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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 18 septembre 1991 - Vol. 31 N° 105

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Je rappelle le mandat de la commission qui est de poursuivre des audiences publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'étude de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets solides domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure ontarienne et de la procédure suggérée par le gouvernement fédéral.

M. le secrétaire, pouvez-vous nous dire s'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président, il y a un remplacement: Mme Juneau (Johnson) par M. Baril (Arthabaska).

Le Président (M. Garon): L'horaire de la journée: nous devons entendre ce matin, à 9 h 30 - avec quelques minutes de retard - la Chambre de commerce du Montréal métropolitain; à 10 heures, le Centre international des grands projets; à 10 h 30, Action RE-buts; à 11 heures, le Comité de l'environnement de Chicoutimi inc; à 14 heures cet après-midi, l'Ordre des agronomes du Québec; à 15 heures, l'Ordre des ingénieurs du Québec; à 16 heures, le Mouvement Au Courant; à 16 h 30, la Chambre des notaires du Québec; à 17 heures, la Coalition démocratique de Montréal; à 17 h 30, Enviro-Sage inc. et, à 18 heures, Lauralco inc.

Maintenant, je vais inviter la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, représentée par Mme Nycol Pageau Goyette, présidente du conseil d'administration. Je l'invite à nous présenter les gens qui l'accompagnent. Vous avez une demi-heure pour nous présenter votre point de vue. Normalement, les gens prennent 10 minutes. Après ça, il y a 10 minutes pour la partie ministérielle et 10 minutes pour l'Opposition. Si vous en prenez moins, ça leur en fait plus et je vais partager également le temps que vous aurez pris en moins. Si vous en prenez plus, je vais soustraire également, de part et d'autre, le temps que vous aurez pris en plus.

Chambre de commerce du Montréal métropolitain

Mme Pageau Goyette (Nycol): On va essayer de parler moins pour vous entendre davantage et répondre à vos questions. M. Gilles Bérubé et M.

Pierre Lundahl m'accompagnent ce matin et sont les auteurs du mémoire.

Au Québec, depuis 30 ans, nous avons construit une société libre et généreuse, respectueuse des droits et des privilèges des individus, mais néanmoins consciente que seul l'effort collectif pouvait nous permettre de nous démarquer du reste du monde. Nous avons bâti une société distincte, non pas sur le dogmatisme et l'idéologie réductrice, mais sur l'ouverture et l'acceptation du changement. Nous habitons un endroit privilégié entre tous, où les possibilités de développement économique sont aussi faramineuses qu'est beau notre environnement, mais il nous faut réconcilier les deux. C'est ce Québec-là que nous voulons, c'est ce Québec-là que nous voulons préserver, où nous voulons bâtir notre avenir et celui de nos enfants. Si le projet Grande-Baleine et celui de Soligaz sont essentiels pour réduire les 14 % du taux de chômage et relancer l'économie, tous les deux, de même que tous les autres projets du genre, doivent se réaliser dans le plus grand respect de la nature. L'environnement doit être vu comme un défi à relever et non comme un empêchement au développement. Il ne doit pas, il ne peut pas devenir une source supplémentaire de chômage.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain est d'avis qu'il est essentiel de protéger l'environnement pour assurer le bien-être de la population et pour que notre société évolue vers une forme de développement qui puisse être soutenue à long terme, mais la Chambre ne pourra jamais accepter qu'une procédure, quelle qu'elle soit, puisse être mise en place pour retarder, empêcher, nuire ou bloquer le développement économique du Québec.

Les préoccupations des gens d'affaires ont profondément évolué au cours des dernières années. Si, aujourd'hui, la communauté des affaires semble être au centre de tout, c'est qu'elle a compris que les affaires ne se font pas en vase clos, entre une colonne de chiffres et une ligne de production.

Nous avons, comme société, l'obligation de créer la richesse pour et avec nos concitoyens et nous acceptons, parce que nous sommes aussi citoyens de ce pays, que cette richesse ne puisse se créer dans la destruction et l'incurie. Nous sommes, dès lors, prêts à soumettre nos projets de développement à une procédure d'évaluation environnementale à la condition que celle-ci ne soit pas un frein à la création de cette richesse, mais un catalyseur de sa juste répartition.

La Chambre constate que les procédures prévues aux articles 22 et 31.1 à 31.9 de la Loi sur la qualité de l'environnement, telles qu'elles

sont mises en oeuvre actuellement, engendrent de graves difficultés pour les promoteurs, principalement en raison de la longueur et de l'imprévisibilité des délais et du fait que l'issue du processus reste incertaine jusqu'à une étape tardive de la planification du projet.

La Chambre estime que les problèmes suscités par ces procédures nuisent sérieusement au développement économique du Québec alors qu'il serait possible, en les réaménageant et en les mettant en oeuvre de manière plus rationnelle et plus uniforme, de contribuer davantage à la protection de l'environnement.

La Chambre a estimé utile de présenter certaines recommandations à la commission pour encadrer et non empêcher la réalisation de ces projets qui sont seuls capables de protéger le niveau de vie de notre population et nous préserver du sort réservé aux sociétés qui ont manqué de vision.

En principe, vous connaissez l'essentiel de ces recommandations et, pour ne pas vous ennuyer, je ne les reprendrai pas toutes. Ce qui est certain, c'est qu'il faut faire en sorte que cessent ces inutiles confrontations et que le processus d'audiences publiques ne soit plus ce tribunal de répression qu'il est devenu avec Soligaz, mais une tribune intelligente où s'expriment des gens concernés, partageant un même souci de justice naturelle.

La Chambre aimerait que soient fixés des délais de rigueur pour les étapes essentielles du processus d'autorisation, que toutes ces étapes ne dépassent pas une année. Elle insiste pour limiter le mandat du BAPE aux seuls enjeux environnementaux d'un projet, de manière à restreindre le débat à ces seules questions d'importance, plutôt que d'étendre la discussion sur des aspects mineurs ou sans rapport direct avec l'environnement.

De la même façon, il faudrait prévoir un mécanisme de "scoping" des exigences apparaissant aux directives, afin d'en limiter la portée aux seuls grands enjeux environnementaux du projet. Cet exercice destiné à éliminer toute exigence superflue devrait être réalisé avec la participation du BAPE, en plus des ministères concernés et déjà consultés dans le cadre du processus de consultations interministérielles menées par le BAPE.

Le processus d'audiences serait grandement amélioré, à notre avis, notamment en ajoutant des experts du secteur d'activité sous enquête, en impliquant le BAPE beaucoup plus tôt dans le processus, en élaborant un guide de référence des études à réaliser en vue d'obtenir les autorisations requises et en impliquant - je l'ai dit - le BAPE beaucoup plus tôt dans le processus d'audiences.

Nous suggérons de modifier l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ces modifications devront, d'une part, donner les pouvoirs au ministre d'assortir les certificats d'autorisation de conditions portant sur les caractéristiques du projet, le programme de suivi environnemental, etc. D'autre part, elles devront permettre que les autorisations soient émises sur la base des plans d'ingénierie de base seulement et non des plans et devis d'ingénierie de détail.

Nous aimerions voir adopter dans les domaines où elles n'existent pas ou sont incomplètes des normes sur les rejets, les pratiques environnementales et la qualité du milieu, de façon à permettre aux promoteurs de connaître à l'avance ce qui est acceptable et afin d'éviter qu'il y ait deux poids deux mesures en matière d'environnement ou d'émission de certificats.

Enfin - et comprenez-nous bien là-dessus -à la condition que les recommandations 1 à 6 inclusivement de notre mémoire soient mises en oeuvre, nous accepterions d'assujettir les projets de développement industriel ou autres de grande envergure à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.

La Chambre souhaite enfin que la procédure fédérale d'évaluation environnementale soit modifiée, de manière à éviter tout double emploi ou recoupement avec la procédure québécoise en ce qui concerne les projets qui relèvent principalement de la juridiction provinciale.

M. le Président, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Bienvenue à la Chambre de commerce de Montréal. Mme Pageau Goyette, bonjour.

Mme Pageau Goyette: Merci. C'est un plaisir.

Mme Pelchat: Ce n'est pas la première fois qu'on a l'occasion de vous voir cette année, puisqu'on vous a vus à la commission Bélanger-Campeau où votre mémoire avait été... en fait, votre intervention, plutôt que le mémoire, avait été fortement remarquée.

Mme Pageau Goyette: Le mémoire aussi, j'espère.

Mme Pelchat: C'est un commentaire... Si vous permettez. Vous dites, Mme la présidente, que les procédures, telles qu'elles sont actuellement, engendrent, selon vous, de graves difficultés pour les promoteurs, en raison, particulièrement, des longs délais encourus et de l'absence de normes environnementales spécifiques dans plusieurs domaines.

Parallèlement à ça, vous "priorisez", à la recommandation 2, un mécanisme de "scoping". Vous dites: "...prévoir un mécanisme de "scoping" des exigences apparaissant aux directives afin d'en limiter la portée". Est-ce que vous ne

croyez pas qu'introduire... Vous n'êtes pas la seule personne qui nous parie de "scoping". Plusieurs, plusieurs intervenants... Hier, on l'a vu, et on va le voir dans les autres mémoires, ça revient. Ça semble une méthode très très privilégiée. Mais est-ce que vous ne croyez pas que ça va allonger les délais si on introduit cette nouvelle étape de "scoping"?

Mme Pageau Goyette: II y avait un prérequis à ça, c'étaient les délais de rigueur, bien sûr. Alors, il ne faudrait pas que ça allonge... Nous, ce qu'on dit, c'est que le processus total ne doit pas être de plus d'une année. A l'intérieur de ça, si les règles, les procédures, les mécanismes sont clairs, précis, limpides et transparents, je pense que nous pouvons vivre avec ça, surtout si on les connaît d'avance, surtout si le BAPE intervient beaucoup plus tôt dans le processus, de façon à ce qu'on chemine ensemble, qu'on apporte les correctifs qui sont nécessaires, qu'on fasse faire les études qui sont nécessaires pour travailler, cheminer ensemble plutôt qu'agir en confrontation, comme c'est le cas, malheureusement. En tout cas, moi, personnellement, je ne peux plus endurer ça.

Mme Pelchat: Quand vous parlez de "scoping", vous le voyez comment? Est-ce que vous voyez l'identification, c'est-à-dire associer le public à l'élaboration de la directive dès le début?

Mme Pageau Goyette: On en a parlé un peu, de ça. On voit mal comment on peut associer des gens qui sont moins connaissants d'un dossier ou d'un secteur d'activité à l'émission de directives. Ce qu'on pense davantage, c'est que le ministère et le ministre fassent leur job et que, dans ce sens-là, les directives soient connues d'avance, qu'elles soient précises et qu'on n'aille pas dans le détail, qu'on aille sur les grands enjeux, et qu'on précise bien que les directives doivent aller dans ce sens-là.

Mme Pelchat: Parce qu'il faudrait bien s'entendre sur une définition de "scoping". Moi, depuis le début de la commission, j'essaie de...

Mme Pageau Goyette: Vous avez peut-être raison.

Mme Pelchat: ...bien l'avoir. Vous pariez d'un travail qui devrait être fait par l'administratif et même par l'exécutif, par le ministre, mais plusieurs intervenants et le rapport Lacoste - j'essaie de retrouver la définition dans le rapport - nous parient de "scoping" en fonction d'associer le public dès l'élaboration de la directive, c'est-à-dire d'aller en audiences publiques dès la directive. Si ce n'est pas ce que la Chambre de commerce souhaite...

Mme Pageau Goyette: Non. On en a parié tout à l'heure, en venant, et on n'arrive pas, nous non plus, à s'entendre sur jusqu'où va le "scoping". Mais, dans ma tête à moi, je ne vois pas comment on va associer la population. Ce qui va arriver, ça va être les groupes d'intérêt qui vont être directement associés et ce n'est peut-être pas ça qu'on veut. On se comprend? Je pense que l'administratif doit remplir son rôle et faire son job quelque part, à un moment donné. Il me semble qu'on paie ce monde-là...

Mme Pelchat: Quand vous dites que la procédure devrait être limitée dans une année, où devrait-on réduire? Parce qu'on sait qu'en ce moment, c'est un peu plus de 2 ans; 30, 33 mois. Où devrait-on réduire le temps? Je ne pense pas que le temps qui est alloué au BAPE, de 4 mois, des audiences publiques, ce soit... En tout cas, ce n'est pas l'avis général qu'on retient ici. À quel moment... Qu'est-ce qui devrait être le plus...

Mme Pageau Goyette: Bizarrement, le BAPE a assez bien respecté ses délais, il me semble, enfin de mémoire, sauf peut-être sur Soligaz où il a demandé une extension, mais, de façon générale, je pense que le BAPE a assez bien respecté ses... Je pense que les délais de rigueur doivent aller sur la recevabilité du projet.

Mme Pelchat: Au niveau de l'avis de recevabilité...

Mme Pageau Goyette: Oui.

Mme Pelchat: ...et, par la suite, j'imagine, de l'élaboration de la directive par le ministère de l'Environnement.

Mme Pageau Goyette: je vous avoue qu'on n'a pas vraiment travaillé - oui, oui, vas-y pierre - aussi dans le détail que ça. mais vas-y donc, pierre.

M. Lundahl (Pierre): Je vais ajouter quelques mots là-dessus, si vous permettez.

Mme Pelchat: Est-ce que vous pouvez vous identifier?

Mme Pageau Goyette: Pierre Lundahl.

M. Lundahl: Merci. Premier point où du temps peut être gagné, c'est dans la préparation des directives. On a observé souvent que c'était extrêmement long, même en l'absence d'un processus de "scoping" dont on pariait.

Deuxième étape où on pense qu'il y a beaucoup de gains qui peuvent se faire, c'est entre le dépôt de ('étude et le moment où l'étude est rendue publique. Dans de nombreux cas, alors qu'on se rendait compte que, techniquement, la révision de l'étude était faite par les spécialistes

du ministère, il s'écoulait encore des mois avant que le ministère écrive au promoteur pour l'aviser de rendre l'étude publique.

Ensuite, il y a également entre le dépôt du rapport du BAPE et la décision du gouvernement qu'il est possible de gagner du temps. Et puis, finalement...

Mme Pelchat: C'est important, ça. Combien de mois pourrait-on gagner là-dessus en moyenne?

M. Lundahl: Je n'ai pas en tête la durée moyenne actuelle, mais nous pensons que, dans un délai de l'ordre de six à huit semaines, on pourrait au maximum - plutôt six que huit -avoir la décision du gouvernement une fois le rapport du BAPE déposé. Il y a beaucoup de démarches administratives qui se passent à cette étape, quand on les regarde dans le détail, qui pourraient être préparées à l'avance pour que le gouvernement puisse agir rapidement.

Mme Pelchat: Six à huit semaines, c'est beaucoup plus court que ce qu'on fait en ce moment. C'est important cette étape-là.

Mme Pageau Goyette: C'est tellement important dans la réalisation d'un projet, surtout aujourd'hui, avec la concurrence internationale, avec la concurrence mondiale; ou vous prenez l'avance, ou il est trop tard pour faire le projet.

Mme Pelchat: Là-dessus, c'est important, madame, ce que vous dites. Je ne veux pas faire un rapprochement avec l'Association des manufacturiers, mais on nous a reproché un peu et, hier, on nous a brandi le spectre de faire fuir les investisseurs avec la procédure d'évaluation telle qu'on la connaît. Moi, je suis particulièrement sensible à ça. Il y a d'autres personnes qui nous ont dit hier, avant eux: Non, il n'y a aucun lien et la procédure telle qu'elle est ne fait pas fuir les investisseurs. Si elle était améliorée et précisée, elle aurait le mérite peut-être de les attirer un peu plus. Mais, est-ce que vous croyez que la procédure d'évaluation d'impact du Québec telle qu'elle est en ce moment fait fuir les investisseurs?

Mme Pageau Goyette: Le fait qu'il y ait une procédure ne fait pas fuir les investisseurs. Le fait que les règles du jeu ne soient pas connues, ça ça fait fuir les investisseurs. C'est évident que, lorsqu'on change d'avis en cours d'audiences, c'est bien sûr que ça rend les choses incertaines. Vous savez, dans le monde des affaires, ce genre de trucs, ce n'est pas facilement acceptable. Si les règles du jeu sont claires, si les délais sont clairs, si les normes sont claires, si on connaît d'avance ce dans quoi on s'engage, moi, je pense très sincèrement - et les investisseurs nous l'ont dit également - qu'il n'y aura pas de danger. Mais, évidemment, il faut que ce soit appliqué non pas dans la confrontation et la chicane, mais vraiment dans un processus où on veut collectivement résoudre nos problèmes de développement.

Mme Pelchat: Comment peut-on le faire sans le faire dans la confrontation et la chicane?

Mme Pageau Goyette: Ce qu'on propose, nous, c'est de mettre le BAPE beaucoup plus tôt dans le processus, d'avancer l'implication du BAPE dans le processus et d'y aller progressivement; donc dès le début du projet, le plus tôt possible dans le projet pour qu'on puisse cheminer ensemble.

Mme Pelchat: C'est une très bonne suggestion, mais on pourrait peut-être demander au promoteur aussi d'inclure les préoccupations environnementales, lui aussi, beaucoup plus tôt dans l'élaboration de son projet.

Mme Pageau Goyette: Je pense que ça se fait. Vous comprendrez bien qu'il y a cinq ans il n'y a pas grand monde qui pensait vraiment aux préoccupations environnementales de façon aussi pointue qu'on le fait maintenant. Sauf que c'est devenu une fonction de l'entreprise maintenant au même titre que la comptabilité, l'administration ou quoi que ce soit et c'est entré maintenant dans les moeurs. Je ne vous dis pas que c'est parfait, je vous dis que c'est en marche. Si, de l'autre côté, le ministère de l'Environnement peut devenir un peu moins vert et un peu plus administratif, je pense qu'on va probablement cheminer tous ensemble.

Mme Pelchat: Je suis bien contente que vous qualifiiez le ministère de l'Environnement de vert et que vous souhaitiez qu'il soit moins vert. Il y a d'autres intervenants qui souhaitent qu'il soit plus vert.

Mme Pageau Goyette: Ça dépend dans quel cas.

Mme Pelchat: Entre le vert foncé et le vert pâle, je suis certaine qu'on va trouver une couleur mitoyenne qui va satisfaire...

Mme Pageau Goyette: C'est parce que le ministère doit être vert. Il ne doit pas être coercitif. Voilà.

Mme Pelchat: Merci.

Mme Pageau Goyette: Ça me fait plaisir. Mais on se comprend bien? Parce que notre dernière recommandation est très importante. Nous sommes prêts à soumettre les projets de grande envergure aux audiences publiques, mais à la condition que tout le reste soit bien clarifié

et bien nettoyé. Pour nous, c'est bien important que vous compreniez ça.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer Mme Pageau Goyette et ses collègues...

Mme Pageau Goyette: M. Lazure, ça me fait plaisir.

M. Lazure: ...et les remercier pour leur présence, pour leur travail. Le langage que Mme Goyette utilise au tout début de ses remarques nous est tout à fait acceptable, et même plus, c'est le langage que nous utilisons aussi, à savoir qu'il n'y a pas de contradiction et qu'il ne doit pas y avoir de compétition - c'est le cas de le dire - entre les efforts pour bien préserver l'environnement et les efforts pour bien développer économiquement le Québec.

Avec cette base qui réconcilie tout le monde, je trouve un peu inutile ce que j'appelle une charge que vous faites. Vous faites une charge un peu à fond de train contre le BAPE, lorsque vous dites que le BAPE est devenu un tribunal de répression - ce sont vos termes. Je trouve que c'est fort. Je trouve que c'est fort parce que c'est... Il faut faire attention. Le BAPE, vous l'admettez vous-même dans votre mémoire, on va en avoir besoin, on en a besoin du BAPE. Alors, à quoi ça sert d'essayer de le discréditer, dans le fond? Je comprends que ce n'est peut-être pas votre intention, mais quand vous parlez d'un tribunal de répression, ce qui ressort à l'extérieur pour les gens qui ont une connaissance moins intime du dossier, c'est que c'est mauvais le BAPE, si c'est un tribunal de répression. Moi, je pense qu'il faudrait... (10 heures)

Mme Pageau Goyette: M. Lazure ...

M. Lazure: Non. Laissez-moi terminer. Je crois que, ce que j'appellerais le traumatisme de Soligaz, vous n'en êtes pas revenus encore.

Mme Pageau Goyette: Et vous?

M. Lazure: Je me permets d'être... Vous parlerez tantôt, Mme Pageau Goyette. Vous parlerez tantôt, c'est mon tour, là. Mais, je pense qu'il va falloir en revenir de ce traumatisme-là. Et, avec l'expérience de Soligaz, vous laissez entendre que ça a été comme ça dans beaucoup de projets, mais nommez-m'en, d'autres projets. Il n'y en a presque pas eu.

Ceci étant dit, vos recommandations nous paraissent tout à fait acceptables et, si on les passait une par une, je n'aurais presque rien à redire, sauf sur la recommandation 2 où vous parlez du fameux "scoping". Entre parenthèses, M. le Président, il y a des mots en français qui peuvent très bien exprimer ça; c'est du ciblage, c'est cerner de plus près, enfin on peut prendre une locution pour le dire, mais je ne vois pas l'intérêt de s'acharner à utiliser ce mot, "scoping", parce que c'est à la mode aux États-Unis ou en Ontario.

Une voix: En France aussi.

M. Lazure: Peut-être, peut-être. Mais...

Mme Pelchat: Je veux juste vous signaler que c'est utilisé dans le rapport Lacoste, et c'est pour ça que les gens l'utilisent.

M. Lazure: Oui, mais... Bon.

Le Président (M. Garon): Le député de La Prairie a la parole.

M. Lazure: Bon, merci, M. le Président. M. Maltais: Voulez-vous le laisser tranquille!

M. Lazure: Merci, M. le député de Saguenay.

Sérieusement, je m'arrête à cette recommandation 2 où on est d'accord avec la nécessité d'avoir cette étape où on cerne, où les parties cernent mieux les enjeux de la directive, mais vous ne parlez pas de l'implication du public à cette étape-là. D'autres en ont parlé. D'autres ont parlé de l'implication du public au moment de la rédaction de la directive.

Et au moment de l'examen plus minutieux, l'examen qui consiste en un ciblage des principaux enjeux, est-ce qu'il y a une raison particulière pourquoi vous ne parlez pas de la participation du public?

Mme Pageau Goyette: Oui, un peu ce que j'ai dit... J'aimerais répondre à votre première charge, entre guillemets. Je veux vous dire que nous avons toujours défendu le BAPE, toujours défendu l'utilité du BAPE. Nous croyons qu'il doit exister. Nous croyons que le processus doit être amélioré. Et lorsque nous parlons du tribunal de répression qu'il est devenu, c'est que c'est la perception que nous en avons eue, notamment avec le projet Soligaz. Et je suis d'accord avec vous, il n'y en a pas eu d'autres. Alors, comme c'était le premier projet industriel, on est tous sous le choc. Espérons que nous aurons appris de ces sessions intensives et que ça ira en s'améliorant.

Sur le deuxième aspect, je l'ai dit un peu plus tôt, tout à l'heure, on a beaucoup parlé de l'implication du public et à quel moment ça devait intervenir. On est resté un peu avec une patte en l'air parce qu'on s'est dit: Le public est-il assez préparé, assez informé, assez au courant pour pouvoir intervenir au niveau de la directive? Ou alors, est-ce qu'on ne va pas avoir

tous les groupes d'intérêt qui vont vouloir intervenir et qu'on n'avancera pas finalement? La bataille va se faire déjà à ce moment-là.

Je vous avoue que, s'il y avait une proposition bien articulée et intelligente, on serait certainement prêt à la regarder. On n'a pas d'opposition a priori, on a juste des réserves, à ce moment-ci.

M. Lazure: Bon, je suis content d'entendre ça. Un des avantages de l'implication du public au départ, c'est que, dans la directive, le promoteur saura déjà à ce moment-là quelles sont les préoccupations environnementales de la population. Et je pense qu'au lieu de perdre du temps, ça peut nous faire gagner du temps sur le processus global.

Mme Pageau Goyette: Peut-être, mais permettez encore. À cette étape-là, est-ce que le public aura suffisamment d'information? Il m'ap-pert, à moi, que... Je ne pense pas. Je ne pense pas qu'il aura l'étude d'impact. Je ne pense pas qu'ils auront en main les outils nécessaires pour faire avancer cette question-là. Alors, j'ai encore des réserves, M. Lazure.

M. Lazure: Toujours sur la question des directives, vous dites, à la page 16: Limiter la portée des directives aux seuls grands enjeux environnementaux du projet, élaborer et émettre un guide de référence des études susceptibles d'être exigées dans les directives. Est-ce que vous avez des exemples de ces sujets complexes que les promoteurs doivent étudier? Vous dites, dans le fond: limitons ça à des grands enjeux environnementaux.

Mme Pageau Goyette: Oui, plutôt que d'aller dans le petit détail. C'est qu'il faudrait toujours ramener les audiences aux grands enjeux environnementaux.

M. Lazure: Oui, mais, dans un cas particulier, qui va identifier ces grands projets environnementaux?

Mme Pageau Goyette: J'imagine que, si on parle d'une usine de pâtes et papiers, on va penser aux rejets. Si on pense à ces grands enjeux-là, donc à la pollution des cours...

M. Lazure: Ça nous fait déboucher sur quelque chose de sectoriel. Est-ce que vous iriez jusqu'à préconiser un examen, une évaluation secteur par secteur? Disons, dans le cas d'une usine de pâtes et papiers, qu'on ferait une évaluation sur les aspects, je dirais, génériques d'une usine de pâtes et papiers.

Mme Pageau Goyette: II y a déjà comme un processus dans ce sens-là, en tout cas il me semble, tout au moins quand on établit les normes et tout ça.

M. Bérubé (Gilles): Je peux peut-être l'expliquer, moi.

Mme Pageau Goyette: Oui, vas-y. Les spécialistes sont meilleurs que moi là-dedans.

M. Bérubé: II existe déjà des mécanismes qui permettent tranquillement d'aller vers le détail. Lorsqu'on obtient le décret du gouvernement, en vertu des articles 31 et suivants, normalement on autorise le concept d'aménagement dans son ensemble, on n'autorise pas les toilettes, on n'autorise pas les menus détails. Les certificats d'autorisation du ministre qui sont émis par la suite ont pour but d'autoriser le détail d'ingénierie et de construction. Alors, je crois que déjà il y a des mécanismes pour le détail. Nous croyons que ça serait important que les audiences publiques et tout le processus soient guidés par ces grandes lignes là que devraient être les grands enjeux environnementaux de manière à ce que, ensuite, le processus puisse aisément - et comme il devrait le faire - s'intéresser aux plus menus détails qui, selon nous, ne devraient pas intéresser la population en général.

M. Lazure: Dans...

Mme Pageau Goyette: C'est bien dit.

M. Lazure: ...vos remarques sur la mise en vigueur de l'article 2, les grands projets industriels, vous dites: Oui, à la condition qu'on ajoute des seuils quant aux tailles des projets à assujettir. Pouvez-vous nous expliquer un peu ce que vous entendez par des seuils?

Mme Pageau Goyette: Nous disons...

M. Lazure: Quand il s'agit de marinas, on peut dire: En bas de 100 bateaux, on ne s'en occupe pas. Mais, dans le cas de grands projets industriels, vos seuils, ça serait quoi?

Mme Pageau Goyette: Peux-tu répondre sur les seuils?

M. Lundahl: Oui, je vais répondre, si vous me le permettez. En fait, l'article 2n, tel qu'il est rédigé actuellement, énumère une série d'industries: par exemple, on y trouve les alumineries, l'industrie pétrochimique, les usines de pâtes et papiers. En général, les usines qui tombent sous le coup de cette description sont de grandes usines, mais il peut y avoir des exceptions.

M. Lazure: Oui, d'accord.

M. Lundahl: On peut imaginer, par exemple,

un atelier pétrochimique de faible envergure qui fait une transformation d'un produit très spécialisé quelque part. Nous pensons que, dans ce cas-là, la procédure serait démesurée par rapport au projet. Alors, je ne peux pas répondre spécifiquement au cas par cas, c'est un groupe de travail technique qui devrait le faire, mais l'esprit de cette recommandation, c'est d'éviter que des projets industriels de petite taille et sans grande répercussion sur l'environnement soient assujettis à une procédure lourde du seul fait qu'ils tombent dans la catégorie générale énumérée dans l'alinéa petit n.

M. Lazure: Sur la nomination des membres du BAPE, moi, en tout cas, je concours avec vos remarques. Il serait important que le gouvernement tienne compte de l'expertise dans différents domaines, dans la composition du Bureau d'audiences publiques. Ça, vous avez tout à fait raison. Est-ce que vous avez une opinion sur la façon dont le président du BAPE pourrait être nommé?

Mme Pageau Goyette: Oui, on a vu ça dans vos questions. Pas vraiment. Il y avait une proposition qu'il soit nommé aux deux tiers des votes de l'Assemblée nationale. Est-ce que c'est si important que ça? Je ne le pense pas. Jusqu'ici, on n'a pas de reproche à faire à ce processus-là, à moins que vous ayez des cas qui nous ont échappé. Pour nous, ce n'était pas un enjeu.

M. Lazure: Plusieurs nous ont fait remarquer - pas nécessairement les gens qui sont venus hier, mais dans la totalité des mémoires - qu'il y a eu plusieurs mois d'intérim, des membres nommés...

Mme Pageau Goyette: Oui.

M. Lazure: II y a eu un climat d'incertitude...

Mme Pageau Goyette: Oui, effectivement.

M. Lazure: ...dans le BAPE, depuis quelque temps.

Mme Pageau Goyette: Oui.

M. Lazure: Et d'autre part, vous le dites vous-mêmes, si vous vous donnez la peine de préciser qu'il faudrait avoir des gens d'expertises diverses dans ce Bureau-là, probablement que ce n'est pas le cas actuellement. Peut-être que c'est un peu...

Mme Pageau Goyette: Là, ce qu'on dit, c'est que, dépendamment de l'audience en cours, il serait intéressant d'avoir un expert de ce secteur d'activité à la commission pour qu'il comprenne bien le secteur d'activité sur le plan technique, pour qu'il soit capable d'en parler, de comprendre les impacts, les enjeux, les tenants, les aboutissants. C'est un peu ce qu'on dit. Quant au processus de nomination, je vous avoue qu'on ne s'y est pas vraiment arrêtés. Bien sûr, ce flottement, cette incertitude, ça fait partie de tout ce qui a entouré les audiences publiques et de tout ce qui inquiète les investisseurs, de tout ce qui nous énerve. Tu sais, quand tu ne sais pas où tu vas et que tu n'es pas capable de faire ta planification de façon intelligente, ce n'est pas pratique pour personne.

M. Lazure: Merci.

Le Président (M. Garon): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Mme Pageau Goyette, on sait que votre organisme est quand même un organisme qui regroupe beaucoup d'entreprises dans la région de Montréal. Donc, c'est un organisme à vocation économique. Est-ce que vous êtes d'accord un peu avec l'Association des manufacturiers qui était ici, hier soir, et qui nous déclarait, et je cite: "...mais nous, ce que nous avons réussi, je pense, ici, au Québec, depuis une décennie, c'est à entreprendre un dialogue effectif entre vous - il parlait de nous, à ce moment-là, le gouvernement, j'imagine, ou l'État - les décideurs du gouvernement, et nous, les manufacturiers. Pour répondre à votre question, je pense que vraiment le Québec est un bon endroit où investir maintenant et qu'il le sera dans l'avenir"?

Mme Pageau Goyette: Je le pense aussi. M. Maltais: Êtes-vous d'accord avec ça?

Mme Pageau Goyette: Oui, nous le croyons sincèrement. Ce que nous vous demandons, c'est non pas d'abolir ou de remplacer la procédure et le BAPE, nous demandons de l'améliorer, ce qui est très différent. Quant à nous, le Québec est une terre promise, Montréal en particulier, M. Garon, Montréal en particulier.

M. Maltais: Mais comment concilier ça avec votre déclaration?

Le Président (M. Garon): Ça vous prend un Moïse, là!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pageau Goyette: Nous continuons de l'attendre. Excusez-moi, M. le Président.

M. Maltais: Mme Pageau, comment concilier votre réponse, maintenant, avec votre déclaration du 30 août qui dit que les exigences de l'envi-

ronnement font fuir les investisseurs au Québec?

Mme Pageau Goyette: Nous pensons que, si les procédures sont améliorées, nous resterons une terre promise. Je veux dire, nous sommes une terre promise, mais si ça reste dans l'incertitude comme ça, c'est certain qu'on va avoir de plus en plus de difficultés. J'ai des exemples qui m'ont été soumis durant l'année de gens très simples, de gens qui ont fait décontaminer des terrains avec l'appui du ministère, avec l'accord du ministère, qui ont fait vérifier leurs choses, qui ont reçu des approbations verbales, mais, neuf mois plus tard, ils ne peuvent toujours pas bâtir sur leur terrain. Alors, c'est de ce genre de trucs que nous parlons.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, Mme Pageau Goyette...

Mme Pageau Goyette: Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Garon): ...puisque le temps dévolu à notre commission pour vous entendre est terminé, ça m'a fait plaisir de vous entendre. Les gens vous ont trouvée, aujourd'hui, beaucoup plus sereine que lors de la rencontre que nous avions eue avec M. Ryan il y a quelques semaines.

Mme Pageau Goyette: Ah ouais! Je vais vous dire... Non pas que le sujet soit plus facile aujourd'hui, hein?

Le Président (M. Garon): Alors, je suspends la commission pour quelques instants afin de passer ensuite au groupe du Centre international des grands projets.

(Suspension de la séance à 10 h 13)

(Reprise à 10 h 16)

Le Président (M. Garon): Nous accueillons le Centre international des grands projets et M. Pierre Gaudreau, président, avec M Armand Couture, j'imagine, puisque c'est les noms que nous avons ici, sont devant nous. Vous avez une demi-heure, dont 10 minutes pour présenter votre projet, 10 minutes aux libéraux, 10 minutes aux représentants du Parti québécois. Si vous en prenez moins, ils en auront plus et, si vous en prenez plus, ils auront moins de temps à partager également. M. Gaudreau.

Centre international des grands projets

M. Gaudreau (Pierre): Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie Mmes et MM. les membres de la commission et députés de l'Assemblée nationale. Je voudrais commencer par présenter M. Couture qui est ici avec nous, qui est un personnage bien connu dans notre milieu.

M. Couture est actuellement vice-président principal du groupe SNC-Lavalin. M. Couture est aussi président fondateur et administrateur actuel du Centre international de recherche et de formation en gestion des grands projets. Il est membre du comité de gérance de la Société d'énergie de la Baie James. Il est président du comité Mercure. Il a été président du comité d'experts en environnement de la Société d'énergie de la Baie James lors de la phase I du projet de la Baie James.

Alors, je vais passer outre à la présentation de notre centre, compte tenu qu'elle est déjà faite dans le mémoire que nous avons soumis à la commission. Le principal objectif du Centre GP est de doter les décideurs d'ici et d'ailleurs d'instruments leur permettant de travailler de manière plus cohérente et plus efficace à l'amélioration des conditions de vie et au bien-être général de la population. Ainsi, nous souscrivons pleinement au concept de développement durable tel que mis de l'avant par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement.

Par contre, il ne faut pas demander, lors de l'étude d'un projet d'évaluation, des effets ayant des dimensions planétaires qui ont peu de rapport avec le projet a l'étude. Mais il est évident que l'intégration de la dimension environnementale dans le développement économique considéré dans son ensemble ne se réalisera pas sans des changements profonds d'attitudes et sans la mise sur pied, par les gouvernements, d'outils d'analyse et de procédés d'encadrement vraiment efficaces.

Un exemple qui doit venir de haut. En fait, pressées par les pouvoirs publics et par l'opinion, les entreprises doivent apprendre à intégrer la dimension environnementale dans leur cycle complet d'opération et dans l'ensemble des processus de réalisation des projets. Si tout le monde accepte d'emblée le bien-fondé d'une telle exigence, en pratique, les changements sont difficiles à opérer et, surtout, les résultats ne correspondent pas toujours aux attentes. Il faut dire que nos entreprises ne sont pas toujours équipées pour soutenir un débat et répondre à des objections qui débordent largement l'aspect technique de la question et s'inspirent de considérations beaucoup plus vastes qui se réfèrent même souvent à des choix de société.

Lors de l'adoption d'une planification de développement dans un secteur spécifique, il pourrait tout aussi bien y avoir des études d'impact environnemental pour éviter de discuter des choix de société lors de l'analyse d'un projet spécifique. À titre d'exemple, lors de l'évaluation d'un projet d'aluminerie ou d'affinerie de cuivre, devons-nous étudier la tarification de l'électricité? À date, on vit probablement ces situations. Nous, il nous semble que ces points devraient être étudiés plus tôt, lors de l'évaluation de la

politique énergétique de la province, par exemple. Ce serait peut-être un moment beaucoup plus approprié pour faire une telle évaluation.

Au surplus, au gouvernement, malgré les quelques changements apportés au fil des ans, il faut composer avec une structure qui isole encore trop la préoccupation environnementale en la laissant en périphérie de la mission économique.

Il nous apparaît donc que le gouvernement doit examiner son organisation et ses modes de fonctionnement de manière à réaliser lui-même cette intégration et la problématique environnementale dans l'ensemble des planifications et ainsi en faire la préoccupation de tous les gestionnaires publics aux plus hauts niveaux.

C'est seulement de cette manière qu'il sera en mesure d'encadrer et de gérer un débat si fondamental pour notre société et de le faire déboucher sur un développement véritable dont les composantes seront enfin acceptées par l'ensemble de la population. Ces débats de société ne devraient normalement pas être imposés à des promoteurs de projets spécifiques.

Si le rôle et la mission du ministère de l'Environnement auraient probablement avantage à être resserrés dans le contetxte des orientations définies plus haut, c'est surtout le mode d'exercice de certaines de ses responsabilités qui mérite une révision.

Dans l'esprit des recommandations formulées dans le rapport Lacoste, nous insistons sur la nécessité pour le ministère de fixer des délais précis et de raccourcir la durée totale de la procédure, de même que sur le besoin impérieux de rechercher un partage plus clair des responsabilités et une plus grande cohérence d'action entre les différents ministères.

Enfin, il nous paraît important que soit amplifié le rôle central du ministère de l'Environnement à l'égard du progrès des connaissances et des techniques, du perfectionnement des outils de vérification et de la diffusion des données et de l'information accumulées. Il nous apparaît essentiel de réaffirmer le principe: La réalisation des études d'impact doit demeurer chez les promoteurs de projet. Cependant, le ministère de l'Environnement doit servir de source d'expertise pour les promoteurs et, en plus, demeurer un maître d'oeuvre de la procédure d'évaluation.

Pour ce qui est du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, il doit également continuer à jouer son rôle en matière d'information et de consultation de la population. En conformité avec ce que nous disons plus loin sur l'élargissement du débat public, sa mission doit même être étendue. Nous pensons notamment à un rôle de médiation, sur mandat ministériel, mieux défini et encadré.

On devrait néanmoins revoir la composition du Bureau de manière à garantir à la fois la présence d'une expertise technique suffisante selon le type de projet étudié et une représentation équitable et équilibrée des principaux groupes et courants d'opinion. Ceci implique qu'il devrait y avoir une représentation des planificateurs du secteur économique concerné a l'intérieur même du processus de consultation publique. Il faut éviter la tendance actuelle de demander que tous les plans soient soumis avant l'émission des permis. Les plans à soumettre devraient plutôt être les plans de faisabilité et non pas ceux d'exécution.

Les grandes lacunes et les principaux défauts du système ont déjà été bien indentrfiés dans le rapport Lacoste. Nous voulons insister, pour notre part, sur l'imprécision des délais, la longueur de la procédure, le manque de rigueur dans les directives et l'absence de communication et de cohérence entre les différents intervenants gouvernementaux.

Par ailleurs, la consultation dans la population arrive trop tard. Au moment où sont convoquées les audiences publiques, le promoteur est déjà passablement avancé dans ses travaux et les audiences prennent alors trop souvent la forme d'un procès en règle du projet, ce qui va bien au-delà de l'analyse des impacts environnementaux proprement dits.

Pour ce qui est des projets assujettis, il nous paraît clair que la liste des projets soumis à la procédure québécoise doit être révisée pour inclure essentiellement ceux qui sont susceptibles d'avoir un impact réel. On a juste à regarder l'ensemble de nos projets pour voir rapidement qu'il y a des projets qui se réalisent qui ont beaucoup plus d'impact que ceux qui sont inclus ou soumis actuellement aux études d'impact.

Dans le même esprit, l'alinéa n de l'article 2 du règlement visé, qui concerne les grands projets industriels, devrait être mis en vigueur à l'exemple de ce qui se fait ailleurs au Canada comme aux États-Unis, ceci, par contre, en autant que les principes énoncés précédemment soient retenus.

En conclusion, aucune société ne peut progresser et évoluer sans un minimum de projets de développement. La notion de développement durable à laquelle nous adhérons pourra s'appliquer quand nous aurons trouvé l'équilibre entre cette nécessité de développement des sociétés et la prise en compte rigoureuse et efficace du patrimoine physique et humain à sauvegarder.

Dans cette perspective, il nous faut toujours garder à l'esprit que les législations et les procédures d'évaluation environnementale ne doivent pas être utilisées pour bloquer le développement, mais pour que les projets deviennent acceptables à ceux et celles qui sont concernés, qu'ils émanent du consensus le plus large possible et provoquent une mobilisation de nos meilleures ressources. Donc, le droit au développement doit être considéré dans tout le processus

d'évaluation tout comme le droit de protection de l'environnement de façon à le rendre compatible.

Mesdames et messieurs, cette présentation résume, en fait, le contenu de notre mémoire.

Le Président (M. Garon): m. gaudreau, vous avez un chronomètre dans la tête parce que vous avez pris exactement le temps prévu. c'est rare. m. le député de saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. MM. Couture et Gaudreau, je tiens à vous remercier d'abord pour votre présence ici et l'intérêt que vous avez porté à cette commission. Je vous remercie aussi pour la qualité de votre mémoire et surtout pour votre expertise dans le domaine. Ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre des personnes qui ont été mêlées de près, et d'aussi près, aux grands développements, aux grands projets au Québec.

Dans votre mémoire qui, somme toute, est très positif, c'est rafraîchissant de voir des gens qui ont un certain optimisme. Vous pariez également du développement durable, chose à laquelle l'ensemble des palementaires ici souscrivent tentant par tous les moyens de coordonner une certaine action gouvernementale vis-à-vis du développement durable.

Dans votre mémoire aussi, vous nous indiquez que l'appareil gouvernemental devrait commencer par donner l'exemple. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Quoi qu'on en dise ou qu'on en pense, nous aussi, on croit que l'exemple doit venir d'en haut. Vous savez, si Notre-Seigneur n'avait pas été crucifié sur la croix, il aurait eu de la misère à nous faire avaler bien des choses. Pourriez-vous nous donner un peu des exemples? Comment vous voyez ça, vous, dans vos secteurs et quelle est la marche que le gouvernement n'a pas franchie encore?

M. Gaudreau: À ce sujet-là, au niveau de l'intégration gouvernementale, on peut penser à deux ministères qui nous viennent tout de suite à l'esprit. Si on parle d'interrelation, on peut penser au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche et on peut penser au ministère de l'Agriculture. Actuellement, si on regarde ce qui se passe, il ne semble pas évident aux yeux de tous qu'entre le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Agriculture il y ait une concertation très très étroite, et on peut peut-être dire la même chose avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Est-ce que ça, ça n'amène pas une certaine forme de duplication dans une certaine mesure ou une certaine forme d'incohérence au niveau des démarches à suivre ou des demandes respectives de chacun? À ce sujet-là, on peut penser à la CPTAQ, par exemple, qui a un mandat de recommandation sur l'utilisation des terres agricoles. Il nous semble que ces démarches ou ces préoccupations sont très près du domaine de l'environnement. Alors ça, c'est strictement à titre d'exemple et, si on creuse un petit peu, on peut en trouver plusieurs comme ça. (10 h 30)

M. Maltais: D'accord. Contrairement à d'autres groupes qui sont venus depuis le début de la commission, vous êtes satisfaits, en fait, du rôle du BAPE, sauf que vous recommandez certaines améliorations. Je pense que c'est le but de la commission également. En dehors des recommandations précises que vous y mettez dans le mémoire, est-ce que vous avez d'autres choses? Je ne sais pas, de quelle façon le BAPE pourrait mieux fonctionner, pourrait mieux répondre aux attentes des grands développeurs, et ce, toujours en conformité avec votre esprit de développement durable?

M. Gaudreau: Sur ce point-là, je demanderais peut-être à M. Couture, qui a une longue expérience dans le domaine, de vous fournir certains commentaires.

M. Couture (Armand): Mon commentaire là-dessus serait sur le fonctionnement des structures et non pas sur leur bien-fondé. Leur bien-fondé est bien admis, je pense, par tous les intervenants du milieu, mais le fonctionnement est remis en cause à l'occasion. Si on fait un débat de société, est-ce que ça doit être la responsabilité d'un promoteur d'un petit projet particulier de faire le débat de société? Ça, ce n'est pas approprié. Dans le fonctionnement, il faut séparer les problèmes qui sont reliés à la planification générale d'un secteur d'activité économique du débat qui doit s'exercer sur un projet donné. Ce n'est pas quand on vient pour poser un pylône de transport d'énergie qu'on doit débattre la politique d'exportation d'énergie, c'est inapproprié. Ce n'est pas lorsqu'on veut faire un projet dans le secteur des pâtes et papiers qu'on doit prendre le débat de société sur la norme qui doit s'appliquer aux émissions du secteur des pâtes et papiers dans la province. Alors, il faut séparer les débats. Il faut que le BAPE soit responsable de bien cibler le débat pour ne pas déborder le secteur qui est de la responsabilité du promoteur d'un projet. Ce n'est pas, par exemple, lorsqu'on veut faire un pylône de pont ou une fondation de pont dans la rivière des Prairies qu'on doit débattre le "Green House Effect" au niveau planétaire, ce n'est pas approprié.

Alors, la plus grande recommandation qu'on pourrait faire, c'est de dire que les débats doivent être organisés au niveau des responsabilités. Si on parle de planification d'un secteur économique, on peut débattre ça. On peut débattre la politique énergétique et le taux d'électricité qui doit être facturé à l'industrie. Mais le promoteur lui-même qui vient faire approuver son projet d'une centrale thermique ou

d'une centrale hydraulique ou qui doit venir faire approuver un projet de cogénération ne devrait pas avoir à débattre la politique énergétique dans son ensemble. Il faut qu'on sépare le débat au niveau du fonctionnement des organismes d'approbation de projets pour qu'il soit bien ciblé et que ce soient les planificateurs qui débattent la planification et que ce soient les promoteurs qui aient à débattre leur projet particulier dans le cadre d'une politique qui a été déjà approuvée au niveau gouvernemental. Donc, d'où le besoin d'avoir une meilleure collaboration entre le ministère des Transports et le ministère de l'Environnement, et le ministère de l'Énergie, et les autres ministères qui ont été mentionnés par M. Gaudreau.

M. Maltais: Ce que vous dites là est tout à fait juste et on est habitué un peu à ça, au Québec. Dès qu'il y a un grand projet qui est mis sur la place publique, finalement, souvent ce n'est pas les impacts environnementaux qui sont considérés par le public, mais bien toute une panoplie de choses qui l'entourent et dans lesquelles le promoteur ne se retrouve plus parce que ce n'est pas tout à fait ça qu'il avait demandé. Le débat se fait souvent à côté des raisons réelles et à côté de la demande du promoteur. Alors, le rôle du BAPE, est-ce que vous le verriez plutôt sectoriel? Comment le BAPE peut-il se sortir de ce carcan-là et de cette procédure-là, une procédure habituelle que le public ou la presse a enclenchée? Comment le BAPE peut-il se sortir de ça pour donner l'heure juste à tout le monde?

M. Couture: Par des règles de fonctionnement appropriées au débat qui lui est soumis. Le BAPE, pour moi, c'est l'organisme privilégié pour faire de la consultation publique. Alors, on dit: Le BAPE, il a un rôle; c'est qu'il sort un projet, ou une politique, ou un ensemble de principes généraux à être approuvés. Il les sort de l'organisme gouvernemental comme tel, il les sort du promoteur et il les met sur la scène publique pour débat, de sorte que tous les intervenants, les plus intéressés et les moins intéressés, ceux qui veulent s'opposer et ceux qui sont en faveur, puissent faire valoir leur point de vue. Le BAPE, ce qu'il doit faire, c'est fonctionner dans un cadre où les débats ne sont pas mêlés entre eux. J'abonde entièrement dans ce que vous venez de commenter.

M. Maltais: Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition, je veux saluer la contribution de votre groupe et féliciter M. Gaudreau et M. Couture pour la qualité de leur mémoire.

Je commencerais par, justement, le sujet que vous venez d'aborder avec le député de Saguenay. Vous avez mille fois raison de dire que ce n'est pas à un promoteur spécifique qu'incombe la responsabilité de défendre telle ou telle politique générale. C'est dommage que ça se fasse à l'occasion d'audiences particulières sur un projet particulier. Si ça se fait, c'est parce qu'il n'y a pas de débat public sur les grandes politiques. Il devrait y en avoir.

La question que je vous pose, c'est: Quelle sorte de forum verriez-vous, quelle sorte d'organisme pourrait présider et animer ces débats publics sur des grandes questions, que ce soit la politique industrielle du Québec, que ce soit la politique énergétique du Québec? On pourrait donner plusieurs exemples, mais comment verriez-vous ces débats-là? Aussi longtemps que ces débats-là ne se feront pas dans un forum bien précis, il y aura au BAPE, à l'occasion de projets individuels, des discussions existentielles. Il y en aura. Comment voyez-vous la tenue de ces grands débats?

M. Couture: C'est une question qui relève, disons, de la politique gouvernementale, comment débattre publiquement ces projets. J'ai assisté à de nombreuses commissions parlementaires sur l'énergie, dans lesquelles il y avait une foule d'intervenants. La politique énergétique était discutée en long et en large et on discutait à savoir si on devait faire des projets hydroélectriques ou pas. À la suite de ces commissions-là, on approuvait un plan d'équipement, on approuvait une politique énergétique, on privilégiait une sorte de développement plutôt qu'une autre. Je pense qu'il y a des forums, qui ne sont pas nécessairement la consultation par le biais du BAPE, qui doivent servir à établir les grandes politiques.

Si vous prenez dans le domaine des papeteries, on a vu que le ministère de l'Environnement, lui-même un intervenant, a établi des normes récemment sur les émissions, et il peut y avoir un débat ou pas de débat public sur ces normes-là. Est-ce qu'on doit le faire ou non? C'est une question de politique. Comment est-ce qu'on doit le faire? Est-ce qu'il doit y avoir des consultations publiques dans le cadre des commissions parlementaires sur l'énergie ou sur autre chose? Est-ce qu'il doit y avoir des consultations publiques lorsqu'on établit les normes des émissions des industries papetières? C'est une question à décider. Mais, chose sûre, c'est que ce n'est pas par le biais d'une demande d'approbation d'un petit projet en particulier qu'on doit faire ces débats-là.

Alors, je dis, la politique gouvernementale, qu'elle passe par une meilleure coordination entre le ministère de l'Environnement et les autres ministères à vocation économique pour établir comment se fait le débat public. Je pense qu'il se fait à l'intérieur de commissions parlementaires.

Si ce n'est pas suffisant au niveau consultation, on doit aller plus loin, mais on ne doit pas reprendre tout ça au niveau de l'approbation d'un projet particulier.

M. Gaudreau: Si je peux me permettre aussi, M. le député, en fait, le gouvernement actuel fait des consultations à partir de certaines formes. Il est peut-être possible que ces consultations-là puissent être plus étendues qu'elles ne le sont. Je ne voudrais pas argumenter sur ce point-là. Mais je pense qu'il restera toujours qu'il y aura des groupes ou des individus, soit pour des intérêts collectifs ou autres, qui utiliseront les procédures actuelles du BAPE pour véhiculer une idée ou chercher à faire passer un objectif que ces organismes-là peuvent avoir. Pour eux, le BAPE devient une plate-forme pour se faire entendre.

C'est dans ce sens-là que l'on dit qu'au niveau des procédures du BAPE, il y aurait peut-être à resserrer les critères pour avoir accès ou pour amener des interventions lors d'audiences, de façon à ce que ces interventions-là soient bien ciblées en fonction de l'objectif des audiences en question et non pas déborder sur des sujets qui sont complètement en parallèle.

M. Lazure: Justement, dans cette opération du ciblage, est-ce que vous voyez la participation du public de manière plus précoce, non pas, encore une fois, dans un cadre très vaste d'une politique générale, mais sur le projet précis pour telle ou telle localité, telle ou telle région? Qu'est-ce que vous pensez d'une implication plus précoce du public au moment de la directive, par exemple?

M. Couture: Nous sommes très favorables à établir l'approbation des principes dans un processus avant que les promoteurs aillent dépenser des fortunes pour être capables de faire des études d'impact ou être capables de définir leurs projets. Il y a un très grand avantage pour les promoteurs, que ce soit dans le secteur industriel, de dire: Le principe qu'on accepte de construire des alumineries au Québec est établi séparément du problème particulier d'un promoteur qui veut le faire sur un site donné. Alors, si on regarde les autres secteurs, on dit: Est-ce qu'on veut faire l'exportation d'énergie outrefrontières? Eh bien, on devrait décider ça bien avant que les plans des pylônes soient établis. Mais, par le procédé d'approbation de l'emplacement des pylônes, qu'on vienne rediscuter de cette politique générale de l'exportation d'énergie ou de la façon dont on va produire l'énergie... Parce qu'on veut faire un pylône quelque part, actuellement, mais on remet en cause non seulement la politique d'exportation d'énergie, mais aussi la manière dont on va produire l'énergie et l'endroit où on va le faire.

Alors, il faut que ces problèmes-là soient séparés. Si on veut discuter de la politique d'exportation d'énergie, qu'on fasse ça à l'extérieur du cadre d'un projet particulier qui est de dire: On va planter des pylônes dans l'Estrie.

M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. Garon): M. le député de Dubuc.

M. Morin: Alors, pour continuer dans le même sens que le collègue vient de vous interroger, sur l'implication du public un peu plus tôt dans le processus, soit au niveau de l'élaboration des directives, vous semblez souscrire à cette idée, enfin. Sauf que ce que j'ai de la difficulté à comprendre, c'est lorsque vous semblez conclure, dans votre mémoire, que cela pourrait avoir pour effet d'amener le ministre... lui faciliter la tâche lorsqu'il a à juger du sérieux ou de la frivolité des demandes d'audiences publiques. Ça, j'ai de la misère à cerner le lien entre les deux parce que, même si les intervenants, la population est impliquée plus tôt, voire même dans l'élaboration du cahier de directives, je ne vois pas comment le ministre serait mieux placé pour juger une demande d'audiences est d'un organisme ou de quelqu'un qui s'est impliqué lors de la préparation de la directive, ou de quelqu'un qui ne s'est aucunement impliqué au départ. À moins que la Loi sur la qualité de l'environnement ne soit modifiée de façon à préciser ou à donner des paramètres au terme "frivolité". J'aimerais que vous m'expliquiez le lien que vous faites entre les deux.

M. Gaudreau: Écoutez, à ce sujet-là, je pense qu'on déborde un petit peu sur l'aspect environnemental, et puis pourquoi c'a été apporté. C'est qu'au niveau des projets, de plus en plus - et ça, on le voit dans la plupart des pays où il s'en réalise, des projets - on doit maintenant envisager l'intégration sociale des projets. Quand on mentionne que la population doit être impliquée plus tôt dans le processus, ces démarches-là et ces préoccupations-là, selon nous, portent beaucoup plus sur l'intégration sociale des projets.

Au moment où ce genre de consultation là s'effectue, la population locale, les gens vraiment affectés par la réalisation du projet font valoir leurs préoccupations. Ça permettra peut-être, au moment d'autres audiences qui pourraient venir plus tard dans le processus, de mieux cerner qu'est-ce que la population locale souhaite et ça permettra peut-être d'évaluer plus facilement des interventions qui, au Québec, sont peut-être systématiques lorsqu'il y a des études d'évaluation, lorsqu'il y a des études du BAPE.

Alors, au niveau frivolité, ça permettra peut-être d'identifier mieux les interventions par rapport aux priorités et intérêts du milieu, et non pas des intérêts de groupes qui n'ont

absolument pas d'intérêts avec le milieu comme tel, mais qui pourraient utiliser les études du BAPE strictement pour faire passer des idéologies de groupes ou des idéologies personnelles.

Alors, c'est dans ce sens-là que le terme "frivolité" a été apporté. C'est pour mieux cerner les intérêts discutés dans les audiences, en fonction de la population concernée. Encore là, je ne pense pas qu'il y ait de règle bien stricte parce que, lorsque tu as un projet, en fonction de la nature du projet, l'impact environnemental ou l'impact social peut être relativement limité, ou peut être relativement large. Alors, encore là, je pense qu'il faut laisser place à ce qui est de la marge de manoeuvre à l'intérieur de ce processus.

M. Couture: Un exemple. Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, un exemple de ça, c'est que, si un projet est approuvé, un projet industriel de 1 000 000 000 $, et qu'on vient y ajouter un bout de ligne de cinq kilomètres de long, est-ce que, par le biais de la procédure d'approbation de cette ligne d'énergie de cinq kilomètres, on devra remettre tout le projet en cause, ce qu'on a rencontré il n'y a pas longtemps ici, au Québec? Alors, on dit: C'est frivole, à ce moment-làt de discuter, à l'intérieur du projet d'une ligne qui a peut-être cinq kilomètres de long, des impacts de tout le secteur industriel du Québec. Alors, pourquoi on est obligé de passer une loi à l'Assemblée nationale pour dire que cette ligne-là ne servira pas, de façon frivole, à remettre en cause tout ce qui a été décidé au cours des trois dernières années? (10 h 45)

Le Président (M. Garon): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Tout à l'heure, lorsqu'on s'est laissés, on parlait, en fait, d'une nouvelle formule du BAPE pour améliorer son efficacité. Comment verriez-vous ça, l'intégration des procédures d'évaluation entre les différents ministères? Quel genre d'organisme serait capable de faire la coordination de ça? Comment verriez-vous ça, vous autres, chez vous, un peu?

M. Couture: Peut-être, à l'intérieur d'un groupe d'évaluation qui est formé par le BAPE, qu'il y ait, comme d'autres intervenants l'ont fait valoir avant nous, des spécialistes techniques de la question à l'étude et des spécialistes des ministères à vocation économique qui ont la responsabilité de faire la planification générale du secteur donné. Si on parle d'un petit bout d'autoroute et qu'on veut le faire en approbation, sur le "panel" du BAPE, il devra y avoir des gens qui sont techniquement experts dans le secteur technique en question - construction routière - et aussi avoir des gens qui peuvent représenter le point de vue de la planification générale des transports dans le Québec. Ça devrait faire partie intégrale du groupe du BAPE qui fait l'évaluation.

M. Maltais: Mais le BAPE demeurerait toujours le coordonnateur principal, selon vous?

M. Couture: II serait l'organisme toujours privilégié pour faire la consultation publique et être le martre d'oeuvre de la procédure d'évaluation.

M. Maltais: D'accord. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, MM. les représentants du Centre international des grands projets, de votre mémoire et, également, de votre visite ici, devant la commission. Ça a été très intéressant. Je veux vous dire que je trouve aussi votre mémoire et vos réponses, votre exposé, très intéressants. Je demande maintenant au groupe Action RE-buts de venir prendre place à la table des délibérations.

M. Michel Séguin, porte-parole, vous avez une demi-heure; donc, normalement, 10 minutes pour votre exposé, 10 minutes pour le parti ministériel, 10 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait, ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté également, de part et d'autre. M. Séguin, porte-parole, et M. Roman, je suppose.

Action RE-buts

M. Roman (Georges): C'est exact, oui. M. le Président, bonjour. Mmes et MM. les députés, je vous salue.

Le Président (M. Garon): Voulez-vous vous présenter, pour les fins d'enregistrement des débats?

M. Roman: Mon nom est Georges Roman. Je suis président du comité des citoyens de Rivière-des-Prairies et aussi porte-parole de la commission Action RE-buts. À ma droite, il y a M. Michel Séguin, porte-parole d'Action RE-buts. Alors, si nous venons ici ce matin, premièrement, c'est parce que nous voulons, comme nous l'avons dit dans notre lettre, dénoncer un peu la façon dont le gouvernement et les commissions fonctionnent à l'heure actuelle et refusent systématiquement de financer des organismes comme le nôtre, qui sont des organismes communautaires presque à plein temps. Les ressources humaines et financières dont on aurait besoin pour préparer un mémoire ou envoyer 60 copies de nos documents, pour nous, c'est à peu près impensable de le faire. Nous ne disposons pas de ces moyens financiers. C'est pour ça aussi, M. le Président, qu'au lieu d'avoir un mémoire, vous avez devant vous une lettre de quatre pages,

malheureusement. On aurait aimé l'élaborer beaucoup plus. Je pense que c'est la première chose dont j'avais à vous parler.

La deuxième, c'est que je regrette un peu aussi le fait de voir qu'après la commission Lacoste il y a une autre commission qui s'en vient. Nous nous posons la question: Est-ce qu'après cette commission-là il y aura une autre commission, une autre commission et qu'il n'y aura jamais de décisions qui seront prises? Je pense qu'il serait temps de mettre un frein aux commissions et de dire: Bien, on va passer à l'action.

Il y a aussi un troisième point qui est très important pour nous autres. C'est qu'à Rivière-des-Prairies, ou plus exactement à Montréal-Est qui est à côté de chez nous, "Esso Canada obtient le feu vert pour décontaminer ses sols". C'est un article du journal Le Devoir du jeudi 8 août 1991, sous la plume de Louis-Gilles Fran-coeur. Encore une fois, on parle ici d'un procédé de décontamination thermique. Quels beaux mots on emploie, ce n'est pas croyable! Au lieu d'employer carrément le mot "incinérateur" et de dire: Écoutez, c'est de l'incinération qu'on va faire. Je ne vous cache pas qu'en tant que président du comité de vigilance, je suis au courant de bien des choses qui se passent dans l'est et de la pollution que l'est de la métropole a à subir pour le moment.

Je pense que vous êtes au courant également qu'il y a d'autres incinérateurs qui sont supposés venir s'installer là et je pense aussi qu'il est temps que vous songiez fermement à mettre un frein à ce genre de procédé. Je comprends très mal aussi que le certificat d'autorisation approuvant, en principe, cette technologie, avant que le choix d'un équipement précis n'ait été fait, ait été émis le 19 décembre 1989. Donc, c'est vraiment quelque chose qui est à peu près incompréhensible. On émet un certificat d'autorisation approuvant, en principe, cette technologie. Je crois qu'il serait temps de songer très fortement à revoir ce genre d'émission de certificat.

Je pense que j'ai fait, en gros, le tour des trois points que j'avais à vous donner. Je veux laisser le temps à Michel Séguin d'élaborer plus sur ce qui s'en vient.

M. Séguin (Michel): Bonjour. Michel Séguin d'Action RE-buts. Je me fais un peu l'écho de M. Roman par rapport aux ressources que la commission met de l'avant pour les groupes comme le nôtre. Je vous fais savoir, messieurs et mesdames, qu'on a eu une longue discussion avant de décider de venir ici, à savoir si on se cotisait entre nous pour payer nos frais de déplacement, parce qu'on nous a fait savoir que la commission ne payait même pas les frais de déplacement. Je trouve ça scandaleux. Les groupes, en région, ont autant le droit de se faire entendre que les groupes de la ville de Québec On ne demandait même pas de se faire dédommager pour nos journées de travail perdues, mais de payer l'essence. Je trouve que c'est un minimum.

Alors, Action RE-buts, c'est une coalition montréalaise de 14 groupes qui préconise une gestion écologique et économique des déchets. C'est pour ça qu'on a décidé, finalement, de venir vous présenter nos revendications, parce que la question des déchets, au Québec, est une question qui prend de plus en plus d'ampleur. Ce n'est plus simplement un enjeu technique ou économique, mais un enjeu écologique et social.

Nous sommes aux prises avec des problèmes sérieux, à Montréal. Ce sont des problèmes qui sont largement dus, d'une part, au manque de transparence et d'imputabilité des politiciens locaux et, d'autre part, au manque de leadership du gouvernement québécois. Alors, si vous voulez bien, je vais vous mettre à jour quant à la lettre qu'on vous a fait parvenir il y a quelques semaines et vous donner le suivi par rapport à ce qui se passe à Montréal. J'espère que ça va vous donner au moins des pistes de réflexion que vous pourrez, par la suite, intégrer à vos recommandations.

Alors, quoique la Communauté urbaine de Montréal, la CUM, ait reçu l'autorité de Québec de faire respecter les lois sur la qualité de l'environnement, il est évident qu'elle ne remplit pas son rôle. La gestion des déchets solides sur l'île est actuellement scindée en deux: la ville de Montréal, d'une part, et les 27 autres municipalités de l'île regroupées sous la Régie intermunicipale de la gestion des déchets, d'autre part.

La ville de Montréal, en 1990, a incinéré plus de 300 000 tonnes de déchets, soit plus de 75 % du total. La ville de Montréal a recyclé 7000 tonnes de déchets, soit 1,6 % du total. Il est évident que l'incinération présente un obstacle insurmontable à la gestion écologique des déchets et l'exemple de Montréal est frappant à cet égard. Quel est l'incitatif pour recycler lorsque nous devons nourrir - si vous me permettez l'expression - un incinérateur avec à peu près 1000 tonnes de déchets par jour?

L'incinération ne fait pas disparaître les déchets; elle les transforme en pollution atmosphérique. De plus, les cendres affectent sérieusement. Les cendres de l'incinération doivent être enfouies elles aussi et elles affectent la nappe phréatique et l'environnement terrestre. À Montréal, le site d'enfouissement de Rivière-des-Prai-ries reçoit actuellement plus de 90 000 tonnes de cendres dangereuses et inutilisables à chaque année.

On vous a fait part, dans notre lettre, que l'avis de santé que la ville de Montréal avait demandé au DSC par rapport à l'incinération, on l'attendait toujours. Le 22 août, la ville de Montréal a finalement rendu public le rapport du Dr Carrier et ce que ça a posé comme problème, c'est l'interprétation qu'on a faite de ce rapport

du Dr Carrier. Une des conclusions du rapport était de dire que notre analyse suggère que réduire les émissions de polluants dans l'air en utilisant des épurateurs et des filtres de toutes sortes, de manière à se conformer aux normes existantes, c'est déplacer le problème. Si on veut réellement atteindre l'objectif visé par les normes, il faudra également réglementer le contrôle de l'enfouissement des cendres.

Alors, quand M. Richard Brunelle, de la ville de Montréal, dans un communiqué de presse du 22 août, nous dit qu'un suivi environnemental s'effectue au site de Rivière-des-Prairies par rapport à ces cendres, selon, et je cite, "les exigences fixées par le ministère québécois de l'Environnement", premièrement, ce suivi-là n'a jamais été rendu public et, deuxièmement, les soi-disant exigences n'incluent ni les dioxines ni les furanes. Alors, ce sont des réactions qui n'inspirent pas beaucoup confiance. M. Brunelle a aussi indiqué qu'à la mi-septembre, la commission de l'environnement du conseil municipal va étudier publiquement l'ensemble du dossier relatif aux émanations de l'incinérateur. On s'attend à ce que ce soit une autre étude qui va nous démontrer non seulement que l'incinérateur pollue l'atmosphère, mais que, même si on contrôle mieux cette pollution, ça va rendre les cendres encore plus toxiques.

Ce qui est peut-être encore plus révélateur, c'est que, quelques jours plus tard, encore dans Le Devoir, on retrouve un article à la une où on voit que la ville de Montréal semble vouloir continuer avec une gestion anti-écologique et non viable des déchets. La ville propose de dépenser entre 75 000 000 $ et 110 000 000 $ pour rendre l'incinérateur des Carrières encore plus performant. Non seulement ça, mais la ville propose d'augmenter la capacité de l'incinérateur. Alors, une des recommandations qu'on vous fait aujourd'hui, c'est de vous demander d'arrêter, ici, à Québec, de donner des permis de polluer à des installations comme l'incinérateur des Carrières et de songer beaucoup plus à donner des permis temporaires à ce genre d'installation où le monde pourrait, de façon régulière, rencontrer les responsables de l'installation et s'assurer qu'il n'y a aucun risque pour l'environnement ou pour la santé. De plus, on demande que, lorsqu'on veut transformer une installation existante et ajouter 100 000 000 $, la population soit consultée.

Toujours par rapport aux cendres, Action RE-buts tente d'obtenir les résultats des tests qui ont été effectués à Rivière-des-Prairies. On fait cette demande à la commission d'environnement de la CUM dont le président est le maire de la ville de LaSalle, M. Michel Leduc. On a également fait parvenir une lettre au département des travaux publics de la ville et on attend toujours les résultats. Le maire de la ville de LaSalle, Michel Leduc, est à la tête de la Régie intermunicipale de gestion des déchets. Doit-on mentionner que porter deux chapeaux si contradictoires est une source potentielle de conflit d'intérêts? Comment voulez-vous être juge, arbitre et en même temps promoteur d'un projet d'incinérateur? La Régie, qui est une création semi-publique de 27 maires sur ITle de Montréal, fait la promotion d'un projet de 270 000 000 $. Non seulement on a déjà un incinérateur à Montréal, mais ils veulent en construire un autre. Action RE-buts tente d'obtenir des informations de la Régie intermunicipale depuis le mois de mai au moins. On se bute constamment à un manque d'accessibilité et à un manque de transparence. On ne sait même pas le budget de la Régie, quelles dépenses elle effectue par rapport à sa campagne de publicité pour faire valoir l'incinération comme option.

La Régie doit pouvoir répondre à des questions qui sont posées par ceux et celles que le projet affecte. Elle nous a invités à siéger sur un comité de concertation. On a imposé quatre conditions pour participer à un comité de concertation, soit: l'accès à toute l'information, un comité qui étudierait toutes les options, un rôle et un mandat clair pour le comité et un comité démocratique et public ouvert à tous. (11 heures)

On nous a répondu la semaine dernière. On a dit que, si nos conditions ne pouvaient être respectées, on voulait participer à titre d'observateurs. On nous a répondu que c'était tout ou rien, qu'on n'avait pas le droit de participer à titre d'observateurs, mais qu'on devait être membres. Mais être membre de ce comité-là, c'est être membre pour rendre socialement acceptable l'incinération dans l'est de Montréal et pour 111e de Montréal.

Alors, mesdames et messieurs, l'accès à l'information, le manque de transparence, l'insouciance de la pollution sur notre santé et sur l'environnement, c'est ça, le bilan d'une gestion des déchets qui ne répond pas aux besoins de la population. Est-ce que je dois ajouter que non seulement on est aux prises avec l'incinérateur des Carrières, une gestion antiécologique, non seulement on doit lutter pour faire valoir la supériorité d'une gestion écologique par rapport aux membres de la Régie, mais qu'on se retrouve devant un projet d'Esso Canada qui va se faire non seulement sans étude d'impact environnemental, mais sans audiences publiques? Alors, j'espère que, de ce qui se passe à Montréal, vous allez pouvoir tirer certaines conclusions et les intégrer à vos recommandations. Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. Roman et M. Séguin. Alors, je vais demander au député de Lotbinière, pour huit minutes... Il y aura huit minutes de part et d'autre, les deux partis, ministériel et de l'Opposition.

M. Camden: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais remercier l'organisme Action RE-buts,

plus particulièrement MM. Roman et Séguin de participer à cette commission parlementaire. D'abord, je voudrais peut-être préciser des choses avant de débuter réellement. Vous mentionniez tout à l'heure que vous déploriez le fait que vous ne soyez pas rémunérés ou, enfin, compensés financièrement pour participer à cette commission. Personne ne l'est et aucune commission parlementaire ne l'a été dans le passé. Cependant, je sais que votre député a aidé, m'a-t-on dit, votre groupe de façon à vous supporter, considérant le mérite que vous avez dans votre milieu.

Cependant, je voudrais peut-être en arriver aux points de votre rapport. Vous savez, il reste toujours que chacun des mémoires qui est déposé ici, en commission, fait l'objet non seulement d'une lecture par mes collègues et moi-même, mais également d'un résumé dans lequel on retient un certain nombre d'éléments, de suggestions, de commentaires qui nous apparaissent tout à fait pertinents. Alors, ça a été le cas pour votre organisme, comme pour tous les autres. Soyez assurés que vos commentaires sont pris en considération.

Votre mémoire est principalement axé sur la récupération et le recyclage comme alternatives à l'incinération comme mode de gestion des déchets. Je voudrais peut-être entrer dans le vif. Vous mentionnez, dans votre document, qu'à l'égard de la gestion des déchets, "Québec a un rôle important à jouer - je vous cite. Non pas pour s'ingérer; les régions doivent continuer à être responsables de la gestion de leurs propres déchets. C'est un principe fondamental. Cependant, Québec doit faire preuve de leadership politique." Vous savez, il y a un peu une dichotomie dans votre truc, je trouve, à l'effet que vous nous invitez à nous ingérer et, par la suite, que vous nous ramenez à l'ordre en disant: II faut une relative autonomie - relative. Alors, comment cela pourrait-il se concrétiser? Avez-vous des suggestions quant à la démarche que le gouvernement du Québec ou, enfin, le ministère de l'Environnement devrait mettre de l'avant pour atteindre effectivement vos objectifs?

M. Séguin: Tout d'abord, moi, je dirais qu'on peut s'inspirer de ce qui se passe en Ontario, par exemple, où la ministre de l'Environnement a récemment interdit la construction de tout nouvel incinérateur parce que, selon le gouvernement ontarien, l'incinération n'est pas une solution à considérer dans la gestion des déchets solides. La deuxième décision du gouvernement ontarien qui devrait être d'intérêt ici, c'était de responsabiliser les régions en interdisant l'exportation ou l'importation des déchets. Alors, ça, c'est une loi que Québec doit légiférer. La troisième chose, c'est que l'Ontario a rendu obligatoire la participation des commerces, des industries et des foyers aux programmes de recyclage. À ce moment-là, ça veut dire que l'infrastructure pour le recyclage existe et que les compagnies et les individus doivent participer. Donc, ça, c'est faire preuve, à mon avis, d'un leadership en indiquant la direction à prendre, mais en laissant le soin aux communautés de décider par elles-mêmes comment elles vont organiser pratico-pratiquement la gestion écologique des déchets sur leur territoire. C'est sûr que les exigences d'une ville comme Montréal ne sont pas les mêmes que celles d'un village comme Portneuf.

M. Camden: Avez-vous complété? Oui? Ça va. M. le Président, est-ce qu'on pourrait... D'abord, je vais vous dire que je partage votre point de vue en partie. Je suis évidemment très sensible au fait qu'il est important de procéder à la récupération et au recyclage, mais aussi, vous savez, doit-on considérer ce qu'on appelle des déchets comme étant davantage des ressources à bien des égards? On a été à même de le constater plus récemment encore, la semaine dernière, en visitant le CFER, dans la région de Victoriaville, où, manifestement, la réutilisation de certains matériaux, dont la papier journal qui deviendra sans doute une ressource très importante pour l'ensemble de l'industrie papetière au Québec...

Mais, étant donné qu'il restera toujours une quantité de déchets véritables, parce qu'on ne peut évidemment tout récupérer, étant donné aussi le marché actuel de la demande en ressources secondaires et la nécessité de trouver des solutions à court terme, notamment dans la région de Montréal face à la fermeture de la carrière Miron, quelle solution réalisable proposez-vous, d'une façon tout à fait concrète, autre que celle évidemment... Je sens très bien que vous faites objection à l'incinération.

M. Séguin: Écoutez, je pense que, si on part du principe que les déchets existent et qu'on doit les traiter séparément en dehors d'où ces déchets-là proviennent, c'est sûr qu'on est voué à considérer l'incinération comme solution.

Nous, ce qu'on dit, c'est que, d'abord, il faut - et c'est encore un rôle que Québec peut jouer... On demande à la Régie, par exemple, de voir... Si on prend les 270 000 000 $ qu'elle veut mettre sur l'incinérateur, prenons ce même montant et faisons un plan sur les 3R, c'est-à-dire pas seulement le recyclage, mais le recycla-ge-compostage, la réutilisation plus importante encore et la réduction, et voyons, avec les 270 000 000 $, le même montant, à quel chiffre on va aboutir, en appliquant un plan rigoureux des 3R. C'est la première chose. Étudions deux options et laissons la population choisir. Nous ne sommes pas satisfaits quand M. Leduc nous dit qu'on doit arrêter à 50 % parce que, les autres 50 %, on va les brûler. Le GRAIGE de l'Université du Québec à Montréal a déterminé que le sac vert montréalais a 81,2 % de matières

potentiellement récupérables. Alors, pourquoi se satisfaire d'un objectif de 50 %? C'est sûr que 80 %, c'est peut-être un objectif théorique, mais ne nous arrêtons pas aux 50 %, allons vers 60 %, 70 %, des chiffres qui sont atteints ailleurs, à Seattle et à Guelph. À ce moment-là, on va savoir ce qui reste et on va pouvoir agir sur ce montant-là de façon beaucoup plus responsable que de le brûler et de polluer l'atmosphère, polluer la nappe phréatique avec des cendres, de façon antiécologique et non viable économiquement. C'est ce qu'on dit.

M. Camden: Dans le processus de démocratisation que vous avez engagé, est-ce que vous proposez la démocratisation du processus de décision qui, ma foi, apparaît comme un élément essentiel dans votre document? Quel mécanisme privilégieriez-vous pour exercer cette démocratie? Sous la responsabilité de quel organisme? Vous maintenez toutes les infrastructures qu'on retrouve actuellement ou vous proposez d'autres alternatives? À quel niveau et à quel moment? Outre la Régie intermunicipale, je présume que vous devez avoir d'autres idées ou si vous voulez le faire sous le chapeau de cet organisme?

M. Séguin: C'est sûr qu'il y a un problème quand quelqu'un qui est responsable de faire respecter les normes environnementales est aussi un promoteur de l'incinération. Il y a un problème potentiel de conflit d'intérêts. Ça, on ne se le cache pas. Je pense que la responsabilité de la gestion des déchets doit être ouverte et accessible. En d'autres mots, on doit pouvoir non pas rencontrer des experts-conseils de Cogesult, par exemple, dans le cas de la Régie, quand on veut des questions répondues... mais qu'il y ait une gestion qui soit accessible et ouverte et que la vérification et l'assurance que les normes sont respectées se fassent de façon indépendante.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Séguin et M. Roman pour leur présentation et les féliciter de leur ardeur au travail en dépit de conditions matérielles difficiles.

Vous avez raison de soulever la question du financement des groupes environnementaux. De ce côté-ci de la table, nous la soulevons régulièrement. Nous pensons que les autorités devraient financer plus généreusement, non seulement à l'occasion des audiences publiques - on en a parlé hier - comme ça se fait en Ontario par une loi du financement des intervenants en environnement, mais aussi en dehors du processus d'audiences; en dehors de ça, les groupes environnementaux rendent des services énormes aux communautés, énormes, aux municipalités et aux gouvernements. Je vois que le député de LaFon- taine opine du bonnet et qu'on s'entend tous les deux là-dessus. Ce n'est pas normal que ce soit le budget local d'un député qui ait à défrayer ces choses-là. Tant mieux si le député le fait, mais il devrait y avoir des mécanismes plus officiels pour le faire. La contribution des groupes environnementaux... Il en existe des centaines au Québec actuellement et ça se multiplie constamment, et, Dieu merci, cette contribution-là, elle est énorme. Je pense que l'État est mal avisé de ne pas réaliser cette contribution énorme. On devrait leur donner une compensation financière. De ce côté-ci de la table, on va s'efforcer, dans notre rapport final, peut-être d'avoir des recommandations là-dessus. Ce n'est pas normal que vous ayez à quêter pour préparer votre présentation et pour défrayer les dépenses de votre voyage à Québec.

Un deuxième point, la transparence. Vous avez raison aussi de dénoncer le côté secret des démarches d'autorités, que ce soit municipale, provinciale, fédérale, peu importe. Ça, c'est une des contributions que peuvent faire les groupes communautaires, les groupes environnementaux, de dénoncer toujours l'aspect secret de la démarche d'une municipalité, d'une MRC ou d'un ministère. Encore une fois, c'est un accroc fondamental à la démocratie quand on refuse de donner des renseignements à des groupes intéressés comme le vôtre.

Quant au projet de la Régie intermunicipale, vous le savez, l'incinérateur lui-même va être soumis aux audiences publiques, vous êtes sans doute au courant de ça. Le projet d'incinérateur est assujetti aux audiences publiques et à la procédure d'évaluation, mais la gestion des déchets ne l'est pas, et c'est là que vous avez raison de vous inquiéter. Il existe une politique des déchets domestiques depuis 1988, mais il y a peu de gens, même autour de la table ici, il y en a peu qui la connaissent, cette politique-là. Les municipalités ne la connaissent pas. Je pense que, dans l'esprit de votre mémoire, peut-être faudrait-il qu'il y ait - et je veux voir votre réaction - un peu comme il y a eu une commission d'enquête par le BAPE, sur demande du gouvernement, concernant les déchets dangereux, une telle commission d'enquête sur la gestion des déchets domestiques. Je vous pose la question: Qu'en pensez-vous?

M. Séguin: II y a certainement, à travers le Québec, des problèmes. Non seulement on en vit à Montréal, mais il y en a ici, à Québec, où vous êtes aux prises... Ici, vous subissez les impacts de deux incinérateurs de déchets domestiques. Il y a toutes sortes de problèmes avec des sites de dépotoirs; toute la question du privé versus le public. Oui, je pense que ça fait partie... On est aux prises, à travers le Québec, avec des problèmes par rapport à la gestion des déchets. Comme je vous ai dit au début de ma présentation, ce n'est plus un enjeu technique, c'est un enjeu

social.

M. Lazure: Spontanément, est-ce que vous avez des suggestions à nous faire? De quelle façon pourrait se faire une telle enquête ou une telle consultation publique? Ça serait dans les deux sens. Il y a une politique, mais elle n'est pas connue. Je pense qu'on s'entend tous pour dire qu'elle n'est pas connue du public. Donc, ça prendrait un forum pour que le public prenne connaissance de cette politique-là, la politique de gestion des déchets domestiques. (11 h 15)

Deuxièmement, il y a actuellement une foule de projets dans les municipalités, dans les MRC à travers tout le Québec, dans toutes les régions, et c'est un peu beaucoup la confusion. Vous avez raison de dire que, dans la foule de projets qu'on voit, il n'y a pas de place importante réservée à la réduction des déchets, au recyclage, à la récupération. Il y a des petits efforts qui se font ici et là. Victoriaville, c'est l'exemple par excellence, mais ça reste une goutte d'eau dans l'océan. Peut-être faudrait-il une opération publique d'envergure pour mobiliser la population sur l'importance non pas de l'incinération, parce que c'est juste de ça qu'on parle quasiment actuellement, mais des fameux R: la réduction, le recyclage, la récupération. Mais je reviens à la question de tantôt: Est-ce que vous avez des idées là-dessus? Comment procéder?

M. Séguin: je veux juste souligner que toute campagne d'éducation et de sensibilisation est très importante parce que la solution se trouve avec l'individu, en partie. mais des campagnes de culpabilisation de l'individu... parce que ce n'est pas simplement une question de consommer mieux, mais l'individu doit pouvoir avoir des options dans lesquelles il peut participer pour réduire justement ces déchets et pour réutiliser, pour recycler. donc, il doit avoir le choix finalement et ce choix-là doit venir des autorités en place.

Par rapport à votre idée d'une commission, si vous voulez savoir comment on pourrait partir une commission comme ça pour savoir l'étendue des problèmes, je vous suggérerais d'aller dans les régions où il y a des problèmes. Sainte-Geneviève, par exemple, où on veut agrandir un site privé, un dépotoir privé, a 10 kilomètres, et ça, ce n'est pas assujetti à aucun contrôle. Sainte-Geneviève-de-Berthier. Je peux vous donner... Il y a Valleyfield qui vient de recevoir deux propositions, une qui n'a pas été retenue. Il y a Montréal, il y a l'Outaouais qui va exporter ses déchets à Saint-Jean-de-Matha. Ce sont tous des aspects de la problématique sur lesquels vous devez vous pencher.

Encore, je répète, c'est non seulement sur le traitement de déchets, mais comment est-ce qu'on arrive à mettre en place des systèmes de réduction, de réutilisation et de recyclage? comment est-ce qu'on rend nos déchets en ressources et comment est-ce qu'on pénalise la production de déchets qui ne sont ni réutilisables ni recyclables ou compostables?

M. Roman: Moi, ce que je voulais rajouter là-dessus tout simplement, c'est que je pense que le gouvernement se doit de prendre une politique d'éducation et d'information, et non pas de laisser cette éducation et cette information à des groupes communautaires comme le nôtre.

Je pense aussi que, si on regarde des exemples... On parle de Victoriaville, mais on peut parler d'une petite ville comme Easthamp-ton - c'est au New Jersey, je pense - où on a mis de l'avant un projet qui est quand même extraordinaire et où on a réussi, en un laps de temps très court - à peu près 4 mois - à arriver à un taux de récupération de près de 80 %. Je pense que c'est justement suite à des efforts du gouvernement qui pourrait justement investir là-dedans.

Je pense aussi qu'il est du rôle du gouvernement d'empêcher les compagnies de produire n'importe quoi. Je pense qu'il est temps qu'on dise: Écoutez, vous mettez un produit sur le marché, il va falloir que vous en preniez charge après, donc que vous continuiez la chaîne et que vous récupériez pour réutiliser. C'est la façon dont, moi, je le pense et je le vois.

Le Président (M. Garon): On vous remercie, les représentants d'Action RE-buts qui sont venus rencontrer les membres de la commission. Le temps prévu pour la rencontre avec la commission étant écoulé, je demande maintenant au Comité de l'environnement de Chicoutimi inc, représenté par M. Pierre Gravel, de prendre place à la table des intervenants. M. Gravel, vous avez une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes pour faire votre exposé, normalement, 10 minutes pour le parti ministériel et 10 minutes pour le parti de l'Opposition. M. Gravel, à vous la parole.

J'avertis les membres de la commission qu'à la fin des audiences, immédiatement, nous allons faire une courte séance de travail pour faire le point sur... Quelques minutes après l'audience, nous aurons une courte séance de travail de quelques minutes. M. Gravel.

Comité de l'environnement de Chicoutimi inc.

M. Gravel (Pierre): Bonjour, M. le Président, mesdames, messieurs. Le Comité de l'environnement de Chicoutimi inc, c'est un groupe de citoyens du Saguenay. Je représente environ 250 à 300 membres. Ce n'est pas assez fort?

Le Président (M. Garon): Voulez-vous parler avec plus de force, s'il vous plaît, parce que...

M. Gravel: Est-ce que je peux approcher le système?

Le Président (M. Garon): Je ne sais pas si c'est parce que le système, le micro est faible, mais on entend moins facilement.

M. Gravel: O.K. Donc, notre comité accueille très positivement votre commission parce qu'on trouve que la procédure d'évaluation environnementale est l'outil majeur qu'on a au Québec, à l'heure actuelle, pour protéger nos ressources et la santé de la population, qu'on parle autant des ressources comme l'air, l'eau et les terres du Québec.

La procédure, à l'heure actuelle, a donné des résultats intéressants au Saguenay. C'est sûrement pour cette raison-là que je suis ici aujourd'hui, parce que j'y crois, notamment dans les audiences publiques où les populations peuvent s'exprimer sur des projets. À toutes les occasions où j'ai participé à des audiences publiques, les auditions ont donné des bonifications aux projets la plupart du temps. C'est rare que les projets ont été abandonnés. Au contraire, les projets ont été améliorés, ce qui prouve que la population a de quoi à dire et qu'on doit maximiser sa participation dans nos affaires économiques.

Mais, malheureusement, il y a des problèmes. C'est un outil majeur, mais c'est un outil qui est actuellement amputé par des décisions, en tout cas, ou par une pratique politique. Notamment, le fait que l'article 2n ne soit pas mis en vigueur, c'est une situation flagrante et peut-être même provocante parce qu'on sait, à l'heure actuelle, qu'il y a beaucoup de projets majeurs d'alumineries, de barrages, etc. qui sont en train de modeler toute la structure économique et environnementale du Québec à l'heure actuelle et qu'on ne peut pas discuter publiquement de ces sujets en profondeur.

Oui, on va dire, ça a tel effet positif économiquement, mais, les côtés négatifs, on ne pourra pas en discuter publiquement. Ça, c'est très dommage. Le rapport Lacoste, je pense que vous avez pu en juger vous-mêmes, pour nous, c'a toujours été un rapport très, très intéressant. Le fait qu'il ne soit pas mis en application, là encore, c'est un mauvais indicateur politique, à notre avis.

On vient de parler des déchets, l'intervenant précédent. Nous, au Saguenay, c'est un sujet très chaud, les déchets. C'est une saga qui a amené beaucoup même de confrontations, je dirais, dans la population et entre les différentes instances politiques de la région. Moi, je vous garantis que, si on avait eu des audiences publiques sur ce sujet-là au Saguenay, on serait beaucoup plus avancé aujourd'hui. On pourrait faire profiter d'autres régions parce qu'il y a beaucoup de gens dans la région qui ont réfléchi à ce sujet-là. Il y a beaucoup de gens qui ont des choses à dire. On pense que, s'il y avait des audiences, on pourrait vider le sujet que les audiences d'une région pourraient servir aux autres régions.

La participation du public à la directive. Lorsque le ministère, finalement, demande à un promoteur de faire l'étude d'impact, je pense que c'est une très bonne suggestion. À notre avis, ça permettrait d'écourter le laps de temps de trois ans qui est définitivement trop long pour un promoteur. On est bien d'accord avec ça. Ça permettrait aussi à la population de dire, tout de suite au début, les enjeux qu'elle sent et de ne pas se sentir frustrée que l'étude d'impact ne traite pas des humains, mais traite des poissons, etc.

L'assujettissement des processus de planification. Pour nous, c'est évident, je veux dire, je pense qu'il faut sortir de la mentalité que l'environnement s'oppose à l'économie ou que l'écologie s'oppose à l'économie. L'économie suit l'écologie. Elle est après. L'économie, c'est l'exploitation de nos ressources et, nos ressources, c'est ça l'écologie. Donc, ces ressources-là ont des principes de base, elles ont des capacités de renouvellement. Donc, on doit baser notre économie là-dessus. Donc, je pense que l'attitude, à l'heure actuelle, du BAPE de vraiment dire que le mot "environnement" c'est global et que ça encadre autant les affaires économiques que les affaires environnementales, que la santé des gens et tout ça, c'est un point extrêmement positif. Il ne faudrait pas faire de recul là-dessus parce que c'est justement une vision globale de la situation qui nous manque à l'heure actuelle, je dirais qui manque à l'économie, à l'heure actuelle, parce que les environnementalistes, les écologistes ne sont pas contre l'économie. Voyons donc! On en veut, de l'économie; on veut de l'argent dans nos poches aussi et on veut des projets qui marchent, mais on veut des projets qui marchent à long terme et cette vision globale est essentielle pour en arriver là.

Il y a un autre sujet aussi: remplacer l'analyse environnementale et l'avis de recevabilité du ministère par une analyse technique. Bien, ça aussi, il nous semble que ça serait plus fair-play, dans le sens qu'il n'y aurait pas comme deux processus parallèles qui se passent. On ne sait pas trop ce qui se passe de l'autre côté et on aimerait bien ça avoir l'avis du MENVIQ tout de suite au début des audiences, au même titre que les autres ministères. Je pense que ça serait plus clair comme ça et que ça écourterait, encore là, la procédure.

Harmoniser la procédure avec celle de l'Ontario et du fédéral. Même, on pourrait dire: II faudrait s'harmoniser le plus possible entre les États aussi. Ça, je pense que c'est quelque chose. C'est peut-être une utopie à court terme, mais c'est quelque chose qu'il faut viser parce que, effectivement... Mais harmoniser toujours en faveur d'un plus pour les ressources et non d'un

moins. Moi, quand on me sert l'argument qu'on n'applique pas le 2n au Québec parce que, en Ontario, ils ont des... Je veux dire, les alumineries, en Ontario, on leur demande moins de ce côté-là. Elles sont, en tout cas, absoutes aussi. Bien, je trouve que c'est vouloir se maintenir dans une situation qui nous amène des problèmes à long terme. Donc, si c'est le cas, il faut convaincre l'Ontario que, oui, il faut s'ajuster là-dessus et, oui, il faut traiter publiquement des alumineries. Je pense que c'était le gros de nos recommandations.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. M. Gravel, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. Je voudrais d'abord vous remercier de votre accueil positif suite à la décision de la commission, au mandat de la commission qui vise à améliorer la procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement, parce que d'autres groupes dans les mémoires se sont montrés un peu sceptiques face à cette initiative. Par contre, vous espérez aussi que cette initiative ne passera pas à l'histoire comme étant une autre stratégie pour gagner du temps. Les membres de la commission peuvent vous affirmer qu'un rapport sera soumis, qu'il y aura des recommandations et sûrement que le gouvernement tiendra compte de ces recommandations.

Dans votre mémoire, vous sous-tendez que des choix de société doivent être faits et que la population doit être impliquée dans ces choix. Du même souffle, vous abordez la question de la dépendance du Québec face à l'aluminium. Êtes-vous d'accord pour considérer que le Québec se doit d'adopter une stratégie industrielle qui reflète l'importance de la qualité de ses ressources?

M. Gravel: L'importance de la qualité de ses ressources?

Mme Bélanger: Oui.

M. Gravel: Oui, et ce qu'on veut, c'est justement protéger la qualité des ressources. On regarde l'industrie papetière, à l'heure actuelle, qui a de sérieux problèmes Si on avait pensé, il y a 20 ans, que la ressource c'est important, qu'il faut la renouveler et qu'on avait respecté ça, on n'aurait peut-être pas le même problème aujourd'hui et le recyclage, on serait peut-être plus avancé. On aurait peut-être moins de problèmes à faire face aux demandes américaines. C'est un exemple, là, la forêt. Du côté de l'aluminium, oui, produisons de l'aluminium, mais soyons conséquents jusqu'au bout. Quand on fait de l'aluminium, ça veut dire des brasques, entre autres, un produit qui est excessivement polluant, qui est même dangereux. On a eu une explosion à La Baie, là-dessus. Donc, c'est un déchet qui fait partie de la production. Donc, on doit en tenir compte, on doit trouver une solution, une solution efficace. Il ne faut pas accumuler ça pour les générations à venir. Mais c'est ce qu'on fait, à l'heure actuelle, avec les alumineries. C'est que les brasques, il n'y a pas de solution. L'usine de recyclage n'est pas en place. On les accumule et, en plus, nous autres, dans la région, on les importe des autres régions. Ça, ça s'accumule, ça suinte dans les nappes phréatiques et ça s'en va dans la rivière Saguenay. Ça, ce n'est pas respecter la qualité des ressources. (11 h 30)

Mme Bélanger: Vous semblez croire que les promoteurs de nouvelles usines d'aluminerie ou d'usines de remplacement peuvent s'installer sans qu'il n'y ait d'évaluation et de discussion publique des impacts. Est-ce que vous ne croyez pas que, si une aluminerie remplace l'ancienne usine par une usine plus moderne, l'impact doit être préférable à l'ancien système, puisque, à chaque fois qu'on fait de nouvelles installations, de plus en plus, les promoteurs sont sensibles au respect de l'environnement? Est-ce que vous pensez que quelqu'un qui a une usine et qui remplace par du plus moderne doit passer par tout le processus...

M. Gravel: Oui.

Mme Bélanger:... d'analyse et d'étude sur les impacts?

M. Gravel: C'est évident que les normes se sont resserrées, que les alumineries respectent plus l'environnement, que les usines sont plus performantes côté environnement. C'est évident, sauf que pourquoi on n'a pas le droit d'en discuter? Je veux dire que si on se fie juste à la lecture des règlements et des normes maintenant...

Bon. Si on prend l'aluminerie d'Arvida, de Jonquière, je ne sais pas si vous l'avez déjà vue, bien, on peut dire sans crainte que c'est un monstre de pollution. C'est assez évident. Donc, si on regarde les règlements, les règlements disent: On va couper ça d'à peu près la moitié. Donc, c'est encore polluant, des alumineries, et ça, on n'en discute pas et on ne discute pas les impacts de ce que c'est, les impacts réels de ça. On vient d'en installer une à Laterrière. Laterrière, c'est un genre do petit village-dortoir agricole. Je veux dire, il n'y avait pas de pollution majeure dans le secteur. Il y a une aluminerie qui vient de s'installer juste là, en amont de la rivière qui traverse le village, tout à fait collée sur le village. Bien, très bien si l'industrie est très performante, mais pourquoi ne pas mettre les cartes sur table et dire: Bon, O. K., on en jase, voilà, les impacts, c'est ça? Est-ce que oui ou non la population accepte tel impact? C'est aussi simple que ça. Tout ce qu'on veut, c'est de pouvoir en discuter. Nous autres,

on trouve ça inacceptable.

Ces gros projets industriels majeurs, ce sont eux qui structurent le plus notre économie et qui ont le plus d'impact majeur sur notre environnement, mais, ceux-là, on ne peut pas en discuter. Donc, à ce moment-là, je trouve que la classe politique paraît très mal là-dessus. Oui, on veut s'occuper d'environnement, mais on exempte les plus gros projets qui ont le plus d'impact. À quelque part, ce n'est pas sérieux.

Mme Bélanger: Dans un autre ordre d'idées, le soutien financier des groupes environnementaux a été soulevé plusieurs fois déjà depuis le début de cette commission. Comment percevez-vous le financement de groupes? Est-ce qu'il faudrait que ce sort des groupes qui soient accrédités ou si n'importe quel groupe environnemental qui se décide devrait avoir une subvention automatiquement, sans être accrédité?

M. Gravel: Je suis content que vous abordiez le sujet parce que je n'en ai pas parlé tout à l'heure, mais c'est un sujet qui est très chaud chez nous, à l'heure actuelle.

Mme Bélanger: Vous en parler dans votre mémoire.

M. Gravel: Oui, c'est ça, mais je n'en avais pas parlé. Vous savez qu'actuellement le programme de subvention aux groupes est en révision et qu'il y a un changement maintenant. C'est que c'était une enveloppe discrétionnaire du ministre. Nous, ça fait 13 ans qu'on existe et, dans les dernières années, on recevait environ 8000 $ par année. Ça, ça couvre...

Mme Bélanger: Vous receviez ça du gouvernement?

M. Gravel: Du MENVIQ, du ministère. Mme Bélanger: Du ministère.

M. Gravel: Cette subvention-là, habituellement, entre au mois d'août et, actuellement, elle n'est pas entrée et elle n'entrera pas avant la mi-décembre. C'est un peu la même situation que la personne qui était là avant moi. Je suis venu ici à mes frais et même mon comité ne m'a pas garanti qu'il allait me rembourser mon transport parce qu'on n'a pas d'argent à l'heure actuelle. On a de l'argent pour payer deux loyers. On est obligés de se mettre une marge de crédit.

Mme Bélanger: Alors, vous me dites que vous avez déjà une subvention du MENVIQ.

M. Gravel: Oui.

Mme Bélanger: Ce qui veut dire que votre groupe est déjà accrédité.

M. Gravel: Bien, d'une certaine façon. Il n'y a pas vraiment d'accréditation, mais je pense qu'on est reconnus comme un groupe qui est là depuis des années. C'était presque officieusement accrédité, si on veut, mais, officiellement, ça ne l'est pas et c'est ce que les groupes demandent, qu'il y ait un programme statutaire pour les groupes qui sont reconnus depuis des années et qui sont connus par le ministère - c'est des groupes qui sont connus par le ministère, il n'y a pas de problème - mais qu'en plus on fasse un programme par projet, donc, là, au mérite. Un groupe présente un projet intéressant. Alors là, il y a un comité dé sélection qui décide: Oui, ça, c'est un projet intéressant, donc il va y avoir de l'argent supplémentaire pour ça. Ça serait intéressant.

Mme Bélanger: Quand vous parlez du comité de sélection, ce serait du MENVIQ?

M. Gravel: Oui, au MENVIQ qui... Mme Bélanger: O.K.

M. Gravel: ...par exemple, pourrait juger des projets, si oui c'est intéressant pour la population d'une région ou du Québec que tel projet ait une subvention. Ce qu'on veut, nous autres, c'est qu'au minimum il y ait une subvention de base qui nous soit donnée d'une façon statutaire, qu'il y ait des groupes accrédités. O.K.?

Mme Bélanger: Mais qu'est-ce que...

M. Gravel: Mais ça, on est en train de perdre ça à l'heure actuelle. On l'avait officieusement, mais là, on est en train de le perdre, puis ça, c'est en train de se décider à l'heure actuelle. Les demandes qu'on avait faites l'année passée ne seront même pas reconnues. On va être obligés de refaire d'autres demandes et, là, on va être six mois sans aucun revenu de subvention.

Mme Bélanger: mais qu'est-ce que vous pensez des groupes qui exigeraient, par exemple, 1 % de tous les gros projets, du coût des gros projets pour contrer peut-être ces projets, alors que les promoteurs seraient obligés de payer 1 % du coût de leur projet pour que des groupes viennent contester leur projet devant le bape ou suite à des audiences? est-ce que vous trouvez ça pertinent que les promoteurs paient pour se faire contester?

M. Gravel: Dans la plupart des cas, je pense que le gouvernement est lui-même partenaire des projets les plus majeurs. Prenons Hydro-Québec, par exemple. Je pense qu'Hydro-Québec est une société d'État, donc ça fonctionne avec les taxes des contribuables. Pourquoi Hydro-Québec peut-elle se payer des tas d'experts, des avocats,

n'importe quoi, des spécialistes pour passer ses projets et qu'un groupe environnemental, par exemple, lui, n'aurait le droit à aucune aide? Donc, à quelque part, en plus de ne pas avoir d'aide, toi, tu paies pour aider le promoteur. Donc, la situation est drôlement inquiétante de ce côté-là.

Prenez, par exemple, une aluminerie. Prenez, par exemple, une papetière, qu'on pense aux contrats d'électricité privilégiés qu'on leur donne et tout ça, la Société de développement industriel, etc. Donc, d'une certaine manière, le gouvernement est presque toujours partie prenante, en tout cas investit une partie du projet. Donc, il me semble que ce serait logique qu'il y ait une aide pour les gens et, comme je vous le disais tantôt, les gens ont une expertise très, très valable, puis ça bonifie les projets la plupart du temps. Je pense qu'il ne faut pas se passer de ça, puis à l'heure actuelle...

Mme Bélanger: Mais vous me dites...

M. Gravel: Un instant, juste une petite dernière suggestion. Si on prenait juste l'argent qu'Hydro-Québec... parce que Hydro-Québec, à l'heure actuelle, donne de l'argent comme compensation pour les projets. C'est ça, 1 %, je pense. Prenez juste cet argent d'Hydro-Québec qui est déjà donné, mais donnez-le d'office aux groupes environnementaux et, déjà là, ça va être un grand pas parce que les groupes environnementaux - c'est dit par le gouvernement même - on a fait avancer la cause, etc., puis c'est fait presque bénévolement. Donc, donnez une chance aux groupes environnementaux. Vous allez voir qu'on va faire un grand pas bien plus rapide, on ne sera pas frustrés et on ne se sentira pas toujours dans un état de frustration parce qu'on va sentir qu'on a l'aval du politique.

Mme Bélanger: Mais est-ce que vous me dites que les groupes environnementaux comme le vôtre, par exemple, pourraient remplacer les experts d'Hydro-Québec pour l'analyse de gros projets sur l'impact environnemental?

M. Gravel: Non, non, pas remplacer, mais, nous autres, on veut avoir les moyens de donner notre point de vue. C'est sûr que le promoteur, lui, a son point de vue, mais les groupes, la population a un point de vue qui mérite d'être appuyé financièrement pour que ce soit bien structuré et qu'on vous présente des choses structurées. Apres ça, vous serez plus en mesure de juger. S'il y a juste un côté qui est subventionné et qui a les moyens de présenter son expertise, vous-mêmes, vous n'aurez pas toute l'information pour juger d'une façon pertinente d'un projet. Donc, s'il y a une opposition au projet, donnons-leur la chance de s'organiser, de s'exprimer, donnons-leur un soutien et on va avoir toute l'information et on pourra juger en bonne connaissance de cause de la viabilité et de la validité des projets.

Mme Bélanger: Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux féliciter M. Gravel et rendre hommage, au nom de l'Opposition, au travail que son comité fait. Le Comité de l'environnement de Chicoutimi a une longue expérience et je dirais aussi que le Conseil régional de l'environnement travaille très bien dans votre région. Il y a ici des députés de la région qui vont en témoigner tantôt.

Les remarques que je faisais tout à l'heure à votre prédécesseur sur la contribution des groupes environnementaux, je ne vais pas répéter ces remarques-là, mais je peux vous assurer, M. Gravel, que l'Opposition va veiller à ce que les audiences de la commission puis les travaux qui nous sont présentés, ça ne restera pas lettre morte. Nous allons - et le climat jusqu'ici est positif, le climat est à la bonne entente entre les deux parties - voir, l'Opposition, à ce que, dans notre rapport final, il y ait de la place pour des recommandations précises quant au financement des groupes environnementaux et aussi aux suggestions que vous faites, moi, que je trouve pertinentes. Je suis prêt à les endosser à 100 %.

Le rapport Lacoste, bien sûr qu'il faut qu'il soit mis en application le plus tôt possible. Assujettir la gestion des déchets solides, nous en avons parlé tantôt, je pense que ça devrait aussi faire partie des conclusions de notre rapport.

J'arrive à ma question qui porte sur les programmes gouvernementaux, les grandes politiques du gouvernement. Vous en parlez dans votre mémoire, vous dites que ça devrait faire l'objet d'évaluation environnementale et être assujetti à la procédure. La question que je veux vous poser est la suivante: Est-ce que vous pensez que, dans la mesure où il y aurait dorénavant de ces débats publics sur les grandes politiques, ça pourrait avoir une influence sur les débats qui sont tenus ensuite, lors des audiences pour l'évaluation d'un projet spécifique?

Autrement dit, on voit souvent, à l'occasion d'un projet particulier, un débat public qui devient très général. Est-ce que vous pensez que, s'il y avait ces débats publics sur les grandes politiques gouvernementales, ça pourrait éviter qu'il y ait des débats généraux à l'occasion de projets particuliers?

M. Gravel: Oui, je le crois. Ça me semble évident parce que, si on a des débats généraux sur nos politiques, je pense qu'on va réussir à s'entendre sur des principes de base. Et lorsqu'on se sera entendu sur ces principes de base, on ne s'enfargera plus dans les virgules. Chez nous, on

a eu une audience sur une voie ferrée de l'usine d'Alcan à Laterrière. C'était un peu loufoque. On ne pouvait même pas avoir d'audiences sur l'aluminerie elle-même. C'est sûr qu'on voulait parier de l'aluminerie en même temps et savoir ses impacts. On nous empêche de discuter publiquement de ça. On est toujours dans une situation d'opposition. Je pense que, si on a le courage de discuter des politiques - et la politique énergétique, c'est le meilleur exemple - si on a le courage de faire ça, après ça, ça va être beaucoup plus facile, on va s'entendre beaucoup plus facilement parce que tout découle des politiques à quelque part. Comme je vous le disais, si on s'entend sur les principes écologiques qu'il faut respecter au Québec, sur la capacité de renouvellement des ressources, la protection des communautés, en tout cas, si on s'entend sur tous ces principes-là, je pense que les cas particuliers vont être beaucoup plus faciles à régler après.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Oui. D'abord, je voudrais vous féliciter au moins de votre démarche que vous avez entreprise de venir présenter un mémoire. Peut-être que vous faites partie des missionnaires, encore, de l'environnement. À ce que je sache, les gens qui prennent des montants d'argent de leur poche pour défendre leurs idées, ça demande un certain courage, ça prend de la volonté et surtout d'être bien convaincu de son travail.

Vous avez parlé tout à l'heure de la saga des déchets au Saguenay. Je peux vous dire qu'on l'a vécue, mon collègue de Dubuc aussi, on a vu ce qui s'est passé par rapport à ça. C'a duré plus de sept ans; ça a dure au moins neuf ans. Sept ans, vraiment un débat à ne plus finir! Est-ce que vous avez l'impression qu'on aurait pu avoir une méthode de débat qui aurait fait avancer le dossier et pris beaucoup moins de temps? Par exemple, le fait que c'est les élus municipaux plutôt que le BAPE qui ont le droit de venir s'interposer à travers ce processus, ça a allongé le débat. Il n'y a pas de barèmes et il n'y a pas de balises - en tout cas, on l'a vécu - et si vous en trouvez, vous me le direz.

Comment aurait-on pu procéder autrement pour faire avancer le dossier et arriver à un consensus? Est-ce que ça aurait été possible qu'on assoie tout le monde ensemble, qu'on demande au BAPE de venir siéger? Est-ce qu'on aurait pu avoir de meilleures relations entre les élus municipaux, d'une part, et les groupes environnementaux?

M. Gravel: oui, je crois que oui, pour avoir participé à quelques audiences sur le bape. ce qu'une audience publique faite par le bape donne comme avantage, c'est que ça protège le climat. C'est moins émotif parce que tu n'es pas en opposition directement avec le promoteur. Tu sais qu'il y a quelqu'un de neutre, en tout cas autant qu'une personne peut être neutre - elle ne peut pas vraiment être neutre, mais en tout cas - le plus objective possible, une personne soucieuse d'entendre l'analyse de chacune des personnes qu'elle va avoir devant elle, que ce soit un promoteur, que ce soit un simple citoyen, tu sais, le respect de la personne humaine d'écouter. Là, ça fait tout sortir l'information qui ne sort pas lorsqu'il y a une confrontation entre deux personnes, parce qu'il y a eu des confrontations dans la saga des déchets. M. Jacques serait bien placé pour en parler entre autres. O.K.? Donc, ça évite ce genre de problème là.

Moi, ce que je me dis, c'est qu'il faudrait avoir une espèce de formule, qui ressemblerait au BAPE, qu'on pourrait appliquer dans chaque région. Ce serait peut-être ça l'idéal, mais, à l'heure actuelle, le BAPE est très important parce qu'on n'a pas ces structures-là. Mais je pense qu'en région il faudrait se donner une espèce de formule d'audiences publiques comme ça où les élus sont là - c'est très important que les élus soient là - les promoteurs... Nécessairement, lorsque les élus sont porteurs de la responsabilité, c'est bien évident qu'il faut qu'ils soient là, mais que tout le monde puisse se prononcer et que l'élu ne sente pas qu'il a toute la charge sur le dos, qu'on mette une espèce de mécanisme pour que toute l'information sorte et que tout le monde soit prêt à changer d'idée, que tout le monde soit prêt à bonifier le projet par les idées de tout le monde. Dans le fond, ce n'est pas très compliqué.

M. Dufour: Écoutez, je trouve ça intéressant comme avenue à exploiter. Est-ce que l'organisme qui serait chargé d'écouter les problèmes à caractère régional... Hier, il y a des intervenants qui nous ont dit que le BAPE était à Québec, mais que c'était mieux, que ça ne dérangeait pas, qu'il ne fallait pas décentraliser ça. Il avait le pouvoir de venir siéger. Est-ce que vous êtes de cet avis-là, qu'on pourrait élargir le mandat du BAPE pour que les élus municipaux et les intervenants environnementaux, comme des citoyens, des municipalités, puissent s'adresser à un bureau ou décider d'un commun accord que le BAPE vienne siéger en région pour des problèmes particuliers?

M. Gravel: Oui, tout à fait. Comme je vous disais tantôt, à l'heure actuelle, on a besoin de ces audiences-là, on a besoin que le mandat du BAPE soit élargi parce qu'il n'y a pas d'alternative crédible à part ça. O.K.? Mais ce que je vous disais tantôt, c'est qu'il faut chercher quand même dans les régions à développer le plus possible cette approche-là de consultation, ce qu'on appelle du partenariat, finalement, à

travailler ensemble. Il faut le développer nous autres aussi, ça, pour qu'éventuellement on ait de moins en moins besoin du BAPE. Mais actuellement, on en a de plus en plus besoin tant qu'on n'aura pas trouve quelque chose pour le remplacer aussi efficacement que ce qu'il est capable de faire.

M. Dufour: Je vous remercie. M. Morin: M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le député de Dubuc.

M. Morin: Bonjour M. Gravel. M. Gravel: Bonjour.

M. Morin: Vous dites dans votre mémoire que l'assujettissement de la gestion des déchets à la procédure d'évaluation ne doit pas avoir pour effet de tout remettre sur les épaules du ministre ou du Conseil des ministres, évidemment, les choix que les citoyens ou les municipalités sont en mesure de prendre. J'aimerais que vous soyez un peu plus explicite là-dessus parce que, nonobstant le fait qu'on mette sur pied, qu'on soumette ces projets-là à la procédure d'évaluation d'impact, au bout de la ligne, le ministre a toujours le fardeau de donner suite ou non. Alors, j'aimerais que peut-être, à moins que j'aie mal saisi...

M. Gravel: Effectivement, c'est une contradiction C'est pour ça que je vous dis que l'idéal, ça serait qu'on développe une formule en région qui arrive aux mêmes résultats que le BAPE, c'est-à-dire qu'on soit capable de discuter objectivement, sereinement d'un sujet, que tout le monde soit entendu avec le même respect pour que tout sorte et qu'on puisse en discuter vraiment. Ce n'est pas ça qui se passe en région, à l'heure actuelle, et c'est pour ça que le BAPE... C'est encore mieux d'avoir le BAPE à l'heure actuelle, même s'il faut que ça remonte jusqu'au ministre, éventuellement, parce que, en tout cas, moi, l'expérience que j'ai vécue jusqu'à date, les fois que le BAPE est venu dans la région, ça a toujours, à mon avis, donné des résultats positifs.

M. Morin: Moi, je pensais, M. le Président, si vous me permettez, que vous vouliez faire allusion au fait qu'au moment où on se parle, c'est évident que c'est le ministre de l'Environnement, en ce qui concerne les sites d'enfouissement sanitaire, qui a la responsabilité de les désigner. Mais, dans l'hypothèse où on aurait en place, où on pourrait soumettre les sites à des études et à des audiences, à ce moment-là, le ministre n'aurait plus à faire ce travail-là. Ce travail-là reviendrait aux MRC, aux municipalités, pour d'abord faire ce travail-là de désigner des sites potentiels qui, eux, seraient soumis, bien sûr, aux études d'impact. Je pensais que c'était ce à quoi vous faisiez allusion, de décharger le ministre de cette tâche-là qu'il fait à l'heure actuelle.

M. Gravel: L'un des principes, c'est de développer la plus grande autonomie possible des régions dans le sens de dire qu'on décide régio-nalement où l'on va, le plus possible. Je pense que plus les gens seront impliqués, plus l'économie va être prospère. Pour moi, ça, c'est évident. Il faut arrêter d'avoir une attitude: Bon, bien, si on n'est pas capables de régler nos problèmes, on va demander au ministre de les régler, nos problèmes. Sauf que je pense que ce n'est pas là, le problème.

C'est que, sur la gestion des déchets, il n'y en a pas eu, de discussion publique vraiment objective et sereine dans tout ça. Les solutions, elles se dégageraient d'elles-mêmes. Le site d'enfouissement, c'est un aspect en particulier de la gestion des déchets et c'est tout le reste qu'on n'a pas pu discuter parce que toute la discussion s'est polarisée autour de cet élément-là, qui a tout bouffé finalement, qui a fait bien de l'émotivité et dont on n'a pas pu se parler à un moment donné.

La venue de M. Chamberiand, justement, a donné un peu cet avantage-là. Même si ce n'était pas une vraie audience, ça a permis aux gens de se reparler, de se rapprocher un petit peu et, finalement, on voit que le dossier commence à avancer tranquillement, là. Mais l'important, c'est qu'on puisse en discuter puis de trouver nos solutions régionalement. Ça, c'est un principe de base, c'est sûr.

Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, puisque le temps dévolu pour entendre votre mémoire et poser des questions aux deux partis est écoulé. Je suspends les travaux de la commission pour quelques instants, le temps, pour les gens, de quitter la salle, parce que nous ferons une courte séance de travail de quelques minutes pour faire le point sur la fin des travaux au cours des prochaines journées.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 14 h 10)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'aménagement et des équipements reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'étude de la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement et sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands projets industriels et aux projets

concernant la disposition des déchets solides domestiques, et cela, en tenant compte de la procédure québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure ontarienne et de la procédure suggérée par le gouvernement fédéral.

Alors, je demanderais à l'Ordre des agronomes... Ah! vous êtes là. Vous avez une heure pour vous faire entendre, dont la répartition du temps doit être de 20 minutes pour la présentation du mémoire, pour un questionnement qui suivra du côté ministériel et du côté de l'Opposition de 20 minutes chacun. Comme dirait le président, si vous prenez plus de temps, il y a moins de temps pour les parlementaires pour le questionnement. Alors, je vous demanderais, si c'est possible, de respecter les 20 minutes.

Je demanderais au porte-parole de se présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent.

Ordre des agronomes du Québec

M. Paquet (Jean-Marc): Merci, Mme la Présidente. Je me présente, Jean-Marc Paquet, président de l'Ordre des agronomes du Québec. Il me fait plaisir d'avoir avec moi des collègues qui vont m'aider à répondre aux questions qui seront posées. Ici, à ma droite, le vice-président, M. Claude Marchand; à ma gauche ici, Mme Rhonda Beauregard, directrice générale adjointe; M. André Rochon, ingénieur et agronome, consultant pour la compagnie Hamel, Beaulieu et associés, et M. Richard Beaulieu, agronome.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous pouvez y aller, M. Paquet.

M. Paquet: Je vais y aller de façon un peu résumée. On va vous situer un petit peu le débat. D'abord, par l'introduction, l'Ordre des agronomes du Québec souhaite répondre à l'invitation, qui nous a été faite par le secrétaire de la commission, de présenter son point de vue par rapport à la consultation générale sur la procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement.

L'Ordre des agronomes est une corporation professionnelle qui regroupe plus de 3200 membres oeuvrant à chaque maillon de la chaîne agro-alimentaire, de la production à la mise en marché, de la recherche au financement, à l'enseignement, à l'environnement, à l'aménagement du territoire et bien d'autres.

L'Ordre des agronomes se préoccupe particulièment de l'environnement dans un contexte de développement durable de l'agriculture et ce, pour assurer la sécurité alimentaire des Québécois et maintenir le tissu agro-socio-économique du milieu rural. Nous sommes conscients que la réussite de cette approche repose sur des choix de société bien clairs sur l'avenir économique, social, culturel et alimentaire de ses citoyens et citoyennes.

Pour les besoins de ce dossier, nous nous pencherons surtout sur l'aspect environnemental qui est relié au développement agro-socio-économique du territoire pour une agriculture durable. Si vous le permettez, nous ferons une brève mise en situation.

Ce n'est pas d'hier que les agronomes oeuvrent sur le territoire du Québec. Depuis environ un siècle, agronomes et producteurs s'affairent ensemble à tisser la pièce de l'industrie agro-alimentaire québécoise et à vitaliser le milieu rural. Ils en ont fait leur mission, leur mandat, leurs orientations et leurs préoccupations.

Déjà, dans son mémoire à la commission Bélanger-Campeau, l'Ordre des agronomes déclarait que l'agriculture durable passe obligatoirement par l'occupation du territoire et qu'elle doit se réaliser en harmonie avec le développement durable des autres secteurs de l'économie.

Malgré qu'elle occupe moins de 5 % de la superficie de la province, l'agriculture est souvent le gage du maintien d'un certain dynamisme du tissu social et économique du milieu.

Avec les années, l'évolution de l'agro-ali-mentaire a provoqué un déplacement de certaines productions vers certaines régions et propulsé la notion de productivité dans la façon de faire l'agriculture. Une concentration d'exploitation créant des pressions environnementales et sociales et dont on ne connaît pas encore pleinement les conséquences qui en est résultées. À ce niveau, l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement ont leur place.

D'abord, le développement durable de l'agriculture. L'occupation structurée du territoire où humains et nature sont intégrés contribue à créer les fondements d'une agriculture durable. La définition qu'on en donne, vous l'avez ici dans le texte: "L'agriculture durable est respectueuse de l'environnement, elle produit, de façon sécuritaire, des aliments sains et nutritifs tout en maintenant le secteur économiquement viable et en harmonie avec les industries et les secteurs connexes."

Le concept de l'agriculture durable s'inscrit dans une volonté de préserver nos acquis pour laisser un héritage convenable à nos enfants. Le respect de l'environnement et la viabilité économique sont dorénavant partenaires de développement. Enracinée dans un ensemble de valeurs, l'agriculture durable reflète une prise de conscience écologique, sociale et économique.

En conséquence, le maintien des activités agricoles dans toutes les régions du Québec devra se faire en respectant les ressources humaines, culturelles et naturelles. Dorénavant, il faudra donner une priorité à la valorisation et à la conservation des ressources sol, air, eau. À titre d'exemple, mentionnons l'amélioration de la gestion des déjections animales, l'application du principe du pollueur-payeur et la prise en compte des bassins versants. Enfin, la notion de produc-

tivité revêt une enveloppe plus globale, plus humaine et plus environnementale avec une vision à plus long terme.

Méthode privilégiée. L'Ordre s'est inspiré du document de consultation "La procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement; Pourquoi? Comment?", de mai 1991, pour préparer ce mémoire. Motivé par le développement durable de l'agriculture et tel que suggéré dans la présentation du document, il a rajouté des éléments qui le concernent plus particulièrement. Il s'agit de l'environnement et de l'agriculture ainsi que de l'environnement et de l'agro-alimentaire.

Le Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts environnementaux existe depuis 1980. Plusieurs projets ont été élaborés à partir de celui-ci. Nous profitons donc de cette consultation générale pour vous présenter la position de l'Ordre des agronomes.

Je passe le texte et je passe les recommandations avec la conclusion. En résumé, l'Ordre des agronomes recommande d'apporter les modifications suivantes à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement: 1° d'adopter la procédure d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux proposée dans le rapport Lacoste; 2° définir des délais impartis dans chacune des étapes de la procédure; 3° d'établir une procédure de négociation d'échéancier entre le promoteur d'un projet et les diverses parties impliquées; 4° d'utiliser les avis et les interrogations recueillis auprès du public au cours de l'étape d'information et de consultation publique pour rédiger la directive d'étude d'impact transmise au promoteur par le ministre de l'Environnement; 5° de rendre disponible l'analyse technique produite par le MENVIQ à la suite du dépôt de l'étude d'impact réalisée par le promoteur avant la tenue des audiences publiques; 6° dans un but de développement durable de l'agriculture, s'assurer que l'évaluation environnementale des projets urbains, commerciaux et industriels localisés en milieu rural tienne compte des impacts sur les ressources naturelles nécessaires à la production agricole - sol, air, eau - et des activités agricoles nécessaires au maintien et à la gestion des ressources naturelles indispensables à la production agricole; 7° de remettre au promoteur l'entière responsabilité de produire l'analyse environnementale du projet, de la superviser et de la coordonner; 8° d'exiger des promoteurs qu'ils intègrent le plus parfaitement possible les aspects environnementaux, sociaux et économiques de tout projet lors de l'étude d'impact et ce, dans un contexte de développement durable à long terme; 9° de remettre au promoteur la responsabilité de faire l'évaluation des impacts environnementaux cumulatifs provoqués par une répétition de projets de même nature ou de nature différente; 10° de remettre au MENVIQ la responsabilité de fournir les données de base à tout promoteur désirant pratiquer une activité ayant un effet cumulatif pour réaliser son étude d'impact; 11° de rendre obligatoire que chacun des projets prévus fasse l'objet d'une étude d'impact dans le cas où un promoteur prévoit mettre en place une même activité en plusieurs endroits; 12° de mettre en vigueur l'intégralité de l'article 2 du Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement; 13° de rendre obligatoire la mise à jour périodique de la liste des projets devant être soumis à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement; 14° de ne soumettre à la procédure que la ou les composantes secondaires d'un projet que lorsque la composante principale en est l'objet, dans le cas où les recommandations 12 et 13 seraient adoptées; 15° de soumettre à la procédure chacune des composantes secondaires d'un projet sans possibilité de ne pouvoir en détacher une seule; 16° d'harmoniser nos procédures d'évaluation des impacts environnementaux avec nos voisins dans un objectif d'efficacité, d'équitabilité économique et de globalité; 17° de soumettre toute modification d'un projet à une étude d'impact et au besoin à une nouvelle consultation publique; 18° de rendre le promoteur responsable du suivi environnemental de son projet au cours et à la suite des travaux de construction: il doit soumettre ces rapports de suivi environnemental à des périodes fixes prédéterminées; 19° de donner au BAPE le mandat de fournir un support technique aux individus ou groupes dans la préparation de document servant à faire connaître leur position sur tout projet; 20° de mettre en place une procédure de médiation et d'arbitrage dont le BAPE n'assumerait pas nécessairement le leadership; 21° d'établir une procédure faisant en sorte que le gouvernement soumette ses programmes et ses politiques à une procédure de consultation publique dans le but d'évaluer les impacts sur l'environnement d'un développement durable; 22° de soumettre les entreprises étrangères aux mêmes exigences que les entreprises locales concernant la réalisation d'une étude d'impact de leur projet; 23° de ne remettre les montants d'argent prévus dans le cadre d'un programme gouvernemental qu'à la suite de l'acheminement de l'analyse environnementale ayant reçu au préalable les permissions requises pour la réalisation d'un projet des autorités compétentes; 24° d'assujettir tout système de gestion des déchets, sa modification et plus particulièrement l'implantation d'un lieu d'enfouissement sanitaire à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement; 25° de transférer aux municipalités la surveillance du respect de toute réglementation dans ce secteur, particulièrement dans le cas où l'entreprise privée effectue la gestion et l'opération de systèmes de gestion des déchets; 26° d'instaurer des programmes favorisant le recyclage, le compostage, la collecte sélective et la réduction des emballages; 27° de mettre

rapidement sur pied une commission d'enquête ou un groupe de travail sur la gestion intégrée des déchets au Québec; 28° de former un comité conjoint devant évaluer les moyens de réduire les déchets générés par l'ensemble des activités du secteur agro-alimentaire, tels que les emballages des produits alimentaires au détail, les résidus de conserveries, d'abattoirs, de fromageries, etc., et de proposer des solutions, dans un contexte de protection et de conservation des ressources pour le développement durable de l'agriculture.

En conclusion, la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement effectue la fonction qui lui est dévolue. À notre avis, les modifications proposées par le rapport Lacoste et celles que nous préconisons dans le présent document pourront améliorer l'efficacité de la procédure. Elles permettront aussi d'obtenir des effets environnementaux, sociaux et économiques encore plus tangibles pour l'ensemble de la société québécoise soucieuse d'offrir à ses générations futures un milieu sain et propice aux activités agricoles.

Il nous apparaît essentiel qu'un plus grand nombre de projets mineurs et majeurs soient assujettis à la procédure. L'objectif d'une meilleure qualité environnementale des activités de l'homme sur son milieu serait plus facilement atteint par l'obligation de soumettre globalement l'ensemble des composantes de tout projet.

Il est important que la société québécoise adhère aux principes de recyclage, de composta-ge, de collecte sélective et de réduction d'emballages pour favoriser l'utilisation de nos sols agricoles à leur fonction première plutôt qu'à celle d'enfouir des déchets. Ainsi, nos terres contribueront à garantir la sécurité alimentaire des Québécois et des Québécoises. L'Ordre des agronomes considère donc de première importance de procéder à un examen collectif de la gestion de nos déchets, particulièrement ceux produits par l'ensemble de l'agro-alimentaire, et, à cet égard, il souhaite offrir sa collaboration. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Je vous félicite, M. Paquet. Vous avez pris 12 minutes. Alors, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Paquet, à vous et votre équipe, pour cet excellent mémoire. Maintenant, j'aurais un questionnement en référence à la page 3, paragraphe 5, de votre document. Vous faites allusion, en fait, directement à des délais normaux pour une évaluation de projet. On parle évidemment de projet avec une étude environnementale, avec audiences publiques. Ce serait quoi l'échéancier?

Vous faites allusion, évidemment, à des délais normaux, là, mais on sait que, pour la moyenne des dossiers, ça varie entre 30 et 33 mois, et je pense que tout le monde est très conscient... particulièrement les intervenants qui sont venus ici depuis hier. Ils disent qu'évidemment c'est trop long et ils ont tout à fait raison. Vous aussi, en mentionnant et en disant directement des délais normaux. Mais c'est quoi des délais normaux selon vous?

M. Paquet: M. Rochon va vous répondre à cette question.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Rochon.

M. Rochon (André): Oui, Mme la Présidente. Dans notre mémoire, on mentionne les délais impartis. Il est vrai que souvent les délais peuvent sembler longs, mais ce qui peut causer, à mon avis, de plus grands problèmes au promoteur, c'est qu'il ne connaît pas l'échéancier. Il nous semble très important que, dès le début, dans le projet, on précise les délais de façon à ce que le promoteur sache que, dans 12 mois, 18 mois ou 20 mois, la procédure sera complétée et qu'il pourra débuter son projet.

Évidemment, plus le délai sera court, plus ce sera avantageux pour le promoteur. Mais, dépendamment de la complexité du projet, il peut s'avérer que des délais plus longs soient requis pour des projets plus complexes, alors que, pour des projets plus simples, on puisse se contenter de délais plus courts. Mais ce qui nous a semblé le plus important, c'est d'impartir les délais.

M. Richard: Ça va, ça. Ça, c'est le sens de votre texte, mais, quand on parle de délais, ça veut dire combien de mois? Parce qu'il y a des gens qui sont venus nous dire ici qu'il faudrait que tout ça, ça se passe à l'intérieur de 12 mois, qu'il faudrait que ça se passe à l'intérieur d'une année. Est-ce que c'est le type de délais que vous mentionnez? Parce que, là, en fait, vous donnez de la latitude. Vous dites: S'il y a des délais, il faudrait les préciser. Ça serait important que, pour le promoteur, ce soit très clarifié à ce niveau-là. On est tout à fait d'accord avec ça, sauf que c'est quoi les délais?

M. Rochon: M. Richard, on ne veut pas... La Présidente (Mme Bélanger): M. Rochon.

M. Rochon: Excusez-moi, Mme la Présidente. On ne veut pas préciser de délais fixes pour l'ensemble des projets parce que, comme je viens de le mentionner, dépendamment de la complexité d'un projet, il peut s'avérer nécessaire que les études prennent un an, deux ans, trois ans. Maintenant, là, j'entends bien délais à partir de l'avis de projet jusqu'à la fin des audiences publiques et non pas juste une des étapes. Alors, dépendamment de la... Parce qu'on vit actuellement un projet très complexe dans le nord du Québec qui demande quand même un certain

temps d'étude. Par contre, on a d'autres projets qui sont plus simples, qui pourraient très bien passer à travers la procédure dans des délais de six mois.

M. Richard: O.K. Donc, en fait, ce serait des délais fixés en fonction du type de projet.

M. Rochon: Oui. Délais qui seraient fixés au début, suite, disons, à l'avis de projet, qui pourraient être fixés par les différents organismes impliqués, soit le MENVIQ, le BAPE et le promoteur. Si on prend ces trois intervenants-là, par exemple, ils pourraient convenir qu'un mois après le dépôt de l'avis de projet la directive serait émise, que, suite à l'émission de la directive, le promoteur prendrait huit mois pour produire son étude d'impact, que, suite à ça, le MENVIQ pourrait prendre, par exemple, deux mois pour produire son avis technique, mais ça, toujours dépendamment du projet. Ce serait une entente entre les différents intervenants.

M. Richard: Très clarifiée dès le départ.

M. Rochon: Qui serait clarifiée dès le départ, qui serait convenue dès le départ. À notre avis, ça améliorerait beaucoup la situation du promoteur parce qu'il saurait que, dans x mois d'ici, il aurait son autorisation ou bien qu'il ne l'aurait pas, mais il saurait, il pourrait planifier, commencer son projet dans x mois. Il le saurait dès le départ. C'est ce qui nous semble le point le plus important.

M. Richard: Ça répond à ma question. Maintenant, une référence à la page 5 de votre mémoire, au paragraphe 7, où l'Ordre parle d'élargir la liste des projets qui sont assujettis, en fait, à une évaluation. Dans cette liste-là, est-ce qu'éventuellement devraient apparaître tous les projets agricoles de moyenne et de grande envergure? Est-ce qu'on pourrait parler, entre autres... Et on sait l'implication que ça peut causer; ça peut aller jusqu'à l'épandage du purin. Parce qu'on sait qu'en milieu agricole ça peut aller sur d'immenses surfaces. Est-ce que ça devrait faire partie de cette liste-là? Vous parlez d'élargir la liste. Vous ne faites pas état de ça. Vous dites Oui, la liste n'est pas complète, en résumé. Vous dites: Elle devrait être plus large; elle devrait être plus complète. Puisque votre profession touche, entre autres et assez spécifiquement, le milieu agricole, est-ce que cette liste-là devrait comprendre jusqu'à ça? Là, je parle de faits précis.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Beaulieu va répondre à la question.

M. Beaulieu (Richard): C'est bien ça. Effectivement, on reconnaît que la liste actuelle nous semble incomplète. Ce qu'on entend par là, c'est d'abord revoir cette liste pour la mettre à jour en fonction de la problématique actuelle. Ça pourrait, à la rigueur, si on juge que la problématique, en termes environnementaux, nécessite l'ajout des activités ou de certaines activités agricoles, aller jusqu'à ce secteur-là, effectivement.

M. Richard: Donc, ça peut être très spécifique, selon ce que vous sous-tendez. La liste peut être très exhaustive, elle peut être très complète. Selon vous, elle ne l'est pas à date.

M. Beaulieu: Oui.

M. Richard: Elle n'est pas assez précise.

M. Beaulieu: Oui.

M. Richard: Elle devrait être très ventilée.

M. Beaulieu: Oui.

M. Richard: Mais vous n'avez pas cru bon d'en faire une certaine liste, nous disant, par exemple - parce qu'il ne faut pas oublier ici que nous sommes en consultation auprès de vous, qui êtes les gens dans le milieu: Voici, nous, on pense que tel ou tel dossier, ça devrait faire partie de cette liste-là.

M. Beaulieu: Non, effectivement, on ne s'est pas penchés sur cette question-là plus en profondeur.

M. Richard: La seule chose que vous avez constatée, c'est que la liste n'est pas assez longue, qu'elle n'est pas complète. (14 h 30)

M. Beaulieu: On a constaté que la liste, par rapport à ce qu'on connaît de la problématique environnementale, n'est pas à jour. Donc, on souhaite voir ajouter des choses qui sont... Par exemple, dans l'article 2, il y a des choses qui, actuellement, ne sont pas en force et qu'on voudrait voir, entre autres. Alors, ça ne veut pas nécessairement dire ajouter, mais, entre autres, ça veut dire aussi utiliser ce qu'il y a actuellement dans l'article 2.

M. Richard: Ça va. Non, mais vous comprenez le sens de ma question...

M. Beaulieu: Oui.

M. Richard: ...c'est qu'on n'aurait pas détesté que, justement, apparaissent certaines recommandations ou une certaine liste qui dit: Le plus bel exemple que la liste n'est pas à jour, tel ou tel type devrait faire partie de cette liste. C'est juste dans ce sens-là.

M. Beaulieu: On comprend bien la question.

M. Richard: Ce n'est pas négatif, mon intervention.

M. Beaulieu: D'accord.

M. Richard: C'est seulement pour dire que, nous, plus vous y mettez de détails, plus vous risquez de nous toucher directement là où on va avoir justement l'information.

J'aurais un autre questionnement en référence à la page 7 de votre document, paragraphe 2, au niveau du suivi environnemental. Pendant et après la construction, vous dites que, selon vous, c'est la responsabilité complète du promoteur. Ça, c'est ses problèmes à lui; il doit le trouver, il doit faire le suivi et il doit en être responsable. Ce que ça coûte, en résumé, il devra le payer. C'est ses problèmes.

Alors, l'obligation de fournir, annuellement, une vérification environnementale faite par des experts externes, est-ce que, ça, ça pourrait se faire un peu comme au niveau des entreprises, ce que plusieurs d'entre vous connaissent sûrement, on fait une vérification comptable des entreprises? Est-ce que ça pourrait rejoindre votre souhait si c'était une vérification dans le même, ou à peu près... Au même titre qu'on a une mécanique, actuellement, qui fait une vérification comptable de nos entreprises, est-ce qu'il pourrait y avoir une vérification, non pas comptable, quoique en partie comptable, mais une vérification environnementale, systématique et, en fait, obligatoire?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Beaulieu.

M. Beaulieu: Je vais répondre à cette question. Effectivement, on a mentionné dans notre document qu'on pense qu'il est obligatoire que le promoteur fasse son suivi. On n'est certainement pas en désaccord avec ce que vous venez d'apporter parce que, effectivement, ça permettrait, dans le cas où ce type d'activité existerait, de contrevérifier les documents fournis par le promoteur. Donc, il nous semble que ce type d'évaluation serait souhaitable.

M. Richard: J'aimerais que vous me disiez, en terminant, très précisément à quel moment la population doit être au courant et intervenir ou donner son positionnement et dire ce qu'elle pense du projet du promoteur, quelle que soit la grosseur du projet et quel que soit le promoteur. J'espère ne pas vous causer de problèmes en posant cette question-là.

M. Rochon: Non, non, mais je ne suis pas...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Rochon.

M. Rochon: Merci, Mme la Présidente. M. richard, je ne suis pas certain d'avoir compris votre question. vous nous demandez: quand le public doit-il intervenir à l'intérieur de la procédure?

M. Richard: C'est-à-dire que, moi, je suis un promoteur...

M. Rochon: Oui.

M. Richard: ...et, entre le moment où, moi, j'avertis que j'ai l'intention de bâtir tel type d'entreprise dans tel milieu...

M. Rochon: D'accord. Ce qui constitue, en fait, l'avis de projet.

M. Richard: Exactement. À quel moment vous voyez l'intervention directe, vous voyez que la population peut intervenir, donner son opposition, son positionnement ou faire son questionnement?

M. Rochon: D'accord. Nous, nous verrions très bien, tel que suggéré dans le rapport Lacoste, que la population intervienne avant rémission de la directive, que la population soit consultée avant que la directive soit émise de façon à bien évaluer les enjeux environnementaux de cette population. Ça permettrait de préciser davantage la directive qui oriente l'ensemble de l'étude d'impact par la suite.

On croit également que la population doit intervenir à nouveau, si vous voulez, une fois l'étude d'impact complétée, à l'intérieur d'audiences publiques, tel que ça existe actuellement. On verrait très bien l'ajout d'une consultation du ou des publics immédiatement après l'émission de l'avis de projet et avant l'émission de la directive, donc très tôt.

Il appartiendrait, évidemment, au rédacteur de la directive, c'est-à-dire le MENVIQ, de peser le pour et le contre des avis qui auraient été exprimés par le public, parce que c'est quand même le MENVIQ qui conserverait le rôle d'émettre la directive. Mais je pense qu'en consultant le public dès le début ça permettrait de bien orienter l'étude d'impact et que ça rendrait peut-être moins obligatoire la tenue des audiences publiques suite au dépôt de l'étude d'impact. Si l'étude d'impact répond bien à toutes les questions du milieu, probablement qu'il n'y aura pas d'audiences publiques suite au dépôt de l'étude d'impact.

M. Richard: Merci, Mme la Présidente. Ça veut dire que moi, si je suis un promoteur, je contacte les gens au ministère, normalement, pour savoir si je vais avoir une subvention et, deuxièmement, je vérifie pour voir si le projet est recevable. Je présente mon projet, et à la minute où je donne les grandes lignes du projet, vous me dites: Le ministère de l'Environnement

devrait, lui, faire la synthèse du projet et immédiatement faire une consultation de la population.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Rochon.

M. Rochon: En fait, M. Richard, c'est un peu ça, mais vous l'avez schématisé beaucoup.

M. Richard: C'est mon rôle de schématiser.

M. Rochon: Le promoteur ferait parvenir son avis de projet au ministre de l'Environnement. Suite à la réception de cet avis de projet, une audience publique serait tenue à partir des renseignements fournis dans l'avis de projet. À partir de l'avis que présenterait le public... Excusez-moi. On tiendrait compte des opinions exprimées par les gens pour la rédaction de la directive, et c'est encore le ministère de l'Environnement qui rédigerait la directive.

M. Richard: Ça répond à ma question. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Nicolet. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux féliciter les représentants de l'Ordre des agronomes. L'Opposition concourt à peu près à 100 % avec les recommandations que vous faites dans votre rapport. Il y a des principes directeurs dans l'ensemble de vos recommandations et un principe, vous venez de le mentionner, c'est l'implication précoce du public.

Dans les propositions que vous faites, il y en a une où je veux m'arrêter avec vous, c'est dans les débuts, à la page 5, où vous dites: "L'Ordre est favorable à la fusion de l'analyse environnementale et de l'avis de recevabilité". L'avis de recevabilité, il est rédigé par le ministère plus tôt dans le temps que l'analyse environnementale, dans le moment. Je voudrais que vous expliquiez un peu plus comment ça fonctionnerait dans le contexte que vous proposez. Les deux se feraient ensemble; ce serait fait par qui? Par le ministère, par le BAPE, par les deux? Madame peut répondre?

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, c'est M. Rochon? Mme Beauregard, vous pouvez répondre, vous aussi. M Rochon.

M. Rochon: Mme la Présidente et M. Lazure, en fait, oui, on recommande que soient fondues ensemble l'étude de recevabilité et l'étude technique que fait le MENVIQ suite au dépôt de l'étude d'impact. En fait, ce qu'on souhaite c'est, à toutes fins pratiques, la disparition de l'étape étude de recevabilité. Ce serait plutôt remplacé par une étude technique effec- tuée par le MENVIQ, étude technique qui serait rendue publique en même temps que l'étude d'impact. Ça donnerait à la population la façon de voir du ministère de l'Environnement. Le ministère de l'Environnement, si vous voulez, agirait comme conseiller auprès de la population et viendrait donner son avis pour aider les gens à mieux comprendre l'étude d'impact, à mieux l'évaluer. C'est la façon dont on verrait le point que vous avez mentionne.

M. Lazure: Je comprends, oui, c'est intéressant comme suggestion. Effectivement, ça éclairerait le public, comme vous dites. Ça éclairerait le BAPE aussi?

M. Rochon: Oui, aussi, parce que ça ferait partie du dossier qui serait déposé auprès du BAPE. Alors, plutôt que d'avoir une étude technique qui arrive après les audiences publiques et qui n'est destinée qu'au ministre, l'opinion du MENVIQ serait présentée au public pour l'aider à mieux comprendre l'étude d'impact.

M. Lazure: Et qu'est-ce que vous pensez du risque que cette opinion du MENVIQ soit discutée sur la place publique par le BAPE ou que le BAPE émette des opinions sur ces avis techniques du ministère? Autrement dit, est-ce que ça pourrait ouvrir la porte à des confrontations entre ministère et BAPE?

M. Rochon: Je ne penserais pas, M. Lazure. De toute façon, le ministère de l'Environnement est toujours représenté lors des audiences publiques et le BAPE, souvent, va adresser des questions aux représentants du MENVIQ pendant les audiences. Alors, je pense que ce serait plus facile pour tout le monde si le rapport technique était déjà disponible et consulté avant les audiences.

M. Lazure: Moi, je suis porté à être d'accord avec vous. Deuxième question. Les impacts cumulatifs, c'est complexe; comment évaluer l'addition de plusieurs impacts, ce qui devient un impact cumulatif? Est-ce que vous avez une expertise là-dedans? Est-ce que vous connaissez des secteurs où ça a été fait, des évaluations d'impacts de façon cumulative?

M. Beaulieu: Mme la Présidente, je vais répondre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Beaulieu.

M. Beaulieu: Effectivement, ce qu'on souhaite, c'est voir évaluer les effets cumulatifs. Comme vous le dites bien, comme vous le soulignez, c'est quelque chose qui est complexe, qui requiert une expertise très particulière. Actuellement, ce qu'on peut vous dire, c'est qu'on n'a pas, nous, d'expertise ou de façon particulière de

voir, mais il y a probablement, dans le milieu, des intervenants ou des experts qui auraient des façons d'évaluer ces impacts cumulatifs là.

M. Lazure: une autre question, concernant les composantes. vous distinguez la composante principale d'un projet des composantes secondaires. vous dites à un moment donné: "dans le cas où la composante principale n'est pas soumise, alors la ou les composantes secondaires ne doivent pas être soumises." mais ça pourrait être embêtant parce qu'il peut y avoir des projets où ce sont les composantes secondaires qui sont une menace à l'environnement et où la composante principale est inoffensive. on peut concevoir des projets comme ça. dans votre optique, à ce moment-là, les composantes secondaires qui pourraient être nocives ne seraient pas étudiées. pouvez-vous clarifier ça, s'il vous plaît?

M. Rochon: Oui, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Rochon.

M. Rochon: M. Lazure, je vous reporte à la page 11 de notre document. Lorsqu'on dit que les composantes secondaires n'auraient pas a être soumises lorsque la composante principale ne l'est pas, on mentionne quand même que nos recommandations 12 et 13 devraient, à ce moment-là, être adoptées, c'est-à-dire mettre en vigueur l'intégralité de l'article 2 du règlement...

M. Lazure: Oui, ça va.

M. Rochon: ...et mettre à jour périodiquement la liste des projets qui seraient soumis. Maintenant, en ajout à ce qu'on a écrit ici, ce qu'on veut également dire, c'est qu'on conçoit très mal qu'un projet ne soit pas soumis à la procédure si une de ses composantes, même si elle est secondaire, constitue un grand risque pour l'environnement. Tout projet à risque pour l'environnement devrait être soumis à la procédure. En fait, nous, on voit chacun des projets dans sa globalité.

M. Lazure: Oui, je vous suis jusque-là, mais ce que je ne comprends pas, c'est votre texte. Vous dites que, dans le cas où la composante principale n'est pas soumise, alors la ou les composantes secondaires ne doivent pas être soumises.

M. Beaulieu: Mme la Présidente, je vais compléter la réponse. M. Lazure, ce qu'on a présenté dans le document... On dit d'abord: Si la composante principale doit être évaluée, les composantes secondaires doivent l'être et on dit que, dans le cas inverse, ça ne doit pas l'être. Sauf qu'il y a une exception dans notre document, c'est qu'on dit: Dans le cas où les composantes secondaires font partie de la liste des projets assujettis, à ce moment-là, il n'y aura pas lieu de les soustraire à l'évaluation. Comme vous le dites bien, finalement, une ou certaines composantes secondaires peuvent être plus nocives que le projet dans son ensemble. Donc, c'est ce qu'on souhaite ou c'est de cette façon-là qu'on le voit.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Prairie. (14 h 45)

M. Lazure: Moi, je constate avec plaisir que vous nous recommandez que tout système de gestion des déchets... Non. "Nous jugeons pertinente la mise sur pied d'une commission d'enquête ou d'un groupe de travail sur la gestion intégrée des déchets au Québec." Alors, je vois que ça correspond à vos préoccupations; c'est aussi la préoccupation de plusieurs membres de la commission. C'est tout pour le moment, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est tout pour le moment?

M. Lazure: On va revenir tantôt.

La Présidente (Mme Bélanger): Est-ce que-Oui? O.K. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Je ne voulais pas prendre le temps de l'autre, de l'autre bord.

Une voix: Tu ne le prendras pas. Inquiète-toi pas.

M. Baril: C'est correct, pas de problème. M. Lazure: Ils vont prendre tout leur temps.

M. Baril: Oui? Moi, je voudrais d'abord féliciter l'Ordre des agronomes d'avoir présenté son mémoire parce qu'il touche un aspect tout à fait particulier qui est, entre autres, la protection du territoire agricole. Probablement que c'est par déformation professionnelle que vous abordez assez spécifiquement cet aspect-là et je vous en félicite.

Je traiterai surtout de la section III de votre mémoire qui parle justement de la disposition des déchets solides domestiques. Vous faites mention que l'établissement de tout site d'enfouissement devrait être soumis à une procédure d'audiences publiques par le BAPE. J'aimerais savoir, quand vous pensez à ça, si, dans la révision des zones agricoles que les municipalités achèvent de faire avec la Commission de protection du territoire agricole, on sait s'il y a des impacts majeurs sur l'établissement de cette nouvelle zone.

Parce qu'il y a beaucoup de territoires agricoles, d'abord, qui sont enlevés à l'agriculture pour établir des industries, si on fait des

parcs industriels ou des parcs résidentiels, et, aussi, qu'à certains endroits, comme sites d'enfouissement sanitaire, on veut utiliser d'anciennes carrières. On pourrait en nommer, que j'ai dans la tête, au Québec, un peu partout. Ça, c'est le rôle de la Commission de protection du territoire agricole, entre autres, de voir à accorder aux municipalités ce qu'elles veulent.

Quand vous avez écrit votre mémoire, pen-siez-vous que cette procédure de révision de la zone agricole, quand ça touche des territoires bien précis et que les municipalités ou les développeurs ont des projets très précis dans cette nouvelle zone agricole... Pensez-vous, avant que ce soit autorisé ou accepté par la Commission de protection du territoire agricole et décrété par le Conseil des ministres, que la procédure que vous préconisez, soit la tenue d'audiences publiques par un organisme autre que la Commission de protection du territoire agricole, devrait être faite sur des projets de réaménagement des zones agricoles?

Je pourrais vous en nommer. Vous avez un cas à Carignan, entre autres, où ça fait deux, trois fois que la Commission veut absolument dézoner un territoire pour établir un nouveau site d'enfouissement sanitaire. Vous avez tout l'ouest de Montréal actuellement où, à Pierre-fonds, je pense, il y a 500 hectares de terre, encore, qu'on veut enlever pour du développement résidentiel. Vous dites dans votre mémoire, et avec justesse, qu'il reste seulement 2 % de territoire agricole au Québec. J'aimerais ça savoir votre opinion là-dessus.

M. Paquet: Voici. Je pense que, M. Baril... La Présidente (Mme Bélanger): M. Paquet.

M. Paquet: Oui. Je pense que vous rejoignez beaucoup nos préoccupations quand vous énoncez votre question dans le sens que, pour nous, c'est très problématique. On veut s'assurer que, dans toute la réglementation, toutes les lois qu'on a au Québec, par exemple, finalement, on ait cette espèce de vision globale qui fait qu'on ne sectorise pas une loi ou un secteur par rapport à l'autre.

Finalement, devant l'urgence de sauver le peu de sol qu'il nous reste et répondant aussi au fait que, pour nous autres, l'optique, c'est l'occupation du territoire de façon à... Le territoire défriché du Québec, je pense qu'il doit être occupé à sa pleine expansion et ça, ça corrigerait aussi bien des situations. Au lieu de vouloir concentrer toutes les entreprises dans des plus grands centres, ça nous permettrait justement de sauver globalement les parties de territoire qui sont, des fois, les terres les plus favorables à l'agriculture.

Peut-être pour vous situer, vous donner un exemple, je ne crois pas que ce soit valable de toujours ramener la transformation où est la masse de la population. Finalement, on a des pressions environnementales qui sont très fortes et, là, ça prend des territoires plus grands pour enfouir nos déchets domestiques, etc. Je pense que notre vision, de ce côté-là, quand on parle d'occupation du territoire, ça peut permettre de régler en grande partie ces préoccupations-là. Mais je reviens sur le fait que, pour bien régler, pour moi, il faut avoir une vision globale de tout ce qui se passe. Pour ça, il ne faut jamais opérer un secteur par rapport à l'autre. C'est pour ça que, dans la consultation ou la révision de la zone verte au niveau de la Commission de protection du territoire agricole, on devrait ou on va devoir tenir compte de ces aspects-là aussi.

Finalement, si on ne le fait pas, dans 4, 5 ou 10 ans, on aura des problèmes majeurs parce que, justement, les déchets il faut y faire face. Je pense que c'est l'ensemble de la communauté québécoise qui va devoir contribuer à mieux les recycler et à faire que, justement, on n'ait pas des montagnes de déchets au même endroit. L'exemple des carrières... À Montréal, c'est typique ce qui se passe actuellement dans la carrière Miron; il y a toutes sortes de problèmes qui vont survenir tout à l'heure par rapport à ça. On ne peut pas passer ou rester indifférents devant ça.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Donc, vous préconiseriez, avant qu'une nouvelle révision de zone agricole soit décrétée, qu'un autre organisme puisse vérifier les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette modification aux usages du territoire que, souvent, on va dézoner. C'est ça?

M. Paquet: C'est ça, excepté qu'avant, il s'agit plutôt d'enlever de la zone verte des parties pour les ramener dans la zone blanche pour, peut-être, favoriser l'expansion urbaine et permettre la construction de certaines industries. Je pense qu'il y a plusieurs organismes qui doivent être consultés avant de décréter et de définir quelle va être la zone ou le périmètre de balisage par rapport à la zone agricole.

Vous savez, moi, je reste toujours un peu estomaqué de voir que, finalement, on met de plus en plus de pression vers le peu de sols agricoles qui nous restent actuellement. C'est alarmant et il faut le prendre en considération. Pourquoi, à un moment donné, ne pourrait-on pas utiliser d'autres secteurs pour faire de l'enfouissement, ailleurs que sur les territoires agricoles? Le territoire défriché représente à peine 5 % et on est en train de reboiser bien des terres, actuellement, qu'on a déjà défrichées. Tout à l'heure, qu'est-ce qui va nous rester? Ça va devenir très problématique.

M. Baril: Dans votre mémoire, vous suggérez également que ce soient les municipalités qui devraient avoir les pouvoirs ou les moyens de surveiller l'application de certaines normes, de certains règlements. Pensez-vous que les municipalités ont les outils pour faire ce travail et sont capables, je dirais, d'avoir la volonté? Je ne dis pas que personne ne peut le faire, mais pensez-vous que, majoritairement, l'ensemble des municipalités sont capables d'appliquer une réglementation qui est définie par un autre palier de gouvernement?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Beaulieu.

M. Beaulieu: Effectivement, il semble apparaître que la gestion des déchets, c'est une problématique et que, pour les municipalités, ça devient, la, si l'on veut, l'objet d'un nouveau mandat. Dans ce sens-là, on peut comprendre qu'il y a probablement un certain nombre de municipalités qui n'ont pas, à l'heure actuelle, tous les outils, toute l'expertise pour le faire. Par contre, on mentionne bien dans notre document que le ministère de l'Environnement peut appuyer les municipalités dans l'effort de faire cette gestion des déchets, par l'expertise qu'il a développée. On souhaite que les municipalités aient le mandat de faire la gestion, mais on souhaite aussi que le ministère de l'Environnement puisse appuyer les municipalités dans cette démarche-là. C'est bien important.

M. Baril: Moi, je vous remercie de votre mémoire. Ça répond aux questions dont je voulais traiter au niveau agricole. Je pourrais en avoir beaucoup d'autres. Je ne sais pas... Si on me laisse du temps, je pourrais parler au niveau de...

Une voix: Vous n'êtes pas obligé de le prendre.

M. Baril: Comment? Je ne suis pas obligé de le prendre?

Une voix: II y en a d'autres.

La Présidente (Mme Bélanger): II reste six minutes.

M. Baril: Non, mais.:. Je vais arrêter, d'abord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: C'est intéressant, quand même.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Arthabaska, si vous avez encore une question, vous pouvez y aller.

M. Baril: Je vais en poser une, d'abord, parce que c'est important. Il y a plusieurs municipalités qui vivent un problème actuellement, un problème environnemental, c'est: Comment les villes peuvent-elles se débarrasser des boues d'usines? On va déverser ça dans les campagnes, sans planification. Pensez-vous que cette méthode ou ces lieux d'entreposage des boues usées des usines d'épuration devraient être soumis à des audiences publiques? Parce que, si les gens des villes n'aiment pas les senteurs de la campagne, ça ne veut pas dire que les gens de la campagne aiment mieux les senteurs des villes.

Donc, ça, on établit ça actuellement un peu partout. Pensez-vous que ça ne devrait pas faire partie d'un rôle au Bureau d'audiences pour savoir ce que seront les impacts environnementaux de rétablissement de ces nouveaux sites?

Mme Beauregard (Rhonda): Mme la Présidente, si vous permettez.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, Mme Beauregard.

Mme Beauregard: Je regarderais ça d'une façon plus globale. C'est qu'on a tendance à penser, parce que le recyclage et le compostage deviennent beaucoup plus à la mode que ça ne l'était, que tout d'un coup les terres agricoles offrent un potentiel pour recevoir tout ce qu'on ne sait pas où mettre. Mais, si on regarde que, finalement, les préoccupations du développement durable de l'agriculture, ça se fait en valorisant et en conservant les ressources sol, air, eau, on tiendra compte, oui, des préoccupations du public, que ce soient les urbains ou les ruraux, mais on tiendra compte aussi de l'effet que les boues ou d'autres déchets dont on ne peut disposer autrement auront éventuellement sur le sol, même s'il est composté.

Pourquoi on a aussi fait une recommandation dans le sens de mettre sur pied, quand même, un groupe de travail? C'est qu'il y a énormément de boulot à faire parce qu'il y a encore beaucoup d'inconnues ici. Il y a de l'expertise qui existe en Europe, il y en a aussi aux États-Unis, mais il faut peut-être justement aller chercher les éléments de connaissances qui sont ailleurs et voir si ça peut, finalement, s'appliquer ici.

M. Baril: Je vous remercie...

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

M. Baril: ...de la défense des droits des ruraux qui va retomber sur l'urbain, aussi.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je vous remercie, Mme Beauregard et MM. Paquet, Marchand, Rochon et Beaulieu, pour votre participation à cette commission. Alors, je pense qu'étant donné qu'il y a plusieurs personnes à déplacer nous allons suspendre pour deux minutes

afin que l'Ordre des ingénieurs puisse approcher à la table.

(Suspension de la séance à 14 h 58)

(Reprise à 15 heures)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demanderais à M. Thomassin et M. Michaud de bien vouloir s'approcher de la table. M. Thomassin, M. Michaud, les membres de la commission vous souhaitent la bienvenue. Vous avez une heure, dont 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui seront suivi d'un questionnement des deux parties, du parti ministériel et de l'Opposition. Je suppose que c'est M. Thomassin qui est le porte-parole?

Ordre des ingénieurs du Québec

M. Roy (Christian): Permettez-moi, d'abord, de faire une petite correction. Mon nom est Christian Roy.

La Présidente (Mme Bélanger): Ah bon!

M. Roy: C'est une erreur qui s'est glissée, probablement une erreur d'informatique.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Christian Thomassin, est-ce qu'il est ici?

M. Roy: Non. Il y a Jean-Claude Michaud, à ma droite...

La Présidente (Mme Bélanger): Jean-Claude Michaud...

M. Roy: ...et je suis Christian Roy.

La Présidente (Mme Bélanger): ...et vous êtes monsieur...

M. Roy: Christian Roy.

La Présidente (Mme Bélanger): Christian Roy. Thomassin, ça ne se ressemble pas beaucoup pour une erreur informatique, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roy: Merci, Mme la Présidente. Permettez-moi donc, brièvement, de me présenter. Je suis le porte-parole officiel de l'Ordre des ingénieurs du Québec dans le cadre de cet appel de mémoires de la commission. À ma droite, M. Jean-Claude Michaud, conseiller au service de recherche de l'Ordre des ingénieurs du Québec; il va m'assister dans cette présentation. D'abord, brièvement, je voudrais me situer. Je suis professeur au Département de génie chimique à l'Université Laval et je suis président du Comité permanent de l'environnement de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Alors, c'est à ce titre de représentant du comité de l'environnement qui traite, au niveau de l'Ordre, directement de ces sujets, que je fais la présentation.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire de présenter longtemps l'Ordre des ingénieurs qui regroupe plus de 33 000 membres qui sont affectés dans presque tous les secteurs de la vie économique du Québec. Une des missions importantes de l'Ordre, c'est certainement de protéger l'intérêt du public en assurant la qualité de la pratique du génie. La dimension environnementale est un sujet éminemment important pour l'Ordre et c'est pour cette raison qu'il y a environ 18 mois l'Ordre a formé un Comité permanent de l'environnement, dont je suis le premier président, qui, justement, doit se pencher et se penche sur différents problèmes, différentes sphères qui concernent la problématique environnementale au Québec. À cet égard, l'Ordre a donc préparé un mémoire dont vous avez reçu copie et ce que je me propose maintenant, c'est non pas tellement de faire la lecture de ce mémoire mais plutôt d'en ressortir quelques points principaux. En fait, il y a neuf points que je vais tâcher d'expliciter au meilleur de ma connaissance durant le temps qui nous est alloué.

D'abord, quelques grandes questions de principe. Pour l'Ordre, la procédure d'évaluation et d'examen des impacts des projets doit permettre d'informer adéquatement le public des enjeux réels et doit permettre de bonifier les projets. L'Ordre reconnaît donc la nécessité d'avoir une telle procédure, compte tenu des préoccupations du public et des exigences nouvelles en matière de conservation des ressources environnementales.

La corporation est aussi d'avis qu'il n'est pas souhaitable de changer radicalement de cap en matière d'évaluation et d'examen des projets puisque l'expérience en ce domaine est très limitée, surtout dans le cas des projets industriels. D'emblée, voici une position de l'Ordre, mais que je vais tâcher d'expliciter parce que, d'un autre côté, l'Ordre est aussi d'avis qu'il y a lieu d'apporter quelques améliorations à la procédure actuelle pour en accroître la transparence et l'efficacité dans le contexte d'une philosophie de développement durable. Voici donc, maintenant, les neuf points sur lesquels nous pensons qu'il y a lieu d'apporter quelques améliorations.

Premier point. Nous pensons qu'il faudrait préciser davantage les projets qui doivent être assujettis et préciser des critères d'assujettissement. Je m'explique. Nous sommes d'avis qu'au niveau des projets, les grands projets industriels devraient être traités, par souci d'équité envers les autres promoteurs qui, eux, sont affectés par le processus d'audiences publiques et aussi puisque c'est une approche, une procédure

utilisée abondamment maintenant chez nos voisins immédiats.

Il faudrait mettre en vigueur les articles du règlement qui ne sont pas encore appliqués de façon pratique, en particulier les articles g et n. Ceci étant dit, nous pensons que, parmi les autres articles, les autres sujets ou les autres projets qui sont décrits dans l'actuelle procédure, il pourrait y avoir possibilité d'élaguer un peu la liste, de la revoir. Il y a aussi certainement des situations où on pourrait ajouter d'autres projets. C'est une question qui a été posée tantôt par un des membres de cette commission. On se réfère, entre autres, par exemple, à des projets récréo-touristiques qui pourraient faire partie de listes. Donc, voici, concernant les projets.

J'ai indiqué également qu'il y avait lieu de préciser les critères d'assujettissement. Alors, il faut que les promoteurs sachent sur quoi travailler. Des critères d'assujettissement, il y en a plusieurs et l'emphase pourrait être mise sur les critères de santé publique et, dans d'autres cas, de sécurité physique des populations. Ça peut être la protection de la qualité de l'air, des sols. Ça peut être la conservation des ressources naturelles et énergétiques. Il faut les préciser; il faut expliciter les règles du jeu bien clairement, dès le départ, pour que le promoteur sache comment faire ses devoirs. Premier point.

Deuxième point, au niveau des améliorations à apporter, il s'agirait de préciser les politiques qui devraient être soumises à la consultation publique. Ceci éviterait que les projets fassent les frais d'un manque de consensus sur les grandes orientations, par exemple la politique énergétique du Québec.

Nous pensons que le BAPE n'est pas nécessairement l'organisme responsable pour faire une telle consultation. Des commissions parlementaires comme celle-ci, par exemple, pourraient être appelées à servir a cette fin. Donc, il faudrait apporter, au niveau des politiques - nous donnons quelques exemples - dans le domaine de l'énergie, le domaine du transport, le domaine de la gestion des déchets solides... Nous pensons qu'au niveau des politiques gouvernementales, ces éléments devraient être ajoutés à la liste, en incluant éventuellement des nouveaux critères relatifs à ces politiques, à ces nouveaux projets ou à ces nouvelles idées à être débattues, tout ceci dans l'objectif de rendre plus efficaces des grands principes auxquels pourraient se greffer, par la suite, des projets.

Troisième point. Il faudrait s'assurer que la procédure serve à bonifier les projets qui comportent des faiblesses. Ce qu'on veut dire ici, c'est que l'audience publique ne devrait pas nécessairement être seulement une occasion pour un organisme enquêteur de dire oui ou non. Ça pourrait être aussi l'occasion de dire "oui, mais". Ce n'est pas un point où on a un "Y", où il y a seulement deux situations: oui ou non. L'idée, c'est de rendre la procédure constructive, proactive. Et l'audience, l'enquête, peut aussi mener à dire: Oui, le projet est excellent, mais il faut ajouter telle et telle chose. Ça ne devrait pas être utilisé, cette procédure, pour bloquer systématiquement des projets. Finalement, c'est le point qu'on veut mentionner ici.

Quatrième point. Il faudrait circonscrire davantage la durée de la procédure de manière à éviter les délais inutiles dont la conséquence est de décourager les initiatives de développement économique. Je n'abonderai pas beaucoup sur ce point-là qui fait un assez large consensus; peut-être que, tantôt, on aura l'occasion d'épiloguer sur la procédure ou la façon d'y arriver.

Cinquième point. Il faudrait améliorer le contenu des directives à l'intention des promoteurs. Il s'agit, en quelque sorte, de standardiser les directives de manière à ce que les promoteurs sachent le plus exactement possible ce qui est attendu d'eux. Et, sur ça, il y a quatre moyens que nous proposons.

D'abord, il faudrait préciser la nature des impacts à prendre en considération. Je me réfère sur ça aux critères d'assujettissement dont j'ai parlé tantôt pour que, dès le départ, le promoteur sache, connaisse les règles du jeu et que ce soit très clair ce sur quoi il doit faire son devoir, finalement.

Deuxième moyen, il faudrait donner les indications méthodologiques pertinentes, surtout en ce qui concerne les études de risques. Ça, c'est un élément nouveau que nous amenons, l'Ordre, un élément scientifique que nous croyons avoir décelé comme absent dans les directives actuelles. Si on veut mettre l'accent sur les impacts cumulatifs, il faudra le faire dans les limites méthodologiques connues, modernes et l'étude devra être confiée à une autorité crédible, les promoteurs exécutant les études de base.

Alors, permettez-moi d'expliciter un petit peu, ici, ce qu'on veut dire. C'est qu'il existe des méthodes qui sont maintenant étudiées, en particulier en Europe, comme la méthode USCIP qui se réfère à l'Union des chambres syndicales de l'industrie du pétrole. Ce sont des croisées matricielles qui font très bien ressortir le pourcentage de risque avec le risque quantifié. Il y a des zones qui apparaissent comme présentant la probabilité de réel danger. Il faudrait donner des indications, des directives au promoteur pour le mettre sur la piste de ces méthodes rigoureuses standardisées, pour le mettre dans un meilleur véhicule, un meilleur canal pour savoir ce sur quoi il devra travailler.

Le troisième moyen, de façon à améliorer le contenu des directives, c'est de faire un suivi des projets de manière à bénéficier de l'expérience acquise. Donc, c'est toute la question du suivi des projets pour bâtir le cumulatif.

Quatrième moyen. Il faudrait permettre au public de faire connaître ses préoccupations dès l'étape de la directive ou juste précédemment,

même, l'étape de la directive, un peu comme la façon dont ça s'est passé pour l'audience concernant le réaménagement du canal Lachine, qui est un bon exemple d'une façon de travailler qui pourrait devenir un modèle pour le futur.

Il faudrait cependant prévoir des moyens pour que cette participation du public soit pertinente. Est-ce que ça voudrait dire, par exemple, de donner des moyens financiers à certains groupes qui désireraient se présenter et avoir, donc, des moyens pour bien se documenter? Est-ce qu'il serait possible, concevable que ces moyens financiers proviennent d'une réserve mise immédiatement de côté par le promoteur, réserve financière qui permettrait de faire une partie des recherches? Est-ce que ça devrait être seulement au promoteur de payer? En fait, c'est le promoteur, bien sûr, qui devrait payer pour ces études, mais il est peut-être concevable de séparer, en partie, la contre-expertise des sources financières provenant du promoteur. Alors, voilà les quatre moyens de nature à améliorer le contenu des directives.

J'avais dit, tantôt, qu'il y avait neuf points sur lesquels on voulait s'attarder. Je suis rendu maintenant au sixième point. L'Ordre est d'avis de favoriser le plus possible la médiation quand un projet présente le potentiel d'atteindre les objectifs de conservation de l'environnement sans utiliser la procédure d'audiences publiques. S'il y a moyen, entre les populations locales et le promoteur, de s'entendre par une simple médiation, bien sûr que c'est une voie qui devrait être utilisée, sans renoncer pour autant à la possibilité d'audiences publiques.

Septième point, le BAPE. Nous sommes d'avis qu'il faudrait conserver le mandat actuel du BAPE et l'aider dans sa démarche à l'aide d'un comité d'experts choisis selon la nature du projet, ce qui permettra aux experts du BAPE et à ceux du promoteur de confronter leurs opinions. Toutes ces questions d'audiences publiques sont éminemment multidisciplinaires, font appel à la science moderne et il y a lieu de confronter les avis avec des avis qui proviendraient non seulement du promoteur, mais de comités scientifiques indépendants, travaillant de concert avec le BAPE.

Huitième point. Il faudrait harmoniser la procédure avec celle de nos principaux voisins du gouvernement fédéral de manière à éviter la duplication. Je pense que c'est un point sur lequel il n'est pas nécessaire d'épiloguer longtemps. (15 h 15)

Le dernier point que je voudrais mentionner, c'est peut-être, encore une fois, un point auquel l'Ordre trouve une certaine originalité dans la présentation. C'est de favoriser, à moyen terme, l'implication des autorités régionales dans le processus d'examen des projets. Ces autorités - et je me réfère ici aux communautés urbaines, aux municipalités régionales de corn té - ont déjà un rôle à jouer en matière d'élaboration des schémas d'aménagement du territoire. Les parcs industriels relèvent de ces organismes, entre autres. Le BAPE pourrait alors centrer ses énergies sur les grands projets et le ministère de l'Environnement verrait à établir les lignes directrices qui serviraient de guide aux autorités régionales ou locales. De cette façon, on peut faire jouer aux citoyens le rôle qu'ils sont appelés à jouer, les rapprocher de la base, les impliquer. On peut, de cette façon, tenir compte des cultures locales et ceci éviterait également des duplications qui existent déjà. Je me réfère, par exemple, à la CUM qui a déjà son propre bureau d'audiences et qui fait un bon boulot d'auditions dans plusieurs projets qui concernent la municipalité. Alors, ça complète ma présentation et nous sommes ouverts pour répondre aux questions qu'il pourrait y avoir.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Roy. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, Mme la Présidente. M. Roy, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de l'excellent mémoire que vous présentez à la commission. On sait que, s'il y a des gens qui sont capables de bien préparer un mémoire, c'est vous autres. Je suis convaincu que la conséquence de ce mémoire et les recommandations que vous y faites feront plaisir à vos membres de l'Ordre des ingénieurs, parce qu'il y a beaucoup de sous-entendus pour recourir, dans l'avenir, à des services professionnels et, en soi, ce n'est pas mauvais pour un syndicat ou une association professionnelle, mais aussi pour la part que vous apportez à la société québécoise en matière environnementale dans chacune des régions. Je pense que nous sommes en mesure de profiter des services de ces professionnels-là. Je pense qu'il faut reconnaître que vous avez rendu de très grands services à la société québécoise, non seulement en matière environnementale mais aussi en matière de transport et en matière d'assainissement des eaux.

Ceci étant dit, dans le résumé de votre mémoire, dans le tout premier paragraphe, vous nous recommandez, comme commission, d'y aller assez prudemment, de conserver l'essentiel de la démarche mais, compte tenu de l'inexpérience ou de l'expérience limitée acquise dans ce domaine-là et de l'incertitude que pourrait susciter un changement trop radical, vous nous recommandez une certaine prudence au niveau de l'avancement de la réglementation du BAPE. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu cette mise en garde et sur quoi vous vous êtes basés pour nous recommander, aux membres de la commission, une certaine prudence?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.

M. Roy: Sur cette question, je vais laisser

la parole à M. Michaud.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Jean-Claude Michaud.

M. Michaud (Jean-Claude): Mme la Présidente, c'est probablement la sagesse innée des ingénieurs qui a prévalu. En fait, en examinant la situation qui prévalait depuis une dizaine d'années, essentiellement, nous avons cru plus sage, à ce moment-ci, de bien roder la procédure que nous avons actuellement, de l'améliorer sous un certain nombre d'aspects plutôt que d'essayer de faire table rase et de dire: Oublions tout ce qu'on a fait depuis 10 ans. Au Québec, on a eu tendance, à une certaine époque, en tout cas dans le milieu de l'éducation en particulier, à faire table rase assez régulièrement de ce qu'on avait fait et à recommencer à zéro. Alors, c'est un peu dans ce sens-là qu'on disait: II y a des améliorations qu'il faut apporter, c'est évident, mais il ne faudrait surtout pas partir à l'autre extrême et dire: Abolissons tout ce qu'on a et recommençons à zéro. On met une toute autre procédure en place. Ça prend du temps à roder ces procédures-là.

M. Maltais: Mais seriez-vous d'accord avec nous lorsqu'on dit qu'on a vécu une période d'apprentissage quand même importante depuis une douzaine d'années? Bien sûr, ça n'a pas été toujours le carrosse sur l'asphalte; il y a eu des ratés quelque part mais, par exemple, est-ce que la commission pourrait se servir de la section positive du bilan pour entamer une modification à la réglementation, comme vous le recommandez, à partir de la section positive? Je pense que c'est l'objectif des membres de la commission. Ce qui s'est fait de bien, on le conserve et on a tendance à l'améliorer pour, finalement, l'encadrer dans une nouvelle législation. En fait, c'est l'objectif. Est-ce que vous êtes d'accord avec notre démarche qui vise à ça?

M. Michaud: absolument! il faut conserver ce qui semblait fonctionner et, encore une fois, éviter... si on recommence à zéro, on va commettre les mêmes erreurs.

M. Maltais: C'est sûr. Vous nous dites que vos commentaires vont porter sur quatre points. L'assujettissement des projets, incluant les articles n et j, je pense que ça va dans le sens des recommandations du rapport Lacoste; je pense que vous n'avez pas d'objection là-dessus, au contraire. Par contre, vous avez dit tout à l'heure, un petit peu plus loin, que le public devrait être invité à la fin du processus d'assujettissement. C'est bien ça? Et, contrairement à ce que beaucoup d'autres personnes qui ont présenté un mémoire... On dit que le public est souvent mal informé et qu'il devrait entrer dans le processus... il n'intervient qu'à la fin de la procédure.

M. Michaud: Non, je pense que...

M. Maltais: Non, non. Je m'excuse, ce n'est pas ça.

M. Michaud: "Miscompréhension".

M. Maltais: Oui, excusez-moi. En fait, à partir de l'assujettissement, à quel stade vous le voyez, le public, vous? Au tout début? Au milieu? Comment lui donner de l'information, que vous jugez un petit peu sévèrement? Je dois vous dire que le public n'a pas toujours la bonne information. Qui devrait la lui donner?

M. Michaud: En fait, il serait souhaitable, si on regarde certaines expériences récentes, de faire intervenir le public seulement vers la fin de la procédure. C'est-à-dire, essentiellement, après que les études d'impact, l'avis de recevabilité, etc., tout ça a été fait, le public intervient et le public, à l'occasion, souligne des problèmes qu'on avait simplement oubliés, auxquels on n'avait pas pensé.

Alors, nous, on est d'avis que le public devrait être impliqué très tôt dans la procédure et, en particulier, très tôt, ça veut dire dès l'étape de l'élaboration des directives. C'est-à-dire que, lorsque le ministère a reçu l'avis de projet et s'apprête à élaborer la directive à l'intention des promoteurs, il serait sage, dès ce moment-là, de savoir quelles sont les questions essentielles que le public se pose ou que la population concernée directement par le projet se pose.

Si on savait assez précisément ces questions-là dès le départ, on arriverait à élaborer une directive qui irait dans la bonne direction et qui permettrait aux gens, après coup, d'avoir des réponses précises aux questions qu'ils avaient posées. Lorsqu'on le fait intervenir juste dans une période d'audiences comme actuellement, il y a souvent des questions qui sont soulevées et il est difficile de rattraper ces questions-là parce que le temps est devenu très court, subitement, parce que la durée de cette étape-là est délimitée. Les études d'impact sont déjà faites, on arrive avec des questions, ça mériterait peut-être d'autres études, et là on vient d'allonger, encore une fois, toutes les procédures. Alors, si le public pouvait intervenir assez tôt... Mais, en même temps, il ne faut pas que cette consultation-là dure, encore une fois, des mois. Il faudrait trouver le mécanisme qui nous permettrait, en très peu de temps, de consulter la population concernée par le projet et d'avoir, effectivement, ses interrogations.

M. Maltais: Vous parlez d'une instance régionale consultative qui pourrait être, en somme... Lorsqu'on parle de régions, on exclut

toujours les grandes villes, nous, les régionalis-tes, mais on parle de municipalités régionales de comté. En quoi, par exemple, ces personnes-là posséderaient-elles une plus grande expertise que les gens du BAPE pour faire une analyse, une étude d'impact ou des recommandations? Comment voyez-vous ça?

M. Michaud: Ce n'est pas une question d'expertise ni de savoir qui est meilleur que l'autre pour faire le travail. Il y a une question, je pense, à moyen terme à tout le moins, d'efficacité de l'ensemble des choses. Il serait assez étonnant que, dans la période actuelle où on veut davantage que les échanges économiques soient libres de toute entrave, donc laisser une plus grande liberté d'entreprendre, une plus grande liberté individuelle, même, qu'on en arrive, par le biais des procédures environnementales, à tout centraliser. Ce serait quand même assez étonnant, d'autant plus que, dans les mêmes discours - on regarde la politique récente en matière de transport - on a donné des mandats assez clairs aux municipalités dans ces domaines-là.

Alors, c'est une question d'efficacité. À court terme, on dit bien d'y aller graduellement. On ne dit pas que, demain matin, il faut tout garrocher dans la cour des municipalités, mais on croit qu'à terme les choses deviendraient beaucoup plus efficaces. On pourrait y aller par taille de projet. Des petits projets de nature plus locale peuvent très bien être pris en considération par les gens de la région. Je pense que les gens de la région... Il y a des compétences dans les régions, vous l'avez dit vous-même tout à l'heure, et on peut utiliser ces compétences-là ou même faire venir des compétences d'ailleurs. Il y aurait peut-être aussi une question de transfert de sous, à un moment donné.

M. Maltais: Au niveau consultatif, on va prendre comme exemple les sites de déchets domestiques. Il est bien évident, par exemple, qu'une MRC, sur son territoire, a plus de pouvoir consultatif par le biais de chacune des municipalités concernées et par son organisme comme tel que le BAPE. Est-ce que, par exemple, la première étape de consultation ne pourrait pas être faite par la responsable du territoire et, à partir de ce moment-là, le Bureau d'audiences publiques aurait à recevoir l'organisme plutôt que l'ensemble des citoyens?

M. Roy: Ça peut être une façon de... La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.

M. Roy: Pourquoi pas? C'est-à-dire que la question environnementale concerne éminemment la population. Il ne faut pas avoir peur de le dire, c'est ça, c'est ce qu'on veut, c'est la raison pour laquelle ces audiences publiques ont été mises sur pied, pour impliquer la population. Une façon de procéder comme celle que vous suggérez en serait certainement une; il y aurait probablement un peu de "brainstorming" à faire pour, en fonction des différents projets, arriver a établir différentes manières.

Mais n'oublions pas que, de toute façon, concernant les questions de compétence, ce n'est pas cinq ou six commissaires qui peuvent être des experts dans tous les domaines. On parle de choses extrêmement complexes sur lesquelles même les experts actuellement, un peu partout dans le monde, se confrontent. Que ce soit sur l'effet de serre ou sur les technologies les plus avancées, ce sont des questions éminemment scientifiques. On entre dans une époque où la technologie, la science va être de plus en plus importante.

Alors, un organisme d'une MRC sérieux, ayant reçu des directives claires du ministère de l'Environnement, peut se doter de comités d'experts reliés à une MRC et débattre de questions scientifiques. Ce n'est pas nécessairement une question de... En fait, cette question-là doit être vue comme un... C'est multidisciplinaire, l'environnement, alors c'est une question qui implique d'amener les bonnes personnes aux bons endroits. Qu'elles siègent à titre de commissaire au BAPE ou comme expert dans un comité relié au BAPE ou relié à un autre organisme, je pense qu'il y a moyen de faire avancer les choses.

M. Maltais: Vous êtes le deuxième groupe qui apportez un point bien précis, celui d'un certain pourcentage; vous parlez de 1 % sur la totalité des coûts. Dans le cas des premiers, les groupes environnementaux, c'était pour leur financement. Dans votre cas, ce n'est pas tout à fait pour le financement du groupe mais bien pour certaines expertises conditionnelles que vous ajoutez. Est-ce que, par exemple, si c'est 1 % pour vous autres, 1 % pour les autres - et on n'a pas fini; il nous reste une quarantaine de mémoires à recevoir - ce n'est pas sujet à apeurer un peu le promoteur? Il dit: Coudon! si tout le monde se sert dans le plateau, que va-t-il rester pour que je bâtisse mon entreprise? Comment voyez-vous ça? C'est peut-être simplifier la question, mais c'est la réalité, c'est ça. On va les additionner d'ici la fin de la commission et on verra.

M. Roy: Oui. C'est une question qui nous tient bien à coeur, le 1 %. Je ne suis pas certain où vous l'avez...

M. Maltais: Ou un montant, ou, en tout cas...

M. Roy: ...parce qu'on peut parler peut-être même de plus que ça. Parlons un peu de la situation de Grande-Baleine, avec un promoteur qui a dépensé 60 000 000 $ en expertises et

recherches sur les effets et les impacts sur l'environnement. Tout le monde est bien au courant de la situation aujourd'hui. J'ai été frappé par la lecture abondante des comptes rendus de journaux depuis plusieurs mois. Il y a nettement un sentiment de frustration parmi la population locale et parmi des groupes écologistes et d'autres groupes qui se sentent complètement démunis par rapport à la capacité immense et aux sommes investies par un promoteur par rapport aux maigres moyens qui sont mis à la disposition de ces groupes pour un genre de contre-expertise.

Sans douter de la crédibilité d'un promoteur quelconque, c'est certain qu'une position qui fait qu'un groupe met 60 000 000 $ en recherche, reçoit des tonnes de documents, les digère, en fait les versions qui sont celles que la commission lit, de l'autre côté, ça peut prêter le flanc à des attaques ou à des suspicions vis-à-vis de tout ce qui a été fait par le promoteur. Les experts ont donné leur avis, mais tout ça, ça s'en va à un endroit et, ensuite, ça entre dans une boîte et ça ressort sous forme d'un rapport. (15 h 30)

Est-ce qu'il serait concevable que, pour des projets majeurs, un promoteur mette, je ne sais pas - j'avance un chiffre - 10 %, 20 % des sommes qu'il prévoit allouer, qui devront nécessairement être déposées sur la table et envoyées, que ce soit au BAPE ou que ce soit à un organisme spécial accrédité pour ça, qui, lui, de façon indépendante du promoteur, est chargé d'utiliser ces sommes-là pour lever des contre-expertises, pour élever le niveau du débat et enlever toute possibilité d'incrédulité ou de suspicion vis-à-vis des études majeures de promoteurs? Nous pensons que c'est un point qui est évident dans le cas de Grande-Baleine où le public, les populations, bien souvent, ont attaqué ou ont jeté une ombre ou un ombrage sur la valeur ou la validité des études qui ont été faites. Alors, bien sûr, nous croyons qu'il faut courageusement aller dans cette direction-là et ces sommes sont à être dépensées. Est-ce qu'il serait concevable qu'Hydro-Québec, par exemple, qui a mis 60 000 000 $ sur un projet, en ait mis 5 000 000 $ ou 10 000 000 $ à côté pour des études de contre-expertise? Pourquoi pas?

M. Maltais: Dans un autre secteur que vous avez souligné - je vais vous poser la question à vous parce que vous êtes, directement concerné - au niveau des délais, il y a une mentalité au Québec, aussitôt qu'on touche au ministère de l'Environnement ou aux études du BAPE, ça veut dire: Achète-toi une chaise bien rembourrée parce que ça prend du temps! Il n'y a personne qui est venu nous dire encore, et à la lumière des 60 mémoires qu'on a lus, que ça va vite. Moi, il y a une chose que j'aimerais savoir. Vous représentez l'Ordre des ingénieurs du Québec, vous êtes des professionnels et des spécialistes; vos membres sont des ingénieurs professionnels et spécialistes qui préparent les rapports, qui préparent les plans et devis, qui soumettent ça à nos ingénieurs gouvernementaux qui sont vos ingénieurs, rapports et spécialistes, je voudrais bien savoir lesquels, dans l'engrenage, retardent tout ça? "C'est-u" vous autres, ou bien les nôtres, ou bien si c'est le commis, ou le facteur, ou la secrétaire? Lequel retarde tout ça d'un an au Québec?

M. Roy: Me permettez-vous peut-être d'identifier un troisième groupe? C'est les politiciens.

Des voix: Oh!

M. Maltais: Tout à l'heure, vous nous passerez. On va vous passer et, après ça, vous nous passerez.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy.

M. Maltais: Moi, j'aimerais savoir. Écoutez, on regarde ça, on est politiciens, nous autres, notre premier facteur, comme politiciens, c'est de représenter nos électeurs le mieux possible pour demeurer le plus longtemps possible. Ça, c'est le principe de base de tout politicien. Demandez, aux gens qui sont ici, la durée de leur carrière; ça dépend comment ils vont servir leurs électeurs. Vous, ça dépend de vos honoraires! Ha, ha, ha!

Mais il reste un facteur. Les municipalités, les industriels... Moi, dans mon comté, j'ai des municipalités, j'ai des grandes industries qui engagent vos membres de l'Ordre pour préparer des rapports, des sites d'enfouissement industriel, et ainsi de suite. Ça prend des délais. Un an, ça va bien ça! C'est en Cadillac quand ça va bien. Même le Protecteur du citoyen dit que vous ne vous grouillez pas les cannes, soit vous autres ou vos autres membres qui sont chez nous, ou le ministre, ou les politiciens. C'est rare qu'un Protecteur du citoyen dit que ça n'a pas de bon sens, là. C'est parce qu'il y a eu des plaintes; effectivement, il a reçu des plaintes. Mais, d'après vous autres, entre vous et moi - il n'y a personne qui nous écoute ici - à quelle place que ça accroche, que ça va si mal que ça? À quel endroit dans la machine et pourquoi? Qu'est-ce qu'on devrait apporter comme correctifs? Une question à trois volets.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Roy? M. Michaud.

M. Michaud: Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Michaud.

M. Maltais: Vous pouvez vous référer à un psychiatre!

Une voix: C'est bien de le savoir.

M. Michaud: Encore une fois, c'est un système où personne n'est responsable et où tout le monde est responsable en même temps finalement. Ce n'est probablement pas plus le ministère de l'Environnement, qui peut prendre quelques mois à émettre son avis de recevabilité, qu'une durée de quatre mois des audiences du BAPE; c'est à tous les maillons finalement. Il suffit qu'un maillon, à un moment donné, décide de prendre un mois de plus pour différentes raisons, parce qu'il y a goulot d'étranglement, qu'il y a trop de travail, et que ça décale l'étape suivante, pour qu'à la fin, au lieu de se retrouver avec un 12 à 15 mois de durée totale, on se retrouve avec 30. Peut-être que le ministère de l'Environnement n'a pas l'ensemble des ressources requises.

Dans l'optique où l'on veut généraliser davantage la procédure, comme on le disait tout à l'heure, on aura intérêt à regarder les centralisations et à faire faire les choses un peu plus sur le terrain aussi. Si ça prend 30 mois aujourd'hui, dans sept ou huit ans, ça va être probablement 60 mois si le volume de travail augmente encore suite à des ajustements qu'on ferait dans l'application du règlement.

M. Maltais: C'est là qu'on va voir aux portes des ingénieurs, "ingénieurs, père et fils".

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Michaud: Sur le même projet.

M. Maltais: Ha, ha, ha! Merci. Ça va. Je pense que mon temps est fait. Je vais laisser la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Bélanger): II vous reste deux minutes.

M. Maltais: II me restera deux minutes. Je reviendrai.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Je veux, au nom de l'Opposition, remercier les représentants de l'Ordre des ingénieurs et les féliciter pour leur bon travail. À la page 3, vous parlez des objectifs de la procédure qui sont de trois ordres. Et, moi, je trouve que c'est une petite perle. C'est bien ramassé. C'est la première fois que je vois si bien illustrés les objectifs, ce que devraient être les objectifs d'une bonne procédure d'évaluation: 1° s'assurer que les projets s'inscrivent dans l'approche du développement durable; 2° informer le public et le faire participer à la prise de décision - et on a vu tantôt, dans votre esprit et dans le nôtre aussi - le plus tôt possible; 3° accroître notre connaissance des interrelations entre les projets, le milieu naturel, la santé publique et la sécurité physique des populations. En tout cas, moi, pour mon édification personnelle, je vais retenir cette énumération de trois ordres. C'est assez éclairant.

J'ai quelques questions. La première. Vous faites des remarques sur la liste des projets assujettis. Vous dites, et je vous cite, aux pages 5 et 6, que, par contre, le règlement ne précise pas les critères utilisés lors de l'élaboration de la liste et qu'il ne dit rien sur des projets ayant des impacts réels: par exemple, projets récréo-touristiques, développement urbain, etc. Projets récréo-touristiques. Si je comprends bien, vous seriez enclins à inclure dans une liste ces projets récréo-touristiques, à les assujettir?

M. Michaud: Si la préoccupation est réellement celle de minimiser les impacts sur l'environnement, il ne s'agit pas de dire qu'un projet est gros et que, donc, en soi, il y a des impacts très négatifs. Ne serait-ce que faire, par exemple, des centres de ski dans les montagnes. J'ai eu connaissance, l'année dernière, d'un centre de ski en Gaspésie et, à ma connaissance, il n'y a aucune espèce d'étude d'impact sérieuse qui a été faite sur la mise en place de ce centre de ski là. Pour le centre de ski, vous dépouillez la montagne en partie de ses arbres, vous faites des aménagements et ainsi de suite. Il est peut-être opportun de regarder effectivement les projets qui ont un impact sérieux, finalement, sur le milieu naturel.

M. Lazure: II y en a un autre aussi, pour votre information, dans le beau comté de Brome-Missisquoi, le mont Pinacle, qui est en préparation.

Une voix: Le mont Edouard.

M. Lazure: Le mont Edouard aussi? Celui-là, je ne le connais pas. Alors, on s'entend. Je pense que c'est une approche qui embrasse beaucoup de terrain, mais, comme vous le dites, ce n'est pas parce que c'est récréo-touristique et que ce n'est pas industriel que ça n'aura pas des impacts réels sur la qualité de l'environnement et parfois même sur la santé.

M. Michaud: Si vous me permettez. M. Lazure: Oui.

M. Michaud: Si vous me permettez, je veux juste vous faire une remarque. On a souvent tendance à raisonner uniquement en termes de taille d'entreprise. On peut vous donner des exemples où une petite entreprise, par exemple, du type tannerie, qui utilise des produits hautement toxiques, qui n'aurait que 20 employés, peut

polluer plus et beaucoup plus qu'une industrie qui fabrique du meuble, par exemple, qui peut avoir 150 employés. Alors, c'est l'impact sur le milieu qui devient, comme on l'a dit tout à l'heure dans la présentation, le critère important finalement.

Et si un projet récréo-touristique présente des impacts majeurs importants sur le milieu naturel, il serait normal qu'on regarde effectivement ces impacts-là: Est-ce qu'il y a moyen de faire des aménagements qui soient moins dommageables?

M. Lazure: Je suis bien d'accord avec vous. Dans un autre ordre d'idées, les politiques et programmes gouvernementaux. Vous en parlez à la page 7: "II serait donc pertinent d'identifier les politiques et les programmes gouvernementaux dont la mise en oeuvre aurait des incidences environnementales". Vous citez comme exemple: énergie, transport, gestion des déchets solides, etc. Comment voyez-vous une telle évaluation, une telle étude publique des politiques gouvernementales? Est-ce que, dans votre esprit, ça serait fait par le Bureau d'audiences publiques, le BAPE, ou un autre organisme?

M. Michaud: non, comme on l'a dit tout à l'heure dans la présentation, on ne l'a pas précisé dans notre texte, d'ailleurs, qui devait se charger...

M. Lazure: Et si on vous demandait vos suggestions?

M. Michaud: II y a des mécanismes qui existent. Je pense qu'il ne faut pas tout remettre dans les mains du BAPE, non plus. Le BAPE risque dans les prochains mois, dans les prochaines années, d'être déjà bien occupé et il y a peut-être des niveaux de préoccupations qui doivent rester davantage de l'ordre du politique et, donc, faire l'objet d'une commission parlementaire, par exemple. Alors, il n'y a pas lieu de tout remettre dans les mains du BAPE. Nous croyons qu'il y a des sujets qui... La politique énergétique, ça peut être l'objet d'une commission parlementaire où les gens peuvent faire valoir leur point de vue.

M. Roy: Juste pour compléter, je pense qu'au niveau de commissions parlementaires, ce serait là une façon concrète de faire jouer un rôle encore plus actif aux députés par leur implication dans des grands énoncés de politique, de faire participer, donc, à travers eux, la population qu'ils représentent, etc. Je pense que c'est des choses sur lesquelles il faut penser retourner ou auxquelles il faudra songer dans le futur.

M. Lazure: Non. Pour appuyer vos dires, il n'y a rien qui s'opposerait... Depuis la réforme parlementaire de 1984, qui nous permet aujourd'hui de tenir des audiences avec un mandat d'initiative, il n'y a rien qui s'opposerait à ce qu'une commission parlementaire décide d'examiner en public la politique énergétique du Québec, en mandat d'initiative, ou la politique de gestion des déchets solides qui a failli être notre mandat d'initiative, d'ailleurs, si le parti gouvernemental nous avait écouté. Mais là, on a fait encore mieux.

Mme Pelchat: En tout cas, vous nous avez écoutés, on est ici aujourd'hui.

M. Lazure: On a fait encore mieux finalement, on embrasse les deux.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Bon. C'est entreprenant! Mais, Mme la Présidente, je pense que c'est à retenir, ce que vous dites là. Dans la mesure où les deux parties, l'Opposition et le parti ministériel, s'entendent, il n'y a pas de limite au mandat d'initiative que les commissions parlementaires peuvent prendre. Ce n'est pas un mandat d'initiative qui va tout régler, mais, des fois, ça peut être un détonateur pour alerter l'opinion publique et commencer autre chose.

Dans un autre ordre d'idées, vous parlez, à la page...

M. Michaud: Si vous... M. Lazure: Oui.

M. Michaud: ...me permettez, M. le Président, une remarque là-dessus. Il ne faudrait pas non plus qu'on amène tout sur la table, toute politique quelle qu'elle soit. Il va bien falloir limiter, évidemment, et choisir les éléments de politique qui ont, a priori à tout le moins, les incidences les plus importantes, sinon, encore une fois, on va être noyés en audiences, on n'en finira plus. Je disais à mon collègue, ce midi: II faut faire attention, si on continue comme ça, plus personne n'aura le temps de travailler dans la société, nous serons en journée complète en audiences. Il va falloir se promener d'audience en audience. Alors, à un moment donné, il va falloir aussi bien mesurer qu'est-ce qu'on veut amener sur les tables des audiences.

M. Lazure: À la page 13, vous abordez la question des comités d'experts qui pourraient être formés pour aider le BAPE, selon la nature du projet. Je voudrais avoir votre opinion. Est-ce que vous pensez que c'est réaliste d'imaginer que le ministère de l'Environnement... Au moment où le promoteur fait son étude d'impact selon la directive, est-ce que ça serait réaliste qu'il y ait un travail conjoint entre le ministère de l'Environnement et le promoteur?

M. Michaud: Pour l'instant, les choses sont séparées et il y a probablement une certaine sagesse à les garder séparées. Le seul élément qui, dans le futur, pourrait nous amener peut-être à revoir la question, c'est les impacts cumulatifs. Pour certains aspects des études d'impact, à ce moment-là, il faudra une collaboration un peu plus étroite des pouvoirs publics, ne serait-ce que pour fournir des données.

M. Lazure: Avez-vous des questions là-dessus?

M. Dufour: Oui.

M. Michaud: Si vous prenez un parc industriel où il y a déjà, je ne sais pas, moi, une usine qui émet des fumées un peu polluantes et qu'il s'en installe une autre, on est capable de faire l'étude et de savoir l'impact cumulé que ça peut avoir, mais ce n'est pas au promoteur à aller chercher les données de la première usine qui était déjà là. Alors, ça prend quelqu'un qui va à quelque part ramasser de l'information, qui va la rendre disponible et là, peut-être qu'il y aura lieu d'avoir des collaborations plus étroites entre le ministère de l'Environnement et le promoteur. Mais sur la base même des études d'impact, ce n'est pas mauvais que le ministère de l'Environnement soit une entité tout à fait distincte du promoteur au niveau des études.

M. Lazure: Une dernière question avant que mon collègue de Jonquière intervienne. M. Roy, tantôt, a eu des réflexions sur le financement de la contre-expertise. Hier, on parlait un peu de la situation en Ontario où, par une loi en 1988, ils permettent maintenant le financement, via les promoteurs publics ou privés, d'individus ou de groupes au moment des audiences publiques. Vos membres ont assez d'expérience de tout ça. Ce serait utile que vous nous fassiez des suggestions. Comment voyez-vous ça? Je ne parle pas de pourcentages, de chiffres, mais je parle plutôt de mécanismes. Comment ça pourrait être fait, ça? (15 h 45)

M. Michaud: Vous parlez dans l'optique où on veut aider, supporter, en quelque sorte, la participation du public et peut-être la rendre plus efficace, plus percutante. C'est un des moyens, effectivement, un support financier. Mais, encore là, il va falloir un minimum de précautions aussi, dans le sens qu'il faut que les gens puissent s'organiser pour pouvoir probablement faire les demandes d'aide financière. J'imagine que, si un seul individu vient demander 100 000 $ pour se préparer pour les audiences, on va lui dire: Écoute, il y a 200 000 $ pour tout le monde. Alors, il va falloir en même temps prévoir d'autres mécanismes qui permettent aux gens de se regrouper rapidement et d'accéder à ces moyens-là.

Alors, on ne peut pas juste dire: Support financier suffisant, démerdez-vous. Il va peut-être falloir aussi assortir d'autres moyennes de sorte que l'ensemble des choses fonctionnent bien.

M. Roy: Peut-être...

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Non, il voulait continuer.

M. Michaud. Oui. Mais pour mieux étayer ce point sur lequel on a peut-être une discussion de principe à ce moment-ci, si la commission le désire, il serait peut-être possible de suggérer d'envoyer par écrit, dans les jours qui viennent, quelques suggestions plus concrètes sur ce point particulier. Ça fera plaisir à l'Ordre de continuer à alimenter la commission de quelques réflexions au niveau plus pratique sur ces points-là.

M. Lazure: Ce serait utile. Merci.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Vous parlez, à la page 12, d'une autorité morale crédible qui devrait évaluer les impacts cumulatifs des projets en concertation avec l'industrie. Avez-vous une idée c'est quoi, une autorité morale qui serait crédible? Pour vous autres, c'est quoi? "C'est-y" le ministère de l'Environnement? C'est le BAPE?

M. Michaud: Le ministère de l'Environnement.

M. Dufour: Mais pour la santé publique? Vous ne pensez pas que ça pourrait être les DSC, que ça pourrait être d'autres?

M. Michaud: II pourra y avoir éventuellement, effectivement, deux autorités qui se joignent pour faire un certain nombre de travaux. La santé publique, bien c'est tous les phénomènes d'études épidémiologiques reliées, par exemple, aux émissions atmosphériques des cheminées d'usines ou même d'incinérateurs municipaux, par exemple.

M. Dufour: Quand on parle des impacts cumulatifs, ce sont des impacts qui s'accumulent nécessairement. Puis il y en a qui nous disent: Bien, il y a des projets qui sont plus dommageables, puis on va instaurer un projet plus moderne, donc qui va être moins dommageable. Nous autres, on a vécu quelque chose, une expérience un peu spéciale. Mais je ne sais pas pour la région... Je veux juste vous demander la question. Elle n'était pas soumise aux études d'impact,

l'aluminerie à Jonquière. On a décidé d'en fermer une partie puis on a décidé d'en ouvrir une plus moderne à l'extérieur, pas bien loin de Jonquière. C'est à Laterrière-Chicoutimi - je ne sais pas comment appeler ça - ou Chicoutimi-Laterrière. Ce n'est pas bien loin de Jonquière.

M. Morin: C'est dans Dubuc.

M. Dufour: C'est aussi proche puis c'est dans le comté de mon collègue. Ça fait qu'on a fait un tour de passe-passe assez important. Mais les impacts cumulatifs, ils existent pareil. Autrement dit, il y a un milieu qui n'avait absolument rien. On a diminué l'impact négatif dans Jonquière et on est allé en mettre un à Laterrière. Même s'il est moins dommageable, il existe pareil. L'effet cumulatif, il existe dans ce coin-là. Puis il n'y a pas eu d'études d'impact là-dessus.

J'imagine que c'est le gouvernement qui l'a étudié, mais les gens autour, ils ne savent rien là-dessus. Quand on dit "l'autorité morale", ce serait laquelle? Je pense que c'est important. Puis quand vous me dites ça, je suis obligé d'aller un peu plus bas, à la page 11. Vous dites: Que le public puisse participer à l'élaboration des directives. Puis vous allez un petit peu plus loin. Vous dites: Que sa participation soit encadrée.

Autrement dit, pour le promoteur, ça suffit de travailler avec l'autorité morale. Quand ça vient le temps du public, vous dites que vous voulez l'encadrer. Moi, je ne sais pas. J'aimerais ça que vous m'expliquiez votre cheminement par rapport à ça.

M. Michaud: Je crois que, sur l'histoire de l'encadrement du public, on s'est expliqué un peu, tout à l'heure, c'est-à-dife donner un support au public et donner des moyens. C'est dans ce sens-là, encadrer. Il ne suffit pas de limiter. Il peut être limité dans le temps, évidemment, parce qu'il y a des choses... Mais il ne s'agit pas de sélectionner a priori des gens d'une façon ou d'une autre. Ce n'était pas dans ce sens-là que...

M. Dufour: Vous allez un petit peu plus loin que ça, d'après moi. Vous dites: Ils sont encadrés de manière à garantir une invention productive et représentative de leurs intérêts.

M. Michaud: C'est ça.

M. Dufour: Mais qui va décider que c'est une intervention productive et représentative?

M. Michaud: Bien, on va permettre aux gens de s'organiser puis ce sont eux, finalement, qui décideront.

M. Dufour: Moi, je pense que ce que vous vouliez dire, c'est une participation qui va être plus éclairée. mais "encadrée" me semble un mot un petit peu fort, surtout si je le rattache avec vos mots.

M. Michaud: Je pense qu'en autant qu'on s'explique.

M. Dufour: Non, non, mais les mots, ça veut dire ce que ça veut dire. On passe notre vie...

M. Michaud: Non, non.

M. Dufour: Dans la loi, il n'y a pas un mot de trop. On a ce problème-là ou on a ce réflexe lorsqu'on a à écrire des lois. Chaque mot est là pour quelque chose et, quand on ne le décortique pas comme il faut, bien, on est poignes avec.

M. Michaud: C'est à quelle page que vous avez le mot "encadrée"? Je m'excuse, je ne vous ai pas suivi sur le paragraphe.

M. Dufour: En fait, c'était à la page 11. Vous parliez que le public puisse participer à l'élaboration de directives, que sa participation soit encadrée de manière à garantir une intervention productive et représentative de ses intérêts. Mais, en fait, si vous me dites que, dans votre esprit, l'encadrement veut dire une participation plus éclairée et un meilleur soutien pour que les gens puissent s'expliquer ou s'exprimer avec une meilleure connaissance et un meilleur éclairage, moi, ça va de ce côté-là.

M. Michaud: Je m'excuse, c'est parce que je n'ai pas l'expression "encadrée" dans le texte. Moi, ce que j'ai c'est: "II faudra se donner les moyens afin que la population intervienne de façon productive et que les représentations faites en son nom reflètent réellement ses intérêts." C'est tout ce que j'ai, à moins qu'on n'ait pas la même version entre les mains, à la page 11 du texte.

M. Dufour: c'est ça. j'ai la même chose, c'est parce que... qui décide qu'elle est plus productive et qu'elle est plus représentative de ses intérêts?

M. Michaud: C'est qu'on qualifie. On dit pourquoi il faut le faire. C'est parce qu'on aurait intérêt, comme mon collègue le disait tout à l'heure, à ce que le niveau des débats s'élève. Si on veut, effectivement, que cette participation soit réelle, on va lui donner les moyens.

M. Dufour: Vous avez parlé en termes d'ingénieurs; moi, je parle en termes bien vulgaires. Je dis: Plus éclairée, mieux informée et mieux éclairée. Ça va aller, c'est juste de la sémantique. Il n'y a pas de problème par rapport à ça.

M. Roy: Est-ce qu'il est possible peut-être de simplement...

M. Dufour: Mais quand vous me dites que l'autorité morale... Voulez-vous réagir par rapport à ça?

M. Roy: Oui.

M. Dufour: Oui. Allez-y donc!

M. Roy: Très brièvement. Il y a deux choses différentes. L'implication du public, c'est un instantané qu'on prend, un appel au public pour qu'il donne son avis, qu'il s'informe et prenne part à un instantané qui est en train de se faire, c'est-à-dire qu'il y a une situation environnementale et, voilà, le public est impliqué. Évidemment, le public ne peut pas être amené constamment pour la police concernant le cumulatif ou les effets cumulatifs lorsque le projet est en cours, par exemple. Et cette mémoire collective qu'on a sur l'enrichissement de connaissances concernant différents problèmes environnementaux, est-ce que ce ne serait pas le ministère de l'Environnement qui, en théorie, serait le mieux placé pour être le chien de garde de ce côté-là? Donc, là, c'est la portion intégrale, c'est la portion, dans le temps, des effets sur l'environnement et que le ministère de l'Environnement puisse disposer, utiliser et rendre disponible cette Information qui s'accumule avec les années.

Donc, c'est un petit peu le sens de nos suggestions, ici, pour laisser le ministère de l'Environnement jouer son rôle. S'il faut que le ministère se regroupe, fasse une division ou une nouvelle direction relative à l'étude des impacts environnementaux, qu'il le fasse et ce sera son rôle de le faire, mais, à ce moment-ci, il faut se fier à quelqu'un pour faire profiter de tout cet enrichissement de connaissances qu'on a. Une des choses clés, en sciences, c'est le transfert de connaissances et d'informations. À 80 %, c'est ce qu'on fait. Alors, il faut trouver le moyen de... Il y a plein de connaissances qui existent, dispersées au ministère et ailleurs dans des organismes. Il faut trouver un moyen d'aller chercher tout ça, d'avoir des gens qui passent leur temps, à ce moment-ci, à étudier les impacts cumulatifs. Au fur et à mesure, c'est une boule qui grossit et ça devient de plus en plus efficace par la suite au niveau de la transmission de la connaissance.

M. Dufour: Si on évalue les impacts cumulatifs avec une autorité morale, est-ce que, dans votre esprit, on rend compte de ce phénomène-là à quelqu'un? Moi, je veux bien qu'on étudie ces impacts-là, mais est-ce que, dans votre esprit, il y a quelqu'un qui rend compte de ça en dehors de l'autorité morale? Parce que l'autorité morale, ça, c'est la personne. Ça représente tout le monde et ça ne représente personne. Pour le public en général, qui veut bien savoir si sa santé peut être ou non affectée, est-ce qu'il y a des rapports qui doivent être faits? Est-ce qu'il y a un suivi ou un mandat qui permet au public ou aux individus de s'informer et d'en prendre connaissance?

M. Michaud: Vous avez déjà un bilan environnemental qui est fait par le ministère de l'Environnement. On peut très bien prendre le prétexte de la publication du bilan environnemental au Québec pour, effectivement, dévoiler les résultats de ces analyses-là, de ces études-là. Ça, c'est diffusé très largement et, donc, ce serait rendu à la connaissance du public. Il y a intérêt effectivement à ce que l'organisme qui se charge de ces études-là fasse connaître les résultats, autrement ça ne donne rien évidemment.

M. Roy: Et là vous mentionnez un bon point. Est-ce qu'on ne devrait pas commencer à penser, dans un proche avenir, à l'imputabilité environnementale d'un ministère? Prenons le Vérificateur général du Québec qui est chargé de vérifier - cette année, ils l'ont fait au ministère de l'Environnement - l'imputabilité sur le plan financier. Est-ce qu'un organisme... Il faut commencer à insérer l'idée de vérification environnementale qui a un impact sur les finances, sur la valeur économique d'un pays. L'environnement a un effet sur la santé, sur les monuments qui se détruisent, etc. On se penche beaucoup a l'Ordre actuellement sur cette question, qui a commencé à être étudiée aux Etats-Unis sur comment insérer, et même dans un rapport comptable d'une compagnie, une valeur sur l'actif ou le passif du statut environnemental de cette corporation. Ne serait-il pas concevable d'avoir une approche semblable au niveau d'un ministère et de faire jouer à ce niveau-là un rôle à un bureau comme celui du Vérificateur général du Québec ou à un organisme qui serait dédié à cette tâche-là et qui pourrait peut-être même regarder vers d'autres ministères?

M. Michaud: Je me permettrai même d'ajouter...

Le Président (M. Garon): II vous reste quelques secondes, 40 secondes.

M. Dufour: On va lui donner. Allez, continuez.

M. Michaud: Juste pour ajouter là-dessus, en France, depuis au moins cinq ans, l'Institut national des statistiques, notre équivalent de Stat Can, ici, au Canada, essaie de développer ce qu'ils appellent une comptabilité du patrimoine naturel; c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir la comptabilité classique des comptes nationaux, se

joindrait à la comptabilité des comptes nationaux une comptabilité en quelque sorte environnementale, de telle sorte qu'on ait un portrait global de la situation réelle. Mon collègue parlait des comptes privés; là, on pourrait parler des comptes publics, dans un même ordre d'idées. C'est méthodologiquement difficile, on peut bien l'avouer, parce qu'on est en train de travailler sur l'audit comme tel. C'est assez complexe, à plus forte raison évidemment sur un plan national, mais ça vaut la peine de faire l'effort.

M. Dufour: C'est intéressant, merci.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: M. le Président, le concept de comptabilité environnementale, je trouve ça particulièrement intéressant et je suis certaine... en tout cas, en ce qui me concerne, ce n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. J'aimerais, juste au niveau des délais, rappeler que oui, c'est vrai que les gens de la DEE, au ministère de l'Environnement, ont le dos large et peuvent prendre un bon blâme pour la longueur des délais, mais les promoteurs et souvent les gens qui sont en charge de rédiger les études d'impact sont aussi à la base des délais.

J'aimerais juste vous lire un passage du rapport Lacoste là-dessus, et je pense que c'est important de se le rappeler, où on dit: Les données démontrent à l'évidence que la procédure est plutôt longue. Le temps accumulé pour les trois périodes s'élève à quelque 33 mois pour l'ensemble des projets, sans compter le temps consacré par les promoteurs pour la rédaction d'un avis de projet. Dans les meilleurs cas, la procédure s'étend sur un peu plus d'un an, alors que, dans les situations extrêmes, elle peut atteindre près de quatre ans et demi. Ce dernier cas se rencontre généralement dans les projets de grands promoteurs où la réalisation comme telle de l'étude d'impact peut s'étendre sur au-delà de trois années, ce qui représente plus de 65 % de la durée totale de la procédure. Règle générale, quand il n'y a pas d'audience publique, la réalisation de l'étude d'impact consomme quelque 55 % de la durée totale de la procédure.

Alors, quand on disait que oui, effectivement, le ministère de l'Environnement, la direction de l'évaluation peut faire un effort pour rapetisser le délai, c'est vrai. Je pense que le promoteur et les gens qui sont en charge de rédiger les études d'impact - et généralement ce sont des ingénieurs - on a chacun à faire un petit pas dans cette direction-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Je remercie les représentants de l'Ordre des ingénieurs qui sont venus nous rencontrer. Le temps dévolu étant maintenant écoulé, je vais suspendre la commis- sion pour quelques instants, le temps nécessaire pour le Mouvement Au Courant de venir nous rejoindre à la table des délibérations.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 2)

Le Président (M. Garon): La commission de l'aménagement et des équipements reprend ses travaux. Je vais demander au Mouvement Au Courant, représenté par M. John Burcombe, porte-parole, et Mme Daphna Castel, de venir à la table, en vous disant que vous avez une demi-heure, c'est-à-dire 10 minutes pour présenter votre mémoire, 10 minutes pour les membres du Parti libéral, 10 minutes pour les membres du Parti québécois, pour vous questionner. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait également; ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté également. À vous la parole.

Mouvement Au Courant

Mme Castel (Daphna): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, le Mouvement Au Courant est un organisme dont la mission est de veiller à la protection et à l'utilisation rationnelle des ressources naturelles. Les membres de notre groupe, ainsi qu'un grand nombre d'autres membres de la société, sont aujourd'hui profondément concernés par la situation où se trouve la société québécoise. Il nous apparaît évident que la terre, qui a déjà été promise, ressemble de plus en plus à une terre quasiment détruite, tant au plan économique qu'environnemental.

Contrairement à la présidente de la Chambre de commerce de Montréal, on ne trouve pas de quoi rire quand on réfléchit, même pour un instant, au nombre presque inconcevable de mises à pied dans sa ville, comme quand on pense au désert des terres contaminées, comme aux sites dangereux des usines abandonnées qui dominent la région de Montréal-Est.

Pire encore, on apprend aujourd'hui que l'industrie forestière, après avoir décimé les forêts québécoises et contaminé les cours d'eau, s'apprête à congédier la moitié de ses ouvriers, soit 6000 personnes... 16 000 personnes, je m'excuse, c'est encore pire. Ceux-là ne sont pour nous que deux exemples des conséquences d'un régime de développement économique où l'absence d'un processus public solide d'évaluation de l'impact sur l'environnement humain et physique des projets proposés a permis un type de développement sauvage qui n'a pas répondu aux intérêts de la société. En effet, quand on entend parler d'une fuite des investisseurs étrangers, ça nous fait penser plutôt aux fuites des industries vers le Québec, comme celles fortes consommatrices, peu riches en emplois, fort polluantes qui ont eu du mal à trouver d'autres pays prêts

à les accueillir.

Aujourd'hui, il y a une compréhension grandissante, dans tout le secteur de la population, de l'impact du développement industriel sur l'ensemble des éléments qui constituent la qualité de vie d'une société. En conséquence, on attend que les entreprises qui proposent des projets qui touchent l'environnement justifient à la population les avantages de ces projets pour la société par rapport aux inconvénients qui incluent non seulement les coûts totaux de tout effet sur l'environnement, mais aussi les coûts reliés aux opportunités manquées, aux divers risques, aux épuisements des ressources, etc. On appelle cette procédure la justification d'un projet, et elle est appliquée normalement, dans la plupart des pays industrialisés, comme la première étape d'un processus d'examen de tout projet. Cela est fait sous l'égide d'une instance qualifiée et neutre qui implique le grand public dans ses recherches. Mais, bien sûr, les entrepreneurs résistent et un climat de confrontation en résulte.

Depuis deux ans, nous sommes intervenus dans plusieurs dossiers importants qui touchent au développement des ressources et à la participation du public dans le processus de décision. Nous sommes en mesure d'affirmer et de démontrer que, de façon générale, tout est mis en oeuvre, tant par le gouvernement que par les grandes entreprises, pour que les politiques, programmes et projets dont la réalisation aura des impacts majeurs et permanents sur la société échappent à une évaluation complète, impartiale et surtout publique et transparente. Nous allons vous présenter quelques dossiers qui illustrent les obstacles et les stratégies qui sont utilisés pour faire démarrer des projets sans que leur impact à long terme sur l'économie, l'environnement et la société n'ait été porté à la connaisance du public.

Premièrement, les audiences de l'Office national de l'énergie sur les exportations d'électricité aux États de New York et du Vermont. Bien que ces dossiers soient de juridiction fédérale, ils permettent de faire ressortir que le Québec est l'un des seuls États en Amérique du Nord à ne pas avoir de régie de l'énergie où ce type de projet est examiné de façon publique et impartiale. Les audiences ont aussi permis de comparer la procédure fédérale, beaucoup plus adéquate, à la procédure provinciale.

Deuxièmement, le plan de développement d'Hydro-Québec. Hydro-Québec a soumis un plan de développement de 62 000 000 000 $ sur 10 ans, que le gouvernement a approuvé sans aucune consultation et évaluation publique. Cela est unique en Amérique du Nord. L'Ontario, par comparaison, fait évaluer un plan semblable par le Environmental Assessment Board qui procède à une consultation publique dans toute la province avant de se prononcer.

Troisièmement, Lauralco. Les grands projets industriels, telles les alumineries, sont toujours soustraits de la procédure d'évaluation des impacts environnementaux publics, même si ces industries auront des impacts néfastes importants sur l'environnement physique comme humain. Dans l'exemple de Lauralco, où un examen de son système d'alimentation électrique était assujetti à une procédure d'examen du BAPE, une loi spéciale a été invoquée pour escamoter les audiences et garder l'intégrité du voile du secret qui entoure toutes les industries énergivores.

Quatrièmement, les audiences du BAPE sur la stratégie de protection des forêts. Notre participation à ces audiences nous a permis de constater, comme bien d'autres, que la stratégie proposée par le gouvernement consistait essentiellement à traiter les préoccupations de l'industrie dont les intérêts sont naturellement d'exploiter au maximum la richesse forestière sans avoir préétabli une politique de gestion intégrée des forêts.

Cinquièmement, la centrale de turbines à gaz de Bécancour. D'abord, Hydro-Québec a utilisé tous ses pouvoirs aux fins de détourner l'examen mené par le BAPE des questions fondamentales traitant de la justification de ce projet en détail concernant son implantation. Ainsi, il ne fallait pas demander si une dépense de 400 000 000 $ valait la nouvelle production de 300 mégawatts d'électricité au lieu d'un investissement beaucoup plus modeste dans la gestion de la demande. Ensuite, entre autres, on a appris que les turbines à gaz avaient été commandées longtemps avant la tenue des audiences.

Sixièmement, la cogénération. Bien que le gouvernement n'ait pas encore de politique de cogénération et que les équipements de production d'électricité de plus de 10 mégawatts doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale, la compagnie Cascades a construit une usine de cogénération sans qu'il n'y ait eu d'étude d'impact publique. Ensuite, le gouvernement s'apprête à accorder un permis, sans audience publique, à la compagnie Kruger pour construire un projet semblable de 50 mégawatts. De plus, Hydro-Québec a demandé et a reçu des propositions importantes de cogénération de l'entreprise privée, alors que le BAPE s'apprête à tenir des audiences génériques sur la cogénération à l'automne et que la ministre Bacon a annoncé qu'elle déposerait une politique d'efficacité énergétique qui traitera de la cogénération dans les prochains mois.

Malgré la faiblesse et les lacunes évidentes de la procédure actuelle, malgré les effets néfastes et souvent irréversibles d'une politique et d'une procédure qui camoufle les implications socio-économiques et les coûts environnementaux des projets, les représentants du secteur des entreprises exigent des limites additionnelles à la portée d'une procédure d'examen d'impact déjà parmi les plus permissives en Amérique du Nord.

Leurs arguments réclament la santé économique de la société, mais la réalité est que le milieu de la grande entreprise a préféré, depuis des décennies, encaisser les profits plutôt que les réinvestir afin d'améliorer la capacité concurrentielle de l'économie canadienne et québécoise.

La part que le secteur des affaires consacre à la modernisation de ses méthodes et de ses équipements, à l'innovation, à la recherche et au développement, à la formation et au recyclage de la main-d'oeuvre est une des plus faibles de tous les pays industrialisés. Résultat: l'entreprise est de moins en moins capable d'affronter ses concurrents dans le marché international et cherche à se rabattre sur des projets de dépenses publiques comme Grande-Baleine pour se maintenir à flot.

Mais le temps est révolu. Ce que nous dénonçons depuis plus de deux ans est maintenant repris presque à la lettre par le ministre Tremblay qui remet en cause le type de développement économique qui nous entraîne dans un tel marasme et qui enlève tout espoir aux jeunes. À sa suite, Claude Béland, du Mouvement Desjardins, les éditorialistes et les autres reconnaissent que ce n'est pas en donnant nos ressources sans condition aux plus offrants que nous allons bâtir une société démocratique et prospère.

Dans le secteur de l'environnement, la situation est la même. Il faut changer d'attitude. Il faut, comme pour l'économie, regarder en avant vers l'an 2000 et adopter des politiques et des procédures qui vont faire en sorte que l'on va retrouver la qualité de vie qui, pour le moment, semble perdue. Pour ce faire, il faut adopter en priorité les quatre mesures principales suivantes. On recommande de soumettre l'ensemble des politiques, programmes et projets à une procédure publique et impartiale de justification; d'adopter une méthodologie d'évaluation qui permette de comptabiliser de façon neutre et publique la totalité des coûts et des bénéfices d'un projet; de soumettre l'ensemble des politiques, programmes et projets à une évaluation environnementale systématique et de .mettre en place un organisme quasi judiciaire, soustrait au pouvoir politique, chargé d'entendre les causes et de rendre une décision finale. Je vous remercie. (16 h 15)

Le Président (M. Garon): M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): O.K. Mme Castel, j'ai pris connaissance de votre rapport et nécessairement de l'exposé que vous venez de faire. En boutade, au début, je me demande s'il y a quelque chose qui est bien. Est-ce qu'au Québec il y a quelque chose qui se fait bien ou si tout est à refaire? Parce que vous avez une charge à fond de train sur tous les projets qui sont là, toutes les décisions gouvernementales qui ont été prises au cours des années, depuis peut-être les 25 dernières années. Vous semblez remettre ça en cause. Finalement, c'est un projet de société que vous nous proposez. Et, il nous faut changer d'attitude. Je pense que, sur ce côté-là, si ce n'est pas fait, c'est en train de se faire. Les approches au niveau environnemental, je pense, sont différentes de ce qu'elles étaient autrefois. Et nous avons maintenant des mécanismes qui ne sont peut-être pas parfaits, mais au moins qui nous donnent une certaine sécurité quant aux investissements et aux projets industriels que nous avons et autres projets qui supportent des études environnementales.

Je ne sais pas si vous voulez répondre à ma boutade du début, mais je vais vous laisser le soin de réagir à mes premières réactions. Parce que, moi, ça m'inquiète drôlement; si, finalement, on n'a rien de bon au Québec, on est aussi bien de fermer la shoppe et de s'en aller tout le monde. Mais je pense qu'à l'heure actuelle on a certainement dans des endroits... Moi, je demeure à Rimouski; je dois vous dire que la qualité de l'environnement à Rimouski, je n'ai pas vraiment à me soucier de cette qualité de l'environnement. Je comprends qu'il y a des endroits où vraiment il y a des problèmes et nous avons des mesures à l'heure actuelle pour les corriger. Nous avons fait des efforts considérables au cours des années pour les améliorer. Alors, je voudrais connaître un peu votre réaction dans un premier temps.

Mme Castel: Oui, ma première réaction, c'est de vous souligner que le fait que les choses vont mal, ce n'est pas nous autres qui l'avons dit. Le ministre Tremblay lui-même et d'autres viennent de dire que l'économie québécoise est dans un état d'urgence, que les choses vont vraiment mal. Du côté de l'environnement aussi, les choses vont aller mal. Je pense que qu'est-ce qu'on peut dire qui va très bien c'est, par exemple, cette commission aujourd'hui; votre enquête, votre essai de trouver des moyens d'améliorer la situation; le fait qu'il y a beaucoup plus de sensibilisation envers ces questions environnementales, beaucoup plus de compréhension de la relation directe entre les effets sur l'environnement et les questions économiques, une compréhension qui va plus loin aujourd'hui que la simple relation entre projets, emplois, et c'était tout.

Alors, je pense qu'on est dans la bonne direction. Vous suivez une très bonne étape en essayant d'améliorer le processus d'évaluation de l'impact environnemental. Je souligne les choses qui vont mal parce que j'ai entendu, aujourd'hui, Mme la présidente de la Chambre de commerce de Montréal qui m'a beaucoup inquiétée parce qu'elle n'avait pas l'air de comprendre que les anciennes méthodes, même si on améliore la question de l'échéancier, ne prennent pas vraiment en considération tous les impacts environnementaux d'un projet et c'est dans cette direction qu'il faut plutôt aller. Il faut corn-

prendre les vrais impacts d'un projet sur la société. Veux-tu ajouter?

M. Tremblay (Rimouski): Ça va?

M. Burcombe (John): Oui, j'aimerais ajouter une chose. Peut-être que cette commission a fait ressortir qu'il y a eu déjà un comité qui a étudié la situation de l'évaluation environnementale. Ce rapport est sur les tablettes depuis plus de deux ans maintenant, alors, s'il y avait une bonne volonté du gouvernement d'agir pour améliorer la situation, à ce point-ci, les recommandations du rapport Lacoste devraient déjà être implantées.

M. Tremblay (Rimouski): O.K. Au sujet des mécanismes que nous avons en place - c'est des suggestions que vous faites, d'ailleurs, dans votre rapport - vous pensez qu'un tribunal rendrait plus justice à tous ceux et celles qui s'occupent d'environnement et vous nous faites un peu une référence à ce qui se passe en Ontario. Est-ce que vous êtes en mesure de nous dire qu'en Ontario, c'est le bonheur total et qu'il n'y a pas de problème? Le fait qu'il y a une loi, qu'il y a maintenant un tribunal qui s'occupe de ça, que ce tribunal-là est subventionné par l'État et que ces gens, au lieu d'avoir une confrontation entre les populations, les citoyens et les promoteurs comme on a ici... La dynamique est peut-être meilleure, mais, en Ontario, ça va se plaider devant un tribunal. Vous pensez que ça serait la meilleure solution?

M. Burcombe: La procédure, en Ontario, est plus judiciarisée qu'ici et eux-mêmes ne sont pas bien satisfaits de la procédure. Ils sont en train de l'améliorer pour, en effet, prendre certaines portions ou certaines bonnes portions de la procédure du BAPE. Nous voyons la procédure du BAPE d'un très bon oeil parce que c'est très ouvert et que ça va sûrement donner plus de pouvoir au BAPE ou à une tribune semblable, une tribune indépendante. Nous voyons que ça serait la piste à suivre. En Ontario, ce n'est pas beaucoup mieux qu'ici peut-être, mais ils sont en train de le devenir si on ne fait pas de changements radicaux ici.

Mme Castel: Si je peux ajouter, je pense qu'il ne faut pas oublier que la situation est toujours une situation de conflits inhérents entre le promoteur d'un projet et les besoins de la société. On ne peut pas échapper à cette conclusion. La question est: Comment pourra-t-on s'organiser pour avoir les meilleurs résultats possible? Des sociétés différentes essayent des modalités différentes et je pense qu'ici, au Québec, on cherche la façon qui sera la meilleure pour la société. Qu'est-ce qu'on recommande et qu'on trouve que le Québec devrait faire, qu'on n'a pas fait encore ici, mais qui est fait partout ailleurs, c'est de séparer les processus de décision sur la justification d'un projet du pouvoir politique, de les laisser à un organisme neutre, indépendant, professionnel, capable de prendre des décisions qui sont basées sur des cas spécifiques au lieu d'être basées sur des considérations politiques. C'est surtout dans cette optique qu'on vous parle d'une tribune indépendante.

Aussi, on vous suggère de faire une différence claire et nette entre le processus de justification, qui est un processus où on regarde le projet pour voir s'il est vraiment essentiel, si c'est la meilleure solution pour un problème donné, mais en vue de l'intérêt de la société, de séparer cette étape-là de l'investigation des modalités des projets.

Le Président (M. Garon): Merci. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je veux remercier Mme Castel et M. Burcombe pour leur contribution. Je ne pense pas personnellement que vous soyez trop sévères. Je pense que vous êtes juste assez sévères, assez lucides. Les cinq ou six exemples que vous donnez, de ce côté-ci, en tout cas, on partage assez bien votre indignation, qu'il s'agisse de Lauralco ou qu'il s'agisse d'une espèce de... La fiction des audiences sur le plan de développement d'Hydro-Québec, c'est une chose qu'il faudra absolument changer, ce n'est pas sérieux. Et j'ai eu l'occasion, avec le député de Saguenay, d'assister à des audiences sur le plan de développement d'Hydro-Ontario, qui est en cours depuis six mois et qui va durer encore un an, un an et demi, et c'est véritablement un débat public sur l'avenir énergétique d'Hydro Ontario, de la province d'Ontario. Alors, moi, je tenais à vous dire que je partage et que nous partageons, l'Opposition, une grande partie de votre inquiétude vis-à-vis de ces problèmes-là.

Un des problèmes dont vous avez parlé, c'est la cogénération. Vous avez mentionne le projet de Kruger. Je voulais savoir de vous... Il est possible d'avoir des audiences publiques sur le projet Kruger, comme vous le savez. C'est à partir de 10 mégawatts - je pense que le règlement permet à partir de 10 mégawatts - que le projet peut être assujetti aux audiences publiques. Et Kruger, c'est 40 mégawatts?

Mme Castel: 50.

M. Lazure: 50. Ma question: Est-ce que vous avez demandé, votre groupe, des audiences publiques, oui ou non?

M. Burcombe: oui, nous sommes impliqués dans ce dossier depuis le commencement qui était, je crois... l'étude d'impact a été rendue publique en décembre 1990 et nous avons fait

une demande d'audience. Par après, étant donné que nos préoccupations étaient de nature plus large que le projet même, on a essayé de nous convaincre que nos préoccupations seraient mieux servies par des audiences génériques. C'est bien d'avoir des audiences génériques mais, pour nous, ces audiences génériques doivent avoir lieu avant de penser à un projet. Il faut reporter le projet Kruger jusqu'à ce qu'on ait arrête une politique officielle sur la cogénération. C'est un non-sens de donner une approbation à un projet sans aucune politique.

M. Lazure: Si je comprends bien la situation, vous avez fait la demande. Le commissaire, Pierre Quesnel, dit que ce n'est pas opportun de vous accorder audience pour des raisons d'équité. Le seul critère dans la loi et les règlements, c'est la frivolité. Il n'a pas dit que votre demande était frivole. Bon. Je pense que la situation n'est pas... Ce n'est pas terminé, ça, j'espère. Quelles sont vos intentions?

M. Burcombe: En ce moment, nous maintenons notre demande d'audience et nous devons la maintenir jusqu'à ce qu'il y ait eu des audiences génériques sur la cogénération et qu'il se soit établi une vraie politique sur la cogénération. C'est seulement après avoir tenu compte de cette politique qu'on pourra étudier le projet de Kruger.

M. Lazure: Bon. Ça nous amène à une observation plus générale. Vous avez parlé, comme d'autres groupes en ont parlé d'ailleurs, de l'importance d'avoir des débats publics sur des politiques générales, plus globales.

M. Burcombe: Exactement.

M. Lazure: Et ça, c'est un bel exemple. Nous avons demandé, l'Opposition - je me rappelle très bien d'avoir posé la question en Chambre et mon collègue d'Ungava aussi - à la ministre de l'Énergie et des Ressources et au ministre de l'Environnement de tenir des audiences publiques sectorielles, sur le secteur de la cogénération. Et nous allons continuer.

Je voulais savoir de vous, en dehors du problème particulier de la cogénération, sur cette nécessité sociale d'avoir des débats publics sur les politiques, quel organisme, selon vous, devrait procéder à ces débats publics?

Mme Castel: Dans notre annexe 1, on vous recommande de diviser la procédure d'évaluation des impacts environnementaux en trois parties. Dans la première, on recommande qu'il y ait une procédure d'élaboration des politiques sectorielles et que cette première étape soit organisée par le gouvernement, avec la collaboration du ministère de l'Environnement et du public, parce qu'on pense que les grandes lignes des politiques sectorielles devraient être établies au niveau politique. Ça devrait refléter la volonté de la société, sauf qu'aujourd'hui les politiques sont établies dans les chambres du gouvernement, des chambres fermées, à huis clos, tandis que, nous, on pense que vous devriez bénéficier de toute l'aide et de toutes les expertises que la population, en général, pourrait vous offrir, et surtout l'expertise qui vient de groupes spécialisés dans plusieurs sujets. Après que cette politique aura été établie, là, il y aura lieu d'examiner le bien-fondé de chaque projet, la justification de ce projet par rapport à cette politique. Cet examen devrait être fait par une régie indépendante avec, encore une fois, la participation du public. Quand la régie est satisfaite, que le projet proposé est le meilleur projet pour le problème qui a été défini et qu'il répond aux politiques établies par le gouvernement au niveau sectoriel, là, le projet pourra être envoyé pour une étude spécifique des modalités, des variations au niveau du projet lui-même, des détails du projet.

M. Lazure: Si j'ai bien compris vos réactions tantôt, vous ne préconisez pas, par exemple, que notre BAPE devienne judiciarisé comme celui de l'Ontario.

Mme Castel: II pourrait. Il n'y a pas de raison...

M. Lazure: Est-ce que vous favorisez un Bureau d'audiences publiques aussi judiciarisé que ça? Vous favorisez ça?

Mme Castel: Pas aussi judiciarisé qu'en Ontario, mais un BAPE ou une régie avec des pouvoirs décisionnels.

M. Lazure: Ils l'ont, en Ontario, le pouvoir décisionnel...

Mme Castel: Oui.

M. Lazure: ...mais le Conseil des ministres a le pouvoir, évidemment, de toujours renverser et c'est ce qui se fait souvent.

Mme Castel: Mais c'est beaucoup plus difficile...

M. Lazure: Oui.

Mme Castel: ..que de contourner le BAPE, ici, avec la nomination d'un autre comité d'experts pour contourner les recommandations qui sont faites par le BAPE. Cela ne sera pas vu en Ontario, ce ne sera pas possible.

M. Lazure: Vous avez raison que la situation actuelle qui encourage le contournement du BAPE par des comités d'experts émanant de tel ou tel bureau, ce n'est pas satisfaisant du tout,

ce n'est pas satisfaisant du tout...

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Bienvenue, M. le Président. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Alors, le temps dévolu pour entendre le mémoire du Mouvement Au Courant étant terminé, je vous remercie de votre présentation. Merci aussi, ça a été très agréable de vous entendre, madame.

Mme Castel: Merci, monsieur.

Le Président (M. Garon): Je voudrais suspendre les travaux pendant quelques instants, le temps à la Chambre des notaires du Québec de venir nous rejoindre à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 33)

(Reprise à 16 h 35)

Le Président (M. Garon): La Chambre des notaires étant représentée par Me Jacques Taschereau et Me Michel Bélanger, à vous la parole. Vous avez une demi-heure. Normalement, les gens qui présentent un mémoire prennent le tiers du temps, le tiers aux libéraux et le tiers à l'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait également et ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté également. Me Taschereau.

Chambre des notaires du Québec

M. Taschereau (Jacques): Merci, M. le Président. M. le Président, Mmes et MM. les membres de cette commission, je serai très bref. La Chambre des notaires du Québec a à coeur à la fois l'environnement et le développement économique. Parfois, on semble considérer que les deux objectifs ont des impératifs opposés et, pourtant, leurs objectifs sont liés à moyen et à long terme. La Chambre des notaires a déposé son mémoire; je remercie la commission de nous avoir invités à faire nos commentaires et nous sommes là pour répondre à vos questions.

Je suis accompagné de Me Michel Bélanger, notaire, qui est directeur du Centre québécois du droit de l'environnement. Il a une maîtrise de l'Université de Montréal en droit public avec intérêt spécial sur le droit de l'environnement. Vous l'avez déjà rencontré hier, il portait un autre chapeau; aujourd'hui, il porte le chapeau de la Chambre des notaires et, avec votre autorisation, M. le Président, j'aimerais lui laisser l'occasion de faire quelques commentaires intro-ductifs avant de répondre à vos questions. Merci.

M. Bélanger (Michel): Merci. Il faut bien comprendre ici que je représente les intérêts et les préoccupations qui sont propres à la Chambre des notaires dans la rédaction du présent mémoire et qui sont partagés par elle. C'est un peu une première pour la Chambre des notaires que de se pointer à une commission parlementaire sur un sujet aussi pointu en termes de droit de l'environnement, mais également aussi chaud politiquement actuellement. Toutefois, ça va un peu dans la lignée de ses récentes interventions et ses récentes prises de position en faveur d'une déjudiciarisation et suite à la création du Centre de droit préventif qui se veut, justement, un organisme visant à intégrer dans notre système une justice douce. Après les médecines douces, on s'en va vers une justice douce qui est, notamment, de favoriser l'information et le conseil.

Donc, les objectifs du Centre de droit préventif sont sensiblement les mêmes que devraient poursuivre la Loi sur la qualité de l'environnement et le droit de l'environnement de façon générale. La prévention à l'environnement s'articule dans la Loi sur la qualité de l'environnement par l'entremise de deux mécanismes. Je serai très bref là-dessus parce que vous devez les connaître: l'article 22, qui est un pouvoir ministériel surtout d'autoriser des projets dommageables à l'environnement, et la fameuse procédure d'évaluation environnementale. Cette procédure-là n'est pas une panacée, loin de là, mais c'est, à notre connaissance, le seul mécanisme qui permet d'éviter ou de diminuer, à tout le moins, les risques de conflit d'ordre juridique. Donc, en ce sens, c'est un mécanisme préventif par excellence et, à notre connaissance, le seul qui s'adresse directement aux citoyens.

J'ai eu l'occasion et le privilège d'entendre une série d'interventions devant vous depuis les deux dernières journées. C'est pour ça que je vais essayer de me concentrer sur certaines parties du mémoire principalement, en résumant l'essentiel, mais également sur certains points qui répondent à certaines des questions qui ont été soulevées depuis hier.

Donc, de façon générale, la procédure d'évaluation environnementale, elle est bonne; c'est la position de la Chambre des notaires. Le rapport Lacoste peut en bonifier une certaine partie sans amendement législatif ou réglementaire majeur. Les conclusions de ce rapport qui a à peine un peu plus de deux ans sont, à notre avis, toujours d'actualité et, dans la mesure où vous accordez quelque valeur à certaines critiques ou à certains propos que je qualifierais de désobligeants, qui, à notre avis, témoignent davantage peut-être de l'absence de contenu des positions de ses détracteurs, à notre avis, les rédacteurs du rapport Lacoste n'étaient pas des écolos fascistes.

Parmi les différents éléments d'une procédure d'évaluation, j'attirerais principalement

votre attention sur les points qui ont été soulevés depuis le début, depuis hier principalement: la nécessité d'une consultation publique à l'étape de la directive, le "scoping" communément appelé... Et juste pour préciser au niveau du "scoping", deux éléments: d'une part, que cette procédure-là peut être intégrée dans la procédure sans amendement de la loi ou du règlement, ne serait-ce que par une application volontaire, c'est-à-dire de proposer au promoteur de se soumettre à cette évaluation-là, pré et directive, c'est à son avantage et, justement, le fait de ne pas le faire pourrait l'exposer à des situations qu'on a peut-être connues dernièrement. Donc, à notre avis, le promoteur aurait tout intérêt à accepter de façon volontaire le "scoping". Il ne faut pas oublier que la procédure fédérale qu'on a vantée à certains égards, notamment au niveau du "scoping", ne prévoit absolument rien dans le décret d'application relativement à la consultation publique sur la directive. C'est le Bureau fédéral d'examen des évaluations environnementales qui prend sur lui-même de consulter au niveau de la directive. Mais le décret, parce qu'on est toujours avec un décret et non une loi, actuellement, au fédéral, ne prévoyait rien de façon expresse, au niveau de la consultation publique, sur la directive.

L'étude d'impact. Un aspect original du mémoire de la Chambre des notaires est de recommander un certain contrôle, que des personnes appelées à rédiger les études d'impact soient des membres d'une corporation professionnelle. La consultation et l'expertise en environnement, c'est devenu un marché assez féroce que se disputent un nombre assez grand de spécialistes. Des spécialistes en environnement, j'en connais plusieurs qui sont nés comme ça du jour au lendemain; ces temps-ci, c'est à la mode. Les conséquences du non-respect des règles de l'art dans la préparation des études d'impact, ça nous apparaît un risque très grand. Il faudrait y avoir un certain contrôle et le contrôle qu'on a imaginé serait la possibilité d'imposer que ces mêmes études d'impact là soient faites par des professionnels. D'ailleurs, ça irait dans le même sens que l'article 95.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui a prévu, en 1978 je crois, la possibilité, justement, de rendre obligatoires les études d'impact faites sous l'article 22 par des consultants en environnement et liant leurs responsabilités quant au contenu. C'était une façon d'alléger le fardeau administratif que le ministère rencontrait. Ce n'est toujours pas en vigueur, par contre, c'est-à-dire que c'est en vigueur, mais que ce n'est toujours pas en force parce qu'on ne sait pas qui sont les consultants en environnement encore, mais ça irait dans le même esprit.

Soulignons que, parmi les codes de déontologie qui existent, certaines professions imposent déjà l'obligation à leurs membres de tenir compte des conséquences prévisibles des travaux sur la qualité de l'environnement, notamment les chimistes à l'article 2.02 de leur code de déontologie, les ingénieurs à l'article 2.01 de leur code de déontologie et les architectes à l'article 2.01 de leur code de déontologie également.

Quant aux projets soumis, on a dit haut et fort qu'on devait mettre en place les différents articles qui ne sont pas encore en vigueur. Nous n'insisterons pas plus sur cette question-là si ce n'est, toutefois, de tendre à vouloir assurer l'intégrité des objectifs qui étaient poursuivis par le législateur. Il est assez surprenant qu'après 10 ans le législateur n'ait pas souhaité que des dispositions d'ordre public qui avaient été adoptées démocratiquement aient laissé place à un nombre assez impressionnant des mêmes projets qui, eux, ont été soustraits par défaut de mise en vigueur. Si on voulait respecter cette volonté législative, à mon avis, ça aurait dû être mis en vigueur.

Juste une petite parenthèse, parce que j'ai entendu ces commentaires-là de la part de certains organismes, il ne faudrait pas, si on décidait de mettre en vigueur les dispositions, les soumettre, bien entendu, à un régime différent de celui qui est appliqué à tous les autres projets, je veux dire, ou alléger, ou quoi que ce soit. Donc, bien entendu, c'est l'application du même régime, que ce soit pour les grands projets industriels ou pour les marinas. Il me semble que ça fait partie de l'évidence, mais...

Enfin, juste une autre petite parenthèse pour rappeler aux membres de la commission qu'à partir du moment où on va mettre en vigueur les dispositions de l'article 2n et 2j, etc. les entreprises vont encore avoir un délai d'un an pour mettre en place les projets, tout en étant exonérées de toute évaluation environnementale au terme de l'article 31.6. Donc, entre nous autres, ça urge.

Un élément sur le suivi parce qu'il en a été question. Il n'en est pas question dans le mémoire de la Chambre, c'est simplement pour répondre à des questions qui ont été posées à l'égard du suivi ou ultérieurement à la décision ministérielle. Sans amendement législatif, parce qu'on pense à mettre une procédure qui permettrait à un organisme, soit le ministère ou le BAPE, de faire le suivi des recommandations qu'il a faites, il y aurait possibilité d'inclure simplement au certificat d'autorisation qui est émis en vertu de l'article 22 ou de l'article 31.5, parce que c'est deux certificats obligatoirement émis dans les circonstances, certains éléments à l'effet qu'un certain suivi devrait être appliqué. Je pense, notamment, à la pulvérisation pour la tordeuse des bourgeons de l'épinette où on avait effectivement mis ça comme condition à défaut de l'avoir rentré dans le certificat d'autorisation. Personne ne peut vraiment forcer la main au promoteur par après, à savoir: Est-ce qu'il a vraiment vérifié les impacts sur la santé de la pulvérisation? Ça serait un moyen très efficace

parce que la conséquence de rentrer ça dans le certificat d'autorisation, c'est éventuellement une ordonnance du ministre ou, ultimement, une injonction même pour arrêter la compagnie. (16 h 45)

Financement des intervenants. Simplement pour faire un lien avec l'approche déjudiciarisée que la Chambre des notaires privilégie, un des compliments qu'on fait à la procédure ontarienne, c'est la rigueur, l'objectivité, la certitude du résultat qui aboutit en bout de ligne. C'est-à-dire qu'après avoir contre-interrogé, par avocats, les gens qui se pointent autant sur le contenu que sur leur formation, il y en a qui donnent des vertus à cette procédure-là en ce sens que le résultat serait beaucoup plus crédible que notre procédure à nous. Une des façons peut-être - ça, je ne donne pas foi ou crédit, de toute façon, à cette prétention-là - qui pourraient éviter un peu ou améliorer le système à ce niveau-là serait effectivement de financer les intervenants pour amener cette contre-expertise-là et approfondir davantage les questions.

Deux options sont soulevées dans le mémoire de la Chambre des notaires: une taxe aux entreprises polluantes ou le paiement par le promoteur lui-même. La taxe aux entreprises polluantes, c'est embêtant parce que, si on lit le rapport de la commission Charbonneau, c'est, entre autres, la taxe verte. Il y a beaucoup d'autres objets qu'on voulait lui attribuer à cette fameuse taxe là. Donc, probablement que, si on appliquait le principe du pollueur-payeur en matière de décontamination, il serait opportun de l'appliquer lorsqu'il s'agit de prévenir des possibles dommages à l'environnement, donc de les faire assumer également par le promoteur au niveau de cette dépense-là. C'est, pour l'essentiel, les commentaires que j'avais à faire sur le mémoire.

Le Président (M. Garon): Je vous remercie, Me Bélanger. Vous m'avez rappelé, par vos propos, une discussion que j'ai eue avec le recteur de l'Université Laval il y a quelques années, qui me demandait de quelle façon l'Université pouvait rendre service au gouvernement. Je lui avais dit: Si vos écologistes et biologistes, les ingénieurs forestiers et les agronomes qui sortent de l'université avaient la même conception de l'environnement et non pas des conceptions différentes selon les écoles où ils étudient, on aurait bien moins de problèmes, au gouvernement, avec des gens qui, selon qu'ils viennent de tel ou tel milieu, défendent l'environnement de façon différente, comme si l'environnement était différent selon qu'on est d'une formation différente. Et pourtant, c'est toujours les mêmes experts, formés par les mêmes écoles, mais qui ont des visions parfois bien différentes, alors qu'on devrait peut-être avoir une année de base dans les universités pour au moins comprendre l'environnement de la même façon. Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Messieurs, bienvenue. M. Bélanger, rebienvenue. Hier, on croyait avoir affaire à un membre du Barreau; aujourd'hui, on se demande si c'est un membre de la Chambre des notaires ou encore un membre du Barreau qui fait du travail pour la Chambre des notaires, quoique ça m'étonnerait beaucoup, mais quand même.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelchat: Bienvenue à nouveau. Vous êtes un des experts en la matière, semble-t-il, puisque vos talents sont requis deux fois plutôt qu'une, alors peut-être que vous pourrez nous dire ce que peut être un expert qui serait appelé à rédiger une étude d'impact. Dans votre mémoire - et les gens avant vous devaient être bien contents de votre phrase - à la page 10, vous dites: "Nous estimons, néanmoins, que les études d'impact devraient être exécutées par des professionnels responsables du résultat de leur étude, par exemple des ingénieurs." Nous, les députés, on sait que les études d'impact - et au ministère de l'Environnement ils le savent aussi - c'est un marché très lucratif pour les ingénieurs. Mais est-ce qu'il faut absolument... Je trouve ça un petit peu corporatiste, là, comme suggestion. D'abord, je ne pense pas que ce soient seulement les ingénieurs qui pourraient nous aider là-dessus; la preuve, c'est qu'un notaire ou un avocat semble être très bien informé sur la question environnementale. Mais j'aimerais que vous élaboriez un petit peu là-dessus, sur la question du professionnalisme, ou comment reconnaître... Si une personne n'est pas membre nécessairement d'une corporation professionnelle, est-ce que ça lui enlève la compétence pour rédiger une étude d'impact?

M. Bélanger (Michel): Non. Écoutez, ça ne me surprend pas, d'ailleurs, que l'article 91.5, je crois, n'ait pas encore été mis en vigueur, mais j'imagine que, comme le marché est lucratif, tout le monde tire la couverte, c'est fort normal. L'article 95.1. Mais je ne dirai pas non plus que la compétence dans ce domaine-là appartient à seulement une sphère d'activité. Je sais que le risque de l'aspect corporatif, ça, effectivement, c'est achalant. Mais ce qu'on veut s'assurer ici, c'est qu'il y ait un certain contrôle de la qualité du produit qui en ressort et les études d'impact, il ne faut pas oublier que ce n'est pas nécessairement unique à une seule sphère d'expertise non plus. Donc, autrement dit, autant de sphères qui sont abordées dans une étude d'impact, ça pourrait être fait par différents spécialistes, mais on souhaiterait qu'ils relèvent d'une corporation professionnelle. C'est-à-dire, s'il y a des aspects relatifs à la santé, ça pourrait être un médecin; s'il y a des aspects plus techniques, ça pourrait

être un ingénieur. Mais ce qu'on veut éviter, c'est que, finalement, s'il y a des expertises qui existent ailleurs ou si, effectivement... Parce que c'est le promoteur qui fait faire lui-même l'étude d'impact; ça achale certaines personnes, ça, et il y a eu des commentaires contre cette dimension-là. Il me semble qu'un minimum de sécurité serait assuré si, effectivement, c'était supervisé par une corporation.

Mme Pelchat: Mais vous savez, si on mettait ça, par exemple, dans un règlement ou, à la limite, dans la loi, ce qui m'étonnerait, mais dans un règlement - le législateur va toujours au plus court et, comme le règlement est destiné à être géré par l'administratif, c'est évident que c'est ce qui est de plus précis - inévitablement, j'imagine qu'on recourrait à des membres d'une corporation professionnelle bien identifiée. Alors, moi, je pense qu'il y a un danger là.

M. Bélanger (Michel): Oui.

Mme Pelchat: Je trouve que c'est très corporatiste, mais je ne vous en veux pas, comme membre de la Chambre des notaires, d'être corporatiste.

M. Bélanger (Michel): Non, non. Mais, écoutez, je voudrais juste vous rappeler une chose. Si le législateur a jugé bon, en 1978, de rajouter les dispositions de l'article 95.1, qui n'ont pas accouché encore...

Mme Pelchat: Oui, mais pas les appliquer.

M. Bélanger (Michel): ...en déterminant qui étaient les fameux spécialistes en environnement, à ce moment-là, je veux dire, en bout de ligne, lorsqu'on va y arriver, on pourrait tout à fait faire le même lien. Si eux sont en mesure de faire des études d'impact sur l'article 22, ils pourraient effectivement faire les études d'impact en vertu de la procédure d'évaluation plus longue.

Mme Pelchat: O.K.

M. Bélanger (Michel): Juste un dernier commentaire là-dessus. Il y a une disposition qui est un peu achalante, par contre, dans les articles 95.1 et suivants, c'est l'article 95.8 où, justement, on fait référence à la corporation professionnelle: "Le ministre transmet au syndic de la corporation [...] pour enquête, le cas d'un membre de cette corporation qu'il estime avoir signé une fausse attestation, etc." Donc, ça sous-entend que ces fameux experts fassent partie d'une corporation professionnelle. Ça pourrait peut-être aussi devancer le dossier des biologistes qui, je pense, depuis plusieurs années, en demandent une.

Mme Pelchat: Est-ce que vous les représentez, maître?

M. Bélanger (Michel): Non, non, pas encore. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pelchat: J'ai une question, en fait, qui vise la page 6 de votre mémoire. Vous dites que vous émettez des réserves quant à l'issue de la démarche utilisée par la présente commission et vous croyez même que nos éventuelles conclusions risquent de réduire nos acquis. Je dois vous dire que je suis profondément choquée de cette affirmation en tant que membre de cette commission, mais aussi ça choque probablement tous mes collègues, puisque ce mandat d'initiative a été entériné par tous les députés, qu'ils soient membres du parti de l'Opposition ou du parti ministériel. J'aimerais vous assurer, et les autres personnes qui siègent ici, les personnes qui nous écoutent, les gens qui vont nous lire, que jamais, jamais, jamais l'intention des membres de cette commission est de surtout réduire nos acquis en environnement au Québec. Ça, je pense que c'est clair. En tout cas, je veux que ce soit clair. Ce n'est pas la première fois, il y a plusieurs personnes qui mélangent un mandat d'initiative avec un mandat de l'Assemblée ou un mandat du gouvernement; c'est très différent. L'exécutif n'est pas représenté ici, ce n'est que le législatif. Je pense que c'est clair, on n'a pas de mauvaises intentions; au contraire, on n'a que de bonnes intentions. Ça, il faudrait que ce soit bien clair.

Par contre, aussi, à la page 6, au paragraphe 5, vous reliez à votre crainte que l'on réduise nos acquis, vous parlez un peu du discrédit qui a été jeté sur le BAPE. Le paragraphe 5, à la page 6: "Depuis quelques mois, d'importantes pressions sont exercées de la part des milieux financiers afin de discréditer l'institution du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, notamment dans les dossiers de Soligaz, Lauralco et Grande-Baleine." Qu'est-ce qui fait, selon vous, que le BAPE est discrédité, notamment dans ces dossiers-là? Est-ce que vous pouvez nous aider là-dessus?

M. Bélanger (Michel): Est-ce que vous voulez aussi que je précise dans Soligaz, au niveau de Soligaz aussi?

Mme Pelchat: Bien, allez-y. Moi, je veux entendre votre opinion là-dessus.

M. Bélanger (Michel): Bien, c'est principalement...

Mme Pelchat: Et je suis de bonne foi dans ma question.

M. Bélanger (Michel): Bien oui, moi aussi.

C'est principalement les commentaires qui ont suivi le dépôt du rapport, notamment de certains milieux, finalement, qui ont critiqué. On a même été jusqu'à dire que le BAPE avait outrepassé son pouvoir en parlant ou en abordant la question du développement durable dans son évaluation, chose que je ne pense pas nécessairement, effectivement, être un dépassement du mandat qui avait été confié et même du pouvoir que la loi lui confère. Lauralco, c'est certains commentaires peut-être qui auraient été faits. Là, je ne voudrais pas, non plus, tomber dans la partisane-rie ou dans...

Mme Pelchat: Non, mais ce que je veux savoir. Me Bélanger, c'est: Est-ce qu'effectivement vous constatez qu'il y a des raisons pour que le BAPE soit discrédité à ce moment-ci? Est-ce que, par exemple, le manque d'expertise ou le manque de moyens que l'on donne au BAPE - je vous pose la question - ne serait pas aussi une des raisons pour lesquelles le BAPE a un peu de difficulté ou, selon l'interprétation de certains, comme vous le mentionnez, semble avoir de la difficulté à accomplir son mandat?

M. Bélanger (Michel): À mon avis, c'est un ensemble de choses qui fait en sorte qu'actuellement la bouilloire a chauffé un peu. Bon, après 10 ans de demandes, ça me surprend même de voir combien il y a unanimité de la part des organismes qui passent devant vous pour demander la mise en vigueur, alors qu'effectivement il y avait de grandes pressions pour ne pas que ça... le fait que ça n'a pas été adopté pendant 10 ans. Ça me surprend de voir que la population partageait, finalement, la même impression, de façon assez générale.

C'est, finalement, une foule de choses. Il y a eu le rapport, parce que votre commission avait été annoncée bien avant que le rapport de Soligaz sorte, et, effectivement, c'est dans cette tourmente-là, finalement, que toutes les choses ont déboulé. Les articles ont suivi, des attaques personnelles ont été faites, même on a personnalisé le débat de façon assez démagogique. Donc, c'est juste, finalement, la crainte, dans la tourmente de ce qui se passait, qu'on risque d'aboutir à une commission ou à des conclusions qui seraient négatives. C'est ça. Finalement, c'est juste ça. C'est un genre de mise en garde, mais très humble, de notre part à ce niveau-là.

Mme Pelchat: Mais, de toute façon, il faut bien comprendre là que, comme je vous dis...

M. Bélanger (Michel): Oui.

Mme Pelchat: ...on est du législatif. On va faire un rapport qui va recommander des choses à l'Assemblée nationale et l'Assemblée nationale en disposera, le ministre, le gouvernement en disposera. Mais on est tous de bonne foi et j'espère aussi que le rapport et les recommandations seront unanimes, comme le mandat l'a été. Je n'ai pas d'autres questions, M. le Président. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. J'ai pris bonne note de vos réflexions. En toute déférence, M. le Président, vos réflexions sur l'université et sa vocation, ça m'amène aussi à déplorer, jusqu'à un certain point, que les universités ne nous aient pas présenté de mémoires, hein? aucune des universités. Quand on lit leurs revues... Comme je lisais, hier soir, la revue de l'Université de Montréal, pour ne pas la nommer; en pleine page, première page, on parlait beaucoup d'environnement puis de la vocation de l'université en environnement. Mais, que je sache, on n'a pas de mémoire, hein? aucun mémoire sur les 62 émanant d'aucune de nos universités. Je ferme la parenthèse et je souhaite, au nom de l'Opposition, la bienvenue aux représentants de la Chambre des notaires. J'ai plaisir à retrouver Me Taschereau, le président, que je salue et Me Bélanger que nous retrouvons.

J'aime bien l'orientation de nos amis les notaires depuis quelques années, surtout lorsqu'ils prônent la déjudiciarisation, puis qu'ils prônent ce que vous appelez la justice douce. C'est une expression heureuse, à mon avis.

Je m'arrête à quelques propositions bien précises que vous faites, dont une qui touche la justification du projet. À la page 11, vous dites: "À l'instar des procédures américaines, nous estimons essentiel de considérer [...] la justification même d'un projet... Néanmoins, pour dissiper toute incertitude quant à la portée de l'étude, il pourrait donc être opportun de le préciser au règlement sur l'évaluation."

En effet, le règlement, et vous le dites de façon bien pertinente, il parle de raisons justifiant le choix de l'option retenue. Vous faites, si je comprends bien, une distinction entre les deux. Moi, je suis porté aussi à partager votre interprétation. Vous dites qu'il pourrait y avoir un ajout au règlement qui inclurait dans les paramètres, puisqu'il s'agit des paramètres au paragraphe 3, celui touchant la justification même du projet. C'est ça que vous dites?

M. Bélanger (Michel): Oui, précisément. Parce que, effectivement, si un jour c'était attaqué, notre interprétation textuelle de cette disposition pourrait effectivement apporter une certaine confusion à ce niveau-là. Est-ce qu'on peut aller jusqu'à demander la justification du projet lui-même ou simplement les options qui sont présentées?

M. Lazure: Bon. Vous évoquez l'expérience américaine. À votre connaissance, quand l'équi-

valent américain du BAPE demande au promoteur de démontrer la justification même du projet, est-ce que ça débouche sur des grands débats, sur des politiques générales, ou si ça peut être confiné au projet particulier?

M. Bélanger (Michel): Nous ne sommes pas en mesure de répondre à cette question-là. La notion que les Américains analysent la justification des projets, c'est un fait qui a été rapporté au niveau de la doctrine juridique. Mais je ne sais pas, dans les faits, la procédure qui est suivie effectivement dans différents États parce qu'il y en a plusieurs.

M. Lazure: Parce qu'on a discuté, comme vous le savez, aujourd'hui et hier, de l'importance d'avoir des débats publics sur des politiques générales. Il y a une espèce de gradation là-dedans. Avant le projet particulier situé dans telle localité, dans un secteur industriel donné, il serait logique d'avoir un débat général ou une audience sur la justification de ce genre d'industrie, disons. Mais ce débat-là lui-même devrait s'inscrire, devrait faire suite à un débat public plus général sur la politique du développement industriel, développement économique du Québec. Alors, vous pensez que ça serait l'endroit de le faire et non pas à l'occasion d'un débat sur les politiques générales, la justification du projet?

M. Bélanger (Michel): Non, il ne faut pas faire un débat de société quand on analyse la justification d'un projet lui-même. Je ne sais pas, je ne comprends peut-être pas. Les grandes politiques, effectivement, doivent faire l'objet d'une consultation, c'est ce qu'on dit plus loin, et même qu'on pose la question à savoir ce qu'il est advenu des recommandations que le Conseil consultatif de l'environnement avait rendues il y a quelques années, qui était, effectivement, une vaste consultation sur différents grands thèmes au Québec. Mais je ne sais pas si je comprends très bien votre question.

M. Lazure: Non. Ce que vous proposez d'ajouter, c'est une discussion de fond qui aurait lieu à l'occasion de chaque projet individuel. Le promoteur individuel aurait à justifier l'implantation, disons, d'une papetière ou d'une aluminerie.

M. Bélanger (Michel): Oui, exactement.

M. Lazure: La justification.

M. Bélanger (Michel): Oui, exactement.

M. Lazure: Bon. Un autre sujet, le financement, à la fin, vous venez de le mentionner aussi, deux possibilités, soit une taxe prélevée auprès des entreprises polluantes ou encore venant des promoteurs eux-mêmes à l'occasion des projets. Avez-vous une idée de qui pourrait gérer un tel fonds dans notre contexte ici, au Québec? Si un tel fonds se constituait, comment ça pourrait fonctionner?

M. Bélanger (Michel): On pourrait s'inspirer du modèle ontarien où on délègue une personne du Bureau ou une personne membre de la commission appelée à entendre l'audience publique sur un certain projet et, également, eux autres, ils mandatent, je pense, un membre du gouvernement, du ministère des Affaires municipales je crois, mais on pourrait effectivement...

M. Lazure: La Commission des affaires municipales.

M. Bélanger (Michel): ...soumettre à un comité, soit un genre de comité comme ça, indépendant, ou encore même géré par le Bureau d'audiences publiques, quoique, juste par le Bureau d'audiences publiques, ça pourrait devenir délicat. Mais je vous réfère au chapitre 71 de la loi ontarienne qui était annexé au mémoire du Centre québécois, hier.

M. Lazure: Oui. La dernière question précise que j'ai, c'est concernant la gestion des déchets. Vous favorisez l'implantation dans chaque portion de territoire et vous dites: "Chaque MRC devrait ainsi voir à instaurer sur son territoire un tel système de gestion de déchets, après avoir consulté la population". Ma question, c'est: Comment vous voyez les liens entre les MRC et le gouvernement, plus précisément le ministère de l'Environnement? Cette autonomie de chaque MRC dans la gestion de ses déchets sur son territoire, de quelle manière elle pourrait être harmonisée avec une politique plus globale pour l'ensemble du Québec?

M. Bélanger (Michel): Ce qu'on dit ici, sans nécessairement prétendre être des compétences au niveau de toute la question des déchets domestiques, c'est simplement que le territoire a été partagé d'une façon administrative par l'entremise des MRC, justement, et qu'il serait opportun de se servir de ces structures administratives pour, justement, intégrer les préoccupations des citoyens en matière de déchets domestiques, bon, parce que tout le monde est concerné. Et, au-delà des grandes orientations à donner - recyclage, réutilisation, incinération -l'implantation dans chacune des MRC... on peut suivre la recommandation qui avait été faite à l'égard des déchets dangereux, mais c'est, finalement, sectoriser la prise de décision. Et, justement, un genre de consultation publique qui serait faite par différents secteurs comme ça, définis déjà administrativement. Ce que j'ajouterais simplement, c'est que si jamais dans une... Parce qu'il y en a plusieurs MRC; ça peut être un ouvrage très long. Il y aurait peut-être aussi moyen d'y aller en regroupant les MRC par rap-

port au nombre de la population qu'elles desservent.

M. Lazure: C'est ça. Est-ce que vous pourriez envisager que le Bureau d'audiences publiques soit à la disposition d'une ou d'un regroupement de MRC pour aider les MRC à tenir des audiences publiques sur la gestion des déchets?

M. Bélanger (Michel): Tout à fait et ce serait facile pour le ministre de le faire en vertu de l'article 6.3.

M. Lazure: Le ministre a tout le loisir de le faire. Ça, c'est sûr.

M. Bélanger (Michel): Non, mais je veux dire, au niveau de la mécanique juridique, l'article 6.3 le permettrait.

M. Lazure: Oui. Mais nous, on déplore que le ministre ne s'en serve pas plus souvent de cet article-là. À ma connaissance, il ne s'en est pas servi depuis un bon bout de temps. Je ne sais pas. Est-ce que vous, qui êtes du Centre québécois du droit...

Une voix: En 1985, on a...

M. Lazure: Ha, ha! Vous n'êtes pas enregistrée, vous n'avez pas la parole.

Une voix:...

M. Lazure: Non. Mais, sérieusement, vous verriez d'un bon oeil l'implication du BAPE dans ça.

M. Bélanger (Michel): Oui. M. Lazure: C'est tout. Merci.

Le Président (M. Garon): je remercie les représentants de la chambre des notaires qui sont venus nous présenter leur point de vue à la commission. je vais suspendre les travaux quelques instants pour permettre au groupe enviro-sage inc, avec m. andré beauchamp, directeur, qui le représente, de s'approcher de la table.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

(Reprise à 17 h 8)

Le Président (M. Garon): M. Beauchamp, vous avez la parole pendant 30 minutes, c'est-à-dire 10 minutes, normalement, pour faire une présentation de votre exposé, 10 minutes pour le parti ministériel et 10 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait; ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté.

Enviro-Sage inc.

M. Beauchamp (André): Merci, M. le Président. Si vous me donnez 30 minutes, je vais avoir tendance à les prendre. Alors, essayons de convenir de 10 minutes.

D'abord, je suis heureux que vous présentiez Enviro-Sage, mais en réalité, beaucoup plus humblement, c'est André Beauchamp qui vient devant vous. Premièrement, dans mon mémoire, il y a des petites pointes ici et là; quand on écrit ça, on est un peu isolé. Je ne voudrais surtout pas antagoniser les gens de la commission, mais vous remercier, premièrement, de la tenue de cette commission et souhaiter que vos travaux soient les plus féconds possible dans une matière qui est particulièrement complexe.

Je viens à titre personnel. J'ai été président du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement de 1983 à 1987. Antérieurement à ça, j'avais été spécialiste en sciences de l'éducation, engagé par le ministère de l'Environnement; ensuite, secrétaire général du ministère au moment où nous avons créé le ministère de l'Environnement; ensuite, directeur de cabinet du ministre Marcel Léger pendant 18 mois; ensuite, président du Conseil consultatif; ensuite, conduit à la retraite à laquelle je ne suis pas mort encore. Alors, j'ai donc eu l'avantage, je pense, de faire le tour de l'ensemble des institutions du ministère, donc d'apercevoir la procédure non seulement depuis le point de vue du commissaire, mais aussi du point de vue de l'administration à certains moments.

Parmi le dossier immense que vous avez soumis à la consultation, il y a une introduction qui m'a un peu mis la confusion, qui était une approche à partir de la gestion des déchets, et j'ai mis dans mon texte quelques réflexions qui seraient les suivantes. Si vous posez la question: Faut-il soumettre la gestion des déchets, la création de nouveaux sites d'enfouissement à la procédure? formellement, ma réponse, c'est oui, parce qu'il y a là risque de grands impacts. Par ailleurs, si j'avais un conseil à vous donner, c'est: N'appliquez pas ça tout de suite, avant d'avoir établi le cadre de référence et d'avoir fait discuter un certain nombre de lignes politiques de fond, parce que, sinon, vous allez faire quoi? Vous allez créer un stress qui va empêcher l'application de nouvelles solutions et, éventuellement, de nouveaux sites là où ce serait nécessaire, et l'effet pervers de ça va faire monter la valeur des sites déjà existants. Il va donc y avoir une spéculation extraordinaire dans les sites déjà existants et, deuxièmement, au bout du compte, c'est les régions qui reçoivent déjà les déchets qui vont en recevoir encore plus. Alors, au plan de l'équité, les populations qui reçoivent déjà les déchets d'un peu partout vont les

recevoir d'encore un peu plus large. Là, avant de faire ça, nettoyez le dossier. Ce serait mon observation.

Sur la procédure elle-même, je dirais qu'à mes yeux, le mécanisme clé de la procédure, c'est la participation du public. C'est la participation du public qui permet à l'information de se valider et qui permet en même temps aux critères de jugement de s'élaborer et de se former. Vous allez avoir des gens qui vont venir insister sur la valeur des expertises. Moi, j'ai tendance à dire que ce n'est pas d'abord l'expertise qui est importante, non pas qu'elle soit négligeable, mais que l'expertise n'est validée que dans la mesure où on lui permet un examen public et un examen qui donne lieu à la controverse. En sciences, c'est la controverse qui fait avancer et non pas l'expertise close. En ce sens-là, le meilleur garant de la qualité des décisions de l'environnement, c'est la participation du public. Si vous diminuez la participation du public, les décisions seront moins bonnes à long terme sur l'environnement, même si elles peuvent s'améliorer sur un très court terme ou sur un dossier ponctuel. On sait que, parfois, la participation du public, c'est agaçant.

Je recommande de ne pas créer une nouvelle procédure parce que celle qui est en place est là depuis 10 ans, on peut la bricoler d'une manière secondaire, mais se lancer dans une nouvelle procédure de fond en comble, ce serait, à mes yeux, générer un nouveau système dont on ne connaîtrait pas les limites et les inconvénients. Je suis signataire du rapport Lacoste. Évidemment, je ne pense pas que ce soit écrit par des écolos fascistes, mais je pense qu'il y a là un bricolage très très minutieux que nous avons essayé de faire et qui peut être utile même si, parfois, évidemment, il y a probablement des détails qu'on a abordés trop vite.

Je tiens d'une manière fondamentale à ce que les articles non promulgués soient enfin promulgués, puisque l'impact sur l'environnement ne vient pas de la nature du promoteur, mais de la nature du projet lui-même. S'il y avait une révision, je m'objecterais très fortement à ce qu'on attaque le concept de frivolité. Il faut le laisser tel qu'il est là, il est vague et flou et il est, lui, seul à donner aux citoyens un droit. Toute autre définition va restreindre les droits des citoyens et la même chose, surtout ne pas s'en aller sur la notion d'intérêt qui, au plan écologique, est invérifiable. Moi, j'ai un intérêt sur les usines qui utilisent du charbon aux États-Unis, parce que c'est une cause éloignée des pluies acides ici. C'est justement la notion d'écosystème qui permet de comprendre que les Québécois ont tous un intérêt à l'écosystème québécois sans qu'on essaie de démontrer l'intérêt d'une autre manière, par la proximité du site ou par une nuisance qui serait mesurable à titre personnel.

Je pense aussi que, si vous touchez à la procédure, il ne faut pas aller vers des formes de judiciarisation. Là-dessus, je suis très différent d'autres intervenants qui demandent qu'on donne au commissaire le droit de décider. Ma thèse, c'est que c'est les politiciens qui doivent décider et que c'est comme ça que c'est bon. Si on donne le droit au juge, on dévie la politique de son sens et les décisions sociétales de leur sens. Ça, c'est ma thèse de fond et, pour l'avoir exercée, même si le gouvernement n'a pas toujours suivi mes recommandations flaillées, c'est correct, c'était la job du gouvernement de faire sa job. Sinon, si vous renvoyez la décision, vous allez obligatoirement judiciariser le système et, au bout du compte, vous allez sortir le citoyen au profit des avocats et des experts.

Je finirai en disant que le problème fondamental, me semble-t-il, de l'environnement, c'est un problème de culture administrative. Permettez que je fasse un peu d'histoire. La Loi sur la qualité de l'environnement remonte à 1972 au moment de la Conférence de Stockholm. Il y avait donc une effervescence à l'environnement très forte; 1976 a fait arriver d'autres courants de pensée qui ont renforci la ligne environnementale qui était déjà très présente. La loi de 1972 est extraordinaire, la loi de M. Goldbloom est une loi extraordinaire qui est tout à fait dans le filon du meilleur de la pensée du temps. Ça a pris de 1976 à 1980 avant qu'on ait d'autres réformes complémentaires qui ont permis de promulguer un bon nombre de règlements et de mettre sur pied la procédure d'évaluation et d'examen des impacts.

Après ça, je pense que ce qui est arrivé, c'est qu'on a oublié les fondements de ça. On a été pris dans le quotidien avec toutes sortes de bagarres, toutes sortes de résistances institutionnelles. Je me souviens d'un sous-ministre qui nous avait dit: La plus grande résistance à l'environnement, nous allons la trouver dans la fonction publique. Il avait parfaitement raison. Nous l'avons trouvée dans l'appareil gouvernemental. J'ai donné comme exemple le ministère des Transports et c'est su depuis toujours qu'on a ramené toutes les planches à dessin; tout ce qui était en haut de 35 mètres, ils l'ont restreint en bas de 35 mètres d'emprise pour que ça échappe au règlement et tout le monde se tapait les mains en disant: Y "sont-u" habiles un peu? C'était extraordinaire. Bon. Quand j'ai attrapé Hydro-Québec sur la sixième ligne, sur le détournement de procédure qu'ils avaient fait, ils avaient piégé le gouvernement et j'ai fini par rencontrer l'ancien ministre du temps, mais il m'a dit: Quand on m'a expliqué ça, je n'avais jamais compris ça. J'ai dit: Bien non, c'est ça le... Alors, il y a une espèce de résistance farouche, il y a un problème de culture environnementale. Je dirais: II faut refaire cette culture-là.

Le concept de développement durable est un concept extrêmement difficile d'application parce

qu'il lie ensemble un objectif économique, un objectif écologique et un objectif de justice. Nous devons faire que le développement, désormais, intègre la satisfaction des besoins et, disent-ils, en partant des plus démunis; deuxièmement, le respect de l'équilibre de l'écosystème et la poursuite de l'équité entre les générations et entre les gens eux-mêmes. Imaginez maintenant les nouveaux paramètres qui viennent s'intégrer à des décisions sociétales quand on essaie de tenir ces trois choses-là ensemble. Il ne faut pas se surprendre que ce soit difficile d'application, que ça donne lieu à des débats. Il y a une espèce de gond de valeurs dans lequel notre société essaie de prendre des décisions en disant que ça, maintenant, est important ou ça est une valeur, au point, par exemple, que tel type de développement économique, tel type d'ouvrage, tel type de chose ne se fera pas ou se fera d'une autre manière. Alors, la difficulté là-dessus est très considérable et, moi, je pense qu'on est en train d'intégrer ces valeurs-là, mais que ça va prendre encore une génération, c'est-à-dire de 10 à 20 ans, avant que ça puisse être intégré d'une manière un peu plus harmonieuse dans la culture.

Voilà mes principales remarques à vue de nez. Si vous avez des questions, ça me fera bien plaisir d'y répondre, évidemment.

Le Président (M. Garon): Mme la députée de Vachon.

Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Alors, M. Beauchamp, au nom des députés de la commission, particulièrement les députés du parti ministériel, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue et j'aimerais surtout vous remercier d'avoir accepté notre invitation à participer à cette commission parlementaire. Évidemment, vous nous avez donné vos états de service qui sont très longs et très appréciables et votre expérience peut nous être très utile. Je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette commission.

Vous parlez des déchets domestiques, des déchets solides et même, au début de votre mémoire, vous vous posez la question à savoir exactement pourquoi on a inclus le volet déchets solides dans le mandat de cette commission. Vous avez vu, à la lumière des interventions, que c'est effectivement pour juger de la pertinence d'assujettir ou pas toute la politique de la gestion des déchets domestiques à la procédure de vérification et d'évaluation des impacts environnementaux et, vous l'avez dit tout à l'heure, à première vue, oui, s'il faut assujettir, par exemple, un site d'enfouissement à la procédure d'évaluation, oui, tout de suite, mais pas trop vite. J'aimerais ça que vous m'expliquiez, parce que c'est une préoccupation qui est constante, vous le démontrez bien dans votre mémoire. De plus en plus, on parle de l'implantation, de gestion intégrée; toutes les méthodes sont avancées. Nous, on a cru bon de l'inclure dans notre mandat, justement, pour vérifier si on devait le faire. Mais, d'un autre côté, vous nous dites: Faites-le, mais ne le faites pas. Et je vous rappelle que la politique de gestion...

M. Beauchamp: Oui, c'est-à-dire qu'avant...

Mme Pelchat: Elle existe déjà, cette politi-que-là, alors...

M. Beauchamp: C'est peut-être une politique en retard, là. Mais je me souviens du règlement relatif à la gestion des déchets domestiques en 1980-1981. Quand on a commencé à appliquer ça, ça a été une chose d'une joyeuse complication parce que c'était un modèle urbain et on a commencé à l'appliquer en Gaspésie, et ça a donné des petits problèmes.

Ce que je dis fondamentalement, madame, c'est que, premièrement, la gestion des déchets, c'est une juridiction qui, par règlement, maintenant appartient aux MRC. Si vous embarquez et changez les règles du jeu des MRC, de grâce, donnez-leur des moyens, des "guide lines", pour qu'elles puissent arriver à prendre des décisions.

J'ai animé, à titre professionnel, des réunions avec les 56 municipalités de la région de Vaudreuil et les trois MRC qu'il y a là et, finalement, au bout d'un an et demi de cheminement, de discussions et d'élaboration, ils ont fermé le dossier, bon, et le maire de Vaudreuil... L'hypothèse qui était sur la table - je ne juge pas si elle était bonne ou pas bonne - qui a été mise sur la table n'a pas pu fonctionner et les gens se sont divisés et n'ont pas pu s'entendre; il fallait qu'ils soient unanimes. Et là, ils sont, comme on dit en anglais, "back to square one". Sauf que le problème que Vaudreuil a, c'est que le site de la carrière Meloche se ferme et ils sont dans une impasse. Or, je dis: Si vous posez des gestes de telle manière que ça rend plus difficiles la recherche et l'élaboration de solutions dans un espace de un à trois ans, sans lâcher sur la qualité de l'environnement là, l'effet pervers, c'est qu'il n'y a pas de nouvelles solutions qui vont pouvoir s'implanter et, en conséquence, les sites qui existent déjà vont doubler ou tripler de prix.

Mme Pelchat: Qu'est-ce qu'on devrait faire dans l'immédiat, là? Disons, demain matin, qu'on décide de soumettre...

M. Beauchamp: Bon. Mettez-vous à table avec les acteurs et, deuxièmement, élaborez. C'est un des cas où on doit élaborer des politiques-cadres avec des séquences temporelles qui permettent d'arriver à une décision, un "trade-off" en anglais, et non pas à une impasse.

Mme Pelchat: O.K. Quand vous dites: Mettez-vous à table avec les intervenants, les

acteurs, est-ce que le BAPE devrait faire...

M. Beauchamp: Là, permettez-moi une chose. Le BAPE n'est pas un organisme qui est là pour vous conseiller politiquement.

Mme Pelchat: Non, non. Mais pour...

M. Beauchamp: l'organisme qui existe là-dedans, c'est le conseil consultatif qui, lui, conseille sur les politiques. le bape, c'est fait pour analyser des projets, principalement, et faire la consultation publique.

Mme Pelchat: Mais ce serait une forme de consultation.

M. Beauchamp: Vous pouvez le mandater comme un instrument. Est-ce qu'il est opportun que le BAPE fasse enquête ou tienne des audiences, consulte la population? Si le projet est suffisamment précis et que le mandat peut être précis, si c'est de la juridiction du ministre de l'Environnement, très bien, c'est un très bon instrument, le BAPE. Mais ne faites pas du BAPE un conseiller sur les orientations politiques.

Mme Pelchat: Non, ce n'était surtout pas mon intention, monsieur.

M. Beauchamp: O.K.

Mme Pelchat: Alors, qui et de quelle façon ça devrait se faire? Et j'aimerais terminer là-dessus, parce que j'ai une autre question assez importante à vous poser ensuite.

M. Beauchamp: À vue de nez, je ne suis pas capable de vous le dire, madame.

Mme Pelchat: Est-ce que le ministère devrait te faire?

M. Beauchamp: II faudrait que j'étudie la question plus en profondeur sur l'ensemble de... À vue de nez, je ne suis pas capable de vous dire comment.

Mme Pelchat: O.K. Puisque, depuis longtemps, vous êtes impliqué au niveau de l'environnement, notamment au ministère de l'Environnement où vous avez été secrétaire du ministère et où vous avez été directeur de cabinet aussi, lors de l'adoption de l'article 2 en décembre 1980, est-ce que vous pourriez me dire ce qui a motivé le gouvernement à ne pas l'appliquer tout de suite, cet article-là? Pourquoi on l'a adopté, mais qu'on a décidé de ne pas le mettre en vigueur, c'est-à-dire les articles g, n et p?

M. Beauchamp: Je croirais que c'est pour les mêmes raisons qu'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on avait sans doute de beaux projets sur la table, en se disant: On va attendre un peu, et il y a aussi l'obsession, au Québec, de la compétitivité avec l'Ontario. Et, vraiment, il y avait eu des téléphones de ministre à ministre où les gens avaient convenu de s'attendre. Alors, le Québec, M. Léger, dans le temps, avait communiqué avec le ministre de l'Ontario - j'essaie de me rappeler son nom, il m'échappe là - et on avait convenu, les deux provinces ensemble, que les agendas seraient harmonisés d'une province à l'autre. Évidemment, c'était la gaffe à ne pas faire parce que, 10 ans après, on est encore dans la même situation.

Mme Pelchat: Et vous êtes convaincu...

M. Beauchamp: Parmi les choses amusantes, si vous permettez, M. Lincoln avait posé la question en Chambre à M. Léger et avait fait sortir la lettre du ministre de l'Ontario qui avait écrit au ministre de l'Environnement qui lui avait répondu. Et j'ai trouvé ça très drôle quand, après, M. Lincoln est arrivé comme ministre; il n'a jamais retrouvé les lettres. À titre d'exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauchamp: Alors, ça, c'est la vie qui est comme ça, je veux dire, c'est difficile.

Mme Pelchat: Et vous êtes convaincu, M. Beauchamp, que ça n'affecterait en rien l'économie du Québec que d'appliquer g, n, p et le deuxième alinéa de j.

M. Beauchamp: Ah! je ne prétends pas... Ça va affecter l'économie du Québec.

Mme Pelchat: En bien.

M. Beauchamp: Écoutez, à court terme, non, à long terme, oui. Ça va obliger le Québec à diversifier sa stratégie d'intervention, donc ça va bloquer des séries de projets et ça va donc obliger de faire surgir des séries d'autres projets qu'on identifie mal maintenant. Mais le dossier n'est pas là sur la table, sauf qu'à chaque fois qu'on a un projet on dit: Celui-là, on va le passer tout de suite et, après ça, on reviendra sur les questions à un peu plus long terme. Souvent, on se dit: Bien là, si ces 30 000 000 $ ne rentrent pas là, bien, qu'est-ce qu'on va faire? Alors, on se dit: Accordons ce projet-là et on reviendra aux questions sérieuses après. Mais on n'a jamais le temps d'y venir. Ça prend beaucoup, beaucoup de courage ça. Mais c'est évident que, si vous appliquez ça, il y a des projets néfastes à long terme sur l'environnement qui ne passeront pas le goulot d'étranglement, c'est sûr, et ça va donc obliger un déplacement de la nature des projets, donc un déplacement de l'économie. Et je comprends les gens qui sont des développeurs économiques de ne pas aimer ce

genre d'interrogation, parce que c'est une interrogation qui est extérieure à leur système de valeurs à un certain moment de leur vie. Mais c'est ça que le gouvernement doit faire, nos représentants politiques doivent dire maintenant: Là, après 10 ans d'expérience... C'est pour ça que je dis à la fin: Si vous avez des études à faire, faites donc faire l'étude des résultats dans l'environnement des projets qui n'ont pas été soumis à l'Environnement.

Mme Pelchat: M. Beauchamp, au niveau de la médiation, le rapport Lacoste suggère d'introduire une nouvelle étape de médiation et plusieurs personnes qui sont venues nous voir et qui viendront nous voir favorisent fortement la médiation. D'abord, à quelle étape voyez-vous l'étape de médiation et est-ce que vous voyez que, parce qu'il y a certaines personnes qui voient d'une façon conflictuelle le fait que le BAPE soit en même temps le médiateur et celui qui, à la limite, fait les conclusions... Comment voyez-vous cette médiation et est-ce que le BAPE devrait être effectivement le médiateur ou si ça ne devrait pas être un autre organisme?

M. Beauchamp: C'est une très grosse question. Je fais partie d'un groupe de travail au fédéral sur le même objet. Les expériences que j'ai fartes... Normalement, c'est entendu que la même personne ne peut pas, sur le même dossier, être médiatrice et commissaire. Le propre du médiateur, ce n'est pas de porter de jugement, c'est de permettre à des gens de se comprendre pour arriver à l'élaboration d'une solution commune. La médiation peut se faire au niveau du "scoping", donc à un niveau très haut dans l'étude d'impact, au niveau de la consultation sur les directives de l'étude d'impact, pour permettre de nettoyer les questions d'amont et, ensuite, elle peut se faire au niveau de la fin du dossier, quand il apparaît qu'il peut y avoir un règlement dans le dossier, c'est-à-dire, donc, que les intervenants ne s'opposent pas à la justification du projet, ils estiment que le projet peut se faire...

Mme Pelchat: Mais je vous arrête tout de suite...

M. Beauchamp: ...mais ils veulent discuter sur des manières de le faire.

Mme Pelchat: Au niveau de la médiation...

Le Président (M. Garon): Le temps étant écoulé, je vais demander au député de La Prairie de...

Mme Pelchat: M. le Président...

Le Président (M. Garon): Bien, qu'est-ce que vous voulez?

Mme Pelchat: ...deux petites minutes, au niveau de la médiation.

Le Président (M. Garon): Oui, mais qu'est-ce que vous voulez? Le temps est écoulé et, après ça...

M. Lazure: S'il m'en reste, je vous les repasserai, Mme la députée. Merci, M. le Président. (17 h 30)

II me fait plaisir, au nom de l'Opposition, de souhaiter la bienvenue à M. Beauchamp. Je ne peux pas m'empêcher de revenir sur la question que posait la députée de Vachon à savoir pourquoi l'article 2, le paragraphe 2 n'avait pas été promulgué. Pour avoir été, avec le président de notre commission, un peu complice de cette décision-là, je dois dire que l'interprétation de M. Beauchamp est tout à fait conforme et que c'étaient les mêmes arguments qu'aujourd'hui, effectivement. Mais la différence, c'est que, comme société, on a évolué depuis 10 ans au Québec. Moi, je pense que oui, M. le Président. La société québécoise a évolué beaucoup, beaucoup, ne serait-ce que la multiplication des groupes environnementaux qu'on retrouve partout, partout dans les régions du Québec.

Il y a une conscience environnementale qui existe aujourd'hui, qui n'existait pas il y a 10 ans. Si, à la suite de ces travaux-ci, on n'assistait pas à la mise en vigueur, à la promulgation du paragraphe 2, là ça serait à désespérer. Ça serait à désespérer. Mais, il faut espérer de toute façon que dans un an, un an et demi... Il est possible qu'on retourne, M. le Président, aux affaires. Puis, à ce moment-là, bien, on pourra réparer notre erreur. On pourra réparer notre erreur.

M. Beauchamp, à la fin de votre mémoire là, vous dites: Que des études approfondies soient entreprises sur divers sujets avant de revoir la procédure en profondeur. Mais, ça m'a fait penser aux discussions qu'on a eues aujourd'hui et hier sur les discussions publiques portant sur les projets gouvernementaux, sur les politiques gouvernementales. Avec l'expérience que vous avez, est-ce que vous pouvez nous dessiner un portrait du forum? Est-ce que ça serait le Bureau d'audiences publiques, est-ce que ça serait une commission parlementaire, est-ce que ça serait un nouvel organisme ou un mélange de plusieurs organismes? Qui pourrait tenir ces débats publics et comment?

M. Beauchamp: Premièrement, je mettrais un petit bémol, même si moi aussi je pense qu'on a intérêt à discuter des politiques avant de discuter des projets. Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas parce que vous allez avoir discuté des politiques que le monde ne voudra pas discuter des projets! La raison est bien simple. Consultez-moi donc sur une politique

générale qui s'adresse à l'ensemble du Québec et qui va se produire d'ici trois à cinq ans. Je vais vous dire: Je n'ai pas le temps d'y aller, c'est très intéressant, mais je n'ai pas le temps. Mais, si vous me dites que, demain, les pylônes arrivent dans ma cour, là ça m'intéresse! Par le biais du projet, je cherche toujours à remonter à la politique en me disant: Vous voyez bien que c'est la politique qui n'a pas de bon sens.

Alors, ce n'est pas parce qu'il va y avoir des discussions sur les politiques que les politiques vont être acceptées unanimement, mais ça va donner au gouvernement une forme de légitimité. Juste un exemple, rappelons-nous le fameux débat sur l'énergie promis en 1980 par M. Joron, promis ensuite par son successeur, son nom m'échappe, il a été au Conseil du trésor après.

Des voix: M. Bérubé.

M. Beauchamp: M. Bérubé. Une fois l'élection de 1981 arrivée, M. Bérubé ne se retrouve pas à Énergie et Ressources, c'est M. Duhaime qui se retrouve à Énergie et Ressources. Il prend le débat sur l'énergie et le met de côté. En 1983, je siège à Sherbrooke sur une commission pour une ligne de transport. Première conclusion... Le rapport est signé par moi et par Peter Jacobs. Si, moi, je suis flaillé, Peter l'est moins que moi. La première conclusion à laquelle on arrive, c'est: débat sur l'énergie, parce qu'on n'est plus capable de voir clair dans les dossiers. 1983. En 1987, j'ai dit: Première conclusion sur le dossier de la ligne, de la sixième ligne, débat sur l'énergie. Évidemment, là, maintenant, on arrive dans un cul-de-sac parce que le débat n'a pas été nettoyé et que le monde s'engouffre à chaque fois.

Donc, c'est bon les débats sur les politiques, quelques-uns. Pas tout le temps à la planche, mais quelques-uns, fondamentaux, qui sont cruciaux.

M. Lazure: Vous avez absolument raison. J'ai une deuxième question.

M. Beauchamp: Qui peut les faire, le BAPE? Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauchamp: Le BAPE peut les faire. Le BAPE peut les faire, c'est sûr, sauf que la procédure, telle qu'elle est définie, avec son quatre mois... Vous savez, quatre mois là, pour poser les questions, recevoir les mémoires, et bâtir le dossier, surtout si vous avez à vous promener dans l'ensemble du Québec, c'est infaisable. Alors, là, si vous voulez soumettre les consultations sur les politiques et les grandes orientations au BAPE, il faut mandater par 6 pour extensionner les mandats, pour les faire plus larges que six mois. Oui, le BAPE a une expertise, le BAPE a un équipement là-dessus, il y a une tradition de consultation publique, c'est le bon instrument pour faire ça. Moi, je pense que ce n'est pas nécessairement le seul, mais c'est probablement le meilleur.

M. Lazure: Deuxième question.

Le Président (M. Garon): C'est justement pourquoi il ne faut pas enlever la parole. C'est à cause d'un vieux principe de droit qui dit qu'on ne peut pas donner et retenir en même temps. Comme je vous avais donné la parole, je vous l'ai laissée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Ma deuxième question portait sur...

M. Beauchamp: Je vois que M. le Président est subtil comme toujours!

M. Lazure: Oui. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Sur l'implication précoce du public que vous préconisez comme bien d'autres, et avec laquelle on est d'accord, nous, en tout cas, est-ce que vous pensez que ça demande des changements au règlement actuel ou pas?

M. Beauchamp: Écoutez, si on veut l'appliquer d'une manière obligatoire, oui, ça demande un changement. Si vous le mettez sur une base volontaire, vous n'avez pas besoin de changement puisqu'il n'y a pas d'injustice, les parties conviennent de faire ça. La thèse que je maintiens, moi, c'est que, si vous donnez une chance aux gens de désantagoniser la procédure en se parlant dès le départ et en se parlant en présence d'un tiers neutre...

Hydro-Québec fait des consultations, mais, au bout du processus, le monde veut manger les gens d'Hydro-Québec parce que Hydro-Québec fait la consultation et préside l'assemblée elle-même. Mais, s'il y a un tiers qui est un commissaire mandaté sur un mandat par 6.3 pour un mois, avec les moyens adéquats, vous allez établir des processus de communication avec les acteurs.Vous avez toutes les chances au monde pour que la pression soit moins dure quand arrivera le temps de prendre des décisions à la fin.

M. Lazure: Tout à fait d'accord.

M. Beauchamp: Moi, là-dessus, je pense que c'est une des carences de notre système. C'est qu'il n'y a pas d'éléments pour permettre aux gens de se parler et de se parler d'une manière transparente. J'ajouterais là-dessus que ce n'est

pas un attaché politique, qui conte le diable à quelqu'un, qui fait faire des communications transparentes. Mais, si on peut trouver...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Je le sais. C'est un sage qui parle.

M. Beauchamp: non, non, elle est aux deux niveaux.

M. Lazure: C'est un sage qui parle.

M. Beauchamp: J'ai vu des abus dans les deux systèmes, alors...

M. Lazure: Oui.

M. Beauchamp: ...ça, ce n'est pas grave.

M. Lazure: Ma troisième question, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Je suis sûr que M. Beauchamp peut nous en parler longuement, le mode de nomination du président du BAPE et des membres du Bureau d'audiences publiques.

M. Beauchamp: Non. Écoutez-moi bien. M. Lazure: Allez-y.

M. Beauchamp: S'il y a un gars qui est mal placé pour parler du mode de nomination, c'est moi, puisque je suis un ancien chef de cabinet. Il est donc normal que le gouvernement ait confiance en des gens qu'il connaît. Qu'ils soient d'un parti ou de l'autre, mon opinion fondamentale c'est que c'est la compétence qui doit prévaloir. Quand on m'a nommé, je dois avouer qu'on m'a nommé vite, pour des raisons de circonstances. La fameuse feuille jaune est devenue blanche la même journée, etc.

M. Lazure: Oui.

M. Beauchamp: Dans la mesure où la procédure a été entachée, son image a été ternie à cause de certaines... Je vais vous donner un exemple bête, mais c'est difficile. À un moment donné, il y a un attaché politique d'un comté qui était directement impliqué et qui a été nommé commissaire ad hoc sur un dossier. C'est sûr que, si j'avais été président, ce commissaire-là n'aurait jamais siégé sur ce dossier-là pour une raison bien simple, c'est que le Conseil des ministres ne peut pas nommer un commissaire sur un dossier, ça relève du président. Il peut le nommer comme commissaire ad hoc au Bureau, mais c'est le président qui affecte les gens aux tâches. Par ailleurs, si le ministre Léger ou M. Ouellette avaient nommé un gars en disant: Celui-ci, tu le mets sur tel dossier, je ne sais pas ce que j'aurais fait. Mais voyez-vous, ça, c'est le genre...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Beauchamp: Je ne le sais pas. C'est-à-dire que je pense que j'aurais dit non et que j'aurais gagné mon point. Comprenez-vous? Mais je dois dire qu'à toutes les fois où des commissaires ad hoc ont été nommés dans mon temps ils ont tous été nommés sur ma recommandation. M. Lincoln et M. Ouellette ont accepté toutes mes recommandations. De temps en temps, j'ai vérifié si telle figure était agréable ou pas. Ça, c'est correct. Je peux avoir deux candidats, je peux comprendre qu'on ne veuille pas d'un candidat. Je pourrais donner des noms. Ça veut dire ceci. C'est que je pense que, compte tenu que le discrédit a été jeté sur des petites choses comme ça, des attachés de M. Ryan, des attachés d'un autre, il y a un doute qui est créé. J'aurais tendance à essayer de mettre un petit mécanisme d'annonce ou de vérification, un peu comme on fait aux États-Unis. On annonce qu'on va nommer un tel et on reçoit les commentaires. Si on fait ça et que les commentaires font surgir des informations qu'on n'avait absolument pas devinées... S'il y avait moyen de mettre l'équivalent d'un processus comme ça, ça aiderait.

M. Lazure: Ou commission parlementaire, Assemblée nationale... comme le Protecteur du citoyen. L'environnement et le citoyen, les deux choses sont aussi importantes l'une que l'autre.

M. Beauchamp: Peut-être... M. Lazure: Peut-être...

Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, M. Beauchamp.

M. Beauchamp: Merci, monsieur.

Le Président (M. Garon): Le temps étant dévolu, je vous remercie de votre contribution animée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): Nous suspendons les travaux de la commission pendant quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 41)

(Reprise à 17 h 42)

Le Président (M. Garon): Nous reprenons les

travaux de la commission en invitant les représentants de Lauralco inc, c'est-à-dire M. Philippe Thaure, vice-président, Alumax, et M. José P. Dorais, procureur, à s'approcher de la table des délibérations. Vous avez une demi-heure à votre disposition, c'est-à-dire que, normalement, vous prenez 10 minutes pour faire votre exposé, 10 minutes pour le parti ministériel et 10 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait; ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté en vertu du vieux principe de Lavoisier que rien se se perd, rien ne se crée. À vous, la parole.

Lauralco inc.

M. Thaure (Philippe): Mesdames et messieurs, MM. les députés, d'abord, je tiens à remercier la commission de me permettre d'expliquer de vive voix et de raconter un petit peu ce que nous avons vécu pendant la construction de Lauralco. Je suis vice-président d'Alumax. Je suis responsable au niveau corporatif pour le projet de Lauralco. Donc, s'il y a des choses qui ne vont pas, j'en suis responsable; des choses qui vont bien aussi, j'en prends le bénéfice.

J'ai eu le privilège, à travers ma carrière, de construire des usines, pas forcément des mégaprojets, pas forcément des usines d'alumine-rie, mais d'autres usines aussi, dans différents pays. Donc, j'ai acquis, si vous voulez, une expérience en Australie, en Europe, aux États-Unis sur les problèmes, disons, de permis et aussi les problèmes de relations pendant la construction d'une large usine.

Je dois, je crois, attirer l'attention de la commission sur le fait qu'il n'y a pas d'investissement possible sans un certain avantage stratégique et que les règlements que nous devons suivre, quand nous faisons un investissement, doivent être établis en fonction de ces avantages stratégiques.

Je crois que les mégaprojets qui sont, la plupart du temps, l'oeuvre d'une ou plusieurs sociétés multinationales ont tous les mêmes caractéristiques. Il y a, dans une société nationale, à cause de la publicité qu'elle retient, une volonté de se comporter comme un bon citoyen. En bon citoyen, nous voulons protéger l'environnement. Il y a toujours une volonté de protéger l'environnement et d'utiliser les meilleures technologies. Nous ne pouvons pas - nous et nos collègues - agir de telle sorte que nous n'utilisions pas les meilleures technologies.

Il y a toujours, quand on décide - puisqu'on fait des choix à travers le monde suivant les règles d'opportunité - une crainte de l'inconnu, si vous voulez. Quand nous faisons un gros projet, que nous investissons 1 000 000 000 $, nous devons faire des hypothèses sur le marché à l'avenir. Nous devons faire aussi un certain nombre d'hypothèses sur le projet lui-même.

Ce que nous n'aimons pas: nous n'aimons pas l'inconnu. Donc, nous aimons bien que les règles du jeu soient bien établies et que ces règles ne changent pas durant le projet. Nous sommes amenés, si vous voulez... Par exemple, sur le projet de Lauralco, nous avons 200 contrats différents, nous avons 400 contrats d'achat. Il faut mener tout ça, pendant une période de deux ans, à la queue leu leu, dans un ordre très strict. Sans ça, nous avons un tas de problèmes, pas seulement nous, mais les gens qui travaillent pour nous. Ce que nous voulons, c'est que les bases et les règles du jeu soient fermement établies.

Vous avez certainement lu le mémoire. Il y a quatre choses que nous souhaiterions et que nous pensons qui seraient bonnes pour le Québec. Nous avons eu un certain nombre de difficultés. Fort heureusement, nous avons été capables de les résoudre avec, d'ailleurs, l'aide des Québécois. Il y a eu quelques petits problèmes sérieux. J'ai passé quelques nuits blanches, mais, enfin, tout s'est résolu.

Le premier point, c'est qu'il faut que les procédures d'évaluation et d'examen soient raccourcies et simplifiées et qu'elles aient un échéancier fixe. Si vous voulez, quand on s'adresse à des problèmes... Tous les problèmes que l'on a avec le ministère de l'Environnement sont toujours les mêmes. Les règles sont assez souples et il n'y a pas toujours des échéanciers fixes. D'ailleurs, dans les problèmes politiques, de manière générale, il n'y a que le ministère des finances et des impôts qui a des échéanciers fixes. Tout le reste, ça se promène, on n'a pas le temps, on n'a pas eu les pouvoirs, etc. Je crois que c'est une chose qui est excessivement importante.

Les règles de procédure des audiences publiques, je crois, doivent être honnêtes, courageuses, claires et elles doivent permettre à tout le monde de s'exprimer, y compris le promoteur. Il faut, je crois, donner à peu près le même temps à toutes les parties pour s'exprimer. Il ne faut pas qu'il y ait une tendance à ce qu'un mouvement quelconque puisse, par exemple, monopoliser les séances publiques alors qu'il représente, en général, ou peut représenter une fraction très faible sur la source de ses intérêts. Ces mégaprojets sont des projets qui vont soulever toujours de la controverse, c'est un fait certain, ce n'est pas possible autrement. Disons que l'opposition se limite à quelques pour cent des gens pour que la majorité, puisque nous sommes dans une démocratie et que c'est la règle de la majorité, puisse en bénéficier.

Le troisième point, si vous voulez, nous souhaiterions et nous n'avons aucune objection à ce que ces grands projets industriels soient sujets à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Comme je vous l'ai dit, j'ai vécu dans des pays de droit anglo-

saxon, l'Australie et les États-Unis, où il y a des "public hearings" pour définir ces grands projets, dans des pays de droit romain, en France, etc., où c'est beaucoup plus limité. La puissance administrative ou la puissance bureaucratique est telle que c'est la bureaucratie qui décide ce qui est bon et ce qui n'est pas bon, disons, le facteur politique étant beaucoup moins important.

Je crois que le dernier point qui est un point technique, mais qui est un point important parce que ça nous a coûté beaucoup d'argent, beaucoup de temps et, finalement, d'argent aux contribuables québécois, c'est de ne pas imposer d'avoir des plans de détail d'une usine soumis au MENVIQ pour être revus par les ingénieurs du MENVIQ.

Un projet comme le nôtre comporte, avec les dessins des vendeurs, quelque chose comme 10 000 dessins. La plupart sont inutiles pour comprendre ce qui se passe du point de vue de la protection de l'environnement, du point de vue, par exemple, de l'écoulement des eaux ou du point de vue du rejet des fumées, etc. Il faut, je crois, simplement sur la base d'un engineering de base, pouvoir déterminer si un projet est, disons, satisfaisant ou n'est pas satisfaisant.

Voilà, si vous voulez, les quatres points que nous nous permettons de soulever. Je vous l'ai dit, j'ai eu beaucoup d'expériences dans beaucoup de pays différents. Nous sommes, je crois, si vous voulez, ouverts. Nous n'avons pas peur des audiences publiques. L'essentiel, c'est qu'elles soient faites dans un échéancier donné et qu'elles soient menées, comme le ministère des impôts ou des finances, avec des dates précises. Pour que les choses puissent avancer, il ne faut pas que nous nous trouvions d'un seul coup bloqués dans un univers kafkaïen dont on n'arrive absolument plus à se sortir parce qu'il y a des règlements dans tous les sens qui nous bloquent.

Mesdames et messieurs, voilà ce que j'avais à vous dire et je serais très heureux de répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci beaucoup, M. Thaure. Pour vous situer, mon comté est sur la Côte-Nord.

M. Thaure: Oui.

M. Maltais: Alors, en tout premier lieu, j'aimerais vous remercier d'être ici avec nous. Vous n'êtes pas des gens inconnus, Lauralco, pour les députés...

Une voix: Pour la commission.

M. Maltais: ...pour la commission et pour les députés aussi, car nous avons dû passer quelques nuits blanches pour vous remettre sur la bonne ligne, pour vous permettre de reconduire votre projet important économiquement, nécessaire au Québec pour son développement.

J'aimerais, bien sûr, saluer en vous cette grande expertise des mègaprojets internationaux. Ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de recevoir une personne aussi compétente, avec une aussi vaste expérience. Vous allez faire profiter l'ensemble des Québécois, j'en suis sûr, des connaissances que vous avez acquises dans toutes les parties du monde.

Le problème de Lauralco est un problème, en tout cas, qui, pour les parlementaires, a été un problème aigu. Nous sommes d'accord, en principe et au départ, sur les recommandations que vous nous faites. Nous sommes, comme parlementaires, en tout cas du côté gouvernemental, totalement d'accord.

Mais avant d'élaborer plus loin, j'aimerais vous rappeler aussi que le gouvernement peut avoir ses torts, que la société québécoise peut avoir ses torts, il est vrai. Mais moi, ce qui me chicote, et je profite de l'occasion pour vous le souligner bien humblement, c'est que, dans mon comté, on a construit pour 5 000 000 000 $ d'alumineries, dans ma région, dont Reynolds à Baie-Comeau qui produit 600 tonnes d'aluminium, c'est-à-dire trois fois gros comme Lauralco, et Alouette qui est en train de se construire, quelque chose comme 250 ou 300 tonnes, ce qui est un petit peu plus gros que chez vous aussi. Nous n'avons pas eu ces petits problèmes. Nous n'avons pas eu de nuits blanches à passer.

Sans accuser Lauralco de ne pas avoir bien fait ses devoirs - et ça, jamais je n'irai jusqu'à le dire - la façon dont elle a fait ses devoirs, peut-être pas la compagnie, mais les gens qui l'entouraient... Sans être méchant avec personne, le travail a été... À notre égard, comme membres de l'Assemblée nationale et députés, si vous voulez avoir une note, nous vous donnons zéro. Nous n'y allons pas par quatre chemins parce que c'est nous qui avons dû en subir les affres à cause de gens qui n'ont pas, à notre avis, bien rempli leurs devoirs, que vous aviez conviés et payés.

Lorsque l'Assemblée nationale est obligée de passer trois projets de loi pour implanter une aluminerie au Québec, c'est qu'il y a quelqu'un en quelque part dans l'engrenage qui n'a pas fait sa job. Quand l'Assemblée nationale est obligée de faire des dérogations au zonage agricole, à deux reprises, c'est qu'il y a quelqu'un en quelque part dans l'engrenage qui n'a pas fait sa job. Je ne veux pas dire que c'est vous, M. Thaure. Vous êtes un homme au-dessus de ces choses-là, mais vos subalternes ont travaillé comme des pieds, excusez l'expression. C'est une expression québécoise.

Comme parlementaires, nous ne voulons plus que ça se reproduise. Autant vous, ça vous a

coûté de l'argent, autant nous, ça nous a coûté des plumes. Nous sommes conscients... Le Québec est ouvert aux mégaprojets dans la mesure où c'est fait selon la compréhension des gens du Québec et aussi selon vos intérêts. Vous êtes des gens d'affaires qui brassez de l'argent et l'objectif, en venant au Québec, ce n'est pas de perdre de l'argent. Ce serait faux de dire ça. Vous voulez, bien sûr, profiter de certains avantages que le Québec offre et nous sommes fiers de vous accueillir en vous offrant ces avantages. Nous sommes fiers aussi d'accueillir les emplois que vous créez, mais nous ne sommes pas fiers de la façon dont certaines des personnes à qui vous aviez confié des responsabilités ont travaillé.

Je me permettrais de relever - parce que, votre mémoire, vous y avez contribué, mais vous y avez contribué avec certains de vos professionnels que vous avez, j'imagine, honorablement bien payés - des erreurs de fond. Autant vous avez dit, monsieur Thaure, qu'il y a eu des erreurs de la part du gouvernement, autant je pense qu'il y en a eu chez vous. Lorsqu'on accuse, par exemple, le ministre d'avoir pris quatre mois à signer un avis, alors qu'il a été signé dans quatre jours, c'est faux, M. Thaure. Vos professionnels, les gens qui vous ont rapporté ces faits, il y a quelqu'un qui ne vous a pas dit toute la vérité à quelque part dans l'engrenage.

Ce que je veux vous dire, du côté du gouvernement, c'est que nous sommes prêts à faire les sacrifices qui s'imposent comme société. Nous sommes un peuple d'ouverture pour les mégaprojets parce qu'on en a besoin pour se développer et nous les aimons. Alouette, à Sept-îles, est très bien traitée par la population de Sept-îles et elle traite très bien la population. Reynolds, à Baie-Comeau, est une compagnie qui traite très bien les gens de Baie-Comeau et, en contrepartie, elle est très bien traitée par les gens de Baie-Comeau. ABI à Bécancour. Vous en avez d'autres succcursales au Québec, Alumax. Vous avez rencontré partout une collaboration continuelle; vous avez même rencontré des syndicats complaisants; vous avez même rencontré des gouvernements qui ont été prêts à faire des petits accrocs à la procédure normale pour aider, au Québec, ces mégaprojets parce que nous sommes conscients de leur nécessité.

En contrepartie, ce que nous demandons, c'est, lorsque des gens aussi importants que votre compagnie investissent chez nous, de vous assurer que les mandats que vous donnez aux personnes pour vous représenter... C'est peut-être eux autres de temps en temps. Au lieu de botter toujours le même derrière, c'est-à-dire le gouvernement, bottez quelqu'un à qui vous avez confié un mandat et qui est grassement payé.

Il n'y a pas personne qui a fait de discours plus percutants que moi pendant des nuits pour que Lauralco soit installée et qu'on déroge aux lois, par-dessus lesquelles on a passé. Relevez les galées! D'ailleurs, je vous en ai fait parvenir une copie; je ne sais pas si vos subalternes vous l'ont donnée. C'est parce que je croyais à la nécessité et au bien-fondé des emplois dans Portneuf. Mais, je n'étais pas de bonne humeur de la façon dont les professionnels nous ont fait veiller. Et vous êtes les seuls, au Québec, qui avez eu autant de dérogations à la loi pour implanter un projet. Voilà! Merci beaucoup, et je le dis sans amertume. Je dis la vérité telle que les parlementaires l'ont vécue.

M. Thaure: J'en prends note et je suis heureux de vos commentaires. C'est la première fois que l'on fait ce genre de commentaires, si vous voulez. Je suis très heureux...

M. Maltais: Vous savez, je suis un peu spécial.

M. Thaure: Je crois qu'il ne faut pas regarder, si vous voulez, le passé, la commission doit se pencher sur l'avenir. Il y a eu des difficultés à Lauralco, vous avez certainement une opinion sur la raison de ces difficultés; j'ai moi-même une opinion sur la raison de ces difficultés. Nous avons mené, je crois, enfin je vous explique franchement, un projet d'une façon excessivement rapide, avec des données qui n'étaient pas toujours prêtes. Nous avons été amenés, disons, à préparer le champ de bataille au fur et à mesure que la bataille se déroulait.

Mais, je crois que nous avons essayé de faire ça d'une façon très honnête et nous avons, si vous voulez... Je crois que nous sommes en train de réussir. Nous n'employons que des gens de la région de Portneuf. Nous avons développé un grand programme de formation et d'éducation. Nous regardons cela, disons, avec un oeil très favorable et nous sommes, pour l'instant, très satisfaits du déroulement de notre projet. Je crois qu'il faut regarder l'avenir et qu'il ne faut pas que ce genre de choses se reproduise. Quand vous vous installez dans un parc industriel et que vous découvrez que le parc industriel n'existe pas, eh bien! ça crée des problèmes. Il faut expatrier des gens, il faut faire un certain nombre de choses et ça pose des problèmes. Ça ne devrait pas, ça ne devrait pas, les choses devraient se dérouler d'une façon naturelle. Laissons les questions de détails. Je ne sais pas si les chiffres qui ont été donnés dans le mémoire sont exacts, mais, enfin, M. Lundahl, qui est l'expert, s'il y a des questions techniques, pourrait certainement vous répondre, M. le député. (18 heures)

M. Maltais: C'est à vous, M. Thaure, que je veux m'adresser.

M. Thaure: Oui.

M. Maltais: Vous, on ne vous a pas vu en commission parlementaire, on ne vous a pas vu à l'Assemblée nationale, mais c'est à vous qu'on aurait aimé parler à cette époque, dommage. Je vous comprends, vous aviez d'autres chats à fouetter. Ce que je veux bien vous dire, c'est que nous n'avons pas aimé le passé, mais nous sommes là pour nous corriger, aussi, autant le gouvernement qui a mal fart ses devoirs - nous prenons la partie du blâme qui nous revient, nous le prenons comme société aussi - autant les gens de l'Opposition que les gens du pouvoir. On l'a constaté. C'est exactement pour ça qu'on a fait cette commission parlementaire, et nous sommes heureux que vous veniez témoigner devant nous. C'est pour ça, pour nous corriger. Vos quatre points, on n'en discute pas. On est totalement d'accord avec vous pour l'avenir.

M. Thaure: Voilà, oui.

M. Maltais: Lorsque j'ai lu votre mémoire, c'est que vous m'avez référé malgré moi au passé. Sur le passé, j'avais quelque chose à dire et j'ai profité de l'occasion. Je vous félicite aussi pour la façon dont vous avez parlé de l'emploi des gens de Portneuf. Disons que vous l'avez fait surtout au niveau des programmes de formation. Vous êtes une des premières qui se lancent à former l'emploi régional. Ce que vous faites bien, on doit vous le dire avec beaucoup de béatitude. J'espère que vous allez continuer dans ce domaine-là et que vous allez être un initiateur pour les autres grandes entreprises qui viendront au Québec, pour qu'elles se servent des gens des régions au lieu d'importer continuellement une main-d'oeuvre qui, souvent, rend un petit peu en marge la population locale. Au lieu de faire venir vos experts, vous avez décidé de les former. Vous avez tout notre appui et toute notre admiration là-dedans. Alors, je vous remercie, il ne me reste plus de temps. Je cède la parole à mon ami, M. le député de La Prairie.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition, je souhaite la bienvenue à M. Thaure et à ses collègues.

M. Thaure: Merci bien.

M. Lazure: Je dois dire que je souscris aux propos du député de Saguenay. Il a son ton, j'ai mon ton, mais le fond de ses propos, j'y souscris, parce que nous avons effectivement été désappointés, déçus en commission parlementaire sur les préparatifs. Je me souviens, par exemple, de toute la question du dézonage agricole qui était impliquée dans ça et qui aurait pu être évitée. Au fond, c'est peut-être aussi le choix du site parce qu'on ne peut pas s'empêcher - je vais prendre juste deux minutes sur le passé... Mais le choix du site, ce n'est pas de votre faute, M. Thaure. Alors là. II y a peut-être un partage de blâme. C'est le comté de Portneuf, bon. C'est un beau comté, le comté de Portneuf. Il fallait à un moment donné que quelqu'un décide où allait être construite cette aluminerie. Ce n'était peut-être pas le site idéal, le comté de Portneuf, étant donné surtout qu'il n'y avait pas de parc industriel à ce moment-là, vous le dites vous-même.

Mais, il y a eu beaucoup d'erreurs aux différentes étapes de la préparation du projet. Je ne me rappelle pas si c'était SNC ou Lavalin, peu importe, mais on a été très critique - c'était Lavalin - si vous lisez les remarques qu'on a faites lors de la commission parlementaire, avant même le projet de loi, là. Bref, je ne veux pas y revenir.

M. Thaure: On pourrait y revenir parce que c'est un problème très intéressant. Si on avait le temps, on pourrait élaborer. J'ai travaillé chez Pechiney avant et c'est moi qui ai pris le site d'ABI. Alors, je connais toute l'histoire des deux côtés. Au moins, ce qui est très bien au Québec, que ce soient les péquistes au gouvernement ou les autres, c'est que l'approche est toujours la même. Je crois que c'est très bien pour choisir un Investissement industriel.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: M. le Président, je voudrais demander à M. Thaure ce qu'il veut dire exactement quand il dit que l'approche est la même?

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Ça inquiète le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui. Parlez-vous de l'approche des fonctionnaires ou des politiciens?

M. Thaure: Non, mais, si on veut faire des investissements, il n'y a qu'une voie possible, il faut utiliser les avantages que le Québec possède. L'approche, elle, elle se fait la plupart du temps par l'intermédiaire d'Hydro-Québec, par l'intermédiaire du ministère du développement économique, de la même manière, avec des sites industriels préétablis. Le site de Deschambault, je l'ai vu pour la première fois avant de voir le site d'ABI. Je pense que c'est une très bonne approche. Il y a les disponibilités de main-d'oeuvre, de construction et de... C'est logique, c'est une... Vous devez être félicités parce que j'ai vu les mêmes problèmes en Australie, les mêmes problèmes en France ou aux États-Unis. Ils sont bien moins structurés, moins étudiés, moins approfondis, plus politiques. C'est presque, pratiquement, une approche apolitique et je trouve que c'est

très bien. ¦ M. Lazure: c'est dans la partie apolitique, par conséquent, que vous voyez des ressemblances entre les deux partis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Ça, ça me va. Mais vos quatre recommandations, nous aussi ça nous va, sauf la quatrième. Pour la quatrième, moi, j'ai des questions quand même à poser.

M. Thaure: A l'article 22?

M. Lazure: Oui, c'est ça. "Modifier l'article 22 (...) de manière à ce que les certificats d'autorisation puissent être émis sans que les plans d'ingénierie de détail n'aient à être soumis. Pour cela, il pourrait être nécessaire de donner le pouvoir au ministre de l'Environnement d'imposer des conditions aux promoteurs dans les certificats d'autorisation." Pouvez-vous élaborer un peu?

M. Thaure: Pardon?

M. Lazure: Pouvez-vous élaborer un peu?

M. Thaure: Ah bien! c'est ce que je viens de dire, si vous voulez. Quand vous partez sur un projet, ce que vous appelez un mégaprojet, ceci comporte énormément de plans. On a un engineering de base qui est fait, qui représente peut-être 200 à 300 plans, et, ensuite, on procède avec l'engineering de détail. Cet engineering de détail ne peut être fait que lorsque le projet est en route parce que nous dépendons des vendeurs, des contracteurs locaux qui nous disent: Ah! on peut faire ça, on ne peut pas faire ça. On peut vous donner tel genre de machine, mais cette machine, on ne la fait plus. C'est une nouvelle machine, elle est plus grosse, çà change les plans de génie civil, etc.

Donc, cet engineering de détail ne peut se faire que lorsque le projet avance. Par contre, si vous voulez, les principes de base sont arrêtés dans l'engineering de base, et cet engineering de base vous donne les grandes règles, les grandes lignes, les lignes directrices et la manière dont l'usine va être construite, la manière dont les fumées vont être traitées, la manière dont les eaux vont être recyclées, etc.

Alors, l'idée c'est de dire: Bon, bien, basé sur ces schémas de principe, oui, on peut vous donner un permis, mais on veut s'assurer que, si vous avez dit que la quantité d'eau est de tant de mètres cubes à l'heure, bien, c'est tant de mètres cubes à l'heure, plus ou moins 5 %, qu'il ne va pas y avoir de variance ou alors, s'il y a une demande de variance, que ça soit fait d'une façon officielle.

Je crois, si vous voulez... S'il faut aller chercher 11 permis pour construire une usine, chaque permis demandant de longues séances, ça n'est absolument pas utile. Ça n'apporte rien. Au contraire, je crois que l'on se perd dans les détails et qu'on ne voit plus, disons... On voit les arbres, mais on ne voit plus la forêt.

M. Lazure: Moi, je pense que, M. le Président...

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: ...l'expression... Tout réside dans l'interprétation du mot "détail", plan d'ingénierie de détail. Qu'est-ce qui sera considéré plan d'ingénierie de détail par rapport au plan d'ingénierie de base? On peut concevoir que certains plans d'ingénierie de détail, très détaillés, puissent ne pas être exigés avant le certificat d'autorisation. Mais, c'est dangereux, c'est une pente assez glissante. Qu'est-ce qui arriverait s'il y avait émission du certificat d'autorisation sur la base des plans généraux, et non pas des plans de détail, et que, par la suite, il y avait des erreurs graves commises?

M. Thaure: Bien, à ce moment-là, si vous laissez... si une variance n'a pas été demandée par rapport à ce que la société s'était engagée à faire, il faut prendre des mesures correctives.

M. Lazure: Ce que vous recommandez là, est-ce que c'est... À votre connaissance, on peut retrouver ça aux États-Unis dans certains états ou au Canada? L'expérience internationale que vous avez...

M. Thaure: L'expérience, si vous voulez, le Québec est le seul "pays" du monde où il faut fournir des plans de détail. Même les Australiens, qui sont très ennuyeux, ne demandent pas de plans de détail. Ils vont sur des plans de base avec des objectifs. Il faut se donner des objectifs. Il faut dire: Nous allons recirculer, retraiter les eaux. Nous allons avoir une émission limitée à tant de particules par million, etc. Voilà! Ce sont des objectifs qu'il faut se donner et, ensuite, disons, le MENVIQ ou l'organisme équivalent a des inspecteurs qui viennent d'une manière régulière voir si vous respectez les règles, ce qui me paraît tout à fait normal, quoi.

M. Lazure: Je retiens que le Québec est le seul "pays" du monde... Ça, ça me fait plaisir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Thaure: Je l'ai fait volontairement, M. le député.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: en tout cas, de ce côté-ci, on ne dit pas non à la quatrième recommandation, mais ça serait à étudier de très près parce que tout réside dans la notion de ce qui est détail ou pas détail. mais ceci étant dit, nous sommes d'accord avec vous qu'il faut raccourcir les délais dans les procédures de...

M. Dufour: M. le Président, peut-être que j'aurais une petite question.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière, il vous reste...

M. Dufour: On pourrait en ajouter beaucoup parce qu'on...

Le Président (M. Garon): ...1 minute 15 secondes.

M. Dufour: ...a vécu tout ça. Supposons, par exemple, que, pour les normes environnementales concernant la pollution, les particules par million, etc., ce n'est pas respecté après la mise en marche. Comment verriez-vous, comme compagnie... parce que là, le gouvernement va être pris dans un dilemme aussi.

M. Thaure: Oui.

M. Dufour: II y a des coûts. Les coûts ont été respectés et, là, il y a des erreurs qui se sont produites. Comment verriez-vous l'ingérence ou l'attitude gouvernementale par rapport à ça?

M. Thaure: M. le député, il faut savoir si on peut le corriger ou pas et quelles sont les raisons. Le ministère des armées a ce problème d'une manière régulière ou l'aviation. Il commande un avion, il a une liste de performances et, quand l'avion vole, il n'obtient pas les performances. Alors, qu'est-ce qu'on fait, à ce moment-là? Il faut essayer de les corriger et de voir pour quelles raisons ceci s'est passé. Les usines d'aluminium, nous sommes dans un univers bien connu. Toutes les usines d'aluminium du monde marchent de la même manière. Le procédé a 105 ans, il n'a jamais été amélioré et il est connu vraiment de la cave au grenier, du grenier à la cave. On ne doit pas avoir ce problème. Par contre, vous pouvez avoir le problème avec des industries chimiques, avec des industries de pointe où les processus ne sont pas bien connus et pas bien établis. À ce moment-là, il faut essayer de corriger. Si on ne peut pas corriger et si le problème est tel que... Bien, tant pis! C'est une erreur. Il faut arrêter si ça dépasse un certain nombre de bornes.

M. Dufour: Vous allez jusque-là? O.K.

Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, M. Thaure, ainsi que les gens qui vous accompagnent, de la présentation que vous avez faite à la commission. Le temps dévolu étant écoulé, j'ajourne maintenant les travaux de la commission à demain matin, jeudi, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 14)

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