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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 4 septembre 1991 - Vol. 31 N° 102

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultations particulières sur les orientations, les activités et la gestion du Bureau de révision de l'évaluation foncière


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la séance ouverte. Je rappelle le mandat de la commission qui est de tenir des audiences publiques dans le cadre de consultations particulières sur les orientations, les activités et la gestion du Bureau de révision de l'évaluation foncière. M. le secrétaire, pou-vez-vous nous dire s'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Bergeron (Deux-Montagnes) est remplacé par M. Lafrance (Iberville), Mme Cardinal (Château-guay) par M. Doyon (Louis-Hébert) et M. Char-bonneau (Saint-Jean) par M. Bordeleau (Aca-die).

Le Président (M. Garon): L'horaire de la journée: à 9 h 30, déclarations d'ouverture, il y aura partage de part et d'autre; à 10 heures, la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec; à 11 heures, le Barreau du Québec; ajournement à midi pour reprendre à 14 heures avec la Communauté urbaine de Montréal; à 15 heures, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec et, à 16 heures, l'Association des évaluateurs municipaux du Québec. L'organisme qui devait nous voir à 17 heures nous a dit qu'il ne viendrait pas.

M. le secrétaire, pourriez-vous déposer les mémoires des organismes qui ne seront pas entendus parce qu'ils ne l'ont pas souhaité? Pou-vez-vous les nommer?

Mémoires déposés

Le Secrétaire: II s'agit de la Corporation des secrétaires municipaux du Québec, de la Chambre des notaires du Québec et de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec inc.

Le Président (M. Garon): On avait convenu de ne pas dépasser 10 heures. Les gens nous avaient dit que les déclarations d'ouverture ne seraient pas longues. Alors, j'invite le représentant du parti ministériel à prendre la parole; ensuite, le porte-parole de l'Opposition officielle et, ensuite, les membres qui auront des remarques préliminaires à formuler, en souhaitant que le tout soit fait pour au plus tard 10 heures. M. le député de Rimouski.

Déclarations d'ouverture M. Michel Tremblay

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, MM. les membres de la commission de l'aménagement et des équipements, mesdames et messieurs, il me fait plaisir aujourd'hui d'ouvrir d'une façon officielle la commission de l'aménagement et des équipements dans le cadre de la consultation sur les orientations, les activités et la gestion du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec, qu'on appelle communément le BREF. Je suis persuadé que les propos et commentaires qui seront entendus lors de ces deux jours de consultations sur le Bureau de révision de d'évaluation foncière du Québec sauront apporter aux membres de cette commission un important intrant d'informations sur le cas qui nous occupe aujourd'hui.

Je tiens, d'abord, à remercier les diverses associations et corporations qui ont jugé important de se présenter devant cette commission et je les félicite de la consistance et de la qualité de leurs mémoires.

Suite à notre invitation, l'UMRCQ, l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec, a accepté de nous faire parvenir par écrit ses commentaires et représentations. Cependant, je déplore l'absence de l'Union des municipalités du Québec à cette table. Nous aurions aimé avoir leur opinion quant aux services que procure le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec à la population québécoise et, tout particulièrement, dans les villes du Québec.

Peut-être est-ce dû au fait que l'UMQ approuve d'une façon inconditionnelle le travail effectué par le BREF et ne voit aucune modification ou amélioration à y apporter, ce qui, à mon avis, est le meilleur compliment que l'on puisse faire à un organisme. Leur absence est regrettable et sert très mal leurs commettants.

J'aimerais attirer votre attention sur l'objectif principal de cette commission, soit celui d'entendre les commentaires et représentations d'un groupe d'intervenants sur le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec afin de savoir si celui-ci répond d'une façon adéquate aux objectifs premiers pour lesquels il a été institué. Il n'est nullement question ici de mettre en doute le travail effectué jusqu'à ce jour par le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec. Cette consultation se veut un moment d'arrêt et de réflexion afin de déterminer si les besoins et les attentes des contribuables québécois ont été satisfaits.

Le BREF a pour principal rôle d'entendre et de traiter les plaintes déposées par les contribuables à rencontre de leur rôle d'évaluation foncière ou de leur rôle d'évaluation de la valeur locative. Le contribuable est alors entendu par le tribunal composé de commissaires du Bureau de révision de l'évaluation foncière. Il va de soi que ce tribunal est appelé à se déplacer en région lorsque les causes l'exigent. Ce rôle d'écoute et de législation se divise en deux missions, soit, premièrement, une mission sociale et une mission décisionnelle.

Lorsque nous parlons d'évaluation foncière, il est question ici d'une évaluation de masse ne pouvant faire état de toutes les spécificités et exceptions dont il saurait être question dans la détermination de l'évaluation foncière d'un immeuble. De plus, le nombre d'instances, d'intervenants et de variables influant sur l'évaluation étant élevé, il n'est pas surprenant d'avoir à composer avec la frustration des contribuables quelquefois déroutés par la situation. C'est pourquoi nous pouvons ici parler d'une mission sociale, quoique cette mission sociale soit très large; il ne faut peut-être pas s'arrêter d'une façon outrancière à cette mission.

Cependant, le BREF n'est ni plus ni moins qu'une soupape de sécurité permettant ainsi aux contribuables de pouvoir en appeler d'une évaluation qui peut s'avérer incorrecte ou abusive. Dans la majorité des cas, le contribuable désire s'assurer que l'évaluation qui a été faite soit juste et équitable. Il veut savoir qu'il a un pouvoir d'appel sur son évaluation, qu'il peut la contester s'il se sent lésé et qu'il sera entendu par des experts capables d'évaluer la situation. Le BREF est en quelque sorte un guide permettant aux contribuables de comprendre un peu mieux la fiscalité municipale.

Le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec est un tribunal spécialisé, prenant des décisions de grande importance. En effet, celui-ci doit se prononcer sur l'interprétation de la loi, sur les principes d'évaluation et sur la façon dont il croit que ces principes devront être appliqués. Cette mission se veut lourde de conséquences car il en va de la stabilité de l'assiette fiscale, de l'application uniforme de la loi à travers le Québec et de beaucoup d'autres facteurs déterminants. Pour ce faire, le BREF se doit de faire preuve de cohé rence dans ses décisions, de professionnalisme, d'écoute envers les experts du milieu et d'ouverture face à révolution sans cesse plus rapide des nouvelles technologies mises à sa disposition poui le traitement et la résolution des dossiers qui lui sont présentés.

L'objectif de cohérence demande un efforl constant des membres du Bureau afin de pouvoii être à la fine pointe des nouveaux développe ments en matière de fiscalité et d'évaluation. I est primordial que le contribuable soit en mesure de juger du professionnalisme et du caractère humain avec lequel son dossier sera traité. Les membres du BREF ont comme pouvoirs ceux de commissaires-enquêteurs et comme outil le Code de procédure civile. Le Bureau a été créé pour rendre des décisions et celui-ci ne parle que par ses décisions. Il n'est pas habilité à demander une enquête ou à se donner le mandat de fournir des recommandations. Le Bureau de révision de l'évaluation foncière se veut flexible, ouvert et accessible. À travers ses diverses publications, le BREF cherche à faire connaître et à expliquer aux contribuables les procédures nécessaires afin d'être entendus.

Je viens, ici, de faire un bref tour d'horizon du rôle et des pouvoirs du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec. Comme je le disais précédemment, ce n'est pas le procès de cet organisme qui motive la tenue d'une telle consultation, mais bien le désir de connaître le degré de satisfaction des intervenants ayant recours à ses services. Nous espérons qu'il sera possible, suite aux délibérations qui auront lieu ici aujourd'hui et demain, d'apporter des commentaires constructifs à la direction du BREF afin de rendre ses services encore plus accessibles et adéquats aux besoins et aux attentes de ses clients et de la population. Voilà, M. le Président, pour mon mot d'introduction.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de Rimouski. M. le député de Jonquière, au nom de l'Opposition officielle.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Oui, M. le Président. Le premier mot est, d'abord, pour saluer les différents intervenants qu'on aura à entendre durant cette journée et demain et, en même temps, les remercier de nous avoir fait parvenir des mémoires concernant la bonne marche du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec. À deux reprises, le député de Rimouski nous indique que cette commission n'a pas pour but de faire un procès au Bureau de révision de l'évaluation foncière. Je pense bien qu'il n'est peut-être pas nécessaire d'insister trop, trop là-i dessus, puisqu'il faut se rappeler, d'abord, que i cette commission, lors des conférences préparatoires concernant la tenue de ces audiences, a insisté pour qu'on aille à des consultations particulières très précises, pour que, en fait, or ; s'assure que les intervenants qui viendraient seraient des intervenants, d'abord, privilégiés, i parce que ce n'est pas tout le monde qui a été invité à venir ici. t (9 h 45)

Donc, ce sont des gens spécialisés qu viendront nous donner leurs points de vue

I concernant le Bureau de révision de l'évaluatior ; foncière. Nous, on a insisté à l'effet qu'on auraii ! pu aller sur une consultation beaucoup plus large 4 septembre 1991

Commission permanente

et on se rend compte actuellement que ça n'aurait pas amené nécessairement beaucoup plus d'intervenants, mais que ça aurait pu amener des intervenants qu'on appelle le public en général. Il n'est pas ici et, a ce moment-ci, c'est évident que ça ne tournera pas en un procès. Ce n'était pas l'intention, non plus, de l'Opposition.

Juste pour retourner aussi sur la tenue de ces audiences, ça a été à la demande, bien sûr, et sur proposition du député de Hull, M. LeSage, qui a suggéré qu'on entende le Bureau de révision de l'évaluation foncière pour nous donner un mandat de voir ce qui va dans cet organisme et de savoir s'il y a des choses qui ne sont pas correctes.

Tenant compte des mémoires que nous avons reçus, il est de plus en plus évident que ce Bureau de révision a évolué, a changé aussi dans le temps. Je me rappelle que, voilà six, sept et huit ans, ce Bureau, peut-être à son début, causait certains problèmes un peu aux municipalités comme à des individus, comme aussi aux évaluateurs. On constate qu'avec le temps il y a eu des correctifs d'apportés. Je pense que c'est tout à l'honneur du Bureau de révision de l'évaluation foncière et c'est au profit aussi des citoyens contribuables. Ça a changé dans le temps. On doit s'en réjouir, ce qui nous permettra de constater dans les deux jours qu'il y a possiblement des ajouts, des correctifs à apporter, mais ça ne . sera pas d'un ordre, d'une grandeur telle qu'on ne se reconnaîtra plus à la fin du processus, ni qu'on ne se reconnaîtra plus lorsqu'on fera des recommandations, s'il y a lieu.

C'est important, le travail qu'on fait aujourd'hui, dans le sens que non seulement il faut constater le travail qui se fait, mais c'est tout le jeu de l'assiette fiscale des municipalités dont on parle. Il avait été reconnu que l'assiette foncière municipale serait l'exclusivité des municipalités en 1980. Au cours des ans et surtout dans les deux dernières années, cette entente qui existait entre les parties tend à s'effriter, ce qui fait que ce n'est plus l'apanage seulement des municipalités, mais ça devient de plus en plus l'apanage du gouvernement et des commissions scolaires. Il faut bien le constater. Donc, ça peut avoir une connotation particulière pour le parti ministériel, mais, pour nous, ça représente des embûches plus grandes et ça demandera sûrement de plus en plus de notions explicites, claires pour que cette assiette-là soit de mieux en mieux définie.

Je serais loin d'admettre, par exemple, avec mon collègue de Rimouski que, pour l'Union des municipalités, le fait de sa non-présence ou de son absence confirme ou donne l'appréciation vis-à-vis le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Il faut retenir que, oui, ça va assez bien entre les organismes, mais, oui aussi, possiblement que l'Union des municipalités du Québec comprend qu'il y a un certain travail qui doit se faire et que, dans ce travail-là, on doit choisir des priorités. Pour l'organisme, possiblement que ses priorités, dans le contexte actuel, ont porté ailleurs. Chaque union des municipalités a un certain nombre de ressources à sa disposition, mais ce n'est pas indéfini. Donc, elles doivent calculer. Je ne veux pas les défendre plus que ça, mais je suis convaincu que leur absence s'explique plutôt par le nombre de dossiers qu'elles ont à traiter et aussi par tout le remue-ménage que le gouvernement leur impose par certaines attitudes, par certaines prises de position ou certaines orientations qu'il s'est données dans les deux dernières années.

Donc, j'espère et je souhaite, bien sûr, que ces auditions nous apportent un éclairage intéressant sur le travail que le Bureau de révision de l'évaluation foncière accomplit, mais surtout nous permettent de dégager certaines avenues pour améliorer, si possible, le fonctionnement du Bureau de révision de l'évaluation foncière, mais surtout pour que le contribuable, parce que c'est de lui tout le temps qu'on parle... On aura beau parler de structures indéfiniment, on pourra parler d'organisation indéfiniment, mais ce qu'il faut retenir toujours, c'est le citoyen contribuable qui est à l'origine, qui est la racine de tout le travail qu'on peut faire. De ce point de vue là, j'espère qu'on va pouvoir faire ressortir des besoins qui ne demandent i qu'à être comblés, qu'il sera possible de combler avec de la bonne volonté, surtout en entendant les intervenants qui nous feront des commentaires qui dépasseront possiblement le caractère écrit de ces mémoires. Souvent, on ose peu écrire des choses, peut-être des fois qu'on peut le dire. Donc, il s'agira de trouver les mots pour le dire. Pour nous, comme parlementaires, on s'efforcera d'essayer de collaborer dans ce sens-là. On demande aussi aux intervenants d'être le plus ouverts possible avec nous. Ce n'est pas un procès; au contraire, c'est vraiment une vision qu'on voudrait bien avoir sur ce qui s'est fait afin d'ouvrir des portes le plus possible vers l'avenir. Là-dessus, je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent faire des remarques préliminaires?

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je voudrais juste ajouter aux propos de M. le critique officiel de l'Opposition au sujet de la consultation particulière. Je pense que, des deux côtés, on s'était mis d'accord pour une consultation particulière. C'est évident qu'on aurait pu avoir une consultation plus élargie, mais, finalement, on a fait l'unanimité sur le principe d'une consultation particulière. Je pense que vous avez bien fait de le rappeler, mais le fait qu'on tienne des consultations particulières nous laisse entendre aussi qu'il y a des organismes qui, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent pas être présents, même s'ils ont été invités.

Quant à l'absence de l'UMQ, je dois vous répéter que, personnellement, je suis un peu surpris de son absence parce que, s'il y a des personnes ou des organismes qui sont drôlement intéressés par le Bureau de révision de l'évaluation foncière, c'est bien les villes du Québec. Je trouve ça un peu curieux qu'elles ne soient pas présentes à cette consultation, car c'est là où vraiment le gros des problèmes du BREF, à mon sens, se traite. Je trouve ça un peu regrettable qu'elles ne soient pas là. Voilà!

M. Dufour: M. le Président, c'est la réplique de la réplique. Si on avait voulu aller à des consultations particulières plus étendues, ça nous aurait donné une meilleure vision possiblement du travail du BREF, puis des difficultés que les municipalités peuvent rencontrer. C'est clair que le fonctionnement des unions municipales n'a pas été axé sur le travail du Bureau de révision. C'est plutôt axé sur l'évaluation comme telle. Si on avait ouvert la porte en disant: Est-ce que l'évaluation est satisfaisante, est-ce qu'il y a des changements à apporter? je suis convaincu que les municipalités seraient entrées là-dedans à pleine poche, l'Union des municipalités comme l'UMRCQ. Mais, comme c'est un mécanisme technique, dans le fond, qui s'assure si c'est bien appliqué ou pas, si les gens sont bien traités, si l'évaluation est juste par rapport aux lois existantes, je comprends. Et vous regarderez l'Union des municipalités régionales de comté, le mémoire n'est pas trop trop ouvert non plus, parce que ça s'adresse à des intervenants particuliers. Donc, une municipalité qui a eu des problèmes - je pourrais en nommer des exemples, Baie-Comeau - comment elle voit le problème? Elle, c'est beaucoup plus la technique d'évaluation. Je peux peut-être parler de Jonquière que je connais mieux où le Bureau de révision de l'évaluation foncière, dans le temps, sur la façon dont il siégeait, on pourrait peut-être apporter certaines critiques; d'ailleurs, on aura l'occasion de soulever ce problème-là avec le Bureau de révision de l'évaluation foncière pour savoir si c'est correct ou pas correct, la notion qu'on a. Possiblement qu'en 1991 la même façon de procéder aurait changé en cours de route, on aurait trouvé d'autres solutions et ça n'aurait pas donné le même résultat.

Il y a aussi que toute la mécanique du Bureau de révision s'est améliorée. Il faut bien penser que cette mécanique-là s'est améliorée avec le temps et que des ajustements ont été apportés, autant d'un bord comme de l'autre, autant des gens qui font les preuves que des gens qui les reçoivent. Donc, c'est pour ça qu'on n'a pas un tollé de protestation et que, dans les mémoires, il n'y a pas de critiques virulentes.

Si on avait fait ça il y a sept ou huit ans, c'est possible que oui, parce qu'il y avait des délais extrêmement longs, il y avait des engorgements et il n'y avait pas de corrections d'office. Il n'y avait pas de rôle triennal, non plus, pour l'évaluation. Donc, les gens étaient poignes immédiatement avec des problèmes, mais on avait fait tout un changement dans l'évaluation comme telle. C'est tout ça qui a été remis... Mais, avec le temps, ça se raffine, ça se perfectionne et c'est pour ça, je pense, qu'on arrive à cette constatation ce matin. On se le fera confirmer probablement par différents intervenants.

Le Président (M. Garon): Alors, les remarques préliminaires étant... Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Je pense bien que le temps dévolu aux remarques préliminaires est presque écoulé. Je convie, d'abord, le premier organisme, la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec, à s'approcher de la table. Je vais demander à son président, M. Marcel Mailhot, de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Je rappellerai que vous avez une heure, c'est-à-dire que, normalement, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, ensuite 20 minutes pour le parti ministériel, 20 minutes pour l'Opposition officielle et, si vous en prenez moins, bien, l'excédent du temps que vous n'aurez pas pris sur vos 20 minutes sera réparti également de part et d'autre. Si vous en prenez plus, la période de questions sera réduite de part et d'autre dans la même proportion. M. le président, M. Mailhot.

Auditions

Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec

M. Mailhot (Marcel): Merci, M. le Président. D'abord, à ma droite, je suis accompagné de Jean-Guy Kirouac, qui est le signataire de rôles, directeur du service d'évaluation de la Communauté urbaine de Québec, et, à ma gauche, M. Lachapelle, également directeur du service d'évaluation de la ville de Laval.

M. le Président, je vous présente le mémoire. À titre d'organisme public, la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec vous remercie de l'opportunité qui lui est offerte d'exprimer l'opinion de ses membres à l'occasion de la consultation particulière de votre commission sur les orientations, les activités et la gestion du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec.

Une récente enquête auprès des signataires des rôles d'évaluation foncière et de la valeur locative nous permet d'affirmer que, depuis ces dernières années, les relations entre le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec et nos membres se sont graduellement améliorées au bénéfice de toutes les parties. Néanmoins, comme en toute bonne chose, nous pensons qu'il peut exister encore place à l'amélioration. Il faut dire qu'une très grande partie de nos membres 4 septembre 1991

Commission permanente

témoignent depuis déjà plusieurs années devant ce tribunal de première instance et cumulent une vaste expérience de laquelle nous pouvons tirer les quelques commentaires et observations qui suivent.

En tout premier lieu, nous exposerons le genre d'activités exercées par les évaluateurs agréés en présence du Bureau et, par la suite, nous explorerons quelques orientations qui pourraient, à notre avis, améliorer les relations entre les parties. Annuellement, le Bureau de révision de l'évaluation foncière dispose d'un grand nombre de litiges opposant les contribuables, d'une part, et, d'autre part, les municipalités responsables de la confection des rôles.

Les enjeux. L'expérience acquise par plusieurs des membres de la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec permet d'affirmer que la majorité des causes qui se présentent devant ce tribunal administratif impliquent des immeubles résidentiels et, partant, nous pourrions conclure, selon les enjeux individuels, qu'elles peuvent être qualifiées de causes relativement mineures ou de petites causes.

Cependant, dans bien d'autres' cas, il en va autrement et l'on fait face à des contestations relatives à des immeubles dont l'écart d'évaluation concerné implique des milliers et souvent des millions de dollars en taxes diverses. Nous pensons que le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec constitue le tribunal au Québec dont les décisions influencent le plus les aspects financiers des contribuables. À ce chapitre, il revêt une importance particulière dans le système fiscal municipal.

Ainsi, une grande partie de nos membres offrent, à titre de témoins experts, une prestation quasi quotidienne au bénéfice de la justice due au contribuable et ce, soit pour le compte du propriétaire foncier ou de l'occupant d'un local, soit pour le compte de la municipalité. À cet égard, les évaluateurs municipaux rédigent assez souvent des rapports pour l'audition des causes devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière, alors que dans bien des cas le plaignant ne se présente même pas ou encore il y a désistement à la dernière minute de la plainte. À titre d'exemple et pour juger de l'impact financier d'une telle situation, la Communauté urbaine de Québec engage des frais de 500 $ d'expertise à la préparation d'un rapport pour chacune des causes devant le Bureau, ici, nous devons comprendre qu'il s'agit de petites propriétés résidentielles. Par ailleurs, nous considérons que, dans plusieurs dossiers, l'évaluateur ne devrait même pas préparer de rapport d'expertise si le Bureau de révision avait comme habitude de respecter deux grands principes en matière d'évaluation municipale, soit la notion de préjudice réel et la notion de présomption de validité. (10 heures)

La notion de préjudice réel a été codifiée par le législateur aux articles 144 et 145 de la

Loi sur la fiscalité municipale, lesquels se lisent comme suit: Article 144. "Le Bureau n'est tenu de modifier, ajouter ou supprimer une inscription que si l'erreur ou l'irrégularité constatée est susceptible de causer un préjudice réel." Et, à l'article 145: "Pour déterminer s'il y a préjudice réel aux fins de l'article 144, il faut tenir compte de l'unité d'évaluation ou du lieu d'affaires dans son entier."

Malheureusement, la loi est muette quant à la mesure du préjudice. Est-ce un écart de valeur de 2 %, 3 % ou 5 % ou encore est-ce plus? Dans bien des causes de jurisprudence, le montant de 5 % a été souvent avancé et semble être un certain baromètre reconnu. Il faut se rappeler que le préjudice réel et la notion du 5 % peuvent varier considérablement si l'on tient compte de la valeur des unités d'évaluation en litige. Ainsi, dans l'esprit de certains, 5 % de la valeur d'un bungalow de 100 000 $ pourrait ne pas représenter véritablement le préjudice réel. Par contre, ce même écart de 5 % d'une évaluation de 60 000 000 $, pour d'autres, pourrait s'avérer un préjudice réel. C'est probablement pour cette raison que la loi est muette et que c'est le Bureau de révision qui a le soin d'apprécier si la valeur au rôle, en regard avec la valeur jugée, cause un préjudice au contribuable ou à la municipalité.

Par contre, nous nous permettons de vous souligner la décision de la Cour d'appel dans l'affaire James MacClaren versus cité de Buckingham, du 30 juillet 1973, où il fut décidé qu'une divergence d'un peu plus de 4 %, malgré les valeurs en litige de plus de 4 000 000 $ à l'époque, était une variation de peu d'importance dont on ne peut dire qu'elle cause une injustice réelle. Cependant, bien que le Bureau de révision ait une discrétion quant à la détermination du préjudice réel, nous avons constaté à plusieurs reprises que ce dernier ne tient pas compte de ce préjudice. Ainsi, combien de fois le Bureau de révision a-t-il rendu des décisions où il a modifié des valeurs inscrites au rôle d'une somme qui, compte tenu de la valeur déposée au rôle, ne pouvait en aucun cas constituer un préjudice réel.

Ceux qui possèdent plusieurs années d'expérience se souviendront que la notion de préjudice réel en évaluation foncière a fait l'objet de bien des débats depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur la fiscalité municipale, en 1980. Dès lors, cette notion avait suscité bien des interrogations puisque, dans le texte du projet de loi, on avait indiqué un corridor de 10 %, mais l'on s'est ravisé.

Au surplus, nous vous rappelons que l'interprétation de l'article 144 par le Bureau de révision a suivi un chemin très sinueux depuis 1980. On a vu, dans les premières années de l'application de la loi, certains commissaires appliquer dans leur jugement des modifications de valeur très minimes et assez souvent en bas de

1 % de la valeur contestée. Pour les années suivantes, on semble constater une certaine amélioration à la lecture des décisions du Bureau.

Par contre, les récents propos du président de cet organisme nous laissent quelque peu perplexes lorsqu'il prétend qu'il est du ressort du Bureau de remplir un rôle social vis-à-vis le contribuable. Néanmoins, une lecture plus avant de ces mêmes propos nous démontre une certaine volonté de réflexion en vue de déjudiciariser l'audition des petites causes. En soi, nous acceptons comme valable un tel voeu et nous souhaitons qu'il ne soit pas cependant prétexte, pour certains commissaires, à consentir par complaisance des décisions où il y aurait de légères baisses de valeur.

Par ailleurs, nous croyons que la difficulté d'établir le préjudice réel à considérer provient du fait que l'on se base sur des critères subjectifs, alors que nous avons ce qu'il faut dans la loi pour l'établir de façon objective. Nous croyons que le préjudice réel devrait être basé sur la notion probabiliste de la valeur qui se dégage de l'article 43 de la Lof sur la fiscalité municipale. Une exploration sérieuse à ce sujet pourrait offrir une solution probable pour atténuer une critique insistante des évaluateurs agréés vis-à-vis les décisions impliquant des valeurs minimes.

Nous invitons les membres du Bureau à constater que, sans doute pour cette raison, le règlement sur la forme et le contenu du rôle d'évaluation foncière mentionne, à l'article 27.1, que l'écart type relatif à la médiane ne doit pas excéder 24 %. Il pourrait aussi y avoir une connotation, à notre avis, avec le fait que le système de mesure de la qualité des rôles d'évaluation foncière au ministère des Affaires municipales requiert que l'écart type relatif à la médiane n'excède pas 30 %. De l'expérience de tous les évaluateurs municipaux, il se dégage également qu'un rôle d'évaluation avec un coefficient de variation de moins de 15 % est un rôle d'excellente qualité.

Statistiquement, il est également facile d'identifier le degré de confiance maximum pouvant être établi à l'évaluation d'un ensemble de propriétés en se basant sur les données du marché. Par exemple, à partir de moyens statistiques, un degré de confiance de 90 % sur l'évaluation de propriétés résidentielles est considéré comme la perfection.

Alors, prétendre qu'une variation de plus de 5 % sur une propriété résidentielle est une cause de préjudice réel, c'est vouloir, nous semble-t-il, être plus parfait que la valeur marchande elle-même puisse l'être.

De même, lorsqu'on estime la valeur d'une propriété par la technique du revenu où il y a encore plus d'impondérables, où peut se situer le préjudice réel? On sait qu'en modifiant le taux de capitalisation de 0,095 à 0,096, on modifie de 1 % la valeur d'une propriété de 19 000 000 $.

Or, 1 % de 19 000 000 $ représente 200 000 $. Si on s'attarde au montant impliqué, il est facile de porter un jugement. Par contre, qui peut prétendre être capable d'établir un taux de capitalisation, avec tout ce que cela comporte, avec une précision absolue?

Nous concluons donc, à notre avis, que la notion de préjudice réel ne doit pas être basée sur des valeurs ou des pourcentages subjectifs, mais sur la possiblilité d'obtenir un certain degré de précision compte tenu, entre autres, du type de propriété à évaluer, des données disponibles et de la confiance qu'on peut leur attribuer.

Le second principe est la question de présomption de validité du rôle. Ainsi, ce principe découle d'une interprétation jurisprudence en vertu de laquelle le rôle, lorsqu'il ne fait pas l'objet d'une modification ou d'une recommandation par l'évaluateur, est présumé valide et le Bureau de révision, pour apporter des modifications de valeurs, se doit d'exiger une preuve suffisante pour renverser cette présomption de validité.

Cette mission du Bureau de révision est bien résumée par le juge Roland Bourret dans l'affaire de la ville de Laval vs Joe Salvo, qui est une décision de la Cour du Québec rendue le 26 septembre 1989. Nous attirons plus particulièrement votre attention à la page 7 de cette décision où le juge mentionne ce qui suit: "Le rôle du Bureau n'est sûrement pas d'essayer de rendre vraisemblable la faible preuve de la partie plaignante, mais de décider plutôt si la preuve, telle que faite, est ou non suffisamment probable et prépondérante pour lui permettre de modifier les valeurs déposées."

Même plus loin, le juge Bourret mentionne que le jugement du Bureau de révision en première instance, qui ne tenait pas compte des principes ci-haut mentionnés, était un jugement comportant des erreurs de droit et de principe qui justifiaient l'intervention de la Cour du Québec pour qu'elle répare le préjudice causé sans droit à l'appelante, c'est-à-dire la ville de Laval.

Si ces deux principes de préjudice réel et de présomption de validité étaient plus souvent respectés par le Bureau de révision, nous nous sentirions très à l'aise, dans bien des dossiers, de ne présenter aucune preuve ni rapport d'évaluation, car nous n'aurions qu'à mentionner au Bureau que la preuve déposée par la partie plaignante est insuffisante pour renverser la présomption de validité ou lorsque ces parties plaignantes allèguent des fissures dans le solage et un toit qui coule.

Un autre problème constaté régulièrement par les évaluateurs agréés devant le Bureau de révision est l'absence de règles de pratique précises. Bien que le Bureau de révision ait adopté des règles de pratique, ces dernières sont incomplètes, très peu publicisées et très peu respectées. 4 septembre 1991

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À titre d'exemple, il est prévu à l'article 16 de ces règles de pratique que les parties doivent elles-mêmes voir à la présence d'un sténographe dans les cas où les dépositions doivent être recueillies par écrit. Nulle part dans la loi ou dans les règles de pratique, il n'est prévu que c'est la partie plaignante qui doit le faire, avec comme résultat que nous nous retrouvons souvent devant le Bureau de révision avec une audition où la sténographie est nécessaire et, aucune des deux parties n'ayant réservé de sténographe, une remise de l'audition s'avère alors nécessaire. Ne serait-il pas plus logique de mentionner dans les règles de pratique qui, de la plaignante ou de l'intimée, a la responsabilité de réserver le sténographe?

Également, il est à noter qu'aux termes de la Loi sur la fiscalité municipale les dispositions du Code de procédure civile sont complémentaires aux règles déjà contenues dans cette loi quant à l'administration des dossiers devant le Bureau de révision. Une des dispositions du Code de procédure civile prévoit l'obligation, pour un témoin expert, de faire signifier son rapport au moins 10 jours avant la date d'audition. Cette règle n'est pas respectée devant le Bureau de révision puisqu'il est de coutume de déposer le matin même de l'audition les rapports d'évaluation. Cette façon de procéder amène souvent des objections de la part des procureurs qui n'ont pas l'habitude de débattre des dossiers devant le Bureau de révision.

Ne serait-il pas plus logique de compléter les règles de pratique du Bureau déjà adoptées pour faire en sorte que l'on précise qu'il n'est pas requis des évaluateurs de produire le rapport d'évaluation 10 jours avant la date d'audition de la cause, rendant ainsi plus cohérentes les règles du Bureau avec celles du Code de procédure civile?

En définitive, nous croyons qu'il serait avantageux pour l'ensemble des intervenants devant le Bureau de révision que ce dernier révise ses règles de pratique afin de les rendre plus complètes et une fois cette révision achevée, que ces règles soient bien publicisées auprès des plaignants et respectées par les membres du Bureau de révision.

La Corporation des évaluateurs agréés est d'avis que le Bureau devrait rédiger ces règles de pratique en collaboration avec des évaluateurs et des avocats possédant une expérience certaine devant ce tribunal administratif.

Notre prochaine réflexion concerne le délai trop court entre les avis de convocation et les dates d'audition. Ainsi, l'article 141 de la Loi sur la fiscalité municipale prévoit que le Bureau peut auditionner une plainte après l'expédition d'un avis d'au moins 30 jours. Par expérience, ce délai de 30 jours nous apparaît trop court pour permettre aux évaluateurs de bien préparer leur dossier. Il s'écoule souvent plusieurs journées entre la date de mise à la poste, la réception par la municipalité et la remise du dossier à celui qui sera en charge de représenter l'évalua-teur lors de l'audition.

Une fois que ce dernier est en possession du dossier, il ne lui reste que quelques jours pour compléter son enquête et, le cas échéant, rencontrer son procureur pour préparer l'audition, ce qui est souvent trop court lorsqu'on considère que, dans bien des cas, les cédules expédiées par le Bureau de révision obligent cet évaluateur à préparer plusieurs dossiers pour une même audition.

Nous croyons qu'il y aurait un grand avantage à faire en sorte que le délai de 30 jours soit porté au minimum à 60 jours. D'ailleurs, à notre connaissance, le Bureau de révision est le seul tribunal qui accorde si peu de délai entre l'avis de convocation et la date d'audition.

Nous ne voudrions pas passer sous silence le fait que plusieurs des signataires de rôles en dehors des grands centres nous ont signalé l'importance des frais occasionnés par l'audition des causes de plus de 500 000 $, nécessairement entendues dans les sections de Montréal ou de Québec. L'examen des frais encourus pourrait susciter une réflexion et remettre en cause ces déplacements, surtout lorsque l'on tient compte des coûts générés par les procureurs, les plaignants et les divers intervenants mis en cause. Les membres de la Corporation des évaluateurs agréés souhaiteraient que les commissaires puissent auditionner ces causes sur le territoire même du lieu de la plainte.

Finalement, concernant la nomination des membres du Bureau de révision, sans vouloir intervenir quant au processus technique de sélection des membres, nous désirons simplement attirer votre attention sur le fait que, depuis plusieurs années, la Cour d'appel du Québec considère le Bureau de révision comme étant un tribunal spécialisé, constitué d'experts et, pour ces motifs, se refuse d'intervenir dans toutes les questions d'évaluation et d'appréciation des faits, à moins qu'il ne lui soit démontré une erreur d'interprétation flagrante et manifeste.

Les membres du Bureau de révision sont considérés par les tribunaux d'appel de la province de Québec comme étant des spécialistes et bénéficient de ce fait d'une certaine présomption du travail bien exécuté. Le fait que les tribunaux d'appel considèrent les membres du Bureau de révision comme étant des spécialistes devrait entraîner un mode de sélection des membres du Bureau de révision en fonction de l'expertise de ces individus en matière d'évaluation foncière. Ainsi, compte tenu de la position de la Cour d'appel, il devient totalement illogique de nommer comme membre du Bureau de révision une personne qui n'a absolument aucune connaissance en matière d'évaluation municipale, puisque cette dernière sera considérée par la Cour d'appel comme étant un expert en la matière, ce qui n'est vraisemblablement pas toujours le cas.

Par ailleurs, nous recommandons la création d'un organisme ayant pour mandat l'Instauration d'un véritable processus de recrutement et de sélection des membres du Bureau de révision. Cet organisme, composé du président du Bureau, d'un évaluateur et d'un avocat, veillerait à ce que le processus chemine selon les étapes usuelles en la matière, soit: la notification d'une vacance par avis dans les journaux, la formation d'un comité de sélection, l'établissement de critères de sélection tenant compte des aptitutes et des attitudes des candidats.

En conclusion, nous souhaitons que ces quelques propos puissent être pris en considération et puissent guider les membres de votre commission. Nous vous remercions d'avoir entendu la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci, M. Mailhot. M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): Merci, M. le président de la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec et les personnes qui vous accompagnent. Tout à l'heure, vous nous avez présenté seulement deux personnes, mais il y en a trois.

M. Mailhot: Je m'excuse de l'omission, c'est bien involontaire. Il s'agit du directeur administratif de notre Corporation, M. Jean Tanguay.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien. Ça rétablit les farts. On était un peu embêtés par ça.

M. Mailhot: Merci. Je n'avais pas de tribune pour corriger l'erreur. Vous m'en avez fourni une. Je vous en remercie.

M. Tremblay (Rimouski): On pensait que vous vouliez faire une abstention volontaire. Alors, ce n'était pas...

M. Mailhot: Absolument pas!

M. Tremblay (Rimouski): Très bien. Alors, M. le président et les membres de la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec, nous vous félicitons pour le mémoire que vous nous avez soumis. J'en ai pris connaissance personnellement et j'ai trouvé que votre analyse de la situation du bureau d'évaluation foncière est drôlement intéressante, dans la mesure où vous faites affaire continuellement, d'après ce que je peux voir, avec le bureau d'évaluation foncière. Vous êtes les personnes les plus susceptibles de faire appel au bureau d'évaluation foncière. Et, nécessairement, vous avez, à ce titre, beaucoup plus d'expérience que le commun des mortels comme j'en suis un; je pense que je n'ai pas à me gargariser de connaître bien tout le processus. (10 h 15)

Je suis un propriétaire, je le suis encore. J'ai eu plusieurs immeubles déjà et je n'ai pas eu à remettre en cause l'évaluation qu'on me soumettait. Cependant, j'ai accepté, des fois à contrecoeur, des évaluations qu'on m'a faites. Oui, oui. J'ai préféré me soumettre bien respectueusement à la décision de l'évaluateur plutôt que de contester, mais, après un certain recul, je m'interroge si je n'aurais pas dû, des fois, remettre en cause l'évaluation qu'on avait bien voulu m'infliger, si je peux m'exprimer ainsi. Et j'ai payé sans maugréer.

Ceci dit, je regarde votre mémoire et, à la page 1, dans les premiers paragraphes, vous dites que vous avez des rapports constants avec le bureau d'évaluation foncière. Est-ce que ces tractations-là se font verbalement ou par écrit? Est-ce qu'il y a des minutes ou des procès-verbaux de ces rapports que vous avez? Est-ce que vous avez des écrits?

M. Mailhot: Vous faites mention des relations qu'on a avec le Bureau de révision? On agit comme témoins experts.

M. Tremblay (Rimouski): Si vous êtes des témoins experts, à ce moment-là, comme témoins experts, vous soumettez au bureau d'évaluation, je présume, des avis.

M. Mailhot: C'est ça. On dépose un rapport.

M. Tremblay (Rimouski): Vous déposez un rapport.

M. Mailhot: Et on témoigne. On explique notre rapport.

M. Tremblay (Rimouski): Donc, il y a des écrits...

M. Mailhot: Oui.

M. Tremblay (Rimouski): ...qui sont "confinés" dans des dossiers, comme experts.

M. Mailhot: Oui.

M. Tremblay (Rimouski): Est-ce que ces décisions-là qui sont rendues par des experts font preuve un peu de jurisprudence dans les causes subséquentes?

M. Mailhot: Sur ce terrain-là, je ne m'avancerais pas, je dirais que oui. Cependant, il y a sans doute des commentaires à apporter et j'inviterais M. Kirouac à prendre la parole, si vous le permettez, monsieur.

M. Tremblay (Rimouski): Pas d'objection. 4 septembre 1991

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M. Kirouac (Jean-Guy): Effectivement, les jugements que rend le Bureau de révision peuvent faire jurisprudence en la matière. D'ailleurs, à l'intention des évaluateurs, ils sont publiés une fois par année. Les jugements principaux que le Bureau de révision rend sont publiés une fois par année au bénéfice des évaluateurs et des utilisateurs comme les avocats ou même les contribuables pour indiquer quelle est la jurisprudence ou la tendance que veut prendre le Bureau de révision dans tel ou tel domaine de l'évaluation. Alors, c'est publié une fois par année.

En complément aussi de votre question tout à l'heure, il y a souvent des notes sténographi-ques qui sont prises lors des auditions dans les causes importantes, en plus du rapport d'évaluation, évidemment. Dans toutes les causes où il y a 500 000 $ de plus d'évaluation, il y a une possibilité de notes sténographiques et, très souvent, elles sont prises.

M. Tremblay (Rimouski): Vous semblez, dans votre rapport, souligner la carence du Bureau d'évaluation de ne pas avoir de règles écrites ou encore une espèce de code, un genre de paramètres, auxquels on pourrait se référer à l'occasion pour des cas bien précis. C'est une carence qui cause des problèmes, d'après ce que j'ai pu lire, à savoir que vous n'avez pas de références précises, systématiques, "confinées" dans un document, quelque chose du genre. Alors, est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que les règles du BREF soient bien écrites, bien précises, de façon à ce qu'on ait une espèce de cahier de références et qu'on ait un peu comme un genre de code civil auquel on pourrait se référer? Est-ce que c'est ça?

M. Mailhot: c'est ce que sous-entend le mémoire, monsieur. maintenant, j'inviterais m. lachapelle, peut-être, à préciser davantage là-dessus.

M. Lachapelle (Yves): II est évident, je pense, que nous souhaitons qu'un organisme semblable puisse se donner des règles de pratique, lesquelles, lorsqu'elles seront diffusées, subiront nécessairement la critique des utilisateurs et pourront s'améliorer. Il existe actuellement certaines règles de pratique, sauf qu'elles ne sont pas publicisées avec autant d'ardeur que nous le souhaiterions. Comme telles, elles ne s'améliorent peut-être pas aussi rapidement que nous le souhaiterions. Alors, c'est le sens même des propos que nous avons dans notre mémoire pour dire que nécessairement un organisme d'une telle importance devrait avoir des règles de pratique qui seraient publicisées, annoncées et qui subiraient la critique, pour amélioration.

M. Tremblay (Rimouski): Est-ce que votre appréciation du rôle du bureau d'évaluation justifie la publication ou - comment dirais-je - la composition d'une espèce de code bien défini, bien sélectionné, bien numéroté pour des décisions? Ça va jusque-là? Vous seriez favorables à ce qu'on produise un véritable code, un code non pas d'éthique, mais en fait un code de jurisprudence?

M. Lachapelle: En fait, c'est davantage un code de pratique, un code de procédure pour indiquer à ceux qui n'ont pas autant d'expérience que d'autres la manière de procéder devant le Bureau de révision, avec des règles assez précises, à savoir s'il y a lieu de déposer, par exemple, au préalable, un rapport d'expertise ou si nous agissons dans toutes les causes, soit de peu d'importance ou de grande importance, de la même manière. Alors, il s'agirait d'éclairer un petit peu les personnes qui vont devant ce tribunal, à savoir comment se comporter devant ce tribunal pour éviter qu'on les laisse à leur propre initiative et, bien souvent, commettre des erreurs de procédure.

M. Tremblay (Rimouski): Si je comprends bien, en fait c'est le BREF qui possède toute la vérité là-dedans. Ceux qui ont à intervenir auprès du BREF, eux, doivent nécessairement se référer à l'expertise du BREF et, forcément, ça pose un préjudice vis-à-vis des intervenants. Vous avez le Barreau et les corporations professionnelles qui peuvent intervenir auprès du BREF, mais, pour intervenir auprès du BREF, ils n'ont pas les outils nécessaires ou adéquats pour pouvoir faire une cause défendable adéquate, compte tenu qu'ils ne savent pas tout des pouvoirs et des directives du BREF. Parce que le commun des mortels, s'il ne connaît pas le code d'éthique ou le code de pratique du BREF et qu'il n'a pas les documents pour aller se présenter devant le BREF, à ce moment-là, à mon sens, il est préjudicié par rapport à celui qui a déjà toute l'expertise. Tandis que le BREF semble avoir toute l'expertise, il faut aller se présenter devant eux et là plaider notre cause, mais on plaide notre cause sans instrument. C'est un peu ça?

M. Lachapelle: II faut dire que, devant le Bureau de révision, on a des personnes qui sont représentées par des avocats et aussi aidées par des évaluateurs en termes de rapports d'expertise. Par contre, il y a des petites causes où le contribuable ne se présente que seul et, ne connaissant pas les règles du Bureau de révision, c'est évident qu'à ce moment-là il se sent un peu en état d'infériorité par rapport à ce qui se passe devant lui. C'est dans ce sens-là que nous souhaitons qu'il y ait des règles de pratique et que ces règles de pratique puissent être rédigées en présence définitivement du président du Bureau de révision avec avocats et évaluateurs possédant une expérience de quelques années

devant ce même tribunal. C'est le souhait qui est exprimé nécessairement par la Corporation.

M. Tremblay (Rimouski): Très bien. À la page 3, vous semblez dire que tout ce qui est inférieur à 5 %, c'est négligeable. Bien, c'est négligeable, en tout cas, d'après la pratique courante, mais dois-je vous rappeler que, lorsqu'il y a un écart de 5 % et moins dans une évaluation foncière, on peut l'avoir pour la vie durant comme payeur de taxes?

M. Lachapelle: Sauf si le marché le rétablit.

M. Tremblay (Rimouski): Oui, il peut y avoir la valeur marchande qui peut le rétablir, sauf que, s'il y a un écart de 5 % tout le temps et qu'on paie 5 %, c'est vrai que ça n'a pas un impact très fort, mais le pauvre citoyen payeur de taxes, lui, il va en subir les conséquences tout le temps s'il reste au même endroit.

M. Lachapelle: Cependant, devant le genre de preuve qui se fait devant le Bureau de révision, si on a, selon les propos avancés, sans plus de preuves qu'il n'en faut, à accorder quelque pourcentage en diminution parce que le contribuable fait face au Bureau de révision et qu'il peut obtenir une sympathie, pourquoi le voisin qui ne s'est pas présenté devant le Bureau de révision n'irait-il pas avec cet espoir de gagner un 5 %? À cet égard, l'ensemble des contribuables aurait un avantage à aller devant le Bureau de révision afin de gagner ce 5 % qui, finalement, ne changera pas tellement grand-chose parce que, en définitive, il faut regarder que la charge fiscale est en relation des dépenses et en relation du rôle d'évaluation.

M. Tremblay (Rimouski): Oui. Mais c'est parce que, dans votre mémoire, quand vous faites des rapports, vous avez une grande marge. Vous parlez, je ne sais pas, d'une affaire de plusieurs millions, 60 000 000 $, et le pauvre petit contribuable avec 100 000 $ d'évaluation, on sait bien que ce n'est pas de la même importance; 5 % de 60 000 000 $ et 5 % de 100 000 $, ce n'est pas la même facture.

M. Lachapelle: C'est pourtant le même préjudice.

M. Tremblay (Rimouski): C'est le même...

M. Lachapelle: Alors, s'il n'est pas réel pour l'un, il ne serait pas réel pour l'autre. C'est vrai que l'écart est important, sauf que le préjudice, au sens de la loi, n'est pas plus important dans un cas que dans l'autre.

M. Tremblay (Rimouski): Oui. En tout cas. Alors, moi, M. le Président, pour le moment, ce serait suffisant au niveau de mon questionne- ment. Il y aurait mon collègue, ici, le député de Louis-Hébert, qui voudrait poser quelques questions.

Une voix: C'est l'alternance.

M. Tremblay (Rimouski): O.K. On pourra y aller. Ça va.

Le Président (M. Garon): O.K. M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui, M. le Président. D'abord, merci pour la clarté de votre mémoire. Je pense qu'il soulève des points intéressants concernant le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Mais avant, M. le Président, est-ce que vous pourriez me permettre d'enregistrer le député de Labelle comme remplaçant de Mme la députée de Johnson, Mme Juneau?

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Garon): Consentement.

M. Dufour: Merci.

Le Président (M. Garon): Donc, le député de Labelle remplace la députée de Johnson.

M. Dufour: Donc, vous parlez que, chaque fois qu'il y a un dossier qui se soulève, ça coûte environ - en tout cas, un dossier probablement pas de grande envergure - 500 $ à la Communauté urbaine de Québec. Je veux vous rappeler qu'il y a eu un temps, au début du travail du Bureau de révision de l'évaluation foncière, après la réforme de la fiscalité municipale, où il n'y avait pas de coûts exigés du contribuable. Donc, les plaintes arrivaient à la pochetée pour ne pas dire au millier. On avait présenté des suggestions. L'Union des municipalités du Québec avait présenté la suggestion, et le gouvernement avait accepté aussi, qu'on devait déposer un certain montant pour s'assurer que les causes soient... Je pense que le ministre des Affaires municipales du temps, c'était peut-être mon collègue, l'actuel député de Labelle; il était aussi député de Labelle dans le temps et ministre des Affaires municipales. On avait accepté qu'un montant - on peut parler de symbolique encore - d'environ 25 $, c'était le montant qu'on déposait pour les petites causes. C'est encore la même chose aujourd'hui. Vous parlez de préjudice réel pour s'assurer que tout est correct. Les 500 $, c'est un montant assez important pour la municipalité par rapport, des fois, aux enjeux. Est-ce que vous avez un point de vue par rapport à ça? Dans le temps, le législateur a accepté qu'il y ait un montant de déposé. Parce 4 septembre 1991

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qu'on ne veut pas, d'une part, enlever au contribuable le droit de contester; on ne veut pas, d'autre part, lui permettre de faire n'importe quelle contestation pour n'importe quoi, malgré que, de plus en plus, l'évaluation foncière serve, en fait, pour décharger le gouvernement de certaines obligations; les municipalités s'en servent pour la taxation au scolaire et au muncipal. Plus il y a d'intervenants dans le dossier, plus le préjudice, qu'il soit élevé ou pas, va représenter, à la fin de la course, un montant qui pourrait être assez important. Les 5 % multipliés trois fois, à trois endroits différents, c'est plus important qu'à un endroit seulement.

Donc, il y a tout cet enjeu-là que je voudrais qu'on développe comme problématique. Est-ce que vous, comme organisme, vous avez vu une façon qui pourrait améliorer, par exemple, le positionnement des municipalités, mais qui ne causerait pas de préjudice au contribuable comme tel?

M. Mailhot: Si vous me le permettez, M. le Président, je vais inviter M. Kirouac à commenter cette partie du mémoire. (10 h 30)

M. Kirouac: On a indiqué dans le mémoire ce montant-là de 500 $ par expertise, dans le cas des petites causes qu'on avait à la Communauté urbaine de Québec, pour bien faire ressortir qu'il y a un préjudice réel, de temps en temps, pour le contribuable, mais il y a aussi un préjudice pour l'ensemble des autres contribuables qui ne se plaignent pas, qui sont obligés de débourser 500 $ pour faire préparer une cause contre quelqu'un qui se plaint et, des fois, ne se présente pas; ou, des fois, il se plaint pour un montant ridicule et le tribunal l'entend pareil; ou, des fois, tout simplement, il se plaint, mais il n'a pas raison de se plaindre parce qu'on est dans le cadre d'un rôle triennal. À ce moment-là, la Communauté, par exemple, ou l'évaluateur est obligé d'encourir des frais, de préparer un dossier, de visiter la propriété, de se présenter devant le tribunal et de commenter son expertise. Tout ça, chez nous, on l'a calculé depuis plusieurs années et ça nous coûte 500 $. Il faut bien comprendre qu'il faut qu'il y ait quelque chose en dessous, il faut qu'il y ait une raison. le ticket modérateur qui a été imposé par m. le député de labelle, m. léonard, en 1978...

M. Dufour: Non, c'était en 1980. En 1981-1982.

M. Kirouac: Alors, ce ticket modérateur là a eu des effets bénéfiques, beaucoup d'effets bénéfiques, c'est-à-dire qu'à ce moment-là le nombre de plaintes qui étaient déposées par le contribuable et pour lesquelles on avait... L'absence du contribuable au moment de l'audition a diminué énormément. Des rejets par défaut du contribuable de se présenter, il y en a beaucoup moins qu'il y en avait avant. Mais il y en a encore quelques-uns. Si bien qu'on peut dire maintenant qu'il faudrait, après le ticket modérateur, monter une autre marche, un autre escalier, si vous voulez, dans le cadre de la protection, aussi, des intérêts de tous les autres contribuables. Et la marche qu'on vous propose de monter, c'est celle de la notion de préjudice réel.

Par exemple, la notion du 5 %. L'évaluation municipale, il faut bien le comprendre, n'est pas nécessairement une science exacte, précise comme les mathématiques, par exemple; c'est une science des probabilités, une science probabiliste. Qui peut dire, entre nous ici - même pas moi, un évaluateur - que ma maison, à moi, vaut 100 000 $, 105 000 $ ou 95 000 $ si je la mets en vente demain matin? Il y a une marge, là. Il y a une marge qui fait partie intrinsèque du marché immobilier, que personne ne peut prédire. La maison qu'on a, on ne peut pas savoir, à 5 % près, combien on va la vendre.

Alors, cette marge-là, d'erreur, je pense qu'il faudrait peut-être soit l'inscrire dans la loi ou bien, comme on le propose ici, qu'elle soit utilisée avec discernement par les membres du Bureau de révision c'est-à-dire que, dépendamment de la certitude qu'on peut avoir de la valeur de la propriété, à ce moment-là, la marge pourrait être restreinte. Plus l'incertitude est grande, plus, à ce moment-là, la marge pourrait être grande, la marge de préjudice réel.

Parce qu'il faut bien comprendre que, tantôt, ça va coûter cher. Le gouvernement nous dit: Écoutez, on va faire des rôles triennaux et, comme ça, vous allez avoir des rôles rien qu'à tous les trois ans; donc, vous allez préparer moins de plaintes devant le Bureau de révision. C'est vrai, mais aussi ce n'est pas vrai parce que, même si les gens se plaignent en dehors de l'année où ils ont le droit de se plaindre, le tribunal les entend pareil et il nous demande de préparer des dossiers. Ça fait que, finalement, on dépense les 500 $ pareil pour toutes les petites causes, même si le gouvernement a mis des rôles triennaux. Alors, on n'est pas plus avancés. Il faudrait être cohérent dans le message ou dans les indications que le gouvernement nous donne là-dessus.

Dans le cas des grosses causes, ça peut monter énormément. Vous avez des 30 000 $, 50 000 $, 100 000 $, 200 000 $ ou 300 000 $ qui sont dépensés en frais d'expertise, par exemple, pour l'évaluateur et autant pour les avocats pour, finalement, des règlements qui sont autour de 5 % ou 10 %, dans des gros dossiers. 5 % ou 10 %, ce n'est même pas la précision du marché dans le cas des centres d'achats et dans le cas des hôtels et des industries. Alors, c'est souvent ridicule et ça coûte très cher à la société, entre guillemets, à tous les contribuables, toutes ces choses-là.

Au début, on assiste souvent à des contes-

tations où le rôle d'évaluation, disons, est à 50 000 000 $; le contribuable, lui, réclame 25 000 000 $. Évidemment, il réclame la lune, il en réclame le moins possible. Tout le monde veut bénéficier d'évasions fiscales le plus possible. Les parties débutent leur cause, à ce moment-là, avec des écarts, comme ça, importants. Plus la cause avance, plus les gens négocient, discutent, se rencontrent, plus la marge se rétrécit. À la fin, on en arrive à un règlement hors cour ou bien à une audition où la marge entre les parties n'est plus que de 5 % ou de 10 %. Finalement, on se bat pour pas grand-chose. Par contre, on engage des frais importants. Le Bureau de révision appelle ça la "judiciarisation" du processus d'évaluation. Effectivement, c'est une judiciarisation qui est très, très dispendieuse et qui ne rapporte rien à personne, sinon à ceux qui sont devant le tribunal, parce que ça coûte énormément cher.

M. Dufour: Pour la petite cause, vous nous dites: Le pourcentage est difficile à établir. Vous parlez de 5 % comme marge, mais c'est toujours en fonction aussi du porte-monnaie. Le député de Rimouski pariait du pauvre contribuable. Si je ne les avais pas vus agir depuis deux, trois ans, je pourrais peut-être opiner avec lui: Ce pauvre contribuable, mais je suis obligé de dire que les 5 % pour une petite propriété, ça pourrait peut-être, à cause des montants qui sont en jeu... C'est évident que, si ça coûte 500 $ pour préparer une cause, 5 % d'une propriété de 100 000 $, bon... La valeur moyenne peut-être, au Québec, ce n'est pas... Il faudrait peut-être parler de moyenne au Québec plutôt que d'une municipalité particulière. Ça peut être 50 000 $ ou 45 000 $, l'évaluation moyenne, au Québec, d'une propriété individuelle. Je n'ai pas les chiffres. 5 %, ça ne fait pas beaucoup. Ça veut peut-être dire 10 $ ou 15 $ de remise.

Mais, quand on parle des grosses causes, il y a un avantage pour le contribuable qui conteste à en mettre le plus possible. Il est obligé de marquer le montant qu'il réclame ou auquel il pense qu'il doit être évalué. La plainte, je n'ai plus la notion trop, trop de ça. Quand quelqu'un fait une plainte et dit qu'il est trop évalué, ou pas assez évalué, ça pourrait être le contraire, mais ça ne se fait pas, est-ce qu'il doit - je fais juste vous poser la question et je vais continuer mon raisonnement - marquer le montant auquel il croit qu'il doit être évalué, dans sa plainte?

M. Kirouac: Le formulaire qui est prescrit par le règlement du ministre dans ce domaine-là le prévoit, mais la plupart des contribuables ne l'inscrivent pas et le Bureau de révision ne leur en tient pas rigueur.

M. Dufour: II ne l'exige pas? M. Kirouac: Effectivement.

M. Dufour: Bon. Dans un cas comme ça, le contribuable, si on parle de pourcentage, a toujours avantage à contester le montant le plus élevé possible ou le plus bas possible. C'est ça? Ça, ça va. Mais la notion des 5 %, est-ce qu'elle est établie au début de la plainte, à la fin de la plainte ou au résultat? Parce que, là, il y a un changement. Une compagnie pourrait bien dire: Je suis évaluée 40 % trop élevé et, à la fin, c'est 3 %. Et elle vient de se laver les mains parce qu'elle a le droit de contester et elle a le droit de faire n'importe quoi. Elle a coûté 100 000 $ de frais à la municipalité. Et je peux parler d'endroits que je connais bien où ça a coûté des millions. Donc, il y a quelque chose à quelque part. C'est flou. Comment pourrait-on établir... "C'est-u" après que la cause a été entendue ou avant?

M. Kirouac: les 5 % dont on parle, c'est sur l'évaluation municipale; autrement dit, avant que la cause soit entendue. pas sur le montant réclamé par le contribuable, mais sur le montant déposé au rôle d'évaluation, sur la valeur au rôle, 5 % de la valeur au rôle, d'écart.

M. Dufour: Oui.

M. Kirouac: C'est ça dont on parle.

M. Dufour: Je comprends, mais à la fin, si c'est 2 %, si le Bureau de révision décide que ça doit être à 3 %, que la plainte était trop... qu'il demandait trop? Donc, il prend la plainte à 5 %; la municipalité est poignée avec ça et, à la fin, c'est 3 %. Le Bureau de révision décide qu'il va baisser à 3 % ou il dit: Je ne baisse pas. Donc, ça a coûté 500 $ à la municipalité pour préparer la cause. Ça, c'est pour les petites, mais, pour les grosses, comment on fait?

M. Lachapelle: En fait, si vous me permettez, la réponse, c'est que, lorsqu'on parie d'un préjudice réel, ce n'est pas pour avoir une règle en raison de laquelle on ne recevrait pas une plainte. Ce n'est pas dans ce sens-là qu'on le dit. Cependant, on dit que, si le membre du Bureau de révision a à porter un jugement et que son jugement, à la suite de l'audition, fait en sorte que la valeur qu'il juge est de moins de 5 % par rapport à celle inscrite au rôle, il n'y aurait pas lieu, à ce moment-là, d'intervenir. Autrement dit, on maintiendrait l'évaluation qui est celle inscrite au rôle. C'est dans ce sens-là qu'on parle de l'intervention de la part du commissaire. Évidemment, s'il y avait une balise semblable, ça cristalliserait davantage les esprits de ceux qui interviennent au niveau du dossier, tout autant de la part du plaignant que de la part du membre du Bureau de révision qui aurait à dire: Y a-t-il vraiment matière à intervenir puisque le différentiel que je commence à constater est de peu d'importance? C'est dans ce 4 septembre 1991

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sens-là.

M. Dufour: Donc, pour les 500 $ que ça peut coûter à la municipalité, vous dites: Bien, on va vivre avec ça. La municipalité peut vivre avec ça. Ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas de changement d'inscription au rôle ou de recommandation dans la décision du BREF pour aller corriger de l'autre côté.

M. Lachapelle: Par voie de conséquence...

M. Dufour: Mais ça, c'est après. Il faut qu'il ait entendu la cause comme telle.

M. Lachapelle: C'est évident. Sauf que, par voie de conséquence, on pense que, si le tribunal n'intervient pas et que ça fait partie des règles de pratique qu'il n'y aura pas lieu d'intervenir pour une décision en bas de 5 % de différentiel, ça va créer, à la connaissance des parties, évidemment, cette pratique et ça va avoir tendance à diminuer les plaintes que pour faire des plaintes. Et, de ce fait-là, des 500 $ qu'il en coûte pour préparer une cause s'atténuerait.

M. Dufour: Oui, je comprends. Puis, là, vous nous donnez l'exemple de James MacCiaren, et la cité de Buckingham: 4 000 000 $, c'était à peu près 4 %. Ce n'était pas une injustice réelle. Ils ne sont pas intervenus. Puis, vous nous parlez d'un autre cas qui est arrivé à Laval où il y a eu une intervention. Et, là, vous dites qu'il devrait y avoir quelque chose de mieux écrit.

M. Lachapelle: Dans le cas de MacCiaren, on n'est pas intervenus. On a maintenu la valeur.

M. Dufour: C'est ça, ça n'avait pas d'importance. Puis, il y a d'autres endroits où on dit...

M. Lachapelle: Et, dans l'autre cas, évidemment, c'était la présomption de validité, c'est-à-dire qu'on est intervenus en cour d'appel pour dire que le Bureau de révision n'avait pas à prendre la faible preuve et à la rendre plus forte en amenant le contribuable à poser des questions ou à faire en sorte, par exemple, de faire une meilleure preuve. C'est un peu ça qui est énoncé dans ce jugement-là, la présomption de validité.

C'est évident que, si on part du principe que la valeur inscrite au rôle procède d'un . mauvais travail, à ce moment-là, on va essayer de rendre justice à n'importe quel prix. Si, cependant, de par les méthodes à partir desquelles on fait de l'évaluation, on présume de la validité des valeurs, il restera à la charge de celui qui prétend que la valeur inscrite au rôle ne représente pas la juste valeur dans son cas à faire la preuve de ce que serait la juste valeur et non pas tout simplement à prétendre: Écoutez, M. le commissaire, mon toit coule ou mon solage est craqué et que, sur cette seule affirmation, on accorde des diminutions de peu d'importance.

M. Dufour: Est-ce que vous croyez que les 5 %, c'est réaliste, puis que c'est cette valeur-là qui doit être maintenue? Parce qu'il y a deux sortes d'erreurs, à mon point de vue, vis-à-vis le rôle. Quand il y a une médiane à 40 %, comme ça arrive des fois... Je connais un endroit, c'est 143 %. On multipliait notre évaluation par 1,43. Le rôle s'est dégradé. Il n'y a rien dans la loi. On dit: Ça devrait être plus ou moins, puis il y a des pourcentages. Mais, quand ce n'est pas respecté, il n'y a rien qui existe de telle façon qu'on puisse exiger que la municipalité se conforme. Ça a l'air que c'est des voeux pieux à quelque part, mais, en tout cas, II y a des rôles qui se sont dégradés.

Quand c'est 1,43, puis que le Bureau de révision a à se prononcer sur des causes, bien, le pourcentage d'erreur, il peut être à pas mal d'endroits. Il n'est pas seulement à 1 %. Moi, je comprends que ce sont des rôles qui sont bien respectés, puis qu'on va à plus ou moins 10 % ou 15 %. On peut s'entendre sur la qualité du rôle. Quand c'est rendu à 1,40, il me semble que la qualité... En tout cas, moi, je m'interroge. Puis, est-ce qu'elle est égale pour tous puisque la médiane... Vous l'avez dit, c'est un calcul de probabilités, c'est une science de la probabilité. Les 5 %, est-ce que vous trouvez que c'est la façon exacte, qu'on doit maintenir, ou si ça peut être autre chose?

M. Lachapelle: Non, je m'en voudrais de prétendre que les 5 % vont venir rectifier la situation à une situation parfaite. C'est évident que les 5 % ne sont là que comme un indicateur. Je pense que, tout à l'heure, nous avons ajouté une chose qui était la suivante: si la cause qui est devant le commissaire est dans une catégorie de propriété où on a des ventes à profusion, on est donc dans un marché plus certain, l'écart, à ce moment-là, pourrait être faible. Si, cependant, on est à un endroit où il n'y a pas de marché ou dans une catégorie de propriété où il n'y a pas de marché, c'est évident que l'intervention du commissaire devra faire attention à cette probabilité au sens de la valeur au marché. C'est dans ce sens-là qu'est notre approche: un rationnel mieux articulé par rapport au Bureau de révision.

Et ça fait appel à cette bonification à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure en disant que, lorsqu'on regarde ce qui se passait antérieurement par rapport à aujourd'hui, il y a eu une évolution. Il y a eu une gradation dans la qualité, sauf qu'on en souhaiterait encore davantage. Aller prétendre que les 5 % seraient le remède à tous les maux, là, je ne crois pas que ce soit le sens de nos propos. (10 h 45)

Cependant, je voudrais ajouter une chose qui est la suivante. Depuis quelques années, je pense que c'est depuis 1989, il existe un règle-

ment sur la qualité des rôles qui prend en charge la conjugaison d'un ensemble de facteurs. Ce règlement-là s'est doublé d'un règlement à partir duquel, si on constatait une non-qualité au sens des règles de ce règlement, il y aurait possiblement perte de revenus pour la municipalité, jusqu'à 10 % des subventions tenant lieu de taxes. Donc, il y a déjà là matière à pénalité pour une municipalité qui ne répondrait pas à la qualité telle qu'exigée par le règlement. Pour faire écho, évidemment, à ce que vous disiez tout à l'heure, que le rôle peut se dégrader, il y a des "provisos" à différents endroits; il s'agit de les exercer. Mais c'est comme pour toute règle, avant qu'on en arrive drastiquement à observer ces choses-là, on va y aller sans doute d'une manière progressive et, un jour, on aura probablement la perfection.

M. Dufour: Autrement dit, vous nous dites: II y a des moyens de contrôler la qualité du rôle, mais vous n'êtes pas sûr, ni convaincu que ça s'est appliqué jusqu'à maintenant. C'est un peu ça?

M. Lâcha pelle: II y a des marges de manoeuvre.

M. Dufour: Parce que vous dites: On va y aller par des mesures et des règlements. Il peut y en avoir ça d'épais, des règlements, mais si on ne les applique pas, ça ne veut rien dire.

M. Lachapelle: C'est ça.

M. Dufour: Mais vous dites qu'il y a une évolution qui va se faire, possiblement et que ça va se corriger. Moi, je suis d'accord avec vous. Dans ce sens-là, il faut absolument que la qualité... En tout cas, quand j'étais en fonction à un autre palier, je tenais beaucoup à ça, que ça soit appliqué.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière, le temps dévolu...

M. Dufour: Déjà?

Le Président (M. Garon): ...au parti de l'Opposition étant écoulé, je passe la parole au parti ministériel pour sept minutes.

M. Dufour: Ça n'a pas de bon sens. J'avais encore une dizaine...

M. Doyon: Oui, merci M. le Président. Tout d'abord, vous me permettrez de profiter de l'occasion pour saluer les gens qui sont ici devant nous, particulièrement M. Kirouac avec qui j'ai eu le plaisir de travailler alors que j'étais secrétaire général de la Communauté urbaine de Québec. Je suis en mesure de sa voir - parce qu'on remonte à plusieurs années er arrière - les efforts qui ont été faits à ce moment-là par la Communauté urbaine de Québec - et je peux parler de cet organisme supramunicipal en particulier - pour que le rôle d'évaluation soit mis à jour. Avec toute la réforme qui a été faite de l'évaluation sur tout le territoire de la Communauté urbaine de Québec, les municipalités qui en font partie ont mis la main dans leur poche et ont payé des montants considérables. Il est vrai que le gouvernement a donné un coup de main à cette époque-là. Je pense qu'on se retrouve, à la Communauté urbaine de Québec, avec des rôles d'évaluation qui, grosso modo, donnent satisfaction.

Je veux rendre hommage aux évaluateurs qui travaillent, qui sont des spécialistes, qui sont des experts, qui sont des gens extrêmement compétents en la matière. J'ai travaillé avec eux. Je sais le sérieux et la formation qu'ils ont, le sérieux qu'ils mettent à leur travail, la formation qui est la leur. C'est un travail qui est exigeant et qui est soumis régulièrement, quotidiennement à l'examen très critique des gens qui ont à vivre avec ces rôles d'évaluation. Le travail de l'éva-luateur est un travail qui n'est pas de tout repos parce qu'il ne peut pas se tromper, il ne peut pas faire d'erreurs. M. Kirouac, qui est maintenant à la tête du Service de l'évaluation de la Communauté urbaine de Québec, le sait. C'est une responsabilité très lourde que de s'assurer qu'il y ait une justice envers les contribuables et qu'en même temps les villes qui comptent sur cet outil-là puissent disposer des moyens nécessaires pour aller chercher les taxes dont elles ont besoin.

Le bureau de l'évaluation est un organisme qui est absolument essentiel et un organisme de dernier recours. C'est un organisme qui permet aux contribuables d'avoir la possibilité de faire rectifier certaines erreurs qui peuvent se produire et qui, dans certains cas, peuvent être presque grossières, non pas parce qu'il y a mauvaise volonté, mais parce que des erreurs, c'est parfois dans la nature humaine et certains facteurs peuvent avoir échappé à l'attention des évaluateurs.

La suggestion que vous faites, soit 5 % d'un côté ou de l'autre, c'est tout simplement presque normal. Tout le monde sait qu'une propriété immobilière qui est mise en vente ne peut pas aller chercher le prix exact qui est demandé par le propriétaire. Même s'il a fait toutes les analyses, même s'il a consulté les évaluateurs, il reste des impondérables et ce n'est que par la comparaison, l'étude comparative des transactions \ qui se font dans un secteur semblable ou dans un i domaine semblable qu'on peut en arriver à une : prévision relativement sûre de ce qui peut se i passer. ! pour avoir été à la communauté urbaine de

Québec et avoir autorisé à l'époque un certain i nombre d'arrangements, il m'est apparu abusil 4 septembre 1991

Commission permanente

que des contribuables, justement pour des montants qui étaient de l'ordre de 5 % ou à peu près, puissent obliger les experts des communautés urbaines en particulier a faire des préparations de dossiers extrêmement complexes et extrêmement difficiles. C'était, finalement, quitte ou double. On tirait à pile ou face parce que ça pouvait se défendre aussi bien d'un côté que de l'autre, mais II n'y avait pas d'erreur manifeste de la part de l'évaluateur qui avait procédé à ce travail-là. Et, de ce côté-là, il y aurait peut-être lieu de se rendre à des suggestions semblables à celles que vous faites.

Ce que j'aimerais savoir de vous, M. Kirouac, peut-être, ou de quelqu'un d'autre, c'est si vous constatez, avec la nouvelle confection du rôle - de la façon dont les choses se passent maintenant, où les rôles sont confectionnés de façon scientifique - une baisse dans les plaintes et l'obligation que vous avez de vous rendre au Bureau de révision de l'évaluation foncière pour défendre l'évaluation que vous avez faite ou si c'est resté pareil.

M. Kirouac: II faut dire là-dessus qu'il y a eu beaucoup de changements depuis les 10 dernières années. Avec l'arrivée des rôles de nouvelle génération, évidemment, on a reconfectionné tous nos rôles à la grandeur de la province. Donc, on a eu à ce moment-là un "peak", comme on dit, dans les plaintes. Il y a beaucoup de plaintes qui ont été déposées. Évidemment, on refaisait des rôles et très souvent à 100 % de la valeur marchande.

Par la suite, on a introduit la notion de ticket modérateur qui, à ce moment-là, a freiné considérablement l'ardeur des gens qui voulaient se plaindre pour un oui ou pour un non. Ils y pensaient à deux fois. Un peu plus tard, on a introduit des mesures qui s'appellent, par exemple, la correction d'office qui permettait à l'évaluateur, entre la date du dépôt et le 1er mai, de corriger le rôle d'évaluation s'il se rendait compte qu'il y avait une erreur à sa face même, une erreur de calcul ou une erreur d'appréciation, de jugement quelconque qui lui avait été soumise, par exemple, par le contribuable qui avait reçu son compte de taxes. À ce moment-là, s'il voyait que ça n'avait pas d'allure, il appelait l'évaluateur et l'évaluateur révisait son dossier et pouvait, jusqu'au 1er mai, faire une correction d'office. Ça a diminué considérablement le nombre de plaintes.

On a aussi maintenant la procédure de requête en adjudication sommaire qu'on utilise fréquemment. Cette requête-là en adjudication sommaire, finalement, ce qu'elle fait, c'est que, même si on est en dehors du délai, si on est après le 1er mai et qu'on voit que la cause va procéder bientôt, on révise notre dossier, on y travaille avec acharnement et on se rend compte, finalement, qu'il y aurait quelque chose à faire puisqu'il y a une erreur. À ce moment-là, ça ne donne rien de se présenter devant le tribunal et de faire des frais excessifs pour la municipalité et le contribuable. On admet que, par exemple, la propriété, même si elle était à 3 000 000 $ au rôle, bon, à 2 750 000 $, ça aurait bien de l'allure et qu'il y a peut-être des choses où on a poussé le crayon trop fort. À ce moment-là, on fait une requête en adjudication sommaire. On s'évite d'aller devant le tribunal, si bien qu'on peut dire qu'aujourd'hui, à la Communauté urbaine de Québec comme dans bien des organismes, on ne procède devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière que quand on est absolument certains ou, en tout cas, on croit fermement, nous, les évaluateurs municipaux, que la valeur qui est au rôle est la bonne valeur. Évidemment, c'est la même chose pour le contribuable; lui aussi y croit fermement.

On a restreint énormément le nombre de causes qui procèdent devant le tribunal avec toutes les procédures que je viens de mentionner, si bien que, quand on se présente devant le Bureau de révision, c'est évidemment pour défendre un dossier et le défendre âprement parce qu'on pense, nous, les évaluateurs municipaux, qu'il y va des intérêts de la municipalité que cette valeur-là soit préservée. Et le contribuable, lui, de son côté, veut bénéficier d'une certaine exemption.

M. Doyon: est-ce qu'à ce moment-là les délais d'audition ont diminué considérablement? ils sont de quel ordre actuellement, par exemple, à québec?

M. Kirouac: Dans les cas de petites plaintes, on peut dire qu'il se passe à peu près un an, un an et demi avant que l'audition soit entendue et que la plupart des dossiers soient réglés. La plupart des dossiers résidentiels se règlent dans l'année ou l'année et demie. Par contre, quand on parle de gros dossiers, on peut parler d'un délai de deux à trois ans, maximum. Il y a toujours des délais qui traînent, des dossiers vraiment récurrents, qui reviennent toujours. Il y en a qui traînent depuis sept ou huit ans. C'est à peu près les délais normaux qu'on peut considérer dans la région de Québec. Cependant, dans la région de Montréal, je sais qu'ils sont beaucoup plus élevés que ça. Peut-être que M. Lachapelle peut en témoigner.

M. Doyon: M. Lachapelle, avez-vous...

M. Lachapelle: En fait, je pourrais témoigner en tant que Laval est concernée...

M. Doyon: Oui.

M. Lachapelle: ...ne voulant pas prendre à ma charge des informations concernant la Communauté urbaine de Montréal. En tant que Laval est concernée, c'est sûr que, lorsqu'on

recule avant tous ces dispositifs dont on faisait mention, on était dans l'ordre suivant: pour à peu près 100 000 dossiers au rôle d'évaluation, on avait environ 2000, 2300 plaintes. Aujourd'hui, avec tous ces mécanismes que nous avons, alors qu'on est rendus à 138 000 unités d'évaluation, on a à peine entre 300 et 400 plaintes. Alors, ça vous donne un peu le visage statistique de ce qui se passe.

M. Ooyon: C'est intéressant. Est-ce que vous pouvez me dire, M. Kirouac, par exemple...

Le Président (M. Garon): Le temps dévolu à la partie ministérielle étant terminé en ayant bénéficié du surplus qui n'avait pas été pris par nos intervenants, il reste une minute et 20 secondes au parti de l'Opposition puisque je n'avais pas, tout à l'heure, accordé la partie qui n'avait pas été prise par les gens qui sont devant nous.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, moi aussi, féliciter la Corporation des évaluateurs agréés pour la clarté de leur texte, même pour un profane comme moi. Il y a juste un passage qui me laisse un peu sur mon appétit, c'est à la page 4, et je voudrais avoir un peu plus de détails de votre part. Vous dites à la page 4: "Par contre, les récents propos du président de cet organisme nous laissent quelque peu perplexes lorsqu'il prétend qu'il est du ressort du Bureau de remplir un rôle social vis-à-vis le contribuable." Expliquez-moi donc un peu votre perplexité.

M. Mailhot: M. Lachapelle.

M. Lachapelle: La perplexité à laquelle on a fait référence, c'est que, pour un tribunal, se donner un rôle social, c'est sûr que ça nous apparaît un peu curieux. On penserait davantage qu'un tribunal doit avoir un décorum, des procédures à partir desquelles on arriverait définitivement à rendre un peu plus rigide... C'est à ça qu'on faisait référence lorsqu'on parlait des règles de pratique.

Évidemment, si le Bureau de révision se donne un rôle social et qu'il rend des décisions en tenant compte qu'il a affaire à une veuve ou qu'il a affaire à un orphelin, ça nous apparaît un peu curieux. Mais, évidemment, on a dit un peu plus loin - on a essayé de rétablir les faits - que ces propos, il faut les mettre dans leur contexte. C'était à l'occasion d'une conférence qui était donnée par M. Christian Beaudoin a l'occasion du congrès des évaluateurs municipaux du Québec. Lorsqu'on lit davantage son propos, on s'aperçoit que c'est une forme de déjudiciarisation pour les petites causes, pour faire en sorte que, pour les petites causes, on ait un mécanisme qui ferait qu'on irait, tout en rendant justice aux contribuables...

C'est à ça qu'on faisait référence lorsqu'on parlait du préjudice réel. C'est qu'on peut rendre justice aux contribuables en n'intervenant pas nécessairement lorsqu'il n'y a qu'un écart de moins de 5 %. Alors, c'est dans ce sens-là. C'est dans ce sens-là également qu'on dit: On est bien d'accord à ce qu'on s'en aille déjudiciariser les petites causes, sauf qu'il ne faudrait pas que ça soit une occasion pour les commissaires de continuer ou de consacrer davantage leur intervention sur le plan social.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec, MM. Mailhot, Lachapelle, Kirouac et Tanguay, d'être venus rencontrer les membres de la commission. Je vais demander maintenant aux membres du Barreau de s'approcher pour présenter leur mémoire. Je vais suspendre les travaux de la commission pendant une couple de minutes, le temps de faire les changements.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 1)

Le Président (M. Garon): J'invite M. Marc Sauvé, secrétaire du Comité sur le BREF au Barreau du Québec, à nous présenter les membres qui l'accompagnent. Je vous rappelle que nous avons une heure à notre disposition: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel, 20 minutes pour le parti de l'Opposition officielle. Si vous prenez moins que 20 minutes, la différence sera accordée, de part et d'autre, aux deux partis. Si vous en prenez plus, ça sera soustrait des 20 minutes qui leur sont allouées, de part et d'autre. Alors, M. Sauvé.

Barreau du Québec

M. Sauvé (Marc): Alors, M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, j'aimerais d'abord me présenter. Mon nom est Marc Sauvé, secrétaire du Comité du Barreau sur le BREF. Je suis avocat au Service de recherche et de la législation au Barreau du Québec. À ma gauche, vous avez Me Louis Masson, de la firme Jolicoeur, Laçasse, et, à ma droite, Me Pierre Journet, de la firme Bélanger, Sauvé.

En vertu de l'article 23 du Code des professions, les corporations professionnelles ont comme principal mandat celui de la protection du public. Évidemment, cette protection du public est principalement assurée via le contrôle de l'exercice de la profession. Dans le cas du Barreau, le Barreau exécute aussi son mandat en intervenant auprès du législateur sur des projets de loi, des projets de règlements et des documents de consultation. C'est donc à la lumière de

ce mandat de protection du public qu'il faut interpréter l'intervention du Barreau en regard du document de consultation de la commission.

Notre exposé sera divisé en deux parties: la première partie concerne le statut des membres du Bureau de révision et sera présentée par Me Louis Masson; la seconde partie portera plus spécifiquement sur la juridiction territoriale, les règles de procédure et les recours en appel du BREF et sera présentée par Me Pierre Journet. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Me Louis Masson.

M. Masson (Louis): M. le Président, Mmes, MM. les députés, pour le Barreau du Québec, la consultation actuelle de cette commission s'inscrit dans le contexte et dans la démarche globale de la révision des tribunaux administratifs telle qu'envisagée par le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs, qui a été remis à l'honorable Herbert Marx le 10 août 1987, rapport communément désigné sous le nom de rapport Ouellette.

C'est ainsi que le premier volet de notre intervention... Je vous le souligne tout de suite, je ne m'arrêterai pas à une lecture du mémoire, présumant qu'il a déjà été... Je m'y référerai, évidemment, dans le cours de notre court exposé, mais je ne ferai pas une simple lecture du mémoire. Donc, le premier volet de notre intervention de ce matin consiste en quelque sorte en un survol ou en un rappel des questions de principe qui font l'objet des préoccupations historiques du Barreau, dont celle, primordiale, de l'indépendance des tribunaux administratifs.

Cette question de l'indépendance n'est, évidemment, pas l'apanage du Barreau. Nous savons que le législateur y a accordé une importance primordiale, notamment en enchâssant dans les chartes le droit à une audition devant un tribunal indépendant. C'est donc important pour le législateur, c'est important pour le public parce que le statut des membres et leur indépendance posent une question de confiance, c'est, évidemment, encore une fois, une question primordiale pour le Barreau et, revenant à ce rapport Ouellette sur les tribunaux administratifs, c'était, évidemment, l'une des préoccupations primordiales de ce rapport.

Parlant peut-être plus précisément du tribunal qui nous concerne, le Bureau de révision de l'évaluation foncière, j'aimerais souligner que, dans ce même rapport Ouellette, à la page 90, les membres du groupe de travail s'étaient arrêtés au commentaire suivant, et je cite le rapport: 'Tous les intervenants concernés par le Bureau de révision de l'évaluation foncière ont manifesté leur satisfaction à l'égard de celui-ci." C'est une mention qui mérite quand même d'être soulignée et que nous retrouvons dans le rapport Ouellette qui avait pour mandat d'examiner l'ensemble des tribunaux administratifs. Cette préoccupation relative à l'indépendance des membres des tribunaux se retrouvait également dans le mémoire du Barreau, qui avait été remis au groupe de travail sur les tribunaux administratifs en février 1987, alors que nous recommandions que leur statut soit calqué sur celui des juges de l'ordre judiciaire provincial.

Si, encore une fois, toujours à titre préliminaire, nous survolons ce rapport Ouellette qui a fait l'objet, d'ailleurs, d'un certain consensus dans le monde judiciaire, nous pouvons constater que le rapport Ouellette, tout comme d'ailleurs cette commission, avait manifesté certaines préoccupations quant au mode de nomination de l'ensemble des membres des tribunaux administratifs, notamment par sa recommandation 36 qui se lisait comme suit... On proposait donc l'adoption d'une loi sur les tribunaux administratifs et on prévoyait également une procédure de recrutement et de sélection des membres des tribunaux dont la création était proposée. Cette procédure contenait les éléments suivants, les éléments principaux. Avis de vacance: le ministre devait demander au conseil des tribunaux administratifs de dresser une liste des personnes aptes à être nommées membres de ce tribunal et devait publier un avis public de vacance. Il y avait un comité de sélection formé avec, évidemment, certaines obligations au niveau des connaissances et de la capacité de travailler en équipe multi-disciplinaire. Donc, ces préoccupations quant au mode de nomination ne sont pas nouvelles pour le Barreau, ne sont pas nouvelles également pour les rédacteurs du rapport Ouellette.

Une préoccupation principale qui touche l'ensemble des tribunaux, mais également le Bureau de révision de l'évaluation foncière touche le mode de renouvellement des mandats des membres des tribunaux administratifs. Le rapport Ouellette, à l'époque toujours, préconisait, quant à lui — et c'était l'une des recommandations importantes du rapport, à la page... c'était sa recommandation 40 - l'établissement d'une procédure de renouvellement des mandats qui était relativement rigoureuse en même temps que transparente. Je vous en donne les grandes lignes.

La procédure proposée prévoyait que, six mois avant l'expiration du. mandat du membre, le conseil des tribunaux administratifs transmette sa recommandation quant au renouvellement du mandat, qu'au plus tard trois mois avant la fin de son mandat le membre soit informé de la décision du gouvernement et qu'en cas de non-renouvellement, quand il y a abolition de poste, le membre puisse avoir certains recours devant lui. Nous devons constater actuellement, tant pour plusieurs tribunaux administratifs que pour le Bureau de révision de l'évaluation foncière qui nous concerne, que cette question du renouvellement des mandats demeure ouverte et n'est pas tranchée, pouvons-nous dire, de façon satisfaisante.

Enfin, j'aimerais attirer l'attention de cette

commission sur ce que j'appellerais, en quelque sorte, la permanence d'apparence puisque la loi actuelle prévoit que les membres sont nommés de façon permanente, mais ce n'est là qu'une apparence parce que, au cours des dernières années, on a pu constater que les mandats sont effectivement donnés pour une période de cinq ans.

Terminant ainsi cette introduction et cette bifurcation sur un rapport qui traite de l'ensemble des tribunaux administratifs, j'aimerais vous souligner que les questions fondamentales pour le Barreau demeurent celles de la nomination des membres des tribunaux et également la question du renouvellement des mandats. De façon plus spécifique en ce qui concerne le Bureau de révision, nous en avons traité de la manière suivante dans notre mémoire.

À la page 5 de notre mémoire, nous avons formulé certaines suggestions en ce qui concerne la formation des membres et, au dernier paragraphe, notre suggestion est la suivante: "Lorsque les membres d'un tribunal administratif tranchent des questions de droit, ils doivent avoir recours à toute une série de dispositions législatives, certaines étant parfois fort complexes: droits fondamentaux, principes de droit administratif. Seul un juriste d'expérience rompu au processus judiciaire et quasi judiciaire nous semble offrir les garanties nécessaires de compétence à cet égard. C'est pourquoi les avocats sont les professionnels tout désignés pour siéger à titre de juges administratifs et trancher des questions de droit au sein d'un tribunal comme le BREF."

Deuxièmement, en ce qui concerne le processus de nomination - toujours dans notre mémoire, à la page 6, in fine - j'attirerai votre attention sur le dernier paragraphe de la page 6: "Pour les fins de la nomination des membres du Bureau de révision, on pourrait, par exemple, constituer un organisme ou un comité formé de représentants du Barreau et de la Corporation des évaluateurs qui auraient la tâche de recruter et de proposer des candidats au gouvernement sur la base de critères qui soient d'une certaine objectivité.

Notre troisième préoccupation se situe au niveau d'une autre forme de garantie d'indépendance des membres et touche l'adoption ou la mise en vigueur d'un code de déontologie. Nous vous soulignons dans notre mémoire, à la page 7, deuxième paragraphe, ceci: "Les membres du Bureau de révision ont adopté leur propre code de déontologie lors d'une assemblée générale tenue le 21 mars 1986. Il s'agit de règles de régie interne et non d'un texte réglementaire ayant force de loi." C'est-à-dire qu'il n'y a pas de tribunal ou de forum où l'on puisse s'adresser pour demander de faire appliquer ces règles-là.

Évidemment, le rapport Ouellette dont je vous ai parlé tout à l'heure prévoit des mécanismes pour l'ensemble des tribunaux administratifs, qui ne sont toujours pas adoptés. En ce qui nous concerne, notre suggestion se retrouve à la page 8 de notre mémoire, au quatrième paragraphe, et nous concluons ainsi: "À défaut d'un tel comité de discipline au sein du Conseil des tribunaux administratifs, on pourrait, en attendant la réforme promise, soumettre les cas d'infractions aux règles déontologiques au Tribunal des professions. Pour ce faire, il faudra, évidemment, donner une force obligatoire à ces règles et prévoir les sanctions applicables dans la loi."

Il s'agirait, encore une fois, d'un mécanisme temporaire puisque nous avons toujours à l'esprit, et cette commission, je pense, doit également avoir à l'esprit cette réforme globale des tribunaux administratifs.

Enfin, la question, je pense, primordiale qui préoccupe tant le Barreau et qui devrait préoccuper le législateur et l'ensemble des justiciables, c'est la question du renouvellement des mandats. Nous vous exprimons notre point de vue à la page 8 de notre mémoire, dans les deux derniers paragraphes: "En premier lieu, les membres contractuels du Bureau de révision devraient pouvoir exercer leurs fonctions pour un terme suffisamment long pour leur assurer un niveau d'indépendance acceptable." En cela, nous rejoignons le rapport Ouellette. "Le processus de renouvellement du mandat des membres [...] laisse une discrétion absolue au gouvernement en ce qui a trait au renouvellement..." Et, à la page 9: "Les membres contractuels ne jouissent d'aucune protection contre un non-renouvellement arbitraire ou de nature purement politique."

De manière globale et sans reprendre l'ensemble du mémoire, il nous apparaît que cette situation-là pourrait certainement être améliorée et que le statut des membres pourrait également faire l'objet d'un certain encadrement de nature à assurer, encore une fois, leur indépendance.

C'était donc là, mesdames, messieurs, le premier volet de notre présentation et de nos préoccupations en ce qui concerne le statut des membres. Évidemment, je vous réfère à notre mémoire qui illustre de façon plus complète nos préoccupations et nos suggestions. Il nous fera plaisir de répondre aux questions là-dessus. Maintenant, pour ce qui est du deuxième volet de notre mémoire, je laisse la parole à mon collègue, Me Journet.

M. Journet (Pierre): Alors, Mmes, MM. les membres de cette commission, je me réfère à la page 11 du mémoire du Barreau du Québec, plus particulièrement en ce qui a trait à la juridiction territoriale.

Le document de consultation que la commission nous a remis propose que les causes représentant une évaluation foncière supérieure à 500 000 $ ou une valeur locative supérieure à 50 000 $ soient entendues à Québec ou à Montréal. Le Barreau porte à l'attention de la corn-

mission que le Bureau de révision accepte souvent de siéger en région. Il serait tout de même opportun, croyons-nous après avoir consulté les gens en région, que les limites des valeurs entendues en région soient haussées plutôt au montant de 1 000 000 $ pour ce qui est des valeurs foncières et de 100 000 $ pour les valeurs locatives. il est bien entendu, nous vous l'avons souligné dans notre deuxième paragraphe, que le Bureau accepte de se plier aux suggestions des parties. Ça n'empêche pas le Bureau de révision de siéger dans les districts judiciaires de Québec ou de Montréal, ou dans les villes respectives lorsque les parties le demandent, mais il serait souhaitable que le Bureau puisse se rendre en région pour entendre toutes les causes de 0, encore une fois, à 1 000 000 $, ce qui éviterait, évidemment, des déplacements inutiles des contribuables dans les deux grands centres de Québec et de Montréal. (11 h 15)

À la page 12, nous rejoindrons un peu les commentaires de nos prédécesseurs, la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés du Québec, sur la nécessité qu'il y aurait que des règles de procédure soient enfin adoptées. J'emploie bien le mot "enfin" puisque c'est le souhait du Barreau et des praticiens devant le Bureau de révision depuis de nombreuses années.

Il est vrai que le texte législatif prévoit que le Code de procédure civile que l'on emploie devant les tribunaux civils, soit la Cour du Québec, la Cour supérieure et la Cour d'appel, soit applicable devant le Bureau de révision. Force nous est, cependant, de constater que la majorité des dispositions du Code de procédure civile ne peuvent pas être appliquées devant un tribunal administratif; ce n'est pas une cour de justice. Et nous nous retrouvons devant une absence de règles de pratique au Bureau de révision, absence de règles de pratique qui a pour effet de mettre les parties sur un pied d'inégalité. Ce que j'entends par les parties, ce n'est pas nécessairement les plaignants ou les intimés qui sont les villes, mais plutôt les contribuables. Il est évident qu'en l'absence de règles de pratique on peut verser dans l'arbitraire et l'abusif.

Il y a un tribunal judiciaire qui s'apparente très bien au Bureau de révision de l'évaluation foncière quant à la science qui est recherchée et c'est la Chambre de l'expropriation à la Cour du Québec. On y retrouve des praticiens qui oeuvrent, en général, au Bureau de révision et qui oeuvrent également devant la Chambre de l'expropriation puisque vous avez encore un jumelage d'évaluateurs agréés et d'avocats. Or, la Chambre de l'expropriation a, depuis de nombreuses années, par le concours de l'Assemblée nationale, adopté des règles de pratique qui font partie maintenant du Code et où il est très clair, à titre d'exemple, que les rapports doivent être produits dans un certain délai avant l'audition, que le Bureau ou la Chambre de l'expropriation échangent des rapports entre les parties, ce qui a pour effet de dévoiler la preuve d'avance, de permettre très souvent des règlements et d'abréger les auditions. De telles règles n'existent pas au Bureau de révision et il nous apparaît essentiel que ces règles soient adoptées pour les raisons également mentionnées au rapport du Barreau du Québec.

Enfin, à la page 13, nous vous soulignons, au chapitre 4, les recours en appel. Selon les dispositions actuelles de la loi, toutes les causes font l'objet d'un appel de piano, c'est-à-dire automatique, devant la Cour du Québec et devant la Cour d'appel. Quel que soit le montant en jeu, le justiciable ou la municipalité a un appel de piano, automatique. Il y a, cependant, un phénomène assez curieux, c'est que les petites causes n'ont pas besoin d'enregistrement devant la première instance qui est le Bureau de révision, si bien que, lorsque la petite cause va en appel devant la Cour du Québec, c'est un appel de novo, c'est-à-dire qu'on recommence à neuf devant le juge alors que les causes plus importantes, qui nécessitent la sténographie, ne vont en appel que sur les principes énoncés et la preuve fournie devant le tribunal de première instance.

Il nous apparaît et il apparaît aux justiciables qui oeuvrent de façon régulière devant cette instance que l'instance d'appel de la Cour du Québec pourrait être éliminée puisque c'est une instance d'appel obligatoire, mais les grosses causes se ramassent toujours à la Cour d'appel. On pourrait éliminer l'instance de la Cour du Québec pour les grosses causes et faire passer l'appel directement à la Cour d'appel, ce qui aurait pour effet de sauver du temps et de l'argent à tout le monde. Et, pour les petites causes, nous pourrions laisser un appel à la Cour du Québec puisque la loi prévoit déjà un appel de novo. Alors, le justiciable du bungalow, entre guillemets, pourrait toujours se faire entendre devant un juge de la Cour du Québec en faisant une nouvelle preuve. Ceci comblerait un souci d'efficacité et, évidemment, un souci économique également qui a été soulevé par nos prédécesseurs. Ça conclut ma part du mémoire. Il me fera, évidemment, plaisir de répondre à vos questions.

M. Sauvé: Pour conclure brièvement, en attendant la réforme promise sur l'ensemble des tribunaux administratifs, nous croyons, tel que nous l'avons indiqué dans notre mémoire, que certaines mesures peuvent être prises pour favoriser une plus grande efficacité dans le traitement des dossiers du Bureau de révision, tout en accordant aux membres de cet organisme un statut leur garantissant l'indépendance et l'impartialité nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci.

Le Président (M. Garon): Vous y allez comme ça. Il y a 20 minutes chacun.

M. Doyon: Oui. Merci. Je voudrais saluer les membres du Barreau et les féliciter pour le travail qu'ils ont fait. Ce sont sûrement des gens qui sont bien au fait des problèmes auxquels ils se réfèrent. Ils les vivent quotidiennement et leur mémoire est un exemple de clarté et de suggestions précises. Il est difficile d'être en désaccord avec eux sur la plupart des choses qu'ils proposent et, pour ma part, je souhaite vivement que des actions rapides puissent être prises qui rencontreraient les suggestions et les recommandations que vous y faites.

En ce qui concerne le processus de nomination, je pense que vous rejoignez ce que d'autres organismes ont dit, entre autres la Corporation professionnelle des évaluateurs agréés à qui je voulais poser la question tout à l'heure. Dans leur mémoire, ils sont assez clairs là-dessus. Je pense qu'on s'entend sur le fait que les gens qui siègent au Bureau d'évaluation devraient être des gens dont la compétence n'est pas mise en doute. Et il est essentiel - et je partage votre avis là-dessus - qu'il y ait un ou des avocats qui puissent disposer des questions de droit Ça m'apparaît évident et je pense que, de ce côté-là, le Barreau a parfaitement raison d'insister de cette façon-là, d'autant plus que, si on parle d'appel de piano devant la Cour d'appel, etc., c'est pratiquement nécessaire pour éviter des erreurs qui vont, de toute façon, devoir être corrigées par des cours supérieures.

J'aimerais avoir votre idée. Vous nous dites qu'une nomination pour sept ans serait satisfaisante, qu'un mandat de sept ans serait satisfaisant. Je regardais d'autres mémoires; la Chambre des notaires - et ce ne serait pas la première fois que le Barreau est en désaccord avec les notaires - suggère une nomination permanente. Vous autres, vous parlez de sept ans. Est-ce que vous seriez prêts à vous rallier? Est-ce que vous parlez de sept ans comme étant un minimum et qu'une nomination permanente vous paraîtrait encore meilleure, plus désirable ou si sept ans vous paraît un chiffre sur lequel vous insistez au point de vue mandat?

M. Masson: Oui, d'accord. M. le député, comme je vous l'ai souligné, dans un premier temps, au Barreau, lorsque le groupe de travail qui analysait l'ensemble des tribunaux administratifs nous avait posé la question, ce qui avait été proposé à ce moment-là, c'était la recommandation suivante: De calquer leur statut sur celui des juges de l'ordre judiciaire provincial, étant entendu que la permanence absolue est un objectif. Cependant, nous croyons - et c'est notre perception - à une certaine forme de consensus au Québec actuellement, dans l'ensemble du monde judiciaire. Je parle du Québec parce que la démarche d'analyse de l'ensemble des tribunaux administratifs se fait également par le Barreau canadien qui, lui, recommande la permanence vraiment absolue jusqu'à l'âge de la retraite. Mais, il nous apparaît que sept ans peut constituer une norme, enfin, disons une situation... Je parlais de compromis, mais au sens noble du terme, pas au sens péjoratif du terme. C'est bien ça.

M. Journet: Si vous me permettez, M. Doyon...

M. Doyon: Oui.

M. Journet: ...peut-être pour ajouter à ce que mon collègue vient de dire, le terme de sept ans est un terme de compromis, comme Me Masson vous le dit, mais il s'agit simplement peut-être d'ajouter dans le texte législatif que le membre est reconduit, sauf pour cause. Alors, évidemment, il est reconduit, mais, s'il y a une cause pour la non-reconduction, bien, il n'est pas reconduit.

J'aimerais, cependant, également attirer l'attention de cette commission sur un phénomène qui est relaté dans notre mémoire et sur lequel je ne veux pas m'étendre. Au Bureau de révision, vous avez actuellement deux classes de membres. Vous avez des membres fonctionnaires et vous avez des membres nommés pour un terme. Et ça a causé des problèmes jurispruden-tiels assez majeurs. Je sais que le Bureau de révision et plusieurs intervenants ont fait des démarches auprès de l'Assemblée nationale pour avoir des modifications à la loi et que ça n'a jamais été fait.

À mon avis, ce serait important qu'il n'y ait qu'une seule classe de membres au Bureau de révision. Actuellement, les tribunaux ont interprété le fait que les membres fonctionnaires ne pourraient entendre des causes émanant du gouvernement, des plaintes que le gouvernement fait ou que les organismes du gouvernement font pour le motif qu'ils seraient en conflit d'intérêts. À notre sens - nous vous l'avons souligné et je m'arrête là-dessus - il ne devrait y avoir qu'une classe de membres au Bureau de révision.

M. Doyon: Je pense que la remarque est fort à propos. On m'a déjà souligné cette anomalie-là et je pense que ça vaudrait la peine que des dispositions soient prises pour la corriger au plus vite. Quand vous parlez de relever le seuil des valeurs limites à 1 000 000 $ pour l'évaluation foncière et à 100 000 $ pour la valeur locative, est-ce que, de ce côté-là, vous ne craignez pas, pour les gens qui sont en région et qui se plaignent, souvent avec raison, disons-

le, qu'ils sont laissés pour compte et qu'ils sont dans l'obligation de faire moult pèlerinages à Québec et à Montréal, que ce soit lès obliger une fois de plus à constater que, finalement, ils ne sont que des appendices de Montréal et de Québec et que, pour avoir justice, ils sont obligés de se déplacer, etc? Je sais que le Bureau est ouvert et que les parties peuvent s'entendre, etc., mais est-ce que vous ne craignez pas que le reproche puisse être reçu de cette façon-là?

M. Journet: M. le député, il m'apparaît que je n'ai peut-être pas été clair dans la recommandation que j'ai soulignée tout à l'heure dans le mémoire du Barreau du Québec. La recommandation du Barreau est qu'il y ait une obligation, pour le BREF, d'aller en région pour entendre les causes de 0 à 1 000 000 $. Donc, la majorité de la population serait servie localement par le déplacement du BREF chez elle. Ce n'est que pour les grandes causes, du type Alcan à Jonquière, la Reynolds à Baie-Comeau et tout, que les auditions pourraient être faites à Québec ou à Montréal.

M. Doyon: Je comprends.

M. Journet: Les autres causes devraient être nécessairement entendues en région. Alors, nous suggérons, justement, que le palier soit élevé jusqu'à 1 000 000 $...

M. Doyon: O.K. Dans ce sens-là...

M. Journet: ...pour élargir, justement, les auditions en région.

M. Doyon: ...je vous suis parfaitement. Vous soulignez aussi l'anomalie considérable qui consiste dans le fait qu'il n'y a pas de véritable code de pratique, de règles de pratique connues, suivies, prévisibles et qui lient les gens qui se présentent devant le Bureau. C'est une anomalie considérable et il est même surprenant que ça ait persisté jusqu'à maintenant. D'ailleurs, vous dites, quand vous parlez de la Chambre de l'expropriation, qu'on pourrait lui emprunter une grande partie de ce qui existe.

En attendant que ce problème-là soit réglé, moi, je pense au contribuable modeste qui a une réclamation, à son point de vue bien fondée, et qui essaie de savoir comment s'y prendre, quel cheminement suivre pour présenter sa requête; est-ce que vous accepteriez, par exemple, que le greffier - un peu comme à la Cour des petites créances - serve de guide et soit un petit peu la personne-ressource sur laquelle le contribuable pourrait se reposer pour les causes, disons, genre bungalow, comme vous disiez tout à l'heure? Est-ce que c'est une solution que vous avez considérée ou que vous rejetez de première main?

M. Journet: Premièrement, on ne l'a pas considérée, mais vous m'amenez à la considérer actuellement. Alors, il faut que j'aille vite, eu égard au temps qui nous est donné. Ce que nous voyons dans les règles de pratique, ce n'est pas tellement quant à l'audition de la plainte elle-même devant le Bureau de révision, c'est tout le mécanisme préparatoire à l'audition: l'obligation d'échanger les rapports, de produire les rapports ou de déclarer que nous n'aurons pas de rapport, la façon dont le rapport doit être fait, à qui, en combien d'exemplaires il doit être fait. C'est la préparation de l'audition beaucoup plus que l'audition puisque, il faut en convenir, dans les petites causes où 99 % des plaignants ne sont représentés ni par un avocat ni par un évalua-teur, le Bureau de révision siège vraiment en tribunal administratif et de conciliation bien plus qu'en tribunal judiciaire ou quasi judiciaire. L'audition n'est pas la même dans les petites causes, ça, c'est évident. Alors, ce n'est pas quant à l'audition elle-même, M. Doyon, que nous croyons que les règles de pratique devraient s'appliquer. C'est plutôt quant à la préparation et au cheminement du dossier.

M. Doyon: L'inquiétude qu'on peut avoir devant l'établissement de règles de pratique strictes et bien codifiées, bien encadrées, c'est que ça peut alourdir le processus. Les gens peuvent se retrouver dans un labyrinthe de règles un peu compliquées, un peu difficiles à suivre. De ce côté-là, je voudrais savoir, selon l'expérience qu'il y a avec la Chambre de l'expropriation, est-ce que les choses se passent normalement? Est-ce que c'est compliqué? À votre connaissance, est-ce que les gens se démêlent facilement là-dedans ou si ça prend des experts pour savoir comment s'y prendre?

M. Journet: Évidemment, je suis peut-être le cordonnier qui doit répondre... Évidemment, je suis partie; pour moi, c'est simple. Je n'ai jamais entendu parler de problèmes relatifs à la Chambre de l'expropriation, découlant des règles de pratique. Au contraire, les règles de pratique ont pour effet de mettre tout le monde sur le même pied. La règle est connue et elle s'applique à tout le monde alors qu'actuellement c'est la jungle, il n'y en a pas de règle. (11 h 30)

Vous entendrez demain les membres du Bureau de révision en commission parlementaire ici. Je présume que ce sera le président du Bureau de révision qui viendra. Je sais, pour en avoir discuté avec lui, qu'il était surpris qu'on fasse la recommandation sur l'adoption de règles de pratique puisqu'il croyait que ce n'était pas le voeu du Barreau de se voir imposer un carcan administratif. Au contraire, le Barreau le souhaite. Alors, je pense que le Bureau de révision ne sera pas contre. Au contraire, ils étaient un peu surpris qu'on le demande.

M. Doyon: Je pense que vous étiez ici quand la Corporation professionnelle des évalua-teurs agréés a expliqué que l'évaluation, évidemment, ce n'était pas une science exacte - je pense qu'on s'entend là-dessus - ça dépend du marché, ça dépend des circonstances, ça dépend de la conjoncture, ça dépend d'un nombre considérable de facteurs. Comment réagissez-vous à leur suggestion concernant le 5 % en moins, en plus, qui pourrait être une façon pour le Bureau de révision de dire que l'évaluation, finalement, a été bien faite? Quand on n'est pas à 5 % près, on ne peut pas jeter la pierre beaucoup à l'évaluateur. Comment réagissez-vous à ça?

M. Journet: M. Doyon, vous me demandez d'être juge de mes prédécesseurs, de leur mémoire et que je vous dise ce que j'en pense.

M. Doyon: Oui.

M. Journet: Je suis dans une drôle de position. Cependant, je leur répondrais ceci s'ils étaient encore présents. J'ai été un petit peu surpris de ces remarques-là puisque le Bureau de révision a discrétion actuellement pour décider si la cause est préjudiciable ou non. C'est évident que le principe du 5 %, c'est un principe qui a été admis dans la jurisprudence, qui a été amené par la jurisprudence, et le législateur a cru bon de laisser au Bureau de révision le soin de décider ce qui était important et ce qui ne l'était pas quant à l'application du 5 %. 5 % de 100 000 000 $, multiplié par un facteur de taxes de 2 $, ça peut faire des chiffres comme 125 000 $ de taxes, plus les intérêts. 5 % de 75 000 $, ça peut faire 37 $ de taxes. Évidemment, je pense que le pouvoir discrétionnaire qu'a le Bureau de révision dans l'application du 5 %, à mon avis, devrait demeurer tel qu'il est. Il est évident que, pour des évaluateurs municipaux, si le législateur disait qu'il n'y a pas de 5 % et qu'il ne pourrait pas intervenir si le différentiel était de 5 %, ça occasionne beaucoup de limite dans les débats, mais je pense que les tickets modérateurs qui ont été imposés par M. Léonard, lorsqu'il était ministre, et qui ont été augmentés de beaucoup récemment... Vous savez qu'une plainte en haut de 1 000 000 $, ça coûte 500 $ actuellement et le contribuable paie de 20 $ à 100 $. Alors, les tickets modérateurs augmentaient. Ça a eu pour effet de restreindre énormément les plaintes devant le Bureau de révision. Nos collègues, les évaluateurs, vous l'ont dit tout à l'heure. Moi, je pense que le Bureau de révision doit continuer d'appliquer sa discrétion sur le 5 %.

M. Doyon: II ne vous apparaît pas y avoir de problèmes considérables de ce côté-là?

M. Journet: Ça arrive fréquemment que les plaintes sont rejetées pour le motif que le différentiel n'est pas assez grand.

M. Doyon: Dans votre mémoire, vous ne pouviez, évidemment, pas toucher à tous les sujets. Il y a une question et j'aimerais avoir votre idée sans vous prendre au dépourvu. Est-ce que vous pensez que les contestations où le gouvernement est partie devraient faire l'objet d'une procédure particulière ou si on devrait procéder normalement sans rien de spécial? Comment voyez-vous ça?

M. Journet: Écoutez, je ne sais pas pourquoi vous me posez la question à moi directement. Il est évident que j'ai eu l'occasion depuis de nombreuses années, tant sous l'ancien gouvernement que sous le gouvernement actuel, de représenter le gouvernement dans des contestations. Je ne sais pas si c'est ce que vous visez, mais je peux vous dire qu'autant pour la SIQ que pour la SHQ ou les autres les règles sont exactement les mêmes que pour les contribuables ordinaires et je ne vois pas pourquoi il en serait autrement.

M. Doyon: Ça n'a pas besoin d'être changé. Je vous pose la question tout simplement parce qu'il y a d'autres mémoires qui font état de problèmes que ça causerait et je voulais avoir votre idée lors de votre passage.

M. Journet: Écoutez, je ne suis pas législateur, mais, puisqu'il a été décidé que le gouvernement paierait ses taxes comme tout citoyen, je pense que le gouvernement à ce moment-là doit être traité également, c'est-à-dire que les propriétés du gouvernement doivent être traitées comme celles de tous les autres citoyens.

M. Doyon: D'accord. L'autre chose que je voudrais porter à votre attention, on le mentionnait tout à l'heure, c'est que l'évaluateur municipal a un pouvoir de correction de son évaluation par ce qui s'appelle une correction d'office ou une adjudication sommaire. Comment réagissez-vous en tant qu'avocat à cette façon que peut avoir l'évaluateur de corriger son tir, de se reprendre, de se donner une deuxième chance? Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?

M. Journet: Oui, M. Doyon. La correction d'office doit se faire avant que le rôle entre en vigueur, entre le 15 septembre et le 1er janvier. Si la correction d'office est préjudiciable au contribuable parce que l'évaluateur, à titre d'exemple - ce n'est pas juste corrigé à Ja baisse, ça peut être corrigé à la hausse - décide qu'ils ont manqué leur coup, qu'ils ne l'ont pas assez évalué, le contribuable peut toujours se plaindre de la correction d'office. Après le 1er janvier, lorsque le rôle est entré en vigueur, si le contribuable et la municipalité s'entendent pour corriger le rôle, on va en adjudication

sommaire, il y a donc accord des deux parties. Je trouve que c'est un mécanisme extraordinaire qui a été amené par le gouvernement et qui a eu pour effet de réduire d'au moins 50 % les auditions devant le BREF. Alors, ça ne cause pas de préjudice, parce que l'évaluateur qui corrige le rôle proprio motu, correction d'office, et le contribuable peut toujours se plaindre.

M. Doyon: Donc, vous n'avez pas de réserve là-dessus.

En ce qui concerne les recours en appel, vous en avez dit un mot tout à l'heure, je pense que ça serait une façon de résoudre le problème. Est-ce que, finalement, à votre connaissance, il y a beaucoup de causes qui émanent du Bureau de révision et qui se retrouvent à la Cour d'appel, par exemple? On parle des gros montants.

M. Journet: Je ne connais pas le pourcentage, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que les causes qui vont en appel à la Cour du Québec, en général, les juges n'y sont pas très favorables parce qu'ils n'y connaissent pas grand-chose. Ils le disent, le tribunal de première instance, c'est le tribunal qui est spécialisé; ils n'interviennent pas. Les causes qui vont en appel, ce sont les grandes causes, les causes de grand principe qui impliquent des sommes importantes d'argent puisque aller à la Cour d'appel, vous le savez tous, ça coûte des fortunes.

M. Doyon: Parce que les causes qui sont présentées de novo devant la Cour du Québec, finalement, c'est minime, il n'y en a à peu près pas.

M. Journet: II y en a, mais disons que la Cour du Québec n'encourage pas beaucoup l'appel devant cette instance.

M. Doyon: Bon. Alors, je vous remercie. Je pense qu'on a fait le tour, ça a été extrêmement intéressant. C'est un bon mémoire qui éclaire toute la question et, venant du Barreau, évidemment, ça vaut la peine de le prendre en sérieuse considération. C'est ce que j'avais à dire, M. le Président,

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Merci, M. le Président. D'abord, nous aussi, on doit vous féliciter de la teneur du mémoire comme de la façon dont vous l'avez présenté. Ceci m'amène à vous poser la question suivante. Le rapport Ouellette sur les tribunaux administratifs, qui a été déposé il y a quelques années, semble assez précis concernant les règles d'impartialité, la durée des mandats, etc., concernant la situation des juges, le choix des ordres judiciaires ou administratifs. Comment expliquez-vous qu'après autant d'années que ce rapport-là a été déposé il n'a pas eu de suite? Dans le fond, ça me semble clair. Je pense que, tout à l'heure, Me Journet s'est inscrit dans une démarche qui ne correspond pas à celle que vous proposez. J'y reviendrai tout à l'heure. Comment expliquez-vous qu'au gouvernement il n'y ait pas de suite à ça? Des affaires qui sont aussi évidentes, il me semble que c'est logique qu'on les applique.

M. Sauvé: Oui, mais il faut d'abord prendre conscience du fait qu'il y a des sous qui devront être déboursés éventuellement si l'on veut renforcir le statut des membres des tribunaux administratifs, des décideurs en droit. Forcément, si on veut leur accorder une meilleure sécurité d'emploi, ça implique aussi une perte de contrôle de ces personnes-là par les divers ministres ou les divers responsables des ministères qui ne veulent pas perdre nécessairement le contrôle de l'application de leurs politiques et de leurs règles de droit.

M. Dufour: Quand vous parlez des contrôles, vous parlez des contrôles politiques, j'imagine, plutôt que des contrôles...

M. Sauvé: Contrôle de l'application de certaines politiques générales ou des orientations de divers ministères. Alors, c'est évident que, dans la mesure où on accorde une plus grande sécurité d'emploi, une plus grande indépendance, il y a un contrôle là qui prend une "débarque". Ce sont là des facteurs de fait qui nous semblent expliquer peut-être un certain retard dans l'adoption d'une réforme généralisée sur les tribunaux administratifs.

M. Dufour: Est-ce qu'à votre connaissance, actuellement, il y a eu des nominations où les gens n'étaient ni avocat, ni notaire, ni évalua-teur pour le Bureau de révision de l'évaluation foncière?

M. Journet: M. Dufour, les dernières nominations, ils étaient tous membres de ces corporations-là, sauf qu'antérieurement, oui, il y en a eu. On parle, évidemment, dans le tout début du Bureau de révision, dans les années soixante-dix. À ce moment-là, ce n'étaient pas tous des membres. Depuis les dernières années, disons, à ma connaissance depuis 1980, il n'y a pas eu de nomination de personnes qui n'étaient pas membres des trois corporations que vous venez de nommer.

M. Dufour: Quand vous parlez de nomination des membres du Bureau, est-ce qu'il y a des gens qui sont à temps partiel, qui sont "partiels", et d'autres qui sont permanents? Il y a double statut. Quand ils sont nommés à temps partiel, tantôt ils pourraient être du bord de la pratique privée, tantôt du bord gouvernemental. Comment

conciliez-vous la façon de fonctionner de ces gens-là? Dans votre expérience, comment cela se présente-t-il?

M. Journet: Bien, ceux qui sont nommés à temps partiel, entendons-nous, c'est temps partiel par rapport à une permanence à vie. Alors, le temps partiel actuellement, c'est ceux qui sont nommés pour cinq ans, c'est ceux qu'on appelle les "partiels", nonobstant le fait que la loi dit qu'ils sont nommés en permanence. Ils sont "partiels", ils sont nommés pour cinq ans. Il y a une dichotomie dans la loi. Il y a les autres, qui sont les fonctionnaires, qui, eux, évidemment, sont envoyés au Bureau de révision, ils sont nommés là, ce sont des fonctionnaires. Le terme le dit, ils ont la permanence. À notre avis, cette distinction-là ne devrait pas perdurer puisque les tribunaux ont interprété ou ont décidé que les fonctionnaires ne pouvaient pas entendre les causes du gouvernement, à titre d'exemple, parce qu'il y avait un conflit d'intérêts apparemment. Ce qu'on vous souligne, c'est que ceux qui sont temporaires nommés pour cinq ans, on s'imagine que le commissaire qui est nommé pour cinq ans, qui est dans sa quatrième année et qui entend une cause très importante pour le gouvernement, lui, il a un intérêt bien plus qu'un fonctionnaire à faire gagner le gouvernement. Alors, le principe qu'on essaie de protéger se retrouve, justement, a contrario, pas protégé. À notre sens, ça paraît une aberration, ça.

M. Dufour: Tout à l'heure, vous avez soulevé le point qu'il n'y avait pas d'objection à ce qu'un tribunal, des gens nommés par le gouvernement jugent des questions en litige amenées par le gouvernement. J'avais soulevé, il y a cinq ans environ, cette hypothèse à l'effet qu'au point de vue de la justice, dans les faits, je pourrais peut-être constater que vous avez possiblement raison, mais il y a aussi l'apparence de justice qu'il faut appliquer. Donc, moi, ça me semblait une anomalie que des juges, des gens nommés par le gouvernement jugent des causes gouvernementales. Ça pouvait donner l'apparence que la justice était moins transparente par rapport à ça. Vous nous dites: Bien, par expérience, ça ne représente pas d'anomalie et, pourtant, votre corporation dit que les juges devraient être nommés permanents. Ça fait que!

M. Journet: C'est au même sens que les juges des tribunaux civils. On prend l'exemple d'un juge de la Cour du Québec, il peut être appelé demain matin à décider d'une question de taxation...

M. Dufour: Ils sont nommés à vie.

M. Journet: ...une question gouvernementale. Il est nommé à vie.

M. Dufour: À vie, c'est ça.

M. Journet: c'est pour ça qu'on suggère peut-être d'avoir une seule classe. là-dessus, peut-être que me masson aurait quelques commentaires.

M. Masson: Oui, si vous me le permettez, M. le Président, M. le député. Encore une fois, cette préoccupation-là n'est pas unique au Bureau de révision et n'est pas propre au BREF. Pour résoudre la problématique, je répondrais de la façon suivante. Le problème en ce qui concerne l'indépendance ne se situe pas uniquement au niveau de la nomination, mais au niveau du renouvellement des mandats. Évidemment, il y a l'option idéale qui est la permanence à vie, mais il y a aussi le processus de renouvellement des mandats qui doit accorder aux membres des tribunaux administratifs, qu'il s'agisse du BREF ou des autres tribunaux, un forum ou un recours pour, encore une fois, protéger le renouvellement plutôt que de l'assujettir à ce que l'on doit appeler non pas la discrétion gouvernementale, mais l'arbitraire, puisqu'il n'y a absolument pas de règle qui gouverne cela. On a même des cas - ce n'est pas propre au BREF, encore une fois, mais ce n'est pas impossible que ça arrive - où on a des membres des tribunaux administratifs qui siègent alors que leur mandat est terminé et qui sont tenus dans l'ignorance de leur sort. Alors, vous comprenez que ce genre de situation n'est pas souhaitable dans une saine administration de la justice administrative. Évidemment, le problème ne se pose pas pour les tribunaux dits judiciaires; nous le savons, les membres en sont nommés à vie.

Donc, pour résoudre le problème, ce n'est pas uniquement au niveau de la nomination, laquelle doit être transparente - mais, évidemment, c'est le gouvernement qui nomme - mais c'est également au moment du renouvellement ou de la terminaison des mandats où, là, on doit prévoir des mécanismes et, actuellement, il n'y en a pas, ni au BREF ni dans bien d'autres tribunaux administratifs, encore une fois. (11 h 45)

M. Dufour: Est-ce que vous tenez absolument, pour la nomination des juges, à ce qu'on procède par la méthode de recrutement qui est acceptée pour les juges à la Cour provinciale?

M. Masson: Dits judiciaires. M. Dufour: Oui.

M. Masson: Non. Mais il y a une série de modulations qui peuvent être faites. L'important, je pense, c'est qu'il y ait une certaine transparence dans le processus de nomination, qu'il y ait des listes de personnes qui sont susceptibles d'être nommées, que les corporations professionnelles impliquées puissent donner une apprécia-

tion sur ces personnes-là. Enfin, bref, il y a un processus qui est possible, raisonnablement accessible et raisonnablement utilisable, je pense.

M. Dufour: O.K. Merci. Il y a la question au point de vue territorial. On parle des causes de 100 000 $ pour la valeur locative et de 1 000 000 $ pour l'évaluation foncière. Actuellement, je sais que le BREF peut se transférer ou aller d'un endroit à un autre; il peut décider d'amener ça à Québec ou à Montréal. Vous avez dit que, pour les grosses causes, il n'y a pas trop de problème. Moi, je vais vous répondre que, pour une municipalité qui déplace tous les dossiers d'un endroit, avec tous les fonctionnaires que ça implique, ça augmente les coûts d'une façon pas mal curieuse.

En tout cas, dans la cause que vous avez rappelée tout à l'heure, et je ne l'ai pas soulevé, qui s'appelait Jonquière versus Alcan, ça prenait un camion pour apporter les preuves, les dossiers, et ça voulait dire sept à huit fonctionnaires, pension et tout payé à l'hôtel par la municipalité. C'était peut-être entre 10 000 $ et 15 000 $ par jour. Il y avait pas mal d'argent en cause là-dedans. Je me demande si, dans des causes comme ça, c'est correct qu'on dise: Ça pourrait aller ailleurs. Parce qu'il y a aussi une façon pour le contribuable - en supposant que ce soit couru et qu'il y ait des gens qui assistent, c'est public, ça - pour les gens qui sont dans la place d'aller voir si les gros sont traités comme les petits, de quelle façon c'est fait. Il y a peut-être un avantage à ce que ça se discute en région. Et, quand ça va à l'extérieur de la région, il y aurait peut-être un mécanisme quelconque à trouver, à savoir si les intervenants sont d'accord ou pas, parce qu'il y a des coûts importants.

Je comprends si vous me parlez de Baie-Comeau, il y a des coûts tellement grands d'un bord comme de l'autre que ça ne fait peut-être pas grand-chose que Baie-Comeau vienne discuter à Québec ou à Montréal, par rapport à Baie-Comeau, mais, pour Jonquière, ça représentait un coût assez important.

À cette heure, dans ces causes-là - je n'en soulèverai pas non plus la pertinence - est-ce que vous croyez qu'une personne seule qui siège sur des causes qui dépassent un certain montant, c'est correct par rapport au processus?

M. Journet: Définitivement pas, j'allais dire M. le président. Je me souviens trop de vous comme M. le président.

M. Dufour: Oui, oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: C'est du passé, ça.

M. Journet: Définitivement pas. D'ailleurs, dans ces dossiers-là, je peux vous dire que le Bureau de révision siège maintenant à cinq membres. Je sais à quoi vous faites référence. Oui, à l'époque, on siégeait à un membre ou on pouvait siéger à un membre. C'est une aberration. Ça fait peut-être partie, justement, des améliorations que le Bureau de révision a apportées. Actuellement et dans les causes importantes comme ça, il ne siège pas à trois membres, il siège à cinq membres.

De toute façon, la loi prévoit que les questions de droit doivent être décidées par un membre avocat ou notaire, puis il y avait toujours un évaluateur. C'était deux. Il y avait eu une amélioration. Ils étaient passés à deux, mais maintenant ils siègent à cinq membres.

M. Dufour: Mais le fait de transporter la cause dans un endroit ou un autre?

M. Journet: O.K. Alors, sur ce point-là, M. Dufour, vous avez parfaitement raison. Ce que le Barreau du Québec suggère, c'est qu'à tout le moins le Bureau de révision soit obligé d'aller en région jusqu'à 1 000 000 $. Actuellement, ce n'est pas ça. Actuellement, c'est vraiment pour les petites causes qu'ils doivent aller en région. Pour le reste, ils ne sont pas obligés d'aller en région. On dit: Étendons le plus possible actuellement l'obligation du Bureau de révision d'aller en région, au moins jusqu'à 1 000 000 $. Le mémoire ou les questions qui nous avaient été soumis par votre commission parlementaire suggéraient 500 000 $. On dit: Allez au moins à 1 000 000 $.

Maintenant, je sais par expérience également que le Bureau de révision est toujours d'accord et se plie toujours aux volontés des parties. Alors, dans une cause à Jonquière de l'importance de celle que vous avez mentionnée à titre d'exemple, si les parties avaient voulu procéder à Jonquière, j'ai bien dit les parties, les deux, le Bureau de révision y aurait été avec plaisir.

M. Dufour: II fallait qu'ils soient d'accord.

M. Journet: ah bien oui! il fallait qu'ils soient d'accord, parce que la loi prévoit actuellement une limite pour que le bureau de révision aille en région.

M. Dufour: Je vais m'informer. J'aurais d'autres questions, bien sûr, à poser, mais mes collègues ont manifesté le désir de continuer.

Le Président (M. Garon): bien, en vertu de la règle de l'alternance, il reste à peu près trois minutes au parti ministériel. m. le député de dubuc.

M. Morin: M. le Président, vous me permettrez de revenir à la charge sur l'aspect d'impar-

tialité et d'indépendance des membres du tribunal. Mon collègue de Jonquière vous a questionnés un petit peu là-dessus. En réponse à ses questions, vous avez mentionné qu'il fallait voir cette recommandation-là, qui veut qu'on apporte des mesures pour garantir l'impartialité et l'indépendance des membres, un peu comme une recommandation pour l'ensemble des tribunaux administratifs.

Mais, en ce qui nous concerne, en ce qui touche le Bureau, le BREF, est-ce qu'il faudrait comprendre que votre recommandation est inspirée par des situations ou des causes qui auraient pu peut-être laisser transparaître un certain malaise ou si c'est inspiré uniquement par une question de principe de garantir, évidemment, l'indépendance et l'impartialité, qui est un principe qui peut être revendiqué dans tous les tribunaux? Parce que, on l'a mentionné, il y a quand même des contestations au niveau des gouvernements où, étant juge et partie, il y a quand même beaucoup de questionnement qui se fait du moins de la part du monde municipal. Alors, voilà.

M. Masson: II est très clair, M. le député, que l'intervention du Barreau ce matin est une intervention au niveau du principe, qu'à notre connaissance, encore une fois, il n'y a pas eu d'enquête de faite et ce n'était pas, d'ailleurs, le but de notre comité de travail. Il n'y a pas eu d'enquête de faite, mais notre intervention doit être perçue comme une intervention au niveau du principe, premièrement. Deuxièmement, le rappel, si l'on veut, de l'existence de la problématique plus globale nous apparaissait approprié parce que, évidemment, le Bureau de révision est un tribunal d'une grande importance dans l'ensemble du monde quasi judiciaire au Québec. Il a, d'ailleurs, été perçu comme ça par le groupe de travail des comités. Donc, on ne pouvait pas ignorer cette préoccupation-là en ce qui concerne le Bureau de révision, mais nous n'avons pas d'exemple et notre mémoire ne se veut pas même une mise en doute de cas où ça aurait pu se produire. Notre intervention est vraiment au niveau du principe, c'est-à-dire qu'il nous apparaît sain tant vis-à-vis des justiciables que pour l'ensemble, et pour le législateur, que le renouvellement des mandats soit une procédure transparente et claire pour tout le monde. Mais c'est au niveau des principes. Ça, c'est très clair.

M. Morin: Maintenant, comme exemple plus précis. .

M. Masson: Oui.

M. Morin: ...je sais que vous ne voulez pas aller plus loin, concernant toutes les contestations de la Société d'habitation du Québec qui se sont faites de façon systématique au cours des dernières années, vous ne seriez pas prêts à extrapoler ou à avancer qu'il puisse y avoir un malaise ou, en tout cas, disons, une partialité potentielle...

M. Masson: Oui, et d'ailleurs si...

M. Morin: ...sinon réelle parce que, évidemment, le tribunal devient juge et partie.

M. Masson: Cette préoccupation-là, elle est constante, elle est sous-jacente partout. Elle s'exprimait, encore une fois, de la façon suivante dans le rapport Ouellette et je vais vous en citer un extrait 1o the point". On parle des juges administratifs. Je cite donc: "Ces derniers n'ont pas la même sécurité d'emploi et l'on peut soupçonner, à tort ou à raison, qu'étant dans les faits nommés dans la très grande majorité des cas par le ministre responsable de l'organisme, ils peuvent être sensibles à son influence. Or, la juridiction conférée aux tribunaux administratifs les amène souvent à rendre des décisions affectant le Trésor public ou susceptibles de contrarier le gouvernement." Fin de la citation. C'est donc en ces termes-là que s'exprimait le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs. Il exprimait, dans le fond, dans ces termes-là cette préoccupation que vous manifestez au niveau toujours des apparences de justice et au niveau des garanties.

Maintenant, concrètement dans ce cas-là, j'aimerais proposer à Me Journet de compléter.

M. Journet: Je sais, M. le député de Dubuc, que c'est un sujet qui a fait l'objet de nombreux débats, surtout au sein de l'UMQ, entre autres, au congrès de l'UMQ. Pour avoir été l'un des avocats de la Société d'habitation du Québec, je peux vous dire que le principe de base a été établi dans la cause de Saint-Jean d'fberville et, une fois que le Bureau de révision a rendu sa décision et que ça a été confirmé par les tribunaux d'appel, les tribunaux d'appel ont décidé de la méthode d'évaluation. Ils ont confirmé le Bureau de révision et la Société d'habitation, après ça, a passé à travers la province pour appliquer le principe d'évaluation.

C'est le principe, au départ, qui avait été appliqué peut-être par la Direction générale de l'évaluation, je n'en sais rien. Mais les immeubles de la Société d'habitation avaient été évalués par une certaine méthode et les tribunaux ont dit: Non, ce n'est pas la bonne méthode. Et ça a été confirmé jusqu'en appel. Et, après ça, évidemment, c'est comme un jeu de quilles, tout en a déboulé.

M. Morin: C'est ça. Voilà. M. Léonard: M. le Président...

Le Président (M. Garon): II vous reste à peu près une minute et demie.

M. Léonard: O.K. Merci. Bonjour. Je voudrais vous ramener à la page 6 de votre mémoire, au dernier paragraphe: "Pour les fins de la nomination des membres du BREF, on pourrait, par exemple, constituer un organisme ou un comité formé de représentants du Barreau et de la Corporation des évaluateurs." Je m'interroge si le Barreau doit avoir l'exclusivité avec la Corporation des évaluateurs de proposer des noms au gouvernement. Il me semble que vous allez loin. Au paragraphe précédent, je vois très bien que vous faites une analogie avec ce qui est fait dans le cas des juges. Mais, là, ce sont des représentants du Barreau et de la Corporation des évaluateurs. Je trouve ça gros. Commentaires.

M. Masson: Commentaires. Disons que ce n'était certainement pas le but de ce passage-là, de lui donner une portée limitative en ce que c'était exclusif. Ça ne me semble pas...

M. Journet: On pourrait ajouter les notaires.

M. Léonard: Non, non, je regrette, ce n'est pas ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Léonard: Le principe, c'est celui-ci: est-ce que les ordres professionnels vont se mêler de constituer des comités de nomination? Il me semble que, là, on déborde de beaucoup les prérogatives de ces ordres-là.

M. Masson: Oui, d'accord. Je crois que ça peut certainement être... Encore une fois, l'objectif de ce passage-là n'était pas de... On ne donnait pas à ce passage-là la rigueur que vous lui donnez. C'était, en tout cas, à tout le moins, certainement au niveau de la consultation et des propositions, mais ce n'était pas exclusif dans notre esprit, je ne le pense pas.

M. Léonard: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président, je voudrais tout simplement remercier le Barreau du Québec qui nous a présenté son mémoire. Je pense que votre mémoire et les remarques qu'on y retrouve sont valables dans la mesure où le bureau de l'évaluation et le gouvernement trouveront des accommodements pour pouvoir tenir compte des remarques que vous faites.

Je vous remercie de votre présence ici ce matin et j'espère que ça se traduira par des améliorations au bureau de l'évaluation foncière. Finalement, c'est le but recherché. Si nous sommes capables d'améliorer le processus et, en même temps, d'améliorer les décisions du bureau de l'évaluation, je pense que nous aurons atteint les buts poursuivis. Alors, je vous remercie de votre participation.

Le Président (M. Garon): Merci. Pour le mot de la fin, il reste 30 secondes à l'Opposition.

M. Léonard: Je voudrais remercier les membres du Barreau qui sont ici et je voudrais juste leur poser une question, à savoir s'ils sont d'accord avec l'énoncé ou la notion de présomption de validité qui a été exposée par les évaluateurs tout à l'heure. Est-ce que ce n'est pas, en soi, implicite que des évaluateurs font un travail, puis que c'est valide en principe? On ne doit pas partir du principe que ce n'est pas valide. Donc, je ne vois pas pourquoi on en rajoute là-dessus. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qu'ils demandent?

M. Journet: La présomption de validité est reconnue par les tribunaux, on a toujours vécu avec...

M. Léonard: Bien oui.

M. Journet: ...et, depuis 20 ans, on ne se pose même plus la question. c'est une technique qui est reconnue devant le bureau de révision et, en matière de fiscalité municipale, il y a une présomption que le rôle déposé est valide. c'est au plaignant de remonter la côte et de prouver qu'il y a une erreur.

M. Léonard: Bien, il me semble qu'on enfonce une porte ouverte.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les membres du Barreau d'être venus nous rencontrer, nous, les membres de la commission. Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président (M. Garon): Nous reprenons les travaux de la commission de l'aménagement et des équipements. J'invite immédiatement les représentants de la Communauté urbaine de Montréal, avec M. Michel Lemay, qui est président de la Commission permanente de l'administration et des finances, à venir nous retrouver avec ceux qui l'accompagnent. Je vous rappellerai que vous avez une heure: normalement, 20 minutes pour exposer votre point de vue; 20 minutes, ensuite, d'interrogation par le parti ministériel; 20 minutes par l'Opposition officielle. Ce que vous prendrez en plus sera soustrait respectivement; ce que vous prendrez en moins sera ajouté. Maintenant, si vous voulez, M. Lemay, présenter les gens qui vous accompagnent

et nous présenter votre mémoire, votre exposé. Communauté urbaine de Montréal

M. Lemay (Michel): D'accord, M. le Président. Je vous remercie de nous accorder l'opportunité d'intervenir auprès de votre commission. Je salue les membres de la commission. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Gilles Racicot, à votre droite, qui est le directeur du service d'évaluation, et de M. Jean Bélanger, à votre gauche, directeur adjoint du service d'évaluation.

Pour la Communauté urbaine, le Bureau de révision est, effectivement, un tribunal Important puisque notre service consacre énormément d'énergie à la défense des valeurs qui sont contenues aux rôles d'évaluation de la Communauté et, pour vous donner une idée de ce que représente la tâche du service et ses liens avec le Bureau, je vous donne en vrac quelques chiffres significatifs. Le service d'évaluation a la responsabilité de gérer les rôles d'évaluation de 29 municipalités, toutes celles de l'île de Montréal. Le parc immobilier que ça représente est de près de 400 000 immeubles, pour une valeur totale d'au-delà de 100 000 000 000 $ d'évaluation. Le service comme tel a un budget annuel de 23 000 000 $ et un peu plus de 300 employés y travaillent.

Plus particulièrement, pour ce qui concerne vos travaux, au chapitre des plaintes et, donc, des relations avec le Bureau de révision, les statistiques sont aussi importantes, même si on aimerait qu'à chaque fois elles le soient moins, évidemment. Ainsi, par exemple, pour les rôles annuels de 1988 et 1989, le volume de plaintes a atteint respectivement au-delà de 16 400 et 13 400 plaintes. C'est près de 50 % des plaintes qui sont traitées par la section Montréal du Bureau de révision. Le coût qui est attribuable à la gestion de ces plaintes dans notre service représente près de 30 % du budget de 23 000 000 $, ces sommes servant à couvrir le temps consacré par notre personnel, nos évalua-teurs à la préparation et à la défense des valeurs devant le BREF et également pour les honoraires professionnels versés en services juridiques externes ou en services techniques et services d'experts. Alors, ces quelques chiffres vous donnent un peu l'importance de ce que constitue la gestion des plaintes chez nous.

Notre propos aujourd'hui est regroupé sous quatre grandes sections, si je peux dire, soit la nomination des membres du BREF, quelques remarques sur les procédures dans le cas des plaintes résidentielles, la même chose pour les procédures dans le cas des plaintes non résidentielles et, finalement, une dernière section sur les relations entre la Communauté et le Bureau de révision.

Pour ce qui est de la nomination des membres du Bureau, les dispositions actuelles de la loi sur la fiscalité nous apparaissent satis- faisantes. La permanence qui existe des membres est une dimension qui nous apparaît essentielle à la constitution d'un groupe compétent, compte tenu de la complexité des causes qui sont entendues et de l'impact financier important des décisions du Bureau.

La complexité des causes devant le Bureau tend à s'accroître à travers les années et cette situation amène, de plus en plus les tribunaux supérieurs à ne pas s'immiscer ou à s'immiscer de moins en moins dans les dimensions propres strictement à l'évaluation. On constate, à la lecture des jugements des tribunaux supérieurs, une reconnaissance explicite de leur part du Bureau sur les dimensions techniques des causes. Règle générale, effectivement, les tribunaux supérieurs ont tendance, de plus en plus, à se limiter aux questions de droit en matière d'appel, considérant que le volet technique a été amplement examiné lors de l'audition en première instance. Alors, on comprend donc l'importance de s'assurer que les membres du Bureau puissent jouir d'une compréhension en profondeur du volet technique des causes, compte tenu que leur décision fait l'objet d'un préjugé favorable de la part des juges des tribunaux supérieurs pour ces dimensions strictement techniques.

L'impact financier des causes entendues aussi étant majeur, il commande une expertise que la permanence de la nomination facilite ou garantit même. À titre d'exemple, pour les rôles triennaux de 1989, les valeurs en plaintes chez nous représentaient quelque 16 400 000 000 $, c'est-à-dire environ 18 % des valeurs aux rôles. Là, il est important de comprendre que le nombre d'unités d'évaluation qui faisaient l'objet d'une plainte à ce rôle n'était que de 3 %. Seulement 3 % des unités d'évaluation faisaient l'objet d'une plainte, mais la valeur de ces unités d'évaluation correspondait à 18 % de la valeur totale du rôle. C'est donc dire que les plaintes se situent surtout, d'abord, sur des immeubles ayant une très grosse valeur.

L'analyse que l'on fait des décisions du Bureau indique, en moyenne, une baisse de 17 % des valeurs qui étaient inscrites pour ces immeubles en plaintes. Ces décisions nous permettent d'estimer que, sur l'assiette foncière des 29 municipalités, ça représente une baisse annuelle de 1 000 000 000 $ de valeurs et ça a donc pour effet d'engendrer des remboursements de taxes et d'intérêts qui peuvent atteindre jusqu'à 40 000 000 $ annuellement. C'est donc dire que l'impact financier des décisions est majeur et non pas secondaire pour notre territoire et l'ensemble des municipalités.

C'était d'autant plus vrai dans les dernières années, lorsque le Bureau a rattrapé, en bonne partie, un retard important qui s'était accumulé dans les plaintes non résidentielles antérieures à 1989. À titre d'exemple, on vous indique que, pour l'audition d'une plainte relative au Grand Hôtel, qui n'est qu'un cas, pour les années 1982

à 1989, pour une longue période, le jugement rendu au BREF se traduisait dans les faits par un remboursement en taxes et en intérêts de 17 000 000 $ par la ville de Montréal à ce contribuable. Cette cause est actuellement en appel.

Alors, ces données montrent la lourde responsabilité qui incombe au Bureau de révision et à ses membres, et, donc, l'importance de pouvoir nous adresser à un tribunal dont la compétence ne peut être mise en doute. Et le caractère permanent de la nomination nous apparaît être un élément essentiel en ce sens pour qu'il puisse développer, à travers les ans, le maximum d'expertise.

En corollaire à cette permanence, nous avons tendance à souscrire à la procédure qui a été proposée par le groupe de travail sur les tribunaux administratifs, le rapport Ouellette, qui prévoyait la confection d'une liste de personnes déclarées aptes à être nommées pour combler les postes, pour assurer une relève de façon permanente et constante.

Pour ce qui est des procédures devant le Bureau de révision dans le cas des plaintes résidentielles qui concernent souvent des petits propriétaires et des immeubles uniques, nous considérons qu'actuellement les procédures sont généralement satisfaisantes dans la mesure où elles se veulent et visent à être les plus simples possible pour le contribuable qui, souvent, se représente lui-même d'ailleurs.

Contrairement aux prétentions de certains contribuables à l'effet que le Bureau aurait un préjugé favorable à l'égard des organismes responsables de l'évaluation comme le nôtre, nous avons, nous, parfois l'impression du contraire, qu'il a plutôt un préjugé favorable du côté du contribuable plaignant. Cette divergence d'opinions entre nous et les plaignants nous apparaît saine et est un signe de l'image d'impartialité des membres du Bureau. (14 h 15)

Nous avons vécu, ces dernières années, des expériences avec le Bureau de révision. Je porte à votre attention deux expériences qui visaient à simplifier et à accélérer l'audition des plaintes en matière résidentielle; il s'agit de la conciliation accélérée et de la correction sans comparution. Dans le cas de la conciliation accélérée, le mécanisme visait à permettre un échange direct entre l'évaluateur de la Communauté et le plaignant, et ce, en présence d'un membre du Bureau. À l'expérience, le bilan de ce mécanisme s'est avéré assez mitigé, car la plupart du temps les plaignants n'étaient généralement pas favorables au retrait de leur plainte, considérant que l'audition ultérieure devant le Bureau pourrait leur procurer une chance additionnelle de voir leur valeur diminuer, si bien que cette procédure s'avérait relativement inefficace. Elle a été abandonnée suite à ce constat.

L'autre procédure, qui concerne la correc- tion sans comparution, qui est prévue à l'article 142.1 de la Loi sur la fiscalité municipale, elle, s'est avérée fort efficace et continue à être utilisée. Elle s'avère efficace tant pour le contribuable que pour notre service. Ce mécanisme évite la comparution, accélère donc l'étude et il permet également de regrouper en une seule audition l'ensemble des plaintes d'une même nature.

Cependant, au niveau des mécanismes de correction du rôle suite à son dépôt, corrections qui se font sans qu'il y ait nécessairement une plainte de déposée, deux recours sont prévus à la loi, soit la correction d'office par l'évaluateur et l'adjudication sommaire. Nous considérons qu'ils entraînent actuellement comme procédure une lourdeur administrative qui est évitable et non nécessaire.

En matière de correction d'office, le recours à ce mécanisme suppose les étapes suivantes: requête de l'évaluateur transmise au Bureau de révision, accord du Bureau sur sa recevabilité, transmission vers le Bureau de la requête au propriétaire mentionnant la correction et le droit de plainte qui s'y rattache, et transmission à la municipalité et à la commission scolaire de ladite requête.

Or, l'ensemble de ces étapes fait du Bureau de révision dans les faits une simple courroie de transmission, un genre de bureau postal plus efficace que ceux que l'on a actuellement au Canada, mais quand même un simple bureau postal dans les faits. Or, pour l'ensemble des parties, que ce soit le Bureau lui-même, le plaignant, la municipalité ou l'évaluateur, la correction d'office entraîne une telle lourdeur, exige des énergies qui, somme toute, servent à peu de chose.

Nous sommes d'avis que la correction d'office devrait être remplacée par la procédure déjà prévue, qui est l'émission d'un certificat avec droit de plainte, comme le prévoient les articles 174 et 174.2 sur la tenue à jour du rôle d'évaluation foncière et du rôle des valeurs locatives. En plus de simplifier la procédure, cette modification permettrait également d'éliminer l'échéance du 1er mai, qui existe actuellement, suivant l'entrée en vigueur du rôle comme date ultime de recours à la correction d'office.

La situation actuelle fait qu'une erreur constatée par notre service et notre évaluateur, si elle est constatée après le 1er mai, ne peut pas faire l'objet d'une correction d'office. Nous sommes obligés de dire au citoyen contribuable que, oui, il y a une erreur qui s'est glissée et, oui, vous avez raison. Vous n'avez pas porté plainte. Nous l'avons constaté après le 1er mai. Vous êtes obligé de vivre avec pendant trois ans puisque, maintenant, les rôles sont triennaux. Avant, au moins, le citoyen était obligé de vivre avec pendant un an, les rôles étaient annuels. Maintenant que le rôle est triennal, le contribuable est obligé de vivre avec cette erreur recon-

nue, mais que nous ne pouvons corriger parce qu'il y a une date fatidique qui est le 1er mai. Je cherche encore de façon fondamentale comment expliquer au citoyen que le 1er mai a une valeur réelle au-delà d'être une date qui ferme son recours à la correction d'office.

Dans le cas de l'adjudication sommaire, ce recours-là n'est, à toutes fins pratiques, pas utilisé sur le territoire de la Communauté urbaine. On souligne, par ailleurs, qu'en plus de la lourdeur que nous avons décrite il exige la règle de l'audi alteram partem, c'est-à-dire le consentement de la municipalité et du conseil scolaire, donc un consentement, on pourrait dire, de nature politique à l'intérieur d'une matière qui est fondamentalement technique et professionnelle, soit l'évaluation.

Au niveau des procédures du Bureau de révision en matière de plaintes non résidentielles, nous allons aborder un sujet que certains d'entre vous ont certainement déjà entendu à quelques reprises depuis 1980, mais, avant de l'aborder, on voudrait exprimer quelques mots sur le traitement du gouvernement du Québec ou des gouvernements en matière d'évaluation de leurs immeubles.

Au niveau des plaintes du gouvernement du Québec devant le Bureau de révision, nous ne croyons pas pertinent d'introduire une procédure particulière. Le gouvernement, en tant que propriétaire à part entière, bien que contribuable de moins en moins à part entière depuis le printemps dernier, devrait respecter les mêmes recours qui sont prévus pour l'ensemble des propriétaires et des justiciables. Nous ne croyons pas du tout opportun de répéter ce qu'on pourrait appeler l'erreur qui existe actuellement avec le gouvernement fédéral où, en vertu de dispositions particulières, ce gouvernement agit de façon discrétionnaire en matière de contestation de valeurs en ne se pliant à aucun tribunal indépendant.

À l'exemple de plusieurs autres municipalités québécoises, la Communauté fait face à d'importants problèmes en matière d'évaluation industrielle et, plus spécifiquement, concernant l'application de l'article 65.1 de la Loi sur la fiscalité municipale. Les récents amendements apportés par le projet de loi 145 concernant l'industrie pétrolière ont apporté une solution satisfaisante pour ce secteur, mais ça demeure une solution très partielle à l'égard de l'ensemble du contentieux industriel municipal sur le sujet.

On vous rappelle que la problématique qui touche l'évaluation des immeubles industriels est de deux ordres: d'une part, quoi évaluer et, d'autre part, à combien l'évaluer? Au niveau de quoi évaluer, l'article 65.1 de la loi n'apparaît certes pas comme une réponse claire à cette première tâche de l'évafuateur et les nombreux jugements allant dans un sens ou dans l'autre tout au long de la décennie l'expliquent bien, le démontrent bien. Il s'agit, d'abord et avant tout, d'un problème d'ordre juridique plus que d'un problème strictement d'évaluation.

Le problème relié à la détermination des valeurs des biens industriels, par ailleurs, si nous réglons la question de quoi doit être évalué, a été relégué au second rang derrière le premier problème. Cependant, il demeure en soi un problème important et qu'il faudrait tendre à résoudre par la même occasion.

Actuellement, les municipalités n'ont pas les ressources techniques nécessaires pour faire face aux contestations dans le domaine industriel. En effet, compte tenu que les budgets alloués à l'évaluation foncière sont fondés en grande partie sur une évaluation de masse, les organismes responsables comme notre service sont démunis en partie face aux contestations touchant des industries et des productions particulières. Le problème fondamental relié à l'évaluation de tels immeubles demeure le niveau de dépréciation. Or, en pareille matière, les arguments de nature physique et de nature technologique de la part des industries peuvent être difficilement réfutés par les évaluateurs, eu égard aux prétentions des experts à l'emploi des milieux industriels en contestation.

Pour illustrer ce que peut représenter ce genre d'argument technique, technologique ou physique, je ne sais pas si vous saviez que la pente des trémies traitant les sous-produits dérivés de l'alimentation animale comporte une désuétude fonctionnelle qui doit être prise en compte dans le niveau de dépréciation, d'après certains experts; que la désuétude économique mérite d'être calculée, selon les prétentions de certains, pour une implantation sur le territoire de Montréal, désuétude calculée à partir de l'écart entre le coût de la main-d'oeuvre à Montréal par rapport au coût de la main-d'oeuvre à Saint-Hyacinthe, ou encore que la désuétude fonctionnelle d'une brasserie est plus élevée si on simule ce que serait sa configuration physique et technologique de remplacement compte tenu, justement, de ces nouvelles technologies.

On pourrait vous nommer toute une série d'autres cas qui démontrent bien que, lorsqu'il s'agit de parler de dépréciation, de désuétude fonctionnelle ou de désuétude économique, ça atteint un niveau d'expertise et de détail qui, parfois, et trop souvent, est à l'avantage de l'entreprise qui n'a que son secteur d'activité à expertiser, alors que nos services doivent traiter l'ensemble des entreprises d'un territoire.

Pour corriger cette situation, le Bureau et notre service d'évaluation devraient se doter d'experts dans les domaines tels que l'aéronautique, la métallurgie, la pétrochimie, les brasseries, les distilleries, etc. On ne croit pas que ce soit une solution efficace parce que le budget, qui est à 23 000 000 $, est déjà assez élevé.

Pour remédier aux problèmes, il nous semble plus intéressant de retenir une piste qui nous est fournie, entre autres, par la Colombie-Britanni-

que. Depuis quelques années, cette province a mis de l'avant une réforme pour ce type d'immeubles visant, d'une part, à énumérer dans la législation les immeubles devant être portés au rôle et, deuxièmement, à inclure à cette même législation un indice de prix et une table de dépréciation pour les immeubles visés. Une telle approche a pour avantage de stabiliser l'assiette fiscale des municipalités, de diminuer considérablement les coûts reliés à la défense des valeurs industrielles. Il va sans dire qu'un mécanisme d'arbitrage devrait être prévu pour permettre aux parties de faire valoir leur point de vue lors de l'indexation annuelle des indices de prix.

Mentionnons que, tant pour le Bureau que pour notre service, une telle modification au processus d'évaluation des immeubles industriels - modification qui est entre vos mains comme législateurs - engendrerait des économies substantielles dans la défense des rôles. À titre d'exemple, nous prévoyons que la cause d'Air Canada actuellement débattue devant le Bureau se déroulera sur une période de six mois pour environ 60 jours d'audition, pour laquelle le Bureau de révision affecte trois membres. La plainte de la firme Canada Packers a donné lieu à 51 jours d'audition sur une période allant de juin 1990 à mars 1991. Nous estimons que la défense des valeurs en matière industrielle nous coûte annuellement, à cause du caractère trop flou de l'article actuellement, près de 2 000 000 $ en traitements et honoraires professionnels. Il en coûte des sommes également importantes pour le Bureau et, évidemment, pour les plaignants.

La solution mise de l'avant permettrait de freiner le déplacement fiscal vers le secteur résidentiel, car, comme on le sait, toute baisse de valeur du secteur industriel se répercute inévitablement en une hausse des charges fiscales pour le secteur résidentiel. Est-il nécessaire de rappeler à cet égard que le secteur industriel est déjà favorisé, compte tenu que le marché de ses valeurs est historiquement inférieur à celui du marché résidentiel? En somme, en matière de contestation industrielle, la leçon que nous pouvons tirer depuis 1980 est que ni les municipalités ni les contribuables industriels ne sont satisfaits de luttes fiscales et juridiques qui ne servent, somme toute, que le milieu de la contestation et les professionnels qui y travaillent.

Les rapports entre le Bureau de révision et la Communauté urbaine. Eh bien, en terminant, nous croyons important d'aborder brièvement les rapports que nous avons avec le Bureau. Au-delà de nos opinions professionnelles divergentes à l'égard de certains litiges, nous constatons avec satisfaction que les rapports avec le Bureau sont en amélioration constante. La collaboration qui s'est installée entre nos deux organismes a permis une meilleure planification de nos ressources humaines respectives.

Ainsi, cette collaboration s'est traduite par la mise en place de nouvelles mesures comme, par exemple, l'acceptation par le Bureau d'un moratoire de quatre mois sur l'audition des plaintes, cette année, qui nous a permis de consacrer davantage d'énergies à la préparation des rôles 1992 plutôt qu'à la défense des rôles antérieurs, alors que, pour la même période préparatoire aux rôles 1989 et 1988, le service était simultanément confronté à la défense de quelque 3100 plaintes et 6600 plaintes respectivement, et que notre personnel, nos évaluateurs devaient travailler sur deux fronts simultanément.

C'est dans ce même esprit que de nouvelles mesures ont été expérimentées et mises de l'avant en matière d'audition des plaintes visant à traiter avec efficacité et plus de rapidité les plaintes devant le Bureau de révision. On mentionne à ce titre la conciliation accélérée en matière résidentielle et la tenue de conférences préparatoires pour tes plaintes non résidentielles.

Nous demeurons convaincus que des améliorations pourraient être apportées, cependant, à la confection des rôles d'audition. Ainsi, nous soumettons que les rôles d'audition devraient être dressés en regroupant le plus possible les plaintes par unité de voisinage, dans le cas du foncier, et par unité d'évaluation foncière, dans le cas des plaintes locatives, pour que l'ensemble des immeubles en location d'un même immeuble soit traité dans une même période de temps lors d'une même audition. (14 h 30)

Ce faisant, les rapports d'expertise qui sont présentés par nos évaluateurs pourraient être regroupés, ce qui faciliterait d'autant l'audition des plaintes, ainsi que leur traitement uniforme et améliorerait l'équité de l'ensemble de notre système envers les contribuables. Nous sommes, d'ailleurs, actuellement en discussion avec la direction du Bureau à ce sujet et certaines modifications aux techniques informatiques pourraient faciliter la mise en place d'une telle procédure de regroupement.

En conclusion, nous affirmons, sans l'ombre d'un doute, que l'ouverture du Bureau de révision face à toute mesure qui permet une meilleure gestion des plaintes a été la clé de voûte à l'amélioration marquée des relations entre le Bureau et la Communauté.

Alors, je vous rappelle brièvement, donc, les principaux éléments de notre propos, de nos recommandations. Pour ce qui est de la nomination, que la permanence des membres du Bureau de révision soit maintenue comme approche; que la nomination des membres se fasse à partir d'une liste de personnes déclarées aptes à être nommées. Nous souhaiterions que la correction d'office, dans le cas des plaintes résidentielles, soit remplacée par la procédure d'émission d'un certificat par l'evaluateur, telle que prévue aux articles 174 et suivants de la loi.

Dans le cas des plaintes non résidentielles,

que la Loi sur la fiscalité municipale soit amendée par l'inclusion d'une liste des immeubles industriels devant être portés au rôle et par l'ajout d'un indice de prix et d'une table de dépréciation pour lesdits immeubles. Et que le bureau de l'évaluation foncière du Québec poursuive ses travaux sur la confection de rôles d'audition qui privilégieraient le regroupement des plaintes foncières par unité de voisinage et des plaintes locatives par unité d'évaluation foncière.

Nous sommes conscients que certains des sujets que nous avons traités relèvent davantage de la Loi sur la fiscalité municipale que de l'autorité immédiate du Bureau de révision, mais, considérant les personnes à qui nous nous adressons aujourd'hui, nous étions certains que ce propos vous concernait au premier chef en tant que législateurs. Je vous remercie de votre attention et nous sommes à votre disposition.

Le Président (M. Garon): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci. Bienvenue aux représentants de la Communauté urbaine de Québec.

Des voix: De Montréal.

M. Doyon: De Montréal, oui. Obnubilé par la Communauté urbaine de Québec.

Une voix: Comme commissaire à l'agriculture?

M. Doyon: Ha, ha, ha! Sans commentaire. Je leur souhaite la bienvenue. Leur mémoire fait le tour de la question et on a affaire à des gens qui savent ce dont ils parlent étant donné que, quotidiennement, ils sont confrontés à des relations suivies avec le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Les problèmes qu'ils soulèvent sont des problèmes qui ont été soulevés par d'autres organismes et qui vont l'être dans d'autres mémoires que j'ai eu l'occasion de parcourir. Qu'il me suffise, M. le Président, de dire deux mots en ce qui concerne la nécessité qui est soulignée par les gens de la Communauté urbaine de Montréal concernant la compétence dont doivent faire preuve les membres du Bureau de révision; les nominations doivent être faites en fonction de cette compétence compte tenu de la complexité des problèmes à résoudre et compte tenu des effets majeurs qu'ils ont aussi bien sur les contribuables qui paient les taxes que sur les revenus qu'en tirent les municipalités. Il est certain - et les cours en ont rendu témoignage à plusieurs reprises - que le Bureau de révision est considéré comme étant les experts là-dedans, éclairés qu'ils sont par les évaluateurs des municipalités, des communautés urbaines, ainsi que par ceux qui représentent les contribuables. Alors, je pense que c'est une recommandation qui recoupe d'autres recommandations qu'on a devant nous.

Vous insistez sur le fait que ces gens-là soient nommés de façon permanente. Qu'est-ce que vous entendez... La situation actuelle où les commissaires sont nommés pour une période de temps, mais normalement reconduits, est-ce que cette façon de faire vous convient ou si vous vous rallieriez plutôt à ce que le Barreau suggérait, c'est-à-dire une nomination minimale de sept ans avec possibilité de reconduction? L'idéal, selon ce qu'ils nous en disent, étant que cette reconduction-là soit ni plus ni moins automatique et, sauf pour cause, qu'on permette aux commissaires de continuer leur travail. La Chambre des notaires y va plus carrément; elle parle de nominations, à proprement parler, permanentes, ce qui donnerait un caractère d'inamovibilité aux commissaires. Quel est votre choix là-dedans?

M. Lemay: Nous sommes plus près de la situation actuelle qui possède un caractère permanent, mais révocable, et c'est plus cette situation-là que l'on privilégierait.

M. Doyon: Et quel est l'avantage que vous y voyez? C'est ce que j'avais bien cru lire dans votre mémoire, mais pourquoi penchez-vous vers le statu quo plutôt que, par exemple, vers une nomination permanente, à proprement parler, au moins de sept ans, avec reconduction automatique sauf pour cause? Quel est l'avantage que vous voyez dans le statu quo actuel?

M. Lemay: L'objectif poursuivi, c'est de garantir le développement, à travers les ans, d'une expertise de plus en plus importante avec, évidemment, cependant, un caractère révocable, puisque même les juges des tribunaux supérieurs, à l'occasion, vivent de mauvais moments. À la limite, si nous parlons de mandats de sept ans renouvelables, ce qui est une façon contraire de parler de révocable, évidemment, ça garantit une permanence qui est quand même relativement significative. Mais l'objectif que l'on poursuit, c'est que les membres du Bureau puissent en faire une tâche permanente leur permettant de développer le maximum d'expertise et ce n'est définitivement pas sur les horizons de deux ou trois ans que cette garantie-là serait acquise.

M. Doyon: Mais est-ce que vous ne craignez pas que la révocabilité puisse affecter possiblement le caractère d'indépendance dont doivent faire preuve les commissaires? Est-ce que la révocabilité n'est pas une menace à cette indépendance nécessaire dans un tribunal quasi judiciaire comme celui qu'est le Bureau de révision?

M. Lemay: C'est dans ce sens-là que l'on privilégie le caractère permanent de la nomina-

tion avec un bémol, comme vous dites, et pour cause: la possibilité de mettre fin à la nomination s'il s'avérait que le membre, la preuve étant faite, n'est plus en mesure, pour toutes sortes de raisons, d'agir de façon efficace et compétente ou s'il s'avérait - ce qui est plus que peu probable - que le membre ne s'est pas acquitté de façon équitable de son rôle de juge à ce tribunal. Oui, M. Racicot.

M. Racicot (Gilles): Peut-être pour ajouter. Le fait d'être permanent révocable - je vais emprunter le jargon des relations de travail - c'est que le fardeau de la preuve revient à l'employeur de démontrer: Bien, écoute, si tu ne fais pas un bon travail, effectivement, tu peux être congédié, alors que contractuel sept ans, on n'a pas d'excuse à donner. Au bout de sept ans, le contrat est fini. On ne renouvelle pas ton contrat. Point final à la ligne.

Alors, le permanent avec une notion de révocabilité fait en sorte, au moins, d'assurer un corps de commissaires au Bureau de révision qui ont cette expertise, sans avoir, au bout de la ligne, au bout de sept ans: Ton contrat n'est pas renouvelé. Point final à la ligne.

M. Doyon: Dans votre mémoire, vous insistez beaucoup sur l'importance d'avoir des gens qui sont compétents. On est en commission parlementaire. Si vous aviez un jugement à porter est-ce que vous qualifieriez les commissaires auxquels vous faites affaire? Je comprends que ça peut être délicat, mais ça nous intéresse drôlement de voir comment vous situez la compétence actuelle par rapport à celle qui a évolué au cours des ans. Est-ce que vous vous sentez capables de nous dire deux mots là-dessus?

M. Racicot: Ce serait le "fun" que M. Lemay puisse répondre! Lui, il ne passe pas devant le Bureau de révision! Ha, ha, ha!

M. Doyon: Ah bon, c'est peut-être l'homme tout indiqué! Ha, ha, ha!

M. Racicot: Non, non, non, à la blague! Non, je pense qu'honnêtement, de plus en plus, on fait face à des membres du Bureau de révision qui sont compétents - je reprends votre expression - depuis l'évolution des années, depuis le début jusqu'à ce jour. Comme partout ailleurs, je pense que, dans un monde où il y a de l'homme et où il y a des femmes, il y a de l'hommerie et de la femmerie. Il y en a, des fois, qui sont un petit peu portés à s'asseoir sur leur steak, mais c'est une minorité, en ce qui nous concerne à la Communauté urbaine de Montréal.

M. Doyon: Vous êtes très critique, à tel point que vous l'avez mise de côté, quand vous parlez de la correction d'office. Elle n'a pas donné des résultats satisfaisants, d'après vous. Si je comprends bien, vous ne vous en servez pas, vous autres, à la Communauté urbaine de Montréal?

M. Lemay: C'est-à-dire que la correction d'office est utilisée de façon importante, enfin importante, aussi souvent que nécessaire, par le service à la Communauté. Ce que nous soulevons, dans le cas de la correction d'office, c'est la lourdeur administrative qui est dévolue à cette procédure et dans laquelle le Bureau de révision ne joue, à toutes fins pratiques, qu'un rôle de transmetteur d'informations entre les parties.

L'expression l'indique un peu: cette correction est d'office et toute la procédure qui y est rattachée en est une essentiellement... Vue un peu de l'extérieur par moi-même, elle m'apparaît être tout simplement une procédure de tracasserie administrative qui fait rouler du papier, qui occupe du monde inutilement.

M. Doyon: Pour ce qui est de la conciliation accélérée, ce mécanisme-là, j'imagine que c'est celui-là qui n'a pas donné les résultats escomptés; c'est plutôt celui-là. Est-ce que, à votre connaissance, ce mécanisme-là est utilisé ailleurs? J'ai oublié de demander la question tout à l'heure aux gens de la Corporation professionnelle des évaluateurs. Est-ce que, par exemple, à votre connaissance, à la Communauté urbaine de Québec, on l'emploie?

M. Lemay: La conciliation accélérée? M. Doyon: Oui.

M. Racicot: Non, ce n'est pas utilisé. C'est un projet-pilote, si vous me permettez l'expression, qu'on a tenté de mettre sur pied a la Communauté urbaine de Montréal avec le Bureau de révision. C'est une expérience qu'on a poursuivie durant une période d'un mois, un mois et demi dans deux de nos divisions et les deux parties, le Bureau de révision et nous, sommes venus à la conclusion qu'il fallait chercher d'autres avenues pour accélérer le processus d'audition parce que celui-là n'était pas efficace. Ce qui arrivait, c'est que le citoyen sentait qu'ultimement il avait encore un dernier recours d'audition devant le BREF et, même devant une évidence que la valeur était non préjudiciable, bon, il disait: Non, non, je ne retire quand même pas ma plainte; je vais aller plaider de toute façon devant le Bureau de révision.

M. Doyon: Ça n'avait servi à rien? M. Lemay: C'est ça.

M. Doyon: Est-ce que vous pourriez suggérer d'autres moyens, là, pour éviter que le BREF soit saisi de trop de plaintes et ait à faire

une adjudication sur ces plaintes-là? Est-ce qu'il y a d'autres moyens qui vous viendraient à l'idée, que vous avez étudiés et qui pourraient être des suggestions de votre part au législateur?

M. Racicot: Au niveau résidentiel, pour le moment, je ne le pense pas. On discute présentement, on échange avec, entre autres, le président du Bureau de révision pour tenter de trouver des solutions. On sait qu'il y a des expériences qui sont vécues, par exemple, dans d'autres provinces ou dans des États américains, mais, compte tenu que les législations qui les soutiennent sont fort différentes des nôtres, il faut s'assurer que les mécanismes qu'on tenterait d'importer et de tester puissent au moins être conciliables avec notre loi générale.

M. Lemay: Donc, j'ajouterais qu'au niveau résidentiel les moyens qui permettent de réduire possiblement le nombre de plaintes qui sont déposées - on va le voir au cours des prochaines expériences, comme le rôle actuel - résident, d'une part, dans l'amélioration au maximum de la qualité du rôle déposé. De ce point de vue là, la triennalisation des rôles, qui a permis de donner au service d'évaluation une période trois fois plus importante de travail, c'est-à-dire de disposer, à toutes fins pratiques, de neuf mois de travail sur sa période de référence, sa période de lecture du marché, neuf mois où il peut travailler, alors que dans le passé il n'avait que trois mois pour produire, à toutes fins pratiques, en fonction de la période de référence, est un premier élément qui peut tendre à établir plus de contrôles de qualité en dernier ressort, dans les dernières semaines, comme nous l'avons fait, donc éviter des cas qui, un peu à la marge, ont échappé à l'évaluateur et les ramener à l'intérieur d'une évaluation plus juste pour certains cas particuliers.

D'autre part - et nous allons le tenter cet automne avec la collaboration de certaines municipalités ou de certains quartiers de Montréal - l'autre manière d'éviter des plaintes nous apparaît être d'assurer à la population, au propriétaire contribuable, dans toute la mesure du possible, une information la plus complète possible sur comment le rôle est produit, de façon à ce qu'il puisse mieux juger de la pertinence de son éventuelle plainte ou non. (14 h 45)

Bien souvent, les gens, lorsqu'ils reçoivent leur compte de taxes avec l'évaluation, regardent le chiffre qui est là et se disent: C'est la valeur que l'on veut m'attribuer et ils se disent que le voisin, de l'autre côté de la rue, a une maison qui est, à toutes fins pratiques, identique. La façade est identique, mais est-ce que l'intérieur l'est? Il n'y est jamais allé et il a des jugements qui sont un peu sommaires parfois, qui l'amènent à porter plainte souvent inutilement. Alors, il y a des mécanismes d'information qu'on veut mettre en place cet automne, suite à la publication du rôle, le 12 septembre prochain, sur Ille de Montréal, avec la collaboration des municipalités: campagne d'information, campagne de presse, séances publiques d'information dans les quartiers et non pas à l'échelle de la ville comme telle ou de Ille. Ça va peut-être effectivement aider à les réduire, pour ce qui est du résidentiel.

Dans le cas du non-résidentiel, évidemment il y a d'autres manières de réduire les plaintes. On en a parié en fonction de la Loi sur la fiscalité municipale et de l'article 65.1 en particulier.

M. Doyon: On va y venir rapidement. Je note en passant que, vous, vous ne semblez pas trouver nécessaire la mise en place d'une codification des règles de pratique. Vous trouvez que les choses qui se déroulent actuellement se font d'une façon correcte et que ce n'est pas utile d'encarcaner inutilement, pour le plaisir de le faire, les contribuables ainsi que vous autres qui êtes de l'autre côté de la clôture, dans des règles de pratique trop strictes. Est-ce que je résume votre point de vue?

M. Lemay: Oui. Les grosses causes, qui sont dans les millions, là, avec les parties très expertes et la panoplie de conseillers juridiques qui s'y rattachent, lorsqu'elles sont traitées, le sont avec une très large inspiration du Code de procédure civile dans les faits. Et, dans les grosses causes, l'absence d'un code de procédure spécifique ne soulève pas de problème majeur.

Dans les petites causes, les causes résidentielles, lorsqu'un propriétaire d'une maison, d'un bungalow ou d'un petit duplex va devant le BREF et se représente lui-même, la mise en place d'un code de procédure d'une certaine technicité, dans ce cas-là, n'est pas vraiment utile et risquerait même de nuire au simple citoyen contribuable qui, bien souvent, est quasiment dans une procédure de Cour des petites créances par analogie, c'est-à-dire qu'il va devant le BREF, reconnaissant sa compétence, explique son cas. Mais, s'il y avait un code de procédure auquel il devrait s'astreindre, cela entraînerait plus souvent qu'autrement l'obligation pour lui de faire appel à un spécialiste de la procédure, plutôt que de se présenter et de se représenter lui-même. Ceci n'est pas nécessairement souhaitable puisque ça entraînerait des coûts supplémentaires et réduirait sensiblement l'accessibilité à cette justice de premier niveau.

M. Doyon: Ce n'est pas parce que, vous autres, vous préférez avoir affaire à un contribuable qui se défend tout seul plutôt qu'à un contribuable qui est accompagné d'un spécialiste? Ça n'a rien à voir?

M. Lemay: Bien, je pense que le contribua-

ble qui considère qu'il devrait être accompagné d'un spécialiste peut le faire sans problème, mais, s'il était obligé de le faire à cause d'un code de procédure un peu compliqué, je pense que là on manque le bateau. Là, on lui impose, à ce moment-là... Certains professionnels auraient une autre opinion que moi, j'en suis certain.

M. Doyon: Ça a été fait ce matin, d'ailleurs. Pour aller un peu plus rapidement, parce que le temps me presse déjà, je prends aussi note des difficultés que vous rencontrez dans la détermination de valeur quand vient le temps d'évaluer des biens industriels. Vous suggérez une solution de facilité, où vous dites: Que le législateur nous trace des balises, qu'il nous indique des prix et des indices avec tout ce qui va avec. Est-ce que ça n'aurait pas pour effet...

Premièrement, comment ça se ferait dans les faits? Je ne suis pas au courant de ce qui se passe en Colombie-Britannique. Est-ce que, par exemple, le législateur indiquerait que pour l'industrie pétrolière, pour un brûleur catalytique ou je ne sais pas comment ça s'appelle, ça vaut tant quand ça a telle grosseur, et que ça se déprécie à tel rythme, etc.? Est-ce que c'est comme ça que vous voyez ça? Est-ce que vous n'avez pas peur que ça sclérose l'évaluation comme telle?

Un des grands avantages de l'évaluation, c'est que ça tient compte de la conjoncture. Quelque chose qui peut avoir une valeur à un moment donné n'a pas nécessairement toujours cette valeur-là, compte tenu des revenus qu'on en tire, compte tenu de la demande qu'il y a pour acquérir ce bien-là. C'est tout ce dynamisme qui fait que la propriété foncière a été considérée, jusqu'à maintenant - et, si j'ai un instant, j'en dirai un mot tout à l'heure - comme un indice valable permettant aux pouvoirs publics d'aller chercher des revenus. Comment voyez-vous ça et comment répondez-vous aux quelques objections que je vous lance comme ça, à la volée?

M. Lemay: Je dirai brièvement - et M. Racicot pourra compléter certains éléments plus particuliers - que c'est vrai que, théoriquement, l'évaluation offre en principe l'avantage de suivre, jusqu'à un certain point, une certaine fluctuation de différents paramètres influençant la valeur exacte d'un immeuble dans des cycles économiques ou dans des cycles technologiques, etc. Cependant, l'expérience vécue depuis 1980 démontre qu'au-delà de la théorie la pratique pose de grands problèmes puisque c'est poursuite par-dessus poursuite. Lorsque nous avons réussi, finalement, à nous entendre avec les pétrolières sur l'île de Montréal, c'étaient des causes qui dataient de 1981 qui étaient en suspens et l'horizon du règlement était 2006 ou 2007 en Cour suprême.

Alors, la pratique est telle qu'au-delà, je dirais, de cette théorie qui, en soi, est réelle, dans la pratique, c'est presque des culs-de-sac l'un derrière l'autre. De ce point de vue là, force est de conclure que le cadre législatif manque de précision pour être gérable sur le terrain de manière adéquate. Ça met tout le monde dans les pires situations, tant les municipalités que le contribuable; il y a des dizaines de millions qui sont en suspens, qui sont là en comptes à payer, en réserve pour taxes, en comptes à recevoir et en réserve pour pertes de taxes chez l'autre. C'est sans fin. Il y a lieu de le préciser. Sur le plan plus particulier de l'évaluation, je pense que M. Racicot a des éléments.

M. Racicot: Vitement, si vous me permettez, je vais essayer... et je n'entrerai pas dans le détail. Une des façons d'évaluer les immeubles industriels, évidemment, c'est par la technique des coûts. Alors, en évaluation, on peut tenir compte de deux choses: le coût de reproduction, combien ça coûte pour construire l'industrie telle qu'elle est là, en tenant compte de sa dépréciation, compte tenu de son âge, et déterminer sa valeur. Il y a aussi la technique de remplacement. Le coût de remplacement, c'est quoi? C'est quel type d'immeuble pourrions-nous avoir qui remplacerait celui-là, qui remplirait les mêmes fonctions, mais de façon plus efficace? Alors, dans l'exemple qu'on utilise dans notre mémoire, la Brasserie Molson, ou dernièrement, dans un dossier que je ne nommerai pas, est-il plus pratique pour une manufacture de biscuits d'avoir la courroie qui descend les biscuits vers l'empaquetage ou d'avoir une courroie latérale vers l'empaquetage? comme évaluateur, moi, vous savez, il m'est difficile de déterminer lequel des deux est le plus pratique. Je vous apporte cet exemple-là pour dire que, dans l'industrie, ça nous prendrait un spécialiste dans chaque type d'activité pour être capable de déterminer quel serait le bâtiment idéal à la production.

C'est le type de preuves qui sont apportées devant le Bureau de révision, présentement, par des experts de ce domaine d'activité, qu'on a beaucoup de difficultés à contrer parce qu'on n'a pas les ressources pour le faire. Puis, humblement, comme on l'a dit dans notre mémoire, dans certains cas, on n'est même pas sûrs que les membres du Bureau qui l'entendent sont compétents pour juger de la pertinence de la preuve qui est mise devant eux. Mais ce n'est jamais une preuve contredite, évidemment. On n'a pas d'experts pour contredire ça.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui. D'abord, d'entrée de jeu, je voudrais, au nom de la commission, vous remercier de nous avoir suggéré de vous entendre, puisque vous nous auriez manqué. Ça revenait à

mes propos de ce matin quand je disais qu'on avait tellement voulu restreindre la consultation qu'on en a oublié sûrement. J'aurais aimé l'étendre plus que ça, mais on va aller directement à mes propos, au coeur du sujet. Concernant les nominations des membres du Bureau de révision, d'après les réponses aux questions qui ont été posées précédemment, vous dites: Bien, ce que vous avez, c'est suffisant, mais vous aimeriez mieux... Je regarde votre mémoire et vous nous parlez que le rapport Ouellette serait plus acceptable. Comment rapprochez-vous que les gens qui sont nommés ou qui sont en place, actuellement, font bien l'affaire, mais que le rapport Ouellette serait mieux? Sur quoi vous basez-vous pour nous dire ça?

M. Lemay: Ce que nous retenons du rapport Ouellette, c'est essentiellement l'idée de la constitution d'une liste de remplacement lorsque les remplacements seraient nécessaires. Évidemment, lorsqu'on la rattache à la permanence, c'est clair que ce n'est pas une liste qui serait utilisée continuellement et régulièrement, mais on se dit que, compte tenu de l'expertise qui est souhaitable et qui est requise de plus en plus, la constitution d'une liste de candidats potentiels sur la base de critères assez spécifiques, les plus rigoureux possible, serait un geste utile, mais sans d'aucune manière réduire la portée du caractère permanent de ces ressources que nous affirmons nécessaires.

M. Dufour: Mais, quand vous parlez de permanence, vous parlez de cinq ans, sept ans, ça vous dérange ou si cinq ans, ça semble satisfaisant? Parce qu'il y a des groupes qui ont parte de sept ans, avec un an d'approbation avant d'être nommé pour les sept ans et être renommé en fonction de... Est-ce que vous voyez sept ans ou cinq ans?

M. Lemay: Compte tenu du niveau de complexité qui s'introduit de plus en plus, plus long serait mieux que plus court.

M. Dufour: Donc, sept ans serait plus acceptable?

M. Lemay: Oui.

M. Dufour: II y a des choses que je remarque à émission du certificat et droit de plainte. Je trouve que c'est une proposition intéressante, malgré qu'ils nous aient parlé que la correction d'office, à certains endroits, ça faisait bien l'affaire, mais peut-être qu'ils n'ont pas autant de plaintes à traiter aussi. Peut-être que c'est une situation particulière.

M. Lemay: Oui. La correction d'office, pour nous, est une très bonne affaire, le principe de la correction d'office, qui donne le droit à l'évaluateur de modifier de lui-même une erreur qu'il constate. C'est juste la procédure par laquelle la correction d'office se réalise qu'on trouve inutilement lourde. On voudrait un "shortcut" pour faire la même chose.

M. Dufour: J'avais compris ce que vous venez de dire là. On a parlé ce matin que, lorsqu'une plainte arrivait au Bureau de révision, il y avait des barèmes de pourcentage qui devraient être acceptables pour que le Bureau non seulement accepte la plainte, mais oblige la municipalité ou l'évaluateur à faire des corrections d'après son jugement. On a parlé d'un barème d'environ 5 %. Est-ce que, vous autres, vous vous êtes penchés sur ce sujet-là et vous pensez que ça devrait être 5 %, 3 %, ou si vous êtes pour le laisser aller comme il est là, à l'effet que le Bureau de révision décide selon sa bonne volonté et son jugement?

Je comprends que vous ne l'avez pas abordé. Donc, vous êtes obligés de vous consulter. Je veux savoir le résultat de votre consultation.

M. Lemay: Oui, effectivement, vous n'êtes pas sans savoir que l'évaluation n'est pas une science exacte. On ne met pas un immeuble sur une pesée à fléau. Donc, il y a une certaine marge d'erreur. D'ailleurs, la loi, au niveau de la production des rôles, reconnaît jusqu'à un certain point une marge de plus ou moins 5 %. On considère qu'effectivement plus ou moins 5 % de correction, entre 5 % et 10 % de correction ne devrait pas être pris en compte, puisque ça fait partie de la marge d'erreur qui peut exister dans le cas d'une évaluation de masse, parce que, pour toute correction, même si ce n'est que 1 % dans un sens ou dans l'autre, qui est effectivement effectuée par le Bureau, inévitablement, toutes les plaintes - et c'est l'appel aux nombreuses plaintes - vont effectivement faire l'objet d'une petite correction à la marge, puisque nous travaillons sur l'évaluation de masse.

Lorsque nous arrivons au moment de l'audition devant le BREF, cette évaluation de masse se transforme tout à coup en une évaluation d'un cas spécifique. Or, inévitablement, à ce moment-là, on raffine l'étude et on arrive à un chiffre plus précis, mais un chiffre qui, s'il l'est dans un ordre de grandeur d'écart de 5 % à 10 %, ne devrait pas entraîner une correction parce qu'à ce moment-là, c'est l'appel massif à aller chercher des 3 %, des 4 % et des 5 % de corrections qui sont, entre guillemets, j'oserais dire quasi des corrections normales dans le contexte d'un processus d'évaluation de masse. (15 heures)

M. Dufour: Vous dites que le gouvernement du Québec doit respecter les mêmes recours prévus pour l'ensemble des justiciables. Si on le met en parallèle avec le gouvernement fédéral,

bien, là, on sait bien que ce n'est pas tout à fait la même façon. Mais, moi, je le comprends différemment et je vais vous donner quelques exemples. Quand le gouvernement du Québec fait une plainte concernant, par exemple, des HLM, des logements à prix modique, ce n'est pas les mêmes barèmes que pour le particulier à l'effet qu'il n'y a pas de valeur de marché. Donc, à ce moment-là, on a établi des critères différents. Sur quoi s'est-on basé pour ça? Je veux bien croire que la SHQ avait certainement des bons avocats. Mais, moi, je dis: Ce n'est pas vrai qu'on est traités sur le même pied. Ce n'est pas vrai.

D'abord, ce n'est pas sur la valeur de remplacement, parce que même les HLM qui viennent d'être construits dans l'année, vous n'êtes pas capables de les évaluer à ce prix-là. Donc, ça ne marche pas. Là, on est rendus que ce n'est pas la valeur du marché, il n'y en a pas. Là, on parle de valeur économique, mais c'est à perte. Je suis prêt à acheter ce que vous me dites, mais seulement, dans les faits, ce n'est pas de même que ça s'applique. Chaque fois qu'il n'y a pas de marché, on arrive avec des conclusions ou des constatations qui sont tout autres. Puis, je le sais. Même, établir le prix d'une école, ils n'en vendent pas beaucoup. Ils en vendent, mais ils les donnent. Ce n'est pas facile, ça! Puis le palais de justice. C'est à peu près tout ça, les édifices gouvernementaux. Je sais qu'il y a une complexité inouïe là-dedans.

Ce n'est pas vrai, on ne peut pas affirmer hors de tout doute que tous les contribuables sont traités de la même façon. Ce n'est pas vrai pour le gouvernement du Québec; en plus, il est moins contribuable qu'il l'était.

M. Lemay: Évidemment, je suis d'accord avec vous que certains immeubles gouvernementaux, et plusieurs d'entre eux, sont des cas en soi, mais c'est le cas aussi pour de nombreux immeubles industriels et commerciaux. Il n'y a pas beaucoup de place Ville-Marie là, mais il y a des variances qui existent d'un immeuble à l'autre, qui sont très importantes comme il peut en exister d'une école à une autre. Il reste que, fondamentalement, tout ça demeure, cependant, des immeubles et ce que nous disons, c'est non pas qu'il faut appliquer la même technique d'évaluation, puisque les évaluateurs, qu'ils soient sur le marché privé ou qu'ils soient à notre service d'évaluation, utilisent des techniques d'évaluation différentes selon le type d'immeuble, que ce soit la technique de parité, la technique de revenu, la technique du coût.

Ce que l'on dit, c'est qu'ils doivent utiliser dans ces cas-là la technique qui s'applique le mieux. Ce que nous disons, c'est que le gouvernement du Québec, à partir du moment où il est en plainte sur la valeur, utilise les mêmes recours, c'est-à-dire ce BREF que l'on dit compétent et que vous reconnaissez, probable- ment comme nous, compétent. Que le gouvernement du Québec utilise le BREF comme mesure, qu'il utilise les mêmes moyens de plainte que les autres propriétaires puisqu'il est propriétaire à part entière, comme les autres propriétaires citoyens de la municipalité. La seule différence, c'est que, s'il est propriétaire à part entière, comme je le soulignais, il est contribuable à part de moins en moins entière, contrairement aux autres citoyens, parce qu'il passe de 50 à 25 et on ne sait pas jusqu'où.

M. Racicot: Au niveau des HLM, si vous me permettez, je pense que les techniques actuelles nous permettent, quand même, de les évaluer sur les mêmes normes que les autres immeubles. Originellement, les problèmes qu'on avait eus avec les immeubles de la SHQ, c'est que la communauté des évaluateurs avait pris comme décision de dire que c'étaient des immeubles à caractère unique, il n'y avait rien de comparable sur le marché et on les évaluait uniquement à partir de la technique des coûts. Là, je prends un exemple tout à fait arbitraire, je ne sais même pas s'il y en a une là. À Saint-Tite-des-Meu-Meu, s'il y a un immeuble de la Société d'habitation du Québec qui se construit là, c'est sûr que la qualité de la construction va être un peu mieux que si c'était un simple bloc d'appartements qui était construit dans la même place. Donc, strictement au niveau de la technique du coût, ça générait une valeur supérieure compte tenu de la qualité des coûts de construction.

Cependant, aujourd'hui, on est capables de faire des comparaisons, d'établir des comparaisons au niveau des revenus d'immeubles qui servent à des fins semblables même si la qualité de l'immeuble n'est pas tout à fait la même et de faire les ajustements nécessaires. D'ailleurs, depuis quelques années, je pense que le problème d'évaluation des immeubles de la SHQ, c'est un problème qui est à peu près réglé à travers le Québec, on a trouvé le moyen de s'entendre et, honnêtement, personnellement, je pense que la façon qu'on a de les évaluer aujourd'hui tient compte à la fois du marché locatif et du coût de construction de ces immeubles.

M. Dufour: Est-ce que c'est vrai pour tous les édifices gouvernementaux? Les hôpitaux...

M. Racicot: Évidemment pas. Je pense que les hôpitaux, les écoles, il n'y a pas de comparaison possible. Cependant, la réponse de M. Lemay est tout à fait exacte, c'est la même chose dans l'industrie. On n'a souvent pas de comparaison. C'est la technique qui prévaut et on sait qu'avec la technique du coût, de toute façon, l'ensemble des indices qu'on utilise dans cette technique-là découlent d'indications qu'on va chercher sur le marché de la construction, tant au niveau des matériaux que de la main-d'oeuvre et de la dépréciation observée sur le

champ.

M. Dufour: Oui, je comprends que c'est la même chose que les valeurs industrielles, à l'exception que, pour les valeurs industrielles, le cas n'est pas réglé. On ne s'est pas entendu encore, à ce que je sache.

M. Racicot: Non, non.

M. Dufour: Bon. C'est une petite différence, une nuance, en tout cas, que je dois apporter à la discussion.

M. Racicot: Oui. Il y a moins de problèmes, par exemple, parce que la désuétude économique d'un hôpital, en 1991, au Québec, je ne suis pas sûr qu'on doive en parler, alors que, dans l'industrie, c'est beaucoup plus souvent évident qu'il y a une dépréciation économique.

M. Dufour: Vous parlez de l'article 65.1; c'est bien sûr qu'on déborde un peu du sujet, mais on en soulève le cas et c'est beaucoup rattaché au Bureau de révision. Vous parlez que vous avez eu une solution satisfaisante pour l'industrie pétrolière. Peut-être pour la région de Montréal, pas nécessairement pour l'ensemble du Québec et surtout pas pour Saint-Romuald, j'en suis convaincu. À moins que toutes les municipalités aient erré; j'ai des doutes. Je pense qu'à Saint-Romuald, non seulement je pense, mais je peux l'affirmer, ils se font passer une espèce de savon. En tout cas, les contribuables auront à payer et à porter un jugement. Il y aura peut-être des changements qui seront apportés.

Mais vous apportez une solution ou une suggestion à l'effet qu'on devrait énumérer ce qui est taxable et pas taxable dans l'industrie. Cette suggestion-là, à ce que je sache - peut-être que M. Bélanger qui est avec vous autres... - je pense qu'on l'a déjà faite au gouvernement du Québec en 1985. Peut-être un peu plus tard, mais en 1985 aussi, ça a été fait. Ça a été des suggestions qui ont été apportées et la position gouvernementale était à l'effet que ça allait apporter des lois trop compliquées; on va en mettre tout le temps, on va en rajouter et c'était compliqué.

Là, vous revenez à la charge et vous dites: Ça serait peut-être plus intelligent si on les nommait, quitte à en ajouter chaque année et à en enlever si on en a trop mis. Est-ce que vous pensez que c'est réaliste, votre proposition, et est-ce qu'elle fait l'objet d'un consensus à travers les milieux que vous fréquentez?

M. Lemay: l'article 65.1 a comme objectif d'effectivement désigner ce qui est porté au rôle et ce qui n'est pas porté au rôle. c'est ça, son objectif.

M. Dufour: Oui. Ça va.

M. Lemay: Force est de constater depuis 10 ans qu'il n'a pas atteint clairement son objectif. Nous sommes prêts à vivre 10 ans en essayant autre chose.

M. Dufour: Non, non, je vous écoute et je trouve ça très, très intéressant.

M. Lemay: Cette autre chose est effectivement plus compliquée dans le sens de plus précise; elle exige que le législateur s'assure qu'il se fait bien comprendre et ne donne pas aux juges et aux tribunaux le loisir d'interpréter le vague de sa loi. Ça exige que le législateur ait comme volonté de bien se faire comprendre et d'assumer sa responsabilité de législateur en cette matière. Pour le faire, il nous semble qu'effectivement il n'a pas beaucoup le choix de le préciser plus qu'il l'est actuellement. Les exercices qui ont pu être faits nous amènent à conclure que le préciser plus qu'il l'est actuellement, inévitablement, nous amène à faire effectivement des listes qui peuvent être d'une certaine longueur, ou d'une longueur certaine, quant à déterminer ce qui est dedans, ce qui n'est pas dedans, etc.

Je vous souligne que d'autres éléments de notre vie collective sur le plan fiscal, comme la TPS et la TVQ, n'ont pu s'appliquer de façon efficace, oserais-je dire, sans faire l'économie de 20 pages d'annexés pour en préciser toutes sortes d'éléments quant à leur application. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'aller aussi loin dans le cas de 65.1, mais je pense qu'on ne pourra pas faire l'économie de le préciser beaucoup plus qu'actuellement. Et, dans ce cas-là, contrairement à l'exemple que je donnais, c'est à l'avantage des compagnies, des contribuables, à l'avantage des municipalités, que ces précisions-là seraient faites, ce qui n'est pas nécessairement le cas de la TPS ou de la TVQ.

M. Dufour: Ça réglerait peut-être le problème des aires de production.

M. Lemay: Pardon?

M. Dufour: Ça réglerait peut-être les aires de production, les nouvelles notions qui ont été ajoutées à un projet. Je vais passer la parole, si vous voulez, Mme la Présidente.

M. Lemay: Oui, c'est ça, des nouvelles réalités qui ont été considérées et non pas des notions.

M. Dufour: II me semble que ce sont des réalités immatérielles.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. À la page 5, vous faites allusion à des tendances du Bureau. Vous dites que certaines personnes de l'extérieur croient que le Bureau a tendance plutôt à être en votre faveur; vous, vous pensez le contraire. Ça me fait penser à un certain premier ministre qui disait souvent que la Cour suprême, c'est un peu comme la tour de Pise, elle penchait toujours du même côté. Mais est-ce que vous avez des chiffres - il doit y avoir des données précises - le pourcentage de décisions du Bureau qui vont dans telle direction par rapport à l'autre direction? Est-ce qu'on en a? Ou approximativement.

M. Racicot: O. K. J'ai des chiffres. Quand on regarde l'ensemble des plaintes qui sont entendues sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal...

M. Lazure: Oui, oui.

M. Racicot:... par le Bureau de révision, on retient que, dans les cas où iI y a un litige, c'est-à-dire pas les cas où l'évaluateur arrive déjà avec une recommandation de réduire...

M. Lazure: Non, non.

M. Racicot:... mais les cas où il y a un litige entendu par le bureau, c'est 15 % qui sont maintenues et 15 % qui sont réduites par le bureau.

M. Lazure: C'est tout à fait salomonesque. M. Racicot: Oui, absolument. M. Lazure: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Dubuc.

M. Morin: Oui, merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir un petit peu à...

M. Lazure: On coupe la poire en deux.

M. Morin:... votre vision des choses par rapport à l'article 65. 1, quand vous semblez croire que la seule possibilité de régler l'ambiguïté ou le vide de cet article-là, c'est par l'approche d'une énumération. Et vous avez même mentionné tout à l'heure que, l'article 65 ayant pour but de désigner des immeubles devant faire partie du rôle ou en être exclus, aller plus loin dans la précision on n'y arriverait pas. J'aimerais avoir votre commentaire sur les propositions qui ont été faites par les unions municipales, je pense, en 1985, lorsque le Parti québécois était au pouvoir, et, en 1986, lorsque ça a été le Parti libéral, donc par deux gouvernements différents. Ce n'était pas nécessairement par un projet d'énumération des immeubles à inclure au rôle ou à exclure, mais justement par une précision de ce qui pouvait faire partie des aires de production, etc., ou en dehors des aires de production. On est venus à un cheveu d'y arriver, sauf, évidemment, que les conditions que les ministres avaient émises à ce moment-là étaient à l'effet que les représentants des compagnies ou de la partie patronale et les unions devaient en venir à un accord sur un projet avant que le gouvernement aille de l'avant. Bien sûr que c'étaient deux conditions pas faciles. Je ne sais pas si vous étiez là, si vous avez vécu cette expérience, mais je ne suis pas certain, moi - je n'épouse pas votre vision des choses - qu'avec un projet qui se rapprocherait un peu de ceux qui avaient été déposés en 1985 et 1986, on ne pourrait pas y arriver. Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus.

M. Lemay: Oui. Je n'y étais pas. J'ai abondamment lu depuis 1980, 1981, 1983, 1984, 1985, 1986 et j'ai, dans les dernières années, hérité d'un certain nombre de dossiers avec les gens du service. Lorsque l'on dit d'énumérer dans la législation les immeubles devant être portés au rôle, ce n'est pas nécessairement dans le sens d'énumérer les types d'immeubles, qui sont des immeubles et qui ne sont pas des machines; parce que, évidemment, tous les immeubles doivent être au rôle, ça, c'est clair.

M. Morin: Des catégories.

M. Lemay: Alors, il s'agit donc d'énumérer ce qui est immeuble et ce qui est considéré comme accessoires ou machines comme tels. Je pense qu'une énumération ou une désignation, comme ce qui avait été tenté à l'époque, pourrait être une grande amélioration par rapport à la situation actuelle et serait possiblement, je pense, une voie suffisante. Évidemment, si les conditions qui sont posées sont toujours que tout le monde de A à Z, dans tous les secteurs industriels, dans toutes les municipalités, petites, moyennes, grandes, mono ou pluri-industrielles, est d'accord avec le fin détail, je pense que si c'est ça la condition qu'on se donne au point de départ, ça ne sert à rien d'investir dans la production de quoi que ce soit; ça me surprendrait beaucoup qu'on y arrive si on se donne ça comme condition. Il va falloir, à un moment donné, en arriver à ce que le législateur, dans sa bonne conscience et sa bonne gestion, tranche à la marge les éléments sur lesquels il ne peut y avoir unanimité. Je crois qu'il faut être conscient de ça.

Par ailleurs, je tiens à souligner que, dans l'approche que l'on propose, au-delà de cette précision du type d'immeubles ou des catégories d'immeubles qui permettrait de bien distinguer l'immeuble de la machine mieux que le fait actuellement l'article, il y a le deuxième élément

qui est de traiter de combien ça vaut et, de là, d'inclure dans la loi la notion d'indice de prix et de table de dépréciation, pour éviter qu'à partir du moment où on s'est entendu sur ça, ça y est, ça, ça n'y est pas le débat juridique continue sur un type de dépréciation par rapport à un autre type de dépréciation avec l'ensemble de l'argumentation technique, économique, etc., qui en découle et qui est sans fin, qui, parfois, va même jusqu'à être justifiable dans l'entreprise pour - on l'a vu - maintenir ses liquidités, son "cash-flow", en ne payant pas son compte de taxes au complet parce qu'elle traversait une période difficile.

Lorsqu'on soupçonnait que c'était ça, évidemment, tout le monde nous disait non. Et après qu'on a réussi à s'entendre sur l'île de Montréal, dans les semaines qui ont suivi, on a bien vu que le groupe en question avait traversé, effectivement, une période difficile sur le plan des liquidités. C'est pour ça qu'il faut éviter ce genre de saga judiciaire qui vise toutes sortes d'objectifs, y compris les plus malsains comme ceux que je viens de décrire.

Alors, c'est à la fois mieux préciser les catégories d'immeubles, les caractéristiques de ce qu'est un immeuble, de le faire de façon plus pointue et sans tomber nécessairement dans une liste exhaustive d'immeubles - ça peut être des typologies - mais aussi inclure des tables de dépréciation qui permettraient de clarifier, une fols pour toutes, la façon de les traiter. Cette approche-là de tables de dépréciation n'est peut-être pas souhaitée ou très valorisée par, je dirais, la profession de l'évaluation, puisque ça inclut dans une loi, pour une partie d'Immeubles, une manière de faire qui restreint une partie de leur champ de compétence professionnelle, à certains égards. Je le comprends bien. Nous sommes une administration publique, qui faisons de l'évaluation de masse et qui devons la faire avec un cadre légal qui nous permet de la faire au moindre coût possible et ça, c'est une des conditions pour pouvoir la faire au moindre coût possible, avec la meilleure efficacité, tout en maintenant une équité suffisante.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de la Communauté urbaine de Montréal qui sont venus nous faire part de leurs idées concernant le mandat de la commission et le document qui leur avait été proposé. Je vais suspendre pour une couple de minutes pour changer d'organisme. Le prochain groupe sera la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec.

(Suspension de la séance à 15 h 20)

(Reprise à 15 h 22)

Le Président (M. Garon): Oui. Alors, comme vous avez une heure à votre disposition, vous avez 20 minutes pour présenter votre point de vue, le parti ministériel 20 minutes, le parti de l'Opposition 20 minutes. Si vous en prenez moins, le reste du temps leur sera ajouté également; si vous en prenez plus, le temps que vous aurez pris en plus leur sera soustrait dans la même proportion.

Alors, M. Gabriel-Yvan Gagnon, président, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et faire votre exposé.

Corporation des officiers municipaux agréés du Québec

M. Gagnon (Gabriel-Yvan): M. Garon, je suis accompagné de M. Marc Potvin, qui est directeur général de la ville de La Baie; il est également le représentant de notre corporation au sein d'un comité conjoint traitant d'évaluation. Je suis également accompagné de Me Gabriel Michaud, de la ville de Saint-Hyacinthe, directeur général adjoint. Me Michaud est le président de notre comité de législation qui étudie les différents projets de loi qui sont déposés ici à l'Assemblée nationale et pour répondre également aux mémoires qui nous sont demandés.

M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec est heureuse de répondre à l'invitation qui lui a été faite par le secrétaire de la commission de lui faire connaître son opinion sur les orientations, les activités et la gestion du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec.

Les membres de notre corporation sont en relation soutenue, en raison de leurs activités professionnelles, avec le Bureau, les contribuables qui s'y adressent et les élus municipaux qui doivent vivre avec ses décisions. D'entrée de jeu, nous tenons à faire savoir que le BREF, au cours des dernières années, est perçu comme ayant évolué de façon dynamique et positive. Son efficacité, sa crédibilité, sa cohérence se sont, de façon générale, nettement améliorées durant cette période.

Concernant la nomination des membres du Bureau, la position de la Corporation sur cette question est que les membres du Bureau devraient être recrutés selon un processus connu, semblable à celui utilisé pour les juges des tribunaux judiciaires. Des critères objectifs, certaines exigences quant à la formation et l'expérience professionnelle, et des concours publics de sélection de personnes aptes à occuper le poste de membre du BREF nous semblent souhaitables.

De plus, les membres du Bureau doivent continuer d'être nommés exclusivement de façon permanente, durant bonne conduite. C'est, selon nous, la seule façon d'assurer l'impartialité et l'indépendance des membres, plutôt que la

formule des mandats. Le gouvernement pourrait également se constituer ainsi une banque de candidats qualifiés pouvant agir à temps partiel. On pense ici à l'impact des rôles triennaux sur les activités du BREF. Nous ne pouvons faire de commentaires sur le mode actuel de nomination, celui-ci étant inconnu.

Juridiction territoriale. Selon nous, l'obligation de siéger à Montréal ou à Québec pour l'audition des causes visées à l'article 108 de la loi ne devrait pas exister. Le Bureau devrait avoir la possibilité d'entendre ce genre de causes à Montréal ou à Québec si les deux parties y consentent. À défaut, les plaintes devraient toujours être entendues dans la municipalité du lieu de l'immeuble ou, à tout le moins, selon les règles prévues à l'article 108 de la loi, pour les plaintes portant sur des valeurs moindres. Les coûts et les inconvénients engendrés aux municipalités dans certains cas ne sont pas acceptables. Du personnel peut être mobilisé loin de son lieu de travail habituel, sans compter les frais de représentation. Il n'y a pas de raison que les grosses plaintes soient entendues loin du milieu dont elles proviennent, privant les citoyens intéressés de la possibilité d'assister aux séances du Bureau, à moins, bien sûr, que cela ne convienne aux parties.

Les procédures devant le Bureau. Quant à l'accessibilité du Bureau, nous voulons discuter de deux volets, soit l'accès physique et l'équilibre des forces. La modification introduite en 1982 quant au dépôt des plaintes dans les bureaux de la Division des petites créances de la Cour du Québec nous semble excellente. Toutefois, vu le nombre relativement peu élevé de points de service sur le territoire et les heures limitées de service de certains bureaux secondaires, nous croyons qu'une réflexion s'impose afin de pouvoir étendre davantage le nombre d'endroits où une plainte peut être déposée et où le citoyen pourrait recevoir de l'aide pour la compléter correctement. Le ministère de la Justice et les municipalités pourraient également faire davantage pour publiciser l'existence, la localisation et les heures d'affaires des bureaux déjà en place.

Quant au deuxième aspect, il est clair qu'en général le citoyen ordinaire qui se présente devant le BREF n'est pas à armes égales avec la corporation municipale. La pratique du Bureau, toutefois, tend à rétablir l'équilibre entre les parties, celui-ci supportant le plaignant et le guidant dans sa démarche, particulièrement lorsqu'il n'est pas assisté d'un professionnel. Nous sommes donc d'avis que l'on peut soutenir que les contestations devant le BREF sont accessibles pour un individu.

Quant aux contestations dans le domaine industriel et commercial, il est clair que de façon générale les municipalités n'ont pas les ressources techniques et financières pour y faire face. La rareté de l'expertise dans certains cas, l'impact sur les finances pour les villes monoindustrielles, la complexité et les coûts énormes de préparation des dossiers désavantagent les municipalités qui affrontent de grandes sociétés. Un mécanisme doit être établi pour rétablir un certain équilibre dans ce genre de dossier.

Enfin, en ce qui concerne les contestations du gouvernement du Québec, nous nous permettons de formuler les commentaires suivants. Tout le monde a en tête le cas de la SHQ qui conteste systématiquement dans tous les dossiers relatifs à des immeubles servant au logement social. On peut s'interroger sur cette pratique. On pense également à certains cas où le BREF est utilisé pour régler des problèmes entre ministères, organismes gouvernementaux et le Conseil du trésor, l'évaluation n'étant pas le vrai problème. C'est plutôt l'application de règles de subventions gouvernementales entre organismes que l'on tente de régler de cette façon.

Enfin, dans le cas des fermes et boisés, jusqu'à tout récemment, il semblait exister une pratique de plaintes systématiques. Malheureusement, les représentants du gouvernement du Québec ont rarement la courtoisie d'aviser à l'avance les municipalités lorsqu'ils se désistent ou n'ont pas l'intention de se présenter à l'audition. Cela nécessite beaucoup de préparation de dossiers, d'où des pertes de temps et d'argent pour les contribuables. On s'attend à ce que les représentants du gouvernement du Québec agissent de façon plus responsable et nous formulons un commentaire qui devrait s'appliquer à toutes les plaintes, peu importe par qui elles sont déposées: il faut que les motifs de plainte soient plus explicites et précis de façon à ce qu'un certain travail d'analyse soit fait au moment du dépôt de la plainte et contribue à éliminer les plaintes frivoles ou inutiles, surtout de la part du gouvernement.

Dans les mécanismes pour diminuer le nombre de plaintes, la correction d'office par l'évaluateur et l'adjudication sommaire nous semblent d'excellents mécanismes et il faut se féliciter de leur instauration. Nous croyons qu'un mécanisme supplémentaire pourrait être introduit. En effet, pour les municipalités faisant partie d'une communauté urbaine qui assume l'évaluation, certaines difficultés naissent du nombre d'intervenants sans lien entre eux. Si un mécanisme de réexamen obligatoire par l'évaluateur dans un court délai suite au dépôt d'une plainte était mis en place, on ne pourrait pas laisser traîner des dossiers pendant des mois ou des années jusqu'à l'audition pour découvrir que le citoyen a une plainte fondée à sa face même, créant ainsi de l'insatisfaction à l'égard de l'administration. Si l'évaluateur devait se faire une opinion sommaire du dossier dès le départ, nous croyons que les mécanismes de correction d'office ou d'adjudication sommaire pourraient être utilisés davantage au bénéfice de la population.

II ne faut pas oublier que c'est la municipalité qui se fait attaquer par le dépôt d'une plainte et qui, dans les cas où elle n'a aucun contrôle sur son évaluateur et donc sur sa preuve, peut se retrouver en situation embarrassante, puisqu'elle supportera les conséquences d'un dossier mal préparé ou étayé.

Cela nous amène également à suggérer que les administrations municipales doivent se préoccuper davantage des dossiers portés devant le BREF, de la qualité de leur intervention et s'assurer de contrôler les résultats. Les contribuables ne peuvent qu'y gagner dans l'ensemble, ce sujet étant trop important pour le laisser à des experts pratiquant une science que l'on présente délibérément comme complexe et trop technique pour être à la portée des principaux intéressés. Cela termine notre mémoire. Nous espérons que ces quelques remarques pourront être utiles à vos travaux portant sur un organisme jouant un rôle très important dans le domaine municipal.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de Lotbinière.

M. Camden: Je vous remercie, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier les membres de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec de venir présenter leur mémoire à la commission et, par le fait même, leur éclairage qui permettra sûrement aux membres de la commission de l'aménagement et des équipements de procéder à certaines recommandations ou suggestions qui pourraient contribuer à améliorer encore le fonctionnement et l'opération de ce qu'on appelle le BREF, le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec.

J'aimerais vous poser certaines questions, par exemple, quant à la nomination des membres du Bureau. Afin de donner davantage d'indépendance aux membres, quand vous vous référez à une permanence, à combien de temps songez-vous? À vie ou à une durée dans le temps de cinq ans ou de sept ans? Puisque vous nous dites: C'est "la seule façon d'assurer l'impartialité et l'indépendance des membres, plutôt que la formule des mandats." Cinq à sept ans, ça semble référer à un mandat.

M. Michaud (Gabriel): Nous voulons dire "permanence" durant bonne conduite. Évidemment, c'est qu'on soutient notre argument par le fait que, quant à nous, c'est la seule façon d'assurer l'impartialité et l'indépendance. Évidemment, c'est un tribunal administratif; nous avions déjà participé à toute la réflexion concernant un tribunal judiciaire qui était la Cour municipale; on a pu suivre le processus juridique qui a mené des dossiers jusqu'en Cour suprême. Et on a vu quelle était la portée des discussions lorsqu'on parle d'impartialité et d'indépendance. Évidemment, là, on est avec un tribunal administratif qui règle quand même les litiges qui sont importants à certains égards pour un citoyen qui s'adresse à une administration municipale et, tant qu'on parte d'un mandat, quelle que soit la durée - tantôt, on entendait parler de cinq ans, de sept ans, peu importe la durée - lorsque ce mandat a une durée déterminée, nous ne croyons pas que ce soit la meilleure façon d'assurer l'indépendance et l'impartialité. Ce qui ne veut pas dire que les membres actuels du Bureau de révision ne sont pas compétents ou ne font pas l'affaire. Ce n'est pas là la question. Nous, on dit: Objectivement, on croit que c'est la seule véritable façon d'assurer leur indépendance et impartialité.

M. Camden: Mais est-ce que vous ne craignez pas que le fait, par exemple, d'avoir un mandat et de savoir qu'éventuellement ce mandat devrait être renouvelé, ça ne puisse, évidemment, rendre les gens un petit peu plus souples ou enfin malléables à des influences qui pourraient faire en sorte que leur jugement serait faussé par le souhait de vouloir renouveler leur mandat?

M. Michaud: On ne porte pas de jugement, évidemment, sur les gens qui sont là, mais c'est certain que, lorsque c'est un mandat à durée fixe, humainement, des personnes pourraient être plus influençables ou plus malléables; et ça, on le dit de façon objective. Mais, évidemment, à ce moment-là, c'est sujet à l'éthique de chaque personne et aux mesures de contrôle de cette éthique-là que le Bureau de révision ou un organisme au-dessus pourrait avoir sur les membres du Bureau de révision. Maintenant, évidemment, de façon objective, on dit que le remède, c'est celui qu'on suggère, avec, évidemment, certains arguments qui peuvent être à rencontre de cette proposition-là, mais, argument pour argument, nous croyons qu'à ce moment-là c'est plus sûr de cette façon-là.

Évidemment, on peut faire la comparaison avec toute l'argumentation qui tourne autour de la permanence des juges des tribunaux judiciaires ou des cours municipales, etc. Et ce qui vaut pour un tribunal judiciaire ne vaut-il pas, jusqu'à un certain point, pour un tribunal administratif qui, à certains égards, traite de litiges qui ont souvent autant d'importance que devant les tribunaux judiciaires?

M. Camden: J'aimerais peut-être passer à la rubrique "Juridiction territoriale", en page 3 de votre document, dans laquelle vous mentionnez, je vous cite: "Les plaintes devraient toujours être entendues dans la municipalité du lieu de l'immeuble, ou à tout le moins selon les règles prévues à l'article 108 de la loi pour les plaintes portant sur des valeurs moindres."

J'aimerais ça que vous soyez peut-être un

petit peu plus explicite, parce que ça peut avoir une portée assez large, à mon sens, d'inviter à être entendu dans les municipalités. Ça élargit le champ, ma foi, d'une façon assez importante sur l'ensemble du territoire du Québec. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il serait peut-être mieux de l'encadrer, peut-être de l'élargir davantage par rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui, mais d'avoir quand même un cadre plus limitatif, car ça risque d'entraîner des dépenses assez appréciables?

M. Michaud: Sur cette question, la nuance qu'on apporte par rapport à ce qui existe actuellement à l'article 108, c'est que, si les deux parties y consentent - et ça pourrait arriver, dans certains cas, que les deux parties y consentent - ça pourrait se tenir à Québec ou a Montréal pour les plaintes qu'on qualifie de grosses plaintes. Mais pourquoi, finalement, le Bureau ne siège-t-il pas localement lorsque c'est une plainte plus grosse et qu'il le fait pour l'ensemble des plaintes plus petites?

Encore là, c'est une question de dire: Est-ce qu'on décentralise? Est-ce qu'on rend plus accessible en région le Bureau de révision? Québec et Montréal; lorsque, moi, je pars de Saint-Hyacinthe, Montréal, ce n'est pas si pire. Lorsqu'on parle de Baie-Comeau ou de la ville de La Baie ou encore de régions qui peuvent être plus éloignées comme l'Abitibi, avec Québec et Montréal, ce n'est pas certain qu'on parle d'accessibilité à ce type de justice qu'est le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Ça fait qu'à Saint-Hyacinthe les parties pourraient peut-être facilement s'entendre pour aller à Montréal et, de toute façon, le Bureau ne ferait probablement pas de problème pour venir siéger à Saint-Hyacinthe. Mais, lorsqu'on parle d'Amos, peut-être que c'est une autre affaire. Et, nous, on pense que, même pour les grosses causes, on devrait se rendre sur place, à moins que les parties y consentent.

M. Camden: O.K. Vous nous mentionnez les grosses plaintes. C'est quoi? En ordre de grandeur, pour vous, des grosses plaintes, c'est quoi?

M. Michaud: Actuellement, c'est celles prévues au règlement auxquelles fait référence l'article 108. Sauf erreur, on parle de 50 000 $...

Une voix: 50 000 $.

M. Michaud: ...pour une valeur locative; 500 000 $ pour une valeur foncière, sauf erreur. Ça fait qu'on prend cette référence-là et on dit: Pour nous, actuellement, si ici on considère 50 000 $ ou 500 000 $ et plus comme une grosse plainte, avec le même critère, même ces grosses plaintes-là devraient être entendues localement.

M. Camden: Bref, je dois comprendre que vous souhaitez le maintien des barèmes qu'on connaît actuellement dans la définition des ordres de grandeur que vous mentionnez.

M. Michaud: Écoutez, on doit dire que, techniquement, notre corporation regroupe des gens qui sont trésoriers, greffiers, directeurs généraux au niveau de l'évaluation et, si ces valeurs-là sont exactes, c'est peut-être plus une question à caractère technique sur laquelle, nous, on ne voit pas de problème, mais ce n'est peut-être pas notre expertise qui nous permet de suggérer des changements à ces barèmes-là.

M. Camden: O.K. Vous nous mentionnez que "le ministère de la Justice et les municipalités pourraient", quant à la procédure devant le BREF, "faire davantage pour publiciser l'existence, la localisation et les heures d'affaires des bureaux déjà en place". Quels sont les moyens que vous nous suggérez à cet égard-là pour atteindre les objectifs que vous proposez?

M. Gagnon: Ce qui a été mentionné par nous là-dessus, c'est qu'il y a déjà un contenu minimal dans l'avis qui est transmis aux contribuables. Il y aurait peut-être lieu d'ajouter certaines précisions quant aux endroits où les plaintes peuvent être déposées, les adresses. Évidemment, ce qui est indiqué ici, ce serait de faire participer sur une base volontaire les municipalités, peut-être celles qui auraient un service de communication. C'est cette orientation-là qui était envisagée. Également aussi, il faut le relier à ce qui a été mentionné précédemment, en essayant d'agrandir le nombre de points de service. Une suggestion qui avait été faite à ce sujet-là était peut-être d'utiliser comme lieu de dépôt les endroits où il y a des bureaux d'aide juridique. C'était dans ce contexte-là que cette suggestion a été apportée.

M. Michaud: Si vous me permettez, ce ne serait certainement pas, par contre, de revenir comme avant 1982 et de déterminer les hôtels de ville comme un lieu où les plaintes peuvent être portées; parce que c'était ça à l'époque. Le changement de 1982 était bien fondé et, effectivement, la municipalité pouvait être, peut-être, en situation apparente de conflit d'intérêts lorsqu'elle aidait ou permettait à quelqu'un de venir faire sa plainte contre son propre rôle d'évaluation. Ça fait que ça ne veut pas dire de ramener ça à l'hôtel de ville. Ce n'est pas ce que ça dit.

M. Camden: Est-ce que vous pensez que le formulaire devrait être disponible à l'hôtel de ville ou dans la municipalité?

M. Michaud: À la limite, que le formulaire soit disponible, c'est une chose, ça peut toujours aller. Mais, par contre, afin de compléter, ce

qu'on veut dire ici, c'est de multiplier peut-être davantage les points de service, soit à l'aide judirique ou à d'autres services gouvernementaux semblables.

M. Camden: Vous mentionnez également en page 4, quant aux procédures devant le BREF, je vous cite: "II est clair qu'en général le citoyen ordinaire qui se présente devant le BREF n'est pas à armes égales avec la corporation municipale". Qu'est-ce que vous nous suggéreriez pour permettre ce rééquilibrage de l'influence ou de la force réciproque de chacun des intervenants et, plus particulièrement, du citoyen par rapport à la municipalité?

M. Gagnon: Ce qu'on a mentionné, c'est qu'objectivement le citoyen, le contribuable n'est pas à armes égales avec la corporation. Toutefois, la pratique nous permet de constater que le Bureau assiste le contribuable, le guide dans la façon de conduire sa plainte. Et on porte à ce moment-là l'appréciation qu'actuellement on peut soutenir que les constestations devant le BREF sont accessibles. C'est ce qui nous fait, là, amener cette pondération à la première appréciation.

M. Camden: Mais ce que je peux vous indiquer, c'est que j'ai pris connaissance de certains cas récemment et, ma foi, pour des citoyens qui ont un niveau de formation peu élevé, qui ne sont pas familiers avec l'argumentation, un argumentaire à développer, la justification, ça m'apparaît être assez difficile, vous savez, d'invoquer parfois des faits. Bien souvent, le citoyen complète tant bien que mal le formulaire et pense que, évidemment, lui, connaissant la situation, l'ensemble des gens qui vont lire le document en connaissent tout autant que lui. Il m'apparaît qu'il y a peut-être un point de faiblesse et je pensais que vous aviez peut-être des suggestions à nous faire de façon plus particulière à ce niveau-là.

M. Potvin (Marc): Enfin, c'est toute une question d'accessibilité aussi au Bureau. Comme le groupe précédent, si on parle d'obliger le simple citoyen à avoir ou un évaluateur ou un avocat pour le soutenir, on risque de lui causer un préjudice beaucoup plus sérieux que de l'amener tout seul et peut-être d'avoir une défense un petit peu moins structurée, mais dont le message va quand même passer, étant donné la familiarité du dossier par les membres du Bureau.

M. Camden: O.K. Le temps avance relativement rapidement. À la page 5, un point qui m'apparaît important, vous mentionnez: "Un mécanisme doit être établi pour rétablir un certain équilibre dans ce genre de dossiers", faisant référence à la complexité des coûts énormes de préparation des dossiers désavanta- geant les municipalités qui affrontent les grandes sociétés. Est-ce que vous avez des mécanismes à nous suggérer ou à nous recommander qui permettraient, encore une fois, d'assurer un meilleur équilibre entre les grandes sociétés et les municipalités?

M. Michaud: Évidemment, nous formulions ici un constat; tout le monde connaît bien la cause Saint-Romuald contre Ultramar. Il y en a d'autres qui sont d'importance similaire. On entendait tantôt le groupe qui nous a précédés et les commentaires que ce groupe-là formulait; quand eux-mêmes, comme évaluateurs, trouvent qu'en termes d'expertise c'est difficile d'évaluer différentes catégories d'industries où il n'y a pas nécessairement de comparable et où ça prendrait un spécialiste dans chaque cas, je pense que le même argument tient pour ici. C'est bien certain que le mécanisme qui amènerait à pallier cela... Nous, on fait un constat dans les limites de notre compétence qui est celle que je disais tantôt: nous regroupons des trésoriers, des greffiers, des directeur généraux. Au niveau des évaluateurs, ceux qui nous ont précédés et ceux qui nous suivent, c'est peut-être plus leur expertise qui permettrait de trouver ce genre de mécanisme. Mais, humblement, on ne peut pas dire qu'on peut suggérer un mécanisme aujourd'hui. Ce n'est pas le cas.

M. Camden: Enfin, est-ce que je dois comprendre que vous nous invitez à faire un peu d'exploration dans ce sens-là?

M. Michaud: Évidemment, on a quelqu'un qui siège, ici, sur le comité provincial à cet égard-là. C'est bien certain que, pour toute discussion qui vient à cette table, on se trouve à être partie prenante. Et ce qu'on constate, c'est que les villes ont un problème par rapport à ce genre de dossiers qui sont portés devant le BREF.

M. Camden: O.K. Je vous remercie. M. le Président, je reviendrai à la fin.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui, merci de nous avoir présenté votre mémoire. On est mieux de commencer par vous remercier en partant, parce qu'à la fin on n'a plus de temps. Donc, ce sera une chose faite. (15 h 45)

Vous nous suggérez que les membres du Bureau soient nommés de façon permanente. On parle de partiels presque permanents. Je ne sais pas si on va finir par éclaircir la notion. Il semble que, pour le bureau administratif, les membres permanents, c'est cinq ans et, quand on parle de partiels, bien, là, ça peut être moins

longtemps. Les différents intervenants, depuis ce matin, nous disent: Bien, ça pourrait être cinq ans et d'autres prétendent que ça pourrait être sept ans. Vous, vous dites que c'est durant bonne conduite, donc, c'est nommé à vie. Il y a des implications, des coûts et des protections qui existent entre les différents intervenants ou les différentes personnes qui sont nommées, les différents juges, les différents membres du Bureau de révision. Est-ce que vous maintenez que nommé de façon permanente, c'est à vie ou si c'est juste sept ans, renouvelable selon la bonne conduite ou autrement? C'est quoi que vous entendez par ça?

M. Gagnon: À bonne conduite, pour nous, il n'y a pas de limite dans le mandat.

M. Dufour: C'est nommé à vie.

M. Gagnon: À vie. La difficulté, lorsqu'on songe à un mandat ou à un contrat, c'est la possibilité, pour ces personnes-là, d'être sujettes à diverses pressions qui ne leur permettraient pas de faire un boulot comme celui qui leur est demandé. On croit que c'est la façon d'assurer l'impartialité et l'indépendance de ses membres.

M. Dufour: donc, le rapport ouellette est assez explicite par rapport à ça. vous pourriez presque faire vôtres les recommandations du rapport ouellette.

Une voix: À bien des égards.

M. Dufour: En fait, c'est la commission qui a été mise sur pied pour porter un jugement sur les divers tribunaux administratifs qui recommande des nominations à peu près comme des juges réguliers, nommés à vie. À l'exception, lorsque j'ai posé la question tout à l'heure, que ça représente des coûts assez importants et c'est ce qui fait possiblement la difficulté avec le gouvernement. Donc, je pense qu'on va retenir ce que vous nous dites par rapport à ça.

Je veux vous parler de la juridiction territoriale des plaintes. Moi, je suis prêt à acheter ce que vous dites: À la condition que les deux parties y consentent. Le problème qui est soulevé ici, c'est que les citoyens ou l'ensemble des contribuables, s'ils veulent avoir une bonne vision de ce qui se passe par rapport aux plaintes du petit contribuable par rapport au gros contribuable ou par rapport à l'ensemble des contribuables, s'ils veulent assister, si ça se déroule dans leur municipalité, ils peuvent le faire. Il y a des coûts, là-dedans, qui augmentent si on change de territoire.

Pour en avoir vécu l'expérience, je sais ce que ça veut dire. Il semble aussi que ce soit à peu près la pratique du BREF, actuellement, qui est maintenue sur le territoire. Même s'il a une possibilité de venir siéger à Québec ou à Mont- réal, il semble que la procédure - on le lui demandera demain matin - est à l'effet que, si les parties y consentent, il peut changer la plainte de place pour l'audition. Non, il ne change pas la plainte de place, il change l'endroit de l'audition des plaintes.

On parie, bien sûr, de la difficulté que vous avez ou que le petit contribuable a vis-à-vis de la municipalité. Mais, d'un autre côté, immédiatement après, vous parlez du domaine industriel et commercial où les rôles sont inversés. Donc, il y a une difficulté quelque part. Moi, je pense que la solution par rapport à ça, c'est que la loi concernant l'évaluation soit mieux faite, qu'on y apporte des correctifs pour rétablir l'équilibre. Ce qui fait le changement, d'après moi, par rapport au commercial et à l'industriel - et on se l'est fait dire tout à l'heure - c'est que ça prendrait des experts dans chaque domaine. Comme les municipalités n'ont pas ces experts-là, bien, ça inverse le rôle. Mais, dans des plaintes comme Saint-Romuald ou d'autres, si c'était bien énuméré dans la loi ou si la loi était claire, ça rééquilibrerait les forces en présence, ce qui fait que ce déséquilibre que vous mentionnez devrait se rétablir. Ça me semble, en tout cas, un problème qui est beaucoup plus de rédaction de la loi sur l'évaluation que du Bureau de révision. Le Bureau de révision est obligé de travailler avec ce que la loi lui permet.

Je voudrais juste parler des contestations du gouvernement du Québec. On parle de la Société d'habitation du Québec et vous dites qu'elle conteste systématiquement dans tous les dossiers relatifs à des immeubles servant au logement social. On peut s'interroger sur cette pratique, mais vous nous dites que ça s'est fait à la grandeur du Québec. En le disant, est-ce que vous reconnaissez, comme les intervenants précédents, que ça ne cause plus de problème aux municipalités, que c'est à peu près comme tout le monde, selon l'expertise que vous avez, puisque vous travaillez avec ça, les évaluations, au moins pour ce que ça rapporte? Est-ce que vous pouvez dire, comme les intervenants précédents, que tout est correct?

M. Potvin: En fait, on mentionne la SHQ ici. On pourrait parler des hôpitaux, des écoles, des centres d'accueil et tout ça. En fait, il y a un petit peu de frustration de la part des officiers municipaux qui ressort dans ce volet-là. Annuellement, on pense qu'on est en paix avec le gouvernement du Québec et, annuellement, on nous dépose une plainte, deux plaintes, trois plaintes qui nous arrivent comme des cheveux sur la soupe. On se demande si des fois il n'y a pas des mandats d'autres ministères de diminuer les "en lieu" de taxes; c'est une impression d'officier municipal tout simplement.

M. Dufour: Mais est-ce que vous pouvez dire que les plaintes sont réglées à la satisfac-

tion des intervenants ou s'il y a un décalage?

M. Potvin: II y a des règlements. Habituellement, on ne va pas devant le BREF parce qu'on nous fait presque du tordage de bras, si on veut, d'une certaine façon, par les représentants de la Société ou du ministère. Évidemment, ils ont probablement une certaine argumentation qui se tient parce qu'on doit convenir qu'il y a des améliorations, mais on n'est pas toujours sûr de la vraie équité de ces règlements-là.

M. Dufour: Mais à quoi attribuez-vous ce manque d'équité ou ce que vous laissez percevoir?

M. Potvin: On va chercher quelques cas qui ne sont pas nécessairement parfaitement comparables, on nous les met sur la table et on dit: Si tu ne signes pas, on va aller au tribunal et tu vas y aller pour pire que ce qu'on t'offre.

M. Dufour: En fait, c'est ce que j'avais démontré, qu'on commence par un petit cas qui n'a pas beaucoup de conséquences, qui est accepté par les parties, parce qu'on ne va pas en cour pour un cas qui représente 500 $, par exemple, de revenus à la municipalité, et on fait un deuxième cas qui représente peut-être 1000 $. Bien, le 500 $ a été accepté...

M. Potvin: Le 1000 $ va passer.

M. Dufour: ...1000 $ ce n'est pas pire. De fil en aiguille, ça finit que tout le bras y passe, puis on vient de parier de millions. Je pense que ça a été une stratégie qui a été employée. D'ailleurs, je l'ai dénoncée en 1986. Je serais prêt à la dénoncer encore, parce que c'est de même que ça s'est fait. C'est de même que les compagnies font aussi. Elles commencent avec des petites causes où il n'y a pas grand-chose, il n'y a pas de conséquences, puis, avec la coutume, on vient d'établir des règles très précises et, à la fin, il n'y a plus moyen de revenir, tout le monde l'a accepté, donc fais-le donc. Tout le monde le fait, fais-le donc! Tout le monde l'accepte, accepte-le donc! C'est un peu ça qui se passe.

M. Potvin: Ça ressemble à ça.

M. Dufour: Ça ressemble à ça, bon! Moi, j'aime ça entendre parier des gens qui sont sur le terrain, qui voient des choses comme ça, parce que ça ressemble à ça, à du monde qui voit. Peut-être qu'on pense que vous avez raison à ce moment-là, dans votre dernier paragraphe de la page 6, où vous dites "que les motifs de plainte soient plus explicites et précis". Et que les ministères avertissent aussi s'ils veulent se désister, quand ils ont fait une plainte, car il y a des coûts à ça. Je pense qu'il y a un certain nombre d'éléments que vous soulevez qui sont intéressants concernant les relations entre le gouvernement et aussi les municipalités. Il n'y en a pas beaucoup qui viennent nous dire ça, mais je pense que c'est intéressant de vous entendre le dire.

Il y a peut-être à la page 8 - puis mon collègue de Dubuc est anxieux de vous poser des questions aussi - où vous dites: "Cela nous amène [...] à suggérer que les administrations municipales doivent se préoccuper davantage des dossiers portés devant le BREF". Puis, là, vous dites: "Ce sujet étant trop important pour le laisser à des experts pratiquant une science que l'on présente délibérément comme complexe et trop technique". Autrement dit, la guerre, c'est trop important pour laisser ça dans les mains de soldats. C'est un peu ça que vous parodiez par votre propos.

De quelle façon pensez-vous que l'on pourrait sensibiliser les administrations municipales à l'intérêt qu'elles devraient porter à ces dossiers-là? Effectivement, ce qui se passe en évaluation, c'est un peu en circuit fermé par rapport aux élus municipaux. C'est un peu une science, c'est compliqué, puis on ne peut pas s'en occuper trop. Elles sont victimes, puis elles sont vraiment responsables des résultats qui sont apportés par l'évaluation comme telle et les résultats qui arrivent subséquemment. Comment pourrait-on sensibiliser ces gens-là?

M. Potvin: S'il y a un acteur dans le domaine municipal qui doit être protégé au niveau professionnel - c'est dans la loi, on l'accepte - c'est l'évaluateur, ça, c'est bien sûr. Mais c'est certain que ça n'empêche pas la municipalité, un, d'avoir un contrat avec son évaluateur qui établit c'est quoi son rôle et c'est quoi qu'il doit faire. Deuxièmement, ça n'empêche pas de poser des questions. Supposons qu'on voie passer une série de décisions ou de jugements qui, à un moment donné, ont une influence, forcément, sur la taxation via le rôle d'évaluation, ça n'empêche pas, évidemment, les municipalités... Ce qu'on se trouve à dire ici aux administrations municipales, c'est: Mais soyez vigilantes, informez-vous, posez des questions, demandez des motifs, le pourquoi de ci et ça. C'est beaucoup plus par ce genre d'intervention, tout en protégeant toujours le caractère professionnel et l'indépendance de l'évaluateur qui doit professionnellement établir une valeur suivant des critères et des règles qui le régissent. Je pense que c'est comme ça qu'il faut interpréter notre intervention.

M. Dufour: Dans les grosses municipalités, on l'a vu tout à l'heure dans l'exemple de Montréal, il y a un élu, il présente le dossier, c'est sa responsabilité. Mais, dans la plupart des municipalités, ce n'est pas comme ça que ça se passe. Souvent, les élus sont à temps partiel.

Donc, ils ne sont pas toujours là. Ils sentent bien qu'il y a des problèmes dans l'évaluation, mais ils ne sont pas toujours conscients, non plus, entre guillemets, des impacts que ça peut avoir et comment ils pourraient s'impliquer dans ces dossiers-là, parce que ça ne les regarde pas, l'évaluation, ça se fait entre initiés. Ce n'est pas pour le monde ordinaire, ça!

M. Michaud: Oui, mais c'est certain que, si l'on parle de la Communauté urbaine de Québec et de la Communauté urbaine de Montréal, le service d'évaluation, ça devient un service administratif parmi d'autres et où il y a un regard administratif qui est quand même porté sur le service toujours en protégeant l'indépendance de... Mais, même pour les petites municipalités, il va de soi que, même si les élus sont à temps partiel, s'ils ne sont pas toujours là, comme je le disais tantôt par rapport à l'information et aux exigences, nous ne voyons pas de différence quant à cette vigilance-là que les petites municipalités devraient avoir comme les municipalités plus grandes. Elles sont en droit, d'ailleurs, d'avoir cette information-là lorsqu'elles la demandent.

Le Président (M. Garon): Est-ce qu'il y a quelqu'un du côté ministériel? M. le député de Dubuc.

M. Morin: Merci, M. le Président. Depuis le début de ces audiences, je suis un petit peu surpris, moi, qu'on semble vouloir assujettir l'impartialité et l'indépendance des membres d'un tribunal à la longueur de son mandat. C'est revenu; je pense que le Barreau pariait de sept ans, d'autres de cinq ans, chez vous, on parle de permanence.

Vous allez peut-être dire qu'on tombe dans la philosophie, mais quand même. Considérant, d'abord, que ce tribunal-là est considéré comme un tribunal spécialisé, on dit qu'il devrait être composé d'un avocat, d'un évaluateur, donc, de gens compétents au départ, au début de leur mandat, de par leur expérience; donc, à la première année d'expérience, ce sont des membres compétents, pourquoi je ne pourrais pas - je vous lance ça de même - adopter une approche totalement opposée pour garantir, justement, cette indépendance et l'impartialité? Au lieu d'aller vers des longueurs de mandats, pourquoi ne serait-ce pas des mandats très courts, à ce moment-là, un mandat d'un an, de deux ans ou de trois ans? La personne désignée n'aurait pas à s'interroger sur la poursuite à longue échéance d'un mandat. Elle irait selon sa compétence, invulnérable devant toute influence, parce que son mandat serait au préalable prévu pour deux ou trois ans. Et il ne faudrait pas invoquer le nombre d'années d'expérience parce que, étant un tribunal spécialisé, ces membres-là sont compétents dès le départ. Alors, je vous lance ça, moi, comme approche totalement opposée. Pourquoi ne garantirait-on pas cette indépendance des membres par un mandat beaucoup plus court que l'option qui irait vers presque la permanence ad vitam aeternam? J'aimerais ça avoir des réflexions de votre part là-dessus.

M. Michaud: À mon avis, l'indépendance est inversement proportionnelle; plus le mandat est court, moins on assure l'indépendance. Premièrement, c'est bien certain que, si vous mettez une durée fixe de deux ou trois ans, vous allez avoir de la difficulté à recruter quelqu'un de compétent au départ, parce que, pour deux ou trois ans, la perspective est assez courte. (16 heures)

Nous, quand on parle de permanence, ça va également avec la nomination. C'est qu'il faut avoir beaucoup d'attention au moment de la nomination et on propose, quand même, un certain processus par rapport à ça. Et quand on dit indépendance, impartialité, c'est que, moi, si j'engage quelqu'un dans un domaine - oublions le domaine municipal, oublions l'évaluation - sur un contrat de trois ans, dans les derniers six mois, dans la dernière année ou même dès la première année, s'il y a de quoi qui grippe entre cette personne-là et moi, c'est bien de valeur, je vais seulement attendre la fin des trois ans pour dire salut! Et puis, à l'inverse, la personne qui s'est fait nommer, peut-être que la dernière année, peut-être que les derniers six mois elle sera un peu plus complaisante à mon égard dans le but de dire: Oui, mais la fin de mon contrat s'en vient et je ne serai peut-être pas renouvelée. Pour nous, quand on parle d'indépendance, c'est une question objective en termes de ce qu'on considère la nature humaine par rapport aux gens qui sont en place.

M. Morin: N'êtes-vous pas en train de me faire la démonstration que quelqu'un qui aurait une possibilité de voir renouveler son mandat pourrait même adopter une attitude docile dans son comportement vis-à-vis des dossiers pour ne pas déplaire au tribunal ou à son président, etc., pour s'assurer de la prolongation ou du renouvellement de son mandat? Est-ce que c'est ça que vous êtes en train de me dire?

M. Michaud: C'est-à-dire que nous, objectivement, on propose ce qu'on pense être la solution et on dit: Évidemment, si ce n'est pas cette solution-là, ça ouvre la porte à ce qu'individuellement les gens puissent agir différemment. Ça ne veut pas dire que c'est le cas. Ce n'est pas ça qu'on veut dire. On parle de façon générale par rapport aux tribunaux administratifs; là, c'est celui-là qu'on discute. On dit que, si ce n'est pas la solution qu'on propose, à tort ou à raison on pourra taxer quelqu'un de ne pas être indépendant ou d'être partial.

Et, là, ça devient une situation de cas par cas ou d'image. C'est également beaucoup une question d'image de l'organisme qui est un tribunal administratif. Est-ce qu'on protège cette image-là? On doit donner autant l'impression d'impartialité que l'être en réalité. Ça va ensemble.

M. Morin: On n'est pas sans savoir que le fait d'opérer un poste, que ce soit là-dessus ou à d'autres niveaux, où, quand même, il se fait des tractations fort importantes... Je veux dire, ce n'est pas toujours des petites plaintes. Des fois, il y a des gros morceaux. Là, on tente de nous dire que quelqu'un à qui on garantit des renouvellements de mandat est moins vulnérable à ces influences-là, alors que, moi, je serais porté à penser différemment. Quelqu'un qui est longtemps dans un comité, un organisme, peu importe, à un moment donné adopte peut-être la philosophie de son employeur. Non?

M. Michaud: Écoutez, ce que vous donnez comme argument, ça serait vrai pour les juges de la Cour supérieure, ça serait vrai pour les juges de la Cour municipale...

M. Morin: Non, non. Je me fais un peu l'avocat du diable, mais quand même...

M. Michaud: Ah oui, et je reçois très bien votre argument et ça peut aller, jusqu'à un certain point, à mon avis... Évidemment, ce que vous dites serait vrai aussi pour les juges de la Cour municipale et les juges des tribunaux judiciaires. Nous, on prétend que c'est aussi important de donner l'image de l'impartialité et de l'indépendance que d'être impartial et indépendant.

M. Morin: Mes propos ne portent pas sur des tribunaux judiciaires.

M. Michaud: Non.

M. Morin: Je pense que c'est fort différent.

M. Gagnon: Ça n'empêche pas, non plus, de se doter de mécanismes pour vérifier si la personne, sa compétence est toujours à la pointe. Également, lorsque la personne entre en fonction, on peut songer à des mécanismes de probation à son embauche. Je voudrais abonder dans le même sens que Gabriel Michaud concernant l'apparence de justice aussi qui doit transparaître de l'ensemble de ces décisions-là. Si le mandat est court, est-ce que quelqu'un ne pourrait pas prétendre, à un moment donné: Oui, on sait bien, dans telle décision, il s'est préparé une niche pour un autre contrat après? On peut se retrouver dans ce genre de situation là. Il nous semble que le mécanisme qui serait le moins perturbant à ce niveau-là serait une nomination durant bonne conduite.

M. Morin: Enfin, M. le Président, je voulais, pour terminer, soulever ça parce que je demeure quand même sur mon appétit. Lorsqu'on parle de garantir l'indépendance et l'impartialité des membres d'une commission ou d'un tribunal, les seuls propos qu'on ait entendus ont été en fonction de la longueur du mandat, alors que, pour moi, il doit y avoir d'autres aspects, d'autres critères, d'autres volets sur la base desquels on pourrait statuer justement et garantir cette indépendance-là, et non pas uniquement exclusivement en fonction de la durée du mandat. C'est un petit peu ça qui me déçoit un peu. Il doit y avoir d'autres éléments qui peuvent nous permettre de garantir cette indépendance-là. J'ai de la difficulté à croire que c'est uniquement une question de longueur de mandat.

M. Michaud: Ce n'est pas uniquement une question de longueur de mandat et, dans nos commentaires qui entourent cet élément-là, on a des commentaires, dès le départ, sur la nomination et la sélection. Évidemment, si quelqu'un est permanent, on doit être d'autant plus exigeant sur le suivi de son expertise en cours de route. On doit être beaucoup plus sévère sur le maintien de ses compétences et sur son comportement général, de sorte que ça part de la nomination et pendant toute la durée de ses fonctions. D'ailleurs, on peut voir que même plusieurs causes du gouvernement passent devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière et c'est quand même forcément le gouvernement qui se trouve à nommer les gens qui sont là. Ça donne ouverture à l'atteinte à l'image autant qu'à l'impartialité réelle; ça ne veut pas dire que les membres seront nécessairement partiaux, mais c'est autant l'image que l'individu lui-même, à un moment donné.

Le Président (M. Garon): M. le député de Lotbinière.

M. Camden: Merci, M. le Président. En conclusion, j'aimerais remercier les membres de la Corporation de l'éclairage qu'ils nous ont apporté et plus particulièrement de leur contribution par leurs propos visant à conduire à une plus grande indépendance les membres du BREF. Je pense que ce qu'on constate, à toutes fins pratiques, depuis ce matin, c'est qu'il y a une constante à ce niveau; les gens sont soucieux et préoccupés d'améliorer, d'élargir et de faire en sorte que les membres soient le plus indépendants possible au BREF, et puissent rendre des décisions les plus objectives et, évidemment, les plus éclairées et, aussi, faire preuve de grande compétence. On constate par les propos qu'il y a eu, semblerait-il, avec les

années une amélioration du climat et des relations qui a fait en sorte que les gens font peut-être preuve davantage de rigueur à l'égard de l'analyse des dossiers. j'ai été aussi un petit peu étonné de ce que vous portez à notre attention, plus particulièrement à l'égard de ce que je qualifierais, moi, d'une forme de mépris du travail des autres, plus particulièrement venant de certaines personnes qui occupent des fonctions au gouvernement du québec par le fait de manquer peut-être à leur mandat, de ne pas indiquer aux municipalités, particulièrement aux gens que vous avez à diriger, leur intention de ne pas poursuivre dans des dossiers et de ne pas avoir, non plus, au moins l'élégance minimum de prévenir les gens qu'elles ne seront même pas présentes et qu'elles se désistent. ça, ça m'apparaît être une forme de mépris à l'égard des gens des municipalités. à mon sens, il devrait y avoir des mesures de prises pour corriger cette situation qui est fort coûteuse pour le gouvernement du québec et, également, coûteuse pour les contribuables qui sont les mêmes gens et particulièrement dans vos municipalités. ça oblige aussi votre monde, dans votre milieu de travail, à faire des efforts qui, malheureusement, pourraient être peut-être des fois consacrés à autre chose que ces dossiers-là. j'ai pris bonne note de ces éléments-là. vous savez, on est dans une période où la rationalisation des finances est importante à tous les niveaux. et c'est l'un des éléments sur lesquels, ma foi, il m'apparaît que c'est un irritant important qu'il faut porter à l'attention des gens qui sont en mesure de faire suivre auprès de ces gens des directives administratives qui pourraient changer à tout le moins les comportements.

J'ai également été étonné un petit peu des propos, en page 8, que vous avez à l'égard du contrôle ou du lien... Peut-être en conclusion, j'aimerais que vous me donniez ça en deux, trois mots. Je ne comprends pas la situation embarrassante dans laquelle une municipalité peut se retrouver à cause du lien qu'elle a avec des gens qu'elle embauche par voie contractuelle. Ces gens-là ne fourniraient pas des données adéquates pour qu'une municipalité puisse bien préparer ou étayer un dossier. Je suis un peut étonné. J'aimerais peut-être quelques commentaires rapidement.

M. Potvin: En fait, ce n'est pas vraiment un manque de confiance, c'est tout simplement un mandat que, nous, on se donne d'être peut-être plus près de nos évaluateurs pour mieux comprendre ce qui se passe en évaluation, finalement. Il ne faudrait pas le voir comme un constat d'échec dans les relations avec nos évaluateurs. C'est un souhait qu'on fait, qu'on se rapproche d'eux plutôt pour mieux comprendre leur travail.

M. Michaud: Ce que j'ajouterais quand même à cet égard-là, c'est: Oublions les communautés urbaines au départ qui ont, quand même, une situation particulière. Même dans ces cas-là, d'un évaluateur à l'autre, d'une firme à l'autre, si la municipalité laisse aller... J'ai eu connaissance de situations par des collègues et personnellement, dans quelques cas, directement, où, si on ne questionne pas, si on n'est pas vigilant auprès des ententes qu'on a avec notre évaluateur qu'on engage, à ce moment-là, le contrat de l'évaluateur est reporté d'année en année sans que personne ne questionne. On se retrouve avec des jeux au niveau de l'évaluation et de la taxation qu'on ne devrait peut-être pas avoir parce qu'on n'a pas été vigilant, on n'a pas questionné. C'est bien certain que, lorsqu'on parle de dossiers mal préparés ou étayés, s'il n'y a pas de vigilance à cet égard-là, ça peut arriver, c'est arrivé effectivement et ça arrive. Mais ça, c'est cas par cas, municipalité par municipalité.

M. Camden: Je vous remercie bien, messieurs, de vos commentaires. J'ai beaucoup de respect pour la tâche que vous assumez et les responsabilités également qui vous incombent, puisque bien souvent, vous savez, on est en politique, il y a d'autres gens qui sont en politique en milieu municipal. Vous assurez, à maints égards, la continuité dans l'ensemble des dossiers au niveau municipal. Vous avez là-dessus des responsabilités qui sont lourdes. On constate que vous avez à coeur de vouloir bien les assumer. Merci.

Le Président (M. Garon): Je remercie la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec d'être venue rencontrer les membres de la commission de l'aménagement et des équipements. Maintenant, je suspends les travaux pour quelques instants, en attendant que viennent s'installer à la table les représentants de l'Association des évaluateurs municipaux du Québec.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 13)

Le Président (M. Garon): J'inviterais les membres de l'Association des évaluateurs municipaux du Québec à prendre place, en leur disant qu'il y a une heure à leur disposition. Normalement, on partage le temps en 1/3, 1/3, 1/3, donc 20 minutes pour faire votre exposé, 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition.

Alors M. Bernard Bolduc, président, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et faire votre exposé, s'il vous plaît.

Association des évaluateurs municipaux du Québec

M. Bolduc (Bernard): M. le Président et les membres de la commission, je vous remercie de nous avoir reçus aujourd'hui pour déposer notre mémoire.

À votre extrême droite, M. Pierre Gosselin, évaluateur agréé, CUM; M. Jean-Guy Mercier, évaluateur agréé, Communauté urbaine de Québec; à votre gauche, M. Richard Chabot, évaluateur municipal, de la compagnie Roche Evimbec, et moi-même, Bernard Bolduc, évaluateur agréé pour la ville de Repentigny.

L'Association des évaluateurs municipaux du Québec est un organisme à but non lucratif qui regroupe l'ensemble des évaluateurs municipaux du Québec. L'AEMQ a été créée en 1959 et regroupe plus de 450 membres, dont des évaluateurs agréés, des évaluateurs avec permis municipal, des ingénieurs, des agents de taxes, des gestionnaires, avocats et techniciens. Ces intervenants ont une implication directe dans le domaine de l'évaluation municipale et aussi particulièrement, devant le Bureau de révision à titre d'experts.

Les principaux buts de l'Association sont de servir à l'échange de renseignements et de méthodes concernant la pratique de l'évaluation municipale, d'améliorer le statut professionnel par l'entremise de cours de formation et d'informer les membres des modifications aux lois et règlements relatifs à la fiscalité municipale. Et Dieu sait que, ces temps-ci, ce n'est pas ça qui manque!

Le premier point: nomination des membres du Bureau de révision. Le processus de sélection dans la situation actuelle. Le rapport du groupe de travail sur les tribunaux administratifs, désigné comme le rapport Ouellette, décrit cet organisme comme un organisme multidisciplinaire composé de juristes, d'évaluateurs agréés, d'ingénieurs et d'administrateurs. D'un autre côté, l'article 87 de la Loi sur la fiscalité municipale se limite à mentionner que les membres du BREF sont nommés en permanence par le gouvernement et qu'ils peuvent être à temps plein ou à temps partiel". Or, nous sommes d'opinion que l'article 87 est tout à fait insuffisant et qu'il ne comporte aucune disposition permettant de contrôler la compétence et les qualifications des futurs membres du Bureau de révision.

La nécessité d'un processus formel de sélection. L'Association est d'accord avec la nécessité d'un processus formel de sélection, tel que celui qui est recommandé et décrit dans le rapport Ouellette. Toutefois, nous pensons qu'il y aurait lieu de préciser davantage la notion d'expérience pertinente, mentionnée à la recommandation 36 qui parle de 10 années d'expérience professionnelle minimum. Il faudrait peut-être définir ce qu'on entend par "le degré de con- naissance de cette personne dans le ou les secteurs d'activité dans lesquels elle exercerait ses fonctions".

Autre point: prépondérance des professionnels de l'évaluation. Dans le cas particulier du Bureau de révision de l'évaluation foncière, ne serait-il pas normal d'accorder une importance primordiale à l'expérience et aux connaissances des candidats reliées directement au domaine de l'évaluation, et ce, préférablement, dans le champ municipal?

Dans cette même perspective, la composition des divisions du Bureau de révision et le choix d'un président de division devraient refléter une prépondérance des professionnels de l'évaluation foncière dans toutes les causes dont, et je souligne, l'objet principal est la détermination de la valeur réelle ou de la valeur marchande d'un immeuble. Dans les divisions composées de un ou deux membres, l'évaluateur devrait présider. Dans celles composées de trois ou cinq membres, n'importe quel des membres pourrait présider, pourvu que les évaluateurs constituent la majorité. Nous soulignons ici que nous faisons toujours référence aux causes dont l'objet principal est de déterminer la valeur marchande des immeubles et non pas une question de droit.

La durée du mandat. L'Association est d'accord avec une durée de mandat de sept ans, tel que mentionné au rapport Ouellette. Toutefois, il serait préférable d'inclure une période de probation d'au plus une année, en début de mandat. Et, au cours de cette même période de probation ainsi que dans la dernière année du mandat de sept ans d'un membre, il serait souhaitable de ne pas lui confier de cause impliquant le gouvernement afin de ne pas créer une situation où il y aurait apparence de conflit d'intérêts.

Le point suivant, juridiction territoriale. Les dispositions actuelles précisant la juridiction territoriale ne présentent aucune difficulté en ce qui nous concerne en autant que le BREF conserve la latitude de se déplacer à la demande des municipalités ou de sa propre initiative afin d'entendre les causes en région éloignée. Là, on fait un peu référence à des régions éloignées où on pourrait entendre des causes. Je prends un exemple au hasard, Val-d'Or où il y a des mines. Il y aurait une plainte, à ce moment-là, et on mentionnerait: II faut que les plaintes soient entendues dans la région où l'immeuble est situé. On pourrait se retrouver dans un avion avec le président et les autres membres du Bureau de révision, avec les avocats de la partie plaignante et les avocats de la municipalité ainsi même que les évaluateurs experts. On se retrouverait dans l'avion avec tous les membres qui iraient plaider à Val-d'Or. C'est pour ça qu'on mentionne qu'on conserve la latitude de se déplacer parce que c'est fait à la demande des parties.

Procédures devant le BREF, devant le Bureau de révision, l'accessibilité au niveau

résidentiel. Nous croyons que la contestation ici est réellement accessible à l'individu. C'est quand même très accessible. C'est 20 $ de dépôt et l'individu contribuable a accès à la Cour des petites créances afin de recevoir de l'aide pour remplir son formulaire de plainte. C'est même très accessible. Je ne pourrais pas dénoter alléchant, mais très accessible. Payer 20 $ pour aller au Bureau de révision et être en présence d'un expert qui pourrait déposer un rapport qui pourrait valoir sur le marché possiblement 250 $, 300 $ minimum et là, dépendamment de l'immeuble, il pourrait se retrouver avec un rapport qui, sûrement, vaudrait plusieurs centaines de dollars, c'est presque avantageux dans certains cas. Toutefois, la complexité du système, de la Loi sur la fiscalité municipale, des règlements et du processus d'évaluation rebute quand même fréquemment le contribuable. Le contribuable qui se retrouve avec un compte de taxes, il a un beau compte de taxes; il reçoit ça. J'ai la valeur imposable, j'ai la valeur uniformisée d'inscrite là-dessus; j'ai un facteur médian, j'ai un facteur comparatif et mon facteur médian m'indique à quelle proportion de la valeur marchande je suis imposé. La date d'évaluation, elle, est 18 mois précédant l'année d'imposition. Bon. Tout ça, je pense que ce n'est pas clair pour le contribuable; c'est quand même nébuleux. Alors, on dit oui à l'accessibilité, mais la compréhension, c'est quelque peu incertain. On a voulu, en fait, donner le plus d'informations possible à l'individu et au contribuable. Mais, sur les comptes de taxes, on est rendu avec tellement d'informations et une complexité si grande dans la fiscalité municipale que ça en devient presque de la désinformation. C'est presque du chinois et ça devient de plus en plus difficile au contribuable de comprendre son compte de taxes.

Pour contrebalancer cette situation, lorsque l'individu se présente devant le Bureau de révision, il est notoire que le Bureau de révision a développé un préjugé favorable au contribuable et qu'il l'aide souvent à faire sa preuve lorsqu'il est mal préparé, de manière à équilibrer le débat. Les membres de l'Association sont tout à fait conscients de ça et ce n'est pas quelque chose qu'on condamne, au contraire. Je pense que le Bureau de révision veut aider le contribuable à ce que les règles soient claires pour lui; alors, il l'aide, dans quelques cas, à faire sa preuve ou à démontrer ses arguments. Mais ceci a souvent pour effet de renverser le fardeau de la preuve et de forcer l'évaluateur à démontrer la justesse de sa valeur ou des valeurs déposées dans le cas même où l'évaluateur maintient les valeurs qui sont déposées. Or, il nous apparaît, à nous, que cette situation devrait être corrigée; c'est quand même au contribuable à faire la preuve que son immeuble est mal évalué ou ne représente pas la bonne proportion de la valeur marchande.

Notre recommandation est la suivante: lors de l'envoi postal de l'avis d'audition, les contribuables pourraient être instruits des procédures qui sont normalement observées devant le Bureau de révision et qu'ils ont le fardeau de la preuve que leur évaluation leur porte préjudice ou qu'elle est inéquitable. Il pourrait même y avoir aussi une recommandation à l'effet de contacter l'évaluateur pour avoir plus d'information ou même une consultation. Ceci aurait probablement pour effet de réduire les plaintes. Dans les cas où les gens se présenteraient, ça accélérerait les auditions de plaintes et cet envoi postal là dénoterait aussi une certaine transparence des procédures observées devant le Bureau de révision; ceci rassurerait le contribuable et lui donnerait une certaine assurance ou confiance devant ce même tribunal et même devant l'évaluateur.

L'accessibilité maintenant aux domaines industriel et commercial. Alors, là, l'accessibilité est tout à fait certaine. C'est même très utilisé; je pense qu'on en a parlé une bonne partie de la journée, surtout les causes industrielles. Alors, les gens sont au courant du processus de ce côté-là.

Autre point: est-ce que les municipalités ont les ressources techniques et financières pour faire face aux contestations? La réponse, c'est non. Je ne pense pas que les municipalités budgètent des sommes parfois astronomiques pour défendre certaines valeurs.

Plusieurs industries se plaignent de façon systématique et investissent dans leurs contestations des ressources très importantes. Tablant, entre autres, sur certaines zones grises dans l'interprétation de la Loi sur la fiscalité municipale concernant les équipements industriels et sur la difficulté reliée à l'estimation de la dépréciation applicable à leurs bâtisses, les contribuables industriels considèrent qu'ils ont de très bonnes chances de faire réduire leurs valeurs taxables foncière et locative.

Jusqu'à maintenant, ni le législateur ni les tribunaux n'ont statué clairement sur certains articles de la Loi sur la fiscalité municipale pouvant affecter la valeur taxable de ces immeubles. La lecture de plusieurs décisions, très élaborées, portant sur des immeubles industriels révèle toute la complexité et l'importance des aspects légaux reliés à l'évaluation des industries. Le problème majeur de cette catégorie d'immeubles est souvent de savoir quoi porter au rôle d'évaluation. C'est une question d'interprétation. Et, là, je ferais peut-être référence à l'article 65 de la Loi sur la fiscalité municipale, juste le premier paragraphe où on mentionne: "Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants: une machine, un appareil et leurs accessoires utilisés principalement à des fins de production industrielle". Alors, le mot "principalement", c'est quoi? 20 %? 30 %? 41 %? 52 %? C'est de l'interprétation. L'évaluateur a très peu d'expérience pour juger ce type de causes là dont on parle.

Ici encore, comme pour l'article 1, la ligne est très difficile à tracer. Un travail d'évaluation, entre guillemets, parfait exigerait des ressources techniques et légales importantes. Elles ne sont pas habituellement à la portée des petites municipalités.

Le coût et la dépréciation de certains immeubles. En raison de l'évolution rapide des technologies et de certaines caractéristiques des bâtiments industriels, l'estimation des coûts neufs et de la dépréciation devient de plus en plus une tâche très complexe. La question de la dépréciation, en particulier, est à l'origine d'un grand nombre de litiges et de décisions contradictoires des tribunaux. On dénote un certain manque de collégialité, peut-être dû au fait que la loi n'est pas claire aussi. Le Bureau de révision compose bien avec les outils dont il dispose.

Plusieurs décisions font maintenant intervenir des données sur l'exploitation industrielle, sur le coût de la main-d'oeuvre, la capacité de production non utilisée et certaines dépréciations de bâtiments et améliorations. L'évaluateur n'a pas le temps ni la compétence universelle infuse qui lui permettrait de comprendre et de traiter adéquatement tous les problèmes inhérents aux différentes industries. Devant le Bureau de révision, il arrive fréquemment que les municipalités doivent contrer des preuves faisant largement appel à des compétences très spécialisées. Pour renforcer leur position et lorsque l'enjeu le justifie, celles-ci engagent à grands frais des spécialistes capables de répondre aux autres spécialistes en minoterie, en industrie pharmaceutique, en aéroport, en pétrochimie particulièrement.

Nos recommandations. Il ressort de ce qui précède que l'évaluation des immeubles industriels est devenue extrêmement complexe tant du point de vue légal que du point de vue technique. Sur le plan légal, la présente loi donne cours à des interprétations diverses et qui peuvent conduire à un certain manque de collégialité entre les décisions concernant les immeubles industriels.

Souvent, les causes sont gagnées dépendam-ment des moyens et des forces qui sont utilisés. C'est à savoir c'est qui qui a la plus grosse équipe. C'est là qu'on en est rendu. L'ensemble de ces facteurs engendre des déplacements fiscaux importants car, en bout de ligne, c'est le contribuable qui se trouve pénalisé. Il se trouve pénalisé de plusieurs façons. Il doit éponger les dépenses de la municipalité, puis il doit payer une part accrue des taxes et des quotes-parts qui sont non remboursées. (16 h 30)

Devant ces faits, l'Association des évalua-teurs municipaux présente, comme hypothèse de travail, une solution qui a déjà été appliquée en Colombie-Britannique, puis dont on a entendu parler aujourd'hui, à savoir une réglementation ministérielle - établissons les règles du jeu; après ça, on pourra travailler - énumérant les biens à porter au rôle, qui est un des problèmes majeurs. On les connaît, les problèmes. Ils sont connus des industries, ils sont connus de la Direction générale de l'évaluation municipale, ils sont connus des évaluateurs, les problèmes particuliers. Alors, énumérant les biens à porter au rôle, fournissant les barèmes de coût à neuf, établissant les taux de dépréciation applicables. Une solution semblable aurait l'avantage de simplifier grandement le travail des évaluateurs municipaux et des membres du Bureau de révision. De plus, elle diminuerait le nombre de plaintes, ce qui serait beaucoup moins coûteux pour les municipalités. Enfin, des règles claires quant à la définition de l'assiette taxable rassureraient l'ensemble des contribuables quant à l'équité générale du système.

Pour ce qui est des immeubles commerciaux, on rencontre un peu les mêmes problèmes que dans l'industrie. Alors, définissons les biens qui sont à porter au rôle: un gros frigidaire pour la crème glacée, on ne partira pas des chicanes pendant deux jours sur un frigidaire, à savoir s'il est attaché à l'immeuble ou s'il ne l'est pas. C'est des dépenses exorbitantes pour le peu que cela peut rapporter au bout du compte.

Autre point: contestations par le gouvernement du Québec. Compte tenu que le gouvernement paie des "en lieu" de taxes et que la procédure de contestation est très coûteuse pour les deux parties, l'Association suggère de mettre sur pied un système de valeurs automatiquement indexées, lequel tiendrait compte du potentiel de revenu que reçoivent les municipalités. On a dans la loi présentement l'article 47 qui prévoit le mode de calcul de la valeur inscrite des assiettes de chemin de fer. Ceci nous donne un exemple d'un tel mécanisme d'évaluation. Il serait souhaitable d'étendre ce genre de formule aux unités d'évaluation appartenant au gouvernement provincial. Établissons les valeurs et on les indexera.

Autre point: mécanismes prévus pour diminuer le nombre de plaintes devant le Bureau de révision. La situation actuelle. L'AEMQ croit que les mécanismes permettant de corriger les évaluations sans avoir à se présenter devant le Bureau de révision ne sont pas suffisamment utilisés. Ceci s'explique sans doute par leur complexité et leur lenteur, ainsi que par une mauvaise compréhension, souvent, des subtilités de leur fonctionnement. Principalement, l'adjudication sommaire qui est compliquée et ralentie par la nécessité d'obtenir l'autorisation de la corporation municipale et par l'intervention du BREF qui vient, en fait, bénir les ententes qui sont conclues entre l'évaluateur et le contribuable. L'intervention du BREF nous semble quelque peu inutile dans ce cas-là.

La correction d'office. La procédure de correction d'office est probablement celle qui est la plus utilisée, qui est la moins compliquée; elle est quand même une bonne procédure, sauf

qu'elle est très lente. Elle est devenue, dans la très grande majorité des cas, une simple formalité, le Bureau se limitant surtout à vérifier si la procédure prévue par la loi a été respectée.

Notre recommandation: l'AEMQ est d'avis d'alléger le processus actuel des mécanismes de correction sans comparution par la simple émission d'un certificat de l'évaluateur qui pourrait faire le même travail de modification au rôle sans créer de préjudice aux recours du contribuable devant le Bureau de révision; on maintiendrait son recours de 60 jours pour loger sa plainte suite à ce certificat s'il y avait erreur ou mésentente.

Enfin, collaboration du BREF, du Bureau de révision, et des évaluateurs municipaux. La collaboration entre le BREF et l'Association s'est nettement accrue depuis les dernières années, mais nous croyons qu'il y a quand même place à l'amélioration à ce chapitre. Nos suggestions sont, entre autres, de favoriser encore davantage la cohérence entre les décisions; par exemple, en préparant des rôles d'audition par unités de voisinage ou par immeuble, l'uniformité de traitement des plaintes serait mieux assurée.

Enfin, l'Association des évaluateurs municipaux recommande fortement une entente prévoyant qu'il n'y aurait aucune audition de plainte dans les trois mois précédant le dépôt du rôle d'évaluation d'une municipalité. Ce n'est pas toutes les municipalités qui vont déposer des rôles triennaux à chaque année, c'est évident. Compte tenu des ressources et de l'énergie que les évaluateurs et les municipalités mettent à confectionner ces rôles, à les mettre en place et à faire les vérifications, je pense que les gens ont besoin de tout le personnel nécessaire et de tout le temps pour mener à bien cette mission.

L'AEMQ, par sa présentation aujourd'hui, voulait démontrer son intérêt et son implication en ce qui a trait au domaine de la fiscalité municipale, et ce, principalement dans le domaine de l'évaluation. Je pense que c'est évident. Ce mémoire-là ne se veut pas une critique formelle du Bureau de révision, mais c'est plutôt une critique constructive, compte tenu des outils dont il dispose et compte tenu des outils dont l'évaluateur dispose, qui est la Loi sur la fiscalité municipale dont certains articles sont plus que nébuleux. Nos recommandations sont principalement axées sur des correctifs à apporter à ces mêmes outils qui servent aux deux parties.

Ce qu'il ne faut pas perdre, en fait, au bout du compte, c'est le but visé par la Loi sur la fiscalité municipale et l'ensemble du mécanisme de la fiscalité municipale. Qu'est-ce qui est visé: à savoir si un frigidaire ou tel appareil est une machine ou si c'est un système de fiscalité municipale basé sur une équité qu'on appelle horizontale, où tout le monde est évalué à la même proportion, au même niveau? Ce n'est pas des débats à savoir qui a raison: est-ce 1000 $ de moins ou de plus? C'est au niveau de l'équité fiscale. C'est le contribuable qui paie la note au bout du compte. Ce n'est pas la municipalité, ce n'est pas l'entreprise privée; c'est le contribuable. La facture descend toujours en bas. Alors, c'est pour ça qu'on mentionne à plusieurs reprises: Établissons des règles claires, les tribunaux pourront juger avec des règles claires et les évaluateurs pourront évaluer aussi.

Alors, messieurs et mesdames de la commission, nous vous remercions de nous avoir entendus aujourd'hui.

Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, M. Bolduc. Pour le côté ministériel, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord, comme le député de Jonquière le mentionnait tantôt, vous remercier d'avoir bien voulu venir nous aider à avoir une meilleure compréhension, ici, à la commission, au niveau de l'évaluation municipale et de l'ensemble de tout ce processus. M. Bolduc, M. Chabot, M. Gosselin et M. Mercier, donc, on vous souhaite la bienvenue à cette commission.

Moi, ma première question serait probablement à savoir: Est-ce que vous voyez, vous, une différence au niveau des responsabilités entre un évaluateur municipal et un évaluateur agréé? On voit déjà la différence, ici, au niveau des responsabilités entre M. Bolduc et vous autres. Question de nous aider. L'évaluateur municipal a un mandat directement de sa municipalité. Quant à l'évaluateur agréé, est-ce que sa perception des valeurs a tendance à être différente?

M. Bolduc: Non, je ne crois pas. Quand même, l'évaluateur municipal est souvent un évaluateur agréé. Il y a aussi les évaluateurs municipaux avec un permis municipal qui a été délivré par le ministère. Le but, en fait, de ces personnes-là est le même, soit d'évaluer à leur juste valeur tous les immeubles. Lorsqu'on parle de l'Association versus la Corporation, à l'intérieur de nos membres - on possède 450 membres - on se retrouve avec près de 200 membres évaluateurs agréés et les autres intervenants sont des gens d'autres domaines, mais qui gravitent alentour du domaine municipal.

M. Gauvin: Ce que je trouve intéressant d'entendre à ce moment-ci de la journée, c'est qu'on doit forcément faire la relation avec les évaluateurs municipaux et leur association, d'une part, et les officiers municipaux qui ont, eux, à répondre à la population du certificat d'évaluation qui leur a été présenté directement. Donc, vos deux groupes se doivent constamment d'être en relation au niveau de l'information et des détails à être apportés au propriétaire qui tente de comprendre son certificat d'évaluation, d'une part. Et, quand il n'y a pas une bonne compréhension du propriétaire, évidemment, on se

retrouve au BREF. C'est ça l'histoire, finalement, de tout ce processus. C'est pourquoi je vous demandais tantôt: Quand on voit une organisation, une structure de bureau d'évaluation municipale, que ce soit au niveau d'une MRC ou d'une municipalité, peu importe, vous partez autour d'un évaluateur responsable et plusieurs techniciens. On peut se retrouver dans une région donnée avec des grilles ou - en fait, je vous questionne à savoir: Est-ce qu'on peut se permettre de raisonner comme ça? - avec des valeurs qui pourraient être différentes par rapport à d'autres régions. Parce que les citoyens de MRC différentes ou de régions différentes comparent assez souvent leurs valeurs et, plus souvent, pas au niveau industriel. C'est une question que peut-être, en fait...

M. Mercier (Jean-Guy): Si vous me le permettez, je vais vous répondre. L'évaluateur agréé, qu'il soit dans le domaine privé ou dans le domaine municipal, c'est le même gars. On a la même formation, on a les mêmes sources d'information, on devrait avoir la même conclusion. Que vous soyez dans une municipalité ou dans une MRC, le but recherché, c'est la valeur marchande telle que la loi nous le prescrit. À ce moment-là, le cheminement de l'un et de l'autre devrait produire le même résultat. Il n'y a pas plus d'avantages à être représenté, nous ne le croyons pas, par un évaluateur agréé dans le domaine privé que par un évaluateur agréé dans le domaine municipal. On est de la même école, de la même formation.

M. Gauvin: Pour revenir à un point que plusieurs groupes ont soulevé fréquemment, à savoir la nomination des membres du Bureau - je pense que ça a été amené assez souvent comme questionnement aujourd'hui - de quelle façon voyez-vous ça en clair? Aujourd'hui, ils ont un caractère permanent et plusieurs recommandent de les ramener sur une période de sept ans renouvelable ou cinq ans renouvelable, peu importe, justement pour permettre à ces membres-là une certaine stabilité, d'une part, et, d'autre part, je pense, une certaine confiance envers le BREF, parce qu'ils verraient fonctionner le Bureau avec une philosophie d'année en année qui se ressemble, finalement. Quelle est votre réaction ou votre réflexion à ce niveau-là?

M. Bolduc: Au niveau du BREF, je pense qu'on a mentionné, sur un mandat de sept ans, qu'on était d'accord avec ce qui était mentionné au rapport Ouellette. Ce serait une nomination qui serait permanente sept années, avec une année de probation, et il y aurait renouvellement, sauf pour cause, comme c'a été mentionné par d'autres organismes. Je pense qu'on s'attache un peu à cette définition.

M. Gauvin: Et, de cette définition-là, comme vous le mentionnez, je pense que ce qu'on devrait comprendre, c'est que, quand un membre est nommé, on devrait, d'abord, aller voir son expérience comme professionnel dans le passé. Je pense que c'est comme ça que ça se passe, de toute façon. C'est ce qui sécurise à un moment donné la nomination d'un membre éventuel, à savoir de quelle façon il devrait se comporter, parce que le passé est toujours garant de l'avenir. Je pense qu'on se réfère fréquemment à ça.

M. Mercier: Effectivement. Peut-être pour ajouter un petit peu à la réponse de M. Bolduc, le domaine de l'évaluation évolue comme tous les autres domaines et c'est très important que l'évaluateur qui sera au Bureau de révision se mette à jour continuellement. Ce qui arrive, c'est que, s'il oeuvre en région, peut-être qu'il n'a pas toujours l'opportunité de siéger sur des causes d'égale importance à ses confrères. Si cette personne n'a pas réussi à se mettre à jour par ses propres moyens, je pense qu'après sept ans on dit: Écoute, tu n'es plus à jour. Tu ne peux plus remplir ton mandat tel que la loi te le demande. C'est pour ça qu'on parle de "pour cause".

M. Gauvin: Évidemment, j'avais pris une note ici pendant votre exposé. La référence à l'expérience professionnelle pertinente, je pense que c'est un peu ça qu'on vient d'expliquer ou de débattre, en rapport avec le degré de connaissance probablement du secteur, du type de propriété dans la région où il a évolué dans le passé.

À un moment donné, vous mentionnez que le Bureau devrait se composer en très grande majorité d'évaluateurs professionnels. Je pense que ça s'explique, venant d'évaluateurs.

Des voix: Ha, ha, ha! (16 h 45)

M. Bolduc: C'est toujours concernant les points d'évaluation, par contre.

M. Gauvin: Oui. Il y a des membres de cette commission-là qui faisaient remarquer, cet avant-midi, que les professionnels du type avocats ou de ce genre-là - on parlait des notaires et avocats - on n'avait pas tendance à les inviter aussi souvent que certains groupes l'auraient souhaité sur des bureaux de ce genre-là. Est-ce que vous avez une appréciation?

M. Bolduc: J'aurais peut-être la remarque contraire, à l'effet qu'il n'y a pas assez d'évaluateurs sur certains bureaux de révision.

M. Mercier: Non, mais, regardez, je pense qu'il y a peut-être un exemple qu'on pourrait vous citer. Dans une cause, entre autres, où j'ai eu, à un moment donné, à évoluer - c'est un

hôtel majeur de la région de Québec - le banc était composé de trois membres. Vous aviez deux membres avocats et un membre évaluateur. Et, dans tout le débat sur la complexité de l'évaluation d'un hôtel à caractère international, quelque chose de gros, je pense que ça prend vraiment quelqu'un qui peut discuter de valeurs, discuter de théorie avec un confrère. Et, là, on avait, pour juger la cause, deux membres avocats qui étaient là juste pour: est-ce qu'on maintient l'objection, est-ce qu'on la retient ou est-ce qu'on la retourne? Et le membre évaluateur est tout seul et il est en train de penser dans son coin. C'est vrai qu'ils vont échanger avec les avocats. Les avocats ont une base en évaluation maintenant. Sauf que moi, comme évaluateur agréé, je pense que j'aurais, il me semble, une sécurité, je me sentirais mieux à discuter d'évaluation avec un membre évaluateur sur le banc qu'avec deux membres avocats. Alors, la décision pourrait peut-être être mieux éclairée si on avait une représentation plus efficace ou encore plus grande de la part des évaluateurs.

M. Gauvin: Dans votre document, vous faites la présentation de la durée du mandat. Je pense qu'on a élaboré sur le fait que ce soit sept ans avec une année de probation. Je pense que ça s'explique, finalement. Mais, quand vous mentionnez: La dernière année de son mandat, on devrait éviter de lui confier des causes impliquant le gouvernement, est-ce que c'est par méfiance ou par prudence que vous recommandez ça?

M. Bolduc: Strictement par prudence. Comme on dit: Qu'il y ait apparence de conflit, et je pense que c'a été discuté précédemment. Les gens pourraient dire: II serait peut-être tenté, la dernière année, de porter un jugement favorable pour avoir un renouvellement. À ce moment-là, on l'élimine. Il y a assez de causes au Bureau de révision, il peut en faire d'autres que celles où le gouvernement est impliqué.

M. Gauvin: Vous avez remarqué, j'ai évité de vous demander si vous aviez des exemples à nous citer.

M. Bolduc: Pas du tout!

M. Gauvin: Je pense qu'on peut se contenter de l'explication que vous venez de nous donner. Tantôt, on parlait des déplacements possibles du BREF, du bureau d'évaluation, et je pense que vous avez bien relaté des problèmes possibles de voir un bureau se déplacer. Mais on ne devrait pas avoir un processus qui serait plus facile pour les régions, soit que, automatiquement, le BREF siège à des périodes fixes au cours de l'année ou d'autres solutions semblables pour ne pas que le contribuable ou la municipalité ait à demander au BREF de venir siéger dans sa région et à fournir de bons arguments qui ne seraient pas nécessairement vus comme des arguments valables, dans certains cas? Vous n'avez pas de suggestion à partir d'expériences?

M. Bolduc: Non, je n'ai pas de suggestion précise là-dessus. Je pense que les gens sont quand même assez bien servis, en tout cas, de ce qu'on a, si on veut, comme retour des membres qui oeuvrent à travers toute la province de Québec. Je pense que les audiences du Bureau de révision ne causent pas de problème de ce côté-là. Les plaintes des contribuables sont très minimes.

M. Gauvin: II y a une autre partie ici où est-ce que les procédures devant le BREF... En fait, vous avez relaté le fait que le BREF avait plus souvent que pas ou assez souvent un préjugé favorable au contribuable. Vous nous dites, à la fin de ce paragraphe-là, que le contribuable, c'est lui qui a le fardeau de la preuve. Mais vous ne trouvez pas que le contribuable, étant plus démuni que l'Association des évaluateurs, les municipalités ou tout autre organisme structuré, on devrait lui faciliter encore davantage par des processus ou par des mécanismes auprès de la municipalité la possibilité de monter sa preuve. Je me suis arrêté à ça. C'est que, tout simplement, vous semblez dire: Laissons le contribuable bâtir lui-même sa preuve, parce que c'est lui qui a la responsabilité de la preuve. Évidemment, le petit contribuable, on peut toujours dire qu'il va faire appel au professionnel pour le supporter, mais ce n'est pas vrai, dans tous les cas, qu'il a les moyens de le faire, d'abord.

M. Bolduc: Ce qu'on a voulu inscrire là-dedans, c'est que le contribuable, quand il se présente devant le Bureau de révision, il est mal préparé ou il n'est pas préparé du tout parce qu'il ne sait pas du tout à quoi s'attendre. Alors, ce qu'on a recommandé, c'est que le Bureau de révision, lors de l'envoi de la date d'audition, informe le contribuable sur ce qui l'attend. Il doit faire une preuve à l'effet que sa propriété, selon lui, est évaluée beaucoup trop élevé par rapport à la valeur du marché. Ce qu'on retrouve souvent ou particulièrement, c'est que le contribuable va arriver et va dire: Les taxes sont trop élevées. Alors, là, ça ralentit les procédures à l'effet que le Bureau de révision doit lui expliquer qu'ici il ne peut pas entendre les causes sur le montant des taxes ou, si la deuxième couche d'asphalte n'a pas été faite l'année dernière, il ne peut pas se plaindre là-dessus. Alors, de l'information, qu'il soit mieux informé sur les motifs qui sont entendus devant le Bureau de révision.

M. Gauvin: À la page 13, vous mentionnez un trop "grand nombre de litiges et de décisions

contradictoires des tribunaux (manque de collégialité). Par exemple, plusieurs décisions font maintenant intervenir des données" assez différentes. Vous ne pensez pas que trop de collégialité pourrait peut-être être excessif dans certains cas, dans le sens que ça deviendrait une coutume d'établir une collégialité trop évidente. Vous vous inquiétez de ce phénomène-là des décisions contradictoires. C'est sûr que la population est en lieu de se questionner si on voit trop de décisions contradictoires, mais, si les décisions sont toutes à partir du même principe, d'une conclusion et d'une réflexion semblables, je pense que les gens vont se questionner sur la façon dont ce tribunal rend justice au plaignant.

M. Chabot (Richard): C'est un peu un problème d'équité. On parle du domaine industriel ici, surtout, où dans certains cas, au début des années quatre-vingt, on a eu des décisions où on avait acquis les bases d'une machinerie. Un peu plus tard dans la région de Montréal, on nous les enlevait. À un moment donné, après ça, ça retournait à Québec et, là, on commençait à enlever des portions de bâtiment. À un moment donné, on ne savait plus où aller. C'est surtout dans ce sens-là.

M. Gauvin: O.K. Je pense que l'explication est bonne. Ça nous permet de mieux comprendre ce que vous vouliez faire ressortir ici. À un moment donné, en conclusion, vous prétendez que, s'il y a déjà eu une législation... En fait, la loi 145 est venue corriger certaines choses, mais elle n'est pas allée assez loin, d'après certains intervenants. Vous autres, vous avez aussi ajouté que, si on avait une législation où les critères, où les données étaient mieux établis, ce serait peut-être plus facile d'être équitable pour tout le monde. Ce serait plus facile pour les évaluateurs municipaux de faire un travail plus facile à comprendre pour le propriétaire, les officiers municipaux ou les municipalités qui ont la responsabilité d'émettre un certificat d'évaluation. C'est un peu ce que vous vouliez dire, qu'on a avantage à ce que la loi soit améliorée davantage, je pense.

M. Chabot: Absolument.

M. Gauvin: C'était ça, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Vous finissez juste à temps le temps qui vous était alloué. Maintenant, au député de Jonquière. Il y a 18 minutes pour le parti de l'Opposition.

M. Dufour: Je voudrais d'abord remercier votre association pour la contribution que vous apportez à ces travaux. C'est évident que, par rapport à ce que vous nous dites concernant le choix des candidats pour devenir membres du Bureau de révision, le processus que vous recommandez, que vous suivez et qui pourrait être suivi semble donner une certaine satisfaction par rapport à ce qui existe actuellement, donc certaines garanties d'indépendance comme de qualification.

Vous persistez tout de même, à l'article 1.2 sur la durée du mandat, à dire que ça doit être sept ans. Malgré tout, vous dites qu'on devrait leur donner un an de probation plus sept ans, donc c'est huit ans, avec renomination presque automatique et vous dites en même temps qu'ils ne doivent pas avoir de conflits d'intérêts, qu'on ne peut pas leur confier toutes sortes de causes. Comment vous conciliez ça, si on prend toutes les précautions voulues, nécessaires pour nommer des gens compétents, indépendants et qualifiés, par rapport à ce que vous nous dites, que ça devrait être sept ans avec un an de probation, en plus de ne pas avoir le droit de prendre des causes qui touchent le gouvernement la première année et la dernière année?

M. Bolduc: C'est quand même à titre de recommandation, c'est un peu aussi pour peut-être montrer une certaine transparence dans la sélection des gens qui seront là au point de vue expérience. On parlait d'un an de probation, mais ça serait à l'intérieur des sept ans. De toute façon, ça a peu d'importance...

M. Dufour: Ah!

M. Bolduc: ...à ce niveau-là.

M. Dufour: C'est important, c'est un an de plus ou un an de moins. Ça dépend de qui on parie.

M. Bolduc: II serait quand même nommé en permanence et son mandat ne serait pas renouvelé, sauf pour cause. Il aurait toujours droit de recours au motif qui pourrait être invoqué. Ce n'est pas une déchéance après sept ans, dans ce cas-là. C'était simplement pour démontrer un peu une transparence vis-à-vis des différents intervenants qui gravitent alentour de ça. On dit: Oui, O.K. les gars qui sont là ont une certaine expérience, ont un bon bagage, ont une année de probation. Moi, je vais aller m'engager dans le domaine privé, je vais avoir une période de probation de ce côté-là.

M. Dufour: Oui, mais j'imagine que, s'ils procèdent comme dans les tribunaux, par exemple, pour nommer un juge, ça prend un certain nombre d'années d'expérience avant de l'engager. Un juge ne peut pas être nommé à la Cour provinciale s'il n'a pas 10 ans de pratique. C'est assez important, c'est un critère de base. J'imagine que, si on suit des critères qui ressemblent à ça, ça voudrait dire qu'un évaluateur qui

serait nommé... On parte d'un évaluateur par rapport à un avocat. Eh bien, un avocat, ça pourrait être une pratique de 7 ou 10 ans, dépendant de... Si ce n'est pas permanent ou s'il n'est pas nommé à vie, ça pourrait être moins de 10 ans. S'il est nommé à vie, ça prend plus de précautions. Mais, pour un évaluateur, ça voudrait dire probablement quelqu'un qui a une expérience de plusieurs années ou de quelques années avant d'être nommé sur un tribunal administratif. Je verrais mal qu'on prenne toutes ces précautions-là, puis qu'on prenne un grand processus et qu'à la fin on dise: Ce n'est pas plus grave que ça, on nomme à peu près n'importe qui.

Si on avait ces garanties-là je présume qu'on devrait inscrire: un certain nombre d'années de pratique dans le privé ou dans le municipal... Je ne fais pas de différence, c'est des évaluateurs agréés pareil. Ils ont fait leur travail, ils ont une compétence, de l'expérience, ils ont été choisis par des critères de sélection, peut-être un concours. En tout cas, on peut en mettre. Un coup que tout ça est là, est-ce qu'on doit exiger... On ne dit pas à un juge après qu'il est nommé: Là, tu vas juger les petites causes la première année; la deuxième année, tu vas avoir les grosses causes. Comment vous interprétez ça?

M. Mercier: Peut-être une réflexion là-dessus. Si on parlait juste de saine gestion, je me mets un peu dans la peau du président du Bureau de révision. On lui dit: Tu vas avoir un membre pour les sept premières années. Il serait devenu un gestionnaire. Il connaît les forces et les faiblesses de ce membre-là. Si, après sept ans, il juge que ses faiblesses sont plus fortes que ses forces, peut-être qu'il y aurait tout intérêt, autant pour la crédibilité de son bureau que pour l'équité en général des citoyens, que ce membre-là soit récusé et remplacé par un membre plus compétent. Mais on ne dit pas: II faut l'envoyer après sept ans. On dit: II fait l'affaire et juste le fait de sentir qu'après sept ans il y a une possibilité que tu ne sois pas renouvelé, je pense qu'humainement ça force chacune des personnes. J'en parlais tout à l'heure: au niveau de l'actualisation de sa qualité d'évaluateur, que ce soit personnel ou par les causes qu'elle entend, il faut vraiment que cette personne-là s'implique elle-même pour rester à la fine pointe du pouvoir de ses décisions. C'est dans ce sens-là que je le recommanderais. (17 heures)

M. Dufour: Mais l'affaire d'avoir des causes touchant le gouvernement ou pas, l'évaluateur... Moi, en tout cas, ce que je comprends du Bureau de révision, c'est qu'il porte un jugement par rapport aux instruments qu'on lui met dans les mains. L'article 65.1, le Bureau de révision, il peut en faire des choux et des raves, quant à moi, mais il ne peut pas aller plus loin que ce que la loi dit.

M. Mercier: Vous m'ouvrez une porte, si vous permettez. L'article 65.1, M. Bolduc vous a glissé un petit mot là-dessus tout à l'heure, mais il y a un article qui suit celui-là, qui s'appelle l'article 68.1...

M. Dufour: Oui.

M. Mercier: ...et, là, on vient toucher directement à tous les immeubles du gouvernement provincial. Je vais vous le lire. On dit: "Un objet mobilier attaché à perpétuelle demeure à un immeuble par nature visé au paragraphe - concernant le gouvernement du Québec -n'est porté au rôle que dans la proportion suivant laquelle il a pour objet de fournir un service à cet immeuble par nature." On a parlé d'interprétation avec l'article 65.1. Celui-là, c'est le pire parce que... Encore là, je vais vous parler par un exemple. On a, sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, l'Université Laval. La moitié environ est dans Sillery et la moitié dans Sainte-Foy, et ça donne, grosso modo, près de 700 000 000 $ de valeur. C'est des chiffres, là. Alors, c'est un contribuable très important pour une petite ville comme Sillery et même pour une ville d'importance comme Sainte-Foy, ça a toute sa place. Ça va assez loin, l'interprétation de ça. Si vous prenez une université, vous savez très bien qu'on a des comptoirs de laboratoire. Ces comptoirs-là sont attachés par l'eau, l'air, le gaz, les renvois d'égout. Les évaluateurs et les avocats du ministère des Affaires municipales nous disent, parce qu'ils ont contesté: Quel service ça rend à un immeuble? Tu n'as pas besoin de ça pour avoir un immeuble. Dans le fond, c'est...

M. Dufour: Ça peut tenir les murs.

M. Mercier: Exactement. Ça peut tenir des murs, oui, mais est-ce qu'on aurait une université si on n'avait pas de comptoirs de laboratoire? Alors, on a des dizaines de millions de dollars qui sont portés au rôle d'évaluation, qui vont faire l'objet de contestation, et la personne qui va être appelée à prendre cette décision, c'est quelqu'un qui va être nommé par le gouvernement parce que ça va passer au Bureau de révision en partant. Alors, tout est là. C'est toute une question d'interprétation et on revient, justement, à pourquoi on parle de réglementer au niveau de l'industriel et au niveau des immeubles du gouvernement. Tout est là si on veut garder une saine fiscalité et que nos villes puissent budgéter en fonction de ce qu'on met dans le rôle. Ça serait simple pour l'évaluateur de dire: Je ne m'embarque pas là-dedans, je ne mets pas de valeur, ne la budgétez pas, sauf que, pendant ce temps-là, il y a quelqu'un en arrière qui paie et on revient toujours à la base. Celui qui a sa maison, son entrée d'auto, ses arbres en avant et sa salle de bain, tout est inclus dedans. Et,

quand on arrive dans l'interprétation de 68.1 et 65.1, là, à un moment donné, il y a quelqu'un qui s'évade quelque part. Et c'est ce qu'on demande. Quand les règles seront bien définies, il n'y en aura plus de problème. C'est dans ce sens-là qu'on dit ça.

M. Dufour: C'est-à-dire qu'on en aura toujours parce que...

M. Mercier: Oui.

M. Dufour: Mais il y en aura moins.

M. Mercier: d'accord. mais il y a un grave problème dans ce sens-là et ça touche, juste au niveau des hôpitaux de la région de québec, près de 30 000 000 $ en valeur.

M. Dufour: Parce qu'il y a certainement des gens qui savaient ce que la Communauté urbaine de Montréal avait dans son mémoire ou vice versa. Il y a des membres qui se parlent entre eux autres, j'imagine, dans ceux qui font des mémoires. Vous parlez d'énumération, de ce qui devrait être évaluable ou pas. Ce n'est pas seulement vrai pour 65.1. Ça pourrait être vrai aussi pour 68.1.

M. Mercier: À plus forte raison pour 68.1. M. Dufour: À plus forte raison. M. Mercier: Oui, parce que ça...

M. Dufour: Je connais tous ces débats-là, même les débats des laboratoires parce que dans les grosses entreprises il y a des laboratoires aussi...

M. Mercier: Exactement.

M. Dufour: ...comme la question des filages électriques ou de ce qui donne le service à... On appelait ça des barres de cuivre pour donner l'électricité, etc. On prétendait que ça ne donnait pas de service, que ce n'était pas de la production, mais c'était un coût. Il y avait de la valeur à ça. Un four de brique, on peut prétendre que c'est taxable, d'autres vont dire non, en tout cas... J'ai vécu toutes ces expériences-là, de malheureuse mémoire. Moi aussi, je suis aussi anxieux que vous autres à ce qu'on se donne, je pourrais dire, un guide beaucoup plus précis pour qu'on sache à quoi s'en tenir. Parce que la justice, ce n'est pas juste l'application pour les contribuables ordinaires, c'est pour tous les contribuables, à mon point de vue. Et, quand on veut considérer un contribuable, c'est tout, ce n'est pas juste une partie. Effectivement, moi, je trouve que c'est intéressant.

On ne pourra pas creuser le sujet. On pourrait peut-être avoir bien du plaisir pour pas mal de temps, mais on n'ira pas jusque-là. Je voudrais vous poser la question. Vous parlez de prépondérance des membres du Bureau de révision provenant de votre profession par rapport aux avocats. Est-ce que vous avez actuellement, dans la composition du BREF, la proportion d'évaluateurs par rapport à des avocats ou à des notaires?

M. Mercier: Malheureusement, moi, je ne l'ai pas.

M. Dufour: Vous ne l'avez pas. M. Mercier: Je ne l'ai pas.

M. Dufour: Vous le souhaitez, mais sans que vous soyez allés jusqu'à voir la composition actuelle. Parce que la proportion est peut-être correcte actuellement, je ne le sais pas.

M. Mercier: En fait, ce qu'on dit, c'est que la composition des bancs... C'est ça, on ne parle pas du nombre. On dit la composition des bancs. Nous, le fait de les rencontrer...

M. Dufour: Non, mais ne jouons pas sur les mots.

M. Mercier: C'est ça.

M. Dufour: Sur les bancs, ça correspond avec le nombre pareil. Ce n'est pas si séparé que ça.

M. Mercier: Non, d'accord, mais, dans la petite plainte, on parle du résidentiel. Normalement, vous allez avoir un membre évaluateur seul. Il n'a pas besoin d'avoir un membre avocat avec lui. C'est très expéditif et puis il n'y a pas de problème de ce côté-là. C'est lorsqu'on touche à la grosse plainte où on arrive avec une batterie d'avocats d'un côté, les avocats de l'autre côté et les évaluateurs. Et, là, on vient se faire dire par le témoin expert toutes les notions, toute la base de ce que c'est que l'évaluation. Et puis, je pense que vous avez entendu des gens avant nous dire: Ce n'est pas toujours facile, parce qu'il y a beaucoup de subjectivité, il y a beaucoup de choses à aller chercher dans le fond de tout ça.

Et, là, je vous dis, le membre qui est évaluateur qui se retrouve seul pendant qu'il y a deux membres avocats sur le banc avec lui, il me semble que je le sens démuni. Comme évaluateur, je le sens démuni et, moi, je préférerais m'adresser, amener ma preuve à deux évaluateurs et un avocat qu'à deux avocats et un évaluateur. J'aurais plus l'impression d'être compris. C'est dans ce sens-là.

M. Dufour: Comment croiriez-vous ça, vous, dans des causes qui représentent des centaines

de millions d'évaluation, qu'un évaluateur siège seul pour entendre une cause? Comment inter-préteriez-vous ça en 1991? Est-ce que vous pensez que ça peut être arrivé, ça, à quelque part?

M. Mercier: Ça ne m'est jamais arrivé. J'espère que ça ne m'arrivera pas, non plus.

M. Dufour: Non, mais est-ce que vous pensez que c'est déjà arrivé au Québec qu'un évaluateur, qu'un membre du Bureau de révision siège seul pour une cause qui implique plusieurs centaines de millions de dollars?

M. Bolduc: Pas à ma connaissance.

M. Dufour: Moi, je peux vous dire que ça a existé. Je peux vous donner la cause: Jonquière avec Alcan. Il y a eu une personne, puis elle s'est prononcée. Mais il paraît qu'elle parlait avec le BREF.

M. Bolduc: Ça ne veut pas dire qu'on approuve cette procédure. Probablement que si ça avait été...

M. Dufour: Non, je fais juste vous demander si, dans votre concept... Parce que c'est surtout sur ça que je pose la question. Je ne vous demande pas de donner un jugement de valeur. Mais je vous dis: Dans le concept que vous avez des causes que vous connaissez, est-ce que vous pensez que, lorsqu'il y a des millions en cause, ça peut être jugé par une personne seule? Je pense que vous avez répondu quelque peu en disant: Ça ne peut pas. Il faut avoir des bureaux qui sont composés de trois personnes, de cinq personnes, mais avec une majorité d'évaluateurs. C'est ce que vous me dites. Moi, j'en prends bonne note. Je voulais juste vous poser la question pour savoir si vous étiez au courant de ce projet-là.

A la page 18, vous parlez des immeubles commerciaux. Vous dites que les fournitures, fixtures et équipements "qui peuvent représenter jusqu'à 20 % de la valeur de la bâtisse ne devraient pas être portés au rôle. Il serait opportun de déterminer si certains équipements mobiliers [...] ne devraient pas être portés au rôle". C'est correct. Vous dites: Ces équipements, est-ce qu'ils devraient être portés au rôle ou pas? Vous l'analysez. C'est ce que vous posez comme question.

M. Mercier: Oui. Alors, on pose la question dans ce sens-là. On fait peut-être un petit peu une catégorie particulière au niveau de l'hôtellerie. La technique d'évaluation de l'hôtellerie se situe surtout au niveau d'une technique de revenus. On sait qu'à l'intérieur des revenus générés par un hôtel il y a aussi des revenus générés par leur équipement, par leurs fourni- tures.

On a déjà eu un jugement - je pense que c'est le jugement Langeclau, si ma mémoire est bonne - où le commissaire du Bureau de révision avait inclus tout ce qu'il avait. Ça incluait, dans la valeur de l'immeuble, autant les fourchettes, autant les draps, autant les couvertes, autant les lits, parce qu'on disait: II faut que ça fasse partie de l'Immeuble. Après, il y a eu des décisions qui ont été inversées et, maintenant, c'est une chose qu'on ne peut plus porter au rôle.

Alors, on dit: Est-ce qu'il y a encore place à éclaircissement? Parce qu'il y a vraiment une masse de valeurs importantes à l'intérieur de ça.

M. Dufour: Je me rappelle de la question de Shawinigan. Ça avait fait des gorges chaudes. On a corrigé un problème qui représentait quelques centaines de dollars. Mais l'article 65.1 qui a coûté des millions de dollars, ça, ce n'était pas bien grave. J'ai compris ça assez rapidement dans mon travail de député que le ridicule, ça ne tue pas; ça, c'est bien important qu'on ne soit pas touché par ça. Mais, quand ce sont des choses sérieuses... Parce que c'était tellement évident que ça s'est corrigé, puis l'Opposition a concouru à l'adoption du projet de loi. Ce n'était pas compliqué, cette affaire-là. On savait bien que des draps, c'est un matériel qui... Bon. Mais l'évaluateur, il avait fait son travail. On n'a pas blâmé l'évaluateur. La loi était mal faite et on l'a corrigée. Ça, c'était bien gros, tu sais. En tout cas, moi, je me souviens que c'était toute une affaire. On l'a corrigée dans la même année, mais, quand on parle d'un cas comme à l'article 65.1, ça, ce n'est pas tellement grave. On peut continuer à se chicaner, mais il y a du monde qui en retire quelque chose. Moi, être avocat... Malgré, je pense, qu'il y ait des avocats qui commencent aussi à avoir leur voyage là-dessus. Ils aimeraient autant qu'on change de sujet de temps en temps et que ça se règle d'une façon beaucoup plus élégante et beaucoup plus juste. Parce que, là, on en met trop. Le jupon dépasse, comme on dit. Ça fait tellement d'années que c'est contesté et ça coûte tellement d'argent. Il y a plusieurs millions là-dedans. Donc, il faudrait... Bien, le jupon! Y a-t-il une autre chose que vous pouvez me suggérer? Je pourrai masculiniser. Moi, ça ne me dérange pas.

Le Président (M. Garon): Des combinaisons d'hiver.

M. Dufour: Seulement, ce que je prétends par rapport à ça, c'est qu'il y a des choses qui devraient être faites rapidement. Par rapport à ça, à part les édifices commerciaux où il y a beaucoup de problèmes, à part les hôtelleries, dans les commerces, par exemple, dans les centres d'achats, ces éléments-là dont vous parlez, les fournitures, les fixtures, est-ce que ça

aussi, c'est...

M. Mercier: Au niveau des restaurants. Mais, là, il y a eu des jugements qui ont été rendus dernièrement, dans le cas, je pense, de place Alexis-Ninon. On vient un petit peu de définir c'est quoi qui doit être attaché, ce qui doit être évalué. Là, la tendance est à ceci: tout dépend de l'importance de la masse, comment elle peut être mobile, cette masse-là. Autrement dit, vous allez prendre un malaxeur - je donne juste un exemple - qui est branché en permanence au filage et que vous pouvez utiliser à gauche et à droite, ce n'est pas grave. Mais, si vous prenez un même malaxeur dans un restaurant d'importance, où il peut malaxer 40 livres de pommes de terre en même temps, qui pèse à peu près 100 ou 150 livres, vraiment, il y a des choses qui sont fixes. On est en train de nous faire une répartition de tout ça. L'évaluateur y voit plus clair à la lumière de ces jugements-là, mais, comme on dit, il reste encore de la place.

M. Dufour: S'il vous reste de la place, il semble qu'il ne nous reste plus de temps, nous. Moi, j'aimerais poser la question parce que vous êtes les seuls qui suggérez de "mettre sur pied un système de valeurs automatiquement indexées, lequel tiendrait compte du potentiel de revenu que reçoivent les municipalités". Moi, j'aimerais que vous élaboriez là-dessus. C'est quoi, ce système-là?

M. Bolduc: En fait, on a dénoté un exemple. C'est un exemple qu'on donne. On a les chemins de fer qui sont portés au rôle, présentement. Alors, c'est simple. Concernant les chemins de fer, là, il n'y en a plus de chicane au niveau du dépôt des valeurs des chemins de fer. C'est inscrit dans la loi. Les articles 47 et 48 l'indiquent. Vous prenez la valeur totale de l'évaluation des terrains, vous divisez par la superficie et ça vous donne votre taux. C'est ça qui est inscrit sur les chemins de fer. Ça, c'est un exemple de la façon dont sont indexés ou sont évalués les chemins de fer. Trouvons un moyen pour établir la valeur des bâtiments du gouvernement qui paie des "en lieu" de taxes. Trouvons un moyen, une méthode simple pour éliminer les procédures devant le Bureau de révision.

M. Chabot: Lorsqu'on parle, entre autres, de procédures semblables, si on parle d'hôpitaux, ça pourrait être le nombre de lits. Dans le cas d'une école, ça pourrait être le nombre de places. Ça pourrait être toutes sortes de choses semblables et eux pourraient être indexés annuellement ou triennalement, on pourrait l'appeler comme ça, à mesure qu'on indexe notre rôle. Mais ça pourrait être un mécanisme où on connaîtrait déjà la valeur, qui serait indiscutable.

Le Président (M. Garon): Alors, je voudrais remercier M. Bolduc et le groupe qui vous accompagne, l'Association des évaluateurs municipaux du Québec, puisque le temps dévolu est écoulé. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer. J'ajourne les travaux de la commission à demain matin, le jeudi 5 septembre, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 15)

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