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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 10 mars 1992 - Vol. 31 N° 133

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Seize heures ving-huit minutes)

Le Président (M. Garon): Alors, je déclare la séance de la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Rappelons le mandat de la commission, qui est de poursuivre les audiences publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'étude du projet de loi 412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Garon): Alors, l'horaire de la journée, c'est d'entendre d'abord, à 15 h 30, le Mouvement des caisses Desjardins, ensuite le Conseil du patronat du Québec, l'Association des eaux souterraines du Québec et l'Association des manufacturiers du Québec.

Alors, j'appelle le Mouvement des caisses Desjardins pour venir nous rencontrer à la table des délibérations. M. D'Amours, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent, en vous rappelant que vous avez une heure, c'est-à-dire normalement 20 minutes pour votre exposé, 20 minutes pour le parti ministériel, 20 minutes pour l'Opposition. Si vous en prenez moins, ils vont pouvoir, s'ils le veulent, prendre le temps que vous n'aurez pas utilisé. Si vous en prenez plus, bien, là, je soustrairai d'office, moitié-moitié, le temps que vous aurez pris en plus du temps des deux partis pour vous interroger. M. D'Amours.

Mouvement des caisses Desjardins

M. D'Amours (Alban): Merci, M. le Président. D'abord, laissez-moi remercier la commission d'avoir invité le Mouvement des caisses Desjardins à venir donner son point de vue à l'occasion de l'étude de ce projet de loi.

Je vous présente, à ma gauche, Mme Johanne Blanchard, qui est conseillère en crédit à la Confédération, et, à ma droite, Mme Odette Dionne, qui est avocate à la Confédération.

Vous aurez compris, M. le Président, à la lecture de notre mémoire, qui est bref, que nous nous sommes attardés davantage à étudier ce projet de loi dans la perspective des besoins que nous ressentons, nous, comme institution financière, devant l'application des lois et règlements plutôt qu'à faire un exercice technique et tenter de relever les difficultés d'application de ce projet de loi en lui-même.

Je dois souligner, d'abord, que le Mouvement des caisses Desjardins a opté pour la protection de l'environnement et je tire de cette «Option environnementale» une phrase qui nous situe bien par rapport à cet objectif: «En raison de leur présence active dans le milieu, les caisses peuvent jouer un rôle de première ligne dans l'engagement du Mouvement des caisses Desjardins en faveur de la protection de l'environnement. Proches de la population, de ses préoccupations et de ses besoins, elles sont les leviers indispensables de l'action.»

Deux grands objectifs guident la démarche des caisses dans le cadre de l'«Option environnementale»: sensibiliser la population à l'égard de la protection de l'environnement et faire la démonstration que la protection de l'environnement est rentable. L'engagement de Desjardins en matière d'environnement propose de bâtir un partenariat afin de promouvoir la cause environnementale. Le partenariat envisagé met toutefois en évidence les responsabilités de chacun: la population d'un côte, les entreprises et le gouvernement, d'autre part. Le Mouvement Desjardins juge donc essentiel qu'au sein du gouvernement du Québec un ministère soit redevable, envers les élus, de la mission environnementale. Il peut s'avérer hasardeux ou seulement prématuré de multiplier à ce moment-ci les acteurs avant qu'une véritable mobilisation axée vers un développement durable ne se concrétise au Québec.

La protection de l'environnement représente une mission complexe en soi, entre autres de par la portée des variables environnementales et leurs interrelations avec les variables économiques et sociales. Et cette complexité commande nettement une intégration de l'élaboration des orientations, des politiques et des textes législatifs visant à protéger l'environnement et de leur applicabilité.

Afin que soient rédigées de meilleures lois, politiques et orientations destinées à protéger l'environnement, ceux qui rédigent ces lois et ceux qui les appliquent doivent mettre à contribution leurs compétences respectives. Malheureusement, parfois, les prises de décision sont trop souvent déconnectées du champ d'application. De ce fait, il y a des risques de désarticulation entre la conception et l'application des lois, ce qui entraîne des coûts additionnels pour les promoteurs et des risques de poursuites judiciaires inutiles et parfois dilatoires.

Il faut donc qu'il soit démontré, à nos yeux, qu'une réforme du ministère de l'Environnement améliorera les interventions du ministère et qu'elle favorisera sensiblement la qualité des

services aux citoyens.

Le Mouvement des caisses Desjardins recommande donc que le fondement même de la réforme du ministère de l'Environnement porte sur l'atteinte d'une utilisation optimale des connaissances, une amélioration de l'application des lois et des politiques administratives.

Le maintien des pouvoirs actuels du ministère de l'Environnement au sein d'un même organisme devrait mieux favoriser, au sein de l'appareil gouvernemental, l'adhésion à des objectifs communs en matière d'environnement ainsi que le partage d'une même volonté d'action concertée, animée par l'unité de pensée la plus cohérente qui soit.

L'évaluation des incidences environnementales doit être un élément essentiel de la prise de décision de l'ensemble des ministères. Loger cette responsabilité dans un endroit unique, comme un office, risquerait à nos yeux d'atténuer la responsabilité de l'appareil gouvernemental à l'égard de la protection de l'environnement.

Dans un objectif d'efficacité environnementale et de cohérence dans les décisions, le ministère de l'Environnement et les ministères à vocation économique doivent s'enquérir des conséquences pratiques découlant de l'application des lois. Ces informations et cette connaissance de la réalité ne peuvent que contribuer, par un lien de cohésion entre elles, au développement durable du Québec. Et ce développement durable pourra être valorisé par une mise en valeur d'expériences concrètes.

Il incombe à tous de concilier les préoccupations écologiques et économiques par une mise en commun d'efforts et de ressources ainsi que par la création de liens entre le ministère de l'Environnement et les institutions et ministères promoteurs ou à vocation économique. Cette harmonisation environnementale et économique est source de création d'emplois au Québec, laquelle peut être renforcée par le gouvernement, accentuant le partenariat entre les divers secteurs d'activité.

Par ailleurs, il est nécessaire que les entreprises québécoises demeurent concurrentielles, étant donné le rôle vital qu'elles occupent dans l'économie. Et, à cette fin, il faut repenser notre consommation, notre production ainsi que le rôle de nos institutions. L'intérêt grandissant de la population à l'égard d'un environnement sain fera en sorte qu'elle n'encouragera pas les entreprises non respectueuses de l'environnement. Par surcroît, la situation économique des dernières années a amplifié les exigences de toutes sortes dans le monde des affaires.

Chez Desjardins, nous sommes conscients qu'en pratique l'intégration des impératifs environnementaux et des intérêts économiques rencontre des difficultés. Il y a des coûts rattachés à de nouvelles pratiques ou à l'emploi de nouvelles technologies. En tant que prêteur, l'analyse du projet d'investissement d'un emprunteur nous amène à prendre en considération son positionnement face à la concurrence. La technologie de ce promoteur répond-elle aux normes? Dépasse-t-elle celle de ses concurrents? Voilà une problématique quotidienne.

Le Mouvement des caisses Desjardins trouve important que de nouveaux modèles d'analyse financière mettent en valeur les coûts additionnels qu'engage une entreprise afin de répondre aux normes environnementales. Ces coûts doivent être perçus comme un investissement puisque la prévention en matière d'environnement est moins dispendieuse que la réparation. Amener l'entreprise à protéger l'environnement, c'est l'amener à mieux se gérer. Desjardins encourage ses membres à assumer leurs responsabilités et à investir dans la prévention, compte tenu des bénéfices à long terme de tels investissements.

Le Mouvement Desjardins, dans cet esprit, recommande que le gouvernement, en collaboration avec les milieux financiers, les milieux professionnels - les comptables, les économistes, les ingénieurs et les autres - ainsi que les milieux d'affaires, fasse évoluer la notion classique de rentabilité au bénéfice des actions faites pour protéger l'environnement. Les mesures de rentabilité que nous appliquons aujourd'hui ne révèlent pas tous les coûts réels de production; un exemple: les déversements dans nos rivières ou dans le fleuve, évidemment, ne sont pas compris dans les coûts d'opération de nos entreprises, et ces dépenses de fonctionnement, lorsqu'elles ne sont pas prises en compte, évitent évidemment de mesurer les coûts additionnels que l'on fait supporter par la société et qui peuvent éventuellement mettre fin ou interrompre les processus de renouvellement même des ressources naturelles.

C'est dans cette optique-là que le Mouvement des caisses Desjardins ne perçoit pas les redevances payables par les pollueurs comme une fin en soi pour arriver à mieux protéger notre environnement. Ces redevances constituent une incitation à entreprendre des actions en vue de moins polluer, mais, ce qui est encore plus important, le Mouvement Desjardins recommande que l'accent soit mis sur la prévention au lieu de la réparation. Dans le cadre de l'application des lois et des règlements actuels, l'imposition de redevances aux entreprises en défaut demeure un principe acceptable et équitable, mais qui gagnerait à être orienté vers des principes de développement durable.

Le Mouvement des caisses Desjardins verrait comme très prometteur pour la cause de l'environnement que le gouvernement crée des incitatifs fiscaux encourageant la prévention et la restauration lorsque le principe pollueur-payeur ne peut s'appliquer. Les redevances payables par les pollueurs prendraient, dans ce contexte-là, le sens d'un impôt que toute entreprise souhaiterait éliminer de ses livres puisque tout impôt cause des préjudices à l'aspect concurrentiel.

Le Mouvement des caisses recommande que, dans le processus de réforme, soient élaborés et évalués des moyens d'appliquer ces redevances. Ces moyens doivent prendre en compte la double préoccupation économie et environnement afin d'assurer la protection de l'environnement et de maintenir, voire même d'augmenter la compétitivité de nos entreprises en incitant les promoteurs à saisir les occasions d'affaires qu'amène la protection de l'environnement. Cette analyse permettra aux entreprises de divers secteurs d'activité de tenir compte de l'impact de ces redevances et d'apprécier les bénéfices attribua-bles au développement durable.

La Loi sur la qualité de l'environnement, forte du principe du pollueur-payeur, devra préciser l'application de ce principe. Il faut soupeser à qui incombent les responsabilités environnementales. De telles précisions s'avèrent essentielles, notamment à l'égard des contaminations survenues jusque-là sous l'égide et dans le respect des lois de l'époque, qui étaient plus permissives. Aussi, des précisions sont nécessaires afin que soit distinguée la notion de pollueur-payeur de celle de propriétaire-payeur, par exemple, lorsqu'un prêteur reprend un bien et qu'il n'est pas responsable de la contamination antérieure.

Le Mouvement des caisses Desjardins recommande que le principe du pollueur-payeur soit distingué du principe du propriétaire-payeur et que des solutions soient cherchées à l'égard des contaminations passées considérées comme des vices cachés. Une application plus rigoureuse des lois et des règlements deviendrait alors plus justifiable et équitable, ce qui renforcerait le fondement du principe à la base des redevances à payer par des contrevenants.

Parce qu'il existe toujours un risque de défaillance technique ou d'erreur humaine, chaque entreprise participant à des opérations délicates, telles que la manipulation, l'entreposage et le transport de matières toxiques, est susceptible de porter atteinte à l'environnement. Le Mouvement des caisses Desjardins recommande que les entreprises puissent bénéficier d'un marché de l'assurance environnementale plus accessible. Les garanties d'assurances ont, de façon générale, une portée limitée eu égard aux montants des situations et des risques couverts et le montant des primes est élevé, nous devons le souligner.

Il serait impératif que le ministère de l'Environnement voie à ce que les assureurs étudient des solutions qui éviteraient de mettre en péril la santé financière des entreprises exerçant une activité susceptible de porter atteinte à l'environnement ou encore que les frais de décontamination soient assumés par. la société à l'aide d'instruments fiscaux semblables à ceux déjà utilisés dans le domaine de l'exploration minière.

En tant que prêteur et partenaire financier de l'entreprise, il nous apparaît opportun de nous assurer que l'entreprise est exploitée en conformité des lois et des règlements environnementaux et que les biens mis en garantie protègent adéquatement les avances faites à une entreprise.

Les entreprises auront de plus en plus recours à des vérifications de conformité environnementale afin de s'assurer qu'elles respectent les normes environnementales. La prestation de ces services, dans l'intérêt du public, devra être normalisée afin d'assurer une uniformité dans les méthodes et les rapports utiles à différents utilisateurs, ainsi que l'assurance d'une information intègre et objective.

Le Mouvement des caisses Desjardins recommande donc que le gouvernement favorise une véritable concertation des professions intéressées, et ceci dans l'exercice de leurs activités professionnelles liées de près ou de loin à la protection de l'environnement. Une corporation professionnelle, par exemple, dont les membres participeraient à la vérification environnementale, devrait être dotée d'un mécanisme d'autorégle-mentation pour assurer à ses membres un encadrement adéquat qui viendrait sanctionner leurs activités dans le sens d'un développement durable. En effet, dans un nouveau marché, il y a toujours un risque que la concurrence s'intensifie et que l'aspect commercial prenne une importance démesurée. L'indépendance des professionnels de ce domaine est donc plus que souhaitable.

La structure actuelle du ministère de l'Environnement permet de faire appel à un organisme, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le BAPE, autorisé à intervenir à des fins d'information, de consultation et d'audiences publiques lorsqu'une expertise distincte est requise. La constitution d'un organisme distinct en vertu du projet de loi 412 fait en sorte de confier à l'organisme en question, l'Office de protection de l'environnement du Québec, l'application de certaines lois, de programmes de restauration et de prévention. Une compétence distincte dans une activité à caractère opérationnel, à nos yeux, est moins pertinente si les mandats et attributions sont bien définis.

Structurellement, le réseau des bureaux régionaux constitue un atout pour la gestion de l'environnement sur le territoire québécois. Cette décentralisation permet un contact direct avec les réalités locales, lesquelles devraient, par l'intermédiaire d'un organisme central, être transmises et décrites dans l'ensemble de la province. Renforcer les unités de base que sont les bureaux régionaux devient donc nécessaire de façon à assurer une unité de pensée et d'action de l'ensemble. L'uniformisation de l'application des lois, des fonctions de surveillance et de contrôle devient un critère essentiel dans la gestion de ces bureaux régionaux.

Les bureaux régionaux doivent être secondés dans leur action, recevoir l'aide nécessaire afin

de perfectionner sans cesse leurs services tout en favorisant leur efficacité. Le Mouvement des caisses Desjardins recommande donc, dans le cadre de l'analyse d'une réforme au ministère de l'Environnement, que le réseau des bureaux régionaux soit maintenu et renforcé en déléguant à ceux-ci la délivrance des certificats d'autorisation et des permis. (16 h 45)

Le Mouvement des caisses Desjardins recommande que les délais de traitement des demandes d'obtention de certificats d'autorisation et de permis soient définis et que les promoteurs en soient informés lors de la demande, et qu'on analyse les possibilités d'améliorer la procédure d'obtention. À cet effet, le processus pourrait prévoir une grille des documents nécessaires pour qu'une demande puisse être mise en place, la décentralisation de l'émission de ces certificats et permis ainsi que la diffusion d'information auprès des promoteurs dans chaque secteur d'activité.

Vous aurez donc compris, M. le Président, après cette enumeration de souhaits et l'analyse brève de nos besoins et des besoins que ressent le Mouvement Desjardins comme institution financière dans la mise en avant de son option environnementale, qu'il arrive à la conclusion que tous ces besoins-là pourraient être satisfaits sans la création de l'Office de protection de l'environnement du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, vous me permettrez, dans un premier temps, de remercier le Mouvement Desjardins pour un mémoire de qualité qui déborde - et, là, ce n'est pas un blâme - strictement la création, et vous profitez de l'occasion pour nous faire part de préoccupations qui méritent également des réponses.

Je vais tenter de me concentrer quand même sur l'essentiel qu'est la création de l'Office, en tentant de faire le parallèle entre ce qui vous anime comme mouvement et ce qui peut nous animer comme ministère: un bon service à la clientèle, si possible un excellent service à la clientèle.

Il y a deux ans, des sondages d'opinion publique nous indiquaient que 70 % de la population, qui sont nos clients, étaient insatisfaits de nos services au ministère de l'Environnement du Québec. On a tenté une première restructuration administrative à l'interne. On a tenté de clarifier les responsabilités à l'horizontale - des secteurs de pollution municipale, industrielle et agricole -et ça s'est amélioré avec le temps. On a également renforci - et vous l'avez souligné dans votre mémoire - nos bureaux régionaux. Les effectifs, qui étaient de 200 il y a quelques années, sont maintenant de quelque 800; il y a eu un renforcissement de la base régionale comme telle. Et là, tout ça aidant et le ministère faisant des modifications réglementaires, etc., notre client est encore un petit peu plus satisfait. Selon les derniers sondages, c'était 52 % de satisfaction, mais, nous autres, on n'est pas satisfaits, au ministère de l'Environnement, de 52 % de taux de satisfaction. On vise un petit peu plus que ça.

On s'est dit: Quels sont nos problèmes de fonctionnement dans le quotidien? On se rend compte qu'entre le ministère et les bureaux régionaux il y a une espèce de joute de ping-pong de dossiers qui fait en sorte que les responsabilités, même si on tente administrative-ment de mettre une ligne de démarcation, lorsqu'on ne réussit pas à s'entendre en région, on les monte au central; une région décide d'une façon, l'autre région décide de l'autre façon. On a eu des industriels qui sont venus se plaindre, qui opéraient à la grandeur de la province. Ils disaient: Ça n'a pas de bon sens, je ne peux pas me fier. Et on se dit: Ce n'est pas avec ce genre de service là qu'on va satisfaire notre clientèle davantage.

On s'est rendu compte également que le ministre de l'Environnement était dans des situations - et, là, je m'adresse peut-être davantage à la procureure du Mouvement - de législateur parce qu'au niveau des lois et des règlements il procède à l'adoption, d'exécuteur parce qu'il est ministre, membre de l'Exécutif, et, lorsqu'il rend des ordonnances de fermeture d'usines ou de fermeture de dépotoirs, ou quoi que ce soit, c'est un pouvoir quasi judiciaire qui est exercé par le ministre, sans vraiment qu'il y ait de murs entre ces trois pouvoirs. Et ça devient, sur le plan des équilibres de la société, dangereux et pour la société et pour le ministre, comme on le voit ces jours-ci.

On s'est donc dit. Renforcissons, comme vous le dites. Je pense que vous allez très bien dans votre mémoire lorsque vous nous parlez de la réforme du ministère de l'Environnement, structurellement du réseau des bureaux régionaux, etc. Vous visez une uniformité, vous visez tout ça. Je pense qu'on vise exactement le même objectif, et c'est là l'épine dorsale, finalement, de l'Office de protection de l'environnement. Il va avoir l'autorité pour émettre les certificats, il va avoir l'autorité pour entreprendre certains programmes de restauration, il va avoir l'autorité nécessaire pour rendre les ordonnances lorsque les ordonnances seront requises et, en matière d'uniformité, les citoyens vont avoir des droits d'appel de façon à créer une uniformité d'application à travers la province de Québec. Je me dis: Est-ce qu'on fait fausse route dans notre intention d'améliorer notre service à la clientèle? Parce qu'on n'a pas d'autre intention que ça en créant l'Office de protection de l'environnement.

M. D'Amours: M. le Président, la réaction de M. le ministre rejoint beaucoup de nos

préoccupations. C'est dans la pratique des choses que nous en sommes venus à ces conclusions. Les rapports que nous entretenons, comme institution financière, avec le ministère de l'Environnement sont très étroits. D'ailleurs, je le souligne, je tiens à le souligner, nous avons établi une très belle collaboration. Elle est constructive et elle nous permet de supporter auprès de nos caisses cette option, de les instrumenter pour que notre option environnementale veuille dire quelque chose et qu'elle entraîne des résultats concrets dans le milieu.

Notre crainte tient au fait que nous sommes encore loin - nous le pensons - des résultats que nous anticipions. Nous espérons faire en sorte que le plus tôt possible nous aurons atteint cet état de choses qui fait que la protection de l'environnement, ça devient un investissement plutôt qu'un acte punitif. On entraîne des coûts d'opération à l'entreprise et on prend l'entreprise par surprise parce que, actuellement, il faut bien se le dire, beaucoup d'entreprises n'ont pas les certificats requis. Dans le contexte d'une saine gestion du crédit à ces entreprises, lorsque nous découvrons qu'une entreprise n'a pas les autorisations requises, on est dans la situation assez délicate de demander à cette entreprise de requérir ces certificats et, dans l'hypothèse où elle n'obtient pas ce certificat, bien, là, se détériore la situation financière de cette entreprise puisque la valeur de ses actifs en souffre. Je vais juste vous faire un...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez raison. Je ne veux pas vous contredire là-dessus, mais la responsabilité de réglementer, de mettre de l'avant ces programmes comme le programme que nous avons annoncé la semaine dernière, le Programme de réduction des rejets industriels, etc., cette responsabilité-là relève du ministère. Moi, je ne prétends pas qu'à date le ministère s'en soit acquitté convenablement parce que le ministère est aux prises avec des urgences quotidiennes. Le bureau régional, n'étant pas un office, envoie le dossier difficile au ministère et l'accapare dans sa fonction de législateur, de penseur, de développeur de politique, de créateur de la symbiose qui doit se créer avec les institutions financières, les assureurs, le secteur industriel, etc., ce qui fait en sorte qu'on n'arrive jamais à regarder vers l'avant parce qu'on est toujours pris à régler le problème - comme j'ai eu l'occasion de le souligner aujourd'hui au député de La Prairie en Chambre - d'en arrière. Et on pense peut-être qu'en dégageant les responsabilités et en disant: Le ministère, lui, sa vocation, c'est de légiférer, de réglementer, de développer les politiques, de développer cette symbiose avec les autres ministères du gouvernement, avec les autres partenaires à l'extérieur du Québec et avec les partenaires privés au Québec, on peut arriver à un meilleur résultat sur le plan de l'efficacité du ministère, comme tel, parce qu'il ne sera plus aux prises avec le problème quotidien d'éteindre le feu qui a été allumé avant-hier. commentaires?

M. D'Amours: Les objectifs que vous mettez de l'avant, si nous avions cette assurance qu'ils pourraient être atteints dans les plus brefs délais, nous n'aurions pas d'objection majeure. Sauf que, peut-être que la création de cet Office entraînera des coûts de fonctionnement qui devront être supportés par des taxes additionnelles. La création d'une institution de plus... Vous comprendrez bien que la position d'une entreprise privée devant un projet semblable, alors que le ministère de l'Environnement est en besoin de ressources... On convient que le ministère de l'Environnement a besoin de plus de ressources. Nous sentons, chez nous, que les dossiers ont de la difficulté à se terminer, précisément parce que vous n'avez pas suffisamment de ressources. Et, dans ce sens-là, est-ce qu'on ne surchargera pas le dossier en créant cet Office?

On exprime des craintes de cette nature. On ne veut pas s'insérer dans la responsabilité gouvernementale que vous avez de mieux servir le citoyen et de proposer ce qui est le mieux pour nous. Sauf que, là, comme institution financière qui supportons les coûts et aussi devant le danger qu'on remette à trop tard, à mon sens et à notre sens, la poursuite d'un objectif de développement durable, c'est ça que l'on craint.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remarque que vous êtes très constant parce que, au tout début de votre mémoire, au deuxième paragraphe, vous parlez de l'évaluation des incidences environnementales et vous dites que ça doit être «un élément essentiel de la prise de décision de l'ensemble des ministères. Loger cette responsabilité dans un endroit unique comme un office risquerait d'atténuer la responsabilité de l'appareil gouvernemental à l'égard de la protection de l'environnement.»

Il y a eu, par le passé, sous un autre gouvernement, un organisme indépendant, si je peux utiliser l'expression, qui a été créé pour procéder aux évaluations environnementales de l'ensemble des projets. La commission parlementaire vient de se pencher là-dessus, tout le monde y a participé, y inclus les projets gouvernementaux.

Et là, moi, je n'ai pas, comme ministre de l'Environnement et selon mon expérience de . deux ans, l'intention de revenir sur le passé et de dire: Ils ont mal fait. Non. Je pense que, lorsqu'ils ont créé le BAPE, le gouvernement précédent, ils ont créé un organisme à part, indépendant, où c'est centralisé. Je pense que ça fonctionne relativement bien pour les mandats qu'il a. Son problème, c'est qu'il n'a pratiquement pas de juridiction. J'attend un rapport des

membres de l'Assemblée nationale d'ici quelques semaines au plus tard... M. Lazure, je ne sais pas... Et, à partir de ce moment-là, on pourra lui donner un rôle plus pratique. Mais, je vois que vous êtes consistant. Vous êtes méfiant à chaque fois qu'il s'agit de la création d'un organisme, et ça... Vous êtes près de vos sous et il faut l'être, dans la vie.

M. D'Amours: Vous retrouvez aussi, M. le Président, dans notre mémoire, un bon nombre de recommandations que nous avions déjà faites au moment de la commission parlementaire entourant la création du BAPE. Nous souhaitons que ces évaluations-là se fassent rapidement, mais qu'elles soient à la disposition des entreprises. Dans notre mémoire, nous soulignons l'importance que prend la création d'un marché des assurances. Le marché des assurances ne pourra pas lever si nous n'avons pas en main ces évaluations environnementales de projets d'entreprises, par exemple. Parce qu'une entreprise comme une compagnie d'assurances qui est face à un projet à risque environnemental et qui doit mettre au point une police de protection environnementale, si elle n'a pas les moyens techniques et cette assurance d'un organisme comme le BAPE qu'elle pourra assurer ces risques-là, elle ne se lancera pas dedans. Et la conséquence, aujourd'hui au Québec, on n'a qu'un pool d'assureurs dont les assurances sont limitées à 1 000 000 $. Et donc, à toutes fins pratiques, on est très limité là-dedans. Alors, encore une fois, c'est un besoin pour nous plus pressant que la création d'un office.

M. Maltais: M. le Président, vous me permettez une question?

Le Président (M. Garon): M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Ce que vous dites est très juste et très vrai. Pourquoi on en est venu à une limitation dans les couvertures de risques environnementaux? Parce qu'il faut se rappeler qu'il y a 15, 20 ans, c'était «at large». Il n'y avait pas de limites. Mais, au cours des années, lorsque les compagnies ont commencé à être identifiées et poursuivies devant les tribunaux, les assureurs se sont aperçus que c'était un flot de déversement d'argent. Ils ont limité ça. Le Mouvement Desjardins est quand même un assureur important au Québec. Quelle est la recherche que vous faites là-dedans?

M. D'Amours: Nous, la recherche que nous faisons actuellement, on essaie de regrouper d'autres compagnies, d'élargir ce pool, parce que, seuls, on ne peut pas assumer les risques environnementaux actuels. Donc, il faut avoir des partenaires.

Deuxièmement, notre objectif, c'est d'élargir cette couverture, mais toujours avec de bonnes évaluations. Je vais vous donner le cas d'une entreprise. C'est arrivé sur mon bureau récemment. Une entreprise qui fait un chiffre d'affaires de plusieurs millions, environ 10 000 000 $ par année. Cette entreprise, dans le contexte actuel où la protection de l'environnement prend une valeur, une valeur certaine pour l'entreprise - ça rejoint les valeurs éthiques des propriétaires de l'entreprise aussi - cette entreprise-là décide de faire une évaluation environnementale pour faire part à ses actionnaires de la qualité de leurs investissements. On découvre, en faisant l'évaluation environnementale, que le terrain sur lequel cette entreprise, qui, en principe, n'est pas polluante - elle est à risque environnemental limité - est installée est pollué et qu'il va falloir le décontaminer. Or, l'entreprise n'est pas capable de se payer le coût de la decontamination et l'institution bancaire, en l'occurrence, se voit dans l'obligation de retirer la marge de crédit à une entreprise qui est relativement florissante. Évidemment, devant de telles situations, les assureurs ne veulent pas prendre ces risques-là.

M. Maltais: Mais, lorsque vous parlez de pool d'assureurs, est-ce que Desjardins ne pourrait pas, étant donné que c'est un assureur important maintenant au Québec - je pense que vous êtes considéré comme un assureur important dans le monde commercial et industriel; vous prenez, je pense, la place que vous devez prendre - prendre le leadership de ça, former une espèce de consortium? Parce que c'est un problème réel, non seulement pour les grandes entreprises, mais, moi, je pense surtout aux PME. D'ailleurs, une grande partie de votre clientèle, ce sont des PME...

M. D'Amours: Oui.

M. Maltais: ...quoique vous ayez des grandes entreprises aussi. Mais le nombre fait que ce sont les PME qui sont le plus régulièrement prises là-dedans. C'est non seulement un problème d'entreprises et de créanciers - comme vous l'êtes dans le cas de l'entreprise qui est là -mais c'est un problème de société aussi. Parce que les actionnaires, dans le cas que vous venez de nous citer, du jour au lendemain, ils ont appris qu'ils étaient ruinés.

M. D'Amours: Oui. (17 heures)

M. Maltais: c'est aussi clair que ça parce que le principe du pollueur-payeur ne s'est pas appliqué il y a 25, 30 ou 40 ans. ce terrain-là, il n'a pas été pollué lors de la création, il a été pollué par quelqu'un. est-ce que desjardins ne pourrait pas, en retour, prendre ce leadership, regarder non seulement au québec mais avec un genre de consortium qui pourrait faire de la

réassurance sur le marché de la réassurance? Parce que, aux États-Unis, il en existe un, marché. Vous le savez fort bien. Et est-ce qu'on ne pourrait pas, quelqu'un... Il faudrait, au Québec, que, finalement... Et je pense que ce n'est pas le rôle du gouvernement ou d'un ministère de prendre ce leadership-là, mais que ce serait le rôle d'une institution comme la vôtre. Et là je pense qu'on rendrait service, vous rendriez grandement service à vos membres, qui sont moi et M. Tremblay, et tous les gens autour de la table, à vos entreprises, et ça garantirait aussi, de cette façon-là, une meilleure sécurité sur vos prêts.

M. D'Amours: M. le Président, il est clair que cette option, pour Desjardins, est une option que l'on envisage, sauf qu'on est devant l'histoire de la poule et de l'oeuf. C'est la poule et l'oeuf, au sens où les risques environnementaux, on n'est pas capable de les mesurer complètement tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas fait le ménage dans un certain nombre de choses. Exemple, dans les principes, pollueur-payeur, il faut le distinguer du propriétaire. Et, si le propriétaire n'est pas responsable de la pollution antérieure, que l'on puisse l'en dégager. Et là on fait face à un très gros problème.

M. Maltais: Oui, mais, lorsque l'entreprise ou le BAPE aura donné... que les audiences publiques auront été prononcées, le risque est quand même fort calculé, à ce moment-là. C'est un risque identifiable.

M. D'Amours: Ah oui! C'est pour ça que, dans notre mémoire, lorsque nous sommes venus devant vous la première fois, nous avons souhaité que ces évaluations-là se fassent, que, même, elles s'étendent à des grands projets industriels et qu'on utilise plus souvent qu'autrement ces évaluations parce qu'elles nous donnent cette assurance dont nous avons besoin comme prêteurs. Là-dessus, je pense que notre message a été très clair.

Par ailleurs, devant le problème actuel que nous vivons et lorsque le propriétaire n'est pas responsable de la pollution qu'il découvre sur son terrain - c'a été produit par d'autres antérieurement à son occupation - il faudra trouver une façon pour que la société assume ce coût-là. Et là on aura mis de l'avant des conditions, un environnement favorable à ce que l'on puisse prendre une sorte de leadership. C'est l'histoire de la poule et de l'oeuf dont je vous parle.

M. Maltais: Bien, vous savez sans doute aussi... Vous avez beaucoup de clients qui s'appellent les municipalités - et je terminerai là-dessus, M. le Président - il y a beaucoup de clients qui sont des municipalités chez vous, et vous savez que les municipalités peuvent se ruiner également...

M. D'Amours: Ah, absolument!

M. Maltais: ...avec des choses comme ça, particulièrement dans les villes. Dans les campagnes, c'est moins pire; on est moins pollueurs un peu qu'en ville, c'est connu. Mais, il reste quand même une chose, c'est que les municipalités, ce sont des citoyens, hein. Et on a vu combien de cas de municipalités qui sont prises avec des terrains? On parle particulièrement de l'Abitibi, là, ou d'autres coins, ou Mercier qui est un cas fort connu où la nappe phréatique est polluée.

Moi, je pense que c'est peut-être un défi, ça. Je regardais votre président la semaine passée, dans la cathédrale de Québec, lorsqu'il parlait de défis pour l'ensemble des Québécois, l'ensemble de la population. Ça serait un défi pour Desjardins, ça. Vous seriez des innovateurs extraordinaires. Vous rendriez service à l'ensemble de la population, et je pense que tout ie monde pourrait vous applaudir. Puis je pense que c'est un rôle, c'est un leadership que vous devriez prendre. En tout cas, c'est une suggestion bien humble que je vous fais, mais je suis convaincu qu'en plus vous avez déjà l'expertise dans la boîte pour faire une évolution graduelle et sérieuse là-dessus. Oui, merci.

Le Président (M. Garon): M. le ministre. Bien, il est encore dans son 20 minutes. Il reste...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va, allez-y, M. le député de l'Opposition.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer le porte-parole, M. D'Amours, et ses collègues, Mme Dionne et Mme Blanchard, et les remercier pour leur présentation qui est claire, courte, mais bien étoffée. Vous avez raison de dire que le fardeau de la preuve pour justifier ce nouvel organisme repose sur les épaules, les pauvres épaules du ministre. Elles ont beau être larges, mais il y a beaucoup de choses qui reposent sur ses épaules et, nous aussi, quand le ministre fait état des choses qu'il veut corriger, on est convaincus, comme, d'ailleurs, la plupart des présentateurs à cette commission... Les trois quarts des mémoires disent: Ça ne nous paraît pas utile, nécessaire d'avoir un nouvel organisme; au contraire, c'est coûteux, c'est inutile et ça va ajouter encore de la confusion, de l'incoordination.

La plupart des situations que le ministre veut corriger, il peut les corriger sans créer de nouvel organisme. Ce qui manque, ce n'est pas un nouvel organisme, ce qui manque, c'est la

volonté politique de changer des choses. C'est ça qui est le problème. Par exemple, je vais le citer quand il dit: Avec l'Office, on aurait une meilleure articulation. Les régions, ce serait plus homogène, leurs décisions. Il n'y a rien qui assure ça. Il n'y a rien qui assure ça. Office ou pas Office, les décisions, région par région, devront être harmonisées et coordonnées «cen-tralement» parlant; elles devront découler d'une source centrale limpide et claire qui, ensuite, va inspirer chaque région. Ce n'est pas la présence d'une nouvelle structure qui va assurer la coordination et l'harmonisation.

Le droit d'appel. Il nous dit aussi aujourd'hui que le droit d'appel serait amélioré avec l'Office. Encore là, il peut le faire en amendant la loi actuelle. Il peut très bien le faire; pas besoin de créer un organisme pour ça. D'ailleurs, ce qu'il propose de faire comme droit d'appel et de révision dans son projet 412, ce n'est pas satisfaisant, à supposer que... Parce qu'ils ont encore la majorité, M. le Président, comme vous le savez, alors, c'est possible que le projet de loi soit adopté.

Nous, on espère qu'il ne sera pas adopté; on espère que le ministre va comprendre, après avoir entendu pendant quelques semaines les 30 groupes; on espère qu'il va se raviser et mettre sur la glace ce projet-là, qui est Inutile et coûteux. Mais, si jamais il le fait adopter par sa majorité, nous pensons que la procédure d'appel n'est pas correcte parce qu'elle s'applique seulement - à l'article 97 - à une personne ou à une municipalité, une personne qui est directement concernée ou une municipalité, alors que le Centre québécois du droit à l'environnement - on va les entendre la semaine prochaine - nous partageons son opinion: il faut qu'un remaniement de la procédure d'appel soit conçu en intégrant la possibilité que toute personne puisse y accéder, que le certificat ou permis ait été refusé ou accordé. Autrement dit, il ne faut pas limiter le droit d'appel ou de révision simplement au promoteur, au développeur ou à la municipalité; il faut que ce soit accessible à n'importe quel citoyen ou à n'importe quelle citoyenne qui sent que ses droits à un environnement sain sont lésés. Et, si on veut faire ça, il va falloir que le ministre amende son projet de loi.

Mol, je veux saluer les efforts que le Mouvement Desjardins fait depuis quelques années pour favoriser les entreprises qui sont respectueuses de l'environnement; la position de Desjardins est très claire à cet égard. Je veux aussi souligner la participation de Desjardins à un effort considérable qui est fait dans la région de Victoriaville, dans Arthabaska, avec le groupe de M. Normand Maurice, quant au recyclage et à la récupération. Le Mouvement Desjardins appuie ces efforts qui consistent non seulement à favoriser le recyclage de matières recyclables, mais aussi à favoriser le développement des jeunes qui, autrement, bien souvent, seraient des jeunes décrocheurs.

J'ai une couple de questions à poser. La première: Vous parlez beaucoup, à bon droit, de développement durable dans votre mémoire; vous parlez de concertation; vous parlez de l'importance de mettre ensemble, à la même table, les professionnels de l'environnement. Si je ne m'abuse, vous avez un siège à la table de concertation, Desjardins, et on a su, par les propos du sous-ministre Mead quand il a démissionné, que la table de concertation marchait très mal, ne marchait pas. Est-ce que vous pourriez donner à la commission votre appréciation du fonctionnement de la table de concertation?

M. D'Amours: Je n'y ai pas participé personnellement. Vous savez que c'est mon président qui y participait. Nous avons contribué, avec nos services, aux travaux de cette commission. Ce que je peux dire, c'est que la raison pour laquelle elle n'a pas fonctionné, je pense que c'est toujours la difficulté d'arriver à un consensus autour de la notion de développement durable et des implications et des responsabilités . qui incombent à tous les groupes dans la poursuite de cet objectif de développement durable. Et c'est là où il faut s'entendre. C'est un petit peu l'esprit dans lequel on vient témoigner aujourd'hui, une deuxième fois, dans ce domaine de l'environnement.

Il y a des gestes à poser et des consensus à obtenir sur les choses essentielles pour assurer ce développement durable. Et, dans ce sens-là, lorsque nous regardons ou considérons le développement industriel du Québec, ces consensus, à notre sens, ne sont pas encore tout à fait clairs. Et le premier consensus, c'est de faire en sorte qu'on intègre, dans les coûts d'opération de nos entreprises, le coût de la protection de l'environnement. Et ça, c'est primordial. Il faut que tous les partenaires autour de la table puissent arriver à cette conclusion le plus rapidement possible. Si on n'y arrive pas et qu'on trébuche sur des intérêts particuliers en cours de route, évidemment, les consensus autour de la notion de développement durable ne seront pas atteints et les tables d'économie et environnement que nous souhaitons avoir chez nous ne donneront pas les fruits anticipés.

Elle est peut-être superficielle, ma critique, mais je pense que ce qu'il faut retenir, c'est les consensus sur la notion de développement durable.

M. Lazure: Dans un autre ordre d'idées, vous parlez du principe du pollueur-payeur avec lequel vous vous dites d'accord. Mais vous demandez aussi qu'on fasse la distinction entre «pollueur» et «propriétaire», «propriétaire-payeur» et «pollueur-payeur». Et je pense que c'est tout à fait pertinent, ce que vous dites à cet égard. Pour ce qui est de l'avenir, la plupart

des gens sont assez d'accord pour dire qu'il doit y avoir un système - on venait tout juste de le dire - par lequel le pollueur devra défrayer à l'avance le coût de la décontamination. Mais, pour le passé, vous savez, on a un lourd héritage. Et ce n'est pas seulement le gouvernement qui a précédé celui de 1985; ce sont tous les gouvernements depuis 25 ans, 30 ans, y compris le gouvernement libéral, si on veut remonter dans les années soixante, à l'époque où la population, ici comme ailleurs, était moins sensible au respect de l'environnement.

Quelle est votre proposition quant à la décontamination de ce qui a été fait dans le passé et qui n'est souvent pas attribuable, où on ne peut pas faire payer la facture par le vrai pollueur? Il est disparu ou peu importe. Qu'est-ce que vous préconisez comme formule?

M. D'Amours: Ce que l'on propose, c'est d'utiliser des avantages fiscaux, des incitatifs fiscaux. Et, dans ce domaine-là, il nous semblerait approprié que l'on utilise les incitatifs fiscaux utilisés dans le domaine de l'exploration minière. On connaît l'efficacité de ces incitatifs fiscaux à l'époque où ils étaient florissants, si on veut, à l'époque où ils existaient. Et ça pourrait être réinventé dans le domaine de la restauration, de sorte qu'en créant ces incitatifs on pourrait créer des sociétés en commandite qui, elles, feraient participer et bénéficier les propriétaires des terrains et entraîneraient une dépense fiscale gouvernementale, mais qui donnerait lieu à une revalorisation du terrain et ferait en sorte que les risques qu'entraîne la décontamination en termes de coûts... On peut estimer les coûts de la décontamination d'un terrain, mais on n'a pas beaucoup d'expérience quant aux coûts réels qu'on doit supporter pour décontaminer un terrain. (17 h 15)

C'était la même chose lorsqu'on a fait de l'exploration minière, eh bien, on n'était pas sûr de trouver, mais les sociétés en commandite ont trouvé les façons d'amener les investisseurs à faire de l'exploration minière et d'en tirer des avantages. La même chose, à notre sens - l'analogie se prête bien ici - pour faire réaliser la décontamination et redonner la valeur économique aux terrains. Imaginez, dans l'est de Montréal, si, à l'aide d'incitatifs fiscaux assez puissants, on arrivait à remettre à l'industrie l'ensemble des terrains qui sont là, contaminés, il y aurait une force économique intéressante que pourrait récupérer la ville de Montréal, l'est de Montréal. Ça, les entreprises elles-mêmes ne peuvent pas le faire; il faut y aller avec une dépense fiscale, à notre sens.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Brièvement, pour compléter sur la décontamination, vous avez raison, il y a, dans ce domaine-là, de l'évolution technologique qui est rapide et qui nous permet de diminuer les coûts. Dans la région de Montréal, le problème est important, mais la valeur des terrains comme telle, au pied carré ou au mètre carré, versus les coûts de décontamination, qui sont connus lorsque c'est contaminé aux hydrocarbures - on parle spécialement de la région de l'est de Montréal - commence à surpasser la valeur de décontamination. Donc, la décontamination comme telle s'amorce pour des raisons économiques. Ce qui reste après vaut plus cher une fois que c'est décontaminé.

Je vous dirai que votre approche est intéressante. Je vous soulignerai que le gouvernement a déjà, sur le plan de la fiscalité - ce n'est pas suffisant - deux incitatifs qui sont en marche: l'amortissement accéléré lorsqu'il s'agit de biens, sur trois ans, et des crédits d'impôt pour un projet d'innovation en technologie environnementale, qui étaient dans le budget du ministre des Finances pour 1990-1991. Je pense qu'avec des mesures comme ça on s'en va vers la voie d'un développement durable.

M. Lazure: Au nom de l'Opposition, je remercie les représentants du Mouvement Desjardins pour leur mémoire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et, au nom du gouvernement, je pense, M. le Président, le siège social étant dans votre comté, les remerciements au Mouvement Desjardins...

Le Président (M. Garon): Pardon? Alors, je vous remercie, M. D'Amours, d'être venu rencontrer les membres de la commission, ainsi que Mme Blanchard et Mme Dionne. Je suspends pour quelques instants les travaux de la commission, le temps que le Conseil du patronat du Québec puisse s'approcher de la table de délibérations.

(Suspension de la séance à 17 h 18)

(Reprise à 17 h 19)

Le Président (M. Garon): La commission reprend ses travaux. J'invite M. Ghislain Dufour, président du Conseil du patronat du Québec, à nous présenter les gens qui l'accompagnent, tout en lui rappelant que, comme il le sait d'ailleurs, il dispose d'une heure; normalement, c'est 20 minutes pour exposer votre mémoire, 20 minutes pour les libéraux, 20 minutes pour l'Opposition officielle. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait; ce que vous prendrez en moins pourra leur être ajouté, s'ils le désirent bien.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mes deux collègues: à ma droite, M.

Jacques Garon, qui est directeur de la recherche socio-économique au Conseil du patronat - je pense qu'il n'y a pas de lien de parenté avec le président; M. André Buisson, qui est vice-président, opération et mise en marché, de la Société Laurentide inc., qui est avec nous au nom de l'Association québécoise de l'industrie de la peinture.

M. le Président, Mmes, MM. les membres de la commission, nous voudrions d'abord remercier votre commission de bien vouloir recevoir nos commentaires. Disons, d'entrée de jeu, que ce projet de réforme n'implique pas de changement dans les lois et règlements en vigueur, pas plus que des dépenses supplémentaires, selon les déclarations du ministre de l'Environnement à cet effet.

Étant donné les pouvoirs administratifs importants que l'on entend conférer à l'Office, il s'agit pour nous de déterminer, dans la mesure du possible, si le ministère de l'Environnement, scindé en deux organismes, rendra des services plus efficaces à la société québécoise et aux entreprises en particulier que ceux dispensés actuellement par le ministère. En somme, le projet proposé permettra-t-il d'améliorer la qualité de vie de notre société?

Nous exprimerons d'abord trois remarques générales, puis poserons un certain nombre de questions relatives à l'Office proposé, analyserons certains articles du projet de loi, advenant que le ministre y donne suite, et exprimerons certaines conclusions.

Donc, trois remarques générales. La première, un encadrement juridique et réglementaire contraignant. Nous constatons depuis quelques années une dichotomie entre le discours du gouvernement en matière de politique environnementale et son action. D'une part, les nombreuses modifications apportées à la Loi sur la qualité de l'environnement et les règlements qui ont suivi de même que les commissions et les audiences publiques qui se sont penchées sur les multiples facettes de la problématique environnementale ont résulté en un encadrement juridique et coercitif toujours plus contraignant. D'autre part, dans maintes de ses déclarations, le ministère de l'Environnement a fait sienne la notion de développement durable, comme en témoigne, par exemple, le mandat et les attentes de la Table ronde québécoise sur l'environnement et l'économie que le ministre de l'Environnement mettait sur pied en 1991.

Bref, prévenir, conserver, recycler, réparer, ces quatre points d'appui suggérés par le ministère de l'Environnement pour soutenir le développement durable se sont concrétisés jusqu'à maintenant par un encadrement juridique et réglementaire de plus en plus contraignant, sans grande considération pour les recommandations faites à ce jour par le milieu des affaires.

En quoi la création de l'Office améliorerait-elle cette situation? N'y aurait-il pas plutôt lieu que le ministère consacre des ressources importantes à l'évaluation, dans l'encadrement juridique et réglementaire de plus en plus contraignant qui est imposé aux entreprises?

Deuxième commentaire général: absence de solution pratique. Alors que le ministère s'occupait activement d'amender plusieurs fois la Loi sur la qualité de l'environnement, il s'est, quant à nous, moins attaché à régler diverses difficultés pratiques rencontrées par les entreprises. Ainsi, les entreprises sont toujours exposées à de longs délais pour obtenir des certificats d'autorisation ou des permis et on n'a pas trouvé de solution satisfaisante aux longues discussions sur l'appréciation des risques et des normes. En quoi la création de l'Office améliorera-t-elle cette situation?

Un troisième commentaire général: Ne met-on pas la charrue devant les boeufs? Au cours des derniers mois, des politiques concernant l'élimination des BPC, la gestion des déchets, la gestion des sols contaminés de même que la réglementation sur les attestations d'assainissement ont été mises de l'avant. Mais avant même d'en connaître les résultats, on veut scinder le ministère en deux organismes.

Ne serait-il pas plus sage de s'assurer de la bonne gestion des politiques environnementales et des règlements actuels à partir des structures existantes d'un seul organisme, soit le ministère, avant de créer une autre institution qui n'aura qu'un rôle complémentaire? Sous l'apparence anodine d'un mandat de surveillance et de contrôle confié à l'Office, est-ce qu'on ne va pas perpétuer, tout simplement, les problèmes auxquels est confronté le ministère? En éloignant les personnes responsables de l'élaboration des politiques environnementales de celles qui surveillent et enquêtent sur le terrain, ne risque-ton pas d'accentuer davantage les problèmes d'interprétation qui surviennent déjà en ce qui a trait à l'application des lois et règlements?

D'autres questions, plus précises, se posent également, M. le Président, cette fois en regard même de l'Office proposé. Premièrement, le projet de loi prévoit qu'en plus de recevoir et de donner suite à toute plainte d'un citoyen relative à l'environnement l'Office administrera un service d'urgences. S'agira-t-ii du même service d'urgences qui existe déjà au ministère de l'Environnement, ce avec quoi nous serions en désaccord?

Deuxièmement, nous appuyons la mise sur pied d'un service efficace d'urgences, car de nombreux incidents survenus à ce jour nous ont démontré la limite du pouvoir étatique dans ce domaine. Étant donné, cependant, que le budget de fonctionnement accordé au ministère de l'Environnement restera le même après que le ministère aura été scindé en deux organismes, d'où viendront les fonds requis pour l'établissement d'un tel service d'urgences?

Troisièmement, le ministre s'engage à

donner suite aux plaintes possibles de tout citoyen. On comprend alors pourquoi le gouvernement prévoit que plus de la moitié des 1800 postes du ministère seront transférés à l'Office. Mais est-ce seulement réaliste d'envisager de répondre à toutes les plaintes des citoyens?

Quatrièmement, en vertu de la réglementation actuelle et future du ministère de l'Environnement, il y aurait, toujours selon les déclarations du ministre, une volonté croissante d'imposer de nouvelles taxes indirectes. Ainsi, l'Office percevrait des sommes très importantes lors de rémission d'attestations, de certificats d'autorisation et de permis, ou encore en imposant des amendes.

On aurait pu penser que les sommes ainsi recueillies auraient défrayé les coûts d'un service d'urgences environnementales. Mais cet argent, nous dit-on, sera versé au fonds consolidé du revenu du gouvernement et redistribué par la suite à l'Office, selon les besoins. Ce qui revient à dire, M. le Président, selon nous, que l'Office devra s'en tenir au budget qui lui sera alloué par le ministre. Sans moyens accrus en termes de ressources humaines ou financières pour accomplir l'ensemble de leurs fonctions, le ministère et l'Office seront-ils plus efficaces que les structures unifiées actuelles? Il faudrait nous le démontrer davantage.

M. le Président, c'est rare qu'on fasse ça quand on interroge un projet de loi, mais comme on ne sait pas le désir politique de passer ou de ne pas passer ce projet de loi, nous nous sommes quand même attardes à l'analyse de certains articles du projet de loi, qu'il faudrait sûrement corriger si on décide d'y donner suite.

Notre mémoire s'attarde à un certain nombre d'articles. Comme c'est technique, je ne les reprendrai pas tous. Je vais reprendre surtout ceux qui se réfèrent à un certain nombre de principes, et je dois vous dire, M. Lazure, qu'on a regardé aussi la question des appels et que, nous aussi, on aurait des interrogations là-dessus.

D'abord l'article 3. Selon cet article, au moins un membre provenant du milieu des affaires sera nommé au conseil d'administration de l'Office. On a une forte interrogation face à ça. Comment un seul porte-parole du milieu des affaires, quand on pense au primaire, au secondaire, au tertiaire, à la fonction parapublique, à Hy... o-Québec, etc., comment pourrait-on retrouver, dans un seul homme ou une seule femme, un représentant de tous ces milieux qui sont préoccupés par les dossiers de l'environnement? C'est pourquoi nous suggérons donc que les personnes appelées à siéger au conseil d'administration de l'Office soient d'abord et avant tout des gens qui connaissent bien le dossier de l'environnement et qui pourraient représenter toute une série de préoccupations.

Deuxièmement, l'article 7. Le ministre de l'Environnement envisage l'Office comme un organisme «autonome» et «distinct». Cependant, les vice-présidents de l'Office seront nommés par le gouvernement. Donc, il nomme le président et il nomme les vice-présidents. Ça ne nous fait pas vraiment découvrir que l'Office serait autonome, M. le ministre.

L'article 18, 7°. L'Office «publie ou autrement diffuse les données statistiques dont il dispose relativement à la qualité de l'environnement». Il est absolument essentiel que le Québec dispose - quant à nous, et on est d'accord avec ça - d'une source officielle de renseignements fiables sur la qualité de l'air, la qualité des eaux, la qualité des sols. L'Office pourrait d'ailleurs devenir un tel centre de diffusion de données statistiques. Cependant, les entreprises sont déjà tenues de fournir régulièrement une quantité importante de données touchant leurs opérations et l'incidence de ces dernières sur l'environnement. Il faudrait préciser expressément que la collecte de ces statistiques à des fins de consommation publique ne vise que l'évaluation de la qualité de l'air, de l'eau et du sol dans une région déterminée afin d'éviter que les entreprises ne perçoivent cette démarche comme un exercice d'auto-incrimination.

L'article 24 est important aussi. L'Office identifie ses priorités d'intervention et élabore ses orientations, mais «le ministre peut donner des directives portant sur les objectifs et l'orientation de l'Office». Bien que le ministre soit politiquement responsable des activités de l'Office, il n'en demeure pas moins que l'autonomie de ce dernier est encore, ici, sévèrement limitée. (17 h 30)

L'article 32. «Une personne ou une municipalité». Même s'il s'agit, bien sûr, d'une personne morale, est-ce que cela comprend les institutions publiques, parapubliques, les ministères? C'est une habitude de la part des gouvernements de se soustraire à leurs propres lois. Nous pensons, quant à nous, que tous les organismes, toutes les institutions, quelles qu'elles soient, doivent suivre les mêmes règles.

Il y a d'autres commentaires techniques, M. le Président, mais je n'ai pas l'intention de les reprendre. Je veux rester plutôt au niveau des grandes approches, ce qui nous amène à conclure. Pour l'essentiel, donc, l'Office de l'environnement n'aurait aucune autonomie réelle, aucune autonomie propre. Il ne ferait que renforcer les pouvoirs de contrôle et de surveillance du ministère de l'Environnement. Est-ce vraiment ce que le ministre et le ministère recherchent? Cette réforme administrative n'apporte, en effet, aucune indication quant à la volonté du ministère d'accorder autant d'importance à la poursuite du développement durable qu'aux contrôles et aux sanctions prévus par la Loi sur la qualité de l'environnement. N'y aurait-il pas lieu qu'il attache plus d'importance à cet objectif du développement durable? Les contrôles et la surveillance n'accaparent-ils pas déjà toute l'at-

tention du ministère?

Deuxième conclusion. La mise en place d'un service d'urgences environnementales plus efficace est certes, quant à nous, une orientation tout à fait positive. Quelle place, cependant, entend-on faire à l'industrie à l'intérieur de ce service?

Troisièmement, quoi qu'il arrive, il ne faudrait surtout pas qu'à cause d'un manque éventuel de ressources humaines, financières et techniques au ministère de l'Environnement du Québec, celui-ci tente de faire assumer par d'autres, donc l'Office ici, en l'occurrence, la responsabilité des échecs des politiques gouvernementales qu'il aura, par ailleurs, lui-même définies?

En résumé, M. le Président, nous ne nous opposons pas à la création de l'office de l'environnement proposée par le projet de loi 412, mais, avant d'y donner suite, il serait sage que le ministre et le gouvernement répondent clairement à toutes ces interrogations que nous avons dans ce bref mémoire. Autrement, il y a risque que sa création ne soit symbole - pour les entreprises en tout cas - que de police, de surveillance et de contrôle accrus, ce qui n'est aucunement de nature à aider le ministère à améliorer son image actuelle et, ainsi, à jouer le rôle, par ailleurs essentiel, que nous considérons que ce ministère doit assumer dans la société québécoise. Merci, M. le Président. Voyez-vous, j'ai donné du temps et à l'Opposition et au parti...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On vous en sait gré. Je tiens à remercier le Conseil du patronat qui est, pour le ministère de l'Environnement du Québec, un partenaire essentiel si nous souhaitons relever, dans le concret de tous les jours, le défi du développement durable. Vous nous adressez des questions spécifiques. Je ne veux pas les éviter, mais je veux qu'on s'entende sur la prémisse, comme telle, de notre échange.

Vous avez eu, je pense, l'avantage d'assister à l'échange que nous avons eu avec le Mouvement Desjardins. Dans le but de faire avancer le débat, nous ne reprendrons pas les mêmes arguments.

Vous mentionnez dans vos remarques générales du début, au dernier paragraphe de la page 2: «Bref, prévenir, conserver, recycler et réparer, ces quatre points d'appui suggérés par le ministère de l'Environnement pour soutenir le développement durable se sont concrétisés jusqu'à maintenant par un encadrement juridique et réglementaire de plus en plus contraignant, sans grande considération pour les recommandations faites à ce jour par le milieu des affaires. » On peut profiter de l'occasion pour faire un bref survol des deux dernières années en législation et en réglementation. Il y a des endroits où vous avez raison; il y a d'autres endroits où il faudrait peut-être mettre un petit peu d'eau dans le vin. Le premier projet de loi - et vous aviez fait des recommandations très fortes - le projet de loi 65, loi pollueur-payeur, nous sommes allés plus loin comme gouvernement. Nous n'avons pas tenu compte complètement des remarques du Conseil du patronat. Et ça, il n'y a pas, là-dessus, de difficulté d'interprétation.

L'autre projet de loi, la création de RECYC-QUÉBEC, je ne pense pas qu'il y ait eu, à ce moment-là, de distance énorme entre le discours environnemental et le Conseil du patronat. La seule réglementation au cours de la première année: le contenu en soufre dans le mazout lourd, de façon à ce que le Québec poursuive sa lutte contre les pluies acides. Nous avons eu à mener un combat interne avec le ministère de l'Énergie et des Ressources, mais la réglementation a été adoptée et personne n'en est mort. Aujourd'hui, le Québec a rencontré, il a même surpassé ses objectifs en termes de diminution d'émissions de SO2 et de pluies acides. On a rencontré les objectifs qu'on s'était fixés il y a une dizaine d'années. Je pense que c'est grâce à la collaboration de tout le monde et, surtout, de l'Association québécoise de lutte contre les pluies acides.

Au cours de la présente année, les mesures mises de l'avant, on a prolongé pour trois ans le programme de la Société québécoise d'assainissement des eaux. Je ne pense pas que le monde industriel ou patronal se soit opposé. Au contraire, je pense que c'est une mesure qui a été accueillie favorablement.

Une voix: Ils ont eu peur...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ils ont eu peur de ne pas l'avoir, mais, ça, c'est une autre chose. Au niveau de la législation comme telle, on a adopté, à l'Assemblée nationale, le projet de loi 143 qui modifiait la loi du départ sur le Programme de réduction des rejets industriels, pour donner suite à plusieurs recommandations du monde patronal. Nous avions reçu 75 mémoires et plusieurs des recommandations, entre autres du monde patronal, ont été incorporées à cette modification législative.

Nous avons adopté également le projet de loi 405 sur les matières dangereuses. Autrefois, on ne traitait que de déchets dangereux. De façon à permettre à l'entreprise de traiter non plus des déchets, mais des matières dangereuses, nous avons modifié la législation. Là non plus il n'y a pas eu, à ma connaissance, d'objection majeure du Conseil du patronat ou du monde patronal comme tel.

Les modifications réglementaires qui s'en viennent sont plus nombreuses. Celles qui ont été publiées et qui ont été mises en vigueur au cours de la dernière année sont: Règlement sur carrières et sablières, à la demande du monde patronal, entre autres; Règlement sur les neiges

usées, c'est un règlement qui a été accepté par les deux unions municipales et par la table Québec-municipalités, suite à deux visites de la part du ministre de l'Environnement à cette table; Règlement sur les déchets solides, encore une fois à la demande du monde municipal et des divers intervenants; Règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage, à la demande du ministère de la Sécurité publique et du ministère de l'Environnement du Québec qui étaient débordés par le problème.

Il y a des modifications réglementaires qui sont prépubliées présentement et qui sont en période de consultation, entre autres avec le Conseil du patronat. Règlement sur les pâtes et papiers, je pense qu'il était en retard. C'est un règlement qui, présentement, reçoit l'aval de plusieurs intervenants, même patronaux, dans le monde des pâtes et papiers parce que nous étions en retard dans ce domaine-là et que notre ......règlement......présentement serait supérieur qualitativement à celui du gouvernement fédéral et nous placerait non pas à l'avant-garde - c'est un règlement de rattrapage - mais dans le milieu de la réglementation au niveau des pâtes et papiers. Peut-être que, si on l'avait fait avant, on aurait eu des investissements également avant.

Premier Règlement sur les déchets biomédicaux. Je n'ai pas eu d'objection du monde patronal. Nous sommes allés en prépublication. Nous avons eu le support de l'Opposition et de Santé et Services sociaux qui est le principal client visé.

Le règlement sur les attestations d'assainissement en milieu industriel, dont nous avons annoncé la prépublication la semaine dernière. Nous sommes en consultation et les observations du monde patronal sont également bienvenues.

L'image qui découle... Et ça, c'est l'ensemble de la réglementation. Je pense qu'il s'agit d'une réglementation qui a été progressive et qui a tenu en équilibre, finalement. Vous allez me dire: II y a eu des exagérations à certains endroits, c'est votre rôle comme monde patronal. Mais, au total, comme ministre de l'Environnement, je n'ai pas l'impression qu'on a assommé le monde patronal. Je ne sais pas si cette démonstration-là vous convainc qu'on n'a pas été aussi dur que vous le prétendez. 1. Dufour (Ghislain): Vous feriez, en plus d'un ministre, un bon directeur des affaires publiques d'une grande compagnie polluante. Vous vendez bien, évidemment, le programme législatif et réglementaire du gouvernement. Mais je suis obligé de ne pas être d'accord.

Je vais simplement prendre, par exemple, celui qui est en débat actuellement sur les pâtes et papiers, et je vais vous citer le président que vous allez écouter demain soir, André Duchesne, qui dit ceci: «Lors du dépôt de leur projet d'un règlement respectif-c'est ce dont vous venez de parler - les ministres Pierre

Paradis et Jean Charest - et je cite toujours - ont déclaré avec une belle unanimité que leur médecine, bien qu'amère au goût, aurait un impact peu significatif sur la rentabilité des usines. Les faits sont les suivants, dit André Duchesne. Selon les plus récentes évaluations, le projet de règlement québécois sur les fabriques de pâtes et papiers nécessiterait des déboursés de 1 600 000 000 $ pour rendre conformes les usines papetières existantes. Même en supposant les capitaux disponibles, plusieurs usines ne pourront justifier de tels investissements parce qu'ils feraient disparaître tout espoir de rentabilité. L'industrie n'investira donc pas ce 1 600 000 000 $, elle risque plutôt de fermer, selon les estimations mêmes de votre ministère, une demi-douzaine d'usines, au coût d'environ 5000 emplois directs et indirects.» Voilà juste une réaction à un projet de règlement. •-¦¦- M. Paradis (Brome-Missisquoi): je ne sais pas de quand elle date. je ne l'ai pas avec moi, mais je m'engage à vous faire parvenir une réaction de... il y a eu beaucoup de discussions...

M. Dufour (Ghislain): Non. La réaction... Votre projet, c'est novembre. La réaction de Duchesne est du 17 décembre, juste avant Noël.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Bon. Est-ce que je peux vous faire parvenir une réaction de M. Duchesne après Noël, une fois que nous sommes retournés en prépublication, dans l'esprit d'après les fêtes? Le langage et le discours ont changé. Pourquoi? Parce que...

M. Dufour (Ghislain): Ce n'est pas...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...au niveau de nos comités techniques, dans la préparation de nos règlements, l'industrie est représentée, l'industrie fait valoir ses points de vue et, lorsque ses points de vue sont acceptés par l'ensemble des intervenants, les écologistes et les gens du ministère, la réglementation est modifiée, et je m'engage à vous faire parvenir cette déclaration de M. Duchesne.

M. Dufour (Ghislain): Juste un mot là-dessus. Quand on a préparé notre mémoire, M. le ministre, autour de la table il y avait peinture, plastique, pétrole, ingénieurs-conseils, services-conseils en environnement, mines, AMQ, papetières. Alors, ils ont souscrit à ce mémoire-ci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais je...

M. Dufour (Ghislain): Je veux vous parler d'un autre projet parce que je suis venu en débattre avec vous.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Dufour (Ghlslain): C'est le 65 sur la decontamination des sols. Vous vous rappellerez tout ce qu'on a dit au sujet de ce projet de loi, alors il n'a pas été bien reçu par les milieux de l'entreprise. Je veux bien qu'on décontamine les sols, sauf qu'on a toujours le même problème aujourd'hui, M. le ministre, qu'on avait quand on en a débattu: Où est-ce qu'on les met, les sols? On a le problème actuellement dans Montréal-Est avec une entreprise pétrolière qui veut justement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Dufour, c'est...

M. Dufour (Ghislain): ...essayer d'avoir une nouvelle technologie, et vous savez comment la population réagit.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous me permettez, M. Dufour. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites qu'on a le même problème qu'on avait lorsque le projet de loi a été débattu parce que, sur le terrain, ce n'est pas la réalité. À l'époque, vous n'aviez qu'un endroit autorisé pour disposer de vos sols contaminés...

M. Dufour (Ghislain): Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'était en Ontario. C'était connu.

M. Dufour (Ghislain): Bien oui!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Depuis ce temps, vous avez de la technologie de décontamination qui a été acceptée par le ministère de l'Environnement et, donc, de grandes industries multinationales dans ce domaine-là, parce que les coûts sont coûteux, s'apprêtent à décontaminer des terrains importants dans l'est de Montréal.

M. Dufour (Ghislain): Bien, c'est...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez également, sur 111e de Montréal, un site d'enfouissement qui a été autorisé par le ministère de l'Environnement pour les terrains contaminés. Si ma mémoire est fidèle - j'y vais de mémoire - c'est la compagnie Cintec. Donc, le fait d'avoir de la législation qui soit contraignante a provoqué du développement technologique et a provoqué des issues. Tant qu'on ne s'y attaquait pas, c'est certain que ce n'était pas provoqué.

Un des problèmes que le Mouvement Desjardins a soulignés tantôt est que, tant que l'est de Montréal n'est pas décontaminé, on a des problèmes à rebâtir le tissu industriel de l'est de Montréal et il faut y faire face. La loi 65 nous a permis, au ministère de l'Environnement, d'intervenir là où on n'aurait jamais pu intervenir - on n'avait pas les pouvoirs de le faire - le site de Mercier, ordonnance d'urgence du ministre de l'Environnement. Dans le cas également de la décontamination de la Balmet, à Saint-Jean, nous avons utilisé les pouvoirs de la loi 65; dans le cas de Mines Eldorado, en Abitibi, n'eût été de la loi 65, nous n'aurions pu intervenir avec autant d'efficacité. Donc, nous n'en sommes pas là où nous étions, et je vous le soumets bien respectueusement, au moment de l'adoption de la loi 65.

M. Dufour (Ghislain): Oui, mais il reste qu'on n'a pas réglé le problème de l'entreposage, au Québec, des sols contaminés, sauf certains cas, comme le cas d'Eldorado ou le cas de Montréal-Est qui est un cas. Mais ce n'est pas la solution globale qu'on a trouvée au Québec.

Au-delà de ça, on pourrait prendre chacun des règlements ou chacune des lois, mais je termine le mémoire en disant que vous avez une image auprès des entreprises qui est une image d'irritant...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dure.

M. Dufour (Ghislain): Non, je n'ai pas dit dure parce que, nous, le principe du pollueur-payeur, on l'a accepté, vous le savez très bien, puis, tout à l'heure, on pourra revenir avec M. Lazure sur le passé, etc. Mais, le principe, nous, on l'accepte, sauf qu'il faut être très prudent dans ce domaine-là parce que l'équilibre entre la protection de l'environnement, avec laquelle on est tout à fait d'accord, et le développement économique, quant à nous, n'est pas toujours assuré, et ça, c'est drôlement important, et vous le savez dans le dossier de la Baie James. Mais ce que vivent les entreprises de façon très, très...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là, je vais vous interrompre, M. Dufour, parce que vous m'ouvrez une porte. Je le sais dans le dossier de Grande-Baleine comme ministre de l'Environnement; je le sais également dans le dossier de Soligaz.

M. Dufour (Ghislain): Ah oui! Ah oui! Je l'avais oublié. Voyez-vous, il y en a d'autres.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et, présentement, ce n'est pas le ministère de l'Environnement, je le souligne, qui n'a pas fait son travail dans le dossier de Soligaz. Le ministre de l'Environnement a eu à prendre des décisions. Il les a recommandées au Conseil des ministres; le Conseil des ministres les a entérinées et les certificats ont été émis.

M. Dufour (Ghislain): On est d'accord avec la façon dont vous avez dirigé, vis-à-vis du BAPE, le dossier de Soligaz. On pourrait discuter de Grande-Baleine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. C'est ouvert à Grande-Baleine également. (17 h 45)

M. Dufour (Ghislain): Mais je voudrais vous donner de façon concrète... Voici un entrepreneur qui vit avec vous puis qui, lui, la loi 65, la loi 412, il vit des problèmes très concrets. Alors, voici comment il les vit, par exemple. Simplement la notion de produits, de déchets dangereux versus produits dangereux dans une entreprise.

M. Buisson (André): C'est un exemple qui peut être minime, mais, l'an passé, on l'a vécu au niveau de la fourniture de peinture à signalisation pour le ministère des Transports. Au niveau du produit fini qui est expédié, il était considéré comme un produit dangereux. Un baril plein était considéré comme un produit dangereux puis, au moment où on devait récupérer ce baril-là, ça devenait un déchet dangereux une fois qu'il était vide de son contenu. Ce sont de légères anomalies où on sait difficilement sur quel pied danser. C'est à titre d'exemple.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): et vous faites partie - je l'ai mentionné tantôt - des insatisfaits de l'action du ministère de l'environnement parce que, lorsque vous vivez une telle aberration, vous dites: je suis un payeur de taxes. je produis et je génère de l'activité économique. donnez-moi les règles du jeu, puis donnez-les-moi claires, puis je vais savoir où m'en aller. si vous ne me les donnez pas claires et que je ne sais pas où m'en aller, ça m'occasionne des problèmes. il n'y a pas de petits cas comme ça, ce sont tous des cas qui sont importants. nous, on a eu des témoignages comme le vôtre d'entrepreneurs, de travailleurs et d'à peu près tout le monde au ministère. puis on en est venu à la conclusion qu'il fallait changer la définition. tant qu'on restait pris dans les définitions de «déchets dangereux», on n'en sortait pas. on avait des jugements des tribunaux qui nous disaient: s'ils la réutilisent, ce n'est pas un déchet, c'est une matière. on a englobé le terme générique de façon à être plus efficace sur le plan environnemental puis plus clair envers l'entrepreneur qui se doit de faire face au ministère de l'environnement du québec. on pense que c'est comme ça. mais, ça, ça y gnd... passer une loi, même avec la bonne collaboration de nos amis d'en face, passer la réglementation qui doit en découler, même avec la bonne collaboration de tout le ministère et des amis d'en face, on parle d'un processus législatif et réglementaire sur deux ans quand on s'attaque à ce type de problème avec toute l'énergie qu'on peut y mettre. donc, parfois, on semble être en retard. dans le but d'avoir plus d'efficacité, on se dit: pourquoi n'est-on pas aussi efficace que ça? parce que, des fois, on éteint des feux au ministère de l'environnement. puis tout le ministère, les r bureaux régionaux comme le central, est pris dans le quotidien à éteindre des feux. Puis on se dit: Peut-être que, si on plaçait le quotidien dans les bureaux régionaux, proche d'où sont les problèmes, à partir de ce moment-là, on pourrait obtenir certains résultats puis on dégagerait le ministère pour vous donner des règles, que, parfois, vous allez juger sévères - je m'en excuse, mais on les aura au moins discutées avant - qui soient claires et applicables de façon à ce que vous sachiez comment vivre avec le ministère.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, pour vous retourner la queston face à cette phrase qui vous a fait sursauter, remarquez bien qu'on ne dit pas que c'est sans considération aucune. On dit «sans grande considération». C'est important. Mais comment l'Office que vous proposez viendrait nous aider, nous, à régler ce problème-là?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'Office n'est pas l'instrument de réglementation, n'est pas l'instrument de législation, n'est pas l'instrument d'émission des politiques, n'est pas l'instrument de l'interministériel et de faire affaire avec l'ensemble des autres gouvernements. Ça, c'est le travail d'un ministère comme tel et le ministère va continuer de s'acquitter de cette tâche, on l'espère avec plus d'efficacité, parce qu'il va être dégagé des urgences quotidiennes. L'Office, c'est l'application comme telle de ce qu'on aura adopté en législation, en réglementation ou en directive.

Dans le quotidien, si vous avez une entreprise qui a besoin d'un certificat d'autorisation pour construire son entreprise puis d'un certificat d'exploitation pour l'exploiter, vous savez comment c'est compliqué et comment ça marche. À partir de ce moment-là, elle saura que c'est au niveau de l'Office dans sa région qu'elle va aller chercher son certificat. L'entrepreneur va savoir que c'est au niveau de l'Office dans sa région que le suivi va être fait et l'entrepreneur va avoir un point d'entrée, un guichet là où aller.

Maintenant, s'il y a des infractions qui sont commises, il va savoir que c'est à partir du service d'inspection régional que c'est commis. S'il veut modifier la loi et les règlements parce que ce n'est pas correct, il peut en faire part à l'Office, mais c'est le ministère qui va conserver cette attribution; le Conseil du patronat va pouvoir conserver ses contacts avec le ministère de l'Environnement du Québec de façon à avoir de l'influence dans ces modifications réglementaires et législatives. C'est tout simplement de façon à rendre un meilleur service à la clientèle. Il n'y a pas d'autre objectif qui est visé et, présentement, ce service n'est pas satisfaisant avec une utilisation maximum de la structure actuelle. C'est la difficulté à laquelle nous faisons face.

M. Dufour (Ghislain): On peut continuer à

échanger? Oui? Là où vous nous préoccupez, c'est quand on voit le rôle qu'aurait cet Office par les permis, les certificats d'attestation, etc., peu importe. Ce n'est pas présent dans le projet de loi, mais, dans la déclaration ministérielle que vous avez faite au moment du dépôt du projet de loi, vous avez dit que vous pourriez utiliser votre pouvoir réglementaire comme ministre pour, à ce moment-là, fixer des coûts aux entreprises pour fins de permis, pour fins d'attestation, etc. Je peux vous citer là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui.

M. Dufour (Ghislain): D'ailleurs, le débat a été fait sur la place publique. À un moment donné, on parlait de 80 000 000 $. C'a été ramené à des proportions plus réduites, d'accord, mais vous allez comprendre les inquiétudes des entreprises qui se disent: Si je donne mon aval à un office de ce genre-là, je ne sais rien dans la loi de ce qui me pend au bout du nez parce que le pouvoir réglementaire du ministre est là, qui va faire que mon ami ici, un jour, pour un permis qu'il demandera, je ne sais pas où, il devra payer x dollars; l'autre ira chercher un certificat d'attestation, etc., etc. Tout ça, M. le ministre, c'est par votre pouvoir réglementaire. Ça, ne demandez pas à des gens d'affaires de souscrire à ça parce qu'ils ne savent pas où ils s'en vont.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne vous le demanderai pas non plus parce que, ça, ça ne fait pas partie de l'Office.

M. Dufour (Ghislain): Bien oui, mais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour que tout le monde se comprenne bien, ce que nous avons annoncé la semaine dernière, le Programme de réduction des rejets industriels, les certificats d'attestation d'assainissement, relève du pouvoir réglementaire qui va appartenir au ministère de l'Environnement, office ou pas d'office; ça, c'est clair, je veux que tout le monde comprenne bien cette situation-là. Même si on ne met pas sur pied un office, ce qui a été annoncé la semaine passée, c'a été adopté...

M. Dufour (Ghislain): O.K.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...c'est en prépublication, nous sommes prêts en discuter...

M. Dufour (Ghislain): Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...mais ça, ça demeure et ça n'ajoute rien; ça ne sert même pas, au moment où on se parle, à financer directement ou indirectement l'Office.

M. Dufour (Ghislain): O.K. Ça, c'est ce qui est en projet et qu'on aura l'occasion de débattre.

Je vous cite ici, le 17 décembre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah bien! M. Dufour (Ghislain): Ah, ce n'est plus ça?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne le sais pas, je vais écouter la citation. Ça évolue rapidement, dans les projets de loi.

M. Dufour (Ghislain): Ah oui! Mais je dois dire que, nous autres, on a préparé notre mémoire avec ce qu'on avait comme matériel.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On écoute tellement les gens qu'on consulte...

M. Dufour (Ghislain): Oui, oui!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...qu'on est obligé de modifier!

M. Dufour (Ghislain): Mais je vous le lis pareil, je vous le lis pareil.

Une voix: N'enregistrez pas ça au Journal des débats!

M. Dufour (Ghislain): En vertu de la réglementation actuelle - celle-là, on peut la connaître - mais en vertu de la réglementation future du ministère - celle-là, on ne la connaît pas, O.K., peut-être que vous non plus - et dans une volonté croissante d'appliquer le principe de pollueur-payeur, des sommes pourront être perçues par l'Office dans le cadre de ses divers mandats - on parle de l'Office, là - telle l'émission d'attestations, de certificats d'autorisation ou encore de permis, etc. Ça, une déclaration comme ça, quand vous ne retrouvez pas ça dans la loi, c'est donner un chèque en blanc; ça, les entreprises peuvent difficilement... Je sais que vous ne me demandez pas d'y souscrire, mais les entreprises ont un problème avec ça.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je comprends le problème de perception. S'il n'y avait pas de problème de perception, nous ne serions pas en commission parlementaire à cette étape-ci. Généralement, si nous acceptons ou si nous souscrivons d'emblée à une commission parlementaire, c'est parce que, oui, il y a des problèmes de perception, c'est parce que, oui, il y a également des problèmes de précision. Vous soulevez plusieurs questions précises dans votre mémoire et chacune des questions mérite une réponse de la part de l'appareil gouvernemental.

Ce que je tente de dégager comme consensus, c'est un consensus d'efficacité administrative au ministère de l'Environnement du Québec. J'ai cette responsabilité-là aussi. On a la respon-

sabilité de corriger les problèmes du passé, on a la responsabilité de bien gérer le présent et on a la responsabilité de prévoir l'avenir. Présentement, ce que je vous dis comme ministre de l'Environnement - vous pouvez me croire ou ne pas me croire - c'est que je n'ai pas les outils administratifs nécessaires pour bien servir la clientèle, et le monde des entreprises est une clientèle très importante au ministère de l'Environnement du Québec. Si vous me dites qu'avec (a., structure actuelle vos entreprises sont satisfaites, de ne pas toucher à ça, que ça va bien, . moi, ça va là, je n'ai pas de problème comme ministre de l'Environnement; ça m'en fait un de moins sur les épaules.

M. Dufour (Ghislain): J'espère que ce n'est pas le message qu'on a laissé. Vous aurez remarqué que, nous, on n'a pas honni le projet de loi, je veux dire, on l'interroge; on a besoin d'être convaincu qu'il est nécessaire. C'est évident, nous autres, que des offices... Je veux dire, on participe à un paquet d'offices, on participe aussi à la CSST et on participe à un office qui est créé ou à créer de M. Bourbeau. On est très interrogateur parce que, dans la machine gouvernementale, quelque chose qui se crée et qui reste petit, on ne connaît pas ça.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Que l'on crée l'Office pu que l'on ne crée pas l'Office, parmi les ministères du gouvernement du Québec ou les autres sociétés, les ministères de l'Environnement sont des ministères en croissance. Ça, je vous le dis comme homme politique.

M. Dufour (Ghislain): Ah oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous ne sommes pas capables, à partir des ressources qui sont mises à notre disposition - présentement, nous sommes le plus jeune ministère au gouvernement du Québec - de nous acquitter des mandats de plus en plus nombreux.

Je ne vous dis pas qu'il faut aller chercher de nouvelles ressources à l'extérieur; peut-être en prendre dans d'autres ministères et les acheminer au ministère de l'Environnement du Québec. Que vous ayez un office ou que vous n'ayez pas d'office, quel que soit le gouverne-tent en place, il y aura, au cours des 10 prochaines années, croissance du ministère de l'Environnement du Québec.

M. Dufour (Ghislain): Je pourrais demander à M. Garon, qui a une question à vous poser.

M. Garon (Jacques): M. le ministre, justement, en raison de ce que vous venez de dire - autrement dit, tout le monde reconnaît que vos ressources sont très limitées - on mentionne dans le projet de loi que l'Office pourra regarder à la création peut-être d'un nouveau service d'urgences environnementales. Est-ce qu'il y a un peu plus de précisions que vous pourriez nous donner à cet effet? Parce que je pense que, ça, c'est très, très important non seulement pour les entreprises, mais aux yeux de la population en général.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce dont il s'agit dans l'état actuel de la législation, c'est du transfert du service d'urgences environnementales, tel qu'il existe présentement, à la juridiction de l'Office de protection de l'environnement. C'est un service qui fonctionne 7 jours par semaine, 24 heures par jour et dont l'efficacité a été de beaucoup améliorée au cours des deux dernières années. Vous pouvez me donner des cas où ça n'a pas fonctionné parce que ceux-là font les médias toutes les fois, quand ça ne fonctionne pas, mais, moi, je peux vous donner la liste des cas où ce service a donné du service à l'entreprise et au public, les fins de semaine, les congés fériés. Des catastrophes ont été évitées grâce à leur efficacité d'intervention. À peu près chaque fois où ils ont manqué leur coup - on ne les mentionnera pas - c'était dans les médias, en première page.

Le Président (M. Garon): M. le député de Jonquière, pour une période équivalente de 24 minutes.

M. Lazure: La Prairie, M. le Président. Le Président (M. Garon): La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de l'Opposition, remercier M. Dufour et ses deux collègues pour leur présentation. Je veux simplement prendre quelques moments pour réagir aux propos du ministre de l'Environnement. Il se débat évidemment beaucoup, beaucoup, et il parle d'abondance, mais il faut en prendre et en laisser. Par exemple, le projet de loi 405, les matières dangereuses... Monsieur a raison parce que les dispositions relatives à ce projet de loi 405, qui a été adopté en décembre, ne sont pas encore en vigueur parce que le projet de règlement qui devait être présenté en même temps que le projet de loi n'a pas été présenté. L'Opposition réclamait à hauts cris - mes collègues s'en souviennent - ce projet de règlement en commission parlementaire, en décembre. Le ministre l'a promis, promis, promis. Nous avons même demandé au ministre de faire venir le Conseil du patronat. Je me rappelle avoir piloté une motion pour qu'on entende le Conseil du patronat et le ministre a refusé de vous entendre, M. Dufour. Il a refusé ça.

M. Dufour (Ghislain): Ah bon! On en prend note.

M. Lazure: Tenez-vous-le pour dit.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Vous savez - deuxième exemple - le ministre a fait toute une enumeration de règlements ou de projets de règlements de lois qu'il a fait adopter, qu'il a pilotés, bravo! Il a parlé des déchets biomédicaux, du Règlement sur les déchets biomédicaux. Écoutez, ça a pris quatre ans avant que ce gouvernement-là n'accouche du règlement sur les déchets biomédicaux, quatre ans. C'est M. Lincoln qui avait commencé ça en décembre 1987; M. Lincoln l'avait promis. D'accord, il est adopté; ce n'est pas un mauvais règlement, mais, encore une fois, le ministre fait la preuve de ce qu'on avance, ce n'est pas le manque de règlements, le manque de lois, le manque de structures, c'est le manque de dynamisme et de vision parce qu'on a un règlement sur les déchets biomédicaux, on a un incinérateur, un seul pour le Québec qui est dans l'Outaouais, Dicom, qui appartient à Laidlaw, et 80 % de ce que traite cet incinérateur, M. le Président, viennent d'hors du Québec.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Lazure, juste...

M. Lazure: Non, non, je ne vous ai pas interrompu...

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie, c'est vous qui avez la parole. (18 heures)

M. Lazure: M. le Président, rappelez donc à l'ordre le député de Brome-Missisquoi. Il y a quelques petits incinérateurs d'hôpitaux comme Notre-Dame, mais on parle d'un incinérateur public, pour satisfaire les besoins de tout le Québec. Il y en a un important, Dicom, dans l'Outaouais. Le ministre - ça fait plusieurs fois qu'on le saisit de ça - accepte sans broncher -au nom de quoi? je ne le sais pas - à cette usine, de l'ensemble des déchets qu'on traite, seulement 20 % viennent du Québec, alors que grand nombre d'hôpitaux ne savent pas trop quoi faire des déchets biomédicaux. C'est un peu la même chose pour les pneus usés. Aujourd'hui, j'ai soulevé en Chambre la situation complètement absurde où Ani-Mat, la seule compagnie qui recycle les pneus usés au Québec, à Saint-Élie-d'Orford, est obligée d'aller soumissionner en Ontario et de se faire donner une subvention, un contrat de 1 300 000 $ par le ministère de l'Environnement de l'Ontario parce que le ministère de l'Environnement du Québec ne s'occupe pas de ses affaires. Pendant ce temps-là, on a des montagnes, des millions de pneus au Québec. Il se contente de faire quoi, le ministre de l'Environnement? De proclamer des règlements de gardiennage de pneus, des services de garde aux pneus. C'est ce qu'il fait, le ministre de l'Environnement, au lieu d'être à l'avant-garde et de convaincre son gouvernement, son Conseil des ministres d'investir de l'argent pour recycler les pneus. C'est rentable au plan économique. Ani-Mat a un chiffre d'affaires de 5 000 000 $, exporte 80 % de sa production. Il y a des marchés pour ça. Le ministre le sait. C'est pour ça que c'est d'autant plus déplorable.

Mais je vais revenir à votre mémoire, c'est moins déprimant, M. Dufour. Je vous félicite...

M. Dufour (Ghislain): Pour une fois!

M. Lazure: ...ce n'est pas tous les jours qu'on est du même côté, on est du même côté.

Le Président (M. Garon): Nous enregistrons cette minute historique.

M. Lazure: La première question que j'ai, M. Dufour...

Une voix: Le même point de vue...

M. Lazure: Le gros de votre mémoire fait la démonstration que c'est un projet de loi qui n'est pas nécessaire et vous le dites à certains endroits. Par contre, vous arrivez à la conclusion et, là, vous reculez un petit peu. Vous dites: On n'est pas contre. Je regarde le mémoire de l'Association des manufacturiers, laquelle viendra ce soir. Mais vous avez quand même des relations avec ces collègues manufacturiers! Il y en qui font partie de votre Conseil, j'imagine, et je suis sérieux là. Comment concilier votre timidité presque amicale pour le ministre de l'Environnement à l'égard de ce projet de loi inacceptable, comment concilier ça avec ce que les gens qui sont manufacturiers, qui appartiennent à votre Conseil, qui vont être représentés ce soir par un autre mémoire qui dit: Non seulement la création de l'Office n'est pas justifiée, mais cette création pourrait avoir des effets tout à fait contraires à ceux recherchés en plus de constituer un obstacle de plus à l'amélioration de la capacité concurrentielle des entreprises manufacturières et à la compétitivité de celle-ci?

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, vous avez peut-être trouvé...

M. Lazure: Je vous remercie de m'appeler «M. le ministre», mais je...

M. Dufour (Ghislain): M. l'ex-ministre, vous avez peut-être trouvé dans l'AMQ un supporteur de votre thèse, bien, je veux dire, vous en débattrez avec eux ce soir. Nous, ce qu'on dit, c'est que ce projet de loi ne nous apparaît pas nécessaire, ne nous apparaît pas utile, sauf qu'avant de le rejeter comme ça on a opté pour poser des questions et demander au ministre de tenter de nous le justifier. Je ne suis pas prêt à vous dire qu'il l'a fait. Je pense qu'on a rempli notre rôle. C'est facile de toujours dire non à

quelque chose, alors que, nous, on a plutôt voulu poser les bonnes questions. Je pense que, dans ce sens-là, notre mémoire a fait réfléchir le ministre. Il a même fait une étude exhaustive de toutes ces lois, de tous ces règlements depuis je ne sais plus combien d'années. Il n'aurait pas fait ça face à ça. Alors, ça nous amène à un débat qui est plus sain que de prendre des positions complètement extrêmes. Mais vous avez raison. Nous, on continue de l'interroger. Ce n'est pas de la timidité, je pense que c'est de l'intelligence.

M. Lazure: M. le Président, on peut être opposé avec intelligence à un projet de loi qui n'est pas acceptable. Je rappelle à M. Dufour que l'Opposition, le Parti québécois, a voté pour certains projets de loi du ministre de l'Environnement, notamment pollueur-payeur, le 65, notamment le 60. Mais ce qu'on constate M. Dufour, c'est qu'après avoir voté pour de bonnes lois comme ça sur papier l'action ne suit pas. Là où vous et nous, on se rejoint très bien, c'est lorsque vous dites: Nous constatons, depuis quelques années, une dichotomie entre le discours du gouvernement en matière de politique environnementale et son action. C'est ça, la tragédie. C'est qu'on a de beaux discours du ministre de l'Environnement, mais on n'a pas d'action. C'est comme ça sur toute la ligne.

Dans l'hypothèse où le ministre et son gouvernement s'entêteraient et créeraient cet Office, je reviens à des questions là-dessus, vous dites: Le droit d'appel... non pas le droit d'appel, mais simplement les gens qui pourraient... Attendez un petit peu que je me retrouve là. Lorsque vous dites que les 1800 employés sont tous... Ah oui! «Le ministre s'engage à donner suite aux plaintes...» C'est à la page 4 de votre mémoire. Vous dites: Est-ce que c'est réaliste d'envisager de répondre à toutes les plaintes? C'est là que vous avez dit: Ça va en prendre plus que 1800 pour répondre à toutes les plaintes. Mais là, ça m'a intrigué un peu, ça. D'après vous, le ministre ou le ministère devrait s'arrêter aux plaintes de qui? Comment décider: Je vais prendre cette plainte-là qui vient de madame X et je ne prendrai pas la plainte qui vient de monsieur Y?

M. Dufour (Ghislain): Bien, écoutez, c'est év lent que je ne peux pas répondre à ça. Dans toutes les institutions gouvernementales qui ont mis sur pied des espèces d'ombudsmans ou de gens qui font du tamisage des plaintes, il y en a qui sont importantes, il y en a d'autres qui ne sont pas importantes. Sauf que c'est évident que, si, demain matin, on faisait appel à tous les Québécois pour se plaindre contre les entreprises, je pense qu'il n'y aurait pas assez de fonctionnaires. Il faut pondérer ce genre d'appels à la critique, à la contestation.

On n'a pas d'opposition à ce qu'il y ait un bureau des plaintes, remarquez bien. Je pense que, dans ' certains cas, ce serait même utile, et utile pour l'image des entreprises, parce qu'il y a des entreprises, et on pourrait en citer, qui ne nous aident pas, nous, monde patronal, à défendre le dossier de l'environnement, parce qu'il y en a qui exagèrent et qui ont exagéré dans le passé. Alors, qu'il y ait un bureau des plaintes bien structuré, on est d'accord avec ça. Sauf que, où ça s'arrête? Encore là, vous aurez remarqué que c'est sous forme d'interrogation: Comment on le bâtit? Je le sais, dans un autre secteur, M. le député de La Prairie, on est en train de mettre sur pied un bureau des plaintes à la CSST. Ce n'est pas facile parce que comment tu gères une plainte comme ça et que tu la gères bien, en tenant compte des structures qui existent déjà et du rôle des fonctionnaires qui sont là pour les appliquer? Il y a des mandats très, très clairs qui sont donnés aux fonctionnaires, ici, de par cette loi-là. Alors, tu gères ça comment?

Après deux ans, Dr Lazure, de débats à la CSST avec le président et les centrales syndicales, on va en mettre un sur pied, là, deux ans plus tard. Une des raisons pour lesquelles ça a pris tant de temps, c'était pour bloquer ce qu'on appelle les requêtes frivoles, pour ne pas accepter n'importe quoi. Il y a des gens qui se donnent la mission de démolir tout le monde. Vous le savez, il y a des gens qui se donnent la mission de démolir les politiciens et il y en a qui se donnent la mission de démolir les entreprises. Alors, ni l'un ni l'autre n'est acceptable.

M. Lazure: M. le Président, je voudrais demander à M. Dufour aussi... Dans le fond, si vous aviez le choix entre un ministère de l'Environnement qui serait rendu efficace à tous égards, en particulier raccourcir les délais, un ministère efficace, d'une part, et un office que le gouvernement s'entêterait à créer et qui serait complètement autonome... Au fond, qu'est-ce que vous voulez? Ma question, c'est: Votre choix, ce serait un office totalement autonome ou un ministère de l'Environnement très efficace?

M. Dufour (Ghislain): II y a sûrement des raisons que nous ne connaissons pas qui font que le gouvernement et son ministre pilotent ce dossier-là. On ne les a pas, mais, vu par nous, en l'absence de cette information-là, que je respecte, on ne l'a pas, nous opterions pour un ministère qui aurait les deux volets de sa mission, à savoir législation-réglementation et respect de sa législation-réglementation. Je pense que ça va de soi qu'on ne peut pas couper les liens entre les deux, en tout cas vu par nous, la question s'adressant à moi, M. le ministre. Je pense que, nous, on opterait pour un ministère qui aurait les deux.

On a été plus loin dans le passé, et le ministre va nous confirmer ça, on est des

groupes qui ont toujours supporté le ministre dans ses demandes de crédits additionnels. Et c'est vrai. La dernière fois, le 50 000 000 $, on l'a drôlement supporté parce qu'on pense qu'il y a des choses à faire et que l'équilibre entre le développement économique et le développement environnemental est important au Québec. Vu par nous, en dehors du contexte politique, on a peur de la création d'un office. Remarquez bien que ce qu'on dit à M. Paradis aujourd'hui, on l'a dit à M. Bourbeau, il y a peine un mois, dans l'autre commission parlementaire sur la création de l'Office de développement des ressources humaines. Le Parti québécois avait la même position que nous dans ce dossier-là. Vous avez, aujourd'hui, l'interrogation de ces grands organismes. Ça inquiète parce que tout ce qui se crée, par définition, dans la fonction publique, a tendance à être gros. Je réponds au ministre en même temps, je suis d'accord quand le ministre dit que, nonobstant ce qui va arriver avec l'Office, les budgets de l'Environnement vont augmenter. On est d'accord avec ça, nous autres aussi. Mais, à ce moment-là, je pense qu'il y a un meilleur contrôle s'il garde les deux. Alors, à votre question précise, ce soir, sans avoir pris de distance par rapport aux réponses que nous a faites le ministre - il faudra faire quand même un certain nombre d'analyses de ces réponses-là - on opterait encore pour garder le tout au ministère.

M. Lazure: Je suis content d'avoir une réponse aussi claire. Finalement, c'est la position de la plupart des groupes qui vont se présenter devant cette commission. Vous avez raison de dire que ce sont des raisons obscures. Nous non plus, on ne comprend pas pourquoi. Qui a réclamé une telle création, à part les jeunes libéraux? Les jeunes libéraux l'ont réclamée. Ils l'ont fait passer à leur congrès, il y a un an, un an et demi. À part eux autres, je n'ai entendu personne, aucun groupe réclamer la création de cet Office. À quels besoins le ministre répond-il en créant un tel office? Nous, étant donné qu'il y a eu fuite de certains documents, on soupçonne qu'une de ses motivations était d'aller chercher des sous. Mais c'est de connaissance publique maintenant qu'il avait fait des estimations et que, par des redevances, par des tarifs aux permis, il espérait se créer une cagnotte, la cagnotte qu'il n'a pas eue de son chef depuis deux ans et demi, qu'il devait avoir. Il devait avoir 50 000 000 $, la première année. Il a eu à peine 25 000 000 $ sur deux ans, deux ans et demi. Je pense que c'est ça, la principale raison obscure qui n'est pas mise sur la table. Mais on sait que ses collègues ont dit: Non, il n'y aura pas de cagnotte affectée, réservée au ministère de l'Environnement par le biais de redevances. Il n'y en aura pas. S'il y a des redevances et des tarifs, ça ira à l'ensemble du Trésor.

Nous, on pense que cette commission va peut-être faire bouger le ministre, dans le sens de s'attarder, d'utiliser son énergie, ses talents à améliorer le fonctionnement de son ministère.

Moi, j'ai une dernière question pour le Conseil du patronat. M. Dufour, vous avez fait allusion au développement durable, vous aussi, comme le Mouvement Desjardins auparavant. Je vous pose la même question qu'au Mouvement Desjardins. Vous avez participé à la table de concertation sur le développement durable. Comment expliquez-vous que cette table ne semble pas donner les résultats escomptés?

M. Dufour (Ghislain): Juste avant de répondre à votre question, j'aimerais quand même préciser que nous demeurons interrogatifs quand on sort d'ici. Vous me demandez, au moment où on se parle - 18 h 10 - qu'est-ce qu'on préfère. Je vous dis qu'on préfère un ministère qui aurait les deux missions, les deux volets. Mais le débat n'est pas terminé. Nous aussi, on va prendre connaissance des arguments du ministre, du gouvernement, des intervenants qui l'appuient. Le débat, pour nous, reste sur la table.

Sur la table de l'environnement, je pourrais vous citer ici ce qu'on avait dit lors de l'ouverture des travaux de la table. On avait dit que, pour réussir cette table-là - et je lis le texte d'ouverture - on devra établir une liste, par ordre de priorité, des actions urgentes à entreprendre. Parmi celles-ci, citons la connaissance partielle du ministère de l'Environnement de la quantité et de la nature des déchets dangereux produits au Québec.» Et, nous, on avait mis en tête de liste le dossier des déchets dangereux dans le plan Charbonneau. Alors, ce qui est arrivé, c'est que tout le monde est allé là avec sa préoccupation et sa liste. Comme on était 30 autour de la table, c'est devenu non gérable. Mon collègue, c'était Green, Daniel Green, alors c'est évident qu'on n'avait pas toujours la même liste d'épicerie. Alors, compte tenu de ça, on a peut-être vu un peu grand quand on a voulu asseoir 30 personnes aussi différentes que, je ne sais pas, moi, Gérald Larose, Claude Béland, etc., autour d'une table, pour essayer, dans un temps relativement court, d'avoir des résultats très, très concrets. Je ne pense pas qu'il y en ait eu. Je défie quiconque de penser que, dans deux ans, ce groupe-là aurait pu se donner une charte de l'environnement. Je ne crois pas à ça. Ce n'est pas possible. Il y a trop d'éléments de débat dans une charte comme celle-là. Les comités techniques continuent de travailler. Nous, on continue de siéger, M. le député de La Prairie, sur les comités parce qu'on pense qu'il y a du travail qui peut se faire. Même si les comités n'arrivent pas à des conclusions, que ces gens-là se parlent, c'est une première et c'est positif.

Je vais terminer en disant justement que, moi, j'ai vécu bien des tables, sous votre gouvernement puis sous le gouvernement actuel. Des tables qui, après deux ans, n'ont pas donné beaucoup de résultats, j'en ai vu d'autres. Ce

n'est pas négatif. je pense que l'expérience a été tentée. par ailleurs, j'aurais des suggestions très précises à faire au ministre s'il m'en demande. ha, ha, ha!

M. Lazure: Vous avez vécu plusieurs tables, M. Dufour, ça, j'en conviens, sous tous les gouvernements, mais, moi, j'ai rarement vu une table qui a tellement d'échecs qu'elle provoque la démission fracassante d'un sous-ministre adjoint responsable du développement durable justement. Alors, je suis obligé de faire le lien avec cette démission, au cours de laquelle M. Mead déclarait que c'était l'absence de volonté politique du gouvernement actuel, du ministre actuel, si cette table-là... C'était son appréciation à M. Mead.

M. Dufour (Ghislain): C'est ça. Mais vous comprendrez que, moi, je ne commenterai pas...

M. Lazure: C'est son appréciation, la vôtre est différente.

M. Dufour (Ghislain): Vous comprendrez que, moi, je ne commenterai pas les raisons de démission de M. Mead.

M. Lazure: Non, non. Ça, c'est mon commentaire. Je remercie le Conseil du patronat.

Le Président (M. Garon): Nous remercions les représentants du Conseil du patronat de leur présentation et nous suspendons les travaux pendant quelques instants. Nous allons revenir en commission pour déterminer ce qu'on va faire ce soir. On a un ordre de la Chambre jusqu'à 21 heures et il y a deux groupes à entendre.

(Suspension de la séance à 18 h 16)

(Reprise à 18 h 17)

Le Président (M. Garon): Alors, la commission reprend ses travaux. Voici le dilemme que nous avons. Il est 18 h 20. Nous avons deux groupes: l'Association des eaux souterraines du Québec qui était convoquée pour 17 h 30 et, à 20 heures, l'Association des manufacturiers du Québec. Alors, comme l'ordre de la Chambre est de siéger jusqu'à 18 h 30 et de 20 heures à 21 heures, à moins d'un consentement pour aller jusqu'à 22 heures, ce qui était prévu initialement, mais comme il y a eu un désistement à 21 heures puisqu'il y a des gens qui avaient été convoqués sans être consultés et qui ne pouvaient pas venir à 21 heures - ils ont dit qu'ils ne pouvaient pas venir à 21 heures... Indépendamment du président, parce que le président n'est pas d'accord. On consulte avant de convoquer. Il fait partie des gens qui pensent que le Parlement peut faire bien des choses, mais qu'il y a des choses qu'il ne peut pas faire. Alors, je veux savoir ce dont vous convenez.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On pourrait, s'il y a entente avec l'Opposition, et je le dis à titre de suggestion, entendre le mémoire, revenir en prenant 10 minutes de chaque côté pour les questionner, si les gens sont disponibles et nous accordent... On va le faire en deux temps...

M. Lazure: Si je comprends bien, M. le Président...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...et raccourcir un peu le temps de l'Association des manufacturiers. Moi, dans les circonstances, j'ai un agenda qui est pris dans le béton.

M. Lazure: Notre proposition, c'est de commencer maintenant, d'entendre le mémoire puis de continuer...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si ça va, il faut le faire...

Le Président (M. Garon): On va suspendre à 18 h 30.

M. Lazure: ...de continuer à...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne veux pas enlever le momentum.

M. Lazure: Oui, c'est ça, jusqu'à 18 h 30, puis continuer à 20 heures? C'est ça. Je suis d'accord. Ça va.

Le Président (M. Garon): Donc, nous appelons les représentants de l'Association des eaux souterraines du Québec, MM. Doyon et Rousseau. J'ai compris que M. Orner Rousseau est vice-président exécutif de l'APCHQ et le porte-parole. Alors, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent. Vous avez normalement 20 minutes pour présenter votre mémoire, normalement 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'Opposition, mais je vous dis d'avance que nous allons suspendre à 18 h 30 pour reprendre à 20 heures.

Association des eaux souterraines du Québec

M. Rousseau (Orner B.): M. le Président, merci. Mon nom est Orner Rousseau. Je suis le vice-président exécutif de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec. Évidemment, vous ne voyez pas mon nom apparaître là puisque, effectivement, l'Association des eaux souterraines du Québec est une association affiliée à l'Association provinciale. Alors, à mon extrême droite, j'ai l'ex-président de l'Association des eaux souterraines, M. Denis Croteau, qui est ingénieur et hydrogéologue et qui est aussi responsable du dossier de l'environnement au

niveau de cette Association; au centre, évidemment, M. Gilles Doyon, directeur du contentieux de l'APCHQ. Alors, ces deux personnes auront à défendre le dossier.

Néanmoins, je voudrais, M. le Président, si vous me le permettez, faire une brève présentation sur l'organisation parce qu'elle n'est sûrement pas connue au même titre que le Conseil du patronat, le Mouvement Desjardins et l'Association provinciale des constructeurs d'habitations. Néanmoins, je voudrais vous dire que, comme association, elle a comme mandat de protéger les eaux souterraines en termes de forage et aussi de captage des eaux. À cet égard, je dois vous dire que cette Association est affiliée chez nous depuis 1985, bien qu'elle existe depuis 1963. Depuis ce temps, évidemment, elle a pu faire reconnaître par la Régie des entreprises de construction une obligation que toute entreprise de construction qui fait du forage et du captage d'eaux souterraines soit obligée de détenir une licence d'entreprise de construction. Par ailleurs, je pense que l'Association a pu, via le ministère de l'Environnement, travailler et dialoguer sur un éventuel règlement sur la construction des ouvrages et du captage, donc des normes très précises à cet effet pour garantir la qualité des travaux et, aussi, le respect de l'environnement. Donc, je dois vous dire que cette Association compte 170 entreprises de construction en eaux souterraines et que tout passe à peu près par eux en ce qui a trait au forage et au captage des eaux. Sur ce, je demanderais aux autres intervenants de faire la présentation.

M. Croteau (Denis): Mon intervention sera assez ou relativement courte. Ça va faire plaisir à tout le monde.

Le Président (M. Garon): Voulez-vous vous Identifier?

M. Croteau: Denis Croteau. Le Président (M. Garon): O.K.

M. Croteau: Mon intervention va être assez courte. Ça va faire plaisir à tout le monde. On est une petite association et on ne représente pas beaucoup de personnes. Notre impact est quand même assez considérable à cause du nombre d'utilisateurs d'eaux souterraines au Québec. On sous-estime ça. C'est quand même assez important. Une déclaration de M. Clifford Lincoln, alors ministre de l'Environnement, dans le supplément de février 1987 de la revue Sciences et techniques de l'eau, énonçait ce qui suit: «L'importance de notre environnement, sous toutes ses facettes, n'est plus à prouver aujourd'hui. Qualité de l'environnement et qualité de vie sont des valeurs indissociables qui doivent faire l'objet d'une protection acharnée et quotidienne. Bien sûr, nous sommes entourés de richesses naturelles qui font de nous des privilégiés, l'eau étant plus abondante. Pour le constater, nous n'avons qu'à songer aux populations du tiers monde pour qui la recherche de l'eau est un travail de tous les jours. «Mais cette abondance ne doit pas nous faire perdre de vue la fragilité de cette ressource. L'eau est constamment menacée par de nombreuses sources de pollution, et ce, depuis des décennies. Il faut aujourd'hui restaurer cette dégradation, mais surtout travailler pour qu'elle ne se poursuive pas. En effet, la protection de l'eau, comme la protection de l'environnement, passe par la protection et la conservation.»

Agréé d'emblée par l'Association des eaux souterraines du Québec, cet énoncé prend toute son importance et toute sa consistance lorsqu'on se réfère aux statistiques publiées à l'émission «Le Point», à Radio-Canada, le 5 septembre 1989.

En effet, selon les données recueillies, 1 200 000 personnes s'approvisionnent en eau potable en puisant de l'eau au Québec. En d'autres termes, quelque 20 % de la population ont recours à un puits artésien pour leur approvisionnement en eau potable. Ces mêmes statistiques nous apprennent que jusqu'à 80 % des gens formant la population de certaines localités au Québec puisent également leur eau potable. Toujours selon les mêmes données, il se creuse, en moyenne, 15 000 puits artésiens par année au Québec. Voilà affirmée, en quelques lignes, toute l'importance qualitative et quantitative des eaux souterraines au Québec. Ce n'est qu'à titre d'experts de premier plan dans ce domaine, conscients de l'importance de la ressource, que les représentants de notre Association suivent révolution de la législation et de la réglementation du ministère de l'Environnement au regard de tout ce qui concerne les eaux souterraines.

M. Doyon (gilles): voilà, m. le président, mon nom est gilles doyon. alors, d'emblée, avant de commencer, l'optique dans laquelle on intervient est la suivante. d'abord, nous sommes une association qui représente les intervenants de première ligne dans le domaine du forage et du captage des eaux souterraines; c'est le gagne-pain des membres de cette association-là et, en même temps, c'est une ressource très importante.

L'autre volet de l'optique de notre intervention, c'est que, dans le passé, nous avons, depuis de nombreuses années, tenté de régler certaines situations avec le ministère. Nous ne jetons pas de blâme ou quoi que ce soit, sauf que nous avons constaté avec le temps que traiter avec un ministère et traiter avec un office ou une régie, il y a des différences. Alors, quant à nous, quant à l'article 1, nous nous déclarons en accord avec le principe de la création d'un office de protection de l'environnement. Les raisons, c'est que, premièrement, on parle d'une indépendance, même si elle est relative, mais qui, quand même, donne à un tel

organisme une liberté d'action que l'on trouve plus appropriée pour la réalisation des objets qu'on lui donne. Deuxième élément, c'est qu'un tel organisme est apolitique et apolitisé dans sa création, normalement, donc qu'un tel organisme évite au ministre d'avoir à trancher entre l'intérêt public et les intérêts privés. Aussi, habituellement, un tel organisme - on pourra se référer tantôt à d'autres - est constitué de gens qui possèdent l'expertise, qui en sont membres puisqu'ils sont des experts dans le domaine, donc qui sont plus en mesure d'intervenir, d'appliquer et de réaliser leurs objets d'une façon souple et efficace. Malgré tout, ce n'est pas parce qu'on crée une régie ou un office qu'il n'a pas à répondre comme tel de ses faits et gestes devant le ministre.

Alors, contrôle, surveillance et application de la législation et de la réglementation spécialement pour un office comme ça, nous nous déclarons en faveur de la création d'un tel organisme. Nous nous référons ici, en particulier... J'ai dit, tantôt, qu'on a eu à traiter longtemps avec le ministère pour certains problèmes, entre autres, comme organisation. Comme M. Rousseau en a fait mention tantôt, nous avons réglé ou on pense, du moins, avoir réglé le* volet de la protection du consommateur qui transige avec des gens qui sont des entrepreneurs dans le domaine du captage des eaux souterraines. Alors, de la main gauche, nous avons une situation qui est, comme telle, sous contrôle, mais, de la main droite, nous avons besoin d'un règlement pour que ces gens-là qui font du captage et du forage en eaux souterraines ne fassent pas n'importe quoi ou n'utilisent pas n'importe quel matériel. C'est dans cette optique-là qu'on vous disait, au début, qu'on a besoin d'un office de protection de l'environnement.

L'exemple qu'on peut vous donner, c'est qu'on a, au niveau de ministère du Travail, une régie, autrefois connue comme la Régie des entreprises de construction du Québec, qui s'appelle maintenant la Régie du bâtiment. Je pense que, comme régie, elle a justement à appliquer une loi sur la qualification des entrepreneurs et sur le bâtiment. Je pense qu'on peut citer ça en exemple comme étant un organisme qui fonctionne et qui est quand même respon-sai 'e. On peut vous dire, comme association, que, lorsqu'on a eu, à un moment donné, des problèmes à régler, ça s'est réglé plus vite avec un organisme dont les fonctions précises sont d'appliquer une loi que de commencer à faire le tour d'un ministère.

À l'article 3, il est prévu que l'Office sera composé de neuf membres. Alors, on dit au ministre, en passant, qu'étant l'Association qui représente le domaine des eaux souterraines et qui a fait ses preuves dans le passé comme ayant fait ses devoirs et ayant appris ses leçons, à ce moment-là, on vous suggère l'Association comme étant l'un des neuf membres qui devraient composer l'Office.

À l'article 18, on parle des fonctions qui seront conférées à l'Office. Alors, à l'instar d'un petit peu de nos prédécesseurs ici, à la table, nous aussi, on pense qu'en termes de fonctions et d'objets qui seront dévolus à l'Office ça ne nous paraît pas clair. Dans notre compréhension à nous, quand on lit la Loi sur la qualité de l'environnement et les autres lois et que l'on prend connaissance du projet de loi 412, quant à nous, il y a des zones grises. Quelles seront les ¦fonctions précises de l'Office et en vertu de quelles dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement ou d'autres lois il sera clairement défini que ces fonctions-là appartiendront ou non à l'Office? C'est ça qu'on recommande au ministre de clarifier dans son projet de loi.

Le paragraphe 7° de l'article 18 prévoit que l'Office doit publier ou autrement diffuser les données statistiques qu'il va accumuler.

Nous, comme association, nous avons des membres qui doivent, en vertu de la réglementation actuelle, transmettre au ministère de l'Environnement ce qu'on appelle des rapports de forage, chaque fois qu'un de nos membres oeuvre pour le forage d'un puits artésien. On sait que le ministère tient à ces rapports de forage là et on sait pourquoi. Il a besoin de connaître la composition, la configuration, la caractérisation des sols où on travaille. Nous, on a souvent, comme association, à inciter nos membres à s'occuper de transmettre ces rapports-là et à le faire avec exactitude. On peut vous envoyer une avalanche de rapports, mais, si n'importe quoi est écrit dedans, ça ne vaut pas cher. Donc, comme association, on appuie ça, mais on veut ce qu'on appellerait un retour sur l'information. Donc, on est d'accord avec cette disposition-là et on veut peut-être même la faire renforcer à l'effet que l'Office, en retour, doit transmettre ces informations aux membres et aux entrepreneurs qui en ont besoin dans le cadre de leur travail quotidien.

L'autre article, le huitième paragraphe...

Le Président (M. Garon): Comme il est 18 h 30 et que l'heure est arrivée d'ajourner nos travaux, nous continuerons à 20 heures. Nous suspendons les travaux de la commission jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 31)

(Reprise à 20 h 11)

Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Comme vous étiez en train de faire votre exposé et que vous n'aviez pas terminé, si vous voulez le continuer.

M. Doyon (Gilles): Oui, M. le Président. Nous étions rendus à la page 17 de notre mémoire concernant l'article 20 du projet de loi qui prévoit que l'Office pourra déléguer au président ou à une autre personne nommément désignée certaines fonctions spécifiques relatives aux certificats et permis. Alors, sous réserve qu'un droit d'appel soit clairement établi dans la loi, nous sommes d'accord avec cette disposition parce que, d'une part, une personne ainsi désignée constitue un interlocuteur direct pour les intervenants requérant un permis ou une autorisation, et c'est souvent pratico-pratique, si on peut dire, et que d'autre part, une telle personne, identifiée et connue par l'ensemble des intervenants, se doit d'agir avec diligence et compétence dans ses dossiers, sinon elle doit répondre de ses actes.

La page suivante. À l'article 22, dans le cadre de ses fonctions, l'Office pourra conclure une entente. Alors, on s'identifie, l'Association, comme étant un groupe vraiment représentatif du domaine des eaux souterraines au niveau du forage et du captage des eaux souterraines et, encore une fois, nous proposons au ministre que notre Association soit approchée; nous proposons notre collaboration pour toute question d'assistance ou de délégation de quoi que ce soit au niveau des ententes qui pourraient être conclues.

Quant au dernier article, à la page 19, c'est une question essentiellement juridique. C'est tout simplement que cet article prévoit que, tant qu'une décision n'a pas été inscrite en révision ou en appel, l'Office ou la personne ayant été déléguée peut reconsidérer sa décision. Comme procédure, c'est très souple de fonctionnement, c'est simple et efficace et, en outre, ça permet en tout temps de revoir une décision et en simplifiant la procédure. Cependant, une interrogation nous vient par le libellé même de l'article lorsqu'il dit: «Tant que...» Une fois les délais d'appel expirés, mais que la personne ou l'Office pourra décider de reconsidérer, est-ce qu'il pourra quand même le faire ou non? Il s'agirait de préciser à ce stade-là qu'il y a un délai ou des modalités à suivre pour reconsidérer sa décision, sinon ça pourrait mettre en péril certaines situations, certaines décisions déjà prises et au préjudice de la personne concernée par l'autorisation, le certificat ou le permis.

Alors, en conclusion, notre mémoire appuie l'idée de la création d'un office de protection de l'environnement du Québec, mais sous réserve qu'il soit constitué et doté de fonctions, de pouvoirs et d'objets précis parce que, quant à nous, à la lecture que nous faisons de la loi, ce n'est pas clair et net à ce niveau-là. Nous recommandons que l'Association des eaux souterraines soit consultée et représentée par un membre désigné au sein de l'Office à être créé et qui va regrouper neuf personnes; que l'un des mandats de l'Office consiste spécifiquement à surveiller l'application de toute réglementation relative à la construction d'ouvrages de captage d'eaux souterraines; que l'Office soit tenu de publier ou de diffuser les données statistiques dont il disposera relativement à la composition, à la configuration et à la qualité des sols et de l'environnement et, enfin, que l'Office puisse déléguer à toute personne nommément désignée à cet effet l'exercice de certains pouvoirs relatifs aux permis, certificats et autorisations. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Doyon, M. Croteau, M. Rousseau, qui est un habitué de nos commissions parlementaires, je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite pour la qualité de votre mémoire. Je vais tomber dans le vif du sujet. Vous nous avez dit représenter 170 entreprises québécoises. S'agit-il d'entreprises de petite envergure, de moyenne envergure, de grande envergure ou un mélange de tout ça?

M. Doyon (Gilles): C'est un mélange de tout ça, M. le ministre, effectivement. Il y a des petites entreprises, mais il y a des grosses entreprises essentiellement québécoises. Il y a aussi de grosses entreprises dans le domaine industriel et commercial; si on parie de la Compagnie internationale des eaux, si on parie des Forages Saint-Lambert qui vont même à l'extérieur du Québec, à l'occasion, jusqu'en Afrique, partout. Alors, ça regroupe vraiment un mélange composite d'intervenants dans le domaine.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous avez une idée du nombre d'emplois qui sont soutenus par ces entreprises?

M. Croteau: En termes d'emplois...

M. Doyon (Gilles): Je ne sais pas si tu es en mesure de répondre à ça.

M. Croteau: ...on vient englober d'autres secteurs. On a commencé d'une façon assez restreinte. Ça englobait seulement les gens qui faisaient du forage. Depuis quelque temps, on fait intervenir les consultants, ça veut dire les gens du domaine de l'engineering plus les gens qui s'occupent des installations de pompes. Ça veut dire que, depuis quelque temps, notre nombre a probablement doublé et on veut poursuivre. À l'heure actuelle, ça doit impliquer probablement 1000 personnes, peut-être.

M. Doyon (Gilles): C'est exactement le chiffre vite fait auquel on peut arriver, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Vous êtes affiliés à l'APCHQ. Est-ce que vous êtes

également membres directement ou indirectement de l'Association québécoise des techniques de l'eau?

M. Doyon (Gilles): Non, nous ne sommes ni affiliés, ni membres comme tels de l'Association québécoise des techniques de l'eau. Nous sommes, cependant, des membres à part entière de l'Association provinciale des constructeurs d'habitations.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous nous avez fait part de votre expérience pratique ou quotidienne dans vos relations avec ministères, offices, régies, organismes. Moi, ce qui m'intéresse, comme je l'ai dit tantôt, c'est la satisfaction du client. Que le client fasse affaire avec le ministère de l'Environnement, s'il est plus satisfait de faire affaire avec le ministère de l'Environnement, je ne toucherai à rien, je vais laisser ça comme ça. Je vais dire à M. Lazure: Vous aviez raison, la population est satisfaite du ministère de l'Environnement et de faire affaire avec un ministère. Dans vos expériences, avec quels organismes gouvernementaux avez-vous fait affaire et quelle distinction faites-vous quant à la façon de faire affaire comme petite et moyenne entreprise, parfois comme grande entreprise, avec un ministère ou un organisme qui est plus autonome?

M. Doyon (Gilles): Voilà, M. le ministre, au niveau du ministère de l'Environnement, on a besoin, comme association mais comme entrepreneur oeuvrant dans le domaine, d'une réglementation minimale en matière de protection des eaux souterraines pour les gens qui interviennent en matière de forage et de captage des eaux souterraines. Depuis de nombreuses années, on a rencontré toutes sortes de personnes au niveau du ministère et, à chaque fois, il faut aller voir son supérieur qui doit aller voir son supérieur qui doit aller voir le sous-ministre. À un moment donné, on arrive au sous-ministre; on en trouve un qui, enfin, comprend notre problématique, il est d'accord avec ça, mais, à un moment donné, il est muté. Alors, on recommence. C'est un peu le problème qu'on a vécu sans, encore une fois... C'est un peu ça à tous les ministères, finalement. Et l'exemple qu'on peut vous donner, c'est qu'au i..eau du ministère du Travail vous avez un organisme, vous en avez même plusieurs, mais on peut vous citer l'ancienne Régie des entreprises de construction du Québec qui est maintenant la Régie du bâtiment. Et on trouve qu'en termes d'organisme, s'il est capable de prendre ses responsabilités, s'il est capable d'appliquer une loi et, s'il le faut, de faire des recommandations au ministre pour modifier les lois lorsqu'elles ne sont pas applicables... D'un autre côté aussi, lorsque vous avez un problème comme intervenant ou comme association représentant des intervenants, vous avez des personnes physiques en charge, avec des objets et des fonctions spécifiques. Et, à un moment donné, s'il faut se parler dans le blanc des yeux, on peut le faire et on peut y aller plus rapidement et régler les questions plus rapidement. C'est notre façon de voir la chose.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce que vous recherchez, c'est l'efficacité dans l'application des législations.

M. Doyon (Gilles): Et la simplicité aussi. Efficacité et simplicité.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de l'Opposition, saluer les gens de l'Association des eaux souterraines du Québec.

Juste un petit commentaire sur les remarques du ministre avant de vous poser quelques questions. Le ministre répète depuis quelques séances: Nous avons constaté que la population n'est pas satisfaite du ministère de l'Environnement, donc nous allons créer une nouvelle structure qui va s'appeler l'Office. Mais si, dans un an, après la création de l'Office - Dieu nous en garde, on espère que ce ne sera pas créé, cet Office-là - si le ministre s'entête et crée l'Office et qu'au bout d'un an le sondage lui montre encore que la population est insatisfaite, est-ce qu'il va créer un autre organisme?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On approche des élections...

M. Lazure: Un autre organisme? On espère que vous ne serez plus là. C'est vous qui en parlez; bien, vous m'ouvrez la porte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: On espère bien, nous autres aussi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous en parlez plus que moi.

M. Lazure: Mais, M. le Président, je pense que l'Association des eaux souterraines, je le soumets humblement, se fait peut-être un petit peu d'illusions. Il ne s'agit pas de créer un petit organisme qui va être indépendant, qui va être efficace, c'est le refrain que nous transmet le ministre, mais il s'agit véritablement d'un deuxième ministère qui va être créé, parce que, on le sait, il nous l'a dit, l'Office va absorber, va recevoir plus de 50 % des fonctionnaires actuels du ministère. Ça va être une grosse boîte. On n'a aucunement et vous n'avez aucune-

ment la garantie que ça va être plus efficace.

Maintenant, vous faites une affirmation aussi, j'aimerais m'arrêter là-dessus. Vous dites, à la page 11 de votre mémoire, qu'un des motifs de votre appui à la démarche du ministre, c'est que cet Office-là sera, et ce sont vos termes, «apolitique et apolitisé, du moins dans sa création». Quand je regarde le texte du projet de loi, ça dit bien, à l'article 3: «L'Office se compose de neuf membres, dont le président et sept autres membres nommés par le gouvernement»...

M. Doyon (Gilles): Oui.

M. Lazure: ...probablement à la suggestion du ministre de l'Environnement. Quelle garantie avez-vous que ce sera apolitique et apolitisé?

M. Doyon (Gilles): C'est pour ça, d'abord, qu'on demande, nous, comme association, parmi les neuf secteurs représentés, qu'il y ait un membre qui vienne de notre Association qui représente une ressource drôlement importante au Québec. Deuxième chose, je pense que M. le député Lazure sait mieux que quiconque que, dans tout office comme ça, dans toute régie, dans toute commission, c'est nommé par le gouvernement, c'est nommé par le ministère, par le ministre et, par la suite, ces gens-là ont des comptes à rendre. Ils ont des fonctions à remplir, ils ont des tâches et, à un moment donné, ils ont des comptes à rendre non seulement au ministre, mais aux gens pour qui ils administrent. Les choses peuvent s'ajuster assez rapidement.

En termes de grosseur, je vous parlais tantôt de la Régie des entreprises de construction devenue la Régie du bâtiment, à laquelle, récemment, on a adjoint 1600 personnes qui ont été transférées. Est-ce que ça va en faire un organisme moins efficace et moins efficient pour autant? Je ne le sais pas. Quant à moi, je pense que ça ne changera pas grand-chose. J'aurais même été tenté de vous répondre à la place du ministre, tantôt, à ce que vous disiez: Qu'ar-rivera-t-il une fois qu'il aura son Office et que la population ne sera toujours pas contente? Bien, j'aurais répondu une objection à ça: C'est une question hypothétique.

M. Lazure: Ah! vous auriez pu vous en sortir...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: ...si vous aviez été un invité, mais pas si vous aviez été un ministre, par exemple.

Mais, M. le Président, c'est sûr, c'est normal que ce soit le gouvernement qui nomme les membres; ce n'est pas là-dessus que j'en ai. C'est votre affirmation, votre supposition que ce sera un groupe apolitique et apolitisé. Quand on connaît le ministre de l'Environnement surtout, ce serait étonnant qu'il amène son gouvernement à faire des nominations apolitiques et apolitisées.

Dans un autre ordre d'idées, vous demandez d'être représentés au conseil d'administration. Bon. Bravo! Mais avez-vous une idée du nombre d'associations comme la vôtre qui demanderaient une telle chose? Combien de sièges y aurait-il à ce moment-là?

M. Doyon (Gilles): Évidemment, auriez-vous une idée aussi de ceux qui ne seraient pas capables de croire en ce qu'ils représentent, en ce qu'ils prennent comme responsabilités, qu'ils font leur devoir, qui ne sont pas capables de croire assez en eux-mêmes et qui disent que, nous, on ne devrait pas être là? C'est dans cette optique-là qu'on le fait, M. le député. Je pense que c'est de bonne guerre et on va y tenir à ce poste-là. Mais, évidemment, on ne peut rêver en couleur, on sait qu'il doit y en avoir peut-être 72. On ne le sait pas.

M. Lazure: Dans un tout autre ordre d'idées, vous êtes des gens préoccupés par l'eau, la gestion de l'eau, la qualité de l'eau. Je pense que c'est l'Association québécoise des techniques de l'eau, l'AQTE...

M. Doyon (Gilles): Oui.

M. Lazure: ...qui nous a entretenus, l'autre jour, d'un système de gestion qui existe en Europe beaucoup, notamment en France, la gestion par bassins, autrement dit, des agences. Prenons un modèle semblable aux municipalités régionales de comté ou à des régions plus grandes, mais certaines agences qui se voient investies par le gouvernement du pouvoir et de la responsabilité de gérer des bassins d'eau. Est-ce que vous avez des idées, des opinions sur cette formule de gestion de l'eau?

M. Doyon (Gilles): Je vais laisser M. Croteau répondre à ça.

M. Croteau: En fait, on n'est pas si optimistes que ça pour débuter. On espère avoir seulement... Toutes nos démarches auprès du ministère de l'Environnement depuis bon nombre d'années se sont butées... On n'a pas eu grand-chose. Je pense que, pour partir, pour répondre vitement à votre question, on n'en espère pas tant, d'autant plus que ça fait... Quand vous parlez de gestion de bassins, vous impliquez beaucoup les autres surfaces. Il y a d'autres intervenants de poids aussi qui sont peut-être plus importants que nous autres en ternies de masse, mais vous dire qu'on a eu des visées, non.

M. Doyon (Gilles): Pour compléter aussi ce que M. Croteau dit, ce qu'on en a su, en particulier de la France, c'est que, justement, les nappes phréatiques, souterraines sont drôlement

contaminées à certains endroits, même que des agriculteurs ne sont même pas capables de se servir de l'eau pour laquelle ils ont fait forer des puits. Évidemment, c'est peut-être suite à ça, ce genre d'organisme là ou de structure là qui est mis en place, qu'on se pose la question: Qu'est-ce qu'on fait, premièrement, pour régler ce problème-là et, deuxièmement, pour mettre les choses en application? Quant à nous, on n'a pas de...

M. Lazure: Est-ce que vos membres ont l'impression qu'il y a une augmentation des demandes pour puits artésiens, pour creusage de puits, dans l'ensemble du territoire? Vous parlez d'à peu près 20 % de la population qui s'alimente de cette façon-là?

M. Doyon (Gilles): Oui, c'est ça.

M. Lazure: Est-ce que c'est en augmentation, ce pourcentage-là, ou en baisse ou stable?

M. Doyon (Gilles): Le pourcentage qu'on connaît, quant à nous, peut-être que M. Croteau pourra me corriger, c'est que ça se maintient d'année en année, sauf qu'il y a une partie à laquelle on ne fait jamais référence, évidemment, c'est ce qu'on appelle les compagnies qui puisent l'eau à gros débit pour vendre de l'eau de source, qu'on appelle, Labrador, à titre d'exemple.

M. Croteau: Nos interventions sont fonction des décisions politiques qui sont prises. on a eu un effritement du marché par le zonage agricole; en fait, c'est un des gros compétiteurs qu'on a eus. il reste qu'il y a un certain équilibre. la demande est relativement constante, certainement pas croissante.

M. Lazure: Merci.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Juste une question...

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...suite à une réponse que vous avez donnée au député de i Apposition, vous avez dit que vous avez eu un effritement du marché suite au zonage agricole.

M. Croteau: Ce qui arrive, c'est que le fait que vous interdisiez la construction domiciliaire...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): En zone verte.

M. Croteau: ...en zone agricole, vous venez de couper tout ça. Si, à cause de l'étalement urbain, vous interdisez complètement la construction à l'extérieur des zones urbaines déjà existantes, en fait, vous abolissez ça complètement. Si les petites municipalités ne peuvent plus croître... Parce que, nous autres, on tire nos revenus d'un genre de débalancement des villages; il se forme un équilibre, puis, finalement, s'il y a des afflux de population qui vont là, ça débalance le système et, là, ils en ont besoin de plus. Il y a des places comme la ville de Montréal où ils en ont peut-être besoin de moins, Ils en ont beaucoup. Ça dépend, on est fonction des grandes décisions prises par le gouvernement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): De façon à vous éclairer, pour répondre à une de vos questions sur le partage des responsabilités entre l'Office et le ministère comme tel, dans le but d'accélérer le débat, on a un tableau de préparé; on vous le fait circuler. Si vous avez des commentaires, même après la commission parlementaire, vous les faites parvenir au ministère, pour le moment.

M. Lazure: C'est un tableau pour ceux qui sont d'accord avec le projet.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je l'ai donné à peu près à tous les intervenants, dont à vous, à moins que vous ne soyez tombés d'accord tout à coup.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Non, non. Vous essayez de me séduire, mais ça ne réussira pas.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Dufour est parti avec sa copie.

Une voix: Ce n'est pas sûr qu'il va comprendre.

Une voix: Tu parles de qui, là?

Le Président (M. Garon): Alors, je voudrais remercier les...

Une voix: De mon ami, Francis.

Le Président (M. Garon): II faudrait éviter de vous éparpiller parce que, après ça, on va manquer de temps et on va se demander pourquoi. Je remercie les gens de l'Association des eaux souterraines du Québec d'être venus rencontrer les membres de la commission pour leur faire part de leur point de vue. Je suspends les travaux pendant quelques instants, le temps pour l'Association des manufacturiers du Québec de s'approcher à la table.

(Suspension de la séance à 20 h 29)

(Reprise à 20 h 30)

Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous reprenons avec l'Association des manufacturiers du Québec. Je demande à M. Le Hir, vice-président et directeur général de l'Association des manufacturiers du Québec, de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Normalement, pour présenter votre mémoire, vous avez 20 minutes. Il y avait une heure de prévue pour votre temps devant la commission. Maintenant, je vais avoir un problème, puisqu'il est 20 h 30 et que l'ordre de la chambre, c'était jusqu'à 21 heures. pour continuer au-delà de 21 heures, je vais avoir besoin d'un consentement de part et d'autre. alors, comme il est prévu 20 minutes, ensuite 20 minutes pour le parti ministériel et 20 minutes pour l'opposition, je ne traverserai pas le pont avant d'y être rendu. alors, vous avez 20 minutes puis, après ça, on verra quand ii sera 21 heures.

Association des manufacturiers du Québec

M. Le Hir (Richard): Merci, M. le Président. J'aimerais tout d'abord vous présenter mes collaborateurs: M. Claude Chomski, le président de notre comité de l'environnement, qui est également le directeur de l'environnement pour la société Pratt & Whitney Canada; M. Éric Hubar Meunier, qui est le directeur des analyses et qui, en collaboration avec les membres du comité, a élaboré le mémoire que nous vous avons soumis.

L'Association des manufacturiers du Québec remercie tout d'abord le gouvernement pour l'occasion qui lui est donnée de présenter son point de vue sur le projet de loi 412 portant sur la création de l'Office de protection de l'environnement du Québec. En effet, ce projet de loi pourrait modifier substantiellement l'organisation et les responsabilités du MENVIQ et avoir un impact important sur la nature des relations entre nos membres et le gouvernement en matière d'environnement. De plus, ce projet de loi pourrait avoir des incidences importantes sur les coûts qu'auront à supporter les manufacturiers.

L'AMQ tient à souligner qu'elle a toujours privilégié les mécanismes qui favorisent la consultation et, dans la mesure du possible, la concertation entre les différents intervenants de manière à instaurer au Québec un régime réglementaire et administratif efficace qui permettra d'atteindre un développement durable et d'améliorer la compétitivité des manufacturiers. C'est dans cette perspective que nous soumettons ce mémoire à la commission de l'aménagement et des équipements.

La proposition du ministre de l'Environnement de créer l'Office de protection de l'environnement est une autre des multiples tentatives de réforme de la structure du ministère ayant pour but, entre autres et peut-être prin- cipalement, de réduire ou d'éliminer les tensions notoires entre, d'une part, les unités centrales responsables de l'élaboration des politiques et des orientations générales et, d'autre part, les unités régionales chargées des fonctions opérationnelles et exécutoires.

L'expérience des manufacturiers relativement aux périodes de transition souvent pénibles qui ont accompagné les réorganisations répétées du MENVIQ les force à examiner cette dernière tentative dans une perspective d'efficacité. En somme, les manufacturiers se demandent si la création d'un office de protection de l'environnement contribuera véritablement à une application plus rigoureuse des lois et règlements, ce que nous reconnaissons d'emblée comme étant essentiel, et si elle permettra de résoudre les problèmes maintes fois identifiés du régime réglementaire et administratif québécois en matière d'environnement ou, au contraire, si elle contribuera à les accentuer ou même à en créer de nouveaux.

Ce mémoire se voulant le plus concis possible, nous nous contenterons ici d'identifier et de décrire brièvement les principaux problèmes du régime actuel en matière de gestion de l'environnement. Ces problèmes ont été maintes fois soulignés et expliqués par l'Association des manufacturiers du Québec dans de nombreux mémoires présentés devant cette commission ou soumis au ministère de l'Environnement. Nous pouvons les identifier comme suit.

Tout d'abord, les lois et règlements sont parfois confus et inapplicables et peuvent être même des obstacles majeurs à la récupération, au recyclage, à la réutilisation et à la revalorisation énergétique.

Deuxièmement, par surcroît, ces lois et règlements sont souvent de nature discrétionnaire et donnent lieu à des interprétations différentes entre les différentes administrations régionales du MENVIQ.

Troisièmement, le ministère procède souvent par directives, parfois confidentielles, qui n'ont aucune valeur juridique. Si certaines d'entre elles peuvent être nécessaires dans certains cas, leur multiplication indue conjuguée aux problèmes d'harmonisation dans l'interprétation des lois et règlements en région engendre des difficultés additionnelles surtout quand ces directives ne sont pas connues des intervenants qu'elles visent.

Les lois et règlements sont souvent développés en vase clos et sans consultation avec les entreprises visées. L'absence de consultation à un stade qui permettrait d'incorporer les préoccupations des entreprises et de tenir compte de leurs contraintes opérationnelles engendre des difficultés d'application et favorise la multiplication d'exigences tatillonnes à teneur bureaucratique qui ne contribuent en rien à améliorer la performance environnementale de l'entreprise, mais qui contribuent directement à augmenter les coûts que doivent supporter les manufacturiers

et à surcharger les effectifs du ministère.

Cinquièmement, plusieurs dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement ne sont pas encore en vigueur et plusieurs règlements sont tout simplement inexistants bien qu'ils soient identifiés et requis par la loi. Au lieu d'établir des priorités et de mener à terme les divers outils législatifs déjà prévus dans la loi, le ministère continue de multiplier les versions de plusieurs projets de règlements qui, bien qu'ils soient légitimes et nécessaires, sont à leur tour laissés en suspens. Il est donc devenu très difficile sinon impossible d'évaluer quels seront les impacts cumulatifs de ces dispositions et règlements sur la charge administrative des entreprises, sur les niveaux d'immobilisation qui seront requis et selon quel échéancier ils devront être implantés. Les impacts financiers sont d'autant plus difficiles à évaluer que les projets de lois et de règlements sont très rarement accompagnés d'études d'impact économique.

Sixièmement, le manque de ressources en équipement et en personnel au MENVIQ, provoqué en partie par la multiplication des exigences réglementaires et administratives, multiplication qui, dans bien des cas, pourrait être évitée, est un obstacle additionnel à l'application rigoureuse des lois et des règlements.

Septièmement, les manufacturiers sont confrontés aux nombreuses difficultés engendrées par la multiplicité des organismes environnementaux fédéraux, provinciaux et municipaux avec lesquels ils doivent interagir et par les nombreuses exigences législatives et administratives de ces organismes, exigences qui tendent à se multiplier, à se juxtaposer et à ne pas être harmonisées.

Huitièmement, les manufacturiers sont aux prises avec des délais administratifs considérables particulièrement dans le cadre des émissions de certificats d'autorisation. De plus, les exigences pour leur obtention varient substantiellement d'une région à l'autre et peuvent être même modifiées en plein milieu d'un projet. Cette situation engendre des problèmes majeurs de planification et peut même remettre en cause la viabilité de certains investissements, incluant des investissements visant la protection de l'environnement.

Les problèmes identifiés dans la section piteédente sont importants. Ils rendent difficile l'application rigoureuse des lois et règlements, compliquent les décisions d'investissement et alourdissent la charge administrative des entreprises. Ils augmentent les coûts que doivent supporter les manufacturiers, coûts qui, dans bien des cas, ne contribuent pas à améliorer leur performance environnementale et qui pourraient et même devraient être évités. Si le Québec veut se doter d'un régime environnemental efficace qui favorisera l'atteinte du développement durable, ces problèmes doivent être corrigés. Il s'agit maintenant de voir si la création de l'Office de protection de l'environnement apporte des solutions.

Le rôle principal de l'OPEQ serait de voir à l'application plus rigoureuse des lois et règlements en vue d'assurer la protection de l'environnement. Si l'AMQ a toujours été en faveur d'une application rigoureuse des lois et règlements et a d'ailleurs maintes fois suggéré que les effectifs du MENVIQ soient renforcés à cet égard, il n'en demeure pas moins que le problème fondamental qui empêche la réalisation de cet objectif demeure plein et entier.

En effet, tant et aussi longtemps que les lois et règlements demeureront confus, sujets à interprétation et qu'ils seront élaborés en vase clos sans prendre en considération les contraintes opérationnelles des entreprises, ils demeureront difficiles ou impossibles à appliquer. Or, le projet de loi 412 n'apporte aucun élément de solution à ce problème fondamental. Dans cette perspective, nous croyons qu'il est illusoire de s'attendre à ce que l'OPEQ soit plus efficace que le ministère de l'Environnement dans sa forme actuelle.

Ensuite, la création de l'Office de protection de l'environnement rendra encore plus complexe la structure du régime réglementaire et administratif québécois, augmentera encore le nombre d'organismes avec lesquels les entreprises devront interagir, contribuera à multiplier les exigences administratives et réglementaires et entraînera inévitablement le chevauchement de juridictions. Cette dynamique se traduira inévitablement par des coûts additionnels pour les manufacturiers.

De plus, en attribuant à l'OPEQ le pouvoir de gérer des demandes d'autorisation, d'approbation, de certificat d'autorisation ou de conformité, d'attestation et de permis découlant des lois qu'elle administrerait, le gouvernement déléguerait ses responsabilités en matière d'encadrement du développement industriel à un organisme dont les administrateurs ne sont pas élus par la population et ne sont donc pas redevables. Cette situation serait d'autant plus problématique que les membres de l'Office proviendraient de milieux fort différents et qu'un seul membre, ou peut-être deux, sur neuf serait chargé de représenter tout le milieu des affaires. À cet effet, il serait absolument nécessaire que les manufacturiers, qui sont les premiers à être visés, soient représentés équitablement au sein de l'OPEQ.

Les décisions visant l'ensemble des permis d'opération, de construction et de développement seraient donc issues d'un processus d'arbitrage complexe, ce qui ne peut qu'allonger les délais déjà trop longs auxquels sont confrontés les manufacturiers. Par surcroît, les délais dans les émissions des certificats d'autorisation pourraient être allongés davantage car le ministère serait toujours responsable de l'émission des certificats d'autorisation reliés aux études d'impact.

En résumé, nous pouvons conclure que la création de l'OPEQ ne contribuera en rien à régler les problèmes du régime actuel. S'il est une chose, elle les accentuerait à bien des égards.

En plus d'exacerber les problèmes actuels, la création de l'Office de protection de l'environnement risque d'en créer de nouveaux. Tout d'abord, la création de l'Office de protection de l'environnement aurait pour effet de séparer formellement les responsables de l'élaboration des lois et des règlements des responsables de leur application. Elle aurait également pour effet d'éloigner davantage les concepteurs des lois et règlements des entreprises qui devront y être assujetties.

La structure actuelle du MENVIQ permet, même si elle est inefficace à cet égard, un minimum de concertation entre les niveaux centraux et régionaux du MENVIQ. Cette concertation, aussi faible soit-elle, est essentielle. En effet, les lois et règlements, pour qu'ils soient applicables et efficaces, doivent tenir compte des contraintes économiques et techniques des entreprises et de la sensibilité relative des milieux récepteurs.

En séparant complètement la fonction d'élaboration de la fonction d'application, on risque de favoriser davantage des lois et des règlements qui correspondent peu ou pas à la réalité sur le terrain. L'applicabilité des lois et règlements n'en serait que diminuée.

De plus, les lois et règlements actuels étant souvent confus et sujets à interprétation, il est essentiel qu'un lien étroit soit maintenu entre le législateur et les responsables de l'application des lois et règlements de manière à assurer le respect de l'esprit de la loi et, ainsi, limiter le recours systématique aux tribunaux.

Le projet de loi 412 pourrait aussi favoriser une judiciarisation excessive du régime réglementaire. Bien que le processus de révision et d'appel puisse sembler intéressant au premier coup d'oeil, un examen plus approfondi nous force à tirer des parallèles qui soulèvent plusieurs préoccupations.

Le processus de révision et d'appel proposé ressemble étrangement au processus employé par la CSST. Or, les manufacturiers sont les premiers à reconnaître que ce processus cause de sérieuses difficultés. En effet, les révisions de décisions à la CSST prennent en moyenne six mois et, quand ces révisions sont portées en appel, on peut compter des délais additionnels d'une ou deux années avant qu'une décision finale soit rendue. Bien que le projet de loi fasse référence à l'article 101, à l'obligation de rendre la décision de révision avec diligence, cette disposition ne nous permet pas de conclure d'emblée que les décisions pourront être rendues dans des délais raisonnables. Ce risque est d'autant plus Important que l'article 100 prévoit que «le comité de révision peut rendre toute décision provisoire dans l'intérêt de la protection de l'environnement» et que «cette décision est sans appel et a effet jusqu'à ce que la décision en révision soit exécutoire». Considérant que le critère de «l'intérêt de la protection de l'environnement» peut avoir une portée considérable, il est facile de voir les nombreuses difficultés que pourrait engendrer ce processus s'il n'est pas encadré par des délais précis définis dans la loi.

De plus, l'expérience de nos membres ayant des usines aux États-Unis, et donc familiers avec une approche judiciaire rigide, nous porte à croire que l'application des exigences réglementaires dans un tel régime devient litigieuse et compliquée et que la gestion des dossiers environnementaux repose plus souvent entre les mains des avocats qu'entre les mains de spécialistes en environnement, ce qui donne comme résultat qu'on passe plus de temps à ergoter sur des technicalités juridiques qu'à résoudre des problèmes environnementaux.

Le projet de loi 412 est remarquablement dénué de toute référence quant à son impact économique sur les manufacturiers. En effet, P faut examiner la note du Secrétariat à l'aménagement, au développement régional et à l'environnement pour apprendre que l'Office de protection de l'environnement compte aller chercher, d'ici cinq ans, au moins 76 000 000 $ annuellement, soit 66 000 000 $ en redevances, 5 300 000 $ en tarifs pour les attestations du PRRI et 4 800 000 $ en actes administratifs. Ces sommes seraient, évidemment, acquittées par les entreprises.

Comme le souligne lui-même le Secrétariat, aucune analyse d'impact de l'imposition de redevances sur l'industrie ne semble disponible, et nous ajouterons que les redevances qui seront éventuellement requises par la CUM ne semblent pas avoir été prises en considération dans ces calculs. De plus, dans la mesure où il est probable que les redevances seraient versées au fonds consolidé de la province, les objectifs d'autofinancement de l'OPEQ sont sérieusement remis en question et il faut se demander si un tel organisme est viable.

Aussi, nous n'avons aucune indication de la structure tarifaire qui pourrait être employée dans le cadre des émissions de certificats d'autorisation. Nous savons qu'il est fréquent pour plusieurs entreprises de procéder par voie de certificat d'autorisation scindé. Les entreprises seraient-elles obligées de payer pour chaque certificat relié à un même projet?

Finalement, nous partageons les préoccupations du Secrétariat à l'effet que l'OPEQ conserverait le montant des amendes découlant des poursuites devant les tribunaux, ce qui apparaît contre-indiqué, dans la mesure où le financement d'un tel organisme ne doit pas influencer son zèle à faire appliquer les lois.

Considérant les problèmes majeurs que nous avons évoqués et les informations dont nous

disposons présentement, l'Association des manufacturiers du Québec juge que la création de l'Office de protection de l'environnement non seulement n'est pas justifiée, mais qu'elle pourrait avoir des effets tout à fait contraires à ceux recherchés en plus de constituer un obstacle de plus à l'amélioration de la capacité concurrentielle des entreprises manufacturières du Québec et à leur compétitivité.

Nous sommes toutefois disposés, comme nous l'avons maintes fois exprimé, à travailler en étroite collaboration avec le ministère de l'Environnement et d'autres intervenants pour trouver des solutions concrètes et efficaces aux problèmes que présente le cadre juridique actuel. Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, comme il est 20 h 45...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce qu'on pourrait avoir une entente? Moi, je pourrais décaler mon agenda; 15 minutes chaque, au moins, l'Opposition et le parti ministériel, si ça va au critique de l'Opposition officielle, 21 h 15.

M. Lazure: Ah oui! L'Opposition est prête à consentir à toute prolongation pour avoir un dialogue avec l'Association.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va, 21 h 15, si les membres de la commission sont d'accord qu'on établisse-Une voix: Pas de problème. Une voix: Aucun problème.

Le Président (M. Garon): Alors, M. le ministre, pour 15 minutes. (20 h 45)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je tiens à remercier l'Association des manufacturiers canadiens d'avoir pris le temps de présenter un mémoire qui est étoffé, qui renferme plusieurs vérités, quelques inexactitudes sur lesquelles j'Insisterai.

Je vais peut-être commencer en suivant l'ordre que vous avez choisi, pour suivre votre scénario. À la page 2, vous dites: «La création d'ur office de protection de l'environnement est-elle une réorganisation nécessaire du MENVIQ?» Vous parlez des multiples tentatives de réforme de la structure du MENVIQ, de tensions notoires à l'occasion... L'historique qui m'a été fourni du MENVIQ, lorsque j'y suis arrivé il y a deux ans, ne m'indiquait pas cette problématique, c'est-à-dire que le ministère avait, à l'époque, huit ans et qu'il avait été construit un petit peu crise après crise. Chaque fois qu'il arrivait une crise, on ajoutait une direction, etc., un organigramme qui faisait en sorte que le secteur industriel important que vous représentez avait à peu près 28 portes d'entrée et 28 portes de sortie, un labyrinthe, dans un sens effrayant et dans un sens rassurant pour l'industriel, en ce sens que, s'il se faisait dire non dans une porte, il pouvait retourner ailleurs, mais il fallait qu'il soit organisé pour les trouver, les 28 portes. S'il n'était pas organisé pour les trouver, c'était un labyrinthe où il se perdait et l'économie perdait du temps, la création d'emplois perdait du temps au Québec.

J'ai tenté une réorganisation administrative à l'horizontale, qu'on appelle, comme vous feriez dans une entreprise privée: trois principales sources de pollution, secteur municipal, secteur industriel et secteur agricole, de façon à ce que votre clientèle, qui est la nôtre aussi, puisse s'adresser à une porte d'entrée et avoir une réponse. Ça, c'était à l'horizontale.

Sur le plan du fonctionnement, vous conservez - et nous les avons renforcis au cours des deux dernières années - les bureaux régionaux dans chacune des régions administratives, si bien que l'industriel se présente au bureau régional avec sa demande. Aussitôt que ça devient un petit peu plus complexe que ce à quoi le fonctionnaire régional s'attend, il réfère le dossier au central, dans la division de M. Marsan, que vous connaissez bien, chez nous, tant et si bien que la résultante que vous déclarez un petit peu plus loin a abouti à ça, il ne sait plus à quoi s'en tenir, il ne sait plus à quel saint se vouer; son collègue, dans une autre région, a eu un permis dans des circonstances comme ça et lui, il ne peut pas l'avoir parce qu'il est dans une région qui est autre, etc. Ça, c'est une problématique qui ne me satisfait pas comme ministre de l'Environnement. Si on a une commission parlementaire, si on a un projet de loi, c'est que je suis à la recherche de solutions qui peuvent simplifier, pour la clientèle du ministère, le processus de fonctionnement. On a écouté les doléances des industries, on a écouté les doléances des agriculteurs, on écoute les doléances d'à peu près n'importe qui, les gens nous disent: Peut-être que l'Office, ce n'est pas la solution, mais la solution, ce n'est certainement pas ce qui existe présentement parce qu'on est très mécontents de ce qui existe présentement.

Je mets la proposition sur la table et je vous dis: Donnez-nous l'opportunité d'essayer un système où, dans chacune des régions, l'Office va avoir comme fonction d'émettre les permis, de faire le suivi du permis, de faire les inspections et de travailler avec l'industrie de cette région-là. Lorsque l'industrie n'est pas d'accord, elle a un droit d'appel au central pour établir une espèce de jurisprudence uniforme, pour ne pas que les décisions de la région B deviennent les décisions contraires à la région C, pour que ça s'établisse au niveau de la province de Québec et pour dégager le ministère. Parce que vous avez raison de le souligner, notre réglementation, c'est un fouillis, ce n'est pas compréhensible.

Moi, je peux vous dire que les révisions de réglementation qu'on a entreprises depuis deux ans dans tous les domaines, on ne s'y retrouvait plus. Pourquoi? Parce qu'à chaque jour on est pris avec des urgences de terrain au ministère et les gens qui sont supposés, au ministère, réfléchir aux directives, aux politiques, à la réglementation et à la législation sont pris dans le quotidien; éteindre le feu d'hier et d'avant-hier. Ce qu'on tente de faire avec l'Office, c'est autant de dégager ces gens-là - ils vont demeurer quelque 800. Pour faire de la réglementation et de la législation, à 800, j'Imagine qu'il va y avoir une certaine cohésion à un moment donné ou, au moins, qu'il devrait y avoir de la production de quelque chose à un moment donné, à 800; et 800 dans les régions pour donner le suivi dans le quotidien à nos entreprises, dans le but de donner un service à notre clientèle.

Si on me dit de tout garder ensemble dans la confusion et si c'est ça que les manufacturiers réclament au Québec - c'est important pour moi l'opinion des manufacturiers - je veux dire, bon, on va continuer, mais ne vous attendez pas à ce que les urgences disparaissent demain, parce qu'on gère encore des décennies de passé, on gère aujourd'hui et on est obligés de prévoir demain en environnement, c'est ça notre mission. Si on ne partage pas nos responsabilités de façon claire sur le plan de l'organigramme ou du fonctionnement de l'entreprise, je ne peux pas voir comment, que ce soit M. Lazure qui soit ministre de l'Environnement ou que ce soit Pierre Paradis, on va s'en sortir.

M. Le Hir: Mais je pense que vous pouvez obtenir tout ça sans nécessairement créer un office. Un des problèmes que nous pose votre proposition, c'est qu'en fait vous dites: On va avoir un nouveau véhicule, un nouvel autobus. Mais où est-ce qu'on s'en va avec ça? C'est bien. On serait peut-être, à la rigueur, disposés à accepter l'idée d'un office à condition qu'on ait un cadre législatif et réglementaire qui soit clair, mais ce n'est absolument pas le cas. On veut bien avoir un office si on sait quelles lois et quels règlements il va appliquer parce qu'à ce moment-là on va savoir où on s'en va. Mais le problème à l'heure actuelle, c'est que vous nous demandez d'accepter le véhicule sans nous indiquer la destination. On n'est plus à l'âge d'embarquer dans des «nowhere».

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Votre comparaison est bonne, votre argumentation est bonne. En matière de pollution municipale, essentiellement l'assainissement des eaux, je pense qu'on commence à avoir une idée où on s'en va avec le monde municipal là-dedans. Le Programme d'assainissement des eaux a une dizaine d'années. On l'a complété cette année en y ajoutant des facettes, etc. Je pense qu'on commence à avoir une direction où on s'en va.

Ce n'est pas un «nowhere» avec le monde municipal. En matière de récupération et recyclage, c'est la même chose. Je pense que le secteur municipal est bien embrayé, qu'il y a une direction de donnée.

Le secteur agricole, c'est un véritable «nowhere». Il n'y a pas de réglementation intégrée eau-air-sol et le monde agricole se questionne: Dans quelle direction s'en va-t-on? Nous travaillons actuellement en collaboration avec le monde agricole pour la dégager.

En matière du monde industriel, je dirais que vous êtes à mi-chemfn. Vous n'êtes pas sur un «nowhere», mais vous n'avez pas une destination qui est connue non plus... qui est inconnue, excusez!

M. Le Hir: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non. M. Le Hir, vous pouvez en rire, mais si vous regardez...

M. Le Hir: Ah non! justement, on n'en rit pas, on en pleure.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...la législation ou la réglementation de la dernière année qui touche vos membres, qui touche les secteurs d'activité touchés par vos membres, vous allez commencer à découvrir une direction. Si vous ne l'avez pas vue, c'est peut-être que le tableau ne vous a pas été présenté comme tel.

Les modifications réglementaires des deux dernières années qui ont été publiées et mises en vigueur. Premier règlement: contenu en soufre dans le mazout lourd, pour que l'on continue à atteindre nos objectifs au Québec en matière de réduction des pluies acides. Je pense que ça, ça n'a pas pris personne par surprise, c'était annoncé depuis 1980 et tout le monde a souscrit à cette norme. Le monde industriel, je ne pense pas qu'il puisse prétendre aujourd'hui: On a été pris par surprise par cette mesure-là.

Règlement sur les carrières et sablières: à la demande du monde industriel, parce que le ministère de l'Environnement voulait dire aux industriels quels types de dépoussiéreurs ils devaient utiliser. Le monde industriel est venu nous voir et il nous a dit: Dites-nous les normes de poussières et on va s'arranger, nous autres, avec la mécanique. C'est dans ce sens-là qu'on a modifié le Règlement sur les carrières et sablières.

Règlement sur les neiges usées: à la demande du monde municipal, la table Québec-municipalités, l'Union des municipalités régionales de comté, l'Union des municipalités du Québec, à leur demande et en concertation avec eux et avec elles.

Règlement sur les déchets solides: à la demande de tous les intervenants, de façon à permettre aux gestionnaires de limiter les déchets solides dans leur territoire.

Règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage: à la demande du ministère de l'Environnement et de la Sécurité publique, suite à ce qui était arrivé à Saint-Amable.

Les modifications réglementaires qui sont actuellement prépubliées et en période de consultation. Règlement sur les pâtes et papiers: 75 mémoires de reçus. Actuellement, l'industrie des pâtes et papiers trouve que la réglementation du Québec est meilleure que celle qui nous est proposée par Ottawa. C'est une réglementation, et j'insiste là-dessus, qui est de rattrapage, M. Le Hir. Vous pouvez sourire, mais, si on avait eu une réglementation au Québec avant, les investissements ne se seraient pas faits en Colombie-Britannique, les emplois ne se seraient pas perdus au Québec présentement parce qu'on a été la province la plus lente dans 'toute l'Amérique à réglementer le secteur des pâtes et papiers. Les gens ont investi ailleurs et, aujourd'hui, on paie en perte d'emplois parce qu'on n'a pas eu le courage de réglementer en matière environnementale pour que les multinationales viennent investir dans la modernisation des papetières québécoises.

Premier Règlement sur les déchets biomédicaux: je pense qu'on l'a fait en concertation avec à peu près tout le monde et tout le monde est satisfait. Il entre en vigueur le 1er avril prochain.

Il y a quelques jours, la semaine dernière, on a annoncé le Règlement sur les attestations d'assainissement en milieu industriel, ce qu'on a annoncé la semaine passée. Je pense qu'il n'y a personne qui a crié au meurtre. Même, j'ai lu de vos déclarations disant: On est d'accord avec l'approche, on est d'accord avec le principe et les taux nous semblent raisonnables dans le contexte économique actuel. Je ne veux pas exagérer vos déclarations. Vous n'êtes peut-être pas allés aussi loin, mais, vu que vous ne l'avez pas décrié complètement, j'en ai déduit que l'approche était correcte.

Ce n'est pas un «nowhere» complet lorsqu'on vous donne ce tracé-là. On vous dit: L'objectif n'est pas encore aussi précis que dans le monde municipal, mais vous embarquez dans un véhicule qui a pris cette avenue. En milieu industriel, c'est le Programme de réduction des c'échets industriels et c'est également le Programme des attestations d'assainissement. C'est ça qui va être la formule. Et le véhicule, ça va être ou le ministère, ou un office, ou une régie, ou une commission. Moi, je souhaite que ce soit le véhicule le plus efficace pour donner le service le plus efficace, dans les délais les plus raisonnables, à vos membres qui veulent investir au Québec et créer de l'emploi au Québec.

M. Le Hir: Bon. Vous nous avez dressé une liste d'apothicaire, là. Je note que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce n'est pas une liste d'apothicaire, c'est une liste réglementaire adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Le Hir: Vous avez dressé une liste que vous considérez exhaustive, pour dire les choses de cette façon.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, elle ne l'est pas.

M. Le Hir: Bon. Moi, je vous dirai que, parmi les points que vous avez soulignés, il y en a, finalement, qui touchent le monde municipal. Mais ce qui touche le monde industriel, il n'y en a pas tant que ça. Je vais laisser M. Chomski, qui est ici, vous faire une petite perspective. Lui, industriel, vit le problème et il va certainement pouvoir vous illustrer la problématique telle qu'on la vit.

M. Chomski (Claude D.): M. le ministre, M le député, je pense que, si on prend l'exemple du Règlement sur les déchets dangereux qui est sorti en 1985, et il en fallait un - il n'y avait rien et ça pouvait amener une situation désastreuse - assez rapidement, le ministère, dans sa sagesse, s'est rendu compte qu'il y avait des problèmes et a fait une étude, a demandé des rapports à différents organismes, en 1986. Un superbe rapport de synthèse a été publié en 1987, puis je me souviens d'une invitation à l'Auberge Universel, en face de la pyramide où sont les bureaux du ministère, où on nous a annoncé différentes réformes qui allaient avoir lieu dans le but d'alléger certaines contraintes, dans le but de favoriser le recyclage en enlevant les entraves administratives, etc., qui devaient sortir, on nous disait, au mois de septembre 1987. Puis il ne s'est rien passé.

Au mois de mai 1988, on nous a convoqués également dans la même salle. On nous a dit: Bon, voilà ce qu'il va faire; maintenant, c'est sûr, les modifications vont sortir. Finalement, il y avait de très bonnes choses qui étaient annoncées, et: Pour quand ça va venir? Ça va venir pour le mois de septembre. En 1988, le 23 août, à Saint-Basile, est arrivé un certain incident qu'on connaît bien et, brusquement - l'un de vos prédécesseurs a peut-être paniqué - on a mis de côté les bonnes choses qui avaient été établies en concertation avec tout le monde et on a adopté, en toute panique, une modification au Règlement sur les déchets dangereux, qui a été publiée dans la Gazette officielle, sans consultation, le 14 septembre 1988, si ma mémoire est bonne, et qui, suivant la légende, aurait été écrite par un fonctionnaire qui aurait été forcé à l'écrire en une nuit. Cette modification au Règlement a plusieurs anomalies. Je n'ai pas vraiment le temps de les citer, mais on sait qu'il y a des choses anormales.

Ensuite, une commission a été formée, la

commission Charbonneau, qui a fait son rapport et qui est arrivée aussi à des bonnes choses, puis on attend, on attend. Finalement, on nous a dit, l'année dernière: Oui, on va vraiment reconsidérer toute la problématique et introduire le concept de matières dangereuses. Le concept était certainement fort bon, car il ne faut pas oublier que les matières dangereuses, qu'elles soient des déchets, sont aussi dangereuses pour l'environnement quand elles sont neuves, c'est évident. Malheureusement, le projet de loi 405 a été adopté sans aucune consultation de personne. Peut-être qu'il y avait des bonnes choses dans le projet de loi, mais on a été un peu surpris que, brusquement, il ait été adopté à toute vitesse. On vient de voir une version, qui est datée du mois de décembre, du Règlement sur les matières dangereuses. On la regarde et on ne voit pas vraiment le reflet des objectifs qui sont particuliers, d'enlever les entraves administratives, les procédures tatillonnes. En particulier, il y a énormément d'obstacles, comme vous le savez, au recyclage, et le concept de matières dangereuses, normalement, tel qu'V nous avait été présenté par certains de vos fonctionnaires l'année dernière, devait, finalement, appliquer toutes les rigueurs d'un règlement, tout le contrôle administratif seulement aux déchets qui n'ont aucune valeur résiduelle et pour lesquels il n'y a pas d'autre choix que de les détruire. Cela avait certainement beaucoup de bon sens.

Par contre, le projet de règlement, le dernier, que nous avons et qui date du mois de décembre ne reflète pas cela et on murmure qu'en fait il serait déjà complètement dépassé et qu'il y en aurait un autre. Mon comité, qui est composé de membres volontaires de l'industrie, actuellement, passe de plus en plus de temps, depuis peut-être deux, trois ans, à étudier des projets, des avant-projets et à préparer des mémoires, et on aimerait que ça aboutisse quelque part. (21 heures)

Je vous citerai un petit exemple de problème avec le Règlement sur les déchets dangereux. Pour ceux qui sont dans l'industrie, ils savent qu'ils ont jusqu'au 30 mars, qui est dans pas longtemps, pour envoyer un rapport annuel qui est indiqué à l'annexe 5 du Règlement sur les déchets dangereux. Bien, cette annexe 5 qui veut établir un bilan... et il y a de très bonnes raisons d'établir un bilan de ce qui a été généré dans la province, où c'est parti, etc. Pour une entreprise comme la nôtre, l'année dernière, c'était quelque chose comme 60 formulaires différents de quatre pages. Et tout le monde est d'accord, depuis des années, que ce formulaire doit être simplifié; il demande des choses qui ne sont pas utiles. Et le plus frustrant, c'est que, d'après ce qu'on entend dire, nos 60 formulaires de quatre pages et tous ceux de nos collègues, etc. dorment sur les tablettes, prennent de la poussière, parce que le ministère n'a pas la main-d'oeuvre, n'a pas les ordinateurs, n'a pas ci, n'a pas ça.

Et on se dit: On veut chercher des nouvelles ressources et les dépenser à un nouvel organisme. Oui, il faudra, dans ce nouvel organisme, installer un président, un vice-président, des hauts fonctionnaires, etc. On pense que les ressources pourraient être mieux utilisées à l'intérieur du cadre actuel et en se dépêchant de compléter l'appareil réglementaire qui doit être complété.

Si vous regardez une édition, disons, consolidée des règlements - et ce sera mon dernier point pour l'instant - de toutes les lois et de tous les règlements du ministère de l'Environnement, qui prennent deux gros cartables verts, couleur vert foncé - ah! ce n'est peut-être pas exactement l'Environnement - si vous regardez l'historique de la loi de la qualité de l'environnement...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais être obligé de vous arrêter, parce que M. Le Hir l'a dit tantôt, ce n'est pas des lois et des règlements; des directives là-dedans plus souvent qu'autrement.

M. Chomski: Non, il y a de tout. Il y a un premier volume avec des lois et des règlements.

Le Président (M. Garon): Là, je vais être obligé d'arrêter tout le monde parce que le temps dévolu au ministre est déjà dépassé.

M. Chomski: Si vous me permettez de conclure. Si vous regardez la Loi sur la qualité de l'environnement dans ce recueil...

Une voix:...

Le Président (M. Garon): Oui. Alors, je suis obligé de passer la parole au député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux saluer M. Le Hir et ses collègues, au nom de l'Opposition. Nous avions failli nous voir en décembre, justement autour du projet de loi 405 sur les matières dangereuses. Si j'ai bonne mémoire, votre groupe avait demandé d'être entendu, d'être consulté. Nous avions transmis cette demande, aussi, au moment de la séance de la commission et le ministre de l'Environnement a malheureusement refusé de vous recevoir, comme il avait refusé de déposer des règlements avec ce projet de loi là.

Moi, je ne suis pas étonné de votre position. Elle est à peu près la même que celle du Conseil du patronat et elle est à peu près celle que les trois quarts des groupes qui vont venir à cette commission vont transmettre au ministre. On espère simplement qu'il va écouter. Au lieu de simplement recommencer sa cassette des

réalisations, de tout ce qu'il a fait adopter comme directives, règlements et lois depuis deux ans, deux ans et demi, il devrait plutôt essayer de nous démontrer comment cette structure, qui s'appelle un office, va avoir le pouvoir magique de rendre efficaces les mêmes personnes qui sont actuellement à son ministère. Il nous dit, il vous dit, il dit à tout le monde: On veut créer un office pour rendre nos services plus efficaces parce que vous n'êtes pas satisfaits de nos services. Nous pensons qu'il devrait plutôt s'arrêter, comme vous en faites la suggestion, à mieux dynamiser ses équipes à l'intérieur du ministère.

Il y a quelques commentaires que vous faites que nous endossons complètement, en particulier quand vous dites: «Plusieurs dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement ne sont pas encore en vigueur et plusieurs règlements sont tout simplement inexistants bien qu'ils soient identifiés et requis par la loi. Au lieu d'établir des priorités et de mener à terme les divers outils législatifs déjà prévus dans la loi, le ministère continue de multiplier les versions de plusieurs projets.» Et M. Chomski a donné des exemples, tantôt, de la multiplication des projets.

Un deuxième commentaire qui est pertinent aussi, à mon avis: «Tant et aussi longtemps que les lois et règlements demeureront confus, sujets à interprétation et qu'ils seront élaborés en vase clos sans prendre en considération les contraintes des entreprises, ils demeureront difficiles ou impossibles à appliquer. Or, le projet de loi 412 n'apporte aucun élément de solution.» Et c'est vrai que ça n'apporte aucun élément de solution. «Dans cette perspective, nous croyons qu'il est illusoire de s'attendre à ce que l'Office soit plus efficace que le ministère dans sa forme actuelle. La création de l'Office ne contribuera en rien à régler les problèmes du régime actuel.»

Finalement, vous avez raison de craindre que ça va judiciariser les opérations. Nous aussi, on craint ça. Et vous dites «que la gestion des dossiers environnementaux», il y a un danger que ça «repose plus souvent entre les mains des avocats qu'entre les mains des spécialistes en environnement, ce qui donne comme résultat qu'on passe plus de temps à ergoter sur des tecMcalités juridiques qu'à résoudre des problèmes environnementaux».

L'Opposition concourt à 100 % avec ces mises en garde que vous faites, ces commentaires.

J'ai quelques questions à vous poser. La première: Vous parlez de tensions notoires entre les instances régionales, les unités régionales et le central. Est-ce que vous pourriez nous donner quelques exemples de ces tensions-là?

M. Hubar Meunier (Éric): Écoutez, je pense que c'est un secret de polichinelle, là; on peut certainement les exemplifier, mais on n'invente rien en disant qu'il y a des tensions notoires. D'ailleurs, si on examine, à savoir comment certains documents prennent la voie publique, ça ne sort pas nécessairement du bureau central, ça sort du régional et, des fois, c'est parce que ça ne fait pas leur affaire. Alors, on pourrait rentrer dans des détails bien spécifiques, vous faire une liste exhaustive des tensions, mais je pense que ce n'est pas nécessaire.

M. Lazure: La table de concertation sur le développement durable, je ne sais pas si vous en avez fait partie directement ou par le biais du Conseil du patronat...

Mme Pelchat: Ha, ha, ha!

M. Lazure: ...mais vous avez des amis sûrement qui ont été appelés à siéger à la table de concertation.

Mme Pelchat: Par le biais du Conseil...

M. Lazure: J'y reviendrai au Conseil du patronat, tantôt, puisque ça amuse ma collègue de Vachon.

Mme Pelchat: «Par le biais», c'est une insulte à l'Association des manufacturiers de leur dire que «par le biais»...

M. Lazure: Ce n'est pas une insulte. Mme Pelchat: Mais franchement!

M. Lazure: Je vais attendre pour entendre M. Le Hir.

M. Le Hir: Je ne désavouerai pas le Conseil du patronat; comme association, on en fait partie, sauf qu'on a parfois des intérêts qui sont bien différents de l'ensemble des membres du Conseil du patronat et, en matière d'environnement, c'est particulièrement le cas.

M. Lazure: C'est ça. J'en prends bonne note. Ma question ne devait pas porter là-dessus. Je pense que ce que vous venez de dire, c'est tout à fait légitime. Ma question, c'était d'avoir de vous une explication quant au non-fonctionnement de cette table sur le développement durable. Est-ce que vous avez une opinion?

M. Le Hir: C'est difficile pour nous de vous faire part d'une opinion, on n'y était pas. Je vous avoue franchement qu'à voir la façon dont les choses ont abouti, en queue de poisson, on est très heureux de ne pas y avoir été.

M. Lazure: Sur le manque de consultation que vous déplorez à plusieurs reprises dans votre mémoire, et à bon droit quant à nous, est-ce qu'à l'intérieur de la structure du ministère, la

structure actuelle du ministère, vous avez des suggestions quant à la façon de rendre plus efficace et plus réelle cette concertation?

M. Le Hir: La première des choses qui seraient essentielles, et on ne comprend d'ailleurs pas comment il se fait que le ministère de l'Environnement ne l'ait pas fait, d'autres ministères le font... Le ministère de M. Tremblay a fait une consultation auprès des milieux industriels avant de lancer sa politique des grappes industrielles, le ministre Bourbeau a fait une consultation auprès des milieux syndicaux et patronaux avant de lancer son projet de réforme de l'éducation, ils ont tous les deux déposé des documents, des énoncés de politique. Comment se fait-il qu'en matière d'environnement on n'ait pas d'énoncé de politique? Comment se fait-il qu'on n'ait pas de direction? Comment se fait-il qu'on ne sache pas à l'heure actuelle... qu'on n'ait pas un cadre législatif et réglementaire qui nous dise où on s'en va? Ce n'est pas te cas.

M. Lazure: Écoutez, je suis parfaitement d'accord avec vous. M. Chomski parlait tantôt de formules multiples que les manufacturiers doivent remplir concernant les matières dangereuses. Vous dites, je pense avec raison, que ce n'est probablement même pas utilisé, c'est ce qu'il y a de plus frustrant, et ça rappelle les manifestes... La commission Charbonneau avait déploré que des milliers et des milliers de manifestes sur le transport de matières dangereuses étaient stockés dans des boîtes de carton et que personne ne s'en occupait.

M. le Président, ce que, nous, nous disons au ministre de l'Environnement... Il y a plein de choses qui sont élémentaires, peut-être que c'est trop élémentaire pour ses grandes ambitions, mais simplifier les formules, par exemple, à l'adresse des manufacturiers concernant les matières dangereuses, ça peut être un projet intéressant, on n'a pas besoin d'une nouvelle structure pour ça, et s'assurer que le personnel du ministère aura au moins la décence d'utiliser ces formules-là à bon escient Nous avons, depuis que ces séances sont commencées, entendu des arguments percutants, de votre groupe, M. Le Hir, et d'autres groupes qui, à toutes fins pratiques, disent au ministre: Vous faites fausse route. Au lieu de songer à une nouvelle structure qui va simplement accentuer le manque de coordination... Déjà, c'est difficile, dans une même boîte, de s'assurer de la coordination des différents services, à plus forte raison quand il y aura deux ministères, à toutes fins pratiques, parce qu'il y aura autant d'effectifs dans l'un que dans l'autre, on aura encore beaucoup plus de confusion. Nous espérons encore, M. Le Hir, que vos interventions avec celles des autres vont réussir à faire reculer le ministre. Il n'y a pas de mal à admettre qu'on fait fausse route. Dieu sait qu'il y a suffisamment d'ouvrage dans le ministère sans qu'H consacre toutes ces énergies-là à créer une nouvelle structure. Nous, on partage à 99 % ce que vous exprimez dans votre mémoire et on espère que le ministre va y réfléchir.

Une voix: Le 1 % qui reste, c'est quoi?

M. Lazure: Le 1 %, c'est la relation avec le Conseil du patronat, justement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: On peut y revenir. Vous avez sûrement plusieurs de vos membres qui sont à la fois membres de votre Association et membres du Conseil du patronat. Exact?

M. Le Hir: C'est exact.

M. Lazure: Certains de ces membres-là se voient un peu, j'imagine, confus, non?

M. Le Hir: Non

M. Lazure: Non? Parce qu'ils vont lire votre mémoire qui est excellent, ils vont lire le mémoire de M. Dufour qui est bon, mais où va aller leur allégeance?

M. Le Hir: Écoutez, là-dessus, c'est, au fond, bien simple à comprendre. Le Conseil du patronat représente des intérêts qui sont beaucoup plus larges que ceux des manufacturiers. Lorsqu'un organisme comme celui-là doit développer une position, la position qu'il finit pardévelopper, finalement, c'est le plus bas commun dénominateur. Nous, comme nous ne représentons que les manufacturiers, ta définition de nos intérêts est nettement plus simple et nous n'avons pas les problèmes d'angoisse existentiels auxquels, vous faites allusion.

M. Lazure: Merci beaucoup, M. Le Hir et vos collègues.

Le Préskient (M. Garon): Je remercie les représentants de l'Association des manufacturiers du Québec...

Une voix: M. le Président...

Une voix: II reste encore du temps.

Le Président (M. Garon): Le temps de chaque parti est écoulé.

Une voix: Vous aviez dit 21 h 15.

Le Président (M. Garon): Non, non, j'avais dit: Chacun... Finalement, H y a eu plus que T5 minutes, 17 minutes du côté du ministre. SU y a consentement, ça ne me dérange pas, moi.

Une voix: Non, non, non.

Le Président (M. Garon): je remercie les membres de l'association des manufacturiers du québec de nous avoir rencontrés. les travaux sont supendus...

Une voix: Ajournés.

Le Président (M. Garon): Nous ajournons jusqu'à demain matin, 9 h 30, dans cette même salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 21 h 13)

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