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(Quatorze heures six minutes)
Le Président (M. Garon): Je déclare la commission
de l'aménagement et des équipements ouverte. Rappelons le mandat
de la commission qui est de poursuivre les audiences publiques dans le cadre de
la consultation générale sur l'étude de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement et sa portée, notamment en ce qui a trait aux grands
projets industriels et aux projets concernant la disposition des déchets
solides domestiques, et cela en tenant compte de la procédure
québécoise actuelle, du rapport Lacoste, de la procédure
ontarienne et de la procédure suggérée par le gouvernement
fédéral. M. le secrétaire, est-ce qu'il y a lieu
d'annoncer des remplacements?
Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun
remplacement.
Le Président (M. Garon): Bon, enfin, ceux qui ont des
responsabilités les assument. Alors, l'horaire de la journée:
à 14 heures nous devons entendre Hydro-Québec; à 15 heures
le mouvement STOP; à 16 heures l'Association canadienne des fabricants
de produits chimiques; à 17 heures l'Association
québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique de
Lanaudière; à 17 h 30 l'Association des industries
forestières du Québec; à 20 heures, après la
suspension pour dîner, l'Association professionnelle des
ingénieurs du gouvernement du Québec; à 21 heures Canards
Illimités Canada; et à 21 h 30 le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec, par la voix de ses représentants,
Alors, je vais dire immédiatement aux gens d'Hydro-Québec
qui sont à la table des délibérations qu'ils ont une heure
à leur disposition, ce qui veut dire, normalement, 20 minutes pour la
présentation de leur mémoire, 20 minutes pour le parti
ministériel et 20 minutes pour le parti de l'Opposition. Si vous en
prenez plus, les minutes que vous prendrez en plus leur seront soustraites
également. Si vous prenez moins de 20 minutes, le temps que vous aurez
pris en moins leur sera ajouté dans la même proportion,
également.
Alors, M. le représentant, M. Daniel Du-beau, si vous voulez nous
présenter les gens qui vous accompagnent.
Hydro-Québec
M. Dubeau (Daniel): Oui, M. le Président, mon nom est
Daniel Dubeau, vice-président environnement à
Hydro-Québec. Je suis accompagné cet après-midi de Me
Danielle Piette, qui est conseillère en autorisation gouvernementale et
de M. Gaétan Guertin, qui est directeur des études d'impact
à la vice-présidence environnement d'Hydro-Québec. Au nom
de la direction d'Hydro-Québec, j'aimerais remercier la commission de
l'opportunité qui nous est offerte de présenter verbalement nos
principaux commentaires et nos principales recommandations relativement
à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement. D'ailleurs, Hydro-Québec a déjà eu
l'occasion de présenter son point de vue à quelques occasions
auparavant, notamment lors de la consultation du Comité de
révision de la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts environnementaux qui a mené au rapport Lacoste.
L'entreprise croit que sa participation aux travaux de la commission est
d'autant plus pertinente que, depuis 1978, 62 de ses projets, dont plusieurs
sont encore à l'étude, ont été assujettis à
la procédure. Jusqu'à maintenant, sept projets
d'Hydro-Québec ont fait l'objet d'audiences publiques du BAPE. Aussi,
pour le bénéfice du public qui suit les travaux de cette
commission, je signale que la procédure dont il est question devant la
présente commission n'est pas celle qui s'applique aux territoires
régis par la Convention de la Baie James et du Nord
québécois.
Je n'ai pas l'intention de reprendre aujourd'hui chacun des
éléments présentés dans le mémoire
d'Hydro-Québec. Je désire plutôt attirer l'attention des
membres de la commission sur certains points qui me semblent les plus
importants.
C'est au cours de la dernière décennie que le
Québec s'est doté d'une procédure d'évaluation et
d'examen des impacts sur l'environnement. Cette procédure lui est propre
et se distingue des procédures en vigueur en Amérique et en
Europe, notamment par son caractère non judiciaire. Elle constitue un
des moyens essentiels dont s'est doté le Québec, afin d'assumer
ses responsabilités en matière d'environnement dans le cas de
certains grands projets de développement et d'en assurer l'examen
public.
C'est bien sûr au gouvernement du Québec qu'il appartient
de protéger et de valoriser ses Institutions en matière de
protection de l'environnement. Hydro-Québec est d'avis qu'il ne faut pas
craindre d'y apporter des modifications de façon
régulière, afin de les adapter à l'évolution des
besoins ou de les améliorer à la lumière de
l'expérience.
Selon nous, le Québec doit continuer à jouer pleinement
son rôle en matière de protection de l'environnement pour les
projets relevant
de sa compétence. À ce titre, la sauvegarde de la
compétence décisionnelle du Québec passe avant tout par la
qualité de ses institutions de protection de l'environnement. De
façon générale, l'expérience démontre
qu'appliquée avec sérieux la procédure d'évaluation
des impacts sur l'environnement du Québec est un outil qui comporte des
avantages indéniables sur les pians social et environnemental. Rigueur
méthodologique, largeur de l'approche, accès du public aux
études préparées par le promoteur et à l'ensemble
de la documentation, participation possible de la population à des
audiences publiques et, enfin, pouvoir décisionnel du gouvernement sont
autant de points forts qu'il est fondamental de préserver.
Cependant, l'expérience enseigne aussi que certains
éléments liés au concept sous-jacent de la
procédure n'ont pas résisté à l'épreuve du
temps. D'abord, la ligne directe que le gouvernement voulait établir
entre les citoyens et lui-même par le biais de cette procédure ne
semble pas répondre aux attentes. Telle qu'elle a été mise
en oeuvre, la procédure s'est révélée passablement
plus complexe que prévu, et la ligne directe n'est garantie qu'avec
certains groupes ou individus majoritairement opposés à un
projet.
Par ailleurs, il faut cesser de se leurrer - et c'est notre second
constat - la procédure fondée sur l'étude d'impact,
même la plus rigoureuse, n'est pas une science exacte dont la conclusion
incontournable serait la réalisation ou l'abandon d'un projet.
Malgré les avantages indéniables de l'approche
québécoise, plusieurs réaménagements doivent
être envisagés selon l'analyse des besoins des publics et des
promoteurs.
Je passerai maintenant brièvement en revue les plus importants
des réaménagements que propose Hydro-Québec. Notre
première recommandation est de permettre, voire d'exiger, que les
directives du ministre de l'Environnement du Québec soient
ciblées sur les véritables enjeux environnementaux des projets.
Ceci nous semble essentiel. Nous sommes d'avis que les directives doivent
cesser d'être de fastidieuses listes d'exigences qui se veulent
exhaustives. En pratique, il en découle d'interminables
énuméra-tions d'inventaires à réaliser sans qu'on
ne sente d'effort préalable pour distinguer l'essentiel de
l'accessoire.
De plus, les études d'impact et les rapports de suivi
environnemental s'accumulent année après année sans qu'ils
ne soient reconnus comme expérience vécue pouvant contribuer
à l'acquisition de connaissances nouvelles. En effet, on exige encore
trop d'efforts pour les inventaires et les activités de routine. Bref,
s'il est une carence vraiment sérieuse à souligner, c'est bien
cette absence d'orientation vers les véritables enjeux des exigences des
directives.
Hydro-Québec est d'avis que le ministère de
l'Environnement et les autres ministères concernés, parties aux
consultations interministérielles, doivent revoir leur pratique actuelle
afin de ramener l'objet des directives aux véritables enjeux
environnementaux des projets. HydroQuébec ne croit pas qu'il soit
nécessaire d'ajouter à la procédure actuelle une
étape supplémentaire de consultation publique relative au contenu
des directives. Les précédents dans ce domaine illustrent
éloquemment à quel point cette pratique alourdit et prolonge
inutilement un processus déjà bien assez complexe.
Expérience à l'appui, Hydro-Québec est d'avis que les
études d'impact ont tendance à surévaluer les impacts
négatifs appréhendés.
Aussi, on ne peut demander à un promoteur de répondre,
à l'intérieur d'une étude d'impact, à toutes les
craintes environnementales formulées sur une base individuelle.
Dès lors, il est essentiel qu'une expertise s'exerce afin de
déterminer exactement quelles sont, dans l'état des
connaissances, les questions qui méritent d'être approfondies et
qu'on y investisse les efforts et les coûts qu'elles impliquent. Les
experts se retrouvent au sein des ministères et organismes
gouvernementaux concernés. La procédure actuelle prévoit
déjà des mécanismes qui permettent de considérer
les questions de détail techniques et environnementales d'un projet lors
de l'émission des certificats d'autorisation en vertu de l'article
22.
À ce moment, le ministre de l'Environnement s'assure que les
plans et devis sont conformes à l'étude d'impact et aux lois et
règlements à caractère normatif. Ces certificats sont
octroyés par ce dernier après l'émission du décret
autorisant la réalisation d'un projet majeur. La surveillance
environnementale lors de la réalisation d'un projet permet
également d'intervenir. J'en finirai avec cette première
recommandation par quelques remarques sur les effets environnementaux
cumulatifs. (14 h 15)
Aucun organisme n'a encore réussi à mettre au point une
méthodologie d'étude des impacts cumulatifs reconnue par la
communauté scientifique. Entre autres, certaines compagnies
d'électricité réfléchissent à la question
mais rien de concret n'est encore au point. Quoique Hydro-Québec soit un
pionnier en ce domaine, elle en est encore au stade embryonnaire et il serait
téméraire de croire qu'on puisse, du jour au lendemain, exiger
d'un promoteur qu'il réalise, pour fins d'autorisation d'un projet
spécifique, une étude des impacts cumulatifs de ces projets sur
l'ensemble du territoire. Il y a des dangers à croire que l'étude
des impacts cumulatifs à grande échelle permettrait de garantir
l'acceptabilité environnementale d'un projet donné.
Certains tenants de l'Immobilisme en matière de
développement ont trouvé là une nouvelle source de
controverse. Vous conviendrez avec moi qu'il peut être ardu
d'établir entre
spécialistes scientifiques un protocole de recherche qui soit
acceptable à la majorité. Je crains qu'il faille encore plusieurs
années avant que n'émerge une méthodologie
crédible. Lorsqu'on aura enfin mis au point un protocole acceptable,
encore faudra-t-il, par la suite, se doter des outils informatiques et autres
qui permettront non seulement de distinguer et de reconnaître les impacts
cumulatifs, mais aussi de les calibrer de façon acceptable.
On remarquera, en passant, que les choses sont d'autant plus
compliquées que les impacts cumulatifs, si on veut être logiques,
ne résultent pas d'un projet à l'échelle régionale
mais bien d'un ensemble de projets à l'échelle d'un territoire
plus vaste encore. D'ailleurs, tout ce que le promoteur d'un projet
donné pourrait faire, c'est de tenter d'analyser quelle est la part de
son action à l'impact global lorsque ce dernier est connu et qu'il est
possible de le mesurer. D'expérience, nous savons qu'un promoteur a
cependant rarement accès aux données des autres promoteurs.
D'autre part, on sait que ni le gouvernement du Québec, ni le
gouvernement du Canada ne sont outillés pour fournir toute la
matière première, l'ensemble des informations de base pour qu'un
promoteur puisse entamer une telle étude.
Notre seconde recommandation veut que la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement tienne compte
des autres consultations et décisions du gouvernement. À titre
d'exemple, les décisions du gouvernement concernant les orientations et
les stratégies contenues dans le plan de développement
d'Hydre-Québec. Dans le cas d'Hydro-Québec, les audiences
publiques spécifiques à un de ses projets ont pour effet de
reprendre le débat sur des questions ayant déjà fait
l'objet de décisions gouvernementales. L'expérience a
montré qu'Hydro-Québec doit justifier à nouveau l'ensemble
de son plan de développement à chaque audience publique portant
sur un de ses grands projets. Or, les coûts inhérents à une
audience publique ne sont pas négligeables et la confusion dans
l'opinion publique non plus.
Le fait de tenir des audiences publiques pour traiter de ces questions
est difficile à accepter pour Hydro-Québec, puisque son plan de
développement est approuvé par décret en vertu de la Loi
sur Hydro-Québec. Rappelons que, lors de l'étude de la
dernière proposition de plan de développement, la commission
permanente de l'économie et du travail a entendu plus de 70 organismes.
Le nombre et l'envergure des projets qu'Hydro-Québec est appelée
à réaliser implique l'obtention de l'autorisation gouvernementale
en vertu de plusieurs lois et règlements et rendent la coordination des
différents pouvoirs ardue. En effet, dans le cas des projets majeurs
d'Hydro-Québec, il est très difficile d'établir des
calendriers de travail où concordent les autorisations en matière
d'environnement avec les autres autorisations requises. Cette question n'est
pas du ressort de la présente commission, mais Hydro-Québec
souligne la chose afin de compléter la toile de fond. Il y aurait lieu,
à tout le moins, que le mandat du BAPE fasse expressément
état des décisions gouvernementales antérieures, de
manière à éviter tout conflit juridictionnel.
Troisièmement, Hydro-Québec croit qu'il serait
nécessaire d'établir des délais à plusieurs
étapes de la procédure prévue aux articles 31.1 et
suivants de la Loi sur la qualité de l'environnement. On peut dire
d'emblée que, si HydroQuébec peut très bien composer avec
un processus d'étude et d'examen des impacts sur l'environnement, elle
peut de moins en moins composer avec les délais engendrés par la
procédure actuelle.
Les principales étapes de la procédure ne sont pas, en
général, assorties de délais pour leur réalisation.
Les rares échéances précises se retrouvent à la
réglementation en matière d'audiences publiques. Une de
celles-là est importante puisqu'elle fixe à quatre mois la
durée du mandat du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour
tenir audience et faire rapport.
À titre d'exemple, il a fallu déjà
qu'Hydro-Québec compte jusqu'à 23 mois, selon les projets, entre
l'avis de projet et l'émission de la directive d'étude d'impact
par le ministère de l'Environnement. Pendant tout ce temps, nous
entreprenons la réalisation d'une étude d'impact basée sur
des expériences passées en matière de directives pour des
projets analogues. Si vous me permettez une comparaison, cette situation
équivaut à piloter un Boeing 747 sans radar.
De plus, mentionnons qu'au total il faut mettre au moins de quatre
à cinq ans entre le décret gouvernemental autorisant
Hydro-Québec à procéder aux études d'avant-projet
et l'obtention des autorisations gouvernementales requises pour commencer les
travaux. Les délais inhérents à la construction des
projets majeurs peuvent aller jusqu'à sept ans. On comprendra qu'on ne
peut prolonger ces délais associés à l'autorisation des
projets sans en compromettre la planification. Il faut, au contraire,
s'employer à réduire les délais d'autorisation, mais
surtout à les déterminer. Hydro-Québec croit qu'il est
possible de le faire sans bousculer pour autant le public
intéressé et sans négliger l'environnement. Notre
entreprise est d'avis que la protection de l'environnement et le droit du
public à l'information et à la participation ne seraient
aucunement entravés par l'introduction dans la loi de délais pour
les principales étapes de la procédure. Ainsi, la loi devrait
prévoir les délais suivants: trois mois entre l'avis de projet et
l'émission de la directive; trois mois à compter du
dépôt de l'étude d'impact pour faire connaître les
résultats de l'analyse de recevabilité et la décision du
ministre de l'Environnement de rendre publique
l'étude d'impact; maintenir à 45 jours la période
d'information et de consultation publique; deux semaines suivant la
période d'information et de consultation publique pour connaître
la décision du ministre de l'Environnement de soumettre ou non le
dossier au BAPE; maintenir à quatre mois le mandat du BAPE; deux mois
suivant le dépôt du rapport du BAPE pour l'émission au
gouvernement par le ministre de l'Environnement de sa recommandation relative
à un projet; un mois suivant la recommandation du ministre pour
l'émission du décret.
Mettre en oeuvre ces recommandations quant aux délais, ferait en
sorte que la procédure se déroulerait dans une période
maximale totale d'environ 12 mois à partir du dépôt de
l'étude d'impact par un promoteur. La connaissance préalable de
ces délais permettrait aux promoteurs de mieux planifier la
réalisation de leurs projets.
Notre quatrième recommandation concerne la tenue d'audiences
publiques à des moments stratégiques du processus dans le cas des
grands projets d'Hydro-Québec, c'est-à-dire en ce qui concerne
les résultats des phases I et II de nos avant-projets.
Hydro-Québec propose une modification dans l'ordre des audiences dans le
cas des grands projets de centrales ou de lignes et de postes soumis à
la procédure.
À de très nombreuses reprises et ce, de façon
régulière, on a reproché à la procédure
actuelle de me soumettre les projets majeurs d'Hydro-Québec à la
consultation du public menée par le BAPE qu'en bout de piste, à
la toute fin de la procédure, alors que toutes les décisions
d'amont ont été prises. Il vaudrait mieux que les grands projets
de centrales et de transport d'énergie soient d'abord soumis à
l'examen public au moment du choix de corridors pour les équipements de
transport ou du choix de la variante d'aménagement pour les
équipements de production, c'est-à-dire après la phase I
des études d'avant-projets d'Hydro-Québec. Resterait par la suite
à décider de l'optimisation de la variante d'aménagement
de production retenue ou du tracé d'une ligne de transport et de la
localisation d'un poste, c'est-à-dire les résultats de la phase
II des études d'avant-projets d'Hydro-Québec. Les mesures
d'atténuation de détail pourraient être
étudiées par le BAPE dans un deuxième temps. Il serait
alors bien compris que le champ d'étude du Bureau serait à ce
moment-là confiné à ces dernières questions. Le
BAPE pourrait dès lors concentrer son attention sur les
représentations que pourrait lui faire un public restreint,
c'est-à-dire les personnes, les communautés ou les
municipalités directement affectées par le projet dans sa phase
de réalisation.
Cette approche serait propice à la mise en oeuvre de
mécanismes de conciliation. La procédure actuelle ne permet pas
une telle approche. Hydro-Québec propose donc que la Loi sur la
qualité de l'environnement et le Règlement sur
l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement soient
modifiés de façon à rendre la chose possible. Cependant,
il va de soi que nos commentaires quant à la nécessité
d'inclure des délais aux différentes étapes de la
procédure s'appliquent mutatis mutandis à cette dernière
proposition.
Finalement, Hydro-Québec propose d'apporter des modifications
à la liste des projets assujettis à la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement. Ces
modifications feraient en sorte de soustraire à l'application de la
procédure les nouvelles centrales de 25 MW ou moins, les augmentations
de puissance de moins de 5 MW et les postes à vocation distribution -
315-25 kV - et industrielle - 315 kV - à client unique ainsi que les
lignes, tant souterraines qu'aériennes, qui s'y rattachent. Les raisons
qui motivent cette proposition sont plus amplement exposées dans notre
mémoire.
Toutefois, pour bonifier et clarifier l'interprétation actuelle
de l'avant-dernier alinéa de l'article 2 du Règlement sur
l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement,
HydroQuébec remet à la commission une modification aux pages 20
et 21 de son mémoire. Cette modification consiste essentiellement
à remplacer l'actuel alinéa 1 de l'article 2 du règlement
par deux nouveaux alinéas. Le premier aurait trait à la
construction des nouvelles centrales - si vous voulez le document - et a pour
effet de n'assujettir à la procédure que les centrales de plus de
25 MW. Le second porterait spécifiquement sur l'augmentation de
puissance des centrales existantes. Cette disposition aurait pour effet de
n'assujettir à la procédure que les seules augmentations
résultant de l'ajout d'un groupe turbine alternateur portant ta
puissance totale d'une centrale à plus de 25 MW, sauf les augmentations
de puissance de moins de 5 MW. Mentionnons que les centrales de 25 MW et moins
demeureraient assujetties à la procédure prévue à
l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Par ailleurs, il convient de préciser que les modifications
qu'Hydro-Québec propose visent les centrales de production
d'énergie électrique, excluant ainsi les projets dits de
cogénération et ce, pour les raisons suivantes: En
décembre 1990 le gouvernement du Québec demandait au ministre de
l'Environnement de tenir des audiences génériques sur la
cogénération. L'évaluation environnementale du
procédé de cogénération a été
confiée à une commission d'enquête du BAPE
mandatée par le ministre de l'Environnement. L'objectif principal de
ce mandat est notamment de déterminer à quelles procédures
d'autorisation chacun des projets devrait être assujetti.
En résumé, par l'adoption de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, le
Québec s'est doté d'une procé-
dure originale, notamment par son caractère non judiciaire. Dans
l'ensemble, ces mécanismes sont en mesure de répondre en grande
partie aux objectifs que l'on avait définis au moment de son adoption.
Appliquée avec sérieux, elle s'est avéré un outil
qui comporte des avantages indéniables sur les plans social et
environnemental. Elle force le promoteur à optimiser son projet et
à prendre position de façon claire. Elle permet au public
d'être informé à l'avance plutôt qu'après le
fait et, enfin, elle permet au gouvernement de décider en connaissance
de cause.
Hydro-Québec est convaincue qu'il s'agit-là d'un outil
important de protection de l'environnement. Plus encore, c'est un outil
essentiel pour situer un projet donné dans une perspective de
développement durable. Toutefois, Hydro-Québec est d'avis que
trop d'incertitude entoure la procédure, comme en témoignent
d'ailleurs plusieurs mémoires déposés devant la
commission. Hydro-Québec est sans doute l'un des promoteurs qui a vu le
plus ses projets assujettis à cette procédure et, quoiqu'elle
convienne de ses qualités, elle demeure convaincue du besoin d'y
apporter des modifications.
C'est à cette fin qu'elle a présenté ses
recommandations en espérant qu'elles sauront être utiles à
la commission. De façon générale, nos recommandations
visent d'abord et avant tout à éliminer l'incertitude quant aux
délais, à permettre une meilleure planification des projets et
à ajouter à la cohérence des mécanismes. Je vous
remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Dubeau.
Alors, Mme la députée de Vachon.
Mme Pelchat: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais, au nom
de mes collègues ministériels, souhaiter la bienvenue aux gens
d'Hydro-Québec. Comme vous l'avez dit, vous êtes certainement une
des entreprises au Québec qui a le plus expérimenté notre
procédure d'évaluation, alors c'est à ce titre d'expertise
que nous sommes heureux de vous avoir avec nous aujourd'hui.
C'est quand même assez curieux; le mandat de cette commission
parlementaire est, à la base, d'examiner la possibilité
d'élargir l'application de la procédure québécoise
sur les évaluations des impacts en environnement, et une des
recommandations d'Hydro-Québec est de soustraire de l'application de la
procédure certains projets.
Alors, je dois vous dire qu'à première vue, je suis assez
étonnée de cette proposition-là. Vous avez eu la chance de
nous en parler. J'aimerais peut-être que vous commentiez cette
proposition-là, qui va un peu à rencontre de notre mandat,
quoique je pense que vous faites la proposition afin d'améliorer
l'efficacité et la productivité d'Hydro-Québec,
évidemment. Mais est-ce que vous ne pensez pas qu'avant de soustraire
des projets à la procédure d'évaluation des impacts,
notamment au niveau des projets énergétiques, on devrait ou bien
faire une évaluation générique, comme vous l'avez
mentionné tantôt au niveau de la cogénération,
où encore un débat complet sur la politique
énergétique?
M. Dubeau: En ce qui a trait aux projets que nous
suggérons de retirer, c'est qu'à notre point de vue il s'agit de
projets qui, historiquement si vous voulez, étalent inclus dans les
projets dits majeurs, les projets de centrales de 10 MW et plus, et à
l'expérience, et tenant compte même du programme du gouvernement
du Québec sur les petites centrales et les autoproducteurs, nous, on
croit par expérience que les impacts environnementaux découlant
d'un projet hydroélectrique de 25 MW et moins, ça devrait
être considéré comme de petits projets ne méritant
pas la grande procédure. Par contre, quand on dit de les retirer de la
liste, on dit bien qu'ils doivent demeurer sous l'article 22, donc
nécessiter quand même un certificat du ministre de
l'Environnement. Donc, il faut qu'il y ait quand même une
évaluation environnementale et que le dossier soit soumis au
ministère de l'Environnement du Québec. (14 h 30)
En ce qui a trait à la possibilité d'audiences
génériques sur la cogénération, nous, on croit que
l'idée est très bonne. D'ailleurs, HydroQuébec va y
participer. Mais, en ce qui a trait à la filière
hydro-électrique, on croit que la connaissance au Québec de cette
filière-là est suffisamment connue pour que ça ne
requière pas une audience publique générique sur des
projets de centrales de moins de 25 MW.
En ce qui a trait maintenant aux équipements de transport, les
postes que nous suggérons de retirer ne sont pas plus importants en
termes de volume et d'équipement que les projets de postes à 120
kV qui, actuellement, sont soumis à la procédure suivant
l'article 22. Donc, les impacts environnementaux de ces postes-là -
315-25 ou 315 kV - destinés à un client industriel unique
n'occupent pas plus d'espace et n'ont pas plus d'équipement que les
postes à 120 kV qui, eux, sont dans le réseau de distribution de
l'entreprise. Donc, tout simplement aux fins de cohérence, et tenant
compte de l'ampleur des équipements, quant à nous, on les
considère comme n'ayant pas suffisamment d'ampleur pour qu'ils
nécessitent la grande procédure.
Par contre, en qui a trait aux grands projets, nous avons une
proposition qui, quant à nous, est une innovation, où on propose
que nos projets soient soumis à deux séquences d'audiences
publiques, contrairement à la situation présente où c'est
à la toute fin de nos études d'avant-projets qu'il y a
possibilité d'audiences publiques. Mais qu'il y ait des débats
sur de grands projets, à des moments opportuns, on croit que c'est
là une très grande ouverture de notre part, qui reconnaît
la valeur de l'institu-
tion du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et l'importance
d'y tenir des débats qui sont importants, en termes d'importance des
projets.
Mme Pelchat: Bon, vous n'êtes certainement pas la seule
entreprise québécoise qui pourrait nous dire: Nos projets ont si
peu d'impact sur l'environnement qu'ils ne devraient pas être soumis
à la procédure. Je pense que toutes les entreprises pourraient
nous dire cela et réclamer de ne pas être soumises à la
procédure d'impact. Mais, comme Hydro-Québec est une
société d'État pleine de ressources, pleine de
possibilités d'embaucher divers experts, et avec certainement la
volonté, à la base, d'être transparente, si tout simplement
on rétrécissait le nombre de mois que ça prend pour la
procédure et qu'on rendait plus efficace cette
procédure-là, est-ce que vous nous demanderiez encore de retirer
ces projets-là?
M. Dubeau: Mais comme je vous le dis, l'ampleur de ces projets
que nous proposons de retirer, quant à nous, justifie le fait de ne pas
les soumettre à la grande procédure, parce que d'autres...
Mme Pelchat: II n'y a pas de différence. La
procédure, c'est la procédure. Alors, je...
M. Dubeau: C'est-à-dire que la procédure, en fait,
à moins que... Vous me corrigerez...
Mme Pelchat: la grande procédure ou la petite
procédure, une fois qu'il est soumis, ça, c'est la
procédure. il n'y a pas de petite ou de grande procédure.
M. Dubeau: D'accord, excepté qu'il y a des projets
d'Hydro-Québec qui ne sont soumis qu'à l'article 22 du
règlement sur les études d'impact et d'autres,
spécifiés dans le règlement, à la procédure
selon l'article 31.1. Or, nous suggérons d'en prendre certains qui,
actuellement, se trouvent visés par l'article 31.1 et de les
déplacer sous l'article 22. Ils demeurent donc assujettis à une
évaluation environnementale et il demeure que nous devons quand
même obtenir un certificat d'autorisation du ministre de
l'Environnement.
Mme Pelchat: O.K. Donc, vous, c'est vraiment les audiences
publiques qui vous acha-lent?
M. Dubeau: Bien, achalés... c'est parce que, moi, je
trouve que déranger le public pour des projets de si peu d'importance,
quand, pour d'autres grands projets, la procédure mériterait
d'être enrichie, quant à nous, d'avoir deux phases d'audiences, on
dit tout simplement de recalibrer les choses et que l'effort soit
concentré aux bons endroits lorsque des impacts environnementaux
signicatifs peuvent être anticipés.
Mme Pelchat: Oui, c'est très relatif, tout ça. Vous
savez que les impacts significatifs, là, je pense que du
côté ministériel on a une opinion, du côté de
l'Opposition on a une autre opinion et les gens assis derrière vous ont
une autre opinion. En tout cas, je pense qu'au niveau des impacts significatifs
sur l'environnement les groupes environnementaux nous ont montré la
semaine dernière que c'est très relatif; pour un, il y a beaucoup
d'impacts et, pour d'autres, il n'y en a pas beaucoup. Alors, je pense qu'au
niveau de déranger le public il faut faire attention quand on dit
ça parce que, justement, le public, ce qu'il nous demande, c'est
d'être encore plus associé aux évaluations des impacts et
surtout mieux informé pour mieux connaître et mieux évaluer
le développement dans son milieu.
Et ça m'amène à vous poser une question concernant
la crédibilité ou l'appréciation que vous faites du Bureau
des audiences publiques. C'est peut-être pour ça que vous voulez
qu'on soustraie certains projets au BAPE parce que j'ai l'impression
qu'à la page 10, au paragraphe 2, vous êtes très
sévères à l'égard du Bureau d'audiences publiques,
la qualité de ses jugements et de son fonctionnement, quand vous dites:
"Ouvrons ici une parenthèse pour préciser que, si
Hydro-Québec porte un jugement plutôt positif sur le travail du
BAPE, il n'en demeure pas moins qu'elle a eu l'impression à l'occasion
de ne pas être traitée avec équité dans certains
dossiers. C'est ainsi qu'Hydro-Québec considère que les
commissaires du Bureau n'ont pas toujours tenu compte de l'ensemble des
données d'un dossier pour formuler leur jugement. Si Hydro-Québec
est capable de faire la part des choses et de reconnaître ses erreurs de
parcours, il n'en demeure pas moins que les commissaires du BAPE ont à
l'occasion péché par empressement à condamner
l'entreprise."
Et un peu plus loin, vous parlez de l'Importance que le BAPE accorde
à ses propres experts comparativement aux autres experts. J'aimerais que
vous me donniez des exemples précis où Hydro-Québec s'est
sentie maltraitée par le Bureau des audiences publiques sur
l'environnement.
M. Dubeau: Bien, je pense que le cas le plus patent que nous
ayons vécu, c'est dans le cadre du projet Radisson-Nicolet-Des Cantons,
un projet de ligne de 1100 kilomètres de long, qui a amené les
fameuses audiences publiques à Gron-dines et Lotbinière, comme
vous le savez. Donc, pour 3,5 kilomètres pour la traversée du
fleuve Saint-Laurent, il y a eu des audiences publiques où,
malheureusement, ce qui s'est déroulé a été assez
difficile à vivre pour l'entreprise. Les commentaires qui ont
été faits sur l'ensemble du projet, alors que ce qui était
l'objet, c'était les
3,5 kilomètres de traversée, ont été, quant
à nous, très sévères de la part de la commission du
BAPE.
Malheureusement, nous n'avons pas réussi à convaincre les
membres de la commission qu'il y avait un défi technologique
énorme à réaliser des câbles à 450 kV
à courant continu et que ça serait obliger l'entreprise... Et,
aujourd'hui, on connaît le coût: nous sommes rendus à 180
000 000 $ pour la solution du tunnel entre Grondines et Lotbinière,
incluant le coût des câbles. Ça sera une première
technologique, mais qu'Hydro-Québec n'a pas du tout l'intention de
réutiliser à l'avenir dans son réseau électrique,
et nous ne connaissons aucun électricien dans le monde
intéressé à acheter une telle technologie.
Donc, cette expérience-là, entre autres, et le fait que...
Entre autres, les médias d'information; il y a eu 167 articles de
journaux contre le projet d'Hydro-Québec, pas seulement contre la
traversée du fleuve mais contre le projet, alors que le projet a
traversé 46 municipalités et MRC et a été, donc,
majoritairement accepté par l'opinion publique. Mais, aux audiences
publiques, ceux qui viennent se faire entendre, majoritairement, ce sont des
gens qui sont contre les projets. Et, encore là, l'importance
médiatique qui leur est accordée et les propos tenus par la
commission font en sorte qu'Hydro-Québec a eu des expériences
qu'elle qualifie de malheureuses.
Cependant, on vient de vivre récemment les audiences publiques
dans le cadre du projet de Bécancour et j'ai personnellement
signalé au ministère de l'Environnement, au sous-ministre de
l'Environnement, la satisfaction d'Hydro-Québec sur la qualité de
la commission et la façon dont se sont déroulées les
audiences. Donc, il est possible que ça se passe très bien.
Mme Pelchat: Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer
la crédibilité du BAPE à ce niveau-là, pour se
sentir traité avec plus d'équité?
M. Dubeau: Je pense que la commission du BAPE se sent à
l'aise quand les commissaires, et notamment les commissaires ad hoc - parce
que, dépendant des dossiers, il faut aller chercher des expertises que
je comprends que le BAPE ne peut pas avoir de façon permanente - sont
compétents et ont la connaissance technique pour pouvoir juger des
propositions du promoteur. Je pense que ça rend une commission beaucoup
plus à l'aise pour recevoir le promoteur, pour discuter avec lui, que de
se sentir coincé par un promoteur qui, par définition, dit le
BAPE, cache toujours la vérité, ce qui n'est pas tout à
fait exact.
Mme Pelchat: Merci. J'aimerais vous signaler, cependant, que le
mandat n'est pas encore donné au BAPE quant à la
cogénération. Le ministre ne l'a pas encore fait. On attend les
études du ministère de l'Énergie et des Ressources.
Merci.
M. Dubeau: Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je veux souhaiter la bienvenue à M. Dubeau et ses collègues, Mme
Piette et M. Bérubé, et les remercier de leur
présentation. J'enchaînerai sur ce bout de discussion où
vous proposez, au départ, de changer la règle du jeu. Au lieu
d'avoir des audiences sur tout projet de centrale de 10 MW et plus, vous
souhaitez que ce soit monté à 25. Et j'écoutais votre
raisonnement. Vous disiez: Ce sont des projets relativement modestes, qui ont
peu d'impact. Je pense que c'est vrai, la plupart du temps.
D'autre part, il y a beaucoup de groupes qui se sont prononces, qui
demandent catégoriquement que le gouvernement mette en marche les
recommandations du rapport Lacoste. Parce que, précisément, en ne
mettant pas en marche le rapport Lacoste, on ne fait pas d'audiences sur les
gros projets et on en fait sur des 11 MW. Alors, la position
d'Hydro-Québec n'est pas très claire par rapport au rapport
Lacoste. Est-ce que vous pourriez la préciser? Est-ce que vous
êtes d'accord que tous les gros projets industriels soient soumis aux
audiences?
M. Dubeau: En ce qui a trait à l'ensemble des projets
industriels, c'est sûr que, quant à nous, il appartient au
gouvernement du Québec d'en décider. Et nous comprenons que ceux
qui n'ont pas été assujettis jusqu'à maintenant, l'article
2n étant inopérant pour certains grands projets, nous avons
compris qu'il s'agissait, en fonction d'enjeux économiques, entre
autres, de la compétition avec la province de l'Ontario. Donc, nous,
nous serions d'avis que, si l'Ontario et le Québec adoptent
effectivement le même esprit, en tout cas, à tout le moins le
même processus d'évaluation environnementale, d'étude
d'impacts, d'audiences publiques, ils devraient l'appliquer de façon
similaire à des projets similaires.
Et, quant à nous, il serait effectivement dans
l'intérêt de la collectivité que tous les grands projets
industriels soient alors soumis également au processus, y compris
à des audiences publiques, mais en autant - si je comprends bien - que
l'Ontario agisse de la même façon. Sinon, c'est évident que
le processus d'audiences publiques, quant à nous, ça rend plus
compliquée l'approbation d'un projet. Mais, chose certaine, les
promoteurs, s'ils ont le choix entre faire un investissement au Québec
versus aller en Ontario, où ce serait peut-être plus facile de
faire accepter le projet, ils vont malheureusement privilégier
l'Ontario.
M. Lazure: Oui, là, je serais presque accusé de
vous dire que vous êtes plus catholique que le pape, parce que môme
les promoteurs privés ne nous ont pas parlé dans ce
sens-là. Mais, pour poursuivre votre référence à
l'Ontario, est-ce que vous êtes porté à voir l'Ontario
comme un guide semblable quand il s'agit d'audiences publiques qui sont
commencées depuis six mois, qui touchent le plan de développement
de l'énergie en Ontario pour les 20 prochaines années et
où Hydro Ontario verse 22 000 000 $ aux intervenants pour faire valoir
leur point de vue? Est-ce que vous seriez porté à recommander la
même chose à vos patrons d'Hydro-Québec?
M. Dubeau: Le gouvernement du Québec a pris une
décision récemment, d'amener HydroQuébec à devoir
aller en consultation publique sur son plan de développement avant de le
soumettre au gouvernement du Québec. C'est la formule qu'a
décidée le gouvernement du Québec. Il y a un décret
qui a été adopté à cet effet, si ma mémoire
est bonne, au mois de juillet dernier. C'est ça, Me Piette?
Mme Piette (Danielle): Je pense que oui.
M. Dubeau: Donc, ce n'est pas tout à fait le même
mécanisme que celui retenu par l'Ontario, mais le Québec
décide de ses règles. Quant à nous, nous croyons
également... L'année dernière il y a eu la commission
parlementaire sur le plan de développement d'Hydro-Québec. J'y
faisais référence tantôt dans ma présentation. Il y
a eu au-delà de 70 organismes qui se sont présentés devant
cette commission parlementaire, et la plupart des grands groupes
environnementaux sont venus.
M. Lazure: Oui, mais vous savez qu'il y a une très grosse
différence entre une commission parlementaire - même s'il y a 70
groupes - qui ne dure que quelques semaines, d'une part, et ce qui se passe en
Ontario, d'autre part, à savoir des audiences publiques. Vous savez
très bien que ce sont des audiences publiques qui sont menées par
l'équivalent du BAPE là-bas, qui sont commencées depuis
six mois, qui vont durer deux ans environ et qui touchent tout l'avenir
énergétique de l'Ontario. Et Ces audiences, encore une fois, sont
très courues, si j'ose dire, non seulement par les médias mais
par les groupes aussi. Les groupes sont aidés financièrement par
Hydro Ontario. Bon. Est-ce qu'Hydro-Québec a l'intention d'aider
financièrement les groupes lorsqu'il y aura des audiences publiques sur
le plan de développement d'Hydro-Québec?
M. Dubeau: Actuellement, c'est en réflexion. M. Lazure:
C'est en réflexion. M. Dubeau: Oui.
M. Lazure: Et comment Hydro-Québec voit cette audience
publique se dérouler?
M. Dubeau: Bien, actuellement, le gouvernement vient de prendre
cette décision-là et de demander à Hydro-Québec de
faire une proposition au gouvernement sur comment ça va se
dérouler. Et malheureusement, cet après-midi, M. le
Président, je ne suis pas en mesure d'entrer dans le détail de
quelque chose qui est en train d'être examiné et qui fera l'objet
dans les mois qui viennent d'une proposition au gouvernement.
M. Lazure: Bon, moi, je trouve intéressante votre
remarque. Il vaudrait mieux que certains grands projets de centrales ou de
transport soient soumis à l'examen public au moment de la justification,
au moment du choix du corridor. Je pense que vous avez parfaitement raison et,
si c'était fait comme ça, on éviterait bien des
complications.
Je reviens aux petits projets, que ce soient des centrales ou des petits
projets de cogénéra-tion. Alors, pour la
cogénération, il y aura, on le sait, des audiences
génériques. Est-ce que vous pensez que ce serait utile d'avoir
des audiences génériques sur les petites centrales, par exemple,
ou encore sur les lignes? Vous avez parlé tantôt des lignes de
315-25 kV. C'est sûr qu'il y a une différence entre... Ça
dépend de la localisation de la ligne, si elle est dans un parc
industriel,si eUe est en plein champ ou si elle va traverser une forêt.
Mais, d'après votre expérience, est-ce que ce serait utile
d'avoir, comme on va avoir pour la cogénération, des audiences
génériques? Est-ce qu'il y a des domaines, que ce soient les
toutes petites centrales ou que ce soient les lignes, lorsqu'il y a un
caractère répétitif à ces projets-là,
où ce serait utile d'avoir des audiences génériques? (14 h
45)
M. Dubeau: À mon point de vue, M. le Président,
non. Non, parce que, d'une part, en termes de conséquences
technologiques, d'impacts environnementaux, ce sont des projets qui ont une
incidence véritablement, strictement ponctuelle et de très faible
envergure. Donc, tenir des audiences génériques sur la
possibilité de petites centrales hydro-électriques au
Québec alors que la technologie est totalement connue,
maîtrisée, et qu'en termes environnementaux il y a presque 20 ans
d'histoire maintenant d'études d'impacts au Québec, moi, je pense
que ce serait, quant à nous en tout cas, beaucoup de temps
consacré à un débat qui ne mènerait nulle part.
Maintenant, je rappelle que, suivant l'article 22, ces projets-là
devraient, à notre point de vue, continuer à faire l'objet d'une
évaluation environnementale et nécessiter l'obtention d'un
certificat d'autorisation du ministre de l'Environnement pour s'assurer qu'au
point de vue environnemental, ponctuellement, le projet est acceptable et que
toutes les mesures d'atténua-
tion pertinentes ont été prévues par le
promoteur.
Mais on pense que, si on doit faire des choix, dans le sens d'amener sur
la place publique les vraies questions, on devrait distinguer les grands
projets des projets à incidence ponctuelle extrêmement mineure et,
comme société, accepter qu'il y en ait de ce type de projets qui
peuvent être gérés adéquatement, tant par les
promoteurs que par le ministère de l'Environnement du Québec, et
avec la collaboration des autres ministères qui sont consultés
dans le cadre de la consultation interministérielle. Et nous, nous
croyons qu'il y a assez d'expertise au sein du ministère de
l'Environnement et des autres ministères du gouvernement du
Québec pour gérer correctement ces petits projets.
Maintenant, pour les grands projets qui, eux, peuvent avoir des impacts
importants sur la collectivité et sur le développement du
Québec, nous croyons et nous sommes d'accord pour dire que la
procédure actuelle mérite non seulement d'être maintenue,
mais mérite d'être améliorée et
améliorée dans le sens, entre autres, d'y apporter des
délais pour que ce soit vivable, y compris pour les promoteurs, et aussi
pour aider le public à comprendre dans quoi ça s'incrit, une
démarche d'audiences publiques dans un processus d'autorisation
gouvernementale.
M. Lazure: Je dois vous dire que nous sommes parfaitement
d'accord, en tout cas de ce côté-ci de la table, avec votre
position par rapport à l'intrusion du fédéral, intrusion
menaçante à bien des égards, non seulement
vis-à-vis Hydro-Québec mais vis-à-vis bien d'autres
projets. Nous aussi, on ne cache pas notre inquiétude, comme vous le
dites à la page 29: "... l'inquiétude que lui crée une
certaine école de pensée voulant que des projets provinciaux
puissent être assujettis à la Procédure d'examen des
évaluations environnementales adoptée en 1984 [... ] L'ancien
projet de loi fédéral C-78, de même que l'actuel projet de
loi C-13, ne font rien pour dissiper ces craintes. " Et je suis content de voir
que, de l'autre côté de la table, il y en a qui ont des craintes
aussi, le député de Saguenay en particulier. Je m'en
réjouis. On est tous dans une espèce de front commmun.
Espérons que nous nous tiendrons debout sur cette
question-là.
M. le Président, je voudrais revenir aux remarques plus
générales. Les délais, nous sommes parfaitement d'accord
avec vous, il faut qu'ils soient bien identifiés, qu'il y ait des
plafonds, des limites aux périodes de temps. Sur les effets cumulatifs -
c'est ma dernière question pour le moment - moi, je ne suis pas tout
à fait d'accord avec vous quand vous dites: Bon, on n'a pas d'expertise
quant aux effets cumulatifs, donc laissons ça de côté pour
le moment. C'est justement parce qu'on n'a pas beaucoup d'expertise qu'il ne
faut pas laisser ça de côté pour le moment, quant à
moi. Il faut justement développer une expertise. Je pense que, que ce
soit dans votre domaine à vous ou dans d'autres domaines, la notion
d'évaluation des effets cumulatifs est acceptée de plus en plus
universellement. Quand on fait une évaluation des études d'impact
sur l'environnement, on ne peut pas passer par dessus les effets
cumulatifs.
M. Dubeau: Peut-être que vous pourriez me préciser
à quelle échelle, M. le député, vous amenez votre
notion d'impacts cumulatifs. Nous, on dit qu'une étude d'impacts
cumulatifs, par exemple pour un même bassin versant d'une rivière
qu'on veut aménager avec plusieurs centrales, oui, ça, c'est
faisable à l'échelle donc régionale. Mais, des
études d'impacts cumulatifs à l'échelle de territoires
comme le Québec, le Canada, l'Amérique du Nord ou le monde, c'est
contre ça qu'on en a parce qu'on dit: C'est impossible.
M. Lazure: là, je pense que...
M. Dubeau: C'est de bien s'entendre...
M. Lazure: II y a un certain sens commun.
M. Dubeau:... à quelle échelle on l'applique. Mais,
si c'est en fonction d'un aménagement hydroélectrique, nous
sommes tout à fait d'avis, et d'ailleurs nous le faisons
déjà à l'intérieur de nos études d'impact,
de mesurer les effets cumulatifs sur ce bassin versant.
M. Lazure: Bon, je pense qu'on s'entend là-dessus.
M. Dubeau: D'accord.
M. Lazure: ii ne s'agit pas de faire des études cosmiques
là, hein.
M. Dubeau: Oui, mais certains tenants des effets cumulatifs ont
en tête des études cosmiques.
M. Lazure: Oui, mais la plupart de tenants des études
d'effets cumulatifs ne sont pas de l'école que vous dénoncez dans
le moment. Alors, moi, je tenais à ce que cette mise au point soit faite
parce que les gens qui réclament des études sur les effets
cumulatifs, en général, le font de façon raisonnable: les
effets cumulatifs circonscrits dans une région donnée. Et
ça, c'est absolument nécessaire.
M. Dubeau: Mais voici un exemple. Le groupe environnemental
Earthroots en Ontario a écrit au président d'Ontario Hydro pour
lui demander qu'il y ait une étude des effets cumulatifs des projets
hydroélectriques prévus en Ontario, au Québec et au
Manitoba, en lui disant
qu'il est impensable que ces projets-là soient jugés
acceptables si les trois provinces ne font pas en même temps
l'étude des effets cumulatifs de l'ensemble de ces projets
hydroélectriques. La réponse du président d'Ontario Hydro
a été exactement dans le sens de ce que je vous ai dit plus
tôt, à l'effet qu'on est prêts à étudier les
effets de nos projets dans les bassins versants de nos rivières, mais
qu'il est impensable et inutile de faire ça à une plus grande
échelle. Donc, je vous dis qu'il y en a qui y pensent.
M. Lazure: Oui, revenons au BAPE quelques minutes. Je vois que
vous avez une évaluation mixte des commentaires, là, c'est un peu
normal, mais elle est plutôt favorable, si je comprends bien, dans
l'ensemble.
M. Dubeau: À l'institution, oui, monsieur.
M. Lazure: Oui, bon, bravo! Est-ce que vous pensez que le BAPE
devrait être appelé à jouer un rôle plus tôt
dans le processus des évaluations?
M. Dubeau: Bien, quand on propose pour nos projets majeurs...
M. Lazure: On l'a vu tantôt pour un projet...
M. Dubeau: O.K. Donc ça, c'est plus tôt. M.
Lazure: Mais de façon plus générale, là.
M. Dubeau: Donc, de façon générale, nous, on
croit que le rôle du BAPE est effectivement, une fois que le promoteur a
fait ses devoirs, une fois que le ministère de l'Environnement a fait
ses devoirs, d'embarquer dans la mêlée et de venir mesurer dans
quelle mesure, et vu sous l'angle de l'opinion publique, le promoteur et le
ministère de l'Environnement et d'autres ministères
concernés ont fait leurs devoirs.
Et, quant à nous, de conserver cette neutralité au BAPE
nous apparaît important. Si, d'amont, le BAPE est lié à des
décisions concernant les directives ou concernant quoi que ce soit dans
le processus, il n'aura plus, à notre point de vue, la liberté,
au moment où il aura à faire l'étude d'impact et à
écouter le promoteur et le public, la même marge de manoeuvre
qu'il a présentement s'il est lié par des décisions
d'amont.
Donc, à notre point de vue, il vaut mieux conserver l'institution
du BAPE pour le rôle qu'il a, jusqu'à maintenant,
été appelé à jouer, et à un moment
où, effectivement, les données sont sur la table et qu'il y a
lieu de faire des recommandations au ministre de l'Environnement sur
l'acceptabilité environnementale d'un projet.
M. Lazure: Mais, au moment où la directive d'étude
d'impact est émise par le ministère et s'en va au promoteur,
est-ce que le BAPE ne pourrait pas servir un peu de tribune, ou
d'intermédiaire, pour rendre cette directive publique et recevoir,
recueillir les réactions à cette directive?
M. Dubeau: Écoutez, nous, on n'en mourra pas si un jour
c'est ça qui se passe. Cependant, nous sommes d'avis, par
expérience, et tenant compte du genre de directives que nous avons vues
jusqu'à maintenant, que ce n'est pas en les soumettant au public
qu'elles vont devenir plus ciblées sur les véritables enjeux
environnementaux. Il s'agit de faire appel à l'expertise technique et
scientifique des ministères concernés et du gouvernement du
Québec pour faire des vraies directives d'impacts qui permettent de
faire la distinction entre l'accessoire et l'essentiel. Ce n'est pas en
remettant ça, quant à nous, aux mains du public en
général qu'on va arriver à avoir de meilleures
directives.
M. Lazure: C'est là que nos chemins divergent, parce que
là vous accordez une espèce de juridiction totale aux experts et
aux techniciens. Et, à mon avis, vous négligez un peu l'avis du
grand public, du citoyen, de la citoyenne ordinaire qui peuvent avoir des
opinions et des vues sur les impacts que le projet en question aura sur leur
environnement, sur leur qualité de vie. Ce n'est pas toujours
nécessairement seulement des experts et puis des grands
spécialistes qui vont déterminer ça. Et moi, je ne suis
pas du tout de votre avis quand vous dites que la directive c'est l'affaire des
techniciens. Pour la directive, le public, à notre avis à nous
autres, devrait être mis dans le coup plus rapidement qu'il ne l'est. Et,
si c'était le cas - et par le biais du Bureau d'audiences publiques - il
y aurait moins de charge émotive à la toute fin du processus,
comme on le voit actuellement. Le promoteur aurait été
sensibilisé plus tôt - et le Bureau d'audiences publiques, et le
ministère, et le gouvernement - aux véritables
appréhensions de la population vis-à-vis ce projet-là.
M. Dubeau: Je peux bien me rallier à vous, cependant,
enfin, je ne crois pas qu'en termes de résultat, de contenu de la
directive on va avoir des directives plus pertinentes. Je suis d'accord avec
vous sur le fait d'informer le public sur le contenu d'une directive qu'un
promoteur a à réaliser, de faire connaître que c'est
à l'étude et que c'est comme ça qu'il devra
procéder, oui. Mais je ne crois pas à l'enrichissement de
l'exercice de la directive et surtout - ce n'est pas à négliger -
l'aspect scientifique est loin d'être à négliger.
M. Lazure: Ce n'est pas à négliger, mais l'aspect
sociologique ne va pas venir détruire
l'aspect scientifique de la directive; l'un ne va pas contre l'autre; ce
n'est pas l'un ou l'autre, mais les deux peuvent se compléter.
M. Dubeau: Écoutez... Enfin, je crois qu'un bon exercice
de communication, d'information sur une directive, quant à nous, nous
semblerait, en tout cas, un exercice suffisant. Maintenant, l'expérience
a été vécue ailleurs; le gouvernement
fédéral a fait des consultations sur ses directives. Vous
êtes au courant?
M. Lazure: Oui, oui.
M. Dubeau: Donc, est-ce que vous croyez vraiment que ça
mène à quelque chose de très concluant?
M. Lazure: L'expérience est trop jeune encore pour
conclure. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Merci, M. le député
de La Prairie. M. le député de Saguenay, vous avez, la partie
ministérielle, encore neuf minutes à votre disposition.
M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Dubeau, il me fait
plaisir de vous accueillir. En un premier temps, j'aimerais peut-être un
peu rafraîchir la mémoire à mon collègue, juste une
petite affaire, parce que je pense qu'il le sait mais il a oublié de le
souligner: Hydro-Québec ne fait pas que des mauvaises choses;
particulièrement, ce que j'ai aimé de vous autres, c'est votre
implication lors de la construction, par exemple, des postes au niveau des
municipalités, le montant que vous remettez aux municipalités
pour les projets environnementaux; vous êtes les premiers à le
faire au Québec. Peut-être que d'autres auraient avantage...
Docteur, je ne sais pas si tu es au courant comment ça fonctionne? Oui,
c'est bien, hein?
M. Lazure: Pour ça, oui, oui. Moi, je n'ai pas
parlé de mauvaises choses d'Hydro-Québec...
M. Maltais: C'est bien. Gaz métropolitain a oublié
de le faire.
M. Lazure: ...on parlait du BAPE.
M. Maltais: Je vous félicite parce que c'est très
très bien pour les petites municipalités et les MRC. Dans un
autre temps, j'aimerais aborder avec vous un sujet que je n'ai pas
retrouvé dans votre mémoire mais qui me... D'abord, je ne vous
demanderais pas, là - mon comté est situé de Tadoussac
à Baie-Trinité; j'ai neuf barrages, la Bersimis, Manicouagan et
la rivière Outardes - je ne vous demanderai pas un tunnel de Manie 5
à Montréal, oubliez ça. D'ailleurs, les cheveux m'ont
dressé sur la tête lorsque vous m'avez annoncé le
coût, 180 000 000 $. J'aurais peut- être aimé que ça
en coûte juste 100 000 000 $ et qu'on consacre 80 000 000 $ à la
destruction des BPC que vous produisez.
Moi, voyez-vous, ils m'ont touché par-ticulièment, vos...
nos BPC, puisqu'ils ne sont pas plus à vous qu'à moi, ils sont
à l'ensemble de la collectivité québécoise. La
décision qui a été prise de les envoyer dans le site
sécuritaire de Manie 2 n'a pas été sans créer une
petite controverse et, vous vous en doutez bien, j'étais la tête
de Turc à ce moment. Ma tête a résisté. Maintenant
que je vous ai, on va s'en parler! Je sais que ce n'est pas tout à fait
dans le cadre de la commission, mais M. le Président va me laisser la
latitude; ça l'intéresse lui aussi, il a Alex Couture dans son
coin. Il n'est plus dans votre comté, mais il est voisin, ça sent
pareil chez vous.
J'aimerais savoir si vous contribuez encore au niveau de la recherche
pour trouver comment en arriver à la destruction de ce fameux liquide
qui nous arrive sur la tête, là, depuis 50 ans, qui ne fait le
bonheur de personne, autant de vous que de moi. Entre vous et moi, il me fait
plus mal qu'à vous, parce qu'à moi il est arrivé dans une
période où je ne l'avais pas commandé. Pendant une
campagne électorale, ce n'est pas plaisant de se débattre avec
ça parce que ça fausse le débat. Maintenant, là,
qu'il n'y a pas de campagne électorale, est-ce qu'on envisage quelque
chose là-dessus? En dehors des ententes que vous faites avec le
gouvernement fédéral et le gouvernement de l'Ontario au niveau de
la recherche, est-ce qu'on peut penser que, d'ici quelque temps, le service de
la recherche d'Hydro-Québec, en collaboration avec les autres organismes
qui veulent détruire ça va en arriver à quelque chose
là-dedans ou si on va continuer à les promener de campagne
électorale en campagne électorale comme ça,
indéfiniment?
M. Dubeau: Naturellement, M. le Président, la
responsabilité d'établir les règles du jeu en ce qui a
trait au procédé d'élimination des BPC au Québec
n'appartient pas à Hydro-Québec. Cependant, effectivement, nous
continuons à participer à l'effort de recherche pour trouver une
solution qui serait acceptable et nous collaborons aussi, actuellement, avec le
ministère de l'Environnement du Québec pour la mise sur pied d'un
plan d'action qui permettrait effectivement, dans un horizon assez bref,
d'abord d'avoir un choix de technologies et, nous le souhaitons, de pouvoir
l'utiliser par la suite sur différents sites au Québec. Donc,
c'est actuellement en discussion entre le ministère de l'Environnement
et HydroQuébec; je peux vous dire que c'est assez avancé et nous
espérons que les décisions finales seront prises au cours des
prochains mois. (15 heures)
M. Maltais: Est-ce que vous parlez du système Vesta
présentement?
M. Dubeau: Entre autres, à Hydro-Québec, nous, on
s'intéresse toujours au système Vesta, oui. Pour nous,
l'intérêt du système Vesta, c'est que c'est une technologie
mobile qui permettrait donc de se déplacer très rapidement sur
plusieurs sites plutôt que de déplacer les BPC vers certains
sites. Il y aurait, sans doute, une économie monétaire importante
et également des risques de moins à moins transporter les
BPC.
M. Maltais: Je voudrais juste vous arrêter
là-dessus. Quel est le risque de transporter un baril de BPC?
M. Dubeau: Naturellement que... M. Maltais: D'après
vous?
M. Dubeau: II y en a eu des incidents. On se rappelle la route de
Kenora en Ontario. Des déversements de BPC, dans le transport, il y en a
eu. Le transport routier est celui qui offre le plus, je dirais, de chances
qu'il y ait des déversements. Cela dit, quand c'est bien fait et que
c'est bien contenu dans des conteneurs et avec tout ce qu'ils mettent de
matériaux pour absorber, advenant que le conteneur tombe en bas du
camion, je vous jure que je leur confierais facilement la porcelaine de ma
maison parce que c'est très bien fait. Donc, le risque n'est pas
très élevé, mais il vaut mieux ne pas s'exposer.
M. Maltais: Je vous arrête, parce que moi, je vais vous
donner une garantie sur les miens. Ils sont absolument irréversibles,
ils ont fait le tour du monde. D'ailleurs, ils sont allés en Angleterre
deux fois et je vous jure que vous pouvez les transporter d'un bout à
l'autre, qu'il n'y a pas de danger.
Ce que je dis là, c'est parce que... Tout à l'heure, vous
avez fait une chose. Vous avez dit: Finalement, on a dépensé 180
000 000 $ pour certaines personnes qui trouvaient que ça brisait la vue
du Saint-Laurent, des tours, de chaque bord du Saint-Laurent. Je comprends
ça. Mais vous savez, quand ça brise le coeur des gens, 180 000
000 $, c'est beaucoup plus que la vue. Je me demande si, lorsqu'on subit des
pressions - je vais revenir à ma question - vous avez subi des
pressions, à mon avis, indues. J'ai trouvé ça scandaleux
de dépenser 180 000 000 $ pour trois, quatre tours. Quand tu ne les vois
pas là, tu les vois 10 pieds plus bas ou 500 pieds plus bas. Je trouve
ça un peu ridicule, comme société d'État, et comme
société tout court, qu'on ait accepté une chose comme
ça. Vous êtes pris avec un processus qui vous coûte 180 000
000 $. Vous ne le vendrez à personne. Il n'y a pas un chat sur la terre
qui va vous acheter ça. Ça n'a pas de bon sens. Qu'on vende une
balayeuse 500 $, ça va, mais pas un procédé de 180 000 000
$. Pour traverser un tunnel... D'abord, ce n'est pas tout le monde qui a des
fleuves comme le Saint-
Laurent, partout dans le monde. Alors, vous aHez être pris avec
ça. L'expertise que vous avez développée va pourrir dans
vos tiroirs. Puis, ça donne quoi au juste? Ça a changé
quoi le système? Moi, où je veux en arriver, lorsqu'on va arriver
aux audiences publiques - et vous l'avez dit au départ - il faudra juger
l'ensemble d'un projet et non pas parce que ça dérange M. ou Mme
X ou Mme W. C'est un peu ça...
La dernière question, j'en arrive à ça: Pourquoi
pas, au départ, comme vous l'avez dit à la commission
parlementaire, pouvoir vous obliger à déposer d'abord votre
programme d'expansion ou vos programmes de construction? Lorsque les audiences
vont avoir lieu, est-ce qu'on sera pris avec des choses de même? Je vais
donner un exemple: Grande-Baleine. Tout le monde a peur d'en parler, mais on va
en parler. Grande-Baleine, vous déposez... Ça passe aux audiences
du BAPE, peut-être qu'en 1995 ça sera réglé. Non,
non, là, ils ne sont pas soumis. Mais une fois...
M. Dubeau: une correction. le projet grande-baleine est
situé dans le territoire régi par la convention de la baie james
et du nord québécois.
M. Maltais: Attends un peu. Mais il va falloir que tu sortes le
jus de là par des lignes de transmission.
M. Dubeau: Oui.
M. Maltais: Vas-tu être obligé de creuser un autre
tunnel?
M. Dubeau: on ne traversera pas le fleuve saint-laurent à
nouveau avec l'éventuelle ligne additionnelle que pourrait amener le
projet grande-baleine.
M. Maltais: Mais vous allez passer où?
M. Dubeau: on va se rendre jusqu'au fleuve, mais, par les lignes
déjà existantes qui traversent le saint-laurent, on va pouvoir
transiter l'énergie sur la rive sud. il n'y aura pas besoin
d'addition.
M. Maltais: Advenant que Grande-Baleine est réglé,
bien construit et que tout le monde est heureux... D'ailleurs, mon
collègue de l'Opposition est d'accord avec moi. M. Parizeau est d'accord
que Grande-Baleine soit bâti le plus rapidement possible, dans le respect
des règles. Je pense que tout le monde est d'accord
là-dessus.
Une voix: À même les fonds publics.
M. Maltais: Non, il n'a pas spécifié ça.
Ça, c'est vous.
Une voix: Oui.
M. Maltais: Vous êtes un fin renard. Est-ce que, par
exemple, une fois que ça sera bâti, il n'y a pas un danger que, si
les lignes de transport ne sont pas soumises aux audiences, on se retrouve avec
un deuxième tunnel sous le fleuve?
M. Dubeau: Mais, pour la partie au sud du 49e parallèle,
c'est la procédure qui est en discussion ici qui va s'appliquer. Donc,
il y aura, certainement, potentiellement des audiences publiques sur
l'éventuelle 14e ligne du réseau de transport de la Baie
James.
M. Maltais: D'accord. Dernier point parce qu'il ne reste que
quelques minutes.
Le Président (M. Garon): ...30 secondes.
M. Maltais: Sur la composition du BAPE, vous demandez des gens
qui connaissent un peu l'électricité, un petit peu. Les
alumineries nous ont fait la même remarque. Comment vous verriez cette
composition, et qui devrait nommer?
M. Dubeau: Bien, nous croyons que... D'abord, il y a des
commissaires qui sont permanents au BAPE. Également, ils ont la
possibilité d'embaucher des commissaires ad hoc pour certaines audiences
publiques. On croit que l'expertise de la commission permanente devrait
être, si vous voulez, enrichie par l'expertise des commissaires ad hoc,
compte tenu des particularités des projets qui sont soumis devant le
BAPE. Je pense que le choix peut très bien être exercé par
la présidence du BAPE. On ne voit aucune difficulté avec
ça, c'est leur institution, c'est à eux à bien la
gérer.
M. Maltais: Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. M. le
député de Jonquière, deux minutes.
M. Dufour: Je voulais juste parler de votre exposé
à l'effet que certains projets pourraient être soumis et d'autres
pas. J'ai vécu une expérience, déjà, où
Hydro-Québec a bâti un poste ou un sous-poste à partir de
la Baie James, à Jonquière pour ne pas la nommer. C'est un projet
de 85 000 000 $. Il n'a pas été soumis au BAPE ,mais il y a eu
des audiences. Les consultations par Hydro-Québec,, ça a
causé certains problèmes. Il y a certains points qui ont
été soulevés, Hydro a dit: Bien, on n'en tient pas compte,
on arrangera ça après. Effectivement, ils ont arrangé
ça après, mais il y avait un problème de... pour une base
de plein air. Ça a pris quelques années avant que ce soit
arrangé. Je ne sais pas si c'est arrangé à 100 %
encore.
Il y avait un endroit où la municipalité disait: Bien,
vous allez briser le chemin au complet, ce n'est pas fait pour recevoir ces
équipements-là. Ça a causé des
désagréments aux citoyens et ça a pris... Ca fait neuf
ans, dix ans de ça. Là, on procède... Hydro a
accepté de payer un montant pour faire un chemin, le chemin qu'on avait
suggéré voilà dix ans, pas un nouveau chemin, c'est
quelque chose de pas nouveau. Je me demande, quand vous me dites...
jusqu'à quel point on peut vous faire confiance à l'effet que des
projets pourraient être soumis et d'autres pas, jusqu'à quel point
on peut accepter ça de votre part. Moi, en tout cas, je peux vous dire
que je suis un petit peu réticent par rapport à ça.
M. Dubeau: Oui. Bien, M. le Président, encore une fois,
c'est une question de format des projets et des véritables impacts
environnementaux de ces projets-là. Hydro-Québec construit des
postes de distribution pour des fins de distribution à la
clientèle domestique dont l'ampleur, la grosseur, ce n'est pas plus gros
que les postes qu'on suggère de soustraire, ils ne sont pas plus gros.
En termes d'équipement, il y a des photographies ici à l'appui.
C'est pour le bénéfice de la commission, M. le Président,
si on veut les faire circuler. Vous allez voir, à les regarder, que les
deux choses, ça semblerait la même chose.
Donc, par expérience, et si tant est que les gens... J'ai entendu
un peu, tantôt, un des membres de la commission dire qu'il a peu
confiance en l'expertise d'Hydro-Québec en matière
d'environnement. Ça fait 20 ans qu'il y a une équipe d'experts en
environnement à HydroQuébec. Le budget de la
vice-présidence environnement est de 65 000 000 $ cette année.
J'ai 120 spécialistes à l'interne, 80 temporaires à
l'interne et 350 spécialistes à l'externe dans des firmes de
consultants et l'ensemble des universités québécoises.
Le budget de la vice-présidence, cette année, c'est le
double du budget de fonctionnement de l'Université Harvard aux
États-Unis. Si on ne peut pas se faire un peu confiance comme
institution, il y a là un grand savoir technique et scientifique. Je
vous dis qu'en termes de format, d'enjeu environnemental, ce sont vraiment des
projets qu'on peut qualifier de mineurs. Donc, si tant est que... Si ça
coûte de l'argent, encore une fois, des audiences publiques, ça
demande des efforts, faisons-les, à notre point de vue, pour ce qui en
vaut la peine, pour ne pas brûler, justement, l'institution, et ce qui
passe devant le BAPE, que ce soient des projets vraiment significatifs.
Maintenant, quand vous me parlez de votre expérience
vécue, c'est au poste Saguenay. Effectivement, c'est un projet qui,
malheureusement, a été conçu à l'époque
où il n'existait pas, à mon point de vue, de mécanisme des
audiences
publiques du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Est-ce
que je me trompe?
Le Président (M. Garon): Merci, M. le député
de Jonquière, merci les gens d'Hydro-Québec. J'aurais une
conclusion en disant que si les experts avaient un petit peu de modestie, des
fois... On dit: Plus on en sait, plus on sait qu'on n'en sait pas. Je dois vous
dire que moi qui ai vécu pendant des années les problèmes
des énergies parasitaires... Si on avait eu des experts qui avaient un
petit peu de modestie, on aurait peut-être contribué beaucoup
à aider aux solutions des problèmes plutôt qu'à les
nier. D'ailleurs, c'est encore le même problème, je pense. On les
nie toujours encore un peu.
M. Dubeau: Mais, on a des études là-dessus, M.
Garon, si ça vous intéresse.
Le Président (M. Garon): Oui, mais ceux qui vivent les
problèmes, quand ils voient, par exemple... Quand on voit, par exemple,
que sur 30 vaches il y en a 10 qui avortent ou bien qui arrêtent de
donner du lait... Moi, je vous dis une chose, je me pose des questions... Avec
le résultat sur une vache de 1500 livres, je me demande ce que c'est sur
un humain de 150 livres. Je vous remercie.
Maintenant, les gens du groupe STOP représentés par M.
Bruce Walker, directeur de la recherche. M. Walker, vous avez une heure pour
votre mémoire. Normalement, 20 minutes pour l'exposer, 20 minutes pour
les questions du parti ministériel, 20 minutes pour les questions de
l'Opposition. À vous, la parole.
STOP
M. Walker (Bruce): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la
Présidente, membres de la commission, je m'appelle Bruce Walker et je
suis le directeur de la recherche du groupe écologiste STOP à
Montréal. Je n'ai pas l'intention de lire mot à mot notre
mémoire de neuf pages. Plutôt, je préfère vous
raconter certaines histoires pendant mes 20 minutes. Première
observation, si j'ai des problèmes lors de mon exposé, ce sera
peut-être dû à la concentration élevée de
monoxyde de carbone dans cette salle.
M. Maltais: Ça là, écoutez, vous êtes
ici pour votre mémoire. Au niveau des leçons de morale, on est
capable de se les faire.
M. Walker: Nous avons poussé fort pour l'adoption de la
loi 84 sur les non-fumeurs.
Le Président (M. Garon): Vous faites allusion au monoxyde
de carbone. Est-ce que vous avez fait allusion au monoxyde... Vous voulez me
dire qu'il y a des gens qui fument dans la salle?
M. Walker: J'ai vu un fumeur, il y a 30 secondes.
Des voix: Ah oui?
Le Président (M. Garon): Eh bien, moi, je n'en ai pas vu.
Normalement, les gens ne fument pas à l'Assemblée nationale.
M. Walker: Merci beaucoup. Donc, en réalité, ici je
porte deux chapeaux. Je suis ici comme représentant de l'organisme STOP
qui vient de fêter, dimanche passé, son 21e anniversaire comme
groupe écologiste montréalais. Nous nous occupons de divers
dossiers, surtout dans le domaine de la pollution, d'où notre nom de
stopper la pollution, surtout de l'air, de l'eau, des déchets, et
surtout dans la région métropolitaine de Montréal. Mais je
porte aussi un deuxième chapeau à titre individuel, Ici, parce
que moi, j'étais membre du fameux comité Lacoste.
M. Lincoln m'a nommé membre, comme seul représentant des
groupes écologistes ou, si vous voulez, des groupes
écoterroristes, ecofascistes du Québec, en mai 1988. Juste 30
secondes, un peu sur l'activité du comité Lacoste. Je me rappelle
très bien que M. Lincoln a dit aux membres du comité Lacoste: Je
prévois que vous tiendrez vos trois réunions, que vous passerez
25 heures au complet par personne, et que vous rédigerez un petit
rapport. À la fin, nous avons chacun passé peut-être 200,
300 heures à titre bénévole, au sujet de notre rapport
final. Le jour prévu pour le comité pour déposer ce
rapport au ministre de l'Environnement de l'époque, M. Lincoln,
c'était le 21 décembre 1988, si je me rappelle bien.
C'était, par hasard, le jour où M. Lincoln a décidé
de remettre sa démission de cette Assemblée. (15 h 15)
On dit que, dans la vie politique, "timing is everything". Donc,
voilà ce qui est arrivé. C'était remis, le lendemain,
à la nouvelle ministre de l'Environnement, Mme Bacon, et elle a
refusé de rendre public ce rapport pendant six mois. Donc, elle l'a
rendu public à la fin du mois de juin 1989, après la levée
de l'Assemblée nationale. Donc, deux ans et quatre mois plus tard,
finalement, il y a un débat public sur ce rapport-là. Merci
beaucoup, ça prend du temps!
Quand je suis devenu membre de STOP, il y a 19 ans, à titre
bénévole, une des premières publications que j'ai lues
dans le bureau de STOP à Montréal, c'était un petit
dépliant américain de l'Environmental Protection Agency aux
États-Unis intitulé "Don't leave it ail to the experts" - fin de
la citation. Je pense que ça, c'est peut-être un peu la
philosophie de base du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, c'est
qu'il y a un rôle pour M. et Mme Tout-te-Monde, pour les groupes
écologistes, pour les groupes de chasse et pêche, pour les
chambres
de commerce et tout ça. Ce n'est pas une philosophie facile, et
ce n'est pas facile de convaincre tous les intervenants d'accepter une telle
philosophie de base.
Je pense qu'une autre question fondamentale, c'est la procédure
québécoise actuelle. Est-ce qu'elle est trop onéreuse? Si
je fais une comparaison ad hoc avec deux autres provinces...
Premièrement, la procédure en Ontario. La procédure, dite
publique, en Ontario dure entre trois et cinq ans. Normalement, ça
commence lors du dépôt de l'avis de projet. Comme le
député de La Prairie l'a déjà mentionné, il
y a le financement des intervenants, c'est très formel tout ça,
et ça dure jusqu'à cinq ans. Ça s'applique à toute
une gamme de projets exemptés au Québec, comme les plans
d'urbanisme, comme les usines d'épuration des eaux usées
municipales. Tout le programme d'épuration des eaux usées
québécoises est exempté de la procédure
québécoise.
L'autre extrême, c'est la procédure dans la province de la
Nouvelle-Ecosse. L'année passée, il y a eu des audiences d'une
journée concernant la construction d'une nouvelle centrale
électrique qui brûle du charbon. On a tenu une audience publique.
C'était plutôt une réunion publique, c'était
plutôt un "town meeting", là, d'une journée. On n'avait
même pas le droit de poser des questions aux intervenants, aux auteurs et
aux promoteurs.
Donc, entre ces deux extrêmes, nous avons la procédure
québécoise. Est-ce que c'est vraiment très onéreux,
une procédure publique qui dure quatre mois? Selon nous, non, pas du
tout. C'est l'étude d'impact comme telle qui coûte cher, ce ne
sont pas les audiences publiques. C'est l'étude d'impact qui prend un an
ou plus.
Concernant le fameux paragraphe 2n du règlement, là,
auquel tout le monde fait référence, évidemment que STOP
appuie la mise en vigueur des articles 2n, g et p -j'oublie tous les
muméros, là. Si on prend l'exemple des nouvelles alumineries au
Québec, le long du fleuve Saint-Laurent, même pour ces alumineries
qui sont exemptées de la procédure publique, le ministère
de l'Environnement du Québec a exigé de chaque promoteur qu'il
fasse une étude d'impact. Ça peut coûter plusieurs
centaines de milliers de dollars. Ça peut durer une année ou
plus. On peut faire ça en vertu de l'article 22 de la loi, mais
l'article 31 ne s'applique pas.
Donc, quand le secteur privé dit non aux audiences publiques pour
le projet, il dit non uniquement à la partie publique, les audiences
publiques, parce qu'il peut vivre avec une étude d'impact qui peut
coûter 500 000 $ ou 1 000 000 $. Donc, pour les P.-D.G. de ces
entreprises-là, qui, tout récemment, ont presque tous cité
des phrases du rapport Brundtland, qui ont ajouté des mots comme
développement durable ou viable dans leurs rapports annuels, est-ce
qu'on peut croire qu'ils sont de vrais écolos, les P.-D.G., s'ils disent
oui au développement durable, non aux audiences publiques pour leurs
projets privés?
Je voudrais simplement lire le résumé, puis faire un bref
tour d'horizon du reste de notre mémoire.
Selon nous, la meilleure façon d'améliorer rapidement la
procédure d'évaluation québécoise est
d'entériner, dans sa totalité, le rapport du comité
Lacoste. Aussi, la première partie de notre mémoire contient de
brefs commentaires à l'appui du rapport Lacoste sur les sujets suivants:
le dépôt de l'avis de projet, la consultation du public sur la
teneur de la directive, les projets assujettis - auxquels j'ai
déjà fait référence - les petits projets ou les
projets répétitifs, les programmes d'équipement, l'avis de
recevabilité et l'analyse environnementale et, finalement, l'aide
financière aux groupes et aux citoyens.
La seconde partie de notre mémoire propose six recommandations,
en sus des quelque 60 du rapport Lacoste, afin d'améliorer la
procédure à l'étude. Ces recommandations traitent: 1°
de la séparation physique du Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement et du ministère de l'Environnement du Québec;
2° de la "mémoire" du BAPE; 3° du délai
précédant la décision du Conseil des ministres; 4° du
dépôt du rapport du BAPE; 5° de la préparation d'une
étude d'impact; 6° de la modification des lois d'Hydro-Québec
et du ministère de l'Énergie et des Ressources afin d'y
éliminer l'obligation d'obtenir un "premier décret"
d'autorisation.
Oui, évidemment, nous sommes prêts à endosser,
globalement parlant, le rapport Lacoste. Je dois dire en passant que, quand M.
Lincoln a créé le comité Lacoste, il n'a pas donné
au comité les ressources nécessaires pour faire le tour de la
province, par exemple. Au début, c'était juste prévu pour
les six ou sept membres de se réunir à huis clos, trois ou quatre
fois, et c'est tout. C'est suite à ma recommandation, à titre de
membre de ce comité, de tenir des tables rondes informelles, auxquelles
M. Dubeau a fait référence tantôt, mais ça,
c'était très informel, une discussion libre, plutôt des
sessions de "brainstorming" que le dépôt de mémoires
formels parce que notre mandat a pris fin après quatre mois, je pense.
Mais, quand même, c'est une méthode que nous avons utilisée
avec, le temps disponible à l'époque.
Dépôt de l'avis de projet. Je pense que vous êtes
déjà au courant de ça, le fait que, lors du
dépôt de l'avis de projet, il faut le rendre public et, par la
suite, il faut en faire la publicité active afin d'enclencher la
réflexion du public sur ce projet.
Juste pour vous donner un petit exemple, les villes de banlieue de
l'île de Montréal se sont regroupées autour d'une
régie concernant la
gestion des déchets solides. C'est cette régie qui est la
promotrice d'un projet d'incinération des déchets solides. Elles
veulent construire un incinérateur dans la ville de Montréal-Est,
sur le territoire de 111e de Montréal. Donc, ça c'est une des
catégories de projets assujettis à la procédure
québécoise. Il n'y a pas de question, il y aurait des audiences
publiques, peut-être qu'elles vont commencer au mois de décembre
ou janvier. L'étude d'impact sera déposée bientôt,
peut-être même la semaine prochaine.
Mais, s'il y avait une possibilité pour le public, ou d'autres
intervenants, de poser des questions sur, par exemple, l'analyse des risques
d'émission de dioxines, la question des normes d'émission... On
peut éviter toute une gamme de questions lors des audiences publiques du
BAPE. Dans ce cas-ci, ce qui arrive assez souvent, surtout lors des cinq
audiences publiques auxquelles STOP a participé d'une façon
officielle depuis 11 ans, nous avons remarqué une chose: une bonne
partie de nos interventions ne causent pas tellement de problèmes pour
le promoteur, mais plutôt pour le ministère de l'Environnement du
Québec parce que, lors de ces questions, les pour et les contre et tout
ça, il s'est dévoilé que, oh mon Dieu!, oui, le promoteur
va promettre de respecter les normes d'émission, les normes de rejet
à l'égoût, au fleuve, etc., mais ce qui arrive, ah! il
n'existe pas de normes au Québec ou les normes datent des années
soixante, donc nous ne sommes pas du tout à date.
Ce qui arrive assez souvent lors de ces audiences publiques, c'est que,
oh mon Dieu!, le ministère de l'Environnement n'a pas encore fait son
devoir ou il y a des projets de règlement en attente au Conseil des
ministres ou ailleurs. C'est la seule opportunité, dans plusieurs cas,
d'explorer, de discuter en public la politique de gestion de toute une gamme de
choses. Si cette opportunité existe au moment du dépôt de
la directive, bon, on peut épargner du temps dans la
procédure.
Oui, nous sommes d'accord qu'il y a certains dits petits projets,
là, qu'on peut exempter de la procédure actuelle ou on peut
peut-être créer une deuxième catégorie de
procédures pour cesdits projets sauf qu'il faut évidemment avoir
un vrai débat public ou des débats publics sur de grands
programmes comme le programme grand public sur l'énergie ou la
forêt, des choses comme ça.
Oui, on a fait référence au fait de la séparation
physique du BAPE et du ministère de l'Environnement du Québec.
C'est plus évident à Montréal qu'à Québec.
Le bureau du BAPE à Montréal se trouve dans le même
édifice que le bureau régional du ministère de
l'Environnement du Québec et, même, le bureau régional du
BAPE à Montréal se trouve à trois mètres du bureau
montréalais du ministre de l'Environnement du Québec. Si on
regarde dans le bottin téléphoni- que du gouvernement du
Québec, si j'essaie de trouver le numéro de
téléphone du BAPE à Montréal ou à
Québec, sous B, je ne vois pas BAPE; je dois regarder sous E,
Environnement, et, par la suite, je vois BAPE; voilà! Par rapport au
bottin téléphonique fédéral, que je n'ai pas
apporté avec moi aujourd'hui, quand je cherche le numéro de
téléphone du Bureau fédéral d'examen des
évaluations environnementales, le BFEEE, je le trouve sous B et non sous
E, Environnement Canada. Donc, merci beaucoup, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Alors, madame la
députée de Mégantic-Compton.
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. D'abord,
j'aimerais souhaiter la bienvenue, au nom des membres de la commission,
à M. Walker, le remercier pour sa participation à nos audiences
et le féliciter pour la qualité de son mémoire, mais le
féliciter un peu moins pour les commentaires un peu disgracieux du
début de son intervention. Alors, il aurait peut-être eu avantage
à suivre le mémoire parce qu'il est très bien fait.
Si on regarde votre participation comme intervenant à toutes les
commissions ou comités qui ont traité de l'environnement, vous
avez aussi été membre de la commission Lacoste, vous êtes
aussi le fondateur de l'organisme STOP. Alors, toute cette
énumération de vos états de service vous donne
sûrement une certaine compétence. Mais, j'aimerais poser une
petite question au départ - II y en a plusieurs à poser - une
première. J'aimerais savoir combien de membres regroupe votre
organisme.
M. Walker: Une bonne question. Ma première réponse,
une correction mineure, je ne suis pas le fondateur de STOP. STOP était
un organisme actif qui a reçu sa charte le 15 septembre 1970, en vertu
de la troisième partie de la Loi sur les compagnies, c'est-à-dire
un organisme à but non lucratif. STOP était un organisme
très actif quand j'en suis devenu membre à l'automne 1972. Oui,
je suis le membre le plus actif, le militant le plus visible, oui, depuis des
années, mais je n'en suis pas le fondateur. Nous avons à peu
près 300 membres, dont la majorité dans la région
métropolitaine de Montréal. De notre petit bureau de Saint-Henri
à Montréal, je peux les contacter à 95 % avec un appel
local. Donc, nous sommes un groupe régional du Grand Montréal et
la plupart de nos activités touchent l'environnement physique,
biophysique et autres de la région métropolitaine de
Montréal. (15 h 30)
Mme Bélanger: Alors, vous prenez votre financement
où? Est-ce que ce sont les membres qui payent une cotisation?
M. Walker: Oui, de deux sources. Notre
budget annuel, une bonne année, ça monte à 30 000
$. Ca, c'est pour tout: salaire à mi-temps, loyer, chauffage,
électricité, tout ça. Chauffage par le gaz naturel, je
dois dire aux gens d'Hy-dro-Québec. De ces 30 000 $, l'année
passée, nous avons reçu une subvention de 20 000 $ du
ministère de l'Environnement du Québec, du budget
discrétionnaire du cabinet du ministre, aide financière aux
groupes écologistes, à peu près 10 000 $ des cotisations
de nos membres et même quelques centaines de dollars des dons de
certaines entreprises privées. Donc, c'est un budget très
modeste.
Mme Bélanger: Bon. Vous êtes chanceux, il y a des
organismes qui n'ont pas du tout de subventions du gouvernement, du
ministère de l'Environnement alors que vous, vous avez quand même
20 000 $ pour 300 membres. Alors, j'aimerais revenir à votre
mémoire. Par exemple, en référence à la page 8 de
votre mémoire, le paragraphe 1. Depuis le début des audiences, on
a entendu plusieurs mémoires et la majorité des intervenants se
plaignent de la longueur de la procédure d'évaluation. Vous, vous
demandez qu'un délai de 45 jours soit décrété entre
la publication du rapport du BAPE et la décision du Conseil des
ministres pour avoir le feed-back de la population. Est-ce que vous ne croyez
pas que c'est de rajouter un délai, alors que tout a été
dit sur le projet? L'évaluation d'impact est quand même une
science basée sur beaucoup d'hypothèses. Est-ce qu'on en saurait
plus après, attendre 45 jours après le travail du BAPE?
M. Walker: L'idée de cette recommandation, c'est d'ajouter
un autre mécanisme de consultation ou même, on peut dire, de
"lobbying"... Ce qui est arrivé dans la plupart des cas, dans le
passé, c'est que le ministre de l'Environnement tenait une
conférence de presse et disait: O.K., le Conseil des ministres a
décidé d'approuver, ou de ne pas approuver, ce projet, et je vous
donne le rapport du BAPE au même moment, à la même
conférence de presse.
Ce que nous proposons, c'est que le ministre rende public le rapport du
BAPE, puis que tout le monde puisse regarder le rapport et l'étudier
pour avoir une discussion libre dans les médias... et beaucoup d'appels
téléphoniques et fax au cabinet du ministre, etc., divers
députés, tout ça. Par la suite, nous proposons d'aller
à 45 jours, peut-être que nous pouvons vivre avec un délai
de 30 jours, nous sommes flexibles à cet égard-là. Par la
suite, le Conseil des ministres va prendre sa décision. Nous sommes
d'accord avec le principe de la procédure québécoise, que
la décision reste au niveau politique, au niveau du Conseil des
ministres, nous pouvons vivre avec ça. Mais nous pensons que ce serait
utile d'avoir une certaine période de temps entre le temps où le
rapport du BAPE est rendu public et les décisions politiques.
Mme Bélanger: Dans un autre ordre d'idées, vous
parlez de deux audiences publiques: une première pour valider la
justification du projet et la deuxième pour évaluer le projet. Ne
pensez-vous pas que les chances de duplication des argumentations sont
très grandes, en faisant deux audiences?
M. Walker: Ca s'applique, on peut dire, aux grands projets, aux
projets d'une certaine envergure. Mais ça, c'est aussi... Il faut
admettre que ça, ça s'approche de la procédure ontarienne,
où on commence avec l'idée en général, la politique
énergétique en Ontario, avant de discuter s'il faut installer un
"scrubber* sur la centrale X, à un point spécifique, quel serait
le design de ce dispositif antipollution et quel serait l'impact sur les
poissons ou sur la végétation, la santé des gens autour de
la centrale. Donc, je doute que ça prolonge la procédure, mais
ça donne plus d'opportunités d'éviter des
problèmes.
Mme Bélanger: Vous ne trouvez pas que c'est exiger
beaucoup de la population, cette double participation?
M. Walker: Excusez.
Mme Bélanger: Vous ne trouvez pas que c'est exiger
beaucoup de la population, cette double participation?
M. Walker: Ça dépend, ça varie de cas en
cas. Si le BAPE tient une audience publique, qu'il n'y a que trois personnes
qui ont des questions ou qui veulent déposer des mémoires, O.K.,
on peut vivre avec ça. Il y a peut-être la question philosophique.
Suppose they gave a public hearing and nobody came, O.K., on peut vivre avec
ça, mais...
Mme Bélanger: Tout à l'heure, on a parié de
l'aide financière apportée aux organismes de défense de
l'environnement. Comment voyez-vous la structuration d'un fonds d'aide? Est-ce
que ça doit être n'importe quel organisme ou si ça serait
préférable de faire une fédération pour
accréditer les groupes environnementaux, par exemple?
M. Walker: Je dois admettre que le conseil d'administration de
STOP ne s'est pas penché sur cette question en détail, ça
explique pourquoi il n'y a pas deux, trois pages sur cet aspect. Donc, je vous
donne des paroles plus ou moins personnelles à cet
égard-là. Je préfère l'approche, quel que soit le
montant d'argent disponible... Si on prend le cas, par exemple, du projet
d'incinérateur des déchets solides de Montréal-Est... S'il
y avait 100 000 $ disponibles pour frais d'intervention, s'il y avait... On ne
peut pas présumer combien de groupes ou d'individus veulent
témoigner, veulent faire des exposés, poser des questions.
Je préfère...
Je demande une subvention modeste pour chaque groupe, peut-être un
maximum de 4000 $, 5000 $. Si certains groupes ou associations de citoyens
veulent se regrouper... parce qu'on dit: Si trois groupes se regroupent, on
peut embaucher un avocat ou un toxicologue. Mais, pour un autre groupe qui dit:
Nous n'avons pas besoin de toxicologue ou d'avocat chez nous, ce que nous
exigeons, c'est quelqu'un pour taper le mémoire, faire des photocopies,
des choses comme ça... Je suggère donc d'avoir une certaine
flexibilité, une subvention modeste pour chaque intervenant qui fait la
demande, au lieu de dire: II y a ce groupe avec 100 000 membres, ou
fédération ou association, donc on va accorder 50 % du budget
global à une seule organisation. Je dois vous avouer que c'est plus
facile pour des groupes établis de chercher des fonds, s'il y avait un
certain montant de fonds disponible, parce que nous avons déjà
une charte, et tout ça... C'est toujours plus difficile, je sais, pour
la bureaucratie d'accorder un chèque au comité de citoyens ad hoc
de la rue X, Y, Z. Mais peut-être que ce serait un tel comité de
citoyens de la rue X, Y, Z qui aurait besoin d'une aide financière de
3000 $ à 4000 $. Ça ne veut pas dire que des groupes
établis comme STOP, SVP ou d'autres groupes n'ont pas besoin d'aide
financière. Donc, je préfère qu'on laisse une certaine
flexibilité.
Le rapport Lacoste a recommandé qu'il y ait un jury
indépendant du BAPE, indépendant du ministère pour
accorder les subventions aux intervenants.
Mme Bélanger: Ça va. Alors, vous dites aussi dans
votre mémoire... La recommandation que vous faites dans votre
mémoire, c'est que la meilleure façon d'améliorer
rapidement la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement est d'entériner, dans sa totalité, le Rapport du
Comité de révision de la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts environnementaux, c'est-à-dire le rapport Lacoste.
Par contre, à la page 5 de votre mémoire, au deuxième
paragraphe, vous soulignez que la plus importante recommandation du rapport
Lacoste est la numéro 33, c'est-à-dire celle qui requiert que les
grandes politiques d'Hydro-Québec, comme des ministères à
développement, soient discutées sur la place publique. Alors, si
c'est discuté, ce serait la responsabilité de qui, ça?
Est-ce que ce serait la responsabilité du BAPE de procéder
à la consultation ou chaque ministère devrait-il se doter d'une
structure de consultation?
M. Walker: Pas nécessairement le BAPE, mais un organisme
avec une structure semblable, indépendant de l'Assemblée
nationale ou indépendant des commissions permanentes de cette
Assemblée, un organisme qui utilise, qui fonc- tionne comme le BAPE. Une
autre phrase, si vous permettez, un autre jargon...
Mme Bélanger: L'organisme serait sous la tutelle d'un
ministère? De qui serait-il sous la tutelle, cet organisme?
M. Walker: Je préférerais que ce soit sous la
tutelle du ministère de l'Environnement. Mais, dans la question du plan
global de transport au Québec, il faut inclure le ministre des
Transports ou la ministre de l'Énergie et des Ressources, et tout
ça. Un organisme qui tient des audiences doit être
indépendant.
Mme Bélanger: Écoutez, un instant, M. Walker. Je
trouve que vous êtes en contradiction avec un autre paragraphe de votre
mémoire. Vous dites que l'organisme qui serait créé pour
les grandes politiques à développement qui seront
discutées au BAPE ou ailleurs... Vous dites: créer un organisme
qui serait sous la direction du MENVIQ, mais vous parlez, dans votre
mémoire, de la séparation physique du MENVIQ et du BAPE parce que
vous pensez probablement à une espèce de conflit
d'intérêts ou - comment est-ce que je pourrais dire ça - de
tutelle du ministère de l'Environnement qui influencerait, par exemple,
les décisions du BAPE. Alors, quelle différence y aurait-il entre
le BAPE et un organisme que vous créez qui serait sous ia directive du
ministère de l'Environnement?
M. Walker: Nous sommes d'accord que le BAPE doit rester sous la
juridiction du ministre de l'Environnement du Québec, point. Le fait
qu'il faut avoir une certaine séparation physique de certains bureaux,
ceux du ministre et du BAPE, c'est une autre chose. Oui, le ministre de
l'Environnement, c'est le ministre logique pour accepter ou non des rapports du
BAPE et pour justifier son budget devant l'Assemblée nationale, etc.
Mais le BAPE n'est pas perçu par le public comme un organisme
indépendant. Le problème, du point de vue des yeux d'un
écolo, Ici devant vous... Quand je visite le bureau du BAPE à
Montréal, et je le visite assez souvent, oh mon Dieu!, c'est à
trois mètres du bureau du cabinet du ministre. Est-ce que c'est vraiment
indépendant ou non? C'est peut-être plutôt une perception,
mais je sais que, dans la vie politique, la perception c'est aussi très
important. Non, je ne vois pas de contradiction, madame.
Mme Bélanger: Les recommandations de votre mémoire,
c'est d'adopter les 60 recommandations du comité Lacoste. Par contre,
STOP fait ses propres recommandations...
M. Walker: C'est ça.
Mme Bélanger: ...dont une qui me chicote
un peu, c'est la modification de la loi d'Hydro-Québec et celle
du MER afin d'obtenir un décret autorisant la réalisation
d'études d'avant-projet. Ça nous apparaît peu
réaliste. Lorsqu'on parie de la construction d'un barrage
hydro-électrique, par exemple, il serait difficile de songer à le
localiser ailleurs qu'à l'endroit prévu, suivant des
études préliminaires.
Alors, on autorise par décret d'aller de l'avant avec un site
spécifique ou l'on refuse. N'est-ce pas le sens de la loi de
décider?
M. Walker: Nous voyons un conflit entre les lois
d'Hydro-Québec et du ministère de l'Énergie et des
Ressources, et la Loi sur la qualité de l'environnement. Dans certaines
lois, Hydro est obligée de proposer des projets et tout ça. D'un
autre côté, pour certains projets, il faut examiner l'impact
environnemental. Mais, normalement, ça ne crée pas les
alternatives au projet ou l'alternative de ne pas construire le projet
proposé, ou de le construire dans un autre endroit. Ce qui est
arrivé... (15 h 45)
Mme Bélanger: Ils pourraient décider de le
construire dans Mégantic-Compton, le barrage.
M. Walker: Mais ce qui arrive quand HydroQuébec ou un
autre promoteur arrive devant le BAPE, c'est qu'on a déjà fait le
choix du site, on a déjà fait tout le design, presque tout le
génie, sur papier au moins, les plans et devis du projet. C'est à
une étape très avancée du point de vue du promoteur. Donc,
il dit: Oui, nous sommes prêts à défendre notre projet,
proposer un endroit fixe et tout ça, mais nous ne sommes pas ici pour
discuter pourquoi ne pas construire un barrage aux chutes Churchill ou
installer des ampoules électriques plus efficaces ou des choses comme
ça. Ça, ce n'est pas notre mandat devant le Bureau d'audiences
publiques tel quel.
Mme Bélanger: Si on veut garder un petit peu de temps pour
mon collègue, je vais être obligée de vous arrêter.
Je vous remercie.
M. Walker: Merci.
Le Président (M. Garon): Alors, M. le député
de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de
l'Opposition, remercier M. Walker pour sa présentation et aussi pour le
travail qu'il avait fait au sein du comité Lacoste il y a quelques
années. En réalité, si un des résultats du travail
de cette commission, c'est d'amener le gouvernement à proclamer et
mettre en vigueur les articles qui ne sont pas déjà en vigueur,
ce sera déjà un travail fort utile, je pense, pour le
Québec. J'ai quelques questions.
Commençons par le BAPE, vous en parliez tantôt. Les
symboles, le voisinage trop proche du ministre. Avez-vous des suggestions
à faire sur le mode de nomination, le mode de sélection du
président du BAPE, des membres du bureau, si on veut lui donner encore
plus de crédibilité, de prestige par rapport à la
population?
M. Walker: Généralement parlant,
c'est-à-dire les douze années de l'histoire du BAPE maintenant,
je pense que le BAPE a un certain prestige et une certaine
crédibilité. J'inclus leurs recommandations pour des projets avec
beaucoup de controverse, comme Grondines, comme Soligaz. STOP n'était
pas impliqué dans ces deux audiences publiques, je dois l'admettre,
là.
Je me rappelle très bien pendant et jusqu'après la
période quand M. Goldbloom était le président. Oui, le
BAPE, à l'époque, manquait de crédibilité et
d'expertise; premièrement, parce qu'il y avait des postes vacants au
niveau des commissaires. Je pense que le BAPE est en train de rétablir
sa crédibilité. Crédibilité ne veut pas dire que
tout le monde est d'accord avec ses recommandations, pas du tout.
Crédibilité veut dire: Oui, O.K, vous avez des propositions
justifiées, moi aussi. Nous ne sommes pas d'accord, mais votre prise de
position est crédible; elle n'est pas ridicule.
Crédibilité ne veut pas dire que tout le monde accepte la
proposition. C'est exactement pour cette raison que STOP appuie le statu quo du
point de vue de qui prend la décision, que ce soit laissé au
palier politique ou au Conseil des ministres de prendre les
décisions.
En réalité, il y a trois choix: on accepte les
recommandations du BAPE à 100 %, on les rejette à 100 % ou on les
accepte d'une certaine façon. Donc, un oui absolu au projet, un non
absolu au projet ou plutôt un oui selon certaines conditions,
modifications et tout ça. je pense que l'histoire du bape, c'est
plutôt des oui avec réserves et pour certains projets,
après la consultation publique et tout ça, des projets qui
étaient d'une certaine façon farfelus. je me rappelle très
bien d'une audience publique du bape en 1982, la ville de montréal
était le promoteur. elle a voulu construire un quai à neige, un
quai de béton pour jeter la neige directement dans le fleuve
saint-laurent, ce qui serait illégal d'ici 1995. mais c'était la
première fois que la ville de montréal était
obligée de se présenter à une audience publique,
là. c'était à l'ère de m. drapeau, puis la ville a
essayé de vendre le projet comme un projet écologique. oui, les
pêcheurs pouvaient faire leur pêche là. est-ce qu'on a
besoin de 1000 tonnes de béton pour faire la pêche dans le fleuve
saint-laurent? non. finalement, c'était juste un projet pour
déverser la neige usée dans le fleuve. donc, le bape a
recommandé de rejeter le projet. à l'époque,
c'était le ministre léger ou ouellette, j'oublie, qui l'a
rejeté. il arrive des projets qui ne sont pas de logique
écologique ou autres, là. je pense que pour à peu
près une
quarantaine de projets assujettis à la procédure
québécoise, dans la grande majorité de ses audiences, le
BAPE a rendu un jugement plutôt crédible. Ça ne veut pas
dire que je suis d'accord avec tous ses jugements.
M. Lazure: Moi, je partage votre avis quand vous dites que, s'il
y a une seule recommandation du rapport Lacoste qui devait être mise en
vigueur, ça devrait être la numéro 33, celle qui touche les
grandes politiques, les programmes de développement quinquennaux ou de
10 ans, peu importe, ministère des Transports, Énergie, etc. Je
pense que, là-dessus, on a de plus en plus de témoignages qui
viennent nous dire que c'est important de créer cette nouvelle
procédure d'évaluation des projets, sort des projets
génériques comme celui dont il est question depuis quelque temps
en électricité, mais aussi sur des politiques, des politiques de
développement. J'imagine que vous voyez le Bureau d'audiences publiques,
le BAPE, comme pouvant faire ça et devant faire ça?
M. Walker: Oui, surtout pour l'instant. Oui, parce que, selon
nous, il n'y a pas d'autres instances, il n'y a pas d'autres bureaux,
commissions ou comités qui pourraient faire quelque chose, qui peuvent
tenir des audiences de cette envergure-là.
Évidemment, le BAPE aurait besoin de plus de ressources
financières, de plus d'années-personnes et tout ça. Lors
des questions, des interventions concernant l'expertise au niveau des
commissaires du BAPE, il ne faut pas oublier l'expertise au niveau des
employés du BAPE, ce qu'on appelle les recherchistes, je pense, le
"staff1, en réalité. Je pense que je peux appuyer les
mêmes recommandations concernant les employés du BAPE, qu'il faut
avoir une expertise "at large" de plusieurs disciplines: sciences pures,
sciences appliquées, sciences sociales, etc.
M. Lazure: II y a une recommandation bien précise que vous
faites là qui me laisse un peu perplexe. Vous recommandez de remplacer,
à la deuxième ligne du premier paragraphe - ça, c'est
à la page 8 de votre mémoire - de l'article 3 du Règlement
sur l'évaluation et l'examen des impacts, le mot "peut" par le mot
"doit". Il s'agit du paragraphe où on fait la liste des
paramètres?
Alors, si je comprends bien le sens de votre suggestion, ça
serait que, dorénavant, toute étude d'impact sur l'environnement
"devrait" être soumise à tous ces paramètres-là, et
non pas "pourrait" être soumise, selon le type de projet. C'est difficile
pour moi de concevoir que pour tous les projets on doive appliquer tous ces
paramètres-la systématiquement. Il me semble que ça va
à l'encontre de ce qui est beaucoup à la mode de ce temps-ci, le
fameux "scoping", le ciblage. Si on veut mettre en relief certains aspects d'un
projet, on va, dans la directive, demander de concentrer sur tel ou tel
paramètre plus que sur d'autres. Mais, moi, je ne comprends pas
très bien où vous voulez en venir en rendant systématique
l'application de tous les paramètres.
M. Walker: C'est très simple, c'est d'éviter la
discrétion disponible à l'heure actuelle au niveau du
ministère de l'Environnement. Dans le cas, par exemple, d'un projet
d'une certaine envergure, où l'impact socio-historique est, on peut
dire, non applicable parce qu'il n'y a pas d'impact, ce n'est pas
nécessaire de faire une analyse qui coûte 100 000 $, mais...
M. Lazure: Ah bon, vous diriez "doit" pour tous les
paramètres, puis là vous feriez des exceptions ou des exclusions
à chaque fois qu'il y a un projet nouveau? C'est ça que vous
voulez dire?
M. Walker: Non, il faut dire: Vous "devez" examiner l'impact, la
longue liste. Mais, lors de votre étude, lors de la rédaction de
votre étude d'impact, vous dites: O.K. Est-ce que c'est un site
historique, ici? On dit: Non, non applicable. Voilà!
M. Lazure: Bon, je reviens à la question qui vous a
été soulevée tantôt par la députée de
Mégantic-Compton. Vous proposez que la loi d'Hydro-Québec soit
modifiée de manière à ce qu'il n'y ait pas deux sortes de
projets: un projet pour lequel il y aurait eu un décret demandant un
avant-projet et les autres. Vous dites: Ça, c'est pour éviter
qu'il y ait des projets approuvés avant même d'en faire
l'évaluation environnementale. Ça aussi, ça me surprend un
petit peu parce que ce n'est pas parce qu'H y a eu un décret pour
demander une étude, un avant-projet que ça sera soustrait
à l'évaluation environnementale. Je ne comprends pas très
bien.
M. Walker: Oui, je suis d'accord... M. Lazure: Vous
êtes d'accord?
M. Walker: ...avec vous. D'un côté, l'idée,
c'est d'avoir l'opportunité de discuter en public le projet à une
étape préalable et d'éviter... Pour le promoteur qui est,
à l'heure actuelle, dans une situation difficile... Oui, il y avait une
certaine approbation préalable de notre projet. Donc, on peut faire
toute l'ingénierie, tous les plans et devis en détail. Nous
disons: Vous devez ouvrir votre projet à l'examen public, au
préalable, à ce moment-là. Vous comprenez?
M. Lazure: À ce moment-là, ça vous
satisferait?
M. Walker: Oui.
M. Lazure: Ah bon. Je comprends. D'accord.
Je trouve intéressante votre suggestion que le rapport du BAPE
soit déposé directement au Conseil des ministres en
parallèle avec le rapport du ministre de l'Environnement. Dans le
moment, je ne sais pas s'il y a quelque chose qui s'oppose à ça,
qui empêche ça. J'imagine que non. J'imagine que, dans le moment,
le ministre... Évidemment, la coutume veut qu'il dépose son
propre rapport avec ses recommandations, mais j'imagine qu'il n'y a rien qui
l'empêche de déposer, en parallèle, le rapport
intégral du BAPE.
M. Walker: Je dois admettre que je ne sais pas. L'idée,
c'est d'essayer d'éviter la situation un peu difficile pour le ou la
ministre de l'Environnement devant ses collègues au Conseil des
ministres. O.K., ce sont les recommandations du Bureau d'audiences publiques
sur l'environnement. Ce sont mes recommandations, voilà. Êtes-vous
prêts à accepter, oui ou non, ce que je propose? Il y aura
beaucoup de projets, on peut dire délicats ou politiques, assujettis
à la procédure - j'espère que oui - d'ici 10 à 20
ans. Donc, je pense que ça doit être, en réalité,
une décision du Conseil des ministres globalement parlant et pas juste
d'un ou deux ministres.
M. Lazure: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Merci, M. le député
de La Prairie. M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans votre
résumé, la feuille que vous nous avez transmise, vous indiquez,
vers la fin du premier paragraphe: "les projets répétitifs, les
programmes d'équipement, l'avis de recevabilité et l'analyse
environnementale et, en dernier lieu, l'aide financière aux groupes -
ça va, les groupes, c'est un peu comme vous - et aux citoyens".
Qu'est-ce que vous entendez par citoyens?
M. Walker: O.K. L'aide financière, c'est uniquement dans
le contexte des audiences publiques, évidemment.
M. Maltais: Oui.
M. Walker: Je ne parle pas de l'aide financière pour frais
d'opérations des groupes. L'idée de ce que j'ai mentionné
tantôt, c'est généralement plus facile pour un organisme
organisé, peu importe si c'est organisé depuis une année,
20 ans ou 100 ans, de solliciter des fonds ou de faire des demandes formelles
ou des choses comme ça. Mais ce qui arrive lors d'un projet
proposé dans un endroit spécifique, normalement, il y avait des
comités de citoyens ad hoc créés, mais ils n'ont pas de
charte au niveau provincial ou fédéral. Ce n'est pas un organisme
moral dans le sens légal du mot. C'est un comité de citoyens ou
peut-être juste 3, 4 ou 6 résidents, peut-être 20 ou
peut-être 200; ça dépend, ça varie selon le cas.
À l'avenir, je veux éviter la situation où,
finalement, il y a un fonds de financement d'intervention en place, mais, dans
la bureaucratie, par la procédure pour solliciter et accorder ces
fonds-là, on exclut M. et Mme Untel. Vous devez être un organisme
incorporé selon une certaine loi québécoise, la loi des
compagnies ou d'autres. Donc, si vous êtes la chambre de commerce, vous
êtes éligible. Si vous êtes à but non lucratif, vous
êtes éligible. Si vous êtes juste un comité ad hoc,
pas de conseil d'administration, pas de compte d'un comptable
agréé disponible, vous êtes exempté de subvention.
Si la subvention maximale, c'est de l'ordre de 4000 $ à 5000 $, comme
j'ai recommandé tantôt, je pense qu'on peut vivre avec une
certaine flexibilité à cet égard-là.
M. Maltais: Ça va. Merci beaucoup, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie, M. le
député de Saguenay. Je suspens les travaux de la commission pour
quelques instants, pour donner le temps au remplacement des groupes. J'appelle
l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques à
s'approcher de la table des délibérations.
(Suspension de la séance à 16 h 3)
(Reprise à 16 h 4)
Le Président (M. Garon): La parole est à
l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques,
représentée par M. Claude Roy. Alors, M. Roy, si vous voulez vous
présenter et nous présenter les gens qui vous entourent. Vous
avez une heure à votre disposition. Normalement, les intervenants
prennent 20 minutes pour exposer leur point de vue et ensuite 20 minutes
à la partie ministérielle et 20 minutes au parti de l'Opposition
pour vous poser des questions sur votre exposé. Alors, la parole est
à vous.
Association canadienne des fabricants de produits
chimiques
M. Roy (Claude): m. le président, bonjour, merci. je
voudrais d'abord présenter, à ma droite, m. jules lauzon, qui est
coordonnateur des affaires...
Le Président (M. Garon): ...parler plus fort? On ne vous
entend pas, là, à moins que vous tourniez le bouton pour que
votre micro soit plus fort.
M. Roy: Ça va mieux, là?
Le Président (M. Garon): Je...
M. Roy: Là?
Le Président (M. Garon): Allez-y là. Parlez.
M. Roy: Tout d'abord, M. le Président, je voudrais vous
présenter M. Jules Lauzon, qui est à ma droite. M. Lauzon est
coordonnateur des affaires environnementales et sécurité pour le
Québec et les Maritimes, de la compagnie Shell. Moi, personnellement, je
suis directeur santé, sécurité et environnement pour la
compagnie Pétromont, mais je suis ici à titre de président
du comité de la qualité de l'environnement de l'Association
canadienne des fabricants de produits chimiques, région du
Québec.
Notre mémoire étant relativement court, M. le
Président, je vais me permettre de le lire intégralement. Par la
suite, évidemment, nous serons disponibles pour répondre à
vos questions.
L'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, l'ACFPC,
compte 73 compagnies membres qui fabriquent 90 % de la production canadienne
des produits chimiques, organiques, inorganiques et pétrochimiques. Ces
industries emploient plus de 26 000 personnes au Canada. Dans le document qui
vous avait été envoyé, une liste des 43 compagnies membres
ainsi que quelques brochures explicatives sur l'Association étaient
incluses.
L'ACFPC, par l'entremise de son programme de gestion responsable, vise
un développement industriel respectueux de l'environnement. D'ailleurs,
au Québec, notre Association compte un comité de qualité
de l'environnement que je préside. Ce comité, en plus de tenir
des rencontres avec les autorités environnementales
fédérales et provinciales, se fait un devoir de préparer
et présenter des mémoires pour faire valoir le point de vue de
l'industrie chimique. Nous pouvons citer entre autres les mémoires qui
ont été déposés dans le cadre du PRRI, le Programme
de réduction des rejets industriels, et la commission Charbonneau. Ces
mémoires sont de nature proactive et supportent les grandes lignes des
orientations qui sont prises par le gouvernement.
Dans le cadre de la présente commission, la même approche
est préconisée et nous osons croire que nos recommandations, nos
commentaires et propositions seront pris en compte par la commission.
Une mise en garde, le présent mémoire ne répond pas
spécifiquement à toutes les questions qui avaient
été soulevées dans le document de consultation de mai
1991.
En premier lieu, l'efficacité et la portée de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur
l'environnement. Le rapport Lacoste. Dans les grandes lignes, notre Association
supporte les recommandations du rapport Lacoste. Nous appuyons plus
spécifiquement la volonté de faire intervenir le grand public
à des étapes plus préliminaires du projet,
l'allégement des études d'impact afin de les rendre plus
pertinentes, le raffermissement des règles du jeu et la formalisation du
processus de médiation environnementale.
En ce qui concerne la procédure et ses éléments,
une procédure efficace doit être dotée d'un
échéancier précis pour chacune des étapes. Les
règles du jeu doivent aussi être clairement définies et ce,
tant pour le promoteur, le public, le gouvernement et le BAPE. Les projets
devraient être évalués dans un cadre de
développement durable, tout en étant prudent de ne pas
restreindre indûment la compétitivité de l'industrie
québécoise vis-à-vis de ses concurrents économiques
qui sont les autres provinces canadiennes et les États américains
à vocation industrielle.
Concernant la liste des projets assujettis et la liste des exclusions,
notre association préconise de maintenir, pour l'instant, le statu quo.
Durant cette période, nous proposons la création d'un
comité multidisciplinaire d'experts qui aurait pour mandat de
réexaminer les critères d'assujettissement et d'exclusion. Ce
comité rendrait compte directement au ministre de l'Environnement. Le
même comité pourrait être aussi le mécanisme formel
d'évaluation environnementale préliminaire pour les projets en
litige.
Pour le cheminement des projets, nous réitérons notre
volonté d'avoir des délais prescrits pour chacune des
étapes. Afin de respecter les délais prescrits, nous ne
supportons pas l'idée d'accorder un pouvoir d'extension au ministre pour
toute étape de la procédure. Dans un contexte de
libre-échange où la concurrence est de plus en plus vive et dans
une perspective d'évaluation des projets dans un contexte de
développement durable, l'Association juge essentiel d'harmoniser la
procédure d'évaluation québécoise avec celle de
l'Ontario, du fédéral et des États américains
à vocation industrielle. Nous supportons le maintien de la
procédure actuelle à l'effet que le Conseil des ministres soit le
niveau approprié pour l'approbation des projets, car le
développement industriel doit s'intégrer dans la stratégie
gouvernementale.
Maintenant, en ce qui concerne le rôle du ministère de
l'Environnement et celui du BAPE, afin de donner toute la
crédibilité et la transparence voulue, notre association endosse
la nomination du président du BAPE grâce à un vote
réunissant les deux tiers des membres de l'Assemblée nationale.
La représentativité du BAPE prend toute son importance lors
d'évaluations de projets dans un contexte de développement
durable. Aussi croyons-nous que les membres du BAPE doivent former une
équipe multidisciplinaire composée de spécialistes des
questions sociales, économiques, techniques et environnementales. Les
pouvoirs actuels du BAPE ne devraient pas être modifiés, voire
augmentés.
De plus, le rôle du BAPE doit se terminer avec la remise de son
rapport à l'intérieur des délais prescrits.
Notre association s'oppose à toute forme d'aide publique pour les
groupes qui désirent déposer une argumentation lors d'une
audience publique.
Nous pensons que le MENVIQ ne possède pas les ressources
adéquates et qu'en plus, il manque de rigueur dans l'application des
différentes étapes de la procédure.
Comme mentionné précédemment, nous supportons la
médiation environnementale. Cependant, le rôle du médiateur
ne devrait pas être confié au président du BAPE. Nous
proposons la création d'une banque de médiateurs par le ministre
de l'Environnement. Les deux parties devraient alors, dans un délai
prescrit, s'entendre sur le choix d'un médiateur, à défaut
de quoi il serait nommé par le ministre.
En ce qui concerne maintenant les projets industriels, sur la base de ce
que nous avons présenté dans le mémoire, notre association
ne croit pas que la procédure actuelle permette l'évaluation
adéquate des impacts environnementaux des grands projets industriels.
Une façon de corriger cette situation serait la formation d'une
équipe multidisciplinaire de commissaires qui pourrait être
assistée, au besoin, par des ressources spécialisées non
gouvernementales. Nous favorisons la création de zones d'implantation
industrielle préalablement évaluées par une étude
d'impact. Ceci permettrait aux industries voulant s'y installer de
réaliser des études simplifiées. À cet effet, nous
souhaitons la création de zones environnementales sur le territoire
québécois.
En conclusion, notre association est convaincue que l'harmonisation du
développement économique et la protection de l'environnement
reposent sur un processus rigoureux où les règles du jeu doivent
être bien définies pour chacun des intervenants. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): Mme la députée
de... Pardon?
Mme Bélanger: Châteauguay.
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
de vous souhaiter la bienvenue au nom des membres de la commission. Votre
mémoire met l'accent sur la nécessité de la qualité
d'intervention du BAPE, laquelle passe par la nomination de commissaires
experts. D'après vous, le comité d'experts mandaté pour
examiner les critères d'assujettissement et d'exclusion pourrait-il
être un comité interne du ministère de l'Environnement? Ou
jugez-vous nécessaire d'y faire participer des intervenants de
l'extérieur?
M. Roy: Ça pourrait être un comité d'experts
internes qui seraient indépendants du
BAPE. Oui, ça pourrait l'être.
Mme Cardinal: Ça pourrait l'être? M. Roy:
Oui.
Mme Cardinal: Alors, où serait ce comité
interministériel dans votre esprit?
M. Roy: Nous ne voyons pas ça comme étant un
comité interministériel. On parle surtout, peut-être
à ce moment-ci, d'experts avec des connaissances techniques dans les
domaines spécifiques qui sont en relation avec le projet qui est sous
évaluation.
Mme Cardinal: En page 3, au paragraphe 8, vous précisez
que le MENVIQ ne possède pas les ressources nécessaires. Est-ce
en nombre ou en expertise que cette absence de ressources se manifeste,
d'après vous?
M. Roy: Je dirais que c'est aux deux niveaux où
l'expertise peut être insuffisante, c'est-à-dire en nombre de
ressources, dans bien des cas, les ressources peuvent être insuffisantes,
mais l'expertise aussi. Tout dépend du type de projet, c'est bien
évident. Mais il y a des projets qui ont des caractéristiques
techniques très spécifiques et, à ce moment-là, on
peut se poser la question a savoir si le ministère possède les
ressources et les compétences internes suffisantes ou adéquates.
(16 h 15)
Mme Cardinal: D'après vous, vous vous posez une question
sérieuse à cet effet. En page 4, paragraphe 1, vous insistez sur
le rôle de médiation que pourrait jouer le BAPE dans le cadre de
certains projets. L'industrie préfère-t-elle la médiation
aux audiences publiques? La médiation ne limiterait-elle pas une
participation publique en concentrant son intervention spécifiquement ou
presque exclusivement sur des groupes d'opposants? C'est ce qu'on voit...
M. Roy: On parle ici de projets en litige où on parie...
Le processus d'audiences publiques, si vous regardez notre mémoire, nous
ne sommes pas contre le processus d'audiences publiques, tout au contraire.
Mais il y a certains cas potentiellement litigieux présentement
où il serait peut-être plus intéressant ou plus profitable
de pouvoir faire une médiation pour régler, au préalable,
à savoir: Est-ce que ce projet devrait ou ne devrait pas aller en
audience publique?
M. Lauzon (Jules): C'est dans la même direction que le
rapport Lacoste. En fait, ça existe aussi au niveau du Code du travail.
Quand il y a un litige et que les deux parties n'arrivent pas à une
entente, il y a un processus de médiation. Au niveau de l'environnement,
ça
pourrait sauver énormément de temps et servir les deux
causes; soit celle du promoteur ou celle du public qui veut avoir des
informations pertinentes.
Mme Cardinal: Justement, vous mentionnez le rapport Lacoste.
Est-ce que vous êtes aussi enthousiaste que l'organisme
précédent, le STOP, quant aux recommandations? Est-ce que votre
association supporte dans les grandes lignes les recommandations du rapport?
Quels sont les aspects de ce rapport que vous jugez non applicables à ce
stade-ci de la démarche environnementale du Québec? Lesquels vous
apparaissent vraiment plus faibles?
M. Roy: Écoutez... Évidemment, je n'ai pas le
rapport Lacoste sous les yeux et je ne l'ai pas lu hier soir non plus, mais
peut-être... Comme mentionné dans notre mémoire,
l'assujettissement de certains grands projets industriels, nous recommandons
présentement le statu quo au niveau des exclusions et de
l'assujettissement. Nous croyons réellement que, pour l'instant,
assujettir tous les grands projets industriels - le fameux article 2n, il me
semble - serait créer un précédent qui pourrait être
dangereux, compte tenu de ce qu'on dit dans notre mémoire, à
savoir: Est-ce qu'effectivement on a, au sein du BAPE, au sein du gouvernement,
l'expertise pour bien évaluer ou bien regarder tous ces grands projets
dans un processus d'audiences publiques où, présentement, les
règles du jeu sont relativement floues et où les
échéanciers sont plus ou moins bien déterminés et
précis? Nous croyons, pour l'instant, qu'on devrait être prudents
en ce qui concerne cette recommandation spécifique du rapport
Lacoste.
Mme Cardinal: D'après vous, est-ce que le BAPE pourrait se
voir confier des mandats d'arbitrage, par exemple? Est-ce que vous voyez
ça comme son rôle ou si...
M. Roy: Nous ne croyons pas que c'est le rôle du BAPE ou du
président du BAPE d'agir à titre d'arbitre. Les comparaisons sont
toujours boiteuses, mais dans une cause juridique, évidemment, le
procureur ne peut pas être juge. C'est un peu la même situation qui
pourrait se présenter. Je pense qu'à ce moment-là les
commissaires du BAPE ou le président du BAPE pourraient se placer dans
Une situation qui pourrait devenir - comment dirais-je? - un peu difficile pour
lui.
Mme Cardinal: Je vois avec beaucoup de plaisir que l'Association
canadienne des fabricants de produits chimiques mentionne gestion responsable,
un engagement total. Dans cet esprit, est-ce que votre association ou vos
industries seraient prêtes à contribuer à la constitution
d'un fonds destiné à financer les activités des groupes
environnementaux de façon à améliorer, voire rationaliser
davantage leur présentation publique?
M. Roy: Comme on le dit dans notre mémoire, nous ne
supportons pas pour l'instant... Nous nous opposons à toute forme d'aide
publique à ceux qui désirent présenter une argumentation
lors des audiences publiques, ce qui ne veut pas dire que l'Association ou ses
membres individuellement ne supportent pas ou ne sont pas à
l'écoute des groupes environnementaux et des groupes de pression.
D'ailleurs, tout le programme de gestion responsable de notre association est
supervisé ou regardé du point de vue acceptabilité par un
comité que l'on appelle le comité Delbridge qui est
présidé par une Mme Delbridge, d'Ottawa. M. Daniel Green, de SVP,
est membre de ce comité-là. Nous avons des rencontres aussi
avec...
Mme Cardinal: Votre collaboration est acquise quant à
poursuivre avec beaucoup de dynamisme: gestion responsable, ce que j'aime
beaucoup d'ailleurs, et un engagement total. C'est assez intéressant et,
s'il y avait plusieurs groupes comme ça, on pourrait régler les
problèmes environnementaux dans les meilleurs délais. En ce qui
me concerne, M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Garon): Merci. M. le député
de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je vais, au nom de
l'Opposition, souhaiter la bienvenue à M. Roy et à M. Lauzon et
les remercier pour leur présentation. Après avoir noté que
vous supportez en gros les recommandations du rapport Lacoste, vous en arrivez
à dire qu'il y aurait un comité qui pourrait être le
mécanisme formel d'évaluation environnemental des projets en
litige. Qu'est-ce que vous appelez des projets en litige? Est-ce que vous
pouvez me donner des exemples ou...
M. Roy: Cette déclaration-là était faite,
disons, en référence à la liste des projets qui sont
assujettis, la liste des exclusions. Il pourrait y avoir... ce qui n'est pas
réellement assujetti ou ce qui n'est pas exclu pourrait être ce
qu'on appelle un cas ou un projet en litige, à savoir: Devrait-on ou ne
devrait-on pas l'assujettir? C'est dans ce contexte-là que nous parlons
de mécanisme formel d'évaluation préliminaire.
M. Lazure: Bon. Avec bien d'autres, vous proposez de fixer des
échéanciers précis, des délais précis et,
là-dessus, je pense qu'on vous suit, on vous suit très bien.
Nomination du président du BAPE aux deux tiers des votes des membres de
l'Assemblée nationale. L'aide financière, bon. Vous, vous dites:
Non, nous, on n'est
pas d'accord pour financer les groupes. Quand on dit les groupes,
ça peut être des individus aussi. Vous êtes sans doute au
courant que l'Ontario a adopté une loi - le gouvernement libéral
et non pas le gouvernement néo-démocrate, mais le gouvernement
libéral en 1988, il y a trois ans déjà - a adopté
une loi, la loi pour le financement des intervenants en environnement. Et,
lorsque nécessaire, le promoteur du projet - ça a
été utilisé surtout pour Hydro Ontario à date, mais
ce n'est pas restreint à Hydro Ontario - le promoteur dort financer les
frais et tout est assez bien défini dans la loi en question de 1988.
C'est un comité de sages qui décide quelles sommes doivent aller
à tel groupe ou tel individu pour les aider à préparer
leurs interventions devant la commission qui est l'équivalent du
BAPE.
Et ça, c'est une pratique qui devient assez courante aux
États-Unis aussi. Alors, je me demande si vous ne nagez pas un peu
à contre-courant en vous prononçant contre le financement de
groupes ou d'individus lors des audiences publiques.
M. Lauzon: D'abord, il n'y a pas juste au moment des audiences
publiques, sur un projet qui est de la consultation. Dans le document de
gestion responsable auquel vous faisiez référence, il y a de la
consultation, du public d'abord, informer, pas sur les nouveaux projets mais
sur l'existence d'une industrie, informer les citoyens près de
l'industrie des produits qui sont manipulés, des dangers reliés
à ces produits-là et des mesures qui sont prises pour
réduire les risques. Ça se fait d'une façon
systématique dans l'Association des fabricants de produits chimiques. Il
y a des consultations pour les industries existantes et il y a aussi de la
consultation sur des projets. Donc, on fait déjà une
démarche qui n'est pas une démarche aussi structurée et
obligatoire que le BAPE, mais il y a quand même une démarche au
niveau de la consultation. Puis c'est plus dans ce sens-là que le
promoteur fait déjà un effort au niveau d'informer la population,
d'informer les citoyens. C'est plus dans ce sens-là qu'on disait: Bon,
étant donné qu'on fait cet effort-là, pourquoi
subventionner par projet, subventionner des groupes pour qu'ils viennent en
audience présenter des documents contre le projet ou même pour le
projet?
Donc, ce n'est pas quand même une position qui est ferme au niveau
de l'Association. Ce n'est pas non plus une question de principe fondamentale.
Selon certaines modalités, c'est certain que, sur des projets
spécifiques, on a besoin des commentaires des groupes organisés,
des commentaires bien structurés et, dans ce contexte-là, il y
aurait possiblement une participation financière pour aider ces
groupes-là à monter des dossiers. Il faudrait connaître les
modalités et il ne faudrait pas que la commission interprète
ça comme étant un non catégorique, mais bien plus... Il
faudrait voir. D'emblée, on n'embarquerait pas dans un financement sans
considération de toutes les associations qui ont l'intention de regarder
ou de faire des propositions à une audience publique, mais la porte
n'est pas fermée. Ça pourrait aider. On considère, de
toute façon, que ces groupes-là peuvent aider en amenant des
questions pertinentes au niveau d'un projet. Selon certaines modalités,
ça pourrait être considéré.
M. Lazure: Alors, vous ne partiriez pas en guerre pour que le
gouvernement fasse ça le plus tôt possible, mais vous ne seriez
pas contre non plus, là? C'est une position de départ, c'est en
négociation?
M. Lauzon: Oui, selon certaines modalités. Peut-être
sur le même principe que les remboursements des dépenses
électorales.
M. Lazure: Ça, c'est intéressant comme
référence.
M. Lauzon: Après les...
M. Lazure: Vous faites référence à une
très bonne loi, d'ailleurs, très bonne initiative.
M. Lauzon: Je n'irais pas jusque-là. M. Lazure:
Moi, je vais y aller. Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lauzon: En fait, mon commentaire est à l'effet que si
un groupe présente en audiences publiques un mémoire et si ce
groupe-là, selon certains critères qui sont reconnus, soit du
BAPE, soit du ministère, a les qualités pour présenter un
mémoire et rencontrait les critères pour être
remboursé d'une certaine façon pour les dépenses
encourues... En engageant des spécialistes qui sont reconnus, pas
nécessairement par le promoteur, mais reconnus par le ministère,
ça, ça pourrait être une forme qui pourrait être
intéressante. Disons qu'elle serait le décalque de la loi sur le
remboursement des dépenses électorales.
M. Lazure: la question de médiation... c'est
intéressant, le concept que vous présentez d'une banque de
médiateurs. si je comprends bien, il s'agirait... en dehors du bureau
d'audiences publiques, indépendamment du bape, il pourrait y avoir des
médiations officielles, formelles par des personnes dans une banque qui
serait constituée par le ministère de l'environnement. et
ça, ce serait pour une médiation entre le promoteur et le public?
entre qui et qui?
M. Roy: Prenons le cas d'un projet où l'étude
d'impact est déposée et rendue publique,
où il y aurait un seul intervenant qui s'opposerait à une
partie du projet et qui demanderait un processus d'audiences publiques.
À ce moment-là, s'il y a un seul opposant au projet - que ce soit
un groupe environnemental ou une personne, un citoyen, un simple citoyen qui
lui, trouve que le projet ne fait pas son affaire pour un problème de
circulation routière ou des choses comme ça - à ce
moment-là, est-ce qu'on peut se permettre de faire tout le processus
d'audiences publiques, ou on met la personne qui s'oppose à une partie
du projet avec le promoteur en présence d'un médiateur et,
à ce moment-là, on peut peut-être régler le litige
sans passer à travers le processus d'audiences publiques? C'est
exclusivement ça.
M. Lazure: Dans le cas d'échec de la médiation,
l'étape suivante serait quoi?
M. Roy: Ce serait l'audience publique, bien
évidemment.
M. Lazure: Régulière? M. Roy: Oui.
M. Lazure: Et il y aurait des délais fixes, des
délais limites pour la médiation?
M. Roy: Oui, aussi oui, pour ne pas retarder indûment ou
fausser les règles du jeu.
M. Lazure: Vous avez raison, je pense. Surtout quand il s'agit
d'une session où il y a un seul opposant.
M. Roy: Un seul intervenant ou deux ou trois intervenants qui
questionnent le même aspect du projet. Évidemment, s'il y a 75
éléments du projet qui sont remis en question par x personnes
différentes, c'est une autre histoire.
M. Lazure: Moi, je retiens cette notion-là, en tout
cas.
Écoutez, M. le Président, votre mémoire est court,
il est clair... Mon collègue aurait une question.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Jonquière.
M. Dufour: Vous en parlez toujours... Je voudrais revenir sur la
question de médiation, parce qu'on vient de vivre ça. Si la
médiation échoue, vous dites: On remet le processus en marche,
mais ça rallonge. Mais, si la médiation réussit et qu'il
n'y a pas de décret, on fait quoi? Parce que, après que la
médiation est faite, il faut que quelqu'un émette un
décret pour procéder. Ça fait que là sur qui met-on
la faute? Y a-t'il quelqu'un qu'on va tirer à quelque part?
M. Roy: Écoutez, la médiation a lieu entre
quelqu'un qui s'oppose à une partie de projet et un promoteur. S'il y a
entente sur les modalités, c'est bien évident que le projet doit
être réalisé en tenant compte de cette nouvelle
perspective. Ça va de soi. Il doit y avoir un engagement ferme du
promoteur à s'en tenir à ce qui a été convenu dans
le rapport de médiation.
M. Dufour: Cette médiation que vous proposez, dont vous
parlez, ça pourrait être fait avec plusieurs individus. Il
pourrait y avoir trois individus différents qui s'opposent.
M. Roy: Mais je pense...
M. Dufour: On parle de un, mais ça pourrait être
deux, trois aussi.
M. Roy: ...qu'il devrait y avoir un jugement de valeur...
M. Dufour: Voilà!
M. Roy: ...de porté en cours de route, à savoir
est-ce que ce projet-là... Parce qu'il faudrait éviter d'avoir 15
personnes qui s'opposent à un projet et qui disent: Bon, bien, on va
aller en médiation pour retarder indûment le processus.
M. Dufour: Est-ce que vous êtes favorable à ce qu'il
y ait des montants qui soient donnés à des groupes
environnementalistes? Vous dites, non, mais...
M. Roy: On a dit tout à l'heure: Aujourd'hui, en 1991, en
septembre 1991, au moment où on se parle, compte tenu de ce qu'on pense
de tout le processus, là, on pense qu'aujourd'hui on ne peut pas vous
dire: Oui, allez-y, on supporte totalement qu'on puisse donner des sommes
d'argent aux groupes qui veulent présenter une argumentation contre les
différents projets. Comme mon collègue a dit tout à
l'heure, ce n'est pas nécessairement un non ferme pour un processus qui
sera remodelé et qui tiendra quand même compte des conclusions de
la présente commission.
Si on établit clairement les règles du jeu pour tous et
chacun, si, en cours de route, lors de l'audience, l'argumentation ou la preuve
qui est amenée est réellement à propos, n'est pas frivole,
je vois mal comment, dans un tel contexte, on puisse s'opposer à toute
forme d'aide à des groupes ou des citoyens. Prenons le cas
peut-être d'un citoyen qui est beaucoup plus démuni qu'un groupe
qui peut être alimenté par un "membership".
Le Président (M. Garon): Alors, je vous remercie. Je vais
suspendre les travaux de la commission pendant quelques instants, le temps
de
changer d'intervenants, c'est-à-dire que maintenant j'appelle
l'Association québécoise de lutte contre la pollution
atmosphérique de Lanaudière.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
(Reprisée 16 h 34)
Association québécoise de lutte contre
la pollution atmosphérique de Lanaudière
Le Président (M. Garon): Nous reprenons nos travaux. M.
Lambert, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution
atmosphérique de Lanaudière, si vous voulez nous présenter
les gens qui vous accompagnent.
M. Lambert (Michel): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Vous avez une demi-heure à
votre disposition, c'est-à-dire 10 minutes pour l'exposé de votre
mémoire, 10 minutes pour le parti ministériel et 10 minutes pour
le parti de l'Opposition.
M. Lambert: Merci, M. le Président, j'aimerais vous
présenter Mme Louise Tétreault, qui est agente de recherche pour
l'Association. Permettez-moi d'excuser Me Martin Rondeau, qui était
censé nous accompagner, mais qui a été pris à la
cour aujourd'hui, cet après-midi.
M. le Président, je vais vous faire une lecture du
mémoire. J'aimerais simplement stipuler que le document initial qui a
été acheminé auprès de la commission, nous avons
fait certaines modifications et si c'est possible, M. le Président,
j'aimerais que les membres de la commission puissent prendre connaissance en
même temps que nous du document, en fin de compte, qui fait l'objet de la
présentation, cet après-midi.
Nous vous remercions de l'opportunité qui nous est offerte de
venir vous présenter certaines constatations ainsi que certaines
orientations que nous souhaitons voir appliquer concernant la procédure
d'évaluation des impacts sur l'environnement au Québec. A des
fins d'une meilleure compréhension des divers éléments qui
constituent notre mémoire, quelques items ont été
ajoutés au document initial. Nous comptons sur votre obligeance et nous
nous excusons du fait que vous le receviez présentement.
Le présent mémoire ne se veut pas le résultat d'une
étude exhaustive des modalités d'application de la
procédure actuelle d'évaluation et d'examen d'impacts sur
l'environnement du Québec, mais le résultat de la
réalité que nous vivons dans notre action en tant que groupe
environnemental face à cette procédure. Notre présentation
se veut également en conformité avec les nouveaux mandats de
notre asso- ciation, qui vise notamment une participation active dans les
processus décisionnels concernant la gestion des matières
secondaires usagées et, plus particulièrement, en ce qui a trait
à leur utilisation à des fins de cogénération et
d'incinération.
Certaines constatations en ce qui regarde de façon plus
générale la procédure d'évaluation des impacts sur
l'environnement. Il nous apparaît que, dans la grande majorité des
cas, l'étude d'impact sert à justifier et à
crédibiliser la finalité des projets soumis à la
procédure. L'argumentation développée par les citoyens
concernés et les groupes environnementaux lors des audiences publiques
n'ont aucun impact quant aux décisions finales. À ces
constatations, on se doit de rajouter le considérant majeur du processus
de prise de décision du ministère de l'Environnement et du
gouvernement, qui influence directement le vécu environnemental des
citoyens et la gestion environnementale des municipalités ou des
régions, sans aucune forme de consultation de celles-ci.
Pour nous, ces constatations posent la question du respect de la
démocratie et, consé-quemment, du principe fondamental de la
participation des citoyens au processus décisionnel ainsi que le besoin
impératif de créer au Québec de nouvelles structures
consultatives et juridiques qui permettront aux citoyens d'agir
concrètement dans leur devenir environnemental.
À titre d'exemple, il est inadmissible que, dans le plan d'action
pour l'accréditation des équipements et procédés
industriels pour la valorisation énergétique et le recyclage des
déchets présentement mis de l'avant par le MENVIQ, aucune
structure de participation du public ne soit prévue et cela, même
si l'incinération a déjà été
sérieusement remise en question dans une gestion économique et
écologique de nos déchets, aussi bien par des citoyens et
municipalités du Québec que dans de nombreux pays ou provinces,
notamment en Ontario.
Comment comprendre que les dirigeants de la cimenterie Ciment
Saint-Laurent à Joliette et de la compagnie Philip Environmental aient
décidé de demander à là municipalité voisine
de Saint-Thomas-de-Joliette un permis de construction pour l'entreposage
d'huiles usées, alors que le certificat d'autorisation stipulait que la
construction de ces mêmes équipements devait se faire dans la
ville de Joliette? La raison de cette décision se trouve peut-être
dans l'exigence faite par la ville de Joliette que leur soit octroyée
une taxe sur les profits générés par le brûlage
d'huile à la cimenterie, taxe qui aurait servi à assurer un
contrôle strict des opérations par la MRC Joliette.
Également, comment peut-on concilier les récentes
modifications à la loi sur les déchets solides, notamment
l'article 115, et le fait que la Caisse de dépôt et placement du
Québec puisse investir 298 700 000 $ dans la multinationale
Laidlaw et 3 300 000 $ dans Waste Management International, à
l'heure où on assiste à une volonté manifeste des
municipalités et des citoyens de gérer eux-mêmes leurs
déchets, selon le principe des trois R, et que partout en région
les coûts de traitement des déchets domestiques augmentent lorsque
les multinationales gèrent les opérations? Comment comprendre le
généreux permis accordé par le gouvernement du
Québec à la compagnie Lincoln Waste Management de collecter dans
toute l'Amérique du Nord des déchets solides et liquides,
toxiques et non toxiques, lorsque l'on sait le préjugé favorable
qu'a ce gouvernement envers l'incinération à l'heure de la
régionalisation et de la municipali-sation de la gestion des
déchets?
Face à de telles orientations, nous croyons essentiel que soient
implantées le plus tôt possible de nouvelles structures ou
redéfinies les structures actuelles, afin que la population ait un droit
de regard sur ce genre de politiques et programmes qui se doivent de
répondre formellement à un processus décisionnel
démocratique dans lequel serait reconnue l'imputabilité du
gouvernement.
Nous croyons que les conseils régionaux de l'environnement ainsi
que les MRC pourraient jouer un rôle important de concertation et de
représentation afin que les régions et les municipalités
se fassent entendre avant que soient prises de telles décisions qui
influencent directement la gestion environnementale des régions.
Maintenant, revenons de façon plus spécifique à la
raison pour laquelle l'argumentation des citoyens et des groupes
environnementaux n'a, à notre avis, aucun impact sur les
décisions finales dans la procédure actuelle.
Premièrement, les considérants sur lesquels repose
l'argumentation des deux parties ne sont pas les mêmes.
Généralement, les citoyens et les groupes environnementaux
argumentent sur la justification des motifs qui président à la
décision d'autoriser un projet ou s'appuient sur le gros bon sens. Mais
cette argumentation n'est pas recevable lors de l'analyse environnementale,
notamment parce que les directives inhérentes à l'étude
n'incluent pas ou incluent de façon très sommaire la
justification des motifs, et que le gros bon sens est un paramètre qui
n'est pas reconnu.
Deuxièmement, les citoyens et les groupes environnementaux n'ont
alors d'autre choix que de s'engager dans une bataille d'experts, sans source
de financement, sans possibilité de contre-expertise et dans le cadre
d'un délai très court. Pourtant, la commission Charbonneau, dans
son rapport final, a implicitement reconnu la compétence des citoyens et
des groupes à titre d'experts de leur milieu de vie et de leur milieu de
travail. Premiers intéressés à la qualité de leur
milieu de vie et de travail, les citoyens ont une connaissance directe des
problèmes et sont aptes à participer à
l'élaboration des solutions et à l'évaluation des choix
qui en découlent.
Conséquemment, le citoyen n'a d'autre recours légal que
l'injonction qui lui permette de faire appel, si la décision rendue et
le certificat d'autorisation sont susceptibles de lui causer un
préjudice potentiel sérieux. Également, le citoyen n'a
d'autre recours légal que l'injonction lui permettant de porter plainte,
dans le cas d'un délai accordé au promoteur pour rendre ses
installations conformes au permis d'exploitation, même si ce délai
peut causer des préjudices sérieux à l'environnement et,
subséquemment, porter atteinte à la santé de la
collectivité.
Cependant, tous reconnaissent la lourdeur des procédures et
l'importance des coûts rattachés à la mise en application
de cette procédure d'injonction. Bien que la loi prévoie que le
ministère peut lui-même agir de la sorte, de nombreux exemples
nous prouvent que le ministère est peu disposé à utiliser
ce recours, même si une preuve de non-conformité est
déjà établie. Cet aspect est particulièrement
vérifiable en ce qui a trait à l'exploitation des sites
d'enfouissement, où les délais accordés à des
exploitants de sites d'enfouissement pour rendre leurs installations conformes
aux normes et règlements ne constituent, dans la plupart des cas, qu'un
sauf-conduit permettant de polluer l'environnement. Les exemples de
Saint-Jean-de-Matha et de Sainte-Geneviève-de-Berthier dans la
région de Lanaudière en sont des exemples frappants. Dans cette
optique, nous croyons qu'il serait indispensable que le gouvernement mette sur
pied une commission d'enquête visant l'établissement d'un plan de
gestion global et écologique des déchets solides, en tenant
compte de la viabilité de nouveaux marchés des matières
récupérées.
D'ici la mise en application de nouvelles politiques issues de cette
commission, il nous semblerait opportun que le gouvernement se penche de
manière sérieuse sur l'opportunité d'un moratoire sur tout
projet concernant la gestion des déchets susceptibles d'être non
conformes aux besoins et attentes des citoyens.
Cinquièmement, les citoyens n'ont pas accès à un
fonds d'aide dans le cas découlant d'un litige environnemental
impliquant un préjudice potentiel à la collectivité.
Soulignons à cet effet que des citoyens ont tenté d'utiliser le
fonds d'aide pour les recours collectifs. Cependant, celui-ci peut rarement
être utilisé parce que les cas de litige environnemental
impliquent souvent des préjudices potentiels, ce qui est jugé
irrecevable, dans le cadre des recours collectifs.
Afin de permettre un réel respect des droits des citoyens en
matière d'environnement, voici quelques alternatives proposées:
1° L'adoption dune charte des droits de l'environnement. 2° Formation
d'un comité permanent de l'environnement à vocation horizontale
et à caractère consultatif, présidé par le ministre
de l'Environnement et regroupant les différents ministères, le
Conseil de la conservation et de
l'environnement du Québec et le Regroupement des conseils
régionaux de l'environnement. Son mandat serait l'élaboration
d'une politique globale environnementale conforme au principe du
développement durable, incluant formellement le concept de l'utilisation
de la meilleure technologie applicable en ce qui regarde l'objectif 0
délai 0 rebut. Rapport fait au gouvernement concernant
l'évaluation des pofitiques sectorielles actuelles, conformément
aux objectifs de la politique environnementale. Le comité devra
être saisi des nouvelles politiques et nouveaux programmes sectoriels et
devra émettre un avis concernant la conformité aux objectifs de
la politique environnementale et, le cas échéant, la pertinence
d'une audience publique. 3° La nomination d'un protecteur de
l'environnement inspiré du modèle du Protecteur des citoyens. Le
mandat du protecteur de l'environnement serait de répondre aux plaintes
des citoyens qui se sentent lésés suite à une mauvaise
décision, à une erreur ou à un agissement injuste d'un
fonctionnaire, d'un officier ou d'un employé relevant de la fonction
publique. Le protecteur de l'environnement ne rendrait compte de ses actes
qu'à l'Assemblée nationale. Dans le cas où toutes les
autres possibilités de faire reconnaître... dans un cas de litige,
les droits de l'environnement, le citoyen pourrait faire appel au protecteur de
l'environnement. 4° Création d'une commission environnementale
autonome reconnue en tant que tribunal administratif et présidée
par un commissaire impartial, reconnue par la loi et composée à
parts égales de représentants du secteur industriel et du secteur
environnemental. Cette commission aurait le pouvoir d'ordonner une
enquête et la tenue d'audiences publiques lorsqu'une plainte faite par un
citoyen serait jugée recevable, en s'appuyant notamment sur les motifs
de la violation d'un texte de loi ou d'un règlement. Elle aurait le
pouvoir d'ordonner la réparation des préjudices et
également le pouvoir d'ordonner au ministère de l'Environnement
de suspendre un permis d'exploitation. (16 h 45)
Avant que la commission ne prenne en considération une plainte
d'un citoyen, celle-ci devrait, au préalable, avoir été
déposée au ministère de l'Environnement et refusée.
À cette étape, la commission pourrait initier un mode de
conciliation entre les parties et/ou ordonner une enquête. Dans l'exemple
qui suit, soulignons que l'éventualité présentée
concernerait la commission en ce qui a trait au niveau juridique et le
comité en ce qui regarde la remise en question des politiques et
orientations dont découlent les lois et règlements.
Une plainte d'un citoyen pourrait être jugée recevable si
le citoyen démontre que le concept de la meilleure technologie
applicable en ce qui concerne l'objectif 0 délai 0 rebut n'est pas
respecté. De ce fait, dans le cas d'une plainte concernant
l'élimination des huiles usées par incinération, la
plainte serait jugée recevable si le plaignant présente comme
argument qu'une meilleure technologie applicable existe, en l'occurrence, le
reraffinage des huiles usées. Également, toute plainte concernant
l'octroi de permis d'exploitation de nouveaux sites d'enfouissement ou
d'agrandissement d'un site existant pourrait être jugée recevable
s'il était démontré que, localement, il est possible de
mettre en place un programme de collecte sélective de déchets
domestiques et/ou dangereux. 5° Création d'un fonds d'aide
paragouver-nemental pour la protection de l'environnement. Les administrateurs
du fonds d'aide auront le pouvoir de rendre des décisions quant à
l'octroi de fonds à toute personne dont le sérieux de la plainte
aura été démontré. 6° Pouvoir
discrétionnaire du ministre de l'Environnement. Que le ministre de
l'Environnement puisse refuser d'émettre un certificat d'autorisation
s'il juge que le projet peut causer des préjudices sérieux
à la population et ce, même si le projet rencontre les
critères énoncés par loi et règlements. 7°
Octroi de fonds statutaires aux groupes environnementaux par le gouvernement
provincial à titre de reconnaissance du rôle joué par ces
organismes comme agents diffuseurs d'information et ce, quelle que soit leur
position dans les dossiers. Ce septième point s'appuie sur le principe
qui veut que la solution aux problématiques environnementales soit
toujours des solutions de compromis et qu'un meilleur équilibre des
forces en présence, assorti d'une connaissance approfondie des dossiers,
ne puisse que favoriser les médiations.
En conclusion, nous ne sommes pas des experts en administration publique
ou juridique, mais notre expérience en matière d'environnement a
démontré qu'il est indispensable que le processus
décisionnel gouvernemental inclue et favorise la participation des
citoyens dès les premières étapes menant à la
réalisation de projets ou à la mise en place de politiques et de
programmes gouvernementaux. Considérant également qu'aucun statu
quo ne peut exister en matière d'environnement, du fait de l'avancement
de la technologie, des éléments d'information qui peuvent
s'ajouter au dossier et des demandes de citoyens, il est indispensable d'avoir
des structures qui permettent aux citoyens d'avoir accès à un
recours juridique.
Nous considérons également primordial qu'il y ait
possibilité d'interdire tous travaux de construction ou de mise en
application d'un programme pendant la prise en considération d'une
demande des citoyens à la commission ou pendant la tenue d'une
évaluation environnementale. C'est à cette condition seulement
que l'étude de l'évaluation des impacts de l'environnement sera
crédible et que le citoyen se sentira
véritablement partenaire à part entière du
développement du Québec. Soulignons que l'attribution des
ressources financières aux organismes responsables et une information
accessible aux citoyens sont parmi les moyens directement disponibles et les
manifestations les plus souhaitées de la détermination
gouvernementale à trouver des solutions au problème du respect
des droits environnementaux, comme le disait la commission Charbonneau dans son
rapport final. Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. C'est M. le
député de Deux-Montagnes qui va être interviewer au
dossier.
M. Bergeron: Merci, M. le Président. Alors,
écoutez, monsieur, madame, premièrement, je voudrais vous
souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire. Je pense que
ça fait deux semaines qu'on en entend parler et je pense que tous les
intervenants jusqu'ici nous ont présenté des sujets et des
suggestions très intéressantes.
Votre Association québécoise de lutte contre la pollution
atmosphérique de Lanaudière, qui n'est pas loin de chez moi, de
Deux-Montagnes... Ça me fait extrêmement plaisir de voir
jusqu'à quel point vous êtes intéressés.
J'espère que Deux-Montagnes va en profiter indirectement, si on met tout
en application les suggestions que vous avez faites. Votre mémoire est
peut-être court, mais, comme on dit en bon français, il y a du
stock dedans.
Vos recommandations principales, c'est l'adoption d'une charte des
droits de l'environnement - on reviendra là-dessus - la formation d'un
comité permanent, la nomination d'un protecteur de l'environnement et la
création d'une commission parlementaire. Alors, grosso modo, je pense
que c'est le plan que vous nous avez présenté cet
après-midi.
Ma première question est la suivante: Vous dites que les citoyens
concernés n'ont aucun impact quant aux décisions finales.
Jusqu'à quel point le citoyen peut-il influencer la décision
finale sur un projet d'impact? Je comprends l'implication des citoyens, je
pense que, de jour en jour, c'est de plus en plus une réalité.
Mais jusqu'à quel point l'implication des citoyens doit...la
décision doit être prise parce que présentée par ce
groupe-là?
M. Lambert: Moi, je veux simplement vous dire que je reste...
Nous travaillons en région et dans la région de
Lanaudière, particulièrement, on assiste quand même
à une nouvelle maturité environnementale des citoyens, des
gouvernements municipaux et des divers groupes de pression en environnement.
Évidemment, lors- qu'on s'aperçoit que nous, si on parle d'un
dossier plus précis, le dossier de l'incinération dans lequel on
travaille énormément, présentement, les citoyens ont
énormément... ont encore le fardeau de la preuve sans aucun moyen
financier, sans aucune ressource. C'est du bénévolat à
titre pur dans lequel les citoyens doivent oeuvrer afin de présenter
leurs représentations lorsque des industriels, lorsque le
ministère de l'Environnement ou le gouvernement a des projets qui
peuvent être discutables et qui ne répondent pas tout le temps aux
attentes de ces mêmes citoyens ou de ces groupes-là.
C'est pour ça que je vous dis que c'est surtout en ce qui a trait
aux moyens mis à la disposition, justement, des citoyens et des groupes
qui veulent éventuellement participer à l'élaboration des
solutions environnementales que l'on assiste, d'après nous, à un
manque flagrant de reconnaissance du citoyen en tant qu'expert de son milieu de
vie. Je pense que c'est important de revenir là-dessus.
La commission Charbonneau a quand même fait un travail que nous,
on considère important et qui, malheureusement, n'a pas de suite, ou du
moins une suite que nous, on considère peut-être discutable. Il
reste que la commission Charbonneau a fait l'énoncé que les
citoyens sont des experts de leur milieu de vie et de leur milieu de travail.
Nous espérons que la procédure d'évaluation,
éventuellement, ou la structure organisa-tionnelle afin que les citoyens
fassent connaître leur point de vue en environnement permette justement
que ce ne soit pas simplement un voeu pieux, mais que cette reconnaissance
faite notamment par Charbonneau soit vraiment quelque chose qui rapporte et qui
soit appuyée par le gouvernement, en fin de compte.
M. Bergeron: très bien. enfin, une association comme la
vôtre, bien entendu, comme partout ailleurs dans la province, c'est du
bénévolat.
M. Lambert: Je vais vous dire honnêtement: C'est du
bénévolat et on considère que nous, personnellement,
ça fait exactement deux ans et demi que nous n'avons reçu
absolument aucun financement du ministère de l'Environnement du
Québec. Je vais simplement vous dire que le programme - je veux juste
ouvrir une parenthèse - mais le programme "Le mois
québécois de l'environnement", qui est un programme qui est
censé avoir énormément de...où le MENVIQ annonce
à grands frais le mois québécois, le mois de mai, mais,
pour la région Montréal-Lanaudiè-re, cette année,
le budget total pour le mois québécois de l'environnement
était de 7900 $ pour Montréal-Lanaudière. Alors, je peux
vous dire de quoi, avec 7900 $, je ne sais pas, il y a eu un projet dans la
région de Lanaudière qui a été accepté.
C'est à Terrebonne.
M. Bergeron: Enfin, ma question était la suivante - vous
l'avez mentionné dans votre mémoire - sur la création d'un
fonds destiné à améliorer les représentations des
groupes comme le vôtre; de quelle façon vous verriez la mise en
place d'un fonds de ce genre-là? Est-ce que c'est par les membres de
votre région? Est-ce que ce sera plutôt par le gouvernement,
par... On reviendra à mon autre question tout à l'heure.
M. Lambert: Disons que nous, on a énormément
confiance dans la création des conseils régionaux en
environnement. On croit que c'est une structure qui peut répondre
justement aux besoins de concertation et de représentation des
régions en matière d'environnement, notamment en ce qui a trait
aux politiques et aux programmes gouvernementaux. Je crois que les conseils
régionaux en environnement pourraient éventuellement
représenter justement une source, comme je disais, de concertation, et
en même temps la possibilité de faire connaître
l'environnement en région. À savoir de quelle façon les
fonds seraient distribués, comme je vous dis, je n'ai peut-être
pas la capacité de répondre à ça, mais il reste que
pour moi - et je pense que tout le monde en convient chez nous, soit au conseil
régional en environnement, soit à l'association contre la
pollution atmosphérique, en ce moment, nous assistons à une
nouvelle maturité de concertation à caractère
environnemental en région. Les principaux leaders de cette
maturité et de cette concertation environnementale sont les conseils
régionaux en environnement qui devront, d'après nous, être
financés afin justement de répondre au besoin de concertation.
C'est beau les politiques gouvernementales prises à Québec,
notamment en ce qui a trait à la gestion des déchets, mais il ne
faut pas oublier que nous, la région de Lanaudière comme exemple,
on n'a aucun site municipalisé et à Saint-Jean-de-Matha on va
recevoir, à partir de 1992, les déchets de la ville de Hull, qui
est à 278 kilomètres de Saint-Jean-de-Matha. Devant des
incongruités comme celle-là, je crois que ça serait utile
que le gouvernement prévoie la mise en place de tables de concertation
régionales afin que les citoyens et les groupes intéressés
puissent faire des recommandations au gouvernement, notamment concernant la
gestion de déchets et l'incinération.
Le Président (M. Garon): Très bien. Alors, je vous
remercie, M. le député, puisque le temps...
M. Bergeron: J'aurais deux... Je ne pourrais... juste 30
secondes, M. le Président?
Le Président (M. Garon): Je ne peux pas arrêter les
30 secondes. Là, on a conclu des règles du jeu et ce n'est jamais
30 secondes.
M. Bergeron: Je peux poser la question et peut-être...
Le Président (M. Garon): Ah! La question peut prendre 30
secondes, mais la réponse peut prendre 5 minutes.
M. Bergeron: L'Opposition pourra peut-être enchaîner
par après sur la question que je peux...
M. Lambert: Je vais faire ça vite.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Bergeron: ...la nomination d'un protocole.
M. Lazure: Ah! J'ai compris, M. le député. Des
voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Garon): Si M. le député de
La Prairie veut vous donner une partie de son temps, je ne vois pas
d'objection, mais...
M. Bergeron: ...la question que je voulais poser.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux d'abord, au nom
de l'Opposition, féliciter M. Lambert, le porte-parole, et sa
collègue, Mme Tétreault, pour leur présentation. C'est une
excellente présentation. J'ai plusieurs questions et commentaires. Mais
j'enchaînerais tout de suite sur le financement aux conseils
régionaux. Vous faites un plaidoyer pour que les gouvernements tiennent
plus compte de la présence des conseils régionaux en
environnement. Il y en a sept, huit, neuf qui existent actuellement. Moi, je
suis convaincu que le gouvernement ne tient pas assez compte de ces conseils
régionaux là.
J'en ai un dans ma région, en Montérégie, qui
existe depuis un an et demi. Il a demandé une petite subvention, il y a
un an. Malheureusement, ça n'a pas été accordé en
dépit de mon appui et de l'appui de certains députés
ministériels aussi. Mais espérons que cette année ils
auront une subvention. Moi, je pense... Un gouvernement qui n'utilise pas, dans
le sens positif du terme, les conseils régionaux fait une grosse, grosse
erreur.
Je fais le parallèle avec les groupes de personnes
handicapées. Il y a dix, quinze ans, on a eu une prolifération de
groupes de personnes handicapées, un peu comme on a une
prolifération de groupes qui s'occupent d'environnement aujourd'hui. Il
s'est formé dans chaque région un regroupement régional
des associations de personnes handicapées. On en a dans chaque
région du Québec et ce sont des interlocuteurs très
très valables. Ce sont des agents de coor-
dination extrêmement importants pour la région et qui
aident les petites associations locales. Bref, nous, en tout cas, du
côté de l'Opposition, on voit d'un très bon oeil votre
mémoire et vos suggestions. Il y a des choses dans ça qui
rappellent le programme du Parti québécois même. Vous
parlez du tribunal de l'environnement. C'est dans le programme du Parti
québécois, la charte de l'environnement.
Des voix:...
M. Lazure: Vous autres aussi, vous l'avez. Bravo! Bravo! Si tout
le monde la veut, on l'aura. Mais il y a une structure aussi à laquelle
nous, on accorde beaucoup d'importance, c'est la structure à
l'intérieur du gouvernement. Il existe, on le sait, pour le
contrôle des finances publiques, un Conseil du trésor formé
d'un président et de cinq ou six membres désignés par le
premier ministre. Il devrait exister aussi un conseil interministériel
du contrôle de l'environnement présidé par le ministre de
l'Environnement avec quatre, cinq, six ministres qui sont intimement
préoccupés par l'environnement. Tous les projets importants du
gouvernement devraient passer par un tel conseil interministériel.
Maintenant, pour ce qui est de l'aspect aviseur consultatif, une
structure possible, c'est celle d'un conseil national de l'environnement qui
serait formé de représentants de chaque conseil régional,
justement, chaque conseil régional étant représenté
centralement et constituant un conseil national de l'environnement qui serait
le principal conseiller du ministre de l'Environnement et en même temps
une espèce de chien de garde pour surveiller que la charte de
l'environnement est bien observée partout.
Je crois que, si l'on revient à la réalité
actuelle, il y a des modalités qui pourraient être
utilisées pour donner satisfaction aux préoccupations des gens.
Je reviens à l'une de vos préoccupations: le brûlage des
huiles usées, le brûlage des pneus. Je vous pose la question
suivante: Est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait recourir aux
pouvoirs discrétionnaires du ministre et demander au Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement de tenir des audiences publiques
génériques, de faire des études génériques,
si l'on veut, sur le brûlage des huiles usées en cimenterie, sur
le brûlage des pneus en cimenterie? Qu'est-ce que vous en pensez?
M. Lambert: Disons que si je regarde un peu la conjoncture
concernant les projets en cimenterie dans la région de
Lanaudière, presque tous les intervenants à divers titres ont
demandé justement, soit une étude d'impact environnemental sur
les opérations courantes de la cimenterie ou une étude d'impact
sur l'éventuel brûlage, en cimenterie, d'huiles usées.
Pour nous, c'est évident qu'on considère que ça
pourrait être nécessaire et même on croit que ça
devrait se faire. Mais malheureusement, ce dont on s'aperçoit, notamment
dans le plan d'action pour l'accréditation des équipements et
procédés industriels pour la valorisation
énergétique et le recyclage des déchets, qui siège
présentement, dans tous les comités techniques ou dans les
comités concernant la réglementation et tous ces
aspects-là, il n'y a aucun processus de participation du public.
À partir de là, que tu sois producteur agricole à
Saint-Thomas ou citoyen de Joliette, en ce moment, il n'y a absolument aucun
processus de participation du citoyen concernant les projets
d'incinération ou de valorisation énergétique, entre
guillemets, des cimenteries, notamment à Joliette.
Pour nous, ce qu'on souhaite, évidemment, c'est la transparence
complète dans ce dossier-là. J'aimerais simplement
peut-être dire que, jusqu'à présent, on a rencontré
deux sous-ministres; on a rencontré de nombreuses personnes,
différents intervenants par téléphone, en tout cas, il y a
eu un paquet de remue-méninges dans ce dossier-là et
présentement, à l'heure où on se parle, il n'y a
absolument aucun citoyen de Joliette qui est encore sécurisé sur
les projets de brûlage en cimenterie. Je pense que c'est un grave
problème, surtout lorsqu'on s'aperçoit de façon implicite
que le gouvernement est en train de donner l'aval au projet de brûlage en
cimenterie et même à tout projet d'incinération. Pour nous,
c'est une faillite complète de la gestion écologique et
économique de nos déchets.
M. Lazure: Pour nous, de l'Opposition, juste comme geste
spontané immédiat, sans même aller sur le fond de la
question à savoir si on devrait brûler ou ne pas brûler des
pneus, il me semble que le ministre peut très bien utiliser l'article
6.3. C'est un article qui donne un pouvoir discrétionnaire au ministre
de demander au BAPE de faire des études. Ça dit. "Le Bureau a
pour fonctions d'enquêter sur toute question relative à la
qualité de l'environnement que lui soumet le ministre - toute question
relative à la qualité de l'environnement - et de faire rapport
à ce dernier de ses constatations ainsi que de l'analyse qu'il en a
faite." Il doit tenir des audiences publiques dans le cas où le ministre
le requiert. Le ministre pourrait très bien dire au BAPE: Je vous
requiers de tenir des audiences publiques sur les impacts environnementaux du
fait de brûler des pneus en cimenterie. Je comprends qu'on ne l'a pas
fait tellement au Québec à date, mais le ministère de
l'Environnement a envoyé une mission en Europe récemment et il
dit: Ça se fait en Europe, ça se fait aux États-Unis. On
sait que ça se fait dans certains États américains, on
sait que ça se fait dans certains pays européens, mais avant
qu'il prenne une décision pour autoriser telle cimenterie à le
faire, à notre avis, il devrait tenir des audiences publiques pour que
les gens soient renseignés et expriment leurs
positions.
M. Lambert: Évidemment, je ne peux qu'appuyer votre
souhait ou les orientations que vous souhaitez faire adopter par le
gouvernement concernant le dossier des cimenteries. Mais il reste que nous, en
tant que groupe environnemental et également en tant que citoyens de la
région, lorsqu'on s'aperçoit comment le BAPE a été
traité, notamment dans le dossier Soligaz, permettez-nous d'avoir quand
même des craintes sur la capacité du BAPE présentement de
répondre réellement au mandat que nous souhaiterions qu'il
ait.
M. Lazure: C'est déjà fini.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie, M. Lambert.
Comme le temps dévolu à votre groupe est terminé et
même dépassé, je vais suspendre les travaux de la
commission pour quelques instants pour appeler l'Association des industries
forestières du Québec à venir nous rejoindre à la
table. Alors merci, M. Lambert et votre représentante.
(Suspension de la séance à 17 h 6)
(Reprise à 17 h 9)
Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Vous comprendrez, M. le président, que si on a suspendu un peu
nos travaux, c'est que, comme disait l'Évangile: L'esprit est prompt,
mais la chair est faible!
M. Maltais: Et le docteur aussi. Il n'est pas capable d'ouvrir
cette fenêtre-là, hein?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Garon): Comme les députés
siègent depuis 14 heures cet après-midi...
M. Lazure: J'ai fait plus que le côté
ministériel. J'en ai ouvert une.
Le Président (M. Garon): II faut leur permettre de
soulager les parties sensibles.
Alors, M. Duchesne, comme vous êtes le porte-parole de
l'Association des industries forestières du Québec, vous avez une
heure à votre disposition, c'est-à-dire que, normalement, vous
prenez 20 minutes, le parti ministériel, 20 minutes, le parti de
l'Opposition, 20 minutes. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait et
ce que vous prendrez en moins leur sera ajouté dans la même
proportion, moitié-moitié.
Si vous voulez nous présenter également les gens qui vous
accompagnent.
Association des industries forestières du
Québec
M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. J'ai
avec moi M. Robert Jobin, à ma gauche, qui est le directeur des services
de l'environnement chez Kruger inc, à Montréal et qui est ici
comme membre du comité de l'environnement de l'AIFQ; et, à ma
droite, M. Yves Lachapelle, qui est le coordonnateur, foresterie, à
l'Association.
J'aimerais d'abord, M. le Président, remercier la commission pour
l'occasion qui nous est offerte d'exposer nos opinions et nos suggestions
concernant la procédure d'évaluation des impacts sur
l'environnement. Les 27 entreprises qui sont membres de l'Association
produisent la presque totalité des pâtes et papiers
fabriqués au Québec et plus des deux tiers des bois sciés.
Pour réaliser cette production, les membres de l'Association sont
étroitement impliqués dans des activités
d'aménagement forestier, incluant les travaux de récolte, et dans
des activités de transformation de la matière ligneuse. La nature
même de ces activités implique que les membres ont
expérimenté à plusieurs reprises la procédure
actuelle d'évaluation des impacts sur l'environnement.
Les membres de l'AIFQ considèrent qu'il est grand temps
d'établir au Québec une nouvelle ère de collaboration
entre les promoteurs du développement économique et ceux de
l'environnement. Ils endossent donc entièrement la
nécessité d'une procédure d'évaluation des impacts
sur l'environnement. De plus, ils sont d'avis que le droit de la population
d'être informée et de faire connaître son opinion sur toute
activité susceptible de modifier les ressources collectives est
indéniable. Toutefois, l'Association considère qu'il est
essentiel que la procédure s'applique différemment, selon qu'il
s'agisse de politiques, de programmes ou de projets. C'est d'ailleurs sur ce
point que nous insisterons d'abord aujourd'hui.
Une des principales critiques des promoteurs de projets qui ont
expérimenté l'actuelle procédure d'évaluation est
que celle-ci a tendance à déborder du cadre des projets soumis
pour traiter de situations macroscopiques relevant davantage de
stratégie ou de politique nationale. Les membres de L'AIFQ
considèrent qu'il est extrêmement important que la
procédure d'évaluation tienne compte du niveau d'intervention des
projets soumis. À titre d'exemple, il ne faudrait pas que
l'évaluation des impacts sur l'environnement d'un projet de
cogénération d'énergie devienne l'objet d'un débat
sur la politique énergétique de l'industrie du Québec ou
du monde occidental.
Il est certain que l'évaluation environnementale des politiques
et des programmes gouvernementaux demeurera toujours un exercice essentiel. En
fait, les membres de l'AIFQ jugent que l'évaluation de ces politiques et
programmes
devrait même déborder la seule dimension environnementale
pour intégrer les dimensions sociales et économiques. Cette
démarche permettrait d'en arriver à une évaluation
beaucoup plus efficace et spécifique de projets particuliers
étudiés ultérieurement.
La suite de nos commentaires d'aujourd'hui portera sur
l'évaluation environnementale de projets puisque les membres de l'AIFQ
considèrent que l'évaluation des politiques et des programmes
gouvernementaux relève davantage des choix de société. On
estime donc que l'évaluation de ces politiques et programmes n'est pas
du ressort du BAPE.
Certaines catégories de projets ont des répercussions
très positives sur l'environnement. D'autres ont des impacts
limités et bien circonscrits. D'autres, enfin, méritent une
attention particulière à leurs répercussions potentielles
sur l'environnement. Il ne faudrait surtout pas que la procédure
d'évaluation constitue un frein au développement de projets sains
pour l'environnement. Elle se doit donc d'être sélective dans son
application. L'AIFQ endosse l'approche actuelle qui identifie par voie
réglementaire les catégories de projets assujettis et non
assujettis à la procédure d'évaluation des impacts
environnementaux. L'Association considère toutefois que les listes ainsi
que les critères d'exclusion et d'assujettissement devraient être
révisés régulièrement à la lumière
des données accumulées par l'expérience acquise. Cette
étape est essentielle pour clarifier le tamisage des projets dans le
cadre du processus et aussi permettre au promoteur de connaître,
dès le départ, les enjeux de ses investissements.
En ce qui concerne les grands projets industriels actuellement exclus de
la procédure, les membres de l'AIFQ considèrent que les nouvelles
mises en chantier pourraient y être assujetties. Toutefois, tout projet
de modernisation ou de changement de procédés ayant pour effet de
réduire les rejets des fabriques ne devrait pas être couvert.
L'application de l'article 22 de la Loi sur la qualité de
l'environnement permet déjà, via l'émission des
certificats d'autorisation, un contrôle adéquat des
répercussions.
En ce qui concerne les études génériques, l'AIFQ
recommande au gouvernement, comme l'a d'ailleurs fait le rapport Lacoste, de
reconnaître le caractère répétitif de certains
projets. Les membres de l'AIFQ sont d'avis que le processus doit favoriser la
réalisation d'études d'impacts génériques afin
d'accélérer le traitement de projets analogues. Par la suite,
chaque promoteur serait invité à présenter son projet pour
lequel seules la conformité à l'étude
générique et les spécificités du projet en question
seraient susceptibles de compléter le processus d'évaluation. De
plus, lorsqu'un promoteur présenterait un projet similaire à un
autre ayant déjà fait l'objet d'une étude d'impact, son
projet devrait être assimilé à la catégorie des
projets à caractère spécifique et emprunter la même
voie que les études génériques. Il va de soi que, compte
tenu du caractère récurrent de certains projets
répétitifs, la procédure devrait également
prévoir une actualisation périodique de ces études
génériques pour tenir compte de l'évolution des
connaissances dans le temps.
Dans le secteur forestier, les projets de cogénération
d'énergie et les projets de pulvérisation aérienne de
pesticides en milieu forestier constituent d'excellents exemples pour lesquels
l'efficacité de la procédure gagnerait à prévoir la
réalisation d'études génériques.
Sur le plan du partage des responsabilités gouvernementales, les
membres de l'AIFQ estiment que le processus d'évaluation des impacts de
projets sur l'environnement doit tenir compte des trois dimensions distinctes
et complémentaires: l'acceptabilité technique des projets, leur
acceptabilité sociale et, enfin, l'accomplissement des
responsabilités politiques. L'efficacité du processus passe
nécessairement par une distinction claire de ces trois dimensions.
L'AIFQ considère que l'acceptabilité technique des projets doit
demeurer sous la responsabilité entière de la Direction des
évaluations environnementales du ministère de l'Environnement.
Par ailleurs, l'acceptabilité sociale des projets, qui s'appuie sur leur
acceptabilité technique, doit relever du Bureau d'audiences publiques
sur l'environnement. Finalement, le gouvernement doit assumer ses
responsabilités politiques par le biais du Conseil des ministres. Toute
confusion dans l'accomplissement de ces trois dimensions ne peut que nuire
à l'efficacité du processus.
Quelques mots maintenant sur les considérations des promoteurs de
projets. Les membres de l'AIFQ estiment que le processus doit tenir compte de
la dynamique de réalisation des projets industriels et des règles
de la compétition des marchés internationaux et nationaux. Dans
la mesure où le gouvernement considère ce processus comme un
outil permettant d'intégrer l'environnement au développement et
non comme un frein à ce dernier, il est essentiel qu'il tienne compte de
ces réalités économiques. Ainsi, il devient
impératif que le processus facilite le synchronisme entre les
investissements et l'évolution des marchés ainsi que les
obligations législatives et réglementaires des promoteurs. Le
processus doit également tenir compte des exigences auxquelles sont
assujettis tous les compétiteurs des promoteurs québécois.
De plus, la confidentialité de certaines données techniques est
essentielle. Toute la valeur des investissements stratégiques des
promoteurs peut être réduite à néant en cas de
divulgation hâtive de ces données. Le processus doit en tenir
compte.
L'harmonisation des procédures fédérale et
provinciale est également vitale pour faciliter et
accélérer le traitement des dossiers. Si la procédure
provinciale n'était pas jugée acceptable
ou reconnue équivalente à la procédure
fédérale, les projets des promoteurs québécois s'en
trouveraient paralysés. L'AIFQ estime qu'il est urgent d'agir à
ce sujet, les deux procédures étant présentement en voie
de révision.
J'aimerais maintenant porter la discussion sur l'efficacité de la
procédure. Dans leurs grandes lignes, les étapes actuelles sont
acceptables. Toutefois, il est essentiel que les délais
nécessaires pour compléter le processus soient réduits au
minimum. Ainsi, l'AIFQ suggère que, pour chacune des étapes du
processus, un délai maximal soit imposé tant pour le promoteur
que pour la Direction des évaluations environnementales, le BAPE et le
ministre responsable.
Dans son mémoire, l'AIFQ a présenté une proposition
d'amélioration du processus, encore une fois uniquement dans le cas des
projets assujettis à la procédure des évaluations. En
fait, les grandes lignes de cette proposition sont, à plusieurs
égards, identiques à celles prévues à la
procédure actuelle. Son originalité réside dans le fait
qu'elle recommande des échéanciers maximums pour chacune des
étapes. Ainsi, les projets de plus petite envergure ou les projets
à caractère répétitif devraient passer plus
rapidement à travers la procédure.
Essentiellement, les projets ne nécessitant pas d'audiences
publiques s'étendraient sur une durée maximale de 15 mois. Les
projets avec audiences publiques bénéficieraient d'un peu moins
de 20 mois. Les membres de l'AIFQ estiment que le délai
suggéré dans le rapport Lacoste, soit de 33 mois, est beaucoup
trop long et peut compromettre des projets qui doivent se synchroniser avec la
demande des marchés.
J'aimerais maintenant présenter à la commission le
détail de la proposition de l'AIFQ et je vous invite à suivre les
différentes étapes de cette proposition à l'aide de la
figure 1 du mémoire présenté en page 14.
Étape 1: Le dépôt de la directive. La
première étape est celle du dépôt de la directive
par le ministère, une étape qui devrait être
complétée au plus tard 60 jours après le
dépôt de l'avis de projet par le promoteur. Les membres de l'AIFQ
sont d'avis que la rédaction de cette directive doit demeurer la
responsabilité du ministère de l'Environnement. Toutefois, l'AIFQ
suggère qu'on ajoute à l'avis de projet une section où le
promoteur pourrait proposer certaines études qui, à son avis,
permettraient d'évaluer adéquatement les impacts potentiels du
projet sur l'environnement.
Par ailleurs, l'intégration de la participation du public
à ce stade-ci du processus pourrait être intéressante. Les
membres de l'AIFQ estiment que cette démarche permettrait
peut-être d'éviter certaines sources de tension ultérieure
souvent liées à une méconnaissance du projet. Cependant,
deux conditions préalables s'imposent. Cette consultation devrait avoir
lieu à l'intérieur du délai prévu pour la
réalisation de la directive et une discrétion absolue sur la
nature du projet serait requise afin de ne pas en compromettre la
viabilité face à d'éventuels compétiteurs. Si ces
deux conditions ne peuvent être rencontrées, les membres de l'AIFQ
recommandent que la consultation publique soit maintenue seulement lors du
dépôt de l'étude du promoteur par le MENVIQ.
En ce qui a trait à la directive elle-même, les membres de
l'AIFQ ne sauraient trop insister sur la nécessité qu'elle soit
rédigée de façon à cerner la portée du
projet sans s'étendre indûment sur des questions qui
débordent son champ d'action. Il est essentiel d'éviter que des
projets précis ne soient utilisés pour relancer le débat
sur des enjeux de société. L'AIFQ est cependant d'avis qu'il
serait avantageux de prévoir dans la directive et ce, en fonction de la
nature des projets, un volet sur l'appréciation des risques à la
santé. Par le passé, la rédaction de la directive a
souvent été une source de ralentissement important. Cette
étape doit absolument être réévaluée.
Deuxième étape: Le dépôt de l'avis de
l'étude par le promoteur. L'AIFQ propose l'ajout de cette nouvelle
étape d'un délai de 30 jours. Les membres de l'AIFQ estiment que
le dépôt d'un tel devis permettrait d'éviter des demandes
d'études supplémentaires lors du dépôt de
l'étude elle-même. Ces nouvelles demandes entraînent
régulièrement des retards qui pourraient être
évités.
Étape 3: Le dépôt d'étude d'impact. C'est
l'étape la plus importante et elle pourrait s'étendre sur 180
jours. L'exécution de l'étude d'impact doit demeurer la
responsabilité du promoteur. Toutefois, une interaction continue avec le
ministère de l'Environnement est souhaitable.
Étape 4: L'avis de recevabilité. Les membres de l'AIFQ
estiment qu'un délai d'un mois est suffisant pour permettre au
ministère de l'Environnement de vérifier si l'étude
déposée par le promoteur correspond aux exigences de la
directive. Advenant le cas où, même après étude du
devis, le ministère exigeait des études supplémentaires,
un délai réaliste devrait alors être convenu entre les
parties pour le dépôt de ces études. Une fois cette
exigence rencontrée par le promoteur, le MENVIQ disposerait de 15 jours
additionnels pour évaluer la recevabilité des études
complémentaires.
Dépôt public de l'étude d'impact et avis du
promoteur: Pas de commentaires particuliers.
Sixième étape: La consultation publique. On en arrive
donc, après les 15 jours réservés à la publication
de l'étude d'impact, aux 45 jours de la consultation publique. Les
membres de l'AIFQ estiment que cette étape de consultation est
essentielle à la compréhension et à l'acceptabilité
du projet par le public. Ils tiennent toutefois à souligner l'importance
du respect de la confidentialité de certaines données techniques
dont le
dévoilement pourrait leur porter préjudice. Le but de la
consultation est de bien informer la population sur la nature du projet ainsi
que sur ses impacts possibles sur l'environnement et la santé. Ces
critères sont déjà rencontrés dans le dossier
déposé pour fins de consultation.
Étape 7: La décision ministérielle sur la tenue
d'audiences publiques. Cette étape doit nécessairement être
limitée dans le temps. Certains projets ont grandement souffert de
délais inacceptables entre le dépôt des demandes
d'audiences publiques et la décision ministérielle. Encore une
fois, il faut rappeler la dynamique dans laquelle oeuvre l'industrie. Pour
accélérer le processus, les membres de l'AIFQ recommandent
l'instauration d'un mécanisme de médiation facultatif. Dans
certains cas litigieux, le but de cette médiation serait
d'éclairer le ministre sur le bien-fondé des demandes
déposées. Le médiateur, nommé par le ministre,
aurait le mandat de rencontrer les parties pour évaluer les demandes et
déposer ses recommandations au ministre. Ce mécanisme de
médiation devrait être effectué à l'intérieur
du délai déjà alloué à cette étape de
décision ministérielle, soit 60 jours.
Étape 8: L'analyse environnementale par le ministère. Vous
pouvez constater, à la lecture du tableau de la page 14, que les membres
de l'AIFQ estiment que l'analyse technique de l'étude d'impact
présentée par le promoteur pourrait être
complétée à l'intérieur du délai imparti
pour la tenue de la consultation publique et la décision
ministérielle sur la tenue d'audiences. Ceci représente un
délai maximal de 105 jours. Simultanément, l'analyse de
l'étude pourrait être complétée par les autres
ministères concernés, ce qui permettrait l'intégration du
concept de développement durable non seulement lors des audiences
publiques, mais également lors de l'analyse technique du dossier. Ceci
permettrait également d'accélérer considérablement
le processus global.
Étape 9: Les audiences. En ce qui concerne cette étape,
les membres de l'AIFQ aimeraient apporter quelques commentaires sur la
situation actuelle. Dans un premier temps, il faut insister sur le fait que le
BAPE doit s'en tenir au mandat qui lui est assigné en vertu de l'article
6.3 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Ce mandat ne doit pas
être changé. L'AIFQ considère qu'il n'appartient pas au
BAPE de définir si le taux de retour sur l'investissement est
satisfaisant ou encore d'analyser ou de remettre en cause la stratégie
du promoteur et la valeur intrinsèque d'un projet. Le BAPE doit
constituer l'outil privilégié pour le ministre de l'Environnement
et le gouvernement pour favoriser la diffusion et la compréhension de
l'information de la population sur les projets et pour analyser sa
réceptivité face à ceux-ci.
De plus, le choix des commissaires est un élément
clé pour l'obtention d'une dynamique équilibrée et
constructive, lors des audiences publiques. Les commissaires doivent
posséder l'expertise nécessaire pour bien comprendre les enjeux
des projets et relancer le débat dans la bonne direction, lorsque les
discussions deviennent non pertinentes. Qui plus est, ils se doivent de faire
preuve d'une objectivité constante afin de ne pas alimenter les
tensions. L'AIFQ est d'avis que les commissaires devraient être
nommés par le Conseil des ministres, à l'exception du
président qui serait un membre du BAPE nommé par le ministre
responsable. L'AIFQ estime qu'en plus du président toute commission doit
être composée d'experts des secteurs suivants: sciences sociales,
santé, environnement, économie et, évidemment, le secteur
spécifique concerné par le projet.
Étape 10: Dépôt des rapports des audiences
publiques. Aucun commentaire particulier, si ce n'est que ça devrait se
faire en dedans de 60 jours.
Étape 11: Analyse ministérielle. Actuellement, aucun
délai n'est prévu pour cette étape. Afin
d'améliorer l'efficacité de la démarche, les membres de
l'AIFQ recommandent qu'un délai maximum d'un mois soit alloué au
ministre pour qu'il puisse prendre connaissance de l'analyse technique de son
ministère, de celle des autres ministères concernés, s'il
y a lieu, ainsi que du rapport des audiences publiques. Enfin, la
décision finale sur l'acceptabilité d'un projet revient au
Conseil des ministres. Ce niveau décisionnel est essentiel pour assurer
une vision globale du dossier. Les membres de l'AIFQ considèrent qu'un
délai de 15 jours est raisonnable pour la remise de cette
décision.
Voilà, M. le Président, à peu près dans le
temps que vous m'aviez alloué, l'essentiel du mémoire que nous
avons déposé à la commission. Je vais tenter, avec mes
collègues, de répondre à vos questions et à celles
des membres de la commission.
Le Président (M. Garon): Merci, M. Duches-ne. M. le
député de Saguenay.
M. Maltais: Merci, M. le Président. M. Duchesne, M. Jobin,
M. Lachapelle, bienvenue à la commission, au nom du gouvernement du
Québec. M. Duchesne, je pourrais ajouter "rebienvenue" parce que vous
êtes un habitué des commissions parlementaires et je pense que
vous avez toujours apporté un apport particulier, que ce soit au niveau
des projets de loi ou de cette commission.
M. Duchesne, on sait que, présentement, l'industrie
papetière et du sciage traverse une époque assez difficile, au
Québec, même très difficile. Je pense que c'est une des
pires crises, au cours des 25 dernières années, que l'industrie
des pâtes et papiers et du sciage connaisse. Juste avant de tomber dans
le sujet, et je suis convaincu que mon collègue de La Prairie sera
d'accord avec moi, d'après vous, comment se
porte l'industrie papetière et du sciage vis-à-vis de la
réglementation actuelle du ministère de l'Environnement?
Une voix: Wow!
M. Maltais: II n'y a personne qui nous écoute, vous pouvez
nous dire ça. Ils sont tous pris dans la... (17 h 30)
M. Duchesne: J'ai remarqué que la lumière rouge
était allumée.
M. Maltais: Toute la presse est prise dans la crise
constitutionnelle. Alors, nous autres, on peut y aller allègrement pour
informer nos commettants.
M. Duchesne: J'ai eu l'occasion de transmettre un certain nombre
de réactions initiales au projet de M. Paradis, à cet effet. La
situation actuelle est telle que, s'il n'y avait pas de changement, je pense
bien que ça serait impossible de générer quelques capitaux
que ce soit pour satisfaire à quelque projet que ce soit, qu'il soit de
nature à améliorer la productivité ou à mieux
protéger l'environnement. Les évaluations qu'on a faites pour le
premier semestre de 1991 sont à l'effet que l'industrie
forestière québécoise a subi des pertes de l'ordre de 250
000 000 $. On me disait tantôt qu'une étude réalisée
par une firme d'experts-comptables pour l'ensemble du Canada prévoyait
des pertes de 2 000 000 000 $ dans le secteur papetier en 1991 au pays. Dans
des conditions comme ça, c'est évident que les investissements
sont excessivement difficiles. Et tout ce qu'on peut espérer c'est que
ça ne durera pas aussi longtemps que certains pessimistes veulent nous
le faire croire et que, quelque part d'ici un an, on va commencer à
remonter cette côte-là.
M. Maltais: D'accord. Merci. Vous dites, à la page 4 de
votre mémoire - vous n'êtes pas les premiers à en parler,
l'association des alumine-ries nous a dit la même chose - que l'actuelle
procédure d'évaluation qui a tendance à déborder du
cadre des projets soumis pour traiter de situations microscopiques relevant
davantage de stratégies politiques ou de politiques nationales... Si je
comprends bien c'est que, lorsqu'on vous amène un projet... vous
déposez un projet, finalement on fait le tour de toute la situation
internationale, mondiale, québécoise pour traiter de votre
dossier. Au fond, on traite de tout et souvent on ne traite même pas de
l'essence du projet. On en profite... Est-ce que vous avez des cas
précis à nous soumettre là-dessus? Ou de votre
mémoire? Écoutez, je ne vous demande pas de faire une recherche,
mais est-ce que c'est arrivé, par exemple, dans le cas d'agrandissement
de papetières ou de modifications de scieries, des choses comme
ça pour lesquelles on a voulu faire le procès public un peu de
toute la situation environnementale dans le domaine des papetières?
M. Duchesne: Le cas le plus flagrant, M. Maltais, c'est
certainement celui de la protection des forêts contre les insectes. Et la
dernière stratégie, projet de stratégie en tout cas -
parce que ce n'est pas encore adopté par le gouvernement - la
stratégie de protection contre les insectes et les maladies. De
façon répétée, chaque fois qu'on a abordé ce
sujet-là, c'est toute la gestion des forêts qui a
été discutée. Et l'industrie forestière est d'avis
que la discussion sur la gestion des forêts a eu lieu, en grande partie
dans cette salle même, quand on a révisé la loi sur...
quand on a préparé la Loi sur les forêts. Et elle s'est
faite avec le processus reconnu dans nos institutions, c'est-à-dire une
commission parlementaire qui a étudié un grand plan de gestion de
nos forêts au Québec et qui a fini par un mécanisme public
auquel tous les groupes intéressés ont été
invités à participer, finalement, par convenir d'une loi qui est
la Loi sur les forêts.
Confondre ce processus avec l'étude d'impact d'un programme
d'arrosage, par exemple, nous apparaît...
M. Maltais: Un peu tordu...
M. Duchesne: ...complexrfier le problème, à tout le
moins.
M. Maltais: Vous parlez également, à la page 5, et
vous êtes presque les premiers - c'est drôle, je trouve que vous
êtes quand même réalistes - à 3.2, dans le milieu:
"II ne faudrait pas que la procédure d'évaluation constitue un
frein au développement des projets sains pour l'environnement. Elle doit
être sélective dans son application." Voulez-vous m'expliciter
ça un petit peu? Mais vous êtes les premiers...
M. Duchesne: M. Jobin a, je pense, un cas type avec un projet de
cogénération dont il peut vous parler quelques instants.
M. Maltais: On vous écoute, M. Jobin.
M. Jobin (Robert): Ce qui arrive assez souvent, peu importe le
genre de projets, mais je dirais entre autres celui-là, quelque chose de
très important, c'est le synchronisme de l'investissement. Si, pour des
raisons fondées ou non, la procédure est étirée, il
peut arriver qu'un projet, à un moment donné, au temps un,
s'avère correct sur le plan rentabilité, alors qu'au temps deux
le projet ne s'avère plus correct. Alors, la procédure
d'évaluation constitue un frein au développement, c'est un peu de
ce que mémoire de l'AIFQ veut dire, c'est qu'il y a des projets, sur le
plan synchronisme, qu'il est essentiel de réaliser à des temps
donnés. Alors, c'est à peu
près ce que je voulais dire sur le mot "frein". M. Maltais:
D'accord.
M Jobin: C'est qu'il ne faut pas que ce soit un
empêchement, que les délais soient raisonnables, mais qu'on
procède.
M. Maltais: Juste avant de continuer, M. Duchesne, je ne sais pas
si c'est moi qui ai mal compris votre mémoire, mais vous me dites que le
BAPE agit sur l'article 6.3 de la loi du ministère de l'Environnement,
qui est presque la loi sur le mandat d'enquête. À mon avis ce ne
serait par l'article 31.3, plutôt, de la loi et non pas l'article 6.3?
Juste pour ma bonne compréhension. Je ne me souviens pas à quelle
page j'ai vu ça, mais... Ah! À la page 8.
M. Duchesne: Vous êtes à un détail
très technique, et je vais avoir besoin de ceux qui ont...
M. Maltais: Non, c'est pour ma compréhension parce que
moi...
M. Duchesne: As-tu la loi? On peut vérifier, je n'ose pas
vous confirmer ou infirmer, là.
M. Maltais: Non, c'est parce que votre mémoire nous sert
de référence, souvent, là, et je veux être bien
sûr si j'ai bien compris. Alors, à la page 8, à 3.5.1, on
dit: L'article 6.3 définit les fonctions du BAPE: Le Bureau a pour
fonctions d'enquêter sur toute question relative...
M. Duchesne: C'est bien ça.
M. Maltais: ...à la qualité de l'environnement que
lui soumet le ministre et de faire rapport à ce dernier lorsque
l'analyse est faite.
M. Duchesne: C'est bien 6.3 dans la copie de la loi que j'ai en
main...
M. Maltais: Bon, je m'en vais à 6.3...
M. Duchesne: ...à jour au 27 mars 1990, ce qui est
marqué ici.
M. Maltais: Oui, si je m'en vais à 6.3: A pour fonctions
d'enquêter sur toute question... Bon, c'est beau. Si je m'en vais
à 31.3... Oui, bien vous avez raison, c'est vous qui êtes correct.
On continue. Non, mais je voulais être bien sûr, parce que je
n'avais pas trop saisi ça.
À la page... Excusez-moi, on change de bord. À la page 9,
3.5.2. Concernant la nomination des commissaires. J'ai eu un soubresaut parce
que mon collègue de La Prairie ne semblait pas d'accord
là-dessus. Comment voyez-vous ça, vous autres, la composition du
Bureau, du BAPE, son président? Vous ne réclamez pas un expert
sur le Bureau. Il y en a beaucoup qui en réclament; on doit être
rendu à au moins quatre ou cinq experts qu'ils connaissent,
indépendamment de l'association qu'on représente. Est-ce que vous
voulez un ingénieur forestier là-dessus aussi vous autres? Et
comment voyez-vous ça, ces nominations-là, du président?
Vous soumettez que le président doit être nommé par le
ministre. Je pense que c'est ce qui est fait à l'heure actuelle, ou par
le Conseil des ministres. Il y a eu une suggestion apportée par bien des
gens que le président soit nommé par l'Assemblée
nationale, comme le Vérificateur général ou comme d'autres
présidents, Commission d'accès à l'information, pas le
vice-président, mais le président. Alors, comment voyez-vous
ça?
M. Duchesne: est-ce qu'on s'entend, ce qu'on a mis dans notre
mémoire à la page 9, c'est spécifique à une
commission particulière, et non pas au bureau comme tel.
M. Maltais: Non, mais moi, je parle du BAPE, je l'élargis
au BAPE.
M. Duchesne: O.K. Alors, nous, on n'a pas nécessairement
exigé que le BAPE comprenne un certain nombre de commissaires qui sont
tous spécialistes dans un domaine en particulier. Ce qui nous
apparaît important, c'est que la commission, au moment où elle
siège, dispose de cette expertise-là, que chaque commission
particulière dispose de cette expertise-la.
M. Maltais: D'accord.
M. Duchesne: Beaucoup plus que le BAPE, qui nous apparaît
une espèce de mécanisme qui permet la réalisation
d'audiences efficaces et impartiales à ce moment-là. Donc, on ne
s'est pas vraiment arrêté à la nomination du
président et des commissaires permanents du BAPE comme tel.
M. Maltais: Merci. Ça va, M. le Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier, au
nom de l'Opposition, M. Duchesne et ses collègues, M. Jobin et M.
Lachapelle. Moi, je trouve que c'est un travail extrêmement bien fait,
plein de bonnes suggestions, et juste quelques petites sections où
j'exprimerai un désaccord tantôt, où je poserai des
questions. Mais j'aime beaucoup votre cheminement critique. Ce soir, on va en
avoir un autre qui nous est proposé par l'association des
ingénieurs du ministère de l'Environnement. On pourra les
comparer. Eux sont encore plus ambitieux, si je peux dire, ils proposent un
échéancier de 12 mois au total; le vôtre c'est 19 mois.
Je note que vous avez préconisé une intervention du public
la plus précoce possible. J'avais une question là-dessus. Dans
une des étapes qui n'est pas tellement précoce, vers la fin,
l'analyse environnementale de la DEE, est-ce que, dans votre esprit, cette
analyse environnementale serait rendue publique? J'imagine que oui.
M. Duchesne: Ça fait partie de l'information qui est
nécessaire pour juger d'un projet.
M. Lazure: Oui.
M. Duchesne: Mais je vous souligne que le 19 mois, ou à
peu près, qui représente la somme des délais qui sont
prévus, dans notre esprit c'est vraiment un délai maximal.
M. Lazure: Oui.
M. Duchesne: Et on a même songé qu'on pourrait
imposer des pénalités au ministre, ou à n'importe qui qui
ne respecte pas les délais qui lui sont impartis là-dedans, qui
correspondraient aux dommages subis par le promoteur qui ne réussit pas
à rencontrer ses objectifs de temps.
M. Lazure: Pénalité aussi au promoteur qui ne
présenterait pas son étude d'impact en temps?
M. Duchesne: Elle pourrait assez facilement être
automatique, M. Lazure, si vous lui demandez, à ce moment-là, de
recommencer la procédure depuis le début. Et je pense que c'est
important, si on veut que le système soit efficace, que tout le monde
sache qu'il faut procéder. Puis, pour être capables de
procéder de cette façon-là, il faut accepter qu'on va
traiter un sujet qu'on va restreindre au problème du jour, et non pas
essayer, chaque fois, de résoudre tous les problèmes du monde,
comme on l'a mentionné tantôt.
La première étape, par exemple, dans laquelle vous
mentionnez qu'on a considéré la participation du public
dès le début, on a prévu 60 jours, mais, dans le fond, 60
jours tient compte justement de cette participation. Dans notre esprit, si les
deux conditions mentionnées ne sont pas respectées, on peut
facilement réduire cette étape-là, probablement à
quelque chose comme 20 jours, et puis on va se rapprocher déjà
d'au moins un mois du programme qui va vous être présenté
ce soir. C'est un peu le même raisonnement dans toutes les étapes
de la procédure.
M. Lazure: II y a un certain nombre de groupes qui se sont
prononcés, parce que c'était dans le document de consultation...
On évoquait l'hypothèse d'un président du BAPE
nommé par l'Assemblée nationale, au deux tiers des voix, comme le
Protecteur du citoyen ou d'autres postes importants dans la fonction publique
et parapublique. Ce n'est pas clair, clair. Vous autres, est-ce que vous
préconisez que le président du BAPE soit nommé par le
ministre? Est-ce que c'est ça que vous préconisez? Si c'est
ça, là... Je pense que c'est ça, je lis ça.
M. Duchesne: On n'a pas précisé de changement
à la procédure actuelle là-dessus. Ça ne nous
apparaît pas être le critère essentiel pour faire
fonctionner le BAPE de façon efficace.
M. Lazure: Oui, d'accord. C'est parce que c'est dans votre
résumé, à la page 2 de votre résumé. Je l'ai
devant moi, la page 2 de votre résumé; au milieu de la page 2,
vous dites: "Concernant la nomination des commissaires, l'Association est
d'avis que ces derniers devraient être nommés par le Conseil des
ministres, à l'exception du président qui serait un membre du
BAPE, nommé par le ministre responsable." (17 h 45)
M. Duchesne: On est toujours dans les commissions
particulières, là.
M. Lazure: Oui, c'est ça qui n'est pas clair,
là.
M. Duchesne: C'est la distinction que je faisais avec M. Maltais
tantôt. Est-ce qu'on parie du BAPE ou d'une commission?
M. Lazure: Ah bon!
M. Duchesne: Nous, on a fait des recommandations sur une
commission.
M. Lazure: D'accord. Bon. Alors, le BAPE, dans son ensemble, vous
préconisez le statu quo. Vous ne seriez pas contre qu'il soit
nommé par l'Assemblée, le président?
M. Duchesne: Non.
M. Lazure: Non? Bon. Juste une remarque. Dans les quelques rares
choses qui m'ont fait sursauter de façon plutôt négative,
c'est quand vous dites que l'Association déplore que le BAPE ait
régulièrement outrepassé ses fonctions dans le
passé. Bon. Un certain nombre de gens nous ont dit ça puis un
certain nombre ont évoqué le cas de Soligaz. Je ne l'ai pas fait
encore jusqu'ici, mais je vais le faire là. Ce n'est pas pour vous
là, mais pour d'autres qui ont évoqué aussi cet
outrepassement du BAPE. Les gens ne savent pas en général que le
BAPE obéit à un mandat du ministre de l'Environnement. J'ai
devant moi la lettre du 24 août 1990 qui est signée par le
ministre de l'Environnement, adressée au président du BAPE.
Ça dit, au troisième paragraphe: "De plus, je demande, entre
autres, que la problématique générale du
développement de l'industrie pétrochimique conséquente
à l'éven-
tuelle réalisation du projet Soligaz soit examinée dans
une perspective de développement durable." Voyez-vous, c'est ça
qui est la phrase clé. Ce n'est pas le BAPE qui a décidé:
Nous, on va élargir au maximum notre mandat. Et c'est signé:
"Pierre Paradis, ministre de l'Environnement."
À partir du moment où vous demandez au BAPE de regarder
tout l'avenir de l'industrie pétrochimique conséquente à
Soligaz et dans une perspective de développement durable, vous ouvrez de
très très grandes portes et le ministre, j'imagine, savait ce
qu'il faisait à ce moment-là. J'imagine qu'il savait ce qu'il
faisait. Alors, il faut arrêter de blâmer le BAPE. Il faut
arrêter, à mon avis, de dire: Le BAPE a outrepassé ses
fonctions. Le BAPE n'avait pas affaire à se prononcer sur le nombre
d'emplois que ça allait créer ou ne pas créer. Ça,
ce n'est pas correct de dire tout ça. Ce n'est pas la faute du BAPE.
S'il y a quelqu'un que vous voulez blâmer, c'est le ministre de
l'Environnement qui a donné un mandat très très large au
BAPE.
M. Duchesne: m. lazure, le texte de notre document dit ça
sur la base de notre expérience et notre expérience n'est pas du
tout le cas que vous mentionnez. ce sont des cas vécus dans le secteur
forestier et il s'est produit dans le secteur forestier ce que, nous, on
considère en tout cas comme des élargissements flagrants de
mandat, au point où le ministre paradis nous a dit, sur le projet de
stratégie de protection contre les insectes et maladies, qu'il
était incapable de demander au bape de maintenir les débats
strictement sur le projet, mais qu'il acceptait de considérer, pour les
fins du projet spécifique, les recommandations qui iraient dans le sens
de la discussion du projet et qu'il ferait une distinction avec les autres
recommandations que le bape était susceptible d'apporter dans ce
dossier-là.
Le texte, à ce moment-là... Si vous référez
au mandat que le ministre a donné au BAPE sur ce projet
spécifique et vous comparez ce qui va sortir du rapport du BAPE, on
pourra définir si, effectivement, on a présumé ou pas
présumé. Mais, encore une fois, notre expérience dans le
secteur forestier est à l'effet que la discussion déborde fort
souvent du mandat précis confié par le ministre.
M. Lazure: Bon. Alors, j'avais bien dit... Ce n'est pas à
vous particulièrement que j'adresse ça, parce que je n'avais pas
le texte les autres jours. Mais d'autres ont nommément parlé de
Soligaz. Vous le savez peut-être, plusieurs qui sont venus ici. Ça
ne s'applique pas à vous, mais, dans ce cas-là, je vous retourne
la question autrement. Donnez-nous donc des illustrations de ça, des
exemples de situations où le BAPE, dans le cas de l'industrie
forestière, a outrepassé ses fonctions, ses mandats.
M. Duchesne: Ses mandats plus que ses fonctions.
M. Lazure: Alors, de quelle façon c'est arrivé,
ça? Expliquez-nous ça un peu.
M. Duchesne: Je vous ai parlé des études d'impact
sur les programmes d'arrosage dans le passé. Je viens de vous parler de
ce qui est en cours présentement, de façon un peu inédite
d'ailleurs, puisque, d'une certaine façon, les audiences sur la
stratégie de protection contre les insectes et maladies, c'est un peu
une audience générique avant l'heure, mais il n'en demeure pas
moins que voilà des exemples où non seulement on a parlé
des projets spécifiques qui étaient en cause, mais on a remis en
question tout le dossier de la gestion des forêts, les impacts, bons ou
mauvais, des coupes à blanc et des procédures qu'on a faites dans
le passé, les défauts ou les qualités de
l'aménagement qui avait été accompli dans le passé.
Ça m'apparaît que c'était au-delà du mandat
spécifique d'un projet de protection.
M. Lazure: Évidemment, tout dépend du mandat qui
avait été donné à ce moment-là. Il faudrait
le regarder. Mais je ne veux pas insister plus qu'il ne faut là-dessus.
Je vais revenir, justement, à l'ensemble de votre projet. Je trouve que
des industries aussi importantes que les vôtres, qui sont, vous le savez
mieux que moi, souvent citées comme des industries qui contribuent
malheureusement à polluer l'environnement, même si, heureusement,
les industries en question contribuent très heureusement à la
prospérité du Québec, il va falloir, à un moment
donné, que ces industries-là, les vôtres, et avec tous les
autres - et c'est ça qui est le côté encourageant de cette
commission - il va falloir que tout ça se concrétise dans une
espèce de position commune, claire, où les délais seront,
comme vous le préconisez, beaucoup plus courts, mieux identifiés,
et qu'on abandonne cet antagonisme qui existe, de part et d'autre.
Alors, je pense que du côté de l'Opposition on se
réjouit que la plupart des joueurs dans cette entreprise semblent
converger vers un consensus pour qu'il y ait des délais beaucoup plus
courts. À ce moment-là, ça sera un peu une
procédure qui sera la vôtre, ça sera celle qui aura
été dessinée par tout le monde et ça ne sera plus
vu comme une procédure qui est imposée et qui vient faire des
choses qu'elle ne devrait pas faire. Alors, M. le Président, je m'en
tiens à ça. Je remercie les représentants de l'Association
pour leur très bon mémoire.
Le Président (M. Garon): Alors, M. le député
de Saguenay... Correct? Je remercie M. Duchesne et les gens qui l'accompagnent,
de l'Association des industries forestières du Québec,
d'être venus nous rencontrer. Ceci étant dit,
je suspends les travaux jusqu'à 20 heures, ce soir.
(Suspension de la séance à 17 h 53)
(Reprise à 20 h 8)
Le Président (M. Garon): Nous reprenons nos
délibérations de la commission de l'aménagement et des
équipements avec l'Association professionnelle des ingénieurs du
gouvernement du Québec. M. Jean Dugré est le président. Si
vous voulez, M. Dugré, vous présenter et présenter les
gens qui vous accompagnent. Vous avez une heure à votre disposition,
alors normalement, les gens prennent 20 minutes pour faire l'exposé de
leur mémoire, la partie ministérielle, 20 minutes pour vous
questionner et le parti représentant l'Opposition officielle, 20 minutes
également pour vous questionner. Si vous prenez plus de temps, ça
leur est soustrait, également. Si vous en prenez moins, ils auront
autant de minutes de plus que ce que vous n'aurez pas pris.
Association professionnelle des ingénieurs du
gouvernement du Québec
M. Dugré (Jean): D'accord. Merci, M. le Président.
J'aimerais tout d'abord vous présenter ici, à ma gauche, M.
Jean-Louis Joly; son domaine d'expertise, ce sont les évaluations
environnementales; M. Jean-Pierre Lefebvre, qui a une spécialité
de gestion des déchets, de récupération et recyclage; M.
Jean-Pierre Thiboutot, ici, à mon extrême droite, qui a une
expertise en assainissement urbain; et M. Jean Lavergne, qui a une expertise
dans le domaine de l'air et des procédés industriels.
Moi-même, je me nomme Jean Dugré et je suis le président de
l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du
Québec.
M. Garon, je vous remercie beaucoup de nous recevoir à cette
commission. On a plusieurs choses à dire et je suis persuadé que
vous avez beaucoup de questions à poser, donc, mon propos va être
quand même assez court. Je ne vous lirai certainement pas notre
mémoire. Je vais plutôt vous donner des commentaires
supplémentaires et complémentaires à notre mémoire
pour vous donner une meilleure vision de ce qu'on voulait dire et ça
vous donnera plus de temps pour poser des questions.
Dans notre mémoire, en gros, nous proposons des solutions
tangibles d'amélioration de la procédure. Afin d'augmenter la
responsabilité des intervenants, c'est-à-dire le promoteur et les
gens du MENVIQ, nous voulons proposer des délais connus et raisonnables.
Nous présentons des règles du jeu qui seront connues à
l'avance et nous offrons une possibilité de consultation accrue de la
population au début du processus au lieu d'aller beaucoup plus tard dans
le processus, tel qu'on le vit actuellement. Pour vous présenter mon
propos, je vais utiliser la page 5 de notre mémoire qui est le
schéma de la procédure d'évaluation.
En tout premier lieu, je voudrais vous parler des directives
générales standardisées. Actuellement, les directives sont
données ou sont créées au fur et à mesure qu'un
projet est présenté. Ce que nous proposons afin de
connaître les règles du jeu à l'avance, c'est que nous
mettions sur pied des directives générales standardisées
par types de projets. Ces directives pourraient, en fait, être la
synthèse des connaissances que le MENVIQ a depuis les 10
dernières années. Nous pourrions utiliser immédiatement
des experts externes pour poser les bonnes questions par types de projets,
alors qu'on vit actuellement l'utilisation d'experts, mais en fin de course,
après que le BAPE a donné ses conclusions. On serait
peut-être mieux en début de processus.
Nous voulons aussi que ces directives standardisées fassent
l'effet d'une consultation publique tout de suite en début de processus.
Donc, si les gens peuvent voir le type de questions qui vont être
posées aux promoteurs pour tel ou tel type de projets, je pense que,
déjà là, la pression va tomber considérablement et
on va avoir un aval de la population pour aller plus loin dans le projet.
Nous vous proposons aussi différents types de projets qui
devraient faire l'objet d'une directive. Ces types de projets là, je ne
vous les nommerai pas mais ils sont listés à la page 13 de notre
mémoire. Bien entendu, nous n'avons pas fixé de seuil. Il faudra
que les fonctionnaires du ministère de l'Environnement fixent les seuils
pour déterminer si un projet doit aller ou non en évaluation
environnementale et en audiences publiques.
Les avantages de nos directives générales
standardisées par types de projets nous permettront de poser des
questions pertinentes et essentielles. On va éviter les abus. On ne
voudrait certainement pas se rendre au jour où on demandera quel est
l'effet des vibrations des marteaux pneumatiques sur le changement d'orbite de
la planète Terre. On ne voudrait pas se rendre là, bon. L'ampleur
du dossier va être connue avant que le promoteur puisse commencer
à travailler. Son dossier, s'il y a une directive générale
standardisée, il va savoir à quoi s'attendre, il va savoir
à quoi répondre, il va savoir quoi faire pour présenter
son projet.
Le ministère de l'Environnement devra devenir beaucoup plus
responsable, devra gérer l'environnement d'une façon totale
puisqu'il devra définir les règles du jeu. Actuellement, on est
un petit peu à la remorque des promoteurs alors qu'avec une directive
générale standardisée on devra définir
immédiatement les règles du jeu. Et, en plus, le ministère
de l'Environnement
devra déterminer lui-même l'évolution de la
qualité de l'environnement, c'est-à-dire qu'il devra
connaître les données de l'environnement, que ce soit dans un
milieu local, régional ou encore même provincial.
Si on fait une directive générale standardisée, on
la fera une fois, même si ça prend un an au début.
Admettons qu'on prenne l'année prochaine pour faire cette directive
générale standardisée, mais après ça, pour
tous les autres projets qui suivront, on n'aura pas trois mois à
dépenser pour créer une directive par projet. Donc, juste
là, on va sauver des délais considérables.
De plus, les coûts seront diminués pour la
préparation des projets par le promoteur parce que là le
promoteur présente une foule de données; il se lance à
tous vents pour essayer de prévoir ce que le MEMVIQ va lui demander
tandis que là il aura des données, il saura exactement à
quoi s'en tenir, il connaîtra les règles du jeu, il saura à
quoi répondre, donc ça va lui coûter moins cher parce qu'il
va faire les bonnes choses tout de suite.
À l'étape 1, le promoteur peut maintenant préparer
son projet en fonction de la directive. Les règles du jeu, comme je l'ai
dit, sont connues et les règles sont appliquées également
pour tous les types de projets. Il n'y aura pas un type de projets qui aura
certaines règles et un autre, d'autres règles. Non. Les
mêmes règles seront appliquées pour tout le monde, donc, il
y a une espèce de justice aussi.
Le promoteur sera responsable de la qualité de son étude.
Il a toutes les questions. Il sait ce qu'il doit fournir et c'est à lui
maintenant de faire son étude, adéquate ou non. C'est sa
responsabilité, alors qu'aujourd'hui il est plus ou moins responsable.
Le promoteur pourra prendre - ça, ici, c'est une question de
délai extrêmement importante - à l'étape 1, le temps
qu'il voudra pour préparer son étude. S'il veut prendre 6 mois,
il prendra 6 mois; s'il veut prendre 46 mois, comme c'est déjà
arrivé, il prendra 46 mois, c'est son problème. Il connaît
quoi répondre, il prendra le temps qu'il veut. Le jour où il
déposera son étude préliminaire, le décompte
commencera, tandis qu'aujourd'hui on a un décompte qui commence
déjà au dépôt de l'avis du projet. Et, si le
promoteur prend 46 mois, par exemple, pour préparer son projet, on a
déjà 46 mois d'utilisés dans la procédure.
Donc, que le promoteur soit responsable de la qualité de son
projet, de la préparation de son projet et du délai qu'il veut
bien se donner pour préparer son projet. Mais, le jour où il le
déposera au ministère de l'Environnement, ça sera le
début du décompte, le délai zéro, on commence. Les
avantages à ce dépôt préliminaire c'est que les
balises des études sont fixées et les délais de
préparation vont passer de plusieurs mois à aucun, étant
donné que c'est le début du décompte. Ça va?
À l'étape 2, nous sommes rendus à l'approbation
technique par les ingénieurs du MENVIQ. Je tiens à
spécifier ici que l'étape 2 de l'approbation technique
relève des ingénieurs, tandis que la détermination des
normes environnementales relève des autres genres de professionnels qui
peuvent exister au ministère de l'Environnement. Le rôle des
ingénieurs c'est d'étudier le projet du promoteur et de s'assurer
du réalisme du procédé de fabrication et du traitement des
rejets. Ça, c'est le rôle des ingénieurs. Ils doivent
s'assurer que ce procédé-là et le traitement des rejets
puissent rencontrer les normes qui vont être établies par les
autres professionnels du MENVIQ.
Et les ingénieurs feront rapport au promoteur pour lui dire:
Écoutez, vous pouvez, avec vos procédés, répondre
aux normes environnementales. Le site peut ou non recevoir les rejets
résiduels que vous proposez. Ou encore: Vous ne pouvez pas. Modifiez
votre procédé parce qu'il est irréaliste. Ou modifiez
votre traitement. Il y a des traitements qui sont meilleurs que ça. Ou
encore: Changez de site, simplement. Ça sera la réponse que les
ingénieurs feront, à cette étape-là, au promoteur.
Mais ils ne décident rien. Ils ne bloquent pas le projet. Ils ne font
que donner une réponse au promoteur.
Les autres professionnels du ministère de l'Environnement, eux,
doivent gérer les données environnementales totales.
C'est-à-dire que c'est à eux que revient de faire le suivi du
cumul des rejets dans l'environnement. Ils doivent se doter de banques et de
bases de données. Ils doivent collecter et compiler les données
environnementales. Ils doivent s'assurer qu'un projet peut s'intégrer
dans l'environnement.
Aujourd'hui, on demande souvent à un promoteur de cumuler ces
données-là et de voir l'effet cumulatif de son projet sur
l'environnement. Mais comment voulez-vous que le promoteur puisse faire
ça? Ils ne les a pas les données. Il ne peut pas aller voir les
compagnies concurrentes. Les compagnies concurrentes ne lui donneront pas
l'information. Il ne pourra pas savoir, lui, dans sa région, qu'il y a
tel type d'enfouissement sanitaire et que ce type d'enfouissement sanitaire
là peut polluer la nappe phréatique. Il ne connaîtra pas
ces données-là. Il ne connaîtra pas les données qui
viennent de l'extérieur au point de vue de la pollution de l'air, qui
viennent du côté américain ou autre chose. Il ne
connaîtra pas les problèmes visuels dans les projets
linéaires, les autoroutes ou les lignes hydroélectriques, ou les
autres polluants qui peuvent exister suite au traitement urbain. Il ne
connaîtra pas ça.
Mais on lui demande actuellement d'aller chercher ces
données-là. Ça n'a pas de sens. Ça appartient au
ministère de l'Environnement de connaître l'état de la
qualité de l'environnement local, régional ou provincial.
Ça appartient au
ministère de l'Environnement de fournir ces
données-là et de déterminer les normes
d'acceptabilité du milieu en matière de contaminants. Ces
normes-là sont transférées aux ingénieurs qui, eux,
donnent la réponse au promoteur. Ça va?
Les avantages de cette étape-ci, c'est qu'aucun fonctionnaire
n'est en position de bloquer un projet. On donne seulement les renseignements
au promoteur. Le promoteur sait à quoi s'en tenir, par exemple. Et le
délai ne dure que deux mois; le délai de l'analyse dure seulement
deux mois au lieu de six mois, en moyenne, pour l'analyse du dossier. Comme
vous pouvez le voir, à ce stade-ci, le promoteur n'est
arrêté par personne. Il peut continuer à avancer dans son
projet. Mais, si on lui a donné des informations à l'effet que
son projet ne pouvait pas rencontrer les normes environnementales, il le sait.
S'il décide de continuer, il va se river le nez un peu plus loin, lors
de l'audience publique. Mais, c'est son problème. Ce n'est pas aux
fonctionnaires de bloquer le projet. S'il y a une décision à
prendre, ça appartient au Conseil des ministres, on le verra un peu plus
loin. Donc, on sort les fonctionnaires complètement de toute
décision possible. On donne les renseignements.
À l'étape 3, le promoteur dépose son étude
d'impact en fonction des renseignements qu'il a reçus des fonctionnaires
du ministère de l'Environnement. C'est ce dont je viens de parler il y a
quelques minutes. Et c'est à lui de continuer ou non. S'il décide
de recommencer parce qu'il doit changer de site ou il doit modifier son
procédé, il recommence à zéro; on prépare un
nouveau projet et on recommence à un délai zéro. S'il
décide de continuer, on le laisse continuer.
À l'étape 4, au dépôt de l'étude
d'impact par le promoteur, nous proposons qu'immédiatement le BAPE
puisse faire une information publique. Donc, on a eu, au début du
procédé, la consultation publique sur la directive
générale standardisée et là on vous propose une
séance d'information du public, ce qui lui permet de connaître le
dossier. Et peut-être qu'à cette séance d'information les
tensions vont baisser et les gens vont comprendre ce qui en est du projet. Dans
l'information publique, nous croyons que le promoteur devrait participer aussi
à cette information-là. Il n'y en a pas un qui soit mieux
placé que lui pour dire ce qui en est de son projet.
Parallèlement à ça, les fonctionnaires
préparent la validation des données qui ont été
présentées à l'étape 3 par le promoteur. Il faut
que ces données-là soient validées. Il faut qu'on sache si
c'est vrai, s'ils ont suivi les normes: Est-ce qu'ils ont répondu aux
différentes questions?
On est rendus ensuite à l'étape 5, à l'audience
publique. Ici, le ministère de l'Environnement présente ses
commentaires, les commen- taires de validation du dossier, et dépose
tous les documents sur les corrections à apporter au projet, s'il y a
lieu. Il dépose ça à l'audience publique. Nous croyons que
les audiences devraient être obligatoires. De cette
façon-là, il n'y aurait pas de délais dus à des
décisions du ministre: Est-ce qu'on en fait? Est-ce qu'on n'en fait pas?
Non, c'est obligatoire, c'est aussi simple que ça. Et la directive
générale standardisée, elle, s'il y a une petite partie du
projet qui doit concerner l'audience, ça se passera vite; sinon, ce sera
plus long.
Les avantages d'avoir une audience obligatoire et de ce
procédé d'entraide, finalement, c'est qu'on fait
disparaître la confrontation. Si les audiences sont obligatoires, le
milieu industriel va gagner en crédibilité parce qu'il n'y aura
pas d'exception, tout le monde va y passer. Il n'y aura pas d'exception
arbitraire non plus; donc, les groupes écologiques seront
rassurés, la population sera rassurée. En plus, la population
sera informée et entendue à l'audience publique.
À l'étape 6, maintenant, la dernière chance du
promoteur, j'appelle ça l'étape de la dernière chance.
Comme on l'a vu, à date, personne n'a encore bloqué le projet. Le
promoteur a toute l'information en main pour pouvoir réagir. Il a
reçu les commentaires du public, il a reçu les commentaires des
différents groupes, il a reçu les commentaires du
ministère de l'Environnement, on lui donne une dernière chance de
corriger son projet, suite à ces commentaires-là qu'il a
reçus. On peut dire que, là, le promoteur est réellement
responsable de son succès ou de son échec. S'il décide de
modifier ou d'améliorer son projet, tant mieux pour lui, ça va
passer; sinon, tant pis, il retournera.
Ensuite, à l'étape 7, le BAPE et le MENVIQ
reçoivent les modifications que le promoteur a bien voulu faire, s'il a
voulu les faire, et vont émettre chacun leur rapport au ministre. Le
MENVIQ, lui, va pouvoir dire les lacunes qu'il a rencontrées et va
pouvoir écrire dans son rapport si le promoteur a modifié son
projet en conséquence. Le BAPE fera la même chose. Le ministre
sera très très bien éclairé. Donc, l'étape
de recommandation du ministre devrait être grandement facilitée
parce que chacun va avoir joué son rôle, chacun va avoir
été responsable. On ne pourra plus dire: C'est la faute de
Pierre, Jean, Jacques. Chacun a un rôle déterminé, ses
responsabilités déterminées, et à chacun de les
prendre en main.
Alors, pour conclure, j'espère que ces quelques mots auront pu
vous donner une meilleure vision de l'importance et la portée de notre
mémoire. Ce que nous voulions, c'était proposer des solutions
concrètes pour assurer des responsabilités accrues des
intervenants, pour qu'on puisse avoir enfin des délais connus et
raisonnables, pour que les règles du jeu soient connues à
l'avance et, enfin, qu'une consultation du public soit possible au début
du processus et
non pas à la fin du processus. je crois que les idées que
nous avons présentées pourraient faire en sorte que le
québec pourra protéger son environnement tout en demeurant
compétitif vis-à-vis des autres provinces. alors, je vous
remercie beaucoup de votre attention et nous sommes disponibles pour les
questions.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: M. le Président, merci beaucoup. M.
Dugré, messieurs, d'abord, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue
à cette commission, au nom du gouvernement. Vous êtes des gens
fort attendus à cette commission, et pour cause, parce que vous
êtes les professionnels qui... Vous êtes un peu le véhicule
de l'ensemble de la population et le véhicule, aussi, gardien des lois
du Québec au niveau environnemental. Vous êtes aussi, sans
contredit, vous avez été... À venir jusqu'à date,
il y a bien des personnes qui sont passées en commission, ici. Vous avez
prêté flanc à certaines critiques. Et nous avons dit: Quand
on les aura on leur posera les questions en votre nom... en parlant, toujours,
des intervenants qui sont passés avant vous.
Alors, ce soir, vous êtes ici et je suis heureux qu'on puisse
prendre quelques minutes pour dialoguer ensemble. Malheureusement, le temps qui
nous est alloué est un... Vous avez droit à une heure et
c'était le maximum qu'on pouvait vous accorder, mais j'ai l'impression
qu'on aurait eu besoin de plus. Nous aurions eu besoin d'une heure, chaque
parti politique, parce qu'on a des questions, non pas dans le but d'abaisser
votre crédibilité, mais, au contraire, pour rétablir
certains faits et aussi écouter ceux qui ont à vivre
quotidiennement avec les problèmes que, sans les avoir
créés, vous devez gérer, sans les avoir voulus, vous avez.
Vous devez aussi trouver des solutions pour savoir comment fonctionner dans
l'avenir, comment améliorer la situation. Alors, vous voyez que
ça fait beaucoup de questions qu'on aurait aimé débattre
ensemble
Ma première question. Beaucoup d'intervenants nous ont dit... des
intervenants du côté industriel nous ont dit que, lorsqu'ils
déposent un projet au ministère et que ça va en audience
publique, on a tendance, l'opinion publique, la presse, à faire le
procès, règle générale, de la politique et de
déborder du débat - pour le bout de ligne, le bout de route,
l'amélioration de la cheminée d'usine - pour lequel l'audience
publique a été créée. Alors, souvent, on profite de
l'occasion pour faire le procès sur la place publique de l'ensemble
d'une politique. C'est quoi vos réactions? Je vais vous demander
d'être brefs dans vos réponses et moi dans mes questions si on
veut en poser le plus possible.
M. Dugré: M. Jean-Louis Joly va vous donner une
réponse à ce point-là.
M. Maltais: Merci.
M. Joly (Jean-Louis): C'est un fait qu'on a pu observer que
certaines audiences, et peut-être plusieurs, ont fait porter... enfin,
ont débordé le cadre, je dirais, de premier lieu du projet. Ceci
est dû à plusieurs causes. Je pense que la première c'est
que la façon dont le règlement est actuellement écrit
porte à ce genre de choses puisque, de temps en temps, certains projets
relativement mineurs vont être assujettis, comparativement aux projets
qui auraient dû l'être mais qui ne le sont pas par lacune dans le
règlement. Alors, c'est assez compliqué de parler de l'ensemble
de la chose sans parler du principal qui, en réalité, n'est pas
assujetti. Ce sont des choses qui arrivent quand même... qui sont
arrivées plusieurs fois.
M. Maltais: D'accord. Un autre petit point. Je ne sais pas si M.
Joly pourra répondre. M. Dugré, je m'adresse à vous.
Beaucoup d'intervenants nous ont dit également que, lorsqu'ils
déposent leurs projets au ministère, il n'y a pas de suivi
à l'intérieur du ministère, en ce sens qu'ils voudraient
avoir un porteur de dossier au début. La personne à qui on remet
le dossier, ces gens-là aimeraient qu'elle aille jusqu'au bout, que ce
soit refus ou acceptation, mais que ça soit toujours le même
porteur du dossier pour que les propriétaires ou, enfin, ceux qui
présentent les projets aient toujours la même personne à
contacter pour connaître l'évolution du dossier. Ce qu'on nous
dit, c'est qu'on appelle une journée M. X; on s'aperçoit que, le
lendemain, c'est lui qui est le porteur du dossier. La semaine suivante, il
nous écrit une lettre et, deux semaines après, quand on lui
répond, il n'est plus là, c'est un autre. C'est le cas? Comment
ça marche? Pourquoi c'est ça, si c'est le cas?
M. Dugré: M. Jean-Pierre Thiboutot va donner la
réponse à votre question.
M. Maltais: Merci, monsieur.
M. Thiboutot (Jean-Pierre): À ce sujet-là, on s'est
penchés sur le problème et ce qu'on pense, c'est qu'il y a deux
genres d'individus. Là, c'est un problème de structure interne,
si vous voulez, mais il y a des individus spécialistes pour faire une
analyse de projet, qui aiment ça et qui font un très bon travail.
Il y a d'autres genres d'individus qui sont plutôt le genre, si vous
voulez, à livrer de la marchandise. Effectivement, vous avez raison, il
devrait y avoir des personnes pour faire l'analyse, mais il devrait y avoir
soit un responsable de dossier, soit un coordonnateur, soit un chef de service,
mais quelqu'un qui est responsable et qui, lui, a à s'occuper de la
question des délais. (20 h 30)
M. Maltais: Mais pensez-vous, M. Thiboutot, que ça peut se
corriger, ça? C'est une politique interne, vous m'avez dit. Là,
vous constatez que c'est un peu vrai. Vous me dites que c'est un peu vrai, mais
pensez-vous que ça peut se corriger? J'imagine qu'on n'a pas besoin de
faire une loi pour ça...
M. Thiboutot: Non, non, ça, c'est...
M. Maltais: ...ça doit être possible de le corriger
à l'intérieur de la structure de la machine.
M. Thiboutot: Oui, oui, c'est possible de le corriger, mais je
pense que vous avez raison, il faut absolument... Pour que ça se
corrige, il faut qu'il y ait un individu: Ça, c'est ton projet et tu es
responsable, ou: Ça, c'est tes projets. Ça peut être une
personne pour qui c'est ses projets. Mais elle est responsable de
l'échéancier de ses projets et elle a un rôle
semi-administratif et semi-technique.
M. Maltais: D'accord.
M. Thiboutot: Ça, si on n'a pas cette personne-là,
je crois, dans un dossier... Même, en engineering, c'est une personne qui
est appelée chargée de projet.
M. Maltais: D'accord.
M. Thiboutot: Si on n'a pas un chargé de projet comme tel
- il peut y avoir d'autres termes, comme je vous le dis - c'est prouvé
que c'est très difficile parce que, s'il n'y a personne qui s'occupe de
l'échéancier, ça risque de...
M. Maltais: ...de traîner. M. Thiboutot: ...de
traîner.
M. Dugré: M. Maltais, je m'excuse. M. Joly, ici, pourrait
vous donner un élément supplémentaire de
réponse.
M. Maltais: Avec plaisir.
M. Joly (Jean-Louis): Voici, M. Maltais, je pense aussi que les
problèmes qui ont été soulevés par ces intervenants
sont probablement liés à des projets qui ne sont pas
nécessairement ceux qui sont assujettis à la procédure
d'évaluation actuelle...
M. Maltais: Vous avez raison.
M. Joly (Jean-Louis): ...puisqu'actuellement il est rare,
occasionnel en tout cas, qu'un porteur de ballon soit changé en cours de
route. Évidemment, il y a des individus qui quittent; forcément,
bon, il y a un transfert de dossiers.
Mais de façon générale, actuellement, selon mon
expérience personnelle et ce que j'ai vu depuis quelques années,
le porteur est là longtemps.
M. Maltais: Je vous remercie de la correction que vous avez
apportée, c'est vrai, j'aurais dû le spécifier au
départ.
Autre point. On nous dit que, lorsqu'on a soumis un dossier, on
communique avec vous, on s'entend sur une chose et puis on part avec ça
dans le champ, on revient, on s'aperçoit qu'en cours de route il y a des
règles qui sont changeantes, des règles, des directives ou des
réglementations, je ne sais pas trop quoi, mais on nous dit qu'en cours
de route... On a déposé ça - je vais vous donner un
exemple bien concret - le 7; le 9, on se rencontre et, si ça va bien, tu
vas t'en aller vers ça, tu vas faire ton travail de telle façon.
On vous revient le 20 et, lors d'une discussion, il y a un monsieur X qui dit:
Non, ce n'est pas tout à fait ça, tu vas recommencer ça de
même, tu vas changer ça de même. Est-ce que c'est le cas ou
si ce n'est pas le cas? Je ne sais pas si j'ai été assez clair
pour vous dire que les règles peuvent changer en cours de route de
l'évolution du dossier.
M. Dugré: donc, vous demandez si les règles
changent en cours de route?
M. Maltais: Oui.
M. Dugré: Qui est-ce qui peut répondre à
ça? M. Joly va vous donner un élément de
réponse.
M. Maltais: Je vais vous donner des exemples.
M. Joly (Jean-Louis): En tout cas, évidemment, je parle
pour les projets qui ont été nommément assujettis. Les
règles ne changent pas en cours de route puisqu'au départ il y a
une directive qui est faite. Lorsqu'elle est signifiée par le ministre,
c'est toujours la même directive qui a cours. C'est extrêmement
rare qu'une directive signée sera changée et, à ma
connaissance, ça n'est arrivé que quelque fois, sinon
peut-être une seule fois. Là-dessus, lorsqu'on parle d'une
directive qui fait office de règle du jeu, c'est rare que ça
change.
M. Maltais: je ne vais employer ni le mot "règle" ni le
mot "directive", ni "les projets soumis à l'assujettissement"; c'est des
projets normaux qui ont besoin d'une approbation au ministère, un
certificat. un certificat d'autorisation. alors, je vais vous poser la question
d'une autre façon. m. x, propriétaire de telle entreprise, a
besoin d'un bassin d'épuration pour ses eaux usées. il prend une
firme professionnelle. la firme contacte le ministère; elle commence
à discuter. tu vas envoyer ça à telle place; on
propose trois sites. Tu prends celui-là plutôt que les deux
autres, bon. En cours de route il y a des modifications qui arrivent et
ça devient compliqué. Là, ça ne prend plus 2 mois,
c'est rendu à 12, et 12, ça devient 36, en tout cas! C'est ce
qu'on nous dit dans le champ, c'est ce que les gens viennent nous rapporter. Je
voudrais savoir si c'est vrai, premièrement. Si ce n'est pas vrai,
ça règle le problème. Si c'est vrai, dans quelle mesure
pourrait-on avoir un autre porteur de dossier, même pour les projets qui
ne sont pas assujettis, une personne responsable du dossier qui, elle, serait
l'autorité pour faire des demandes ou des ajustements de règles
aux personnes concernées?
M. Dugré: C'est une question de délais. Les
délais, il y en a plusieurs qui sont associés à plusieurs
étapes du projet. M. Lavergne va vous donner un élément de
réponse; peut-être que ça va vous donner... on verra, je
reviendrai après.
M. Lavergne (Jean): Je crois que vous vous adressez, là,
surtout à des projets qui ne sont pas soumis actuellement à des
études d'impact.
M. Maltais: C'est ce que j'ai dit au début.
M. Lavergne: Certificat d'autorisation. Oui, c'est possible et
ça arrive effectivement. Le problème provient du fait suivant.
C'est que dans certains domaines il n'y a pas de réglementation
précise. Lorsque vous n'avez pas de réglementation
précise, vous êtes assujettis, soit à des directives, ou
encore vous pouvez même n'être assujettis à aucune
directive. Donc, à ce moment-là, ce qui est exigé du
promoteur vient nécessairement d'une étude de milieu, par exemple
de la capacité du milieu récepteur à recevoir tels
affluents ou telles émissions. Ces chiffres-là concernant ce
qu'on pourrait autoriser la compagnie à émettre, les affluents
à émission, nécessairement, peuvent faire l'objet de
discussions à l'interne parce qu'il n'y a rien de fixé
fondamentalement. On est actuellement à étudier un
règlement, le règlement 300, qui est un règlement de base
sur les affluents liquides. Donc, il est possible qu'après la passation
d'un tel règlement il y ait une amélioration sur le sujet. Dans
d'autres domaines où il y a réglementation c'est plus facile et
je pense qu'il y a moins matière à discussion. Ça va?
M. Maltais: Est-ce que vous pouvez me dire si on a une banque de
données de toutes les expertises qu'on a émises au
ministère depuis 12 ans? Toutes les décisions que vous avez
rendues sont-elles enregistrées ou sont-elles sur disquettes, sont-elles
dans un manuel de références où, moi, demain matin,
Ghislain Maltais, député de Saguenay, si j'ai besoin d'une petite
bebelle dans mon comté - il y a une calvette qui touche à Canards
Illimités, pour voir si les canards couvent à gauche ou à
droite - je peux m'adres-ser au ministère et savoir si vous avez
déjà eu des canards qui couvent à gauche de la rue ou
à la droite de la rue? Est-ce que vous avez ces bandes-là, de
référence, un peu comme la jurisprudence qu'on fait au niveau du
droit? Avez-vous ça au ministère, toutes les décisions qui
ont été prises, favorables ou défavorables? Les avez-vous
au ministère sous forme de catalogue, de brique ou de disquette ou je ne
sais quoi de micro-informatisé, pour que demain matin, moi, je puisse
demander à M. X. qui est responsable de l'informatique au
ministère: Peux-tu me dire si vous avez eu un cas semblable dans tel
domaine? Lui, il va me dire: Oui, on a eu un cas le 19 avril 1983 et telle
décision s'est rendue, la procédure était ça et le
résultat était ça. Est-ce qu'on a ça chez vous?
M. Dugré: M. Lavergne va vous donner un
élément de réponse.
M. Lavergne: Nous avons actuellement au ministère...
D'ailleurs, le ministre doit nécessairement tenir un registre de toutes
les actions qui sont prises, les actions de pouvoir, les actions officielles
qui sont traitées au ministère. C'est en vertu de la loi - je
cherchais justement - 117 ou 118, en vertu de laquelle il est obligé de
tenir un registre de l'ensemble des actions: certificats d'autorisation,
ordonnances ou autres actions.
Maintenant, il y a aussi certaines banques qui existent, des banques de
connaissances sur la qualité de l'environnement, soit le milieu, les
cours d'eau, soit les sols. Le GERLED est un exemple type de connaissance que
l'on a du territoire en termes de contamination par les déchets. Il y a
aussi des banques sur les émissions atmosphériques. Mais il n'y a
pas actuellement un système central où on pourrait accéder
directement et obtenir toute l'information. Cependant, le ministère est
à élaborer un système pour rassembler l'ensemble de tous
les sujets.
M. Maltais: Parfait, merci beaucoup. M. le Président.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je souhaite la bienvenue aux ingénieurs du gouvernement du
Québec, M. Dugré et ses collègues. C'est une
présentation fort instructive.
Moi, quand je repasse une par une les recommandations que vous avez vers
la fin de votre mémoire - vous en avez exactement cinq - je n'ai aucun
problème avec ces recommandations-là. Je dis: Amen, ça me
plaît tout à fait. Ce qui me plaît aussi, c'est le
scénario que
vous proposez pour accélérer la procédure, les
délais. On a eu, avant la suspension de ce soir, un autre projet pour
raccourcir les délais. Je pense que ça nous donnait quelque chose
comme 18 ou 19 mois. Vous êtes plus ambitieux, c'est 12 mois ou à
peu près.
Je pense qu'il y a quand même quelques questions qu'on devrait
vous poser concernant certaines étapes. D'une part, vous dites qu'il
faut impliquer le public dès le début. Est-ce que ça va
aussi loin que d'impliquer le public quand les directives
générales standardisées sont élaborées?
Est-ce qu'on les soumettrait au public? Est-ce que le public participerait
à la confection des directives, réagirait aux directives
standardisées?
M. Dugré: Les directives générales
standardisées doivent être faites par les gens du ministère
de l'Environnement avec l'aide d'experts qui proviendraient de... peu importe
où, des experts externes qui viendraient nous donner l'expertise par
types de projets. Donc, ces gens-là ont l'expertise pour poser les
questions et aller voir tous les détails d'un type de projets. Je ne
crois pas qu'il serait nécessaire de demander à la population
quelles pourraient être les questions. Sauf que là nous verrions
très bien qu'on ait une consultation publique avant d'émettre ces
directives générales standardisées, pour dire aux gens:
Écoutez, dans tel type de projets, on pose tel genre de questions.
Est-ce que c'est complet? Est-ce que vous avez d'autres soucis qui seraient
socio-économiques ou environnementaux, ou peu importe, qui n'ont pas
été vus dans la directive et que vous aimeriez peut-être
apporter?
M. Lazure: Donc, il y aurait une consultation du public...
M. Dugré: Oui.
M. Lazure: ...sur les directives générales
standardisées.
M. Dugré: Certainement.
M. Lazure: Qui est-ce qui ferait ça?
M. Dugré: Je crois que le BAPE est très bien
outillé et a l'expérience pour faire ces
consultations-là.
M. Lazure: Bon. Deuxième question techni que, là.
À l'étape no 4, l'analyse du dossier, l'échange avec le
promoteur pour améliorer le projet, deux mois. Est-ce que cette
analyse-là sera disponible pour l'audience publique ou pas? L'audience
publique est en 5, mais je ne vois pas de lien dans votre diagramme, là.
Dans votre schéma, il n'y a pas de lien direct.
M. Dugré: L'analyse du dossier, on n'avait pas
prévu la donner au public. On avait prévu informer le public via
le BAPE et le promoteur, ensemble, sur le projet. Et, à l'étape
4, l'analyse et la validation des données vont être rendues
publiques à l'audience par les fonctionnaires du MENVIQ. Donc, ça
ne veut pas dire que la population l'aura à l'avance mais ce sera connu
à l'audience.
M. Lazure: Mais sur quels critères le BAPE
déciderait: Bon, bien là, le dossier est complet, c'est
mûr, là, je commence les audiences publiques?
M. Dugré: Je ne crois pas que le BAPE puisse avoir des
critères comme quoi le dossier est complet ou non. Les gens du
ministère de l'Environnement, eux, peuvent savoir si les questions des
directives générales standardisées ont reçu des
réponses complètes, si les normes qui ont été
émises à l'étape 2 ont été suivies et si le
promoteur a donné les réponses à ces normes-là,
s'il rencontre les normes. Et puis, à l'étape 4, les
fonctionnaires analysent et valident ces données-là. Donc, eux,
peuvent faire, au point de vue technique, la validation et rendre compte
ensuite, en audiences publiques au BAPE, si le promoteur a bien suivi toutes
les exigences ou non.
M. Lazure: Bon. Moi, j'aime bien votre idée, aussi, que le
mandat du BAPE soit prolongé jusqu'à la toute fin, là. Je
pense qu'il y aurait avantage à ce qu'il demeure actif dans le dossier,
pour ainsi dire.
Dans un autre ordre d'idées... Pour continuer là-dessus,
sur votre procédure accélérée, là, le
concept de directives générales standardisées, moi, je
comprends ça et je trouve que c'est un bon concept. En quoi ça
différerait, cette partie-là - cette première étape
et tout le reste, d'ailleurs - de ce que les Américains ont
développé depuis quelque temps, qu'ils appellent le "fast track",
la voie rapide, les évaluations beaucoup plus rapides qui peuvent se
faire dans moins d'un an par rapport à deux ans, deux ans et demi? En
gros, dans cette technique-là...
M. Dugré: Nous ne...
M. Lazure: ...le fardeau repose sur les épaules du
promoteur. Le promoteur, au lieu de simplement donner un avis de projet, quand
il vient au ministère, il dépose, en même temps que son
avis, toutes ses études. Il le savait déjà. Ça
pourrait être à cause de directives genre directives
générales standardisées ou d'autre documentation et,
sachant déjà ce qui doit composer son étude d'impact, il
l'a préparée et il s'amène au ministère avec son
étude toute faite. Il prend le risque que ça ne soit pas complet,
que ça ne soit pas bon du tout. Si elle est bien faite, à ce
moment-là, on a sauvé plusieurs étapes et le
processus s'enclenche rapidement. C'est ce qu'ils appellent le "fast
track". (20 h 45)
M. Dugré: Je ne peux pas vous donner de comparaison avec
le processus américain mais, d'après ce que vous me dites...
M. Lazure: Ce qu'ils disent, pas moi.
M. Dugré: D'après ce que vous me dites, c'est
à peu près le même processus. On lui présente les
règles du jeu avant de commencer.
M. Lazure: C'est ça.
M. Dugré: Donc, il est à même de
présenter un document étoffé et avec les bons
renseignements, alors qu'aujourd'hui il donne n'importe quel renseignement
parce qu'il ne sait pas exactement quoi donner en début
d'étude.
M. Lazure: Effectivement, je pense, moi aussi, que ça
s'apparente beaucoup.
M. Dugré: Oui.
M. Lazure: Avez-vous consulté vos ingénieurs du
ministère de l'Environnement? Est-ce qu'ils trouvent réaliste cet
échéancier-là?
M. Dugré: Sur les
M. Lazure: Oui, je sais que vous êtes là, mais
combien y en a-t-il? Une centaine à l'Environnement? Combien
êtes-vous?
M. Dugré: Nous avons...
M. Lazure: Non, non je parle du ministère de
l'Environnement dans sa totalité. Combien êtes-vous?
M. Dugré: II y a 200 ingénieurs environ. M.
Lazure: 200? M. Dugré: Oui.
M. Lazure: Est-ce que l'ensemble des ingénieurs,
sérieusement parlant, trouve que c'est réaliste?
M. Dugré: J'ai travaillé avec une dizaine
d'ingénieurs qui relèvent de différents secteurs à
l'intérieur du ministère On a été chercher les
idées des ingénieurs et ce qui est sorti ici, c'est l'idée
générale de nos ingénieurs.
M. Lazure: Bravo! C'est encourageant, c'est réconfortant
Concernant la gestion des déchets, je vous avoue que je suis un peu
déçu. D'abord, les déchets solides, déchets
domestiques, oui Je suis un peu étonné de certaines remarques que
vous faites puis je suis étonné de vos conclusions aussi.
Ça, c'est à la page 18. D'abord, vous dites que ce n'est pas
important de faire un débat de société sur la question,
les passions, etc. Mais, à la page suivante, vous dites: "Les
problèmes rencontrés sont de nature technique; l'enfouissement
sanitaire n'est un enjeu ni économique, ni écologique ni
même social. C'est un service essentiel."
Technique", moi, je n'en reviens pas parce que, d'abord, ce n'est pas
vrai, ce n'est pas exact de dire que... Vous dites quelque part: "II s'agit
d'un ouvrage de génie civil dont les règles de l'art sont connues
depuis de nombreuses années." Les règles de l'art, elles
évoluent très rapidement, souvent, dans ce domaine-là,
très, très rapidement, au moment où on se parle. Et, que
je sache, elles ne sont pas bien arrêtées, les règles de
l'art, en matière de lieux d'enfouissement. Alors, moi, je suis un peu
étonné, d'abord, de voir que vous considérez que c'est
juste une affaire d'experts, de technique, un lieu d'enfouissement, alors qu'il
y a un énorme problème social de rattaché à
ça, énorme. Pourquoi ne voulez-vous pas l'aborder?
M. Dugré: Je vais vous passer là-dessus... J'ai
justement amené un spécialiste, on a pensé à vous.
M Jean-Pierre Lefebvre pourra vous parler de déchets domestiques
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Bonsoir, donc, M. Lazure. J'aimerais
quand même qu'on fasse une distinction entre les séances de
défoulement collectif qui peuvent accompagner effectivement les projets
relatifs à l'enfouissement des déchets et les problèmes
techniques très terre à terre, à savoir de confiner les
déchets de façon à ce qu'ils ne causent aucun
préjudice, à personne.
Évidemment, le réflexe de la population en
général, c'est de s'opposer à avoir ça dans sa
cour. Sauf que, si vous vous tenez au courant de l'actualité dans le
domaine, le ministère lui-même avoue son incapacité
à faire respecter sa réglementation. Là, je vous
référerais à des documents qui ont été
rendus publics dans le cadre de la politique de gestion intégrée
des déchets solides, où vous avez des extraits où le
ministère le dit qu'il ne fait pas appliquer sa réglementation.
Donc, je pense qu'il ne faut pas se surprendre que, dans la population, la
perception soit à l'inquiétude. Mais vous comprendrez que ce sont
deux problèmes bien différents de faire fonctionner un
équipement de génie civil, de l'entretenir de façon
à ce qu'il ne cause pas de préjudice et, en parallèle,
évidemment, de voir les gens s'opposer à une philosophie.
M. Lazure: Vos règles de l'art sont supposées
être si développées au moment où on se parle que
vous pourriez avoir l'humilité de vous laisser poser des questions par
les citoyens là-dessus. Pourquoi pas?
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Mais je pense que n'importe quel
citoyen peut prendre l'initiative d'aller voir un promoteur privé, comme
un promoteur municipal.
M. Lazure: Oui, oui. Mais on parle d'un cadre public
organisé, en audiences publiques, là. Alors, on vous posait la
question dans le document de consultation. C'est votre point de vue, d'accord,
vous le défendez. Moi, je suis juste surpris de votre point de vue. Vous
dites: La procédure d'évaluation, les audiences publiques,
ça ne s'applique pas à ça. C'est une question d'experts,
de technique, un lieu d'enfouissement. On règle ça comme
ça.
C'est vrai que les municipalités et les municipalités
régionales ont des responsabilités confiées,
déléguées par le pouvoir québécois, mais il
reste que les gens, indépendamment du phénomène "pas dans
ma cour", ont des préoccupations légitimes, justifiées.
Ils veulent savoir comment ça fonctionne un bon lieu d'enfouissement,
comment ça doit être préparé. Parce que, aïe!
un instant, il y a toutes sortes de techniques, à partir des pires
jusqu'aux meilleures. Et pourquoi on n'aurait pas, par le biais, par exemple,
du BAPE, des audiences publiques? Si vous dites: C'est partout pareil, c'est
une question de technique, alors partons d'études
génériques. Si vous dites: C'est répétitif, c'est
toujours la même routine, pourquoi pas des études
génériques sous forme d'audiences publiques?
M. Dugré: M. Lazure, nous ne sommes pas contre ça
du tout d'aller en audiences publiques. Loin de là. Si la population
veut donner son avis sur les sites d'enfouissement sanitaire, il n'y a pas de
problème, ça va. On est d'accord. Au point de vue technique, ce
qu'on dit c'est que tout est connu, il n'y a rien à débattre de
nouveau. Ça, je comprends que ça évolue, comme tout
évolue sur la planète, mais on peut dire que les règles de
l'art sont connues dans le domaine de l'enfouissement sanitaire.
M. Lazure: Écoutez, mon cher ami, je m'excuse mais ce
n'est pas exact. Actuellement, il y a même des entrepreneurs
sérieux dans certains États américains qui ont eu la
permission d'aller vider, pour fins de recyclage, des lieux d'enfouissement
où on enfouissait, depuis 10 ans, 15 ans, 20 ans, certains
matériaux. C'est assez fort, ça. Et ce n'est pas exact de dire
que toutes les règles sont connues, que c'est une affaire de technique.
En tout cas.
M. Dugré: Non, mais là c'est parce que vous parlez
de recyclage. On parlait d'enfouissement sanitaire, là.
M. Lazure: Non, non, mais je veux dire que, si, dans certains
cas, on juge utile et même avantageux d'aller chercher, pour fins de
recy- clage, des matériaux enfouis dans des lieux d'enfouissement,
est-ce qu'il n'y a pas des leçons à tirer de ça? Et
certains lieux d'enfouissement devraient être réservés
à certaines choses et d'autres lieux à d'autres choses. Et puis
la technique des membranes, c'est loin d'être final la technique
là-dessus.
M. Dugré: M. Jean Lavergne va vous donner un
élément de réponse.
M. Lavergne: L'approche que vous manifestez ici c'est
plutôt la préoccupation que vous avez envers l'utilisation, le
recyclage, la réutilisation plutôt qu'un enfouissement simple.
Lorsque vous mentionnez qu'après 15 ans vous allez rechercher des
matières utiles pour les recycler, c'est la préoccupation.
Actuellement, la préoccupation est beaucoup plus prononcée sur le
recyclage qu'elle ne l'était il y a 15 ans. Il y a 15 ans on pouvait
parler d'enfouissement sanitaire sans parler de ces...
M. Lazure: Oui, oui, ça, j'en suis. Mais ma
préoccupation ce n'est pas là-dessus. Ma préoccupation
c'est de dire: Expliquons au monde comment on organise le mieux possible un
lieu d'enfouissement et puis répondons aux questions du monde. C'est
ça ma préoccupation. Est-ce que c'est dangereux ou pas? Est-ce
que c'est des déchets qui, au lieu d'aller là, devraient aller
dans un centre de tri pour du recyclage?
Enfin, moi, je veux juste terminer là-dessus. Il me semble
qu'à partir du moment où on prend l'attitude: "c'est une science
qui est complète, on a le fin mot là-dessus", là, il me
semble qu'on se prive d'un instrument de pédagogie important. Et,
à ce moment-là, vous privez les municipalités aussi. Les
élus municipaux ont besoin de l'aide d'organismes comme le
ministère ou encore le Bureau d'audiences publiques pour les aider
à servir d'intermédiaires entre eux-mêmes et la population,
pour mieux organiser. C'est un débat énorme dans notre
société, et moi, je trouve ça triste un peu que vous soyez
en dehors de ce débat-là pour le moment et que vous n'ayez pas
l'air d'avoir le goût d'y entrer.
M. Dugré: Au contraire, s'il faut y aller on va y aller
avec plaisir parce qu'il y a beaucoup d'information à donner au public.
On est ouverts là-dessus. Peut-être que M. Lefebvre pourrait vous
donner une information sur le sujet.
M. Lefebvre (Jean-Pierre): J'aimerais bien renchérir parce
que, souvent, les perceptions populaires ont amené à des gestes
regrettables. Votre collègue, M. Dufour, pourra en témoigner. Il
y a eu un groupe à Laterrière, du nom d'Environnement de
Laterrière, qui a demandé une injonction interlocutoire pour
obtenir la fermeture de l'enfouissement sanitaire de la MRC. Mais quand
ça été le temps de faire la démons-
tration des préjudices, comme ils ont été
incapables de la faire, bien ils ont perdu leur cause tout simplement. Comme on
le dit dans notre document et comme je vous le dis: C'est un service essentiel.
La promotion du recyclage et de la récupération, tout le monde
est d'accord avec la vertu. C'est juste qu'au moment où on vient pour la
pratiquer, hélas, les objectifs ne sont pas atteints. Donc, vous
êtes toujours pris avec la tranche dont personne ne veut s'occuper et
qu'il faut éliminer.
M. Lazure: C'est sûr que c'est un service essentiel. La
discussion ne porte pas là-dessus. On s'entend là-dessus, que
c'est un service essentiel. La discussion portait sur: est-ce qu'il est utile
de consulter la population? Mon collègue veut prolonger.
M. Dufour: Juste une question. C'est bien sûr qu'on est en
vedette à soir. Je regarde sur votre page frontispice, vous avez choisi
l'usine d'épuration de Jonquière sur votre image.
Une voix: Ah oui!
M. Dufour: je vous félicite, elle est très
performante. ce n'est pas l'une de mes pires réalisations, en tout cas
comme maire des citoyens de jonquière.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Dufour: Lorsque vous parlez de l'enfouissement sanitaire,
c'est bien sûr qu'on a vécu une saga un peu spéciale au
Saguenay. Ce que je voulais vous rappeler là-dessus, c'est
évident que, s'il y avait eu une étude d'impact et si le BAPE
avait pu venir siéger, peut-être qu'on aurait réglé
notre problème, mais il y avait d'autres intervenants qui entraient dans
le milieu. Ça n'a pas été long qu'ils sont entrés
dans le milieu puis... Vous savez combien ça a pris de temps; trois,
quatre ans... en tout cas, c'était un dossier de neuf ans, dix ans.
Ça n'a pas de bon sens. Si on dit oui, on le soumet au Bureau
d'audiences publiques, moi, je vais y aller là-dedans.
Quand vous me dites que les techniques sont toutes connues, moi, je dis
que tout le monde parle de compostage et je ne suis pas certain que tout le
monde sait de quoi on parle. Il y a un coût là-dedans et il n'y a
pas une usine dans le monde, à part celle de Milwaukee, d'après
ce que je sais, qui fonctionne avec rentabilité; toutes les autres,
c'est du "partage". Personne ne va aller couper ça nulle part. Ça
s'en va de même comme ça. Tout le monde a ça dans la bouche
et ils ont raison de le faire, personne ne leur dit que ça n'a pas de
bon sens.
Et pour les boues de l'assainissement de l'eau, il n'y a pas beaucoup de
techniques, en tout cas que je sache, pour leur disposition actuellement. Je
sais qu'à Jonquière ils font actuellement des études pour
en disposer d'une façon différente. Ils font du compostage et ils
essaient ça aussi. Mais il y a des coûts et on ne sait pas tout
à fait où ça va. Alors, les boues usées, il n'y a
pas de réponse encore là-dessus et l'enfouissement sanitaire,
bien, tant que les gens vont pouvoir discuter, ils vont le faire. Mais, quand
vous me dites que les techniques sont connues, elles sont contestées
pareil. Comment fait-on pour arriver à quelque chose qui a du bon sens?
Avec l'expérience que vous avez vécue, vous en avez plus que moi.
Est-ce que vous avez des choses à ajouter là-dessus?
M. Dugré: Oui, M. Jean-Pierre Lefebvre pourrait
peut-être ajouter un petit quelque chose.
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Justement, M. Dufour, j'aimerais vous
mettre en garde quand vous me dites qu'il se fait des tentatives de compostage
avec les boues d'usine. C'est vrai, sauf que - c'est ce qu'on oublie de
préciser - c'est quand même peut-être 10 % du temps qu'on va
chercher des boues pour faire du compost. 90 % du temps, ces boues-là
s'en vont à l'enfouissement sanitaire de la MRC. Donc, qu'on ne vienne
pas dire qu'il n'y a pas de méthode d'élimination des boues, oui
il y en a une.
Et, deuxièmement, sur la question de la
récupération, ne pensez pas qu'il y a juste à Milwaukee
qu'il se fait de quoi, au Québec, il se fait des tentatives par le monde
municipal, mais, hélas, ce sont des échecs qui vont
s'avérer, dans quelques années, pires que les cas d'enfouissement
sanitaire qui se veulent problématiques. Tout ça parce que,
actuellement, ça sert de solution imaginaire pour écarter
l'obligation d'établir un enfouissement sanitaire. Moi, je vous invite
à prendre contact avec la MRC dans le coin de Joliette, j'oublie le
nom... Matawinie.
M. Dufour: Matawinie.
M. Lefebvre (jean-pierre): la régie intermunicipale de
matawinie s'est dotée d'un équipement supposément de
compostage et allez voir le beau gâchis que ça peut donner.
Une voix: À Chertsey?
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Exactement.
M. Dufour: Ça, M. le Président...
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Ça, ça va être une
honte dans quelques années.
M. Dufour: Je suis au courant de ça et je suis conscient
de ça.
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Ça va être une honte.
M. Dufour: Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on parle d'enfouissement
sanitaire. Au Saguenay, ça fait 20 ans qu'on en parle et j'étais
l'un des premiers qui l'ont suggéré. C'était la solution
qui était la moins coûteuse. Actuellement, on parle de centres de
tri; ça coûte entre 10 000 000 $ et 15 000 000 $ pour bâtir
ça. Je ne sais pas, moi, quand j'étais jeune, on me disait: Ne
joue pas dans les déchets; et, à cette heure, on dit: Joue.
Alors, c'est différent, hein? Il y a eu une évolution. Mais il
n'y a pas de technique... Ce que je déplore là-dedans, quand vous
nous dites que toute l'expertise est connue ou que vous connaissez la
façon, c'est que personne ne le dit et l'explique. La preuve: il n'y
aurait pas autant de problèmes que ça si c'était vrai.
M. Dugré: Je considère que les membres de la
commission reflètent bien la population et vous êtes
extrêmement concernés par ce problème-là. Mais
j'imagine aussi que la population est très concernée, comme vous,
vous pouvez l'être, et ça nous fera un grand plaisir de participer
à n'importe quelle table pour l'amélioration des problèmes
en enfouissement sanitaire. Si jamais vous voulez créer une audience
publique ou autre chose de ce genre-là, ça nous fera plaisir d'y
participer en tant qu'ingénieurs du gouvernement; on amènera nos
idées là-dessus, d'une façon plus spécifique.
Le Président (M. Garon): je n'interviens pas souvent, mais
j'aimerais ça vous poser une question. comment réagissez-vous
face aux critiques très généralisées qu'on entend
contre le ministère de l'environnement ou son administration, l'absence
de rigueur du ministère de l'environnement? entre autres, par exemple,
on dit qu'on n'est jamais capables de poursuivre le ministère de
l'environnement parce qu'on n'a jamais les preuves bien bien solides. vous
êtes attaqués directement par ces critiques-là. moi, j'ai
été surpris d'entendre autant d'assurance. je me serais attendu
à une certaine modestie. je remarque, dans l'expertise en environnement,
expertise qui est en évolution, que tous ceux qui nous parlent de leur
expertise ont de l'assurance, comprenez-vous, comme s'ils étaient en
contact direct avec notre seigneur.
Des voix: Ha, ha, ha! (21 heures)
M. Dugré: Le ministère de l'Environnement est
attaqué, comme... Ce n'est pas le seul, hein? Tous les ministères
du gouvernement sont attaqués. Les fonctionnaires, c'est à peu
près la lie de la population. On le voit dans les sondages. Un peu tout
le monde tente de pointer le gouvernement lorsqu'il y a un problème,
mais personne ne pense qu'il fait partie du problème. Quand je
regarde...
Le Président (M. Garon): II faudrait spéci- fier,
là. Dans le cas du ministère, il y a des critiques sur le
gouvernement, mais il y a des critiques sur l'administration du
ministère, le ministère lui-même - j'allais dire la
bureaucratie - sur l'intendance, même par les gens qui dirigent le
ministère.
M. Dugré: Je vais laisser la parole à M.
Jean-Pierre Thiboutot, qui travaille à l'intérieur du
ministère, pour vous dire un peu ce qu'il en pense.
M. Thiboutot: Moi, je peux peut-être vous parler d'un
problème interne assez particulier. C'est un ministère où
ça prend réellement des spécialistes. Plus on vient avec
un spécialiste... Je vous donne comme exemple le traitement des eaux
usées. Ça, c'est très, très
spécialisé. En plus d'être ingénieur, quelqu'un
prend une maîtrise et même un doctorat. Ces gens-là, eux...
C'est un peu ce que vous avez dit tout à l'heure, ça leur prend
un patron, à un moment donné, qui leur dit: C'est fini. Il y a de
ces gens-là qui aiment à voir un dossier, qui discutent avec le
consultant. Le consultant fait ses modifications et la personne dit à un
moment donné: Bien là, j'aimerais mieux autre chose, j'aimerais
mieux que tu changes ça. Ça prend quelqu'un qui dit: C'est assez,
c'est fini, on règle le dossier. Ça c'est un point. Avec les
grands spécialistes, c'est quelque chose qui se vit au
ministère.
L'autre chose, c'est que... Regardez juste avec la commission
Charbonneau concernant les déchets dangereux. Ils parlent de 5 ans et de
35 000 000 $ par année pour régler le problème. Ça
vous donne une idée comment le ministère a beaucoup de choses
quand même... C'est quand même un ministère qui est jeune et
là il est après se développer. Il est en
développement, mais il y a beaucoup d'attentes de la population et il y
a beaucoup de problèmes environnementaux qui, aujourd'hui, nous arrivent
justement parce que peut-être qu'on n'a pas eu assez de
prévention.
C'est comme les autorisations qu'on donne. On pourrait se dire: Ce n'est
pas nécessaire d'en donner, mais l'autorisation c'est une
prévention. C'est sûr qu'à un moment donné
peut-être qu'il y a des problèmes administratifs de personnel,
mais il ne faut pas se cacher aussi que, comme je vous le disais, juste en
déchets dangereux on parle de 35 000 000 $ par année. C'est quand
même un gros montant d'argent! Dans le contexte économique actuel,
est-ce qu'on peut se payer toutes ces choses-là? Je ne le sais pas.
M. Dugré: M. Garon, je ne crois pas que ce soit à
nous de juger nos gestionnaires. Les gestionnaires du ministère de
l'Environnement vont venir ici en commission. Vous pourrez leur poser cette
question-là, je pense, mais on n'a pas à juger ou à dire
quoi que ce soit. Nous, on fait notre ouvrage du mieux; eux, ils gèrent.
On
sait qu'on touche à différents domaines dans ce
ministère-là. On sait que c'est un domaine en formation.
L'expertise, ce n'est pas vrai qu'on l'a tous. Tout le monde étudie au
fur et à mesure que le ministère évolue. C'est
certainement que... Ça apporte beaucoup de problèmes.
Mme Pelchat: M. le Président
Le Président (M. Garon): Mme la députée de
Vachon.
Mme Pelchat: Merci, M. le Président. Pour reprendre un peu
votre question... Je partage un peu votre opinion comme plusieurs personnes qui
sont venues ici qui nous ont témoigné de l'insatisfaction non
seulement des fonctionnaires du ministère de l'Environnement, mais de
plusieurs ingénieurs d'autres ministères -
particulièrement du ministère de l'Environnement - et moi je vous
ai défendus, que ce soit au niveau même de la Corporation des
ingénieurs, de l'Association des ingénieurs-conseils. Je me suis
fait ce que je disais, l'avocat du diable, et des gens de la Direction des
évaluations sont en arrière et peuvent vous le dire.
La question que le député de Lévis vous pose, j'ai
envie de vous la poser aussi. Vous dites que vous ne voulez pas répondre
au nom des gestionnaires, mais je pense qu'il y a quatre ingénieurs du
ministère de l'Environnement parmi vous, dont un de la Direction des
évaluations environnementales. Vous êtes les personnes les mieux
placées pour nous répondre là-dessus. Qu'est-ce qui fait
que nos ingénieurs, les fonctionnaires sont à ce point
discrédités dans tout le processus, non seulement la
procédure d'évaluation telle qu'on l'analyse aujourd'hui, mais
tout ce qui concerne les certificats d'autorisation et cette procédure
que l'on a instituée avec le ministère de l'Environnement? Nous,
ça nous affecte comme tels parce que, dans le fond, les élus sont
responsables. C'est nous qui sommes imputables et c'est nous qui sommes
responsables de vous défendre et de justifier la lenteur administrative,
etc., et ça, ça nous agace particulièrement. La question
du député de Lévis est non seulement pertinente, elle est
essentielle dans le débat en cours.
M. Dugré: Je vais vous donner deux personnes qui vont vous
répondre. Sur une période de 36 à 40 mois, nous on est
dans le décor pendant quelques mois. Il y en a plusieurs autres qui sont
dans le décor aussi. On n'a qu'à lire le rapport Lacoste, et on
voit où sont les pertes de temps. Mais on nous attribue toutes ces
pertes de temps, parce que nous, on est présents.
Mme Pelchat: Oui, mais moi, si vous avez suivi un peu la
commission, j'ai soulevé souvent que, comme le dit le rapport Lacoste,
65 % alloué à la procédure était normalement
imputé au promoteur qui devait faire l'étude d'impact. Et dans le
tableau que vous nous analysez, je pense que la directive
générale standardisée vient éliminer le grave
problème de l'élaboration, comme telle, de l'étude
d'impact. Et ça c'est clair.
M. Dugré: C'est ça. M. Lavergne va vous donner un
élément de réponse.
M. Lavergne: Si j'ai bien compris les questions, M. Garon avait
une question et vous avez la même question. Vous avez aussi une
deuxième question vous-même. Dans la première question, il
s'agissait d'évaluer ce qu'on pensait, comment on se trouvait, autrement
dit, notre confort à l'intérieur d'un ministère
critiqué - c'est à peu près ça - ou sur la place
publique. Le ministère de l'Environnement oeuvre dans une multitude de
champs. S'il y a cette grande multitude de champs d'activité, il faut
nécessairement autant de personnes à l'intérieur, capables
d'agir dans cette multitude de champs.
Plus que ça... C'est que le ministère de l'Environnement
est conçu et perçu, dans le milieu des affaires et de
l'industrie, comme un ministère ralentisseur d'économie. Au lieu
de composer avec l'aspect environnement, on l'identifie à un
système qui porte un peu à l'inaction. Donc, on devient source je
ne dirais pas de plaintes, mais on est mal perçu du côté
industriel. Et on devient aussi mal perçu du côté de la
population, parce que les groupes de pression, eux, et les citoyens ne sont pas
satisfaits des performances que l'on peut leur donner. Donc, on est entre deux
extrémités et c'est nécessairement le ministère de
l'Environnement et son personnel qui doit composer avec ça, tout en
gardant dans l'esprit qu'on a une très grande multitude d'aspects
à voir, contrairement à d'autres ministères.
La deuxième question que vous avez se rapporte directement aux
ingénieurs. Et cette question-là... Vous semblez me dire que
l'ingénieur serait une cause d'insatisfaction, si j'ai bien compris.
Est-ce que c'est... semblerait une cause d'insatisfaction dans les
différents processus du ministère?
Mme Pelchat: On ne parle par nécessairement...
M. Lavergne: Ça peut être vrai et je vais vous dire
pourquoi.
Mme Pelchat: Je ne parle nécessairement quand vous faites
des moyens de pression. Ça, je pense qu'on le comprend, c'est un moyen
légitime et légal.
M. Lavergne: Non, non. On n'est pas là-dedans, on y
reviendra.
Mme Pelchat: Vous êtes bons là-dedans, on l'a
noté.
M. Lavergne: L'ingénieur, disons, dans l'étude des
grands sujets qui lui sont donnés, est appelé à composer
avec l'élément le plus important et le plus difficile,
peut-être, lorsqu'il a à étudier des projets, soit en vertu
de l'article 22, en vertu de l'article 31 ou 48 ou 32, il compose avec l'aspect
prévention. Tous les investissements les plus majeurs et le meilleur
contrôle de pollution qui ont eu lieu actuellement au ministère de
l'Environnement ont été obtenus par la prévention. Vous
saurez que le correctif sur normatif n'est pas nécessairement la
meilleure option à prendre. Donc, c'est un petit peu le message que je
voulais livrer pour répondre à votre question.
Mme Pelchat: Mais on apprécie quand même le travail
que vous faites, je pense que c'est important. J'aimerais revenir sur les
déchets domestiques. Vous avez donné l'exemple du compostage dans
la ville de Chertsey. Ne croyez-vous pas qu'à ce moment-là, comme
les études génériques, plutôt que d'avoir une
étude et, chaque fois qu'on veut ouvrir un site d'enfouissement, le
soumettre à la procédure d'évaluation, si on avait, pour
toute la politique de gestion intégrée des déchets, une
étude, une évaluation générale de toute cette
procédure-là, ça ne vous aiderait pas, et ça
n'éviterait pas, justement, d'entériner des processus comme la
ville de Chertsey en ce moment? Vous parliez d'un problème
éventuel qu'elle aurait.
M. Dugré: M. Lefebvre va vous donner un
élément de réponse.
M. Lefebvre (Jean-Pierre): Je ne pense pas, parce que, comme je
vous l'ai dit au début de mon intervention, ça fait partie des
services essentiels. Vous n'en sortez pas même si on se dirige vers des
solutions de valorisation, que ce soit par l'incinération ou par
d'autres méthodes intermédiaires, vous n'en sortez pas. Ça
vous prend un lieu complémentaire. Ça, c'est non
négociable.
Comme je vous le dis, quand le monde municipal prend en main la gestion
de ses déchets, ça ne change pas la structure
socio-économique de la région. Ça n'apporte rien de
nouveau. Ce sont les déchets de la communauté que vous voulez
gérer.
Mme Pelchat: On est tous d'accord avec ça, sauf qu'on se
pose la question à savoir si l'on ne devrait pas soumettre à la
procédure d'évaluation ou le choix de lieu d'enfouissement, ou la
pertinence de faire du compostage, comme ils le font à Chertsey, ou de
faire du biogaz, ou une façon quelconque d'élimination autre
qu'un lieu d'enfouissement. Est-ce que notre gestion, comme telle, des
déchets intégrés ne devrait pas être soumise, elle
aussi, à la procédure d'évaluation? C'est ça qu'on
veut savoir, le député de La Prairie et moi. C'est une question
qui nous tracasse.
M. Dugré: M. Lavergne va vous répondre.
M. Lavergne: En matière de gestion de déchets, vous
avez une multitude de possibilités. Dans ces
possibilités-là, vous avez l'enfouissement, vous avez le
recyclage, vous avez les éliminations de toutes sortes - à part
des biotechnologies qui sont actuellement en développement -
l'incinération - vous savez la polémique qu'il y a sur
l'incinération... L'incinération est aussi une méthode
utile.
Il y a nécessairement des méthodes pour chaque
déchet. Il s'agit de trouver la meilleure méthode
appropriée pour le déchet. Si vous enfouissez un déchet
qui a des problèmes avec la lixiviation, ou encore avec des
réactions...
Mme Pelchat: Ce qu'on voudrait savoir c'est: Est-ce que ces
méthodes devraient être soumises à la procédure
d'évaluation d'impact?
M. Dugré: Pourquoi pas? Pourquoi ne pas faire un
débat public une fois pour toutes sur la gestion intégrée
des déchets? Certainement.
M. Lavergne: Quelle sorte de management, quelle sorte de gestion
de déchets la population au Québec veut? On peut lui demander
à la population.
Mme Pelchat: C'est ça qu'on voulait savoir. Merci.
Le Président (M. Garon): Ceci étant dit, je vous
remercie puisque le temps a été dépassé de part et
d'autre. Je suspends les travaux de la commission pendant quelques instants, le
temps de laisser a Canards Illimités la possibilité de venir nous
rejoindre à la table.
(Suspension de la séance à 21 h 13)
(Reprise à 21 h 15)
Le Président (M. Garon): J'invite M. George Arsenault,
directeur de Canards Illimités Canada, à s'approcher de la table,
à se présenter et à présenter ceux qui
l'accompagnent. Comme le temps à sa disposition est d'une demi-heure,
normalement, il a 10 minutes pour présenter son mémoire. Vous
avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, 10 minutes pour la
partie ministérielle et 10 minutes pour l'Opposition. Alors, à
vous la parole, M. Arsenault.
Canards Illimités Canada
M. Arsenault (George): Merci et bonsoir à tous. M.
Jean-Pierre Laniel va se joindre à moi dans quelques minutes. On ne
savait pas à quelle heure on était pour commencer, alors... Il
avait d'autres obligations pressantes.
J'aimerais dire simplement, avant de commencer, qu'on se présente
ici, ce soir, avec un certain sentiment de frustration parce que je pense qu'on
avait compris un message, mais je ne suis pas sûr. Je vais vous expliquer
de quoi il s'agit.
Il y a quelques années, en fait, il y a 10, 11 ans, on
était dans de grands débats aussi, au niveau de l'environnement,
peut-être les premières vraies questions d'environnement qu'on a
débattues chez nous. C'était dans les dossiers de Kamouraska,
rivière du Sud et lac Saint-Pierre, où on pensait réaliser
certains projets pour l'agriculture, et dans ces mêmes régions il
y avait certains intérêts fauniques. On nous a fait comprendre,
à ce moment-là - les propriétaires privés, des
producteurs agricoles en particulier - que les terres privées,
c'était à eux, que la faune, c'était une ressource
faunique qui n'appartient à personne, mais qu'il fallait trouver une
façon de compenser les propriétaires privés si on voulait
gérer la faune chez eux. Alors, ils nous ont parlé d'une certaine
compensation. Ce message-là, je pense qu'on l'avait compris.
À cette époque, on n'avait peut-être pas toujours
les ressources monétaires pour intervenir. Je crois que maintenant on
est un peu mieux garnis, en termes d'argent. Mais voici, maintenant qu'on veut
intervenir, qu'on veut trouver des projets de compensation, nous avons deux
problèmes. Quand on veut acheter des terres agricoles, entre autres,
pour faire un développement faunique, on a la Commission de protection
qui est devant nous, avec raison, et aussi on a le processus
d'évaluation environnementale qui cause, entre autres, certains
délais dans nos interventions. Alors, peut-être que le message, on
l'a mal compris, mais je pense quand même que, dans notre système
actuel, on travaille avec les propriétaires privés. La ressource
faunique est quand même une ressource qui n'appartient à personne
et à tout le monde, et on doit trouver des façons de compenser
ces gens, ce qu'on essaie de faire avec le plus de rapidité
possible.
Alors, pour en venir plus spécifiquement à la question de
ce mémoire, c'est certainement un moins vaste champ d'action qu'on va
couvrir dans ce mémoire que d'autres qui nous ont
précédés. On veut simplement venir ici ce soir
témoigner de notre expérience avec la Loi sur la qualité
de l'environnement, puisque ça nous touche directement dans la
majorité de nos interventions.
Avant de parler de nos recommandations comme telles, pour les
modifications possibles aux procédures actuelles, j'aimerais vous parier
très brièvement de Canards Illimités, comme tel. C'est une
société privée à but non lucratif, établie
au Canada depuis une cinquantaine d'années et au Québec depuis
environ 15 ans. À l'échelle de l'Amérique du Nord, parce
que nous sommes aussi établis aux États-Unis, nous avons quelque
715 000 membres, 115 000 membres au Canada et environ 11 000 membres au
Québec.
Depuis les 15 ans que Canards Illimités existe au Québec,
depuis 1976, nous avons investi environ 20 000 000 $ dans la protection et
l'aménagement des terres humides au Québec. On a
réalisé des projets sur environ 85 sites et nous avons
signé des ententes de protection et d'amélioration sur 16 000
hectares de terrain au Québec.
Chez Canards Illimités, comme le nom le laisse voir, on favorise,
avec nos aménagements, bien sûr, les canards, les oies - la faune
sauvagine qu'on appelle - mais nous tenons compte, dans nos
aménagements, des autres ressources fauniques qui se trouvent dans les
milieux qu'on veut protéger et aménager.
Notre travail, aussi, c'est un travail de partenariat et le principal
partenariat est venu, il y a cinq ans, avec la signature d'une entente pour le
développement et la protection des milieux humides. Nos partenaires dans
cette entente sont Habitat faunique Canada, l'Office de planification et de
développement du Québec, le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, la Fondation de la faune du Québec et un
sixième partenaire qui s'est joint à nous récemment, le
Service canadien de la faune. Donc, on n'est pas seuls dans nos interventions.
Toutes nos interventions font l'objet de débats et sont
sanctionnées par l'ensemble de nos partenaires qui participent avec nous
dans ces projets, soit en termes de partenaires financiers ou autrement.
Alors, dans les objectifs de notre mémoire, c'est simplement pour
vous donner la position de Canards Illimités sur les procédures
et pour vous faire quelques recommandations sur les modifications qu'on
pourrait apporter. Alors, voici un bref rappel sur les procédures,
peut-être pour vous dire comment on fonctionne.
Tous les projets de Canards Illimités et leur priorité de
réalisation sont sanctionnés par deux ministères, ou deux
agences, très importants: le Service canadien de la faune et le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Ces deux
ministères, et principalement le ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche, sont les organismes qui sont responsables pour la
gestion et la protection de la faune au Québec et tous nos projets sont
sanctionnés par eux.
Tous les concepts qu'on propose sont basés sur une bonne
planification écologique - du moins, à notre avis - et tous ces
projets sont longuement discutés avec les partenaires. Les partenaires,
ce sont les municipalités, les ministères et les
propriétaires. Je peux vous donner
moult exemples où nos projets commencent soit sur les tables de
cuisine avec un groupe de propriétaires, comme les communes autour du
lac Saint-Pierre, ou dans les salies paroissiales, les salles communautaires
où nous discutons de nos projets avec les propriétaires, les
municipalités, les élus locaux, etc. Alors, c'est un
élément très important de nos projets aussi.
Les gens, à la base, sont consultés dès le
départ. C'est pour ça qu'on est loin d'être contre
l'idée d'une évaluation environnementale et même les
audiences publiques. Mais, en ce qui nous concerne, on le fait, nous, en
partant. Alors, on n'a pas peur du tout, vous allez voir un peu plus tard,
puisqu'on fait ce genre de consultation dès le départ. Dans tous
les projets, à date, soumis au BAPE, aucun projet n'a fait l'objet d'une
audience publique. Seulement l'étape de consultation a eu lieu.
Alors, les résultats de nos projets... Tous nos projets font
l'objet d'un programme de suivi après acquisition et aménagement
ou protection et aménagement. Les résultats de ces suivis ont
démontré clairement que nos projets ont donné les
résultats fauniques escomptés. Alors, c'est quand même
important de dire que, après 15 ans, la grande majorité de nos
projets ont donné les résultats escomptés. Je reconnais
que, dans certains cas, on a des projets expérimentaux qui n'ont
peut-être pas performé à 100 %. Je répète
encore une fois: Aucun projet de Canards Illimités n'a fait l'objet
d'audiences publiques. Tous nos projets sont analysés par le
ministère, sont acheminés au BAPE et le BAPE les dépose
pour consultation, mais on n'est jamais passé à l'autre
étape, les audiences publiques comme telles, et on est maintenant rendus
à notre seizième ou dix-septième projet qui passe dans ce
système sans aller à l'étape de consultations publiques
par le BAPE. Je pense qu'en grande partie c'est parce qu'au début du
projet on prend soin de bien informer les gens et il faut dire que nos projets
sont utilisés aussi par les municipalités et par les MRC en
cause.
Un dernier point sur la façon que ça fonctionne
actuellement. Aucun projet d'aménagement mis de l'avant à date
par Canards Illimités n'a été bonifié par la
procédure et on trouve ça un peu déplorable parce que
c'est une procédure, pour nous, qui est quand même assez
exigeante. Mais l'aspect bonification n'est pas souvent présent et
j'entends par ça que dans les projets soumis, à date, il y a eu
très peu ou pas de changements ou modifications aux concepts de base. Il
n'y a pas eu de projets de modification ou de mesures de modification
ajoutés et il n'y a pas eu non plus, lors de l'analyse, de modifications
aux programmes de suivi proposées.
On termine en disant qu'on trouve ça un peu, pour le moins,
illogique, que plusieurs projets de grandes industries et de grands
développements sur une grande échelle qui risquent d'être
polluants ne font l'objet d'aucune ou de peu d'analyses, tandis que nous, on
pense que nos gestes sont positifs pour l'environnement et nous, on doit faire
l'objet d'une analyse assez complète.
Alors, quels sont les impacts de cette procédure actuelle sur nos
activités? Encore là, je m'excuse si on est un peu limités
dans la portée de notre mémoire, mais j'ai
préféré vous parler des choses vécues plutôt
que des choses qui pourraient être plus théoriques. Pour nous,
c'est surtout un problème de temps, le délai impliqué dans
la procédure. Et vous avez un tableau dans le mémoire qui indique
qu'au début on avait des délais d'analyse totale qui pouvaient
être de huit ou neuf mois et, maintenant, on est rendu à tout
près de trois ans.
Qu'est-ce que ça comporte ces délais? D'abord, il y a
risque de perte de milieux humides... et c'est ces habitats-là qu'on
cherche à protéger. Ces milieux humides sont situés le
long du Saint-Laurent où il y a d'autres facteurs d'utilisation
très importants aussi. Alors, nous sommes un peu dans une course pour
protéger ces milieux-là. Tout délai dans une
procédure peut avoir comme impact la perte d'un milieu important.
Il y a aussi l'intérêt du propriétaire. Quand un
propriétaire privé nous contacte pour un projet - et ça
peut nous prendre deux ou trois ans avant de retourner chez lui et
réaliser quelque chose - il peut aussi perdre de l'intérêt
pour nos projets puis peut-être pour l'environnement et peut-être
pour des choses beaucoup plus générales. Alors, il y a aussi un
impact la, chez les propriétaires privés, j'entends bien.
Alors, les délais aussi occasionnent chez nos membres - parce que
Canards Illimités ne reçoit aucune subvention gouvernementale...
Notre argent provient de nos membres, des gens qui contribuent à Canards
et un trop grand délai dans l'autorisation des projets peut provoquer
aussi un désintéressement de nos membres dans notre travail. Vous
n'avez qu'à consulter la presse spécialisée
dernièrement dans la région du lac Saint-Pierre, entre autres,
où on dit: Pourquoi contribuer à Canards Illimités? Votre
argent va être utilisé uniquement pour les études. Alors,
il y a un désintéressement de nos membres.
Si les procédures pouvaient être un peu raccourcies, je
pense qu'on pourrait augmenter aussi sensiblement nos réalisations au
Québec. Présentement, notre budget est de l'ordre de 2 500 000 $
par année, mais, grâce à des plans tels que le plan
nord-américain pour la gestion de la sauvagine, on pourrait augmenter
sensiblement ces investissements dans le domaine qui nous préoccupe.
Aussi, il y a une problématique peut-être très
interne de Canards Illimités. Pour nous la gestion de l'argent, c'est
très important. L'argent de nos membres est investi à court ou
à moyen terme et le "cash flow" devient très important. Quand on
n'est jamais sûr des délais dans la
réalisation d'un projet, il est très difficile de
planifier la gestion de nos fonds et on peut avoir des pertes
d'intérêt assez importantes dues au fait qu'on retire trop vite -
ou etc., - des fonds investis à plus ou moins long terme. Alors, en ce
qui concerne... Ça c'est la situation actuelle.
Je terminerais peut-être avec quelques suggestions pour
améliorer le processus actuel, du moins en ce qui nous concerne, et je
me permettrais peut-être un commentaire. J'ai entendu plusieurs
mémoires depuis le début de votre commission sur cette question
qui n'est pas de notre mémoire, mais cette question sur les
consultations publiques au niveau de la directive. J'aurais peut-être un
mot à dire là-dessus.
Alors, notre principale préoccupation en s'adressant ici, je le
répète, ça concerne les délais impliqués.
C'est surtout ça. On ne demande pas véritablement autre chose:
c'est d'intervenir ou c'est d'avoir un changement en ce qui concerne les
délais. Pour l'ensemble, nous aussi sommes très solidaires avec
les recommandations du rapport Lacoste, mais surtout les recommandations qui
parlent d'alléger les études d'impact et de les rendre plus
pertinentes. Donc, on aimerait que l'argent qu'on ramasse très
difficilement dans nos soupers bénéfices vienne aux
bénévoles, que cet argent-là soit bien
dépensé et aussi on veut introduire plus de flexibilité
opérationnelle dans la gestion de la procédure.
Voici quelques éléments de solution encore plus directs en
ce qui nous concerne. On aimerait accroître le nombre de chargés
de projets. D'autres personnes ont déjà mentionné ce
sujet, mais, puisque nous, on a régulièrement, à chaque
année, trois ou quatre études d'impact, on aimerait avoir le
même chargé de projet pour l'ensemble de nos dossiers, et pour
tous nos dossiers pour qu'on n'ait pas à recommencer à chaque
année avec d'autres chargés de dossiers qui reçoivent des
multitudes de dossiers de tous les secteurs. Je pense que notre secteur est
peut-être un peu spécialisé. Alors, accroître le
nombre de chargés de projets et que ces chargés de projets soient
toujours les mêmes pour l'ensemble de nos projets. (21 h 30)
Aussi, on aimerait, plutôt que de procéder comme c'est le
cas actuellement, dossier par dossier, projet par projet, qu'on puisse
évaluer - et là avec tout le poids du système actuel,
audiences publiques, etc., - quelque chose comme nos techniques d'intervention.
C'est pas mal toujours le même type d'intervention qu'on réalise.
C'est des mises en eau. C'est l'excavation de petits bassins ou de canaux.
Donc, on aimerait avoir une évaluation complète sur les
techniques d'intervention, ce que d'autres ont appelé des
évaluations génériques. Ça, ça nous pose des
problèmes, mais... En tout cas, c'est difficile d'identifier ce qu'on
veut dire exactement par ça. Pour nous ça serait au niveau des
techniques d'intervention. Et, une fois qu'on aurait ces techniques
d'intervention qui auraient passé toute la gamme d'évaluation, on
irait, à ce moment-là, en région, avec une
procédure beaucoup assouplie et, là, on travaillerait avec la
direction régionale du ministère et on pourrait travailler avec
un simple échange de lettres et de choses beaucoup plus souples
plutôt que de parler toujours de décret et tout ce que ça
peut impliquer. Donc, en gros, notre approche serait une approbation par type
d'intervention. Une fois le type accepté, chaque projet ferait l'objet
d'une étude, comme ça se fait présentement, en fonction de
l'article 22, si vous voulez.
Le commentaire que j'avais à faire pour la consultation sur la
directive, c'est que moi, je trouve et nous, on trouve que la directive est un
document passablement technique, passablement difficile parfois même
à comprendre. Cette première consultation pourrait
peut-être avoir lieu sur la nature générale d'un projet
plutôt que sur le décret qui parlerait de l'ensemble du projet et
les gens pourraient se prononcer dans leurs propres mots sur un projet
plutôt que de se limiter à un langage beaucoup trop technique
qu'on trouve parfois dans les directives.
Alors, le but de cette première consultation est de permettre aux
gens simplement de s'exprimer sur un projet dans leurs propres mots. Les gens
vivent dans les milieux où les projets se réalisent. Ils ont
souvent des choses très pertinentes à nous dire dans un langage
très direct et sans aller dans un débat très technique,
encadré par une directive. Ça pourrait être un débat
comme on fait un peu actuellement dans les cuisines et dans les salles
paroissiales, mais qu'on répète ça... Même pour les
grands projets, il faut trouver un moyen pour enlever un peu de pression sur
les débats.
Pour terminer et, aussi, pour économiser un peu de temps, je peux
simplement dire que Canards Illimités considère la Loi sur la
qualité de l'environnement comme utile et nécessaire et on
déplore que plusieurs types de projets échappent au processus
actuellement. Pour Canards Illimités et ses partenaires que j'ai
mentionnés tantôt, la protection et l'aménagement des
milieux humides sont très importants et il est impératif de
modifier le système actuel dans les meilleurs délais. Si, pour
modifier le système, il faut modifier les lois et les règlements,
je n'ai pas besoin de vous dire, à vous qui vivez tous les jours ici
à l'Assemblée nationale, que ça peut peut-être
être long comme processus. On a même hésité à
recommander des changements aux lois et règlements parce qu'on craint un
peu les délais qui sont peut-être d'au moins un an,
peut-être deux, tout dépendant de la charge, et peut être
que dans les mois à venir il va y avoir d'autres sujets qui vont retenir
votre attention.
Donc, c'est notre approche pour l'essentiel et je vous remercie de nous
avoir invités ce soir. Ça nous fera plaisir de répondre,
si possible, à
vos questions.
Le Président (M. Garon): Comme vous avez pris une bonne
partie du temps, je dois dire qu'il reste aux députés cinq
minutes et demie chacun. M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: M. Arsenault, M. Laniel, je vous remercie
sincèrement. Je suis un de vos 11 000 membres, et pour une très
bonne raison. J'ai vécu des dossiers que vous avez mis de l'avant dans
les 10 dernières années. Certains sont complétés et
d'autres sont en marche actuellement, dont le dossier de Nicolet. Certains ont
été complétés dans la région de
Bécancour. Il y en a en marche, à moyen terme ceux-là,
dans le coin de Baie-du-Febvre en fonction du lac Saint-Pierre, vous avez tout
à fait raison.
On doit vous rendre hommage sur la mécanique que vous utilisez de
consultation. J'ai participé dans certains dossiers à la
pièce et vous y allez vraiment - et c'est le cas de le dire - dans les
cuisines, dans les arrière-cours, dans les salles et vous y allez d'une
façon très crue, ce qui est excellent. Et c'est ce qu'on ne
retrouve pas dans tous les autres dossiers qu'on peut relier au BAPE. Il n'y a
pas une maudite technique derrière ça... Heureusement. Quand ils
ne comprennent pas, vous arrivez avec une autre méthode pour leur dire:
Le canard qu'on vous explique, c'est ça son portrait. C'est en plein
ça. Ah! i ce n'est pas un canard qu'on appelle ça chez nous,
c'est une sarcelle. J'ai vécu ça et vous vulgarisez à
merveille. Je prétends que vous êtes un exemple à suivre au
niveau des consultations publiques. Ça me plaît quand vous dites:
consultations publiques. Il n'y a aucun problème au niveau de la
directive moyennant que la directive est compréhensible et qu'elle n'est
pas technique. Vous êtes un exemple à ce niveau-là.
Ce que j'aimerais entendre maintenant puisque vous opérez aux
États-Unis et chez nos voisins pas seulement américains...
Comment ça fonctionne là? Ici, on dit que ça prend pas mal
trop de temps. Ailleurs, comment ça fonctionne pour des dossiers
semblables au niveau de terres humides, au niveau d'habitats fauniques? Dans
votre domaine, comment ça fonctionne ailleurs?
M. Arsenault: au niveau des projets tels que
réalisés par canards illimités, il n'y a presque aucune
comparaison entre ce qu'il se passe ici et ce qui se passe dans d'autres
provinces ailleurs au canada. ça varie d'une province à l'autre
mais, généralement, c'est une simple discussion entre la
société et les représentants du ministère de
l'environnement dans les différentes provinces.
Dans certaines provinces, il y a obligation de publier une annonce dans
les journaux simplement pour dire que le projet a lieu et que, si les gens ont
des commentaires, ils peuvent les faire. De façon assez
générale, pour notre société ailleurs, le
problème n'est pas... Les délais sont rarement occasionnés
par l'aspect évaluation environnementale. Dans l'Ouest canadien, ce sont
des problèmes pour obtenir les droits d'eau parce que l'eau est
très rare là-bas. Sur les deux côtes, pacifique et
atlantique, c'est Pêches et Océans Canada qui, avec les provinces
en question, veille beaucoup sur l'habitat des poissons. C'est surtout de
là que viennent les questions et rarement d'un processus organisé
et très structuré comme nous avons ici au Québec.
Nous sommes le seul bureau au Canada où nous avons deux personnes
chargées à temps plein parmi les quelque 20 permanents qui
travaillent chez nous de travailler uniquement sur cet aspect
d'évaluation environnementale de nos projets. Ces postes-là
n'existent même pas dans d'autres provinces.
M. Richard: M. le Président, vos projets font l'objet d'un
programme de suivi, entre autres par le ministère de l'Environnement,
non? Par le MLCP?
M. Arsenault: J'aimerais dire que nous réalisons la
majorité de nos suivis nous-mêmes.
M. Richard: Mais, à ce que j'ai vu dans les dossiers, le
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, entre autres,
accompagne ou suit de très près. Ce n'est peut-être pas un
suivi reconnu, comme vous dites, M. Arsenault. Mais il y a un genre de - je ne
dirais pas parrainage - parallèle où il semble que tout le monde
sait ce qu'il se passe en même temps, ce qui est exceptionnel dans ces
dossiers-là et ce qui est fascinant.
Dans le dossier, entre autres, du lac Saint-Pierre, je crois que quatre
ministères du gouvernement du Québec ont été
impliqués en plus de vous autres. Du moins, c'est vous qui les avez
impliqués, c'est l'inverse. Mais c'était quand même
étonnant et fascinant de voir que des gens du MENVIQ, du MLCP, que des
gens du MAPAQ s'impliquaient ensemble dans une volonté commune de
régler un dossier. Et ça, vous avez réussi ça.
C'est un miracle de Canards Illimités. Malheureusement, ce n'est pas un
des ministères qui a fait la "game". C'est Canards Illimités, je
pense, qui a été le maître-d'oeuvre et qui a réussi
cette démarche-là qui était en phase finale de
réalisation au niveau du lac Saint-Pierre.
M. Arsenault: Si vous le permettez, je ne dirais pas que
c'était un miracle, je dirais que c'était une preuve de patience
parce que, lorsqu'on travaille avec beaucoup de partenaires, il faut être
patient. Encore une fois, les projets sont très longs à
développer chez nous ici, au Québec, parce qu'on consulte
à la base, parce qu'on travaille avec les partenaires. Mais le projet
final, je crois, est un projet plus solide et qui risque d'être
accepté par un plus grand
nombre de personnes. En effet, on est fiers.
Peut-être l'aspect du suivi auquel vous faites
référence, c'est dans certains cas comme le projet Sarcelle
à Nicolet. Le projet est tellement important et vaste, en tout cas, pour
nous. C'est plusieurs centaines d'acres qui sont aménagées. C'est
le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche qui a
accepté de suivre l'ensemble et de s'assurer que tous les partenaires -
parce qu'il y a plusieurs partenaires - jouent le rôle qui était
entendu et que le projet donne les résultats escomptés. S'il y a
chasse, c'est de la chasse publique. S'il y a un programme scolaire, ça
marche selon une certaine formule, etc. Alors, ça varie mais, dans ces
cas-là, ce sont les ministères qui assurent les suivis. Pour
l'ensemble de nos projets, selon un protocole qu'on a développé
avec le ministère de l'Environnement, on prend des photos
aériennes de nos projets après aménagement et, avant, on
fait des inventaires des canards et des autres espèces fauniques, et on
travaille au niveau du poisson. Alors, c'est un programme de suivi qu'on
réalise nous-mêmes.
Le Président (M. Garon): Je vous remercie. Maintenant, M.
le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux
féliciter M. Arsenault et M. Laniel au nom de l'Opposition pour la
qualité de leur présentation, mais surtout pour la qualité
du travail que vous accomplissez au Québec depuis une quinzaine
d'années.
C'est rafraîchissant d'entendre un groupe qui valorise la
consultation avec le public, qui l'utilise au maximum. Ça fait un
contraste assez frappant avec un groupe qu'on a entendu ce soir, qui n'a pas
l'air à y croire beaucoup, qui le fait un peu à reculons. C'est
dommage, mais ça explique un peu la réputation qu'ils ont
à l'extérieur, par exemple.
Mais dans votre cas - je ne connais pas intimement votre groupe,
j'apprends à mieux le connaître ce soir - il me semble que toutes
vos recommandations quant à moi sont acceptables telles quelles. Vous
avez raison de demander d'avoir un chargé de projet parce qu'il n'y en a
pas beaucoup de groupes comme le vôtre au Québec. J'imagine que
vous êtes le seul.
Une voix:...
M. Lazure: Vous êtes le seul. Alors, ça me
paraîtrait élémentaire que le ministère vous
désigne un chargé de projet pour qu'il y ait une
continuité, une stabilité dans vos interlocuteurs. Encore plus
important, il me semble que vous êtes assujettis à une
procédure inutilement complexe et inutilement longue dans votre cas.
Vous avez raison de dire: Ça n'a pas d'allure. Les alumineries qui
polluent mille fois plus que vous ne sont pas soumises. Vous, non seulement
vous ne polluez pas, mais vous aménagez le territoire, vous
l'améliorez. Alors, c'est un indice de l'absurdité dans
laquelle... On peut s'acheminer dans des retranchements absurdes, c'est
incroyable. Alors, espérons que le rapport de notre commission va nous
aider à sortir de cette absurdité.
Il me semble que ce serait relativement facile avec un charge de projet,
toujours la même personne, avec le plan - vous savez un peu ce que vous
allez faire d'année en année, quelques années à
l'avance - un plan quinquennal. Vous en pariez d'ailleurs dans votre
mémoire, du plan quinquennal. Pourquoi est-ce qu'il n'y aurait pas une
audience, une étude générique sur les techniques que vous
utilisez habituellement de même que sur votre plan quinquennal, quitte
ensuite à ce que chaque projet particulier ne soit plus soumis à
cette procédure longue, mais puisse relever de l'article 22, une
autorisation tout simplement? Il me semble que la commission, en tout cas, de
ce côté-ci de la table, et je vois des signes de l'autre
côté aussi... On va faire l'impossible pour que la
procédure soit de beaucoup allégée dans votre cas. Vous
rendez des services énormes. Vous êtes les seuls à vous
occuper - ou à peu près les seuls - des milieux humides au
Québec. C'est une contribution qui est inestimable. Moi, je n'ai
vraiment pas d'autres questions, sauf pour vous féliciter pour votre bon
travail. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les gens de
Canards Illimités et je suspends pendant quelques secondes pour donner
le temps aux représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec de s'approcher de la table.
Le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec... M.
Harguindeguy et M. Yves Carrier. Alors, je ne sais pas qui est le porte-parole.
Si vous voulez vous présenter.
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec
M. Robert (Jean): Vous avez certainement compris que je ne suis
pas Jean-Louis Harguindeguy.
Le Président (M. Garon): Pardon.
M. Robert: Vous avez certainement compris que je ne suis pas
Jean-Louis Harguindeguy.
Le Président (M. Garon): On ne le sait pas. Je ne
présume de rien, moi.
M. Robert: Mon nom c'est Jean Robert. Je suis
vice-président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du
Québec. Je remplace ce soir Jean-Louis Harguindeguy, qui s'excuse de son
absence Pour des raisons hors de contrôle, il ne
peut pas se présenter devant la commission.
Le Président (M. Garon): Alors, vous avez une demi-heure,
c'est-à-dire que normalement vous prenez 10 minutes pour faire
l'exposé de votre mémoire; le parti ministériel aura 10
minutes pour vous interroger de même que 10 minutes pour le parti de
l'Opposition. Allez-y, M. le représentant du Syndicat. (21 h 45)
M. Robert: Dans un premier temps, nous tenons à remercier
la commission de nous permettre, au nom des quelque 45 000 membres que nous
représentons, de vous présenter ce mémoire qui se veut le
reflet de notre volonté à faire évoluer ce dossier
d'importance. Déjà, depuis plusieurs années, le Syndicat
des fonctionnaires se préoccupe des problèmes liés
à l'environnement et nous souhaitons réitérer notre
intérêt de participer en tant qu'organisme à tout projet
pouvant permettre le rétablissement d'une situation que nous jugeons
dramatique. Nous avions d'ailleurs, en 1989, lors de notre participation
à la table ronde québécoise sur l'environnement et
l'économie, informé Mme Lise Bacon, à cette époque
ministre de l'Environnement, que nous étions disposés à
collaborer avec le gouvernement pour informer, sensibiliser et susciter chez
nos membres différentes formes d'action en vue d'implanter, dans les
plus brefs délais, une politique d'économie d'énergie dans
tous les secteurs d'activité, y compris dans nos milieux de travail.
Nous avons, de plus, réitéré cette offre en
novembre 1989, à l'occasion du Forum québécois sur le
développement durable, ainsi qu'en 1991 à l'actuel ministre de
l'Environnement. Nous croyons, en tant que travailleurs et travailleuses de
l'État, avoir un rôle important à jouer à ce niveau,
si on tient compte que nous sommes, par les emplois que nous occupons dans les
différents ministères, aux premières loges d'un spectacle
qui devient de plus en plus désolant. Nous croyons que tout est possible
si l'on s'en donne la peine et les moyens, à la condition, bien
sûr, que le gouvernement ait la volonté politique de passer
à l'action. Nous ne pouvons donc qu'espérer que nous en ayons
fini avec les excès commis au cours des deux dernières
décennies et réclamons une meilleure qualité de vie pour
l'ensemble des Québécois et Québécoises.
Sur ce, si vous me permettez, je vais laisser la parole à mon
collègue, Yves Carrier, qui est quand même celui qui a bâti
le mémoire, qui va vous entretenir sur le fondement comme tel du
mémoire et, par la suite, si vous avez des questions, on pourrait, bien
sûr, y répondre.
M. Carrier (Yves): Bonsoir, mesdames, messieurs.
Premièrement, j'ai entendu certains intervenants, ce soir, dont M.
Lazure, déplorer le fait qu'il y avait peut-être certains groupes
qui ne croyaient pas à la consultation. Juste pour vous expliquer la
façon dont notre mémoire a été conçu... Dans
un premier temps, lorsque, au Syndicat des fonctionnaires, on a
décidé de vous proposer notre mémoire, on a
consulté l'ensemble de nos sections syndicales à travers le
Québec - on a plus de 175 sections syndicales - pour s'alimenter
à propos des choses que nous allons développer ce soir. Donc, les
choses dont on va vous parler, ce sont des gens qui nous ont donné
l'information, ce sont des gens qui nous ont donné aussi les preuves
lorsque le mémoire fut préparé. C'est pour ça que
ce soir on vous dépose un mémoire révisé. En
même temps qu'on le déposait à cette commission, en
même temps, on le retournait à l'ensemble de nos sections
syndicales pour demander une deuxième fois leurs commentaires, pour voir
s'il y avait des modifications à y apporter. C'est pour ça qu'on
vous a déposé...
Il est évident, considérant l'heure tardive et aussi
considérant le peu de temps qu'on a pour se faire entendre - j'aurais
aimé être à la place des ingénieurs, ce soir, ils
avaient beaucoup de temps et beaucoup de choses à vous dire, mais de
toute façon - on va aller aux choses les plus urgentes. Donc, je ne vous
parlerai pas de l'ensemble du mémoire. Il est évident qu'on vous
fait 12 recommandations, mais j'attirerai votre attention sur certaines.
Première recommandation. Vous pouvez prendre la page 9 du
mémoire, s'il vous plaît, où on fait
référence à la section II de la Loi sur la qualité
de l'environnement, à l'article 2 où on souligne que le ministre,
finalement, a un pouvoir discrétionnaire vis-à-vis des
ministères et des organismes gouvernementaux, dans le cadre de la
protection de l'environnement. Nous, on dit que ce pouvoir
discrétionnaire doit être enlevé, effacé de la loi
et qu'on doit donner au ministre un droit de veto, non pas sur l'ensemble des
décisions touchant l'environnement au Québec, mais sur les gestes
qui sont posés autant par les ministères que les organismes
gouvernementaux. On vous donne des exemples que nos gens nous ont
soulignés.
Le ministère des Transports, dans la belle région de
Chicoutimi, au mois de mai 1991. Il y a des fosses de rétention dans
lesquelles on transvide les abrasifs qu'on utilise sur nos routes l'hiver. On
transvide l'huile dans ces fosses de rétention. On vous souligne que le
ministère des Transports a fait la vidange de cette fosse de
rétention dans un fossé près du lac Daran, dans la
région de Chicoutimi. Vous connaissez les problèmes. Il y avait
Canards Illimités Canada qui était ici. Ça s'est
passé au ministère des Transports.
Le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
émet des permis de chasse au caribou dans le Grand-Nord
québécois, sans se préoccuper des déchets qui sont
laissés par les chasseurs. Et on sait que l'écosystème du
Grand-Nord québécois est très fragile. Je me suis
laissé
dire par de nos membres qui ont survolé la région en avion
que c'est un dépotoir effrayant. Mais c'est vrai que c'est loin des
bureaux administratifs des ministères ou du gouvernement. Je pense que
c'est important qu'on donne au ministre de l'Environnement ce droit de veto
pour obliger les ministères.
C'est vrai qu'il y a des ministères... Encore le ministère
des Transports, ça, ce n'est pas dans le mémoire... Le
ministère des Transports, quand on a construit l'autoroute 40, au lieu
de présenter un projet global pour être entendus par le BAPE, ils
l'ont présenté de façon tronçonnée, entre
guillemets. Donc, on n'allait pas chercher les certificats.
J'ai une lettre ici que j'ai reçue en date du 11 septembre. C'est
une copie de lettre qui est adressée au sous-ministre, M. André
Trudeau, par le président de l'Association de protection de
l'environnement du lac Saint-Augustin, qui déplore des choses.
Notamment, il y a un programme de la protection des lacs, au ministère
de l'Environnement. On en a entendu parler beaucoup. Alors, ce qui vient de se
passer en juin dernier, c'est qu'on a sabré 130 000 $ dans ce
programme-là. Cependant, il y a deux nouveaux gestionnaires qui
remplacent, semble-t-il, des gens qui ont pris leur retraite, qui viennent de
se faire aménager, à hauts frais, leur bureau. Ça,
ça a été expédié par la personne que je vous
ai dit.
On vous donne d'autres exemples. Vous voyez, notre mémoire n'est
pas de la même dimension que d'autres groupes que vous avez entendus.
Mais on pourrait vous en donner longtemps, c'est pour ça que...
On vous donne d'autres exemples. HydroQuébec a... Dans trois
districts judiciaires, le ministère de l'Environnement a
déposé des plaintes en vertu de la loi, à propos du
règlement sur les déchets dangereux. Il a déposé
une plainte à Montréal, une à Granby, dans le district
judiciaire de Granby, et l'autre à Saint-Jean-sur-Richelieu. On vous
donne l'exemple que, en juin 1991, oui, Hydro-Québec s'est reconnue
coupable. Elle a été condamnée à 2500 $
d'amende.
Alors, ce qu'on vous dit, c'est que ça n'a pas d'allure, aussi,
que l'article 31 de la loi prévoie que le gouvernement peut adopter des
règlements qui ont comme conséquence de soustraire des
déchets qui sont jugés dangereux, mais de les soustraire à
l'application de la loi. Ou bien ils sont dangereux ou ils ne sont pas
dangereux, et je n'ai pas besoin de règlement. L'article 7... Donc, on a
adopté un décret qui porte le numéro 1000-85, ça a
été le 29 mai 1985. Et là l'article 6 retire de
l'application de la loi la gestion des fumiers et des purins. L'article 7
retire les déchets dangereux produits lors de l'utilisation des
pesticides. Alors, nous autres on dit: Ça n'a pas de bon sens,
ça. Il ne devrait pas y avoir... Si un déchet est jugé
dangereux, la loi doit s'appliquer de façon totale et
entière.
Et il y a différents problèmes. On en a lu dans les
journaux, ce matin. Il y a eu une conférence de presse donnée par
le ministre Paradis à propos de la rivière aux Brochets. En tout
cas, il n'y en a plus de brochets dans la rivière. Il y a le
problème, c'est sûr, dans l'entreprise qui est la, mais il y a
d'autres problèmes aussi. Et un des problèmes les plus dangereux
au Québec, c'est que les fermes ne sont pas régies par la loi de
la protection de l'environnement, considérant qu'on exclut, de par les
articles 6 et 7... Ce qui fait que ça a coûté, pour la
rivière Chaudière, en dix ans, 100 000 000 $ pour épurer
la rivière Chaudière, et on a eu le rapport dernièrement,
au mois de juin, qui est sorti. Ce qu'on nous dit dans ce rapport-là
c'est: Dans la rivière Chaudière, il n'y a pas eu aggravation.
Mais ce qu'on nous dit aussi, c'est que: Oui, elle ne s'est pas
améliorée, parce qu'il y a 3000 fermes et qu'il y a juste 3 % des
fermes qui ont participé au programme d'élimination du purin.
Ça, dans des rapports du ministère de l'Environnement, on le
dénonce. C'est pour ça qu'on propose qu'il y ait un pouvoir de
dérogation... que le pouvoir discrétionnaire soit enlevé
de la loi, pour toutes ces raisons-là. Je pourrais vous en donner
beaucoup, mais considérant... Mais aussi, on dénonce en
même temps avec ça que l'intervention, après coup, du
gouvernement, ça n'a pas de bon sens, dans la protection de
l'environnement. À l'intérieur de ça, là, ils ont
décidé d'avoir un programme qui va injecter environ 50 000 000 $
au niveau des fermes. C'est un programme du ministère de l'Environnement
et ça va coûter 50 000 000 $. Bien, ça a déjà
coûté 100 000 000 $, et là ça va coûter 50 000
000 $. C'est qui qui paie ça? C'est l'ensemble des citoyens.
Ce qu'on propose aussi... Plusieurs organismes ont parlé de
délais, de carences. Pas des carences de la part du BAPE parce que le
BAPE, il est poigne, là, à savoir: Est-ce que le ministre me
donne, oui ou non, l'autorisation d'entendre telle chose? Alors nous, dans les
recommandations de notre mémoire, on vous dit: Bien, en même temps
que le ministre est saisi d'un projet d'un promoteur, le BAPE devrait en
être saisi immédiatement et c'est le BAPE qui décidera si
oui ou non il doit y avoir audiences. Cependant, si le BAPE décide qu'il
n'y a pas audiences, il devra en aviser la population, pas par un type d'avis
légal, mais par une publicité dans les journaux: J'ai eu telle
demande et considérant telle chose, telle chose, bien, on n'entend
pas.
Alors, c'est le BAPE qui conseillerait le ministre et non plus
l'inverse. Je pense que ça réglerait beaucoup de
problèmes. Je me suis laissé dire qu'il y a déjà eu
des demandes de permis...
Une voix:...
M. Carrier: Oui, c'est ça, c'est le BAPE qui
décide. C'est le BAPE, finalement, qui dit au ministre: Oui, j'entends,
non, je n'entends pas, pour telle et telle raison. Mais il faut voir l'ensemble
de notre mémoire. Puisque les ingénieurs parlaient tantôt
qu'il devrait y avoir certaines règles préétablies, on en
est. Oui, il doit y avoir ces règles préétablies
là, qu'elles soient connues, mais qu'elles soient plus évolutives
que dans le sens qu'elles vous étaient présentées,
c'est-à-dire que, oui, la règle de l'art peut changer avec le
temps. Ça, ça va. Il n'arriverait pas les problèmes qu'on
connaît aujourd'hui et les problèmes qu'on dénonce dans ce
sens-là.
On aimerait aussi que le BAPE émette des permis étapistes,
en ce sens qu'il y a telle étape à atteindre. Et là,
à ce moment-là, par l'entremise du ministère de
l'Environnement, une fois que l'étape est atteinte, il y aurait des
inspecteurs du ministère de l'Environnement qui vérifieraient si
tout est conforme. Si tout n'est pas conforme, à ce moment-là, on
arrête l'élaboration du projet et on ordonne au promoteur de
rectifier la situation. On connaît beaucoup de cas, au moment où
on se parle, où ce n'est pas ce qui s'est passé et ça va
créer des problèmes à la population du Québec dans
l'avenir. Des problèmes économiques aussi parce qu'on devra payer
pour faire bonifier l'environnement qui aura été
altéré par des polluants non connus au moment où on se
parle ou non dénoncés par les promoteurs. Ils l'auront
caché.
Et vous en connaissez. Je pourrais vous donner plusieurs exemples de
choses qui se sont passées, de type semblable, comme dans l'État
de New York, par exemple, dans la municipalité de Love Canal. En 1930,
on a enfoui dans la terre des déchets toxiques et, aux alentours de
1970, qu'est-ce qui s'est passé? On a été obligé
d'évacuer la ville parce qu'il y avait des problèmes, parce que
là ça sortait. Alors, ce sont des choses qu'on...
On n'est pas pour une taxe verte. On vous propose quelque chose qui
serait - à la page 16 de notre mémoire - la création d'un
fonds mutuel de conservation et protection de l'environnement. Ce fonds mutuel
là, ce sont les industries qui auraient l'obligation d'y contribuer
annuellement en prenant en considération la production ou la mise en
marché de tous les biens susceptibles de produire des déchets
durables. De plus, les amendes qui seraient imposées en vertu de la loi
de la protection de l'environnement seraient déposées dans ce
fonds mutuel là. Ce fonds mutuel servirait à quoi? Il servirait,
à ce moment-là, à dépolluer le territoire du
Québec. (22 heures)
On vient de rendre un jugement, en Alber-ta, à l'effet que le
résidu d'une faillite devait servir à dépolluer un site
d'une compagnie qui avait laissé en place sept puits. Mais après
ça, s'il n'y a pas assez d'argent, qui paie? C'est l'ensemble des
citoyens. Alors, nous autres on dit que si le gouvernement prend ses
responsabilités, modifie la loi dans le sens qu'on la propose, bien,
ça va être une économie générale pour
l'ensemble de la population du Québec parce qu'on n'aura pas à
payer dans quelques années pour des problèmes qui sont
créés aujourd'hui.
On pourrait vous donner l'exemple des BPC, on le cite dans notre
mémoire. Dans le temps, c'est le ministre Lincoln qui avait
demandé les deux usines mobiles au Conseil du trésor. Ça
coûtait 10 000 000 $, on lui a refusé. Est-ce qu'il y a quelqu'un
qui est capable de me dire aujourd'hui comment ça coûte? Et on est
encore pris avec les BPC. Je me suis laissé dire par quelqu'un au
ministère de l'Environnement que ça coûte plus de 100 000
000 $ au moment où on se parle. Ça coûte annuellement au
Canada 1 500 000 000 $ pour ramasser et éliminer les déchets.
Nous autres on dit: On doit les suivre à la trace et on doit les
contrôler. Pas juste les enfouir. On doit les recycler.
On connaît des problèmes de recyclage. J'ai ici un rapport
de La compagnie de papier Québec et Ontario Itée, un rapport
interne fait aux employés. Elle dénonce ce
problème-là. Elle dit: On est prêts, nous autres, à
faire du papier contenant des fibres recyclées. On connaît la loi
américaine. Cependant, il n'y a rien en place qui permet la
récupération du papier. Il n'y a rien.
Nous avions, en 1989 - et mon confrère, Jean Robert, l'a
souligné - saisi la table ronde québécoise de ce
problème-là puis on suggérait qu'il se passe des choses
à l'intérieur du gouvernement, dans tous les organismes publics
et pa-rapublics. De toute façon, il y avait eu des études, des
essais de faits à la Montérégie. On a écrit au
ministre Paradis, il a accusé réception, mais il n'y a rien de
fait encore. On voudrait qu'il y en ait de la récupération.
Alors, c'est ça l'ensemble de notre mémoire, finalement,
et considérant l'heure tardive puis les heures que vous avez
passées, je pense qu'il serait... En tout cas, vous le connaissez, vous
avez peut-être des questions. J'en ai fait sursauter d'aucuns et
d'aucunes avec ce que j'ai dit. Posez vos questions, il n'y a pas de...
Le Président (M. Garon): Alors, moi, j'aimerais simplement
vous faire une remarque. C'est qu'il y a une différence entre un produit
dangereux puis un produit polluant. S'il fallait que tous les produits
polluants soient déclarés comme produits dangereux même le
lait serait un produit dangereux. M. le député de Rimouski.
M. Tremblay (Rimouski): Oui, M. le Président,
permettez-moi de remercier le Syndicat des fonctionnaires du gouvernement du
Québec de
s'être présenté devant cette commission. C'est
très rassurant lorsqu'on voit un syndicat de 45 000 membres
s'intéresser à la cause environnementale et nécessairement
de proposer au gouvernement et à cette commission des suggestions pour
améliorer le sort de toute la communauté
québécoise.
Vous savez, souventefois les politiciens ou les fonctionnaires, on est
le souffre-douleur de tout ce qui va mal dans ce bas monde et on est facilement
accusés de tous les maux. Mais, de par votre rapport, je me
réjouis, en tout cas, de la façon dont vous avez abordé le
problème à savoir de signifier à cette commission les
dangers qui nous guettent tous si nous ne prenons pas les bons moyens pour
contrer la pollution qui nous vient de toutes parts. Cependant, dois-je vous
dire, il y a des gestes qui ont été posés depuis un
certain nombre d'années qui ont tendance à améliorer. Je
pense qu'on a une situation un peu plus rassurante qu'antérieurement. Il
reste beaucoup de choses à faire.
Moi, il y a juste une question... Vous semblez blâmer au
départ dans votre mémoire, surtout dans votre
présentation, puis je lisais ça... Vous aviez informé Mme
la ministre Lise Bacon, à cette époque ministre de
l'Environnement, que: Nous étions - et vous parlez de votre syndicat -
disposés à collaborer avec le gouvernement pour informer,
sensibiliser ainsi que susciter chez nos membres différentes formes
d'action en vue d'implanter, dans les plus brefs délais, une politique
d'économie d'énergie... Oui, ça, c'est bien beau, mais,
moi, il me semble que, si j'avais été dans votre syndicat,
j'aurais fait plus que ça. Je serais allé plus loin. Je leur
aurais donné des pistes. Voyez-vous une chose, c'est bien beau de dire
que tout le monde veut collaborer, mais si vous voulez qu'on passe à
l'action... qu'un ministre ou gouvernement passe à l'action, allez plus
loin et poussez vos démarches jusqu'à proposer telle chose
plutôt que d'offrir votre collaboration. Offrir votre collaboration,
c'est un beau voeu pieux, à mon sens.
Il me semble que je serais allé plus loin et que j'aurais dit:
Voici ce qu'on peut faire. Voici les gestes qu'il faudrait poser et ainsi de
suite, et la publiciser votre affaire. Et là peut-être que nous
autres, même les politiciens, nous aurions embarqué en
arrière de vous autres et on aurait dit: Aïe, ils ont quelque chose
qui est solide et qui peut se défendre. Je ne le sais pas. C'est une
réflexion que je vous fais. Elle a son mérite dans la mesure
où vous pouvez me dire que peut-être vous y avez pensé et
que vous n'avez pas les moyens. Mais... enfin. Alors, je vais vous laisser la
réponse.
M. Robert: II y a une chose, par exemple, qu'il faut dire
là-dessus. Dans des gestes aussi simple que la
récupération de papier - on en parlait tantôt au niveau des
ministères - on est intervenu par le biais des comités mixtes
minis- tériels au niveau des relations professionnelles parce qu'il y a
des comités par ministère dans nos conventions collectives. On
est intervenu auprès des ministères pour mettre sur pied,
justement, une politique de récupération de papier. Juste
ça. Je vous cite juste cet exemple-là. Mais, même
là-dessus, c'était tordu à appliquer et on se rend compte
que même dans des gestes aussi simples que ceux-là c'est difficile
à faire le suivi. Ça fait que je veux bien qu'on...
D'ailleurs, il ne faut pas prendre ce qu'on a dit dans le
préambule comme étant nécessairement un blâme. Ce
qu'on dit c'est qu'on fait une rétrospective des impacts ou, en tout
cas, des gestes qu'on a posés en tant que syndicat vis-à-vis le
gouvernement. C'est sûr qu'il y a des commentaires et des suggestions
qu'on va faire. On en fait justement par le biais du mémoire. On est
prêts à collaborer parce qu'on pense qu'on est un véhicule
important au niveau du gouvernement. On est prêts à collaborer
à 100 %, sauf que, comme je vous dis, il y a quand même... On sent
qu'il n'y a peut-être pas nécessairement la volonté, de la
part de beaucoup d'intervenants là-dedans, de faire de quoi. Et
là je vous cite en exemple la politique de récupération de
papier qui est un geste bien simple, mais qui est difficile d'application
même à ce niveau-là.
M. Carrier: Pour compléter ce que mon confrère
vient de vous dire... Je suis heureux de vous entendre dire que, si on avait
proposé des choses, à ce moment-là vous nous auriez
appuyés plus dans ça. Effectivement, nous avons proposé
des choses en novembre 1989, au Forum québécois sur le
développement durable. Ce que nous proposions à ce
moment-là, c'était que...
Une voix:...
M. Carrier: C'est ça, mais... C'est ce qu'on dit dans
notre mémoire en introduction et ce qu'on proposait c'est qu'il y ait
des coordon-nateurs ministériels dans le domaine de la
récupération et l'économie d'énergie qui soient
nommés au niveau de chaque ministère et organisme. Et là,
à ce moment-là, on aurait mis en branle, nous autres, ce que mon
confrère, Jean, vient de dire, en ce sens que, par l'entremise de nos
comités ministériels de relations professionnelles, on aurait
enclenché des actions. Cependant, même de l'aveu du sous-ministre
du ministère de l'Environnement - et on vous le souligne dans notre
mémoire - dernièrement, en juin 1991, il nous soulignait que le
programme de récupération de papier au gouvernement, mis en avant
depuis 1980, ne fonctionne pas, sauf au ministère de l'Environnement.
Alors, nous on était prêts à tout remettre ça de
l'avant et à donner toute la coopération.
M. Tremblay (Rimouski): O.K. Remarquez bien que j'aurais d'autres
questions à vous poser,
mais là l'heure est tardive, d'une part, et je dois vous dire que
les recommandations que vous faites sont confinées au dossier de la
commission. J'espère que tous ensemble nous allons trouver une
amélioration à tout le problème de l'environnement au
Québec. Voilà, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Merci. M. le député
de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux remercier les
représentants du Syndicat des fonctionnaires provinciaux. Je veux les
féliciter aussi pour leur souci de la consultation de leurs membres,
même à deux reprises. C'est assez exemplaire. Moi aussi, comme mon
prédécesseur de Rimouski, je suis d'accord avec la plupart de vos
recommandations.
Il y en a une qui me frappe plus particulièrement. C'est la
dernière, en fait, que je trouve un peu inédite, un peu
particulière. Moi, je ne l'ai pas vue dans d'autres mémoires.
Vous dites: "Que le gouvernement modifie la Loi sur la santé et
sécurité du travail afin d'élargir le rôle du
comité de santé et sécurité en ajoutant un mandat
particulier portant sur la protection de l'environnement en milieu de travail,
en plus de reconnaître à la travailleuse et au travailleur le
droit de refus de polluer ou de contaminer de ce même environnement."
Moi, je dis oui à ça, à 100 %. On en avait
déjà discuté à cette commission parlementaire
à l'occasion d'un projet de loi. Je pense que c'était sur le
projet de loi pollueur-payeur, je crois, l'an passé. On avait
évoqué cette possibilité. Je l'avais évoqué,
moi, cette possibilité, de confier un mandat additionnel au
comité de la santé et de la sécurité au travail, un
peu dans la même direction que ce que vous nous proposez aujourd'hui.
La toute première, d'un autre côté, le droit de veto
au ministre, c'est intéressant, mais ça me paraît difficile
d'application, surtout le droit de veto sur ses collègues, les autres
ministres. Ça, c'est compliqué. Moi, je pense que ce n'est pas
réalisable. Je ne crois pas que le gouvernement puisse donner un droit
de veto à un ministre par rapport aux autres ministres. Ça
équivaudrait à ça.
D'un autre côté, il y a des structures qui pourraient
être imaginées. Il y a un parti politique important qui propose,
par exemple, de créer une structure d'un conseil interministériel
de contrôle de l'environnement, un peu à l'image du Conseil du
trésor, si vous voulez. Il s'agirait d'un conseil de l'environnement qui
serait présidé par le ministre de l'Environnement et qui
examinerait tout projet important, public ou privé, qui
nécessiterait des fonds gouvernementaux; au fond, il ferait en
matière environnementale un peu ce que le Conseil du trésor fait
en matière de finances publiques. Ça ne serait pas exactement un
droit de veto, mais ça serait une juridiction quand même morale
très forte sur ses collègues. Je me demande ce que vous pensez
de...
M. Carrier: Oui, du moment que le ministre de l'Environnement
aurait un certain pouvoir vis-à-vis ses autres collègues des
autres ministères pour empêcher des choses qui se sont
passées et qu'on vous cite en exemple. C'est vrai que le droit de veto,
c'est peut-être un peu exagéré, mais c'est le fait
d'attirer votre attention et de dire: Trouvons donc quelque chose tous ensemble
qui donnera cette possibilité-là et qui arrêtera les autres
ministères de ne pas respecter l'environnement - parce que, si on
commence à faire des recherches, on va s'apercevoir que, dans plusieurs
ministères, on ne respecte pas l'environnement. Notre dernière
recommandation, que vous trouvez très intéressante,
d'élargir le rôle du comité de santé et de
sécurité au travail pour qu'il y ait un rôle aussi
d'intervention, la Commission d'enquête sur les déchets dangereux
suggérait, elle, la création de comités, mais de
comités de protection de l'environnement. Alors, nous autres, on dit: Au
lieu de doubler les interventions, pourquoi ne pas modifier l'article 78 de la
Loi sur la santé et la sécurité du travail et dire: Vous
avez le pouvoir d'intervenir dans la protection de l'environnement.
M. Lazure: Une dernière question, quant à moi,
là. Vous dites... Bien, c'est l'avant-dernière: Que le
gouvernement modifie la loi sur la qualité... afin de prévoir le
droit pour la population de siéger aux audiences publiques du BAPE.
Voulez-vous expliquer un peu, élaborer un peu là-dessus?
M. Carrier: O.K.
M. Lazure: Vous ne voulez pas dire siéger, participer
à une audience, là, vous voulez dire siéger comme
commissaire.
M. Carrier: Siéger comme commissaire. M. Lazure:
Oui.
M. Carrier: O.K.? Alors, on se dit, nous, que... Bon, on a
parlé beaucoup du droit au public à l'information. De toute
façon, on sait que le Conseil des ministres n'a pas adopté encore
certaines dispositions de la loi et que, comme conséquence, on cache
à la population - et je pèse mes mots - de l'information, eu
égard à la situation de l'environnement dans la province de
Québec. Donc, on dit: Donnons une place au public et que ce
public-là ait des représentants comme commmissaires, mais
nommés par des représentants de la population et aussi par le
gouvernement. Alors, vous connaissez la procédure.
M. Lazure: Bien, vous demandez aussi que le rapport Lacoste soit
mis en application.
M. Carrier: En application, bien sûr. M. Lazure:
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Garon): Merci, M. le député
de La Prairie. Comme les intervenants ont fini de poser des questions, je
remercie les gens qui sont venus nous rencontrer, les représentants du
Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec. J'ajourne les travaux
de la commission à demain matin, le mercredi 25 septembre, à 9 h
30.
(Fin de la séance à 22 h 14)