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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 17 septembre 1991 - Vol. 31 N° 104

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement


Journal des débats

 

(Quatorze heures cinq minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Rappelons d'abord le mandat de la commission qui est de tenir des audiences publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'étude de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, et sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets solides domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure ontarienne et de la procédure suggérée par le gouvernement fédéral.

M. le secrétaire, pouvez-vous nous dire s'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Richard (Nicolet-Yamaska) remplace M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gobé (LaFontaine) remplace M. Maciocia (Viger) et M. Poulin (Chauveau) remplace M. Thérien (Rousseau).

Une voix: Et c'est pour la durée du mandat...

Le Secrétaire: Pour la durée du mandat. Une voix: ...pas juste une séance.

Le Secrétaire: Pour toute la durée du mandat.

Organisation des travaux

Le Président (M. Garon): L'horaire de la journée. Aujourd'hui, nous commencerons par des déclarations d'ouverture, jusqu'à 14 h 30; à 14 h 30, nous entendrons le Comité de santé environnementale des DSC du Québec; à 15 h 30, le Centre québécois du droit de l'environnement; à 16 h 30, la Fondation québécoise en environnement; à 17 h 30, l'Association des manufacturiers du Québec; à 20 heures, ce soir, après l'ajournement pour le dîner, le groupe Urbatique; à 20 h 30, Les Amis de la vallée du Saint-Laurent et, à 21 heures, l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts.

Dans les travaux préparatoires à cette commission, nous avons convenu qu'il y a deux genres de groupes. Il y a des groupes qui ont une heure pour être entendus et d'autres groupes qui ont une demi-heure. La formule habituelle, c'est que les gens vont avoir - ceux qui ont une heure - 20 minutes pour exposer leur mémoire, les députés ministériels, 20 minutes pour les questions, dans un ensemble ou dans deux groupes de 10 minutes, par exemple, selon ce qu'ils souhaiteront, et le parti de l'Opposition également 20 minutes. Alors, quand le groupe qui vient présenter son mémoire prend plus de temps, le temps est soustrait aux deux partis pour poser des questions; lorsqu'il en prend moins, il y a plus de questions qui peuvent être posées, selon un partage égal entre les deux partis représentés par les députés. C'est ce que nous avions convenu de faire.

Maintenant, le mandat que nous avons est un mandat considérable. Je vais prendre une couple de minutes, tout simplement, pour dire que c'est une consultation générale et des audiences publiques, ce à quoi la commission s'est longuement préparée puisque des députés des deux partis politiques sont allés aux États-Unis et en Ontario. La semaine dernière, par exemple, ils sont allés à Washington. C'étaient des réunions sur l'état de la situation dans les différents États américains, une session particulière d'étude sur les questions environnementales pour faire le point. Il y a eu une longue préparation des membres de la commission lors de discussions et de séances de travail et, également, par des gens qui se sont enquis de ce qui se passait ailleurs. Les gens qui ont été engagés par la commission pour faire les travaux ont fait un travail, depuis maintenant plusieurs mois, de préparation, un document consultatif pour éplucher les mémoires qui ont été présentés et pour que le débat qui aura lieu devant cette commission soit le plus approprié possible.

Moi, ce qui m'a frappé comme président de la commission - ça fait quand même plusieurs années que j'assiste à des commissions parlementaires - c'a été la volonté des députés des deux partis politiques de faire le point sur cette question des procédures d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. J'ai l'impression que tout le monde est un peu tanné de voir... Comme le disait l'ancien premier ministre, on n'est plus dans le domaine des conférences, on est dans le domaine des circonférences où tout le monde tourne en rond. On voit rapport sur rapport, étude sur étude et c'est pourquoi les gens ont voulu faire le point en voyant ce qui se passait avec nos voisins les plus immédiats, ceux avec lesquels nous sommes en concurrence comme les gens de l'Ontario, ce qui se passe à Ottawa et ce qui se passe dans les États américains pour en arriver à déterminer ce qui devrait se passer au Québec. À la fin, il y aura normalement un rapport - moi, je le souhaite - unanime de la commission, sans en présumer, parce que s'il y a

un rapport unanime de la commission, ça veut dire que les députés des deux partis politiques, normalement, dans leur caucus respectif, vont faire valoir ces représentations-là. Ça pourra jouer un rôle important pour faire un consensus à l'Assemblée nationale. Souvent, à l'Assemblée nationale, les gens sont d'opinion contraire, ne s'entendent pas, mais c'est comme sur d'autres points, parfois ils s'entendent. Évidemment, c'est comme pour les couples heureux, ils ne sont pas dans les journaux. Il y a des couples malheureux qui font des excès et, souvent, ils font l'objet de nouvelles. Alors, comme...

Ce que je souhaite, ce n'est pas très politique de le dire pour ceux qui veulent faire des nouvelles, mais ce que je souhaite, c'est qu'on puisse s'entendre, vraiment faire un consensus au cours de nos travaux pour... Je pense que s'il y a une question qui n'est pas d'esprit partisan, qui est... où on peut vraiment faire avancer les choses, où les gens ont le goût de faire avancer les choses, c'est bien cette question-là. Et je pense que les travaux de cette commission peuvent jouer un rôle considérable dans ce sens-là. Alors, immédiatement, je vais demander au député de Saguenay, qui est le porte-parole officiel du parti ministériel dans les questions environnementales, de prendre la parole et, ensuite, au député de La Prairie.

Remarques préliminaires M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais tout d'abord vous indiquer que nous sommes deux porte-parole. Nous sommes coporte-parole, ma collègue de Vachon et moi. Alors, je prendrai la moitié du temps et je passerai la parole à mon collègue de La Prairie. Mme Pelchat, de Vachon, pourra prendre l'autre partie du temps qui m'est alloué.

Dans un premier temps, M. le Président, je voudrais, bien sûr, remercier les membres de la commission des deux côtés, des deux partis, des deux grands partis à l'Assemblée nationale, d'avoir choisi ce mandat qui est une première au Québec. Tout d'abord, ç'a été une décision unanime des membres de la commission, des parlementaires. Pourquoi? Parce que la question environnementale est devenue primordiale pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Elle est devenue primordiale non seulement dans la rue, mais aussi à l'Assemblée nationale et particulièrement à cette commission. Nous avons décidé, d'un commun accord, de regarder ce qui se passe avec nos voisins, autant du côté de l'Ontario que du côté de New York et d'autres États limitrophes au Québec. Nous avons voulu garder ensemble, comme parlementaires, un regard bien posé sur nos concurrents potentiels. Comment, au Québec, on peut faire du développement durable, coercitif, un développement qui va nous permettre d'acquérir et de garder une qualité de vie supérieure dans des délais compétitifs, tout ça en harmonie avec notre environnement?

Les parlementaires qui sont autour de cette table ne sont pas des spécialistes en environnement. Nous ne sommes pas des universitaires en environnement. Nous sommes des élus du peuple. Bien des gens pourront nous reprocher de ne pas être des spécialistes, et nous l'acceptons. Cependant, dans une démocratie, la population s'exprime par ses élus et nous croyons qu'avec ce mandat nous avons la responsabilité de nous assurer que, particulièrement dans des circonstances comme celles dans lesquelles on vit au Québec depuis une quinzaine d'années, nous avons le droit comme parlementaires de nous poser des questions, nous avons le droit de consulter la population et nous avons également le droit sublime de faire des recommandations à l'Assemblée nationale qui est le siège de la démocratie au Québec.

Nous voulons le faire d'une manière non partisane. Je pense qu'il faut revenir là-dessus. Tout le travail qui a été fait en collaboration avec les deux partis politiques l'a été dans l'intérêt supérieur des Québécois. Le travail que nous aurons à faire aussi doit tenir compte de certaines prémisses, du développement économique qui est très important au Québec, du développement durable, mais aussi dans le respect de notre héritage qu'on laissera à nos enfants, c'est-à-dire notre qualité de vie.

Il est évident que tous les mémoires qui apporteront des suggestions positives seront accueillis favorablement, en rappelant, je pense, M. le Président - et mon collègue de La Prairie sera sans doute d'accord avec mol - que cette commission-là ne se veut pas un procès public des administrations actuelles ou antérieures ou futures, mais se veut bien la base d'un changement permanent et fondamental pour l'ensemble de la question environnementale au Québec. (14 h 15)

L'environnement, on peut y faire de... Au gouvernement, à ses élus, autant aux paliers municipaux que provinciaux, on pourra toujours faire les reproches que les politiciens ne mettent pas leurs culottes. C'est très facile à dire, mais lorsque les politiciens ont décidé de mettre leurs culottes, je pense qu'il est Important que ceux et celles qui viendront ici ne le fassent pas d'une façon négative, mais d'une façon positive et constructive. Puisque les parlementaires ont décidé de faire ce pas, nous demandons donc aux Intervenants, M. le Président, de faire l'autre pas, c'est-à-dire de nous apporter des suggestions importantes, des suggestions qu'on pourra concrétiser par une recommandation unanime et. finalement, par un projet de loi à l'Assemblée nationale. C'est là l'objectif fondamental de la commission et des parlementaires qui sont autour de cette table.

Nous ne voulons faire le procès de personne. Nous ne voulons accuser personne. Nous voulons faire un pas dans l'avenir et c'est avec ceux et celles qui ont la question de l'environnement à coeur qu'on le fera. Voilà, M. le Président. Je cède maintenant la parole à mon collègue.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon, puisque vous avez dit que...

Mme Pelchat: En vertu de la règle de l'alternance, M. le Président, je laisserais le député de La Prairie... Ça va.

M. Maltais: Ça ne change pas grand-chose. Le Président (M. Garon): Dix minutes, oui. M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Dans cette atmosphère d'entente cordiale, je ne veux certainement pas faire de débat de procédure, mais tout de suite exprimer, au nom de l'Opposition officielle, toute la satisfaction que nous avons d'amorcer aujourd'hui l'étude d'une soixantaine de mémoires sur le thème de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.

Je veux rendre hommage à tous ces groupes et à tous ces individus qui se sont donné la peine de préparer des mémoires et qui vont venir devant nous discuter, faire des propositions pendant trois semaines au moins; je veux aussi rendre hommage à l'Opposition officielle, pardon, aux députés ministériels - rendre hommage à l'Opposition, je le fais constamment - parce que c'est effectivement la première fois, dans l'histoire parlementaire au Québec, que deux partis tombent d'accord pour se donner un mandat d'initiative. Il y a eu dans le passé des accords pour étudier des organismes relevant de telle ou telle commission, mais un mandat d'initiative aussi vaste que celui que nous abordons aujourd'hui, c'est la première fois et ça n'a pas été facile. C'est depuis l'automne 1989, peu de temps après l'élection, que nous avons commencé, à cette commission, à aborder certains sujets qui pourraient faire l'objet d'un mandat d'initiative. Vous savez, ça prend la majorité des deux côtés, la double majorité. Je vous épargne toutes les discussions préliminaires qui ont eu lieu, mais nous sommes tombés d'accord sur le sujet qui nous retient aujourd'hui.

Ce n'est pas par accident, M. le Président, que ce premier mandat d'initiative dans l'histoire parlementaire du Québec a pour thème l'environnement. Je crois que ça reflète bien cette espèce de consensus social, cette espèce d'unanimité sociale qu'on retrouve aujourd'hui et qu'on ne retrouvait pas il y a 10 ans ou 20 ans. Aujourd'hui, quels que soient les secteurs de la popula- tion, les gens sont de plus en plus sensibilisés à l'importance de maintenir un environnement sain, de réparer des insultes ou des dégâts environnementaux qui ont pu être créés par accident ou autrement dans le passé et, surtout, de faire en sorte de prévenir des accidents. On peut dire que la procédure d'évaluation, c'est une mesure de prévention. Si on s'est entendu sur ce thème, c'est justement parce que, des deux côtés de cette Assemblée nationale, nous pensons que le Québec ne fait pas assez en matière de prévention dans le moment. Nous pensons qu'en utilisant plus la procédure d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux, pour tous les grands projets, nous irons dans ie bon sens, nous irons dans le sens de prévenir, d'empêcher la mise sur pied d'entreprises qui se développeraient de façon nocive pour l'environnement. Donc, examen d'impact égale prévention.

Je voudrais aussi, M. le Président, dire un mot du bureau d'évaluation, le BAPE, le bureau d'audiences publiques pour l'évaluation des impacts, créé en 1979-1980; ce Bureau-là a besoin de tout le support des parlementaires actuellement, des deux côtés de la Chambre, pour reprendre la crédibilité qu'il a déjà eue. Malheureusement, il a perdu dans le public, et je dirais même auprès de certains élus des deux côtés de la Chambre, une part de prestige, de crédibilité. Je pense que c'est notre devoir de réhabiliter la réputation du BAPE.

Il y a plusieurs façons de le faire, peut-être par la nomination du président. On verra que certains mémoires nous suggèrent de procéder à la nomination d'un président du BAPE par l'Assemblée nationale, comme nous le faisons dans le cas du Protecteur du citoyen, des membres de la Commission des droits de la personne. Plusieurs postes prestigieux dans notre société québécoise sont désignés par les deux tiers des députés à l'Assemblée nationale. Moi, je pense que ce serait une des nombreuses façons auxquelles il faudra avoir recours pour redonner une plus grande crédibilité à ce Bureau qui est extrêmement important.

Nous pensons, de ce côté-ci, que plusieurs améliorations peuvent être apportées. D'abord et avant tout, mettre en vigueur les recommandations du rapport Lacoste. On peut comprendre pourquoi les recommandations du rapport Lacoste n'ont pas été implantées encore, après presque trois ans - décembre 1988 - mais on ne comprendrait pas pourquoi, après les travaux de cette commission-ci, elles ne seraient pas implantées. Je suis content de voir que même la plupart des mémoires des industriels, notamment l'Association des manufacturiers du Québec, recommandent que les conclusions du rapport Lacoste soient mises en vigueur, que les grands projets industriels soient soumis aux évaluations et aux examens d'impacts environnementaux.

Je pense que nous en sommes rendus à une unanimité sociale au Québec pour faire en sorte

que tous les projets importants devront dorénavant être examinés eu égard à leurs conséquences sur l'environnement.

M. le Président, un dernier mot: les déchets. Ce n'est pas par accident non plus que nous avons nommément inclus la gestion des déchets domestiques dans le mandat d'initiative de cette commission. Il y a de grands projets dans la région de Montréal. Il y en a dans toutes les régions du Québec. La gestion des déchets domestiques, c'est devenu une priorité dans notre société. Il y a certains efforts qui ont été faits pour réduire la production des déchets domestiques, pour les récupérer, pour les recycler, mais ça n'est pas suffisant. Au Québec, nous accusons un retard inquiétant à cet égard. Il va falloir évidemment que cette prévention dont je parlais tantôt pour la mise sur pied de grands projets industriels, nous l'utilisions aussi pour la gestion des déchets.

En terminant, M. le Président, je formule, moi aussi, comme le faisait mon collègue de Saguenay, le souhait que l'harmonie qui caractérise notre séance cet après-midi continue tout au long de ces semaines-là et que nous en arrivions à un rapport percutant qui aidera la cause de l'environnement au Québec. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

Mme Christiane Pelchat

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Comme mon collègue de Saguenay et mon collègue de La Prairie, je suis évidemment très heureuse de la tenue de cette commission parlementaire là. Je suis aussi très heureuse que ce mandat ait été adopté à l'unanimité des membres de la commission. Je pense que c'est connu de tout le monde et c'est très clair aussi, l'importance de cette question qui est la procédure environnementale pour la société québécoise, et la preuve en est la forte participation des intervenants à notre commission.

Comme le disait le député de Saguenay, il s'agit d'un mandat d'initiative de députés, membres de l'Assemblée nationale, de législateurs si on peut employer une autre expression, sans nécessairement l'expertise environnementale, légale, etc., et professionnelle de gens qui sont tous les jours confrontés avec l'évaluation environnementale, mais c'est l'expression simple de la démocratie, c'est-à-dire des gens qui sont là pour effectuer le travail pour lequel on les a élus, c'est-à-dire faire des lois et examiner la pertinence et la qualité de ces lois et des règlements.

Alors, je ne pense pas qu'il soit question, ni de ce côté-ci ni du côté de l'Opposition, de remettre en question la philosophie même de la Loi sur la qualité de l'environnement et du règlement qui l'accompagne. Au contraire, je pense que cette commission s'en veut une d'examen de quelle façon on pourrait améliorer la procédure d'évaluation des impacts, de quelle façon on pourrait la bonifier en fonction des articles qui sont en application déjà, mais aussi des articles qui ne sont pas en application; qu'on pense aux articles du règlement, à l'article 2 du règlement qui n'est pas encore en application, qui touche notamment les grands projets, mais aussi les projets de disposition des déchets.

Le député de La Prairie en a parlé, il faudra peut-être orienter la discussion vers la question des déchets domestiques et des déchets solides un peu plus parce que, à la lecture des mémoires, on s'aperçoit qu'ils n'en traitent pas énormément. On traite plutôt de la procédure qui touche les grands projets, c'est-à-dire les articles qui ne sont pas encore en vigueur.

Évidemment que le rapport Lacoste est une base de référence importante, la Loi sur la qualité de l'environnement et le règlement aussi, mais je pense que ça vaut la peine d'entendre tous les intervenants, toutes les personnes qui ont présenté les mémoires et qui l'ont fait de bonne foi. En fait, Je l'espère. Les députés membres de la commission, que ce soient les députés libéraux ou les députés membres du parti de l'Opposition, sont aussi de bonne foi. Ils sont prêts à entendre les gens et à le faire avec sincérité. Et je pense que, quant au rapport, on le verra. On verra les recommandations et on verra l'unanimité ou non autour de ce rapport-là, mais, comme je l'ai dit, ça se fait de bonne foi et avec sincérité, on peut rester optimiste et avoir espoir. Merci, M. le Président, et je nous souhaite à tous d'excellents travaux.

Le Président (M. Garon): Alors, les déclarations d'ouverture étant faites et le temps y dévolu étant terminé, je vais demander au Comité de santé environnementale des départements de santé communautaire du Québec de venir nous rejoindre au bout de la table, et demander au vice-président, M. Robert Rousseau, de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Comme je le disais tout à l'heure, vous avez une heure à votre disposition, c'est-à-dire que, normalement, le temps est divisé en 20 minutes, 20 minutes, 20 minutes, c'est-à-dire un tiers, un tiers, un tiers: 20 minutes pour faire l'exposé de votre mémoire; ensuite, 20 minutes d'interrogation par la partie ministérielle et, également, 20 minutes pour le parti d'Opposition. Alors, M. Rousseau.

Auditions

Comité de santé environnementale des DSC du Québec

M. Rousseau (Robert): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, au nom du Comité de santé environnementale, Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'opportunité de

venir vous présenter les principaux éléments de notre mémoire ainsi que la possibilité d'en discuter avec vous. Pour débuter, j'aimerais vous présenter mes collègues qui m'assisteront dans cette présentation: Mme Lise Cardinal, médecin-conseil en santé communautaire au département de l'Enfant-Jésus, et M. Daniel Bolduc, secrétaire du Comité de santé environnementale.

En guise d'introduction, j'aimerais vous présenter un peu ce qu'est un département de santé communautaire, très brièvement, afin de bien situer le contexte de nos propos.

Le Président (M. Garon): Voulez-vous parler plus fort? On ne vous entend quasiment pas.

M. Rousseau: Comme ça, vous m'entendez bien?

Le Président (M. Garon): Mettre le bouton pour que ce soit plus fort. Vous avez un bouton.

M. Rousseau: Comme ça, ça va mieux?

Le Président (M. Garon): Oui.

(14 h 30)

M. Rousseau: Juste avant de débuter, j'aimerais vous présenter un peu le mandat des départements de santé communautaire afin de bien situer le contexte de notre présentation. Les DSC, comme on les appelle, sont responsables de connaître et de surveiller l'état de santé de la population. Ils sont aussi responsables d'élaborer et de mener des interventions en promotion, prévention et protection de la santé et, finalement, d'évaluer l'organisation des services et des Interventions en santé communautaire. Parallèlement à ces mandats-là, nous avons quelques fonctions très spécifiques, notamment en recherche, en enseignement, en santé au travail et en protection de la santé publique.

Nous avons divisé la présentation de notre mémoire en deux sections, la première étant sur la pertinence d'une procédure d'examen et d'évaluation des impacts en regard de la protection de la santé publique; la deuxième vise plus particulièrement l'analyse de la procédure d'examen et d'évaluation des impacts telle qu'elle existe actuellement. En guise d'Introduction à l'ensemble du document, nous aimerions ramener quelques concepts au niveau de la santé au sens où nous l'entendons dans les départements de santé communautaire.

Il y a eu, en 1989, la Charte européenne de l'environnement et de la santé qui disait: 'Tout organisme public et privé devrait évaluer et exercer ses activités de manière à protéger la santé de ta population contre les effets nuisibles associés à des facteurs environnementaux d'ordre physique, chimique, biologique, microbiologique et social. Chacun de ces organismes devrait être rendu responsable de ses activités." Toujours selon cette charte, la santé des individus devrait absolument prendre le pas sur les considérations économiques et commerciales. À cet effet, les pays membres proposent de gérer l'environnement comme une ressource aux fins de la santé de l'homme et de son bien-être.

Plus récemment, il y a eu la Déclaration de Sundsvall qui a eu lieu. C'est la Conférence internationale sur les environnements favorables à la santé qui vient d'avoir lieu en Suède, au mois de juin 1991, et qui a démontré que les problèmes de santé, d'environnement et de développement humain ne peuvent être dissociés. Le développement doit passer par l'amélioration de la qualité de vie et de la santé en même temps que par la protection de l'environnement.

À cet égard, les impacts sur la santé de la population impliquent également qu'on tienne compte des éléments psychosociaux et socio-économiques reliés au projet et qui sont susceptibles d'influencer l'état de santé d'une population. Il nous semble important de préciser que la gestion économique devrait voir d'abord à l'amélioration des conditions de vie de la population. La création d'emplois par les activités économiques nous apparaît un objectif majeur qui devrait être poursuivi par le gouvernement. L'évaluation environnementale dont nous parlons devrait tenir compte de cet objectif de création d'emplois et présenter les bénéfices et les inconvénients, tout en examinant les alternatives les plus intéressantes et créatrices d'emplois pour la société.

Afin de préciser pourquoi la création d'emplois est importante au niveau de la santé, il y a des données qui sont dans notre mémoire, et je vais vous donner quelques éléments, mais pas tous les chiffres qui sont à l'intérieur. Il y a des études qui ont été faites par Harvey Brenner, par exemple, de l'université John Hopkins, qui a démontré que les admissions en psychiatrie augmentaient en période de chômage élevé et déclinaient lors de périodes prospères. Il a aussi été décelé, dans d'autres études, une augmentation du taux de suicide quelques années après le début de la période de chômage. Les maladies cardiovasculaires conduiraient à une mortalité accrue et prématurée deux à trois ans après cette période de chômage aiguë.

Des études plus sophistiquées du même auteur permettent d'évaluer la contribution de divers autres facteurs que le chômage. En augmentant la puissance de son étude, donc en tenant compte d'un paquet d'autres éléments et d'autres facteurs, il en est venu exactement à la même conclusion, c'est-à-dire que, même si le niveau de santé s'améliore avec l'amélioration du niveau de vie, les variations cycliques de l'économie créent une charge accrue de maladies et de morts prématurées pour certains groupes touchés par une récession. Ces études-là, remises à jour en 1984 suite à la demande du Congrès américain, ont fait en sorte que les conclusions sont demeurées les mêmes qu'en 1976.

On a des données similaires pour le Québec et pour le Canada. Statistique Canada confirmait l'association, en 1982, entre le taux de chômage, les maladies du coeur et les admissions psychiatriques. Au Québec, Fortin, en 1983, a permis de constater une similitude marquante entre les pics de chômage et ceux de suicide, pour certaines régions. En 1984, Demers permettait de vérifier une association entre les variations du taux de chômage et le taux de suicide. Donc, c'est confirmé de plus en plus que le chômage créé par un manque d'emplois génère des problèmes de santé. Dernièrement, Statistique Canada, en 1990, a noté pour la première fois officiellement une augmentation des taux de suicide dans plusieurs régions pauvres du Québec. Donc, on ne peut pas nier la relation entre chômage, pauvreté et effets sur la santé.

Dernièrement, l'enquête Santé-Québec - pour vous donner des chiffres assez probants - a révélé que les Québécois défavorisés, âgés de 45 ans à 64 ans, ressemblent physiquement aux Québécois mieux nantis de 65 ans et plus. Là, on voit vraiment une distorsion entre l'état de santé de la population en fonction du niveau de pauvreté qui, somme toute, est directement relié à l'emploi. Quelques chiffres démontrent encore, dans l'enquête Santé-Québec, les coûts associés à cet état de fait. On sait que le budget global de la santé se chiffre à 11 000 000 000 $ et peut-être un peu plus.

On note chez la clientèle défavorisée une consommation plus élevée de médicaments prescrits, une fréquence d'hospitalisation plus élevée qu'en milieu favorisé, une surreprésentation des personnes pauvres parmi la clientèle des centres de services sociaux, un plus grand nombre de placements d'enfants en familles d'accueil et une sous-utllisation des services de prévention. C'est pourquoi le ministère de la Santé propose un objectif à atteindre qui est de diminuer le taux de pauvreté du Québec de 40 % d'ici à l'an 2000 et ainsi réduire les coûts économiques et les coûts sociaux engendrés par la pauvreté, objectif auquel nous adhérons fortement.

C'est pourquoi, dans un contexte d'élaboration de politique d'évaluation environnementale, la création effective et maximale d'emplois à court et à long terme doit devenir un critère déterminant devant influencer les choix politiques. Ceci s'avère d'autant plus essentiel lorsqu'on constate l'état de délabrement de plusieurs régions qui a amené les populations à se regrouper dans les états généraux du monde rural, par exemple, ou dans les états généraux de la Gaspésie, comme on l'a vu récemment.

Finalement, quelques mots sur les impacts physico-chimiques reliés aux études d'évaluation environnementale. On a souvent tendance à considérer les études d'impacts et, lorsqu'on regarde l'aspect santé, de regarder ce que, nous, on appelle l'approche sanitaire classique, c'est-à- dire la contamination de l'eau, de l'air, du sol ou des aliments par les produits chimiques et ses effets possibles sur la santé de la population. Ces éléments-là existent, ils sont déjà bien traités actuellement dans les études d'impacts. Il y a beaucoup d'expertise qui s'est développée à ce niveau-là. Ce qu'on voudrait voir rajouter, ce sont les éléments des impacts socio-économiques sur la population qui, eux, sont générateurs de problèmes de santé, autant que les impacts physico-chimiques que nous ne dénigrons pas.

Donc, nous espérons avoir présenté assez clairement que l'évaluation des impacts est plus globale que la seule perspective de la contamina tion physico-chimique de l'environnement. Les impacts sur la santé, les impacts psychosociaux et les impacts socio-économiques sont tous aussi importants. En conséquence, le Comité de santé environnementale des DSC considère que la procédure d'examen et d'évaluation des impacts est tout à fait justifiée dans sa forme actuelle, notamment quant à l'examen des justifications du projet, et qu'elle doit viser à évaluer de la façon la plus complète possible tous les impacts d'un projet.

Maintenant, au niveau de l'analyse de la procédure d'examen et d'évaluation des Impacts, le Comité de santé environnementale des DSC considère que le développement économique et industriel n'est pas Incompatible avec la protec tion de l'environnement et de la santé. Bien au contraire, nous croyons plutôt qu'une harmonisation entre le développement et la protection est possible et souhaitable pour le plus grand bénéfice de la société, dans la mesure où une gestion efficace est assurée. Certains principes généraux de la procédure doivent être respectés et nous en énumérons quelques-uns tirés de notre mémoire.

On croit à une procédure qui tienne compte de l'ensemble des impacts possibles, donc socio-économiques et pas uniquement physico-chimiques, une procédure qui inclut la gestion du développement économique et Industriel dans une perspective à long terme issue des principes du développement durable. Nous croyons en une croissance qualitative au lieu de quantitative; dans ce sens, le mot "qualitatif veut dire une augmentation de la qualité de vie, une augmentation du niveau de vie de la population et pas seulement un accroissement Industriel non axé sur les besoins d'emploi de la population. On croit à une procédure qui permette la prise en compte, pour les prises de décision sur l'acceptation d'un projet, des bénéfices d'un projet pour la société et de ses inconvénients en termes d'impacts.

Lès niveaux de risque acceptables et de bénéfices souhaitables devraient être définis par les autorités gouvernementales au préalable. C'est-à-dire que, lorsqu'on fait l'évaluation environnementale, on devrait avoir des barèmes auxquels se référer. Certains problèmes qu'on a

vécus avec la procédure d'évaluation telle qu'elle existe actuellement, nous trouvons que la procédure est incomplète dans sa couverture des projets. À titre d'exemple, l'article 2, alinéas g, n, j et p, du règlement d'évaluation n'est pas encore promulgué, ce qui permet de soustraire un ensemble de projets industriels à la procédure d'évaluation des impacts en environnement.

La consultation publique, à notre avis, se déroule trop tard dans le processus de planification. Les gens devraient être impliqués dès le début de la directive. Il ne faut pas oublier que la population détient un savoir sur les milieux où doivent se passer les projets. Si ces éléments-là étaient déjà inclus dans la procédure au début et les gens en étaient conscients au lieu que la population réagisse après coup en disant: Vous n'en avez pas tenu compte, ça pourrait déjà orienter la procédure dans le sens des préoccupations de la population. La procédure présentement ne s'applique pas aux politiques et programmes gouvernementaux pourtant à l'origine de la plupart des projets. Nous reviendrons un petit peu plus tard là-dessus.

Dans les améliorations à apporter à court terme, on a parlé de participation plus précoce du public, ce qui, d'après nous, semble faisable, et de promulguer immédiatement l'article 2 du règlement sur l'évaluation. Ce sont les deux principaux éléments que nous voulons soumettre à votre attention.

Au niveau de la justification d'un projet, il faut, en effet, bien saisir quels bénéfices peuvent être anticipés par la société puisque ces bénéfices font partie intégrante du processus décisionnel qui les balance face aux risques et aux inconvénients. Dans les améliorations à apporter à moyen terme, nous croyons qu'il devrait y avoir des zones d'implantation industrielles qui pourraient être définies pour une durée limitée de 5 à 10 ans, après une évaluation environnementale et sanitaire du site et consultation de la population. Donc, on pourrait réévaluer l'ensemble de ces sites-là au fur et à mesure que les connaissances scientifiques évolueront et se repositionner sur les choix qui auront été faits.

Un processus interministériel devrait être mis sur pied pour définir le plus précisément possible quels sont les niveaux de risque acceptables dans l'évaluation d'un projet, d'un programme ou d'une politique. Quand on veut décider si un projet est acceptable ou non, il faut avoir des guides, il faut avoir des points de référence. Qu'on ait des niveaux de risque acceptables compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, ça permettrait à tout le monde de parler à peu près sur le même pied et de partir au moins avec un point de repère standard.

Nous croyons qu'il faut confier au BAPE toute la gestion des processus précédents, en plus de lui accorder un mandat de médiation et d'arbitrage lorsque les parties le demandent.

Nous croyons qu'il faut transformer le BAPE en agence gouvernementale indépendante qui aurait aussi le mandat de gérer, en la supportant, la participation du public au suivi et à la surveillance des projets environnementaux et, finalement, renforcer l'autonomie du BAPE en faisant nommer son président par l'Assemblée nationale, comme le disait M. Lazure tantôt.

Enfin, et il s'agit là de la pièce maîtresse de l'évaluation environnementale pour l'avenir, à notre sens, nous croyons nécessaire d'instaurer une évaluation systématique des politiques et programmes gouvernementaux. De nombreuses questions de fond n'ont jamais fait l'objet de ce type d'évaluation. La politique énergétique du Québec en est l'exemple le plus pertinent puisque l'absence d'un débat préalable occasionne aujourd'hui des tensions importantes au niveau du projet Grande-Baleine.

Au niveau des modalités de participation de la population, la population doit être favorisée à toutes les étapes de la procédure. Nous pensons qu'une consultation aux étapes de dépôt de l'avis du projet et d'émission de la directive pourrait être menée à bien par le BAPE dans le sens d'un "scoping" efficace, "scoping" voulant dire un balayage des informations à traiter. L'audience publique représente évidemment le processus le plus important de la participation du public.

En guise de conclusion, le processus actuel d'examen et d'évaluation environnementale, malgré quelques défauts, représente un acquis majeur pour la société québécoise, et il faut le protéger. Le Comité de santé environnementale croit possible d'améliorer le processus dans le cadre législatif et réglementaire actuel, notamment par des mesures administratives et par l'utilisation de pouvoirs accrus des pouvoirs discrétionnaires déjà prévus à la Loi sur la qualité de l'environnement. Le passage à l'examen systématique des programmes et politiques représente le prochain défi de notre société. Le maintien du bien-être et de la santé des populations ainsi que la préservation de milieux sains en dépendent étroitement. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans un premier temps, je voudrais, bien sûr, remercier et féliciter M. Rousseau, ainsi que M. Bolduc et Mme Cardinal, de la qualité de leur mémoire. Vous avez fait vraiment des recherches et vous faites référence à beaucoup d'études. Je pense que vous y avez consacré beaucoup d'heures. Votre mémoire est très bien structuré, les recommandations bien précises. Vous avez constaté beaucoup de choses aussi sur ce qui se passait au Québec. Je pense que c'est tout à votre honneur de présenter un mémoire d'aussi bonne qualité. (14 h 45)

Vous avez parlé, dans un tout premier temps, dans votre présentation de cette Charte européenne de l'environnement. En quoi, par exemple, une Charte européenne de l'environnement pourrait être applicable au Québec advenant que nos covoisins, nos voisins... Il faudrait quand même que tout le monde y adhère. Comment voyez-vous cette charte-là qui mettrait un peu nos voisins sur un pied d'égalité pour ne pas qu'on soit une société non compétitive et un territoire non organisé au niveau environnemental? Par exemple, supposons qu'on compare le Québec à l'Ontario; si notre réglementation est plus stricte et plus sévère chez nous, on pourrait être défavorisé au niveau concurrentiel pour l'implantation des industries futures, donc défavorisé au niveau des emplois que vous tenez quand même en priorité, compte tenu de votre expertise au niveau des maladies et des études que vous avez complétées. Comment voyez-vous ça un petit peu? Par exemple, si on prend le modèle de la charte européenne, comment est-ce que, chez nous, on pourrait, au Québec, agencer ça avec nos voisins, tout en respectant les prémisses qui vous Inquiètent?

M. Rousseau: II faut voir la charte comme une déclaration de principe. Quand on parle de principe, c'est dire que l'homme est au centre de l'environnement dans lequel nous vivons et les choix qu'on doit faire présentement doivent être faits en fonction de ça. C'est évident qu'il y a des choix à faire dans la société. Il faut penser à long terme. Aussi, il faut se coller, je pense, sur le concept du développement durable, tel que développé dans le rapport Brundtland sur notre avenir à tous, où on dit: On peut bénéficier de l'environnement, des ressources actuelles, mais il faut aussi penser aux populations à venir et il faut préserver l'environnement pour qu'eux autres aussi puissent en bénéficier de la même façon.

Mais il y a aussi d'autres éléments qu'il faut considérer là-dedans, c'est que des choix qu'on fait présentement, pour des besoins très ponctuels, en ne regardant pas l'avenir, peuvent nous coûter une fortune à d'autres niveaux 10, 15 ou 20 ans plus tard. On peut penser, par exemple, à la gestion de la forêt qui est créatrice d'emplois; oui, effectivement. Par contre, à l'époque, il n'y avait pas d'évaluation environnementale. On n'a pas regardé les impacts de la gestion de la forêt telle qu'elle a été faite par les entreprises et, aujourd'hui, plane sur nous le spectre de la rupture des stocks. Si jamais cet élément-là se matérialisait, des emplois qui ont été très bénéfiques pour le Québec, qui lui ont permis de créer énormément d'emplois en région, pourraient s'avérer néfastes parce que l'industrie pourrait s'effondrer. Et c'est dans ce contexte-là qu'on dit qu'une charte énonce des grands principes et des grands propos dont il faut tenir compte dans l'ensemble de nos décisions.

Je crois que ce n'est pas le cas par cas qui est Important, mais c'est plutôt une philosophie à long terme. On planifie pour maintenant, on a des problèmes à régler maintenant, mais il y en a à moyen terme et il y en a à long terme. Si on n'a pas cette philosophie dans le domaine de l'environnement, on va tous se ramasser avec des gros problèmes un peu plus tard. C'est un peu ça qu'on veut dire et ça ne nuit pas au développement économique. Je pense que les entreprises qui se sont installées ici, si on prend encore l'exemple des pâtes et papiers, elles ne l'ont pas fait pour 10 ou 20 ans, elles l'ont fait pour très longtemps et qu'on se ramasse avec des problèmes auxquels on doit faire face maintenant, les premiers administrateurs n'ont pas aidé les administrateurs d'aujourd'hui. C'est les administrateurs d'aujourd'hui qui ont les problèmes à régler, de ceux qui les ont créés avant. Donc, eux-mêmes se nuisent en agissant de cette façon-là. Je pense que les entreprises veulent perdurer, et perdurer, c'est tenir compte de la population, c'est tenir compte de l'aspect santé, c'est tenir compte du développement économique aussi.

M. Maltais: Mais en partant du contexte où on fait face à une mondialisation des échanges présentement, dans le futur, on s'en va vraiment vers ça à tous les niveaux; on parle de papetiè-res, d'alumineries, en fait, de tout produit fabriqué à la grandeur des pays. Je vais vous donner un exemple pour vous situer. On sait que, du côté américain, les Américains, de plus en plus - vous parliez de papier - vont exiger du papier recyclé. Si nos compagnies forestières ne s'ajustent pas, peut-être au bout de quatre ou cinq ans, à qui va-t-on vendre notre papier si on ne s'ajuste pas? Il faut s'ajuster à eux autres, à un moment donné. On sait - je pense que mon collègue était avec moi - que le projet de loi est déposé à l'Assemblée législative, au Congrès américain et c'est 40 % qu'ils vont exiger. Ça, c'est un domaine. Mais est-ce que vous autres, dans la recherche que vous avez faite - je reviens à la Charte de l'environnement, par exemple - est-ce que tous les pays européens vont au-delà de la déclaration de principe ou s'ils se consultent pour ne pas faire la distorsion qu'on craint un peu ici, chez nous, advenant que le Québec prendrait le leadership et que nos voisins ne suivent pas? Est-ce que vous avez pu constater ça dans l'étude que vous avez faite ou en regardant... C'est en 1989, ça fait deux ans. Est-ce qu'il y a eu des impacts réels sur l'implantation des grandes Industries ou encore le recyclage de vieilles industries? Est-ce que vous avez pu constater ça?

M. Rousseau: Mol, Je n'ai pas de données précises sur ces éléments-là, on n'en a pas fait mention dans le document. Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à dire là-dessus.

Votre question est très pertinente. Je crois qu'il ne faut pas voguer à contre-courant dans le développement industriel. Même si, ces études-là, on ne les a pas - je n'ai pas de documentation pertinente très précise par rapport à votre question - il y a quand même un mouvement qui se fait et qui semble inéluctable présentement. La préservation de l'environnement, c'est important. Il y en a qui vont dire. À tout prix ou à quel prix? Je pense que c'est des questions qu'on peut se poser, oui, mais l'impact santé sur notre population - c'est l'élément sur lequel je voudrais revenir - celui-là est majeur. On se doit, en tant que personnes qui peuvent prendre des décisions, de faire en sorte que la population soit en santé. Qu'on regarde le rapport Brundt-land qui commence à faire des petits un peu partout. Il commence à y avoir des conférences internationales, c'est-à-dire qu'il y a une prise de position qui se fait tranquillement. On est au début de cette amorce-là. Je pense qu'on ne peut pas voir les impacts de façon précise et les quantifier, mais il y a quand même des mouvements qui se font un peu partout. De suivre cette philosophie, je ne pense pas qu'on serait rétrograde, loin de là, et je ne suis pas sûr qu'on serait si pionnier que ça non plus. Je pense que c'est en train... Et la population le demande aussi. Ce n'est pas juste notre population, au Québec, qui le demande. Je pense qu'à peu près partout dans le monde les gens deviennent de plus en plus conscients et...

M. Maltais: Vous avez touché quand même trois interrogations qui sont majeures au Québec: l'emploi, la qualité de vie des travailleurs et, bien sûr, la question d'être compétitif au Québec. La question de l'emploi, et à juste titre, je pense, est majeure au Québec. Vous avez démontré que, lorsque quelqu'un travaille, il y a un risque à l'environnement. Il y a un risque, si l'environnement n'est pas sain, de tomber malade, et celui qui ne travaille pas risque de tomber malade et de ne jamais revenir sur le marché du travail. Vous parlez d'étude psychiatrique. Je suis sûr que mon collègue de La Prairie reviendra là-dessus, étant lui-même un éminent psychiatre. Il pourra nous en dire beaucoup plus long que moi là-dessus. Cependant, vous allez convenir avec moi que c'est un défi de société où il est fort difficile d'atteindre un juste équilibre si l'on tient compte que, si on était tout seuls en Amérique, on ne rencontrerait pas ce problème-là, on décréterait et ce serait ça. Mais on doit vivre avec nos voisins. Comment voyez-vous ça, par exemple, le Québec vis-à-vis de l'Ontario ou de l'État de New York qui est notre plus grand voisin limitrophe au territoire québécois? L'attitude du gouvernement du Québec devrait être quoi? Est-ce qu'on devrait se maintenir au niveau de ces trois, avoir des exigences ou une réglementation plus forte que ces trois-là, que ces voisins-là, ou si on devrait rester sur le même palier? Comment voyez-vous ça?

M. Rousseau: Ce qu'on dit, c'est que, dans un premier temps, il faudrait établir des critères et des balises pour qu'on puisse avoir des points de référence lorsqu'on discute d'évaluation environnementale, et c'est ce qu'on n'a pas présentement. Si on avait des objectifs de création d'emplois, d'augmentation du niveau de la qualité de vie ou du niveau de vie de l'ensemble de la population, s'il y avait une concertation interministérielle, une coordination interministérielle pour discuter de l'ensemble de ces problèmes... Il y a le COMPADR qui existe déjà, mais est-ce que le COMPADR a cette préoccupation-là? Est-ce que c'est discuté entre... Est-ce que certains ministères ne font pas des actions pour augmenter la performance de leur ministère au détriment de la performance d'un autre ministère? Est-ce que les gens ne fonctionnent pas un peu en vase clos à l'intérieur même de notre propre système? Je pense que c'est des questions qu'on peut se poser, à ce niveau-là, et probablement que vous êtes beaucoup mieux placé que moi pour avoir des réponses à ce niveau-là et avoir beaucoup d'exemples à ce niveau-là. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut essayer de faire une concertation de l'ensemble des ministères avec un objectif commun qui est l'augmentation du niveau de santé de la population. Ça passe par la création d'emplois et ça passe par le développement économique aussi et la préservation de l'environnement. C'est un tout, c'est indissociable.

On a un document ici qu'on peut vous donner aussi sur la conférence de Sundsvall où on parle d'environnement favorable à la santé. Il y avait 81 pays membres qui y étaient. Ça répond un peu aussi à votre question de tantôt. Il y avait 81 pays membres qui étaient là-bas. Si les gens commencent à déléguer des représentants gouvernementaux dans ces conférences-là et qu'ils passent cinq jours à en parler et qu'ils prévoient d'autres conférences, c'est que le cheminement se fait. Je pense que le déblayage doit se faire à l'interne, se fixer des objectifs. À ce moment-là, les investisseurs vont savoir à quoi s'attendre, les règles du jeu vont être claires. Ça va être clair aussi pour la population. Il y a des choix de société qui vont se faire, et tout ça en fonction d'objectifs très précis, qu'on mentionne dans notre document.

M. Maltais: M. Rousseau, je vous remercie beaucoup. C'est mon seul petit 10 minutes que j'avais. Alors, je cède maintenant la parole à mon collègue.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter les représentants des départements de

santé communautaire. Je pense qu'ils ont raison d'être fiers de la qualité de leur travail, et ce n'est peut-être pas par hasard que vous avez été placés en tête de liste. Je pense que c'est une approche qui est très humaniste et qui nous rappelle que, bien souvent, quand on parle de souci de l'environnement, au fond, on se réfère sans trop, trop y penser à la santé, à la santé mentale et à la santé physique des individus. Je pense que, depuis quelques années, si la population au Québec, comme un peu partout, est devenue plus sensible à l'environnement, c'est en grande partie par souci, par inquiétude vis-à-vis des menaces à sa propre santé physique ou mentale. je veux souligner aussi vos recommandations très précises sur la mise en vigueur des recommandations du rapport lacoste, évidemment. je veux souligner ce que vous proposez, à savoir la participation plus précoce du public aux étapes de l'avant-projet et le support financier aux groupes. vous n'avez pas de recommandation. ma question pourrait porter là-dessus pour commencer. comment voyez-vous le support financier aux groupes? sous l'égide d'un comité quelconque? en ontario, comme arrière-plan, ils ont passé un projet de loi en 1988, le gouvernement peterson, la loi pour le financement des intervenants en matière d'environnement. dans cette loi, il est prévu un comité de sages qui décide du montant que doit octroyer le promoteur public ou privé aux groupes ou aux individus qui veulent se présenter pour telle ou telle audience. est-ce que vous avez fouillé un peu les détails, comment pourrait être administré un tel fonds ici?

M. Rousseau: Non, on n'a pas fouillé les détails. Nous nous sommes plutôt... On a parlé, dans le texte, d'une attribution de 0,1 ou de 1 % du coût du projet devant servir aux groupes ou organismes voulant faire des représentations, mais on voulait demeurer au niveau du principe sans tomber dans les modalités. Le principe, c'était de permettre à des organismes, qui ont plein de choses à dire et qui n'ont pas toujours accès à une expertise appropriée pour bien formuler leurs propos, de transmettre leur information à ceux qui auront à faire l'étude d'impact environnemental. Je pense que c'est le point qui est très important.

M. Lazure: Je reviens à la présidence du BAPE. D'une part, vous dites: "renforcer l'autonomie du BAPE en faisant nommer son président par l'Assemblée nationale". Bon, on s'entend. D'autre part, vous dites: "transformer le BAPE en agence gouvernementale indépendante, qui aurait aussi le mandat de gérer, en la supportant, la participation du public au suivi et à la surveillance des projets réalisés." Pourquoi? À votre avis, est-ce que c'est absolument nécessaire ou ce serait préférable que le BAPE devienne une agence que vous appelez gouvernementale indépendante? Il y a une espèce de contradiction dans les termes "gouvernementale indépendante".

M. Rousseau: Oui. Bien souvent...

M. Lazure: En fait, je vois ce que vous voulez dire.

M. Rousseau: On pourrait dire "subventionné par le gouvernement, mais ayant une totale..." Un peu comme l'EPA, par exemple.

M. Lazure: Un peu comme?

M. Rousseau: L'EPA, l'Environmental Protection Agency.

M. Lazure: Oui. C'est assez amusant parce qu'il y a plusieurs groupes maintenant qui demandent que l'EPA devienne plus gouvernemen tal...

M. Rousseau: Oui. C'est...

M. Lazure: ...moins indépendant. C'est le balancier qui se promène. Mais, à partir du moment où le président, par exemple, serait nommé un peu comme le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, les dirigeants de la Commission des droits de la personne, si le président du BAPE était nommé par l'Assemblée nationale, est-ce que vous ne pensez pas que, dans un premier temps, ça pourait suffire pour lui donner une certaine distance par rapport au gouvernement, par rapport au ministère? (15 heures)

M. Rousseau: Le président, oui. Mais vous avez parié, dans votre discours, tantôt, de crédibilité. Je crois que c'est vous qui avez parlé de crédibilité du BAPE. Je crois qu'elle est à refaire aussi, la crédibilité du BAPE. Pour nous, de la dissocier appelons-la agence gouvernemen taie indépendante, entre gulllements - du ratta chôment qu'elle a actuellement permettrait, dans un premier temps, de lui redonner, en tout cas à tout le moins, une certaine crédibilité au niveau de la population et des organismes et donnerait aux gens la perception que cet organisme n'est pas lié d'aucune sorte et peut tout dire ce qu'il veut dire, sans mettre en cause présentement la crédibilité des gens qui font l'ouvrage au BAPE, ce n'est pas ce que je veux dire.

M. Lazure: Mais, toujours sur le BAPE, vous dites à la page 18: L'organisation interne du BAPE a été négligée et le gouvernement n'a pas respecté les processus prévus à quelques reprises. Est-ce que vous avez des exemples a donner là-dessus?

M. Rousseau: Bien, on peut penser, par exemple, à la nomination du président où il y a

eu de l'intérim pendant un certain temps... M. Lazure: Ah bon!

M. Rousseau: ...il y a eu absence de président, plus personne ne savait qui faisait fonctionner le BAPE, la nomination des commissaires a été très longue à un moment donné et on se demandait: Est-ce que le BAPE existe encore, est-ce que le BAPE fait des fonctions? C'est des discussions qui avaient lieu dans l'ensemble des milieux que nous côtoyions.

M. Lazure: Votre recommandation, que le directeur de la santé publique au ministère puisse être autorisé à demander une évaluation... C'est à la page 19, ça.

M. Rousseau: Oui.

M. Lazure: Confier au directeur provincial de la santé publique le pouvoir de demander un examen des impacts, etc. Pouvez-vous élaborer là-dessus un peu?

M. Rousseau: Oui. On dit, un peu avant, que nous sommes toujours d'accord avec une liste de projets assujettis aux évaluations environnementales, sauf qu'une liste dans un règlement, c'est statique, ça peut perdurer plusieurs années et les connaissances évoluent, ce qui fait que des éléments qui, à l'époque où on a fait le règlement, n'étaient pas prévus dans les projets devant être soumis aux évaluations environnementales, compte tenu de l'acquisition de connaissances, devraient peut-être l'être. Ça, c'est le premier élément.

Le deuxième élément, c'est que le directeur provincial de la santé publique a un mandat de protection de la santé publique de la population et qu'à ce niveau-là, s'il juge qu'un élément est problématique au niveau de la santé de la population... Et la santé, de la façon dont nous la définissons, c'est beaucoup plus large que l'apparition de maladies. C'est un état complet de santé et de bien-être, autant physique que psychosocial. Le directeur pourrait être en mesure de demander, on ne dit pas d'exiger mais de demander... Autrement dit, on laisse une porte ouverte pour quelqu'un qui a un rôle de protection de la santé publique et dont c'est la principale préoccupation de pouvoir émettre un avis disant: Je crois que dans ce cas-là, même si ce n'est pas prévu au règlement, il devrait y avoir une étude.

M. Lazure: Remarquez que l'article 6.3 de la Loi sur la qualité de l'environnement permettrait au ministre... Vous savez, l'article 6.3 donne beaucoup beaucoup de latitude au ministre, hein? "Le Bureau - parlant du BAPE - a pour fonctions d'enquêter sur toute question relative à la qualité de l'environnement que lui soumet le ministre..."

M. Rousseau: C'est le ministre de l'Environnement.

M. Lazure: Oui. Mais on peut prendre ce détour-là de 6.3 parce que, de ce côté-ci en tout cas, nous, on favoriserait une amélioration de la procédure sans nécessairement avoir à changer la législation, changer la réglementation. On pense que la législation et la réglementation actuelles sont, en gros, correctes. Ça, c'est un bel exemple. L'article 6.3 de la loi donne au ministre de l'Environnement carte blanche. Il peut commander une étude d'impact sur n'importe quoi, y compris si le ministère de la Santé ou le directeur de la santé dit au ministre de l'Environnement: Écoutez, il y a lieu de croire qu'il y aurait un problème de santé grave; voulez-vous, s'il vous plaît, ordonner au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement de faire le nécessaire? Il pourrait.

Mais moi, je serais curieux de voir... Jusqu'ici, je n'ai pas l'impression que les départements de santé communautaire ou, même, le ministère de la Santé ont été mis à contribution tellement par le BAPE. Est-ce que je me trompe?

M. Rousseau: C'est-à-dire que depuis à peu près un an ou deux, lorsqu'il y a des audiences publiques - la commission Charbonneau, par exemple - l'ensemble des départements de santé communautaire a été présent à toutes les assemblées et représentaient le ministère, mais on est là un peu par après, si on veut. Le dernier exemple dont je me rappelle, c'est la commission conjointe d'évaluation environnementale de décontamination du canal Lachine où le ministère a été demandé... Il a présenté un mémoire au tout début de l'élaboration de la directive. Mais il commence à y avoir des rapprochements présentement, surtout avec l'entente entre le ministère de la Santé et le ministère de l'Environnement sur certains projets. On commence à créer de bons liens de communication qui n'existaient pas il y a plusieurs années, disons. Je crois qu'il y a eu beaucoup d'améliorations à ce niveau-là, mais on veut laisser une porte ouverte en disant: Le directeur de la protection de la santé publique a un mandat qui est différent de celui du ministre de l'Environnement qui, lui, dort s'assurer de la protection de l'environnement et de la santé de la population, mais n'a pas le même mandat que le directeur de la protection de la santé publique. Un peu comme à l'époque où les départements de santé communautaire, dans l'ancienne Loi sur la protection de la santé publique, pouvaient faire arrêter toute situation qu'ils jugeaient dangereuse pour la population en ayant simplement un mandat d'amener.

M. Lazure: Vous avez raison.

M. Rousseau: Ce pouvoir-là existait autrefois, et il s'est comme volatilisé. Donc, qui a encore le pouvoir de demander que quelque chose se fasse et d'être vraiment écouté, si quelqu'un juge que la protection de la santé publique est en jeu, dans une situation particulière? On ne dit pas d'exiger, on dit de demander. Il y a une nuance quand même entre les deux.

M. Lazure: Oui. Mais, d'ores et déjà, par exemple, votre groupe pourrait Intervenir auprès du ministre de la Santé, faire valoir que sur telle ou telle situation, il y a lieu que le ministre de la Santé demande à son collègue de l'Environnement de recourir à 6.3. Ce serait possible, d'ores et déjà.

M. Rousseau: Ce serait possible, mais ça n'aurait pas le même poids que si le directeur pouvait le demander, au même titre que le ministre de l'Environnement pouvait le demander. Mais, moi, je crois que si les collaborations sont bonnes, et elles commencent à l'être de plus en plus, il y aura une oreille très attentive à ce niveau-là. Il ne faut pas se le cacher.

M. Lazure: Je pense que ce que vous nous transmettez comme son de cloche, c'est fort intéressant et il faudrait s'y arrêter parce que, effectivement, non seulement les mandats des deux ministres sont-ils bien différents, le ministre de la Santé et le ministre de l'Environnement, mais aussi leurs préoccupations sont bien différentes. La notion, le concept de protection de la santé pour un ministre de la Santé est pas mal différent dans sa tête à lui que dans la tête du ministre de l'Environnement. Et peut-être faudrait-il que le ministre de la Santé ait un accès ou qu'il ait une partie de la latitude que le ministre de l'Environnement a pour déclencher une évaluation. Merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Messieurs, madame, moi aussi je voudrais vous féliciter de votre mémoire et vous souhaiter la bienvenue à la commission. J'aimerais revenir sur la dernière question dont vous venez de terminer la discussion avec le député de La Prairie, concernant le pouvoir qu'on donnerait au directeur provincial de la santé publique de demander des audiences publiques, dans le fond. Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer. Sur quelle base le directeur se baserait-il, dans le fond, pour demander une telle évaluation? Est-ce qu'il commanderait des études pour lui-même ou...

M. Rousseau: C'est dans le cadre d'un projet qui est non soumis à la procédure d'évaluation. Comme on disait tantôt, on croit qu'il doit toujours y avoir une liste de projets qui devrait être soumise, et on pense que si jamais cette liste-là doit être révisée, le ministère de la Santé sera consulté. On espérerait que la liste soit la plus exhaustive possible. Par contre, ce qu'il faut penser, c'est que les situations évo luent, les connaissances évoluent et c'est dans co contexte-là. Un règlement demeure statique tant qu'on ne l'a pas changé et des choses qui sont exclues demeureront toujours exclues. On ne sait pas de quoi va être faite la technologie dans 5 ans ou dans 10 ans, et quels seront les risques présents.

Et c'est dans ce cadre-là, c'est de laisser une porte ouverte, une latitude compte tenu de l'évolution des connaissances et compte tenu de l'évolution de la réglementation qui ne suit pas toujours, qui suit avec un certain délai quand même, de pouvoir agir assez promptement en cas de menace, au niveau de la santé publique, de la population.

Mme Pelchat: Ce que vous me dites, c'est qu'on devrait avoir une liste de sujets obligatoirement assujettis et...

M. Rousseau: Comme présentement.

Mme Pelchat: ...pour ceux qui ne sont pas soumis, le directeur provincial pourrait demander... C'est ça.

M. Rousseau: S'il y a lieu, en ayant quand même un dossier à l'appui, axé sur des risques potentiels. Il faut dire qu'on travaille énormément présentement sur l'analyse de risques. Et on essaie d'établir, au niveau provincial, des critères santé, des critères d'évaluation des risques d'atteinte à la santé, compte tenu des situations qui existent présentement. Et de là vont découler des barèmes auxquels on pourra se référer pour évaluer si, oui ou non il y a risque d'atteinte à la santé. Ce n'est pas encore fait. C'est en train de se faire. C'est tout nouveau. Ce sont des concepts qui se développent un peu partout dans le monde.

Et la journée où on va arriver à ça, on aura des éléments assez précis pour pouvoir poser un regard critique sur une situation à risque...

Mme Pelchat: Un diagnostic.

M. Rousseau: Et là, on va avoir cène alternative-là, cette possibilité-là de pouvoir questionner une situation problématique ou dangereuse. Et comme on le dit, on le fait aussi au niveau des politiques. On le propose ici au niveau des politiques gouvernementales où, présentement, l'ensemble des politiques n'est pas soumis, assujetti.

Mme Pelchat: Au niveau de ce pouvoir qui est assez Important quand même, qu'on con-

férerait à un directeur, c'est quand même intéressant, l'aspect d'une personne autre que le ministre de l'Environnement qui pourrait éventuellement demander, en cas de risque à la santé publique... Est-ce que vous ne croyez pas, comme le disait le collègue de La Prairie - moi, je suis très jalouse du pouvoir des élus - que ça ne pourrait pas être dans la loi, en fait, que le ministre de la Santé ne pourrait pas, lui, l'exercer de quelque façon que ce sort? D'après moi. Est-ce que vous ne seriez pas d'accord avec ça? Plutôt que le directeur, on donnerait... Si on changeait la procédure en ce moment, si on avait à améliorer et si on avait à indiquer que, quand on examine...

M. Rousseau: Absolument pas, parce que, de toute façon, le ministre, je crois qu'il va le faire sur avis de son directeur de la protection de la santé publique. Je pense qu'ils vont travailler en étroite collaboration.

Mme Pelchat: alors, vous n'auriez pas objection à ce que ce soit le ministre qui ait le pouvoir de demander plutôt qu'un directeur parce que..

M. Rousseau: Non. Ce qu'on demande, dans le fond...

Mme Pelchat: ...c'est délicat, au niveau du partage des pouvoirs, au niveau de l'administratif et de l'exécutif.

M. Rousseau: Non. C'est bien le principe qu'on voulait mettre là-dedans. On l'a mis sur quelqu'un qui, présentement, a le mandat de protection de la santé publique. La modalité, ça pourrait être quelqu'un d'autre, en autant que ce principe-là demeure.

Mme Pelchat: O.K. À la page 18, paragraphe 1, vous parlez des niveaux de risque acceptables, si je ne me trompe pas. Vous dites: "Ces décisions doivent être basées sur les connaissances scientifiques les plus complètes et valides possible et doivent tenir compte de l'équité entre les différents groupes qui composent notre société dans le partage des bénéfices et des inconvénients. Les niveaux de risque acceptables et de bénéfices souhaitables devraient être définis par les autorités gouvernementales au préalable, afin de faciliter le débat." Et vous faites référence à ce qui existe en Hollande. J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu là-dessus, notamment sur quelle est votre intention de définition de ce qu'est un risque acceptable et peut-être sur ce que vous en connaissez de la Hollande.

M. Rousseau: Si on parle de la notion de "risque acceptable", la notion, telle que définie présentement, varie d'un individu à l'autre, dépend de sa formation, dépend de ses valeurs, de ses croyances, de ses intérêts. Ce qui est acceptable pour moi ne l'est pas nécessairement pour vous, et l'inverse aussi, et ce, à tous les niveaux de notre vie quotidienne. C'est un des problèmes qu'on rencontre lorsqu'on fait des audiences publiques ou lorsqu'on veut présenter des projets. C'est que chacun y va de ses propres valeurs. Il n'y a pas de choix de société nulle part. C'est pour ça que, tantôt, on parlait de choix de société. Il devrait y avoir des barèmes, des risques acceptables et des risques inacceptables.

Mme Pelchat: Qui pourrait définir ces risques acceptables? Le ministère de l'Environnement? Le BAPE? La nouvelle agence qui serait créée par le BAPE? Les promoteurs? Les organismes environnementaux? Il y a beaucoup d'intervenants là-dedans.

M. Rousseau: Je pense que c'est un petit peu tout ça. Je pense qu'il devrait y avoir une discussion très ouverte sur: Qu'est-ce que la société québécoise est prête à accepter, en termes de niveau de risque, pour les bénéfices qu'elle compte retirer de son développement industriel? Cette discussion n'a jamais eu lieu. Et, on l'a vu, dans l'implantation des... Certaines entreprises ont essayé d'implanter des éléments de gestion des déchets dangereux au Québec et se sont heurtés à la population. Est-ce que ie risque est acceptable pour eux? Est-ce qu'il l'est pour tout le monde? Il n'y a rien, il n'y a aucun point de référence. La discussion n'a jamais eu lieu. C'est faisable de...

Mme Pelchat: Ça revient à votre préoccupation concernant les programmes et les politiques gouvernementales. C'est très relié à cela. Donc, si on soumettait, par exemple, tous les programmes et politiques de développement du gouvernement à des audiences publiques et à des études d'évaluation des impacts, on aurait par le fait même une définition des risques acceptables. Est-ce que je vous comprends bien, je vous lis bien?

M. Rousseau: En partie. C'est-à-dire qu'on verrait si l'ensemble de ces politiques et programmes répond aux objectifs qu'on s'est fixés. Les objectifs, c'est de diminuer fa pauvreté et, donc, d'augmenter le nombre d'emplois. Ça, ce sont des objectifs qu'on vise. Et le niveau de risque acceptable, c'est lorsqu'on veut implanter quelque chose. Le risque nul n'existe jamais, et je pense que tout le monde peut vivre avec ça. Qu'on fasse n'importe quoi, il y a toujours un risque. Mais à partir de quel moment disons-nous que ce risque-là, compte tenu des bénéfices qu'on en retire, la population est prête à l'accepter ou refuse de le prendre?

Il faut penser aussi que cette notion-là va évoluer parce que les individus vont évoluer à

travers ça. Ce qui était acceptable il y a 20 ans ne l'est plus maintenant. Autrefois, on ne s'excusait pas quand on voulait allumer une cigarette; maintenant, on en est gêné. Il y a eu une évolution et ce qui était acceptable à l'époque ne l'est plus maintenant, et c'est comme ça dans tous les domaines. C'est pour ça qu'on dit que ce n'est pas simple. Par contre, on peut arriver à des grands schèmes, des grandes balises, des grands principes auxquels on pourrait se référer lorsqu'on discutera.

Mme Pelchat: Non seulement ce n'est pas simple, mais ça prendrait une commission parlementaire, un autre mandat d'initiative juste là-dessus, sur les risques acceptables. Alors, on a encore beaucoup de pain sur la planche. J'aurais une autre question à vous poser concernant votre suggestion de création de zones industrielles. Vous avez fait une relation qui est assez intéressante, d'ailleurs, entre environnement, pauvreté, chômage, développement - tout ça - maladie due à la pauvreté et au chômage. Je trouve ça très intéressant comme relation. (15 h 15)

Vous savez que le taux de chômage en région est assez élevé pour certaines régions, si on prend, par exemple, la région de la Gaspésie. Quand on parle de la possibilité de créer des zones industrielles qui pourraient accepter et accueillir des projets, j'ai un petit peu peur que les gens, au niveau du développement régional, nous disent: Oui, oui, un instant; nous autres, on veut tous les projets possibles et impossibles dans telle région. En tout cas, il va y avoir une bataille de régions. Le gouvernement ne peut pas être insensible à cela. Alors, je ne vois pas comment on pourrait concilier une politique de développement régional en même temps que d'identifier des zones de développement industriel. Qu'est-ce qui arriverait si le gouvernement décidait que les zones industrielles sont établies dans telle région et que la population décide qu'elle n'en veut pas, de ce type d'entreprise là? J'aimerais ça vous entendre là-dessus, c'est un concept qui n'est pas avancé souvent.

M. Rousseau: II y a comme deux niveaux là-dedans. Même si l'emploi est très faible dans certaines régions et que les gens veulent des entreprises, je ne suis pas sûr qu'ils sont prêts à accepter n'importe quel type d'entreprise qui ferait n'importe quoi chez eux, de un.

L'autre élément, c'est quand on parle de zones industrielles, on ne parle pas de type d'entreprise, mais plutôt d'impacts générés par l'activité industrielle. Deux entreprises identiques peuvent avoir un impact tout à fait différent: une peut polluer, l'autre ne pas polluer. C'est ça qu'on veut dire, on parle plutôt de contamination du milieu. Autrement dit, c'est de déterminer, dans chacune des régions du Québec... Il y a un parallèle là-dessus. Dans le mémoire de l'Union des municipalités du Québec, qu'ils ont déposé à la commission Charbonneau, ils revendiquaient la détermination de zones d'Implantation de gestion de déchets dangereux. Ils disaient: Nous, on fait des schémas d'aménagement; dans nos schémas d'aménagement, on devrait avoir la responsabilité de déterminer des zones où on peut implanter des lieux d'élimination de déchets dangereux.

C'est un peu le même concept qu'on dit là-dedans. Il y a des schémas d'aménagement. Les gens connaissent leur territoire et ils devraient, en collaboration avec le ministère de l'Environnement et d'autres ministères, déterminer quelle est la charge d'impacts environnementaux qu'une zone peut prendre par rapport à du développement industriel et, compte tenu de ça, on pourrait déterminer un certain type de contamination maximale qu'il pourrait y avoir dans ce milieu-là. C'est ce qu'on dit.

Mme Pelchat: O. K.

M- Rousseau: Mais on dit aussi qu'il faut la revoir aux cinq ans et aux dix ans parce que les nonnes qui nous permettent de prendre des décisions maintenant vont changer avec les années: certaines vont s'adoucir, d'autres vont devenir plus sévères. À ce moment-là, on pourra réévaluer ces parcs-là en disant: Bien, c'est installé dedans, s'il n'est plein qu'à 60 % ou 70 %, ce parc industriel là, compte tenu du type d'entreprise et du type d'impact qu'il a, peut-être que sa charge maximale sera pleine avant même qu'il soit complètement plein, alors que d'autres pourraient être un peu plus grands parce que les entreprises ont des impacts plus légers qu'on ne l'avait cru initialement.

Mme Pelchat: Merci, là-dessus. Est-ce qu'il me reste encore du temps? Une minute! Une minute pour vous remercier et vous dire qu'on va certainement prendre en considération vos recommandations. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je vais revenir à l'implication précoce de la population. Nous, on pense que vous avez tout à fait raison. Il faut que la population intervienne beaucoup plus tôt dans le processus. Pourriez-vous nous donner des illustrations à savoir comment cela pourrait se faire? Dans la population, j'inclus aussi les représentants de la santé publique, les DSC.

M. Rousseau: Je vais prendre l'exemple qui a eu lieu au printemps dernier, la commission conjointe d'évaluation environnementale fédérale-provinciale sur la décontamination du canal Lachine. Pour préparer la directive, pour réaliser l'étude d'impact, la commission conjointe, où

était un représentant du BAPE, a soumis le projet à l'ensemble de la population. Les gens étaient libres d'aller déposer des mémoires et de dire ce qu'ils voulaient voir inclure, comme évaluation d'impact, les éléments qu'on voulait voir traiter dans l'étude d'impact pour être capable d'en discuter par après. Je peux dire que les éléments qui sont sortis à cet endroit-là, ce n'était pas tellement: On va décontaminer le canal Lachlne, on va sortir les sédiments. Quelles sont les différentes méthodes qui vont être plus ou moins dangereuses pour ma santé et c'est quoi, les risques? Les éléments qui ont été soulevés et qu'on voulait voir inclure là-dedans, c'était: Une fois que le canal va être décontaminé, qu'est-ce que ça va changer dans ma vie à moi qui vis autour du canal? Est-ce qu'il va y avoir du développement immobilier? Est-ce qu'il va y avoir un mouvement de population? Est-ce que les petites entreprises dans lesquelles je travaille vont fermer? Est-ce qu'on va faire des condos? Quel est le devenir de la population, une fois ce projet-là réalisé? C'est ce que les gens ont demandé, que ce soit inclus dans l'étude d'impact. Ce qu'on peut prédire, c'est que si on ne tient pas compte des impacts socio-économiques de la décontamination de ce canal-là, les gens vont revenir exactement avec les mêmes questions dans un an ou dans deux ans. Lorsqu'on déposera l'étude environnementale il y aura beaucoup de questions là-dessus. Les gens qui demeuraient dans les environnements immédiats et le réseau de santé étaient beaucoup moins intéressés par les méthodes utilisées que par l'impact du canal, une fols décontaminé, sur le devenir des populations locales où la population est très pauvre mais très organisée au niveau social. Donc, son niveau de pauvreté est moindre que si on la dispersait suite à un développement Immobilier majeur, peut-être prévu et que personne ne connaît. C'est un peu ça que je veux dire là-dedans et c'a été très harmonieux comme discussion avec les gens de la commission.

M. Lazure: Et cette implication précoce de la population, est-ce que, d'après vous, c'est de nature à retarder le processus?

M. Rousseau: Ça n'a pas retardé. Pour moi, ça va l'accélérer si les gens tiennent compte de ce qui a été dit là-dedans. Si on répond aux appréhensions de gens face aux impacts potentiels de ce projet-là et qu'on puisse, après ça, en discuter, les gens vont parler de ce dont ils sont préoccupés. Si la commission ne tient pas compte de ces éléments-là dans sa directive, les gens vont revenir exactement avec les mêmes questions et vont commencer à contester l'ensemble du processus parce que la discussion n'aura pas été ouverte, franche et on n'aura pas répondu à leurs interrogations.

M. Lazure: On peut continuer dans la même veine. Les départements de santé communautaire sont relativement régionalisés. On n'est jamais trop sûr combien il va y en avoir l'an prochain ou dans deux ans, mais ça, c'est une autre question. Est-ce que vous envisageriez que cette implication précoce, par exemple, des agents de la santé, des départements de santé communautaire, puisse se faire région par région? Et plus large que ça encore, est-ce que les procédures d'évaluation et d'examen des impacts ne devraient pas se faire principalement par des organismes régionaux? Que ce soit le département de santé communautaire, que ce soit un conseil de développement économique, que ce soit une chambre de commerce, les agents régionaux... Tantôt, quelqu'un citait l'exemple du Saguenay où il y a des alumineries en quantité. Alors on peut imaginer que les gens dans cette région-là, vos gens en santé communautaire ont développé une expertise.

M. Rousseau: Ça se fait déjà et il faut dire que c'est vrai pour les projets régionaux. Les DSC qui ont des préoccupations et des mandats de région se préoccupent de ça dans leurs diverses régions où il y a des ressources en santé environnementale. Et on a aussi un mécanisme de coordination provinciale qui est le comité et où, lorsqu'un projet dépasse - si on parie de la stratégie des forêts par exemple - et touche l'ensemble des DSC périphériques aux grands centres, à ce moment-là, on met des mécanismes de coordination provinciale pour faire des mémoires communs qui vont s'appliquer à l'ensemble d'une stratégie forestière. Et ces mécanismes-là existent. C'est déjà amorcé. Lorsque le ministère de l'Environnement reçoit l'avis de projet, il y a déjà une consultation qui se fait auprès du ministère de la Santé et, via le comité provincial, c'est redescendu dans les DSC concernés et il y a des avis de santé publique qui sont émis sur l'avis de projet. Donc, il y a tout un mécanisme qui est informel, mais qui est relié aussi à l'entente des ministères de la Santé et de l'Environnement qui existe.

M. Lazure: Si on appliquait ces préoccupations régionales là au BAPE lui-même, est-ce que vous iriez jusqu'à envisager une série de BAPE régionaux qui procéderaient aux évaluations en région?

M. Rousseau: Je ne le sais pas. Je n'ai pas réfléchi à la question. Mais en réfléchissant un peu à voix haute, je crois que les gens qui sont à l'intérieur du BAPE peuvent traiter d'un ensemble de problèmes environnementaux et je crois que l'expertise qui se développe dans une région face à une problématique, bien souvent, les connaissances doivent être transférées au niveau de la connaissance acquise dans un projet ailleurs. Et de dire que les BAPE doivent être régionaux, je ne le sais pas. Je n'ai jamais

réfléchi à la question. Je ne sais pas si mes collègues ont une opinion là-dessus.

M. Lazure: II pourrait y en avoir un national et des régionaux. Moi, je m'inspire un peu, dans ma question, de précédents. Au Ver-mont, ils font ça. Ils ont divisé tout le territoire de l'État en neuf régions et c'est tout petit. Il y a à peine 1 000 000 d'habitants pour l'ensemble du Vermont, mais ils ont quand même neuf bureaux régionaux d'évaluation tout en ayant un bureau d'État aussi.

Mais une dernière question. Vous dites à la page 21: "...confier au BAPE toute la gestion des processus précédents, en plus de lui accorder un mandat de médiation et d'arbitrage lorsque les parties le demandent". Médiation, oui, mais quand le même organisme fait à la fols médiation et arbitrage, est-ce qu'il n'y a pas un danger d'être en conflit d'intérêts?

M. Rousseau: Si l'organisme est indépendant, comme on le demandait tantôt, et qu'il...

M. Lazure: Non, mais même s'il est indépendant... Le même organisme, autrement dit, va consacrer des efforts pour essayer de rapprocher les deux parties, faire de la médiation, disons. Ce même organisme-là, ensuite, serait celui qui donnerait la décision finale, qui arbitrerait.

M. Rousseau: C'est-à-dire que quand on dit "arbitrage", c'est de prendre une position, une décision face à deux problématiques où les gens ont un conflit et on veut régler le conflit. Donc, c'est un peu comme la procédure d'arbitrage dans les conventions collectives. Quelqu'un fait un arbitrage et quelqu'un vient aider à solutionner le problème...

M. Lazure: Oui, oui.

M. Rousseau: ...et, en bout de ligne, porte un jugement, compte tenu d'un paquet d'éléments.

M. Lazure: Oui, mais généralement, ce n'est pas la même personne qui fait et la médiation et l'arbitrage. Quelqu'un fait la médiation un bout de temps, si ça ne marche pas, si c'est un échec, là, il arrive une autre personne qui vient faire l'arbitrage.

M. Rousseau: Nous, on voyait bien que le BAPE, en étant un organisme crédible, pouvait assumer ces deux fonctions.

M. Lazure: II me reste une minute environ et, moi aussi, je veux vous remercier beaucoup non seulement pour votre mémoire, mais aussi pour la participation des départements de santé communautaire dans certaines situations très précises, que ce soit à Saint-Jean, Balmet, ou dans l'est de Montréal et, évidemment, à Saint Basile aussi et à Saint-Amable. Les DSC sont en train de développer une expertise fort intéressante. Je veux vous remercier au nom de l'Opposition.

Le Président (M. Garon): On vous remercie. M. Rousseau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Maintenant, je voudrais demander au Centre québécois du droit de l'environnement et à son président, M. Michel Bélanger, de venir nous rejoindre au bout de la table et de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Comme vous avez une heure pour la présentation de votre mémoire, c'est-à-dire 20 minutes pour votre présentation, 20 minutes également pour chacun des partis, le parti ministériel et celui de l'Opposition, le temps que vous prenez en plus leur est soustrait et le temps que vous prendrez en moins leur est dévolu. À vous la parole, M. Bélanger.

Centre québécois du droit de l'environnement

M. Bélanger (Michel): Merci bien. En commençant, je voudrais juste rectifier un peu au niveau des présentations. Je suis directeur du Centre; le président est Franklin Gertler. Il ne peut pas être ici présent aujourd'hui parce qu'il est justement impliqué devant la cour dans une cause d'évaluation environnementale. J'ai, à ma gauche, Me Lorne Giroux, membre de notre conseil d'administration, qui va présenter le mémoire aujourd'hui en ma compagnie et, égale ment, devait être présent Stéphane Roberge, secrétaire du comité, qui n'a pas pu venir, revenant d'Ottawa et étant un peu en retard.

Un mot seulement pour présenter le Centre québécois du droit de l'environnement. C'est un organisme à but non lucratif qui regroupe principalement des juristes et d'autres spécialistes du domaine de l'environnement. Nos objectifs sont, d'une part, de favoriser l'accès aux citoyens à ta justice en matière d'environnement et, également, de promouvoir son implication dans les processus de décision. Donc, vous pouvez comprendre qu'une commission parlementaire qui porte sur l'évaluation environnementale nous intéresse particulièrement.

Notre approche est multidisciplinaire, comme vous pouvez le voir par les membres du comité qui ont siégé pour préparer le présent mémoire Peut-être juste une petite parenthèse pour ce qui est de la presse. J'avais préparé un résumé du mémoire pour les gens de la presse et j'ai appris qu'il ne s'était pas rendu comme prévu. Alors, une copie devrait être fournie tout à l'heure et j'ai avec moi quelques copies du mémoire si besoin était.

Je donne la parole tout de suite à Me Giroux pour vous présenter le contenu du

mémoire.

M. Giroux (Lomé): M. le Président, mesdames et messieurs, le Centre québécois du droit de l'environnement remercie la commission parlementaire de lui avoir donné l'occasion de participer à ce débat qui est important pour la société québécoise. Nous n'avons pas l'intention de faire la lecture de notre mémoire devant vous, compte tenu du temps qui nous est alloué. Cependant, nous aimerions regrouper en un certain nombre de propositions les principes sous-jacents que le Centre a fait valoir dans le mémoire qui vous a été soumis aujourd'hui. (15 h 30)

Le premier point que nous aimerions soulever, c'est qu'il existe actuellement une profonde incompréhension sur ce qu'est véritablement le processus québécois d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Nous aimerions rappeler que, juridiquement, il s'agit essentiellement d'un processus, c'est-à-dire d'une procédure consultative devant conduire à une prise de décision sur un programme, une politique ou un projet spécifique.

Ceci signifie d'abord qu'aux termes de la procédure la décision finale sur l'opportunité ou non de réaliser le projet appartient au Conseil des ministres qui peut prendre la décision qu'il veut parce que son jugement est fondé sur des questions d'opportunité à la lumière des éléments qui lui sont fournis.

Juridiquement, étant donné qu'il s'agit d'une procédure, il apparaît aux yeux du Centre qu'il est essentiel de préserver l'intégrité de cette procédure. Puisque la décision finale reste entre les mains du Conseil des ministres et puisque la procédure a simplement pour but de faciliter cette prise de décision, juridiquement, le Centre estime qu'il est essentiel de préserver l'intégrité de cette procédure et de décourager toutes les tentatives d'en fausser l'exercice par des techniques comme la segmentation, la division des projets, ou par la prise de décisions antérieures qui vont avoir pour effet de fausser l'efficacité de la procédure.

Deuxièmement, au point de vue juridique, il s'agit d'une mesure par excellence de droit préventif parce que cette procédure-là, qui est une technique juridique de droit préventif, nous permet d'évaluer à l'avance les conséquences environnementales possibles, qu'elles soient bénéfiques ou défavorables, d'un projet sur l'environnement. Elle permet, à ce titre, de décider de l'opportunité de conduire ce projet-là et, ultimement, si la décision est prise de réaliser le projet, de prévoir (es méthodes par lesquelles on va minimiser les impacts négatifs du projet sur l'environnement.

Le mémoire souligne que toute la procédure est à la fois au bénéfice du promoteur lui-même aussi bien qu'au bénéfice du gouvernement et de la société en général. Et la position que le

Centre défend, c'est que le Québec ne peut pas, collectivement, se priver de ce moyen puissant d'intégrer les considérations environnementales dans la prise de décisions publiques ou même, dans certains cas, privées au Québec.

Un deuxième point que nous aimerions souligner, relativement à la procédure, c'est que, contrairement à ce qui est fréquemment véhiculé, ce n'est pas la participation du public qui a pour effet d'allonger indûment les délais de la procédure. Le rapport Lacoste démontre de façon éloquente que la seule partie, en fait, de toute la procédure qui est limitée juridiquement, c'est la partie de l'audience publique devant le BAPE parce que cette partie-là est assujettie à un délai qui est déterminé par le règlement de quatre mois. Et le constat paradoxal qui est fait par le rapport Lacoste, c'est que si on augmente la participation publique dans la procédure, si on permet au public d'être mieux informé, par exemple, de l'avis de projet et si on associe le public à la période antérieure dans le processus, celle où on élabore la directive de l'étude d'impact, le rapport Lacoste démontre de façon éloquente, en ce qui nous concerne, que d'augmenter et mettre plutôt la participation publique dans le processus va avoir pour effet d'alléger les études d'impact, de réduire la durée du processus et, également, d'en réduire les coûts.

Un autre point que nous aimerions faire valoir, globalement, et ce point-là est relevé dans le mémoire également, c'est que plusieurs des difficultés qui sont vécues actuellement à l'égard du processus d'évaluation et d'examen des impacts au Québec viennent du fait que l'on demande aux organismes concernés de faire l'évaluation environnementale de projets spécifiques, lesquels projets spécifiques s'insèrent dans le cadre de politiques plus générales qui, elles, ont échappé à l'évaluation environnementale. Beaucoup de discussions, à l'heure actuelle, aux yeux du Conseil, viennent du fait que, certaines politiques générales de développement - pour donner un exemple concret, la politique en matière énergétique - n'ayant pas fait l'objet d'une discussion environnementale publique élaborée, les difficultés se soulèvent ensuite lorsqu'on demande aux organismes chargés de faire les évaluations environnementales de discuter de projets concrets qui s'insèrent dans le cadre de cette politique-là. Et, forcément, les questions globales qui n'ont pas fait l'objet de discussion au niveau de la politique sont ramenées dans la discussion des projets concrets et, souvent, au détriment du promoteur lui-même. Et refuser d'inclure les politiques de développement dans le cadre d'une évaluation environnementale, ça ne peut conduire, aux yeux du Conseil québécois, qu'à faire ressortir ces discussions-là ultérieurement, lorsque des projets spécifiques s'insérant dans cette procédure-là vont être discutés, rallonger le processus, fausser la discussion et, souvent, c'est le promoteur qui

va en faire les frais.

J'ajouterais deux éléments qui sont couverts par le mémoire, mais sur lesquels nous aimerions revenir brièvement. La partie la plus faible du régime juridique québécois, celle qui est passée sous silence dans la législation et dans la réglementation, c'est la question du suivi environnemental et, pour le Centre québécois du droit de l'environnement, la question du suivi environnemental est importante non seulement parce qu'elle permet de vérifier si le projet se réalise dans le cadre des autorisations qui ont été données, mais surtout parce qu'elle devrait permettre de tirer profit de nos expériences passées et d'en tirer des enseignements utiles pour la conduite des évaluations environnementales futures. Et, dans la mesure où il y aura un meilleur suivi environnemental, nous sommes convaincus que certains des problèmes actuels qui sont vécus dans la procédure pourraient être éliminés parce que nous aurions avantage à tirer profit des expériences du passé. Ceci implique qu'il devrait y avoir des normes plus sévères quant à la conduite du suivi environnemental.

En ce qui concerne la médiation, beaucoup de choses ont été dites au niveau de la médiation dans le processus d'évaluation environnemental québécois. Il faut comprendre ici à quel moment la médiation peut se situer. Comme vous le savez, dans le processus québécois, au moment où le ministre rend publique l'étude d'impact préparée par le promoteur, il y a une période de consultations publiques de 45 jours, pendant laquelle n'importe qui peut demander au ministre de tenir une audience publique par l'intermédiaire du BAPE. Il y a eu des situations dans lesquelles la demande d'audience a été faite par une seule personne, un seul groupe ou un nombre restreint de personnes. Dans ce contexte-là, dans la mesure où la demande pouvait être fondée sur des incompréhensions ou dans la mesure où la demande pouvait s'adresser à certains des aspects particuliers du projet sans remettre en question l'opportunité de l'ensemble du projet, il y a eu des tentatives de médiation qui ont été faites, tentatives qui visaient à tenter de concilier le point de vue du ou des requérants avec le projet, et ces tentatives-là, dans certains cas, ont eu pour effet que, puisque le requérant était satisfait, puisque sa préoccupation était prise en compte, il a retiré sa demande d'audience publique, de sorte que le processus s'est continué sans que l'on passe devant le BAPE.

Le Centre québécois du droit de l'environnement signale ici qu'il ne faut pas oublier que celui qui fait une demande d'audience publique, même si ce n'est qu'une seule personne, dans la mesure où cette demande-là n'est pas frivole au sens de la loi, il se trouve à protéger les intérêts de l'ensemble du public, c'est-à-dire de tous ceux qui vont ensuite pouvoir bénéficier du processus d'audience publique devant le BAPE. Et, dans cette mesure-là, le Centre signale qu'il faut être prudent parce que la médiation ne doit pas être vue comme un moyen de réduire la possibilité pour le public de participer au processus de discussion des impacts et de l'opportunité du projet.

Dans ce sens-là, à l'heure actuelle, sans modifier la procédure, II serait possible, comme le signale le rapport Lacoste, d'ailleurs, do prévoir la continuation de certaines expériences de médiation, mais le Centre manifeste certaines inquiétudes à l'égard de modifications qui auraient pour effet de substituer la procédure de médiation à la procédure de discussion publique. Et le Centre signale qu'à tout prendre, entre les deux, nous préférons encore la procédure de consultation publique.

Maintenant, il y a d'autres points spécifiques. Je laisse la parole à Me Bélanger, s'il y a d'autres points qu'il voudrait soulever.

M. Bélanger (Michel): Certaines précisions peut-être, simplement. Nous avons été sollicités, bien malgré nous, sans effort de publicité, par plusieurs citoyens et groupes de citoyens qui sont aux prises avec des problèmes d'ordre juridique en environnement. Dans la limite de nos moyens techniques et financiers, on a tenté de répondre à ces besoins-là. Je peux vous dire aujourd'hui de cette expérience relativement récente des deux dernières années qu'à peu près 70 % des dossiers qui nous arrivent de partout dans la province, c'est assez surprenant, les principales questions discutées sont des questions d'accès à l'information et de participation des citoyens au processus de décision dans leur région. Et, assez surprenant également, il y a beaucoup de questions de gestion de déchets domestiques. Il y a un genre de culte du silence qui règne un peu partout par peur ou par manque de confiance, mais cette situation là fait en sorte qu'à l'heure actuelle on n'est pas beaucoup plus avancé qu'on ne l'était il y a 10 ans, finalement. On est passé de la conscience environnementale à la mise en application. Je pense que là, c'est assez évident. Cette conscience-là s'est faite assez rapidement et je pense qu'on n'est pas tout à fait prêt et adapté à mettre en applicaton ces mesures-là.

À ce chapitre-là, on estime, au niveau du Centre québécois du droit de l'environnement, que la procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement est une procédure nécessaire, sinon essentielle, ne serait-ce que pour permettre à nos élus de prendre des choix qui vont s'avérer très difficiles à accepter socialement On parle de courage politique. On attend de nos élus du courage politique. Par définition, du courage politique, c'est d'imposer à la population des décisions qui sont impopulaires, ce qui est un peu rare dans notre système actuellement. Mais n'empêche que c'est la réalité que la problématique environnementale nous présente.

En ce sens, nous estimons que la procédure,

telle qu'elle est, sous réserve peut-être d'ajustements mineurs au niveau du règlement, devrait être maintenue.

Je m'en tiendrai là pour ce qui est de la présentation et on complétera avec les questions.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, M. Bélanger, merci, M. Giroux, pour votre mémoire. Bienvenue à la commission. Vous avez terminé sur une note, M. Bélanger, de courage politique. Je pense que c'est un message fort important, mais la politique nous apprend aussi que les lois impopulaires ne permettent plus aux politiciens courageux d'exercer leurs droits. Ils ne sont plus là. Il y a une certaine règle de limite quand même qu'il nous est permis d'exercer, en démocratie, mais tout en gardant aussi, indépendamment de qui nous sommes, un certain juste milieu.

Moi, j'aimerais juste, en préambule, si vous voulez, dans peut-être deux minutes - vous savez qu'on est limité dans le temps - que vous me parliez un petit peu de votre association. Je m'excuse, mais on n'a pas une connaissance approfondie de votre association. Je pense que c'est la première fois que vous présentez un mémoire ici en commission parlementaire à notre commission. Peut-être que dans d'autres commissions, mais à la nôtre...

Une voix: Ils sont venus déjà.

M. Maltais: Ici, oui? En tout cas, pouvez-vous me donner, en deux minutes, le résumé de votre association?

M. Bélanger (Michel): En deux minutes, le Centre, comme je l'ai dit, a été formé il y a deux ans. C'est un regroupement de juristes qui ont décidé, finalement, d'essayer de faire valoir l'intérêt public sur les questions de droit de l'environnement. Donc, on a vraiment deux mandats dont le premier est d'intervenir sur la lettre de la loi, les politiques, les règlements, de manière à se donner des moyens plus efficaces et également, éventuellement, d'assurer un certain support et service aux citoyens et aux groupes de citoyens qui oeuvrent dans leur milieu.

M. Maltais: D'accord.

M. Bélanger (Michel): Mais on n'est pas rendu à cette ultime étape-là. On peut refaire ce qui existe déjà en Ontario et dans plusieurs autres provinces canadiennes qui sont déjà équipées d'organismes comme le nôtre.

M. Maltais: Un genre d'ombudsmans bénévoles.

M. Bélanger (Michel): Ça ressemble à ça, oui. Surtout la...

Une voix: Non payés.

Des voix: Ha, ha, ha!

(15 h 45)

M. Maltais: Merci beaucoup de ces précisions. Dans votre mémoire qui est quand même assez - et on s'attendrait, du moins pour vous autres, à ce qu'il soit assez légaliste parce que vous êtes des juristes - légaliste, il y a quand même des points qui sont particulièrement vrais et qui, à notre compréhension, devraient être sans doute appliqués. Moi, j'aimerais, par exemple, que vous nous donniez un petit brin d'explications. Vous dites, à la page 15 de votre mémoire: "À vrai dire, l'analyse de l'étude d'impact, dans une optique de développement durable ou viable, est le seul critère d'évaluation, si imprécis soit-il, à l'égard duquel nous devons aujourd'hui orienter tout projet de développement."

J'aimerais ça que vous me parliez un petit peu de ça parce qu'il y a beaucoup de personnes dans le public qui nous donnent beaucoup de critères d'évaluation, beaucoup de facteurs. Et vous, votre organisme, vous les résumez quand même en un ou deux facteurs. J'aimerais ça que vous me fassiez peut-être... les catégories par importance. C'est quoi qui vous a portés à vous prononcer sur un jugement aussi court, si on veut, par rapport aux doléances qu'on reçoit continuellement au niveau de pratiques d'évaluation?

M. Bélanger (Michel): Je n'ai pas fait... Je n'entends pas, je n'ai pas la prétention non plus, nous n'avons pas la prétention d'avoir défini le concept de développement viable ou durable. Les gens ne s'entendent même pas sur ces deux mots, alors imaginez-vous ce que c'est. Non, ce qu'on dit ici, essentiellement, c'est qu'il y a eu certains reproches, ou certains commentaires qui ont été faits à l'effet que c'était peut-être outrepasser les pouvoirs de l'organisme que d'ajouter comme critère d'évaluation le développement durable ou viable dans son évaluation.

Ce qu'on dit, essentiellement, c'est que parmi les critères du Bureau d'audiences publiques sur lesquels pourrait porter l'étude d'impact, en vertu du règlement sur l'évaluation environnementale, il y a différents éléments dans lesquels on ne retrouve pas le fameux concept de développement viable. Mais ce développement viable n'est pas un critère d'évaluation, mais plutôt une perspective de tous les éléments que le règlement oblige et impose au niveau de l'étude d'impact, ou jusqu'où il permet d'aller; c'est finalement une perspective dans laquelle doivent être évalués les différents critères que le règlement oblige.

Donc, autrement dit, je n'ai pas la préten-

tion de définir quelle est la portée du développement viable. D'ailleurs, Me Giroux a mentionné que les grandes politiques gouvernementales devaient éventuellement tabler sur de grandes orientations. C'est principalement par l'entremise de ces politiques générales que va s'orienter justement, suite à des consultations publiques élargies, le type de développement que notre société entend privilégier.

M. Maltais: Un petit peu plus loin dans vôtre mémoire, vous calquez un petit peu sur la loi de l'Ontario, du gouvernement ontarien, concernant les procédures. On sait que ça s'applique uniquement aux projets hydroélectriques. Ça ne s'applique pas aux autres grands projets, à moins que ma mémoire ne soit fausse et mon collègue me corrigera, mais vous pouvez me corriger aussi. Écoutez, ce n'est pas clair dans la loi, mais par expérience, là où ça s'est appliqué, c'est uniquement au niveau des projets hydroélectriques. On sait comment ça fonctionne. C'est une espèce de tribunal, "an assessment board" qu'on appelle, ce genre de tribunal. Est-ce que vous avez analysé ou est-ce vous avez regardé un peu les résultats de ce genre de tribunal qu'il y a en Ontario, au niveau du ministère de l'Énergie et des Ressources et d'Hydro-Ontario?

Nous, on est allé, on a regardé ça, on a vu comment ça fonctionne, et mon collègue et moi avons été un petit peu épatés de voir que, finalement, c'était Hydro-Ontario qui payait les groupes, qui engageait les procureurs aux groupes pour que les groupes viennent en auditions publiques devant un tribunal quasi judiciaire. Ce sont des juges, au fond. Mais il y a une chose qui m'échappe - on n'a pas eu le temps parce qu'on était juste une journée et demie là-bas - c'est les résultats de ça. Qu'est-ce que ça donne dans le concret? Est-ce que vous avez des exemples à nous dire là-dessus?

M. Giroux: Écoutez, il y a actuellement quatre régimes différents qui existent au Québec, plus le régime fédéral. J'avoue que, dans mon enseignement, j'ai commencé par me taper ces cinq-là, et je n'ai pas une étude exhaustive du régime ontarien. Seulement, il faut concevoir ceci: Dans le régime ontarien, dans le cas d'un projet spécifique de développement, à toutes fins pratiques, l'organisme rend une décision. Et cette décision-là peut être ultérieurement renversée au niveau politique. C'était ça à venir jusqu'à tout récemment, à moins que ça n'ait été modifié.

Ce modèle-là n'a pas été suivi au Québec, et tous les observateurs du système québécois sont d'accord pour dire que ce modèle-là ne doit pas être suivi au Québec, pour plusieurs motifs.

Le premier motif, c'est que nous estimons que c'est plus logique, dans un système de parlementarisme britannique, que la décision finale se prenne directement par des gens qui sont responsables devant l'Assemblée.

Deuxièmement, parce que la décision de l'organisme est finale jusqu'à ce qu'elle soit renversée, ceci a conduit à une judlclarisatlon complète du processus devant l'Ontario Joint Board, ce qui fait que vous avez un système où les gens sont représentés par des procureurs. Vous avez un système d'Interrogatoire, de contre-interrogatoire, etc. Ce système-là a été écarté par tout le monde. Le rapport Lacoste, mais bien d'autres avant lui, a dit: On n'en veut pas, de ce système-là. Et, quoi qu'on en dise, quoi qu'il ait été dit à propos de la crédibilité du BAPE, il n'en reste pas moins qu'après 10 ans le vrai test de la crédibilité du BAPE, et II le passe haut la main, c'est que, pendant 10 ans, ce système-là a bien fonctionné au Québec et, de façon substantiellement majoritaire, les recommandations du BAPE ont été entérinées par le Conseil des ministres. Le système québécois, tous les observateurs sont d'accord pour le dire, dans notre contexte à nous, II favorise une participation plus complète, moins artificielle et moins "antagonistique", si vous voulez, des groupes et des participants.

M. Maltais: Merci beaucoup. Je pense que vous êtes un excellent plaideur. On voit que vous êtes habitué parce que, vos réponses, vous y allez. Mais, nous autres, on est limités dans le temps, alors, on va essayer d'y aller avec le plus de questions possible. Vous avez regardé également la loi fédérale, vous en parlez dans votre mémoire à la page 14, quelque chose comme ça. Si vous aviez à comparer les deux lois, comme juriste, est-ce que les deux sont sur un pied d'égalité? Est-ce qu'il y a un "joint venture" à faire ou si le Québec est plus avant-gardiste?

M. Giroux: C'est difficile à dire. Moi, je ne suis pas capable de porter un jugement global comme ça, mais je peux vous dire, II y a des éléments... La loi fédérale est plus avancée parce qu'elle permet une participation publique au niveau de l'élaboration de la directive. L'exemple du canal Lachine qui a été donné tout à l'heure, c'est le meilleur exemple. Par ailleurs, la loi fédérale a des faiblesses, dans la mesure où elle laisse au ministère responsable du projet la première décision quant à la soumission du projet au processus public. Nous, nous préférons le système québécois dans lequel il y a un règlement qui dit que, ces projets-là, vous n'aurez pas le choix, vous allez les assujettir.

Toutefois, nous devons vous dire que, si on lit la jurisprudence récente qui a été rendue par la Cour fédérale, si on émascule le régime québécois au point où la participation publique disparaît, à toutes fins pratiques, il va y avoir des tendances Importantes à voir, dans tous les projets de développement, un aspect fédéral pour que le régime fédérai puisse s'appliquer. Il y a

des décisions des tribunaux, toutes récentes, qui encourageraient un processus comme ça. Je ne crois pas que ce soit à l'avantage du Québec de réduire l'efficacité du processus québécois parce que ça va avoir tendance à tenter d'embarquer le régime fédéral.

M. Maltais: Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'il me reste, alors...

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter, moi aussi, les porte-parole du Centre québécois. Ils m'amènent à me réjouir d'avoir envoyé ma contribution au Centre pas plus tard qu'il y a une semaine. J'incite mes collègues de la commission parlementaire à faire la même chose. C'est un centre qui prépare d'excellents mémoires, d'excellents travaux. L'exposé des deux porte-parole est très clair. Moi, j'aime beaucoup certaines de vos positions, par exemple, lorsque vous détruisez un peu le mythe qui veut que ce soit le BAPE qui soit responsable des délais ou que ce soit la partie des audiences publiques qui cause des délais indus aux promoteurs. Je pense qu'il va falloir revenir là-dessus souvent parce que c'est un peu dans l'imagerie populaire que c'est parce qu'il y a des audiences publiques, c'est parce qu'il y a un BAPE que ça prend tant de temps, alors qu'en réalité ce n'est pas vrai. Vous avez bien démontré qu'au contraire c'est de nature à raccourcir les délais.

J'aime bien aussi votre exhortation à utiliser la procédure, toujours dans l'optique d'un droit préventif. Je suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas exagérer ce que j'appelais tantôt la perte de crédibilité du BAPE; il ne faut pas l'exagérer. J'aurais peut-être dû parler de certaines atteintes à la réputation du BAPE, plutôt que de la crédibilité du BAPE en soi, objectivement. Moi, je conviens avec vous que le BAPE a fait un bon travail. Ce qu'on peut déplorer, c'est que son travail ait été limité à des secteurs aussi restreints. Je comprends qu'il a agi dans peut-être 350 cas, mais il n'a pas agi dans les grands projets. Mais, là-dessus, on est tous d'accord maintenant, encore une fois, y compris la partie patronale, pour recommander au gouvernement que ce sort étendu aux grands projets industriels.

Je voudrais m'arrêter à votre recommandation de ne pas tenter d'harmoniser la procédure québécoise. C'est assez lapidaire et, moi, je suis porté à être d'accord avec vous, mais est-ce que vous pourriez élaborer un petit peu là-dessus?

M. Giroux: Écoutez, on n'a pas dit qu'il ne fallait pas harmoniser les procédures. Ce qu'on a dit, c'est que nous ne croyons pas qu'il faille importer aveuglément les morceaux de la procédure fédérale. Par ailleurs, nous estimons qu'à l'heure actuelle - le mémoire en fait mention - il y a une entente entre le fédéral et le provincial sur le fait que, dans certains cas, il est possible d'avoir une procédure conjointe. L'exemple du canal Lachine en est un; il y en a d'autres. Nous croyons que ça, ça doit être poursuivi afin d'éviter les litiges en particulier et d'éviter que ce ne soit paralysé par des recours judiciaires.

Maintenant, il faut être bien conscient ici qu'il y a quatre régimes différents sur le territoire du Québec et que chacun de ces régimes-là obéit à des règles différentes. Dans les deux régimes qui s'appliquent dans le Nord du Québec et à la Baie James, il y a un mélange d'un régime du Sud et d'un régime fédéral; il y a des projets qui sont assujettis, il y a des projets qui sont exclus. Il y a, entre les deux, une zone grise où il peut y avoir une détermination d'assujettissement.

M. Lazure: Au Centre, est-ce que vous seriez au courant d'études qui auraient été faites et qui démontreraient que, dans des sociétés où on utilise de façon assez rigoureuse la procédure d'évaluation pour les grands projets, une telle société aurait été pénalisée au plan de la compétitivité économique ou de la concurrence économique?

M. Bélanger (Michel): Non. Je n'ai pas eu connaissance d'étude semblable, mais notre position là-dessus est assez claire, on estime qu'à l'heure actuelle l'argument économique ou l'argument de la concurrence ne devrait pas être un facteur qui ferait en sorte qu'on n'assujettisse pas les grands projets. À certains égards, si on prend nos voisins de l'Ontario, la réglementation, à beaucoup d'autres points de vue, est de loin beaucoup plus sévère. Entre autres, l'Ontario - je ne veux pas nécessairement qu'on en vienne là - a été la seule province à condamner à une peine de prison des dirigeants de compagnie. Donc, si on se basait simplement sur la différence d'une province à une autre en termes d'exigences environnementales, je pense que c'est peu élogieux si nos critères qui attirent ces entreprises-là sont effectivement ces exigences-là.

Un dernier point que je voudrais faire remarquer là-dessus, c'est que je voudrais qu'on fasse une distinction entre la réglementation environnementale, c'est-à-dire tous les règlements qui seraient applicables à un type d'entreprise, et la procédure d'évaluation environnementale. Le fait de soumettre un projet à la procédure d'évaluation environnementale n'est pas de dire non à ces projets-là, mais simplement de leur permettre d'être discutés publiquement et acceptes socialement. Donc, c'est une grosse distinction. Si c'est à ce prix-là qu'on doit attirer ces entreprises-là, nous autres, on estime que ça ne vaut pas la peine.

M. Giroux: II n'a pas été établi que le simple fait de l'existence de la procédure québécoise ait rendu le Québec moins compétitif que d'autres juridictions. Ça, ça n'a pas été établi. A la limite, si ça c'était vrai, il faudrait qu'on parle tous anglais parce que le simple fait que le Québec soit une province francophone, c'est en soi un élément de non-compétitivité et ce n'est pas une raison pour dire qu'on va changer ça du jour au lendemain. Ça, ça n'a pas été établi. Quoi qu'on en dise, il n'y a personne qui a été capable d'établir ça, à l'heure actuelle.

M. Lazure: Au contraire, certains croient que même les entreprises ont avantage à être soumises et que les entreprises qui sont clairvoyantes désirent être soumises à de telles procédures.

Enfin, revenons à l'Ontario. Moi, j'ai une nuance à apporter au commentaire de mon collègue de Saguenay. Je pense, comme vous, d'ailleurs, que c'est trop judiciarisé. Les procédures en Ontario sont beaucoup trop judiciarisées. Ce que j'ai trouvé important et valable, c'est la loi de 1988 qui permet le financement des intervenants. Elle ne s'applique pas seulement à Hydro-Ontario, mais à date, c'est le cas par excellence. Mais en principe, elle peut s'appliquer à d'autres organismes, d'autres promoteurs.

Une question sur votre commentaire. À la page 19, vous recommandez une plus grande vigilance du ministre qui, lui, dispose de la discrétion nécessaire pour soumettre certains projets à une telle évaluation globale. Page 19. Pourriez-vous élaborer là-dessus un peu, des exemples ou comment pourrait s'exercer mieux cette vigilance-là? (16 heures)

M. Bélanger (Michel): Ici, on parle principalement des projets qui ne sont pas soumis aux règlements de façon obligatoire, bien entendu, et surtout à certaines demandes qui seraient faites. Je pense, entre autres... Il y a certains accrocs qui ont été faits dans la loi, c'est-à-dire certains accrocs, certaines tendances à "sectorialiser" des projets, à diviser des projets, à faire des bouts de route, à réduire certaines routes qui, en termes d'impacts environnementaux, sont majeurs.

Nous disons ici que, lorsque la demande est faite de la part de citoyens ou de groupes de soumettre ces projets-là, les dispositions de l'article 6. 3 pourraient bien s'y prêter lorsque, justement, pour x raisons, le projet n'est pas soumis de façon obligatoire, mais présente des répercussions environnementales importantes. On se souviendra qu'au fédéral un projet dont les répercussions suscitent un intérêt suffisant de la population est un des éléments pour lequel la procédure serait enclenchée.

M. Lazure: Dans un autre ordre d'idées, les impacts cumulatifs - vous êtes un des rares groupes à avoir traité de ça et je pense qu'à bon droit vous recommandez que dans la directive on exige une analyse des impacts cumulatifs - est ce que ça pourrait aller jusqu'à définir certaines zones d'implantation, certaines zones géographiques d'implantation d'un type d'entreprise, d'un type d'usine, d'un type de procédé et qu'à titre préventif l'évaluation des impacts se ferait à l'avance et qu'on déciderait: Bon, bien, dans cette zone-là, il pourrait y avoir une, deux ou trois entreprises de cette nature-là et, après, ça serait saturé?

M. Bélanger (Michel): Bon, on soulève effectivement, à la page 20, les difficultés quand on parle d'effets cumulatifs. Il y a le dernier profet qui s'Installe dans une zone saturée. Là, effectivement, on parie d'effets cumulatifs, mais il y a également le premier projet qui s'installe dans une zone qui n'est pas justement encore développée. Il s'agirait de voir quel est le rôle du Bureau d'audiences publiques et quelle est l'évaluation qu'il doit porter sur un projet. Est-ce que c'est justement les perspectives futures? Est-ce qu'il a la capacité d'évaluer les perspectives futures alors que le territoire, lui, n'a pas été aménagé encore? Ou c'est finalement le dernier promoteur qui doit payer les coûts de la négligence passée?

Donc, l'évaluation environnementale des effets cumulatifs est nécessaire. Par quels moyens doit-elle être faite? Inévitablement, si un premier projet s'Installe dans une zone riveraine qui toucherait des plaines inondables, effectivement, il faut envisager la possibilité qu'il y ait d'autres projets qui s'y installent ou encore de façon globale. Et à ce moment-là, à mon avis, toute la question de l'aménagement du territoire doit venir en ligne de compte. Il existe deux mécanismes au Québec. Il y a l'évaluation environnementale, qui évalue chacun des projets, et il y a également tous les schémas d'aménagement qui, finalement, déterminent l'usage d'un territoire plus vaste. Mais ça ne veut pas dire que le Bureau d'audiences publiques ne doit pas considérer les effets cumulatifs pour un même projet.

M. Lazure: Le suivi. Vous recommandez des programmes de suivi des projets. Qui est-ce qui serait responsable de ce programme de suivi, d'après vous? Est-ce que ça serait le BAPE, un autre organisme ou le ministère?

M. Giroux: Mais écoutez, en ce qui nous concerne, les recommandations du rapport Lacoste sont suffisantes là-dessus. Le rapport Lacoste dit, à toutes fins pratiques: II y a la responsabilité du promoteur et il faut que le ministère exerce une meilleure surveillance. Et là-dessus, on ne nous a pas démontré que cette recommandation-là ne gardait pas son Intérêt aujourd'hui.

M. Bélanger (Michel): Si je pouvais rajouter...

M. Lazure: Oui.

M. Bélanger (Michel): ...juste un élément au niveau du suivi. On distingue deux choses dans le suivi, c'est-à-dire le suivi, justement, des projections que l'évaluation environnementale aurait faites, mais également le suivi lui-même, une fois que l'autorisation ministérielle a été rendue et là, on parle beaucoup plus des droits des citoyens à l'application et au respect des conditions qui ont été imposées à une entreprise. À ce niveau-là, effectivement, je pense qu'on perd du terrain sensiblement par rapport aux objectifs que la loi poursuivait dans les amendements qui ont été ajoutés à la loi en 1978.

M. Lazure: Pourquoi, d'après vous?

M. Bélanger (Michel): On parle... J'ai mentionné tout à l'heure les dossiers... En matière d'accès à l'information, effectivement, on se bat devant la Commission d'accès et devant la Cour du Québec actuellement. Notre organisme intervient même dans une cause en ce moment devant la Cour du Québec pour faire valoir le droit des citoyens à l'information qui est reconnu dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Donc, on se bat au niveau de l'information et au niveau aussi de l'injonction qui est autorisée pour les citoyens en vertu de l'article 19.3, le pouvoir d'injonction, pour assurer le droit à la qualité de l'environnement, à défaut de savoir quelle est la qualité de cet environnement-là et plus que ça.

Lorsqu'on dit qu'on invite tous les citoyens à participer aux audiences publiques, ce n'est pas le cas lorsqu'on contrevient, par contre, à l'autorisation qui est donnée par le ministre, au-delà de cette audience publique et de la décision ministérielle. C'est simplement ceux qui fréquentent le lieu autour de l'entreprise qui sont invités à pouvoir protéger leur environnement et déposer une injonction. On trouve... Il y aurait peut-être matière à élargir davantage la portée de ces dispositions-là.

M. Lazure: Avez-vous une opinion sur la suggestion que le BAPE devienne un organisme gouvernemental presque Indépendant?

M. Glroux: Écoutez, nous, là-dessus, en ce qui nous concerne, le statut du BAPE, ce n'est pas la question majeure ici. Le BAPE, c'est un organisme qu'on connaît dans le système anglais, qui est un peu un "hearing examiner". C'est un organisme qui entend et qui fait rapport. Cependant, la composition des commissions et la nomination des commissaires ad hoc a souvent une importance primordiale et c'est surtout au niveau du choix des commis- saires et peut-être d'une certaine consultation, ne serait-ce qu'informelle, que le Centre est concerné.

En ce qui concerne le statut lui-même du BAPE, pour nous, le BAPE est un organisme qui entend et qui fait rapport, et ce n'est certainement pas un organisme décisionnel, et ça ne doit pas le devenir non plus.

M. Lazure: Et la suggestion que le président du BAPE soit nommé par l'Assemblée nationale aux deux tiers des voix?

M. Glroux: Écoutez, nous, on n'a pas tellement d'idée là-dessus parce que le président du BAPE ne siège pas sur toutes les commissions et ce qui est important, c'est qui siège sur les commissions. Il est possible cependant que cette procédure-là assure une autorité morale à l'égard de la sélection des commissions, mais pour nous, on doit vous dire, à toutes fins pratiques, à l'heure actuelle, que ce n'est pas un point majeur.

M. Lazure: Je reviens aux évaluations des politiques globales. Vous en pariez de façon assez bien marquée dans votre texte. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples de politiques globales qui pourraient être assujetties à la procédure d'évaluation?

M. Glroux: Et si on lit le rapport Lacoste, le rapport Lacoste dit: "Les politiques de développement comme la politique énergétique doivent être assujetties à l'évaluation environnementale." Le rapport Lacoste ne va pas jusqu'à dire que ces politiques-là doivent passer dans le processus tel qu'on le connaît actuellement de la loi et du règlement.

Ce que nous, on dit: Même si ce n'est pas assujetti formellement avec les délais de quatre mois que l'on connaît actuellement, il doit y avoir une discussion générale de société sur certaines grandes politiques de développement parce que l'absence de cette discussion-là a amené des problèmes dans la gestion quotidienne du processus d'évaluation des projets spécifiques. La Baie James, ça en est un exemple.

M. Lazure: À titre de centre de recherche, vous devez avoir une opinion sur... Sur quoi est basée la réticence d'une certaine portion des entrepreneurs, des promoteurs, qui... Bon, c'est moins vrai aujourd'hui, au moment où on se parle, mais c'était vrai à venir jusqu'à il n'y a pas longtemps. Leur réticence à soumettre leur projet à la procédure d'évaluation...

M. Bélanger (Michel): Oui, c'est l'incompréhension...

M. Giroux: C'est l'incompréhension strictement...

M. Lazure: ...strictement...

M. Giroux: ...des objectifs et de ce qu'est la politique. Pour nous, c'est simplement ça. Lorsqu'on connaît la politique, lorsqu'on se rend compte que ça aide... Écoutez, qu'elle soit prise au Québec, en Ontario ou dans l'État de New York, une mauvaise décision, ça reste une mauvaise décision. La difficulté, c'est que la durée de la décision excède souvent le mandat politique ou excède les besoins à court terme auxquels on fait face dans une crise économique, par exemple. Mais il n'en reste pas moins qu'à partir du moment où on va être capable d'évaluer ces coûts-là et qu'on va être capable de les "internaliser" dans le calcul, une mauvaise décision, ça reste toujours une mauvaise décision.

M. Lazure: On nous sert parfois l'argument que les secrets industriels vont être divulgués ou risquent d'être divulgués dans des procédures publiques comme celles-là. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Giroux: il y a des moyens de protéger ça sans... À notre avis, cet argument-là n'est certainement pas un argument majeur pour défaire ce qui existe actuellement.

M. Lazure: Dernière question sur la rapidité ou la lenteur du processus. Vous le savez mieux que moi, souvent, le processus a été discrédité parce qu'il était soi-disant trop long et trop confus dans ses exigences. À quelle étape du processus, selon vous, pourrait-on raccourcir la procédure, les délais?

M. Giroux: Écoutez, là-dessus, nous croyons que certaines des recommandations du rapport Lacoste sont encore actuelles. Comme il a été dit tout à l'heure, si on favorise la participation du public au niveau de l'élaboration de la directive, l'étude d'impact va s'intéresser plus aux vrais problèmes que les gens vivent et va cesser de faire une description complète de tout l'environnement québécois. Ça, c'est un point.

Deuxièmement, il y a des questions qui relèvent plus de l'organisation administrative interne du gouvernement. C'est pour ça qu'on a été plutôt discrets là-dessus, mais le rapport Lacoste, à notre avis, couvre bien ces points-là.

M. Lazure: Merci. M. le Président, moi, je n'ai pas d'autres questions. Je veux remercier mon collègue de Jonquière.

Le Président (M. Garon): La règle d'alternance, Mme la députée de Vachon. Je reviendrai au député de Jonquière.

M. Lazure: Oui.

Mme Pelchat: Merci. Messieurs, tout à l'heure, le député de La Prairie vous a posé des questions sur l'harmonisation de la politique, la procédure d'évaluation du Québec en fonction peut-être de celle du fédéral ou de celle de l'Ontario. Vous avez dit qu'il n'était pas question de favoriser l'importation des plus mauvais modèles - on est bien d'accord avec vous - sauf que ne croyez-vous pas qu'il serait Important, par exemple, au niveau de la liste des sujets qui devraient être assujettis, de s'harmoniser avec l'Ontario?

C'est dans ce sens-là qu'on parle de compétitivité et non pas tout simplement qu'on regarde une procédure d'évaluation et on dit: Mon Dieu! Au Québec, H y a une procédure d'évaluation, on est plus compétitifs. Je ne pense pas que c'est ça et vous l'avez très bien dit, là. Ça n'a empêché aucun projet de venir s'installer, sauf que si l'on parle des grands projets Industriels, si ces mêmes projets ne sont pas soumis à une procédure d'évaluation en Ontario, est-ce que ça n'affecterait pas la compétitivité?

Le Président (M. Garon):...

Mme Pelchat: Juste un Instant. C'est ça la question que les gens posent. Moi, Je ne porte pas de...

M. Giroux: Écoutez, prenons le cas des alumineries. La question se pose: S'il y a plusieurs alumineries au Québec à l'heure actuelle, plus qu'ailleurs, est-ce vraiment parce qu'il n'y a pas de procédure d'évaluation des impacts ou si ça ne tient pas plutôt à d'autres politiques d'incitation à d'autres niveaux? Pour nous, le grand projet, II y a des questions quant à sa localisation, quant à son opportunité, quant à ses impacts, quant à la sécurité, et on n'a pas le droit de se priver collectivement d'étudier ça tout simplement parce que ça ne se fait pas ailleurs. On a également des leçons environnementales à tirer, d'ailleurs. Écoutez...

Mme Pelchat: Je comprends très bien ce que vous dites et je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je veux savoir au niveau de la compétitivité. C'était ça la question et non pas au niveau de la pertinence et de l'à-propos d'assujettir ces projets-là. C'est la raison pour laquelle on a la commission parlementaire, là. Alors, je veux savoir si ce ne serait pas bon que ce soit harmonisé avec l'Ontario et, si ce ne l'est pas, est-ce que ça peut affecter la compétitivité, selon vous? C'est ça que je veux savoir, selon vous.

M. Giroux. Mais moi, je pense que non pour la simple raison qu'on n'est pas capable de déterminer, dans la décision quant au choix d'une province, d'une juridiction ou d'une autre, de dire: L'élément déterminant, c'est l'existence ou l'absence d'une procédure d'évaluation des

Impacts.

Mme Pelchat: O.K. Merci. Au niveau de la médiation, vous parlez de la médiation, à la page 27 de votre mémoire, et vous expliquez bien que, pour vous, le processus de médiation est intéressant et utile, mais après l'audience publique. Cette procédure peut être envisagée seulement après la tenue de l'audience.

M. Giroux: Sur la directive.

Une voix: Oui, c'est ça.

M. Bélanger (Michel): Sur la directive.

Mme Pelchat: Parce que plusieurs organismes viennent nous voir et vont venir, ils vont nous dire que, le délai étant trop long, peut-être que la médiation est un bon moyen de rapetisser les délais et peut-être éviter la confrontation, etc. Mais je ne comprends pas, à ce moment-là, votre recommandation... (16 h 15)

M. Giroux: La raison pour laquelle c'est comme ça dans le mémoire, c'est que le Centre recommande qu'il y ait une participation du public lorsqu'on élabore la directive que l'on va acheminer au promoteur qui va préparer son étude d'impact. Pour le Centre, la médiation, si elle se fait, elle doit se faire après que le public eut été consulté sur la directive pour que l'étude d'impact soit pertinente à l'égard des préoccupations du public. Après ça, peut-être qu'il pourra y avoir une médiation pour décider si, oui ou non, les...

Mme Pelchat: II y aura audience comme telle sur le projet.

M. Giroux: Voilai

Mme Pelchat: O.K. Je vois.

M. Giroux: Voilà!

Mme Pelchat: Est-ce que cette médiation-là, selon vous, devrait être tenue par le Bureau d'audiences publiques, par un organisme indépendant ou par le ministère de l'Environnement?

M. Bélanger (Michel): Non. Le Bureau d'audiences... Ça fait partie, c'est... La médiation, contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure au niveau de l'arbitrage - ce sont deux choses très distinctes - la médiation, effectivement, ça fait partie des fonctions du Bureau d'audiences publiques. C'est une façon d'arriver... c'est un genre de consultation interne qui ne doit pas, par contre, comme on a insisté beaucoup, brimer l'audience publique en soi, mais effectivement, ça pourrait facilement être tenu sous l'égide...

Mme Pelchat: Ça ne mettrait pas le BAPE dans une position difficile...

M. Bélanger (Michel): Non.

Mme Pelchat: ...à ce moment-là, si, par exemple, il y a entente entre les deux intervenants...

M. Bélanger (Michel): Bien non! Au contraire.

Mme Pelchat: ...ou entre les intervenants opposés et les promoteurs et, à ce moment-là, le BAPE ne tient pas d'audience, suite au succès d'une médiation, par exemple...

M. Giroux: Regardez, madame...

Mme Pelchat: Vous ne pensez pas que ça nous met dans une position...

M. Giroux: Dans la situation actuelle, une seule personne peut demander une audience. La ministre a utilisé le délai que la loi lui accorde, dans le cas où il n'y avait qu'un tout petit nombre de demandeurs, pour voir si leur demande d'audience n'était pas fondée sur un aspect particulier auquel il pouvait être remédié. Si le requérant, après la médiation, a accepté de retirer sa demande d'audience, on ne va plus jamais devant le BAPE. Par ailleurs, ce sur quoi nous en avons, c'est que nous sommes méfiants parce que nous ne voulons pas que ce processus-là soit utilisé pour essayer de réduire la participation publique.

Mme Pelchat: Pour éviter les audiences publiques justement?

M. Giroux: Voilà!

Mme Pelchat: Alors, c'est dans ce sens-là que je vous pose la question: Est-ce que le BAPE est le meilleur organisme indiqué pour faire de la médiation parce que, dans le fond, il est juge et partie en ce sens que c'est lui qui tient l'audience publique et on lui dit en même temps: Tu es responsable de tenir l'audience publique, mais pourrais-tu, s'il te plaît, faire de la médiation pour éviter peut-être d'avoir une audience publique? C'est dans ce sens-là que je trouve qu'il y a un petit peu un conflit entre...

M. Giroux: Oui, mais regardez, madame. Vous avez raison dans un sens, mais le BAPE n'est pas tellement en conflit d'intérêts parce que ce n'est pas un organisme décisionnel. Ça, c'est le critère fondamental. Il est là pour entendre et faire rapport. À notre avis, cette question-là est moins importante dans la mesure où le BAPE fait rapport après avoir entendu.

Mme Pelchat: Est-ce que la médiation environnementale devrait être inscrite a la loi...

M. Giroux: Pas actuellement.

Mme Pelchat: ...comme procédure faisant partie intégrante de la procédure, comme une étape de la procédure d'évaluation?

M. Bélanger (Michel): Non, parce que, de toute façon, ça pourrait facilement, dans les cas où ça s'y prête, s'insérer de façon volontaire, et toutes les parties ont intérêt à l'accepter dans les cas où ça s'y prête, comme on le dit.

M. Giroux: Et le rapport Lacoste, madame, nous dit: II faut encore expérimenter cette question-là; on n'est pas mûrs pour prendre une décision définitive. Et là-dessus, moi, je suis d'accord avec ça.

Mme Pelchat: O.K. Vous avez... Votre collègue a parlé tout à l'heure des projets de gestion des déchets solides, de la gestion des déchets domestiques. Est-ce que vous croyez, par exemple, que le choix d'un site d'enfouissement sanitaire devrait être soumis aux audiences publiques?

M. Giroux: Cette question-là a... Il y a plusieurs aspects, ici. À l'heure actuelle, il y a des batailles féroces qui se livrent dans les MRC, devant les tribunaux, sur des questions de localisation. C'est bien certain qu'on ne pourra pas éviter que ces batailles-là ne continuent à un niveau ou à un autre. Par ailleurs, dans la mesure où la localisation d'un site d'enfouissement sanitaire peut avoir des impacts qui débordent strictement les intérêts de la région et peut avoir des impacts à long terme - et l'exemple de ce qui se passe à la carrière Miron actuellement devrait nous inciter à être prudents - dans ce sens-là, moi, je serais d'accord avec ça.

Mme Pelchat: Est-ce que... Parce que vous entendez, dans votre mémoire... À la page 21, vous dites: Nous "soulignons, à ce chapitre, qu'une certaine procédure de consultation publique entoure l'adoption des plans d'urbanisme et de règlements en question. Cette dernière procédure gagnerait toutefois à être améliorée si nous souhaitons lui voir jouer ce rôle, le cas échéant."

Est-ce que vous pensez que - et je fais référence à ce que le député de La Prairie disait tantôt - les espèces de BAPE régionaux ou, en tout cas, une décentralisation des pouvoirs du BAPE peut-être vers les MRC, est-ce que vous verriez ça d'un bon oeil que, par exemple, les municipalités régionales de comté exercent certains pouvoirs d'audiences publiques ou d'évaluation pour des projets qui sont strictement locaux ou régionaux comme, par exemple, le choix d'un site d'enfouissement sanitaire?

M. Giroux: À l'heure actuelle, ces débats-là, ils se font déjà devant la MRC et la MRC...

Mme Pelchat: Oui, mais pas au niveau de l'évaluation de l'impact environnemental.

M. Giroux: Oui, mais la MRC va vraiment être juge et partie parce que dans le schéma d'aménagement, c'est elle qui fixe la localisation. Et là, vraiment, on aurait un cas où on aurait été juge et partie, à mon humble avis.

Mme Pelchat: Mais est-ce que vous seriez en faveur d'une espèce de BAPE régional ou, en tout cas, essayons de l'appeler par... d'un organisme plus régional qui serait chargé de l'évaluation des projets plus régionaux ou si...

M. Bélanger (Michel): Non. Le BAPE, de toute façon, peut intervenir dans les réglons. Il n'y a pas de raison de décentraliser et de faire des petits organismes. Dans des questions bien précises - et probablement la question des déchets solides s'y prête - il y aurait peut-être moyen de tenir, mais pour les circonstances, pour des fins bien précises, justement des genres d'audiences "sectorialisées", mais essentiellement pour ce compte-là, mais non pas leur donner te mandat de trancher certaines questions particulières sur son territoire. Mais, de toute façon, la procédure qui entoure l'adoption des schémas d'aménagement le prévoit. Quand on dit améliorer, c'est en ce sens de tenir compte peut-être de perspectives plus environnementales dans le développement et, notamment, au niveau de l'implantation de secteurs Industriels, entre autres, au niveau des effets cumulatifs que les projets vont faire les uns sur les autres.

Mme Pelchat: Quand on parle d'assujettir les programmes et les politiques du gouvernement, ce serait peut-être ce genre de projet là, notamment les sites d'enfouissement sanitaire, les centres de gestion de déchets et tout ça, qui pourrait être soumis à une forme de politique globale du gouvernement du Québec quant à la gestion intégrée des déchets et, par la suite, bon, chacun des organismes...

M. Giroux: ...de localisation, mais si on lit la jurisprudence ces derniers temps, l'expérience révèle que les problèmes de localisation, on n'est pas près d'y échapper.

Mme Pelchat: Un autre problème qui a été soulevé très souvent, autant par les promoteurs que par les municipalités - les maires nous en ont parlé souvent - c'est que, par exemple, la marina de Chicoutimi ou je ne sais pas trop...

Une voix: La Baie.

Mme Pelchat: ...de La Baie veut s'agrandir et quelqu'un de Saint-Hubert se manifeste, qui n'est pas du tout dans la même région, il dit: Ah! moi. j'ai peut-être quelque chose à dire là-dessus. C'est la seule personne qui se manifeste et, bon, on tient des audiences publiques à ce niveau-là. On se fait souvent dire et on va se le faire demander dans les mémoires, pour en avoir lu plusieurs: Est-ce que la personne ou le groupe qui demande une audience ne devrait pas démontrer, un, un intérêt juridique et, deuxièmement, être reliée au projet comme tel ou à la région?

M. Giroux: En 1978, lorsque ça, ça a été dans la loi, je me souviens d'avoir participé à ce débat-là lorsque les articles ont été insérés dans la loi. Quoi qu'on en dise, je ne pense pas qu'il y ait des abus criants à ce point que l'on doive changer ce qui a été fait dans la lof de 1978. La frivolité, à mon avis, c'est encore un critère qui est valable à l'expérience.

Si quelqu'un de Saint-Hubert a fait une demande à l'égard d'un projet ailleurs, c'est peut-être un symptôme qui nous fait remonter à l'élément que certaines politiques générales n'ont pas été discutées collectivement d'abord.

M. Bélanger (Michel): Juste pour compléter. La question de l'intérêt, justement, n'est pas un problème majeur qu'on a rencontré. Ça ne mérite pas d'être réajusté.

Mme Pelchat: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui. On parle beaucoup des effets cumulatifs puis de l'impact sur l'environnement. C'est toujours en fonction de projets particuliers, de projets très précis. Je pose la question à savoir que les municipalités sont les municipalités régionales de comté qui décident de déterminer des zones propices à l'implantation d'industries. À ce que je sache, il n'y a jamais eu d'étude d'impact là-dessus, il n'y a jamais eu de personne qui se prononce, si ce n'est dans le plan de zonage, on imagine. Ça fait aussi qu'on se ramasse avec des effets cumulatifs répétés et continus: pollution par le bruit, pollution visuelle, pollution par la poussière; en tout cas, on peut en mettre partout.

Est-ce que vous recommanderiez qu'il y ait des études plus complètes avant qu'on puisse décider qu'il y a des parcs Industriels dans des endroits plutôt que dans d'autres et quelles seraient les conditions?

M. Giroux: Voici. Ici, il faut être conscient que dans la loi sur l'aménagement il y a des procédures de consultation et de discussion publique. En général, les gens ne réalisent pas tout de suite que l'adoption de tel plan va avoir pour effet que, dans six mois, un an, deux ans telle activité va s'implanter à côté. Je ne suis pas certain que le fait que l'on prévoie une procédure d'impact, à ce moment-là, va engendrer plus de participation publique. Mais il a été recommandé - et c'est une des recommandations du rapport Lacoste - qu'il devrait y avoir une jonction entre la procédure d'évaluation environnementale et le processus d'aménagement parce que le rapport Lacoste a dit avec justesse que ce sont des décisions qui, comme vous le dites, ont un impact considérable.

Moi, je ne suis pas prêt à dire que cette recommandation-là n'est pas bonne. Il s'agit de savoir comment.

M. Dufour: Oui, c'est ça. Si on décide qu'il y a une zone industrielle, ça veut dire qu'il y a des accumulations d'impacts sur l'environnement qui vont se produire. Si on ne fait pas l'étude avant, comment peut-on déterminer hors de tout doute, parce que ça suppose des coûts aussi, une zone industrielle.

M. Giroux: Oui.

M. Dufour: Et c'est un engagement qui est important. Il y a des investissements, il y a des industries qui vont venir s'installer, qui ne justifient pas nécessairement chacune une étude sur l'environnement.

M. Giroux: Oui, mais l'inverse de ça, c'est que si on fait une discussion théorique lorsque la zone est établie et qu'on invoque ce motif-là pour refuser la discussion concrète lorsqu'une implantation spécifique va s'annoncer sur le site en question, je ne suis pas sûr qu'on y a gagné.

Une voix: Ça va? Une voix: Ça va. Le Président (M. Garon): Terminé?

M. Dufour: J'aurais aimé qu'il soit un peu plus explicite, à savoir si, en fait, on doit recommander ou pas qu'il y ait une étude d'impact. Parce que, quelles que soient les décisions, c'est évident qu'on se ramasse avec des zones industrielles en pleine municipalité. Par exemple, un moulin agricole en pleine ville, vous savez ce que ça donne.

M. Giroux: Oui.

M. Dufour: Bon. Vous vous ramassez avec un parc industriel qui, forcément, n'est pas trop loin du bâti...

M. Giroux: Oui.

M. Dufour: ...donc, il y a des choses qui se

passent dans un parc industriel, à ce que je sache. Il y a du bruit.

M. Giroux: Oui.

M. Dufour: Une usine de débosselage, ça veut dire du bruit. Quelqu'un fait brûler quelque chose, H y a de la poussière. S'il n'y a pas d'étude quelconque qui permette de s'appuyer quelque part, ça veut dire quoi? Comment une municipalité peut-elle répondre à ça parce que, un coup le permis donné, même si le monde a protesté, les terrains sont achetés et il a le droit de le faire parce qu'il y a des usages permis? Un coup que ça répond, comment fait-on pour contrer ça? Parce qu'il y a des impacts et c'est très fort sur les propriétés, sur les contribuables.

M. Bélanger (Michel): Je reprends un peu ce que Me Giroux a dit simplement en deux mots. C'est que j'ai l'impression effectivement qu'on ne peut pas tout prévoir non plus par l'entremise du schéma d'aménagement et ça présuppose aussi que le type d'entreprise qui va être là va être nécessairement néfaste. Je veux dire, le secteur zone industriel, c'est très général en termes de zonage. Même chose au niveau de l'agricole.

Donc, les usages qui sont faits ne sont pas nécessairement nuisibles l'un à l'autre, et je pense que chaque projet devra, comme il l'a dit, être évalué à la pièce, et je ne suis pas sûr que les deux régimes... le régime se prêterait bien à une évaluation environnementale des impacts d'un schéma d'aménagement, quoique cet aspect-là doive être considéré davantage.

M. Dufour: Ça va.

Le Président (M. Garon): Alors, je voudrais remercier les membres - il ne reste plus de temps - du Centre québécois du droit de l'environnement d'être venus rencontrer les membres de la commission. Maintenant, je vais demander à la Fondation québécoise en environnement de venir à la table des délibérations.

Alors, M. Louis Archambault, président de la Fondation québécoise en environnement, vous venez nous présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez une heure, c'est-à-dire 20 minutes pour votre exposé, votre mémoire; 20 minutes pour le parti ministériel; 20 minutes pour l'Opposition. Si vous prenez moins de temps, le temps que vous n'aurez pas pris sera ajouté aux deux partis. Si vous en prenez plus, le temps que vous prendrez en plus leur sera soustrait également. M. Archambault.

Fondation québécoise en environnement

M. Archambault (Louis): Je vous remercie, M. le Président. Mmes, MM. les députés, on apprécie vivement de pouvoir présenter de vive voix notre mémoire devant vous aujourd'hui. Je suis accompagné par Me Robert Daigneault, de l'étude Lapointe, Rosensteln, qui a participé de façon très active à la rédaction du mémoire. (16 h 30)

J'aimerais situer, dans un premier temps, la Fondation québécoise en environnement, qui est un organisme sans but lucratif fondé en 1987 et qui compte quelque 225 membres qui sont essentiellement des personnalités Issues de divers milieux, scientifique, artistique et du monde des affaires, en plus de 45 000 amis au Québec.

Quoique la Fondation s'abstienne habituellement de prendre position sur des sujets spécifiques, elle estime essentiel de prendre position lorsqu'il s'agit d'élaboration de politiques et de programmes globaux, en l'occurrence la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.

Deux critères nous sont apparus comme essentiels pour l'établissement du cadre de référence de notre mémoire, soit, en premier lieu, de protéger les acquis de la procédure et, en second lieu, de prendre en considération les besoins des citoyens et des promoteurs. La Fondation n'entend pas, en effet, remettre en question l'essence de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Son souci est davantage de trouver, à l'intérieur même des balises fixées par la Loi sur la qualité de l'environnement et sa réglementation, un modus vivendi qui réponde à la fois aux attentes des citoyens, des promoteurs et de l'administration, sans bouleverser ce qui, au fond, n'a peut-être pas été appliqué de façon pleine et entière.

À l'examen des observations et des conclusions du rapport Lacoste, la Fondation québécoise en environnement a d'ailleurs constaté que bien des recommandations de ce rapport pourraient être mises en application sans aucun changement législatif ou réglementaire. La Fondation a aussi considéré les autres modèles de procédure, notamment les modèles ontarien, canadien et américain.

En ce qui concerne les besoins de la société, soit notre second critère, la Fondation croit essentiel de tenir compte des préoccupations des citoyens tout autant que de celles des promoteurs. La raison est fort simple: la Fondation recherche une procédure améliorée pour le citoyen d'abord, car il est, en quelque sorte, le bénéficiaire de celle-ci, mais la Fondation québécoise en environnement considère que l'environnement gagnera à ce que la procédure soit acceptée par le plus grand nombre de promoteurs. On assiste, malheureusement trop souvent, à des débats stériles où deux partis sont essentiellement braqués l'un contre l'autre et où l'on n'arrive que difficilement à faire un consensus.

Quant aux principes de base de la révision de la procédure, la Fondation souhaite que la

révision de la procédure soit guidée par un certain nombre de principes, certains étant à l'origine même du processus et d'autres étant de nouveaux concepts qui doivent être pris en compte dans le contexte environnemental actuel.

En premier lieu, la participation du public et la transparence. Le principe de favoriser la participation du public est l'essence même de la procédure, l'une de ses principales raisons d'être. Elle est liée à la notion même des impacts environnementaux, qui vont au-delà des considérations strictes de pollution ou d'atteinte à l'intégrité du milieu biophysique.

La transparence va de pair avec la participation du public. Elle est essentielle à l'établissement d'un climat de confiance tout au long de l'application de la procédure. Elle est l'ingrédient de base de la médiation environnementale, elle est l'antidote au syndrome NI MB Y - "pas dans ma cour" - elle est le ferment d'une collaboration créatrice entre les divers intervenants, et je pense que c'est quelque chose qui nous manque énormément au Québec.

En second lieu, l'évaluation des impacts et la planification environnementale. De plus en plus, la procédure doit s'Implanter comme un outil de planification environnementale. En ce sens, elle devrait pouvoir idéalement influencer jusqu'à la conception même du projet. Elle devrait permettre au public d'être mieux renseigné et mis à contribution plus tôt et permettre d'éviter les coûts que peut entraîner la remise en question d'un projet souvent trop avancé.

Cette règle s'applique évidemment en ce qui concerne les grands programmes. L'assujettissement des grands programmes de l'État à une procédure d'évaluation de leurs impacts sur l'environnement devrait être amorcé progressivement. Cela permettrait de régler dès l'abord les questions qui sont communes à tous les projets qui seraient réalisés à l'intérieur de tels programmes. Cela éviterait de placer un promoteur dans la situation de devoir défendre non pas seulement son projet, mais le programme dans lequel il s'inscrit.

Il est évident, cependant, que l'assujettissement de programmes plutôt que de projets est une démarche différente qui risque d'avoir des caractéristiques méthodologiques très particulières. De plus, cette évaluation devrait être effectuée préalablement à l'évaluation des projets distincts qui s'insèrent à l'intérieur des programmes.

Néanmoins, le Québec a connu jusqu'ici quelques expériences en la matière. Il ne fait aucun doute que la procédure est un outil utilisable pour traiter de ces grandes questions, quitte à y prévoir quelques adaptations. La Fondation a d'ailleurs déjà souligné la nécessité en matière énergétique - soit en mai 1990 - de procéder à une telle évaluation.

En troisième lieu, le développement durable.

Un nouveau concept est maintenant sur toutes les lèvres dans les milieux environnementaux et les administrations publiques: le développement durable. C'est un développement conditionnel que les autres mécanismes d'autorisation ne régissent pas nécessairement adéquatement, alors que la procédure d'évaluation et d'examen des impacts, qui considère globalement l'environnement, est plus à même d'assurer l'atteinte de cet objectif.

En dernier lieu, nous soulignerons l'équité et l'efficacité. Une valeur à laquelle il faut tenir absolument, c'est l'équité. L'un des fondements de notre système juridique, elle commande que tous et chacun soient traités avec justice et égalité. Il faut que cette valeur soit présente à toutes les étapes de la procédure, depuis l'assujettissement jusqu'à l'autorisation finale, et ce, à la fois pour le citoyen et le promoteur.

L'efficacité est une valeur inhérente à la procédure qui n'a peut-être pas toujours été sauvegardée jusqu'ici. En fait, la plupart des critiques soulignent effectivement les délais d'application éminemment longs, sans compter l'inaptitude parfois constatée de la procédure à cerner adéquatement les vrais enjeux à débattre. L'efficacité administrative est essentielle; autrement la procédure se discrédite, on cherche à la contourner, à l'escamoter. Cette inefficacité administrative porte atteinte aux possibilités réelles d'intervention des citoyens tout en rendant la procédure inutilement lourde pour le promoteur.

Voilà donc les grands principes qui devraient être retenus, de l'avis de la Fondation québécoise en environnement, dans une analyse critique de la procédure. Ces principes devraient inspirer toute modification, toute amélioration à la procédure, qu'elle soit législative ou réglementaire, si c'est le voeu de la commission, ou qu'elle soit administrative, comme le souhaite plutôt la Fondation québécoise en environnement.

Sur ce, je vais laisser la parole à Me Daigneault qui va vous décrire de façon beaucoup plus précise notre cheminement et nos principales recommandations.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Daigneault.

M. Daigneault (Robert): Merci, Mme la Présidente. Mmes et MM. les députés, ce que je vais faire, en fait, c'est que je vais attirer votre attention sur des éléments du mémoire qui sont les plus significatifs. Je pense que la dominante du mémoire, vous l'aurez constaté, c'est le fait qu'on ne recommande pas de modification législative ou réglementaire.

Évidemment, on s'adresse à une extension de la Législature. Ça peut paraître osé de demander au législateur de ne pas légiférer. La députée de Vachon avait souligné le projet collectif d'aboutir à un projet de loi. Il ne s'agit pas de l'écarter; il s'agit peut-être de l'ap-

profondir, en fait.

Tantôt, entre autres, on a souligné l'importance du développement durable. C'est un principe qui a été soulevé par la Fondation dans son mémoire. C'est peut-être, même s'il est énuméré avec d'autres principes, le principe qui devrait être le plus important. Le député de Saguenay a attiré l'attention justement sur l'importance de prendre en compte le développement durable. C'est un principe qui est extrêmement important, c'est un principe qui suppose un choix de société. C'est un principe qui suppose qu'on se donne de nouvelles façons de faire, de nouvelles façons de planifier, de nouvelles façons de voir nos activités économiques et sociales et d'essayer de tenir compte du développement durable dans un projet de loi qui viendrait modifier la procédure d'étude d'impact. Ce serait risquer, à mon sens, de rater le bateau, parce qu'il faudrait toucher à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, il faudrait toucher à la Loi sur les forêts, il faudrait toucher à la Lof sur les mines. Le développement durable suppose que toutes ces interventions soient planifiées sur la base des mêmes fondements.

Alors, le député de Jonquière soulignait justement le problème du zonage du territoire par rapport à l'implantation d'un projet particulier. On a souligné tantôt: Est-ce qu'on devrait assujettir la gestion des déchets à la procédure d'étude d'impact? Encore là, on tombe directement dans le problème qui est relié au syndrome NIMBY. Ça suppose une planification d'ensemble, ça suppose de demander aux citoyens s'ils veulent continuer aussi à générer des déchets ou plutôt envisager d'autres façons d'utiliser les ressources qui soient moins productrices de déchets, donc, l'évaluation aussi des grands projets, comme on le souligne dans notre mémoire.

Pas de modification législative, donc, mais trouver des moyens de se servir le mieux possible de la procédure telle qu'elle existe dans la loi. Alors, la plus belle preuve qu'on puisse se servir de cette procédure, c'est qu'il y a eu une évolution au cours des années dans la façon de faire les études d'impact. Au début, on ne considérait que les impacts strictement écologiques. On en est venu à considérer les impacts sociaux, les impacts économiques. On en est venu ensuite à parler de justification de projets, à parler de risques environnementaux, toujours avec la même procédure.

Quand on regarde aussi la façon administrative dont on applique la procédure et celle qu'on retrouve dans la loi, on s'aperçoit finalement que, déjà, on l'a assouplie - ou des fois peut-être on l'a compliquée - mais en tout cas, on peut déjà faire pas mal de choses avec ce qui est là. C'est la raison principale pour laquelle on ne recommande pas de modifications législatives.

Alors, les recommandations qui suivent les principes, c'est une démonstration, si vous voulez, qu'il y a des moyens de tenter de régler les différents problèmes qu'on associe à l'application de la procédure. Ça ne veut pas dire que tous ces moyens-là devraient être appliqués en même temps. Ça ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas d'autres moyens plus efficaces, plus appro priés, mais ça montre que, sans toucher à la loi, on peut déjà faire beaucoup de chemin.

Alors, je pense qu'à ce stade je vais terminer mon exposé ici et attendre les questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Me Daigneault. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup, messieurs, d'avoir présenté votre mémoire à la commission. On sait que la Fondation de la faune québécoise, tout en étant un organisme très jeune, est un des organismes environnementaux les plus connus au Québec. Il va de soi que la façon dont vous attirez l'attention au niveau de l'éducation environnementale est fort louable et je tiens à vous féliciter de la façon dont vous le faites. Il n'y a rien d'agressif, mais il y a beaucoup de compréhension et je pense qu'il y a une très bonne réception de la part de la population. Et des organismes comme le vôtre, II devrait peut-être y en avoir plusieurs ou encore que le vôtre s'agrandisse dans tous les coins du Québec. Il fait très, très bien son rôle d'éducation et ça, je pense que c'est tout à votre honneur.

Dans un premier temps, vous avez parlé que vous ne voyez pas nécessairement une modification à la législation. Il va de soi comme... Je n'apprendrai pas à des avocats comme vous que le législateur, étant celui qui fait les lois, a tendance à apporter des correctifs par législation. Mais il faut bien saisir qu'à l'Intérieur d'une commission parlementaire comme la nôtre - et je l'expliquais au début - les parlementaires n'ont pas d'autre choix pour corriger une réglementation que d'aller vis-à-vis d'un projet de loi et vous savez fort bien que... Vous êtes des interprètes de la loi et, s'il n'y avait pas de loi, probablement que vous ne seriez pas là.

Ce qui est Important pour nous, c'est la volonté de faire un changement. Le seul processus démocratique dans lequel les parlementaires peuvent effectuer ce changement, c'est par un projet de loi, là, en modifiant une réglementation qui relève de la loi de l'environnement. Et ça, je pense que tous les parlementaires ici en sont bien conscients. Si, à vos yeux, ce n'est pas nécessairement la meilleure formule, pour nous, c'est la seule. On n'a pas d'autre choix. À partir de ce moment-là, l'objectif du mandat d'Initiative de la commission, c'est d'en arriver à un rapport commun déposé à l'Assemblée nationale dans lequel on recommandera au ministre de modifier sa loi. Vous voyez tout le processus qu'on doit suivre pour améliorer ou ajouter une réglementa-

tion ou en ajouter à la réglementation actuelle. Alors, c'est un processus législatif un peu compliqué, mais pas pour vous autres parce que vous êtes ceux qui décortiquez ce que nous faisons ici, finalement. (16 h 45)

Moi, il y a un point sur lequel j'aimerais m'attarder particulièrement parce que vous avez indiqué dans votre mémoire que vous avez fait une analyse des procédures américaine, ontarien-ne, canadienne et, bien sûr, du Québec, ça va de soi. Comment voyez-vous la nôtre actuellement, sans amélioration, comparée, par exemple, à ce que vous avez vu, la législation américaine puis la procédure américaine, ontarienne et canadienne? Comment voyez-vous ça et, sur une cote de 0 à 10, quelle est la cote que vous nous donneriez au Québec présentement, avec la réglementation avec laquelle le BAPE doit vivre?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Archam-bault.

M. Archambault: Oui. Dans un premier temps, en fait... Il y a donc deux questions. Je répondrai dans un premier temps partiellement au niveau de la procédure et, après ça, je vais laisser la parole à Me Daigneault. Au niveau de la procédure, je ne donnerai pas nécessairement de cote et je vais faire une rectification. Me Daigneault est avocat; moi, je suis environnemen-taliste, biologiste de formation. Alors, c'est la réponse du biologiste ou de l'environnementaliste que vous allez avoir au niveau de la procédure.

La procédure fédérale a ceci d'intéressant qu'elle permet aux citoyens de s'insérer dès le départ d'un projet, alors que notre procédure, finalement, se fait malheureusement, à mon sens, en vase clos pendant trop longtemps entre des spécialistes du ministère de l'Environnement, d'une part, et des spécialistes du promoteur, d'autre part. Alors, malgré tout le bon vouloir de ces gens-là, il arrive trop souvent qu'on n'ait pas une acuité assez fine de la problématique environnementale du milieu récepteur et, à ce moment-là, on se retrouve, effectivement, comme ça a été souligné par d'autres intervenants qui sont passés avant nous, avec, en fait, des directives qui ne répondent pas nécessairement aux besoins des citoyens.

Par ailleurs, les citoyens sont, à ce moment-ci, dans le cadre de notre procédure, représentés par des groupes environnementaux qui, malgré toute leur bonne volonté, n'ont pas non plus nécessairement l'expertise pour comprendre exactement l'ensemble de tous les enjeux et peuvent définitivement en percevoir certains. Alors, les groupes environnementaux qui interviennent souvent au niveau des audiences, ce sont des groupes, souvent des groupes nationaux ou il y a des groupes qui, spontanément, en fait, se forment et qui n'ont peut-être pas toujours l'expertise pour répondre à l'ensemble des besoins, alors que si les citoyens pouvaient essentiellement aider le BAPE, le Bureau d'audiences publiques, à élaborer des directives qui répondent vraiment à leurs besoins, je pense qu'ils deviendraient des interlocuteurs privilégiés, alors que, souvent, ils sont des observateurs. C'est donc ma réponse à votre question au niveau de la procédure québécoise.

Par ailleurs, je vais laisser Me Daigneault répondre plus à fond au niveau de la législation et, également, au niveau de votre première question quant à l'obligation de modifier la loi. Je pense que Me Daigneault a quelque chose à dire là-dessus.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Daigneault.

M. Daigneault: Merci beaucoup. Je ne pense pas que je voulais exclure toute éventualité d'un travail législatif, mais j'aimerais mentionner que c'est peut-être un projet beaucoup plus d'envergure et à beaucoup plus long terme qui est en train de s'amorcer en ce moment. Si on veut effectivement repenser toute la planification de nos projets, c'est un travail qui peut déborder de beaucoup le strict cadre de la Loi sur la qualité de l'environnement. En fait, la procédure d'étude d'impact, c'est peut-être la seule procédure du genre dans tous les processus d'autorisation qu'on trouve, que ce soit pour des permis d'ordre commercial ou autre. Elle est très particulière parce qu'on examine un tas de choses et elle permet justement d'examiner les aspects sociaux, les aspects économiques.

En ce qui concerne la position du Québec face à d'autres procédures, j'aurais tendance à rejoindre un peu mon confrère du Centre québécois du droit de l'environnement lorsqu'il mentionne qu'il y a du bon et du moins bon dans les différentes procédures. Il donnait l'exemple du fédéral où, finalement, pour certaines procédures, on est un peu à la merci de l'agence fédérale qui va décider si elle va assujettir le projet à ta procédure ou pas. S'il n'y a pas matière à évaluation, il n'y en aura pas. Par contre, le public a droit au chapitre au niveau de l'élaboration des lignes directrices.

Alors, un exemple, pour ou contre. Si on regarde l'Ontario, vous avez la procédure contradictoire devant l'organisme qui étudie le projet; si on veut le voir dans une perspective de développement durable, c'est contre-indiqué parce que, dans une perspective de développement durable, il faut plutôt rapprocher les parties. Il faut en faire des collaborateurs. Il faut que ces gens-là échangent de l'information. Il ne faut pas qu'ils se retrouvent dans une situation conflictuelle. Je vais m'abstenir de coter la procédure québécoise. Je dirais qu'elle est dans la bonne moyenne comme toutes les procédures, finalement. Elle a du pour et du contre.

M. Maltais: Merci. Je pense que vous êtes un fin avocat parce que vous n'y allez pas au bout, mais je pense que votre réponse me satisfait très bien. Mais vous avez dit une chose, au début, concernant le processus législatif, et je pense que c'est à l'honneur un peu de tous les parlementaires ici. Si, par le fait que nous tenons cette commission, si le fait que tous les parlementaires sont unanimes et que les 58 ou 60 intervenants invités autour de cette table secouent le pommier québécois pour qu'il en tombe de bons dividendes, on aura atteint notre objectif comme parlementaires.

L'objectif de la commission parlementaire, là, c'est de secouer le pommier. Ce n'est pas facile de secouer le pommier environnemental. Nous, on doit avoir des prémisses qui nous guident tout au long de ça. On en a parié. D'autres intervenants vont en parier. Ce n'est pas facile de faire la conjonction, mais l'objectif de la commission, c'est de secouer le pommier. Je pense que la détermination des membres de la commission ne laisse pas de doute là-dessus.

Vous pariez un peu, dans vos recommandations, tout à fait à la page 19, avant vos conclusions, de l'assujettissement des programmes d'État et que l'évaluation de leur impact devrait être amorcé progressivement. Ça peut me surprendre au départ et j'aimerais ça que vous me... Parce que si on n'y va pas "at large", tout d'un coup, on va être accusés encore de cacher des choses. Si on y va progressivement... Si on y va tout d'un coup, vous semblez avoir peur que ça encombre le système et que, finalement, pas tout le monde puisse intervenir en temps et lieu. Comment vous vous situez? J'aimerais que vous me spécifiez, peut-être par une couple d'exemples, votre pensée qui est quand même assez nouvelle. De tous les mémoires, vous êtes le seul qui présentiez ça. Je pense que c'est nouveau et fort intéressant.

M. Archambault: Bon, dans un premier temps, ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a énormément de choses à traiter, si on veut regarder de façon globale, en fait, les grands programmes de l'État. Ce qui veut dire que, à mon sens, qu'on pourra difficilement... ou, en fait, la Fondation pense qu'on va pouvoir difficilement traiter de façon simultanée le grand nombre de programmes à regarder. Qu'on pense au débat énergétique, si éventuellement on peut arriver à faire quelque chose dans ce sens-là, ça va drainer énormément d'énergie, de temps. Qu'on pense, en fait, à toute la problématique de la gestion des déchets qui, à l'heure actuelle, a fait les manchettes, probablement même trop au Québec. On a énormément de choses à faire et de choses à traiter. Alors, dans un premier temps, on ne peut pas les traiter simultanément.

Dans un second temps, pour prendre des exemples plus précis, je me référerais peut-être au projet de Grande-Baleine en disant que je crois qu'il serait à l'avantage du gouvernement, en fait, et de l'ensemble des parlementaires que les projets énergétiques, par exemple, soient traités de façon globale. Dans la mesure où on pourrait arriver à un consensus, on pourrait arriver à des projets de société, comme on l'a déjà d'ailleurs vu dans le passé.

Qu'on se rapporte à la phase I de la Baie James où, essentiellement, il y avait vraiment un consensus de la société québécoise en arrière de ce projet-là pour comprendre qu'il y avait, en fait, quelque chose qui était compris comme un besoin collectif. Or, dans le cas de Grande-Baleine, on traite ce projet tellement à la pièce que, finalement, on a de la difficulté à mettre les autres enjeux en perspective. Les autres enjeux sont éminemment importants.

Alors, à l'heure actuelle, le débat est limité à pour ou contre Grande-Baleine, c'est une chose. Mais au niveau de notre développement énergétique global, comme société, quels sont nos choix? Ces questions-là devraient être posées avant de poser la question du pour ou contre Grande-Baleine. Est-ce que nous sommes pour le nucléaire? Est-ce qu'on veut maintenir le moratoire au niveau du nucléaire? Est-ce qu'on veut regarder la fHlère thermique? Quelle est la part des économies d'énergie dans toute une réflexion globale?

Je pense qu'en faisant une réflexion globale comme ça on pourrait arriver à un consensus et à un projet de société qui, en fait, harmoniserait les efforts de tout le monde. Donc, c'est essen tiellement ce qu'on veut passer comme message ici. Par ailleurs, si on prend un projet quel qu'il soft, que ce soit Grande-Baleine ou un autre, il faut bien se rendre compte qu'il y a des projets qui, à l'heure actuelle, sont difficilement dépla-çables dans le temps, et je ne veux pas citer celui de Grande-Baleine en particulier, mais en fait d'immenses projets; des mégaprojets de cette nature-là souvent demandent une planification à long terme de plusieurs années, et on ne peut pas du jour au lendemain faire table rase et dire: Bon, bien, à partir de maintenant, on regarde de façon globale l'ensemble de la problématique du développement énergétique en mettant un moratoire sur toute forme de développement. Alors, il y a des choses qui peuvent se faire, il y a des choses qui peuvent se faire peut-être, en fait, avec plus de gradation.

M. Maltais: Merci. Je m'arrête ici. Je veux me garder quelques secondes après. Alors, Mme la Présidente, on reviendra. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux féliciter les représentants de la Fondation québécoise en environnement pour le travail qu'ils nous présentent aujourd'hui, plusieurs

suggestions intéressantes. Je voulais, en commençant, enchaîner sur les grands programmes dont vous venez de parler. Évidemment, de ce côté-ci de la table, nous avons dit publiquement à plusieurs reprises que nous étions favorables à un débat public sur ce grand programme qui consiste à décider quelle sorte d'avenir énergétique on aura au Québec. Est-ce qu'il y a d'autres programmes, selon vous, à part celui-là, qui pourraient être l'objet d'audiences et d'évaluation par le Bureau d'audiences publiques?

M. Archambault: En fait, j'ai cité tout à l'heure la problématique des déchets. Je pense que c'est quelque chose qui est tout à fait d'actualité. On a vécu des épisodes douloureux et il y aurait probablement intérêt à se demander de façon globale comment on pense gérer, en fait, nos déchets au Québec, quelles sont les façons d'en produire moins, et il y a un certain nombre de questions fort importantes qui sont à poser, en aval de regarder des projets spécifiques.

Essentiellement, le problème revient toujours à la même chose: c'est que, lorsqu'il n'y a pas consensus, lorsque les gens ne comprennent pas de façon globale où on s'en va dans le cadre d'une politique, à ce moment-là, il y a énormément de choses qui peuvent se produire, puis ce qu'on peut voir, c'est qu'il y a énormément d'hypothèses qui peuvent s'échafauder, d'hypothèses qui ne sont souvent peut-être pas basées nécessairement sur des faits, et il y a d'autres hypothèses qui sont élaborées sur ces hypothèses-là. Là, on s'embarque dans une spirale où, finalement, on ne contrôle plus rien et les citoyens, parce qu'ils ne comprennent pas de façon globale où on veut aller dans certains dossiers majeurs, dans certains dossiers globaux, en fait, ont peut-être raison de se questionner et, éventuellement, d'allumer des lumières. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on dit que les citoyens doivent être mis au fait plus rapidement et qu'on doit regarder de façon plus globale nos projets de société.

M. Lazure: Mais je dois dire que sur votre autre remarque, au départ, vous nous avez dit: Nous ne pensons pas qu'il y ait tellement de lacunes dans la loi ou dans la réglementation. Nous pensons que si on applique de façon plus expéditive, de façon plus claire cette loi-là et cette réglementation-là, il y aurait déjà une grande amélioration. De ce côté-ci, on est plutôt d'accord avec vous.

Il faut aussi regarder quels sont les gestes administratifs qui pourraient être portés pour améliorer la procédure. Par exemple, à la page 9, vous parlez des problèmes rencontrés dans cette procédure-là et vous dites que c'était dans la façon de se servir de la procédure plutôt que la procédure elle-même. Est-ce que vous pourriez nous donner des exemples? En gros, c'est le ministère de l'Environnement qui gère la procédure, qui voit au bon déroulement de la procédure. Est-ce que ça veut dire, dans votre esprit, que c'est de ce côté-là qu'il faut regarder si ça ne tourne pas assez rondement? Est-ce que vous pouvez élaborer sur ce point-là? (17 heures)

M. Daigneault: En fait, il y a bien des endroits où il faut regarder, certainement du côté des gens qui ont à administrer la procédure, certainement aussi du côté des administrés, c'est-à-dire ceux qui ont à s'y soumettre. Je pense qu'il y a des améliorations à faire sur divers plans, et le rapport Lacoste, sur ce plan-là, en relate plusieurs.

Si on regarde, par exemple, la soumission hâtive des avis de projets, ça, ça concerne davantage le promoteur. Si on regarde les recommandations du rapport Lacoste en ce qui concerne les directives, ça concerne davantage le ministère. Ça dépend de quel aspect de la procédure on cherche à améliorer.

M. Lazure: Seriez-vous favorable à ce qu'il y ait des délais de fixés pour les différentes étapes qui sont gérées par le ministère, comme il y a un délai de quatre mois fixé pour la partie publique?

M. Daigneault: Certainement. Ce qui est assez paradoxal, c'est que dans une procédure qui est là avant tout pour permettre la participation du public, les seules étapes qui sont fixées dans le temps sont les étapes où le public est concerné, c'est-à-dire les 45 jours de la période de consultations publiques et les 4 mois de la période d'audiences publiques.

M. Lazure: Et, parlant des audiences publiques, vous préconisez une aide financière aux individus, aux groupes. Est-ce que vous avez réfléchi un peu de quelle façon ça pourrait être fait, ça, au Québec? Par quel organisme? Selon quelle sorte de critères?

M. Archambault: En fait, oui, on est favorables. Ça se fait d'ailleurs au fédéral. Je vous avoue qu'on n'a pas nécessairement regardé la mécanique, à savoir comment ça pourrait se faire. Je reviendrai essentiellement sur un point qui me semble important. C'est qu'il y a des gens de la base qui ont des choses à dire et, à partir du moment où on va prendre en considération ce que les gens qui sont dans le milieu, qui ont à vivre un éventuel changement causé par un projet, ont à dire - ces gens-là vont pouvoir s'exprimer et vont pouvoir avoir les outils nécessaires pour s'exprimer - bien, je pense qu'on va atteindre notre objectif. Maintenant, comment? Je ne peux pas nécessairement élaborer là-dessus. On ne l'a pas vraiment regardé. Mais ce qui est important, c'est que les gens qui sont représentatifs du milieu puissent être aidés.

M. Lazure: Vous dites, à un moment donné, à la page 15: "L'étude d'impact est destinée au public. Ce devrait être un ouvrage vulgarisé, rédigé dans des termes simples et concis, se concentrant sur les principaux enjeux." Je pense que c'est fort valable, ce que vous recommandez là, que ce soit un texte compréhensible par le grand public. Ordinairement, il s'agit de textes rédigés par des firmes dans un jargon qui est très difficile à comprendre, qui est très technique. Est-ce que vous pensez que c'est réalisable d'avoir non pas seulement un résumé en termes plus vulgarisés, mais d'avoir un rapport intégral en termes simples? Moi, je pense que c'est possible. Vous autres, est-ce que vous pensez que c'est possible?

M. Archambault: Moi, j'ai l'impression qu'on peut arriver à des solutions intéressantes là-dedans. Ce qu'il ne faut absolument pas faire, c'est de faire en sorte que ces rapports-là soient des rapports qui soient complètement hermétiques et qui puissent être étudiés, commentés par un nombre, malheureusement, trop restreint de personnes. Alors, ça devient un débat de spécialistes, ça devient un débat entre le promoteur et ses spécialistes et, souvent, des groupes environnementaux qui ont une certaine expertise, alors que les citoyens comme tels ne peuvent malheureusement pas souvent intervenir parce que ça devient hautement scientifique.

Il y a probablement moyen de faire en sorte que la démarche globale, sans nécessairement qu'on explique de fond en comble les équations mathématiques qui sont souvent dans ces rapports-là, mais qu'on explique de façon globale la démarche, et limpide cette démarche-là, pour que les citoyens puissent suivre ce cheminement-là. Et ça, c'est réalisable.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Dubuc.

M. Morin: Merci, Mme la Présidente. Dans votre mémoire, vous vous attardez de façon particulière à toute la dimension des directives. D'une part, vous soutenez qu'une directive incomplète peut avoir, évidemment, un effet direct sur une étude d'impact incomplète et, d'autre part, des directives un peu trop compliquées, exigeantes ou englobantes vont avoir des effets de diluer ou de laisser passer inaperçus certains enjeux majeurs. Sans que ce soit des conclusions, mais vous vous référez au rapport Lacoste là-dessus, vous soutenez que l'ampleur, pour utiliser votre expression, des directives devrait être proportionnelle à l'ampleur du projet ou à l'envergure du projet. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu parce que, lorsque j'ai lu votre mémoire, je me serais attendu à ce qu'on utilise plus un terme de complexité, parce que l'étude ou l'importance de l'étude d'impact au niveau de ces directives n'est pas nécessairement en fonction de l'envergure du projet en termes de masse physique ou d'investissement, mais c'est beaucoup plus relié à la complexité du projet où il faut vraiment fouiller pour faire ressortir les impacts qui, superficiellement, ne paraissent pas nécessairement. Or, j'aimerais vous entendre élaborer un petit peu là-dessus.

M. Archambautt: Dans un premier temps, c'est ce qu'il faut comprendre. On parle de complexité de projet; alors, on abonde essentiel lement dans votre sens. Et pour faire en sorte que nos directives vont bien refléter les besoins de la population, parce que, en bout de ligne, c'est ce qu'on veut, alors pour faire en sorte que les directives vont bien refléter les besoins de la population, encore une fois, il faut revenir à la base et faire en sorte que la population, les groupes représentatifs du milieu, les citoyens qui vivent dans ce milieu-là puissent s'exprimer et beaucoup plus vite qu'à l'heure actuelle. À partir de ça, à la fois pour le promoteur, pour les groupes environnementaux et pour les élus, il y a une protection optimale là-dedans, dans cette démarche-là, parce que, lorsque les gens vont avoir exprimé leurs besoins, leurs craintes, leurs préoccupations, on va devoir en traiter dans la directive. Ça, c'est ce qui m'apparait fondamental et je pense que c'est l'avenue au niveau de votre questionnement là-dessus.

M. Morin: Ça va là-dessus. Maintenant, pour ce qui est du ministère de l'Environnement qui, lui, a à élaborer les directives, vous n'ajouteriez rien là-dessus en termes de guide ou de balises dont le ministère, dont les fonctionnaires devraient s'inspirer pour aller dans le sens que vous suggérez? C'est qu'évidemment les directives soient un peu proportionnelles à l'ampleur du projet ou de sa complexité, parce que, là, vous faites un commentaire général. Mais j'aurais aimé que vous alliez un petit peu plus loin dans votre démarche.

M. Archambault: Bon. Ce que je dirais essentiellement, c'est que le ministère de l'Environnement fait fort bien son travail à l'heure actuelle compte tenu des moyens dont il dispose. C'est-à-dire que le ministère, compte tenu du fait qu'il ne peut pas profiter de l'expertise des citoyens qui ont effectivement dans leurs milieux une expertise très certaine, essaie, évidemment, de faire des directives pour prendre en considération l'ensemble des besoins des citoyens et ne pas laisser de trou. À ce moment-ci, je pense qu'il faut lui rendre hommage là-dessus. Mais le ministère pourrait, effectivement, être grandement aidé dans sa démarche et ses professionnels pourraient être grandement aidés dans la rédaction des directives s'ils étaient appuyés des citoyens. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Morin: Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Oui, merci, Mme la Présidente. MM. de la Fondation, j'aimerais aussi vous remercier de votre présence et de votre mémoire. J'aimerais juste souligner votre crainte ou votre grande réticence à une modification à la Loi sur la qualité de l'environnement, particulièrement concernant la procédure d'évaluation. Comme l'a souligné mon collègue Ghislain Maltais, nous sommes députés et notre fonction principale, c'est de faire des lois, de les modifier, d'examiner si elles conviennent ou pas à notre réalité. Mais on a bien dit, par exemple, qu'il n'était pas du tout question de remettre en question les principes qui sous-tendent la Loi sur la qualité de l'environnement, notamment sur la procédure, que ce soit au niveau des audiences publiques, de la participation du public à ce processus, mais bien d'améliorer, de bonifier la procédure, s'il y a lieu, ou tout simplement d'appliquer les règlements qui sont adoptés, mais qui ne sont pas en vigueur. Alors, présumer qu'on va modifier la loi, je pense que ce n'est pas nécessairement ça, mais peut-être qu'on le recommandera aussi, et ça ne mettrait pas, d'après mol en tout cas, en danger, parce que ce n'est pas l'intention des commissaires ici, la Loi sur la qualité de l'environnement et la procédure. Dans le fond, ce que je vous demande, c'est de faire confiance aux législateurs et aux députés que nous sommes. Au contraire, si on s'est donné ce mandat-là d'une façon unanime, c'est peut-être parce qu'on y croit, justement, à la procédure d'évaluation des impacts environnementaux, et je ne pense pas qu'on veuille aller contre son esprit et sa lettre.

Puisque, dans votre présentation, vous le dites vous-mêmes qu'une des missions que vous vous êtes donnée au niveau de la Fondation québécoise, c'est de supporter les groupes environnementaux, est-ce que, comme plusieurs mémoires nous en font part, l'utilité de financer les groupes environnementaux, par exemple, lors des audiences publiques pour qu'ils puissent mieux se préparer et faire des représentations plus soutenues, mieux étoffées... Est-ce que vous ne pensez pas qu'on pourrait compter sur la Fondation québécoise en environnement pour financer les groupes environnementaux? On nous dit, dans plusieurs mémoires, qu'il serait peut-être Intéressant de percevoir 1 %, par exemple, au niveau des promoteurs, ces gens-là qui ont peut-être les coffres plus garnis. Moi, je me posais la question: Est-ce que la Fondation ne serait pas aussi un outil de financement intéressant?

M. ArchambauH: Oui, dans le cadre de votre réflexion...

Mme Pelchat: Ne dites pas non tout de suite.

M. Archambault: ...ce serait peut-être intéressant de penser à avoir des outils pour permettre à la Fondation de jouer ce rôle-là. Alors, je pense à la Fondation de la faune du Québec qui perçoit, je pense, 1 % ou un certain pourcentage au niveau de tous les permis de chasse et de pêche qui sont vendus au Québec. Je dois vous dire que la Fondation n'a aucun moyen de financement statutaire de cette nature-là. La Fondation québécoise en environnement s'est toujours débrouillée, en fait, pour aller chercher ses sous, d'année en année et, par temps de crise économique, fort difficilement, je vous l'avoue. Alors, c'est évident qu'à l'heure actuelle, sans un support des autorités supérieures, la Fondation ne pourrait pas jouer ce rôle-là, soit appuyer financièrement, de façon massive, les groupes environnementaux qui auraient à défendre ou à articuler des positions dans le cadre de projets. Alors, je vous invite ardemment à nous aider.

Mme Pelchat: vous pourriez percevoir votre financement... oui, on est ici pour ça. vous pourriez percevoir votre financement de quel organisme?

M. Archambault: Pardon? Mme Pelchat: Des promoteurs?

M. Archambault: Je m'excuse, je n'ai pas saisi.

Mme Pelchat: Percevoir le financement. Par exemple, vous dites: À l'exemple de l'organisation de la faune qui perçoit 1 % de chacun des permis. De quelle façon ça pourrait-il se faire pour la Fondation québécoise? Chaque promoteur vous donnerait obligatoirement, par la loi, tant d'argent?

M. Archambault: Je vous avoue, à l'heure actuelle, on ne s'est pas placé en situation et on n'a pas réfléchi, en fait, pour faire en sorte que les promoteurs impliqués dans des projets environnementaux puissent nous donner des sous, loin de là. Maintenant, la façon dont on perçoit nos sommes d'argent à l'heure actuelle, c'est essentiellement de la part du public, du grand public. On l'a dit tout à l'heure, il y a 45 000 amis de la Fondation répartis dans l'ensemble du Québec qui versent une contribution, d'une part. Secundo, c'est par des dons qui nous sont faits, de corporations par exemple, souvent essentiellement pour produire des émissions télévisées ou des messages radiophoniques. Alors, on a eu des séries télévisées depuis les trois dernières années. En fait, nos sous viennent de ces promoteurs-là et du public, pour sensibiliser la population aux enjeux environnementaux.

Mme Pelchat: Ça va. Vous parlez d'un délai raisonnable qui devrait être respecté par le ministère de l'Environnement pour élaborer la directive. D'abord, vous avez répondu à la question du député de La Prairie à l'effet que vous seriez prêts à ce qu'il y ait un délai imposé, et strict et précis. Je dois vous souligner que, si on avait à suggérer une telle recommandation à l'Assemblée nationale, ça nécessiterait une modification à la loi, à la procédure d'évaluation des impacts. C'est quoi, un délai raisonnable, pour vous? Qu'est-ce que ce serait?

M. Daigneault: Je pense que, compte tenu de l'expérience du ministère dans l'application de la procédure, dans le caractère récurrent de beaucoup de projets - qu'on pense aux projets de marina, qu'on pense aux projets routiers, ainsi de suite - quand on regarde, d'ailleurs, les directives et la similitude des paramètres qui sont exigés dans chacune, je pense qu'un délai de l'ordre de 30 à 60 jours, ce serait amplement, quitte à ce qu'il puisse y avoir un aménagement dans le cas de situations nouvelles particulièrement complexes, mais qui devrait être justifié.

Mme Pelchat: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux revenir à certaines de vos remarques où vous préconisez qu'on mette à contribution le public, de façon plus précoce, dans le processus, ce avec quoi nous sommes bien d'accord. À la page 22, vous dites: "Que l'on mette à contribution le public pour la préparation de la directive, particulièrement des gens qui ont une connaissance intime du milieu récepteur du projet." Comment est-ce qu'on fait pour dire: Ceux-là sont plus connaissants du milieu récepteur du projet; ceux-là, non; ceux-là, oui? (17 h 15)

M. Archambault: Je pense que cela se fait de façon spontanée. On a des exemples. On parlait tout à l'heure de la procédure fédérale. Il semble que dans le cadre de la procédure fédérale, lorsque c'est annoncé de façon adéquate, par exemple, par le biais des journaux de quartier, par le biais de la télévision communautaire, les gens qui ont des choses à dire et qui ont des connaissances intéressantes du milieu viennent spontanément exprimer leurs préoccupations, leurs besoins. À date, ça a bien fonctionné, lorsque c'est fait de cette façon-là.

M. Lazure: Une certaine sélection naturelle, spontanée.

M. Archambault: Oui, parce qu'on ne peut définitivement pas, en fonction d'une procédure publique, faire une évaluation...

M. Lazure: II ne serait pas question d'écarter des gens.

M. Archambault: Je pense que ça ne se fait carrément pas et ça ne serait pas sain. Il y a un équilibre qui se fait, en fait, même dans le cadre des discussions. Lorsqu'il y a plusieurs groupes qui représentent des intérêts divergents, lorsque la population peut s'exprimer librement, il y a un équilibre qui se fait dans le cadre de ces audiences-là.

M. Lazure: Pour revenir à votre préoccupation de ne pas avoir à légiférer de nouveau, une préoccupation que je partage, si on regarde l'article 31.2, qui s'appelle la procédure préalable, ça dit: "Celui qui a l'intention d'entreprendre la réalisation d'un projet visé à l'article 31.1 - qui demande un certificat d'autorisation - doit déposer un avis écrit au ministre décrivant la nature générale du projet. Le ministre indique alors à l'initiateur du projet la nature, la portée et l'étendue de l'étude d'impact sur l'environnement que celui-ci doit préparer." Partageant ce souci de ne pas modifier la loi, c'est assez large, ça, et je demande en même temps une consultation gratuite à notre cher maître: Est-ce que, dans le cadre de 31.2, le ministre ne pourrait pas ajouter dans sa directive une consultation du public?

M. Daigneault: Je me suis posé la question, dans quelle mesure effectivement l'élaboration de la directive ne pourrait pas se faire déjà avec une participation du public. Il se fait déjà une consultation Interministérielle pour l'élaboration de la directive, peut-être pourrait-elle être élargie. Mais comme, finalement, on distribue dans le public une Information qui origine d'un tiers qui est un promoteur, je pense que celui-ci devrait aussi collaborer à cette étape-là. Lorsque le projet se réalise dans un milieu particulier avec un promoteur qui origine même du milieu, ça peut même donner ouverture à des collaborations intéressantes.

Je dois dire aussi qu'il y a des aménagements de procédure interne dans la directive interne du ministère de l'Environnement sur l'administration de la procédure où ces éléments-là pourraient être Insérés sans passer par la voie législative.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui, Mme la Présidente. Vous parlez de la période d'Information et de consultation publique qui se résume à une période d'information et non à une période de consultation. Qu'est-ce que vous suggéreriez pour changer ça? Parce que dans mon expérience, ça me semble, en tout cas, d'une façon ou de l'autre... Je vais vous laisser élaborer et je

reviendrai, parce que si vous dites de l'information seulement plutôt que de la consultation...

M. Archambault: Dans un premier temps, je pense qu'il est important de rappeler que les citoyens devraient être impliqués au niveau de l'élaboration de la directive. À partir de ça, il y a énormément de craintes qui se dissipent et il y a énormément de pressions qui s'en vont, finalement, de part et d'autre, à la fois pour les citoyens comme pour le promoteur. Là, je vais laisser continuer Me Oaigneault là-dessus.

M. DaigneauK: En fait, je pense que c'est l'occasion pour le promoteur non seulement de dire aux gens qu'il y a une brique sur une table quelque part et elle est disponible, mais de la présenter, de la justifier, quitte à ce que d'autres intervenants apportent un autre point de vue, parce qu'il ne faut pas que ce soit unilatéral, et que les gens puissent poser des questions, et peut-être qu'on découvrirait que des appréhensions qui, au départ, étaient présentes se dissipent parce qu'on obtient des réponses, tout simplement parce qu'il y avait une imprécision ou une ambiguïté dans le document. C'est peut-être aussi le moment de faire intervenir la médiation environnementale. Me Giroux a souligné, à juste titre, que ça ne devrait pas remplacer l'audience publique, c'est-à-dire qu'on ne devrait pas avoir à choisir entre la médiation et l'audience. Mais si la médiation précède l'étape de l'audience, on peut peut-être éviter l'audience sans pour autant porter atteinte au droit du public à connaître tous les vrais impacts du projet.

M. Dufour: Oui, mais dans un projet qui est déposé et qui peut porter à controverse ou qui a besoin d'études environnementales ou qui a des impacts sur l'environnement, comment un promoteur pourrait-il agir d'une façon telle que les gens disent: Ah! oui, mais ça c'est neutre? Moi, je regarde le point de vue dans les faits. Le promoteur, lui, il a un projet. Il a beau avoir les plus belles études, il a beau avoir plusieurs explications, les gens, comment ils regardent ça? Ils disent: Aïe! ça, c'est un vendeur; il ne vient pas nous consulter, il vient nous organiser; il vient nous vendre son projet. De quelle façon on pourrait amener... Parce que, dans le fond, quand le Bureau d'audiences siège, et il doit le faire, il y a des fois que ça ne serait peut-être pas nécessaire... En tout cas, j'ai en tête certains projets où ça m'a semblé une perte de temps. Peut-être que ce n'est pas correct de dire ça, mais je me dis: On a fait évoluer le monde, mais à quel coût? Ça aussi, ça a un prix. Quand vous me dites: On doit les Informer, comment peut-on le faire pour que ça ait au moins une apparence de neutralité. On parle souvent de la justice, de l'apparence de justice. La neutralité, l'apparence de neutralité, c'est quoi?

M. DaigneauH: Puisque, justement, il n'y a rien qui encadre de façon précise une telle procédure à l'heure qu'il est, je pense que d'avoir la présence d'autres intervenants qui ne sont pas nécessairement identifiés comme étant du même côté que le promoteur serait une façon de contourner cette difficulté-là. Mais j'aimerais faire un parallèle aussi avec tout le processus de consultation au niveau des schémas d'aménagement, par exemple, où, finalement, la municipalité présente son schéma d'aménagement sans qu'on mette en doute l'objectivité de la présentation, avec une nuance cependant: ce sont des élus. Je pense que c'est une nuance qui est capitale. Mais il reste qu'elle arrive avec son urbaniste, puis on expose la situation et, là, les gens essaient d'avoir les réponses à leurs questions.

M. Dufour: Comment pourrait-on placer cette information-là qui, en fait, devient une véritable consultation? C'est quoi la nuance que vous apportez par rapport à ça?

M. DaigneauH: C'est quelque chose d'interactif.

M. Dufour: D'interactif.

M. Archambault: Mais je pense que ces procédures-là vont être beaucoup plus harmonieuses si, effectivement, dès le départ, on peut cerner, en fait, les questions des citoyens et, éventuellement, y répondre dans les études qui sont déposées par les promoteurs. Et, à ce moment-là, lorsqu'on prend en considération les besoins des citoyens, lorsqu'on répond à leurs questions, les citoyens sont tout à fait aptes à juger du bien-fondé des réponses qui sont données là. Et si, éventuellement, le promoteur n'a pas répondu de façon adéquate à leurs questions, en sachant qu'au départ les gens étaient préoccupés à tel ou tel niveau, je pense qu'il peut s'attirer les foudres des citoyens et avec raison. Mais il y a énormément de débats qui ne sont pas des débats à l'heure actuelle et c'est des débats qui sont provoqués parce que notre procédure n'est peut-être pas assez raffinée pour permettre de désamorcer des crises qui n'en seraient pas.

M. Dufour: Vous avez parlé tout à l'heure, vous avez fart allusion à la question de l'expérience de la médiation, parce que la médiation, assez souvent, c'est avant que le Bureau d'audiences siège. Quand on sait le temps énorme que ça prend entre... Pour la médiation, ça prend autant de temps que le Bureau d'audiences. Si, après la médiation, ça achoppe, ça veut dire que le Bureau d'audiences, il faut qu'il siège. Si on prend tout, si on prend toute l'étape... Je vais juste faire allusion à un projet sur une route. Au lieu d'aller au Bureau d'audiences, on dit: On va

faire la médiation. La médiation aurait pris autant de temps que l'audience, que le BAPE, si le BAPE avait siégé. Si la médiation ne donne pas de résultats, ça veut dire qu'il faut que le Bureau siège. On vient de retarder le projet d'un an. Est-ce que vous avez une solution ou des propositions à faire pour un ou l'autre?

M. Daigneault: On s'était penchés, dans la préparation du mémoire, sur la question de la médiation et on en était venus à la conclusion que ça ne pourrait peut-être se faire que sur des projets où il y a vraiment des points bien précis d'identifiés, où il y a mésentente. En d'autres termes, faire l'audience publique de tout un projet parce qu'il y a un seul point, à un moment donné, qui accroche, peut-être que la médiation serait un outil approprié, quitte à ce que, si ça n'aboutit pas, on se retrouve en audience. Mais ce que je veux dire, c'est que ça ne pourrait pas se faire pour des projets d'envergure. Si on regarde l'expérience américaine en matière de médiation environnementale, effectivement, les expériences de médiation peuvent devenir monstrueuses pour des grands projets industriels, par exemple, parce qu'il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte, il y a tellement d'information qui doit circuler, ça peut parfois être plus long que notre propre procédure.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Jonquière. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. Il nous reste malheureusement très peu de temps. Vous avez abordé - et, malheureusement, vous ne pourrez pas me donner de réponse parce que mon temps est presque terminé; c'est dommage parce que...

La Présidente (Mme Bélanger): II reste quatre minutes...

M. Maltais: Quatre minutes? Ah! Je vais pouvoir poser mes questions. On a parlé de développement durable et vous en avez parlé d'une façon, en tout cas, moi, qui me plaît beaucoup. Mais vous savez que le développement durable pose des impératifs et des choix. Justement, est-ce que, d'après vous, la société québécoise est prête à faire un choix pour tailler un développement durable sur mesure? Je pense aussi, bien sûr, dans les villes et dans les régions. D'après ce que vous voyez un peu, vous autres, comme organisme environnemental, est-ce que vous pensez que la société québécoise est prête à accepter de faire du développement durable avec des choix bien définis, en respectant les impératifs que vous y mettez?

M. Archambault: Oui, la société est prête, définitivement. Je pense qu'il faut dès maintenant s'y pencher de façon globale. Tout à l'heure, on me demandait de citer des exemples. On parlait de développement énergétique, on peut parier également de toute la problématique du développement durable versus notre infrastructure industrielle: De quoi veut-on se doter comme projet de société au niveau de notre développement industriel? Cette réflexion-là doit être faite aussi et je pense que les citoyens sont non seulement prêts, mais attendent ça.

M. Maltais: Regardez, je vais vous donner un petit exemple. Au niveau de la forêt, vous savez qu'il y a un guide d'intervention en forêt...

M. Archambault: Oui.

M. Maltais: ...qui a été signé conjointement par le MLCP, le ministère de l'Environnement et le ministère des Forêts. Dans l'applicabilité, nous rencontrons quand même des "grelu-grelu" assez forts. Vous savez ce que je veux dire par "grelu-greiu", c'est-à-dire qu'il y a des chicanes de clocher: C'est mon lièvre, c'est mon arbre, c'est mon lac. Quand je vous pose la question: Est-ce que vraiment la société québécoise est capable de faire abstraction de "mon-petit-je-moi"? Je sais que vous avez une bonne expérience là-dedans, vous autres. Vous le vivez sur le terrain, vous le vivez dans vos échos. Est-ce que ça, c'est un signe avant-coureur, d'après vous, ou si c'est simplement un petit grondage qu'on peut calmer je ne sais pas comment? Est-ce qu'on est prêt à faire le saut?

La Présidente (Mme Bélanger): Me Daigneault.

M. Daigneault: Moi, je verrais la réponse à ça dans la génération montante qui est aux prises avec les conséquences, justement, de l'absence autrefois de ce concept de développement durable, avec les problèmes d'ordre planétaire qu'on connaît, avec la mauvaise répartition des ressources, si vous voulez. Lorsqu'on regarde ces jeunes-là, je pense qu'ils vivent... Le monde dans lequel ils arrivent, ce n'est pas du tout celui auquel nous, on a été habitués et je pense que c'est peut-être là que l'évolution des mentalités va se faire.

M. Maltais: Merci. Vous avez totalement raison parce qu'on sait que les jeunes sont beaucoup plus réceptifs à la question environnementale que les gens de notre âge. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas été élevés... Lorsqu'on a eu notre éducation, ce n'était pas le mot d'ordre à l'école et, aujourd'hui, ça l'est. Il faut féliciter ceux et celles qui ont su sensibiliser nos jeunes là-dessus.

En terminant, Mme la Présidente, je vous remercie infiniment. Dommage. J'espère qu'on aura l'occasion de continuer notre questionne-

ment, peut-être en dehors de la commission ou dans un autre endroit. Ça a été fort positif et je vous en remercie.

M. Archambault: Merci infiniment.

La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions, messieurs de la Fondation, M. Archambault et M. Daigneault, de votre participation à notre commission.

M. Daigneault: Merci.

M. Archambault: Merci beaucoup. (17 h 30)

La Présidente (Mme Bélanger): Je demanderais à l'Association des manufacturiers du Québec de bien vouloir prendre place. MM. Richard Le Hir et Éric Meunier.

Association des manufacturiers du Québec

M. Le Hir (Richard): J'ai également, Mme la Présidente, le plaisir d'avoir avec nous un ancien président de l'Association et toujours membre de l'exécutif, M. Robert Murray.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Le Hir. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'une discussion entre parlementaires, 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'Opposition.

M. Murray (Robert): J'aimerais préciser que je ne suis pas ancien, je suis ex.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): C'était bien de rétablir les faits.

M. Le Hir: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): C'est M. Le Hir?

M. Le Hir: C'est ça, et M. Éric Meunier, qui est l'auteur de notre mémoire. On veut d'abord vous remercier de nous avoir invités, Mme la Présidente, à participer à votre commission. Comme vous le savez, la question du développement durable en est une qui préoccupe énormément les membres de notre Association. Pour nous, le développement durable, c'est essentiellement la recherche d'un équilibre entre les impératifs de la protection de l'environnement et ceux du développement industriel. La recherche de cet équilibre constitue un exercice parfois périlleux, mais néanmoins nécessaire et nous croyons avoir développé certaines propositions qui seraient de nature à favoriser l'atteinte de ce point d'équilibre.

D'abord, nous souhaitons dire d'emblée que nous sommes favorables à une meilleure intégration de la consultation publique dans le processus d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux, à condition que ce processus soit substantiellement amélioré et qu'il tienne compte des contraintes techniques et économiques qui sont le lot des entreprises.

Rappelons que le concept de développement durable est basé sur la reconnaissance que les objectifs du développement économique et les objectifs de protection de l'environnement ne sont pas mutuellement exclusifs. Dans ces conditions, le processus d'évaluation et d'examen public ne doit pas devenir un obstacle à la réalisation de projets, il doit viser la recherche de solutions et non seulement l'identification des problèmes.

Or, il est grand temps de revoir le processus que nous utilisons à l'heure actuelle. Dans bien des cas, l'expérience des dernières années laisse présager, si rien ne change, que la mise en place du mécanisme d'évaluation et d'examen public qui devait, au départ, permettre l'implantation harmonieuse de nouveaux projets continuera plutôt à favoriser les confrontations, à multiplier les contentieux et à nous condamner à l'immobilisme. Il faut changer cette tendance. Le processus doit être orienté vers la recherche de solutions raisonnables et acceptables aux problèmes environnementaux potentiels reliés à la réalisation de projets et vers l'identification des mesures d'atténuation à mettre en place pour qu'ils se réalisent. Avant que le BAPE n'ait démontré qu'il est en mesure de faire l'arbitrage des arguments qui lui sont présentés de manière à favoriser l'identification de solutions, nous ne pouvons pas véritablement appuyer l'élargissement de son mandat.

Pour l'Association des manufacturiers, le processus d'évaluation et d'examen public doit permettre d'accélérer la réalisation de projets qui s'inscrivent dans une optique de développement durable. On pense, entre autres, à des projets de modernisation d'installations qui diminueraient la charge polluante émise dans l'environnement ou à des projets de construction de nouvelles installations pour remplacer d'anciennes installations plus polluantes sur les mêmes sites. De tels projets devraient être exclus de la procédure d'évaluation et d'examen public ou, à la limite, être soumis à une procédure simplifiée. D'ailleurs, il faut se rappeler que des mécanismes d'autorisation comme les certificats d'autorisation et les attestations d'assainissement existent déjà, ce qui permet au ministère de l'Environnement de veiller à ce que les considérations environnementales soient dûment intégrées même en l'absence d'examen public.

L'AMQ souhaite que le processus favorise la prise de décision la plus rapide possible. À cet effet, nous voulons insister sur la nécessité de reconnaître la dynamique du développement industriel. Le processus d'évaluation et d'examen

doit permettre à un promoteur de tirer avantage d'une conjoncture favorable comme, par exemple, une période durant laquelle le coût du capital est avantageux ou lorsque le marché d'une entreprise est en expansion. Les processus décisionnels couramment utilisés aux fins d'investissement industriel visent toujours à identifier la meilleure de plusieurs options possibles. C'est donc dire qu'on fait jouer la concurrence à l'intérieur d'une même entreprise sur plusieurs projets. Dans ces conditions, le temps entre la décision de l'ancien projet et sa réalisation est une dimension critique et l'écoulement d'un temps improductif peut affecter négativement la viabilité d'un projet. Les projets doivent pouvoir aller de l'avant lorsque la conjoncture est propice. Après, il est trop tard.

Dans cette optique, l'AMQ recommande que les projets mineurs de rénovation, les opérations de routine, les constructions de petite envergure et d'autres projets de ce type reconnus comme ne posant aucun risque pour l'environnement ou ayant des effets négligeables soient exclus de la procédure d'évaluation publique; également, que les projets à caractère répétitif dont les mesures d'atténuation sont identifiées et généralement acceptées soient classés par groupes. Dans ces cas, une procédure d'évaluation et d'examen type pourrait être déclarée comme modèle à suivre et tout projet individuel pouvant être classé dans ces groupes ne serait soumis à un examen public que pour prendre en considération des circonstances locales ou des effets cumulatifs.

Dans les cas où seulement certaines parties d'un projet sont source de préoccupation publique ou dans les cas où l'implantation d'un projet se fait à plusieurs endroits, le processus d'évaluation et d'examen public devrait porter uniquement sur ces aspects et les audiences être tenues seulement là où il y a des demandes; aussi, que des zones industrielles disposées à soutenir l'exploitation industrielle en raison de la "sensl-tivité" du milieu qu'elles délimitent soient Identifiées au préalable. Ces zones pourraient être différenciées en termes de leur capacité à soutenir un niveau d'exploitation maximal au-delà duquel tout développement ne serait plus soute-nable. Tout projet pourrait alors s'y implanter dans la mesure où les effets cumulatifs qu'il pourrait engendrer ne dépassent pas ce plafond. Tout projet destiné à être implanté dans ces zones pourrait être soumis, si nécessaire, à une évaluation et à un examen public simplifié ne portant que sur les effets cumulatifs et les impacts locaux potentiels.

Dans le cadre des projets majeurs reconnus comme susceptibles de poser des risques significatifs à l'environnement et dont l'intérêt ne peut être évalué a priori, dans une optique de développement durable ou ne pouvant être couvert par les recommandations mentionnées ci-haut, l'AMQ juge que ces projets devraient obligatoirement être assujettis à un examen public. Toutefois, avant d'assujettir ces projets, les étapes suivantes devraient être privilégiées.

D'abord, la médiation environnementale. Le processus d'évaluation et d'examen doit encourager le recours à la médiation environnementale dans les dossiers où il y a demande d'audiences et où toutes les parties entrevoient une possibilité de conciliation des divergences. L'établissement, ensuite, de délais précis et raisonnables pour chaque étape de la procédure, autant pour les phases publiques que privées. Ces délais ne devraient pas être modifiables sauf si le promoteur en fait la demande. Ensuite, l'établissement d'un processus d'accréditation des intervenants. Le processus d'évaluation ne doit pas fournir une tribune publique à des groupes qui ne démontrent pas une capacité à exercer de façon responsable leur droit d'Intervention. Enfin, l'établissement de règles du jeu fermes et explicites pour les différents intervenants.

Les manufacturiers sont également d'avis que le BAPE ne devrait pas être considéré comme le seul à pouvoir entreprendre des consultations publiques en environnement. Le gouvernement doit garder toute sa marge de manoeuvre quant à sa capacité de choisir les formes de consultations publiques qu'il juge les plus appropriées, qu'il s'agisse de commissions parlementaires permanentes comme celle-ci, de commissions d'enquête ou autres. D'ailleurs, nous croyons que le mandat du BAPE ne devrait pas, pour l'instant, être systématiquement étendu à l'évaluation et à l'examen public des politiques et programmes gouvernementaux. Quand le processus sera amélioré et que le BAPE démontrera qu'il est en mesure de le gérer efficacement, on devrait y repenser.

Toutefois, l'AMQ suggère, en attendant, que tous les ministères devraient joindre une évaluation et un examen d'Impacts environnementaux à toute loi, à tout règlement, à tout décret et à toute directive qui pourrait avoir des impacts sur l'environnement. L'AMQ insiste aussi sur le fait que le processus ne doit pas permettre à l'évaluation et à l'examen de projets particuliers de devenir un prétexte pour débattre des grandes stratégies de développement. Si les citoyens veulent des débats sur les grandes stratégies de développement, qu'on utilise des mécanismes qui existent déjà, comme les commissions parlementaires, ou que l'on mette sur pied d'autres formes, sinon on favorise de faux débats et on s'enlise dans l'immobilisme.

L'AMQ croit également que le processus d'évaluation et d'examen doit favoriser l'intégration des impacts environnementaux dans le processus de décision des entreprises et ce, aussitôt que possible. Ce principe est primordial dans une optique de développement durable. Nous croyons donc qu'V serait très important de mettre à la disposition des entreprises des guides d'évaluation environnementale sectoriels qui seraient préparés à l'avance par le ministère de

l'Environnement. Ceci permettrait, entre autres, de raccourcir les délais souvent très longs de la préparation et de la transmission de la directive gouvernementale. Nous croyons aussi que le gouvernement devrait développer des programmes pour les entreprises qui n'ont pas les ressources nécessaires pour entreprendre ces évaluations.

Quant au moment précis où le public devrait intervenir dans le processus d'évaluation et d'examen, nous croyons que, tant et aussi longtemps que le public n'interviendra pas plus tôt dans le processus, nous nous retrouverons devant des situations de confrontations. Nous sommes d'avis que le public devrait être consulté immédiatement après que la directive gouvernementale devant guider la réalisation de l'étude d'impact sera complétée et transmise au promoteur. Cette approche aurait comme avantage de permettre au public de prendre connaissance des éléments constituant une évaluation environnementale dans les règles de l'art et il pourrait alors, à partir de ces informations, identifier les points qui le concernent le plus et en ajouter de nouveaux, si nécessaire. Le promoteur pourrait alors se pencher plus en détail sur ces points particuliers dans la préparation de son étude d'impact.

En conclusion, l'AMQ souhaite insister sur le fait que toute information dont la divulgation est de nature à affecter la compétitivité d'une entreprise doit demeurer confidentielle. Même si elle est transmise au gouvernement, au ministère de l'Environnement, cette information transmise à titre confidentiel devrait pouvoir demeurer confidentielle, faute de quoi c'est la compétitivité, la capacité de concurrence même des entreprises qui en souffrirait et c'est le Québec qui en sortirait perdant.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Le Hir. Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, Mme la Présidente. M. Le Hir, M. Murray, l'ex.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelchat: J'ai oublié votre nom, monsieur-Une voix: M. Meunier.

Mme Pelchat: M. Meunier. J'aimerais vous féliciter pour votre mémoire, vous souhaiter la bienvenue et souligner le ton modéré de votre mémoire et je pense que ça réjouit tout le monde de cette commission.

Il y a plusieurs choses qui sont évoquées dans votre mémoire et j'aimerais peut-être commencer par vous demander carrément, parce que vous parlez souvent du rôle du BAPE, que le BAPE.. En fait, vous ne semblez pas satisfaits du rôle du BAPE, en tout cas, de la façon dont le BAPE s'acquitte de ses fonctions. Je n'irai pas par quatre chemins, je vais vous poser la question: Qu'est-ce que vous avez le plus à reprocher ou au BAPE ou à la procédure comme telle d'évaluation des impacts environnementaux?

M. Le Hir: Nos reproches s'adressent plus particulièrement à la procédure utilisée. Il s'agit d'une procédure qui ressemble énormément à une procédure judiciaire qui se déroule dans un contexte de confrontation, d'opposition et dont la caractéristique est de faire ressortir beaucoup plus facilement les problèmes que les solutions aux problèmes. Dans ce sens-là, nous ne croyons pas que ce type de procédure soit approprié à la recherche d'un point d'équilibre comme doit en constituer le développement durable. Nous croyons qu'il serait relativement facile de modifier l'orientation et le fonctionnement du BAPE pour faire en sorte que cet organisme soit bien davantage axé sur la recherche de solutions que sur l'identification de problèmes.

Mme Pelchat: Mais qu'est-ce qui fait, d'après vous, qu'il y a confrontation et querelle entre les promoteurs et le public ou les gens qui s'opposent à un projet?

M. Le Hir: Écoutez...

Mme Pelchat: Je vais vous dire qu'il y a certaines personnes qui ont identifié ou qui proposent que cette source de conflit et de confrontation vient essentiellement du manque de transparence des promoteurs qui, souvent, ne donnent pas ou ne veulent pas rendre publiques, justement, toutes les études et c'est ce qui est vraiment, pour certaines personnes, la source de confrontation. Est-ce que ce n'est pas un peu ça?

M. Meunier (Éric): Très rapidement pour compléter les commentaires de M. Le Hir. Il faut toujours se rappeler que le mandat du BAPE en tant que tel était relativement bien astreint dans le cadre de la loi. On parie particulièrement, par exemple, du passage suivant de la loi, c'est l'article 31.9 de la loi qui dit: "Le gouvernement peut adopter des règlements pour déterminer les paramètres d'une étude d'impact sur l'environnement en ce qui concerne notamment l'impact d'un projet sur la nature, le milieu biophysique, le milieu sous-marin, les communautés humaines, l'équilibre des écosystèmes, les sites..." Or, ce qui arrive, c'est que, bien évidemment, tant et aussi longtemps que le mandat du BAPE est celui d'examiner des questions qui sont directement pertinentes à celles de l'environnement en tant que tel, c'est quand même un mandat qui est relativement, je dirais, clair et avec lequel les promoteurs peuvent vivre. Sauf que, quand on est rendus dans une dynamique où on dit carrément, par exemple, au BAPE: On va mettre en question,

par exemple, le développement d'un secteur économique particulier, on va débattre devant le BAPE, à savoir si on a fait un bon choix économique ou non. En tant que tel, il est très clair qu'un promoteur qui est prêt à prendre un risque important au niveau de ses investissements, qui est prêt à dégager des sommes d'argent importantes en tant que telles et se voit dire, dans le fond, devant un organisme qui, à la base, était supposé regarder les impacts environnementaux: Écoute, on va questionner carrément ton risque, on va carrément questionner si, en tant que tel, tu fais bien de prendre le risque et si ça vaut la peine, par exemple, au niveau monétaire... Or, il faut quand même se rendre compte qu'au niveau des promoteurs, si on n'a pas toute la question d'entrepreneurship, si on n'est pas prêts à prendre ce risque-là et si on soumet l'évaluation de ce risque-là à une partie qui est supposée examiner la question environnementale, il est clair que ça peut soulever certaines frictions. (17 h 45)

L'autre point également, comme on le dit dans notre mémoire, c'est que le public intervient trop tard. Carrément, c'est qu'à un moment donné il y a évidemment un cheminement de projet, il y a des décisions qui sont prises en cours de route et, en bout de ligne, on demande au public de dire: Donnez-nous votre aval. Alors, il est bien clair qu'il y a certains facteurs qui n'ont pas été pris en considération dans des études et qui sont de nature à causer des confrontations. Alors, je veux dire, ces deux facteurs-là expliquent un petit peu pourquoi, des fois, le ton monte.

Mme Pelchat: mais vous seriez en faveur que le public intervienne dès le début, c'est-à-dire dès l'émission de la directive. c'est ce que j'ai compris.

M. Le Hir: Effectivement, oui.

Mme Pelchat: Est-ce que ce serait la seule étape où vous souhaitez que le public intervienne ou si vous souhaitez que le public intervienne aussi, par exemple, dans l'élaboration et dans l'étude du projet comme tel?

M. Le Hir: L'élaboration du projet comme tel, il faut quand même laisser au promoteur l'initiative de développer son propre projet. On ne peut pas demander à des tiers...

Mme Pelchat: Bon. Oui. Vous dites que vous voulez que le public intervienne dans la directive.

M. Le Hir: Oui.

Mme Pelchat: Est-ce que c'est le seul moment où vous voulez que le public intervienne?

M. Meunier: Oui, mais il demeure toujours l'étude d'impact en tant que telle, les audiences publiques, c'est-à-dire que...

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse. Pour le bénéfice du Journal des débats, vous répondez chacun votre tour et, étant donné que c'est enregistré, ce n'est pas télévisé, c'est enregistré seulement, j'aimerais que vous me donniez le temps de vous identifier avant. Alors, M. Meunier.

M. Meunier: En tant que tel, non seulement on dit que le public devrait intervenir plus tôt, mais, dans le fond, on dit: Plus souvent Non seulement on dit que le public devrait intervenir dans le cadre de l'étude d'impact en tant que telle, quand l'étude devient publique, mais avant même cette étape-là, c'est-à-dire celle de dire: Écoutez, on va peut-être avoir un droit de regard ou, à toutes fins utiles, un droit de commentaire quand la directive va être émise, pour les raisons qu'on vous a expliquées dans le sommaire de notre mémoire.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci. Vous dites aussi qu'il serait peut-être utile d'exclure certains projets d'une façon systématique, vous parlez de projets qui s'inscrivent a priori dans une optique de développement durable et que, donc, ces projets là devraient systématiquement être exclus, et vous parlez aussi de projets-pilotes, que ces projets-là devraient être des projets-pilotes qui devraient être exclus. Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y aurait un danger de voir apparaître tout d'un coup, un peu partout dans toutes les régions du Québec - je m'excuse, j'ai beaucoup de difficultés - une multitude de projets pilotes? Moi, je vois déjà dans toutes les régions deux, trois projets-pilotes. Donc, c'est un projet pilote, il peut être exclu de la procédure.

M. Meunier: Est-ce que vous parlez des... La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier: Excusez-moi. Est-ce que vous parlez d'exclure des études d'impact les questions de recherche et de développement? Est-ce que c'est ça la chose à laquelle vous faites référence?

Mme Pelchat: Non, non, non.

M. Meunier: Si vous parlez des groupes génériques en tant que tels, c'est carrément une autre question. C'est-à-dire qu'en fonction d'une certaine courbe d'expérience qui a été acquise au ministère, parce qu'ils ont quand même évalué un certain nombre de projets et ils le font encore,

il est très clair qu'on pourrait grouper certains projets dans des grandes classes. Il y a des projets qui sont similaires dans leur nature, qui sont similaires dans leurs impacts également et qui, d'ailleurs, peuvent même apporter... Je veux dire, je suis certain, il y a déjà des solutions d'atténuation qui sont Identifiées. Dans ce cadre-là, ce qu'on dit en tant que tel, ce n'est pas nécessairement de leur tirer systématiquement la procédure, mais c'est au moins, à tout le moins de les soumettre à une procédure qui est simplifiée.

Alors, dans ce sens-là, dans la mesure où c'est un projet à caractère répétitif dont les impacts sont connus, dont les mesures d'atténuation sont connues, on dit en tant que tel: Bon, on les groupe dans des grandes classes, on fait une directive ou un guide d'évaluation qui couvre ces classes-là et, évidemment, selon les règles de l'art et, encore là - juste pour faire une parenthèse, très rapidement - ce n'est pas obligé que ce guide-là soit figé dans le béton, c'est-à-dire qu'en fonction de la courbe d'expérience qu'on va acquérir dans les années futures, il sera même possible de le modifier aussi, je veux dire, à tous les deux ans, à tous les trois ans, ce sera à déterminer.

Or, dans ce cadre-là en tant que tel, je ne comprends pas tout à fait votre question pour débuter, mais ça ne pose pas de problème. Il n'y aurait pas de projet-pilote partout.

Mme Pelchat: Écoutez, je vais vous citer. On dit, à la page 5, au paragraphe 2 de votre mémoire: "Certains projets s'inscrivent, a priori, dans une optique de développement durable. On peut penser, par exemple, à des projets de modernisation d'installations qui diminueraient la charge polluante émise dans l'environnement, à des projets de construction de nouvelles installations pour remplacer d'anciennes installations plus polluantes sur les mêmes sites, à des projets de recherche et de développement ayant pour but de trouver des solutions - en tout cas, il y a plusieurs projets - aux problèmes environnementaux. A notre avis, de tels projets devraient être exclus - je lis bien, j'ai une bonne version - de la procédure...

M. Meunier: Oui, tout à fait.

Mme Pelchat: ...d'évaluation et d'examen d'impact ou encore, à la limite, être soumis à un processus simplifié." C'est ce que je vous demande.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: C'est parce qu'on ne saisit pas tout à fait la notion de projet-pilote à laquelle vous faites référence. Impossible de répondre à votre question si on ne comprend pas d'abord Ça-

Mme Pelchat: C'est parce que, dans votre mémoire, vous parlez de projets qui auraient déjà été évalués ou qui rencontrent déjà des critères de développement durable - c'est ce que vous dites - et que ces projets-là devraient être exclus de la procédure. C'est à vous, peut-être, de m'expliquer...

M. Le Hir: Mais on parie là de procédés qui sont déjà bien connus.

Mme Pelchat: Comme par exemple...

M. Le Hir: Écoutez, il y en a toutes sortes de procédés industriels. Par exemple, lorsqu'on construit, aujourd'hui, une nouvelle aluminerie et que cette nouvelle aluminerie va remplacer une aluminerie existante, on sait déjà que la technologie utilisée dans le cadre de cette alumine-rie-là va être beaucoup moins polluante pour l'environnement que ne l'était l'ancienne technologie.

M. Meunier: II y a certaines choses assez répétitives, par exemple, comme la construction d'un pipeline.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier: Excusez-moi. Je veux dire, les impacts sont relativement bien connus et on a une expérience, une courbe d'expérience qui est relativement grande, également. On sait que l'impact sur l'environnement, ça va dépendre un petit peu du diamètre du pipeline et ça va dépendre également de la longueur. En tant que tel, ce qu'on dit, c'est que ça pourrait créer des classes. À ce moment-là, on regarde, on dit: O.K., ça va être sur telle longueur, de telle grosseur, de tel diamètre. Alors, ce qu'il est important de vérifier, ce sont ces variantes-là, et c'est ce qu'on dit. Alors, à ce moment-là, ça pourrait certainement jouir d'un processus simplifié.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je salue M. Le Hir, M. Murray, M. Meunier. Je les remercie pour leur présence ici et pour leur mémoire. Quand on parle, comme vous l'avez fait en des termes très positifs, du mariage souhaitable entre l'économie et l'environnement, on est partenaires, on s'entend très bien. Quand vous déplorez les délais qui sont trop longs, on s'entend très bien aussi. Quand vous déplorez que les procédures ne sont souvent pas assez claires, on s'entend aussi. Mais lorsque vous dites: "Contrairement aux recommandations du rapport Lacoste, nous ne sommes pas d'avis que le public devrait être consulté à l'étape de la préparation de la directive gouvernementale devant guider la

réalisation de l'étude d'impact", là on s'entend moins. Nous, et d'autres aujourd'hui - d'ailleurs, vous l'avez entendu, probablement, si vous étiez ici - plusieurs mémoires préconisent que le public soit impliqué le plus tôt possible, et ça, vous l'avez dit vous autres mêmes. Mais pourquoi pas à l'étape de la préparation? Vous dites: Parce que c'est technique. Un instant! On peut vulgariser la technique. Tantôt, justement, on discutait de ça, de l'importance de vulgariser des directives. C'est un cercle vicieux, autrement. Si vous dites: II ne faut pas mettre le public là-dedans parce que c'est trop technique, bien ça va rester technique. Et là, restant technique, on va dire: On ne peut pas mettre le public, c'est technique. Alors, c'est une espèce de cercle vicieux. C'est une tautologie, qu'on appelle.

Mme la Présidente, moi, je voudrais demander aux représentants, d'abord, pourquoi vraiment... Ce n'est pas parce que c'est technique que vous vous opposez à la participation du public. Vous dites aussi: Parce que ça va allonger les délais. Mais un instant! On nous a démontré aujourd'hui, et on le sait depuis une secousse, que la seule partie où les délais sont contrôlés, c'est la partie publique, justement; vous le savez; tandis que les autres parties de la procédure qui précèdent l'implication du public n'ont pas de délai fixe, et c'est dans ces sections-là qu'on accuse des retards. Alors, dire: On ne mettra pas le public dans le coup parce que ça risque d'être trop technique pour lui et, deuxièmement, ça va allonger les délais, ça me paraît un peu fragile.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier: Très rapidement. À votre intervention, on pourrait répondre de plusieurs façons. La première, c'est qu'effectivement nous croyons qu'il y a une question de délai. La première des choses, c'est qu'en ce moment le public n'est pas consulté au niveau de la directive. Alors, quand vous parlez de la procédure d'audiences publiques qui est, effectivement, bien réglée, en termes de temps, au niveau de la loi, ça couvre seulement l'étude d'impact en tant que telle; ce sont les audiences sur l'étude d'impact. Or, l'étape de la formulation de la directive, de la transmission de la directive se ferait avant. Alors, à savoir: Est-ce qu'on s'entend à ce que ce soit toujours inscrit dans les quatre mois ou pas, c'est une question qu'il faut se poser.

Également, je vais vous le dire bien franchement, ce qui arrive, et ça demeure vrai, c'est qu'il doit y avoir un effort de vulgarisation qui se fasse au niveau de la directive. Mais pourquoi, à ce moment-là, est-ce que l'effort doit se faire, je dirais, avant que la directive soit faite? Si on a quelque chose à vulgariser, il faut l'avoir en main. Alors, s'il y a une étape qui est importante, c'est d'avoir la directive technique, de s'entendre, c'est-à-dire et au niveau du promo- teur et au niveau du gouvernement mais c'est surtout la responsabilité du gouvernement, de l'avoir en main et, après ça, suite à ça, une fois qu'on l'a, de la vulgariser et, comme on dit dans notre mémoire, de demander les commentaires du public, sans ça vous demandez au public: Écoutez, faites-moi une directive environnementale, qu'est-ce qui vous préoccupe? En tant que tel, on croit, nous en tout cas, que ce serait préférable de commencer avec une bonne base de connaissance qui soit établie dans les règles de l'art et qui soit ouverte aux commentaires du public. D'ailleurs, à ce moment-là, on pourrait faire l'effort de vulgarisation et le public pourrait en prendre connaissance, la commenter; le promoteur la prendra en considération dans son étude d'impact. C'est ce qu'on dit.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Mme la Présidente, là où, justement, il a été démontré que, lorsque le public intervient, ça raccourcit les délais au lieu de les allonger, c'est que précisément, si vous mettez votre public dans la rédaction de la directive, vous allez connaître dès le départ les préoccupations du public, au lieu de connaître simplement le devis technique que le ministère vous demande à vous, entreprise. Il serait utile que vous sachiez dès le départ ce qui inquiète la population autour de l'entreprise qui va s'établir là. C'est dans ce sens-là qu'on dit souvent, les gens qui ont fait l'expérience de cette implica tion précoce du public, que ça sauve du temps au lieu d'en consommer plus.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier: Dans le fond, c'est assez intéressant parce qu'on dit à peu près la même chose, c'est juste une question de savoir à quel moment ça devrait se passer. Vous, vous dites qu'on devrait consulter le public au moment même de la rédaction de la directive en tant que telle. On sait que, des fois, déjà la rédaction de la directive est quand même assez longue et on sait effectivement que, par exemple, certains critères d'analyse changent en cours de route, etc. Alors, nous, en tant que tels, en fonction de l'expérience passée, on est de nature, en tout cas on croit un petit peu que ça pourrait augmenter les délais. Mais, dans le fond, on dit exactement la même chose. On dit: Ce qui est important, c'est que le public soit consulté avant même qu'on lui présente un fait établi. A ce moment-là, qu'on le consulte lors de la directive, on trouve qu'il y aurait des délais qui seraient associés à ça, ou qu'on le fasse tout de suite après et qu'on demande aux citoyens: Vous avez ici une directive qui a été faite dans les règles de l'art; y a-t-il des choses que vous ne comprenez pas là-dedans? on va vous les expliquer,

on les explique. Après ça, on demande: Est-ce qu'il y a des choses qui ne sont pas couvertes là-dedans et que vous aimeriez voir dans une étude d'impact? et c'est complété. On fait l'étude d'impact - normalement, si le promoteur fait son ouvrage, en prenant en considération les commentaires qui lui ont été apportés - et on fait les audiences publiques là-dessus. À ce niveau-là, je crois que la consultation serait efficace et ça désamorcerait beaucoup de situations de confrontation.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Je vois que le mariage, que le couple n'est pas aussi rapproché qu'on ne le croirait de prime abord. Il y a une incompréhension. Vous dites: Ils nous diront ce qui ne va pas dans le devis. Mais je pense qu'une entreprise ne doit pas simplement attendre les réactions de la population à son projet, elle doit aussi attendre et entendre la population, ce qu'elle a à dire, même avant de prendre connaissance du devis technique. Si elle l'écoute, cette population-là, c'est à ce moment-là qu'on sauve bien du temps et bien des débats idéologiques.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: Écoutez, sur cette question-là, on a déjà des exemples et, dans le cas de Soligaz, de tels efforts ont été faits avec les résultats qu'on connaît: Ça n'a rien donné du tout. Alors, permettez-nous d'être un petit peu sceptiques. Il y a quand même une chose aussi qu'il faut prendre en considération, ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont les mêmes possibilités. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont les moyens d'investir plusieurs centaines de millions ou dizaines de millions dans la préparation de dossiers et traîner ces dossiers-là pendant plusieurs années sans en voir une issue. Il y a des investissements, à un moment donné, qu'il faut mettre en proportion. Il nous semble y avoir une disproportion entre les exigences de préparation qu'on demande aux entreprises et parfois les résultats qu'il est possible d'en attendre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Pour élargir un peu le débat, à la page 3... Là, vous venez d'évoquer Soligaz. Mais à la page 3, vous semblez faire une charge assez sévère vis-à-vis du processus d'évaluation. Vous dites: "Pourtant, dans bien des cas, l'expérience des dernières années laisse présager, si rien ne change, que la mise en place du mécanisme d'évaluation et d'examen public, qui devrait au départ permettre l'implantation harmonieuse de nouveaux projets, continuera plutôt à favoriser les confrontations, à multiplier les contentieux et à nous condamner à l'immobilisme." Ce sont des termes assez durs, assez forts, ça. Mais à part Soligaz, pouvez-vous m'en énumérer un certain nombre de projets?

M. Meunier: Écoutez, je ne veux pas...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier: Excusez-moi encore une fois. (18 heures)

M. Lazure: Parce que c'est vous qui avez... M. Le Hir, vous avez parlé de Soligaz. Mais si vous avez parlé de Soligaz, moi, je serais bien curieux de voir s'il y en a d'autres exemples comme ça.

M. Meunier: Écoutez, par exemple, on va prendre une autre chose qui s'inscrit, d'ailleurs...

M. Lazure: Ce n'est pas M. Le Hir. Identifiez-vous donc.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier: Excusez-moi. Il y a d'autres cas, évidemment, qui sont intéressants à noter, particulièrement parce qu'ils s'inscrivent un petit peu dans le cadre du développement durable. Dans le cas précis, il faut bien dire, c'est consultation publique versus - excusez l'anglicisme - mais contre, par exemple, un projet qui passe nécessairement devant le BAPE. Il y a quand même eu audiences publiques.

On va se rappeler qu'à un moment donné il n'y a pas si longtemps de ça, il y a une compagnie qu'il n'est pas nécessaire de nommer qui avait le projet de se servir de pneus usés pour faire de la revalorisation énergétique. Or, on a procédé à une intense consultation publique et ce qui est arrivé, à un moment donné, c'est qu'évidemment on a eu d'autres interventions de l'extérieur qui ont fait, de toute façon, que le projet n'a pas vu le jour. Or, il est clair que dans ce cas-là il y a eu une certaine volonté d'avoir une consultation publique. À savoir s'il y aurait eu moyen de la faire plus efficacement, bien ça, la question ne se pose pas tout de suite ou elle aurait dû se poser alors.

Mais ce qui est arrivé, dans le fond, c'est quoi? C'est qu'on a essayé d'entamer un processus de consultations publiques pour qu'il y ait l'implantation de ce projet-là en particulier, qui n'a jamais vu le jour, et quelques mois après on voyait Saint-Amable. Or, moi, je vous pose la question: Quand on a des projets de ce type-là qui développent des polémiques importantes - évidemment, il y a des questions d'implantation, il y a des questions régionales - ça va prendre combien de Saint-Amable avant qu'on implante une solution? D'ailleurs, il faudrait poser certaines questions, à savoir: Un Saint-

Amable, ça représente quoi comme impacts sur l'environnement, contrairement, par exemple, à la revalorisation énergétique qui est faite sous procédé contrôlé? Il y en a d'autres aussi. Par exemple, on pourrait...

M. Lazure: Si vous permettez, je veux juste réagir à celui-là parce que ce n'est justement pas un bon exemple. Là, vous venez de parler de Ciment Saint-Laurent dans la région de Joliette, mais concernant Ciment Saint-Laurent dans la région de Joliette, tout le branle-bas auquel on a assisté, c'était une mobilisation de citoyens. Ça n'avait rien à voir avec la procédure d'évaluation des impacts environnementaux. Rien, monsieur, absolument rien. Alors, votre exemple est très mal choisi.

M. Meunier: Non, mais j'ai bien fait... M. Lazure: Maintenant...

M. Meunier: Excusez-moi, encore une fois, j'ai bien fait...

M. Lazure: Permettez...

M. Meunier: J'ai bien fait la précision de dire que ça ne s'inscrivait pas dans le mandat du BAPE...

M. Lazure: Bien oui, alors moi, je vous demandais...

M. Meunier:... mais que c'était une forme d'audience publique.

M. Lazure: si vous permettez que je finisse mon intervention, je demandais à vous, a m. le hir ou à m. murray, à part soligaz, de nous citer d'autres exemples, dans ces dernières années, où la procédure d'évaluation a mené à l'immobilisme. c'est le mot que vous employez, ça.

M. Meunier: Oui, bien sûr...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier:... et on l'emploie à dessein parce qu'il nous semble que dans le cas de Soligaz, qui est certainement le cas qui va servir de cas type pour tous les autres cas de projets industriels qui sont présentement sur le point de faire l'objet d'études, l'expérience est loin d'être concluante.

M. Lazure: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure:... juste une question là-dessus. est-ce que, m. le hir, vous admettez que le promoteur, dans le cas de soligaz, a eu une certaine partie du blâme dans les retards? est-ce que vous admettez ça?

M. Le Hir: Écoutez, non, je ne suis pas prêt à admettre ça.

M. Lazure: Non, O. K.

M. Le Hir: Et la raison c'est que, consécutivement à l'étude qui a été faite par le BAPE, il y a eu des expertises de faites par une commission qui a été spécialement constituée et elle est arrivée, cette commission, à des conclusions tout à fait contraires à celles du BAPE.

M. Lazure: Mme la Présidente, moi, je voudrais revenir aux grands projets industriels. Si je comprends bien l'Association, elle désire que les grands projets industriels soient obligatoirement assujettis à un examen public. Elle y met trois conditions. Deux me paraissent, quant à moi, tout à fait correctes, à savoir que dans les dossiers où il y a demande d'audiences et où toutes les parties entrevoient une possibilité de conciliation la médiation devrait être encouragée. Bon. La deuxième, des délais précis et raisonnables pour chaque étape de la procédure, particulièrement pour l'étape de la directive de l'étude d'impact. Parfait. Mais la troisième, Mme la Présidente, elle mérite qu'on s'y arrête un peu et qu'on pose des questions. Elle dit: "Seuls les intervenants ayant démontré leur intérêt véritable et une argumentation pertinente pourraient participer aux audiences publiques. " Qui va choisir ces intervenants-là?

M. Le Hir: Écoutez...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir:... il existe... Excusez-moi. Mme la Présidente, c'est une règle difficile pour nous, qui ne sommes pas familiers, à maîtriser. Il existe déjà d'autres types d'organismes qui remplissent un rôle similaire au BAPE et qui ont établi ce genre de règles. Il en existe, par exemple, dans le cadre du CRTC. Il y a la possibilité d'intervention pour des groupes. On leur donne même un financement dans certains cas; on appelle ça l'intervener funding". Il y a bien des groupes environnementaux qui seraient tout à fait favorables à l'établissement d'une telle procédure. C'est une procédure à laquelle, nous, pour notre part, nous serions ouverts dans la mesure où elle permettrait à tous et à chacun d'exercer leur droit de parole de la façon la plus responsable possible.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui. Vous admettrez avec moi qu'il y a un danger quand même qu'on veuille éliminer ou mettre de côté certains intervenants qui pourraient ne pas paraître avoir assez d'intérêt ou une argumentation assez pertinente. Je pense qu'on est sur un terrain fragile et ça pourrait frôler la censure, à un moment donné.

M. Le Hir: Non...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: ...M. le député, je ne crois pas. En fait, pour nous, le problème se pose de la façon suivante. Il y a dans certains cas - je dis bien dans certains cas - des gens qui ne sont élus par personne, qui n'assument aucune responsabilité et qui n'ont de comptes à rendre à personne et qui, par des déclarations démagogiques, égarent le public en jouant sur son ignorance et sa sensibilité. Ils exercent ainsi une pression émotive indue sur les gouvernements responsables et contrarient le fonctionnement normal des institutions démocratiques. En face de situations comme celle-là, nous, comme en fait nous tous et vous tous, avons des responsabilités pour faire en sorte que les débats ne dérapent pas dans une démagogie facile et ultimement dans un osbcurantisme.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Mme la Présidente, je rappellerai à M. Le Hir qu'il y a beaucoup d'animateurs de radio qui font justement ça. Je ne pense pas, M. Le Hir, que vous ayez dénoncé ces animateurs-là sur la place publique.

M. Le Hir: Ils ne jouent pas le même rôle, M. le député.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Lazure: Ils jouent un rôle très important, les animateurs de radio, très très important.

M. Le Hir: Ils ne font pas partie des institutions. J'aimerais simplement terminer sur cette question par une citation de Platon: "Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque, finalement, les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus au-dessus d'eux l'autorité de rien ni de personne, alors c'est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie."

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Moi, Mme la Présidente, je n'ai pas de citation de Platon...

La Présidente (Mme Bélanger): Commentaire pour Platon.

M. Lazure: ...mais si je voulais être malin, j'aurais une citation de M. Le Hir qui partait des écolo-fascistes il y a quelque temps. Je voudrais tout simplement implorer M. Le Hir et ses compagnons de faire attention aux termes qu'ils utilisent quand ils parient des gens qui s'occupent d'environnement et d'écologie parce que si les gens dans l'entreprise peuvent, de façon un peu méprisante, parier des écolo-fascistes, les gens de l'environnement peuvent parler des écono-fascistes aussi, parce que ça va jouer dans les deux sens et là, justement, on arrive à des confrontations que vous voulez éviter.

M. Le Hir: Là-dessus, M. le député...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: ...soyons bien clairs. La première chose, c'est que dans cette dénonciation-là nous n'avons pas voulu viser des groupes ou des individus, nous avons visé des comportements. Nous avons bien pris la peine de ne nommer personne et nous avons bien pris la peine également de dire qu'il s'agissait de comportements marginaux.

La deuxième chose, c'est que le fait qu'ils soient marginaux n'enlève rien à l'influence qu'ils sont en mesure d'avoir. En ce qui concerne les entreprises, il faut bien voir la liberté avec laquelle certains de ces groupes, organismes, personnes - appelons-les comme on voudra -dénoncent, eux, avec une vigueur parfois assez crue, en accusant les entreprises de comportement criminel sans même qu'une preuve n'ait été faite. Dans ces conditions, je ne pense pas qu'on ait, sur ce point, de leçons à recevoir de personne.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: J'ai une question d'un autre... Vous avez fait allusion au financement tantôt; est-ce que vous avez des suggestions à faire au gouvernement? À supposer que cette commission-ci soit favorable à une recommandation permettant le financement de groupes ou d'individus, est-ce que vous avez discuté entre vous de quelle façon ce financement-là pourrait être assuré?

M. Le Hir: Non, nous ne sommes pas entrés dans le détail là-dessus. La seule chose que nous avons voulu faire, c'est faire référence à des situations où ça existe et proposer ça comme piste de solution. Quant à la façon de le faire, il

y a beaucoup de consultations à mener et il faut bien être conscients - parce que je vous vois venir gros comme un autobus - qu'en ce qui concerne les entreprises...

M. Lazure: On est rendus en autobus, maintenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...n'a pas pris l'autobus.

M. Le Hir: En ce qui concerne les entreprises, il y a des limites à leur imposer des charges continuellement. Et, encore aujourd'hui, nous avions l'occasion, en conférence de presse, de situer nos préoccupations en matière de compétitivité devant certains résultats que nous avons pu rendre publics. La situation est suffisamment dramatique à l'heure actuelle sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: J'ai bien compris que vous n'avez pas d'offres à faire aujourd'hui au gouvernement à cet égard. Mais vous êtes au courant que l'Ontario, sous un gouvernement libéral et non pas néo-démocrate, a passé la loi qui s'appelle "Financement des intervenants en environnement". Vous êtes bien au courant de ça. Une dernière question. Tantôt, vous apportiez des précisions. Je vous ai entendu parler du système qui était trop judiciarisé ici: confrontations, et tout ça. Mais j'ai eu l'occasion, avec le député de Saguenay, d'assister à des audiences en Ontario et je vous prie de nous croire que c'est beaucoup plus judiciarisé, beaucoup plus. Et notre système ici, d'évaluation, n'est pas judiciarisé. Au contraire, par rapport à la plupart des autres, il est réputé pour ne l'être presque pas. Alors, encore une fois, je pense qu'il y a des images, des perceptions du système et particulièrement du Bureau d'audiences publiques qu'il faudrait réviser.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier. M. Le Hir: Non, je vais prendre la réponse. La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: Là-dessus, le fait que, par exemple, ce soit plus judiciarisé ailleurs ne règle pas nécessairement les problèmes. Et il faut voir également quel est l'impact que cela a sur les délais. Encore une fois, je vous prie de vous souvenir de l'importance de la dynamique du développement. L'entreprise, lorsqu'elle cherche à lancer une initiative, profite d'un créneau d'opportunité dans le temps. Ce créneau-là, il est restreint et il faut que l'entreprise ait l'occasion d'en profiter, faute de quoi le projet tombe à l'eau, n'a plus sa raison d'être.

Alors, encore une fois, toute procédure qui vise à favoriser l'émergence des problèmes plutôt que la recherche des solutions n'est pas une façon de faire et, à notre avis, n'est pas de nature à faciliter la recherche de l'équilibre qui doit exister entre les Impératifs de la protection de l'environnement et ceux du développement industriel.

La Présidente (Mme Bélanger): O.K. M. le député de Saguenay, pour respecter l'alternance.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente, M. Le Hir et ses deux associés, bienvenue à cène commission. Je voudrais ne pas passer sous silence l'apport économique que vous représentez comme Association des manufacturiers. Vous êtes le coeur moteur, un peu, du Québec, et vous êtes indispensables à l'économie québécoise aussi, ça va de soi. Comment se situe le Québec? Vous qui recevez dans vos membres des investisseurs de tous les pays, de toutes les régions limitrophes au Québec, comment se situe le Québec au niveau de la compétition dans l'implantation de grandes entreprises par rapport, mettons, à la Communauté européenne, par rapport, un petit peu, aux États limitrophes américains qui touchent au Québec et l'Ontario? Comment vous pouvez me situer ça?

M. Le Hir: Je ne pense pas qu'on puisse examiner la problématique de l'implantation industrielle sous le seul angle de l'environnement. C'est plus large que ça. Lorsqu'on parle de compétitivité on parle nécessairement de l'ensemble des facteurs qui contribuent à définir la position concurrentielle d'une entreprise. Et lorsqu'on parie, disons, d'une province, pour parler de la nôtre, il s'agit essentiellement de voir quelle est notre capacité de créer de la richesse.

Or, sur ce plan-là, je dois vous dire que nous sommes plutôt mal en point. Il faut faire très attention, avant de nous créer des embûches additionnelles ou des étapes additionnelles dans des processus de développement, de s'assurer que cela n'aura pas pour effet d'être la goutte d'eau qui fera déborder le vase ou, comme on le dit en anglais, "the straw that will break the camel's back".

À l'heure actuelle, il faut bien réaliser qu'on ne constitue pas une terre particulièrement attrayante pour les investissements, et je parle autant du Québec que du reste du Canada. À l'heure actuelle, l'écart de compétitivité avec les pays industrialisés, qui s'est creusé depuis 10 ans, est de l'ordre de 15 %. Et il faut faire très attention, lorsqu'on se donne de nouvelles politiques, de faire en sorte que ces politiques n'auront pas pour effet, encore une fois, de miner notre capacité concurrentielle. C'est bien

beau de vouloir se définir un environnement qui respecte les meilleurs critères, mais si les pays avec lesquels on est en concurrence ne le font pas. on est en train de se tirer dans le pied sur le plan économique. (18 h 15)

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Mais, entre vous et moi, M. Le Hir, advenant le cas que personne ne nous écoute à cette heure-là, qu'est-ce qu'ils se disent, les futurs investisseurs, lorsqu'ils parlent de la loi environnementale au Québec lorsque vous les rencontrez dans un petit breakfast à New York? Les grandes entreprises de la Nouvelle-Angleterre, on sait qu'elles sont toutes rendues à un point de saturation; il faut qu'elles se rebâtissent dans bien des États américains et elles lorgnent avant de... Bon, en tout cas, elles ont beaucoup de réglementation chez elles; on se parle entre vous et elfes. Comment voient-elles le Québec au niveau, toujours, environnemental? Je ne parle pas d'énergie, de ports de mer, ainsi de suite. Je parle au niveau des exigences gouvernementales.

M. Le Hir: Je pense que c'est...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: Mon collègue, M. Murray, a une bien plus grande expérience de cette réalité-là parce que lui-même a eu à prendre des décisions d'implantation où la question environnementale a constitué un facteur. Alors, je vais le laisser répondre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Murray.

M. Murray: J'aimerais répondre à cette question d'une façon un peu tangentielle. Je pense que le Québec est un bon endroit pour nous, les manufacturiers, pour investir nos fonds. Le but principal d'un manufacturier au Québec et au Canada, et peut-être à travers l'Amérique du Nord en ce moment, son objectif majeur, c'est vraiment la survie. Nous sommes dans un climat économique assez difficile et nous espérons que les mois, les années à venir vont nous conduire dans un climat plus favorable.

Mais, pour survivre, je suis convaincu qu'un manufacturier, par les temps qui courent, doit être vu et doit être perçu aussi comme un citoyen corporatif responsable; un citoyen corporatif irresponsable ne survivrait pas par les temps qui courent. Puis, pour être citoyen corporatif responsable, mesdames et messieurs, je vous soumets qu'il est absolument essentiel que ce manufacturier-là ne soit pas un pollueur. Ça, c'est primordial. Il ne pourra pas vendre ses produits, il ne pourra pas, éventuellement, attirer la main-d'oeuvre et la gestion qu'il lui faut.

Mais, tout ceci dit, celui qui est déjà établi n'est pas toujours "non polluting", mais il faut qu'il le devienne. Il doit le devenir dans un cycle qui est un peu relié aux facteurs économiques. Je pense que nous, les manufacturiers, nous souhaitons vraiment être partenaires avec vous, du gouvernement, pour trouver ensemble les moyens de devenir non pollueurs - parce qu'il y en a qui le sont - dans un cycle qui nous permettra de survivre durant cette période difficile.

Et, tout en disant tout cela, moi, je suis convaincu que le Québec n'est pas à l'arrière-garde ni plus strict que les autres pays que je connais. Je pense qu'ici, au Québec, ce que nous avons depuis quelques années, nous, les manufacturiers, nous avons... "I did not mean to make a speech." Je ne sais pas ce qui me fait dire tout ça dans un seul point mais nous, ce que nous avons réussi, je pense, ici au Québec, depuis une décennie, c'est d'entreprendre un dialogue effectif entre vous, les décideurs du gouvernement, et nous, les manufacturiers. Pour répondre à votre question, je pense que vraiment le Québec est un bon endroit où investir maintenant et il le sera dans l'avenir.

M. Maltais: Merci beaucoup, M. Murray.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Dubuc, il reste trois minutes.

M. Morin: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je voudrais revenir à la charge sur un point que mon collègue a abordé, soit votre processus d'accréditation pour les intervenants. Évidemment, je comprends vos préoccupations envers les intervenants qui n'auraient pas la capacité de présenter un mémoire, de faire une intervention éprouvée - si je peux utiliser l'expression - ou envers des intervenants dont l'intérêt direct ne serait pas démontré, ou qui auraient des intérêts autres, enfin... Mais c'est votre suggestion. Je comprends vos préoccupations, sauf que c'est la recommandation que vous faites d'établir un processus d'accréditation... Parce que des audiences publiques, je pense, prennent leur crédibilité dans le fait qu'elles sont ouvertes, sans aucune limite.

Ceci dit, je vous pose la question à savoir si vous ne pouvez pas atteindre le même but par, peut-être, l'introduction d'une mesure dans le processus? Je n'ai pas beaucoup d'expérience, mais j'ai vu à quelques reprises des audiences où la première partie, on le sait, sert au promoteur pour exposer son projet et la deuxième partie des audiences sert aux intervenants pour venir, évidemment, présenter leurs préoccupations. Dans beaucoup de cas, les commissaires permettent aux promoteurs seulement, à la fin de la journée - je ne sais pas si c'est une coutume ou une procédure régulière - de venir rectifier les soi-disant faussetés. Est-ce qu'à ce moment-là on n'atteindrait pas le même but que celui que vous

recherchez, sans établir un processus d'accréditation qui, enfin, paraît très douteux? On pourrait arriver aux mêmes fins, mais en permettant aux promoteurs de réagir et de rétablir les faits immédiatement après l'intervention pour éviter, peut-être, les cas où il se dirait des choses dont le promoteur pourrait être... Enfin, c'est ma question.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir, 45 secondes pour répondre à la question.

M. Le Hir: Pour répondre en deux temps, moi, je vais vous donner une courte réponse de principe et M. Meunier va vous répondre dans l'application. Dans une histoire de la Grèce antique, qui est le berceau de la démocratie, l'historien Robert Cohen dit ceci: "À trop vouloir respecter l'absolue liberté de parole et d'action de chaque citoyen, elle entravait celle des serviteurs de l'État, justifiait leur prudence excessive et ne leur permettait guère que de pratiquer une politique a la petite semaine." On parle bien de la Grèce antique. On ne suggère pas que les choses sont comme ça maintenant.

Que le peuple gouverne en démocratie, c'est naturel en somme. Il est moins naturel qu'il s'insinue sans y être préparé dans tous les rouages du gouvernement au risque d'en fausser le fonctionnement. Voilà pour le principe. Je vais laisser M. Meunier vous répondre.

La Présidente (Mme Bélanger): En 30 secondes, s'il vous plaît, M. Meunier.

M. Meunier: Pour revenir exactement à vos commentaires, pour avoir fait des consultations, évidemment, dans l'élaboration de ce mémoire-là en tant que tel, à savoir si cela serait suffisant pour remplacer un processus d'accréditation, il faudrait certainement en discuter davantage. Mais avoir un droit de réplique, c'est-à-dire que le promoteur ait un droit de réplique aux arguments présentés, effectivement, c'est une préoccupation qui nous a été présentée souvent par les promoteurs. On ne l'a pas vraiment inclus dans notre mémoire, mais je peux vous dire, par exemple, que dans la mesure où il y aurait droit de réplique, ce ne serait certainement pas vu d'un mauvais oeil.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Meunier. Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Oui, merci, Mme la Présidente. J'aimerais revenir, M. Le Hir, si vous le permettez, à la question de Soligaz. Je ne sais pas si j'ai bien entendu tout à l'heure le commentaire que vous avez fait en disant que ce qui a été fait pour Soligaz, notamment au niveau de la directive... Est-ce que vous avez confondu, en ce sens que la directive de Soligaz, vous savez qu'elle n'a pas été soumise à la consultation publique? C'est ça? Il a confondu?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Meunier.

M. Meunier: Excusez-moi encore une fois Rectification. Avant que le projet de Soligaz soit implanté, le promoteur en tant que tel, c'est à dire les promoteurs, je devrais dire, en tant que tels, ont eux-mêmes décidé d'engager une tierce partie pour procéder à une consultation publique. Ils l'ont fait et il semblerait, d'ailleurs, qu'au niveau de la réception de la population il y avait certains objectifs d'atteints au niveau de la démarche qui s'était dressée. Or, quand ils sont arrivés en audiences publiques, véritablement, il semblerait qu'il y ait eu d'autres intervenants, disons, qui ont quand même faussé le débat, dans le sens... Je parle évidemment de la population locale qui avait déjà été consultée. Et c'est tout ce que je disais.

Mme Pelchat: O.K. Parce que c'est bien clair, je pense qu'il faut bien qu'on s'entende sur le fait que la directive du ministère de l'En vironnement n'a pas été soumise aux audiences publiques...

M. Meunier: ...référence à la directive, je faisais...

Mme Pelchat: ...pour le bénéfice de nos débats et du Journal des débats.

M. Meunier: ...tout à fait compris.

Mme Pelchat: Moi, j'aimerais revenir sur la position concurrentielle du Québec et la pos sibilité que les investisseurs viennent s'établir ici en grand nombre. Je pense que c'est essentiel. C'est un objectif que nous supportons. D'ailleurs, le ministre Gérald Tremblay, cette semaine, l'a très bien expliqué en parlant de l'urgence d'agir dans notre économie, sans oublier que le ministre de l'Industrie et du Commerce, Gérald Tremblay, et le premier ministre ont exigé que la Société de développement industriel, lorsqu'elle prête de l'argent à des promoteurs, respecte et vérifie si ces gens-là sont conformes aux directives et aux exigences du ministère de l'Environnement. Est-ce que, oui ou non, M. Le Hir, la procédure d'évaluation du Québec, telle qu'on la connaît en ce moment, empêche et décourage les investisseurs de venir s'établir au Québec?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: Si l'on prend simplement le dernier cas en date qui est celui de Soligaz, il n'y a pas de doute qu'une procédure comme celle-là est de nature à décourager même le plus entreprenant des investisseurs.

Mme Pelchat: Et, dites-moi ce que vous

suggérez pour l'allégement, à part le délai? Parce que, tantôt, vous avez parlé du délai; c'est unanime, le rapport Lacoste en fait état aussi, de l'urgence de modifier la procédure pour qu'elle soit un peu plus courte. Mais à part le délai, qu'est-ce que vous suggérez pour l'alléger...

M. Le Hir: On a proposé un certain nombre de choses...

Mme Pelchat: ...et faire en sorte aussi que le principe du développement durable, comme vous le dites, soit respecté, M. Le Hir?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Le Hir.

M. Le Hir: ...qui sont toutes dans notre mémoire, dont on a fait état, entre autres, en particulier, s'assurer qu'on ne développe pas un processus sur un modèle "confrontationnel" et que le processus mette d'abord et avant tout l'accent sur la recherche des solutions plutôt que sur l'identification des problèmes. Autrement dit, il ne devrait pas être possible pour un projet de sortir du bureau du BAPE sans qu'on ait identifié toutes les solutions, dans la mesure où il en existe, bien entendu.

Mme Pelchat: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions, MM. Le Hir, Meunier et Murray.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 28)

(Reprise à 20 h 10)

Le Président (M. Garon): Je déclare la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Nous appelons le groupe Urbatique, représenté par M. Jean-Paul Gravel, Mme Linda Landry et M. Bernard Letarte. Alors, vous avez une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes pour exposer votre mémoire, 10 minutes de questions pour le parti ministériel et 10 minutes pour le parti de l'Opposition officielle.

Alors, à vous la parole, M. Gravel.

Groupe Urbatique

M. Gravel (Jean-Paul): Merci. M. le Président, Mme la vice-présidente, Mmes et MM. les commissaires, bonsoir et merci de nous fournir l'occasion de contribuer à l'évolution de la procédure environnementale au Québec. Avant de vous exposer nos vues sur l'opportunité d'assujettir les projets industriels à une telle procédure, j'aimerais vous présenter les collègues qui m'accompagnent: Mme Linda Landry, qui est titulaire d'un doctorat en géographie de l'Université Laval, est spécialisée en environnement et en aménagement du territoire; M. Bernard Letarte, à ma droite, est agronome et spécialiste en environnement-transport. Pour ma part, je suis économiste-urbaniste avec plus de 15 ans d'expérience en études environnementales et je dirige, à titre de président-fondateur, le groupe Urbatique.

Le groupe-conseil Urbatique que nous représentons oeuvre depuis plus de 20 ans dans le domaine des études d'aménagement, d'urbanisme, d'économie et d'environnement. Durant cette période, la firme a réalisé pour le compte d'Hydro-Québec, du ministère des Transports et de plus de 150 municipalités du Québec des études de planification et d'impact environnemental de projets majeurs. Nous avons donc pu voir la procédure à l'oeuvre et en constater les possibilités et aussi certaines des limites.

Le mémoire soumis par Urbatique à la commission comprend essentiellement les éléments suivants: La procédure actuelle est une bonne procédure et devrait être maintenue comme telle; elle n'a pas besoin d'être changée sur le fond, ce que risquerait de faire l'introduction du "scoping" recommandé par le rapport Lacoste. Les projets industriels de grande envergure avec une incidence majeure sur l'environnement devraient être soumis à la procédure actuelle. Il en résulterait des projets de plus grande qualité environnementale et un climat social amélioré.

L'assujettissement des projets industriels à la procédure actuelle soulève cependant une difficulté de taille. Il devient alors nécessaire, comme nous le démontrerons, que les gouvernements provincial et régionaux identifient clairement leur politique de développement industriel.

L'expérience montre que les promoteurs assujettis s'améliorent progressivement grâce à l'expérience acquise lors des audiences publiques et que la qualité environnementale des projets qu'ils élaborent s'accroît progressivement. L'expérience nous enseigne aussi que, lors des débats en consultations publiques, il y a polarisation des forces en présence. Cependant, comme les débats se déroulent dans un contexte formel où les règles du jeu sont connues des différentes parties impliquées, il en résulte une amélioration du climat social.

Du côté des projets industriels, l'absence d'un cadre formel permettant l'implication de la population donne lieu à des débats médiatiques encore plus polarisés et plus explosifs que ce n'est le cas lorsqu'un tel cadre existe. Les mouvements populaires soulevés par les projets d'implantation des entreprises Lauralco, Glaver-bec et Labco dans la région de Québec en sont d'éloquents témoignages.

Dans ce contexte, qu'on ne peut que qualifier d'anarchique, le fait que des groupes particuliers puissent accaparer les tribunes publiques sans que la contre-argumentation ne

soit présentée ni même disponible soulève un problème social de fond. De plus, ces projets récents ont mis en évidence le fait que les procédures de consultation publique réalisées dans le cadre de l'élaboration des schémas d'aménagement et des autres documents de planification du territoire servant à l'identification des parcs industriels n'ont pas permis de résoudre les conflits potentiels liés à l'implantation d'une industrie lourde spécifique.

C'est dans cette optique que l'assujettissement, en offrant une possibilité d'intervention du public dans un cadre structuré, permettra une participation plus constructive du public et l'atteinte des objectifs poursuivis par cette participation. Ces objectifs, que visent-ils? Essentiellement, ils visent à fournir les données et les analyses requises pour permettre l'arbitrage quant aux choix de société impliqués, quant au choix de l'intervention optimale et quant à l'identification des mesures d'intégration, dont les mesures compensatoires.

Grâce à l'assujettissement, l'examen portera sur des sujets connus, avec des encadrements précis quant aux réponses à fournir et quant à la possibilité de contre-interrogation. Dans le contexte sociopolitique actuel, il ne faut donc pas considérer la procédure comme un mécanisme supplémentaire de contrôle mais, bien au contraire, comme un mécanisme de révision encadrant et balisant un processus actuellement compliqué et source de conflits majeurs.

Malgré ces avantages, deux difficultés subsistent quant aux modalités selon lesquelles devrait se dérouler l'examen public. La première difficulté vient de ce que les projets industriels majeurs sont souvent financés en partie par des fonds publics. La deuxième difficulté est liée au caractère habituellement non répétitif de ces projets.

Le financement public d'un projet privé implique que le promoteur privé soumis à la procédure risque d'avoir à justifier et à défendre publiquement une politique de développement industriel élaborée par le gouvernement. Nous posons qu'une politique de développement industriel provinciale ou régionale gagnerait à être débattue antérieurement aux discussions qui entourent l'implantation d'un projet particulier. Ce débat se situe au-delà des responsabilités d'une entreprise donnée. Il serait souhaitable que les gouvernements concernés en prennent directement la responsabilité.

Une deuxième difficulté soulevée par l'assujettissement des projets industriels à la procédure environnementale tient au fait que ces projets sont pilotés par des promoteurs qui n'élaborent que peu de projets et, très souvent, n'en élaborent qu'un seul. Or, l'effet structurant qui est l'un des objectifs majeurs de la procédure est en partie lié à son caractère répétitif qui permet aux promoteurs de s'améliorer avec le temps.

On peut donc craindre que les promoteurs industriels qui ne pilotent généralement qu'un seul projet ne bénéficient pas de l'expérience acquise dans d'autres projets et, en particulier, de l'importance d'associer la population. Ils ne pourront donc accéder à un niveau de qualité élevé dans leurs études environnementales. Leurs tentatives seront alors confrontées à des difficultés certaines qui limitent la probabilité de réussite.

Devant cette problématique particulière, deux attitudes sont possibles: la première consiste à introduire une participation statutaire et réglementaire de la population dès le début du processus par l'introduction d'une étape de type "scoping", sous l'égide du BAPE, tel que suggéré par le rapport Lacoste. Une telle éventualité modifiera en substance le rôle des Intervenants, en particulier celui du BAPE, du ministère de l'Environnement et, éventuellement, celui du gouvernement.

D'une procédure de contrôle environnemental impliquant la participation de la population, on s'orientera vers une procédure de gestion de la participation de la population à l'élaboration d'un projet à forte incidence environnementale. C'est une orientation qui nous apparaît non souhaitable à cause de la lourdeur des mécanismes impliqués.

Comme alternative à cette vole, il y a celle du maintien de la procédure selon ses caractéristiques actuelles. Cette procédure permet à un promoteur de tenir compte, dans son projet, des attentes de la population. Les principaux promoteurs publics ont utilisé une telle approche pour parer aux lacunes de la procédure actuelle. Nous croyons qu'une telle approche est beaucoup plus efficace parce qu'elle permet un contact direct entre le promoteur et la population.

Nous ne croyons donc pas qu'il faille imposer l'implication continue de la population dans la préparation d'un projet. Le promoteur doit lui-même comprendre et assumer l'utilité d'une démarche de consultation, en établir les objectifs et les modalités et, éventuellement, supporter les conséquences de ses décisions. Merci de votre attention.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Gravel, Mme et MM. les associés, permettez-moi de vous saluer, de vous remercier d'être présents ici ce soir, de reconnaître aussi dans votre firme des experts de la consultation. On sait que vous êtes habitués aux tâches des programmes d'urbanisme municipaux, et tout le processus de consultation qui s'y rattache fait de vous des gens qui ont certainement passé par le plus de consultations au niveau des municipalités, au niveau des MRC et, bien sûr, à d'autres niveaux industriels aussi.

Donc, vous êtes une firme d'experts reconnue dans la consultation entre le citoyen et un palier de gouvernement qu'on pourra appeler municipal et régional. Dans une partie de votre mémoire, et vous êtes le premier à souligner ça, au fond, vous trouvez que le débat, lorsqu'il prend de l'ampleur médiatique, ne voit jamais la contrepartie. Vous citez les exemples de Laural-co, Glaverbec, et ainsi de suite. Pouvez-vous nous expliquer ça un petit peu, aller un petit peu plus loin que ce que vous avez dit dans votre mémoire?

M. Gravel: Oui. Eh bien, voici. Dans le cas de ces projets-là, c'est qu'ils n'étaient pas soumis à une procédure formelle. Alors, les gens, les groupes environnementaux qui étaient préoccupés d'avoir de l'information ont simplement lancé des cris d'alarme et ils étaient les seuls à discuter. Je pense, entre autres, je crois que c'est dans le cas de Glaverbec, par exemple, où il y a eu tout un ensemble d'énoncés de la part de Greenpeace et, quand les gens ont voulu répondre, Greenpeace n'était pas là et ils ont dû s'adresser à Greenpeace à travers les journaux.

Les journalistes courent après des intervenants et vont poser des questions aux différents maires de la communauté urbaine pour avoir des informations. Alors, c'est un débat qui dégénère parce qu'il n'y a pas de cadre, il n'y a pas de plate-forme, il n'y a pas d'endroit où les groupes environnementaux pourraient s'adresser pour avoir de l'information, où ils pourraient soulever des interrogations, et vice-versa.

Le promoteur privé, en l'occurrence, c'était... Je pense au cas de Glaverbec en particulier; lui ne savait pas diable à quel saint se vouer parce qu'il disait: Écoutez, moi, je suis un promoteur privé. Pourquoi est-ce que j'engagerais un débat et à quel titre j'engagerais un débat, avec qui et en vertu de quels principes et de quels objectifs?

Il se retourne vers les gens qui, somme toute, l'ont incité à venir s'installer dans la région de Québec. Ces gens-là disent: On n'a pas de mandat particulier. Il est dans un parc industriel, bon, alors, tout ce qu'ils peuvent dire c'est que ça a été accepté par la population dans le cadre d'un processus de planification. Mais, soudainement, la population se pose des questions, elle aussi, et elle dit: Tiens, on a déjà accepté. On ne savait pas qu'on avait accepté une semblable activité. Alors, tout cela se met à flotter et, actuellement, c'est ce que nous déplorons. C'est que dans ce genre de situation il n'y a pas de responsabilité. On dit simplement: Que les gens se battent entre eux et s'entredé-chirent.

M. Maltais: M. Gravel, vous semblez dire dans votre mémoire que, finalement, au niveau, par exemple, du zonage industriel ou du zonage tout court, il y a eu beaucoup de consultations.

Par exemple, lorsque, dans un plan de zonage, vous créez un parc industriel dans une municipalité ou dans une ville, finalement, tout le processus de consultation et d'objection a déjà été rendu public. Lorsque, dans ce même parc d'une municipalité ou d'une ville, un industriel vient s'établir, s'il n'est pas soumis aux grandes études d'impacts, vous semblez dire que la consultation a déjà été faite, si j'ai bien compris. Pouvez-vous me donner un petit peu...

M. Gravel: Ça, c'est l'aspect un petit peu ambigu et, justement, c'est ce qu'on a souligné aussi ce soir en le rappelant dans le mémoire. C'est que, suivant les règles du jeu de la loi 125, il n'y a pas de doute. Il y a toute une procédure de consultation publique qui accompagne l'adoption d'un schéma d'aménagement, dans lequel schéma d'aménagement on va établir les endroits qui sont propices pour des fins industrielles. Dans le cadre de cette procédure de consultation publique, la population pourrait s'opposer ou demander des modifications.

Mais ce que l'expérience nous montre, c'est que ça, c'est noyé, cette démarche, en ce qui a trait en particulier aux parcs industriels, que ce soit au niveau du schéma d'aménagement ou au niveau du plan d'urbanisme local. C'est noyé dans tellement d'autres préoccupations que, finalement, il n'y a pas de discussion sur les enjeux propres du parc industriel. Il y a d'autres problèmes aussi, parce que c'est tellement lourd, un schéma régional d'aménagement, ça contient tellement d'éléments que toute l'implication industrielle passe à travers un ensemble d'autres préoccupations et ce n'est pas mis sur la place publique.

Il y a aussi le fait que les citoyens en général sont préoccupés quand ils ont un projet précis. Alors, la probabilité interprétée à partir d'une réglementation que, possiblement, éventuellement, il pourrait y avoir un projet susceptible de les affecter, bien ça, ils ne le voient pas. Alors, concrètement, ce qu'on réalise, c'est que les projets industriels, même s'ils répondent à toutes les exigences des schémas régionaux, des parcs et des plans d'urbanisme locaux, ils doivent encore être soumis à la discussion et à des justifications.

M. Maltais: À la page 7 de votre mémoire - si vous le permettez, M. le Président - vous amenez quelque chose de nouveau, au fond. Vous semblez, dans le milieu de la page... "La première consiste à introduire une participation statutaire et réglementaire de la population dès le début du processus par l'introduction d'une étape de type "scoping" sous l'égide du BAPE, tel que suggéré dans le rapport Lacoste." En fait, si je vous saisis bien - vous pourrez me corriger - il s'agit d'établir les règles du jeu avant de partir, quelle est la participation, quel est le statut consultatif que la population aura, et de l'établir par réglementa-

tion avant le départ des audiences, si je vous comprends bien, là.

M. Gravel: Ça... Veux-tu élaborer?

M. Letarte (Bernard): En fait, ce que nous soulignons là, c'est une des recommandations du rapport Lacoste qui, comme vous le savez, avait manifestement comme mandat de rester à l'intérieur de la réglementation. Il a quand même cru bon de déborder sur deux aspects. Il a dit: Peut-être qu'il devrait y avoir - et c'était une de ses recommandations importantes, donc - il serait important que, dans un premier temps de la procédure, antérieurement, somme toute, à l'établissement de la directive, on ait un contact avec la population pour que celle-ci détermine la nature des enjeux et aussi explique ce qu'elle attend de l'étude d'impact. C'est la procédure, c'est ce qu'on entend par "scoping" et c'est ce que nous avons compris de la recommandation du rapport Lacoste: Rendre cette étape-là, ni plus ni moins, obligatoire, réglementaire et applicable à chacun des projets qui sont soumis à la réglementation. Voilà le fait, disons, qui est établi là.

M. Maltais: Dans votre mémoire, vous ne parlez pas, même un peu, de ce que serait l'incidence du projet de loi fédéral comparé, par exemple, à la définition du rapport Lacoste concernant la réglementation du BAPE. Est-ce que vous avez touché ou regardé quelles pourraient être les conséquences du projet de loi fédéral sur la réglementation actuelle ou, tout au moins, la recommandation que Lacoste fait dans son rapport?

M. Gravel: On l'a regardé ou on ne l'a pas regardé? Bien, on ne l'a pas regardé. Alors, c'est ce que...

M. Letarte: En fait, notre orientation et notre expérience sont liées au déroulement de la procédure québécoise. Évidemment, on pourrait se prononcer sur ce qu'on pourrait penser ou comprendre de la réglementation fédérale ou de la loi fédérale. Maintenant, on ne s'est pas vraiment orientés dans ce sens-là. On livre ce soir, donc, le produit de l'expérience que nous avons par rapport, vraiment, à la procédure québécoise et à ce que nous en comprenons.

M. Maltais: D'accord. Vous ne semblez pas reprocher grand-chose, finalement, à la réglementation du BAPE, hormis... Votre expérience vécue, pour vous, ça a bien fonctionné dans la réglementation actuelle?

M. Letarte: Ce que vous posez, c'est par rapport aux promoteurs avec lesquels nous avons été impliqués, et manifestement c'est deux promoteurs importants, soit le ministère des Transports et Hydro-Québec. De projet en projet, on a constaté effectivement, quant à nous, que l'approche concernant l'environnement, l'approche aussi devant la participation du public se sont améliorées de façon constante. C'est le produit de l'apprentissage de la procédure, dans le fond, sur ces promoteurs.

Ils ont des caractères spéciaux, ces promo teurs. Comme on l'a dit, ce sont des promoteurs publics qui ont plusieurs projets qu'ils élaborent de façon constante, et ils ont effectivement la chance de pouvoir apprendre du processus qui est mis en place par la procédure. Et, dans ce sens-là, nous considérons effectivement que la procédure a atteint ses objectifs. Alors, c'est forts do cette expérience que nous considérons effectivement qu'on peut l'appliquer aux projets industriels. (20 h 30)

M. Gravel: J'ajouterais même que cette expérience-là, d'apprentissage, n'est pas terminée. Entre autres, en rapport avec tout ce qui a trait à la participation des populations, il reste encore énormément de travail à faire de la part des promoteurs. Et les gens cherchent tous - enfin, je dis tous, c'est ceux avec lesquels on tra vaille, que ça soit le ministère des Transports ou Hydro-Québec, ou même dans le cas des municipalités... Tous les responsables cherchent des moyens de mieux saisir ce que veut la population, de mieux connaître les désirs de la population de façon à en tenir compte. Parce que, somme toute, les promoteurs, c'est comme n'importe qui, ils veulent que leurs projets fonctionnent, ils veulent que ça marche. Alors si, pour que leurs projets marchent bien, Ils doivent répondre aux attentes de la population, bien, ils vont faire les efforts requis pour connaître les attentes de la population. Le problème, d'une certain façon... Un des gros problèmes, en ce qui a trait à l'aspect participation des populations, c'est la difficulté de savoir vraiment ce que les gens veulent et, deuxièmement, de tenir compte des consensus, de trouver des façons d'additionner, si on veut, ou de tenir compte de ce que M. X, Y ou Z veut. Il y en a un qui dit: Moi, je préfère des beaux paysages, et l'autre dit: Moi, je préfère la chasse et la pêche, et l'autre préfère l'agriculture. Alors, comment pondérer tout ça? C'est là qu'est le...

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Je vous remercie, M. le Président. Je veux féliciter le groupe Urbatique. Je pense qu'on doit les écouter bien attentivement parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes au Québec qui ont une expérience de 20 ans comme consultants dans le domaine qui nous préoccupe aujourd'hui.

Ma première remarque, c'est en rapport avec votre observation que la procédure actuelle est valable, qu'elle fournit un cadre civili-

se - c'est l'expression que vous utilisez - aux différents Intervenants. Vous n'avez pas de critique fondamentale à l'égard de cette procédure-là. Si je comprends bien, vous ne proposez pas de changements radicaux à cette procédure.

La deuxième observation que vous faites, qui m'intéresse beaucoup, c'est quand vous dites: Grâce à cette dernière caractéristique sur la procédure, Hydro-Québec et les Transports ont amélioré leurs projets au cours des années. Ça mérite d'être polycopié, cette observation-là, et d'être transmis à beaucoup de monde parce qu'il y a bien des gens qui ont peur de la procédure. C'est tellement vrai que, cet après-midi, quand un certain groupe nous faisait un peu le procès de la procédure actuelle, l'accusant d'être trop longue et d'amener à des confrontations inutiles, à la paralysie, l'immobilisme - c'est l'expression qu'on utilisait - quand on a demandé des exemples à ces gens-là, ils nous ont cité l'exemple de Ciment Saint-Laurent qui n'avait rien à voir avec la procédure, qui avait été justement en dehors des cadres de la procédure, vous le savez très bien.

Alors, il y a une grande confusion. Et, moi, je retiens que des gens qui ont la vraie expérience comme vous l'avez... Vous êtes d'avis que la procédure est valable, qu'elle offre ce cadre civilisé et que les gens apprennent à mieux s'en servir. Vous donnez les deux exemples: Transports et Hydro-Québec.

Deuxièmement... Là, je voudrais que vous élaboriez un peu, c'est intéressant. Je ne pense pas l'avoir vu ailleurs dans d'autres mémoires. Vous dites: Pour éviter qu'une entreprise particulière n'ait à défendre une politique de développement industriel en lieu et place du gouvernement, celui-ci pourrait le faire, en tenant compte des implications environnementales, lors de l'élaboration de sa politique et en procédant à des consultations publiques. Au fond, vous dites: Ce n'est pas à un entrepreneur ou à un promoteur privé, lorsqu'il est, comme c'est le cas souvent, lourdement financé par des fonds publics, de venir défendre cette politique industrielle. Moi, je m'arrête à cette remarque que vous faites que je trouve très pertinente et je vous demande de nous en parler un petit peu plus. Qui ferait cette consultation publique pour demander au gouvernement de défendre lui-même sa politique industrielle, au lieu de la faire défendre par un promoteur privé?

M. Gravel: En fait, vous me demandez comment ça devrait être fait. D'abord, il faudrait que ce soit connu clairement, c'est la première exigence. Je peux repartir des expériences régionales que nous avons parce que l'expérience de bureau, nous, c'est plus près des gouvernements locaux. On travaille avec les municipalités et les municipalités sont regroupées en MRC. Les MRC font face à la même problématique qu'un gouvernement, quel qu'il soit, elles doivent se préoccuper de bien-être et de développement économique. Elles doivent adopter des politiques en rapport avec ça, qui se traduisent en rapport avec ces objectifs, qui se traduisent en aménagement de territoire.

Alors, nous, on soulève... Évidemment, ça se fait de soulever les enjeux et les objectifs du développement dans un territoire donné et amener les gens à décider. Je pourrais citer des cas où ça se pose de façon très concrète. On dit: Voici, ici on a un espace - je pense, entre autres, à une municipalité dans le comté de Charlevoix. Ils ont un magnifique espace à développer qui est résiduel; c'est tout ce qui leur reste. Ils disent: On peut s'en servir pour du logement à loyer modique, on peut s'en servir pour des résidences secondaires, pour des auberges - il y a un choix - ou on peut s'en servir pour des résidents. Alors, il y a un choix à faire, il y a une décision à prendre qui est fonction de leurs objectifs.

À un autre niveau, ça devient plus difficile. Pensons, par exemple, au cas récent des alumine-ries au Québec. On ne peut pas demander à une aluminerie en particulier qu'on a invité à venir ou incité à venir au Québec de justifier toute la politique québécoise en ce qui a trait à l'utilisation alternative des ressources hydroélectriques. Ça, ce serait un cas où il faudrait qu'il y ait un débat public qui ne peut pas se faire avec un promoteur, que ce soit Lauralco ou n'importe qui.

M. Lazure: Moi, je suis bien d'accord avec votre suggestion que c'est le gouvernement qui devrait, sur la place publique, expliquer sa politique industrielle. Mais je reviens à ma question: Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire? De quelle façon? Ça peut être fait dans une commission parlementaire, mais ce n'est pas ce qu'on appelle un grand débat public, une commission parlementaire. Est-ce que vous voyez des façons de le faire?

M. Gravel: Tout de suite, là, je vous avoue que je ne me suis pas posé ce problème-là.

M. Lazure: Bon!

M. Letarte: On peut prendre peut-être des exemples en cours, les consultations qui sont faites au niveau de l'aménagement des forêts et qui ont été quand même initiées à ce moment-là par le ministère des terres et forêts... de l'Énergie et des Ressources quant à l'utilisation de toute la ressource forêt. Effectivement, comme vous le dites, si vous soulevez la commission parlementaire, ça peut être une étape. C'est un processus qui peut impliquer un certain nombre d'étapes, dont la commission parlementaire, dont aussi le ministère de l'Industrie et du Commerce. Alors, c'est à ces ministres et à ces organisations à prendre ni plus ni moins le micro et à élaborer, comme dit M. Gravel, d'abord une

politique, c'est un premier élément. On a, à titre d'exemple, la politique du cap environnemental du ministère de l'Environnement, qui a quand même fait l'objet d'un processus d'élaboration et d'une consultation. On pourrait avoir la même chose sur les industries.

M. Gravel: Le plus loin que j'irais là-dedans... Ça ne m'apparaît pas piégé, mais il y a une difficulté de dire: Est-ce qu'il y a une recette? Moi, je dirais que toute cette question-là se situe dans une perspective, j'oserais dire, culturelle ou de savoir-vivre social. Il faudrait que les journalistes soient assez avertis et capables - je dis "journalistes" au sens large - de se prononcer de façon intelligente sur des politiques de développement industriel. Il faudrait que les gens dans les universités, qui ont les compétences voulues, soient à l'affût et se prononcent. Il faudrait qu'il y ait des responsables dans la société qui prennent position. Il faudrait que l'ensemble de la société soit préoccupé de développement économique et qu'il y ait une discussion qui s'engage qui soit équilibrée entre les perspectives de bien-être et les perspectives de développement économique. Actuellement, au Québec, c'est en train de se faire, mais je dirais que la difficulté vient du fait - et ça on le voit dans les schémas d'aménagement et c'est clair et net à 99, 9999 % - que toutes les préoccupations sont des préoccupations de bien-être. Ce n'est pas parce que les gens sont contre les aspects économiques ou le développement économique, mais on n'a pas une culture économique au Québec. Elle est en train de se faire.

M. Lazure: Votre collègue a fait allusion au débat qui se tient actuellement concernant la politique des forêts. Est-ce que vous imaginez le Bureau d'audiences publiques faisant un débat semblable sur une politique industrielle?

M. Letarte: Je dois dire, personnellement, que ça fait partie, effectivement, des moyens qui sont tout à fait acceptables.

M. Lazure: Dernière question. Comme bien d'autres vous proposez que le public soit associé le plus rapidement possible dans le processus. À quelle étape suggérez-vous que le public soit impliqué?

M. Gravel: Nous, notre façon de voir là-dedans, c'est de dire que le promoteur soit responsable, lui, d'impliquer le public, plutôt que d'en faire une responsabilité gouvernementale. Alors, par exemple, dans le cas d'Hydro-Québec, les gens savent qu'Hydro-Québec sait très bien qu'elle aura à - je dis "convaincre" la population - présenter à la population ses positions et à tenir compte des besoins, des volontés et des désirs de la population.

Alors, le promoteur, lui, se prépare. C'est tout à fait semblable à une entreprise qui dit: Je veux mettre un produit sur le marché. Bien, on fait une étude de marché. Alors, dans une certaine mesure - je mets ça entre guillemets - la participation de la population dans ces projets-là peut être assimilée - je le dis encore entre guillemets - à une procédure de l'étude de marché où on va chercher ce que tes gens veulent, dans quelle mesure ils le veulent, et quels sont les éléments importants pour eux, par exemple, en environnement.

Si je pense à des lignes de transport d'énergie électrique, on dit: II y a des aspects visuels, il y a des aspects biophysiques, II y a des aspects agricoles. Alors, c'est quoi l'importance relative de tout ça? C'est quoi les priorités dans une région donnée? Comment ça va affecter les gens? Qu'est-ce que les gens sont susceptibles de privilégier? Le promoteur du projet, lui, a la responsabilité d'en tenir compte dans son projet et de se donner les moyens pour aller saisir auprès de la population quelles sont les attentes de la population.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les gens du groupe Urbatique d'être venus devant la commission et j'invite maintenant Les Amis de la vallée du Saint-Laurent à prendre place en leur disant qu'ils ont une demi-heure. J'invite M. André Stainier, président, à nous présenter son groupe. Il a 10 minutes pour exposer son mémoire. Il y aura 10 minutes pour le parti ministériel et 10 minutes pour le parti de l'Opposition Alors, M. Stainier.

Les Amis de la vallée du Saint-Laurent

M. Stainier (André): Merci, M. le Président. Merci de nous donner l'occasion de présenter quelques considérations à cette importante commission sur l'évaluation des impacts sur l'environnement. Je vous présente tout d'abord les personnes qui m'accompagnent: à ma droite ici, M. Gaston Cadrin, qui est membre des Amis de la vallée du Saint-Laurent et président du groupe Giram, Groupe d'Intervention et de recherche en aménagement du milieu; à ma gauche, Mme Nicole Guilbeault, de notre conseil d'administration; M. Jacques Noël, également membre du conseil d'administration des Amis de la vallée du Saint-Laurent; derrière lui, M. Réal Laliberté, également membre du conseil d'administration des Amis de la vallée du Saint-Laurent, moi-même étant président de ce groupe. (20 h 45)

Les Amis de la vallée du Saint-Laurent est un organisme incorporé, sans but lucratif, voué à la protection et à la promotion des sites, des paysages et du patrimoine historique bâti des rives du Saint-Laurent, particulièrement dans les régions administratives de

Québec et de Chaudière-Appalaches.

Les Amis de la vallée du Saint-Laurent considèrent que par leur beauté, leur harmonie et le contact privilégié qu'ils offrent avec la nature et avec l'histoire, les sites, les paysages et le patrimoine historique bâti de la vallée du Saint-Laurent sont des facteurs Importants de richesse culturelle, de qualité et de développement économique aux plans résidentiel, touristique, récréatif.

Notre organisme a été fondé en 1986 sous le nom de Contestension Portneuf-Lotbinière. Il s'est occupé à l'époque de protéger les comtés de Portneuf et de Lotbinière, et particulièrement la vallée du Saint-Laurent dans ces régions contre les dommages environnementaux causés par le projet de ligne électrique à haute tension Radisson-Nicolet-Des Cantons d'Hydro-Québec.

Nous présentons tout d'abord quelques grands principes généraux qui rassortent plus particulièrement pour nous de l'expérience que nous avons. Vous remarquerez que ces grands principes recoupent plusieurs de ceux mis en évidence par le comité Lacoste dans son rapport. En fait, je le dis tout de suite, notre grande conclusion, celle qui fait la synthèse de tout ce que nous avons à dire à ce moment de la vie du Québec, est qu'il faut, sans plus tarder, mettre en application les recommandations du rapport Lacoste.

Ces recommandations forment, à notre avis, un ensemble, particulièrement topique, complet, bien structuré, pragmatique et réaliste, apte à apporter les améliorations, à introduire les progrès dont le Québec a actuellement besoin et qu'il est en mesure d'adopter en matière d'évaluation environnementale.

Détaillons maintenant les principes généraux que nous voulons plus particulièrement mettre en évidence. Selon nous, l'examen et l'évaluation des impacts sur l'environnement doivent tout d'abord porter sur l'ensemble des impacts, soit les impacts sur l'environnement naturel, l'environnement économique, l'environnement social et cela, tant au niveau national qu'aux niveaux régional et local, il s'agit, en fait, de pouvoir mettre en balance l'ensemble des avantages et des inconvénients de ce qu'on évalue pour l'environnement naturel, économique et social du pays, des régions et des localités touchées.

Deuxième principe. L'évaluation et l'examen doivent se faire à un stade de la planification qui permet de planifier en fonction du meilleur effet environnemental d'ensemble. Et pour cela, la considération de l'effet environnemental doit commencer dès les premiers stades de la planification et doit influencer celle-ci. En d'autres mots, on doit examiner et évaluer les impacts sur l'environnement pour mieux planifier et non pas pour mieux opérationnaliser quelque chose qui est déjà planifié. Cela signifie aussi que l'examen et l'évaluation des impacts sur l'environnement doivent porter sur les politiques et les program- mes de développement et pas seulement sur les projets particuliers qui mettent ces politiques et ces programmes en oeuvre.

Troisième principe. L'examen et l'évaluation doivent se faire en tenant compte du cumul des effets sur l'environnement de l'ensemble dans lequel ce qu'on évalue s'insère historiquement ou géographiquement.

Ils doivent aussi pouvoir conduire au rejet du projet ou du programme évalué, ou à sa transformation substantielle, et pas seulement à des modifications non substantielles ou à l'acceptation pure et simple. Ils doivent aussi, d'ailleurs, offrir des alternatives. On constate souvent que le promoteur ne présente qu'une option, celle par hasard, qui correspond le mieux à ses intérêts, alors qu'il y a d'autres options possibles qui pourraient être plus avantageuses pour l'environnement.

L'examen et l'évaluation des impacts doivent aussi se faire avec les populations concernées par l'environnement naturel, économique ou social touché. Il faut reconnaître ces populations comme représentant et défendant les intérêts liés à cet environnement, intérêts reconnus comme devant être pris en compte.

Enfin, ils doivent se faire en prenant en considération chaque région et chaque localité ou unité territoriale de façon distincte et particulière quant à ceux de ses intérêts liés à son environnement.

Bref, au plan général, la perspective doit en être une de planification du développement intégrant la considération des effets de ce qu'on évalue sur l'environnement comme faisant partie du développement à planifier. La perspective doit aussi en être une de concertation dans ta planification, concertation entre les porteurs des intérêts servis directement par le projet ou le programme qu'on évalue et les porteurs des intérêts de l'environnement touché.

Ceci nous paraît particulièrement important et synthétisant bien ce qu'il y a à dire en ce domaine: Tout projet ou programme doit s'insérer dans une perspective de développement global, perspective qui doit être portée par l'ensemble des intérêts concernés. On a trop tendance à séparer, non seulement à distinguer, mais vraiment à séparer et à isoler le problème environnemental comme ne faisant pas partie du problème du développement ou de la planification et encore moins, pense-t-on, que la population a quelque chose à dire à un plan de concertation, et non pas simplement de se faire entendre par mode d'une consultation faite après que les décisions ont déjà été prises.

Ces opinions sur les principes généraux à retenir plus particulièrement nous amènent à appuyer plus spécialement les recommandations 1 à 9 et 33, pour être précis, du rapport Lacoste et, en fait, plus largement, l'ensemble des recommandations rassemblées sous les titres: Rendre plus générale la pratique d'évaluation

environnementale, Introduire les préoccupations environnementales dès les premiers stades de la planification d'un projet - je reprends donc, là, les titres mêmes de la synthèse du rapport Lacoste - Mieux informer le public au tout début des projets et augmenter les occasions qu'il a d'intervenir, et, enfin, Assujettir les projets conformément à la finalité de la procédure.

De ces principes généraux, nous tirons quelques conséquences. Nous sommes d'avis que tous les projets pouvant avoir un impact significatif sur l'environnement devraient être soumis à la procédure prévue par la loi, et particulièrement tous les types de projets énumérés à l'article 2 du règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement. Cette recommandation nous paraît majeure. Elle est d'ailleurs reprise au rapport Lacoste. La soustraction actuelle des projets industriels et autres les plus importants annule presque l'effet visé par la réglementation. C'est comme s'il y avait deux environnements et que le public ne pouvait s'occuper que du moins important de ces deux environnements.

Deuxième conséquence pratique. Le ministre ou le gouvernement ne devrait pas pouvoir restreindre le mandat d'enquête et d'audience donné au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement en matière d'impact d'un projet sur l'environnement. Et là aussi nous reprenons une recommandation du rapport. Par exemple, en 1986, le ministre avait interdit au BAPE d'examiner la question des corridors de traversée du Saint-Laurent par la ligne Radisson-Nicolet-Des Cantons et lui avait enjoint de se limiter au mode de traversée dans le corridor déjà décidé. Nous avions d'ailleurs contesté cette décision du ministre. En fait, elle remontait déjà pas mal loin car un an et demi auparavant le gouvernement, par décret, avait décidé de l'aspect le plus important au point de vue environnemental de ce projet, le corridor de parcours de la ligne Radisson-Nicolet-Des Cantons. On en avait décidé, par décret, après une étude à huis clos entre hauts fonctionnaires de cinq ministères.

Autre conséquence. La population devrait être informée de l'avis de projet et associée à l'élaboration de la directive indiquant les impacts et les possibilités d'impact à étudier, compte tenu des particularités du projet, ce qui est aussi recommandé par le rapport Lacoste. Sans cela, en fait, on piège la population. Ainsi, lors de Radisson-Nicolet-Des Cantons, la première annonce, la première annonce qui a été faite du projet à la population s'accompagnait de la mention explicite que tout est déjà décidé. Nous voulons avoir votre avis sur des aspects mineurs du projet seulement.

Autre conséquence encore. Les groupes émanant de la population, tels les organismes à but non lucratif, devraient voir des ressources financières, techniques et humaines mises à leur disposition pour la préparation de leur participa- tion au processus d'examen et d'évaluation des impacts sur l'environnement. C'est aussi une recommandation du rapport Lacoste.

Nous pouvons dire que l'on pourrait s'Inspirer de la formule convenue entre Hydro-Québec et Contestension Portneuf-Lotbinlère. Cette formule avait été: le dépôt par Hydro-Québec d'une somme en fiducie dont les intérêts permettent de financer les activités de surveillance et de protection de l'environnement touché par le projet, somme qui pourrait également être versée à l'organisme en cas de non-respect par HydroQuébec de ses engagements environnementaux, pour financer des poursuites et autres actions. Une adaptation de cette formule pourrait être: le dépôt par le promoteur d'un capital en fiducie jusqu'à la totale exécution de ses obligations environnementales, versement des Intérêts pro duits entre-temps dans un fonds destiné à rembourser au gouvernement les sommes ou une partie des sommes que celui-ci aura allouées aux groupes participant au processus, la retenue du capital en cas de non-exécution des obligations environnementales dans le but de financer, précisément, des poursuites ou autres actions que la population voudrait entreprendre pour la défense de ses intérêts environnementaux non respectés tel qu'entendu.

Pour terminer, je voudrais signaler deux particularités en raison de leur importance en matière environnementale et en raison de l'intérêt que nous portons à ses objets. C'est tout d'abord la nécessité d'intégrer, dans l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, la considération des effets et du cumul des effets sur les paysages, les sites et le patrimoine bâti considérés en tant que facteurs de richesse culturelle, de qualité de vie et de développement économique aux plans résidentiel, touristique et récréatif.

D'autre part, c'est l'opportunité, nous semble-t-il, d'accorder à la vallée du Saint-Laurent, c'est-à-dire le fleuve et son enveloppe visuelle, un statut de territoire environnemental particulier dans lequel il serait d'avance entendu que les projets doivent respecter certaines normes spécifiques qui seraient en accord avec les valeurs environnementales uniques et capitales, d'ordre naturel, historique et esthétique de ce territoire. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Comme vous avez pris quinze minutes pour votre présentation, il reste sept minutes et demie pour chaque parti. M. le député de Lotbinlère. (21 heures)

M. Camden: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais peut-être d'abord remercier M. Stainier, à titre de président des Amis de la vallée du Saint-Laurent, de la présentation de son mémoire. Je suis, évidemment, à même de témoigner de l'à-propos de certains éléments

dont il nous a fait part ce soir et plus particulièrement des situations auxquelles il a été confronté, particulièrement à l'égard de la ligne Radisson-Nicolet-Des Cantons. Mais peut-être d'une façon plus précise j'aimerais que vous me précisiez, pour fins de compréhension, M. Stainier, à l'égard de la considération des paysages, sites et patrimoines bâtis... C'est une de vos principales recommandations de voir à intégrer des mesures qui permettraient d'évaluer les impacts réels sur ces sites et paysages et, également, le patrimoine. Est-ce que l'ensemble de ces projets qui peuvent avoir un impact significatif sur l'environnement... Vous dites que ça devrait être soumis à la procédure. Qu'est-ce que vous entendez par un impact significatif sur l'environnement? Qu'est-ce que votre organisme définit ou Identifie comme étant un Impact significatif sur l'environnement?

M. Stainier: Bien, ce serait un impact dont on peut évaluer, sur des bases objectives, qu'il va influencer soit la qualité de vie de la région dans le domaine, par exemple, de l'environnement visuel, soit le potentiel récréo-touristique dans le cas, par exemple, du patrimoine bâti ou des sites qui sont attracteurs de villégiateurs ou de touristes. Le significatif est à la mesure des effets que cela risque d'avoir, compte tenu d'une analyse objectivement fondée sur la vie et le développement de la région où l'on se situe. Je pense que le significatif n'est pas, ici, une notion subjective ou... C'est vraiment en relation avec les effets de type social ou économique et non pas simplement au niveau de la sensibilité que l'on peut vraiment objectiver les choses et se rendre compte que ces valeurs de type plus suggestif ont des impacts sociaux et économiques. Je ne sais pas si M. Cadrin voudrait compléter, justement.

M. Cadrin (Gaston): Peut-être qu'on peut donner un exemple. Dans le cas de Lauralco, par exemple, à Deschambault, quel va être l'impact? C'est sûr qu'on n'a pas analysé tellement l'impact direct de l'entreprise, là. On sait que ça n'a pas été soumis à l'évaluation environnementale. Mais si on prend sur le plan, par exemple, de la question que vous posez concernant les paysages de la vallée du Saint-Laurent, ça va être quoi l'impact sur le patrimoine de Deschambault, qui est un superbe village, qui a des beaux points de vue sur le fleuve, avec l'urbanisation que va entraîner l'entreprise? Ça a parfois des effets indirects d'avoir une implantation comme celle-là dans un milieu qui est très rural, qui a une belle Intégrité au niveau du paysage et ce sont, je pense, des éléments qu'il faut considérer.

Actuellement, si vous allez, par exemple, au ministère de l'Environnement, ils sont très peu équipés, finalement, dans les directives, pour spécifier ce qu'il faut protéger sur le plan des paysages, sur le plan de l'environnement visuel aussi. Donc, il y aurait sûrement lieu de procéder à un cadre d'analyse beaucoup plus précis et c'est dans ce sens-là qu'il est proposé qu'il va falloir dans l'avenir... Je pense que Les Amis de la vallée du Saint-Laurent vont arriver avec une proposition très bientôt faisant en sorte que le fleuve soit considéré comme un patrimoine national et qu'il y ait, justement, des mécanismes ou une meilleure coordination entre les ministères.

Je vais vous donner un autre exemple. Dans le cas, par exemple, de la ligne Radisson-Nicolet-Des Cantons, on a demandé aux Affaires culturelles: Qu'est-ce qu'il y a de patrimoine dans le secteur de Lotbinière ou dans le secteur de Grondines? Bon, ils ont regardé leurs maisons classées et ils ont dit: "Ah! la ligne aérienne va passer assez loin. Il n'y a pas de problème, vous pouvez passer." Est-ce que c'est ça, une protection du paysage, une protection de l'environnement bâti au Québec, dans un paysage qui est distinctrf? On dit qu'on est distinctif sur le plan culturel, mais on l'est aussi sur le plan de l'habitat et si on ne fait rien pour protéger cet habitat-là lorsqu'il arrive des projets industriels majeurs, très perturbants pour cet environnement-là, paysager et visuel, il ne restera plus grand-chose sur le plan touristique, pour les générations à venir, à montrer en bordure du Saint-Laurent.

M. Camden: Merci. Je reviendrai. On me dit qu'il me reste quoi?

Une voix: Deux minutes.

Le Président (M. Garon): M. le député de Lotbinière.

M. Camden: Deux minutes? Je vais les garder peut-être pour la fin.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux rendre hommage aux Amis de la vallée du Saint-Laurent. Dans un sens, on est un peu des frères ou des cousins puisque je suis député du comté de La Prairie, avec trois municipalités qui longent le Saint-Laurent.

Juste pour continuer là-dessus, est-ce que vous connaissez des fleuves ou des rivières qui ont ce statut environnemental particulier dont vous parliez tantôt? Moi, je trouve ça intéressant comme idée. Est-ce que le Nil ou le Rhin ont des statuts environnementaux particuliers?

M. Stainier: M. Cadrin va peut-être pouvoir répondre plus précisément que moi, mais ce qui me frappe c'est que de plus en plus... Ce qu'on sait c'est qu'en France, par exemple, des fleuves sont administrés par des comités de bassins. On

parle plus de bassins là que seulement du fleuve, et c'est des comités issus de la population qui gèrent l'ensemble de ce qui va se passer dans le bassin hydrographique d'un fleuve.

Ce que je sais aussi c'est que les associations, les colloques, les congrès sur les fleuves se multiplient. Il y en a un à Orléans le mois prochain, il y en a un autre à Lyon - pour ne parler que de la France - en décembre. Manifestement, c'est une préoccupation que l'on a. Ici au Québec, il faut quand môme remarquer que le gouvernement du Québec a estimé devoir créer le parc du Saguenay. Je ne parle pas du parc marin qui est plus récent et qui est différent, mais il y a ce parc administré par le MLCP, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, qui protège, assure une certaine protection sur l'ensemble de la vallée du Saguenay. M. Cadrin peut-être...

M. Cadrin: Bien, je ne connais pas de fleuves qui sont classés comme tels. Cependant, comme a dit M. Stainier, en France, il y a des comités de bassins, mais il y a aussi des contrats de rivières. Il y a une concertation dans l'aménagement des bassins fluviaux. Aussi, je dois ajouter que dans le plan vert français qui est sorti l'an passé, il y a à peu près un an, le paysage apparaît vraiment comme un élément qui est intégré à l'environnement, alors qu'au Québec, cherchez le paysage, hein? Nulle part... Il n'y a personne qui se préoccupe du paysage, que ce soit les Affaires culturelles ou que ce soit le ministère de l'Environnement, il n'y a personne qui a la mission spécifique de protéger notre paysage qui est unique en Amérique du Nord, ne serait-ce que... On pourra vous donner bien des éléments qui en font un paysage unique. Vous les connaissez probablement aussi pour la plupart, ces éléments-là.

M. Lazure: En tout cas je suis très sympathique à cette idée parce que c'est un fait, le Saint-Laurent a occupé une telle place dans notre histoire, a joué un rôle si grand. Et, en plus de sa beauté naturelle, il évoque tellement de choses pour nous que c'est un peu dommage de laisser aller tout l'aspect paysage. Vous avez raison. En tout cas, dans la région de Montréal, cherchez les paysages du Saint-Laurent qui ont été épargnés. Il n'y en a pas beaucoup. Dans la région de Québec, vous êtes plus privilégiés.

Une question concernant l'approbation des projets. Vous dites que l'examen d'évaluation des impacts sur l'environnement doit pouvoir conduire au rejet du projet ou du programme évalué, ou à sa transformation substantielle. Mais ça peut se faire actuellement. Est-ce que vous en doutez ou quoi? Ça peut se faire.

M. Stainier: Oui, oui. Je n'en doute pas dans cette enceinte-ci, parce que nous sommes au niveau de la procédure. La procédure le permet. Mais dans la pratique, dans la réalité, l'exemple évidemment le plus énorme pour nous, c'est Radisson-NIcolet-Des Cantons, qui était peut-être un projet particulier, mais il reste qu'il n'était absolument pas question non seulement d'annuler le projet Radlsson-NIcolet-Des Cantons, mais même de modifier son corridor pour l'essentiel. Je pense sincèrement que bien d'autres projets soumis ainsi à l'évaluation environnementale le sont dans l'esprit, et avec les pressions qu'il faut pour que l'esprit passe, qu'il ne s'agit pas de vouloir le contester sur le fond, mais seulement de l'aménager sur les modalités. Il faut certainement améliorer les choses de ce point de vue.

Je pense que... Une autre recommandation que nous faisons touche au même objet, c'est de saisir la population dès le début d'un projet, dès le stade, ici, de l'avis de projet, pour être dans la procédure actuelle, de même que prévoir de l'évaluation environnementale dès le stade de planification ou de conception soit du projet, soit des programmes. À ce moment-là, il y aura réellement une possibilité d'option zéro. Actuellement, dans la pratique, je ne pense pas que la plupart du temps ce soit réellement ou politiquement possible.

Le Président (M. Garon): M. le député de Dubuc.

M. Morin: Oui, merci M. le Président. Considérant que... De par le contenu de votre mémoire, vous vous préoccupez beaucoup, disons, du niveau environnement paysager ou visuel. Considérant que vous avez touché aussi le projet du parc marin, seriez-vous en mesure de nous dire comment vous voyez l'harmonisation du parc marin, pour la partie située sur le fleuve Saint-Laurent, et les rives du fleuve Saint-Laurent? On sait que quand on parle de protection de l'environnement naturel paysager... Je ne sais pas, ce n'était pas dans votre mémoire, mais, comme vous y avez fait référence, j'aimerais avoir peut-être un peu votre vision des choses sur les possibilités d'harmoniser le développement du parc marin - évidemment, secteur marin, bien sûr - avec la partie terrestre du fleuve qui, elle, n'est pas parc.

M. Stainier: M. Cadrin, qui a plus travaillé l'ensemble de la vallée que nous, dans son métier de géographe et d'expert, pourrait peut-être vous répondre.

M. Cadrin: Disons que je n'ai pas analysé spécifiquement ce cas-là. Je sais qu'il y a eu des audiences publiques concernant le parc marin. Nous autres, on n'a pas proposé de mémoire en particulier. Mais ce à quoi vous faites allusion, si je comprends bien, c'est, finalement, comment on peut intégrer, dans ce secteur-là, l'aspect biophysique, la faune, les mammifères marins

avec aussi le paysage côtier, les villages et la population qui vit dans cet environnement-là.

Je dois vous dire tout de suite que, de prime abord, le paysage auquel vous faites allusion, ce n'est sûrement pas le plus massacré au Québec. Alors, déjà c'est un bon point; c'est peut-être plus possible de voir à cette intégration-là. D'ailleurs, la région de Charlevoix est reconnue par l'UNESCO, au niveau de territoire de la biosphère. Alors, déjà, je pense qu'il y a des balises. Le fait d'avoir reconnu ce territoire-là, je pense que c'est parce qu'il y avait un potentiel, il y avait des éléments intéressants. Je pense que le parc marin devrait consolider ou tenir compte de tous ces éléments-là, avoir une vue globale, une vue intégrée. Ce qu'on reproche souvent lorsque arrivent des projets, c'est qu'il n'y a pas de vue globale. On n'insère pas les projets dans un contexte d'ensemble où tous les éléments biophysiques humains sont considérés. On appelle ça l'écosystème global. C'est pour ça que... Ce n'est pas toujours évident qu'on le fait actuellement dans les projets industriels.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le député de Lotbinière, vous avez trois minutes.

M. Camden: Trois minutes. Merci, M. le Président. Un point qui a attiré mon attention dans votre mémoire est celui, plus particulièrement, des groupes qui auraient à défendre des positions à l'égard de projets bien particuliers. Est-ce que vous pourriez peut-être m'indiquer d'une façon plus claire, à l'égard de cette aide financière, quels seraient les groupes qui pourraient... comment on les rendrait éligibles, par le fait même, à ce financement et d'où proviendrait également ce financement, si on exclut, par exemple, les cas d'Hydro-Québec ou, enfin, du gouvernement du Québec?

M. Stainier: Le financement proviendrait des promoteurs qui auraient à faire un dépôt proportionnel à l'ampleur du projet - un dépôt et non pas un don - qui a deux raisons d'être. Première raison d'être: c'est un devoir social, je dirais, que de favoriser la participation de la population au processus démocratiquement décidé ici au Québec, que la population participe à ces choses-là, à l'évaluation environnementale; d'autre part, c'est aussi - ce qui n'existe pas - une forme quelconque, enfin, une forme de garantie vis-à-vis du respect des obligations environnementales.

Je pense que ce n'est un secret pour personne que les recommandations, non pas les recommandations du BAPE, mais les décisions prises après les audiences publiques par le ministère de l'Environnement - il faudra respecter ceci, ceci, ceci - ne sont pas l'objet d'une très grande vérification. Les promoteurs doivent savoir qu'ils seront tenus de respecter ce que le gouvernement décidera qui doit être fait en matière environnementale. Une des bonnes façons d'y faire attention, c'est d'avoir cette perspective d'argent qui risque d'être perdu. (21 h 15)

Donc, nous, on parle d'argent venant des promoteurs au pourcentage du projet et nous en donnons deux raisons d'être. A qui serait-il attribué, comme je le disais, comme nous l'avons écrit? Cet argent serait versé dans un fonds alimenté, par ailleurs, aussi par le gouvernement éventuellement et, en tout cas, géré indépendamment des promoteurs. Il serait attribué à tout groupe qui se qualifierait pour intervenir de façon justifiée dans un processus de consultation. Alors, la loi étant très large au Québec, tout citoyen participant à l'intérêt public... Ces critères ne devraient évidemment pas être trop étroits. Mais à partir du moment où un groupe se qualifie, de la même façon qu'il se qualifie pour des subventions ou pour des reconnaissances ou pour être invité à une commission parlementaire, etc., je ne pense pas que ça devrait poser un bien gros problème que celui de la qualification des groupes.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie Les Amis de la vallée du Saint-Laurent d'être venus rencontrer les membres de la commission. Comme le temps dévolu à votre mémoire est écoulé, je vais demander à l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts de venir prendre votre place à la table afin de présenter leur mémoire avec M. Luc Ouimet comme président fondateur, qui pourra nous présenter les gens qui l'accompagnent. Là, il s'agit d'un temps alloué d'une heure, c'est-à-dire 20 minutes au maximum pour votre présentation, 20 minutes pour le parti ministériel, 20 minutes pour l'Opposition.

Je dirai aux membres que vous y gagnez à être brefs un peu dans vos réponses parce que si vous êtes trop longs, comme on est obligé de céduler un temps limité, à ce moment-là, les gens ne peuvent pas vous poser autant de questions comme ils aimeraient le faire. Si vous voulez répondre plus longuement... Ça fait qu'il y a moins de sujets que les gens de la commission aimeraient toucher qui sont touchés quand les réponses sont plus longues.

Association québécoise pour l'évaluation d'impacts

M. Ouimet (Luc): Je vous remercie, M. le Président. Mesdames et messieurs, comme il était prévu, il devait y avoir d'autres membres à la table pour m'accompagner. Je vous présente M. Yvan Biron, même si c'est marqué M. Yvan Boivin, qui était avant de la firme Lavery O'Brien, mais qui est rendu maintenant Lavery...

M. Biron (Yvan): De Billy. C'est depuis cette semaine que nous sommes fusionnés avec Gagnon-De Billy de Québec.

M. Ouimet: II y avait M. Lamoureux de Dimension Environnement qui venait du Lac-Saint-Jean et M. Laroche de la CSN qui venait de l'Outaouais. Je constate qu'ils ne sont pas avec nous ce soir. Par contre, dans la salle, nous avons plusieurs membres de l'Association, aussi bien de l'Université Laval, du ministère des Forêts, du Groupe Dryade, du groupe Urbatique, du ministère de l'Environnement, quelques autres qui sont intéressés à devenir membre, et du ministère des Transports.

Donc, cela illustre que l'Association québécoise de l'évaluation d'impacts veut regrouper toutes les personnes intéressées par l'utilisation de l'évaluation d'impacts, en particulier, à l'intérieur des processus de planification et de prise de décision et, d'une façon générale, non seulement à l'intérieur des procédures réglementées, mais à l'intérieur, également, d'une action non réglementée... qu'ils soient à l'intérieur de la planification d'action de ministères ou d'entreprises privées.

Comme nos objectifs sont également de procéder à l'amélioration des méthodes d'évaluation d'impacts et à leur utilisation, l'essentiel de notre mémoire porte là-dessus. Évidemment, l'évaluation d'impacts - je viens de le mentionner - c'est plus que simplement la procédure d'évaluation d'impacts. La procédure d'examen d'évaluation d'impacts a des exigences particulières, mais c'est une méthode de planification qui va être de plus en plus utilisée particulièrement dans les sociétés modernes et pour peu que l'on est conscient des effets du passé sur les modèles de développement et que l'on veut maintenant essayer de prévenir les effets sur les ressources, sur le milieu ou sur les personnes des effets du développement.

Mais la procédure d'évaluation d'impacts québécoise, comme n'importe quelle procédure... On peut procéder à des améliorations, mais il y a un certain nombre de conditions pour que ça puisse porter ses fruits. Avec la même législation, la même réglementation, on pourrait avoir des approches ou des pratiques administratives qui sont... qui favorisent plus ou moins l'atteinte des objectifs poursuivis par la procédure. Dans ce contexte-là - et je vais y aller en résumé - il y aurait certainement des efforts à faire étant donné le poids particulier, par exemple, que tient le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement dans ces débats publics et du poids important qu'on fait porter aux commissaires. Il y aurait sûrement lieu, étant donné les exigences qu'on a à leur endroit, de voir s'il n'y aurait pas avantage à ce qu'ils soient nommés par l'Assemblée nationale et, un peu selon les procédures américaines, qu'ils répondent à des questions publiques par des commissions, soit de l'Assemblée nationale ou par autre mécanisme.

Comme il ne s'agit pas d'une application mécanique, mais d'une procédure à l'intérieur d'un processus de planification, pour que les gens prennent ça au sérieux, pour que les ministères prennent ça au sérieux, II serait important, quel que soit le gouvernement qui a la responsabilité d'appliquer les procédures, qu'il laisse entendre des messages clairs à l'ensemble des appareils gouvernementaux pour faire des efforts sérieux, non pas de contourner la procédure ou de s'adapter à la procédure pour ne pas en vivre l'esprit, mais évidemment et sans hésitation, l'intégrer dans les pratiques courantes.

De la même manière, un certain nombre d'outils... Quand on applique de nouvelles procédures - même si celle du Québec semble être vieille puisqu'elle a maintenant 10 ans - ça reste quand même des institutions récentes, des pratiques récentes et il y a encore des façons de faire peu en rapport avec la procédure. Il y a donc avantage a développer à l'intention des gestionnaires, d'abord gouvernementaux et ensuite à ceux qui sont soumis à la procédure, des outils qui peuvent favoriser l'application de la procédure. C'est fait dans d'autres milieux, dans d'autres pays, à d'autres paliers de gouvernement et ça pourrait être fait avec avantage également au Québec.

Il serait peut-être utile qu'il y ait des documents de vulgarisation à l'intention du grand public. Si on regarde ce qui s'est passé lors des discours publics, entre autres, à l'occasion du dossier Soligaz, on est étonné que le sens et la portée de la procédure d'évaluation d'Impacts ne soient pas nécessairement partagés de façon claire et unanime par l'ensemble des acteurs et l'ensemble des groupes d'Intérêt de notre société.

Quant aux améliorations qu'il serait possible d'apporter à l'actuelle procédure, si tant est qu'on identifie qu'il serait souhaitable d'en apporter, je pense qu'on ne sera pas la première association à rappeler que la commission Lacoste a fait un certain nombre de travaux, a rencontré un certain nombre de personnes, un certain nombre d'acteurs, a fait un certain nombre de recommandations. On n'a pas eu, à date, officiellement, d'analyses du gouvernement, de ce qu'il entendait donner comme suite à ces recommandations et on pense qu'il y a là une matière très riche d'améliorations sans même procéder à des modifications réglementaires ou législatives.

Par contre, il y a... En particulier on pourrait insister sur, à la fois, les deux bouts de tout l'élément de la procédure qui mériteraient sûrement, dès Immédiatement, qu'on s'attaque sérieusement à leur amélioration. C'est, au tout début, au moment de la directive, ce qu'on appelle en très bon français du "scoping", c'est-à-dire la focalisation des enjeux pour permettre aux gens de déterminer ce qui est pertinent et ce qui devrait être étudié et, à l'autre extrémité de la procédure, c'est celui du suivi, du contrôle des conditions que le Conseil des ministres impose habituellement pour l'implantation d'un projet ou l'adoption d'une technologie. Ce n'est

pas toujours assuré que les conditions imposées par le gouvernement sont appliquées, ce qui contribue parfois à un manque de crédibilité de la part du public envers les projets qui sont présentés et envers les fiabilités universelles des technologies proposées. C'est particulièrement le cas dans des domaines reliés, par exemple, aux déchets dangereux.

Quant aux améliorations plus pointues de la procédure, il nous apparaît que, lorsqu'on veut procéder à des changements réglementaires ou législatifs, il serait imprudent de se livrer à des modifications sans avoir une étude très approfondie de l'effet de telles modifications sur l'ensemble de l'économie d'une procédure. Dans ce sens-là, il serait avantageux d'avoir des hypothèses et d'avoir aussi des analyses d'impacts de telles modifications sur l'ensemble des procédures, sur l'ensemble des objectifs atteints.

En conclusion de cette brève présentation, notre association est convaincue que le processus d'évaluation d'impacts est un processus exigeant, très exigeant par rapport à ceux qui élaborent des projets et pour les décideurs politiques qui doivent émettre, au nom du bien commun, des certificats d'autorisation. C'est en même temps une approche dont on ne saurait se passer pour un État moderne et qui fait en sorte que, si on voulait l'affaiblir ou si on voulait passer un peu à côté, on risquerait de décider, par le fait même, de ne pas être compétitifs avec les autres sociétés qui vont faire un certain nombre d'efforts pour adapter des technologies ou adapter des planifications de projets respectueuses du milieu dans lequel ils oeuvrent. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci. M. le Président. À la page 7 de votre mémoire, premier paragraphe: "Nous estimons qu'il ne serait pas souhaitable que la commission veuille statuer sur l'ensemble des questions soulevées, sans avoir réalisé les interventions ou études appropriées, et sans grille d'analyse, sans avoir précisé dans le cadre de la prise de décision." Qu'est-ce que vous voulez dire par cela?

M. Ouimet: C'est intéressant. Il s'agit ici d'un mandat d'initiative d'une commission d'étudier cette question. Quel est le projet de réforme? Quelles sont les hypothèses de réforme? Pourquoi étudier le projet? À quel niveau? Jusqu'où aller? Le document de la commission pose énormément de questions qui peuvent aller dans tous les sens. Il ne se dégage pas une orientation privilégiée, une hypothèse claire d'une réforme, de sorte que des gens peuvent venir dire des opinions sur toutes sortes de sujets. A la fois, ça peut porter sur des questions d'orientation comme ça peut porter sur des questions techniques ou des questions pointues. Dans ce contexte-là, il est assez difficile de savoir quelle sorte d'analyse faire, quelle sorte de recommandation et, de la même manière, on n'a pas nécessairement d'assurance de quelle façon le gouvernement entend donner suite à la nature des recommandations qui pourraient être faites. Il y a une espèce d'incertitude, en tout cas, pour les gens qui se présentent ici quant à l'objet.

M. Maltais: D'accord. Dans le deuxième paragraphe, vous nous dites: "Quelles sont les analyses que des professionnels, pour le compte du gouvernement, ont faites des recommandations du rapport Lacoste - et ça, on vous suit - du C-13 du gouvernement fédéral - qui n'est pas adopté encore, mais qui est en voie - et des législations comme les procédures étrangères, américaines..." En quoi, par exemple, la législation du Bureau de l'environnement du Delaware est-elle différente et désavantage-t-elle celle du Québec, selon vos études?

M. Ouimet: Non, je ne veux pas procéder, à moins qu'on n'ait un mandat, à une analyse comparative des différentes procédures. Je vous dis que la commission semble ouvrir et dire: II faudrait regarder parce qu'il y a des avantages et des désavantages à telle ou telle procédure. Il y a des procédures canadiennes, il y a des procédures américaines. Si on voulait procéder à des améliorations - c'est le volet technique - en changeant des parties de règlement ou en changeant des parties de la législation, il vaudrait la peine, à ce moment-là, de faire des comparaisons pour essayer de trouver les meilleures améliorations qu'on puisse trouver.

M. Maltais: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer le travail des gens de l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts. Je voulais leur poser quelques questions en ce qui a trait aux fameux délais. Vous avez plusieurs commentaires sur les délais. Vous avez raison de souligner que souvent la perception publique - et peut-être plus chez les promoteurs - est à l'effet que la procédure telle qu'elle existe maintenant est injuste, leur impose des délais considérables.

Est-ce que vous pourriez, avec toute l'expérience que vous avez, nous identifier les phases ou les étapes où les délais sont les plus fréquents, d'une part? Et, d'autre part, pourriez-vous nous faire des suggestions pour améliorer cette situation-là?

M. Ouimet: Elles peuvent être nombreuses. J'insiste toujours que, pour aborder des questions

comme celle-là, il serait plus souhaitable d'être systématique. Il y a eu des études entreprises pour le compte de la commission Lacoste. Il y en a déjà eu aussi au sein du ministère, pour regarder - et, là, souvent on parle de moyenne de durée de la procédure... Il faudrait toujours encore là le situer même dans la durée moyenne de la planification d'un projet au sein d'un gouvernement. Des étapes peuvent être trop longues à certaines étapes, et ce n'est pas toujours du côté de l'application de la bureaucratie.

C'est-à-dire que, par exemple, si on faisait un examen attentif de tous les cas, c'est sûr qu'il y a des fois que les directives ont pris du temps à être émises. C'est vrai aussi que dans certains cas, même après une demande d'audience publique, le ministre a été long à statuer sur la pertinence d'une audience publique. C'est vrai aussi que parfois la décision que le gouvernement a prise suite à une audience publique a été longue à prendre. C'est vrai aussi, cependant, que dans certains cas, ou bien un promoteur a hésité ou il a été long avant de donner suite à l'autorisation qu'il avait. Dans certains cas, même, le promoteur parfois était long à déposer son avis de projet, même si ses études ont été faites sur plusieurs années. Parfois, également, le promoteur, après des directives d'une étude d'impact qui aurait pu se faire en six mois, pour toutes sortes de raisons peut avoir pris deux ans ou trois ans pour la réaliser.

Une des avenues possibles pour l'amélioration au niveau des délais, pour répondre à votre question, ça serait à différentes étapes peut-être d'exprimer des temps limites au réalisation d'une étape. On pourrait fixer des temps limites pour l'émission des directives. On pourrait fixer des temps limites au ministre pour statuer sur une audience publique. On pourrait également peut-être, dans certains cas, donner un temps limite pour la production d'une étude d'impact après quoi le projet pourrait être considéré comme caduc. Mais ce sont des hypothèses qu'il faudrait analyser de façon systématique.

M. Biron: Si je peux ajouter un élément de réponse à votre question. Sans encore là vous donner des paramètres stricts ou définis sur les limites qui seraient à favoriser, puisqu'on ne s'est pas penché strictement là-dessus, la question des délais demeure essentielle dans ce sens que je pense que tous les intervenants en 1991 sont sensibles au fait que certains projets vont nécessiter une évaluation et un examen. Ça, ce n'est même plus remis en question. Je pense qu'aujourd'hui c'est accepté. Ce que les gens ont de la difficulté à vivre, c'est l'incertitude qui entoure ça. Ce n'est pas l'évaluation à l'examen lui-même que les gens ne veulent pas vivre, c'est l'incertitude qui l'entoure. Alors, il faut trouver des moyens de rassurer les gens.

Très certainement ça ne leur fera pas nécessairement plaisir. Tout ce qu'on va mettre en place ne leur fera pas plaisir. Il y a des choses qu'ils vont aimer, il y a des choses qu'ils vont moins aimer. Ce qu'ils vont au moins être capables de faire, c'est de connaître l'étendue de leurs droits et de leurs obligations. Dans ce sens-là, la question des délais est essentielle. Ça donne aux gens au moins la notion et la con naissance de ce dans quoi ils s'embarquent, combien de temps ça va durer et où ils vont. Je pense qu'à l'heure actuelle, c'est ce qui fait craindre aux gens, le mécanisme d'évaluation, l'examen des impacts. Ce n'est pas le mécanisme lui-même, c'est les incertitudes, c'est la méconnaissance du mécanisme, c'est finalement le vague quant aux obligations et aux droits que les gens détiennent dans cette aventure. Ils ont l'impression qu'ils savent quand ils commencent, mais ils ne savent pas où ils vont arriver et quand ils vont arriver.

M. Lazure: Juste une dernière question. Dans la liste des projets assujettis, à la page 10, vous en parlez, mais ce n'est pas clair, clair. C'est une mise au point que je voudrais entendre de votre part. Vous dites: "SI l'on veut rouvrir la liste des projets, il serait souhaitable que ce ne soit pas que des fonctionnaires, mais l'ensemble des groupes d'intérêt à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement qui participent", etc C'est justement un des objectifs de cette commission. C'est d'entendre des suggestions des gens qui ne sont pas des fonctionnaires, quoique vous trouve rez aussi des fonctionnaires dans votre groupe, apparemment. Alors, c'est un peu...

M. Ouimet: Pas exclusivement.

M. Lazure: Non. Mais vous dites aussi: "À cette liste de projets soumis obligatoirement, il pourrait être possible de soumettre, de façon discrétionnaire, d'autres projets". Pour être bien clair, êtes-vous d'accord que tous les grands projets devraient être assujettis?

M. Ouimet: Oui. Le sens de la proposition n'est pas de restreindre. Ce qu'on rappelait, c'est qu'au début, quand ce projet s'est fait, cela a été aussi une discussion interne entre des gens à l'intérieur du gouvernement, sur des bases de critères biophysiques. On s'est dit que si on rouvre la liste maintenant, si on introduit d'autres critères et s'il n'y a pas que des échanges à l'intérieur du gouvernement mais avec l'extérieur, on va probablement arriver avec une liste différente. Dans notre esprit, ce n'est pas une liste amoindrie parce que c'est évident que si on introduit d'autres critères on va sûrement trouver important d'assujettir d'autres projets.

Lorsqu'on fixe une limite... On reconnaît la nécessité et les avantages de la procédure québécoise d'avoir une liste de projets réglementés, mais, effectivement, il y a d'autres

projets qui, parfois, ne sont pas réglementés et qu'à l'exercice ou à l'examen ou pour toutes sortes de types de problèmes qu'ils posent on trouverait souhaitable de les soumettre. On se dit qu'il pourrait y avoir la possibilité d'en ajouter, même s'ils ne sont pas dans un projet réglementé, mais cela suppose une discrétion, un choix de soumettre ce projet à la procédure.

M. Lazure: M. le Président, en terminant, juste une remarque pour finir. Je suis surpris - j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire - de constater que vous ne faites pas de recommandations, de suggestions. Un groupe qui a quand même ramassé beaucoup d'expertise en ayant des gens qui viennent de tous les milieux, qui ne fait aucune recommandation, cela me laisse un peu perplexe et sur mon appétit. Merci.

M. Ouimet: Puisque vous faites allusion au fait qu'on s'est déjà parlé, je vais vous refaire à peu près les mêmes éléments de réponse. La première réponse, c'est: comme il s'agit d'une première activité où on va le rendre formel, d'une première activité de cette association qui se veut plus un rassemblement, un lieu d'échange, on ne voulait pas prendre de position qui risquait à ce moment-là - parce que ces gens-là jouent des rôles institutionnels différents, et vous en avez ici en arrière - de heurter, et on n'avait pas eu l'occasion de consulter tout le monde. Mais ce qui est très important aussi, c'est de penser qu'il nous était difficile de faire des recommandations alors qu'on était convaincus qu'on ne voyait pas clairement les hypothèses de modifications ou les besoins de modifications... dans quelle perspective on allait.

Cela dit, s'il y a une chose, puisque c'était votre dernière question, M. le député... J'en profite également pour dire que ia participation du public fait également partie de l'évaluation d'impacts et l'actuelle commission fait également partie des mécanismes de participation du public. Je ne sais pas si cela a répondu à votre question.

Le Président (M. Garon): Messieurs et mesdames de la commission, je remercie l'Association québécoise pour l'évaluation d'impacts d'être venue nous rencontrer. Cela étant dit, j'ajourne les travaux de la commission à demain matin, 9 h 30, en avisant les membres de la commission que les travaux vont aller jusqu'à 11 h 30 parce qu'il y a un groupe qui devait venir et qui, à la dernière minute, n'a pas pu venir. Nous ajournerons les travaux à 11 h 30 et ils reprendront à 14 heures ensuite. Je vous le dis pour la planification de vos travaux personnels.

(Fin de la séance à 21 h 39)

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