les malformations cardiaques congénitales. L'engagement fait partie de sa vie depuis l'école primaire dans le sport, l'art, l'éducation, l'environnement et le communautaire.

Mme Robinson, vous êtes un bel exemple du rôle sociétal que l'on peut jouer quand on exerce une profession de la santé. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Vimont.

Souligner la contribution de M. Albert Lévy aux organismes venant en aide aux enfants
et aux adultes autistes grâce à la collecte de fonds du Grand McDon

M. Jean Rousselle

M. Rousselle : Merci, Mme la Présidente. J'aimerais prendre le temps, en cette Chambre, afin de remercier M. Albert Lévy pour son initiative du McDon dans tous les restaurants McDonald's à travers le Québec.

Cette belle réalisation permet aux enfants autistes, entre autres, d'avoir des activités de toutes sortes et des sorties, ainsi qu'un moment de répit pour les parents, qui, bien souvent, en ont grandement besoin.

Franchisé de plusieurs McDonald's, M. Albert Lévy est très proche de cette cause et sensible aux différentes demandes qui s'y rattachent. Ayant le coeur sur la main, il veut ainsi aider la communauté et apporter son soutien aux personnes qui en ont fortement besoin.

Bien, c'est à mon tour, aujourd'hui, de lui apporter mon soutien, de le remercier de tout qu'est-ce qu'il fait, car c'est vraiment important et c'est vraiment un beau cadeau que la famille Lévy donne à la société. Un très bel exemple à suivre. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Vimont. Et maintenant je cède la parole à M. le député de Granby.

Souligner le départ à la retraite de M. Robert Beauvais, directeur adjoint
du Centre de prévention du suicide de la Haute-Yamaska

M. François Bonnardel

M. Bonnardel : Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, j'ai l'immense plaisir de souligner le départ à la retraite de M. Robert Beauvais, adjoint administratif du Centre de prévention du suicide de la Haute-Yamaska.

M. Beauvais est un pilier pour notre centre de prévention du suicide. Au total, sa carrière aura duré plus de 35 ans. C'est franchement impressionnant, surtout considérant qu'il soit arrivé en emploi un an seulement après la création du centre de prévention du suicide.

Durant sa très longue carrière au centre, il aura occupé toutes les fonctions inimaginables. Que ce soit en tant qu'intervenant, soutien à la clientèle ou adjoint à l'administration, M. Beauvais était toujours présent. Alors qu'une panoplie de directions générales et de présidences se sont succédé à la tête du centre de prévention du suicide pendant ses 37 ans d'existence, M. Beauvais était d'une constance nécessaire, qui n'aura jamais compté ses heures, qui aura mis tout son coeur pour la cause de la santé mentale et pour aider les personnes en détresse.

Bonne retraite, M. Beauvais! Le centre de prévention du suicide était privilégié de vous avoir, et je suis certain que l'ensemble des organismes de la région rêvent de pouvoir compter sur quelqu'un d'aussi fidèle et loyal que vous. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Merci, M. le député de Granby. Et je reconnais maintenant Mme la députée de Verdun.

Souligner les Journées d'action contre la violence faite aux femmes

Mme Isabelle Melançon

Mme Melançon : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je souhaite aujourd'hui souligner le début des 12 jours d'action contre la violence faite aux femmes.

Cette année en particulier, alors que le Québec dénombre un triste de record de 17 féminicides, ces jours d'action prennent une signification d'autant plus importante.

Aujourd'hui, je pense aux victimes, à leurs enfants, à leurs amis, à leurs familles, mais je pense aussi à toutes celles qui vivent encore chaque jour de la violence psychologique ou physique, je pense à celles qui ont peur, à celles qui se sont sauvées mais qui tremblent encore chaque fois qu'un de ces drames fait la une des journaux.

J'invite tous les Québécois, toutes les Québécoises à envoyer un message clair à ces femmes : Vous n'êtes pas seules, on vous entend, on vous appuie et on ne vous laissera pas tomber. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Verdun. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Côte-du-Sud.

Souligner le 30e anniversaire de la Librairie Livres en tête inc.

Mme Marie-Eve Proulx

Mme Proulx (Côte-du-Sud) : C'est avec beaucoup d'enthousiasme que je vous parle, Mme la Présidente, aujourd'hui, des célébrations entourant la Librairie Livres en tête, qui souligne ses 30 ans.

En effet, c'est à l'automne de 1991 que Mme Marcelle Caron, qui était alors gestionnaire de l'information au gouvernement du Québec, décide de prendre un congé différé pour se lancer dans le vide en achetant un fonds de commerce d'une librairie. Tout se succède rapidement, et, après 36 mois à ce rythme, Mme Caron quitte son emploi pour se consacrer entièrement à la librairie.

Ce qui m'impressionne le plus et qui fait du bien, c'est que la Librairie Livres en tête a d'abord rendu plus accessible la lecture dans la région pour tous. La Librairie Livres en tête permet de faire voir les auteurs québécois, avoir accès au monde et stimuler notre imagination.

L'équipe en place est fantastique, qu'on pense à Marcelle, Louise Moreau, Brigitte Caron, Claudine Landry, Hélène Marois et Coralie Vézina. On peut toujours recevoir des suggestions ou des commentaires sur pratiquement tous les livres.

La librairie fait le bonheur des petits et des grands depuis 30 ans, et c'est un atout important pour la population et l'économie de la région. Bravo, Marcelle Caron et toute l'équipe, pour ce succès culturel et social qui anime de belle manière le centre-ville de Montmagny!

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Côte-du-Sud. Et je cède maintenant la parole à M. le député de Laurier-Dorion.

Souligner les Journées d'action contre la violence faite aux femmes

M. Andrés Fontecilla

M. Fontecilla : Merci, Mme la Présidente.

Du 25 au 6 décembre, les groupes de femmes, au Québec, s'attellent à nous remémorer notre devoir collectif face aux violences faites aux femmes.

Depuis le début de l'année, nous sommes malheureusement rendus à 18 féminicides, au Québec. La dernière femme assassinée, Romane Bonnier, n'avait que 24 ans. À Parc-Extension, dans ma circonscription, Rajinder Prabhneed Kaur, victime de violence conjugale, a laissé deux jeunes enfants orphelins. Aujourd'hui, l'on nomme les choses comme elles sont : il s'agit de féminicides. Les femmes sont tuées parce qu'elles sont des femmes.

La semaine dernière, j'ai assisté à un bel événement dans ma circonscription. Le Bouclier d'Athéna, qui dessert les femmes et les familles en plus de 23 langues, rendait hommage à la collaboration des médias locaux dans la lutte contre la violence conjugale, une collaboration qui porte fruit, menée par des hommes et des femmes auprès des diverses communautés. Le travail des médias locaux et des groupes de femmes n'est pas anodin, il rend anormale la violence contre les femmes par les hommes, peu importe d'où ils viennent et quelle langue ils parlent. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député. Maintenant, je cède la parole à Mme la députée de Lotbinière-Frontenac.

Souligner le 100e anniversaire du Club de golf et de curling de Thetford inc.

Mme Isabelle Lecours

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Merci, Mme la Présidente. Je tiens, aujourd'hui, à souligner le 100e anniversaire du Club de golf et de curling de Thetford Mines.

Véritable joyau, situé au coeur de la ville, le club de golf et de curling a été fondé en 1921. Au moment de son ouverture, le terrain ne comptait que cinq trous. C'est en 1976 que le parcours de 18 trous a été complété et en 1987 que les glaces de curling ont été inaugurées. Reconnu pour la qualité de son parcours et ses vues panoramiques incomparables, le club de golf et de curling constitue un lieu rassembleur en plein centre-ville.

Je tiens donc à saluer le travail et les efforts de tous les partenaires, bénévoles et membres qui ont permis au Club de golf et de curling de Thetford Mines de célébrer, cette année, son 100e anniversaire.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Lotbinière-Frontenac. Et maintenant je reconnais Mme la députée de Sanguinet.

Souligner la victoire de l'équipe des Cobras du Roussillon au
championnat de la Ligue de baseball junior AA du Québec

Mme Danielle McCann

Mme McCann : Bien, merci, Mme la Présidente. Alors, les Cobras du Roussillon, l'équipe junior AA de Saint-Constant, a fait honneur à la région une fois de plus cette année en étant sacrés champions de la série finale de la Ligue de baseball junior AA du Québec, et ce, pour une deuxième année consécutive.

L'équipe de Saint-Constant, dirigée par Éric Cadieux, a fait une remontée remarquable en remportant les trois derniers matchs de la série contre les Guerriers de Richelieu-Yamaska, après avoir perdu les deux premiers matchs. Nos Cobras ont démontré beaucoup de caractère durant cette finale, Mme la Présidente, c'est pourquoi j'aimerais les féliciter pour cette victoire sans équivoque.

De plus, je m'en voudrais de ne pas féliciter également le voltigeur de centre et lanceur Émile Bellemare, qui a été élu Joueur par excellence des séries éliminatoires.

Alors, bravo, Émile! Félicitations, les Cobras! Toute la circonscription de Sanguinet est fière de vous. Merci, Mme la Présidente.

• (9 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Sanguinet. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Les Plaines.

Féliciter la Maison de la famille de Mirabel et l'entreprise Garde-robes
Gagnon et Frères, lauréats du Gala des Mirad'Or

Mme Lucie Lecours

Mme Lecours (Les Plaines) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, le 3 novembre, dans le cadre du Gala des Mirad'Or, la Chambre de commerce et d'industrie de Mirabel soulignait l'excellence de la maison de la famille et de l'entreprise Garde-robes Gagnon. Aujourd'hui, je souhaite leur rendre hommage.

Dans le contexte particulier de la pandémie, la Maison de la famille de Mirabel a su faire preuve de résilience, d'innovation et d'adaptation pour continuer à promouvoir le bien-être des familles mirabelloises. Leur équipe de feu met tout en oeuvre pour offrir un milieu dynamique et accueillant.

Une histoire de passion, voilà l'image de marque de Garde-robes Gagnon, celle qui lui sied à merveille, d'ailleurs. Depuis 1995, cette entreprise se distingue dans l'aménagement intérieur, au Québec. Représentés par une équipe formée de gens chevronnés, dynamiques et engagés, ils se font un devoir de rendre chaque projet unique.

Je tiens à saluer leur précieuse contribution dans le rayonnement de Les Plaines, mais également à la chambre de commerce de Mirabel de donner l'occasion aux entreprises de se faire connaître, et surtout de se faire reconnaître. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Les Plaines. Et maintenant, pour clore cette rubrique de déclarations de députés, je cède la parole à M. le député de Jacques-Cartier.

Souligner l'importance des banques alimentaires pendant la période des fêtes
et inviter les citoyens à y apporter leur contribution

M. Gregory Kelley

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. La période du temps des fêtes est à nos portes. Pour plusieurs d'entre nous, ce sera l'occasion de retrouver nos plaisirs et de retrouver nos proches.

What we've all just gone through has taught us that life is precious, that time with people we love is sacred, but it has also been a stark reminder that not everyone is as privileged as the more fortunate.

Pour les citoyens de Jacques-Cartier, si vous avez les moyens, je vous encourage à donner votre temps et argent à une banque alimentaire, cette saison, ou à penser à une personne qui habite seule et de leur rendre visite, ce sont de si petits actes de générosité, et combler leur coeur de bonheur.

In the West Island, giving is local. As one organization says, live here, give here. When I think of the many talented executive directors and devoted volunteers with whom my work brings me into close contact, I believe that our communities can go through anything together.

Cette année, rassemblons-nous de façon sécuritaire, mais soyons aussi à la précarité de nos voisins et aidons-les à fêter en convivialité. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, ceci met fin à la rubrique des déclarations de députés.

Et je suspends nos travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 9 h 52)

(Reprise à 10 h 4)

Le Président : Mmes et MM. les députés, je vous souhaite un bon jeudi. Prenons quelques instants pour nous recueillir.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons les affaires courantes.

Aujourd'hui, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

À la rubrique Dépôt de documents, Mme la ministre de la Sécurité publique.

Plan stratégique 2021‑2025 de la Régie des
alcools, des courses et des jeux

Mme Guilbault : Oui, M. le Président. Je dépose le plan stratégique 2021‑2025 de la Régie des alcools, des courses et des jeux.

Le Président : Merci. Ce document est déposé. M. le ministre de l'Éducation.

Rapport annuel du Comité d'agrément des programmes de formation à
l'enseignement et rapport du Conseil supérieur de l'éducation sur
l'état et les besoins de l'éducation pour 2020‑2021

M. Roberge : M. le Président, je dépose le rapport annuel 2020‑2021 du Comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement ainsi que le rapport sur l'état et les besoins de l'éducation 2020‑2021, Revenir à la normale? Surmonter les vulnérabilités du système éducatif face à la COVID-19, du Conseil supérieur de l'éducation. Merci.

Le Président : Et ces documents sont déposés. M. le ministre des Finances.

Comptes publics 2020‑2021

M. Girard (Groulx) : M. le Président, conformément aux dispositions de l'article 87 de la Loi sur l'administration financière, je dépose les comptes publics 2020-2021, volumes 1 et 2. Merci, M. le Président.

Le Président : Merci. Ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.

Réponses à des questions inscrites au feuilleton et à une pétition

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je dépose les réponses du gouvernement aux questions inscrites au feuilleton le 26 octobre par les députés d'Hochelaga-Maisonneuve et de Pontiac ainsi qu'à la pétition présentée en Chambre le 6 octobre 2021 par la députée de Saint-Laurent. Merci.

Le Président : Merci. Ces documents sont déposés. Nous en sommes à la rubrique, toujours, Dépôt de documents.

Rapport du DGE sur la mise en application de l'article 4 de la Loi visant à faciliter
le déroulement de l'élection générale municipale du 7 novembre 2021 dans le
contexte de la pandémie de la COVID-19 et de l'article 90.5 de la Loi sur
les élections et les référendums dans les municipalités

Pour ma part, je dépose le rapport du Directeur général des élections du Québec sur la mise en application de l'article 4 de la Loi visant à faciliter le déroulement de l'élection générale municipale du 7 novembre 2021 dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 et de l'article 90.5 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

Dépôt de rapports de commissions

Consultations particulières sur le projet de loi n° 6

À la rubrique, cette fois-ci, Dépôt de rapports de commissions, je dépose le rapport de la Commission des finances publiques qui, les 23 et 24 novembre 2021, a tenu des auditions publiques dans le cadre de consultations particulières sur le projet de loi n° 8, loi... ou plutôt le numéro 6, Loi édictant la Loi sur le ministère de la Cybersécurité et du Numérique et modifiant d'autres dispositions.

Dépôt de pétitions

À la rubrique Dépôt de pétitions, Mme la députée d'Abitibi-Ouest.

Demander la réouverture de lits au Centre hospitalier de La Sarre

Mme Blais (Abitibi-Ouest) : Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 424 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que la fermeture indéterminée à l'hôpital de La Sarre des deux seuls lits en pédiatrie, de 15 lits des 30 lits de courte durée, de deux des quatre lits [des] soins intensifs, dont la fusion des deux lits restants avec l'urgence, ainsi que trois des huit lits en santé mentale limite grandement les soins de santé de la population d'Abititi-Ouest;

«Considérant que le territoire d'Abitibi-Ouest est vaste et que plusieurs citoyens et familles doivent déjà effectuer une heure de route pour se rendre au Centre hospitalier de La Sarre;

«Considérant que la vie et la santé des citoyens sont mises en danger et que le seuil [des] lits proposé est nettement inférieur au nombre historique [des] patients hospitalisés;

«Considérant que la fermeture des nombreux lits aura un impact sur la venue et le départ [des] médecins qui ne pourront exercer pleinement leurs fonctions faute de disponibilité [de] lits;

«Considérant que ce n'est pas la première fois que les services de proximité sont en péril et que la population redoute une fermeture permanente;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec :

«La réouverture des lits, dans les plus brefs délais, afin de permettre aux citoyens d'Abitibi-Ouest de se faire soigner chez eux;

«L'élaboration d'un plan d'action concret pour contrer la pénurie d'infirmières — gestionnaire local, élimination du TSO, gestion locale des horaires, faction de 12 heures, etc.;

«La formation d'un comité local de recrutement multidisciplinaire.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

• (10 h 10) •

Le Président : Et cet extrait de pétition est déposé.

Et j'ai reçu une demande de M. le député de Mégantic pour la présentation d'une pétition non conforme. Y a-t-il consentement pour la présentation de cette pétition? Consentement. M. le député de Mégantic.

Demander le retour du bingo au profit de la
Fondation Maison La Cinquième Saison

M. Jacques : Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale, signée par 2 2249 pétitionnaires. Désignation : citoyens et citoyennes de la MRC du Granit.

«Les faits invoqués sont les suivants :

«Considérant que la population de la MRC du Granit demande le retour du bingo média au profit de la Fondation Maison La Cinquième Saison;

«Considérant que notre région ne possède pas de radio communautaire, mais [...] nous croyons que nous n'avons pas à être pénalisés;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi :

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec le retour du bingo afin de garder ouverte notre maison de soins palliatifs.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président : Cet extrait de pétition est également déposé.

Il n'y a pas de réponses orales aux pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Questions et réponses orales

Nous en sommes maintenant à la période de questions et de réponses orales, et je cède la parole à la cheffe de l'opposition officielle.

Gestion de la pandémie de coronavirus dans les centres
d'hébergement et de soins de longue durée

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : Merci, M. le Président. Avant le 12 mars 2020, il y avait des signes avant-coureurs que les personnes qui étaient hébergées en CHSLD allaient vivre des moments particulièrement difficiles. Il y avait des signes avant-coureurs, puisque l'ancienne ministre de la Santé l'a reconnu, même si elle n'a pas posé les gestes nécessaires. Il y avait des signes avant-coureurs, puisque le directeur de la santé publique nous l'a dit, il a mentionné que les personnes aînées allaient être particulièrement à risque. Des signes avant-coureurs, M. le Président, puisque l'INSPQ avait levé un drapeau rouge pour dire qu'on allait avoir des enjeux. Des signes avant-coureurs, puisque le rapport de la Protectrice du citoyen nous dit qu'il y avait d'autres juridictions qui vivaient ce genre de scénario. Pourtant, malgré toutes ces informations, le gouvernement a préféré les ignorer et abandonner les familles à elles-mêmes.

Mais il y a un deuxième abandon, M. le Président. C'est quand le premier ministre se lève en cette Chambre et nous dit qu'avant le 12 mars, dans le fond, il n'a rien vu, il n'a rien su, qu'il n'y avait pas de signes avant-coureurs. Ça, c'est un deuxième abandon pour les familles, et ce double abandon a un impact réel.

Est-ce que le premier ministre se rend compte de cet impact qu'il a sur les familles qui ont été touchées par cette immense hécatombe?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, au mois de février, on avait une période de questions normale ici, jamais le Parti libéral n'a posé de question sur les CHSLD. Tout à... C'est arrivé, M. le Président... la seule question, c'est à quelque part au mois de février, dans une commission parlementaire, on a dit : Qu'est-ce que vous faites pour le coronavirus? C'est tout. Rien sur les CHSLD.

Or, aujourd'hui, la cheffe de l'opposition officielle arrive puis dit : Bien, comment ça se fait qu'en février vous ne le saviez pas? M. le Président, New York a été surprise par la crise dans les centres de soins de longue durée. Même chose à Boston, même chose en France, même chose au Royaume-Uni, même chose en Italie. Puis là la cheffe de l'opposition officielle essaie de dire : Comment se fait-il que le gouvernement n'a pas prévu qu'il y aurait une crise dans les CHSLD? M. le Président, dès qu'on a vu qu'il y avait un problème dans les CHSLD on a agi. Avant ça, comme beaucoup d'endroits dans le monde, on s'est surtout préoccupés de préparer les urgences de nos hôpitaux, parce qu'on pensait que les citoyens viendraient engorger les urgences de nos hôpitaux.

Donc, M. le Président, c'est facile de dire : Je n'ai pas posé de questions en février 2020, mais là j'en pose, au mois de novembre 2021. M. le Président, je pense que les Québécois sont capables de faire la part des choses.

Le Président : Première complémentaire...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! La parole n'appartient qu'à la cheffe de l'opposition officielle.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis mais le rapport de la Protectrice du citoyen, et je vais relire le paragraphe, que le premier ministre devrait relire également : «Au même moment, l'État de Washington, aux États-Unis, et la province de la Colombie-Britannique, au Canada, voyaient des éclosions survenir dans les milieux d'hébergement[...], et ce, avant que le Québec [ne] soit touché[...]. Cela ne semble pas avoir influencé la stratégie du [ministère] dans sa préparation [de] la pandémie.» Ce n'est pas la cheffe de l'opposition officielle qui le dit, c'est la Protectrice du citoyen. Est-ce qu'il est d'accord avec ça?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, prenez juste Boston puis le Massachusetts, hein, c'est un des États les plus riches au monde, ils ont un des meilleurs systèmes de santé au monde, ils ne l'ont pas vu venir. Même chose à New York, même chose en France, même chose au Royaume-Uni, même chose en Italie.

Là, la cheffe de l'opposition nous dit : Il y a un État puis peut-être une province où il y a eu des problèmes dans les CHSLD. M. le Président, toute l'équipe qui se réunissait chaque matin, on n'a pas eu cette alerte-là. C'est facile puis c'est... Aujourd'hui, on se dit : Bien, on aurait dû agir avant. Bien oui. Si on l'avait su, on l'aurait fait.

Le Président : Deuxième complémentaire...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Encore une fois, Mme la cheffe de l'opposition officielle, vous avez la parole.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : Vous savez, M. le Président, là, perdre ses parents dans un événement tragique, là, je sais de quoi je parle, c'est quelque chose qui est extrêmement douloureux. Et, pour passer à travers le deuil de ça, qui n'est pas facile, on a besoin de savoir ce qui s'est passé. On a besoin de savoir ce qui s'est passé pour être capable de boucler la boucle. Mais, pour ça, M. le Président, il faut qu'on soit capable d'entendre la vérité, et c'est ça qu'on a besoin d'avoir.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, on est tous d'accord, ici, que de perdre ses parents, c'est terrible. Et, le fait qu'on avait un réseau qui était déjà fragile, où il manquait déjà beaucoup d'employés dans les CHSLD, effectivement, il y a des aînés qui n'ont pas reçu les services qu'ils auraient dû recevoir, et on est tous mal à l'aise face à ça, M. le Président. Mais on a vécu une pandémie historique, on a essayé de faire de notre mieux, M. le Président, puis on avait un réseau qui était déjà fragile...

Le Président : En terminant.

M. Legault : ...puis on a fait tout ce qu'il était possible de faire.

Le Président : Troisième complémentaire, Mme la cheffe de l'opposition officielle.

Mme Dominique Anglade

Mme Anglade : M. le Président, je vais vous lire un extrait de ce que M. Daudois, qui a perdu sa mère, dit. Il dit : «C'est une farce. Il n'y a pas de consignes qui ont été envoyées avant la fin février. Et, encore là, c'étaient des consignes assez vagues. Ils n'ont aucune excuse.» Et il rajoute : «On a littéralement abandonné le sort de centaines et de centaines de personnes âgées dans tous les CHSLD.» Littéralement abandonné des centaines de personnes dans tous les CHSLD. M. le Président, je n'ai rien à ajouter.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, j'ai parlé avec des enfants qui ont perdu leurs parents suite à ce qui s'est passé, entre autres, dans les CHSLD. C'est terrible, ce qui s'est passé dans les CHSLD. Oui, si on avait su en janvier, février, on aurait commencé à régler un problème qui était là depuis au moins une dizaine d'années. Je l'ai dit puis je l'ai répété, je prends ma part du blâme. On aurait dû augmenter les salaires, parce qu'on n'arrivait pas à combler les postes dans les CHSLD. M. le Président, on a fait notre possible, puis je garde ça sur le coeur pour le reste de ma vie, ces vies qui ont été perdues dans les CHSLD.

Le Président : En terminant.

M. Legault : La cheffe de l'opposition officielle n'est pas seule.

Le Président : Question principale, M. le leader de l'opposition officielle.

Gestion de la pandémie de coronavirus dans
les résidences pour personnes âgées

M. André Fortin

M. Fortin : Merci, M. le Président. Le problème avec les réponses du premier ministre, qu'il vient de nous donner, c'est qu'il y a encore quelqu'un dans son équipe, l'ex-ministre de la Santé, qui prétend avoir demandé à ce que les CHSLD soient préparés en janvier. Disons que c'est moins affirmatif que c'était, parce qu'en même temps elle a adopté aussi la version du premier ministre, qu'elle ne savait pas qu'il y aurait un enjeu avec les CHSLD jusqu'au 9 mars.

À tous les jours, M. le Président, sa version change, puis à tous les jours ça s'empire, parce que, si elle ne savait pas avant le 9 mars, il y a un sérieux enjeu. Le Dr Arruda affirmait à partir du mois de janvier qu'il savait qu'il y aurait un enjeu avec les aînés, un enjeu majeur dans les CHSLD. L'INSPQ a informé le gouvernement du Québec, le ministère de la Santé en février. Il y avait des éclosions rapportées à la télévision, à CNN, en février, dans les résidences de personnes âgées dans l'Ouest.

Si le directeur de la santé publique savait, si l'INSPQ savait, pourquoi, comment la ministre de la Santé et le premier ministre, eux, ne savaient pas?

• (10 h 20) •

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : M. le Président, je pense que, pour aider à comprendre la situation dans laquelle on était, je vais aussi citer des passages du rapport de la protectrice, dans son rapport. En fait, elle dit : «La réforme du système de santé de 2015 a créé [des] plus grandes structures sans les doter de gestionnaires en nombre suffisant.»

«En l'occurrence, la réforme du réseau de la santé de 2015 et sa vaste restructuration ont été un coup dur pour la gestion et l'expertise en PCI dans les établissements.»

Et je continue : «Phénomène souvent dénoncé, la reconfiguration du réseau de la santé et des services sociaux en 2015 n'a pas été suivie des changements requis sur le plan informatique.»

Je pense, M. le Président, qu'il est important... Et le premier ministre l'a dit souvent, nous n'avions pas l'information qui était requise pour bien gérer cette pandémie-là. Et je pense qu'il est très difficile pour, peut-être, le Parti libéral d'accepter le tort qu'ils ont causé au réseau de la santé. La Protectrice du citoyen en a fait grand état dans son rapport, et je pense, M. le Président, qu'il est important de le dire. Merci.

Le Président : Première complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. André Fortin

M. Fortin : M. le Président, la semaine passée, sous serment, l'ex-ministre de la Santé, elle affirmait qu'elle avait ordonné de préparer les CHSLD en janvier. Cette semaine, elle a appris le risque pour les aînés en mars, M. le Président. Mais, si le ministre de la Santé veut citer la Protectrice du citoyen, il n'y a pas de problème, on peut faire ça toute la journée. Il y avait des inquiétudes pour les personnes âgées en CHSLD, mais aucune action concrète et spécifique de préparation des CHSLD avant la mi-mars. La cellule de crise savait, s'inquiétait mais n'a pas préparé les CHSLD. Ça, c'est l'abandon de sa responsabilité.

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, on veut citer le Protecteur du citoyen. Je vais continuer, M. le Président.

Dans son rapport, la Protectrice du citoyen dit comment qu'il était important d'avoir un patron dans chacun des CHSLD. Et ça, on a vu que c'est quelque chose qui a été enlevé par le Parti libéral. On a voulu sauver des coûts dans les CHSLD, on a enlevé les gestionnaires. Et ce qu'elle dit : «Chaque CHSLD doit disposer d'une autonomie de gestion, par la mise en place d'une gouvernance forte distincte, afin de placer les personnes hébergées et leurs proches au coeur des décisions qui les concernent.»

M. le Président, c'est exactement ce que nous avons fait. Et la protectrice a salué les efforts qu'on a faits depuis la deuxième vague.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le leader de l'opposition officielle.

M. André Fortin

M. Fortin : M. le Président, le premier CHSLD où il y a eu une éclosion massive, c'est le CHSLD Herron, qui est un CHSLD privé. Le gouvernement n'a rien à voir avec le nombre de gestionnaires, mais le gouvernement a une responsabilité, par exemple, envers les CHSLD privés, c'est de les informer quand il y a des risques majeurs qui s'en viennent dans leur direction. Et l'association des CHSLD privés dit qu'ils n'ont jamais été informés par le gouvernement. Ce n'est qu'à la deuxième semaine d'avril que les ministres ont présenté des mesures renforcées de protection dans les milieux de vie, deuxième semaine d'avril.

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, écoutez, M. le Président, je vais continuer à citer le rapport du citoyen, qui fait état aussi de l'engagement que nous avons fait des 10 000 PAB au moment où, justement, les salaires n'avaient pas été offerts, on avait coupé dans les budgets pour les CHSLD. Et ce que la Protectrice du citoyen dit : Vous avez fait des efforts au moment où il fallait le faire, c'est-à-dire engager plus de 10 000 personnes à l'intérieur d'un délai excessivement court. Je répète, M. le Président : Au moment où nous avons pris connaissance de l'information, on a tout fait pour sauver des vies, M. le Président.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Fabre.

Accès aux centres d'hébergement et de soins de
longue durée pour les proches aidants

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, 14 mars 2020, le gouvernement suspend les visites des personnes hébergées en CHSLD, une onde de choc pour les familles, une onde de choc pour les proches aidants. La protectrice, dans son rapport, rappelle que cette mesure avait été prise dans une perspective de très court terme, mais les jours ont passé, et l'interdiction est restée. À ce même moment, le bilan des morts dans les CHLSD a commencé à grimper.

Page 52 de son rapport : «...on a sous-estimé la précieuse contribution des personnes proches aidantes. [...]les CHSLD ont été privés de l'aide compétente de personnes qui connaissaient leurs proches respectifs et le milieu de vie.» Ça, ça veut dire que la ministre responsable des Proches aidants n'a pas été en mesure de convaincre son gouvernement de leur nécessité.

M. le Président, pourquoi, sur quel avis ce gouvernement a pris la décision de barrer la porte à des proches aidants et laisser mourir seuls des aînés vulnérables?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, M. le Président, je pense qu'on sait tous comment ça a été un moment difficile et que chaque décision qui a été prise, à l'époque, était pesée pour essayer de voir quelle était la meilleure décision. Moi, je me souviens aussi de moments où on s'est rendu compte que c'étaient des visiteurs, des visiteurs de parents qui allaient dans les CHSLD, et qui, malheureusement, revenaient de voyage, et qui avaient amené dans le CHSLD cette terrible maladie. Alors, je pense qu'il faut regarder aussi à chaque fois, au moment où ont été prises ces décisions-là, quelles étaient les recommandations de la Santé publique et de nos experts, de vouloir toujours avoir en tête la protection de nos aînés. C'est ce qui a été fait avec les proches aidants à ce moment-là. Et, quand on a pu voir qu'il était possible d'avoir les mesures de PCI, de protection et de contrôle des infections, a été changé ces directives-là. Mais, M. le Président, je le répète, les gens ont fait le maximum d'efforts avec l'information qu'ils avaient. Merci.

Le Président : Première complémentaire, Mme la députée de Fabre.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, le Dr Arruda nous a confirmé, le 9 décembre 2020, qu'il n'y en avait pas, d'étude. Et, pendant que les proches aidants se frappaient à des portes barrées, le premier ministre, dans son point de presse quotidien, disait : «On a besoin de bras dans les CHSLD.»

M. le Président, pourquoi ce gouvernement a attendu à la mi-avril avant d'ouvrir les portes des CHSLD aux proches aidants?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, en complément à ma réponse, puis je pense que, si on veut reprendre... puis on a fait ça une bonne partie de la semaine, puis je comprends l'opposition, je comprends de vouloir faire cette approche-là, mais, je le répète, on a vu, M. le Président, que la coroner Kamel a fait une approche très rigoureuse dans les personnes qu'elle interroge. Elle a même décidé, dans les dernières journées, de requestionner et de ramener en enquête des gens qui ont déjà été interrogés, à la lumière de l'information nouvelle qu'elle a reçue, M. le Président. Alors, moi, ce que je demanderais... et je sais que c'est difficile d'attendre, mais je pense qu'il est important pour tout le monde...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...d'avoir l'information de la coroner.

Le Président : Deuxième complémentaire, Mme la députée de Fabre.

Mme Monique Sauvé

Mme Sauvé : M. le Président, ça fait maintenant plus d'un an et demi que je cherche à comprendre, que je pose des questions à la ministre des Proches aidants, et j'ai cette image forte dans ma tête du proche aidant qui envoie la main à sa mère ou à son père par la fenêtre parce que c'est le seul lien qu'on lui permet d'avoir.

Une fois pour toutes et pour eux, qui de ce gouvernement a pris la décision d'interdire l'humanité des proches aidants auprès des leurs dans leurs derniers moments de vie, la ministre des Proches aidants, la ministre de la Santé ou le premier ministre du Québec?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, écoutez... Puis je réagis, M. le Président, avec beaucoup d'empathie aux propos de la députée. Je pense que tous les Québécois, incluant la députée, on a vécu des moments excessivement difficiles. Je me souviens aussi aller voir par la fenêtre ma mère, qui est dans une RPA. On a tous vécu ça. C'est des moments excessivement difficiles.

Mais, je le répète, M. le Président, on a écouté nos experts au moment où on avait de l'information et on a pris les meilleures décisions pour les protéger. Quand on a pu réévaluer certaines décisions, nous l'avons fait, M. le Président. C'est difficile à accepter...

Le Président : En terminant.

M. Dubé : ...je sais qu'on a tous vécu des moments difficiles, mais je pense que tout le monde le comprend.

Le Président : Question principale, Mme la députée de Mercier.

Critères d'admissibilité au Programme d'action
concertée temporaire pour les entreprises

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : M. le Président, toute la semaine la CAQ est partie en guerre contre la transparence, et le champion toutes catégories du manque de transparence, sans surprise, est, encore une fois, le ministre de l'Économie. À peine...

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Bien, écoutez, en 12 secondes, il y a deux fois qu'on prête des intentions, dans la question de la députée de Mercier. On ne peut pas prêter des intentions. «Manque de transparence», ce n'est pas le cas, M. le Président.

Le Président : Et je vais vous demander d'être prudents. Mme la leader du deuxième groupe.

Mme Labrie : M. le Président, les faits parlent d'eux-mêmes, le gouvernement sait comment montrer sa transparence.

Le Président : On est dans un principe de questions. Je vous demande quand même d'être prudents dans les propos qui sont abordés sur ces thèmes, bien sûr. Mme la députée de Mercier, je vous demande votre collaboration.

Mme Ghazal : À peine revenu au Conseil des ministres, il a retrouvé ses vieilles pantoufles : gérer l'argent des Québécois comme sa petite caisse personnelle...

Le Président : M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, vous voyez où ça s'enligne, là. 18 secondes : quatre fois, prêter des intentions. Je vous demanderais de rappeler à l'ordre la députée de Mercier. Ce n'est pas correct, M. le Président, d'agir comme ça à l'encontre d'un collègue député. Il faut se respecter entre nous, M. le Président, et le ton de la question et le contenu n'est pas approprié.

Le Président : Bien, écoutez, évidemment, il n'y a pas... à ce moment-ci, je ne vois pas de motifs indignes qui sont imputés. Cependant, cependant...

Des voix : ...

Le Président : Non, non. Cependant...

Des voix : ...

Le Président : C'est le critère de notre règlement. Cependant, je rappelle et je vous rappelle à toutes et à tous d'être prudents dans la façon de dire et de faire, bien sûr.

Mme la députée de Mercier, continuez, mais je vous demande sincèrement votre collaboration à toutes et à tous.

• (10 h 30) •

Mme Ghazal : Donc, le ministre est revenu à ses vieilles habitudes, et c'est le rapport de la Vérificatrice générale qui nous l'apprend hier, puisqu'il est intervenu personnellement pour aider certaines entreprises, au détriment de d'autres. On ne sait pas il y a eu combien d'entreprises qui ont reçu de l'aide publique.

Ce serait le fun que, pour une fois, le ministre de l'Économie respecte nos règles ici, à l'Assemblée nationale.

Des voix : ...

Le Président : O.K. M. le...Non, non, mais, je veux dire...

Des voix : ...

Le Président : Monsieur... S'il vous plaît!

Des voix : ...

Le Président : Là, je n'ai pas entendu ce qu'elle a dit, O.K.? Je vais vous demander de me faire votre question de règlement, M. le leader du gouvernement. Faites-moi votre question de règlement, mais on va le faire assez rapidement.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. 6. Non, non, laissez-moi terminer, M. le Président. 6. La députée de Mercier...

Des voix : ...

Le Président : Non, non, non, s'il vous plaît! Non, non, s'il vous plaît!

M. Jolin-Barrette : La députée de Mercier vient d'affirmer que je fais du «mansplaining», alors que je... Et elle vient de dire oui, elle vient de dire oui. Elle insulte les députés. Elle prête des intentions. Elle me dit... En tant que leader du gouvernement, mon rôle, M. le Président, c'est de vous solliciter et de nous faire respecter pour ne pas que la députée de Mercier insulte les collègues ici, qui ont été légitimement élus, qui se conforment aux règles de l'Assemblée nationale. Et la démonstration, M. le Président, c'est que la Commissaire à l'éthique était avec ça. On ne peut pas laisser passer ça.

Des voix : ...

M. Jolin-Barrette : Et j'entends la députée de Mercier crier après moi pendant que je suis en train de vous parler. Et surtout je n'accepterai jamais de me faire traiter, M. le Président, de «mansplaining», avec tout ce qu'on fait, M. le Président...

Le Président : J'ai bien compris, M. le leader du gouvernement. Je pense, c'est très clair. C'est bien clair. Je vous rappelle, je vous rappelle...

Des voix : ...

Le Président : Je vous rappelle qu'on ne peut laisser entendre qu'on ne respecte pas les règlements, les règles. On va entendre calmement les arguments. Je ne veux pas d'insulte de quelque côté que ce soit. Mme la députée de Mercier, je vous le dis et je vous rappelle encore une fois l'appel à la collaboration. Soyez prudente également. Soyons prudents. Je ne veux pas d'insulte de quelque côté que ce soit. Et on ne peut laisser entendre qu'on ne respecte pas les règles. Mme la députée, sur la fin de votre question.

Mme Ghazal : Ce serait le fun que, pour une fois, il fasse preuve de transparence. Ce serait le fun que, pour une fois, il agisse comme ministre, comme ministre, et non comme P.D.G...

Des voix : ...

Le Président : Ah! non, ça, écoutez, je veux dire, c'est...

Des voix : ...

Le Président : Non, non. Je pense que, dans ce cas-ci, on va se rendre, si vous voulez, au bout de la question. Mme la leader du deuxième groupe d'opposition... «Transparence» a souvent été entendu ici, évidemment, là, bien sûr. Mais je vous demande, Mme la leader, encore une fois qu'on ne perde pas ces précieuses secondes dans notre période de questions. C'était bien parti. Continuons comme ça.

Mme Labrie : Très brièvement, M. le Président, ma collègue fait référence à des rapports qui sont publics, que tout le monde ici connaît, le rapport de la Commissaire à l'éthique, le rapport de la Vérificatrice générale. Je vous demanderais de la laisser continuer de poser sa question. Merci.

Le Président : On peut certainement poser des questions sur ce type d'enjeux, mais on doit être prudents et faire attention aux règles, que vous connaissez toutes et tous, que vous avez rappelées à plusieurs reprises, M. le leader du gouvernement. Honnêtement, je souhaite... je pense qu'on peut se rendre au bout de la question. Allez-y.

M. Jolin-Barrette : M. le Président, je veux savoir si on peut... Dans les motifs imputés que l'on fait, est-ce qu'on peut dire : Le collègue de l'Assemblée nationale manque de transparence? Est-ce qu'on peut le dire? Est-ce que la présidence accepte ça dans notre lexique? Est-ce que c'est permis? Parce que, si c'est le cas, je veux juste qu'on soit bien renseigné qu'on peut utiliser ça, le terme : Les collègues manquent de transparence. Je veux juste le savoir.

Le Président : On peut questionner, M. le leader du gouvernement, ça a souvent été fait par le passé, on peut questionner, mais on ne peut pas non plus imputer le fait qu'un collègue ne respecte pas les règles. Et, sur cette base, je vais vous demander de continuer, s'il vous plaît, Mme la députée de Mercier. Il vous reste peu de temps, mais on peut questionner l'enjeu. Je vous demande d'être très prudente.

Mme Ghazal : Est-ce que le ministre peut nous dévoiler la liste des 10 entreprises qui ont reçu de l'argent, qui était dans le rapport de la Vérificatrice générale, mais pas seulement les 10 entreprises, toutes les entreprises qui ont reçu de l'argent pendant la pandémie, pour les aides publiques?

Le Président : M. le ministre de l'Innovation et de l'Économie. S'il vous plaît, attentifs tant aux questions qu'aux réponses.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : M. le Président, je vais essayer de calmer la récréation. Mais la première chose que je dirais, c'est que j'en profiterais pour remercier le ministère de l'Économie et Investissement Québec pour comment ils ont travaillé le programme PACTE et le programme PAUPME, où, aujourd'hui, on a 13 000 entreprises qui en ont bénéficié, 1,5 milliard d'accordé, le plus bas taux de fermeture d'entreprises au Canada, on est l'État qui est le plus performant.

Pour la transparence, je vais le définir, Mme la députée, c'est quoi, la transparence. Dans les règles soumises par le PACTE, qui est un programme du MEI qui s'appelle Essor, qui est géré par Investissement Québec, tous les prêts de 25 000 $ et plus sont divulgués. Donc, on ne peut pas être plus transparent que ça.

Deuxièmement, la députée a fait quelques faussetés, dans ses énoncés, parce qu'il n'y a eu aucun, il n'y a eu aucun projet, aucun prêt qui a été dicté par le ministère. Tous les prêts sont passés par... Le code statutaire, c'est IQ régional, IQ national, le ministère. Il y a eu entre 25 et 30 projets d'aide sur 13 600 qui sont passés. Donc, on est très transparents, et le processus est très rigoureux.

Le Président : Je vais demander, évidemment, là... Il y a un terme qui a été utilisé, je vous ai laissé aller, là, mais «faussetés», ces notions, même chose pour tout le monde, soyez prudents encore une fois sur ces termes. Vous les connaissez toutes et tous. Mme la députée, on continue en...

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Il y a des entreprises dans mon comté, partout au Québec qui ont souffert de la pandémie et qui avaient besoin d'aide, mais elles n'en ont même pas demandé, de l'aide. Pourquoi? Parce qu'elles ne savaient pas que le ministre avait un pouvoir discrétionnaire. Après que certaines entreprises aient reçu le pactole, il y en a qui ont déclaré faillite. Et, après ça, quand la Vérificatrice générale pose la question, on dit que c'est parce que c'est des entreprises stratégiques. C'est ça, la définition du ministre, d'être stratégique? Ça nous rappelle la question des ballons dirigeables.

Je répète ma question : Est-ce que le ministre peut nous donner la liste de toutes les entreprises qui ont reçu de l'aide?

Le Président : M. le ministre de l'Économie et de l'Innovation.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : M. le Président, ce serait bien que la députée écoute la réponse de la première question avant de poser la deuxième. J'ai mentionné que tous les prêts en haut de 25 000 $ qui ont été faits par le programme PACTE sont sur le site d'Investissement Québec et du MEI, où on divulgue le nom et le montant du prêt. Je ne sais pas comment on peut être plus transparent. Deuxièmement, sur 14 000 prêts, 25 sont passés par le ministère. Alors, je pense, il faut faire attention, de dire un peu n'importe quoi.

Alors, ici, on a donné...

Des voix : ...

M. Fitzgibbon : La question n'est pas finie, là?

Des voix : ...

M. Fitzgibbon : On a donné aux MRC le pouvoir, le pouvoir de décider. On est un gouvernement qui aime décentraliser. L'efficience d'une opération, c'est être près du terrain. Les gens du terrain ont fait les prêts.

Le Président : Attention, toujours, dans les propos qui sont utilisés. Je suis très attentif, vous le savez, je vais être très vigilant. Mme la députée.

Mme Ruba Ghazal

Mme Ghazal : Je veux avoir la liste des entreprises pour lesquelles le ministre a usé de son pouvoir discrétionnaire. C'est ça que je veux avoir, pas juste les 10, tous ceux qui ont été sur son bureau de ministre.

Hier, quand les journalistes lui ont posé une question, il a dit que lui, il connaissait tout le monde, qu'est-ce que vous voulez? J'aimerais ça qu'il nous ouvre son carnet d'adresses et qu'il nous dise quels sont ses amis P.D.G. qui ont reçu l'argent à cause de son intervention.

Le Président : M. le ministre de l'Économie et de l'Innovation.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : M. le Président, je pense que je demanderais à la députée de faire ses devoirs — je sais, je dois me calmer — de faire ses devoirs, parce que, de toute évidence, elle ne comprend pas comment le système fonctionne. Voici comment qu'il fonctionne, le système.

Des voix : ...

M. Fitzgibbon : Bon, la récréation n'était pas finie, là, mais... Alors, le système fonctionne... le système fonctionne, M. le Président... ce n'est pas le ministre, ce n'est pas le ministère qui va décider, on prête à A ou à B. Comment ça fonctionne? Je l'ai dit tantôt, elle ne m'a pas écouté. Le cadre normatif, le cadre normatif, les projets...

Des voix : ...

Le Président : ...vous dire qu'on a le droit de questionner, d'éviter les propos peut-être un peu blessants, c'est pour le bénéfice de tout le monde puis une période de questions qui fonctionne bien. Continuez, M. le ministre.

M. Fitzgibbon : Je m'excuse. Toutes mes excuses. Alors, tous les projets, tous les projets sont arrivés par Investissement Québec, Financement spécialisé, avec leurs recommandations. Il n'y a eu aucun projet où j'ai dit : On finance ça, ou : On dit non.

Le Président : En terminant.

M. Fitzgibbon : Alors, le processus est très rigoureux.

Le Président : Question principale, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

Enquête sur la gestion de la pandémie de COVID-19

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : M. le Président, j'aimerais revenir sur la gestion de la pandémie et sur l'hécatombe dans les CHSLD. Le premier ministre a dit tout à l'heure qu'il avait fait tout ce qu'il pouvait au printemps 2020. On ne peut pas revenir en arrière, on ne peut pas ramener à la vie les 4 000 personnes qui sont décédées, mais je lui demande aujourd'hui de faire tout ce qu'il peut, aujourd'hui, pour faire la lumière sur la situation. Les Québécois, collectivement, veulent comprendre ce qui s'est passé. On veut comprendre comment les décisions se sont prises dans la cellule de crise, comment a fonctionné la chaîne de commandement, comment est-ce qu'on a pu l'échapper à ce point, au Québec, dans les CHSLD.

Depuis trois jours, on entend les questions, et elles sont toutes pertinentes. Les réponses sont incomplètes. Il faut aller au fond des choses. On n'y arrivera pas dans le salon bleu, ça prend une commission d'enquête publique et indépendante pour faire la lumière sur toute l'affaire.

On a aussi des commissions d'enquête qui sont en cours, elles sont toutes sectorielles. On a besoin d'une vue d'ensemble d'un point de vue global. Et le consensus est clair pas à travers seulement les partis d'opposition, mais également dans la société civile, chez les commentateurs publics. On ne cherche pas à trouver des coupables. On veut comprendre, on veut tirer des leçons de la crise du printemps 2020.

Quand le gouvernement va-t-il se rendre compte que la seule chose à faire, c'est d'instituer une commission d'enquête publique et indépendante sur la gestion de la pandémie et la crise dans les CHSLD?

• (10 h 40) •

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, il y a trois enquêtes qui sont soit en cours soit terminées. On a eu le rapport, hier, de la Protectrice du citoyen. Il y aura éventuellement le rapport de la coroner, et il y aura éventuellement le rapport de la commissaire indépendante à la santé, qui était appuyée par les quatre partis ici comme choix de personne, Mme Castonguay.

Et, M. le Président, ce qu'il est important de dire, c'est que la commissaire a tous les pouvoirs d'une enquête publique. Donc, j'essaie juste de savoir, là, quels pouvoirs le Parti québécois voudrait donner de plus à Mme Castonguay. Quels pouvoirs?

Le Président : Première complémentaire, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : M. le Président, le mandat de la commission... de la commissaire, plutôt, au bien-être est d'analyser la performance des soins de santé. Le premier ministre semble s'en satisfaire. Pas nous. Nous voulons aller plus loin. C'est la performance de la gestion de crise qui est en question, actuellement, et qu'il faut analyser. On veut comprendre le fonctionnement de la cellule de crise, qui a mené notamment à l'hécatombe dans les CHSLD.

Pourquoi le premier ministre refuse-t-il de faire toute la lumière sur la situation?

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, je m'excuse de contredire le chef parlementaire du Parti québécois, mais ce qu'il mentionne, c'est déjà dans le mandat de la Commissaire à la santé. Donc, je l'invite, là... Peut-être qu'il pourrait le faire personnellement, rencontrer Mme Castonguay, puis de bien discuter avec elle de son mandat, de ses pouvoirs. Elle l'a dit clairement depuis le début, elle considère qu'elle n'a pas besoin de pouvoirs additionnels, elle a le droit de convoquer qui elle veut. Donc, M. le Président, j'invite le chef parlementaire du Parti québécois à s'asseoir avec la Commissaire à la santé.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le chef du troisième groupe d'opposition.

M. Joël Arseneau

M. Arseneau : M. le Président, il faut savoir qu'une commission d'enquête publique va beaucoup plus loin que le mandat attribué à la Commissaire à la santé et au bien-être. C'est une commission qui est régie par une loi. C'est une procédure quasi judiciaire, avec des pouvoirs d'assignation, des pouvoirs autonomes, des commissaires indépendants, qui a un mandat autonome et beaucoup plus large. Et surtout c'est un processus public, complet, dans l'intérêt du public.

Pourquoi le premier ministre refuse-t-il d'aller là? Qu'a-t-il à cacher?

Le Président : Monsieur... Non, s'il vous plaît, la fin de la question, je ne l'accepte pas. Mensonge, caché, camouflé, qu'a-t-il à... Vous le savez, nous ne pouvez pas aller là. Alors, je viens de vous le dire et je vais vous demander de retirer cette fin-là, c'est un propos qui n'est pas permis.

M. Arseneau : Je le retire.

Le Président : M. le premier ministre.

M. François Legault

M. Legault : M. le Président, encore une fois, j'invite le chef parlementaire du Parti québécois à rencontrer Mme Castonguay. Elle l'a dit en entrevue avec Patrick Masbourian, avec Patrice Roy, elle a dit : «Nos pouvoirs d'enquête sont très larges. J'ai le pouvoir d'obliger qui que ce soit à me parler. [...]j'ai le pouvoir de réclamer une enquête. Je pourrais [même] faire une enquête publique.» Elle a tous les pouvoirs.

Donc, j'essaie de comprendre là où veut aller le Parti québécois, là, mais j'ai de la difficulté à le suivre.

Le Président : Question principale, M. le député de LaFontaine.

Rapports des visites d'évaluation de la qualité des milieux de vie dans les
centres d'hébergement et de soins de longue durée

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, la crise des CHSLD et la recherche de la vérité, c'est ce qui préoccupe les Québécoises et Québécois et au premier titre les proches de celles et ceux qui sont décédés. La version du gouvernement a été pour le moins évolutive dans le temps. Ce que l'on veut ici... Et elle touche à la gestion des informations et à la gestion des documents. Le ministre de la Santé et le premier ministre sont responsables de l'administration publique.

On sait qu'un mois après le 13 mars, un mois après le déclenchement de l'état d'urgence sanitaire, le 14 avril, ont commencé des visites de vigie dans les CHSLD par du personnel de la santé qui remplissait manuellement des grilles de visite, informations névralgiques quant aux conditions d'hébergement dans un contexte où des aînés décédaient.

Question toute simple au ministre de la Santé : Les grilles de visites manuelles, son ministère les a-t-il en main, oui ou non? Et toutes les grilles.

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, M. le Président, je vais répondre exactement ce que j'ai répondu au député dans les derniers jours : On ne peut pas prendre un témoignage en particulier durant une enquête qui est en cours. Et, s'il y a bien quelqu'un de sa formation professionnelle qui devrait savoir ça, pour ne pas influencer le cours d'une enquête, c'est bien lui, M. le Président.

Alors, je vais répéter ce que j'ai dit. La commissaire... la coroner, pardon, Kamel fait un excellent travail. Elle pose des questions. Elle juge même, M. le Président, basé sur des réponses qu'elle a obtenues au cours des derniers jours, de ramener des personnes, de ramener des personnes, pour conclure son enquête, parce qu'elle a peut-être entendu des choses qu'elle voudrait préciser. Ce n'est pas mon rôle, à faire ça, aujourd'hui, M. le Président, pendant que l'enquête est en cours. Et ça, le député devrait le savoir, de par sa formation professionnelle.

Alors, M. le Président, je le sais, que c'est difficile, mais nous, on va suivre les règles. On a confié ce mandat-là à la coroner, qui fait un excellent un travail. On va continuer à avoir ses recommandations.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, en passant, là, la coroner, elle fait une enquête sur cinq CHSLD puis une RPA. On parle de l'ensemble du Québec. Ce que je demande au ministre... Puis il dit : Ce n'est pas mon rôle de répondre à la question. M. le Président, c'est le rôle du ministre. Il est responsable de l'administration publique, de l'information qui s'y passe et des documents qui en témoignent.

Je lui demande : Oui ou non, les grilles de visite, manuelles, qui ont commencé le 14 avril par des employés de la santé, est-ce qu'elles existent encore dans son ministère?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : Alors, on peut poser la question de trois façons différentes, M. le Président, je vais toujours répondre la même chose. Il y a une enquête qui est en cours sur le processus qui a été suivi. La coroner fait un travail où elle doit établir le processus qui a été suivi, voir s'il y a eu des manquements, reposer des questions. On peut me poser la question une dizaine de fois, M. le Président, de différentes façons, ma réponse est la même : Laissons la coroner faire son travail, et après ça, lorsqu'elle aura terminé, on regardera les conclusions. Merci, M. le Président.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de LaFontaine.

M. Marc Tanguay

M. Tanguay : M. le Président, les proches, les familles éplorées ont besoin, après l'avis, de la vérité. Le ministre est responsable de son ministère. Le ministre doit être capable, en cette Chambre... Dans notre démocratie, on est là pour poser des questions, et il est là, et c'est sa responsabilité ministérielle, de répondre à une simple question.

Les rapports de visite, manuels, qui ont été remplis par des employés du ministère de la Santé, notamment, M. le Président, les rapports manuels existent-ils toujours, oui ou non?

Le Président : M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Christian Dubé

M. Dubé : M. le Président, j'ai fait une liste, un petit plus tôt cette semaine, de tout ce qu'on a fait, parce que ce que les Québécois s'attendent de nous, c'est qu'on gère, en ce moment, une pandémie, qui est encore en cours, M. le Président. On a un gouvernement qui est en action. On a posé une foule de gestes, depuis la première vague, qui a fait qu'aujourd'hui, M. le Président, on est dans une bien meilleure position, une des meilleures positions en Amérique du Nord, face à cette pandémie-là. Je pense que c'est ça que les Québécois apprécient.

Il y a une enquête qui est en cours, laissons les gens qui sont responsables de faire l'enquête. Nous, pendant ce temps-là, on s'occupe de la pandémie, M. le Président.

Le Président : Question principale, M. le député de Bonaventure.

Soutien aux cégeps en région

M. Sylvain Roy

M. Roy : M. le Président, récemment, le gouvernement a fait une profession de foi envers les régions du Québec et s'est ouvertement engagé à soutenir leur développement. Qui dit développement des régions dit soutien aux cégeps des régions.

Le 18 novembre dernier, un regroupement de 12 cégeps a demandé à la ministre de l'Éducation supérieure de les aider à améliorer leur attractivité. Actuellement, le gouvernement supporte à coups de centaines de millions la construction d'infrastructures pour répondre à l'augmentation d'étudiants à Montréal. Pourtant, il y a près de 9 000 places disponibles dans les cégeps des régions.

Ce regroupement demande l'autorisation d'offrir des programmes exclusifs afin d'attirer des étudiants. Cette demande, je l'ai aussi faite à la ministre le 27 avril dernier. Et elle m'a répondu, et je cite : «Il n'est pas exclu. [...]on doit regarder [les] possibilités de ce côté-là. Et il y a différentes alternatives, on pourrait même modifier la loi [de l'enseignement collégial pour le faire]. [...]on va continuer nos travaux là-dessus.»

Après sept mois de réflexion, la ministre a-t-elle pris sa décision? Et va-t-elle agir?

Le Président : Mme la ministre de l'Enseignement supérieur.

Mme Danielle McCann

Mme McCann : Merci, M. le Président. Bien, je remercie mon collègue de me poser cette question-là, parce qu'effectivement, quand je suis entrée en poste à l'Enseignement supérieur, c'est une des premières choses que j'ai faites, j'ai rencontré le groupe des 12, les 12 cégeps en région. Et, depuis ce temps-là, j'en fais une priorité, de soutenir nos cégeps en région de toutes les façons possibles. Et j'ai posé quelques gestes, dont, par exemple, d'augmenter le programme de mobilité. Le programme de mobilité, M. le Président, c'est vraiment de permettre à des étudiants des grands centres du Québec, là, comme Montréal, Québec, d'aller étudier dans les cégeps des régions et de leur fournir un soutien financier, là, pour les dépenses, là, usuelles. Et c'est un programme que j'ai rehaussé.

Mais, M. le Président, le rôle des cégeps des régions dont parle mon collègue, j'y crois beaucoup. Les cégeps des régions sont là aussi à jouer un rôle très important au développement économique, au développement social des régions. Et j'entends bien les soutenir là-dessus et développer davantage de programmes dans ces cégeps. J'ai demandé d'ailleurs au ministère de faire des propositions là-dessus.

• (10 h 50) •

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Bonaventure.

M. Sylvain Roy

M. Roy : M. le Président, en passant, on n'est pas obligé de modifier la loi sur l'enseignement collégial pour donner des exclusivités de programme. Ça existe déjà, ça prend juste une volonté politique.

Un autre facteur d'attractivité est la qualité des infrastructures. Le regroupement demande à la ministre un financement adéquat pour améliorer la qualité des résidences, des cafétérias ainsi que des installations sportives et culturelles.

Est-ce que la ministre s'engage à faire les représentations nécessaires pour trouver les sommes pour permettre la survie des cégeps en région?

Le Président : Mme la ministre de l'Enseignement supérieur.

Mme Danielle McCann

Mme McCann : Bien, M. le Président, je continue dans le sens du plan de régionalisation qu'on est en train de travailler au ministère. D'ailleurs, j'ai fait un appel à tous les cégeps du Québec, notamment ceux des grands centres, à faire des ententes avec les cégeps des régions qui sont prêts, qui sont mobilisés. Effectivement, il y a des places en région qu'on pourrait utiliser. Et évidemment on leur a demandé, au niveau des cégeps des régions, de nous amener de l'information sur leurs besoins en infrastructures, et on va l'inclure, évidemment, dans nos demandes pour un plan d'infrastructures dans nos cégeps, M. le Président. Et, dans le contexte de pénurie de main-d'oeuvre que nous avons, il est essentiel de faire en sorte que les cégeps des régions...

Le Président : En terminant.

Mme McCann : ...jouent un rôle important pour contrer la pénurie.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Bonaventure.

M. Sylvain Roy

M. Roy : M. le Président, le premier ministre a indiqué qu'il souhaitait créer des zones d'innovation partout au Québec. Les cégeps sont des vecteurs d'innovation et des incubateurs de programmes émergents. L'entrepreneuriat pédagogique existe et permet de créer des programmes qui vont répondre aux besoins de l'économie de demain. Étant donné que la création de programmes demande des ressources, il faut permettre aux cégeps innovants d'avoir l'exclusivité des nouveaux programmes. Je répète : exclusivité des nouveaux programmes.

La ministre va-t-elle être cohérente avec son gouvernement, soutenir les cégeps en région et rencontrer leur regroupement, qui lui a demandé de...

Le Président : Mme la ministre de l'Enseignement supérieur.

Mme Danielle McCann

Mme McCann : Bien, M. le Président, moi, je suis certainement ouverte à rencontrer à nouveau le Regroupement des cégeps de régions. C'est un groupe, d'ailleurs, extrêmement dynamique.

Puis je fais actuellement une tournée des régions. J'ai rencontré plusieurs d'entre eux et je vais en rencontrer d'autres, là, prochainement, mais notamment j'ai rencontré des cégeps de la région du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Bel exemple de dynamisme, M. le Président. Il y a là un potentiel qu'il faut vraiment mettre à profit dans toutes les régions du Québec. Et, M. le Président, on va s'atteler à la tâche.

Et moi, j'en fais un dossier prioritaire, le développement des régions, avec la grande participation de nos cégeps des régions, M. le Président.

Le Président : Question principale, M. le député de Rosemont.

Processus d'attribution de contrats par le ministère de l'Économie
et de l'Innovation en contexte de pandémie

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Merci, M. le Président. On n'en est pas au premier épisode, avec le ministre de l'Économie. On sait bien que le ministre s'est même mérité, depuis quelques années, depuis les derniers mois, une carte de membre élite auprès de la Commissaire à l'éthique. Au moins trois rapports de la Commissaire à l'éthique ont dénoncé des manques à ce code.

Cet été, à la suite de nos pressions, le premier ministre a même dû envoyer son ministre vedette dans les gradins. À peine revenu de sa subvention, on apprend que le ministre a autorisé des aides économiques à des entreprises sans perspective de rentabilité. Il faut le faire!

Si le ministre de l'Économie veut se mettre à investir son argent au feeling, sans cadre, il peut proposer sa candidature aux Dragons. En attendant, il est ministre ici.

Est-ce qu'il peut se conformer aux règles et répondre à la Vérificatrice générale?

Le Président : Et je vais vous demander, encore une fois, de faire extrêmement attention à ce qui est dit dans les propos qui sont mentionnés. On peut légitimement questionner mais être prudent dans ce que l'on fait également et dans ce que l'on dit et les termes que l'on emploie.

Le ministre de l'Économie et de l'Innovation.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : M. le Président, je reviens au point de départ. On déclare l'état d'urgence le 13 mars. Moins de six jours après, on a un programme costaud qui s'appelle le PACTE. Moins de trois semaines après, on a un programme costaud qui s'appelle le PAUPME. L'opposition, à ce moment-là, incluant le député de Rosemont, faisait tout état du fait qu'il fallait être flexible parce que les entreprises du Québec étaient pour mourir. On a maintenant, après plusieurs mois, un des meilleurs bilans, meilleur bilan canadien sur les fermetures d'entreprises. Le programme a fonctionné.

Le député réfère à des cas d'espèce que j'ai gérés. Ce n'est pas vrai, parce que, j'ai dit tantôt à sa collègue, sur 14 000 dossiers, 25 se sont ramassés à mon bureau, et, les 25, c'est Investissement Québec qui a conclu qu'il y avait des raisons stratégiques pourquoi il fallait sortir du cadre qui avait été fait en six jours. Dans tous les cas, ce n'est pas le ministre qui a décidé, mais plutôt Investissement Québec, qui requérait une flexibilité, ce à quoi nous avons concédé. Et je remercie les gens d'Investissement Québec d'avoir montré autant de flexibilité.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Rosemont.

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît!

M. Vincent Marissal

M. Marissal : Ça me fait rire que le ministre me cite, il me cite ce que je lui ai dit, lui qui passe son temps à dire que je ne sais pas de quoi je parle. Je trouve ça cocasse. Je trouve ça cocasse. Et je lui ai dit, effectivement, et mes collègues aussi, on lui a dit...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! Je m'excuse, j'entends... Non, non. J'entends des choses ici, là...

Des voix : ...

Le Président : S'il vous plaît! J'entends des choses. J'ai une bonne audition. Alors, je vais vous demander, s'il vous plaît, de faire attention, parce que ça m'entre dans l'oreille puis ça reste là.

M. le député de Rosemont, poursuivez.

M. Marissal : En passant, il dit ça de tout le monde, ici, qui lui pose des questions, de toute façon. C'est vrai que je lui ai dit qu'il fallait être flexible, mais je lui ai même dit, puis ça a été enregistré ici et dans plusieurs commissions, qu'il ne pourrait pas régler tous les cas un à un en donnant son numéro de téléphone à tous les P.D.G. du Québec. Ce n'est pas de même que ça marche.

Alors, on dit des faussetés, ici, apparemment. Qu'est-ce qu'il répond à la Vérificatrice générale? Est-ce qu'elle est dans le champ, elle aussi?

Le Président : M. le ministre de l'Économie et de l'Innovation.

M. Pierre Fitzgibbon

M. Fitzgibbon : M. le Président, 14 300 entreprises qui ont été aidées. Merci encore à Investissement Québec. Merci aux MRC. Sur les 14 000, 14 000 entreprises qu'on a aidées, 25 sont passées par le ministère de l'Économie. Nous avons réussi à donner le pouvoir aux régions. Nous sommes un gouvernement qui veut favoriser les régions. Les décisions ont été prises dans les régions, sans passer par le ministère. Et, encore une fois, les 25 projets qui sont passés au ministère sont venus d'Investissement Québec et non pas du ministre. Je suis très satisfait de la performance du programme.

Le Président : Cela met fin à la période de questions et de réponses orales.

Motions sans préavis

Nous passons maintenant à la rubrique des motions sans préavis, et je reconnais d'emblée M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec...

Des voix : ...

Le Président : Je veux simplement vous demander, s'il vous plaît, un peu de silence pour nous permettre d'entendre, évidemment, cette rubrique des motions sans préavis. M. le député de Nelligan, reprenez la parole. Je vous demanderais, si vous devez quitter, de le faire silencieusement. M. le député de Nelligan.

M. Derraji : Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec la députée de Mercier, la députée de Gaspé, le député de Bonaventure et le député de Rimouski :

«Que l'Assemblée nationale prenne acte du rapport de la Vérificatrice générale déposé le 24 novembre soulevant notamment plusieurs irrégularités dans l'octroi d'aide financière dans le cadre du Programme d'action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE);

«Qu'elle dénonce que le ministre de l'Économie et de l'Innovation se soit accordé un droit discrétionnaire afin d'outrepasser les critères objectifs d'un programme normé qu'il avait lui-même mis en place;

«Qu'elle rappelle que 68 M$ ont été octroyés à dix entreprises qui avaient été refusées ne répondant pas aux critères d'admissibilité;

«Qu'enfin, l'Assemblée nationale exige au ministre de l'Économie et de l'Innovation le dépôt de la liste des entreprises bénéficiaires et de l'ensemble des documents concernant ces aides financières afin qu'ils soient rendus publics.»

Merci, M. le Président.

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Pas de consentement, M. le Président.

Le Président : Pas de consentement. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.

M. Fontecilla : Laurier-Dorion.

Le Président : Ah! je m'excuse, j'avais Hochelaga-Maisonneuve à ce moment-ci. Allez-y, M. le député.

Dénoncer les pratiques spéculatives de certains propriétaires pour expulser des
locataires et augmenter les loyers et exiger du gouvernement qu'il s'assure
que le
Tribunal administratif du logement soit rigoureux dans
l'application des règles pour la reprise des logements

M. Fontecilla : Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Assemblée pour débattre de la motion suivante conjointement avec la ministre des Affaires municipales et de l'Habitation, la députée de Joliette, le député de Bonaventure et le député de Rimouski :

«Que l'Assemblée nationale s'inquiète des pratiques spéculatives abusives et déloyales d'une minorité de propriétaires pour expulser leurs locataires et augmenter substantiellement le loyer de leurs immeubles;

«Qu'elle souligne le travail rigoureux de plusieurs journalistes qui ont dévoilé ces pratiques au cours de l'année à travers divers reportages;

«Qu'elle rappelle que le Code civil est un élément distinctif historique de la nation québécoise;

«Qu'elle dénonce le fait que les règles concernant un bail de logement contenu dans le Code civil ne soient pas respectées par certains et certaines propriétaires;

«Qu'elle exige du gouvernement qu'il [assure] que le Tribunal administratif du logement continue d'être rigoureux quant à l'application des règles pour la reprise des logements;

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de poursuivre ses efforts pour faire appliquer les règles existantes et les faire connaître aux locataires du Québec.»

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

• (11 heures) •

M. Jolin-Barrette : Consentement, sans débat, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Consentement, sans débat. Je vais vous demander vos votes respectifs sur cette motion, suivi des députés indépendants. M. le leader du deuxième... Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Cette motion est donc adoptée. La parole à Mme la députée de Gaspé.

Souligner le 25e anniversaire de la Loi sur l'équité salariale

Mme Perry Mélançon : M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter, conjointement avec la députée de Verdun, la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le député de Bonaventure et le député de Rimouski, la motion suivante :

«Que l'Assemblée nationale souligne que le 21 novembre dernier marquait le 25e anniversaire de la Loi sur l'équité salariale, une loi adoptée par le gouvernement du Parti québécois en 1996;

«Qu'elle rappelle que l'équité salariale constitue un principe phare de la société québécoise;

«Qu'elle déplore que bien que plusieurs avancées aient été réalisées au cours des dernières années, l'équité salariale entre les femmes et les hommes n'est toujours pas atteinte;

«Enfin, qu'elle demande au gouvernement de renforcer la Loi sur l'équité salariale pour s'assurer que celle-ci est en mesure d'atteindre pleinement une réelle équité salariale.»

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Consentement, sans débat, M. le Président.

Mise aux voix

Le Président : Consentement, sans débat. Je vous demande à nouveau vos votes respectifs. D'abord, M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Cette motion est donc adoptée. M. le ministre responsable de la Laïcité et de la Réforme parlementaire.

Dénoncer l'amalgame fait entre la Loi sur la laïcité de l'État
et l'islamophobie dans du matériel pédagogique
destiné aux écoles ontariennes

M. Jolin-Barrette : Oui. M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante conjointement avec le député de Bonaventure et le député de Rimouski :

«Que l'Assemblée nationale réitère que la laïcité de l'État est une valeur québécoise;

«Qu'elle rappelle le parcours historique de la laïcisation des institutions québécoises;

«Qu'elle affirme que la laïcité de l'État favorise le vivre-ensemble en permettant à tous de travailler, d'échanger, d'exprimer sa culture et de s'épanouir en toute égalité dans la société québécoise;

«Qu'elle souligne que la laïcité de l'État est fondée sur les principes comme l'égalité de tous les citoyens et citoyennes ainsi que la liberté de conscience et de religion;

«Qu'elle dénonce catégoriquement l'amalgame inadmissible fait entre la loi n° 21 et l'islamophobie dans du matériel pédagogique destiné aux écoles de l'Ontario;

«Qu'elle affirme avec vigueur que le débat sur la laïcité au Québec appartient aux Québécoises et aux Québécois;

«Enfin, qu'elle insiste sur le devoir des élus de la nation québécoise de promouvoir, de valoriser et de défendre les valeurs québécoises.» Merci.

Le Président : Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion?

M. Jolin-Barrette : Consentement, sans débat.

Mise aux voix

Le Président : Et je vous demande vos votes respectifs. M. le leader du gouvernement?

M. Jolin-Barrette : Pour.

Le Président : M. le leader de l'opposition officielle?

M. Fortin : Pour.

Le Président : Mme la leader du deuxième groupe d'opposition?

Mme Labrie : Abstention.

Le Président : M. le leader du troisième groupe d'opposition?

M. Ouellet : Pour.

Le Président : M. le député de Bonaventure?

M. Roy : Pour.

Le Président : Cette motion est donc adoptée.

Avis touchant les travaux des commissions

Nous sommes maintenant à la rubrique des travaux touchant les commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la Commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 103, Loi modifiant diverses dispositions législatives principalement aux fins d'allègement du fardeau administratif, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 14 heures à 16 h 30, à la salle du Conseil législatif, ainsi que le mardi 30 novembre 2021, de 10 heures à midi, aux salles Louis-Joseph-Papineau et Louis-Hippolyte-La Fontaine;

La Commission des transports et de l'environnement poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 102, Loi visant principalement à renforcer l'application des lois en matière d'environnement et de sécurité des barrages, à assurer une gestion responsable des pesticides et à mettre en oeuvre certaines mesures du Plan pour une économie verte 2030 concernant les véhicules zéro émission, aujourd'hui, après les affaires courantes pour une durée de 45 minutes et de 14 heures à 14 h 45, à la salle Pauline-Marois;

La Commission des relations avec les citoyens poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 1, Loi modifiant la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance afin d'améliorer l'accessibilité au réseau des services de garde éducatifs à l'enfance et de compléter son développement, aujourd'hui, après les affaires courantes pour une durée de 1 h 40 min et de 14 heures à 16 h 35, à la salle Marie-Claire-Kirkland;

La Commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 6, Loi édictant la Loi sur le ministère de la Cybersécurité et du Numérique et modifiant d'autres dispositions, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 14 heures à 16 h 30, aux salles Louis-Joseph-Papineau et Louis-Hippolyte-La Fontaine, ainsi que le mardi 30 novembre 2021, de 10 heures à midi, à la salle du Conseil législatif;

La Commission des institutions entreprendra les consultations particulières sur le projet de loi n° 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d'état civil, le mardi 30 novembre 2021, de 10 heures à 11 h 55, à la salle Pauline-Marois. Merci, M. le Président.

Le Président : Et, pour ma part, je vous avise que la Commission spéciale sur l'évolution de la Loi concernant les soins de fin de vie se réunira en séance de travail virtuelle le lundi 29 novembre 2021, de 8 heures à 10 heures, afin d'organiser les travaux de la commission.

Et je vous avise également que la Commission de l'administration publique se réunira en séance de travail le mardi 30 novembre 2021, de 10 h 30 à midi, à la salle Marie-Claire-Kirkland, afin de préparer l'audition de la Société d'habitation du Québec au sujet du chapitre 4 du rapport d'octobre 2020 du Vérificateur général du Québec intitulé Programme AccèsLogis Québec : réalisation des projets d'habitation et en suivi de la recommandation 2.1 du 41e rapport de la Commission de l'administration publique.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous en sommes aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Je vous rappelle que, lors de l'interpellation prévue pour demain, vendredi 26 novembre 2021, M. le député de Mont-Royal—Outremont s'adressera à M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles sur le sujet suivant : Les Québécois vont payer cher le prix des mauvaises décisions du gouvernement caquiste notamment en matière de tarifs d'énergie.

Affaires du jour

La période des affaires courantes étant terminée, nous allons maintenant passer aux affaires du jour.

Et je suspends nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 17)

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, nous reprenons nos travaux. Vous pouvez prendre place. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, quel est l'article que vous souhaitez demander?

M. Schneeberger : Oui, bonjour, Mme la Présidente. Alors, l'article, c'est le numéro 18, Mme la Présidente.

Projet de loi n° 92

Adoption

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Alors, à l'article 18, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. M. le ministre de la Justice, la parole est à vous.

M. Simon Jolin-Barrette

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Chers collègues, c'est avec fierté et beaucoup d'émotion que nous entamons aujourd'hui l'étape de l'adoption finale de la Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale.

Aujourd'hui, nous envoyons un message clair aux personnes victimes : Vous avez été entendues. Vous avez eu le courage de nous confier votre histoire, de nous raconter vos expériences et de nous expliquer vos craintes. Si nous sommes réunis aujourd'hui pour adopter un projet de loi aussi important, c'est pour vous, mais c'est surtout aussi grâce à vous.

Depuis trop longtemps, de nombreuses personnes victimes préfèrent taire les violences qu'elles ont subies par crainte de devoir affronter seules le parcours judiciaire. Plusieurs nous disent avoir vu et vécu le processus judiciaire comme un véritable parcours du combattant. Comme ministre de la Justice, comme membre de l'Assemblée nationale, mais aussi comme citoyen, je ne peux accepter cela. Le passage dans le système de justice ne devrait pas représenter une épreuve, au contraire. Les personnes victimes méritent mieux. Elles méritent d'être mieux soutenues, d'être accompagnées et de se sentir en sécurité tout au long de leur parcours.

Nous l'avons répété souvent au cours des derniers mois, un changement de culture s'impose au sein du système de justice, et il est en cours. Le projet de loi n° 92 le confirme. Ce n'est pas parce que ça a toujours fonctionné comme ça, Mme la Présidente, que ça doit continuer de fonctionner comme cela. Le temps des changements est arrivé, Mme la Présidente. Le train est en marche, Mme la Présidente, il est sorti de la gare. Et, grâce au projet de loi n° 92, on apporte notamment, avec ce projet de loi là, un changement de culture, on modernise nos institutions, Mme la Présidente.

Notre système n'a pas été conçu pour répondre aux besoins particuliers des personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale, et trop longtemps elles ont été mises de côté. Cette époque est révolue. C'est terminé. Chaque étape sera revue et repensée pour mettre la personne victime au coeur du processus judiciaire. Nous nous assurons qu'elles soient accompagnées dès l'entrée en contact avec la police jusqu'au procès, et même au-delà, et même après.

Le tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale était attendu et réclamé par la société québécoise. Nous nous étions engagés et aujourd'hui nous remplissons cet engagement, cette recommandation du rapport Rebâtir la confiance. Mais soyons clairs : Tous les acteurs du système de justice ont un rôle important à jouer pour redonner confiance aux personnes victimes envers le système de justice. Chacun, sans exception, doit y mettre du sien dans ce processus. Nous comptons sur la collaboration de tous pour que le tribunal spécialisé voie le jour et qu'il soit, à terme, déployé partout au Québec, dans toutes les régions.

• (11 h 20) •

Comme cela nous a été recommandé par le groupe de travail sur la mise en place d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale ainsi que par les organismes qui interviennent auprès des personnes victimes, nous procéderons d'abord par des projets pilotes. Cela permettra de développer les meilleures pratiques et d'apporter des ajustements, si nécessaire, afin de faciliter l'implantation d'un tribunal spécialisé permanent à la grandeur du Québec par la suite.

Un autre pan important du projet de loi est la formation des différents acteurs du système de justice. Nous nous assurerons de rendre disponible une formation afin que tous les acteurs soient formés. Les crimes en matière de violence sexuelle et de violence conjugale sont particuliers en soi parce qu'ils sont généralement commis dans un contexte d'intimité. Les besoins particuliers de chacune des victimes, également, seront pris en compte. Les personnes victimes peuvent, donc, se retrouver dans une situation de très grande vulnérabilité lorsqu'elles dénoncent et portent plainte. Ce sont des éléments qui doivent être pris en considération par tous les intervenants.

Par ailleurs, afin que les personnes victimes puissent être mieux outillées, qu'elles soient mieux informées des recours à leur disposition, elles pourront bénéficier gratuitement de quatre heures de consultation avec un avocat de l'aide juridique, et ce, peu importe le revenu. Avec le projet de loi n° 92, nous nous assurons de pérenniser ce service.

L'adoption de ce projet de loi, Mme la Présidente, marque un tournant important alors que le Québec sera le premier État dans le monde à mettre en place un tribunal spécialisé tant en matière de violence sexuelle qu'en matière de violence conjugale. Il était fondamental, et je dirais même qu'il était de notre devoir, en tant qu'élus et parlementaires, de l'inscrire dans nos lois afin de s'assurer que le tribunal spécialisé perdure dans le temps. Tout au long de nos travaux, nous étions habités par une volonté commune, celle de mieux accompagner les personnes victimes.

À ce stade-ci, Mme la Présidente, j'aimerais remercier l'ensemble des collègues qui ont participé à l'élaboration du projet de loi, dans un premier temps, Mme la Présidente, les collègues de la partie gouvernementale. Et on a eu plusieurs témoignages durant les auditions, durant, également, les différentes étapes au salon bleu. Et ça touche tout le monde, Mme la Présidente, la violence conjugale et la violence sexuelle. Je tiens d'ailleurs à remercier toutes les personnes, tous les députés qui nous ont accompagnés durant l'étude de ce projet de loi là fort important. Et la signification que cela représente pour chacun des individus démontre très clairement à quel point le gouvernement a pris la situation au sérieux. D'ailleurs, le premier ministre, le ministre des Finances, également, y sont pour beaucoup, Mme la Présidente, parce que le tribunal spécialisé va engendrer des coûts importants, mais, pour moi, il s'agit d'un investissement pour les personnes victimes. Et surtout ce changement de culture, là, Mme la Présidente, il est en cours de route au ministère de la Justice et dans nos palais de justice, parce que la personne victime, ce n'est pas qu'un témoin, parce qu'il n'y a pas de procès s'il n'y a pas de victime. Très peu de crimes, d'infractions sexuelles sont dénoncés, Mme la Présidente, et on doit s'assurer, on a une responsabilité de faire en sorte de mettre tout l'environnement adéquat pour qu'aucune personne au Québec n'hésite à dénoncer. Alors, je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires de la partie gouvernementale qui ont participé aux travaux et qui ont appuyé fortement ce projet de loi.

Un mot également pour remercier les collègues des oppositions. Je pense notamment à la députée de Verdun, à la députée de Sherbrooke, à la députée de Joliette, également à la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui a entamé avec le comité transpartisan... qui a été mis en place, Mme la Présidente, par la présidente du Conseil du trésor, également, à l'époque où elle était ministre de la Justice. Alors, je tiens à saluer l'initiative de la ministre de la Justice de l'époque, présidente du Conseil du trésor, et remercier également la collègue ministre de la Condition féminine, la ministre déléguée à l'Éducation également, qui a poursuivi le travail avec les collègues et qui a fait en sorte d'arriver à un rapport, Rebâtir la confiance, contenant 190 recommandations. Le gouvernement est en marche pour répondre aux 190 recommandations. Mais l'esprit, Mme la Présidente, de ce rapport-là, d'une façon transpartisane, où tout le monde a mis du sien à l'intérieur de ce rapport-là, s'est matérialisé notamment, Mme la Présidente, par le dépôt d'un projet de loi que nous avons fait, le projet de loi n° 92 sur la création d'un tribunal spécialisé, pour indiquer clairement qu'une des recommandations les plus importantes, qui va avoir un impact sur l'ensemble de la structure, bien, le gouvernement a choisi d'aller de l'avant.

Et je peux vous dire qu'en commission parlementaire les collègues des oppositions ont été d'une très grande contribution, d'une très grande aide parce qu'elles ont contribué à améliorer le projet de loi, Mme la Présidente, et nous avions tous et toutes le même objectif, d'avoir le meilleur projet de loi possible. Et j'ai retenu de nombreuses suggestions, Mme la Présidente, de mes collègues pour faire en sorte, justement, de travailler ensemble et d'arriver, Mme la Présidente, à un projet de loi qui va toucher tous les acteurs du système de justice et aussi, et je regarde la députée de Verdun, pour s'assurer que le tribunal voit le jour, c'était déjà notre intention, mais on est venus inscrire concrètement le délai, le nombre d'années avec lequel le projet... le tribunal spécialisé verra le jour.

Alors, je tiens à remercier la contribution de la députée de Verdun, la députée de Sherbrooke et la députée de Joliette, en commission parlementaire, pour leurs initiatives et aussi leur appui dans le cadre de ce projet de loi, parce que je sais qu'elles sont animées également par le bien-être des personnes victimes, et ça, c'est partagé des deux côtés de la Chambre, Mme la Présidente. Et je vous dirais, Mme la Présidente, que, quand on est parlementaire, on est très content de pouvoir réaliser et de travailler sur un tel projet, qu'on soit du côté gouvernemental ou qu'on soit dans l'opposition, Mme la Présidente, parce que ce sont des gestes, des projets de loi qui vont changer la société pour le mieux, pour l'améliorer, et surtout on envoie dans notre société un message qui dit : La violence sexuelle, la violence conjugale, ce n'est pas acceptable, ce n'est pas tolérable. Et sachez que les victimes vont être accompagnées, vont être soutenues. Et, malgré le fait que le tribunal ne soit pas là pour augmenter les taux de condamnation, dans notre société, si on envoie le message clair que le parcours judiciaire d'une victime est facilité, c'est en réussissant à dénoncer, à être soutenus, que les comportements vont changer. Et ça, c'est un travail qui est sans relâche. Alors, j'en appelle à toutes les parties qui oeuvrent dans le système de justice à se rallier, à travailler ensemble, à contribuer pour mettre en oeuvre ce tribunal dans les meilleurs délais, les projets pilotes, et par la suite le tribunal permanent. Et moi, je serai toujours disponible, Mme la Présidente, pour travailler dans l'intérêt supérieur des personnes qui ont été victimes d'agression sexuelle et de violence conjugale au Québec. Et ça doit cesser, Mme la Présidente, et le tribunal spécialisé nous permettra très certainement, Mme la Présidente, de contribuer à diminuer et à offrir cette sécurité aux personnes victimes, en tout respect des droits fondamentaux des accusés, Mme la Présidente, la présomption d'innocence, le droit à une défense pleine et entière, en respectant également l'indépendance judiciaire, tout ça a été analysé, tout ça a été traité, mais ça prend un changement de culture, Mme la Présidente, et nous sommes en train de le faire.

Et je dois vous dire que je suis très fier que le gouvernement ait choisi de dire aux personnes victimes : Nous allons vous accompagner, nous vous avons entendues, et il y a des choses qui changent, au Québec. Et là-dessus, Mme la Présidente, je m'adresse aux victimes pour dire clairement qu'il reste du travail à faire, mais qu'avec l'IVAC, qu'avec le tribunal spécialisé, qu'avec l'abolition de la prescription on est dans la bonne voie, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup. Et merci aux collègues.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Et maintenant je cède la parole à Mme la leader du deuxième groupe d'opposition.

Mme Christine Labrie

Mme Labrie : Merci beaucoup, Mme la Présidente. J'aimerais commencer en remerciant ma collègue de Verdun, qui me permet de prendre la parole avant elle. Je sais qu'on avait toutes les deux des conflits d'horaire et je la remercie grandement de me faciliter la vie, puisque je ne peux pas me dédoubler encore.

Il y a un an précisément, on était aux dernières retouches avant de déposer le rapport Rebâtir la confiance, de dévoiler les 190 recommandations pour faire en sorte que les besoins des victimes de violence sexuelle et conjugale soient respectés. Et ce rapport-là, c'était le fruit d'une démarche transpartisane sans précédent, d'un travail très rigoureux d'une vingtaine d'experts, d'expertes qui ont fait le tour du Québec pour rencontrer des groupes, pour consulter des centaines de victimes. Et, au moment de déposer le rapport, ça faisait déjà près de deux ans qu'on s'était assises ensemble pour la première fois, l'ancienne ministre de la Justice, la députée de Marguerite-Bourgeoys, la députée de Joliette et moi, pour jeter les bases de ce travail-là. Puis, entre-temps, il y a la nouvelle ministre de la Condition féminine, il y a la députée de Verdun qui se sont jointes à nous. Il y a eu tellement, tellement de travail mis dans ce rapport-là et, surtout, la démarche avait suscité tellement d'espoir auprès des victimes que, personnellement, et je sais que c'est la même chose pour mes collègues aussi, je me sentais investie de la mission de faire en sorte que chacune des recommandations soit mise en oeuvre et que ce rapport-là ne dorme jamais sur une tablette.

• (11 h 30) •

Et le rapport, il n'était pas déposé officiellement encore qu'on savait que ce serait très difficile. On le savait, on l'anticipait. On savait qu'il faudrait défendre des changements majeurs dans le fonctionnement de nos institutions, que ça prendrait un changement de culture et qu'il y aurait de gros défis. On savait qu'il y aurait des gens pour dire que c'était impossible et qu'il y aurait même des gens pour s'y opposer et dire que ce n'étaient pas des bonnes idées. Et on ne s'était pas trompés, il y a eu des gens qui se sont opposés à certaines de ces recommandations-là, en particulier les tribunaux spécialisés. Plusieurs ont mis en doute l'intérêt de ça. Mais le ministre de la Justice a décidé d'aller de l'avant quand même, et je veux le remercier pour ça, parce que c'est un geste très courageux, de transformer une institution comme le système de justice.

Donc, au départ, il nous a soumis un projet de loi qui ressemblait surtout à une intention, dans lequel il manquait beaucoup de choses, et ça a généré des inquiétudes, notamment auprès des victimes, mais, grâce aux recommandations des groupes qui sont venus en commission, grâce au travail constructif fait par l'ensemble des collègues pendant l'étude détaillée, je dois dire qu'aujourd'hui je suis vraiment très fière du projet de loi qu'on est sur le point d'adopter.

On a réussi à nous assurer que ce projet de loi là respecte les orientations du rapport Rebâtir la confiance. Et je ne ferai pas la liste exhaustive de toutes les modifications qui ont été apportées, parce que, sincèrement, la version finale du projet de loi ne ressemble en rien à la première version qu'on avait, tellement on a fait des changements, mais, à mon avis, on a un projet de loi très solide entre les mains aujourd'hui, un projet de loi qui est clair sur les objectifs des tribunaux spécialisés, qui est clair à l'effet que l'accompagnement spécialisé des victimes va commencer dès le premier contact avec des services policiers, que la victime décide, donc, de porter plainte ou pas. On a clarifié que tous les intervenants dans le processus vont devoir être formés. On a mis toutes les balises nécessaires pour s'assurer que les projets pilotes fonctionnent bien et qu'après les projets pilotes les tribunaux spécialisés voient le jour très rapidement partout au Québec.

Et ça a été vraiment une expérience très spéciale, de travailler sur ce projet de loi là, puis pourtant j'en ai fait plusieurs, jusqu'à maintenant, des projets de loi sur lesquels il se dégageait quand même plusieurs consensus, mais c'est la première fois où, au terme du processus, j'ai le sentiment qu'on l'a vraiment rédigé ensemble, ce projet de loi là. Moi, je me sens comme ça, en ce moment. C'est un très beau sentiment. C'est la première fois que ça m'arrive. Et puis je tiens à le dire franchement parce que je pense que c'est important que les victimes le sachent. Les victimes doivent savoir que nous, comme porteuses du rapport Rebâtir la confiance, on a confiance en ce projet de loi là pour implanter les tribunaux spécialisés. Donc, ça, je veux que les victimes l'entendent.

Puis, des victimes, j'en rencontre souvent, ça arrive très régulièrement qu'elles me remercient, qu'elles nous remercient pour le travail transpartisan qu'on fait sur le dossier des violences sexuelles et conjugales, mais la vérité, c'est que ce travail-là, il a été rendu possible parce que des victimes ont décidé en très grand nombre de briser le silence. Alors, ce sont les victimes qu'il faut remercier pour ce qui est en train de se passer en ce moment, toutes les victimes, les hommes, les femmes qui ont transformé leurs souffrances, de grandes souffrances, des blessures importantes, en mouvement collectif pour dénoncer à quel point le système les revictimisait, à quel point elles sortaient brisées du poste de police, parfois même sans porter plainte, à quel point elles sortaient brisées du palais de justice, parfois même plus encore brisées qu'après les violences qu'elles avaient subies. Alors, à toutes ces victimes-là qui ont pris le risque de briser le silence, avec tous les inconvénients que ça a pu leur apporter, qui ont pris ce risque-là pour que ça change, bien, je les remercie. Puis le changement de culture qu'on est en train de mettre en oeuvre, c'est grâce à vous.

Merci aussi à toutes les collègues, qui ont travaillé de manière remarquablement constructive sur ce dossier-là, à toutes les personnes qui commencent déjà ou qui vont commencer bientôt à mettre en oeuvre le changement de culture qu'on propose avec ce projet de loi là, merci sincèrement.

Moi, ça me rend vraiment très fière de savoir que le Québec, ça va être le premier endroit au monde où il y aura des tribunaux spécialisés en matière de violence sexuelle et conjugale. Et puis ça a été vraiment un privilège de participer à ce processus-là, et j'espère sincèrement que ça va contribuer à contrer le cynisme envers la politique. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la leader du deuxième groupe d'opposition. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mes premiers mots aussi vont à des remerciements pour la collègue de Verdun, qui a été très généreuse de permettre à ma collègue de Sherbrooke et à moi-même de pouvoir parler avant elle parce qu'on doit être en commission en même temps. Alors, merci beaucoup. Je pense que c'est un signe supplémentaire de la bonne harmonie qui nous a unis et de ce travail vraiment transpartisan, que l'on ne voit pas tous les jours, qu'on devrait voir beaucoup plus souvent, qui nous a ralliés, des deux côtés de la Chambre et entre les oppositions aussi, pour la question des violences sexuelles et conjugales, pour lutter contre elles et, bien sûr, pour l'implantation d'un tribunal spécialisé.

Alors, moi aussi, je suis vraiment fébrile, je dois vous dire, je suis émue qu'on en soit rendus à l'étape finale de l'adoption d'un projet de loi portant sur le tribunal spécialisé, sur l'implantation d'un tribunal spécialisé. Au-delà de l'idée d'un tribunal spécialisé, aujourd'hui, le message qu'on est en train d'envoyer, c'est qu'on est en train de redonner la place qui devrait revenir aux victimes de violence sexuelle et conjugale dans notre société.

Ces personnes-là, ces victimes-là ont souffert en silence, ont souffert de ne pas être prises en compte convenablement et correctement dans notre système de justice, dans nos institutions, je dirais, de manière générale. Et il nous a fallu un choc en pleine face, avec le mouvement #moiaussi, pour que, je pense, on prenne la pleine mesure de leurs souffrances mais aussi de la désaffection, de la perte de confiance extrêmement grave et profonde des victimes de violence sexuelle et conjugale à l'égard du système, du système policier, du système de justice. Et aujourd'hui j'espère qu'elles vont retrouver un peu d'espoir avec cet aboutissement important, de se doter, au Québec, à la faveur du projet de loi sur le tribunal spécialisé, d'une institution qui, on en est très confiants, va vraiment leur permettre de reprendre une place, la place qui doit être la leur, et de rebâtir pas à pas, un jour à la fois, un geste à la fois cette confiance-là qui est si gravement effritée.

Aujourd'hui, je pense que c'est un nouveau chapitre qui s'écrit, d'une belle histoire, malgré toutes les souffrances, pour les victimes de violence sexuelle et conjugale, parce que c'est une manière de leur dire que, tous ces cris du coeur, que tout ce mouvement sur les réseaux sociaux, que toute cette peine, cette détresse, cette revictimisation, on l'a entendu, et que, comme élus, on a décidé de prendre nos responsabilités. Et ça, je pense que c'est la plus belle chose qu'on peut faire collectivement ici, au salon bleu, puis dans notre institution de l'Assemblée nationale, c'est de dire aux gens : On va les prendre, nos responsabilités. Ce ne sera peut-être pas simple, il va peut-être falloir ébranler quelques colonnes du temple, mais on est rendus là. On vous a entendues, et on les prend, nos responsabilités.

Puis pourquoi, aussi, je pense que c'est le chapitre d'une belle histoire éloquente, c'est parce qu'on a réussi à le faire pour les victimes puis à le faire de manière transpartisane. Puis j'espère que ça va être aussi, je dirais, une étape importante pour se dire que, quand on veut, on peut, puis même si ça a l'air difficile, puis même si ce n'est pas nos manières de faire habituelles, on est capables d'inclure l'exécutif, le législatif, les oppositions, les ministres dans une volonté commune. Et j'espère que ça aussi, de manière plus large que juste pour la question, qui est déjà fondamentale, évidemment, de donner une voix aux victimes et à leur réalité, ça va être un signe d'espoir pour les gens qui espèrent une démocratie de plus grande participation, de plus grande collégialité, parce que je pense aussi que, ça, on a un devoir d'exemplarité pour rebâtir la confiance de manière plus large.

Alors, moi, aujourd'hui, je me rappelle de toute cette histoire, de cette belle histoire qu'on a écrite ensemble, d'une idée que j'ai eue dans la foulée du mouvement #moiaussi, le 8 mars 2018, après avoir assisté à un forum de l'ex-ministre de la Justice libérale, Stéphanie Vallée, dans la foulée du mouvement #moiaussi, à savoir comment on peut changer les choses, puis à m'être questionnée, puis à regarder ce qui se faisait ailleurs, puis à voir cette idée des tribunaux spécialisés, notamment en Nouvelle-Zélande et en Afrique du Sud, d'avoir lancé cette idée-là, qui a commencé à faire du chemin, dans la foulée de l'affaire Rozon, où très peu de plaintes, une seule, en fait, a été retenue, d'avoir interpelé l'ex-ministre de la Justice, la présidente du Conseil du trésor, en lui tendant la main et en lui disant : Il me semble qu'on doit travailler ensemble sur comment rebâtir la confiance, comment implanter des tribunaux spécialisés. Et puis elle a saisi... et je lui rends hommage, elle a ouvert vraiment le dialogue, elle a dit : Oui, c'est une bonne idée. On s'est rencontrées rapidement, avec, ensuite, la collègue de Sherbrooke, la collègue de Marguerite-Bourgeoys, qui a été ensuite remplacée par la collègue de Verdun. Dès le mois de janvier — moi, je l'avais interpelée en décembre — dès le mois de janvier on se rencontrait à Montréal. Et puis c'était une rencontre... Je pense qu'on a tout de suite senti que le courant passait, et qu'on se sentait investies d'une mission, puis qu'on allait tout faire pour être à la hauteur de cette mission-là.

Ensuite l'histoire a continué. On s'est adjoint un comité extraordinaire, avec deux coprésidentes, que je veux saluer, Mme Elizabeth Corte et Mme Julie Desrosiers, et un groupe d'experts qui n'a pas lésiné sur les efforts, qui s'est réuni pendant des heures et des heures, et des semaines et des semaines, pendant plus d'une année. Et puis finalement, comme le disait ma collègue, on a déposé, il y a un peu moins d'un an, le rapport Rebâtir la confiance, qui avait 190 recommandations, mais une recommandation centrale qui est ce tribunal spécialisé.

• (11 h 40) •

Et pourquoi c'est central, le tribunal spécialisé? C'est parce que c'est une manière de dire aux victimes qu'on leur a toujours demandé, même si elles sont des victimes de crimes extrêmement complexes, personnels, différents d'un vol, d'une fraude, et surtout très intimes... on leur a toujours demandé de s'adapter au système de justice, de faire comme si c'était un crime comme les autres, mais aujourd'hui, avec un tribunal spécialisé, on envoie un message puissant, qui est de dire qu'enfin c'est le système de justice qui s'adapte à la réalité, aux besoins, à la complexité de la situation des personnes victimes de violence sexuelle et conjugale.

Et ça, en soi, c'est une minirévolution, je le qualifie comme ça depuis des mois et je le pense vraiment, parce qu'il y a cette espèce d'idée que, pour rendre justice, il faut que tout soit pareil, mais, au contraire, si tout est tout le temps pareil, qu'on ne s'adapte pas à la réalité des crimes qui sont devant nous, à la réalité des victimes qui sont devant nous, bien, on assiste à des dénis de justice. Donc, ce n'est pas la justice, de ne pas tenir en compte de ces spécificités-là, de cette complexité-là accrue et de ces crimes tellement atroces, qui sont un véritable fléau, dans notre société. On s'en rend compte, avec ces mouvements-là, à quel point c'est endémique et ça n'a pas de sens. Donc, c'est un levier sur lequel on travaille aujourd'hui. Bien sûr, il faut travailler beaucoup en prévention, mais, avec le tribunal spécialisé, non seulement ça va changer concrètement les choses, mais ça envoie un message puissant qu'on est capables, quand on le veut, de changer le cours des choses et de changer nos institutions.

Donc, bref, il y a eu ce rapport. Et ce qui est formidable, c'est qu'on est tout de suite allé cogner, les quatre élues ensemble, à la porte des ministres concernés, dont le ministre actuel de la Justice, qui nous a reçues avec la plus grande ouverture. Et on a tout de suite senti son engagement. Et je veux le remercier de ne pas avoir tardé, et d'avoir déposé un projet de loi rapidement, et d'avoir eu toute l'ouverture de considérer aussi que ses collègues des oppositions avaient travaillé très fort sur cet enjeu-là à travers les travaux du comité Rebâtir la confiance, et d'avoir voulu coconstruire un projet de loi. Et c'est vraiment une expérience formidable, dont on devrait s'inspirer aussi beaucoup plus, parce que le projet de loi final, il est un projet de loi qui a levé énormément d'inquiétudes qui perduraient de la part de différents acteurs, dont les groupes de défense des victimes, et on est vraiment venus mettre de la chair autour de l'os. Il y avait une armature. Là, on a vraiment un concept, une philosophie, des objectifs, quelque chose qui est extrêmement solide qui vient définir ce qu'est le tribunal spécialisé, qui vient définir comment il va se déployer, quand il va se déployer, avec toutes les facettes de ce que l'on veut y retrouver, et ça, je pense que c'est très important.

Le ministre n'était pas obligé d'y aller par projet de loi. Moi, je pense que c'était quelque chose d'important, d'y aller par projet de loi. Ça inscrit le tribunal spécialisé dans la pérennité, pour l'avenir. Et souvent on l'a répété au ministre, pendant nos travaux, à quel point c'était important d'inscrire tout ça pour la suite, parce qu'il ne faut pas qu'on commence ce nouveau chapitre là en n'ayant pas de garantie pour la suite. Et on a réussi à obtenir beaucoup de garanties, à mettre beaucoup d'éléments structurants dans le projet de loi. Une petite énumération. Évidemment, les principes sont présents, les objectifs du projet de loi, du tribunal spécialisé sont présents, notamment de ne pas assister à de la revictimisation, notamment d'avoir un accompagnement solide, adapté, spécialisé pour les victimes de violence sexuelle et conjugale. On a étendu la formation, à l'origine qui n'était prévue, dans le projet de loi, que pour les juges. Maintenant, tous les intervenants — policiers, avocats, intervenants psychosociaux — c'est écrit noir sur blanc, qu'ils devront être formés dans cette optique d'un tribunal spécialisé, formés aussi de manière continue. On a mis une date limite pour les projets pilotes. On s'est donné un échéancier maximal de cinq ans aussi pour voir que le tribunal sera déployé à l'ensemble de la grandeur du Québec, un point sur lequel on a travaillé longuement avec le ministre mais sur lequel on a finalement trouvé une voie de passage. Donc, on n'aura pas deux catégories de victimes. C'était une des craintes qu'on avait, que ça puisse s'étendre sur des années et des années. Là, on a une date limite, on sait que toutes les victimes du Québec en violence sexuelle et conjugale vont pouvoir avoir accès au tribunal spécialisé à la suite des projets pilotes. On a inscrit l'obligation de consulter la cour pour le choix des districts judiciaires et, de manière plus générale, de travailler en collaboration avec les partenaires du milieu. On a inscrit le principe de reddition de comptes pour être certains qu'on allait atteindre les objectifs qui sont dans le projet de loi. Donc, ce n'est que quelques éléments de bonification, mais, vraiment, on a un projet de loi qui doit être, je ne sais pas, trois ou quatre fois plus long que ce qu'il était à l'origine. Ce n'était pas de mettre des mots pour mettre des mots, c'était vraiment de mettre l'essence de ce sur quoi on a travaillé pour que la confiance que l'on veut rebâtir, elle commence dès maintenant, dans le texte même du projet de loi, et je pense qu'on l'a vraiment réussi de très, très belle façon.

Alors, ce tribunal spécialisé là, il va permettre quoi, Mme la Présidente? Il va permettre à ce que, dès qu'une victime songe à porter plainte, à franchir le pas de la porte d'un poste de police, elle soit accompagnée correctement. Le ministre a accepté... a voulu inscrire dans la loi l'obligation d'offrir des services juridiques gratuits aux victimes avant même qu'elles déposent une plainte. C'est une grande avancée, qu'on doit souligner aussi. Alors, c'est tout cet accompagnement-là qui, vraiment, va être présent, où on va dire aux victimes : Voici ce dans quoi vous vous embarquez, voici les autres avenues, voici ce qu'est le processus criminel quand on est victime de violence sexuelle et conjugale. Elles vont être accompagnées pendant tout leur parcours.

Ensuite, on a cette obligation-là d'avoir un seul procureur, donc ce qu'on appelle, dans le jargon, la poursuite verticale. On va essayer, évidemment, que ce soit la même chose pour les policiers, des policiers formés, spécialisés, des procureurs spécialisés. Même chose, des avocats de la défense qui vont être formés. Une formation pas juste en droit, une formation sur l'impact des traumatismes, sur la réalité des victimes de violence sexuelle et conjugale, sur l'impact que ça a sur la mémoire, l'impact que ça a quand tu viens pour rendre un témoignage, l'impact que ça a de te sentir aussi au banc des accusés quand ce n'est pas toi l'accusé, quand tu es malheureusement encore, dans notre système, un témoin, mais que tu dois être beaucoup plus qu'un témoin, quand c'est ta vie personnelle, intime qui a été attaquée au plus profond de ce tu es comme humaine ou comme humain, comme personne.

Donc, bref, tout cet accompagnement-là va être présent et jusqu'à l'audition, si on se rend à l'audition, où on va avoir une garantie d'être avec des gens qui sont formés, spécialisés, avec la présence d'intervenants psychosociaux, avec ces liens-là qui sont fondamentaux, avec le respect des règles aussi pour que la victime, elle ait toute sa place et qu'on tienne compte de ses besoins à elle, de ses attentes à elle, et non pas juste de ce typique, je dirais, bras de fer entre la couronne et la défense, mais qu'on prenne compte pleinement de la réalité des victimes.

Alors, bref, en terminant, je veux remercier tous les collègues, mes précieuses collègues des oppositions, avec qui ça a été un bonheur de travailler sincèrement pour ce projet de loi là mais pendant les deux années qui ont précédé au sein du groupe de travail Rebâtir la confiance. Je sors toujours grandie de ces expériences-là, Mme la Présidente. Vous le savez, nous, on a eu une autre expérience, sur la question de mourir dans la dignité n° 1, je dirais, maintenant j'en ai avec la collègue de Roberval sur le mourir dans la dignité n° 2, et ce sont des expériences extrêmement marquantes et qui, je pense, nous réjouissent, parce qu'on a le sentiment de vraiment travailler dans l'intérêt supérieur des citoyens.

Je veux remercier sincèrement le ministre, le ministre qui a pris ce dossier-là à bras-le-corps, qui l'a déposé, qui l'a mené, qui n'a pas flanché, qui, malgré des petits moments un peu plus tendus dans les travaux de la commission a gardé le cap, et qui paraissent bien banals aujourd'hui, bien sûr, parce qu'on a réussi à s'entendre et à trouver tous les amendements et les voies de passage qui nous faisaient progresser collectivement, qui faisaient avancer le projet de loi, les collègues de la partie ministérielle, qui ont été très présents, qu'on a sentis très investis dans ce projet de loi là, dans ce combat-là plus général, et toute l'équipe, évidemment, du ministère; ma recherchiste, Alexandra Nadeau, tous les gens qui nous ont accompagnés.

Mais, en terminant, je veux vraiment remercier toutes les personnes survivantes de violence sexuelle et conjugale, leur dire à quel point sans leur engagement, sans leur courage, sans leur transparence, sans leur cri du coeur on n'en serait pas là aujourd'hui. Alors, j'espère que ce qu'on franchit aujourd'hui comme étape, c'est un baume sur toutes leurs souffrances, sur toutes leurs désillusions, sur toute leur perte de confiance. Et, pour toutes ces victimes-là qui n'auront pas pu bénéficier de cet accompagnement-là, qui ont souffert en silence, qui ont souffert de se sentir revictimisées, j'espère qu'elles vont trouver un peu de réconfort dans le fait que leurs souffrances, leurs prises de parole, leurs témoignages vont faire avancer les choses significativement, qu'on aura entendu leur message, et qu'on se dit collectivement ensemble aujourd'hui qu'on ne veut plus jamais pouvoir revivre cette perte de confiance là, et que ce qu'elles auront témoigné comme engagement va faire une différence pour d'autres victimes, pour d'autres survivantes et survivants. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

• (11 h 50) •

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Je vous remercie, Mme la députée de Joliette. Et maintenant je cède la parole à Mme la députée de Notre-Dame-de-Grâce.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil : Merci, Mme la Présidente. Évidemment, c'est un moment émouvant pour moi aussi, d'entendre les collègues prendre la parole. Je vois que ça a été une expérience bien marquante. Et c'est vrai, c'est très rare qu'on puisse vivre... c'est assez rare, quand même, dans une vie, de pouvoir avoir vécu cette expérience. Alors, moi, j'ai quand même eu des expériences connexes, et je suis vraiment privilégiée de pouvoir prendre la parole pour parler de ce projet de loi bien important.

Alors, nous voici donc à une étape bien importante, soit l'adoption finale du projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la formation des juges en ces matières, un projet de loi très attendu. Et le titre est bon. J'ai eu à participer souvent à comment est-ce qu'on appelle un projet de loi, c'est important d'avoir un titre qui évoque exactement le contenu. On pourrait ne pas avoir un titre plus clair de la mission qui est la nôtre à partir d'aujourd'hui.

Cet enjeu nous touche tous et toutes profondément. On pense à la souffrance des victimes de violence sexuelle ou de violence conjugale, une souffrance vécue souvent dans le silence. En tant que porte-parole de l'opposition officielle pour la protection de la jeunesse, je suis aussi heureuse de l'aboutissement de ce projet de loi pour nos enfants, eux aussi victimes de violence conjugale, et qui, eux aussi, en souffrent souvent dans le silence.

Selon le rapport québécois sur la violence et la santé publique par l'INSPQ, une étude populationnelle récente, de 2017, montre que 25 % des enfants québécois ont été exposés à la violence conjugale, qu'elle soit physique, psychologique ou verbale, dans l'année qui a précédé l'étude. Selon l'INSPQ, cette statistique permet de conclure que les enfants exposés à la violence conjugale sont loin d'être un phénomène rare. Quel triste constat, Mme la Présidente. Et une victime brisée, soit une maman brisée, a des conséquences dévastatrices sur les enfants, et ils deviennent souvent des enfants, eux aussi, brisés.

J'ai également participé à la Commission spéciale sur l'exploitation sexuelle des mineurs, et, dans son rapport, qui contient 58 recommandations, là aussi on recommande d'étendre à l'ensemble du Québec des mesures pour faciliter le témoignage des victimes mineures au tribunal, leur assurer un soutien et un accompagnement, par exemple en les préparant à témoigner.

J'ai eu l'occasion de poser la question au ministre, à savoir si le projet de loi inclut aussi la chambre de la jeunesse. Il m'a confirmé que oui, et d'où l'importance de bien appuyer et accompagner ces victimes. Ce qui veut dire que les juges, avocats et autres intervenants de la chambre de la jeunesse recevraient une formation continue de base et spécialisée. Évidemment, il y a peu de précisions dans le projet de loi concernant la chambre de la jeunesse, mais on verra si ces précisions se retrouveront éventuellement dans les règlements. Je crois bien que oui. Et j'aurai l'occasion aussi de poser des questions au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux lorsqu'il déposera enfin son projet de loi qui donnera suite aux recommandations de la commission Laurent. D'ailleurs, j'aimerais souligner, Mme la Présidente, ici, en Chambre, et devant le leader du gouvernement, que j'attends ce projet de loi avec impatience.

Rappelons-nous l'origine de ce projet de loi. Ça a été déjà évoqué par nos collègues. Dans la foulée de la vague de dénonciations #moiaussi, un comité transpartisan a été créé, en mars 2019. Ce comité avait pour mandat de proposer des pistes de solution afin de redonner confiance aux victimes envers le système de justice québécois. Alors, voilà le coeur du projet de loi devant nous. Le rapport Rebâtir la confiance contient 190 recommandations, dont celle d'instaurer un tribunal spécialisé en matière d'agression sexuelle et de violence conjugale au sein de la Cour du Québec. Parmi les recommandations, la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle, de violence conjugale au sein d'une nouvelle division de la chambre criminelle et pénale à la Cour du Québec et l'instauration de la formation des juges et des intervenants du système de justice qui exercent auprès des personnes victimes de violence sexuelle ou conjugale, portant sur les réalités relatives aux violences sexuelles et aux violences conjugales.

Et, avant de poursuivre, il y a lieu de soulever une confrontation entre la juge en chef, Lucie Rondeau, et le ministre de la Justice, qui nous a tous mis très mal à l'aise. Du jamais-vu, Mme la Présidente. Et ce n'est pas la première fois que le ministre de la Justice s'est trouvé en conflit avec la juge en chef. Et, dans ce cas-ci, la juge en chef aurait voulu partager ses préoccupations concernant le projet de loi dans le cadre des consultations particulières, mais elle n'a pas été invitée par le ministre, qui est aussi leader du gouvernement. Ma collègue la députée de Verdun a déposé une motion préliminaire afin d'entendre la juge Rondeau, lui poser des questions, comprendre ses préoccupations et, comme ma collègue la députée de Verdun l'a bien dit, aplanir les irritants. Malheureusement, la motion a été rejetée par le gouvernement. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le ministre a manqué de diplomatie judiciaire, je ne trouve pas d'autre expression, et de tact, dans ce dossier. Et j'espère sincèrement qu'on ne verra...

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Bon, alors, je vois M. le leader du gouvernement.

M. Jolin-Barrette : ...le discours de la députée de Notre-Dame-de-Grâce, Mme la Présidente, et je sens qu'elle me prête des intentions, ce qui n'est pas permis. Et d'ailleurs je tiens à réitérer à cette Chambre que moi, je ne suis pas en conflit avec qui que ce soit et avec personne. Je travaille dans l'intérêt des personnes victimes et je m'arrange surtout, Mme la Présidente, pour faire en sorte que le tribunal spécialisé fonctionne.

La Vice-Présidente (Mme Gaudreault) : Oui. Et tout allait très bien jusqu'à présent, il y avait un consensus pour applaudir l'adoption de ce projet de loi. Alors, Mme la députée, je vous invite à poursuivre.

Mme Weil : J'applaudis ce projet de loi, je reviens, mais je pense que c'est important, dans un État de droit, de s'assurer qu'on a la collaboration, donc, des tribunaux, qui joueront un rôle très important. Je pensais important de le dire. Je suis très sensible à ces questions-là, et tous mes collègues sont sensibles. Et j'ai... Quand on a, donc, les manchettes qu'on a vues, c'est désagréable. Bon, on en revient, on revient, donc, au projet de loi, mais je tenais quand même à le souligner, pour ne pas que des incidents semblables se répètent.

Pour revenir au projet de loi, il crée au sein de la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec une division appelée Tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Le Conseil de la magistrature aura la responsabilité d'établir un programme de perfectionnement sur les réalités relatives à la violence sexuelle et à la violence conjugale et remettra un rapport au ministre chaque année sur la mise en oeuvre du programme, qui sera, par la suite, déposé à l'Assemblée nationale.

27 amendements ont été proposés et adoptés pour renforcer le projet de loi, et là je vais le dire et lancer des fleurs à tous, qui vient refléter le travail très sérieux et déterminé des députés des oppositions, qui ont pu convaincre... et, quand même, j'ai pu assister à quelques séances, avec beaucoup d'ouverture, là, que le ministre, donc, a apporté ces modifications nécessaires et incontournables. Et j'aimerais saluer, donc, le travail aussi de ma collègue la députée de Verdun, qui a mené ce dossier avec passion et détermination. J'aimerais saluer aussi, et on l'a bien entendu, ce matin, avec des témoignages, les collègues des deux autres oppositions pour leur travail assidu, et la collaboration de tous, et évidemment le ministre, aussi, de la Justice.

Un enjeu qui a engendré beaucoup de débats et d'inquiétudes concernait les projets pilotes évoqués dans le projet de loi. Le ministre met sur pied des projets pilotes dans différentes régions du Québec avant d'établir le tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Une inquiétude portait sur la durée de ces projets pilotes et leur emplacement. D'ailleurs, on a vu ce débat, qui a été médiatisé beaucoup, parce que les oppositions ont joué un rôle important pour clarifier cette disposition. Finalement, un amendement a été adopté, prévoyant la mise sur pied des instances du tribunal spécialisé dans toutes les régions du Québec au plus tard deux ans après la fin des projets pilotes prévus dans la loi.

• (12 heures) •

Parlons maintenant de formation, un sujet bien important. Ma collègue de Verdun a souvent évoqué l'importance, pour les victimes, que les intervenants impliqués à toutes les étapes du processus judiciaire reçoivent la formation appropriée, et qu'une liste de ces différents corps de métier visés soit incluse dans le projet de loi, mais le ministre était fermé à cette recommandation. Finalement, et heureusement, un amendement de ma collègue a été accepté pour inclure les avocats de la défense, les procureurs, les greffiers, les enquêteurs, les policiers, le personnel de la cour, les interprètes et les intervenants psychosociaux dans la formation continue de base et spécialisée sur les réalités relatives à la violence sexuelle et à la violence conjugale.

Je dis bravo à ma collègue, mais je dis bravo à tous qui ont amené cette liste très, très détaillée, parce qu'en effet, en effet, pour les victimes, ça prend, comment dire, la sensibilisation et le professionnalisme de tous ceux qui seront impliqués dans le dossier. Donc, oui, la magistrature, mais c'était important de rajouter tous ces autres intervenants. Là aussi, parce que la formation, c'est au coeur, aussi, de ce projet de loi, il fallait le préciser, il fallait aller en profondeur. Et je pense que c'est un précédent bien, bien utile dans notre système de justice et je dis bravo à tous pour cet amendement.

Autre enjeu, l'objectif d'accompagner la plaignante à toutes les étapes du processus judiciaire pour lui redonner confiance dans le système de justice est évidemment au coeur du projet de loi. Or, le projet de loi n° 92 ne s'intéresse qu'à une partie du processus, ça a été soulevé par les oppositions, soit la création du tribunal, mais remet les modalités à un règlement qui sera adopté sans la contribution des parlementaires. Donc, il a été dit, et je cite d'autres, on ignore tout de son mode de fonctionnement. Donc, c'est un premier pas, ce projet de loi, mais on voit que les règlements vont jouer un rôle bien important pour bien comprendre le processus. Et évidemment ça va prendre des suivis importants... Oui?

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Votre temps alloué...

Mme Weil : Donc, c'est ça. Donc, des suivis importants. Et ça conclut, donc, mes propos, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie. Alors, je suis prête à entendre le prochain intervenant ou intervenante. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous. Vous avez un temps de 10 minutes d'alloué pour votre intervention.

Mme Hélène David

Mme David : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, pour rien au monde je n'aurais raté cette opportunité de parler de quelque chose de tellement important mais du processus aussi.

Vous savez, quand je suis entrée en politique, c'était bien naïvement, bien naïvement, pensant que les choses allaient être moins dures qu'elles le sont, très souvent, dans les processus d'adoption de projet de loi, dans les discussions, dans les périodes de questions. Mais, dans ce cas-ci, dans ce cas-ci, depuis que j'ai rencontré, avec ma collègue de Joliette, avec la collègue de Sherbrooke, la ministre, à l'époque, l'ex-ministre de la Justice, il s'est passé quelque chose d'absolument extraordinaire. Et on doit le dire quand ça se passe. Et je suis, moi aussi, et je serai jusqu'à la fin de mes jours marquée par ce processus-là, le processus transpartisan. On en parle, on le glorifie, mais on le vit très peu souvent. Et, dans ce cas-ci, non seulement on l'a vécu, mais, la collègue de Joliette va s'en souvenir, quand on est allées à Tout le monde en parle, on était les quatre femmes, à ce moment-là — excusez, M. le ministre, mais c'étaient quatre femmes, à ce moment-là, ça n'a rien contre le formidable travail que vous avez fait après — je n'ai jamais, de ma vie de politicienne, depuis maintenant six ans, entendu autant parler avec émerveillement, avec remerciements, avec des larmes la population qui nous abordait. Ça a été mon cas, ça a probablement été le cas des trois autres députées, de remercier l'Assemblée nationale, de remercier le gouvernement, de nous remercier, les élus, de travailler ensemble. Je me faisais arrêter dans les ascenseurs, sur la rue, dans les commerces, dans le métro, dans l'autobus : Merci, Mme la députée, merci à vous, les quatre élues, de travailler ensemble pour un enjeu aussi important. Et ça, là, ça n'a pas de valeur, ça n'a pas de prix. Ça fait oublier tous nos efforts, toutes les longues heures, toutes les difficultés qu'on peut avoir, des fois, dans des projets de loi.

Et c'est avec tristesse, évidemment, que j'ai quitté ce merveilleux processus, la députée de Joliette l'a bien décrit, un comité formidable, deux coprésidentes, vraiment un travail, là, avec des longues conférences téléphoniques, puis on essayait vraiment de faire en sorte que les choses fonctionnent. Et, pour moi, ça s'inscrivait, ça s'inscrit toujours dans cinq années... Ça a fait cinq ans, cette année, depuis l'automne 2016, que je suis plongée dans des enjeux de violences à caractère sexuel. Souvenez-vous, l'Université Laval, automne 2016, je suis ministre de l'Enseignement supérieur, il arrive des choses épouvantables. On fait un forum sur les violences sexuelles, on adopte une politique. Le forum, le premier ministre est présent, il y a six ministres. Il y a énormément de travail qui a été fait à ce moment-là. Puis en même temps je travaille comme ministre de la Condition féminine. L'année d'après arrive, cinq jours après ma nomination, l'affaire Weinstein, l'affaire Rozon, l'affaire Salvail. J'ai dit : Mais je suis vraiment très, très interpelée par tout ça. Alors, forum, dépôt d'une politique, projet de loi, loi n° 151, adoptée le 8 décembre 2017, pour prévenir et contrer les violences sexuelles dans les collèges et les universités. Ça aussi, c'était une première en Amérique du Nord et même en Europe. C'était... Les gens me disaient : Mais c'est extraordinaire! Comment vous en êtes arrivés là? Mais, là aussi, ça a été un travail transpartisan. Là aussi, on a fait des consultations, un projet de loi formidable où les oppositions ont apporté... Je le disais au ministre de la Justice, il y a quelques jours, l'extraordinaire travail des oppositions, qui m'avaient aidée à faire un projet de loi bien meilleur, bien meilleur que ce que j'avais déposé.

Et là j'entends tout ce qui est dit, les félicitations données au ministre, et je me dis : Mais c'est formidable, parce que, pour une deuxième fois dans ma carrière de politicienne, il y a autant de transpartisanerie et de remerciements, que tous et toutes ensemble... Parce qu'en politique on est simplement un petit maillon d'une très grande chaîne de l'histoire, hein, il faut toujours se dire ça. On est ministre, on n'est plus ministre. On est député, on n'est plus député. On est au gouvernement, on est à l'opposition. Mais tous ensemble, on doit avoir des convictions d'aller vers un but commun, un but citoyen, un but humaniste, qui est le but d'aider, d'aider nos concitoyens à mieux vivre dans ce Québec que l'on aime tous. Et, dans ce cas-ci, c'est extraordinaire. On fait avancer de façon formidable l'accompagnement des victimes de violence sexuelle et conjugale, parce que ça s'est rajouté au fil des conversations, cette demande, et je pense que c'était une très bonne idée d'inclure aussi les violences conjugales.

Alors, on arrive avec un tribunal, et ce tribunal va effectivement pouvoir permettre d'avoir un bien meilleur accompagnement. C'était nécessaire, dans les universités et les collèges, d'avoir un guichet unique, d'avoir un processus d'accompagnement, de permettre aux étudiants, la plupart du temps étudiants, ou aux employés qui étaient victimes de violence à caractère sexuel de pouvoir être bien accompagnés. On relit et on sent la même chose qui anime, donc, ce tribunal spécialisé : accompagnement, formation, écoute, non-restigmatisation, non-revictimisation. Alors, quand on voit tout ça, on se dit : Ça vaut la peine d'être en politique.

Puis je demandais... Parce qu'on est dans un autre projet de loi, qui ne véhicule pas du tout le même genre d'émotions, le projet de loi n° 96. C'est un projet de loi où il y a quand même de l'émotion liée à notre identité culturelle, à notre langue. Et je disais au ministre : J'espère qu'on va pouvoir travailler aussi comme ça, parce que c'est comme ça qu'on fait avancer la société. Oui, on n'est pas toujours aux mêmes endroits, on n'est pas toujours dans les mêmes opinions pour certains articles, et tout ça, mais foncièrement on a tous à coeur... Et ça, le jour où je ne dirai plus ça, je ne serai plus en politique. Je reste en politique parce que j'y crois, qu'on est tous ensemble pour le bien commun. Et ça, ça nous permet de faire un Québec plus fort, un Québec plus solide, mais aussi un Québec beaucoup plus humain. Et, par ce projet de loi particulier, qui est un tribunal qui est une des 192 recommandations, mais qui est toute une recommandation, c'est un projet phare, alors, c'est un projet qui va permettre, même si je n'ai pas lu tout en détail, parce que les choses vont un peu vite, qui va permettre, selon tout ce que les élus qui ont participé disent, de vraiment faire un pas magistral en avant, un pas qui, je pense... Je prenais des notes, le ministre disait : Nous sommes le premier État à pouvoir accompagner autant... le premier État au monde à mettre en place un tribunal spécialisé en violence sexuelle et conjugale.

• (12 h 10) •

Alors, quand on parle d'un changement de culture, Mme la Présidente, c'est à ça qu'on s'expose, que ça remue beaucoup, que les gens soient inquiets, que les gens disent : Bien, non, non, non, ça ne peut pas fonctionner, etc. Mais on est un peu ici pour ça aussi, en politique, pour faire changer les choses. On ne peut pas dire que tout fonctionne particulièrement bien tout le temps, donc on est ici pour essayer de faire avancer les choses. Et effectivement on vit toutes sortes de choses difficiles. On en a encore vécu ce matin, en parlant des CHSLD. On parle, là, de violence sexuelle. On n'est pas toujours dans des dossiers faciles, mais on est venus en politique pour ça, on est venus pour aider notre prochain. Ça fait très catholique, de dire ça, mais aider notre prochain, c'est aider les gens pour que notre court passage sur terre puisse être un peu moins difficile. Et, dans le cas des victimes de violence conjugale et sexuelle, c'est exactement le cas, c'est pour leur permettre de pouvoir éventuellement passer à autre chose.

C'est immensément difficile. J'en ai tellement accompagné, dans ma pratique de psychologue, psychothérapeute, de victimes, c'est extrêmement difficile. Alors, le moins qu'on puisse faire, le moins qu'on puisse faire, c'est, pendant cette période tellement douloureuse de porter plainte, de revivre tout ça, éventuellement aller à procès... le moins qu'on puisse faire, c'est de les accompagner le mieux possible.

Et, dans ce sens-là, je pense que, ce projet de loi, on peut dire sans se tromper que c'est un pas majeur pour le Québec. Et je remercie encore une fois les élus, je remercie tous ceux qui ont participé, et le ministre en particulier, donc, d'être allés aussi loin que ça. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie, Mme la députée. Je suis prête à entendre un autre intervenant ou intervenante.

M. Fortin : Oui. Sur une question de directive, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Oui. Allez-y, monsieur.

M. Fortin : Je veux juste m'assurer que la porte-parole officielle de l'opposition en la matière aura son temps de parole alloué normalement, c'est-à-dire un temps maximal d'une heure, comme il a été entendu précédemment. Merci.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Alors, il n'y a pas d'objection, il y a consentement pour lui donner son temps? Parce que, pour une explication, sûrement... parce que la députée de Notre-Dame-de-Grâce a dépassé, là, d'une minute, là, par le changement de présidence. Alors, il y a consentement? Parfait. Alors, il n'y a pas de problème. Mme la députée de Verdun, je vous cède la parole.

Mme Isabelle Melançon

Mme Melançon : Merci, Mme la Présidente. Bien, c'est, à mon tour, avec beaucoup d'émotion, que je me lève aujourd'hui pour l'adoption d'une importante pièce législative. Puis je ne sais pas si c'est le hasard qui fait bien les choses, mais on va adopter le projet de loi aujourd'hui, alors que c'est le début des 12 jours d'action contre la violence faite aux femmes. C'est un heureux hasard.

Et, je dois vous le dire, on en a longuement parlé, puis probablement que je vais sortir un peu de mon texte, mais, je vais vous dire, je me souviens, il y a presque un an, au moment où on déposait le rapport Rebâtir la confiance, je me souviens de la grande fierté que j'avais, mais que je partageais, bien sûr, avec la ministre responsable de la Condition féminine, avec la députée de Sherbrooke, avec la députée de Joliette, avec ma très chère amie et collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui m'avait bien accompagnée dans tout ça, mais je me rappelle de la fierté que nous avions à déposer un rapport avec 190 recommandations importantes pour changer les choses.

On se rappelle du #moiaussi, #metoo, parce que c'est de là où tout ça... ça vient de là. La société, les femmes se sont mises à parler, à dénoncer ouvertement ce qu'elles vivaient, et les élus de l'Assemblée nationale ont décidé de s'unir pour pouvoir entendre la voix des femmes. Et je trouve ce processus transpartisan formidable, formidable, dans un dossier comme celui-là, où on avait besoin d'humanisme avec un grand H.

On se rappelle qu'après trois ans, donc, on avait un devoir de faire quelque chose, un devoir de freiner, bien sûr, les violences sexuelles, mais aussi la violence conjugale. Et je tiens à rappeler que les cas de violence conjugale, en pandémie, ont explosé.

Ce matin, on nous confirme un 18e féminicide au Québec. C'est un bien triste record. Moi, j'ai une pensée pour les victimes, qui sont des femmes, des filles, des mères, des amies. J'ai une victime, pour elles... J'ai une pensée pour ces victimes, pardonnez-moi, qui y ont laissé leur vie, puis je pense qu'on doit prendre un moment pour penser à ces femmes, à ces familles et pour se dire : Pas une de plus.

Il y a donc eu les travaux du fameux rapport Rebâtir la confiance, et, je le disais tout à l'heure, le tribunal spécialisé est une des recommandations, une recommandation phare, bien entendu. Et, dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 92, qui s'intitulait, parce qu'on a même changé le titre, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale et portant sur la formation des juges, on avait un devoir de collaborer, de travailler ensemble avec le gouvernement, avec les oppositions. Il fallait aussi voir à quel point les victimes réclamaient que ce travail-là puisse se faire main dans la main, pour qu'on puisse franchir des pas de géant, et c'est ce que nous avons fait.

Je tiens à le rappeler, là, c'est difficile pour les victimes, le parcours d'une victime, parce qu'elles sont venues témoigner pour nous dire à quel point le parcours était difficile, où il manquait de l'accompagnement, où il manquait de spécialisation pour ceux et celles qui, justement, vont dans ce parcours-là avec les victimes. Puis, vous savez, Mme la Présidente, quand on est victime de violence sexuelle ou de violence conjugale, puis qu'on change de procureur, puis que finalement on change... les personnes, là, autour de nous, là, à chaque fois, sont en train de changer, puis là, là, un nouvel enquêteur spécialisé, puis... À chaque fois, il faut recommencer à raconter l'histoire. À chaque fois, la victime est revictimisée. À chaque fois, elle revit la violence qu'elle a subie. Bien, ce qu'on souhaite avec l'actuelle loi, c'est que cette revictimisation-là, là, ce soit terminé.

Je veux vous dire que ça a été un immense privilège et un immense plaisir de travailler avec la députée de Sherbrooke, avec la députée de Joliette mais aussi avec le ministre de la Justice sur ce projet de loi là, vraiment. Les trois filles, je vais le dire comme ça, avec un clin d'oeil au ministre, on se sentait un peu comme les gardiennes du rapport Rebâtir la confiance, on souhaitait que l'essence même de ce rapport-là puisse se retrouver à l'intérieur du projet de loi. Et vous savez quoi, Mme la Présidente? On y est arrivés. On y est arrivés. Le travail des oppositions dans ce projet de loi là, là, a été magistral, je dois le dire. On peut parler d'un virage à 180 degrés, dans ce projet de loi, qui ne visait, au départ, que la formation des juges, tribunal spécialisé et formation des juges. Je remercie le ministre, qui a démontré une ouverture, écoute pour qu'on puisse aller beaucoup plus loin que la pièce législative qu'il avait déposée. Et je pense qu'aujourd'hui on peut se dire que le travail des oppositions a véritablement porté ses fruits.

• (12 h 20) •

On a fait des demandes. Il y a eu des gains, il y a eu des revers. J'avais effectivement déposé une demande de motion préliminaire pour entendre la juge Rondeau, la juge en chef, parce qu'on avait bien entendu qu'il y avait des irritants et qu'il y avait des possibilités de contestation. La juge elle-même avait demandé à être entendue. Le gouvernement a refusé. Donc, on a fait... ils ont battu la motion préliminaire que j'avais déposée. Mais on a travaillé, comme élus, tout au long de ce projet de loi, à aplanir ces irritants, notamment en changeant le nom du projet de loi, où on ne parle plus de la formation des juges, hein, on est allé vraiment sur... on a tout retiré, dans le fond, ce qui s'adressait uniquement aux juges, on est allé de façon beaucoup plus large.

On parle aussi, bien sûr, d'une division spécialisée, parce qu'on sentait que nommer «tribunal spécialisé», ça pouvait nous causer des problèmes. Alors, on s'est fait entendre, une division spécialisée. On parle maintenant de la formation de tous les intervenants du processus judiciaire. On a même ajouté et précisé que le tribunal se faisait dans le respect total des droits des accusés à un procès équitable, dans le respect des droits fondamentaux, parce que ça aussi, c'était un des irritants qui avaient été ciblés.

On a demandé au ministre d'ajouter des précisions au projet de loi, notamment les objectifs et les principes. Tantôt, je disais qu'on était un peu gardiennes du rapport Rebâtir la confiance. C'est pour ça qu'on est allé introduire un principe, qu'on est allé introduire des objectifs clairs dans le projet de loi.

Ça passe par une offre, aussi, de services psychosociaux, judiciaires, par des lieux physiques aménagés de façon sécuritaire dans les palais de justice, une réduction du traitement des dossiers et de favoriser un seul procureur tout au long du processus judiciaire. La loi va faire en sorte que l'accompagnement des victimes implique des intervenants spécialisés dédiés et que la spécialisation de ceux-ci soit assurée par une formation continue.

Je cherche dans mes notes, Mme la Présidente, parce qu'il y a un passage... Je suis allée rapidement, tout à l'heure, là, mais, vous savez, c'est pour les victimes de violence conjugale, violence sexuelle qu'on a fait le travail, mais aussi pour les victimes d'exploitation sexuelle, car elles vont être, elles aussi, accompagnées par cette division spécialisée. Je tenais à le dire. Et je tenais à refaire ce que j'ai fait hier en remerciant Lau Ga, qui a mis un visage sur les victimes d'exploitation sexuelle avec beaucoup de courage. Et je veux envoyer le message, parce que j'ai posé la question au ministre, lorsque nous étions en étude détaillée, et ces victimes-là aussi seront, bien sûr, accompagnées dans le parapluie du tribunal spécialisé. Je tenais à le mentionner.

Dans les irritants aussi que nous souhaitions donc aplanir, comme je le disais tout à l'heure, on a nommé les intervenants spécialisés, qui vont avoir une formation continue, c'est-à-dire avocats de la défense, procureurs, greffiers, enquêteurs, policiers, personnel de la cour, les interprètes, les intervenants psychosociaux, et tout ça avec une reddition de comptes. C'est des gains importants, Mme la Présidente, que nous avons faits, et je tiens à le souligner.

On a aussi ajouté une considération à tenir compte des réalités culturelles et historiques pour les victimes issues des Premières Nations et des Inuits. Je pense que, là aussi, on a fait un pas important.

L'équité à l'accès, ça, c'est une bataille que moi-même, j'ai tenue et j'ai faite parce que je ne souhaitais pas qu'on puisse être une victime dans un district judiciaire où malheureusement il n'y aurait pas de projet pilote. Sur les projets pilotes, là, je dois le dire, on a fait beaucoup de chemin avec le ministre. Notamment, on a été capables de nommer qu'il y aurait minimalement cinq projets pilotes d'amorcés tout de suite après l'adoption du projet de loi, mais aussi de mettre un temps défini dans cette loi quant à la durée des projets pilotes, parce qu'on a déjà vu des projets pilotes, hein, durer quatre, cinq, six, sept ans, puis, après sept ans, quand c'est moins à la mode, on les oublie. Non, ici, on a pérennisé le tout, et on est dans un moment important, où on sait que les projets pilotes seront d'une durée maximale de trois ans, et, après trois ans, ça va devenir permanent.

Gain majeur aussi pour les quatre heures de conseils juridiques qui ont été pérennisées à l'intérieur de ce projet de loi là. Et, je dois le mentionner, c'était une recommandation de Rebâtir la confiance, la recommandation n° 25. Donc, vous voyez, de 190, on est rendus à 188. Il reste beaucoup de travail à faire encore, mais j'invite le gouvernement à poursuivre sur ce travail.

On souhaite de tout coeur, donc, que ce tribunal spécialisé puisse être mis en place le plus rapidement possible et partout sur le territoire. Il va falloir que le ministre de la Justice mobilise son ministère, justement, pour mettre tous les efforts pour atteindre cet objectif. Le ministre va aussi devoir coordonner les efforts des ministères et organismes concernés en ressources humaines mais aussi en ressources financières, parce qu'on a un meilleur accompagnement, on a de la formation, il y a beaucoup de travail encore à faire, et, pour ça, bien, ça va prendre les sommes mais aussi les personnes pour pouvoir faire le travail.

On a fait inscrire dans la loi que le ministre mettrait en place au moins, donc, cinq projets pilotes, comme je vous le disais tout à l'heure. Et, je vous le dis, Mme la Présidente, moi, les projets pilotes, j'étais très inquiète, au départ, parce que je n'avais pas envie qu'une victime à Roberval ne puisse pas obtenir le même accompagnement qu'une victime qui est, par exemple, du côté de l'Outaouais. C'était difficile pour moi, en toute connaissance de cause... Puis vous le savez, hein, il y a plusieurs victimes qui sont venues témoigner, qui sont venues nous voir. Et je le disais hier, lors de la prise en considération, quand je revenais à la maison, que ce soit au moment où on a fait les travaux pour Rebâtir la confiance ou encore lors de l'étude détaillée, nombre de fois j'ai reçu des messages, sur mon téléphone, de victimes qui nous disaient : Ne lâchez pas, ne baissez pas les bras, on a besoin plus que jamais du travail des élus. Et on a entendu ces victimes. Moi, en tout cas, c'est à elles que je pense aujourd'hui.

On a fait un travail de précision législative. On l'a fait avec rigueur. On l'a fait avec diligence aussi, parce que, deux semaines, sur un projet de loi qui a été totalement transformé, je pense qu'on peut se dire qu'on a bien travaillé ensemble. On ne peut pas nous dire qu'on n'avait pas le coeur à la bonne place, personne. Je pense que ça paraît, aujourd'hui, dans les différents discours qui sont faits pour l'adoption de ce projet de loi.

J'ai vraiment un sentiment qu'on va véritablement transformer la vie des victimes, transformer le parcours des victimes. Et c'est vraiment un privilège pour moi d'avoir pu travailler sur cette pièce législative, parce qu'on va changer une culture. On va vraiment toucher la vie de gens dans un parcours qui est excessivement difficile, autant émotivement que physiquement. Et c'est pour moi un immense privilège d'avoir pu travailler en toute solidarité avec la députée de Sherbrooke, la députée de Joliette, pour pouvoir faire entendre notre voix comme gardiennes du rapport Rebâtir la confiance.

• (12 h 30) •

La question des délais était centrale tout au long de l'étude du projet de loi. On souhaitait que les irritants soient aplanis. Je crois vraiment, sincèrement, qu'on y est arrivés. On ne pouvait pas se permettre une contestation judiciaire, parce qu'une contestation judiciaire, ça veut dire entre trois et cinq années devant les tribunaux, et les victimes n'ont pas le temps, n'ont pas le luxe d'attendre, elles ont suffisamment attendu.

Il faut qu'on puisse travailler, donc, aux 188 autres recommandations, comme je le mentionnais un peu plus tôt. Le travail a été fait avec comme unique volonté, donc, de mieux accompagner les victimes, le processus judiciaire étant trop souvent un obstacle pour les victimes. Et il faut rebâtir, donc, la confiance mais aussi éviter la revictimisation, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, et ce, pour celles qui feront le choix, qui feront le choix de se rendre dans un poste de police ou encore dans un organisme pour dénoncer.

Il est vrai qu'on peut s'enorgueillir du fait que le Québec sera la seule juridiction au monde où un tribunal spécialisé traitera des dossiers de violence sexuelle et des dossiers de violence conjugale. Ça, j'espère qu'on va s'applaudir très, très fort.

Les remerciements, maintenant, parce que j'arrive à la fin. Je veux remercier les juristes qui nous ont accompagnés tout au long de cette étude détaillée, parce qu'on le disait tout à l'heure, au départ, le projet de loi, c'étaient quelques articles seulement, c'était très, très court, et ça ne visait que les juges. On arrive avec un projet de loi vraiment transformé, bonifié, et je sais que ça a demandé beaucoup de réécriture aux juristes, alors, à vous, merci beaucoup.

Je tiens à remercier les groupes qu'on a entendus lors des consultations particulières. Je tiens à remercier, bien sûr, les experts qui nous ont accompagnés dans la rédaction du rapport Rebâtir la confiance. J'ai une pensée toute particulière pour Elizabeth Corte ainsi que pour Julie Desrosiers, les deux coprésidentes de ce rapport.

Je veux remercier très sincèrement la députée de Sherbrooke et la députée de Joliette mais aussi la députée de Notre-Dame-de-Grâce et la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je crois sincèrement que le travail que nous avons accompli, comme opposition, a permis d'arriver avec non pas un meilleur projet de loi, mais un projet de loi à la hauteur de ce qui était attendu. Et, mesdames, vous avez toute mon admiration, toute mon amitié aussi.

Salutations aux députés de la banquette ministérielle qui nous ont accompagnés dans ce travail.

Remerciements au ministre, parce que, oui, parfois on a bousculé bien des choses, parfois on s'est même fait dire : On ne peut pas aller plus loin, on se l'est fait dire dans le micro, là : Arrêtez, mesdames, je n'irai pas plus loin, comme ministre de la Justice, je ne peux pas, mais on a vu qu'il pouvait. À force d'arguments, à force, aussi, de démonstrations, je pense qu'on a réussi à percer tout le côté juridique de la chose, là. Parfois, c'est tellement, tellement pas souple, tellement rigide, mais on est allés trouver une souplesse. Et je tiens à remercier le ministre pour cette souplesse, pour cette ouverture aussi, Mme la Présidente.

Le travail que j'ai fait, bien, je l'ai fait, je pense, à la hauteur puis avec tout le coeur puis toute la passion qu'on me reconnaît, mais aussi avec toute l'information que je pouvais détenir. Et, en ce sens-là, je veux remercier Karl Filion, Isabelle Paquet, mes deux recherchistes. Votre travail, ça paraît, aujourd'hui, dans ce projet de loi, aussi, bien entendu.

Je vais terminer, Mme la Présidente, en remerciant celles qui ont témoigné devant nous, celles qui ont fait preuve d'un courage acharné, parce que, de venir rencontrer des parlementaires, de venir témoigner, meurtries, parfois, déchirées, marquées à jamais, je trouve que leur démarche était non seulement courageuse, mais elle se voulait tellement généreuse, parce que leur parcours ne sera plus jamais le même, mais elles souhaitent, justement, que le parcours des femmes et des filles qui vont les suivre, dans la vie, sera différent. Alors, je veux remercier ces femmes qui nous ont témoigné leur histoire. J'espère que ce sera un baume, un baume sur leurs souffrances. On vous a entendus, on vous a compris et, encore mieux, aujourd'hui, on a agi. Merci, Mme la Présidente.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Alors, je vais suspendre quelques instants pour permettre aux deux formations politiques de se joindre à nous, au salon bleu, pour que nous puissions procéder au vote sur l'adoption finale du projet de loi.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

(Reprise à 12 h 39)

Mise aux voix

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Donc, en application de l'ordre spécial, j'inviterais les leaders parlementaires à m'indiquer le vote de leurs groupes sur l'adoption du projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. M. le leader du gouvernement?

M. Schneeberger : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Mme la députée de Verdun?

Mme Melançon : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue?

Mme Lessard-Therrien : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie. M. le député de Matane-Matapédia?

M. Bérubé : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie. M. le leader du gouvernement, avez-vous des indications à nous transmettre concernant les votes des députés indépendants?

• (12 h 40) •

M. Schneeberger : Oui, celui de Chomedey : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie. En conséquence, le projet de loi n° 92, Loi visant la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, est adopté.

M. le leader du gouvernement, pouvez-vous nous indiquer la suite des travaux?

Ajournement

M. Schneeberger : Oui. Alors, pour la suite, je fais motion afin d'ajourner nos travaux au mardi 30 novembre, 13 h 40.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie. Donc, en application de l'ordre spécial, je vais inviter les leaders parlementaires à m'indiquer le vote de leurs groupes sur la motion qui vient d'être lue par le leader du gouvernement. M. le leader?

M. Schneeberger : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée de Verdun?

Mme Melançon : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. Mme la députée de Rouyn-Noranda—Témiscamingue?

Mme Lessard-Therrien : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Merci. M. le député de Matane-Matapédia?

M. Bérubé : Pour.

La Vice-Présidente (Mme Soucy) : Je vous remercie. Cette motion est adoptée.

En conséquence, j'ajourne les travaux au mardi 30 novembre 2021, à 13 h 40.

(Fin de la séance à 12 h 41)