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(Neuf heures quarante-deux minutes)
Le Président (M. Garon): Je déclare la commission
de l'aménagement et des équipements ouverte en rappelant que le
mandat de la commission est de poursuivre les audiences publiques dans le cadre
de la consultation générale sur l'étude du projet de loi
412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et
modifiant diverses dispositions législatives.
M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?
Le Secrétaire: II n'y a pas de remplacement, M. le
Président.
Le Président (M. Garon): Pouvez-vous, M. le
secrétaire, donner l'horaire de la journée?
Le Secrétaire: D'abord, immédiatement après,
nous entendrons la Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec; à 10 h 30, le Centre québécois du droit de
l'environnement; à 11 h 30, Hydro-Québec. Après
l'ajournement, vers 15 h 30, nous entendrons l'Ordre des ingénieurs du
Québec; à 16 h 30, l'Institut des plastiques et de
l'environnement du Canada, chapitre du Québec; à 17 h 30,
l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du
Québec. Après l'ajournement de 18 h 30, à 20 heures, nous
procéderons à l'audition de la Fondation québécoise
en environnement et, à 21 heures, de l'Association des industries
forestières du Québec Itée.
Le Président (M. Garon): Alors, j'inviterais les
représentants, dont M. Mario Dumont, président de la
Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec, à
s'avancer à la table des délibérations et à nous
présenter les gens qui l'accompagnent. Comme une heure est prévue
pour vous entendre, normalement, c'est 20 minutes pour exposer votre
mémoire, 20 minutes pour le parti ministériel, 20 minutes pour le
parti de l'Opposition. Ce que vous prendrez en moins pourra leur être
ajouté, s'ils le désirent, ce que vous prendrez en plus leur sera
derechef soustrait équitablement.
Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec
M. Dumont (Mario): Bonjour tout le monde. Je suis Mario Oumont,
président de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du
Québec. Je suis accompagné, aujourd'hui, de Marie-Claude
Barrette, qui est représentante des jeunes à l'exécutif du
parti, et de Robert Dyotte, qui est représentant pour la région
de Laval à l'exécutif du parti, qui a travaillé plus
spécifiquement sur le dossier environnement.
Évidemment, l'environnement est un dossier que les jeunes au sein
du Parti libéral du Québec se sont toujours fait un devoir de
pousser. Et, avec cette commission-là, qui porte sur un sujet qu'on a
beaucoup travaillé, on tenait à venir faire cette
présentation. Alors, je vais immédiatement céder la parole
à Marie-Claude Barrette qui va donner les fondements de notre position
sur l'Office de protection de l'environnement.
Mme Barrette (Marie-Claude): Bonjour. À la
Commission-Jeunesse, on a commencé à en parler au
Congrès-Jeunes 1990, où on avait déjà fait adopter
une proposition qui voulait avoir un organisme autonome et indépendant
au sein du ministère de l'Environnement. Et cette idée a
cheminé jusqu'au congrès des membres du Parti libéral du
Québec à l'hiver dernier. Donc, pourquoi on veut avoir un Office?
Pour nous, ce qui est important, c'est de séparer le législatif
de l'exécutif. On sait que le ministère de l'Environnement est un
ministère qui est en pleine croissance, que c'est un ministère
qui est jeune. Il reste beaucoup à faire et l'importance qu'il prend est
de plus en plus grande. Donc, on sait que présentement il est leader, il
est penseur, il est éducateur, il est consultant, il est chercheur, il
est responsable du contrôle de l'application des lois, il est responsable
de l'émission des certificats d'autorisation et d'ordonnance. Donc,
c'est beaucoup pour un ministère et ça laisse moins de place pour
penser, ça laisse moins de place pour avoir une vision à long
terme. On est pris avec la gestion du cas par cas à chaque jour, comme
on sait qu'en environnement il se passe des choses à chaque jour, donc
à chaque jour suffit sa peine, mais je pense qu'il faut avoir une vision
à long terme quand on parle d'environnement. Et, pour ça, c'est
peut-être important de faire la différence entre le
législatif et l'exécutif.
En séparant les deux, le ministère garde son pouvoir, fait
des lois et, à ce moment-là, bien l'Office, lui, va
exécuter les lois et ça va enlever l'aspect politique de
l'environnement. On est souvent porté à faire du sensationnalisme
avec l'environnement, à faire des gros titres dans les journaux. Mais je
pense qu'il faut changer cette vision-là. L'environnement, c'est quelque
chose qui est important, c'est un secteur d'avenir et je pense que, bon, on a
beaucoup à faire encore ici, au Québec, présentement.
Bon, je parlais de politique. On sait aussi que souvent le
ministère peut faire l'objet de plusieurs pressions venant
d'intervenants. Donc, on en fait toujours un débat politique entre
les
groupes écologiques, environnementaux et le gouvernement, alors
que le débat ne devrait pas se situer nécessairement là.
Il faut renforcer le ministère. Donc, en laissant de la place au
ministère pour faire des lois, pour légiférer, à ce
moment-là, le ministère va devenir plus imposant et on laissera
la charge à l'Office d'exécuter ce que le ministère a
décidé en tant que lois et d'émettre les certificats.
On peut se référer aussi à l'époque de Jean
Lesage où il avait été décidé d'avoir plus
de fermeté et de rapidité dans les secteurs qui étaient
d'avenir. Donc, à ce moment-là, on a mis en place
Hydro-Québec, la Caisse de dépôt et placement, la
Société générale de financement. Donc, on a
divisé les choses, justement pour laisser au ministère le soin de
légiférer et surtout la vision à long terme. C'est
important, l'ensemble global de la vision, et non au Jour le jour parce que,
comme ça, on ne peut jamais voir très loin. Et ça peut
nous jouer des tours et ça peut aussi coûter cher aux citoyens. Et
ça, je pense que c'est à prendre en ligne de compte. C'est, en
gros, les avantages qu'on voit à l'Office de protection de
l'environnement du Québec.
Maintenant, je vais laisser la parole à Robert Dyotte. On
aimerait quand même modifier certaines choses à l'intérieur
de l'Office et Robert va vous faire mention de ce que la Commission-Jeunesse a
soumis.
M. Dyotte (Robert): Bien voilà. Alors qu'il est clair pour
nous que c'est un objectif souhaitable que de créer cet Office de
protection de l'environnement du Québec, pour les raisons que
Marie-Claude a énoncées, on a quand même un certain nombre
de recommandations qu'on tenait à faire pour voir à ce que, dans
son fonctionnement, dans ses modalités, cet Office soit
particulièrement performant dans la réalisation de son mandat et
puis de la tâche qu'on veut lui confier.
Et, au premier titre, ce qui a semblé nous préoccuper,
c'est le financement de l'Office. On recommande, nous, que l'Office de
protection de l'environnement du Québec puisse être à
même de financer ses activités à même les sommes
recueillies dans l'exercice de son mandat, autrement dit de donner cette
possibilité à l'Office de l'autofinancement. Pour nous, ça
nous apparaît être dans la ligne droite de la logique qui
prévaut à l'instauration de l'Office. On veut lui donner une
certaine autonomie d'un point de vue administratif, pourquoi ne pas la
complementer d'une certaine autonomie financière également? C'est
également un principe, celui de l'autofinancement, qui s'inscrit dans la
même lignée que cette volonté qui a été
souvent émise d'appliquer un principe de pollueur-payeur de façon
plus concrète; de faire en sorte que les entreprises compensent
financièrement le reste de la société pour les dommages
qu'elles causent à l'environ- nement et de pouvoir le faire par
l'intermédiaire dlune formule comme celle-là. Cette
idée d'autofinancement répond aussi au voeu qui a souvent
été émis par des intervenants, par des gens dans la
population à l'effet que, quand on trouve une nouvelle forme
d'imposition, de taxation, de charge sociale et que c'est justifié par
un objectif précis comme celui de la protection de l'environnement, eh
bien, que les sommes qui sont recueillies de cette façon-là
soient bien pour la poursuite de cet objectif-là et cet
objectif-là précisément, plutôt que d'être
confondu au niveau du financement, par exemple, avec le fonds consolidé
du revenu du gouvernement.
L'autofinancement permettrait également à l'Office, dans
un avenir rapproché, d'envisager de nouvelles formes de financement de
la protection environnementale, comme, par exemple, certaines politiques ou
certaines formules de tarification qui existent dans ce qui se fait au niveau
des nouveaux développements dans la politique environnementale en
Europe, ou en Colombie-Britannique, ou même à certains endroits
aux États-Unis, où, par exemple, on va mettre en place des taxes
sur l'émission de gaz, de monoxyde de carbone, en fonction de la
quantité de ces émissions. Ce sont des nouvelles
possibilités de financement qui s'ouvriraient à l'Office et qui
se jumelleraient bien avec cette idée de l'autofinancement.
Finalement - et c'est ce qui nous apparaît particulièrement
important - un office qui serait en mesure de s'autofinancer pourrait
également accélérer son action, dynamiser son action, la
«prioriser». Comme il y a énormément de travail de
rattrapage, dans une certaine mesure, qui reste encore à faire dans la
protection de l'environnement, si on permet à l'Office de
s'autofinancer, on peut penser qu'il sera d'autant plus dynamique dans
l'exécution de son mandat et d'autant plus efficace et, aussi, qu'il
pourra permettre, dans la façon dont il va amener les entreprises
à contribuer, à réellement internaliser les coûts de
la dégradation environnementale pour ces entreprises. Quand une
entreprise pollue, l'effet que ça peut avoir sur l'économie
à long terme et sur le développement durable ne paraît pas
nécessairement sur sa feuille de revenus à la fin d'une
année ou sur son bilan financier. Alors, en mettant en place des
structures comme ça, on permet de leur faire comprendre qu'il y a un
coût social pour l'ensemble de notre économie qui va avec la
dégradation environnementale et, comme ça, on peut
l'«inter-naliser» et on peut le faire à la vraie valeur du
marché.
Également, certaines de nos préoccupations et de nos
recommandations touchent le statut des employés de l'Office. Très
brièvement, pour nous, de la Commission-Jeunesse, on pense qu'en
particulier dans le cas d'un office comme celui-ci, qui va demander beaucoup de
souplesse dans sa gestion des ressources humaines, parce
que les besoins sont amenés à évoluer, il ne serait
peut-être pas une mauvaise idée de commencer là à
mettre en place certaines des Idées de base d'un nouveau contrat social,
si vous voulez, entre l'État et ses employés, une nouvelle
façon de voir les relations de travail, qui procéderait d'un
nouvel échange. On n'échangerait plus seulement une espèce
de paix sociale dans les relations de travail contre un certain nombre de
privilèges, sans nécessairement tenir compte des critères
d'efficience, mais l'échange ou le compromis qui se ferait entre
l'État et ses employés en serait plus un où les
employés seraient plus ouverts, plus responsables de l'efficience de
l'organisme auquel ils appartiennent. En échange, on leur offrirait un
climat de travail où il y aurait plus de participation qui leur serait
possible à certaines des décisions de l'organisme auquel ils
appartiennent, où ils pourraient peut-être être plus
motivés, où leur performance pourrait être
évaluée aussi sur une base, disons, à moyen terme et en
fonction de critères qui pourraient être convenus entre les deux
parties; également une forme de contrat de travail qui mettrait l'accent
sur le recyclage et la formation continue des employés.
En troisième lieu également, on recommande que les
décisions qui seront prises par l'Office de protection de
l'environnement du Québec puissent avoir prépondérance sur
toute autre décision d'un organisme public. C'est important, parce qu'il
y a déjà eu dans le passé des cas où certaines
autres législations ou réglementations qui émanaient
d'autres ministères permettaient, de la part soit d'agriculteurs, soit
d'entreprises, des comportements qui allaient à rencontre des objectifs
de la loi sur la protection de l'environnement. Comme ces
réglementations n'émanaient pas directement du ministère
de l'Environnement, il appartenait à un autre ministère de les
prendre en charge. Nous, on aimerait voir un peu d'ordre là-dedans et
permettre à l'Office de protection d'appliquer sa réglementation
sur ces domaines également.
L'avantage, évidemment, de mettre de l'ordre dans la façon
dont les décisions sont prises, de façon à ce qu'elles
soient claires et précises pour tout le monde, ça permet à
tous les intervenants, les promoteurs au premier chef, de bien savoir ce qu'il
en est de la législation environnementale, comment elle va être
appliquée. Ça élimine les confusions et, dans ce
sens-là, une législation environnementale et des mesures
d'application bien comprises, ça se révèle pour notre
économie une forme d'avantages comparatifs.
S'il est important que les décisions de l'Office soient
prépondérantes sur celles d'autres organismes, il est important
également, dans la création de l'Office, de maintenir le
même objectif de transparence qui prévalait au ministère
avant la réforme proposée. Étant donné que les
arbitrages en matière environnementale ont souvent une nature
spectaculaire, il est d'autant plus important que le public qui est
touché dans son milieu de vie par certaines de ces
décisions-là soit bien Informé de ce qui se passe, des
enjeux, autant environnementaux, économiques que sociaux. Dans ce
sens-là, là où le besoin le justifie, nous, on croit qu'il
serait important qu'il y ait un mécanisme de consultation qui vienne
chapeauter efficacement le mécanisme de prise de décision de
l'Office. On aimerait également voir, dans cette même ligne de
pensée, l'information qui pourrait être disponible sur les
dossiers à traiter et sur les enjeux facilement accessibles à la
population.
Et enfin, dans la mesure où il faut laisser à cet.
organisme une certaine marge de manoeuvre pour lui permettre une
interprétation éclairée, il faut aussi favoriser ce genre
de marge de manoeuvre pour ne pas surjudiciariser le processus puis aussi pour
permettre aux gens qui vont travailler pour cet Office, qui sont après
tout des spécialistes très qualifiés, d'user de leur
jugement pour appliquer les normes en fonction de l'objectif qui était
vraiment visé par la législation: ne pas nécessairement
essayer de mesurer quantitativement quel est le standard admis et de voir si
oui ou non il a été dépassé dans un cas ou un
autre, mais plutôt pouvoir dire: J'ai ici une situation
particulière, dans une région particulière, où peu
importe la définition stricte des normes, l'impact environnemental d'un
tel comportement, par exemple, sur une espèce menacée ou sur un
cours d'eau particulièrement vulnérable pourrait être tel
sur l'environnement que, moi, spécialiste, je juge que de poursuivre mon
mandat dans son vrai objectif, bien, ça veut dire une certaine marge de
manoeuvre de jugement et de permettre d'appliquer la législation
environnementale de façon particulièrement éclairée
et judicieuse.
Tout ça, pour nous, ce sont des recommandations qui visent
à améliorer l'efficience de l'Office et qui constituent, en tant
qu'ensemble, les conditions du succès pour la réalisation de
l'Office qu'on veut créer par ce projet de loi. En ce sens, je passe la
parole à Mario qui va vous parler également des conditions du
succès.
M. Dumont: Les plus grandes conditions de succès du projet
de loi, pour nous, ne concernent pas nécessairement... Je pense que
Robert a bien présenté les points intrinsèques du rapport
pour l'améliorer, mais on considère qu'il y a aussi des choses
externes au rapport mais qui vont conditionner son succès. D'une part,
je pense qu'il faut réaliser, à cette étape de la vie du
ministère de l'Environnement, que le ministère ou que le ministre
n'est ni plus ni moins que condamné à la réussite. On ne
peut pas se permettre, dans ce cas-ci, un échec ou un organisme qui ne
parte pas sur le bon pied. Je pense que le succès est tout à fait
impératif. (10 heures)
L'une des conditions de succès pour un organisme qui est
chargé de veiller à l'application de la législation et de
la réglementation environnementales, c'est la force, c'est la
qualité de la réglementation et de la législation
environnementales. On connaît présentement, on le sait, des
problèmes de cohérence dans la réglementation quant au
nombre des législations et des règlements, quant aux chapeaux
qu'ils ont. Le ministère de l'Environnement chapeaute la plupart des
règlements qui concernent l'environnement, mais d'autres
ministères contrôlent des réglementations, des
législations qui touchent également l'environnement. Les
problèmes de contradiction, aussi, entre ces
législations-là. Des législations, aussi, qui ne sont pas
ou peu applicables - il existe également un problème
sérieux à ce chapitre-là - et d'autres qui sont
dépassées. On pense à celle sur la création
artificielle de la pluie; des législations qui sont un peu
dépassées, un peu caduques. Alors, il nous semble qu'il y aurait
un ménage à faire là-dedans qui serait important.
Les conséquences de ce manque de cohérence, d'une part,
pour l'environnement, évidemment, en termes de protection de
l'environnement, les problèmes d'application de la
réglementation, de la législation sont évidents. D'autre
part, ça crée dans la population - et on ne le
répétera jamais assez - des problèmes de
crédibilité et de confiance dans le ministère. Ça
peut aussi interférer dans les décisions des entrepreneurs, dans
l'Idée d'obtenir des Investissements extérieurs, que les gens
n'aient pas clairement la situation, en termes de règlements sur
l'environnement au Québec. Et ça, je pense que ça devient
de plus en plus un avantage comparatif, un avantage concurrentiel pour les
gouvernements, pour les États, d'avoir une clarté dans leur
législation environnementale.
Alors, pour toutes ces raisons-là, nous autres, on propose de
codifier, de regrouper l'ensemble des lois et des règlements en
matière d'environnement à l'intérieur d'un code de
l'environnement qui ait prépondérance sur l'ensemble des autres
législations afin, évidemment, de lui donner une
cohérence, à tout ce corps législatif. Et l'utilité
même, la valeur même de l'Office, selon nous, est tributaire de
l'existence d'une telle pièce législative, maîtresse en
matière environnementale.
Une autre condition majeure de succès, c'est la place et la
clarté du rôle de l'Office à l'intérieur d'un plan
institutionnel du ministère de l'Environnement du Québec. La
création de l'Office est certainement un événement majeur,
certainement l'événement le plus marquant qui aura touché
la vie du ministère depuis sa création; en termes de
déplacement d'effectifs, en termes de modifications des structures,
c'est certainement, en tout cas, un des plus significatifs.
Le ministère a déjà, présentement, plusieurs
composantes: le BAPE, RECYC-QUÉBEC, le Conseil consultatif, la SQAE,
etc. Il semble, présentement, que ces organismes-là ont, d'une
part, une difficulté à articuler leur action entre eux, ont aussi
beaucoup de difficultés à s'arrimer à d'autres organismes,
qu'il s'agisse d'organismes publics ou d'organismes privés. Il semble
également - le BAPE est un nom qui vient à l'esprit mais d'autres
aussi - qu'il existe un problème de crédibilité avec les
organismes environnementaux actuels, donc tout un problème qu'on sent au
niveau institutionnel, à l'intérieur du ministère. Et Je
pense que, dans une situation comme celle-là, si on regarde un peu
l'histoire du Québec, on s'aperçoit qu'il n'y a personne à
blâmer pour ça parce que tous les ministères sont
passés par une sorte d'étape critique comme celle-là,
où on crée des institutions. Les besoins sont croissants et
rapides. Donc, on crée des institutions pour adapter le gouvernement,
l'appareil étatique à la réalité, mais, finalement,
le ministère a besoin, à un moment donné, de se donner un
plan institutionnel.
Or, selon nous, avec les nouvelles institutions qui ont
été récemment créées et avec celle-ci,
l'Office de protection de l'environnement du Québec, qui en est une
extrêmement importante, il nous apparaît qu'il serait opportun, au
moment où on crée cet Office, de définir, dans un
énoncé, un plan institutionnel pour le ministère. On
constate que les défis progressent souvent plus vite que les
institutions, et c'est là que l'Idée de ce genre de plan d'action
nous apparaît nécessaire; un plan institutionnel pour
définir, d'une part, les mandats de chacun, des mandats clairs pour bien
aussi tenir compte de ('interrelation des mandats de chacun. On ne peut plus,
je pense, se permettre de réaménager superficiellement ou
seulement sporadiquement un des éléments du ministère. Je
pense qu'on en est rendu à redéfinir l'ensemble du
ministère si on veut avancer vraiment et voir en avant. Et cette
occasion-là nous apparaît idéale et il nous apparaît
même nécessaire de procéder avec un plan
institutionnel.
La dernière condition de succès que je voudrais souligner
- et celle-là, elle est peut-être moins tangible, moins pratique,
mais non moins importante - c'est l'importance de miser sur la concertation
dans une entreprise comme celle-là. Il faudrait éviter que
l'entreprise de création de l'Office devienne un geste qui puisse
être perçu comme étant unilatéral, ou une tentative
du ministre de se dégager de certaines responsabilités
encombrantes, ou peu importe. Il faudrait miser sur la concertation, et la
commission parlementaire est certainement l'occasion de procéder de
cette façon-là. Il est clair que, quand n'importe quel projet est
présenté, les intérêts immédiats sont souvent
ceux qu'on entend en premier. Je pense qu'il va être important de
débroussailler tout ça, de faire oublier les
intérêts immédiats, d'ouvrir l'ensemble des
intervenants sur une nouvelle façon de faire et d'obtenir, avec
l'ensemble des intervenants, une concertation autour d'une façon de
fonctionner avec l'Office de protection de l'environnement du Québec
qui, ultimement, va devoir bénéficier d'une grande
crédibilité au Québec. Et si l'Office de protection de
l'environnement du Québec partait sur un mauvais pied et partait dans
une atmosphère qui manquerait de concertation, il nous semble que sa
crédibilité au départ serait amputée et qu'il
serait en danger d'une perte rapide et accélérée de
crédibilité.
Il nous semble aussi que l'Office, évidemment - je parlais tout
à l'heure de faire oublier les intérêts immédiats -
comporte des avantages clairs pour l'ensemble des intervenants. D'une part,
pour les gens qui sont dans le domaine de l'environnement, les
environnementalistes. Il est clair, et je pense que ça va se faire
sentir de plus en plus, que l'Office va faire appliquer la
réglementation de façon plus serrée, plus efficace -
ça va être son mandat principal - et va libérer
également le ministère pour faire davantage de recherche, de
développement et d'information qui sont des rôles essentiels pour
le ministère. Il va permettre aussi de faciliter, je pense, le
rôle du gouvernement d'améliorer la structure gouvernementale pour
gérer ces questions-là. Et, pour le secteur privé, bien,
c'est de nature à clarifier les enjeux, à clarifier les
processus, à simplifier les processus et il nous semble qu'il y a
là des avantages intéressants.
Et, tout au long de notre mémoire - pour ceux qui l'ont lu, je
pense que c'est clair - trois mots reviennent constamment: transparence,
cohérence, efficacité; on a réitéré
l'importance qu'on aille de l'avant avec ces trois grandes
caractéristiques de l'Office qui sont primordiales à ce
moment-ci. Or, évidemment, on est d'accord, et on demande au ministre de
l'Environnement d'aller jusqu'au bout avec le projet, de mobiliser les gens. Il
y a évidemment des étapes, selon nous, qui devraient être
franchies d'ici la création de l'Office, quitte à ce que les
délais s'en ressentent, mais il nous semble qu'il faut franchir, de la
façon la plus harmonieuse possible, ce nouveau pas dans le
développement du ministère de l'Environnement du Québec.
Merci.
Le Président (M. Garon): Alors, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, vous
me permettrez de remercier les représentants de la Commission-Jeunesse
du Parti libéral du Québec, et particulièrement son
président et les personnes qui l'accompagnent, qui nous ont fait une
présentation articulée qui nous donne une vision un petit peu
plus jeune, mais un petit peu plus d'avenir également, de ce que doit
représenter ou constituer l'action environnementale gouvernementale;
elle n'est pas li- mitée au ministère de l'Environnement comme
tel.
Je vais tenter... Parce que j'endosse à peu près tout ce
que vous avez dit, même les critiques, finalement. Je sais que le
porte-parole de l'Opposition officielle va dire que c'est parce que ce sont des
libéraux, mais je dois dire que non, je pense que n'importe quel jeune
le voit un peu comme vous le voyez, avec des nuances politiques - si on avait
la Commission-Jeunesse du Parti québécois - qui s'imposent, mais
la problématique environnementale demeure la même pour tous les
individus dans la société.
Il y a deux ans, au ministère de l'Environnement du
Québec, nous étions en pleine crise ou catastrophe: les BPC de
Saint-Basile, le feu de Saint-Amable, la Balmet à
Saint-Jean-d'Iberville, etc. Taux de satisfaction de la population, dont vous
faites partie. 30 % disaient: On est satisfait du ministère. Il y en
avait 70 % qui disaient: Oh! ce n'est pas un ministère qui fonctionne
trop bien, ça, le ministère de l'Environnement du Québec.
On a pris le ministère dans cet état-là suite à
l'élection. On s'est dit: Comment peut-on le faire performer davantage
pour qu'il livre davantage la marchandise qu'attend la population du
Québec? On l'a restructuré à l'interne. On a tenté
de simplifier un organigramme sur le plan de la structure qui avait
été bâti, crise après crise. Il survenait une crise
dans les pneus, on créait une direction des pneus; il survenait une
crise dans les BPC, on créait une direction des BPC, etc.
On a tout effacé et on a recommencé. On a dit: Bon, quels
sont les milieux de pollution? L'industriel, le municipal, l'agricole. Quelle
est la meilleure façon d'intervenir? Au niveau des régions,
sous-ministériat aux opérations régionales. Et il faut
également penser à l'avenir, si jamais on a le temps dans notre
journée et que le problème d'avant-hier est réglé,
à une division du développement durable. Et, ça, c'a
été la façon de procéder sur le plan fonctionnel
comme tel. Sur le plan des dossiers quotidiens, on a été
harcelés. Ce que vous voyez dans les médias, ce sont ceux qu'on
ne peut généralement pas régler dans la journée.
Mais on en règle quand même au ministère avec les 1800
personnes qui y travaillent. On a quand même tenté de
légiférer et de réglementer au plus pressant. Je vous
donne l'exemple: la première année, le projet de loi 65
pollueur-payeur que vous avec endossé, soit dit en passant, et je vous
en remercie, également le projet de loi pour créer
RECYC-QUÉBEC. Et, sur le plan de la réglementation, un bilan bien
mince. La première année, on a pallié au plus urgent: le
contenu en souffre dans te mazout, de façon à gagner notre combat
sur les émissions, de façon à ce qu'il n'y ait pas de
pluies acides, qu'on atteigne nos objectifs et on l'a fait.
La deuxième année, on est passé à l'action
de façon un petit peu plus ardue. Au niveau de l'assainissement des
eaux, on a donné de nouvel-
les missions à la Société québécoise
d'assainissement des eaux de façon à ce qu'on aille partout au
Québec. Les grosses municipalités étant faites, qu'on
rentre dans les milieux régionaux. Sur le plan industriel, on a
modifié la législation de façon à avoir une
nouvelle approche dont vous parlez, qui responsabilise l'industrie, le
Programme de réduction des rejets industriels qui fait en sorte que plus
vous rejetez, plus vous payez. Il y a une tarification comme telle dans le but
d'éduquer l'entreprise. Mais on est encore à la phase
embryonnaire, la réglementation a été
prépubliée la semaine dernière.
En ce qui concerne les matières dangereuses, il fallait donner
suite au rapport Charbon-neau. Mous l'avons fait, nous avons modifié la
loi et nous en sommes pratiquement arrivés à la
prépublication de la réglementation. Et, là, je ne parie
que des situations d'urgence qui ont été réglées au
cours de la dernière année. Modifications réglementaires
publiées et mises en vigueur au cours de la dernière
année: Règlement sur les carrières et sablières,
Règlement sur les neiges usées, Règlement sur les
déchets solides puis Règlement sur l'entreposage des pneus hors
d'usage. Ce sont strictement des urgences. Règlements
prépubliés et en période de consultation: pâtes et
papiers, qui est majeur si on veut que le message passe face au secteur
industriel; premier règlement sur les déchets biomédicaux
- on sait que, là aussi, il s'agissait d'agir en situation d'urgence -
et, depuis la semaine dernière, le Règlement sur les attestations
d'assainissement en milieu industriel. Mais, ça, ça n'a pas fait
l'objet des médias comme tels. On a également créé
plus de réserves écologiques au cours des dernières
années que ce qui avait été fait au cours de la
décennie précédente. Mais ça non plus, ça ne
fait pas - et vous aviez raison de le souligner - l'objet d'une couverture
médiatique importante. Moi, j'ai beaucoup entendu parier du mont Pinacle
dans mon comté, mais jamais de la réserve écologique de la
Vallée-de-Ruiter que le ministère de l'Environnement vient de
décréter H y a deux semaines. Le député de La
Prairie a sans doute omis de le mentionner à l'occasion de sa
dernière visite. Tout ça pour vous dire que malgré...
M. Lazure: Vous ne m'avez pas invité. Au Pinacle, ils
m'ont invité. Vous ne m'avez pas invité, vous!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vous invite! Malgré
toutes ces actions, vous avez raison de dire que le ministère de
l'Environnement est continuellement en réaction et n'a pas le temps de
faire la réflexion d'avenir qu'il faut faire. Les dommages du
passé sont trop importants. Les décennies d'accumulation de ces
dommages nous commandent une action quotidienne. Les accidents d'aujourd'hui
vont nous commander des interventions quotidiennes, ce qui fait en sorte
qu'autant nos bureaux régionaux, qui ont été
renforcés considérablement au cours des deux dernières
années, que le central au ministère sont occupés à
gérer les problèmes d'hier et d'aujourd'hui et n'arrivent pas
à la tâche.
On se lance un grand défi, puis on ne le fait pas pour des fins
politiques ou pour plaire à qui que ce soit. On se dit: Si on veut
être plus efficaces demain matin, tentons de dégager le
ministère et de lui confier sa mission puis sa responsabilité de
penseur pour dresser de nouvelles politiques, pour dresser une
législation - vous avez raison de le dire - qui soit cohérente.
On a une législation dont la qualité - je m'excuse auprès
des légistes du ministère qui m'accompagnent - laisse à
désirer. On a une réglementation - et vous avez raison de le dire
- qui est souvent inapplicable. On a les normes les plus sévères
sur la planète dans certains produits, ce qui nous empêche de
recycler nos produits et de les retourner sur le marché. Il nous faut
absolument en arriver là, mais on n'y arrivera jamais tant et aussi
longtemps que le ministère ne sera pas dégagé de
l'intervention quotidienne qu'il doit faire, et la façon de
dégager ce ministère, c'est de lui donner un bras
opérationnel qu'on appelle l'Office de protection de l'environnement.
(10 h 15)
Vous pariez du financement de cet Office. Ce n'est pas contenu, ce que
vous proposez, dans le projet de loi, tel qu'il est déposé. Le
gouvernement a choisi de proposer un mode de financement par le fonds
consolidé, comme tous les ministères et plusieurs organismes sont
financés. Vous semblez insister sur un financement autonome de l'Office,
parce que l'Office se veut quand même un organisme qui soit autonome.
J'aimerais vous entendre davantage sur cet aspect de votre mémoire.
M. Dyotte: Bien voici, pour nous, au risque de me
répéter, ça me semble aller dans la ligne droite de la
logique de l'autonomie qu'on veut laisser à ce bras opérationnel
du ministère. Ça permet également, je le
répète, d'intemaliser, pour les entreprises qui se verraient
coupables de dégradation environnementale, les coûts de ce que
cette dégradation environnementale coûte à l'ensemble de
l'économie du Québec. Ça se veut, non seulement aux yeux
de la population mais dans les voeux des organismes environnementaux, un
pariait exemple de l'application concrète du principe du
pollueur-payeur. Et, alors que certains pourraient me dire: Ce n'est pas
nécessaire, je dirais: Peut-être, oui, si le ministère de
l'Environnement, dans l'application des lois environnementales, était en
avance sur les problèmes. S'il n'y avait pas de travail à faire
pour lui, là, je dirais: Peut-être que l'autofinancement, c'est
soit non nécessaire ou un incitatif à des excès de
zèle, mais on n'en est vraiment pas là.
Le ministère a une tâche énorme à accomplir.
Souvent, au début de son mandat, il va s'agir, comme vous l'avez dit, M.
le ministre, de corriger les erreurs du passé, sinon le fardeau du
passé. Il doit en plus s'attaquer à faire ce qu'il doit vraiment
faire, c'est-à-dire de la protection et de la conservation. Or,
l'autofinancer, cet Office-là, lui permettre cette autonomie
financière additionnelle, ça ne va que dynamiser,
accélérer son action et lui permettre de réaliser ce
rattrapage-là, de reprendre le temps perdu sur le fardeau du
passé et de commencer, lui aussi, au niveau de l'application et de la
conservation, à se tourner vers la prévention, vers l'avenir.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous avez également
touché un élément novateur que je n'ai pas retrouvé
dans les mémoires, au moins jusqu'ici, toute la question de la
souplesse, entre guillemets, dans les normes qui tiennent compte du milieu
récepteur finalement. L'approche habituelle est une approche
réglementaire et législative horizontale qui fait en sorte que
les mêmes émissions dans l'eau, dans l'air ou dans le sol, si on
veut parler de l'eau, qui se produisent dans le bas du fleuve, là
où le débit est fort, devraient être les mêmes que
dans un petit ruisseau où la moindre émission peut tuer toute vie
aquatique. Vous vous êtes inspirés d'où pour nous parler
d'une approche qui n'est pas à l'horizontale mais qui fait en sorte
qu'on respecte le milieu récepteur, finalement?
M. Dyotte: Voilà, et qu'on respecte aussi l'intention de
la législation. Peut-être que, des fois, ses virgules, ses
points-virgules et ses paramètres très précis et
très quantitatifs, c'est peut-être une approche qui s'inspire de
la façon qu'on a de voir le droit environnemental dans les pays comme la
Grande-Bretagne, par exemple, où, peut-être dû au fait de
leurs traditions juridiques ou de leurs traditions légales assez
particulières, on met l'accent sur une évaluation objective
adaptée aux situations particulières quand vient le temps
d'appliquer les normes, plutôt que d'une façon de procéder
qui serait d'inspiration peut-être plus européenne continentale
où on dit: Voici la norme et, pour être bien clair avec tout le
monde, c'est la même norme partout, même si, des fois, elle n'a pas
les mêmes effets sur l'environnement.
Or, comme pour nous, l'effet sur l'environnement, la
réalité de la conservation et de la protection environnementales,
c'est ça qui prime sur le libellé de la réglementation
gouvernementale, à ce moment-là, laisser à des gens qui
sont des spécialistes fort bien formés, qui détiennent un
bon jugement et qui connaissent le mieux les situations réelles qu'on va
retrouver dans des écosystèmes précis, la place, cette
marge de manoeuvre qui leur permet une application ferme mais
éclairée et judicieuse de la législation et de la
réglementation environnementales.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Laprairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je veux féliciter la Commission-Jeunesse du Parti libéral pour
son intérêt soutenu à l'environnement. Je pense que, s'il y
a un trait commun à tous les jeunes au Québec aujourd'hui, qu'ils
soient libéraux-souverainistes,
libéraux-fédéralistes, péquistes, conservateurs,
c'est leur intérêt majeur pour l'environnement. Je pense que
ça doit être souligné.
Vous me permettrez, cependant, d'exprimer ma surprise que vous
continuiez à être d'accord avec ce projet de loi, même si ce
que le ministre vous livre aujourd'hui, ce n'est pas du tout ce que vous avez
demandé. J'ai suivi vos interventions au congrès libéral
de Sherbrooke, si ma mémoire est bonne. Dans l'Estrie, en tout cas. Je
pense que votre position part d'un excellent motif et d'une
préoccupation tout à fait légitime. Mais l'organisme que
vous réclamiez - et vous l'avez répété aujourd'hui
- vous y avez vu deux caractéristiques fondamentales: l'autofinancement
et l'indépendance. Vous l'avez répété encore
aujourd'hui, ça: «Organisme autonome et indépendant»,
textuellement. Ce n'est pas ça que le ministre vous livre aujourd'hui,
du tout. Et, moi, je pense que vous devriez prendre en considération,
après avoir écouté votre ministre faire son propre
panégyrique, vous pourriez prendre en considération les remarques
- il y a le Centre québécois du droit de l'environnement qui
vient juste après vous aujourd'hui - de la grande majorité des
groupes qui vont venir ici, qui sont opposés au projet, qui sont
opposés à la création de l'Office. Parce qu'à part
le comité-jeunesse du Parti libéral... J'ai demandé
souvent au ministre de me donner des noms de groupements importants. Il y a
Laidlaw qui s'est dit pour, il y a quelques autres groupes qui se sont dits
pour, mais la grande majorité des groupes écologistes sont
contre. Les groupes patronaux sont contre, la grande majorité des gens
qui vont venir ici se disent contre ce projet-là.
Pourquoi? Parce que c'est un peu un leurre, c'est un peu une illusion de
croire que cet organisme-là va tout d'un coup être imbu d'une
grande efficacité. C'est la prétention du ministre. Il nous dit:
Les gens ne sont pas satisfaits. Tel pourcentage dans les sondages
démontre que les gens ne sont pas satisfaits, par conséquent on
va créer une nouvelle structure avec le même monde et le
même argent. Parce qu'il n'y a pas de monde nouveau, là-dedans, et
il n'y a pas d'argent nouveau, ni l'un ni l'autre. Et il n'y a pas de ministre
nouveau non plus, c'est le même ministre qui va répondre des deux.
Mais on crée une structure nouvelle et une structure con-
sidérable, M. le Président. Il y a des gens qui ne se
rendent pas compte, en entendant parler de l'Office, qui disent: Ouais. Et
surtout que le ministre les amène sur cette piste-là, le ministre
a parlé du BAPE, de la SQAE, vous en avez parlé aussi. Mais
ça n'a rien à voir. Comme les jeunes disent, ça n'a pas
rapport, ça n'a pas rapport du tout.
Parce que le BAPE, là, le dernier rapport annuel, c'est 22 postes
approuvés au BAPE, 22. Cet Office, qui deviendrait un deuxième
ministère, vous le savez, c'est 831 emplois. Ce n'est pas une petite
boîte, c'est une boîte énorme, 831. Et la création de
quelques organismes genre BAPE, Société québécoise
pour l'assainissement des eaux ou quelques autres - vous avez parlé de
la SGF, de la Caisse de dépôt - c'était valable et
ça continue d'être valable. Pourquoi? Parce que c'est pour remplir
une mission bien circonscrite, bien définie, bien claire, un mandat
clair. La Caisse de dépôt, c'est pour placer les économies
des Québécois et des Québécoises; la SGF, c'est
pour aider au développement industriel du Québec. Ce sont des
mandats très clairs. Mais, là, vous allez avoir deux
ministères et, dans un seul ministère, actuellement, il n'y en a
pas, de coordination, ou très peu. Imaginez-vous ce que ça va
être!
Et une autre remarque, à cet égard, qui n'est pas
ressortie très, très clairement. J'ai devant moi le
mémoire du ministre au Conseil des ministres et il énumère
les fonctions des 1042 emplois qui vont rester au ministère. En gros, la
moitié qui va rester au ministère, il le répète
lui-même, ce sera pour faire des lois et des règlements, faire de
l'éducation, de la recherche, de la planification. Mais c'est beaucoup
de monde, ça, au-delà de 1000 personnes. Et, déjà,
les gens se plaignent qu'il y a trop de lois, qu'il y a trop de
règlements, que ce n'est pas ça qui manque, les lois, les
règlements et les structures, c'est l'action et la volonté
politiques. On l'a entendue, cette remarque-là, ici, à plusieurs
reprises. Mais, là, il va y avoir au-delà de 1000
employés, de 1000 fonctionnaires qui vont ne faire que ça.
Moi, j'ai à vous demander aussi une question pour amorcer le
dialogue. Vous dites, dans votre mémoire, à la page 6:
«...les évaluations environnementales - avec la création de
l'Office - l'émission des certificats [...] pourront suivre leur cours
sans que l'intégrité et la bonne marche des opérations
soient constamment exposées à l'ingérence indue, aux
pressions politiques des entrepreneurs et aux aléas de
l'arbitraire.» Quelle garantie avez-vous que ces mêmes
ingérences politiques ne joueront pas auprès d'un office qui va
relever d'un ministre? D'abord, il ne sera plus comme vous le vouliez,
l'Office, il ne sera plus autonome et indépendant; oubliez ça. Il
ne sera plus autofinancé, il va relever étroitement du ministre.
Alors, pourquoi dites-vous qu'il n'y aura plus d'Ingérence
politique?
M. Dumont: II y a plusieurs questions. À celle de
l'ingérence politique, je pense qu'il est assez clair... On a des
exemples de ce genre de structures, inspirées de la même
philosophie, au sein du gouvernement, qui fonctionnent quand même
relativement bien. Je pense à la Commission de protection du territoire
agricole, entre autres, il semble que, si l'on crée une structure qui
est autonome, qui doit, évidemment, relever du ministre - il n'y a
aucune structure, à l'intérieur du gouvernement, qui est en l'air
comme ça et qui ne relève de personne - le ministre étant
responsable du fonctionnement normal, si je peux m'exprimer ainsi, de l'Office
et non pas responsable des décisions qui s'y prennent, ça,
ça me semble un fonctionnement qui libère le ministre,
finalement, de cette tâche d'application des lois et qui empêche
que chacun des processus soit exposé aux ingérences
politiques.
D'autre part, sur les autres sujets que vous avez soulevés, on
dit: II y a la même quantité d'employés, il y a le
même argent qui est là présentement. Je ne pense pas
qu'à nulle part on ait mentionné qu'il s'agissait d'un ajout de
ressources ou quoi que ce soit. Je pense qu'il s'agit d'utiliser, d'une
meilleure façon, les ressources. Il s'agit surtout de refaire la
structure pour qu'elle réponde plus adéquatement aux besoins
administratifs et à l'évolution du ministère de
l'Environnement, présentement.
Pour ce qui est de la grosseur de l'Office, de la taille de l'Office, je
pense qu'on est tout à fait conscients de cette
réalité-là. D'une certaine façon, ça
démontre peut-être la nécessité de créer un
corps qui va appliquer les lois. Vous dites: Ce que les gens veulent, ce n'est
pas de nouvelles lois, ce n'est pas ça, c'est de l'action. Or, dans mon
esprit, si on a des lois efficaces, des règlements efficaces et qu'on a
un organisme qui les applique efficacement, on commence à avoir pas mal
d'action; c'est à peu près ça, je pense, que la population
veut.
Pour ce qui est du reste de l'action qu'on veut, bien, c'est de la
recherche et du développement, de l'éducation, de la
sensibilisation et de l'information de la population. Pour l'ensemble de cette
mission-là, qu'il reste un millier de personnes au ministère pour
l'étendue du territoire québécois et la
réalité environnementale du Québec, ça ne
m'apparaft pas être un excès, bien au contraire. Je pense que
ça peut peut-être répondre à l'ensemble des
interrogations.
M. Lazure: Mais vous n'avez pas commenté le fait que
ça ne correspond plus à ce que vous demandiez. Vous demandiez:
Autofinancé, indépendant et autonome. Mais ça ne l'est
pas, là. Alors, votre réaction à ça, c'est
quoi?
M. Dumont: Bien, à moins que je ne me trompe, on est
présentement en commission
parlementaire, on vient faire valoir le point que, selon nous, il y
aurait intérêt à ce que cet Office soit autofinancé.
On dit qu'on est d'accord avec le principe de base de séparer
l'administratif, l'application des règlements du ministère; donc,
on est d'accord avec ce principe de base. On a certaines réserves. On
voudrait certaines améliorations pour donner notre appui à
l'ensemble du projet et à la mise en oeuvre de l'Office. Or, c'est ce
qu'on fait valoir, l'autofinancement, qui nous apparaît être
l'élément complémentaire pour donner, comme vous le
souligniez avec pertinence, l'ensemble de l'autonomie qu'on souhaite pour
l'Office.
M. Lazure: Pourquoi demandez-vous que les employés de
l'Office soient soustraits aux conditions de la Loi sur la fonction
publique?
M. Dumont: Je vais reconnaître, bien humblement, qu'on ne
se fait pas d'illusions là-dessus à très court terme, sauf
qu'il nous semble que, de plus en plus, il est clair, et la situation, la
réalité de la fonction publique le démontre
éloquemment, qu'il y a une rigidité qui empêche le
renouvellement, qui empêche l'entrée de jeunes, une
rigidité qui n'aide pas tellement l'efficacité du fonctionnement
de plusieurs organismes gouvernementaux. Or, en créant un nouvel
organisme dans un secteur en mouvement comme celui de l'environnement, dans un
secteur en constant changement, ça ne nous apparaîtrait pas
très intéressant de mettre ce genre de rigidité là.
(10 h 30)
M. Lazure: M. le Président, le groupe des jeunes
libéraux fait aussi - pour passer a autre chose - des recommandations
tout à fait judicieuses. Par exemple, quand vous parlez d'un code de
l'environnement, vous avez tout à fait raison. Quand vous pariez de
l'importance d'avoir une atmosphère de transparence au ministère
aussi bien qu'à l'Office, vous avez tout à fait raison. Mais
ça, encore une fois, ce n'est pas la création de l'Office, en
soi, qui va amener une transparence, parce que ce sont des décisions
politiques qui font que tel ou tel document va être rendu public, que tel
ou tel geste va être rendu public. Ça, c'est la décision du
ministre, essentiellement.
Et, quand le ministre, comme il l'a fait à quelques reprises
depuis deux ans, impose à ses fonctionnaires la loi du silence, ce n'est
pas dans la direction que vous recommandez, la direction de la transparence.
Et, quand le ministre demande à la Commission d'accès à
l'information, comme il l'a fait dernièrement, d'enquêter sur ses
fonctionnaires, ce n'est pas de nature à créer un climat de
transparence auprès de ses collègues fonctionnaires.
Alors, nous, on dit: Les changements Importants que vous demandez - le
code de l'environnement, ramasser tout ça - ça peut être
fait actuellement, ça. On n'a pas besoin d'un office. Créer un
climat de transparence, ça peut être fait actuellement, aussi.
Alors, moi, je continue à admirer votre idéalisme et vous en
félicite, mais, d'autre part, je pense que vous êtes un peu seuls
parce qu'à part votre groupe je n'ai pas entendu, dans la
société québécoise, de groupes réclamer la
création de cet Office. Vous en avez parlé à
l'époque au congrès libéral. Vous aviez fait
référence à l'Agence de protection de l'environnement aux
États-Unis, qui existe depuis plusieurs années. Mais, justement,
de plus en plus, les élus américains, quel que soit le parti, se
demandent si ça n'échappe pas trop au principe de répondre
de ses actes, au principe d'imputabilité. Et de plus en plus de gens se
demandent s'il ne devrait pas plutôt y avoir un ministère, un
secrétariat a l'environnement aux États-Unis plutôt qu'une
agence qui, elle, est autonome. Elle l'est beaucoup plus que ce qui nous est
proposé ici.
Peut-être un aspect qui vous échappe un peu, c'est que,
dans la structure du ministère, que ce soit l'Environnement ou les
Affaires municipales, peu importe lequel, le ministre est plus obligé de
répondre de ses actions. Et, nous, avec la tendance un peu
légaliste du ministre actuel de l'Environnement, on a peur qu'avec la
création d'un office il se cache constamment derrière l'Office et
dise: Ah bien, ça, c'est l'Office qui a pris la décision, ce
n'est pas moi. Alors, le principe d'être redevable de ses actions au plan
démocratique, la «redevabilité», pour ainsi dire,
l'imputabilité des élus, c'est important que ça soit
pratiqué, surtout en matière environnementale. Je ne sais pas si
vous avez des réactions.
M. Dumont: Oui, je suis entièrement d'accord avec le
principe de l'imputabilité et je pense que, dans ce qui est
proposé, le ministre demeure le responsable du ministère de
l'Environnement. Maintenant, de parler d'imputabilité pour chacun des
certificats d'ordonnance qui est émis avec des normes à
appliquer, pour lesquelles le ministre n'a pas nécessairement
l'expertise scientifique, ça m'apparaft étendre, au moins, un
petit peu largement le principe de l'imputabilité d'un ministre.
D'autre part, pour ce qui est de l'élément de la
transparence, un des points qu'on développe à l'intérieur
du mémoire, c'est que cette structure-là, qui
dépolitiserait, finalement, un certain nombre de choses administratives
et un certain nombre de décisions à caractère strictement
environnemental, pourrait enlever une part de sensationnalisme dans tout le
processus, ce qui serait de nature à faciliter la transparence.
Vous avez souligné qu'il y a certains des éléments
qu'on propose qui ne nécessitent pas la création d'un office. Je
pense que nulle part, là-dedans, on dit que ces
éléments-là requièrent la
création de l'Office. Au contraire, on dit que la création
de l'Office accompagnée de ces ajouts donnerait, finalement, le meilleur
résultat pour la protection de l'environnement au Québec.
Le Président (M. Garon): M. le député de
Saguenay.
M. Maltais: Oui, merci, M. le Président. J'aimerais, dans
un premier temps, M. Dumont et les membres de la Commission-Jeunesse du Parti
libéral, d'abord vous féliciter. Vous êtes les seuls, au
Québec qui aient manifesté un intérêt. Il y en a
d'autres qui critiquent, qui chialent, qui parlent, mais qui ne sont pas
là. Où sont-ils? Est-ce que vous êtes les seuls jeunes au
Québec que l'environnement intéresse? Moi, je réponds que
non, mais les autres ont peut-être manqué de courage en ne venant
pas rencontrer les membres de la commission.
J'ai eu l'occasion l'an dernier de faire une tournée des
cégeps en compagnie de M. Cliche, que vous connaissez bien, docteur, et
nous avons vu un intérêt fort marqué au niveau des jeunes
pour l'environnement, non seulement au niveau des cégeps, mais des
écoles secondaires et même des écoles primaires. C'est
rassurant de voir que les gens ont cet intérêt-là. Le
ministre disait tout à l'heure, et à juste titre, que le
ministère de l'Environnement est jeune, mais qu'il est vieux en
même temps, qu'il est usé. Et c'est pour lui donner un nouveau
souffle, je pense, qu'on crée cet Office de protection de
l'environnement qui va séparer l'administratif du politique une fois
pour toutes. Et, quoi qu'on en dise ou qu'on en pense, je pense que l'objectif
est fondamental: donner au ministère de l'Environnement sa
véritable vocation, c'est-à-dire de légiférer, de
préparer l'avenir puis d'arrêter de passer son temps à
jouer dans le passé.
Tous les gens qui critiquent le gouvernement à l'heure actuelle
au niveau de l'environnement, incluant l'Opposition, ont contribué
à l'inaction, à la difficulté du ministère de
l'Environnement aujourd'hui de régler des problèmes. Gérer
le passé, ce n'est pas facile; H y a des acteurs du passé qui
sont ici. Ils voudraient gérer l'avenir. Quand on regarde comment ils
nous ont donné le passé, ce n'est pas drôle d'envisager
l'avenir avec les mêmes personnes. Alors, ce qui est important, c'est ce
que vous dites.
Vous avez soulevé un point, un code de l'environnement. Moi, je
vous parlerai plutôt peut-être d'une charte de l'environnement. Je
sais que vous en avez discuté dans plusieurs couloirs. Un code, c'est
bien beau. Un code, c'est civil, c'est criminel. Un code, c'est une
législation légale. Mais, au-delà de ça, il y a des
droits, mais il y a aussi des responsabilités, et je pense que dans une
charte de l'environnement... Et, moi, ça fait plusieurs années
que j'en parle, en tout cas. Il y en a qui en ont parlé la semaine
passée, mais, moi, ça fait plusieurs années que j'en parle
en commission parlementaire. J'en parle régulièrement au ministre
et j'en ai parlé a l'Assemblée nationale, parce que chaque
citoyen a des droits, mais aussi des responsabilités, et j'aimerais
ça peut-être vous entendre là-dessus, malgré que ce
soit hors de votre mémoire, vous allez m'excuser, mais on va faire un
petit aparté.
M. Dumont: Non, je comprends. L'idée d'un code de
l'environnement, c'était plus spécifiquement en regard de la
création de l'Office. L'Office, pour appliquer la législation, la
réglementation, ciblait le problème de la non-cohérence et
disait: II faut trouver une solution. Donc, le code apparaissait une solution
qui était tout à fait pertinente. Évidemment, si vous
regardez la conclusion, le dernier paragraphe du mémoire, quand on parle
un peu d'avenir et qu'on lance quelques pistes sur la façon de voir
l'environnement dans l'avenir, il est clair qu'une charte avec les droits et
les responsabilités pourrait être un document dont le
Québec pourrait se doter, qui, finalement, donnerait une envergure
différente à la législation environnementale. Mais, dans
ce cas-ci, vous comprendrez qu'on parlait vraiment de réglementation, de
législation, du genre de document sur lequel l'Office pourra se baser
pour intervenir efficacement.
M. Maltais: C'est pour ça que je reviens. Étant
donné le peu d'intérêt, que d'autres groupes n'ont pas eu
le même intérêt que vous avez pour l'environnement,
étant donné qu'on vous a, que ça va être la seule
occasion qu'on aura de parler de cette charte avec des jeunes, comment vous
verriez ça au Québec, vous autres?
M. Dumont: Comment je verrais ça? Je pense qu'une charte
de l'environnement...
M. Maltais: Une charte de l'environnement qui part de
l'individu.
M. Dumont: Une charte de l'environnement qui part de l'individu
devrait, d'une part, on en parlait dans notre mémoire, miser sur la
concertation, la mobilisation des gens, au même titre que l'Office, pour
jouir d'une crédibilité, devra mobiliser un certain nombre
d'intervenants et faire un certain consensus. Une charte devra être un
objet de mobilisation de la population, des individus et reconnaître
nécessairement les droits et les devoirs des individus ainsi que des
organismes, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'autres organismes publics comme
une municipalité.
M. Maltais: D'accord. Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Juste quelques
remarques. Je ne peux pas m'empêcher de réagir aux propos du
député de Saguenay puis du ministre de l'Environnement quand ils
parlent du lourd héritage du passé. Je vais vous en parler juste
une minute, du passé. Quelqu'un a mentionné la SQAE tantôt.
Quand le Parti québécois est arrivé au pouvoir en 1976,
l'Ontario avait dépensé des milliards d'argent
fédéral pour un programme conjoint d'assainissement des eaux. Ce
même argent était disponible au Québec, mais le
gouvernement libéral de 1970-1976 ne s'en est pas servi. Pas un seul sou
n'a été dépensé. Pas un seul sou! C'est en 1977
qu'on a commencé à créer le PAEQ, Programme
d'assainissement des eaux du Québec. On a engagé 5 000 000 000 $
dans ce programme-là. La première chose que les libéraux
ont fait en 1985, après la dernière élection, ça a
été de mettre un moratoire sur ce Programme d'assainissement des
eaux. On peut en parler du passé, si vous y tenez tellement, M. le
député de Saguenay et M. le député de
Brome-Missisquoi. On peut en parler.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On va regarder combien vous avez
investi face au Parti libéral en environnement? On va sortir les
chiffres.
M. Lazure: Évidemment qu'on investit plus maintenant qu'il
y a 10 ans. J'espère qu'on investit un peu plus, mais pas autant que
votre chef avait dit qu'il investirait, . les 50 000 000 $ dès la
première année fiscale, en 1989-1990. Après deux ans et
demi, il n'a même pas investi la moitié de cette
promesse-là.
Mais je reviens à la concertation, si je peux avoir la parole, M.
le Président, et que le député de Brome-Missisquoi
arrête de m'interrompre, il a d'autres chats à fouetter de ce
temps-ci, alors il devrait rester silencieux. Il devrait rester silencieux.
Le Président (M. Garon): Je voudrais rappeler le vieux
proverbe du Moyen Âge: La torture interroge et la douleur
répond.
M. Lazure: Voilà! Mais vous avez parlé à
quelques reprises de concertation et, dans votre mémoire, à la
page 19, vous en parlez encore: «...favoriser l'émergence d'une
meilleure concertation entre les intervenants impliqués». Vous
êtes sans doute au courant de l'existence de la table de concertation sur
le développement durable. Vous êtes sans doute au courant, comme
le sous-ministre Harvey Mead en démissionnant l'a affirmé, que
cette table - ne fonctionne pas. D'après vous, c'est quoi, les
raisons?
M. Dumont: D'une part, votre intervention de tout à
l'heure voulait certainement obtenir une réaction sur le programme
d'assainissement des eaux. je comprends que je devrais probablement lever mon
chapeau au parti québécois pour la qualité de ses
relations avec le gouvernement fédéral et les ententes qu'il a pu
obtenir dans les années soixante-dix.
M. Lazure: II n'avait plus d'argent quand on est arrivés!
Il avait tout donné à l'Ontario. Il avait tout donné
à l'Ontario.
Une voix: Oh! M. Lazure.
M. Lazure: Bien oui! C'est le cas, pour l'assainissement des
eaux, c'est le cas.
M. Dumont: Pour le reste, la table de concertation, je pense que
ça fait partie de l'esprit général qu'on développe,
qu'il faut davantage de cohérence entre les groupements. La table de
concertation elle-même, versus le Conseil de la conservation et de
l'environnement, il y a encore là des rôles qui, l'un et l'autre,
ne sont pas très clairement définis. Les mandats ne semblent pas
assez clairement définis pour que ces organismes puissent obtenir une
crédibilité qui est essentielle pour fonctionner. On parle de
miser sur la concertation, tout ça converge sur la
crédibilité de ces organismes-là. C'est en ce
sens-là qu'on parle d'un plan institutionnel au ministère pour
que le rôle de chacun soit mieux défini et que ces
organismes-là soient en mesure de jouer plus adéquatement leur
rôle.
Le Président (M. Garon): Alors, le temps dévolu
étant écoulé, je remercie les représentants de la
Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec.
Je suspends les travaux de la commission quelques instants pour donner
le temps de changer d'interlocuteurs et permettre aux intervenants du Centre
québécois du droit de l'environnement de s'approcher de la
table.
(Suspension de la séance à 10 h 44)
(Reprise à 10 h 48)
Le Président (M. Garon): M. Bélanger, si vous
voulez vous présenter et présenter les gens qui vous
accompagnent, vous avez une heure: normalement, 20 minutes pour exposer votre
point de vue, 20 minutes au parti ministériel pour vous questionner et
20 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur
sera soustrait de part et d'autre; ce que vous prendrez en moins pourra
être utilisé par eux, s'ils le souhaitent. À vous la
parole, M. Bélanger.
Centra québécois du droit de
renvironnement
M. Bélanger (Michel): Bonjour. Je me présente, mon
nom est Michel Bélanger, je suis président du Centre
québécois du droit de l'environnement. Aujourd'hui, je suis
accompagné de M. Yves Corriveau, avocat et directeur du Centre. Nous
remercions la commission de nous avoir reçus aujourd'hui pour
présenter notre point de vue sur le projet de loi 412. Vous savez que le
Centre investit depuis sa création, il y a près de trois ans,
beaucoup d'énergie dans la réforme législative et
réglementaire, notre objectif étant de promouvoir le droit des
citoyens à un environnement de qualité.
Soulignons, par ailleurs, que, dans cet ordre d'idées, trois
juges de la Cour du Québec et, également, le Procureur
général du Québec ont reconnu dernièrement dans un
jugement, dans le cadre d'une procédure judiciaire, que le Centre
représentait effectivement l'intérêt public au
Québec en environnement et avait l'expertise et les connaissances
suffisantes pour éclairer la Cour dans le cadre d'interventions
judiciaires. Cela dit, je vais laisser mon collègue exposer la
première phase de notre argumentation.
M. Corriveau (Yves): Bonjour, messieurs, mesdames. Lorsqu'on est
appelé à rendre une décision sur un projet qui est
susceptible d'affecter la qualité de l'environnement au Québec,
on a, au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, établi une
méthodologie. Je vous suggère d'évaluer
l'acceptabilité du projet de loi 412 en vous référant
à cette méthodologie. On doit d'abord se demander quels sont les
impacts que va avoir ce projet-là. Est-ce que l'importance des impacts
est rendue acceptable compte tenu de la justification du projet?
M. le ministre, je dois d'abord vous dire qu'en dépit de tout ce
que vous avez pu lire dans les journaux, le Centre québécois du
droit de l'environnement vous suit à 100 milles à l'heure sur la
justification. On est d'accord avec vous, la question de la protection de
l'environnement au Québec est sous-financée, il faut injecter des
fonds, il faut trouver des fonds. On est d'accord avec vous, il y a un manque
de cohérence non pas dans la législation, comme on l'a entendu
tantôt - on n'est pas d'accord là-dessus - mais il y a un manque
de cohérence quant à son application, il y a un manque de
cohérence au niveau de l'équité et il y a un manque
d'efficacité.
Sur la justification, donc, on vous suit, mais, sur le remède, on
ne vous suit plus. On ne croit pas que la solution à ces
problèmes soit l'adoption du projet de loi 142. 142, 412, dyslexie. On
ne croit pas que l'OPEQ soit la solution qu'on attend tous. Pourquoi?
Premièrement, parce que, au niveau du financement, vous avez
déjà vu la réponse que vous avez eu du Conseil des
ministres. Deuxièmement, même si vous mettiez cette
structure-là en place, ça risque de faire comme les autres
structures qui ont été mises en place depuis plus de 10 ans.
Pensons, par exemple, au Règlement sur l'évaluation et l'examen
des impacts sur l'environnement et les dispositions concernant
l'assujettissement des projets industriels et l'évaluation
environnementale. C'est en place, mais tout passe sans qu'l ne se passe rien.
Mettre sur pied des mécanismes sans leur donner des ressources, mettre
sur pied des projets de loi sans en promulguer l'entrée en vigueur, pour
nous, c'est de la frime.
Sur le deuxième aspect de la justification, nous nous demandons,
au Centre, si on a fait l'exercice d'identifier pourquoi il y avait un
problème au ministère de l'Environnement, pourquoi il y avait
moyen d'influencer politiquement la prise de décisions relativement au
contrôle de la qualité de l'environnement, pourquoi il y a un
problème d'inefficacité. Si on l'a fait, on peut identifier
à ce moment-là les solutions. La création d'un organisme
quasi judiciaire - parce que je pense que c'est ce que vous recherchez, M. le
ministre - n'est pas une solution à nos yeux et l'expérience de
l'Illinois qui est mentionnée dans notre mémoire illustre bien le
fait que ça ne constitue pas une solution au niveau de
l'efficacité.
Par ailleurs, même si vous adoptiez le projet de loi, même
si l'OPEQ était créé, même si c'était
inefficace, sachez que ce ne sera pas un organisme quasi judiciaire. Il ne
suffit pas d'en exprimer le souhait pour qu'il en soit ainsi. Avant de venir
ici, on a consulté Me Patrice Garant, qui est une sommité ou, du
moins, une autorité en matière de droit administratif, et Me
Garant s'est dit d'avis que nous avions raison dans notre mémoire
à l'effet que l'OPEQ ne sera pas un organisme quasi judiciaire pour
plusieurs raisons. Premièrement, parce que les règles qui sont
énoncées dans le projet de loi et les possibilités
d'identifier un régime de règles pour la tenue des
assemblées, entre guillemets, tel qu'on le mentionne dans le projet de
loi, ne constituent pas ou ne s'assimilent pas aux règles qui gouvernent
les organismes quasi judiciaires.
Deuxièmement - et c'est là où le bât blesse
le plus - l'OPEQ est trop lié au gouvernement, il n'est pas suffisamment
indépendant. À cet égard, vous me permettrez de vous faire
lecture d'un passage, d'un paragraphe de l'ouvrage de Me Garant en droit
administratif: «II y a une équation entre la fonction judiciaire
ou quasi judiciaire et l'indépendance ou l'autonomie du statut de
l'autorité qui en est titulaire. Cela signifie qu'en vertu d'une
pratique constitutionnelle le gouvernement ne répond pas devant le
Parlement des actes quasi judiciaires et de ses organismes et les
parlementaires ne sont pas admis à les censurer.»
L'OPEQ, tel que décrit dans le projet de loi 412, ne nous semble
pas être un organisme quasi judiciaire. Alors, si on comptait
là-dessus pour
assurer une certaine autonomie sur le plan politique, si on comptait
là-dessus pour assurer une garantie d'équité, on se
trompe. Mais, même si on modifiait ça, même si on rendait
l'OPEQ ainsi, en le cloisonnant davantage, en étant certain qu'il n'aura
pas d'influence politique, en lui assurant une source de financement
indépendante, en s'assurant qu'il va être capable de fonctionner
efficacement, est-ce que ce serait vraiment la solution en matière
d'environnement? Est-ce que le Québec en est rendu à un point
où on peut se le permettre sur le plan de gestion de la qualité
de l'environnement? il faut comprendre que les tribunaux administratifs sont
une création qui a pour objectif de régler plus rapidement des
différends qui touchent les individus: On applique simplement dans ces
cas-là des conditions juridiques très strictes, très
simples. Exemple: Émission d'un permis de boisson. Est-ce que le
titulaire du permis rencontre les conditions pour qu'il soit
renouvelé?
En matière de qualité de l'environnement, les solutions se
trouvent rarement dans A plus B. On a vu, par les gens qui nous ont
précédés - M. le ministre était d'accord - qu'il
fallait avoir des normes flexibles. Flexibilité implique
discrétion. Discrétion implique pouvoir ministériel, elle
n'implique pas pouvoir quasi judiciaire, sinon, seulement sur les questions qui
relèvent de sa compétence.
Donc, c'est, au point de vue de la justification, là où
nous en sommes rendus dans une démarche intellectuelle. Mais il faut
ajouter qu'on s'inquiète aussi des impacts; et, parmi ceux-ci, le
premier, le plus important, c'est la question de la
déresponsabilisation. Si on charge l'OPEQ d'établir
lui-même les normes en fonction des lois proposées par le
ministère de l'Environnement, le ministère de l'Environnement
aura difficilement sa raison d'être parce que, au Québec, ce sera
une première, ce sera la première fois que les normes sont
établies par autre chose que le ministère, et l'OPEQ ne sera pas
redevable devant le Conseil des ministres ni devant la population pour
l'insuffisance ou l'incohérence dans les normes. Sur ce, je cède
la parole à mon collègue, Me Bélanger.
M. Bélanger (Michel): Donc, on le disait, attendu la
nature des décisions que le ministère est appelé à
prendre, ou le ministre, principalement, dans rémission des permis et
certificats, qui sont discrétionnaires, sur le principe, nous sommes
contre l'adoption d'un office quasi judiciaire qui ne s'y prête pas.
Maintenant, l'analyse qu'on ferait de l'Office pour démontrer qu'il
n'est pas adéquat n'engage en rien, par ailleurs, notre critique
générale sur l'objectif visé par l'Office et sa
réalisation. Rappelons donc que la seule justification de l'Office,
comme ça a été démontré, du moins à
preuve du contraire, c'est l'efficacité. L'efficacité d'un office
dépend donc, comme on l'a dit, essentiellement de l'indépendance
dans l'application objective des normes environnementales. Or, la structure qui
est proposée aujourd'hui, ce n'est ni un organisme administratif pur, ni
un organisme quasi judiciaire pur, tel que nous l'ont confirmé les
experts dans le domaine. Il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'on nous
a mentionné dans ce qu'on a lu dans les journaux, d'amender un ou deux
articles du projet de loi pour faire en sorte que l'organisme va être
plus indépendant. C'est beaucoup plus important que ça, c'est la
structure elle-même qui est viciée. Ça cache mal
l'intention d'assurer un contrôle des décisions de l'Office et de
sa destinée.
Parmi les choses qui vicient de façon intégrale la
destinée de l'Office, mentionnons la structure administrative qui nous
est proposée: un conseil d'administration apparemment
représentatif du milieu - sans dire nécessairement quelle va
être cette représentation-là, proportionnellement - mais
sans aucun pouvoir réel sur les décisions, puisque tous ces
pouvoirs sont délégués, ou - et ça, c'est plus ou
moins clair - exercés par l'entremise d'un président qui ne se
sera pas vu, par ailleurs, déléguer les pouvoirs. Donc, autrement
dit, si, moi, je me trouvais sur le conseil d'administration de cet Office, je
pourrais ne jamais avoir eu connaissance d'une décision qui aurait
abouti au comité de révision, qui aurait abouti devant la Cour du
Québec, qu'il y aurait eu un jugement à la Cour du Québec
et, tout d'un coup, je m'apercevrai que j'ai rendu une décision qui a
été renversée par la Cour du Québec, parce que tous
mes pouvoirs auront été délégués et
décidés par des tiers.
Du côté de la structure administrative, un autre point qui
est achalant un peu, c'est l'étrangeté de la présence du
sous-ministre sur un conseil d'administration qui se veut neutre, un organisme
quasi judiciaire. C'est sans précédent. On n'aura jamais vu
ça, au Québec, la présence du sous-ministre sur un
organisme quasi judiciaire. Il faut bien comprendre qu'un organisme quasi
judiciaire, c'est un quasi-tribunal administratif, ou un tribunal
administratif, comme plusieurs l'entendent, mais vraiment la structure d'un
tribunal qui prend des décisions de cet ordre-là.
Au niveau de la structure, donc, rien ne laisse entendre que nous ayons
un véritable organisme quasi judiciaire; on n'a pas de règles de
procédure qui encadrent la constitution de l'organisme. Là
où ça commence à ressembler peut-être à
quelque chose de quasi judiciaire, c'est quand on rentre dans le comité
de révision. Là, effectivement, on se rapproche plus de ce qui
existe au niveau de la Commission de protection du territoire agricole, et tout
ça, et, effectivement, il y a des règles claires, ou relativement
claires, pour l'adoption des décisions: qui va siéger, comment
ils sont nommés. Mais, au niveau de la prise de décisions en
première instance, c'est-à-dire au niveau de l'Office,
ça n'apparaît pas, la base structurelle ne permet pas de dire que
c'est effectivement quelque chose qui va être neutre et
indépendant, comme devrait l'être un organisme à
caractère quasi judiciaire. (11 heures)
Autre critique importante ici et peut-être la critique majeure,
c'est l'empiétement dans l'Office par le ministre et le gouvernement. Au
niveau de l'empiétement par le ministre, on peut souligner, entre
autres, l'article 24 qui est le fait de dicter des directives à l'Office
qui sera lié par ces directives-là. On connaît une
structure semblable, un article du moins semblable au niveau de l'Office des
personnes handicapées, mais, ici, c'est un organisme administratif et
non quasi judiciaire. Donc, ici, effectivement, le ministre pourra dicter des
directives à l'Office qui devra s'y plier.
L'article 79 du projet de loi, ça, ça nous semble un peu
étrange, d'ailleurs. Pour les grands projets industriels, qui ne sont
pas soumis à la procédure d'évaluation parce que non en
vigueur, comme on l'a souvent répété, ici on retire
à l'Office le pouvoir d'émettre un certificat d'autorisation,
sous l'article 22, pour tout projet. Donc, tout projet, au Québec, qui
porte dommage à l'environnement, susceptible de porter dommage, doit
obtenir un certificat d'autorisation. Normalement, c'était le ministre
qui l'émettait, y compris dans le cas où un projet était
soumis à l'évaluation environnementale. Ici, on vient dire: Les
grands projets qui ne seront pas évalués en vertu de la
procédure, donc exclus aussi des audiences publiques,
éventuellement, pour les raisons que vous connaissez, ne seront pas, non
plus, évalués comme les autres projets. Le ministre se
réserve le pouvoir d'autoriser ce projet-là. On ne comprend pas
pourquoi ces projets-là sont si importants pour les retirer
également de la juridiction de l'Office. Ce n'est pas suffisant de les
dispenser de l'évaluation environnementale, il faut, en plus de
ça, les retirer à l'Office. Ce qu'on ne comprend pas, c'est
l'empiétement des pouvoirs dans un cas comme celui-là, alors que
tous les autres projets vont être soumis à l'Office et que les
projets les plus dommageables en termes d'environnement, c'est le ministre qui
va les accorder jusqu'à temps, à tout le moins, qu'on les
évalue au terme de la procédure d'évaluation
environnementale. Malheureusement, on pourrait en déduire ou des esprits
malins pourraient dire que c'est un exemple de la confiance que le ministre va
accorder à son Office, éventuellement, alors que les projets les
plus importants ne seront pas soumis au contrôle de l'Office.
Autre lacune importante, l'article 31.7. Ici, c'est très,
très important et je pense que ça n'a pas été
soulevé beaucoup. Pour expliquer à ceux qui ne sont pas familiers
avec la Loi sur la qualité de l'environnement, l'article 31.7, qui
existe déjà dans la loi, dit actuellement: Lorsque vous avez des
projets qui ont passé à travers la grande procédure
d'évaluation, l'audience publique, ou encore qui ont été
soumis, pour des raisons politiques, à la grande procédure -
jusque-là, on suit ça - c'est bien normal que la décision
gouvernementale qui a été apportée sur ce
projet-là, le ministre de l'Environnement, lorsqu'il émet son
certificat d'autorisation, parce que c'est une autre procédure qu'il
doit faire, est lié par les décisions du cabinet. Ça va de
soi. Autrement dit, si le cabinet va d'un côté, le ministre, lui,
lorsqu'il émet le permis final, ne peut pas aller contrairement à
tout ce qui aurait été décidé en audience
publique.
Ici, on a réécrit l'article 31.7 de manière
à dire: Lorsque ça a passé à travers ces
articles-là, l'Office n'a pas le pouvoir d'émettre le certificat
d'autorisation, ça va être le ministre - déjà, on
dit: Bon, il empiète encore sur les pouvoirs de l'Office - mais non pas
à l'égard du projet qui aura été
évalué, mais de tout projet connexe. On ne définit pas
c'est quoi les projets connexes. Alors, exemple, s'il y a une aluminerie, pour
x raison, qui a passé à travers l'évaluation
environnementale, le barrage qui va servir à l'alimenter en
hydroélectricité, est-ce que c'est ça, un projet connexe?
Les projets connexes, dans le temps, ça va être jusqu'à 10
ans après, 20 ans, 5 ans ou dans l'année qui suit? Est-ce qu'il
faut que ça ait été planifié avant dans le cadre de
l'audience publique? Ce qui est encore plus grave, c'est que non seulement on
soustrait les projets connexes à la procédure d'évaluation
et d'audience publique, mais on les soustrait à tout contrôle
gouvernemental autre, c'est-à-dire non seulement au contrôle de
l'Office qui devrait avoir lieu, mais la façon dont c'est écrit,
même vous, M. le ministre, ne pourrez pas les refuser, les projets
connexes, vous êtes lié par la décision du cabinet. On ne
comprend pas ça, on trouve ça inacceptable, injustifiable,
incompréhensible, surtout si on ne définit pas c'est quoi, les
fameux projets connexes, parce que ces projets-là n'auraient
peut-être même jamais été évalués dans
la procédure globale au début et ça passe comme dans du
beurre après.
Empiétement gouvernemental, je mentionne: modification de tout
acte de délégation. Donc, à chaque fois que l'Office va
déléguer des pouvoirs à des tiers pour le
représenter dans ses décisions, le gouvernement peut renverser
unilatéralement cette décision-là: Non, moi, je ne suis
pas d'accord avec la délégation que tu as faite. Si le
gouvernement se donne ce pouvoir-là, c'est, entre autres, une preuve que
ceux qui ont les véritables pouvoirs de décision, ça va
être les délégataires. Pouvoir d'ordonnance:
également, le gouvernement se réserve le pouvoir d'ordonnance
à la place de l'Office. Il soustrait également " toute demande de
certificat d'autorisation qu'il juge loisible de la juridiction de l'Office.
Donc, c'est trois pouvoirs assez importants.
Outre le fait, pour conclure là-dessus, que c'est une abdication
des pouvoirs que le ministre a actuellement, nous sommes très,
très perplexes quant à cette démarche-là, tout d'un
coup, de transférer ça au gouvernement. M. le ministre, vous avez
complété tout juste, bientôt, un mandat complet, et c'est
à votre honneur, au ministère de l'Environnement, comme vous
l'avez d'ailleurs souligné. Vous n'avez peut-être pas toujours eu
gain de cause, mais je pense qu'on doit reconnaître aujourd'hui que vous
avez effectivement mené d'importantes luttes avec acharnement dans un
des mandats peut-être les plus lourds que le ministère de
l'Environnement a eu à porter, considérant les projets qui
devaient passer pendant que vous étiez au pouvoir, en place, en tant que
ministre.
Cela dit, après tous les déboires que vous avez eus, et
ça, ça a été rendu quand même relativement
public, au sein même de votre gouvernement et du cabinet des ministres,
en cédant ces pouvoirs-là au gouvernement, êtes-vous
sûr que c'est le cadeau que vous voulez leur faire? Ici, je ne fais pas
de politique gouvernementale, je ne vise pas un gouvernement au niveau de la
volonté politique, je pense juste à une question de structure.
Après tous ces déboires-là, est-ce que c'est vraiment ce
que vous souhaitez? J'imagine qu'après quatre ans on prend goût un
peu à l'environnement ou, du moins, à la cause qu'on
défend. Est-ce que, après tous ces déboires-là,
c'est vraiment ce que vous souhaitez de mieux pour l'environnement, que ces
pouvoirs-là soient exercés par le cabinet ou par le gouvernement,
tels que vous les avez transférés? Avec respect, M. le ministre,
permettez-nous d'être sceptiques et très craintifs parce que
ça nous apparaît contradictoire. Vous redonnez une
prépondérance décisionnelle à la cause même
de l'inefficacité de votre ministère. En déléguant
ainsi les pouvoirs au gouvernement, non seulement vous faites hara-kiri, mais
vous risquez de tuer également la cause environnementale.
Enfin, les derniers points, la révision et l'appel. On
n'insistera pas trop, trop sur l'aspect qu'on est contre le fait que ce soit la
Cour du Québec qui tranche ces questions-là, c'est assez clair
dans notre mémoire, mais simplement sur un point qui nous semble encore
majeur. Il existe trois niveaux d'appel selon le projet de loi, probablement un
quatrième niveau d'appel aussi qui n'a pas été
mentionné, qui est mis en place en vertu du PRRI, une possibilité
pour le promoteur également d'intervenir avant que les citoyens aient
connaissance de la décision qui a été rendue et de pouvoir
intervenir là-dessus. Aucun de ces quatre niveaux d'appel ne fait
référence aux véritables intéressés qui vont
subir une atteinte à leur droit de l'émission du permis. Outre le
promoteur qui demande le permis, il faut se rappeler - on a parlé de
charte tout à l'heure - que l'article 19.1 reconnaît à tous
les citoyens au Québec... Et beaucoup de personnes ont vanté
notre loi à travers le monde entier, lorsqu'on a mis ça dans la
loi en 1978, comme étant la première déclaration à
caractère de charte, comme quoi on reconnaissait à tous les
citoyens un droit à l'environnement, dans la mesure prévue par la
loi, les règlements, les permis, et tout ça. Bon. C'est un droit,
mais très limité par tout ce qu'on va rendre comme permis et
ordonnances. Or, lorsque vous rendez ces ordonnances-là, ces
permis-là, c'est autant d'atteintes au droit des citoyens à un
environnement de qualité et, dans la loi actuelle, il n'y a d'appel que
pour les promoteurs qui se voient refuser le permis. Donc, lorsque les permis
sont accordés, il n'y a pas de possibilité d'appel, alors que
c'est autant d'atteintes au droit des citoyens à leur environnement de
qualité.
Ici, nous nous adressons à vous, M. le ministre, non pas en tant
que ministre, mais surtout en tant que juriste: il nous apparaît comme
l'un des droits les plus fondamentaux des citoyens d'en appeler lorsqu'il y a
des injustices, d'avoir la possibilité d'en appeler des injustices et,
ici, l'appel, il faut bien s'en rappeler, c'est pour des motifs d'erreurs de
droit ou de fait. Il y a autant de chances de se tromper en refusant un permis
que de se tromper en l'émettant, le permis, sauf qu'il n'y a pas
possibilité d'en appeler lorsque vous émettez le permis avec des
erreurs de droit ou de fait. Alors, ce qu'on demande ici aujourd'hui, c'est de
reconnaître ce droit-là à tous les citoyens, et c'est
d'autant plus important si vous passez votre Office que, comme on l'a
mentionné, un organisme quasi judiciaire ou, à tout le moins,
apparemment indépendant, non lié politiquement par les
décisions qu'il va rendre, ne subira jamais le poids politique de ses
erreurs de fait ou de droit. Et, là-dessus, je déposerais
simplement ça ici; on a commence à faire circuler une
pétition - et je pense que, si on avait eu plus de temps, on aurait eu
tout le Québec avec nous autres parce qu'on n'a jamais essuyé un
non jusqu'à maintenant - et ça regroupe 18 organismes; il y en a
d'autres qui vont venir pendant la commission parlementaire, et certains
organismes assez importants dont vous prendrez connaissance, le cas
échéant, lorsqu'ils se présenteront devant vous.
Je terminerai sur l'appel et la révision par cette
note-là, qui nous apparaît non pas une demande, mais une
nécessité au niveau de la reconnaissance des droits les plus
élémentaires. Mais non seulement on ne fait pas ça dans le
projet de loi, mais on retire le peu de droits qui avaient été
mis aux citoyens au niveau de l'appel. C'est-à-dire qu'on s'était
dit en 1978: On «va-tu» jusque-là? On va leur permettre
d'intervenir; si on refuse le permis à quelqu'un, là, dans
l'appel, on peut venir donner notre point de vue. Alors, maintenant, ça
n'apparaît plus, non plus, au projet de loi, donc on a retiré
ça également dans le projet de loi, ce qui nous
apparaît déplorable. Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Vous me permettrez de
remercier le Centre québécois du droit de l'environnement et ses
deux porte-parole aujourd'hui; ils sont beaucoup plus nombreux, en
arrière d'eux, que ceux qui sont présents devant nous
aujourd'hui. Vous avez débuté votre présentation en nous
mentionnant que vous avez reçu, au cours des derniers mois, une
reconnaissance officielle de la part des tribunaux, de la part du Procureur
général du Québec. Je vous en félicite. Je vous
ferai humblement remarquer qu'il y a longtemps que cette commission
parlementaire vous reconnaît à titre d'intervenant majeur. Je vous
ferai également remarquer que, comme ministre de l'Environnement ou
comme ministère de l'Environnement, on vous a toujours reconnu comme un
intervenant majeur qui, dans chacun des projets de loi, est intervenu et a
contribué à bonifier, sur le plan technique, la
législation québécoise en matière environnementale
et ça vous honore.
Ceci étant dit, sur le plan macropolitique, si vous me permettez,
parce que vous avez fait de la macropolitique jusqu'à du détail
de législation, et les uns et les autres sont importants et
complémentaires, il ne faut pas qu'il y ait de faille nulle part. Dans
votre argumentation, vous avez mentionné que, dans l'état actuel
de l'environnement et du droit de l'environnement, le ministère de
l'Environnement ou le ministre n'avait pas de cadeau à faire à
personne. Je vous dirai que je ne pense pas, depuis deux ans, avoir fait de
cadeau à personne dans quelque dossier que ce soit, à partir du
contenu en soufre dans le mazout - le prochain témoin, c'est
HydroQuébec, je pense - jusqu'à Hydro-Québec. Dans chacun
des dossiers d'évaluation environnementale, le ministère de
l'Environnement du Québec a mené la lutte, et on peut parler de
défaite - moi, j'en ai subi une, et ce n'est pas le gouvernement comme
tel qui me l'a imposée, c'est l'Assemblée nationale du
Québec - dans le cas d'une aluminerie. Dans tous les autres dossiers, le
ministère de l'Environnement du Québec a fait valoir son point de
vue et a réussi à rallier le gouvernement à son point de
vue dans des dossiers importants. Je passe par les Îles-de-la-Madeleine
même, une centrale thermique à un moment donné, le dossier
Soligaz. Est-ce que je peux en oublier là? Les dossiers ont
été majeurs et importants.
Deuxième élément. Depuis la dernière
élection au Québec, le ministère de l'Environnement fait
partie de l'important comité interministériel du
développement économique où se prennent hebdomadairement
des décisions majeures qui peuvent affecter l'environnement. Depuis deux
ans, aucune décision n'a été prise sans l'aval du
ministère de l'Environnement et sans que, lorsqu'il y avait un
prêt ou une intervention financière à une entreprise, il y
ait un avis sectoriel du ministère de l'Environnement à l'effet
que des correctifs soient apportés et que l'entreprise régularise
sa situation face au ministère de l'Environnement du Québec. Je
pense que ce sont des éléments qui ne sont pas souvent
discutés sur la place publique. Moi, je n'aime pas dire: Le
ministère a accompli tel progrès. Il nous en reste tellement
à accomplir, il y a tellement de choses qu'on n'a pas faites, mais ces
choses-là, je ne veux pas qu'on pense que te ministère de
l'Environnement a laissé des quartiers là. Je pense qu'au
contraire il s'est affirmé face à l'ensemble de l'appareil
gouvernemental. Le combat est loin d'être fini et ce projet de loi
là n'est pas destiné à faire de cadeau à personne,
mais de la façon dont il est libellé présentement, je vous
l'avoue, je vous concède qu'il y a des trous qui prêtent à
penser qu'il y a des cadeaux et, effectivement, si les trous ne sont pas
bouchés, il y aura des cadeaux. Donc, la commission parlementaire et
votre intervention vont dans le sens de nous alerter et de faire en sorte qu'on
ne sorte pas de ce processus affaibli, comme ministère de
l'Environnement, mais renforcé, parce que notre action devient de plus
en plus importante au Québec.
Je reviens au projet comme tel. Vous avez mentionné la
caractéristique de l'Office: S'agit-il d'un organisme quasi judiciaire,
etc.? Je pense que les avis que vous avez reçus de Me Garant et que vous
semblez partager sont des avis qui sont corrects. Je n'ai pas parte à Me
Garant de la nature même de l'organisme, mais, à mon avis, tel
qu'il est libellé présentement, avec son statut qui n'est pas
totalement clair... Parce que, strictement, pour choisir le nom, s'agit-il
d'une commission? d'une régie? Au sens de l'étymologie
gouvernementale, ça a été une difficulté qui a mis
à contribution les plus grands hauts fonctionnaires habitués dans
ces démarches étymologiques et ils n'étaient pas
certains... Moi, je suis certain qu'il ne s'agit pas d'un organisme quasi
judiciaire à l'état pur, certain, certain, certain. Au plus loin,
je pense qu'il s'agit, dans l'état actuel, d'un organisme administratif
avec ce qu'on appelle, et vous me permettrez l'anglicisme, «a duty to act
fairly». Je ne sais pas ce que vous pensez de cette analyse.
L'aspect judiciaire, quant à moi, relève d'abord et
davantage de ce qu'on peut considérer comme un tribunal très
indépendant - on ne serait même pas permis de le remettre en
question - la Cour du Québec. Lorsque les appels vont à la Cour
du Québec, je pense que la Cour du Québec agit de façon
judiciaire à ce niveau-là. J'aimerais peut-être entendre
vos réactions. (11 h 15)
M. Bélanger (Michel): La réaction au niveau de la
Cour du Québec, ce qui nous apparaît un peu plus difficile
à aborder, c'est qu'on a un
jugement de la Cour d'appel du Québec qui a reconnu que, dans
l'exercice de vos pouvoirs en vertu de l'article 22 - d'ailleurs, . ça a
été confirmé dernièrement - en l'absence d'un
règlement, même vos fonctionnaires n'auraient pas la marge de
manoeuvre que vous avez de prendre des décisions sur les directives et
les politiques. Ce serait une délégation qui ne leur serait pas
autorisée en vertu de la loi, selon une décision récente
d'octobre 1991. Mais, dans l'exercice des pouvoirs d'émission de permis
en vertu de l'article 22, vous exercez effectivement une grande
discrétion, surtout lorsque les normes sont inexistantes, et, on l'a
mentionné tantôt, à certains égards, il y en a
même qui préféreraient ça. Cela dit, à cause
du caractère discrétionnaire du pouvoir, la Cour d'appel est
venue dire que, lorsque la Commission municipale a à envisager l'appel
de vos décisions, ils peuvent exercer sensiblement un pouvoir un peu
élargi comme ça, et ça, ça commence à
approcher l'analyse de l'opportunité d'émettre le permis, ce qui
n'est pas du ressort d'une cour de justice, et la Commission municipale nous
apparaît une structure administrative ou, du moins, un tribunal mieux
placé pour se pencher sur des questions d'opportunité
plutôt que de légalité. Si vous transférez ça
à la Cour du Québec, c'est clair que, pour une décision
dont il va y avoir appel, ce qui va être rendu comme décision va
être beaucoup plus légaliste. Donc, autrement dit, on va perdre
peut-être un pouvoir de contrôle sur la conformité du
contenu des certificats.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Il y a un équilibre
que l'on tente d'atteindre, qui n'est pas toujours facile à atteindre,
sur l'approche face au secteur industriel. On n'a pas la même
problématique face au secteur municipal. Mais, face au secteur
industriel, ce que nous mettons de l'avant, création de l'Office ou pas,
le Programme de réduction des rejets industriels avec les certificats
d'assainissement comme tels qui seraient administrés par l'Office, dans
le cas où l'Office serait créé, a un double volet: la
norme réglementaire horizontale - je pense que vous êtes assez
familier avec cette approche du ministère de l'Environnement - qui
s'applique à ce secteur d'activité industrielle, doublée
d'un permis personnalisé, le certificat d'assainissement, qui tient
compte également' de la capacité, entre autres, de
réception du milieu naturel. Donc, c'est une approche qui est à
la fois normative et réglementaire et qui laisse une certaine marge de
discrétion qui est balisée par la capacité de recevoir du
milieu. On n'est ni dans la discrétion absolue basée strictement
sur le milieu récepteur, ni dans l'application bebête d'une norme
qui ne s'appliquerait pas de la même façon à
Sept-îles que dans le ruisseau de la Vallée-de-Rulter.
M. Corriveau: Si vous permettez, M. le ministre...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, j'aimerais vous entendre.
M. Corriveau: ...pour compléter ce que Me Bélanger
a dit relativement à votre question. Vous avez mentionné le
«duty to act fairly» ou le devoir d'agir équitablement. Ce
devoir-là n'est pas typique seulement des offices ou des régies,
mais il doit également être respecté par le
ministère de l'Environnement, et votre contentieux, dans les litiges
dans lesquels j'ai été impliqué, s'en est servi à
plusieurs reprises. Je ne pense pas que la création de l'OPEQ va ajouter
quelque chose de nouveau à ce niveau-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, non, je ne le mentionnais pas
comme un ajout, je le mentionnais pour qualifier l'organisme comme tel, parce
que je ne suis pas opposé à l'interprétation que vous en
faites, qu'il ne s'agit pas d'un organisme quasi judiciaire comme tel. Il
s'agit ici, dans mon esprit, d'un organisme qui est davantage... D'ailleurs, je
ne suis pas celui qui en décide. C'est la caractéristique de
l'organisme, le libellé; si on apporte des modifications, je pense que
ça va clarifier le statut comme tel de l'Office. Ce n'est pas la
déclaration ministérielle qui donne un statut à l'Office,
c'est le contenu législatif adopté par l'ensemble des
parlementaires. Une fois que c'est adopté, on voit ce que c'est.
Il y a un élément sur lequel je me permets d'insister et
sur lequel vous avez beaucoup insisté, les droits d'appel comme tels, de
ne pas retrancher à quelque citoyen que ce soit les droits qui sont
déjà contenus dans la législation actuelle et, au
contraire, si une partie a le droit d'en appeler, que l'autre ait
également le droit d'en appeler. J'ai demandé aux légistes
du ministère de l'Environnement de suivre la piste que vous avez,
justement, ouverte à ce sujet.
La question des impacts, la déresponsabilisation, ou la question
de la création - je vais revenir à la déresponsabilisation
- d'organismes, de véhicules. Le ministère de l'Environnement,
ministère jeune. Le Parti québécois a créé
au début la Société québécoise
d'assainissement des eaux. Je vais vous montrer, ou je pourrais vous montrer,
je n'ai pas le bilan, devant moi, des réalisations des premières
années. Il a fallu que la Société s'engage du personnel,
se forme, etc. Pendant les premières années, il n'y a à
peu près rien eu de fait, de réalisations. Je le dis bien
humblement. En 1985, la courbe d'augmentation augmente. Si le Parti
québécois n'avait pas créé - je vais le
reconnaître publiquement, le député de La Prairie va
être content - la SQAE en 1978, le Parti libéral n'aurait pas pu,
en 1985, jouir d'un véhicule qui était indispensable pour
investir ces sommes d'argent dans l'assainissement des eaux. S'il n'avait pas
fait ça en 1978,
on n'en serait pas là.
Le BAPE a été créé également par le
Parti québécois. Ils n'ont pas mis en vigueur - et vous avez
raison de le souligner, pas plus qu'on ne l'a fait depuis qu'on est là -
les articles qui soumettraient les grands projets industriels, entre autres, au
BAPE. Je vous dirai que je leur sais quand même gré d'avoir
créé le BAPE parce que, présentement, si on est dans une
situation où on peut exercer des pressions politiques, des pressions
administratives, des pressions auprès des membres de l'Assemblée
nationale, qui vont soumettre un rapport à l'Assemblée nationale
bientôt, c'est parce que le véhicule a été
créé dans le passé. Et, si ce véhicule-là
n'existait pas, la côte à remonter présentement serait
beaucoup plus importante.
Donc, toute la dialectique de la création du véhicule,
ça procède par étapes au gouvernement. C'est un appareil
qui est lourd. Et, quand on n'a pas l'outil pour faire le travail et qu'en plus
d'avoir le contenu il faut créer l'outil, le travail est deux fois plus
difficile. Et, dans ce sens-là, moi, je rends hommage à ceux qui
m'ont précédé et qui ont eu la vision, en assainissement
des eaux, de créer des organismes, en évaluation
environnementale, de créer des organismes, en conseil consultatif
également, de créer des organismes, parce que, aujourd'hui, on
peut s'en servir.
Donc, j'attire votre attention sur la nécessité de se
doter des outils, qui ne sont pas complets quand on les démarre. Ce
n'est pas les 16 soupapes du moteur qui partent; des fois il y en a une, des
fois il y en a deux, mais le véhicule est quand même là et
porteur de la volonté politique d'aller de l'avant et d'avoir une
application de la réglementation et de la législation qui soit
plus efficace. Vous soulignez d'ailleurs dans votre mémoire qu'en ce qui
concerne la restauration des sites, les possibilités d'indemnisation des
victimes, etc., ça prend un véhicule. Moi, je vous soumets bien
humblement que, quand on demande le véhicule en même temps que les
moyens, c'est encore un combat un peu plus long et un peu plus difficile.
Peut-être que, quand on a le véhicule, on peut remplir le coffre
à bagages au fur et à mesure où il s'en va sur la
route.
Les impacts, la déresponsablllsation. Moi, j'aimerais vous
entendre là-dessus parce que j'ai été ministre de
plusieurs ministères, responsable de plusieurs organismes,
administratifs, quasi judiciaires, etc., et je ne me suis jamais, jamais,
jamais senti déresponsabilisé face à l'Assemblée
nationale du Québec, à ses représentants et à la
population en général. Lorsque j'étais ministre du
Travail, j'avais la responsabilité administrative de la CSST; j'avais
hérité, à l'époque, d'un déficit annuel de
542 000 000 $, déficit accumulé de 2 000 000 000 $. Je me sentais
responsable devant la population du Québec, bien que cet organisme soit
dirigé par un comité paritaire, patronal-syndical, très
fort, et j'ai fait les efforts et j'ai répondu à
l'Assemblée nationale. Pour tous les organismes dont j'ai
été responsable, je pense 25, je n'ai jamais eu ce sentiment de
déresponsabilisation. Et je vous interroge là-dessus.
M. Bélanger (Michel): Je vais juste vous citer un exemple
qui m'est venu pendant que vous me posiez la question, celui d'un dossier que
j'ai examiné de près, le dossier de la Balmet. Si on avait
passé les 10 dernières années avec la structure que vous
proposez ici, le poids politique que vous aviez sur le dos lorsque le scandale
est sorti aurait été très différent. Parce que la
Balmet a eu un certificat d'autorisation pendant sept ans qu'elle n'a pas
respecté. Lorsque le scandale est sorti... Et le dossier est accablant.
C'est avis sur avis; on est revenu; il y a trois mois on est allé; mise
en demeure d'ici deux semaines; trois ans après on revient. Donc, tout
ça, c'est le dossier administratif qui serait probablement
géré par l'Office. Le scandale sort et, tout d'un coup, on n'a
pas les moyens juridiques pour intervenir. Là, c'est tout d'un coup le
ministre qui va... Alors, comme on le mentionne, lorsque ce ne sera pas
l'Office qui ne fera pas sa job, c'est les lois qui seront mal faites. La seule
différence qu'il y a avec actuellement, c'est que ça retombe sur
la même personne qui doit justifier l'application et l'élaboration
de ces mêmes normes là. Et, maintenant, c'est mon Office qui ne
marche pas, ou c'est le ministre qui n'a pas des bonnes lois.
Quand on dit «déresponsabilisé», c'est que le
dossier est trop politisé. On ne donne pas les sous à l'Office
pour fonctionner davantage qu'une régie indépendante; ça a
été refusé au Conseil des ministres. Et ça veut
dire, autrement dit, que l'Office devra, avec des moyens aussi réduits
que ce que vous avez au ministère, déterminer ses
priorités. Mais l'Office est contrôlé par,
c'est-à-dire apparemment, une structure de conseil d'administration
représentant le milieu. Alors, lorsqu'il va être obligé de
couper dans des programmes ou dans les priorités, surtout, de son
intervention, parce qu'il n'aura pas plus les ressources, à ce
moment-là, bien, ce sera une décision qui sera venue du milieu,
alors que l'Office ne siège pas au Conseil des ministres pour dire:
Où sont les sommes d'argent que j'avais demandées ou qu'on
m'avait promises?
C'est la double structure, qui fait en sorte qu'on donne des
prétextes pour renvoyer la balle de l'un à l'autre, qui nous fait
très peur, alors que la plupart des décisions sont encore
beaucoup trop, à l'heure actuelle, politiques. Si on avait des normes
à appliquer et qu'on disait à une régie: Tu n'as pas de
discrétion à appliquer beaucoup, c'est une procédure
d'appel, par exemple la Commission de protection du territoire agricole,
peut-être que ce serait une autre paire de manches.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Me Bélanger, je ne peux pas
vous suivre. Je vais vous expliquer pourquoi. Peut-être qu'à
partir de votre point de vue vous avez raison. Je vais tenter de vous livrer le
mien. Dans le cas des dossiers qui passent devant le BAPE, organisme
indépendant s'il en est, qui entend toutes les parties et fait des
recommandations au gouvernement, je sens la pression politique dans tous les
dossiers importants. Et j'ai cet organisme-là qui me sert de paravent et
je sens cette pression politique importante.
Je vais revenir à Hydro-Québec. Dans le cas des
évaluations environnementales du projet Grande-Baleine, je ne suis, en
vertu de la Convention de la Baie James, même pas membre des
comités d'évaluation et d'examen. Si vous voulez me demander si
je sens des pressions, je vais vous répondre que, politiquement, oui.
Dans le cas de la Balmet, pour revenir à l'exemple que vous nous avez
soumis, qui est un bon exemple pratique, lorsque vous avez, dans la province de
Québec, des enfants dont le taux de plombémie atteint un niveau
qui est risqué ou dangereux et que ça vous est certifié
non pas par le ministère de l'Environnement, mais par le
Département de santé communautaire, les experts en la
matière, que le certificat ait été émis par un
office, que le certificat ait été émis par un gouvernement
précédent, que le certificat ait été émis
par n'importe qui, parce que vous êtes le ministre de l'Environnement
cette pression politique-là vous atteint ou vous êtes
inconscient.
Je ne sais pas comment vous le traduire, je n'ai pas pu me mettre
à l'abri, dans n'importe quel organisme, de la pression politique
lorsque ces événements-là revêtent un niveau
d'importance pour la société québécoise. Je n'ai
pas trouvé la recette, et je ne la cherche pas, parce que nous sommes
élus pour faire face à nos responsabilités et
répondre devant les membres de l'Assemblée nationale et devant
l'ensemble de la population.
M. Corriveau: M. le ministre, vous avez une grande
expérience politique et personne au Centre n'aura jamais une
expérience équivalente parce que, comme vous le savez, nous
sommes non partisans. Donc, on se verra seulement ici, seulement dans les
réunions comme celle-ci. Cependant, au niveau des exemples que vous avez
donnés, pour le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, il est
évident qu'il n'a pas pu vous servir de paravent puisque ce n'est pas un
organe décisionnel, alors que l'OPEQ, lui, sera décisionnel,
d'une part. De l'autre côté, et c'est probablement là
où c'est le plus important, c'est au niveau de l'élaboration des
normes. Je vous donne un exemple. Dans 10 ans d'ici, nous serons respectivement
chez nous le matin, nous lirons le journal: Scandale! le niveau de dioxine dans
la qualité de l'air des grandes zones urbaines est 10 fois trop
élevé. Il y a d'ailleurs quelqu'un qui a sorti des statistiques
similaires il n'y a pas longtemps. Mais supposons que, même dans 10 ans,
c'est encore trop. Le ministre de l'Environnement dira: Mais écoutez,
l'OPEQ a son budget, c'était à lui de faire face à la
critique de l'entreprise et de justifier l'établissement de normes plus
sévères; ce n'est pas à moi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): je respecte votre perception. je
tente simplement de m'ima- giner le ministre qui serait dans cette
position-là...
Le Président (M. Garon): Alors, le temps dévolu est
écoulé. M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais, au nom de
l'Opposition officielle, saluer M. Bélanger et M. Corriveau, les
féliciter pour la qualité remarquable de leur mémoire.
Ça devient une tradition pour le Centre du droit de présenter un
mémoire extrêmement étoffé qui découle d'une
recherche minutieuse. Je comprends maintenant pourquoi le ministre n'a pas
accepté que vous veniez le premier jour. Un groupe s'est
désisté le premier jour et nous avions proposé que le
Centre québécois vienne, étant donné qu'ils ont une
vue non partisane, justement, puis très, très fouillée du
problème. Bref, c'est du badinage, ça.
Une voix: Exactement, c'est ce que je me disais.
M. Lazure: Vous avez compris que c'était...
Des voix: Ah! Ah!
M. Lazure: Vous avez compris.
Une voix: C'est ce que je me disais.
M. Lazure: Vous avez compris. Mais, M. le Président, moi,
ce qui me frappe dans la présentation du Centre québécois,
c'est la série de mises en garde...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le député, est-ce
que vous me permettez de vous interrompre?
M. Lazure: Non, non, non.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'aurais une petite urgence
à régler, et je ne veux pas manquer l'échange entre le
Centre québécois et vous, et j'ai de la difficulté...
M. Lazure: Vous voulez aller régler une urgence?
Une voix: Naturelle?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non. Ha, ha, ha!
M. Lazure: Bien écoutez, je ne veux pas être
inhumain là. Allez-y si...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je demande la suspension, si vous
êtes d'accord...
M. Lazure: O.K.
Le Président (M. Garon): Mais on va avoir des
problèmes tantôt, parce qu'il faut ajourner à 12 h 30.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Cinq minutes.
M. Lazure: Cinq minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'en ai assez de cinq minutes,
moi, pour rendre mes décisions puis régler mes urgences.
M. Lazure: O.K.
Le Président (M. Garon): Cinq minutes. Alors, la
commission suspend ses travaux pendant cinq minutes.
(Suspension de la séance à 11 h 30)
(Reprise à 11 h 34)
Le Président (M. Garon): La commission reprend ses
travaux.
M. le député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. La première
remarque que je veux faire, c'est sur le tout premier paragraphe de votre
sommaire quand vous dites: «Toutefois, une structure administrative
n'engendre pas une volonté politique et cette volonté politique
ne nécessite pas une structure administrative pour s'affirmer.» Je
pense que le ministre devrait garder cette phrase-là et en faire
vraiment sa lecture de chevet, l'apprendre par coeur. Il s'est défendu
tantôt, en parlant du BAPE, du Bureau d'audiences publiques, de la
Société québécoise d'assainissement des eaux. Je
l'ai dit tantôt, mais je le répète puisqu'il revient encore
là-dessus, nous ne sommes pas en désaccord avec la
création de certaines structures pour des mandats bien précis.
Par exemple, le rapport Charbonneau recommande la création d'une
régie des déchets dangereux. Nous, en tout cas, au Parti
québécois, dans l'Opposition, nous l'avons demandée
publiquement, nous sommes d'avis que ce serait utile d'avoir une régie
des déchets au Québec avec un mandat bien circonscrit et une
boite de grosseur relative, modeste. Mais, là, il ne s'agit pas de
ça, il s'agit véritablement de créer un deuxième
ministère.
Je pense que les mises en garde du Centre québécois du
droit de l'environnement sont extrêmement valables et je m'arrête
à l'une d'elles, et c'est ma première question. Quand vous dites:
«Le projet de loi présente des modifications majeures au
régime juridique et politique et ne devrait pas être adopté
en raison du recul qu'il constitue pour les droits des citoyens et de la menace
qu'il constitue pour la démocratie environnementale», je voudrais
m'ar-rêter là-dessus et vous demander de nous préciser un
petit peu plus ce que vous voulez dire par ce recul.
M. Bélanger (Michel): Là où on estime qu'il
y a un recul, c'est, comme on l'a mentionné tout à l'heure... Une
régie, techniquement, est là pour appliquer, sur une base
relativement objective, des normes et rendre des décisions
conformément à ces normes-là. Lorsqu'elle est
appelée à rendre, en instance d'appel ou de révision, une
décision - et c'est bien circonscrit, la procédure est claire -
elle doit entendre tous les intervenants, etc., d'où
l'intérêt d'avoir un organisme quasi judiciaire, parce qu'on a
lancé des mots au début puis on n'a peut-être pas
défini tout à fait quel était l'objectif qu'on visait avec
un organisme quasi judiciaire.
Lorsque l'exercice de ces mêmes pouvoirs dépend
essentiellement ou principalement de l'exercice de pouvoirs
discrétionnaires... Même le PRRI qu'on a mentionné tout
à l'heure, oui, il est encadré avec un minimum de
règlements, mais il y a une certaine marge de manoeuvre pour repousser
à trois ans l'adoption du règlement avec un pouvoir de
discrétion pour l'étalement de ces trois années. On peut
même aller au-delà des normes et en dicter d'autres. C'est tout
l'Office qui, maintenant, va faire ça, selon ce que je lisais. Si le mot
«ministre» a été changé partout, je pense que,
dans cet article-là aussi, la possibilité est de dire, si les
normes sont insuffisantes... L'article, il faudrait que je...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Les trois ans, vous avez raison.
Je voulais juste préciser sur les deux ans, si le député
de La Prairie me le permet, pour qu'on s'entende bien sur les deux ans
additionnels, parce que vous avez également raison, mais strictement si
l'entreprise investit au-delà des normes qui sont imposées.
M. Bélanger (Michel): Exact.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K. Ça va.
M. Bélanger (Michel): Et cette
évaluation-là, c'est, encore une fois, l'organisme quasi
judiciaire qui va en décider. Et le pendant de ça - c'est
notre interprétation qu'on avait faite du PRRI dans le temps -
constituera un parapluie juridique, à tout le moins, dans la mesure du
respect du permis. Bon. Autrement dit, effectivement, contrairement à
votre désir de contrôler et de garder le contrôle du
règlement ou des lois, dans le cadre du PRRII, cette discrétion
de modéliser les lois à la capacité de s'adapter de chaque
entreprise, c'est l'Office qui va le faire.
L'aspect des certificats d'autorisation sous l'article 22 dans l'absence
de règlement, ça aussi, ça rencontre un important pouvoir
de discrétion, ce moment-là, lorsqu'un jugement est rendu, il n'y
a aucun contrôle sur un organisme quasi judiciaire. S'il est bon,
peut-être que ça peut avoir des avantages. S'il est mauvais et si
la décision est mauvaise, dépendant de quel côté on
se place, bien entendu, il n'y a personne qui va supporter le poids politique
de cette décision-là.
Au niveau, donc, de la structure, ça nous pose des
problèmes et, lorsqu'il y a des reculs, dans toute l'élaboration
que je vous ai mentionnée, au niveau de l'empiétement du
gouvernement dans une structure apparemment indépendante, ça,
c'est un net recul parce qu'on donne d'une main et on reprend de l'autre et, en
bout de ligne, avec l'effet qu'on délaisse des pouvoirs au gouvernement
qui émanaient du ministre responsable. C'est encore pire, à notre
avis, en termes de recul au niveau de l'avancement de la cause. Et l'appel,
c'est la cerise sur le sundae, on retire les quelques droits et on n'en donne
pas plus, alors que c'est un organisme non lié politiquement qui va
prendre toutes les décisions. C'est dans ce sens-là que c'est un
important recul.
M. Lazure: Je pense aussi à la remarque que vous faites,
qu'apparemment c'est la première fois que des normes seraient
établies par autre chose qu'un ministère. Moi aussi, à ma
connaissance, ce serait la première fois et je trouve ça tout
à fait anormal et dangereux. Et le ministre ne semble pas contester
cette affirmation-là. Ça nous amène à cette
possibilité très réelle qu'il y ait des conflits majeurs
entre la moitié qui va demeurer dans le ministère et l'autre
moitié qui va devenir l'Office, qui va devenir, à toutes fins
pratiques, un deuxième ministère de l'Environnement.
La troisième remarque qui m'a frappé, c'est lorsque vous
mettez en garde le ministre contre tout affaiblissement du ministre de
l'Environnement par rapport à l'ensemble du Conseil des ministres, et,
là aussi, vous avez absolument raison. Vous avez absolument raison parce
que, s'il y a un ministre, actuellement titulaire de quelque chose dans un
gouvernement, qui a besoin des pleins pouvoirs, pour ainsi dire, c'est bien le
ministre de l'Environnement, parce que c'est une cause qui n'est pas encore
acceptée par l'ensemble d'un Conseil des ministres, le ministre actuel
le confirmait tantôt, et c'est comme ça dans tous les
gouvernements, quel que soit le parti politique au pouvoir. Donc, un ministre
de l'Environnement, s'il veut vraiment défendre la cause de façon
vigilante, il doit avoir le maximum de pouvoirs et toute disposition d'une loi
qui viendrait affaiblir ces pouvoirs-là, pour moi, c'est à
réjeter. Bon. Je vois le ministre de l'Environnement qui opine du
bonnet, qui est d'accord. Alors, moi, je dis: C'est l'ensemble de son
opération avec son projet de loi qui va dans ce sens-là; ce n'est
pas seulement un ou deux articles, c'est la création même de
l'Office qui, à mon avis, affaiblit le pouvoir quotidien ou le pouvoir
hebdomadaire du ministre de l'Environnement auprès de ses
collègues du Conseil des ministres. C'est une des raisons principales
pour lesquelles je crois que le ministre devrait reculer dans son désir,
son projet de créer cet Office-là.
D'ailleurs, vous mentionnez à un certain endroit que
l'expérience a été faite ailleurs. Je voulais vous
demander, si possible, d'apporter des précisions: le cas de
('Illinois. Vous semblez dire que l'Illinois a procédé
à une création semblable et que ça n'a pas bien
marché.
M. Corriveau: Oui, l'expérience à date, c'est qu'en
1970 l'État de ('Illinois a passé le «Environmental
Protection Act» et on a divisé en trois, si vous voulez, la
question de la protection de l'environnement en Illinois, soit l'Agence de
protection de l'environnement de l'Illinois qui, elle, est chargée
d'appliquer la réglementation et de faire des suggestions à un
«board», le Procureur général de l'Illinois qui est
chargé de déposer les plaintes faites par la «Illinois
Environ-mental Protection Agency» et le IPCB, le «Illinois
Pollution Control Board» qui, lui, sembla-blement à l'Office, est
chargé d'élaborer les normes, d'émettre les permis et
d'entendre les plaintes. Or, il ressort d'un document de travail du U.S. EPA,
l'agence fédérale, que ce système-là n'est pas
efficace. Il est lent, il est coûteux, il n'est pas efficace. Et on
recommande que les pouvoirs du «Board» concernant
l'élaboration des normes soient simplifiés et,
éventuellement, retournés à l'EPA. On recommande que
l'Agence de protection de l'environnement de l'Illinois puisse directement
déposer des plaintes.
Cette situation-là a été
révélée dans la presse il y a deux ans, au début
des années quatre-vingt-dix, à la suite d'un long débat
entre l'agence fédérale de protection de l'environnement,
('«Environmental», et le «Pollution Control Board»,
relativement aux normes fixées par le fédéral sur l'ozone.
Il a fallu même que l'Etat du Wisconsin prenne action contre le IPCB pour
obtenir que les normes soient respectées. Je pense qu'il y a eu un
règlement hors cour à ce niveau-là. Mais il a quand
même fallu que ce soit un État voisin qui vienne faire respecter
la norme fédérale sur le territoire de l'État de
l'Illinois.
Ma lecture des «clippings» de cette époque-
là m'indique que, jusqu'à un certain moment, ça a
suscité des gorges chaudes aux États-Unis et qu'aucun autre Etat
américain n'a voulu se doter d'une telle structure. Et je pense que
l'État de ('Illinois est à réviser actuellement -
ils ont créé un comité de travail - cette
structure-là.
M. Lazure: Moi, je pense que vous avez une formule, qui est
lapidaire, qui est tout à fait juste, à mon avis, quand vous
dites: «Quand ce ne sera pas l'Office qui interprétera mal la loi,
ce sera la loi qui sera mal écrite.» Il y a le danger que ces deux
moitiés du ministère actuel deviennent deux joueurs qui se
renvoient constamment la balle. Le ministre sera pris entre les deux. Le
ministre aura à arbitrer plusieurs situations conflictuelles. Parce que
ça nous paraît, nous, à l'Opposition, artificiel de dire:
II va y avoir 1000 personnes qui vont faire des lois et des règlements
et il va y en avoir 1000 autres ou 840 qui vont élaborer les normes, qui
vont les mettre en application, qui vont surveiller leur bonne application.
Ça nous paraît tout à fait artificiel. Et c'est une coupure
qui... D'ailleurs, elle est rejetée par les professionnels du
ministère de l'Environnement. Il ne faut pas l'oublier, ça. Les
artisans eux-mêmes, ou elles-mêmes, qu'ils restent dans le
ministère, qu'ils soient parmi les 1000 qui resteront au
ministère ou les 800 qui s'en iront à l'Office, les artisans
eux-mêmes disent: Non, ça n'a pas de sens, ne faites pas
ça, ça va créer plus de problèmes que ça ne
va en résoudre. Et vous avez raison de dire que le problème
fondamental, c'est l'absence de ressources et l'absence de volonté
politique. C'est ce que les fonctionnaires disent. C'est ce que, aussi, le
Syndicat des ingénieurs du gouvernement du Québec dit dans un
texte qui a été publié récemment. (11 h 45)
Je voudrais revenir à la question des droits individuels, la
question d'appel et de révision. J'aimerais ça que vous
élaboriez un peu. Vous dites qu'une réforme des mécanismes
de révision gagnerait à s'Inspirer des procédures
élaborées à la CSST et à la Commission de
protection du territoire agricole. Vous pourriez nous faire ressortir les
avantages de leur procédure et comment ça pourrait être
transposé au ministère de l'Environnement?
M. Bélanger (Michel): Oui. Ici, au niveau de la CPTAQ, on
a une procédure de révision par un comité qui
révise la décision des commissaires. Déjà, la
structure d'émission des permis et des autorisations est
déjà beaucoup plus judiciarisée au niveau du
quasi-judiciaire lors de la première décision et
l'indépendance du comité de révision et sa structure
d'appel, c'est interne. On ne réfère pas, la décision est
prise par l'entremise d'experts qui se repenchent sur des questions. O.K.? Le
comité de révision, effectivement, le comité d'appel de
révision est vraiment un tribunal à caractère quasi
judiciaire pour ce qui est de la Commission de protection du territoire
agricole et de la CSST, sensiblement, également.
Mais ce qui est clair, c'est qu'on n'a pas ici, dans une structure comme
la nôtre... Ce qui aurait probablement pu être envisagé,
c'est, au-delà de la première phase de décision, donc de
la première instance, de celui qui prend la décision - et, nous,
on estime que ça devrait rester le ministre - effectivement, si on parle
de nouvelle structure, une structure à caractère quasi
judiciaire, oui, pour la révision des décisions. Mais la
décision initiale devrait demeurer, à cause de sa
particularité, comme on l'a mentionné, du ressort du ministre,
ici.
M. Lazure: Je suis content de voir que le ministre semble avoir
retenu votre suggestion. À la page 15, quand vous dites qu'«un
remaniement de la procédure d'appel ne peut se concevoir sans
intégrer la possibilité que toute personne puisse y
accéder», ça, c'est fondamental et, si je comprends bien,
si le ministre s'entête à vouloir faire passer ce projet de loi,
au moins qu'il tienne compte de ce changement que vous proposez.
M. le Président, je veux féliciter, encore une fois, le
Centre et je voudrais enjoindre le ministre de réfléchir d'une
façon bien, bien approfondie sur les grandes vérités qui
sont exprimées dans ce mémoire-là. Il s'agit d'un groupe
qui a beaucoup de crédibilité; des deux côtés de la
table, ici, nous respectons le Centre, et l'ensemble des groupes
environnementaux, la société québécoise, les
tribunaux, tout le monde reconnaît la grande crédibilité de
ce Centre. Et, moi, si j'étais ministre de l'Environnement, je serais
très mal à l'aise de vouloir procéder à faire
adopter un projet de loi qui est rejeté dans son fondement même,
dans la structure même, dans le geste même de créer cet
Office de protection de l'environnement. Alors, M. le Président,
j'espère que la présence et les remarques du Centre vont inspirer
le ministre pour qu'il révise sa position. Merci au Centre.
Le Président (M. Garon): Alors, M. le ministre.
M. Paradis (M. Brome-Missisquoi): Merci. Ça va.
Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les
représentants du Centre québécois du droit de
l'environnement de la présentation de leur mémoire devant cette
commission et je demande immédiatement aux représentants
d'Hydro-Québec, dont la délégation est dirigée par
M. Daniel Dubeau, vice-président Environnement, de s'approcher de la
table de la commission.
M. Dubeau, si vous voulez présenter les gens qui vous
accompagnent. Vous avez 20
minutes pour présenter votre exposé, 20 minutes pour le
parti ministériel, 20 minutes pour le parti de l'Opposition. Ce que vous
prendrez en plus leur sera soustrait, ce que vous prendrez en moins pourra
être utilisé par eux s'ils le souhaitent. À vous la
parole.
Hydro-Québec
M. Dubeau (Daniel): Merci, M. le Président. Mesdames,
messieurs, mon nom est Daniel Dubeau, vice-président Environnement
à HydroQuébec. Je suis accompagné, ce matin, de Mme
Hélène Gauthier Roy, qui est chef de service Planification et
Relations gouvernementales, et de Me Danielle Piette, qui est chargée
d'équipe Autorisations gouvernementales, toutes deux de la
vice-présidence Environnement.
Au nom de la direction d'Hydro-Québec, j'aimerais remercier la
commission de l'opportunité qui nous est offerte de présenter
verbalement nos principaux commentaires et nos principales recommandations
relativement au projet de loi 412. Hydro-Québec a déjà eu
l'occasion de présenter son point de vue auparavant sur les projets de
lois et de règlements en matière d'environnement, notamment lors
des consultations de la commission sur la procédure d'évaluation
et d'examen des impacts sur l'environnement à l'automne dernier.
L'entreprise croit que sa participation aux présents travaux de la
commission est pertinente puisqu'elle est directement concernée par le
projet de loi 412. En effet, pour réaliser ses projets,
Hydro-Québec doit obtenir de nombreuses autorisations gouvernementales
dont la délivrance serait désormais du ressort de l'Office de
protection de l'environnement.
Tel que nous avons déjà eu l'occasion de le souligner
devant cette commission, c'est, bien sûr, au gouvernement du
Québec qu'il appartient de protéger et de valoriser ses
institutions en matière de protection de l'environnement. Il ne faut pas
craindre d'y apporter des modifications de façon régulière
afin de les adapter à l'évolution des besoins ou de les
améliorer à la lumière de l'expérience. Selon nous,
le Québec doit continuer à jouer pleinement son rôle en
matière de protection de l'environnement pour les projets relevant de sa
compétence. À ce titre, la sauvegarde de la compétence
décisionnelle du Québec passe avant tout par la qualité de
ses institutions de protection de l'environnement.
Cela étant dit, le but poursuivi par la création de
l'Office n'est pas apparent à la lecture du projet de loi, non plus que
l'encadrement des pouvoirs délégués a ce nouvel organisme.
Il est, par ailleurs, notable que le projet de loi n'aura que peu d'effets sur
la protection de l'environnement proprement dite.
Nous n'avons pas l'intention de reprendre aujourd'hui chacun des
éléments présentés dans le mémoire
d'Hydro-Québec. Nous désirons plutôt attirer l'attention
des membres de la commission sur certains points qui nous semblent les plus
importants. Nous vous parierons de l'incertitude créée par la
délégation à l'Office de certains pouvoirs de
délivrance de certificats d'autorisation. Nous aborderons ensuite la
problématique plus spécifique des certificats d'autorisation
délivrés en vertu de l'article 22 de la loi, dans
l'éventualité où l'Office en serait désormais
responsable. Mais, tout d'abord, il importe, pour comprendre les
préoccupations d'Hydro-Québec, de résumer
brièvement l'actuel processus de délivrance des autorisations
prévu par la Loi sur la qualité de l'environnement et applicable
aux projets de l'entreprise.
Hydro-Québec conçoit et réalise plusieurs projets,
tels les lignes et les postes d'une tension inférieure à 315 kV,
les centrales de moins de 10 MW et certaines routes. Ceux-ci doivent être
autorisés par un certificat délivré par le ministre de
l'Environnement en vertu de l'article 22 de la Loi sur la qualité de
l'environnement. Plusieurs autres projets, comme les travaux en eau, les sites
d'entreposage de déchets dangereux, l'utilisation de pesticides pour
l'entretien de corridors d'énergie et l'utilisation de carrières
et de sablières, font l'objet de certificats d'autorisation
délivrés en vertu de l'article 22 de la loi. Ces certificats sont
émis par les directeurs régionaux du MENVIQ. En effet, ce pouvoir
leur a été délégué par le ministre de
l'Environnement. Les directeurs régionaux délivrent
également les certificats d'autorisation pour des éléments
connexes aux projets autorisés par décret du gouvernement, par
exemple pour l'exploitation de sablières ou l'établissement de
campements de construction.
Par ailleurs, la construction des lignes de transport d'énergie
électrique de 315 kV et plus ou de centrales de 10 MW et plus est
assujettie à la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts sur l'environnement prévue aux articles 31.1 et suivants de la
loi. Cette procédure, qui prévoit la possibilité
d'audiences publiques par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement,
mène à l'émission d'un décret du gouvernement
autorisant la délivrance d'un certificat d'autorisation. Il s'agit
là de projets de plus grande envergure. Ces projets, que l'on peut
qualifier de majeurs, requièrent également, après
l'émission du décret du gouvernement, des certificats du ministre
de l'Environnement en vertu de l'article 22 de la loi. Ces certificats
attestent, notamment, de la conformité des plans et devis de
construction aux prescriptions du décret.
Pour les fins de notre exposé, il faut savoir que la structure
administrative actuelle du ministère se divise en deux catégories
de directions. D'une part, le MENVIQ est formé de directions
provinciales centralisées à Québec et, d'autre part, il
comporte des directions régionales dans chacune des régions
administratives du Québec. Les deux types dé direction
délivrent
certains certificats d'autorisation en vertu de l'article 22. Cependant,
seules les directions provinciales traitent de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts en vertu des articles 31.1 et
suivants de la loi. En pratique, les directions régionales
émettent une bonne part des certificats d'autorisation, principalement
ceux régis par un cadre normatif bien établi. Citons, à
titre d'exemple, l'exploitation de sablières, la gestion des eaux
usées, l'eau potable ou certains travaux ponctuels en milieu
aquatique.
Les directions provinciales sont consultées par les directions
régionales dans le cadre de l'étude des demandes de certificats
d'autorisation qui requièrent une certaine expertise; par exemple, pour
les projets qui concernent la qualité de l'atmosphère, le bruit
ou les substances dangereuses. Ce sont également les directions
provinciales qui traitent des projets qui affectent plusieurs régions,
notamment les projets linéaires tels que les routes et les lignes de
transport d'énergie.
Cette façon de procéder permet d'avoir une
continuité dans l'étude des dossiers puisque les personnes qui
étudient, dans un premier temps, l'étude d'impact sont aussi
responsables de l'examen des plans et devis et des demandes de certificats
d'autorisation en vertu de l'article 22. Jusqu'à présent, les
directions provinciales du ministère ont procédé à
l'analyse de la quasi-totalité des demandes de certificats
d'autorisation se rapportant à des projets de lignes, de centrales et de
postes. C'est pourquoi ce sont ces directions qui ont acquis
l'expérience en ce domaine.
Enfin, ce sont les directions provinciales qui étudient les
projets régis par l'article 7 du Règlement relatif à
l'administration de la loi. Cet article prévoit que, pour la
construction d'une ligne de transport d'énergie ou d'un poste d'une
tension inférieure à 315 kV, les demandes de certificats
d'autorisation soumises en vertu de l'article 22 doivent comprendre des
renseignements de même nature que ceux qui sont exigés pour des
projets assujettis à la procédure d'évaluation des impacts
environnementaux.
En résumé, certains projets sont autorisés par
décret avant de faire l'objet de certificats d'autorisation du ministre
de l'Environnement. D'autres projets ne sont, quant à eux,
autorisés que par certificats d'autorisation du ministre. Les demandes
d'autorisation en vertu de l'article 22 sont traitées par des directions
provinciales, sauf dans les cas délégués aux directions
régionales. Il est donc important de noter que, pour les projets
linéaires et les postes, ainsi que pour les demandes de certificats
faisant suite à l'émission d'un décret, le traitement des
demandes de certificats est toujours demeuré la responsabilité
des directions provinciales.
Voyons maintenant plus en détail les conséquences pour
Hydro-Québec de la création de l'Office de protection de
l'environnement du
Québec. La création de l'Office et l'attribution à
ce nouvel organisme de pouvoirs qui étaient, à ce jour,
réservés au ministre de l'Environnement constituent, tous en
conviendront, la pierre angulaire du projet de loi à l'étude.
Toutefois, aucune mesure précise n'est prévue pour
améliorer les mécanismes d'administration de la loi. On peut donc
s'interroger sur les bénéfices qui résulteront de la mise
en place des mesures préconisées. Les avantages pourraient bien
dépendre des procédures administratives qui seront
adoptées par l'Office pour la réalisation de son mandat. Le
projet de loi ne règle donc pas certains problèmes
d'administration de la Loi sur la qualité de l'environnement. Plus
encore, à moins que les pouvoirs de l'Office ne soient strictement
balisés de façon à assurer une application rigoureuse de
la loi et de ses règlements, de nouveaux problèmes pourraient
surgir.
C'est dire que, de l'avis d'Hydre-Québec, l'exercice par l'Office
des pouvoirs présentement dévolus au ministre de l'Environnement
doit se faire dans un cadre bien précis, mais aussi viser
l'amélioration de la situation actuelle. Il faut donc voir quels sont
les problèmes que pose l'administration de la Loi sur la qualité
de l'environnement. Ils sont de deux ordres. Premièrement,
l'assujettissement des projets à l'article 22 n'est pas
expressément défini. En effet, le Règlement relatif
à l'administration de la Loi sur la qualité de l'environnement
fournit peu d'indications à cet égard puisqu'il ne comporte
qu'une liste des projets soustraits à l'application de cet article.
Deuxièmement, le traitement des demandes de certificats d'autorisation
n'est balisé par aucun délai prédéterminé
par la loi ou ses règlements.
Face au premier problème et dans le but d'assurer une certaine
uniformité dans l'interprétation et l'application de l'article 22
et ses règlements par l'Office et ses directions régionales,
Hydro-Québec recommande que le mandat de l'Office contienne
expressément un mécanisme d'uniformisation.
Quant au second, le projet de loi n'impose aucun délai
prédéterminé. Si la loi ne prévoit pas de
délai fixe, les promoteurs continueront à faire face à
l'incertitude dans leur calendrier de travail. Dans le contexte actuel, les
délais de délivrance des certificats d'autorisation sont souvent
très longs. D'emblée, si Hydro-Québec peut très
bien composer avec un processus d'étude et d'examen des impacts sur
l'environnement, elle peut de moins en moins composer avec les délais
engendrés par la procédure actuelle, procédure qui n'est
nullement améliorée par la création de l'Office. (12
heures)
En effet, la construction d'équipement de production et de
transport d'énergie exige déjà en soi des délais
importants. Pour parer au caractère incertain de la durée du
traitement des demandes de certificat d'autorisation, on peut
certes prévoir, dans le cadre de la planification des projets,
des délais plus longs. Cependant, cela n'est pas sans entraîner
des coûts importants pour Hydro-Québec et la société
en général. L'expérience d'Hydro-Québec nous
apprend qu'il faut compter de 1 à 13 mois entre la demande et la
délivrance du certificat d'autorisation. Qu'en sera-t-il lorsque
l'Office sera responsable d'émettre ces certificats? Il y a lieu de
craindre que ces délais seront à tout le moins aussi longs
qu'à l'heure actuelle. De plus, la période de rodage qu'implique
nécessairement la mise en place d'une nouvelle structure pourrait avoir
pour effet d'ajouter aux délais. HydroQuébec est d'avis que la
protection de l'environnement ne serait aucunement entravée par
l'imposition de délais. Voilà pourquoi elle réitère
cette recommandation qu'elle a déjà présentée
devant cette commission.
L'entreprise a été appelée, au cours des
dernières années, à présenter plusieurs demandes de
certificats d'autorisation en vertu de l'article 22. Par exemple,
Hydro-Québec a, en 1992, 23 projets de répartition,
représentant des investissements de l'ordre de 363 000 000 $, qui seront
assujettis à l'obtention de certificats d'autorisation. Il est loin
d'être certain que l'administration de la loi sera
améliorée par les modifications administratives proposées.
La compétence partagée entre le MENVIQ et l'Office que vise cette
modification pourrait faire perdre le bénéfice de certains
avantages que comporte la procédure actuelle. Il est donc important que
soit précisée l'attribution des pouvoirs de chacun, Office et
ministère, de même que la manière dont ces pouvoirs seront
exercés. L'avantage de la situation actuelle réside dans le fait
que les deux types de direction du MENVIQ, régionale et provinciale,
relèvent de la même autorité, soit le ministre de
l'Environnement.
À l'inverse, le projet de loi a pour effet d'attribuer à
l'Office le pouvoir d'émission des certificats d'autorisation, alors que
le ministère demeure responsable de l'évaluation et de l'examen
des impacts sur l'environnement des projets assujettis aux articles 31.1 et
suivants de la loi. Ce sont justement les directions provinciales qui traitent
des demandes de décret de même que des demandes de certificat
d'autorisation qui suivent l'émission du décret. Il est donc
logique que celles-ci continuent à traiter les demandes pour les projets
de lignes et de postes, puisque, dans les deux cas, on fait appel aux
mêmes spécialistes du ministère.
La pratique a fait en sorte que l'expertise, quant à plusieurs
types de projets, se retrouve au sein des directions provinciales. Le projet de
loi ne semble toutefois pas tenir compte de cette réalité
puisqu'il attribue l'examen de toutes les demandes de certificats
d'autorisation en vertu de l'article 22 à l'Office, sauf dans les cas
prévus à l'article 31.7 de la loi.
En ce qui concerne les projets linéaires assujettis à
l'article 22, tels les lignes de transport d'énergie et les routes, ils
seront dorénavant du ressort de l'Office. Advenant que l'Office
décide de déléguer tous ses pouvoirs d'autorisation
à des directions régionales, il y a lieu de craindre que les
projets de ligne qui affectent plusieurs régions requièrent un
certificat d'autorisation par région.
Par ailleurs, l'Office pourrait décider de créer ses
propres directions provinciales afin de pouvoir traiter les demandes relatives
à de tels projets. Or, le savoir-faire devra, de toute façon,
demeurer au ministère compte tenu de la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement, qui demeure
sous la responsabilité du ministre. Dans ce contexte, ne s'agit-il pas
alors d'un dédoublement ou d'une dilution du savoir-faire? Il y a lieu
de craindre que les personnes possédant l'expertise nécessaire
à l'analyse de ces projets ne soient réparties entre les
directions provinciales du MENVIQ et l'Office.
Advenant la création de l'Office, nous croyons qu'il serait
essentiel de procéder à certains réaménagements de
la procédure. Le quotidien Le Devoir du vendredi 6 mars 1992
faisait état de la volonté du ministre de l'Environnement de
modifier le projet de loi. Selon le quotidien, cette modification pourrait
permettre l'adoption de règlements prévoyant les types de projets
qui requerraient une étude approfondie. Il faudrait obtenir plus de
détails à ce sujet, mais on peut penser que cette modification
pourrait pallier à certaines difficultés
appréhendées. En effet, prévoir spécifiquement que
les projets de lignes et de postes d'Hydro-Québec demeurent la
responsabilité du ministre de l'Environnement ferait échec au
problème que soulève la version actuelle du projet de loi.
Enfin, en vertu des articles 31 et 53 du projet de loi, le certificat
autorisant la réalisation des travaux à la suite d'un
décret du gouvernement serait désormais du ressort de l'Office,
alors que ceux relatifs à un projet connexe au projet autorisé
par décret demeurent la responsabilité du ministre. Citons, par
exemple, le cas des certificats permettant l'utilisation de sablières
qui seraient désormais du ressort du ministre de l'Environnement. Comme
l'étude des projets présentés sous les articles 31.1 et
suivants de la loi demeurent au ministère, il nous semble qu'il aurait
été préférable de laisser à ce dernier
l'étude des demandes de certificats d'autorisation qui découlent
d'un décret autorisant la délivrance de ces certificats.
Hydro-Québec recommande donc que l'article 31 du projet de loi,
qui modifie la formulation de l'article 31.7 de la loi, soit revu. Il nous
apparaît que les demandes de certificats d'autorisation intimement
reliés à un décret devraient être
étudiées par le ministre plutôt que par l'Office. En effet,
les certificats qui autorisent les travaux sont émis après examen
des plans et
devis. Cet examen requiert une bonne connaissance des études
d'impact déposées au soutien des demandes de décret. Il
est donc préférable que la môme instance se charge des deux
étapes.
Nous abordons maintenant le cas des demandes de certificats
d'autorisation qui seraient pendantes au moment de l'entrée en vigueur
du projet de loi. En vertu de l'article 83 du projet de loi, les affaires
pendantes au ministère seraient continuées et
décidées par l'Office, sauf si le gouvernement en décidait
autrement. HydroQuébec craint les répercussions que le projet de
loi aura sur les projets qui font actuellement l'objet de demandes de
certificats d'autorisation et qui sont énumérés au
chapitre 8 de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois. Ces projets ne sont pas assujettis au régime
d'environnement prévu à la Convention. Le ministre de
l'Environnement, qui est également l'administrateur provincial de la
Convention, demeure responsable de l'application du chapitre II de la Loi sur
la qualité de l'environnement. Ce chapitre s'applique aux territoires
régis par la Convention. C'est pourquoi II devrait demeurer responsable
de la délivrance de ces certificats d'autorisation.
Soulignons qu'Hydro-Québec a certaines réserves à
formuler quant au pouvoir de reconsidération octroyé à
l'Office. Le pouvoir de reconsidération n'étant assujetti
à aucun délai, il en résulte que le motif de
reconsidération prévu au premier paragraphe de l'article 23 du
projet de loi entraîne une incertitude même après la
délivrance du certificat d'autorisation. Ainsi, en vertu de cet article,
l'Office peut reconsidérer en tout temps sa décision advenant
qu'elle ait été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou
qu'elle ait été fondée sur une erreur relative à un
tel fait. L'Office pourrait donc, même en l'absence de mauvaise foi de la
part du promoteur, révoquer un certificat d'autorisation permettant une
construction, alors que celle-ci pourrait bien avoir déjà
été entreprise ou complétée. Hydro-Québec
recommande que ce pouvoir soit limité dans le temps et que des
conditions d'application soient définies. Il ne s'agit pas de limiter
indûment ce pouvoir, mais plutôt de s'assurer d'en octroyer un qui
soit efficace.
Rappelons en terminant que le projet de loi 412 ne semble avoir aucun
effet direct sur la protection de l'environnement. Toutefois, il pourrait avoir
d'importantes conséquences sur l'administration de la Loi sur la
qualité de l'environnement. De façon générale, le
manque d'encadrement des pouvoirs de l'Office et le manque d'information quant
au cadre dans lequel devrait s'exercer le mandat de ce nouvel organisme sont
deux lacunes du projet de loi. Ce sont ces lacunes qui soulèvent les
principales craintes que nous vous avons présentées.
Plus encore, si l'intention du législateur est de revoir
l'administration de cette loi, il y aurait lieu que cet exercice tienne compte
de l'ensemble des problèmes d'application que soulèvent les
procédures d'autorisation gouvernementales, tant la procédure
d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement que la
procédure de délivrance des certificats d'autorisation en vertu
de l'article 22. C'est dans cette perspective qu'Hydro-Québec croit que
toute modification de la Loi sur la qualité de l'environnement devrait
être vue globalement. Un tel exercice pourrait bénéficier
des conclusions du rapport sur la procédure d'évaluation et
d'examen des impacts de la présente commission, dont le
dépôt est d'ailleurs prévu sous peu.
Hydro-Québec espère que ces commentaires seront utiles
à la commission. Je vous remercie.
Le Président (M. Garon): Comme il est 12 h 10 et qu'on
doit ajourner nos travaux à 12 h 30, je partage les 20 minutes qui
restent également entre le ministre et le député de
l'Opposition. Alors, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, qui est
d'une sévérité... Je tiens dans un premier temps à
remercier Hydro-Québec d'avoir pris le temps de se pencher sur
l'ensemble de la problématique. Je pense que tout le monde à peu
près le sait: Hydro-Québec, sur le plan quotidien, est le
principal client du ministère de l'Environnement du Québec. Il
s'agit pour nous de donner un maximum de satisfaction aux clients dans le
respect du processus environnemental. Je ne veux pas traiter
particulièrement de l'aspect des évaluations environnementales
comme telles. Il y a eu une commission parlementaire qui vient tout juste de se
pencher sur cet aspect de la problématique, mais je comprends
également que, pour le promoteur, elle est reliée à
l'émission de son certificat d'autorisation qui lui permet
d'entreprendre des travaux.
En plus d'être le principal client, Hydro-Québec, sans dire
qu'à cause du volume ils ont un traitement privilégié...
Généralement, vos dossiers sont traités au central.
À moins de me tromper, statistiquement pariant vous avez beaucoup plus
de projets qui sont traités par le ministère de l'Environnement
à partir de Québec que dans nos bureaux régionaux comme
tels.
Je tiens à vous indiquer tout de suite que la volonté du
ministère de l'Environnement, avec ou sans Office de protection de
l'environnement, est de donner de plus en plus d'autorité comme telle
aux bureaux régionaux. Nous avons commencé, il y a deux ans,
à doter nos bureaux régionaux de personnel, de ressources
humaines, non pas en nombre suffisant - je ne le prétends pas - mais en
nombre beaucoup plus important. Nous avons au moins triplé les
ressources en région et nous continuons dans ce sens-là. Donc, la
volonté du ministère est de faire en sorte que même nos
clients importants, à un moment
donné, nous arrivent par le biais de nos bureaux régionaux
ou par le biais de l'Office de protection de l'environnement.
Vous parlez des délais dans la délivrance des permis. Je
sais ce que ça peut représenter pour quelqu'un qui a un projet,
des délais qui sont incertains présentement. Je vous dirai que je
suis sensible à votre argumentation à l'effet que les
délais devraient être balisés, qu'il s'agisse d'un office
ou pas, que le promoteur a le droit de savoir, un peu comme il le sait
lorsqu'il va devant le BAPE. Soit dit en passant, à partir du moment
où on va en audiences publiques, le Bureau d'audiences publiques a une
obligation légale de faire rapport au ministre dans les quatre mois.
À partir de ce moment-là, si ça traîne sur le bureau
du ministre, bien, les pressions politiques étant ce qu'elles sont, le
ministre ne peut laisser traîner trop longtemps.
Ceci étant dit, est-ce que, comme client, vous associez le
ministère de l'Environnement à un moment approprié
à la conception de votre projet? Moi, je vous dis ce que je pense,
là. J'ai l'impression que, parfois, lorsque le projet nous arrive
d'Hydro-Québec - et la loi ne vous y oblige pas présentement - il
y a beaucoup de choses qui sont ficelées et le ministère de
l'Environnement n'a pas été associé avec vous au stade du
ficelage du projet, sans que ce soit le stade de penser le projet, là,
mais de son élaboration comme telle. Lorsqu'on reçoit l'avis de
projet, on est souvent dans des situations où on n'a pratiquement pas de
choix comme tels. Les lignes sont là, les barrages sont là, puis
on est entre les deux.
M. Dubeau: M. le Président, la question du ministre est
extrêmement intéressante. Il faut rappeler que, pour les projets
majeurs d'Hydro-Québec, si vous voulez, la procédure de
fonctionnement à l'interne d'Hydro-Québec est la suivante.
D'abord, nous procédons, pour les grands équipements de
production et de transport d'énergie - c'est ce dont vous parlez -
à des études préliminaires. Les études
préliminaires sont majoritairement menées en bureau, et c'est de
façon très macroscopique que se dessine, si vous voulez,
l'éventuel projet qui sera soumis à la procédure
d'autorisation gouvernementale.
Une fois que notre conseil d'administration a accepté
d'entreprendre un avant-projet, que nous phasons en deux phases: phase 1, phase
2, donc une fois que le conseil d'administration a approuvé que nous
passions à la phase d'étude d'avant-projet, phase 1, nous
adressons au ministre de l'Environnement une demande de directive pour
l'étude d'impact. Également, nous adressons à la ministre
de l'Énergie et des Ressources une demande de décret nous
autorisant à procéder aux études d'avant-projet. Donc,
c'est très tôt que le ministère de l'Environnement, dans
notre processus, est informé du démarrage d'un avant-projet. Il
faut comprendre qu'un projet, par exemple, d'équipement de production
peut prendre de quatre à sept ans d'études d'avant-projet. C'est
dès le premier mois de ces années-là que le ministre de
l'Environnement est impliqué, c'est-à-dire qu'on lui envoie
l'avis de projet et qu'on lui demande sa directive.
Il y a, tout au long de la réalisation de nos études, des
rencontres avec les différents ministères impliqués, et
vos spécialistes sont constamment tenus au courant de l'évolution
du dossier, des problématiques rencontrées et même, dans
plusieurs cas, on demande la collaboration et l'expertise de ministères,
exemple le MLCP, pour nous aider à trouver des solutions à des
problèmes identifiés, à des impacts
appréhendés par un projet. Donc, il y a, quant à nous,
beaucoup d'échanges avec les ministères et
particulièrement avec le ministère de l'Environnement. (12 h
15)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir de ce
moment-là, les 1 à 13 mois que vous identifiez, les 13 mois sont
quand même... Vous faites partir votre délai d'où? Non pas
du premier avis que vous avez donné au ministère de
l'Environnement.
M. Dubeau: Bon, les délais de 1 à 13 mois dont on
parle dans notre mémoire... On donne l'exemple des projets de lignes de
répartition, qui sont soumis, donc, uniquement à l'article 22,
non pas à l'article 31.1 et suivants. C'est le délai d'obtention
du certificat. C'est sûr que, quand on vous arrive avec ce genre de
projet là, il est ficelé parce que le ministère,
auparavant, n'a pas été saisi que ce projet-là va faire
l'objet d'une évaluation environnementale selon à peu près
les mêmes règles que ce qui est visé à 31.1, mais je
pense que vos spécialistes, vos fonctionnaires sont très au
courant du contenu type de ce genre de projet de lignes et de postes du
réseau de répartition d'Hydro-Québec.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous avez eu comme
client, dans le passé, des problèmes de relations non pas dus
à HydroQuébec, mais entre le bureau régional, pour les
quelques projets qui devaient être approuvés par le bureau
régional, et le central? Quelle a été votre
expérience dans ces cas?
M. Dubeau: Jusqu'à maintenant, lorsqu'il faut demander aux
directions régionales des autorisations, je dirais que, globalement,
HydroQuébec finit toujours par les obtenir si son dossier,
effectivement, mérite une autorisation; globalement, je pense qu'on les
obtient. Il reste que, parfois, c'est plus laborieux parce que l'aspect
normatif, l'interprétation de la loi et de la réglementation
varie d'une région à l'autre. On est donc confrontés
à une réalité régionale x dans une région et
à la réalité y dans une autre
région. Parfois même, on exige de nous d'obtenir des
certificats dans une région alors que, dans une autre région, on
ne l'exige pas. Donc, on est pris avec ce genre de problème
là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, la principale
caractéristique que vous relevez, c'est le manque d'uniformisation,
présentement, au niveau de l'action, quant à la délivrance
des permis comme telle de nos bureaux régionaux.
M. Dubeau: C'est exact. Maintenant, quand vos bureaux
régionaux interagissent avec vos directions provinciales pour des fins
d'expertise, on peut dire globalement que, nous, on est toujours très
satisfaits de l'expertise exercée par vos spécialistes au
provincial. Donc, ils aident les directions régionales à prendre
leur décision.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Donc, vous êtes mieux servis
comme client au central qu'en région.
M. Dubeau: Si on veut, mais je pense que c'est tout à fait
normal, M. le ministre, étant donné la nature des projets
d'Hydro-Québec. Et encore, si je reviens aux projets majeurs, au fil des
ans, le ministère à Québec, les directions provinciales
ont développé une expertise. Notre crainte, c'est de voir diluer
cette expertise-là, puisqu'on comprend qu'il n'y aura pas de ressources
additionnelles qui seront accordées. Donc, on va assister à un
déchirement de ces ressources-là et, déjà, votre
ministère...
C'est sûr, Hydro-Québec est un très gros client et
va l'être encore pendant plusieurs années avec, comme vous le
savez, le plan de développement qu'Hydro-Québec a mis de l'avant.
Donc, cela dit, ce n'est pas pour demain matin qu'Hydro-Québec va
devenir un client de moindre importance et, quant à nous, pour les
projets majeurs, là où vraiment le gouvernement a un rôle
important à jouer dans la vérification de la qualité
environnementale des projets proposés par Hydro-Québec pour le
développement du réseau électrique du Québec, nous,
on croit que c'est important de protéger votre acquis et même de
le bonifier. Dans ce sens-là, on vous invite aussi à regarder
l'ensemble de votre loi et des problèmes qu'en suscite l'application.
Dans ce sens-là, on en aurait beaucoup de choses à dire pour
tenter d'améliorer tant l'application de la grande procédure,
l'article 31.1 et les suivants, que l'application de l'article 22.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La problématique n'est pas
unidimensionnelle. Le service à la clientèle est une
préoccupation qui est constante chez nous, mais, à cause de
l'ampleur de la tâche, l'héritage des décennies
passées, pour ne pas faire de politique, l'acuité des
problèmes quotidiens absorbe à peu près 150 % de
l'énergie du ministère de l'Environnement qui, dans sa structure
actuelle, n'a pas beaucoup d'espace pour énoncer les politiques qui sont
nécessaires, la législation qui est nécessaire, la
réglementation qui est nécessaire, une interaction
interministérielle qui est nécessaire, de façon à
maîtriser l'avenir environnemental comme tel. Est-ce que vous ne croyez
pas, parce que vous avez des expériences de structure quand même
chez Hydro-Québec, que le fait de libérer une équipe -
prenons le problème à l'envers - qui n'aura pas à faire de
suivi quotidien de l'émission des permis de notre plus gros client et
des autres clients, permettrait au ministère de l'Environnement
d'évoluer vers le développement durable de façon beaucoup
plus efficace?
M. Dubeau: Mais, là, le problème, vous l'envoyez
chez le client. C'est nous qui allons devoir faire la conciliation entre ce qui
a été décidé au niveau provincial, lorsqu'on
obtient un décret autorisant la délivrance d'un certificat
d'autorisation, et aller, après ça, au niveau régional
expliquer que, là, on a obtenu un décret, mais voici, nous, on
est certain que nos plans et devis sont conformes à l'étude
d'impact que nous avons déposée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais vous êtes un
client particulier.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je voulais juste signifier que,
là-dessus, vous êtes un client particulier, parce que les autres
n'ont pas de décret pour entreprendre leurs travaux, habituellement.
M. Dubeau: C'est exact. Parce que nous sommes visés
énormément par la réglementation.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je veux, au nom de
l'Opposition, saluer M. Dubeau et ses deux collègues, Mme Piette et Mme
Roy, et les remercier de venir nous présenter leurs réactions
à ce projet de loi.
Juste avant vous, on a entendu la position d'un groupe qui s'appelle le
Centre québécois du droit de l'environnement, essentiellement un
groupe de chercheurs qui fouillent chaque projet de loi qui touche
l'environnement. Vous avez entendu, je crois, leur position qui est
catégoriquement opposée à la création de cette
nouvelle structure, pour plusieurs raisons valables.
Vous émettez une position qui est moins catégorique, mais
qui est très sceptique à l'égard du projet de loi, si je
comprends bien. Ça me frappe parce que, bon, tantôt,
c'étaient ce qu'on peut appeler des théoriciens, mais le
groupe
suivant, devant nous, ce sont des praticiens, et pas n'importe quels
praticiens, les plus gros clients du ministère de l'Environnement, et
pas n'importe quels gros clients, un client qui est une société
d'État, qui appartient à la population du Québec. Donc,
Hydro-Québec est un peu la voix de la population en plus d'être la
voix d'un gros client. Je pense qu'il faut remettre votre position dans ce
contexte-là et lui accorder énormément d'importance.
Vous faites deux remarques. Une, au tout début du mémoire,
à la page 4: «Le projet de loi ne règle donc pas les
problèmes de fond que soulèvent la Loi sur la qualité de
l'environnement et ses règlements, mais risque plutôt d'en
créer de nouveaux.» Et, à la toute fin, page 13, vous
dites: «...Hydro-Québec considère que le projet de loi 412
aura peu d'effets directs sur la protection de l'environnement.»
C'est bien ça, effectivement. Je pense qu'un ministre de
l'Environnement, quand il consacre beaucoup d'énergie, beaucoup de temps
avec ses fonctionnaires à préparer un projet de loi, la
première question qu'il doit se poser, c'est: En quoi ça va
améliorer la protection de l'environnement? Il n'y a personne, ni vous
ni les autres, qui a démontré, et encore moins le ministre, que
ce projet de loi allait, là, en lui-même, améliorer la
protection de l'environnement, au contraire. Et vous donnez plusieurs exemples
des tiraillements qui pourraient potentiellement exister entre ce que j'appelle
les deux futurs ministères de l'Environnement, un qui sera à
Québec et un autre qui sera dispersé en région, si le
projet de loi est adopté.
À la page 10, vous avez un commentaire fort pertinent, et je suis
tenté d'adresser la question au ministre tout en ayant vos
réactions. Concernant l'étude des projets, vous dites: Puisque
l'étude des projets présentés sous les articles 31.1 et
suivants de la loi demeure au MENVIQ, il serait logique de laisser à ce
dernier l'étude des demandes des certificats d'autorisation»,
selon 22, au même MENVIQ. C'est une belle illustration que vous faites
des discordances ou des tiraillements qui pourraient exister entre les deux.
Alors, la question que je pose au ministre de l'Environnement, c'est: Comment
réagit-il à cette proposition-là, page 10?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): j'ai pris connaissance de la
proposition, là. je ne veux pas prendre le temps dévolu à
hydro-québec. je réagis de la façon suivante. vous avez
souvent des comités d'évaluation ou d'examen environnemental qui
sont saisis d'un dossier et qui font tout l'ouvrage d'évaluation et
d'examen. vous avez également, dans ces projets-là, une autre
équipe qui est chargée de prendre connaissance, finalement, de
ces rapports et d'émettre oui ou non les certificats d'autorisation.
ça se passe actuellement, dans certains dossiers, comme ça. ce
n'est pas la même équipe qui évalue que celle qui entend
les gens en audiences publiques, etc. Lorsque c'est le BAPE qui est saisi de
votre projet, ce n'est pas le BAPE qui émet le certificat
d'autorisation. Lorsque ce sont les comités d'évaluation
environnementale prévus en vertu de la Convention de la Baie James ou
même, dans certains cas, ceux qui s'y ajoutent suite à des
ententes entre toutes les parties intervenues, ce n'est pas la même
équipe qui émet le certificat d'autorisation. Donc, il y a double
garantie sur le plan environnemental. Je ne serais pas prêt à
revenir à une seule garantie et dire que la même équipe
doit en tout temps faire l'examen, l'évaluation et émettre le
permis.
M. Lazure: Est-ce que vous voudriez élaborer, M.
Dubeau?
M. Dubeau: Je m'excuse, M. le ministre, mais notre connaissance
de votre mode de fonctionnement interne, c'est que c'est votre direction des
évaluations environnementales qui traite tous vos dossiers.
Évidemment, les comités prévus à la Convention, le
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement sont des mécanismes qui
viennent, si vous voulez, interagir à l'intérieur du processus.
Vous avez toujours une constante, à votre direction des
évaluations environnementales. Ce qui est visé par le projet de
loi viendrait sans doute affecter la direction des évaluations
environnementales, non pas les comités à la Convention de la Baie
James, non pas le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Donc, quant
à nous, vous avez une constance.
Vous étiez tantôt soucieux que nous ayons, avec le
ministère de l'Environnement, des échanges continus tout au long
de l'élaboration d'un projet. Quand on a un projet qui est soumis
à 31.1 et suivants, cette relation est constante avec la direction des
évaluations environnementales. Si l'Office était
créé, une fois obtenu le décret, il faudrait aller, au
niveau de l'Office, avec lequel on n'aurait pas eu d'échanges tout au
long du processus pour aller chercher les certificats sous 22. Donc, ce n'est
plus la même équipe. On dit que l'expertise existe à la
direction des évaluations environnementales, qu'ils sont capables, avec
diligence, une fois qu'une étude d'impact a été
étudiée, qu'un décret a été émis,
qu'Hydro-Québec a déposé ses plans et devis,
d'apprécier la qualité du travail fait par le promoteur et de
recommander au ministre d'émettre le certificat. Ça nous semble
très logique.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense, sur le
mécanisme... Ah bien, c'est parce que je voudrais apporter une
précision sur le mécanisme. Ce n'est pas exact, mais en tout
cas.
M. Lazure: Je m'excuse, là, mais il nous reste seulement
deux minutes. J'ai une question. Sur les délais, vous insistez à
bon droit sur l'importance de corriger, de raccourcir les délais.
Bon. Vous faites allusion aux travaux de la commission de
l'aménagement et des équipements qui doit incessamment rendre
public, remettre à l'Assemblée nationale son rapport.
Évidemment, la commission, je ne dévoile pas de secret, va
traiter de cette question des délais. De la même façon que
le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement est assujetti à des
délais fixes et qui sont respectés en général, il
faudra, quant à nous, à la commission, qui avons travaillé
avec vous, entre autres groupes, qu'il y ait des délais bien clairement
établis dans la procédure.
Maintenant, nous, on dit: Ce n'est pas nécessaire de créer
une nouvelle structure pour ça; on peut très bien le faire
à l'intérieur du ministère. La preuve, d'alleurs, c'est
que ça ne semble pas être un souci du ministre qui a
rédigé ce projet de loi là. Il ne parle pas... il ne
confie pas à l'Office le soin de bien identifier les délais
minimaux et maximaux. On ne voit pas ça dans son projet de loi. Et, moi,
je pense que vous êtes sages en disant au ministre dans votre conclusion:
Si vous vouiez toucher en particulier la question de l'émission des
certificats d'autorisation puis tout le problème des délais,
attendez au moins que la commission de l'aménagement et des
équipements ait fait son rapport et qu'on ait examiné ce
rapport-là.
Nous, on pense qu'il y a beaucoup de changements qui peuvent être
apportés au mécanisme actuel du ministère de
l'Environnement sans qu'il soit nécessaire de créer cette
nouvelle structure. Alors, moi, je retiens qu'Hydre-Québec est
plutôt favorable - si ce n'est pas le cas, je vous laisse le loisir de
réagir - à un resserrement des procédures actuelles,
à mieux identifier les délais et à procéder
à une amélioration du fonctionnement actuel du ministère
qu'à la création de cet Office. Est-ce que J'ai bien compris
votre position?
M. Dubeau: Oui. Cependant, si l'Office était
créé, nous recommandons que les projets d'Hy-dro-Québec
continuent à relever de l'autorité du ministre de
l'Environnement.
M. Lazure: Bon. Et, moi, je pense qu'il nous reste à vous
remercier, Hydro-Québec, pour votre très bon mémoire.
Le Président (M. Garon): Alors, je remercie les
représentants d'Hydro-Québec de leur présentation à
la commission et nous ajournons nos travaux sine die puisque nous devons
revenir cet après-midi, mais il y aura un ordre de la Chambre à
cet effet.
(Suspension de la séance à 12 h 30)
(Reprise à 16 h 36)
La Présidente (Mme Bélanger): La commis- sion de
l'aménagement et des équipements reprend ses travaux. Le mandat
de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la
consultation générale sur l'étude du projet de loi 412,
Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant
diverses dispositions législatives.
Alors, j'inviterais l'Ordre des ingénieurs du Québec
à bien vouloir se présenter à la table. Alors, vous
connaissez le fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire qui sera suivi d'une période de questionnement
égale de la part de l'Opposition et du côté
ministériel. M. Stephenne est le porte-parole?
M. Stephenne (Hubert): Alors, je vous remercie, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez
présenter la personne qui vous accompagne, s'il vous plaît.
Ordre des ingénieurs du Québec
M. Stephenne: Bien sûr. Alors, je me présente,
Hubert Stephenne, secrétaire et directeur général de
l'Ordre des ingénieurs du Québec. Je suis accompagné de M.
Jean-Claude Michaud, qui est notre conseiller à l'Ordre en
matière d'environnement.
Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les
députés, il nous fait plaisir aujourd'hui, au nom du
président de l'Ordre des ingénieurs du Québec, M.
Jean-Pierre Brunet, de participer aux travaux de cette commission concernant la
création d'un office de protection de l'environnement. Comme organisme
regroupant 35 000 ingénieurs actifs dans tous les secteurs
économiques, la question environnementale nous intéresse au plus
haut point. Nos membres ont à intervenir de plus en plus pour assurer la
conservation des ressources environnementales nécessaires à la
qualité de vie des Québécois.
C'est dans un esprit de collaboration avec les autorités
publiques que nous intervenons dans différents dossiers
environnementaux. Sans faire une liste exhaustive de nos travaux, je vous
mentionnerais que nous sommes intervenus dans la gestion des déchets
dangereux et qu'à cette occasion nous avions suggéré la
création d'une agence gouvernementale de surveillance. Nous avons aussi
participé à l'étude, par la commission de
l'aménagement et des équipements, à l'automne 1991, de la
procédure d'évaluation et d'examen des impacts environnementaux
des projets. C'est avec le même esprit que nous avons voulu participer
aux travaux de la présente commission.
Cela étant dit, vous me permettrez, Mme la Présidente, de
commenter le projet de loi 412 d'abord sur un plan global, pour ensuite aborder
quelques éléments particuliers contenus dans le projet de loi. Je
vous dirai en premier lieu que
nous souscrivons aux efforts du ministre pour tenter de résoudre
les problèmes qui confrontent son ministère et de satisfaire aux
critiques persistantes entendues au cours des dernières années.
Tout effort en vue d'accroître l'efficacité et l'efficience de
l'appareil gouvernemental doit être encouragé.
Nous ne sommes pas certains toutefois, compte tenu des informations
disponibles, que le ministre ait pris le problème par le bon bout. Nous
sommes d'avis que le ministre aurait dû présenter une
clarification des intentions gouvernementales en matière
d'environnement. D'une part, le gouvernement devrait affirmer sa
primauté législative dans le domaine environnemental. Il devrait
aussi déclarer plus ouvertement son engagement pour le
développement durable de manière à ce que tous les acteurs
puissent plus facilement se concerter afin de réaliser les objectifs que
nous poursuivons. À cet effet, il devra adopter une stratégie de
conservation. Les hésitations à appliquer les règlements
aux fabriques de papier montrent la nécessité de procéder
de façon plus rigoureuse et en concertation avec les agents
économiques.
D'autre part, il nous semble que le ministre devrait revoir le partage
des responsabilités des différents intervenants en matière
d'environnement. Il n'est pas évident que les actions de chacun soient
entièrement cohérentes. En particulier, les gouvernements locaux
devraient se voir confier davantage de responsabilités. Cependant, cette
décentralisation doit se faire de façon ordonnée, en
concertation avec les Intéressés.
Le Conseil de la conservation et de l'environnement vous a
récemment transmis un avis qui présente plusieurs recommandations
précises à cet égard. De plus, la commission de
l'aménagement et des équipements a procédé à
une consultation sur la procédure d'évaluation et d'examen des
impacts environnementaux des projets. Il nous semble pour le moins surprenant
que ne soient pas rendus publics les résultats des travaux de cette
commission, alors que plus de 50 organismes de premier plan ont formulé
des recommandations en vue d'améliorer les pratiques environnementales.
Nous croyons que cela aurait permis une première clarification des
intentions du gouvernement dans certains domaines. Il nous semble donc que le
ministre aurait dû apporter d'abord ces précisions avant de
procéder à des changements de structure dans son
ministère.
Par ailleurs, sur un plan plus pragmatique, nous aurions souhaité
connaître de façon plus exacte les problèmes que le
ministre tente de résoudre. Il n'est pas évident a priori
d'établir un lien entre le projet de loi et les difficultés
rencontrées par le ministère. Les journaux font état de
problèmes de différente nature et les travaux de la commission
à l'automne 1991 ont mis en évidence certains d'entre eux. Il
s'agit toutefois d'informations trop partielles pour per- mettre de juger de la
pertinence de créer maintenant un office de protection de
l'environnement.
À moins que le ministre ne dispose déjà de toutes
les données du problème, nous lui suggérons de marquer un
temps d'arrêt dans la réforme et de créer un groupe de
travail avec le mandat d'identifier et d'analyser les problèmes
réels du ministère. Le projet de créer un office devrait
faire partie d'une réflexion plus en profondeur par ledit groupe de
travail. Nous voulons mentionner au ministre que nous sommes disposés
à l'aider dans cette démarche.
Dans toute éventualité, si le projet de la création
d'un office était retenu, nous croyons que plusieurs aspects du projet
de loi doivent être questionnés. Nous avons retenu quatre
éléments sur lesquels nous voudrions attirer l'attention des
membres de cette commission.
D'abord, concernant le mandat. Le mandat de l'Office tel que
défini dans le projet de loi nous semble trop large et comporter une
trop grande part d'Imprévus. En particulier, nous ne croyons pas
opportun que l'Office soit impliqué dans la restauration de
l'environnement et dans la mise en place d'un service d'urgences
environnementales, soit pour des motifs d'efficacité, soit pour des
raisons de partage cohérent de responsabilités.
Nous sommes d'avis aussi que les interventions du ministre pour
définir les objectifs et l'orientation de l'Office devraient avoir un
caractère exceptionnel. D'ailleurs, si l'Office avait un mandat plus
précis et plus limité dans son ampleur, le ministre n'aurait pas
à intervenir, sauf dans le cas où l'Office s'acquitterait mal de
son mandat. Les dispositions du projet de loi relativement à cette
question devraient être revues, selon nous.
Dans l'ensemble, nous croyons que le mandat de l'Office
mériterait d'être mieux circonscrit. Il pourrait, par exemple, se
limiter à la surveillance de l'application des règlements. Il
nous semble que la composition prévue au troisième article du
projet de loi ne garantit pas l'indépendance et l'autonomie de l'Office.
Il nous apparaît étonnant que le sous-ministre en fasse partie.
Nous pensons que, si l'Office doit se préoccuper de l'application des
règlements, il ne devrait pas y avoir d'ingérence politique
susceptible de réduire la crédibilité de l'Office. (16 h
45)
Par ailleurs, les officiers devraient être choisis en fonction de
critères précis spécifiés dans la loi. Les
préoccupations du public en matière d'environnement exigent
d'agir avec le plus grand soin. Les mécanismes de révision et
d'appel nous semblent complexes. En particulier, le comité de
révision ne comporte pas les éléments pour assurer sa
crédibilité. Nous pensons que les membres du comité de
révision devraient être choisis à partir d'une liste
agréée par les principaux acteurs.
Les délais pour rendre une décision devraient être
davantage précisés. De nombreuses critiques ont été
adressées au ministre de l'Environnement à cet égard et le
projet de loi ne donne pas de garanties qu'il y aura des changements majeurs
sur ce point. L'Office devrait disposer d'une grande autonomie dans la gestion
de ses finances. L'Office devrait même à la limite tendre vers
l'autofinancement et devrait être en mesure de déterminer ses
priorités en fonction de son mandat et de ses budgets sans qu'il y ait
ingérence politique.
Nous croyons que l'image que le Québec projette en matière
de protection de l'environnement a besoin d'être améliorée.
Certains de nos partenaires commerciaux s'interrogent sur nos pratiques
environnementales. Nous ne croyons pas toutefois que nos pratiques actuelles
soient dans l'ensemble mauvaises. Elles sont certainement perfectibles, mais il
faut reconnaître que des efforts considérables ont
été faits depuis de nombreuses années. Cependant, un
manque de leadership peut donner l'impression que le Québec s'occupe mal
de son environnement, alors que l'Ordre est persuadé du contraire. Il
participe et continuera de participer à ce leadership.
En conclusion, Mme la Présidente, l'Ordre des ingénieurs
du Québec suit activement le dossier de l'environnement et ne peut
rester insensible au dépôt du projet de loi 412 créant
l'Office de protection de l'environnement. Comme vous le savez, l'Ordre s'est
déjà prononcé en faveur de la mise sur pied d'un organisme
de protection indépendant du ministère lors des travaux de la
commission d'enquête sur la gestion des déchets dangereux en
1990.
Toutefois, avant de procéder à la mise sur pied d'un tel
organisme, il y a des étapes préliminaires à franchir. Il
importe en effet d'identifier clairement le problème et de se donner une
orientation générale qui reçoive l'assentiment de tous.
Ensuite, il faut bien définir le rôle de cet organisme car, tel
que formulé dans le projet de loi, le mandat demeure trop large, flou et
imprécis. Ainsi, nous croyons que la restauration de l'environnement,
par exemple, doit être confiée à des organismes
compétents selon la nature spécifique de chaque problème,
comme cela a été fait pour le programme d'assainissement des eaux
usées et pour le projet de dépollution du Saint-Laurent.
L'approche par mandats particuliers et pour une durée de temps
limitée demeure hautement préférable, car elle permet de
fixer des objectifs précis et d'en mesurer les résultats. Il faut
mettre fin à ces mandats trop généraux où chacun
peut y aller de son interprétation. Même chose pour la
prévention de la détérioration.
Nous avions également Insisté sur le besoin de mieux
cerner les responsabilités des différents intervenants de
manière à assurer la cohérence des actions de chacun en
matière d'environnement. On semble s'être contentés de
transférer à l'Office certains pouvoirs actuellement entre les
mains du ministère sans vérifier au préalable si les
problèmes que l'on veut corriger le seront véritablement. Il y a
même risque de chevauchement dans certains domaines, ce qui pourrait
déboucher sur d'inutiles conflits de juridiction inacceptables pour le
contribuable.
Tellement vague ce projet qu'on se demande si cela ne rendra pas le
système plus complexe à gérer et si les querelles de
pouvoir n'occasionneront pas en bout de ligne des délais néfastes
pour le citoyen dans un dossier aussi prioritaire que l'environnement. Il
serait urgent d'inventorier les institutions actuelles et de clarifier le
rôle de chacune. Trop de cuisiniers, comme on dit, gâtent la sauce.
Il nous semble donc que le mandat de l'Office gagnerait non seulement à
être mieux articulé, mais aussi à être mieux
cerné. Pourquoi, par exemple, ne pourrait-il pas couvrir essentiellement
la surveillance de l'application des lois et règlements ainsi que le
suivi des projets? Un mandat moins large, compte tenu du financement
réduit, serait sûrement plus efficace.
Il faut cesser d'avoir les yeux grands, plus grands que la panse, sinon
on se retrouve avec des tonnes de bonne volonté et trop peu de
réalisations concrètes. L'heure est donc plus que jamais au
réalisme. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les
députés, je vous remercie.
La Présidente (Mme Bélanger): Je vous remercie, M.
Stéphenne. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, Mme la Présidente, les
membres de la commission, je tiens à remercier M. Stéphenne ainsi
que M. Michaud qui l'accompagne pour la qualité du mémoire qu'ils
nous ont fait parvenir à cette commission, pour les
représentations verbales qu'ils nous font aujourd'hui et
également de leur patience, compte tenu des délais pour lesquels
le ministre a une certaine responsabilité.
Vous posez les bonnes questions. Lorsque, dans votre mémoire,
vous arrivez au niveau de la conclusion, vous résumez bien la
problématique. Première question, «rendre disponible
l'information sur la situation actuelle ou, si cela n'est pas possible,
mandater un groupe-conseil afin de revoir». Oui, parce qu'on prend pour
acquis que les gens de l'extérieur la possèdent, cette
information-là, alors que chacun la voit à partir de son
créneau et que l'ensemble de cette information-là n'est pas sur
la place publique. Je vais tenter de vous la résumer. Je vais la
compléter, là, brièvement.
Moi, quand je suis arrivé au ministère de l'Environnement
il y a deux ans, j'ai retrouvé un organigramme sur le plan de
l'organisation bâti par tous les gouvernements là - |e ne fais pas
de politique là - crise après crise. S'il y avait une crise des
pneus, il y avait une direction
générale des pneus, une crise des BPC, une direction
générale des BPC, etc. C'est comme ça que ce jeune
ministère a été bâti.
J'ai tenté à l'interne, de façon à assurer
un meilleur fonctionnement du ministère, de clarifier les
responsabilités. Cinq sous-ministériats, trois directs chez les
pollueurs les plus ciblés, monde municipal, monde industriel, monde
agricole. L'action en région, sous-ministériat, divisions
régionales, pour renforcer notre présence dans chacune des
régions du Québec et, pour regarder l'avenir,
sous-ministériat au développement durable. Cela a
amélioré, je le dis humblement, la situation, mais pas
suffisamment. Nous ne sommes pas encore assez efficaces dans l'action pour
satisfaire la clientèle que sont les ingénieurs et l'ensemble de
la population du Québec.
Je vais tenter de vous raconter ça le plus simplement possible.
Actuellement, au ministère, on gère le passé, les
décennies passées. Parfois, on arrive à gérer le
quotidien puis on a rarement le temps de maîtriser l'avenir parce que
l'action quotidienne rejoint et accapare autant les gens en région que
les gens au central. Et ça, c'est inquiétant, lorsqu'on a
à diriger un ministère, qu'il n'y ait pas d'unité qui soit
dégagée pour faire ce qu'on appelle la prévision des
politiques à venir qui vont nous éviter des problèmes
futurs. On n'y arrive pas parce que les responsabilités ne sont pas
divisées. La région s'accapare du dossier. Aussitôt qu'une
difficulté moindrement importante survient, plusieurs régions
transfèrent le dossier à Québec. Québec se penche
sur le dossier, rediscute avec la région et, là, il n'y a pas de
responsabilités qui sont départagées clairement.
Même si on tente de le faire sur papier, parce qu'il s'agit du même
organisme, du même ministère, tout le monde est dans l'action et
dans la confusion.
On a quand même réussi, au cours des deux dernières
années, à légiférer, là: loi 65, principe du
pollueur-payeur; on a créé la Société
québécoise de récupération et de recyclage, RECYC;
on a une loi qui s'attaque spécialement à l'industrie, la loi sur
les rejets industriels; on a adopté dernièrement également
une loi sur les matières dangereuses pour donner suite au rapport
Char-bonneau. On a réglementé le SO2 - notre bataille sur les
pluies acides n'est pas complètement gagnée, mais les objectifs
sont dépassés - règlement sur sablières et
carrières, sur tes neiges usées, sur les déchets solides,
sur les pneus hors d'usage. On a publié, prépublié des
règlements sur les pâtes et papiers, sur les déchets
biomédicaux, sur les attestations d'assainissement pour le secteur
industriel. On a fait tout ça, mais on gère encore par en
arrière et on fait ça à temps perdu parce qu'il faut
gérer l'explosion, l'urgence, la décontamination, etc.
On a des organismes qui s'occupent assez bien de leurs mandats:
Société québécoise d'assainissement des eaux.
Lorsqu'on leur donne les fonds nécessaires, ils réussissent
à faire des choses. Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement,
vous avez raison d'exiger le rapport, là. J'ai confiance en mes
collègues parlementaires, les députés qui l'ont
piloté, qu'ils déposeront dans les meilleurs délais le
rapport de cette commission où plusieurs organismes... Ça va nous
éclairer davantage. Mais la situation du ministère est celle d'un
ministère qui répare le passé et tente de gérer le
présent. Sur le plan du développement durable, on a une
problématique parce qu'on n'a pas pu libérer... Les défis
quotidiens nous empêchent de nous libérer.
Deuxième question, «clarifier le rôle des
différents intervenants en matière d'environnement:
ministères, municipalités», etc. Complètement
raison. C'est une des premières commandes que j'ai passées
à mon arrivée au ministère. Le citoyen, lorsqu'il a un
problème environnemental vécu dans le quotidien, il ne sait pas
si c'est l'Hôtel de ville, le bureau régional, le ministère
de l'Environnement à Québec ou même le ministère de
l'Environnement à Ottawa qui est responsable. Nous avons
présentement, au ministère de l'Environnement, ce document. Je
pense que je peux le faire parvenir. Il a été adopté. La
plus grosse difficulté - il fallait le faire - était de
s'entendre avec notre partenaire principal qui est le monde municipal. Il
fallait que l'Union des municipalités régionales de comté
et l'Union des municipalités du Québec acceptent qu'en vertu des
lois existantes c'était ça l'état de la situation. Et
ça, c'est fait. Cela me fait plaisir de le communiquer à l'Ordre
des ingénieurs.
Troisième élément, «donner suite aux travaux
de la commission de l'aménagement et des équipements sur la
procédure d'évaluation». Bien, je viens de vous le
souligner. Vous avez complètement raison. Je mets de la pression sur les
membres de la commission parlementaire, pression non indue, mais due, pour
qu'ils déposent rapidement à l'Assemblée nationale.
Quatrième point, «confier un mandat précis et mieux
articulé à l'Office: par exemple, la surveillance de
l'application des lois et des règlements». Vous avez encore
complètement raison. J'ai regardé le tableau dans votre
mémoire que vous avez préparé. On a tenté d'en
préparer un. Nos interprétations ne sont peut-être pas les
mêmes. On a déjà déposé ce tableau à
la commission. Je vais vous le déposer s'il le faut. Réajuster le
texte législatif de façon à clarifier certaines
imprécisions, vous avez complètement raison de poser la
question.
Cinq, «privilégier l'approche par mandats
spécifiques à des organismes compétents dans les domaines
requis pour la restauration de l'enri-ronnement». On conserve, là,
les politiques de restauration au niveau du ministère, mais on
souhaiterait que l'Office puisse intervenir là où c'est requis.
On pourrait aller peut-être de façon plus pointue, et, là,
vous nous le suggérez dans votre mémoire. Il y en a qui nous
disent: Vous
devriez avoir une régie des déchets dangereux. D'autres
nous disent: Vous devriez avoir une régie des déchets
domestiques. D'autres nous disent: Vous devriez avoir une régie des
déchets qui englobe les déchets dangereux et domestiques. Et,
là, on est juste dans les déchets, au ministère de
l'Environnement. S'il fallait répondre, sur le plan du pointu, à
la création d'organismes pour s'acquitter de chacune des missions, on
passerait notre temps en commission parlementaire à créer des
organismes.
Ça fait que ce qu'on fait, c'est qu'on tente d'aller dans des
secteurs, comme la Société québécoise
d'assainissement des eaux, récupération, recyclage, de prendre
des grands secteurs et on n'exclut pas d'en créer d'autres dans
l'avenir. Je ne dis pas ça. Je ne ferme pas la porte, mais il nous
manque de véhicules, principalement pour appliquer nos lois et
règlements. C'est ce que vous nous dites. Concentrez-vous
là-dessus. Mais on ne veut pas fermer la porte si on a des mandats
spécifiques à confier à l'Office pour la
réalisation de mandats spécifiques, tel que vous nous le
recommandez. «Permettre la nomination des membres des comités de
révision des décisions de l'Office à partir d'une liste
préétablie», on pourrait en discuter. «Mieux
circonscrire les délais d'appel», vous avez complètement
raison. On va modifier et ajouter 30 jours. «Assurer l'Office de
l'autonomie budgétaire requise», j'ai de la difficulté
à vous dire que vous avez tort, mais ce n'est pas ce qui est
présentement déposé et on prend note de l'argumentation de
votre organisme qui est important et du soutien que vous apportez à
l'autofinancement d'un tel organisme. «Permettre à l'Office de
constituer un fonds spécial pour les fins de la recherche et du
développement», là, on peut avoir une petite divergence.
C'est actuellement au ministère et on souhaiterait le conserver au
ministère. Le ministre des Finances nous a accordé un fonds de 50
000 000 $ sur cinq ans dans son budget, il y a deux ans, divisé en deux
entre le Fonds de développement technologique et un administré
par le ministère. Là-dessus, c'est important de faire de la
recherche et du développement. Nous avons commencé à
accepter des projets d'importance et de moindre importance également,
mais en recherche et développement.
Je ne sais absolument pas quoi vous dire à part que, dans toutes
ces recommandations-là, je n'en retrouve pas une que je peux rejeter du
revers de la main. Si vous avez des choses à ajouter, vous pouvez nous
les ajouter. Ce n'est pas parce qu'on a accepté celles-là qu'on
va en accepter d'autres, mais vos recommandations sont précises,
sensées et je vous en remercie. (17 heures)
M. Stephenne: M. le ministre, juste un élément
supplémentaire d'information concernant la recherche ou le secteur
recherche que vous questionnez. En fait, nous n'avions pas l'inten- tion de
vous suggérer d'enlever au ministère la responsabilité en
matière de recherche et développement. Nous voulions
essentiellement souligner qu'un office, s'il devait exister, devrait avoir ses
propres moyens de recherche pour être en mesure de se donner les outils
nécessaires à la gestion de ses responsabilités - pas
nécessairement des montants d'argent pour faire de la recherche et du
développement dans tout le secteur de l'environnement.
La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, pour le moment.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Au nom de
l'Opposition, je veux saluer les représentants de l'Ordre des
ingénieurs et les féliciter pour leur contribution. Il y a
plusieurs remarques tout à fait pertinentes. Le ministre vient de
s'avancer beaucoup. Je ne sais pas s'il était pleinement conscient de ce
qu'il disait lorsqu'il a dit: II n'y a aucune...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est mon psychiatre!
M. Lazure: C'est ça. Moi, je surveille son degré de
conscience. Mais, il dit: II n'y a aucune de vos recommandations que je peux
rejeter. Bon, il le repète encore. Mais, j'attire son attention,
à la page 11, dans votre conclusion: «Dans une perspective plus
globale et avant la mise en oeuvre d'un office - avant la création d'un
office - l'Ordre des ingénieurs recommande». Donc, si je comprends
bien, Mme la Présidente, le ministre est prêt à accepter la
recommandation de l'Ordre des ingénieurs qui est très claire: Ne
créez pas l'Office tout de suite. Avant ça, faites au moins ces
trois choses-là: 1° rendre disponible toute l'information sur la
situation actuelle ou mandater un groupe-conseil pour revoir les structures
actuelles du ministère et ses modes de fonctionnement; 2° clarifier
le rôle des différents intervenants: ministère,
municipalités, MRC, etc.; 3° donner suite aux travaux de la
commission.
Moi, je comprends que vous ne rejetez pas totalement le projet de loi,
que vous ne rejetez pas totalement la création d'un organisme comme
nous, qui croyons que c'est un geste inutile, coûteux et même
dangereux dans ses conséquences. D'ailleurs, vous avez plusieurs de vos
ingénieurs, au gouvernement, qui sont du même avis que
l'Opposition, qui ne partagent pas tout à fait votre avis. Eux sont
assez catégoriques, ils disent: Ce n'est pas une bonne chose de
créer cet Office. Vous êtes plus prudents, plus
modérés, vous dites: Au moins, avant de le créer, faites
un certain nombre de choses, et on est
prêts à vous aider. C'est l'essentiel de votre message.
Le ministre dit: Oui, ça a été
clarifié. On a clarifié telle et telle chose. C'est vrai que le
ministre de l'Environnement prédécesseur du ministre actuel, Mme
Bacon, lors d'un congrès des MRC - si je me rappelle bien - au printemps
1989, à la demande des MRC, avait accepté de clarifier les
rôles du ministère, les rôles des municipalités
régionales de comté...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'étais ministre des
Affaires municipales, à l'époque.
M. Lazure: Oui. C'est Mme Bacon qui a fait ça.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En collaboration avec elle.
M. Lazure: À la demande des MRC. Le ministre est
porté à tirer la couverte de son bord, il tente tout le
temps...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'étais aux Affaires
municipales, à l'époque. C'était en collaboration.
M. Lazure: Mais ce sont les MRC qui ont demandé, lors de
leur congrès, à Mme Bacon, de procéder à cette
clarification. On a des témoins qui étaient là, sur
place.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Et on vient de la terminer.
M. Lazure: Oui. Bravo pour ça. Mais, tantôt, vous
avez fait allusion au rapport Charbonneau. Nous aussi, on est d'accord pour la
création d'une régie sur les déchets dangereux. Ça
rejoint votre commentaire plus général. Une critique que vous
faites du projet de loi du ministre, c'est que le mandat confié à
l'Office, dans ce projet de loi, il est trop large, il est trop ambigu. S'il
faut absolument qu'il y ait un office - ce qu'on trouverait une erreur - c'est
sûr qu'il faut le circonscrire.
Nous, dans l'Opposition, on est favorable à la création de
certains véhicules pour des mandats bien précis: la
Société québécoise d'assainissement des eaux, le
Bureau d'audiences publiques, une régie des déchets dangereux,
une régie des déchets domestiques aussi, mais on est
opposés à la création d'un deuxième
ministère. C'est de ça qu'il s'agit, au fond. Il s'agit de la
création d'un deuxième ministère. Il y aurait même
un peu plus de 50 % des employés qui iraient à cet Office.
Alors, moi, je retiens que vous êtes opposés à un
mandat aussi large. Vous dites aussi, une phrase que j'ai notée: Le
manque de leadership peut donner l'impression que le Québec s'occupe mal
de son environnement. Encore une fois, l'absence ou la présence de
leadership, ce n'est pas associé à l'absence ou à la
présence d'une nouvelle structure. Le leadership, c'est politique. Nous
pensons que le ministre devrait suivre votre conseil, mettre son projet sur la
glace. Il y a des choses à faire en attendant et, pour revenir à
une de vos demandes plus précises, le rapport de la commission de
l'aménagement et des équipements, qui a étudié la
procédure d'évaluation, quant à nous, de l'Opposition,
nous sommes contents du résultat de ce travail-là. Nous avons
fait un travail non partisan, les députés de la commission. Quant
à moi, quant à l'Opposition, la version finale du rapport, nous
l'endossons. Il reste maintenant à la commission à se
réunir - je pense que ça doit se faire d'ici une semaine - pour
finaliser le rapport et ensuite le déposer à l'Assemblée
nationale.
Nous sommes aussi de votre avis, et d'autres groupes l'ont dit: Le
ministre devrait attendre. Il n'y a pas d'urgence. Il n'y a personne qui
réclamait la création de cet Office-là ou qui
réclame la création de l'Office. Il n'y a personne, il n'y a pas
de groupe qui réclame ça. On se demande pourquoi le ministre est
si pressé de procéder à la création de cet
Office-là. Donc, un temps d'arrêt, un groupe de travail, une plus
grande réflexion. Moi, j'irais un peu plus loin. Dans les groupes qu'il
devrait consulter, il pourrait consulter la commission de l'aménagement
et des équipements. La commission de l'aménagement et des
équipements, un peu beaucoup grâce à ses audiences sur
l'étude de la procédure d'évaluation, a eu la chance de
fouiller à fond et de mieux connaître le fonctionnement du
ministère de l'Environnement. Je pense que la commission aurait des
choses intéressantes à dire au ministre quant aux remèdes
à apporter au fonctionnement du ministère.
Mme la Présidente, moi, je voudrais peut-être poser une
question aux représentants de l'Ordre des ingénieurs. Sans
vouloir vous mettre mal à l'aise, comment expliquez-vous la
divergence... Il y a une divergence assez marquée, quand même,
entre votre mémoire et celui de vos collègues ingénieurs
qui sont au gouvernement.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Stephen-ne.
M. Stephenne: M. Lazure, nous sommes une organisation qui
représente l'ensemble des ingénieurs du Québec, à
savoir 35 000 membres. Nous ne représentons pas des
intérêts particuliers. Nous ne représentons pas des
associations bona fide comme l'Association des ingénieurs-conseils, par
exemple. Nous ne représentons pas, non plus, des syndicats. Nous ne
représentons pas des regroupements importants d'ingénieurs, nous
représentons l'ensemble des ingénieurs. Nous nous sommes
donné des outils de réflexion. Nous avons un comité sur
l'environnement. Nous avons
demandé à des experts de se pencher sur ces
questions-là. Nous vous livrons la réflexion qui est la
réflexion de l'Ordre. Donc, c'est une réflexion qui n'a pas
d'intérêt particulier. J'oserais môme vous dire qu'il n'y a
pas d'intérêt politique partisan dans notre prise de position.
Nous n'avons pas de jobs à défendre. Nous avons un
intérêt qui est un intérêt national. Nous avons un
intérêt pour le Québec.
M. Lazure: Je pense que la réponse est claire. Moi, je
retiens, encore une fois, de votre message à notre commission et au
ministre, que ce n'est peut-être pas pertinent de procéder trop
rapidement. Vous avez, à plusieurs reprises, parlé de temps
d'arrêt, de temps de réflexion. Quant à nous, c'est tout
à fait à l'ordre du jour. On espère, nous de l'Opposition,
que le ministre va en tenir compte. Au nom de l'Opposition, je vous
remercie.
La Présidente (M. Bélanger): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être une question dans
un secteur dont on n'a pas parlé et qui est important au
ministère. Dans le résumé de votre mémoire, vous
faites allusion à la question des urgences environnementales comme
telles, et ça m'apparaît important de vous questionner sur ce
sujet. Vous dites: «Le mandat en matière d'urgences
environnementales nous semble mal défini et ne tient pas compte du
rôle d'autres organismes. » C'est beaucoup. Moi, ce que j'ai
vécu au ministère de l'Environnement, c'est que c'était
peut-être le cas avant Saint-Basile, si vous me permettez l'expression,
même Saint-Basfle y inclus, si on se fie au rapport du commissaire aux
incendies, Me Delage. Mais, par la suite, j'ai été présent
au ministère et j'ai assisté à des interventions
d'urgences environnementales, qu'il s'agisse de Saint-Léonard-d'Aston,
un déraillement de train avec des matières dangereuses, qu'il
s'agisse de l'incendie des pneus à Saint-Amable, pour ne mentionner que
les plus célèbres. H y en a à tous les jours,
finalement.
Il y a un plan d'urgence, au gouvernement, qui inclut une action
interministérielle, qui Inclut également une action à
l'horizontale avec les différents agents des communautés
urbaines, des municipalités, etc. Ce plan d'urgence a semblé...
On me dit que c'est un des plus modernes au Canada. Ce sont les
représentations que la division des opérations régionales
me fait. Il donne des résultats sur le terrain - H faut toujours toucher
du bois - qui, à date, ne sont pas menés dans la confusion. Au
contraire, H y a des lignes de conduite, on sait qui prend les commandes,
ça se met en place très rapidement. J'ai de la
difficulté... Si je retourne à Saint-Basle et que je lis Cyrille
Delage, je n'ai aucune difficulté à comprendre ce que vous me
dites. Mais, si je regarde ce qui a été fait au cours des deux
dernières années pour, justement, coordonner ces interventions
d'urgence, à moins que vous n'ayez de l'information - j'aurais besoin de
le savoir, comme ministre de l'Environnement, parce qu'on ne sait jamais quand
ça arrive...
M. Michaud (Jean-Claude): D'abord...
La Présidente (Mme Bélanger): M. Michaud.
M. Michaud: Oui. En fait, vous semblez nous dire que vous avez
une combinaison heureuse, actuellement. Je serais porté à vous
dire: Ne touchez pas à votre combinaison heureuse, ne mettez pas
ça dans l'Office. Il faut bien comprendre que, lorsqu'on parle d'urgence
environnementale... D'abord, la définition même: c'est quoi une
urgence environnementale? Quand, à partir de quel moment, ça
devient effectivement une urgence? Ce que ça risque d'avoir comme effet,
finalement, c'est de divertir - pas divertir dans le sens d'amuser - des
ressources de l'Office.
On ne conteste pas qu'effectivement il s'est fait des choses
sérieuses dans les deux dernières années. On est en
contact direct, d'ailleurs, avec le Bureau des mesures d'urgence de
Montréal, de la Communauté urbaine de Montréal, sur les
questions de risques environnementaux, risques technologiques, et ainsi de
suite. Il y a encore un certain nombre d'éléments, cependant, qui
restent à clarifier. Le Bureau des mesures d'urgence nous mentionnait,
en particulier, que les relations avec le ministère de la Santé
ne sont pas très bien établies et que, s'il arrivait une urgence
assez importante dans la région de Montréal, ça nous
prendrait passablement de minutes avant de mettre les pièces du puzzle
ensemble. Alors, je suis d'accord avec vous qu'il y a des efforts qui ont
été faits, considérablement, depuis une couple
d'années, mais il y a encore des choses à faire. Mais ce qu'on
vous dit surtout - en plus, si vous nous dites que vous avez une combinaison
heureuse - c'est ne mettez pas ça dans l'Office.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais je ne veux pas qu'une
combinaison, qui a été heureuse lors de certains
événements, ne continue pas à s'adapter et à
progresser. Vous mentionnez le cas des relations avec le ministère de la
Santé. Dans certains dossiers, ce n'était pas évident,
sauf que, dans le cas de Saint-Amable, ça a baigné dans l'huile,
les relations, parce qu'il y avait sur place un CLSC très
compétent qui connaissait le plan d'urgence et qui a joué son
rôle à l'intérieur du plan d'urgence. Je pense au cas de la
Balmet à Saint-Jean.
M. Michaud: Est-ce que c'est vrai partout?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Écoutez, il
n'y a pas d'uniformité. Il y a des municipalités qui ont
des services d'urgences qui sont impeccables. Il y a d'autres
municipalités où les dirigeants municipaux ont
décidé d'investir ailleurs, de façon plus prioritaire.
Quand vous me dites: Vous avez une combinaison gagnante, n'y touchez pas, ce
que je veux vous dire, c'est qu'il faut sans cesse, dans les plans d'urgence,
les retoucher. C'est un peu comme un moteur d'automobile, le carburateur se
désajuste. Il faut s'assurer que c'est prêt à intervenir de
façon efficace en toute circonstance. Mais je tiens à souligner
que les gens qui y travaillent, à cette unité-là, ont
quand même amélioré leur performance de beaucoup depuis les
événements de Saint-Basile.
M. Michaud: Alors, gardez ça au ministère. Ne
mettez pas ça à l'Office.
La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M.
Stephenne et M. Michaud, nous vous remercions de votre présentation. Je
suspends pour quelques instants, le temps de demander aux gens de se
retirer.
(Suspension de la séance à 17 h 14)
(Reprise à 17 h 15)
La Présidente (Mme Bélanger): Je demanderais
à l'Institut des plastiques et de l'environnement du Canada, chapitre du
Québec, de bien vouloir prendre place. Les membres de la commission, on
vous souhaite la bienvenue. Je suppose que c'est M. Dubois qui est le
porte-parole?
M. Dubois (Pierre): Oui, Mme la Présidente, c'est moi.
La Présidente (Mme Bélanger): Je vous demanderais,
M. Dubois, de présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez
20 minutes pour présenter votre mémoire, et suivra une
période de questionnement pour les deux parties.
Institut des plastiques et de
l'environnement du Canada,
chapitre du Québec
M. Dubois: Merci, Mme la Présidente. Je me présente
moi-même, Pierre Dubois. Je suis coprésident de l'Institut des
plastiques et de l'environnement du Canada, qui est un organisme qui fait
partie de la Société des industries du plastique et qui
représente le groupe des transformateurs de plastique. J'ai, à ma
droite, M. Raymond Poisson, qui est coprésident du même organisme,
qui représente les fabricants de résine de plastique; à
mon extrême droite, M. Dean
Dussault, qui est directeur des communications pour cet organisme, et,
à ma gauche, Mme Odette Mercier, qui est directrice
générale et régionale pour la Société des
industries du plastique et l'Institut des plastiques et de l'environnement.
Si vous permettez, comme préambule, je demanderais à Mme
Mercier de présenter la Société des industries du
plastique et le groupe que nous représentons de façon à ce
que vous soyez familiers. Mme Mercier.
Mme Mercier (Odette): Merci, M. Dubois.
La Présidente (Mme Bélanger): Mme Mercier.
Mme Mercier: Mme la Présidente, M. le ministre, MM. et
Mmes les députés. Oui, on croyait qu'il était important de
présenter le profil de nos industries. D'abord, nous sommes une
association nationale. Nous existons depuis 50 ans, depuis 1942. Nous
représentons 3000 entreprises au Canada, dont 658 au Québec, 125
000 salariés au Canada, 17 000 000 000 $ de livraisons - je parle en
chiffres canadiens, évidemment - pour, finalement, représenter le
quatrième secteur économique en importance au Canada.
Il y a trois ans, nous avons créé l'IPEC, l'Institut des
plastiques et de l'environnement du Canada. Nous en avons fait notre
priorité: 60 % de nos ressources humaines et de notre budget vont
à l'environnement. Nous avons également l'institut du plastique
canadien dont le mandat est surtout l'information. Il se peut, au cours des
discussions que nous aurons avec vous, que nous en parlions. Mais nous sommes
ici en tant que représentants de l'Institut des plastiques et de
l'environnement du Canada. Je vais immédiatement céder la parole
à mon coprésident, M. Dubois, qui va vous expliquer le
mandat.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Dubois.
M. Dubois: Merci, Mme Mercier. Mme la Présidente, M. le
ministre, M. Lazure, MM. les députés, Mmes les
députées. L'Institut des plastiques et de l'environnement du
Canada remercie la commission de l'aménagement et des équipements
de l'occasion qui lui est offerte de discuter de la création de l'Office
de protection de l'environnement en vertu des dispositions du projet de loi
412. C'est la première fois que l'IPEC émet des commentaires sur
un projet de loi du gouvernement du Québec en commission parlementaire.
C'est dire l'importance que nous accordons à l'idée de la
création de l'Office de protection de l'environnement du
Québec.
D'entrée de jeu, nous aimerions d'abord vous expliquer ce qu'est
l'Institut des plastiques et de l'environnement du Canada et quel est son
mandat. Créé en mars 1989 par la Société des
industries du plastique du Canada, qui regroupe les
producteurs de résine de plastique, les transformateurs, les producteurs
de moules et d'équipement ainsi que les recycleurs de matières
plastiques, l'IPEC a pour mission de faire de l'industrie des plastiques un
partenaire clé dans la recherche de solutions à court et à
long terme pour protéger notre environnement.
Au Québec, les actions de l'IPEC se sont traduites
par l'application, au domaine des plastiques, de la politique des 3 R VE du
MENVIQ, c'est-à-dire la réduction à la source, le
réemploi, le recyclage, la valorisation et l'élimination. L'IPEC
s'est jointe, via ses compagnies membres, à Collecte sélective
Québec. L'Institut a favorisé la participation directe de
l'industrie des plastiques à diverses initiatives locales de gestion
Intégrée des déchets, comme celle du cégep de
Rosemont, un exemple unique où la pédagogie et la gestion des
déchets ne font qu'un. Si vous n'êtes pas au courant, M. le
ministre, le cégep va être honoré à Vancouver,
à Globe 1992, comme le projet étudiant par excellence de
l'année. L'IPEC produit et diffuse diverses publications et parraine
diverses études environnementales sur les plastiques.
Par l'intermédiaire de l'IPEC, une collaboration
soutenue et constante entre les représentants du ministère de
l'Environnement du Québec et les membres de l'industrie des plastiques
du Québec s'est développée, afin de favoriser la
croissance du secteur des plastiques au Québec et le respect des
politiques environnementales québécoises.
En peu de temps, des relations bénéfiques
pour notre secteur comme pour le MENVIQ se sont établies. Aujourd'hui,
par le Blais de leur association industrielle ou de leur propre initiative, les
entreprises québécoises spécialisées dans le
plastique ont pu et peuvent exprimer leur point de vue directement au MENVIQ.
Ainsi, l'industrie québécoise des plastiques prend connaissance
plus rapidement des attentes du ministère de l'Environnement, s'entend
sur des objectifs communs et sur les moyens les plus réalistes pour les
atteindre.
Dans ce contexte, l'Institut des plastiques et de
l'environnement du Canada s'est demandé ce qui pouvait assurer à
l'Office de protection de l'environnement les meilleures chances de
succès.
D'après le mandat fondamental décrit dans le
projet de loi, le rôle de l'Office est d'identifier ses priorités
d'intervention et ses orientations pour mieux protéger l'environnement,
tout en ayant les pouvoirs d'application des lois et règlements qui
traitent de la protection de l'environnement. Actuellement - d'après ce
qu'on connaît - cette tâche relève du ministère de
l'Environnement du Québec. Avec le projet de loi 412, le MENVIQ cherche
à se doter d'un organisme qui interprète et applique plus
efficacement les lois et règlements en matière de protection de
l'environnement.
Nous ne croyons pas que l'Office de protection de
l'environnement, tel qu'il nous est présenté dans le projet de
loi 412, pourra atteindre l'objectif principal que s'est fixé le MENVIQ,
s'il ne fait que créer une nouvelle instance bureaucratique. Dans ce
contexte, l'émission des permis ou la qualité de
l'interprétation et la rigueur de l'application des lois et
règlements environnementaux ne changeront pas nécessairement pour
le mieux. Pour satisfaire aux attentes du MENVIQ, l'Office devra
répondre, selon nous, à certaines conditions fondamentales.
L'IPEC croit que l'efficacité de l'Office de
protection de l'environnement dépend de la compétence
particulière de la direction et des employés qui occupent les
postes clés. Si ces conditions ne sont pas remplies, nous aurons du mal
à comprendre ce qu'un office de l'environnement apportera de plus, sinon
le risque de créer une nouvelle source de tiraillements
administratifs.
Dans notre analyse, nous nous sommes arrêtés
aux articles du projet de loi 412 qui nous apparaissent les plus
déterminants en ce sens. Nous voulons vous faire part de nos remarques
et recommandations.
À l'article 3 du projet de loi 412, on
prévoit qu'après consultations auprès des groupes les plus
représentatifs un membre du domaine des affaires, des domaines
environnemental, municipal et syndical, fera partie de la direction avec cinq
autres membres choisis par le gouvernement. Une telle formule de
sélection risque fort de déplaire à tous les intervenants
dans ce dossier et de nuire à l'efficacité de l'Office. On voit
mal qui pourrait, à lui ou elle seule, prétendre exprimer le
point de vue de groupes aux intérêts parfois divergents, que ce
soit chez les entrepreneurs, les écologistes, les villes ou les
organisations syndicales. La concertation et le partenariat sont des objectifs
louables, mais, quand il s'agit d'appliquer des lois et des règlements
pour la protection de l'environnement, ce n'est pas un prérequis
suffisant.
En matière de protection de l'environnement, II faut
tenter des formules originales qui sortent des sentiers battus. Chaque fois
qu'il est question d'écologie, les préjugés sont nombreux,
les points de vue opposés sont fréquents et l'émotion est
omniprésente. Le secteur des plastiques est très bien
placé pour le savoir. Aujourd'hui encore, une majorité de
Québécois et de Québécoises croient que le
plastique est la source principale des déchets domestiques, et ce,
même si les données du MENVIQ, de l'Environment Protection Agency
et les études scientifiques les plus récentes ont
démontré tout à fait le contraire.
Pour juger et trancher rapidement sur des questions souvent
très techniques, il nous apparaît essentiel qu'au moins cinq des
neuf membres de la direction de l'Office, responsables
de la protection de l'environnement, dont son président et ses
trois vice-présidents, possèdent une solide formation
scientifique et, préférable-ment, une expérience
professionnelle dans un milieu industriel. Ces prérequis devraient
être inscrits à l'article 3 de la loi 412. La
crédibilité, le respect et l'efficacité de l'Office en
dépendent.
Plus encore, pour éviter toute contestation des décisions
de l'Office lorsqu'il exerce ses fonctions en vertu de l'article 18,
alinéa 3, pour l'application des programmes de restauration et de
prévention de la détérioration de l'environnement, quand
il reçoit des plaintes relatives à la présence de
contaminants - l'article 18, 4° - ou lorsqu'il forme des comités de
révision - l'article 18, 5° - les membres de l'Office deviennent en
quelque sorte les ombudsman ou les omhbudswo-man de l'environnement.
C'est un fait que, même avec le meilleur de nos connaissances
scientifiques actuelles, il n'y a pas toujours de vérités
incontestables dans ce domaine. Mais ces connaissances sont absolument
essentielles pour faire le point le plus rapidement possible, appliquer avec
diligence les lois et règlements pour la protection de l'environnement
et faire preuve du maximum d'impartialité.
La compétence scientifique de la direction de l'Office devient
d'autant plus pertinente quand on sait qu'en vertu de l'article 19 l'Office
donne son avis au ministre sur les questions qui relèvent de sa
compétence et qu'il peut lui-même faire des recommandations.
Pour favoriser l'efficacité et la mise à jour des
connaissances des membres de la direction ou du personnel de l'Office, le
secteur des plastiques serait prêt à collaborer avec l'Office
à la conception des programmes de formation et d'information
prévus à l'article 18 et, surtout, à offrir des sessions
d'information sur les plastiques à ceux et celles chargés
d'appliquer les lois et règlements ou qui siègent sur les
comités de révision, selon les termes prévus à
l'article 22 du projet de loi 412.
L'IPEC voit d'un bon oeil que l'Office devienne la source unique
d'information statistique sur la qualité de l'environnement. Il est
difficile de trouver ces données et il est temps qu'une source
officielle pour ce genre d'information voit le jour au Québec.
Cependant, cette banque de données devra être constamment mise
à jour. De plus, les statistiques environnementales sont des indicateurs
qui devront être validés à la lumière de la
réalité économique québécoise.
Les seules réserves que nous avons, c'est qu'en l'absence de
mesures de protection de l'information certaines entreprises risquent d'avoir
des appréhensions à collaborer avec l'Office, que ce soit par
crainte de représailles de l'Office lui-même ou pour ne pas
dévoiler indirectement des secrets industriels ou certains
procédés de fabrication. D'ailleurs, en vertu des lois
fédérales qui l'ont créé, Statistique Canada
garantit cette confidentialité aux groupes, individus ou entreprises, il
faudra prévoir des mécanismes similaires de protection de
l'information pour éviter ce genre de dilemme.
L'idée d'un service d'urgences environnementales relevant de
l'Office nous apparaît excellente. Mais, encore une fois, ce service sera
efficace si on lui en donne les moyens. Or, en scrutant le projet de loi 412,
on ne voit pas de fonds spéciaux prévus à cette fin. S'il
n'y en a pas, il faudra y voir. Ce genre de service coûte cher, mais il
en vaut la peine. Si on lésine là-dessus, ça pourrait
avoir des conséquences désastreuses pour l'image de l'Office
lorsqu'on devra déployer ces ressources.
En conclusion, pour être efficace, l'Office de protection de
l'environnement devra être autre chose qu'un service de police du MENVIQ.
Avec des personnes possédant une solide expertise scientifique et une
certaine connaissance de la réalité industrielle et
manufacturière, l'application des lois et règlements se fera plus
efficacement, c'est-à-dire d'une façon juste et équitable.
Ce même genre de compétence devra se retrouver au niveau des
comités de révision. (17 h 30)
Enfin, on devra s'assurer que l'Office profite de l'expertise
environnementale des divers secteurs économiques québécois
sur une base permanente, que ce soit par l'implantation de programmes
d'information ou de formation à titre consultatif lors de l'application
de nouvelles lois réglementaires ou pour assister le service d'urgences
environnementales de l'Office de protection de l'environnement
québécois. Avant son adoption, toute réglementation devra
être soumise à une analyse de son impact socio-économique
pour que les bénéfices qui en découlent soient
équivalents aux coûts qu'ils représentent pour la
société. Cette clause est déjà prévue par le
gouvernement fédéral, en vertu du «Regulatory Reform
Act», et elle devrait se retrouver dans le texte de la loi créant
l'Office de protection de l'environnement du Québec.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Dubois. M.
le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, Mme la Présidente.
Vous me permettrez de souhaiter une bienvenue particulière à
votre Institut, pas à cause de ce que vous avez dit, mais, quand c'est
la première fois qu'on reçoit, sur le plan législatif, la
collaboration d'un organisme aussi important sur le plan économique et
environnemental au Québec, on se doit de le souligner. J'espère
que cette habitude que vous prenez vous amènera à venir nous voir
plus souvent pour que nous bénéficiions de votre expertise, de
votre expérience et de vos conseils.
Vous vous êtes présenté comme un orga-
nisme qui contribue à Collecte sélective Québec. Je
vous en félicite. Si vous pouvez faire davantage, les besoins sont
incommensurables. Vous vous êtes présenté également
comme un organisme qui, sur le plan de l'éducation et de l'action dans
l'éducation, a des projets concrets qui, aujourd'hui, parce qu'ils sont
réussis, sans doute bien parrainés également, se voient
décerner les mérites qui leur reviennent.
Toutefois, dans l'opinion publique en général - c'est
peut-être pour ça qu'à un moment donné vous avez eu
à vous en soucier - on dit que l'Industrie du plastique n'est pas
tellement bien vue sur le plan environnemental. Les actions que vous posez ne
vont pas dans ce sens-là. Moi, je vous demande la raison pour laquelle
vous avez une difficulté de perception. C'est ça que c'est,
finalement. Le monde pense que, dans la poubelle, c'est du plastique qu'on met
là, alors que le pourcentage - je ne l'ai pas par coeur -c'est loin
d'être comparable au papier, ou au carton, ou même aux
déchets domestiques. Je vous adresse la question.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Dubois.
M. Dubois: II y a possibilité de spéculer sur les
raisons pour lesquelles on est stigmatisé à certains points de
vue, ou qu'on reçoit une mauvaise presse. Une des raisons, c'est qu'on
est un matériau qui est méconnu, ou mal connu, étant un
produit qui est très jeune, qui est retrouvé dans
différents domaines, que ce soit au point de vue emballage, que ce soit
dans les produits plus durables comme les produits de construction ou dans les
pièces d'automobile. C'est assez méconnu. Donc, les gens le
volent d'un mauvais oeP.
Quand on est dans cette situation-là, on doit redoubler d'ardeur
pour pouvoir redorer notre blason au point de vue environnemental. C'est pour
cette raison qu'on a formé l'Institut des plastiques et de
l'environnement du Canada - on dit québécois aussi. C'est
à peu près la réponse que je peux vous donner, M. le
ministre. On croit que notre produit est environnemen-talement très
sain.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un mot qui revient plus souvent
dans votre mémoire que dans d'autres mémoires, c'est le mot
«scientifique». Pour à peu près chaque aspect du
projet de loi que vous critiquez, que vous abordez, on retrouve le mot
«scientifique)». Quand je retrouve un mot à
répétition, sans avoir la formation que mon critique de
l'Opposition a, je me demande... Si vous l'utilisez souvent, est-ce que c'est
parce que vous considérez qu'on manque, au ministère ou dans nos
approches, de cette rigueur scientifique?
M. Dubois: Premièrement, je mentionnais plutôt la
méconnaissance de nos produits. Donc, l'aspect scientifique,
étant donné que la pétrochimie est impliquée et
puis tout ça, en relation avec nos produits est un aspect très
Important pour nous, oui, de façon à ce qu'on puisse faire
connaître nos produits de façon plus générale.
Il y a des offres qui ont été faites souvent à
votre ministère. On travaille en étroite collaboration avec
plusieurs de vos fonctionnaires, mais on croit qu'on pourrait faire plus encore
pour informer, de façon plus profonde, les gens qui sont
concernés par l'environnement, particulièrement en ce qui regarde
les plastiques.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour ce qui est de la
réglementation, vous allez me permettre une question pointue et
précise. Est-ce qu'il y a de la réglementation, chez nous, qui
est actuellement, inapplicable parce qu'on n'a pas la bonne recette chimique?
Parfois, on a des normes qui deviennent - les gens nous le disent, notre
clientèle - Inapplicables. On avait quelqu'un, hier, des produits
pétroliers... M. le député de...
M. Lazure: Je pense que c'est ça, oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des matières dangereuses...
Il nous disait: Moi, je suis dans la peinture et vos normes sont inapplicables
parce qu'elles ne tiennent pas compte de la réalité.
M. Dubois: M. Poisson est dans la fabrication même des
résines. Je vais lui laisser le loisir de répondre à votre
question.
M. Poisson (Raymond): Pour répondre à votre
deuxième question, M. le ministre, ça revient un peu à
répondre en même temps à la première question que
vous aviez en ce qui concerne les problèmes de perception du public
envers les plastiques. Je vais répondre à celle-là en
premier pour compléter la réponse de M. Dubois. Ensuite, je vais
revenir à la deuxième question.
Alors, le problème des plastiques. C'est un matériau qui a
une très grande visibilité, surtout dans les médias,
à la télévision, et il semble être
omniprésent dans la nature. Les gens sont assez mai informés.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Excusez si je fais deux choses en
même temps, c'est parce que je tente de sauver du temps. On est un peu
comprimé dans le temps.
M. Poisson: Oui, allez-y, je vais vous laisser parler...
Alors, il semble y avoir un manque d'information scientifique, si je
peux m'exprimer ainsi, dans le public. C'est une préoccupation qui nous
a portés, à l'Intérieur de l'Institut des plastiques,
à former cet organisme, au Québec, et à mettre un accent
sur la communication et l'éducation, de façon à essayer de
régler ce problème-là. En
ce qui concerne le ministère, si on utilise le mot
«scientifique» souventefois dans notre communiqué, ça
ne s'adresse pas nécessairement au ministère comme tel. je pense
que les gens de l'industrie comprennent les capacités et les
compétences du ministère pour traiter des choses scientifiques.
nous avons, cependant, certaines préoccupations au sujet de la formation
du conseil qui devrait régir l'office que vous voulez établir,
quant à la présence de personnes à formation scientifique
dans ce groupe-là, de façon à bien comprendre la
portée des réglementations et à pouvoir aussi les
communiquer à tous les intervenants - je dis bien à tous les
intervenants.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais y aller rapidement parce
qu'on a peu de temps. Vous soulevez également la question de la
confidentialité des informations qui seraient transmises à
l'Office, ou qui sont présentement transmises au ministère,
l'Office pouvant devenir une source de statistiques environnementales
intéressantes. Vous nous donnez, comme exemple, Statistique Canada qui
est un modèle. Nous, on vit présentement un régime - et la
situation actuelle ne changerait pas, je présume, avec la
création et la mise en place d'un office - nous sommes régis par
la loi d'accès à l'information qui nous indique quels sont les
documents que l'on peut rendre publics et quels sont les documents que l'on ne
peut pas rendre publics. Est-ce que vous remettez en question des
éléments, des pratiques que nous avons présentement?
M. Dubois: Si vous vous basez sur les pratiques que vous avez en
ce moment, M. le ministre, c'est que, si nous devons travailler en
étroite collaboration et d'une façon assez ouverte, on ne veut
pas que certaines informations soient retenues par des sociétés
privées de peur que l'information ne soit disséminée
à leurs concurrents ou contre leurs propres intérêts.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mise en garde.
M. Dubois: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Une dernière question pour
le moment. Pour faciliter le travail de l'Office, le MENVIQ devra
désormais s'engager à soumettre toute réglementation,
avant son adoption, à une analyse de son impact socio-économique
afin que les bénéfices qui en découlent soient
équivalents aux coûts qu'ils représentent pour la
société. Je vous indiquerai que, lorsque nous présentons
une réglementation aux divers comités interministériels -
parce que ça nous prend l'approbation du gouvernement, quand ce n'est
pas l'approbation de l'Assemblée nationale, pour procéder
à l'adoption d'une réglementation - nous procédons
à ces études socio- économiques, nous les défendons
à l'interne, parfois avec succès, parfois avec moins de
succès. Comme ministre de l'Environnement, j'aurais des
hésitations à soumettre à part du processus
interministériel qui est prévu, à créer un autre
processus. Ce n'est pas parce que je n'ai pas confiance aux études
économiques, etc., mais j'ai l'impression qu'on a déjà ce
système-là dans l'appareil gouvernemental. Est-ce que vous
voudriez qu'on en ajoute un autre? Dans le cas des pâtes et papiers,
j'aurais souhaité pouvoir aller sur la place publique avec les
études socio-économiques que l'on avait.
M. Dubois: Non, on ne souhaite pas que vous alourdissiez la
procédure. Je pense que c'est assez lourd comme c'est
déjà. C'est que, justement, on croyait que l'Office pourrait
jouer ce rôle-là en coopération avec le ministère.
On parle de l'aspect socio-économique. S'il est formé, comme on
le suggère, de membres du conseil d'administration qui seraient,
à fort pourcentage, représentants de l'industrie, à ce
moment-là, il pourrait avoir peut-être un impact plus direct, ou
vous donner de l'information plus directement et plus rapidement que selon le
système qui existe en ce moment.
M. Poisson: En d'autres termes, M. le ministre, nous voudrions
que cela fasse partie intégrale du processus législatif ou de
réglementation. Ça va dans le sens, si vous voulez, du principe
du développement durable. Alors, c'est bon, pour l'entreprise et aussi
pour le payeur de taxes, qu'ils aient une meilleure compréhension de
l'impact de la réglementation sur les coûts et surtout la
compétitivité.
La Présidente (Mme Bélanger): M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: merci, mme la présidente. au nom de
l'opposition, je veux saluer cette première présence de
l'institut parmi nous et souhaiter, moi aussi, que ses représentants et
représentantes reviennent souvent. si je comprends bien, vous donnez un
appui, mais un appui très nuancé, au projet de loi. par exemple,
vous dites, à un moment donné: «nous ne croyons pas que
l'office de protection, tel qu'il nous est présenté dans le
projet de loi, pourra atteindre l'objectif principal que s'est fixé le
menviq, s'il ne fait que créer une nouvelle instance
bureaucratique.» plus loin, vous dites: l'ipec croit que
l'efficacité de l'office dépend de la compétence
particulière de la direction et des employés qui occupent les,
postes clés. si ces conditions ne sont pas remplies, nous aurons du mal
à comprendre ce qu'un office apportera de plus, sinon le risque de
créer une nouvelle source de tiraillements administratifs.»
Alors, c'est un appui très, très mitigé,
très nuancé que vous faites. Je pense que vous avez
raison d'être méfiant. Nous, on l'est encore plus que vous.
La plupart des groupes le sont beaucoup, beaucoup, à tel point que la
plupart des groupes s'opposent à la création de cet Office.
J'aurai quelques questions, tantôt, plus directes. Mais, avant,
comme préambule, au cégep de Rosemont, pourriez-vous en dire un
peu plus sur ce programme-là?
M. Dubois: M. Dussault était très impliqué
dans le projet.
M. Lazure: Oui?
M. Dussault (Dean): Oui, enfin, on a rencontré une
équipe, sous la gouverne d'un professeur d'un département de
chimie qui, à notre plaisir, voulait intégrer les plastiques dans
un programme de gestion intégrée des déchets à
l'Intérieur du cégep de Rosemont. Ça a plu aux gens de
l'Institut, naturellement, parce qu'il faut bien parler d'environ 5000
étudiants, dont 2800 le jour et 3000 le soir. Ça fait quand
même beaucoup de déchets aussi, malheureusement. Ça
permettait du même coup aux étudiants d'avoir une meilleure
initiation aux plastiques, au recyclage des plastiques aussi. Il y a une
collaboration qui s'est ajoutée avec le cégep Ahuntsic qui a un
département de transformation des matières plastiques. Donc, les
plastiques du cégep de Rosemont, grâce aux étudiants,
à leur travail, seront recyclés par les étudiants en
technique de transformation des matières plastiques. Les
étudiants, à ce moment-là, vont essayer d'autofinancer
leur projet de gestion Intégrée des déchets, ce qui est
quand même assez remarquable. Je dois vous dire aussi que la ville de
Montréal regarde avec beaucoup d'Intérêt le projet Alors,
on s'implique de cette façon-là, en partant peut-être d'un
petit projet, M. Lazure, mais en espérant que ça ait un effet
d'entraînement. Je pense, d'aPleurs, qu'il y a déjà des
gens du MENVIQ qui ont apporté leur collaboration. Je pense que c'est un
peu la philosophie que préconise l'IPEC, l'Institut, pour ce genre de
projet là.
M. Lazure: Je pense que c'est très sage de susciter de
tels projets auprès des jeunes, en particulier. Parlant de recyclage, on
voyait dans les journaux, il y a quelques mois, que l'Ontario avait mis sur
pied, avait ouvert sa première usine de recyclage de plastique. Je ne me
souviens pas exactement où...
M. Dussault: Polystyrène, M. Lazure, les gobelets de
tasses de café.
M. Lazure: Oui, ils disaient plastique de façon
générale.
M. Dussault: C'est parce que, nous, H y en a plusieurs sortes. Le
polystyrène, c'est celui que les gens aiment bien pointer du doigt.
M. Lazure: d'accord. mais, débouchons sur le
québec. ici, au québec, est-ce qu'il y a place, d'après
vous, pour l'industrie du plastique, pour une entreprise semblable?
M. Dubois: Pour vous répondre, c'est qu'il y en a
déjà une qui fonctionne à Berthierville...
M. Lazure: Qui fonctionne avec des matières
premières qui sont...
M. Dubois: Qui sont collectées au Québec.
M. Lazure:... exclusivement du plastique déjà
utilisé?
M. Dubois: Oui.
M. Lazure: Laquelle? (17 h 45)
M. Dubois: La source de matières premières pour
l'usine Pelo Plastique de Berthierville est les contenants de boisson gazeuse
qui sont fabriqués en PET et en TPE. Cette usine-là transforme la
totalité du plastique collecté à travers la consigne des
contenants de boisson gazeuse en plastique au Québec.
M. Lazure: est-ce qu'elle est en mesure de traiter tout ce qui
viendrait de la collecte sélective, ce qui est plastique? pas
nécessairement consigné, comprenez-moi bien.
M. Dubois: Je comprends très bien ce que vous voulez dire,
oui.
M. Lazure: Est-ce qu'elle serait en mesure de traiter tout ce qui
viendrait d'une collecte sélective de plastique?
M. Dubois: Telle qu'elle est structurée en ce moment, elle
ne serait pas en mesure de prendre ça. Mais, selon les
prévisions, cette industrie-là, à mesure que le volume de
plastique va augmenter à travers la collecte sélective, elle sera
en mesure de prendre certains types de plastique. Par contre, ce n'est pas la
seule. Il y a plusieurs autres sociétés au Québec qui vont
traiter différents types de plastique. Le plastique, c'est un terme
générique. Il y a différents types de plastique et on ne
peut pas mêler tous les plastiques. À ce moment-là, la
valeur diminue grandement. Pour avoir une bonne...
M. Lazure: Bon! Arrêtons-nous sur les contenants de
plastique qui ne sont pas inclus dans la consigne.
M. Dubois: Oui, oui.
M. Lazure: II y en a beaucoup.
M. Dubois: Oui.
M. Lazure: Moi, j'habite dans une région où la
collecte sélective se fait depuis déjà quelques
années.
M. Dubois: Voilà.
M. Lazure: Pendant un bout de temps, ils collectaient le
plastique non consigné. Maintenant, ils ne le collectent plus parce
qu'ils disent: II n'y a pas de marché pour ça. Alors, qu'en
est-il de cette fameuse question de marché?
M. Dubois: C'est une question d'infrastructure. C'est qu'il y a
des marchés pour les différents plastiques qui existent. Par
contre, un des problèmes qui existent, c'est qu'il n'y a pas de
marché quand vous avez des quantités qui sont minimes. Il va
falloir étendre la collecte sélective à la grandeur de la
province pour pouvoir collecter des quantités suffisantes pour justifier
l'implantation de différentes industries qui pourraient traiter les
différents plastiques qui sont recueillis par le système de
collecte sélective. Mais, au point de vue industriel, ça existe
déjà. Il y a des sociétés... Il y a Cascades qui
collecte les polystyrènes. Il y en a une dizaine qui sont nos membres.
J'ai employé Cascades comme exemple...
M. Lazure: Bon! Je comprends ce que vous voulez dire. Ça
prend un gros volume. Ça prend un volume suffisant.
M. Dubois: II faut développer un volume, oui.
M. Lazure: Donc, une collecte sélective plus
répandue.
M. Dubois: C'est ça.
M. Lazure: Correct. Bon!
La Présidente (Mme Bélanger): M. Poisson.
M. Poisson: Oui. M. Lazure, j'aimerais rajouter aussi que, dans
tout ça, c'est la mission de la collecte sélective de,
premièrement, financer l'établissement de l'infrastructure
nécessaire pour la collecte sélective, y inclus les types de
plastique dont vous faites mention. C'est aussi, je pense, du ressort de
RECYC-QUÉBEC de s'occuper de faire des travaux de recherche pour
identifier des marchés pour les plastiques recyclés.
M. Lazure: Oui.
M. Poisson: Alors, il n'y a pas seulement l'entreprise
privée. Il y a aussi ces établisse- ments paragouvernementaux qui
travaillent dans la même direction.
M. Lazure: Vous avez absolument raison. Mais, si on revient
à la collecte sélective, vous dites que certains de vos membres
participent sur une base volontaire. Bravo! L'Association des
détaillants, récemment, a fait une demande au ministre, à
l'effet d'imposer une grille tarifaire à l'ensemble des industries, de
manière à ce que ce ne soit pas juste les volontaires
bénévoles qui contribuent au fonds actuellement. Le fonds devait
ramasser 100 000 000 $ en sept ans. Ils ont ramassé à peu
près 5 000 000 $ en deux ans, deux ans et demi. Or, tout le monde sait
que ça ne marchera pas, l'objectif de 100 000 000 $ en sept ans. C'est
pour ça que l'Association des détaillants... Nous, à
première vue, l'Opposition, on trouve que ça a de l'allure comme
proposition. Ils prétendent avoir l'assentiment, l'accord de la plupart
des industries. Qu'est-ce que vous pensez de leur proposition de rendre
obligatoire une grille tarifaire, de manière à étendre la
collecte sélective beaucoup plus considérablement?
M. Dubois: Ça, Dr Lazure, c'est du ressort de Collecte
sélective Québec. Comme membres, nous savons qu'il y a un groupe
de travail qui a été formé pour justement adresser cette
question-là. Je crois que M. le ministre est au courant de son
activité puisque certains membres de son ministère font partie de
ce groupe de travail. À ce moment-ci, ils sont en train de terminer leur
étude. Leurs suggestions pour M. le ministre, si elles ne sont pas dans
son bureau en ce moment, devraient être dans son bureau très
bientôt.
M. Lazure: Écoutez, je ne veux pas vous tordre le bras
plus que ça. Mais, est-ce que vous voyez d'un bon oeil la proposition de
l'Association des détaillants?
M. Dubois: Pouvez-vous me donner en détail... Quelle est
la proposition exacte des détaillants?
M. Lazure: Ah bien, c'est ça. Plutôt que d'avoir une
collecte de fonds sur une base volontaire, qui devait ramasser 100 000 000 $ en
sept ans, auprès des industries qui ont des produits de courte
durée, étant donné que ce système-là ne
fonctionne pas sur une base volontaire, l'Association des détaillants
dit: Allons-y pour une grille tarifaire qui sera obligatoire pour toutes les
industries, ce sera plus équitable. Cet argent-là, qui va
constituer des sommes importantes, sera distribué ensuite aux
municipalités pour étendre la collecte sélective.
M. Dubois: Mais, par grille tarifaire, Dr
Lazure, est-ce que vous dites des taxes? Ha, ha, ha!
M. Lazure: Non, pas exactement des taxes...
M. Dubois: Bien, c'était la proposition. Je crois que
c'était.. Ils suggéraient une taxe.
M. Lazure: Pas exactement des taxes... Bon! Écoutez, moi,
je ne veux pas prolonger le débat là-dessus. Peut-être
juste une dernière question sur la composition des consols
d'administration. Vous voyez ça comment?
M. Dubois: Nous voyons que, sur les neuf personnes, I devrait y
avoir au moins cinq représentants.
M. Lazure: De?
M. Dubois: De l'industrie privée ou de scientifiques,
qui...
M. Lazure: Pas nécessairement tous du plastique?
M. Dubois: Non, non, non. Du tout, du tout.
M. Lazure: Ha, ha, ha! Mme
Mercier: Au moins un.
M. Dubois: Peut-être un, si c'était possible. Mais,
non, je pense que ça serait un peu... Ha, ha, ha!
Mme Mercier: Ce serait trop visible. Ha, ha, ha!
M. Lazure: Merci bien.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le
député de La Prairie. Alors, nous vous remercions pour votre
présentation. La commission suspend ses travaux pour quelques instants,
le temps de demander aux intervenants de bien vouloir s'avancer.
(Suspension de la séance à 17 h 52)
(Reprise à 17 h 53)
La Présidente (Mme Bélanger): Je demanderais
à l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du
Québec de bien vouloir prendre place à la table. Alors, nous vous
souhaitons la bienvenue au nom des membres de la commission. M. Dugré,
vous êtes le porte-parole?
M. Dugré (Jean): Oui, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je vous demanderais
de présenter les personnes qui vous accompagnent. Je vais vous dire que
vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, suivies d'un
questionnement.
Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement
du Québec
M. Dugré: Je vous remercie, Mme la Présidente.
J'aimerais vous présenter M. Jean-Pierre Thiboutot, à ma gauche,
et M. Jean-Louis Joly, à ma droite. Premièrement, j'aimerais vous
saluer, Mme la Présidente et M. le ministre, pour une première
rencontre, M. Lazure, mesdames, messieurs.
Le gouvernement a présenté le projet de loi 412 sur la
création de l'OPEQ, et nous voulons réagir sur le
bien-fondé du projet de loi plutôt que sur le changement de
virgules. Nos réactions concernent l'approche judiciaire du projet de
loi, l'efficacité administrative et la discrimination entre les petits
et les gros pollueurs. Nos propositions, par contre, visent une approche
préventive plutôt qu'un contrôle a posteriori, visent la
poursuite du processus de régionalisation déjà entrepris
et une vision globale du droit de l'environnement.
Nos réactions d'abord. Premièrement, l'approche judiciaire
dans ce projet de loi nous entraînerait probablement dans un climat de
confrontation malsain et improductif. L'approche préconisée n'est
que légaliste, pour encadrer les activités. Cette approche tient
lieu de prévention passive puisqu'elle n'intervient pas en début
d'un processus pour corriger adéquatement une situation qui pourrait
causer des torts à l'environnement.
L'action dans cette approche se situe a posteriori, c'est-à-dire
en bout de ligne d'un processus ou d'une activité lorsque le mal est
fait ou, encore, que la pollution est constatée. Dans cette approche,
que nous nommons policière, rien ne permet de croire que les
règlements et les lois seront suivis. Il en découle de nombreux
inconvénients: des poursuites seront entreprises et leur coût sera
élevé. Les poursuites occasionnent de longs délais avant
de solutionner un problème. La preuve de la faute hors de tout doute est
difficille à faire. Les amendes actuelles sont acceptables pour les
pollueurs qui obtiendront des délais. Ça ne les dérange
pas de payer des amendes. Après que les amendes seront payées,
rien ne sera réglé. Le problème de pollution sera toujours
présent.
En fait, ce n'est pas dans l'approche légaliste ou
policière qu'on trouvera les solutions à la pollution. J'aimerais
vous mentionner à ce sujet un article qui a paru dans le journal
dernièrement et qui avait la même approche philosophique,
c'est-à-dire... Ce sont les entrepreneurs en construction qui donnaient
leur point de vue sur l'approche de la CSST et le président, M.
Perron, disait: «En limitant son rôle à celui d'agent
de répression ou de gendarme qui distribue les avis d'infraction, la
CSST n'a pas rempli son mandat en matière de prévention.»
Pour eux - c'est juste une comparaison - leur modèle, c'est la
Société d'assurance automobile qui, avec ses campagnes
percutantes, a donné aux Québécois le goût de
s'attacher et réduit, de 2000 à 1500, en 20 ans, le nombre
d'accidents mortels, cela, malgré une augmentation de 70 % des
véhicules sur les routes. Donc, est-ce qu'on devrait suivre l'exemple de
la CSST et aller en répression ou, plutôt, aller en
prévention? C'est la question qu'on pose. Enfin, dans cette approche
policière, il n'y aura eu principalement que des affrontements entre les
pollueurs et le gouvernement. Le bilan ne sera qu'un bilan de poursuites et non
de pollution enlevée.
Deuxièmement, l'efficacité administrative actuelle ne sera
pas améliorée par la création de l'OPEQ. Les mêmes
employés et les mêmes gestionnaires seraient utilisés
à l'OPEQ. On assiste, en fait, à une restructuration
gouvernementale typique où on déplace des activités d'une
unité administrative à une autre en espérant que les
choses vont changer.
On voit l'Office de protection de l'environnement comme une solution
à un problème. Mais, quel est le problème? Le
problème a-t-il été défini
précisément et discuté? Y a-t-il eu au moins un exercice
sérieux de fait pour déterminer les causes des problèmes
reliés à l'environnement?
Nous nous sommes demandés si on n'avait pas confondu
l'efficacité administrative et l'efficacité environnementale.
L'efficacité administrative passe par une imputabiltté
réelle des gestionnaires et par une évaluation des
résultats, ce qui peut être fait au ministère de
l'Environnement actuel. L'efficacité environnementale implique une
collaboration étroite entre les concepteurs de normes et de
règlements et les gens qui en assurent l'application. La création
de l'OPEQ sépare la tête et les bras de l'appareil administratif.
Dans un proche avenir, nous verrons des règlements inadaptés et
une application tatillonne et aveugle des lois et règlements. Ainsi, le
MENVIQ et l'OPEQ contribueront à une image plus confuse face à la
population. La création de l'OPEQ n'améliorera pas
l'efficacité et l'efficience des activités
réalisées actuellement par le MENVIQ.
Notre troisième réaction concerne la discrimination entre
les petits et les gros pollueurs face à l'environnement. Les plus gros
pollueurs sont ceux qui, dans une approche légaliste, peuvent se payer
une armée d'experts et d'avocats de façon à se tenir
à l'abri des lois et règlements et à prolonger les
délais de réparation. Les gros pollueurs et le gouvernement
monopoliseront à ces tâches des ressources humaines et
matérielles en très grande quantité, alors que celles-ci
pourraient être utilisées beaucoup plus avantageusement pour
réaliser de véritables interventions susceptibles de
réduire la pollution.
D'un autre côté, nous avons l'impression que le projet de
loi 412 est différent pour les petits et les gros pollueurs face
à l'environnement. En effet, le projet de loi stipule, à
l'article 41, que «le gouvernement peut, lorsque l'intérêt
public l'exige, soustraire de la compétence de l'Office une demande de
certificat d'autorisation ou d'autorisation faite en vertu des articles 22, 32
ou 48. Le gouvernement est alors saisi de la demande avec les mêmes
pouvoirs que l'Office et rend, malgré les articles 22, 32 ou 48, sa
décision aux conditions qu'il détermine.»
Par cet article, le gouvernement soustraira les projets de son choix des
contraintes environnementales. Pourtant, les problèmes de pollution sont
tels, aujourd'hui, qu'il faut que les autorités en place aient une
volonté réelle de passer à l'action. On ne peut pas
attendre que la conscience environnementale des entreprises soit suffisamment
développée pour qu'elles se prennent en main elles-mêmes.
Le gouvernement a donc le devoir et l'obligation d'agir. Pour ces raisons, nous
croyons que l'article 41 du projet de loi n'aurait pas dû être
rédigé.
Après avoir expliqué nos principales réactions
concernant l'approche judiciaire du projet de loi, l'efficacité
administrative et la discrimination entre les petits et les gros pollueurs,
nous présenterons maintenant les propositions afin d'améliorer la
protection de l'environnement. (18 heures)
Notre première proposition vise l'adoption d'une approche
préventive plutôt que d'un contrôle a posteriori. Lorsqu'on
parie de gestion intégrale de la qualité, la prévention
active consiste à éliminer les erreurs ou les défaillances
le plus en amont possible dans un processus, donc à faire
déplacer vers l'amont la détection des défauts. Il y a un
grand conseiller international en gestion, qui s'appelle Michel
Périgord, qui a écrit dans son livre, «Réussir la
qualité totale», plusieurs exemples sur la prévention. Je
vous en cite un: «Dans le domaine informatique, le coût de
correction d'une erreur dans un logiciel est très différent s'il
est détecté le plus tôt possible dans le processus. Par
exemple, lors de la phase de conception du programme, l'erreur peut
coûter 100 $ à corriger. Lors de la phase annonce de livraison,
l'erreur coûte 2000 $ puisque le procédé de
réalisation doit être modifié. Après la livraison,
elle coûte 80 fois le coût initial. L'erreur coûte 8000 $
puisqu'on doit récupérer le logiciel chez le client, recommencer
toute la production à partir de la conception et livrer gratuitement le
nouveau logiciel au client.»
Le même raisonnement s'applique à l'environnement. La
première phase d'un processus industriel, c'est la conception d'un
projet. Il est fondamental de retrouver dès que possible l'endroit
où le défaut apparaît. Pour une in-
dustrie quelconque, la prevention est primordiale. À la phase de
la conception, une mauvaise orientation ou un défaut
détecté par l'étude des plans et devis ne coûte
presque rien à corriger dans l'investissement de l'entreprise et
rapporte de gros bénéfices environnementaux.
La détection des sources de pollution après la mise en
opération d'une usine est problématique. Il est toujours possible
de donner des amendes, mais le procédé de production n'est pas
modifié pour autant. Les modifications dans l'usine coûteront
énormément cher en changement d'équipement et en perte de
production. De plus, le coût de ces travaux ne fera plus partie de
l'investissement initial, ce qui peut entraîner des problèmes de
financement de l'industrie.
En fait, plus une défaïlance est tardivement perçue,
plus elle coûte cher. Le coût de la non-qualité
environnementale croît d'amont en aval pour toutes les entreprises. SI le
gouvernement désire tellement améliorer la protection de
l'environnement, il devra utiliser ses professionnels pour faire de la
prévention active. Une campagne de sensibilisation auprès des
entreprises a déjà été amorcée par le
ministre Gérald Tremblay pour leur expliquer les rudiments et les
bénéfices de la gestion intégrale de la qualité et
d'un de ses impératifs, la prévention. Le MENVIQ peut utllser ce
môme langage vis-à-vis des hommes d'affaires puisque ce langage
est payant pour les deux parties.
Nous croyons que faire la prévention, en ajoutant les ressources
nécessaires, aidera les industriels à mieux planifier leurs
investissements, tout en éliminant la pollution à la source. Nous
obtiendrons ici un climat de concertation et de partenariat au lieu d'un climat
d'affrontement inévitable causé par la seule approche
légaliste.
Notre deuxième proposition appuie le processus actuel de
régionalisation. Contrairement à la mise sur pied de l'OPEQ, la
régionalisation du MENVIQ semble viable et très bien
amorcée. Au lieu d'une coupure de communication prévue par la
création de l'OPEQ, la régionalisation du MENVIQ a largement
abordé le partage des res-ponsabiltés et les modes de
collaboration centre-régions. Que ce soit au niveau de la planification,
de la réalisation ou de l'évaluation des activités, les
types d'interrelatlons entre les directions sectorielles et les directions
régionales ont été prévus par des modes de
consultation, de communication dans les groupes de travail et par une
rétroinformation adaptée aux besoins.
Nous sommes persuadés que le processus actuel de
régionalisation améliorera l'efficacité des
opérations puisque les activités seront réalisées
avec une plus grande connaissance du milleu et que le lien
centre-régions sera présent. Suite à une brève
analyse du fonctionnement du ministère de l'Environnement, H
apparaît évident que plusieurs de ces problèmes sont
liés au fait que le MENVIQ est structuré selon une organisation
de type traditionnel, ligne hiérarchique.
Pourtant, le MENVIQ est caractérisé par un ensemble de
projets multiples et multidisciplinaires à contenu technique important,
et c'est, d'après nous, la structure matricielle qui serait
particulièrement bien adaptée à un tel contexte.
Le niveau de complexité de la majorité des dossiers, le
fait que les connaissances environnementales ne soient pas encore
établies dans la plupart des domaines d'intervention, le manque d'outils
de mesure et d'évaluation de la qualité de l'environnement, la
nécessité de faire appel à des équipes
multidisciplinaires ne sont que quelques-unes des nombreuses contraintes
auxquelles font face les ingénieurs et autres professionnels du
ministère de l'Environnement Ce niveau de complexité fait en
sorte qu'il est nécessaire de dissocier la fonction administrative de la
fonction professionnelle au sein de la structure organisationnelle. Pour ces
raisons, il nous semble qu'une structure organisatlonnelle de type matriciel,
qui Intégrerait le central et les régions, au plan technique, au
niveau de tout le processus d'intervention, arriverait à
améliorer le fonctionnement du ministère de l'Environnement. Dans
le but d'éliminer toute subjectivité, nous proposons que des
spécialistes en organisation, indépendants de la fonction
publique, examinent les avantages et inconvénients d'une structure
organlsationnelle quelconque au MENVIQ afin d'éclairer les
autorités sur une telle approche.
Notre dernière proposition vise une approche globale du droit de
l'environnement. Actuellement, le ministère gère 13 lois, 30
règlements régissant les activités susceptibles de
contaminer l'environnement, 23 règlements sur les réserves
écologiques et 7 règlements d'ordre administratif. D'après
nous, il y aurait lieu que le MENVIQ refonde ses lois et règlements en
un code de l'environnement afin d'en diminuer le nombre et en clarifier le
contenu.
Par ailleurs, les délais pour obtenir une décision
judiciaire peuvent être très longs. Ces délais causent des
torts à l'environnement, car les pollueurs bénéficient de
ces délais pour continuer à polluer. Un tribunal
spécialisé en environnement contribuerait sûrement à
réduire les délais. Il pourrait réunir du personnel
spécialisé dans la problématique environnementale.
En conclusion, nous n'avons pas trouvé, pour le moment, un seul
avantage à créer l'Office de protection de l'environnement.
L'efficacité et l'efficience administrative peuvent être
améliorées au sein du ministère de l'Environnement, et
cela, préférablement à la création d'une
deuxième organisation. Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M.
Dugré. M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Mme la Présidente, je
remercie l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement de
son mé-
moire. Il s'agit également de votre première
présentation. Vous êtes aussi bienvenus que le groupe qui vous a
précédés. Dans ce sens-là, je pense qu'il est sain
que davantage d'organismes se préoccupent d'apporter leur lumière
et leur point de vue aux commissions parlementaires qui s'occupent de tenter de
bonifier et d'améliorer les outils environnementaux qui sont là
pour donner satisfaction aux attentes légitimes de l'ensemble de la
population.
Je vais traiter rapidement, parce qu'on a peu de temps, les points qui
m'ont semblé les plus importants parmi ceux que vous avez
abordés. Premier élément que vous avez mentionné,
vous avez dit: II s'agit d'une approche judiciaire, donc d'une approche a
posteriori - ça fait partie du coeur de votre mémoire - en
plaidant que l'approche a posteriori - et je ne dirai pas que vous avez tort
là-dessus - coûte beaucoup plus cher que l'approche a priori.
Moi, j'ai de la difficulté à saisir comment la mise sur
pied d'un office de protection de l'environnement enlève l'approche a
priori, qui est la plus souhaitable. Lorsqu'on passe par le BAPE, finalement,
par le Bureau d'audiences publiques, nos évaluations environnementales,
le BAPE, etc., nous sommes dans l'a priori d'un projet. Le certificat
d'autorisation, par la suite, demeure dans l'a priori d'un projet, et nous en
arrivons au posteriori une fois que toutes ces étapes-là ont
été franchies. Je me demande où, dans le projet de loi qui
est déposé devant cette commission, vous retrouvez l'abandon de
cette approche a priori. Sans prétendre qu'elle est
améliorée, à quel endroit trouvez-vous qu'elle est
détériorée?
M. Dugré: On n'a pas trouvé un endroit où
elle était détérioré, on ne l'a pas trouvée
du tout. Ce qu'on a trouvé dans votre projet de loi, c'est l'approche a
posteriori, qui était très bien expliquée. On voit qu'on
va aller contrôler à la fin d'un processus, qu'on va donner des
amendes, et la prévention, on l'a vue seulement au point de vue
prévention réglementaire. Donc, établir des normes
techniques, des normes de résultats, établir une
réglementation en fonction de ça et rendre ça dynamique,
c'est très bien, mais ce n'est pas suffisant.
Tout l'aspect prévention, dans le sens d'étudier les
orientations d'une entreprise avant de donner le certificat pour savoir si
l'orientation peut réellement amener à des solutions
environnementales ou non ou encore d'étudier les plans et devis pour
connaître les procédés et déterminer
immédiatement où sont les erreurs de procédés, on
n'a pas trouvé ça. On pense que c'est réellement là
où on peut agir le plus professionnellement possible et agir de la
façon la plus payante pour les deux parties, payante au point de vue
environnemental à cause des résultats que ça peut apporter
et payant aussi pour les industries, parce que ça ne coûte
pratiquement rien de modifier les plans et devis en début de
processus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut comprendre que le projet
de loi n'est pas le projet de loi qui englobe l'ensemble de l'activité
environnementale du ministère. Il ne change rien, sauf là
où il le stipule, à la Loi sur la qualité de
l'environnement. Il ne change rien à la loi qui donne des
responsabilités au bureau d'audiences publiques en matière
environnementale. Toute votre approche est basée sur le fait de dire:
Vous abandonnez maintenant, avec la création de l'Office, l'approche de
prévention, de suivi et vous tombez dans une approche a posteriori. J'ai
demandé aux légistes qui ont rédigé le projet de
loi de s'assurer que tout demeurait en place, qu'il n'y avait rien dans ce
qu'on faisait a priori... que notre approche était conservée
comme telle.
Ça me surprend que vous disiez que tout ce processus-là
est abandonné pour un changement de philosophie, un changement
d'orientation. Au contraire, si nous créons l'Office, c'est justement
pour dégager, dans certains cas, le ministère pour que cette
approche a priori soit renforcée. Vous avez raison d'insister. Quand on
découvre le problème au tout début, il n'est pas
coûteux. Quand on le découvre quand l'usine est en
opération et quand c'est une usine d'épuration qui est en
opération, ça donne quoi de poursuivre? On le fait, mais les
égouts continuent à aller à l'eau. Donc, si on ne s'entend
pas sur l'approche, moi je suis prêt à préciser qu'on n'a
rien enlevé de toute l'approche a priori. On conserve tout. Je tiens
à demander des vérifications aux légistes, à moins
que vous ne me donniez des indications contraires.
M. Dugré: Je suis content de vous entendre, M. le
ministre. Si vous me dites que ça demeure, tant mieux. J'en suis
très, très heureux. C'était notre priorité pour
cette commission-ci, sauf que ce qu'on avait compris c'est qu'au
ministère de l'Environnement il y aurait des gens qui s'occuperaient de
préparer la réglementation. On a compris qu'à l'Office il
y aurait des gens qui s'occuperaient de faire appliquer les lois, point
à ligne. On ne voyait plus rien de prévention. Mais, si vous
m'assurez que ça existe encore, tant mieux.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Le président du bureau
d'audiences publiques en matière environnementale, s'il avait fait cette
lecture, serait ici en train de décrier le ministre ou le
ministère de l'Environnement, le président de la
Société québécoise d'assainissement des eaux, les
gens qui interviennent.
J'ai une deuxième question qui n'apparaît pas à
votre mémoire comme tel, mais je me dois de vous la poser, parce que
c'est important sur le plan de l'ensemble de la réglementation du
ministère. Il y a une école de pensée qui me
recommande, comme ministre de l'Environnement, et qui l'a sans doute
recommandé à d'autres ou qui va le recommander à d'autres,
d'agir ou de réglementer, lorsqu'on le fait, en fonction de
résultats, que, quant aux normes environnementales que l'on impose au
secteur industriel - pour ne mentionner que celui-là - le
ministère fixe dans sa réglementation des normes de tant
d'émission dans l'eau, dans l'air ou dans le sol et que le
procédé pour y arriver - vous êtes des ingénieurs,
vous connaissez ça mieux que moi - soit laissé à la
discrétion de l'entreprise. Ca, je relie ça au discours que vous
aviez: Si vous corrigez, vous le détectez dès le tout
début, ça coûte beaucoup moins cher qu'à la toute
fin. Il y en a d'autres qui disent: Non, H faut absolument que la
réglementation aille aussi loin que chacun des éléments du
procédé soit vérifié et approuvé par le
ministère de l'Environnement.
M. Dugré: Les normes de résultats ou les normes
techniques sont extrêmement différentes. C'est encore là
une question de prévention ou a posteriori. Des normes de
résultats, c'est de l'a posteriori. C'est de vérifier si on
atteint des résultats, donc c'est de l'a posteriori. On n'a pas du tout
travaillé en amont d'un processus, donc on constate une pollution
à la fin d'un processus. La seule ressource qu'on a, c'est d'aller en
cour, ou d'émettre des amendes, ou des choses de ce genre-là.
Mais ça ne corrige rien. Alors, on pense que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là-dessus, avec
l'Industrie, on a plus de ressources que ça. Avec les
municipalités, c'est plus complexe. Avec l'industrie on a des pouvoirs
d'ordonnance qui peuvent même obliger l'entreprise à fermer ou
à arrêter sa production. Avec les municipalités, fermer une
usine d'épuration, ce n'est pas d'avance. Ça s'en va à la
rivière.
M. Dugré: Quoiqu'on ne soit pas contre ça, M. le
ministre. Il faudrait bien que vous compreniez que je n'ai rien contre
ça. Cette approche-là, elle est bonne, mais elle n'est pas
suffisante. La norme technique nous permet de travailler en amont d'un
processus et de détecter les erreurs pour les corriger. Donc, on
s'assure d'avoir une qualité environnementale à la fin d'un
processus. M. Thiboutot aurait aussi quelque chose à rajouter
là-dessus. (18 h 15)
M. Thiboutot (Jean-Pierre): Je vais vous expliquer un petit peu,
pour comprendre. Tout à l'heure j'étais à l'arrière
et vous avez donné, justement, une façon concrète, quand
vous avez parié de peinture, que les gens vous disaient: Ce n'est pas
applicable. Ça, moi, je peux vous dire par expérience qu'il y a
une norme qui a été faite par résultat. Si on fait les
normes de technique... Il y a deux types de normes. On appelle ça comme
ça: normes par résultat ou de technique. Une norme de technique,
on travaille avec l'industrie, le ministère et l'industrie. On passe
à l'intérieur de leur procédé et on regarde ce
qu'on peut faire pour diminuer la pollution de l'environnement. Ce qui est
intéressant, c'est que l'industrie a ses idées et que le
ministère, lui, a de l'expérience avec d'autres industries. Il y
a des échanges qui se font, puis on arrive avec...
Je peux vous donner des exemples. À un moment donné, nous
autres - moi, je m'occupe de l'assainissement urbain - on faisait de
l'assainissement urbain, puis il y a une industrie qui voulait se raccorder. On
a dit à l'industrie: Vous ne pouvez pas parce que vous polluez trop
notre réseau et on ne peut pas traiter ça. Si vous faites un
prétraitement, on va être d'accord. Ça fait que, là,
les gens de l'industriel chez nous, avec l'industrie, ont tout repassé
leur procédé. Et, nous autres, on avait dit des choses. On avait
dit comme, si vous voulez, sur la question du pH: Votre pH, on ne peut pas le
garder comme ça, parce qu'il passe de 4 à 9. Pour pouvoir le
traiter, H faudrait qu'il soit de 6 à 8 maximum. Comme par hasard, la
compagnie a dit: Bien, ça fait notre affaire parce que, justement, pour
le nouveau produit qu'on veut travailler, on est obligés de faire
ça.
Un autre exemple que je peux vous donner, c'est la recirculation des
eaux. On arrive à des places où l'industrie, ça fait des
années qu'elle paie l'eau au compteur. Ça lui coûte les
yeux de la tête et, là, nous autres, on dit: Tu as bien trop de
rejets, on ne peut pas prendre ça. Ça fait que, là, on
dit: Tu pourrais te mettre un système pour faire recirculer les eaux.
C'est ça, quand on parle de travailler en partenariat.
Ça fait que là, nous autres, on fait des normes. Un coup
qu'on a travaillé avec quelques industries, on sait que les normes sont
applicables, on l'a fait et on voit ce qui arrive au bout. Là, les
autres industries - on pourrait y revenir plus tard - il y a des
systèmes pour les amener, les sensibiliser plutôt que d'y aller
avec une loi. Sauf qu'on n'est pas contre les lois et règlements, c'est
certain. C'est juste des ajouts pour arriver à une question
environnementale efficace, parce que les lois et règlements, ça
va toujours être là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): En matière d'assainissement
urbain, on a un programme qu'on connaît bien qui fonctionne depuis une
dizaine d'années, même un petit peu plus, le programme de la
Société québécoise d'assainissement des eaux. En
matière agricole, on n'a à peu près rien. On va s'entendre
entre nous autres assez clairement. Puis, en matière industrielle, on a
une loi qu'on vient d'adopter et on a un règlement sur les attestations
d'assainissement qu'on vient d'annoncer en prépublication la semaine
dernière. L'approche que l'on a prise en
matière industrielle, comme ingénieurs du gouvernement du
Québec, qu'est-ce que vous en pensez?
M. Dugré: Disons que, si c'est une question officielle que
vous posez, ça nous fera plaisir de ramener un groupe puis on vous
donnera une réponse intelligente sur le domaine. Dans le fond, il faut
quand même étudier et vous donner quelque chose de bien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, si vous n'êtes pas
prêt à répondre, moi, je ne veux pas forcer une
réponse, là.
M. Dugré: Non, mais disons qu'on serait disponible
à répondre à des questions. Là, on répond
aujourd'hui en commission parlementaire, mais, normalement, on aurait
peut-être dû répondre à l'intérieur du
ministère si on avait été consultés. Si vous nous
consultiez, ça nous ferait plaisir de...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, mais, là, je prends
pour acquis que les ingénieurs à l'intérieur du
ministère ont participé, mais peut-être à tort.
Quand un règlement arrive sur le bureau du ministre, ce n'est pas le
ministre qui l'a écrit et toutes les données techniques qu'il y a
dedans... Le règlement des pâtes et papiers, moi, on me dit que
j'ai des ingénieurs là-dedans.
M. Dugré: M. Thiboutot va vous donner une partie de la
réponse.
M. Thiboutot: Je peux répondre à ça. Quand
vous parlez des pâtes et papiers, c'est un cas particulier. C'est parce
que le ministère, dans le passé, il a dit: O.K. Je travaille avec
cette industrie-là et j'y vais par règlement. Ils ont
travaillé aussi... Ça a été un peu les deux. Dans
ce cas-là, ça a été les normes de résultat
et ils ont regardé quand même la technique, mais peut-être
de façon moins approfondie.
Mais ce qui peut être ajouté à ça
aujourd'hui, c'est le principe du pollueur-payeur. Ça, on devait y venir
plus loin. Je ne sais pas si on devrait en parler tout de suite, parce que
ça rentre exactement dans votre question. Il y a une enquête qui a
été faite au ministère auprès des pays membres. Ils
appellent ça l'Organisation de coopération et de
développement économiques.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'OCDE.
M. Thiboutot: Eux, ils ont regardé le principe du
pollueur-payeur. Il y a cinq catégories d'instruments économiques
pour favoriser la protection de l'environnement. Il y a les redevances, les
aides financières, les systèmes de consignation, la
création de marchés et l'incitation à la mise en
conformité. Les deux qui semblent les plus efficaces à date,
c'est l'incitation à la mise en conformité et les redevances. Je
pense qu'une approche qui serait bonne, c'est les redevances et la mise en
conformité.
La mise en conformité, on en a l'expérience au
ministère parce que, dans le municipal, quand on passait à un
endroit... On a, à date, 400 petites industries qui ont accepté
de faire un programme d'assainissement avec le même
échéancier que nous avons au municipal puis, à date,
ça fonctionne très bien. Quand on parle qu'on a des
problèmes un petit peu avec la loi et les règlements - on en a un
exemple - c'est que celui qui est raccordé sur une municipalité,
il a fait son prétraitement, etc., et une autre petite industrie, la
même chose ailleurs, il n'y a pas de prétraitement et on n'a rien
présentement... Ça fait que c'est pour ça qu'on pense que
le système de redevances serait intéressant. Maintenant, le
système de redevances, il y a des choses...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous considérez
ce qu'on a annoncé la semaine dernière dans le règlement
sur l'attestation d'assainissement comme un système de redevances? Les 2
$ par tonne pondérée de rejets, etc.
M. Thiboutot: Je ne crois pas. Je vais vous expliquer un petit
peu le système de redevances, là, puis vous allez voir la
différence. Le système de redevances de déversement est
très cohérent avec le principe du pollueur-payeur, avec la
prévention de la pollution et l'intégration des politiques
permettant l'amélioration de l'environnement. Par ailleurs, pour
être compatible avec le principe du pollueur-payeur, le système de
redevances doit englober un nombre élevé de polluants. Ça
veut dire que, si vous faites un système de redevances et que vous
touchez juste à deux ou trois pollueurs, ça a été
prouvé par ces pays-là que ce n'est pas efficace. Il faut que
vous vous attaquiez à tous les pollueurs. Ça, c'est une chose. La
raison de ça, c'est que, si vous oubliez des pollueurs, bien, tout de
suite, les autres vont dire: Bien, pourquoi que, nous autres, on paie et que
les autres ne paient pas? C'est simple à comprendre.
Il faut que le taux soit suffisamment élevé. Mais
l'avantage c'est que le taux peut commencer moindre puisque vous pouvez
l'ajuster selon ce qui se passe. Après ça, le nombre d'exemptions
doit être réduit. Un exemple: Si vous avez 100 compagnies et que
vous en avez 97 qui sont conformes, qui vont très bien et qui traitent,
ce n'est pas avec un système de redevances que ça va être
efficace pour protéger l'environnement parce que, dans ce cas-là,
l'environnement est déjà protégé.
L'autre point important, c'est qu'ils se sont rendu compte que les
subventions sont compatibles avec le principe du pollueur-payeur seulement si
les aides proviennent des recettes
des redevances. Les aides ne doivent pas être données...
Ça ne doit pas être des subventions importantes, là, pour
une compagnie. Selon leur étude, eux autres, il faut que ce soit des
groupes qui ont été confrontés a de sérieuses
difficultés.
La Présidente (Mme Bélanger): M. Thibou-tot, je
m'excuse, mais...
M. Thlboutot: Oui.
La Présidente (Mme Bélanger): ...le
député de La Prairie voudrait bien poser des questions...
M. Thlboutot: O.K.
La Présidente (Mme Bélanger): ...et il gigote pas
mal fort, là.
M. Lazure: Oui, merci, Mme la Présidente, de tenir compte
des droits et privilèges de l'Opposition dans notre système
parlementaire. Il me reste seulement quelques minutes. Je veux, au nom de
l'Opposition, saluer M. Dugré et ses deux collègues. C'est un
message clair et bien étoffé que vous donnez au ministre. Il y a
au-delà de 200 ingénieurs dans le ministère de
l'Environnement. Votre message clair dit, dans le fond: La solution au
problème actuel, ça n'est pas la création d'un office. Et
vous donnez des pistes de solutions: prévention, concertation,
régionalisation. Vous n'êtes pas les seuls. Le Syndicat des
professionnels du gouvernement, où on retrouve des centaines de membres
à l'intérieur du ministère de l'Environnement, a aussi la
même position. Moi, je trouve inquiétant que, malgré des
positions si claires, si bien étoffées, le ministre aille quand
même de l'avant avec son projet de loi. Il en portera les
conséquences éventuellement s'il décide de le faire.
Je reviens à quelques remarques que vous faites. Vous dites:
Depuis 1979, le ministère de l'Environnement a subi pas moins de six
réorganisations administratives. C'est un cri du coeur, M. le ministre,
que ces gens-là vous lancent aujourd'hui. Imaginons un peu le
désarroi, la confusion et le bouleversement quasi perpétuels que
les ingénieurs et les professionnels dans votre ministère ont
subis depuis quelques années. Il y a deux ans, le premier geste que le
ministre de l'Environnement a posé, ça a été de
dire sur la place publique: On va enfin passer à l'action. Et puis,
là, c'est la grande réforme administrative. Depuis à peine
deux ans... Elle n'est même pas encore assimilée, cette
réforme-là, et, là, il en amène une autre. La
régionalisation, on est d'accord et je vais y revenir tantôt.
Mais, à votre avis, M. Dugré, et à celui de vos
collègues, j'ai compris que, pour la régionalisation, vous
êtes assez d'accord et que vous favorisez une plus grande
régionalisation. Nous aussi, de notre côté. Pour le reste
de la réforme, depuis deux ans, pourquoi, à votre avis
serait-elle arrêtée ou transformée par cette réforme
majeure qui consiste à créer un office et à enlever la
moitié des objectifs du ministère actuel? Qu'est-ce qui ne va
pas? Qu'est-ce qui devrait être modifié?
M. Dugré: Qu'est-ce qui ne va pas dans la création
de l'OPEQ?
M. Lazure: Non, dans la réforme faite il y a deux ans. La
réforme annoncée par le ministre il y a deux ans devait mettre un
terme au malaise et devait améliorer les choses. Mais, de toute
évidence, il n'est pas satisfait parce qu'il en propose une autre,
réforme majeure.
M. Dugré: De toute évidence, il n'est pas
satisfait, effectivement.
M. Lazure: Et vous non plus.
M. Dugré: Non, nous non plus. Ce qu'on remarque dans les
différentes restructurations - mais ce n'est pas propre au MENVIQ, c'est
propre à tous les ministères - c'est qu'on n'étudie pas
les activités et qu'on n'essaie pas d'améliorer les processus des
activités. Ce qu'on essaie de faire, c'est de déplacer des
activités d'une unité administrative à une autre, de
déplacer des ressources et, en se basant peut-être sur la
capacité de certains cadres, on espère que les choses vont mieux
aller après. Je comprends que, pour quelqu'un qui vient d'arriver dans
un secteur, c'est peut-être difficile de fonctionner autrement et c'est
peut-être la seule porte de sortie qu'il a à court terme. Mais,
quand même, au point de vue administratif, ce n'est certainement pas la
meilleure porte de sortie. Il s'agirait, d'après nous, de
réellement étudier les activités, celles qui
amènent des résultats, de voir quels sont les résultats et
de voir le processus de ces activités, de voir le nombre de personnes,
les ressources, la compétence des ressources, l'efficacité de ces
activités-là, l'efficience et, après ça, de choisir
parmi les activités prioritaires qui importent au ministère pour
avoir un bon procédé et de laisser aller les activités
improductives. Ça, ça serait une vraie restructuration.
M. Lazure: Quand vous pariez de concertation qui n'est pas
suffisamment faite, vous pariez autant à l'interne que de consultation
entre le ministère de l'Environnement et d'autres agents dans la
société. Mais vous incluez aussi la concertation à
l'interne?
M. Dugré: On ne se sent pas tellement consultés -
on peut dire ça - et même très peu. Je pense qu'on pourrait
apporter, en tant qu'ingénieurs, certainement une contribution beaucoup
plus importante dans la restructuration, dans
l'étude des activités, dans, aussi, le champ de nos
compétences en matière de prévention.
M. Lazure: Moi, je suis frappé par le poids de votre
argumentation, parce que ça découle de votre expérience
quotidienne, au jour le jour. La semaine prochaine ou sinon demain, nous allons
entendre les professionnels du gouvernement qui nous disent à peu
près la même chose. Je trouve ça grave que ça soit
si évident que la première chose à faire, ce n'est pas de
créer une autre structure, c'est de s'asseoir avec l'équipe du
ministère de l'Environnement. Vous faites partie intégrante de
cette équipe-là. De toute évidence, ce n'est pas fait
suffisamment, ça.
Un dernier secteur. Vous êtes un des rares groupes à
soulever la possibilité de créer un tribunal de l'environnement.
Pour l'information de tout le monde, le Parti québécois
préconise, dans son programme, la création d'un tel tribunal.
Nous pensons véritablement, un peu comme les deux exemples que vous
donnez, la famille et le travail, qu'il y aurait avantage à ce qu'il y
ait un tribunal particulier pour traiter les cas d'infraction aux lois et aux
règlements. Est-ce que vous avez une réflexion avancée sur
cette question-là?
M. Dugré: Non. On a regardé ce qui se passe un peu
dans les autres domaines et on s'est aperçu qu'un tribunal
spécialisé était beaucoup plus rapide à
écouter des causes et à reconnaître aussi les
problèmes, parce que ce sont un peu toujours les mêmes
problèmes qui reviennent. Donc, des personnes juridiques
compétentes dans le domaine seraient très
intéressantes.
M. Lazure: Mme la Présidente, je veux remercier, au nom de
l'Opposition, les ingénieurs du gouvernement du Québec pour leur
excellent mémoire.
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous
remercions.
M. Dugré: Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): La commission suspend
ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 25)
(Reprise à 20 h 22)
Le Président (M. Gauvin): Donc, la commission reprend ses
travaux. Je déclare la séance ouverte et nous allons accueillir
l'Association des industries forestières du Québec,
représentée par André Duchesne, président et
directeur général. Donc, j'inviterais M. Duchesne à nous
présenter ses collaborateurs.
Association des industries forestières du
Québec
M. Duchesne (André): Merci, M. le Président. J'ai
avec moi M. Marcel Beaudoin, qui est vice-président du conseil
d'administration de l'Association. Dans ses temps libres, il est aussi
vice-président principal et directeur général aux
marchés commerciaux pour Abitibi-Price. J'ai aussi Mme Lorraine Rouisse,
qui est la coordon-natrice à l'environnement à l'Association. Les
circonstances... Je ne sais pas si c'est le changement d'horaire, M. le
Président, ou la tempête de neige qu'on me dit sévir dans
l'Ouest qui font que M. Jacques Boucher, qui est le président de notre
comité de l'environnement, n'est pas encore là. M. Boucher est
vice-président de l'environnement chez Donohue. Je ne sais pas s'il va
arriver ou s'il n'arrivera pas, mais...
Le Président (M. Gauvin): Si jamais il se présente,
on va l'inviter à prendre place avec vous. Donc, je vous invite à
faire votre présentation aux membres de cette commission. Nous avons une
heure. Vous avez 20 minutes pour la présentation et 20 minutes sont
réservées à chacun des groupes parlementaires. Vous
n'êtes pas tenu de prendre tout votre temps et, si jamais vous
dépassez votre temps, il sera coupé d'autant aux deux groupes
parlementaires. On vous entend, M. Duchesne.
M. Duchesne: Brièvement, M. le Président, je vous
rappelle que l'Association des industries forestières du Québec
regroupe 27 compagnies qui opèrent dans le secteur forestier au
Québec et représente la presque totalité du secteur des
pâtes et papiers et environ les deux tiers du secteur du sciage. On parie
donc d'une forte majorité des quelque 85 000 emplois que les
statistiques nous disent exister, en termes d'emplois directs, dans le secteur
forestier au Québec, statistiques qui, malheureusement, comme vous le
savez, seront certainement rajustées à la baisse dans la
prochaine édition. Le moins possible.
Ce que nous percevons du projet de loi qui est devant la commission,
c'est qu'il vise un objectif précis, qui est de séparer la
fonction législative du ministère de l'Environnement de sa
fonction d'application. Le ministère se consacrerait donc à
l'élaboration de politiques et de législations, tandis que
l'Office, de son côté, assurerait l'application des lois et
règlements, émettrait les autorisations ou permis requis dans le
cadre de la législation actuelle et à venir. On parle donc d'un
organisme de surveillance et de contrôle.
Mais ce que le projet ne dit pas, M. le Président, ce sont les
avantages que la création ou que le fonctionnement de l'Office de
protection de l'environnement nous apporterait par rapport à la
structure actuelle. Comment la
création de l'OPEQ va-t-elle améliorer l'efficacité
de cette structure? Concrètement, quels seront les gains du
Québec au point de vue de la protection de l'environnement et de la
santé publique et au point de vue - ce qui nous est très
important - des services à la clientèle? On parle avec M. le
ministre et même avec ses prédécesseurs de guichet unique
depuis un bon bout de temps.
Il nous apparaît que la création de l'OPEQ, au contraire,
va nous créer toute une série de guichets différents, ce
qui nous fait conclure que le projet de loi est loin d'être convaincant
sur l'atteinte des objectifs que je viens de préciser puis que, je
crois, nous partageons tous. La majorité des mandats que l'Office
assumerait sont déjà couverts par les bureaux régionaux,
ou par ce qu'on appelle communément la police verte, ou par certains
services du centre du ministère. Il nous semble donc que c'est juste un
encadrement législatif à une structure qui est en grande partie
déjà existante qu'on nous propose. Si la création de
l'Office, donc, s'inscrit dans le cadre des trop nombreuses restructurations
qu'a vécues le ministère de l'Environnement depuis un certain
nombre d'années, tout ce que ça peut venir faire, c'est couler
dans le ciment la dernière tendance qui est celle de la
décentralisation.
Je me permets de vous rappeler, M. le Président, que les
restructurations qu'on a vécues dans le passé ne nous ont pas
donné une expérience tout à fait satisfaisante. Ce que
ça a donné, essentiellement, c'est des tensions à
l'Interne au ministère. On est en train de réajuster le
fonctionnement, donc il y a du monde qui gagne, du monde qui perd, puis
ça cause toujours des tensions. Le résultat, c'est que, dans
toute la période de transition, à chaque fols, on accumule des
retards, des hésitations, des ajustements dans tout le processus
d'application des règlements du ministère.
À ce moment-ci, M. le Président, le ministère de
l'Environnement est en pleine période de refonte réglementaire,
une refonte qui, entre autres choses, pour l'application du programme de
réduction des rejets industriels, prévoit une multiplication de
demandes de permis et d'autorisation. C'est sans doute nécessaire, mais
il nous semble que le ministère devrait normalement être
déjà prêt à répondre à ces nouvelles
exigences administratives qu'il est en train de créer. S'il est
prêt, on ne voit pas ce que l'OPEQ va pouvoir apporter de significatif
dans le fonctionnement puis, s'il n'est pas prêt, bien, il me semble que
le moment est à tout le moins fort inapproprié pour aller faire
un changement de structure qui va supposer les délais, la période
de transition, les ajustements et les tensions dont je viens de vous
parier.
Alors, H nous apparaît qu'à ce moment-ci la création
d'un office de protection de l'environ- nement risque fort d'avoir pour
conséquence une multiplication des étapes d'intervention, une
confusion dans le système et l'éloignement du guichet unique
auquel on continue à tenir. Mais, surtout, il nous apparaît qu'on
va séparer les personnes responsables de l'élaboration des
politiques et législations de celles qui surveillent et
contrôlent. C'est probablement l'objectif, mais ça a un
inconvénient majeur. Ça conduit généralement
à des règlements qui sont irréalistes ou inapplicables,
puis je pense qu'on a eu notre quota de ce type de règlements là
dans le passé depuis que le ministère existe. Il est temps qu'on
sorte de ce problème-là.
Nous ne croyons pas que l'OPEQ pourrait mieux appliquer de tels
règlements irréalistes ou «malopérationnels».
La structure existante serait en mesure de faire un aussi bon travail que
l'OPEQ si les règlements étaient vraiment opérationnels.
L'OPEQ risque d'accentuer le malaise plutôt que de le régler. Ce
que nous déplorons, c'est que la création d'un tel office semble
concrétiser une approche judiciaire. Il nous semble que beaucoup des
initiatives récentes du MENVIQ sont concentrées sur ce volet
judiciaire au lieu d'être concentrées sur l'élaboration
d'une stratégie globale, constructive, qui vise la concrétisation
du développement durable.
Quant à l'autonomie de l'Office, qu'il me suffise de dire que
ça nous apparaît passablement fictif de croire qu'on puisse avoir
un tel office qui vraiment soit autonome, ne serait-ce que parce que le
ministre se réserve le droit de donner des directives sur les objectifs
et les orientations de l'OPEQ. C'est tout à fait normal, mais ça
rend nécessairement difficile cette séparation dont on a fait
état.
Enfin, je me permets de vous souligner que, dans la proposition, telle
qu'elle est formulée, nous comprenons qu'il n'y aurait qu'un seul
représentant de l'industrie au conseil d'administration d'un tel office.
Un des points que nous avons répétés aux ministres de
l'Environnement successifs, c'est que ce ne sont pas les règlements qui
protègent l'environnement, mais l'action sur le terrain des gens qui
posent des gestes qui sont susceptibles de nuire à l'environnement. Ce
n'est pas un règlement de 50 km/heure sur la Transcanadienne, M. le
Président, qui va assurer que tout le monde roule 50 km/heure. Si vous
voulez faire ça de cette façon-là, ça va vous
prendre un radar à tous les kilomètres.
Nous croyons fermement que l'approche doit être une approche de
partenariat, une approche de collaboration qui crée un contexte tel que
les activités industrielles ou autres qui sont susceptibles d'avoir un
impact sur l'environnement soient contrôlées volontairement par
les secteurs industriels concernés. Je pense qu'on a
démontré à M. le ministre, dans les dernières
années, qu'on était prêts à faire du chemin dans
cette direction-là dans l'industrie forestière, et on demeure
convaincus que c'est l'approche la
plus constructive et qu'une approche judiciaire et policière ne
peut que compléter cette approche constructive et nous assurer qu'il n'y
a pas quelques égarés au travers de la population qui
décident de ne pas respecter la limite de vitesse, quelle qu'elle
soit.
En conclusion, M. le Président, les membres de l'AIFQ n'endossent
pas l'utilité ni la nécessité de créer à ce
moment-ci un office de protection de l'environnement, tel que proposé.
Une nouvelle restructuration du ministère de l'Environnement, ça
ne devrait être considéré que si ça
représente, de toute évidence, une amélioration de
l'efficacité de la structure telle qu'elle est actuellement. Ce qui nous
apparaît essentiel à ce moment-ci, c'est de stabiliser cette
structure, qui n'est pas encore stabilisée avec les derniers
réajustements qu'on y a fait depuis un peu plus d'un an; c'est
d'apprivoiser, à l'intérieur de la structure, l'application des
nombreux règlements qui sont présentement en modification ou
à la veille d'être déposés et rendus officiels.
Surtout, nous croyons qu'il faut éviter à tout prix que la
structure n'isole le ministère de l'Environnement de ses
responsabilités. Il nous semble que, tel que proposé, l'OPEQ
assumerait les responsabilités et les échecs qui seraients
liés à des programmes et des législations qu'il n'aurait
aucunement définis. Donc, il risque fort d'être un bouc
émissaire.
Ce qui manque au MENVIQ à ce moment-ci, de l'avis de l'industrie
forestière, ce n'est pas un nouvel organisme de contrôle, mais
c'est une stratégie globale, une vision environnementale
concrète; pas de la théorie, du concret. Et cette vision - nous
allons répéter ce que nous avons déjà dit à
ce sujet-là - passe d'abord par une sérieuse évaluation
des risques environnementaux pour la santé comme pour la
stabilité des écosystèmes. C'est la première chose
à faire, la première priorité. À partir de cette
évaluation-là, on peut «prioriser» des actions. Cette
«priorisa-tion» est fonction des résultats de
l'évaluation des risques. À ce titre-là et dans cette
vision-là que l'on essaie de mettre en application, la création
de l'OPEQ n'apporte pratiquement rien. Nous ne voyons pas pourquoi on devrait,
à ce moment-ci, investir tant d'efforts dans ce secteur-là. Il
nous apparaît que les efforts doivent être investis dans la
«priorisation» de nos actions.
Or, voilà, M. le Président, on n'a pas l'intention de
prendre les 20 minutes, comme vous voyez. Nous préférons laisser
plus de temps à la discussion, si c'est le voeu de la commission.
Le Président (M. Gauvin): Je vous remercie, M. Duchesne.
J'inviterais, à ce moment-ci, M. le ministre, s'il a des commentaires ou
des questions à poser à nos Invités.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je profiterais de l'occasion, M.
le Président, pour remercier l'Association des industries
forestières du Québec et ses porte-parole d'avoir pris le temps
de se pencher sur le projet de loi et de nous faire part de leurs remarques.
J'indiquais plus tôt dans la journée à quelqu'un d'autre
qui comparaissait - il s'agissait d'Hydro-Québec - qu'il s'agissait d'un
de nos clients les plus importants. L'industrie forestière n'est pas le
plus important de nos clients en termes de volume, mais demeure, sur le plan
environnemental, un client très important du ministère de
l'Environnement du Québec.
J'ai pris le temps, en début de chaque session, d'expliquer
l'approche du ministère de l'Environnement dans la proposition de cette
législation. J'ai indiqué aux intervenants que le
ministère de l'Environnement est le ministère le plus jeune au
Québec - il a eu 10 ans l'an passé - et que le ministère
avait été bâti, à partir de 1978, 1980, de crise en
crise. À chaque crise, on répondait par une nouvelle direction
générale, etc., et l'organigramme s'est amplifié de cette
façon-là.
En 1989, nous avons tenté - et vous le soulignez dans votre
mémoire - de simplifier l'organisation du ministère. On s'est
dit: Quelles sont les trois plus grandes sources de pollution? Municipale,
industrielle, agricole. Donc, trois sous-ministériats. De quelle
façon pouvons-nous intervenir le plus efficacement possible? À
partir des régions, le plus proche possible des problèmes:
sous-ministériat, divisions régionales. Pendant qu'on prend soin
de nettoyer les problèmes d'avant-hier, d'hier et d'aujourd'hui, il faut
quand même avoir une division qui pense à maîtriser
l'avenir: sous-ministériat au développement durable. Je pense que
cette nouvelle structuration a aidé à améliorer
légèrement l'efficacité, et je ne suis peut-être pas
le seul à le penser. De 70 % d'insatisfaits dans la population, il y a
deux ans, de la performance du ministère de l'Environnement, on a
progressé. Il reste encore 48 % d'insatisfaits et, aux yeux du ministre,
ce n'est pas suffisant, il faut faire davantage.
Je me suis rendu compte que, dans le quotidien, au ministère,
bien que nous ayons fait suivre cette restructuration administrative d'une
régionalisation poussée à partir de l'augmentation
considérable des effectifs dans chacune des régions, ce n'est pas
encore suffisant non plus pour répondre aux attentes de la population et
que, parce qu'on a régionalisé, on a un peu causé le
problème. On a augmenté les fonctionnaires qui étaient
autour de 300, il y a deux ans, à quelque 700...
Une voix: 600.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...600 en région
présentement. On a créé un problème entre le
central et le régional. Ces frictions-là,
bien qu'on tente de clarifier les lignes de direction, continuent
à s'amplifier. Notre objectif, c'est de faire en sorte que le client
soit servi rapidement, efficacement, qu'il y ait des lois claires et des
règlements clairs qui s'appliquent, que tout le monde soit heureux et
orienté vers une meilleure gestion de l'environnement. En 1992, quand on
arrive avec ce projet de loi là, et qu'on regarde votre mémoire
on se dit qu'on partage les mêmes objectifs: simplifier les
procédures existantes et réduire substantiellement les
délais encourus.
Dans la structure actuelle - et vous le soulignez - le dossier se
promène de la région au central auquel on demande un avis, au
central qui se penche sur l'avis à donner et à la région
qui doit donner la réponse. Dans certaines régions, on interagit
avec le central, dans certaines autres régions, on ne se bâdre pas
dïntera-gir avec le central, on émet le certificat.
Dépendant où vos industries sont situées, dans certaines
régions, pour telle activité, on leur dit que ça prend un
certificat d'autorisation et, dans telle autre région, on leur dit que
ça n'en prend pas, de certificat d'autorisation. C'est ça qui se
passe présentement sur le terrain. C'est l'Information qui nous est
livrée en commission parlementaire et ailleurs par vos membres et par
d'autres.
La création de l'Office vise à faire en sorte de
discipliner l'action entre la région, qui aura l'autorité
d'émettre des certificats d'autorisation, et le central, qui va demeurer
important sur le plan des évaluations environnementales. La structure
des décisions va uniformiser les décisions qui vont être
rendues à la grandeur du territoire québécois. Vous
n'aurez pas une décision différente qui va être rendue si
vous êtes dans l'Outaouais ou si vous êtes sur la Côte-Nord.
Donc, quand vous parlez de simplifier les procédures et de
réduire les délais encourus, si cet objectif-là est
atteint, nous aurons atteint l'objectif que vous souhaitez.
Deuxième élément: uniformité au niveau des
décisions rendues dans les différentes régions du
Québec. Vous avez complètement raison, et le système
actuel perpétue des différences accentuées de
région en région, et le système actuel, la
législation actuelle ne nous permet pas de corriger cette lacune que
vous dénoncez. Vous terminez en disant: «Elle - cette nouvelle
formule - devrait disposer de ressources suffisantes et compétentes lui
permettant d'appliquer intelligemment les divers règlements et, avant
tout, elle ne devrait jamais perdre de vue le premier objectif de sa raison
d'être, la protection de l'environnement.» Vous avez raison, on
souhaiterait davantage de ressources. Présentement, la situation que
l'on vit fait en sorte que nous sommes condamnés, au moins jusqu'au
prochain budget du gouvernement du Québec, à vivre avec les
ressources qui sont à notre disposition. Nous entendons utiliser ces
ressources pour donner de meilleurs résultats à l'entreprise.
Donc, nous ne sommes pas contre ce que vous présentez dans votre
mémoire, nous y concourons. Nous ne prétendons pas que l'Office
est la solution à tous les problèmes, nous prétendons que
l'Office va être un outil additionnel pour répondre aux objectifs
que vous avez indiqué dans votre mémoire.
Moi, je voudrais profiter de l'occasion de votre comparution devant
cette commission parlementaire pour demander ceci à M. Beaudoin - vous
êtes avec Abitibi-Price: À part des problèmes que j'ai
énumérés, quels sont les autres problèmes que votre
entreprise vit, dans le quotidien, avec le ministère de l'Environnement
du Québec?
Le Président (M. Gauvin): M. Beaudoin. M. Beaudoin
(Marcel): M. le ministre...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si ceux que j'ai
énumérés ne sont pas exacts, dites-le-moi.
M. Beaudoin: Oui. M. le ministre, on conçoit que c'est
beaucoup plus difficile de changer des choses en voulant en construire que de
tout simplement critiquer. Ce qui m'a surtout frappé dans le nouveau
contexte de réorganisation et de décentralisation, c'est les buts
qu'on voulait viser en faisant ça. Nous-mêmes, on passe à
travers des phénomènes de décentralisation assez
prononcés, mais il y a des éléments qui se
détachent de ça qui sont d'extrême importance. Un de ces
éléments-là, c'est l'abolition de structures complexes,
l'abolition de niveaux, des niveaux complets qui disparaissent pour permettre,
en premier lieu, une communication extrêmement rapide entre les
intervenants.
Ensuite de ça, ayant eu une communication rapide, des
décisions sont prises rapidement, on engendre un alignement de
pensée à tous les niveaux puis l'exécution des choses se
fait dans l'harmonie. Personne ne peut se cacher en arrière de personne.
Alors, quand une décision est prise, c'est la décision de tout le
monde. Tout le monde est aligné vis-à-vis d'un sujet
donné. C'est une des choses qu'on regarde.
Une autre chose qu'on regarde aussi, M. le ministre, c'est
l'économie dans l'exécution. On vise une efficacité accrue
pour avoir des succès plus grands dans l'application des
règlements nouveaux, des nouvelles lois. Je pense que
l'élément essentiel à l'arrière-plan de tout
ça, c'est des discussions fondamentalement très, très
honnêtes et sans arrière-pensée, absolument sans
arrière-pensée. Dire les choses comme elles sont. Alors... (20 h
45)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça, ça fait partie
de l'approche positive. Moi, je vous ai demandé... Avant d'en arriver
à l'approche positive, il faut effectuer le bon diagnostic de la
maladie. Moi, si on me dit que le ministère de l'Environnement
fonctionne bien présentement, qu'il rend des services impeccables
à votre entreprise, je ne ferai pas d'efforts incommensurables, comme
ministre de l'Environnement, pour tenter d'améliorer la situation. On
n'est pas ici nécessairement pour se faire encenser. Moi, je viens de
vivre, avec votre industrie, le Règlement sur les pâtes et
papiers. Sauf si les informations qu'on m'a communiquées sont inexactes,
on me dit que, sur le plan technique, notre première approche au
ministère de l'Environnement, elle était viciée. Ou bien
c'est vrai, ou bien ce n'est pas vrai.
M. Duchesne: Vous parlez des normes, là, M. le ministre.
Je ne pense pas qu'on ait employé le mot «viciée»,
mais on a employé d'autres mots qui vous ont peut-être permis de
conclure ça. Ce qu'on a dit, c'est que la façon dont les normes
étaient formulées était inefficace, et on peut vous donner
un certain nombre d'exemples très concrets.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Disons que vous m'avez convaincu
suffisamment pour qu'on demande à la machine de refaire son travail.
M. Duchesne: Bon.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): II faut le dire, à un
moment donné, qu'il y a des problèmes, sinon on ne corrigera pas
le système. On va dire: Le système actuel, II est bon, et on va
continuer à fonctionner. C'est un peu ce que votre mémoire dit,
là. Je m'excuse de vous forcer un petit peu. C'est qu'on a des
unités centrales techniques qui répondent bien et il faut faire
attention de ne pas bouleverser ça parce que ça va bien,
là. Si c'est le cas pour votre industrie... Vous êtes, dans le
PRRI, la première industrie que l'on a ciblée parce que vos
rejets de pollution, en quantité - je ne dis pas en nocivité mais
en quantité - sont les plus importants. Si on a de la difficulté
à obtenir, au sein du ministère, l'expertise technique
nécessaire pour bien rédiger notre réglementation, pour
bien vous servir et pour bien servir l'environnement au Québec,
lorsqu'on va tomber dans les secteurs chimiques, ça va devenir
drôlement inquiétant tantôt. C'est pour ça que je
prends la peine, avec vous, de faire le tour de cette
problémati-que-là. Je voudrais avoir vos commentaires. Vous me
dites que ça marche dans le mémoire. Moi, si vous me dites que
ça va bien, fiez-vous sur moi, je ne changerai pas ça.
M. Duchesne: Non, on ne vous dit pas que tout fonctionne bien, M.
le ministre. Ce qu'on a dit, c'est qu'on ne voit pas comment la création
de l'OPEQ va permettre de mieux atteindre les objectifs d'amélioration
du fonctionnement que nous semblons avoir en commun. M. Beaudoin vous parle de
niveaux de décision...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Duchesne, si vous me permettez,
juste là-dessus. Le ministère est pris à chaque jour, avec
les effectifs peu nombreux qu'il a, compte tenu des défis qu'il a
à relever, à gérer des décennies du passé et
la journée d'aujourd'hui, ce qui ne lui donne à peu près
pas le temps de gérer demain. Demain, ce sont les règlements que
nous faisons pour l'ensemble de la société
québécoise avec vous autres. Je ne blâme pas les gens qui
les font, ces règlements-là. Je vous dis que, si je veux
dégager, au ministère, les ressources nécessaires pour
faire cette planification qui va nous permettre de bien maîtriser
l'avenir et pour l'industrie et pour la population, il faut que, d'un autre
côté, j'aie un office de protection de l'environnement qui
s'occupe de faire l'émission des certificats, de faire le suivi des
certificats, etc., de faire ce que j'appelle la cuisine quotidienne.
Moi, je ne blâme pas les gens. Ils sont tous pris, au
ministère, à faire la gérance ou la gestion des
problèmes des décennies passées et, lorsqu'on arrive dans
une réglementation qui vise à maîtriser l'avenir, ils n'ont
plus le temps ou, s'ils ont le temps, ils en consacrent un petit peu et,
là, on se ramasse avec les problèmes qu'on a vécus
ensemble sur le plan de la réglementation des pâtes et papiers. Je
vous soumets mon problème tel qu'il existe, qui est notre
problème, finalement.
M. Duchesne: II y a une bonne partie du temps, M. le
Président, du ministère de l'Environnement, dont M. le ministre
se plaint qu'il n'est pas assez disponible, qui a été
consacré jusqu'à maintenant à, par exemple, l'analyse des
plans et devis des projets de construction des papetières pour
vérifier si on pense que les papetières sont en train de se
préparer à respecter les normes des règlements
environnementaux du ministre. À notre humble avis, c'est une partie du
travail qui n'a pas vraiment besoin d'être faite. On a
répété aux ministres successifs que notre rôle,
c'était de nous organiser pour qu'à la sortie de l'usine on
respecte le règlement. C'est bien sûr que, là-dedans, on ne
veut pas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je m'excuse de vous interrompre,
mais je vais le faire encore. On avait, juste avant vous, comme groupe
l'Association professionnelle des ingénieurs du gouvernement du
Québec qui nous ont dit: Non, non, non. Si on détectait l'erreur
dans votre planification, au tout début, on vous éviterait
beaucoup de coûts. Donc, il fallait non pas vous imposer des obligations
de résultats, mais approuver chacun de vos plans de chacune de vos
industries dans le moindre de ses détails et également approuver
vos procédés. Ça fait que je
vous le dis, vous n'étiez pas là. Vous répondez
quoi à ces professionnels du gouvernement?
M. Duchesne: Je pense qu'ils devraient, à ce
moment-là, venir se chercher de l'emploi dans l'Industrie
papetière...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Duchesne:... parce que c'est là que le travail doit se
faire.
Une voix: C'est ce que je souhaite aussi, mais je ne les
prendrais pas.
M. Duchesne: On ne doit pas, M. le ministre, faire le travail
deux fois inutilement. Si le travail est bien fait par les ingénieurs
qui travaillent pour l'industrie papetière, vos fonctionnaires vont
être capables de vérifier que la réglementation est
respectée. S'ils veulent venir faire le design des usines ou s'occuper
de la gestion Intérieure d'usines, ils travaillent pour le mauvais
employeur. C'est aussi simple que ça, à notre point de vue. Je
pense que ce n'est pas la première fois qu'on vous fait ça, mais
c'est la première fois qu'on a la chance d'en faire à une
commission parlementaire. À chacun ses oignons. Le rôle du
ministère de l'Environnement n'est pas de gérer
l'opération de l'usine ou de superviser la conception des usines. Dans
notre tête, ce n'est pas ça.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je pense que je vais céder
la parole au député de l'Opposition pour ne pas empiéter
sur le temps de l'Opposition. Je pense qu'on se doit d'organiser une rencontre
entre les représentants de l'industrie, qui ont cette approche, et les
représentants des gens à l'interne au ministère, parce
qu'il faut crever cet abcès.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, au nom de
l'Opposition, je veux saluer les représentants de l'Association des
industries forestières du Québec et les remercier pour leur
mémoire, qui est très bien présenté, qui est clair
et qui rejoint beaucoup le mémoire des ingénieurs du
ministère de l'Environnement, sauf, évidemment, le dernier point
sur lequel le ministre a insisté lourdement. Mais, sur le reste, le
mémoire des ingénieurs du ministère correspond au
vôtre. Il dit: Le ministre ne nous démontre pas en quoi
créer une nouvelle structure va améliorer l'efficacité, va
améliorer la protection de l'environnement, va améliorer la
santé de la population. Ils disent aussi comme vous.
Ils nous ont donné des chiffres, cet après-midi. C'est des
gens qui travaillent. Il y a 220 ingénieurs dans le ministère de
l'Environnement.
Ils connaissent le déroulement quotidien. Ils font des erreurs
comme tout le monde, mais, premièrement, ils ne sont pas
consultés par le ministre et, deuxièmement, ils disent au
ministre: De grâce, depuis 1979, il y a eu 6 réformes majeures de
structure, 6 en 12 ans. La dernière, c'est il y a à peine 2 ans.
C'est le ministre actuel qui l'a organisée, cette
réforme-là.
Or, on sait - j'ai déjà été dans ces
situations-là - que, quand un ministre laisse sentir à son
environnement, à son entourage, qu'il va faire une réforme, les 6
mois qui précèdent la réforme, c'est l'instabilité,
c'est l'insécurité. Vous l'avez souligné à bon
droit, à bon droit. Si on ne sait pas ça, c'est qu'on ne
connaît pas comment les fonctionnaires travaillent, puis ils ont raison
d'être insécures. Je pense que le ministre aurait
intérêt à travailler, lui, plus près avec ses
fonctionnaires. Alors, 6 mois avant la réforme, ils deviennent
insécures et H y a énormément de perte de temps et de
motivation à ce moment-là. La réforme elle-même va
prendre 6 mois, M. le Président, à se mettre en place. Les 6 mois
après, aussi, il va y avoir de la frustration. Alors, une réforme
comme celle-ci et comme celle d'il y a 2 ans, ça peut user les gens,
ça peut user le moral des gens, miner le moral des gens.
Moi, je souscris à 100 % et nous souscrivons, l'Opposition,
à votre mémoire, à 100 %. Alors, je n'ai pas tellement de
questions. Mais je veux faire ressortir certains commentaires que vous faites.
Vous avez raison de dire que ce qui manque, ce n'est pas une structure, c'est
une stratégie globale. J'ai noté vos mots: stratégie
globale, vision concrète et «prioriser» des actions, pousser
la régionalisation. Là-dessus, vous rejoignez les
ingénieurs, vous rejoignez aussi le Syndicat des professionnels, qui va
venir nous voir dans quelques jours.
Le ministre a répondu que la législation actuelle ne
permet pas de corriger les lacunes, quand vous parliez avec lui de
l'incohérence, de l'incoordination entre le central et le
régional. Je m'excuse, M. le Président, mais ce n'est pas exact.
Ce n'est pas la législation qui est le médium pour s'assurer
qu'il va se faire une bonne coordination entre le central et le
régional. Ce sont des politiques, des stratégies et des actions
concrètes qui vont faire ça et, notamment, l'action politique
d'un ministre qui assume son leadership. Ça s'appelle le leadership. Ce
n'est pas une structure qui va changer ça.
La grande illusion que le ministre essaie de répandre... Je vous
avoue que je perds un peu patience parce que ça fait plusieurs fois que
je l'entends essayer de vendre aux gens l'idée qu'il y a des
problèmes. Il voulait absolument vous faire dire qu'il y avait des
problèmes. Il conclut ensuite que, s'il y a des problèmes, son
projet de loi va régler ça. Les problèmes qui existent au
ministère, tout le monde les connaît. On peut les corriger, on
peut améliorer ces situations-là
par des interventions bien planifiées.
Ce n'est pas pour rien, M. le Président, que tout le monde
reproche au ministre de l'Environnement son manque de vision, que ce soit du
côté patronal ou du côté syndical, et les groupes
écologiques font la même chose. Je pense que les gens de
l'industrie forestière rejoignent la majorité des groupes qui
sont venus et qui vont venir. Comme nous, vous ne comprenez pas le pourquoi de
cette réforme. On ne comprend pas. Le seul groupe qui a demandé
cette réforme, c'est les jeunes libéraux du Québec. Il n'y
a aucun autre groupe. J'ai mis le ministre au défi dès le
début de me nommer des groupes importants dans la société
qui lui ont écrit, qui lui ont dit: De grâce, créez un
office. Il n'y en a pas.
J'ai une question. Vous parlez du mécanisme de révision et
vous dites, à supposer qu'il n'y ait pas d'office, ce que vous souhaitez
comme nous: On pourrait peut-être emprunter le mécanisme de
révision et d'appel qui est proposé dans le projet de loi pour
l'adapter au ministère actuel. Nous sommes d'accord avec vous que le
mécanisme actuel est lourd et pas tellement efficace. Il y a certains
groupes qui ont proposé que ça soit un mécanisme
apparenté à celui qui existe à la Commission de protection
du territoire agricole. Est-ce que vous êtes familier avec ça ou
est-ce que vous aviez des suggestions quant au mécanisme? Est-ce que
vous accepteriez celui qui est proposé dans le projet de loi pour
l'adapter au ministère?
Le Président (M. Gauvin): Madame.
Mme Rouisse (Lorraine): Je ne connais pas le mécanisme que
vous proposez et qui existe au niveau agricole.
M. Lazure: Connaissez-vous la CSST? Ce sont les deux dont on nous
a parlé, mais celui-là, je ne pense pas qu'il vous emballe.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: C'est un groupe qui l'a proposé aujourd'hui, M.
le ministre, vous vous rappelez. Ce n'est pas moi qui le propose. Je retiens
simplement que vous n'êtes pas satisfaits du mécanisme actuel.
Exact?
Mme Rouisse: Ce qui nous avait paru intéressant au niveau
du mécanisme d'appel, c'est qu'on prévoyait des délais
fixes, et ce, non seulement pour la personne ou la municipalité
concernée, mais aussi pour l'OPEQ ou les directions régionales,
selon le cas. Ça nous paraissait quelque chose d'intéressant
parce que, souvent, il y a des délais qu'on ne peut pas contrôler
et qui viennent du ministère.
M. Lazure: L'autre commentaire que j'ai relevé, c'est
votre crainte que l'approche judiciaire se mette à primer. Ce n'est pas
juste parce qu'ils sont des industriels, M. le ministre. Les ingénieurs
du ministère ont fait la même mise en garde. Les ingénieurs
du ministère, qui n'ont pas d'intérêt particulier à
protéger, qui n'ont pas peur d'une approche judiciaire - ça ne
les touche pas personnellement - ils ont fait exactement la même remarque
que vous. L'autre remarque que vous faites c'est qu'en créant deux
ministères - parce que l'Office, ça va être un nouveau
ministère, finalement - ça va être très difficile
d'éviter une coupure au point de vue de la réglementation et le
danger qu'il y ait des réglementations qui soient
décrochées de la réalité. Je veux féliciter
les gens des industries forestières pour leur excellent
mémoire.
Le Président (M. Gauvin): M. le député de
Saguenay. (21 heures)
M. Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. M. Duchesne,
les entreprises que vous représentez ont une importance capitale au
niveau des emplois au Québec. Elles ont aussi une importance capitale au
niveau de l'environnement, et vous le savez fort bien. Vous dites, dans votre
mémoire - et ça m'intrigue - à la page 7, au niveau des
décisions rendues... En tout cas, vous pariez un petit peu des
régions. Je vous situerai au paragraphe du milieu: «Elle devrait
disposer des ressources suffisantes et compétentes lui permettant
d'appliquer intelligemment les divers règlements». Et là
vous pariez de la formule actuelle. Lorsque vous pariez de compétence,
est-ce que, selon; que les entreprises font affaire avec les professionnels du
ministère de l'Environnement... En tout cas, vous affirmez qu'ils
devraient être plus compétents, je pense que c'est ce que vous
voulez dire? À moins que je ne fasse une mauvaise lecture.
M. Duchesne: Le processus de régionalisation qui est en
cours et auquel on s'est référé déjà fait
que toute une série de décisions qui avaient l'habitude
d'être traitées au centre sont maintenant
déléguées dans les régions. Au cours des
années, avec la structure du secteur industriel - depuis 1989, comme M.
le ministre nous l'indiquait tantôt - il s'est développé
une expertise au centre qui permettait de prendre effectivement des
décisions en toute connaissance de cause. Il y a un groupe pâtes
et papiers, notamment, avec lequel on fait affaire régulièrement.
Dans le processus de régionalisation, l'expertise, a priori, n'existe
pas dans les régions, et on est en train de la constituer. Mais la
difficulté, semble-t-il, c'est qu'on n'a pas pu prendre les experts
qu'on avait déjà au centre et les envoyer dans toutes les
régions. Il faut en constituer, des experts, en région. Ce
processus-là prend un certain temps, crée un certain
nombre de tensions - qui ont été évoquées
tantôt - entre le centre et les régions et, effectivement, c'est
à ça qu'on faisait référence quand on parlait de
disposer de ressources compétentes. Elles existent, les ressources, au
sein du ministère. Elles ne sont pas encore réparties en fonction
de la nouvelle structure du ministère. Et, a fortiori, ce n'est pas par
la création de l'Office qu'on va soudainement avoir la bonne
répartition.
M. Maltais: Je vous arrête, M. Duches-ne - je m'excuse -
parce qu'on est limité dans le temps. Moi, ce qui m'intrigue, c'est que,
peu importe la maudite formule qu'on aura, que ce soit actuellement ou la
formule proposée par le ministre actuel, ça reste le même
monde. Si tu es compétent dans l'une, tu ne devrais pas
nécessairement être incompétent dans l'autre. Et, si tu es
incompétent dans la première, tu ne devrais pas être
nécessairement compétent dans l'autre. C'est le même monde,
là. Alors, moi, je suis surpris. Les ingénieurs du gouvernement
sont venus tantôt dire qu'ils étaient très
compétents dans tout le domaine et qu'ils pouvaient gérer
ça, qu'ils n'avaient pas besoin que le ministre leur donne les pouvoirs
et plans. Référez-vous à la page 14, docteur. Le
problème, docteur, c'est que vous parlez beaucoup mais que vous
écoutez peu. La psychiatrie n'est pas une science proche des
papetières. Moi, ce que je veux savoir...
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: Ce n'est pas une science exacte.
M. Maltais: Ce que je veux savoir, moi, c'est - et vous
n'êtes pas les premiers à le souligner: Est-ce que la
compétence se trouve dans la structure ou si la compétence doit
primer la structure, pour vous autres?
M. Duchesne: La compétence est définitivement une
affaire d'individu, M. le Président; il n'y a pas de doute
là-dessus. Ce que je disais tantôt, c'est que la
répartition de la compétence au sein du ministère, c'est
ça qu'on est en train d'essayer de changer et c'est ça qui
représente les ajustements nécessaires. Mais on n'a jamais dit
que le ministère de l'Environnement n'était pas
représentatif, en termes de distribution des compétences, comme
n'importe quel ministère ou n'importe quel organisme à
l'extérieur du gouvernement. Le groupe est assez gros pour avoir ses
brillants, ses ordinaires et ses navets; c'est normal. Alors, ce n'est pas
là qu'est le problème.
M. Maltais: On a tous son jardin, hein?
M. Duchesne: La compétence est là; il s'agit de
l'enligner pour la faire tirer dans la même direction. Et ça,
ça suppose qu'on arrête de jouer avec la structure pendant un
temps suf- fisant pour créer de l'homogénéité. Et
là-dessus - je pense que c'est ça que M. Beaudoin voulait vous
dire tantôt - il y a une expérience qu'on a vécue chez
Abitibi-Price, en termes de restructuration, qui est en train d'être un
succès à l'heure actuelle mais qui prend du temps. Il faut savoir
où on va. Et, malheureusement, on n'a peut-être pas encore
épuisé la régionalisation et là on arrive avec un
nouvel organisme, une séparation. C'est ça qu'on dit.
M. Maltais: Merci, M. Duchesne. M. Beaudoin - je termine
là-dessus - vous avez fait des restructurations dans vos entreprises et
vous n'êtes pas la seule compagnie à l'avoir fait. Vous savez fort
bien, comme moi, que faire accepter la duplicité des métiers...
Vous savez que, dans une usine de pâtes et papiers, quand on attend le
soudeur alors que le «millwright» serait capable de faire un petit
acte en attendant, là, ça coûte bien cher aux entreprises.
Ce n'est pas facile de faire accepter ça par tout le monde et ce n'est
pas facile non plus de voir le résultat immédiat de cette
acceptation-là. Et 100 fois sur le métier vous allez devoir
remettre votre ouvrage. Ça va prendre du temps. Je pense que c'est
louable de votre part. Le ministre sait ce qu'il fait. S'il y a eu six
restructurations qui n'ont satisfait personne, peut-être qu'à la
septième ou à la huitième on va avoir la solution. Il ne
faut jamais se décourager.
M. Beaudoin: M. le député, j'aimerais
répondre à ça. C'est vrai quand vous dites que, quand on a
à fusionner des métiers, à demander à des gens de
faire plus d'un travail à la fois et à exiger d'eux plus de
flexibilité, ce n'est pas une condition d'une journée. Il y a un
entraînement, il y a une adaptation et une maîtrise à
obtenir. Je pense qu'on se rend compte, là-dessus... Puis, on dit
exactement la même chose. Vous avez fait une réorganisation, une
décentralisation. Je pense qu'un des buts qu'il y a à poursuivre
et à concrétiser, c'est l'alignement de pensée. Avec un
alignement de pensée, vous allez être capable de donner
l'entraînement adéquat à vos gens, vous allez être
capable d'obtenir de la compétence chez eux et vous allez être
capable d'obtenir de la flexibilité dans ce qu'ils vont faire. Un peu la
même chose que nos gens de métiers. Alors, je ne vois pas la
contradiction avec ce que j'ai dit.
M. Maltais: au fond, je suis content de vous l'entendre dire
parce que, en fait, l'office, ça concrétise la
décentralisation et c'est l'objectif.
M. Beaudoin: Mais ce qu'on dit...
M. Maltais: Et je pense que, lorsque vous avez apporté cet
aménagement à l'intérieur de vos services de
papetières, vous n'avez pas vu
les résultats le lendemain matin.
M. Beaudoin: Certainement pas!
M. Maltais: Bon!
M. Beaudoin: II faut vivre avec un peu.
M. Maltais: C'est ce que nous allons faire.
Le Président (M. Garon): Je remercie les
représentants de l'Association des industries forestières du
Québec et je suspends les travaux de la commission pendant quelques
instants, le temps de permettre aux gens de l'Association de se retirer et aux
gens de la Fondation québécoise en environnement de
s'approcher.
(Suspension de la séance à 21 h 8)
(Reprise à 21 h 11)
Le Président (M. Garon): Puisque nous devons ajourner
à 22 heures ce soir, il faut recommencer. J'inviterais le
représentant de la Fondation québécoise en environnement,
Me Jean Lambert, notaire, à s'approcher de la table des
délibérations. Je demanderais à Me Lambert de nous
présenter la personne qui l'accompagne, en lui rappelant, comme M.
Lambert le sait d'ailleurs, que vous avez une heure: normalement une vingtaine
de minutes pour présenter votre exposé, une vingtaine de minutes
pour le parti ministériel et une vingtaine de minutes pour l'Opposition.
Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait, ce que vous prendrez en
moins, ils pourront l'utiliser s'ils le veulent bien. Me Lambert.
M. Lambert (Jean): M. le Président...
Le Président (M. Garon): Ça vous change des
notaires.
Fondation québécoise en
environnement
M. Lambert: Oui. On est polyvalents. M. le Président, M.
le ministre, MM. les distingués membres de l'Assemblée nationale,
j'ai le plaisir, tout d'abord, de vous présenter le collègue qui
m'accompagne, M. Gilles Beaudet, physicien de profession, professeur à
l'Université de Montréal. Il est ici en sa qualité de
membre du comité exécutif de la Fondation
québécoise en environnement. Je voudrais, tout de go, M. le
Président, vous dire qu'on souscrit à votre objectif de terminer
pour 22 heures. Je ne pense pas qu'on ait besoin des 20 minutes pour faire la
présentation de notre court mémoire. Je vais peut-être
juste en sortir quelques principes et, après, on ouvrira la
discussion.
Comme notre page d'introduction vous le mentionne, la Fondation
québécoise en environnement prend peu souvent position par des
mémoires au niveau de la législation. Elle ne le fait que lorsque
l'enjeu semble avoir un certain caractère exceptionnel ou très
important, ce qui, à notre point de vue, est le cas avec le projet de
loi sous étude.
Le rôle de la Fondation est surtout un rôle d'animation
sociale, d'éducation, d'information et d'aide et d'appui aux groupes
environnementaux. Aussi, c'est avec modestie, M. le Président, qu'on
vous présente ce court mémoire. On ne prétend pas
être des experts en législation de l'environnement. On vous donne
un point de vue qui origine d'une discussion qui s'est faite suite à des
demandes d'organismes membres à la Fondation. Le 6 février, le
conseil d'administration, comme indiqué dans le mémoire, a pris
une position concernant le principe de la création d'un office de
protection de l'environnement. Cette position, elle est claire et elle rejoint
celles, je pense, qu'on a entendues ces jours derniers, position qui ne saisit
pas très bien l'à-propos de la création d'un tel
office.
Je ne sais pas si ce qu'on avait lu en décembre dans un quotidien
était juste. On aurait pu comprendre peut-être l'à-propos
de la création d'un tel office si, par ailleurs, les revenus
générés par l'activité dans le sens très
large avaient pu être consacrés à l'environnement, mais on
a compris, en voyant le projet de loi 412, que ce volet-là d'une
hypothèse de travail avait été retiré et que,
finalement, c'était le fonds consolidé de la province qui se
voyait donc le récipiendaire des sommes provenant de l'activité.
Dès lors, pour nous, on voyait mal pourquoi créer une nouvelle
structure somme toute pour faire ce que déjà le ministère
fait et peut continuer à faire, à notre avis.
On poursuit par quelques commentaires sur des points particuliers qui
ont attiré notre attention. Par exemple, dans l'hypothèse,
évidemment, où on va de l'avant avec un office on se pose la
question sur le rôle véritable du conseil de l'Office, ou de ce
qu'on pourrait peut-être appeler le conseil d'administration, où
vont siéger des gens qui sont nommés par le gouvernement, dont un
certain nombre - quatre - sont des membres qu'on qualifie, dans ce jargon,
d'externes. On voit que l'essentiel du pouvoir et de l'activité est
exercé par le président, les vice-présidents et quelques
personnes dont le pouvoir aura fait l'objet, comme on le voit à
l'article 20, d'une délégation précise. Alors, dans les
circonstances, ça confirme notre perception qu'il s'agit, dans le fond,
d'un palier administratif additionnel.
Un point qui a attiré notre attention également, c'est
l'article 22 qui prévoit que «l'Office peut conclure des ententes
avec toute personne, municipalité, société ou
organisme.» Je ne sais pas si c'était l'intention des
rédacteurs du projet, mais on y a vu la possibilité que les
ententes soient autre chose que des ententes menant strictement à
l'environnement - si vous me permettez le terme - de l'octroi d'un permis.
Elles toucheraient, par exemple, à d'autres fonctions de l'Office,
celles qu'on voit aux alinéas 3° et 4° de l'article 18,
où on parle de prévention de la détérioration de
l'environnement, où on parie de plaintes, etc. Ça nous fait
penser un peu, comme mécanisme, à ce que l'Office de la
protection du consommateur fait, par exemple, au niveau de la
législation québécoise, ou encore à ce que le
directeur des coalitions fait au fédéral lorsque, au lieu de
prendre une poursuite, il négocie des ententes pour rétablir une
situation.
Alors, ce qu'on vous dit ici, c'est que, si c'est le président
seul de l'Office qui négocie ces ententes et qu'H n'y a pas une
espèce de transparence, que ce n'est pas public, que ce n'est pas
ouvert, ce genre d'entente où on viendrait amoindrir la rigueur de la
législation ou de la réglementation, dans ce cas-là, donc,
on vous exprime notre réticence.
Dans le même thème, on est réticents à ce que
ce genre de pouvoir soit délégué à une seule
personne. Et, si jamais on voulait poursuivre dans cette voie, il faudrait au
moins, peut-être, s'inspirer d'une formule comme celle d'un genre de
commissariat où il y aurait trois commissaires qui pourraient en
décider.
Révision et appel. Évidemment, on ne pariera pas du niveau
de la reconsidération d'une décision. Ça, je pense que
ça va de soi et c'est fort acceptable. On parie donc de révision
et d'appel, tel que prévu dans le projet de loi, à l'article 32.
Tout d'abord, au niveau de la révision, on préfère de
beaucoup, si jamais on continue avec la formule de l'Office, à tout le
moins que ce soit des gens extérieurs à l'Office qui
procèdent à la nomination. Pour nous, il nous a semblé
qu'il allait de soi que le ministre soit la personne responsable, mais aussi
avec un mécanisme qui assure une transparence et une certaine
aération à cette liste de candidats qui pourrait être
confectionnée annuellement, qui serait un petit peu l'objet d'un genre
de ballottage, par une publication dans La Gazette officielle. Et
là les personnes qui auraient des remarques ou des commentaires
pourraient sensibiliser le ministre, peut-être, sur certaines lacunes
dont pourraient souffrir des candidatures eu égard à la fonction
qu'on voudrait qu'elles exercent.
La Cour d'appel du Québec comme niveau d'appel, là-dessus
aussi, on s'est posé des questions. On se demande un peu pourquoi la
Commission municipale ne continuerait pas ou si, en fait, un autre organisme
spécialisé ne serait pas plus approprié. Ce qui arrive,
c'est qu'en recourant à la Cour du Québec on est vraiment dans le
judiciaire, juridique. D'abord, rien ne nous assure d'une espèce de
continuum, d'une espèce d'expertise qui pourrait se bâtir. Ce sera
un juge ou un autre, selon le rôle et selon que le juge en chef
décidera d'attribuer les dossiers à ces juges, d'une part. Et,
d'autre part, évidemment, on ne demande pas à des juges de juger
autrement qu'en droit, ou du moins avec une équité qui est proche
du droit. Or, en matière d'environnement, des fois, ce n'est pas juste
une question de droit, c'est une question d'opportunité, par exemple. Il
y a d'autres facteurs. C'est pour ça qu'on pense qu'un organisme
spécialisé, un genre de tribunal administratif est sans doute
plus approprié.
Le processus fermé, c'est le dernier point qu'on a soumis dans
notre mémoire. On pense que les citoyens, les groupes pourraient
formuler des appels. Évidemment, on a vu la possibilité qu'une
ouverture très large, non réglementée ou non
balisée, puisse peut-être causer des problèmes. Entre tout
simplement éliminer cette possibilité d'appel - ce qui nous a
semblé être le cas dans le projet de loi - et laisser une
possibilité «at large» d'abord, premièrement, on
pense qu'on doit accepter le risque. On pense qu'il faut accorder aux citoyens
et aux groupes de citoyens concernés la possibilité d'intervenir,
sinon ils vont le faire autrement, ils vont le faire ailleurs, et ce n'est pas
certain que ça va être plus efficace. Donc, on pense qu'Us doivent
pouvoir le faire.
Par contre, on s'inspire d'autres procédures semblables qui
existent, où c'est balisé, où c'est organisé, et on
vous suggère qu'on puisse procéder un peu comme dans le cas des
permis de transport, de régie d'alcool ou encore dans le cas des permis
de radiodiffusion au niveau fédéral, où on annonce qu'on
va prendre une décision et où on dit aux
intéressés: Dénoncez votre intérêt, et,
à ce moment-là, ceux qui l'auront fait seront
considérés comme des intéressés pouvant porter
appel. Et non pas que l'appel arrive soudainement parce qu'un groupe
spontané sera formé pour des raisons qui se seront
développées possiblement après que le processus
d'étude du dossier aura été fait. Donc, entre rien du tout
et probablement un appel débridé, on suggère qu'on accepte
le risque de permettre aux citoyens de faire appel et qu'on balise le
processus.
Alors, voilai C'est, en termes très courts, M. le
Président, l'essentiel de notre mémoire.
Le Président (M. Garon): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous me permettrez, M. le
Président, de remercier la Fondation québécoise en
environnement et ses porte-parole ce soir, devant la commission parlementaire.
Je sais que vous étiez cédulés à une autre heure
mais que, compte tenu de la mortalité dans votre famille - je profite de
l'occasion pour vous exprimer nos sympathies - on a du recéduler votre
comparution. Je sais que vous avez eu des difficultés. On m'a dit
que vous aviez eu des difficultés à vous rendre
aujourd'hui. Nous vous savons gré de vous être
présentés devant cette commission malgré toutes ces
difficultés.
Je n'ai pas l'intention de reprendre chacun des items au mémoire.
Vous avez assisté à ta discussion que nous avons eue avec le
groupe qui vous a précédés. Certaines des argumentations
se rejoignent ou se recoupent.
À votre mémoire, à la page 2, à l'avant
dernier paragraphe, vous mentionnez: «Or, dès l'instant où
a été écartée l'hypothèse de confier
à un organisme indépendant le pouvoir de percevoir et
d'administrer des droits et des amendes au bénéfice exclusif
d'activités reliées à la protection de l'environnement,
plus rien ne vient justifier l'existence d'un tel organisme.» On pourrait
peut-être, si vous le voulez bien, travailler a contrario. À
partir du moment où un organisme du type de l'Office de protection de
l'environnement serait financé à partir de droits et de
redevances - j'exclus les amendes parce que ça m'apparaît un peu
pernicieux comme source de financement - de droits sur les actes administratifs
et de redevances sur les rejets de pollution, est-ce que ça voudrait
dire, à ce moment-là, que vous changeriez d'opinion?
M. Lambert: II est certain qu'on verrait sûrement là
une justification intéressante. C'est sûr qu'on se devrait de
faire une autre analyse. Je me permets toutefois de faire une courte
parenthèse. Vous parlez des amendes. Peut-être que c'est vrai
qu'il pourrait y avoir un effet pernicieux, mais ce qu'on appelle, nous, les
fonds générés par l'activité, incluent, dans notre
esprit, les amendes. Parce qu'on peut toujours, finalement, dire que
l'État va s'enrichir des amendes provenant... C'est que l'amende est
là aussi pour compenser - en tout cas, il me semble - un tort qui peut
être causé à la collectivité. On ne peut pas, bien
souvent, en matière d'environnement, mettre une image précise,
une tête précise. Quelqu'un qui subit un préjudice, c'est
l'ensemble de la collectivité. Et c'est pour ça qu'on se disait
que les revenus générés par l'ensemble de
l'activité devraient être consacrés à
l'environnement.
En d'autres termes, ce que je veux dire, c'est que, si l'ensemble de
l'activité générait ce qu'on pourrait appeler, entre
guillemets, excusez l'expression, un profit, on voudrait que ce
profit-là aille à l'environnement et non pas juste à
enrichir les coffres de l'État. Voilà.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, je n'ai pas de
difficultés avec toute la question des droits administratifs. Je n'ai
pas non plus, comme ministre de l'Environnement, de difficultés
particulières avec les redevances imposées sur les rejets dans
l'eau, l'air ou le sol, à tant la tonne, ou quelle que soit la formule,
mais je dois dire que j'ai eu suffisamment de représentations quant
à l'imposition d'amendes pour financer le fonctionnement d'un organisme.
Certains groupes ont prétendu que ça pourrait devenir une source
de motivation un peu pernicieuse et même, sur le plan légal, que
ça pourrait poser certaines difficultés.
M. Lambert: Ça pourrait effectivement être un peu
qualifié de dommages punitifs.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va. M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Oui. Au nom de l'Opposition, je veux remercier les
représentants de la Fondation québécoise en environnement,
MM. Lambert et Beaudet, les féliciter d'exprimer clairement et
succinctement la position qui est prise par leur conseil d'administration. Moi,
je note que, comme vous dites dans votre première page, vous n'avez pas
l'habitude de vous prononcer souvent sur des choses bien particulières,
bien spécifiques, mais je pense que vous avez eu tout à fait
raison de dire - et c'est votre diagnostic - que ce projet de loi, s'il allait
mener à la création de l'Office, ce serait majeur pour
l'environnement au Québec. moi, je me réjouis, au nom de
l'opposition, que vous vous soyez penchés sur ce projet-là et que
vous présentiez une position aussi limpide. remarquez que vous rejoignez
la grande majorité des groupes qui vont venir, qui ont commencé
à venir; au moins les trois quarts se prononcent contre la
création de cet office. jusqu'ici, à part le groupe des jeunes
libéraux, personne n'a vraiment réclamé la création
d'un tel office. ça ne semble pas répondre à un besoin. ce
qui inquiète tout le monde, c'est que le ministre semble dire: cette
structure-là, ça va être la réponse aux
problèmes que, vous, vous avez, soit les gens du patronat, les gens des
groupes environnementaux ou la population en général.
Je veux m'arrêter peut-être à un point particulier:
révision et appel. À supposer que le projet de loi soit adopte et
qu'on ait cet Office - Dieu nous en garde - vous dites: Au moins, il y a une
chose de bonne dans ça, c'est la procédure de révision.
D'autres groupes l'ont dit, la procédure de révision et d'appel
est plus large que la procédure actuelle. Vous recommandez de baliser,
par l'article 19.3 de la Loi sur la qualité. Je l'ai devant moi, 19.3,
exercice du recours, et ça dit ceci: «La demande d'injonction
visée dans l'article 19.2 peut être faite par toute personne
physique domiciliée au Québec - et le reste, c'est clé, je
pense - qui fréquente un lieu à l'égard duquel une
contravention à la présente loi ou au règlement est
alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu.»
J'ai en tête, par exemple, un certificat d'autorisation pour un
site d'enfouissement. D'après - et je vous pose la question, M. Lambert,
et à votre collègue - cet article 19.3, moi, j'habite dans la
municipalité où le site
d'enfouissement est proposé, où te certificat a
été donné; je veux contester ça mais, par ailleurs,
je ne fréquente pas régulièrement le site d'enfouissement.
Il y a l'expression «fréquenter». Est-ce qu'autrement dit
cette clause-là serait assez large pour permettre à un citoyen
intéressé d'une municipalité de contester et d'aller en
revision ou en appel? (21 h 30)
M. Lambert: Vous avez raison de le soulever parce que, au moment
où on a rédigé, on a fait la discussion. On voulait
apporter une certaine limitation, mais H est clair que
«fréquenter», on ne va pas aussi loin que ça. Je
pense que, de façon analogue, on aurait peut-être dû dire
«s'inspirant de l'Idée». Ce qu'on veut, c'est que ça
soit les gens qui subissent un préjudice ou que ça soit des
organismes reconnus comme étant préoccupés par les
problèmes, par un secteur, un groupe de problèmes
spécifiques. Par exemple, s'il y avait une possibilité de
pollution dans les bois, c'est bien évident qu'N n'y a personne; il n'y
a pas de voisinage, il n'y a pas de ville, il n'y a rien, on est assez
éloigné. Mais, par ailleurs, il pourrait y avoir un organisme qui
est préoccupé par ce genre de détérioration de
l'environnement qui pourrait intervenir. Ce qu'on a voulu dire, c'est qu'on ne
voudrait pas, quand même, que ça soit ouvert d'une façon
farfelue et très débridée. Mais on ne voudrait pas - et
vous me donnez l'occasion, peut-être, de préciser ce
point-là - que ça soit aussi restrictif que
«fréquenter les lieux».
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, oui. Entre le Centre
québécois du droit de l'environnement et leur proposition...
M. Lazure: Oui, oui. Il y a une nuance entre la position que vous
proposez et celle que présente le Centre québécois du
droit de l'environnement qui a traité de cette question-là
aussi.
M. Lambert: Le Centre québécois du droit de
l'environnement, lui, c'est tout le monde. Nous, on pense qu'il faut qu'il y
ait un certain balisage.
M. Lazure: La notion de frivolité, peut-être.
M. Lambert: Mais on veut que ce soit les gens qui subissent un
préjudice...
M. Lazure: Oui.
M. Lambert: ...sans nécessairement fréquenter les
lieux, ou encore que ça soit des organismes reconnus pour avoir, pendant
un certain temps, été préoccupés par ces
questions-là, qui ont développé une expertise et qui sont
sensibilisés à une question qui, par ailleurs, ne touche
peut-être pas un voisinage immédiat. C'est pour ça que je
vous donnais l'exemple d'une détérioration qui pourrait se
produire loin d'un milieu urbain. Ça ne veut pas dire pour autant qu'il
n'y aurait personne qui pourrait porter appel.
M. Lazure: Oui. Bon, ça me satisfait, moi. Je vois
très bien votre position. Mais pour revenir au corps principal de votre
mémoire, je vois, à la page 2, un commentaire qui me frappe. Vous
dites: «Tout d'abord, la Fondation note que la création de cet
organisme de facture administrative ne s'inscrit dans aucune stratégie
gouvernementale connue en matière de protection de l'environnement au
Québec.» Vous rejoignez plusieurs groupes qui disent: Mais en quoi
la création de cet Office va assurer une meilleure protection de
l'environnement? Et, évidemment, la réponse, c'est plutôt
négatif. Il n'y a rien dans ce projet de loi ou dans la structure
même de cet Office-là.
Et, nous, à l'Opposition, nous préconisons, comme la
plupart des groupes, que le ministre s'acharne plutôt à continuer
sa réforme dans le sens d'une plus grande régionalisation, tout
en s'assurant, avec son pouvoir politique, de bien harmoniser le central avec
les régions. Il déplore lui-même, comme certains groupes,
qu'il y ait des décisions qui varient d'une région à une
autre. C'est un peu inévitable, surtout dans les débuts d'une
plus grande décentralisation, d'une plus grande responsabilité
régionale, mais c'est le devoir du pouvoir politique, avec ses
dirigeants au ministère, de s'assurer qu'il y ait une harmonisation
entre le central et les régions.
Qu'est-ce que vous pensez des efforts qui ont été faits
vers une plus grande régionalisation, à date?
M. Lambert: Je pense que, dans l'ensemble, on peut dire - en tout
cas pour nous - que les efforts sont louables. Là-dessus, je dois vous
dire qu'il y aurait peut-être d'autres personnes à la Fondation
qui auraient été plus autorisées, plus compétentes
que moi pour vous dire exactement l'appréciation qu'on peut en faire.
Mais, pour nous, on pense que les efforts sont louables. On ne voit pas
l'Office comme étant un instrument pour être un
accélérateur de ça. Je pense que la
décentralisation peut très bien se faire à
l'intérieur du ministère sans nécessairement créer
l'Office.
Si vous me permettez, en vous écoutant, Dr Lazure, vous m'avez
fait penser à quelque chose. C'est qu'actuellement on n'est pas en
faveur de la création d'un tel office. Peut-être qu'un jour on
pourrait l'être, peut-être quand on aura un ensemble plus vaste et
qu'on verra où l'Office s'inscrira par rapport à d'autres
organismes ou d'autres leviers. Actuellement, on craint et on regarde la
situation ponctuelle.
Je vous donne l'exemple de l'Office des professions. Pour ceux qui sont
informés, on
discute du désengagement total de l'État dans le
financement de l'Office des professions. Et pourtant, on ne parle pas de
centaines de millions, on parle d'un budget d'à peu près 3 500
000 $. Un groupe de travail a été mis sur pied, a commencé
à scruter pour s'apercevoir que, finalement, l'Office des professions
avait débordé un petit peu pas mal de son mandat et que, bon, si
on dégraissait un peu, etc.
On voit qu'il y a tout un contexte de restrictions budgétaires
qui, par ailleurs, peut peut-être handicaper l'Office dans une mission
pas nécessairement clairement définie, mais qui n'est pas
socialement mauvaise. Et on se dit: L'Office qui serait créé,
quelle garantie aura-t-on, par exemple, qu'il sera toujours doté d'un
budget approprié à ses besoins, ou si le budget ne lui sera pas
compté et, après ça, qu'on dira: Bien, les
priorités sont déterminées par le conseil de l'Office et,
si ça va mal, bien, là, c'est le conseil de l'Office qui a
fixé ses priorités?
Là-dessus, on a pris, curieusement peut-être, le parti de
dire qu'on préfère garder la flamme sous l'autorité
politique. Peut-être qu'en d'autres temps, dans d'autres domaines
peut-être moins névralgiques que l'environnement, on pourra
considérer un organisme un peu plus distant du politique, mais, dans ce
cas-là, on a dit: Non. On préfère, actuellement, que la
chaleur soit sous le personnage politique. Je sais que c'est très
inconfortable pour le ministre. On voit ce qui se passe et Dieu sait que,
là-dessus, on a beaucoup de sympathie pour lui, avec ce qui se passe. Ce
n'est franchement pas un portefeuille facile, mais, dans le moment, là
où on en est dans le développement de la protection de
l'environnement au Québec, même avec les imperfections, on
préfère que la flamme soit sous le siège politique et non
pas sous celui d'un organisme administratif.
M. Lazure: Moi, je vous comprends très bien et
l'Opposition souscrit entièrement à ça, même
à supposer qu'on soit au pouvoir dans six mois, dans un an.
Une voix: Ah! Ah! ne prenez pas vos rêves pour des
réalités. Dans un an, là...
M. Lazure: M. le Président, précisément
parce que c'est un siège où il y a beaucoup de chaleur qui
l'entoure et beaucoup de conflits... C'est parce que c'est en ebullition dans
la société. La société québécoise,
comme les autres, s'éveille de plus en plus à l'importance de
préserver un bon environnement, de l'améliorer. Les
décisions qui doivent être prises ou qui devront être prises
dans les années qui viennent seront éminemment politiques dans le
sens que ce sont des priorités, des choix que les élus devront
faire et pour lesquels ils devront rendre des comptes à la population,
à l'Assemblée nationale. Nous aussi, comme d'autres groupes l'ont
dit avant vous, on s'inquiète beaucoup de cette
déresponsabilisation relative qui suivrait, advenant la création
d'un office.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La question de la
responsabilité politique, on a eu l'occasion de l'aborder aujourd'hui
avec d'autres groupes. Moi, ce n'est pas le premier ministère dont
j'assume la responsabilité. Je pense qu'au total il y a peut-être
eu au moins une vingtaine d'organismes dont j'ai eu la responsabilité.
Je me souviens de quelques-uns, pour ne pas me rappeler nies anciens
cauchemars: la CSST, lorsque je suis arrivé au ministère du
Travail, déficit annuel, à l'époque, 547 000 000 $, un
accumulé de 2 000 000 000 $. Ce n'est pas parce qu'il y avait un conseil
d'administration paritaire, patronal-syndical, que je ne sentais pas
l'entière responsabilité face à l'Assemblée
nationale et face à l'ensemble de la population. On s'y est
attaqué et on a replacé les éléments
budgétaires. Je me souviens d'avoir été responsable de la
Commission des affaires sociales. Je me souviens, au niveau de la
Main-d'?uvre également, d'avoir été responsable d'un
paquet d'organismes et je n'ai jamais senti que ma responsabilité
ministérielle était' atténuée face aux attentes de
la population parce qu'il y avait ce qu'on pouvait appeler un
«buffer» ou un organisme entre le ministre et les services qui
devaient être rendus à la population.
Nous avons à en défendre les crédits devant
l'Assemblée nationale. Si, cette année - je vais vous donner un
exemple - je n'ai pas les crédits suffisants pour garantir un bon
fonctionnement du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, en plus
d'exercer la pression qu'il va faire sur le ministère de
l'Environnement, le critique de l'Opposition va ajouter de la pression
spécifiquement sur le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.
Et, si c'était le cas pour la Société
québécoise d'assainissement des eaux, il ferait ia même
chose. J'ai de la difficulté à acheter, suite à une
expérience de six ou sept ans comme ministre, la
déresponsabilisation ministérielle suite à la
création d'un organisme.
M. Lambert: Je comprends. Je pourrais vous dire ceci. Il est
certain, des fois, que la personnalité du titulaire d'une
responsabilité peut combler des lacunes ou peut peut-être faire
qu'il agisse différemment d'autres qui seraient là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous vous remercions beaucoup.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Mais, moi, j'ajouterais juste une chose
là-dessus. À supposer que le ministre en question se sente tout
aussi responsable - vous avez raison, ça va varier selon la
personnalité
des ministres - ce qui est important, ce n'est pas juste que le ministre
reconnaisse ou non sa responsabilité, c'est aussi que les tierces
parties le voient comme étant responsable ou non, ou le voient moins
responsable maintenant qu'il y a un office qu'il ne l'était avant, quand
il n'y avait pas d'office. Autrement dit, la perception extérieure est
importante là-dedans, et je pense que la société, au
Québec, a besoin de sentir que le ministre de l'Environnement est
responsable de a à z dans tout ce qui touche l'environnement. Merci.
Le Préskient (M. Garon): Alors, je remercie les
représentants de la Fondation québécoise en environnement,
Me Lambert et M. Beaudet. Puisque la commission a rempli son mandat pour la
journée, nous ajournons les travaux au jeudi 12 mars 1992, à 9 h
30, en cette salle Louis-Joseph-Papineau. Bonsoir. Bonne nuit.
(Fin de la séance à 21 h 41)