Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Quinze heures cinquante-trois minutes)
Le Président (M. Garon): Je déclare la
séance de la commission ouverte en rappelant le mandat de la commission
qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation
générale sur l'étude du projet de loi 412, Loi sur
l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant
diverses dispositions législatives.
M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?
Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau
(Johnson) sera remplacée par M. Léonard (Labelle).
Mémoires déposés
Le Président (M. Garon): Nous avons des documents à
déposer. Alors, je dépose le mémoire de M. Michel
Filiatrault (1M), le mémoire de la Chambre des notaires du Québec
(18M) et le mémoire de Greenpeace (28M).
L'horaire de la journée. Nous devons entendre d'abord, à
15 h 30... M. le secrétaire, pouvez-vous lire l'horaire de la
journée?
Le Secrétaire: L'Association des biologistes du
Québec, suivra la Société pour vaincre la pollution et,
vers 17 h 30, nous entendrons la Chambre de commerce du Québec. Vers 18
h 30, la commission suspendra ses travaux jusqu'à 20 heures pour
entendre, à partir de cette heure, le Syndicat de professionnelles et
professionnels du gouvernement du Québec, le Regroupement de conseillers
en acoustique et bruit environnemental et, pour terminer, l'Union des
producteurs agricoles.
Le Président (M. Garon): Vous avez dit «à
cette heure» en parlant de l'ajournement à 20 heures?
Mme Bélanger: À cette heure-là, O.K.
Le Président (M. Garon): À cette heure-là,
oui. L'ajournement va se faire de 18 h 30 à 20 heures et nous
reprendrons à 20 heures. «À cette heure», je me
référais à 20 heures. Alors, j'appelle l'Association des
biologistes du Québec représentée par M.
Jean-François Bergeron, Mme Louise Champoux et M. Douglas Graham
à s'approcher de la table des délibérations, en vous
rappelant que vous avez une heure. Une heure est prévue, donc
normalement 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, 20 minutes
pour les commentaires ou questions du ministre, pour le parti
ministériel, et 20 minutes pour le député de La Prairie ou
le parti d'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait et ce
que vous prendrez en moins pourra être ajouté à leur temps,
s'ils le désirent. À vous la parole.
Association des biologistes du Québec
M. Bergeron (Jean-François): J'aimerais apporter une
précision au départ. Mon nom est Jean-François Bergeron,
vice-président de l'Association des biologistes du Québec. Louise
Champoux ne sera pas présente. J'ai, avec moi, du même organisme,
Douglas Graham.
L'Association des biologistes du Québec souhaite, par la
présente, joindre sa voix à celle des autres participants
à la commission parlementaire qui se penche sur le projet de loi 142,
Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec. L'ABQ est
un organisme provincial qui regroupe de nombreux spécialistes et
chercheurs, tous biologistes, qui oeuvrent, pour une bonne part, dans le
domaine de l'environnement depuis de nombreuses années. Nos membres ont
à coeur la cause environnementale et suivent de près les
activités du gouvernement du Québec en cette matière.
Depuis plus de 20 ans, maintenant, notre association se préoccupe de la
qualité de l'environnement et de la conservation. Nous avons toujours
agi en cette manière dans le meilleur intérêt de la
population québécoise.
Rappelons ici que nous nous sommes faits, à plusieurs reprises,
au cours des dernières années, les promoteurs de l'instauration
d'une loi sur les espèces menacées, loi que les citoyens
québécois ont finalement obtenue. De plus, nous sommes
intervenus, l'an dernier, lors de la consultation sur le projet de la politique
québécoise sur les espèces menacées ou
vulnérables.
Dans plusieurs autres dossiers, l'Association des biologistes est
intervenue pour prendre la défense de la question environnementale ainsi
que de l'importance de la conservation et de sa promotion. Mentionnons encore
notre intervention devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement,
l'an dernier, relativement au projet d'une stratégie de protection des
forêts, projet dans lequel nous suggérions au gouvernement du
Québec un mode de gestion et de contrôle des matières
ligneuses plus écologique, plus environnemental, tout en incitant les
responsables de la gestion forestière à une utilisation
polyvalente des ressources.
Nous étions également présents l'an dernier
à la commission de l'aménagement et des équipements pour
revendiquer la participation des citoyens à la définition des
politiques et programmes gouvernementaux suceptibles de modifier
de façon importante la qualité de notre environnement.
Alors, maintenant, quelle sera la justification de ce projet de loi?
L'Association reconnaît les principes qui sous-tendent la création
de l'Office de protection de l'environnement du Québec. On apprenait,
dans le communiqué de presse no 1, émis le 17 décembre
1991 par le cabinet du ministre de l'Environnement, qu'il s'agira d'un
organisme autonome et distinct qui contribuera à rendre le gouvernement
plus efficace dans la protection de l'environnement, plus équitable
envers les diverses clientèles à desservir et davantage en mesure
de mieux planifier l'action gouvernementale en ce domaine. Comme il reviendrait
à l'Office d'effectuer le travail clérical, d'émettre les
certificats d'autorisation, les permis, les attestations, les avis et les
ordonnances et de veiller à l'application des lois et des
règlements existants, on pourrait croire que le ministre de
l'Environnement sera plus à même de remplir son rôle au
niveau de l'élaboration des lois, des règlements et des
directives en matière d'environnement.
Toutefois, l'ABQ s'interroge sur les moyens dont
bénéficieront à la fois le ministère et l'Office.
On sait, en effet, que les ressources financières et humaines mises
actuellement à la disposition du ministère de l'Environnement
sont insuffisantes pour rencontrer de tels besoins. L'ajout d'une nouvelle
structure entraîne inéluctablement des dépenses nouvelles,
si ce n'est pour l'acquisition de biens et de locaux, pour ne pas mentionner
l'ajout de nouveau personnel - ce que nous discuterons plus tard. La division
des mêmes ressources entre les deux entités n'arrangera
probablement rien à ce propos. S'agirait-il, ici, de diviser les forces
vives d'un appareil public essentiel? Dans le cas d'une dichotomie, d'une zone
de transfert, un organisme de liaison doublé de ressources humaines
additionnelles pourrait-il assumer des échanges efficaces, vigoureux et
coordonnés entre le ministre et les douze offices de protection de
l'environnement? Quoi qu'il en soit, la protection de l'environnement et la
conservation des écosystèmes doivent demeurer des objectifs
prioritaires. À cet effet, nous souhaitons que cette restructuration
puisse permettre une meilleure planification, une efficacité dans
l'action et un meilleur service au public.
Par ailleurs, au-delà de ce problème et afin de bien
remplir leurs rôles respectifs, le ministère et l'Office devraient
se voir attribuer des responsabilités plus précises en
matière de transparence, d'une part, et de conservation, d'autre part.
C'est ce que nous aborderons dans les points suivants.
Question de transparence. Il nous apparaît primordial que les
activités du futur Office de protection de l'environnement soient
réalisées au vu et au su du public. La transparence dans la
gestion et les opérations apparaît dorénavant comme une
nécessité. Ceci permettra de donner aux agences gouvernementales
responsables de la protection environnementale une étiquette de
crédibilité, c'est-à-dire de confiance à
l'égard du public. Elle deviendra encore plus essentielle lorsqu'il
s'agira de s'assurer que les décisions rendues par l'Office seront
justes et équitables, et non pas Influencées par un quelconque
groupe puissant qui voudra voir triompher ses intérêts. Il importe
donc que le public soit très bien informé des activités
menées tant par l'Office que par le ministère.
De plus, les responsabilités du ministre de l'Environnement,
quant aux activités de l'Office, devraient, à notre avis,
être précisées davantage pour que les actions de l'Office
puissent être discutées devant l'Assemblée nationale. En
d'autres mots, pour que le ministre puisse être responsable devant
l'Assemblée nationale des actions, faits et gestes des différents
offices de protection. Je cède maintenant la parole à Douglas
Graham.
M. Graham (Douglas): Conservation et promotion de la
conservation. À moins qu'on ne la modifie substantiellement, la nouvelle
structure risquerait, selon nous, de contribuer à diminuer les efforts
du ministère en matière de conservation, d'éducation et de
promotion de la conservation. En effet, l'Office pourrait veiller plus
particulièrement à l'application des règlements et des
normes découlant de cinq lois: la Loi sur la qualité de
l'environnement, la Loi sur le régime des eaux, la Loi sur les
pesticides, la Loi sur les réserves écologiques et la Loi sur les
espèces menacées ou vulnérables. Or, les deux
dernières lois n'ont pas, pour l'instant, de réglementation
à faire appliquer.
A titre d'exemple, la question de la gestion des réserves
écologiques soulève un problème potentiel. L'Office se
verrait attribuer la responsabilité des réserves, mais uniquement
en ce qui concerne l'application normative des règlements. Or, beaucoup
d'activités dans les réserves ne sont pas et ne peuvent pas
être réglementées. L'Office devrait donc avoir à sa
disposition d'autres moyens de gestion. Par exemple, on pourrait songer
à des plans de conservation et de gestion des réserves
écologiques, tout comme dans le cas des parcs de conservation
actuellement.
Par ailleurs, les directions régionales qui relèveraient
dorénavant de l'Office consacreraient la quasi-totalité de leur
temps à des activités d'application normative, comme c'est
déjà le cas actuellement. On peut dès lors s'interroger
sur la place que prendront les activités reliées à la
conservation et à sa promotion. En effet, personne, actuellement, dans
les directions régionales, ne se consacre à temps plein à
cette tâche. On n'y trouve pas non plus une tradition de conservation.
Comme les activités liées à la conservation, au
ministère de l'Environnement,
sont déjà peu importantes, la division des
responsabilités entre deux entités risque de diminuer encore les
rendements.
Le manque de ressources humaines et monétaires pour les
activités de conservation nous préoccupe beaucoup. Notons
qu'actuellement aucun biologiste ne se trouve en région, avec une
responsabilité distincte dans les dossiers de conservation,
c'est-à-dire la faune, la flore, les habitats fauniques, les
écosystèmes. Aucun recrutement pour de tels postes n'est
actuellement en cours non plus. Nous savons qu'actuellement l'argent
alloué à la conservation, au ministère, représente
environ 1 000 000 $ sur un budget total de 470 000 000 $. L'Office aurait-il
accès à des ressources financières adéquates?
Plus encore, la Loi sur l'Office de protection de l'environnement
prévoit que le ministère de l'Environnement consulte l'Office sur
tout projet de règlement ou de législation dont il aura,
après coup, à surveiller l'application. Qu'en sera-t-il,
dès lors, lorsqu'il sera question de la création de nouvelles
réserves écologiques? Les directions régionales n'ont
actuellement que peu de ressources - pour ne pas dire aucune - pour
gérer adéquatement les réserves existantes. Ne risque-t-on
pas de se retrouver dans la situation où l'Office s'opposerait à
la création de nouvelles réserves sur un territoire en invoquant
le manque de ressources pour s'en occuper? L'absence d'expertise ou le manque
de ressources pourrait aussi mener l'Office à bloquer la
désignation d'une espèce menacée ou vulnérable.
Actuellement le MENVIQ procède à la création de
nouvelles réserves écologiques. Les effectifs de l'Office
pourraient-ils permettre la création de nouvelles réserves
écologiques?
Voilà qui justifie pleinement, à notre avis, qu'on
considère plus étroitement l'attribution de
responsabilités en ce qui concerne la Loi sur les réserves
écologiques et la Loi sur les espèces menacées et
vulnérables. Plusieurs avenues sont possibles. Davantage de ressources
pourraient être allouées aux directions régionales pour
qu'elles puissent assumer leurs responsabilités en cette matière.
On pourrait aussi penser à créer des liens plus étroits
entre les directions régionales et les instances du ministère de
l'Environnement responsables de ces dossiers. Un siège du conseil
d'administration de l'Office devrait par ailleurs être occupé par
le représentant d'un organisme voué à la conservation.
D'autre part, la promotion de la conservation et l'éducation à la
conservation en relation avec les réserves écologiques pourraient
également demeurer l'entière responsabilité du
ministère de l'Environnement. On pourrait donc penser à la
possibilité de soustraire l'application des lois sur les réserves
écologiques et les espèces menacées et vulnérables
du projet de loi pour faire en sorte qu'elles demeurent l'entière
responsabilité du MENVIQ, tout en veillant à l'embauche de
nouvelles compétences en matière de conserva- tion. Telles sont,
à notre avis, les solutions possibles. Il vous revient de choisir
l'avenue qui soit la plus à même d'assurer le plein exercice des
responsabilités en cause.
M. Bergeron (Jean-François): En guise de conclusion,
voilà donc quelques points sur lesquels l'Association des biologistes du
Québec désirait attirer votre attention. En somme, nous croyons
qu'il ne faut pas penser simplement diviser en deux les ressources
financières et humaines actuellement dévolues au ministère
de l'Environnement pour rencontrer les obligations des deux futures
entités. De plus, si la transparence n'a pas toujours été
la plus grande qualité du ministère de l'Environnement, elle doit
devenir une composante indispensable des deux futurs organismes afin,
notamment, de les soustraire aux pressions indues. Finalement, la promotion de
la conservation doit faire l'objet d'aménagements particuliers.
Les membres de l'Association des biologistes du Québec croient
que ces quelques remarques contribueront à rendre le ministère de
l'Environnement et, le cas échéant, l'Office de protection de
l'environnement plus à même d'exercer leurs responsabilités
respectives avec le plus de transparence possible et ce, dans le meilleur
intérêt de la population québécoise.
J'ai donc terminé la lecture du mémoire. J'aimerais
ajouter ici quelques éléments de conclusion et je terminerai par
des questions.
D'abord, il faudrait bien comprendre que, même si ce
n'était pas excessivement clair dans le mémoire, nous ne sommes
pas contre la création de l'OPEQ, mais dans la mesure où les
objectifs de conservation du gouvernement du Québec soient mis en
oeuvre. Quand je parle de conservation, je parle de conservation de la flore,
de la faune, des habitats fauniques et des écosystèmes.
Pourquoi nous le croyons? Parce que, pour réaliser cet exercice,
il faudrait transplanter et établir en région des experts en
faune, en flore, en écosystèmes et en habitats fauniques,
lesquels experts, pour la plupart, biologistes, ne sont pas dans les
régions présentement. Les opérateurs, les artisans de la
question environnementale en région sont des chimistes, des physiciens,
des ingénieurs et d'autres spécialistes du genre. Mais peu de
biologistes sont affectés directement, uniquement et clairement aux
questions d'écosystèmes.
Nous souhaitons donc une application efficace de la Loi sur les
réserves écologiques et de la Loi sur les espèces
menacées et vulnérables. Bien sûr, pour remplir ces
tâches, l'ajout de personnel compétent ayant une expertise de
conservation - c'est-à-dire les professionnels que je viens de
mentionner, notamment les biologistes - s'avère donc essentiel.
Un objectif qui devrait découler de la création de l'OPEQ
serait, bien sûr, de mieux
desservir la population - ce qui transpirait à la lecture du
mémoire - d'assurer la protection de l'environnement avec beaucoup
d'efficacité et de transparence et, par-dessus tout, de
développer chez les Québécois, aussi bien que chez nos
homologues de l'Ontario et des provinces de l'Ouest, une tradition de
conservation qui puisse s'enseigner dans les écoles, qui puisse
être perceptible de la part de la population et qui puisse aller
au-devant, devant les annonces des compagnies pétrolières, de
nouveaux concepts environnementaux.
Alors donc, d'établir une tradition de conservation dans la
population québécoise, c'est-à-dire faire la promotion de
la conservation et permettre une éducation relative à
l'environnement. Concrètement, sans dire que ces programmes n'existent
pas - certes, ils existent - n'y aurait-il pas lieu de mettre en oeuvre plus de
sensibilisation à la protection de l'environnement et à
l'éducation de la nature, de développer toute forme de
partenariat acceptable, de relancer et d'établir davantage de programmes
éducatifs?
J'ai, finalement, deux éléments de réflexion. Bien
sûr, une question à laquelle nous n'avons pas eu de
réponse. La première: Dans quelle mesure ou comment le MENVIQ, ou
encore l'Office de protection, pourra appliquer les deux lois,
c'est-à-dire la Loi sur les espèces menacées et
vulnérables et la Loi sur les réserves écologiques,
sachant qu'il n'existe peu ou pas d'expertise en région concernant les
questions de conservation, surtout qu'il y a peu ou pas de recrutement de
biologistes et d'experts en matière de conservation depuis les
dernières années?
Finalement, on doit être conscient que les deux lois ci-haut
mentionnées n'ont pas, au cours des dernières années,
été réglementées. Pourquoi? Parce qu'elles peuvent
difficilement être opéra-tionalisées. Une
réglementation à caractère juridique n'est pas
évidente à produire. Tout ça pour dire: Est-ce qu'on
devrait retirer l'application de la Loi sur les espèces menacées
et de la Loi sur les réserves écologiques de la juridiction du
futur organisme? Merci.
Le Président (M. Garon): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je
remercie l'Association des biologistes et ses porte-parole, M. Bergeron et M.
Graham, pour le mémoire et la présentation verbale. Comme
ministre de l'Environnement, je prête beaucoup d'attention à vos
propos parce que, souvent, sur le plan environnemental, nous sommes
critiqués à l'effet que nos prises de position ne reposent pas
sur des analyses scientifiques. À partir du moment où on peut
compter sur des allies qui ont une formation de base dans un domaine
scientifique aussi important que la biologie, nos prises de position sont
d'autant plus crédibles.
Vous me permettrez, dans un premier temps - je sais que vous avez
surtout insisté dans votre mémoire sur tout l'aspect conservation
- de vous placer l'ensemble de la problématique du ministère de
l'Environnement telle que, comme ministre de l'Environnement, je la vois avec
un bref historique. Jeune ministère, le plus jeune au gouvernement,
créé début des années quatre-vingt, fin des
années soixante-dix pour répondre à des situations de
crise, sauf le Programme d'assainissement des eaux, à peu près,
qui a été le programme qui allait de l'avant... sur les 400 000
000 $ et quelques que vous avez mentionnés tantôt, et qui en
retient quelque 300 000 000 $ pour le service...
M. Bergeron (Jean-François): 990 000 $ pour l'exercice
1990-1991.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de la dette... Le
ministère a été bâti crise après crise, avec
un organigramme qui est devenu, à un moment donné,
inapplicable.
En 1989, on a tenté de reprendre le tout et de simplifier
l'approche du ministère de l'Environnement en fonction des
clientèles qu'il avait à servir. Nous avons créé
cinq sous-ministériats, trois très verticaux en fonction des
sources de pollution, des pollueurs: le sous-ministériat au milieu
industriel, le sous-ministériat au milieu municipal, le
sous-ministériat au milieu agricole comme tel, de façon à
ce que le client agricole, municipal ou industriel sache où aller et
qu'on sache, nous, comment le traiter. On a voulu rapprocher l'action du
ministère de la population. On a créé le
sous-ministériat aux opérations régionales. On a
créé les bureaux régionaux et, depuis deux ans, nous avons
plus que doublé le personnel dans les bureaux régionaux, je vous
le confesse, sans engager de biologistes additionnels au niveau des
régions. Le cinquième élément, le
sous-ministériat au développement durable, parce que, pendant
qu'on répare le passé et tente de gérer le présent,
il faut quand même avoir une vision de l'avenir. On a créé
un sous-ministériat dont c'est la responsabilité.
Sur le plan pratique, il nous fallait procéder, sur le plan
réglementaire et législatif, au plus urgent. En 1990, on a
adopté deux lois. La loi 65 sur les sols contaminés pour
appliquer le principe du pollueur-payeur, ça, on en avait un urgent
besoin dans des dossiers, qui était plus que pressant - pour ne pas les
nommer - Eldorado en Abitibi, la Balmet... À l'époque, on me le
souligne, vous aviez donné votre appui à ce projet de loi. Nous
avons également adopté le projet de loi qui a créé
la société d'État RECYC-QUÉBEC dans le domaine de
la récupération, du recyclage et de la mise en marché de
ces produits. (16 h 15)
On a adopté un règlement en 1990, c'est le
règlement qui limite le contenu en soufre dans le mazout lourd,
de façon à atteindre nos objectifs en ce qui concerne la
réduction des pluies acides. Ces objectifs, grâce à la
collaboration de tout le monde, y inclus l'Association québécoise
de lutte contre les pluies acides, ont été non seulement
atteints, mais dépassés. C'est un des rares dossiers où
nous sommes en avant sur nos objectifs environnementaux.
En 1991, le rythme législatif s'est accru de même que le
rythme réglementaire. On a, premièrement, adopté une loi
qui a permis à la Société québécoise
d'assainissement des eaux de poursuivre son mandat dans les petites
municipalités. On avait terminé les grandes municipalités,
il fallait faire les petites municipalités.
On a tenté de donner suite au rapport Charbonneau, toute la
question des déchets dangereux. On a changé la notion de
déchets dangereux pour la notion de matières dangereuses de
façon à permettre la réutilisation de certains produits.
Avant, on défendait même aux gens d'utiliser les déchets
dangereux lorsqu'il y avait des produits qu'on pouvait réutiliser dans
la chaîne de production. On donnait des portes de sortie aux pollueurs en
leur disant: Bon, bien, vous avez juste à plaider que vous vous en
êtes reservi dans un autre mode de production. Ils passaient à
côté, ils étaient acquittés par les tribunaux. On a
passé une loi, tous ensemble, la Loi sur la réduction des rejets
industriels. On avait déjà des pas de faits en assainissement
urbain. On n'avait pas grand-chose de fait en assainissement industriel. On
n'avait à peu près rien de fait en assainissement agricole.
Parmi les autres mesures mises de l'avant sur le plan
réglementaire, là aussi, on a procédé au plus
urgent: règlement sur les sablières et carrières,
règlement sur les neiges usées en concertation avec les unions
municipales, règlement sur les déchets solides et
règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage. Nous avons
prépublié des règlements qui devraient entrer en vigueur
sous peu: règlement sur les pâtes et papiers, règlement sur
les déchets biomédicaux, dont la date d'entrée en vigueur
est le 1er avril prochain. Il y a deux semaines, nous avons
prépublié le règlement sur les attestations
d'assainissement en milieu industriel. Notre calendrier réglementaire du
printemps est fort chargé. Sur le plan qui vous intéresse un
petit peu plus dans les autres actions, sur le plan de la protection des cours
d'eau, nous avons modifié la politique de protection des cours d'eau qui
ne s'appliquait qu'au fleuve Saint-Laurent et à ses affluents directs,
pour l'étendre à l'ensemble des cours d'eau de la province de
Québec.
En ce qui concerne les réserves écologiques, la Loi sur
les réserves écologiques a été adoptée en
1974. En 1989, il y avait 21 réserves écologiques qui avaient
été créées dans toute la province de Québec.
Depuis 1989, nous en avons ajouté 11 nouvelles et il y en a
présentement 7 qui sont rendues sur le plan politique. Le
ministère a terminé son travail sur le plan administratif. Nous
avons une programmation triennale de 39 réserves écologiques et
nous comptons bien atteindre cet objectif de 39. Le rythme de croisière
que nous avons présentement nous permet de penser que nous pouvons
atteindre ce rythme de croisière.
Au niveau des évaluations environnementales, les dossiers ont
été publics. Je pense que le ministère de l'Environnement
n'a reculé nulle part, ni dans le dossier Soligaz, ni dans le dossier
Grande-Baleine. Je pense que le processus environnemental auquel est soumis
Grande-Baleine présentement est un processus environnemental dont le
Québec peut être fier. Tous les partenaires y ont souscrit et il
se déroule sainement présentement, ce qui va nous permettre de
prendre des décisions éclairées en ce qui concerne le
dossier Grande-Baleine.
Depuis la dernière élection, c'est passé
inaperçu, ça se joue hebdomadairement... Le ministre de
l'Environnement, traditionnellement, siégeait au comité
interministériel du développement régional et de
l'environnement. Le ministre de l'Environnement, depuis la dernière
élection, siège également au comité
interministériel du développement économique, ce qui fait
qu'il n'y a pas d'intervention des ministères à vocation
économique en fonction de financer une entreprise, de lui accorder une
subvention, un avantage monétaire avec les taxes des contribuables tant
et aussi longtemps que cette entreprise n'est pas en règle avec le
ministère de l'Environnement du Québec. Ça, dans le
système, à l'horizontal, ça a créé beaucoup
de pression et ça a donné des résultats
intéressants. Je pourrais continuer. Je ne suis pas ici pour ça,
mais je voulais strictement vous donner le portrait.
Il y a un an, nous avons accentué la régionalisation du
ministère. Nous nous sommes rendu compte qu'à moins de
créer un office de protection de l'environnement, à moins de
transformer nos bureaux régionaux, notre division des bureaux
régionaux en office de protection de l'environnement, notre
régionalisation ne connaîtra jamais le succès qu'on lui
souhaite tous. La nature humaine étant ce qu'elle est, le fonctionnement
est à peu près comme suit, aujourd'hui. Le bureau régional
est chargé de l'application, d'émettre les certificats
d'autorisation, de faire le suivi du dossier, des inspections, etc. De
façon pratique, aussitôt que le dossier atteint un niveau de
complexité qui dépasse la simple étampe ou estampille, le
fonctionnaire au niveau de la région réfère le dossier au
niveau central. Le fonctionnaire au niveau central n'est pas triste de recevoir
le dossier parce que, quand il est réglé au niveau de la
région, c'est son pouvoir au niveau central qu'il ne peut pas utiliser.
Là, le dossier va de la région au central. La personne qui a
droit à une saine application, elle, se promène entre les deux
sans jamais
savoir qui décide. Les gens ne prennent pas ces
responsabilités-là tant qu'ils ne sont pas condamnés
à le faire par la loi. La création d'un office va
déterminer carrément que c'est à l'Office qu'appartient
cette prise de décision.
Deuxième élément. D'une région à
l'autre, les décisions varient. Vous avez des promoteurs qui sont venus
devant nous ici, devant cette commission parlementaire, nous disant: Si j'ai un
projet de telle nature dans la région A, les fonctionnaires me disent
que ça prend un certificat d'autorisation. Dans la région B,
même projet, pas de certificat d'autorisation requis. Il n'y a pas
d'uniformité d'application qui serait souhaitable sur le plan de la
réglementation. Je ne vous parlerai pas des malheurs du ministre de
l'Environnement, sur les épaules de qui tout ça retombe et qui
exerce à la fois le rôle de législateur, de membre de
l'Exécutif. Il rend des ordonnances et exerce également un
rôle judiciaire. Lorsque les trois pouvoirs - législatif,
exécutif et judiciaire - reposent sur les épaules de la
même personne, quelle qu'elle soit, moi je suis inquiet, que ce soit moi
ou une autre personne.
On veut tout simplement rendre notre système plus efficace. On
ajoute, on le fait à partir des ressources qui sont là. On
n'exclut pas l'ajout de ressources à l'avenir, on en a besoin, tout le
monde s'entend là-dessus. Mais, à partir des ressources qui sont
là, on se dit: Si l'Office gère l'application de la loi et des
règlements, ça va dégager le ministère de son
côté pour faire ce qu'on appelle sa planification, ses politiques,
sa législation, sa réglementation, ses politiques de
développement durable. Préciser les missions, ça devrait
normalement, en gestion, amener une plus grande efficacité et c'est ce
qu'on tente de faire avec l'Office.
Maintenant, vous autres, vous avez des préoccupations
particulières en matière de conservation. Vous êtes le
premier groupe qui le souligne aussi fortement. L'UQCN l'a effleuré,
mais vous êtes le premier groupe qui nous dites: Êtes-vous certain,
M. le ministre, que vous ne faites pas une erreur en voulant transférer
deux législations - qui sont de nature ou inspirées de la
conservation - dans l'Office? Vous n'avez pas les ressources dans le milieu, la
mentalité n'est pas là, vous allez avoir des difficultés
d'application. Tout ce que j'ai à vous dire, c'est que vous avez raison
de poser la question. C'est vrai que les ressources ne sont pas là;
c'est vrai que la mentalité, malheureusement, dans la plupart des
régions, n'y est pas, sauf que... Est-ce qu'on choisit ensemble de
maintenir la Loi sur les réserves écologiques et la Loi sur les
espèces menacées à la centrale ou d'en
déléguer l'application à l'Office? Si on ne l'envoie pas
à l'Office, jamais l'Office ne va développer cette
mentalité de conservation dans chacune des régions. Si ce n'est
pas mûr, je suis prêt à ne pas l'envoyer dans les
régions. Si on pense tous ensemble que ça serait souhaitable, que
le défi est important à relever, que c'est faisable et que
ça peut améliorer la conservation, moi je suis prêt
à l'envoyer en région. Autrement dit, je laisse la porte ouverte
et j'ai besoin de vos avis sur le sujet.
Une petite imprécision dans votre mémoire, la Loi sur les
réserves écologiques. Comme telles, les réserves
écologiques sont décrétées par
réglementation, la réglementation existe. L'autre loi - vous avez
raison de le souligner - sur les espèces menacées, il n'y a pas
de réglementation qui a suivi l'application de la loi.
C'est là-dessus que j'aimerais vous entendre, parce que j'ai
proposé de déléguer en région, mais, ce n'est pas
un dogme en arrière duquel je me cache. Je suis prêt à
reconsidérer cette décision.
M. Bergeron (Jean-François): Si je peux me permettre de
répondre. D'abord, je pense que vous avez fait une excellente
démonstration, qu'il y a une prise de conscience environnementale et
qu'il y a un souci de protection qui s'applique à tous les canaux
environnementaux au Québec. Pourquoi on a discuté de
conservation? C'est parce que ça nous tient à coeur et, surtout,
parce que les gens qui composent notre conseil d'administration, notre conseil
exécutif, sont des experts en questions d'écosystèmes,
d'habitats fauniques, de faune et de flore.
Pour vous avancer et vous dire qu'on n'a pas nécessairement une
expertise en région, ce n'est pas venu spontanément. Alors, suite
à une tournée d'appels téléphoniques pour rejoindre
des représentants des régions, ce que nous disaient nos
collègues biologistes en région, c'est que nous, on s'occupe des
questions agricoles, on s'occupe des questions industrielles, on s'occupe des
questions de déchets, on s'occupe des questions municipales. Mais c'est
quoi un écosystème de pessière à sphaigne? On ne le
sait pas vraiment. On l'a appris lorsqu'on était à
l'Université Laval ou de tout autre organisme. Puis, maintenant, pas
vraiment. Ça, ce sont des commentaires qui nous viennent de biologistes
en région.
Bon, il serait peut-être dommage de quitter cette Assemblée
en vous disant ce qu'on souhaite sans vous apporter de solutions. Pourquoi pas
créer du recyclage en région? C'est-à-dire que les
biologistes présents et les experts en conservation, on les prend, on
les recycle et on crée, on donne des programmes de formation continue,
programmes qui existent en Ontario, si ce n'est qu'au ministère des
Richesses naturelles. Ça implique... Il suffit de prendre 1, 2, 10 ou 20
techniciens, de les enfermer dans une salle et de leur dire: Bien, un
écosystème c'est fait de a+b = d. Ça se fait dans une
semaine. C'est une solution qu'on pourrait envisager.
Maintenant, il ne faut pas se cacher - on est très clairs - qu'il
y a un ajout de personnel
nécessaire. Les questions de conservation et
d'écosystème au Québec reposent sur la tête de 10
professionnels et un technicien. C'est très important à
souligner: 10 professionnels et un technicien qui sont responsables de tous les
dossiers de conservation au Québec. Il nous semble que c'est
insuffisant, non seulement chez nous à l'ABQ comme organisme, mais chez
nos pairs qui habitent et ont les pieds dans la boite. Alors, de créer
un organisme ayant des bureaux régionaux sans ajouter d'experts, c'est
une faute. Douglas, tu as certainement un commentaire.
M. Graham: J'aimerais juste ajouter ou dire de nouveau qu'on
n'est pas contre l'idée d'un office. On est peut-être un des rares
intervenants, cette semaine, à vous apporter ces bonnes
nouvelles-là. Mais, notre appui, c'est à condition que certains
problèmes qu'on voit dans le projet de loi soient réglés.
Le problème du transfert de pouvoirs à un organisme où il
n'y a aucun biologiste en région, c'est vraiment un point majeur. On
aimerait voir l'indication d'une volonté de votre part qu'il va y avoir
des ressources disponibles pour combler ces lacunes-là ou que vous nous
indiquiez qu'il y a un autre moyen pour régler ce
problème-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être pour
répondre. Pour donner le suivi à l'application de la
législation comme telle, entre autres, en ce qui concerne les
réserves écologiques, on a une certaine collaboration des agents
de conservation qui dépendent du ministère du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche. Avec un protocole d'entente, nous nous sommes
assurés que, pour le suivi comme tel, le respect de la
réglementation, ça ne touche pas l'aspect de la création
de réserves écologiques et ça ne touche pas toute la
notion de conservation de la nature comme telle. Ça touche
strictement... Il y a eu une réserve écologique de
créée dans tel secteur. Je suis agent de protection de la faune,
je dépends du MLCP. En même temps, je m'assure que personne ne va
s'infiltrer, saccager ou quoi que ce soit, faire des activités
interdites dans une réserve écologique. C'est le plus loin que
ça va, en région, présentement.
Mais si nous n'ajoutons pas de ressources et que nous maintenons le tout
au central, la problématique est la suivante: depuis deux ans, toutes
les ressources additionnelles ajoutées s'en vont en région. Moi,
je prédis que, quel que soit le gouvernement, quelle que sort la
gestion, les ressources additionnelles en environnement... S'il y a 1000
fonctionnaires à Québec et 800 en région, normalement, les
prochains vont s'en aller en région également. Si le dossier
n'est pas en région, on risque non seulement de se retrouver avec une
absence de cette notion de conservation au niveau de nos bureaux
régionaux, de nos bureaux de l'Office, mais d'être
condamnés à n'avoir que 11 ressources à Québec, les
ressour- ces étant ajoutées en région. Moi, je vous
soumets juste la problématique à laquelle je suis
confronté. Je suis conscient du risque d'éparpiller les 10
ressources actuelles. Ça ne me plaît pas. Il y a une synergie qui
va disparaître. Peut-être qu'on pourrait le faire en deux
étapes, attendre qu'il y en ait au moins un prêt à les
accueillir partout. Je ne ferme pas de portes. (16 h 30)
M. Bergeron (Jean-François): Je vais reprendre certains
des points qui ont été mentionnés. D'abord, un agent de
conservation, ça ne fait pas de gestion environnementale, ça fait
de la surveillance. Je vais vous donner un cas concret. Dans le cas de la Loi
sur les espèces menacées ou vulnérables, on aura plus de
300 espèces végétales - dans la loi, c'est bien
ça?
Une voix: Oui.
M. Bergeron (Jean-François): Alors, près de 300
espèces végétales qui sont désignées
menacées et vulnérables. Je vous dirai aujourd'hui que 95 % des
agents de conservation ne connaissent pas plus que deux espèces
vulnérables et menacées. Il y a un rôle de surveillance,
mais où est la connaissance? Je pense que c'est très important de
le dire. Bien sûr, tout le monde sait ce que c'est un béluga; on
en a vu dans le Saguenay. Mais il y a 300 espèces
végétales existantes.
Je pense qu'il ne faudrait pas se faire taxer de
«plantologues» ou d'observateurs d'oiseaux, mais je vais aller plus
loin dans mon raisonnement. Le fait de conserver des espèces rares et
vulnérables, ce n'est pas seulement pour préserver des
espèces qui ne sont à peu près pas visibles, mais il y a
toute une notion de milieu, d'écosystème, de milieu fragile. Si
on se bat sur le parterre de Grande-Baleine pour sauvegarder les estuaires, il
faudrait peut-être se battre à l'intérieur du territoire de
l'île de Montréal ou encore du Saint-Laurent pour revendiquer la
protection d'habitats dans le Saint-Laurent parce qu'ils ont des espèces
menacées et vulnérables.
Deuxièmement, bien sûr, on aura besoin de nouveaux
effectifs, qu'ils soient à caractère technique ou professionnel
ou de direction, mais il y a aussi des budgets d'opération qui devront
être greffés. J'ai obtenu, dernièrement, quelques chiffres
sur l'argent de fonctionnement pour les spécialistes du MENVIQ. Le
budget 1990-1991 était de 990 000 $, celui voté. L'argent
dépensé était de plus de 1 000 000 $ et quelques centaines
de mille. Mais, là-dessus, l'argent concret de réalisation de
travaux sur le terrain, pour l'application des deux lois, il y en a moins de
100 000 $. Alors, concrètement, si moi je suis biologiste et je loue un
hélicoptère pour aller je ne sais où, en Gaspésie,
sur des sites qui seraient menacés par la coupe forestière, eh
bien! je viens de sauter 10 000 $ sur 100 000 $. Je pense que si on veut
s'appeler «vert», si on veut se doter d'une étiquette
gouvernementale
verte et de protection de la nature... bien sûr, on doit
régler la question des pneus usés, mais on doit régler la
question des habitats fragiles, menacés, vulnérables, et qui
peuvent être affectés.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, au nom de
l'Opposition, il me fait plaisir de saluer M. Bergeron et M. Graham, de
l'Association des biologistes, et les remercier pour leur présentation.
Vous apportez un point de vue assez différent de l'ensemble des groupes
qui sont venus ici. C'est une contribution, donc, qui est originale, dans une
bonne mesure.
Avant de traiter de vos positions et de vous poser quelques questions,
je veux quand même réagir beaucoup plus succinctement que lui ne
l'a fait au préambule du ministre. Il continue d'affirmer que la seule
façon de renforcer les directions régionales, c'est de
créer l'Office de protection. Ce n'est pas exact. Ce n'est
évidemment pas exact. C'est tout à fait possible de continuer le
mouvement de régionalisation qui a été amorcé et
non seulement c'est possible, mais c'est souhaitable, sans pour ça
créer une nouvelle structure. La création elle-même d'une
structure nouvelle, sans y ajouter d'effectifs et de budget, il n'y a rien de
magique dans cette création d'une structure. Au contraire, je pense que
ça aura l'effet néfaste, nocif, de mobiliser les énergies
de plusieurs fonctionnaires, de créer de l'inquiétude dans le
ministère. Est-ce que je vais aller à l'Office? Est-ce que je
reste dans le ministère? Est-ce que je reste au central ou si je m'en
vais au régional? C'est tout ce climat d'incertitude,
d'insécurité qui prévaut actuellement dans le
ministère de l'Environnement. Alors, je ne voudrais pas que vous vous
laissiez séduire par le raisonnement du ministre qui essaie de faire
croire aux groupes que s'ils veulent une meilleure gestion du ministère,
centralement et régionalement, il faut qu'il y ait un Office. C'est tout
à fait faux.
Je vais plutôt m'attarder à votre contribution. Les
biologistes, non seulement la petite poignée qui travaille au
ministère, mais aussi, peut-être encore plus, tous les biologistes
qui, souvent, de façon bénévole, travaillent avec les
groupes environnementaux un peu partout au Québec, je pense qu'on leur
doit une fière chandelle. Je trouve que c'est scandaleux qu'il y ait
seulement une dizaine de biologistes au ministère de l'Environnement.
Vous faites ressortir l'importance du volet conservation et la
négligence dont ont été coupables les ministres de
l'Environnement depuis quelques années sur ce volet-là. Le
ministre nous dit, à chaque fois qu'il en a l'occasion, qu'il a
créé des réserves écologiques. C'est vrai. C'est
vrai, il en a créé un certain nombre. Bravo! Moi, j'aurais
souhaité qu'il en crée une au mont Pinacle, par exemple. Il n'est
peut-être pas trop tard pour le faire. Mais, en plus de créer des
réserves écologiques, il faut vraiment que l'apport original que
les biologistes peuvent donner, ça soit traduit par une augmentation du
nombre de postes de biologistes au ministère, autant dans les instances
centrales que dans les instances régionales.
Une contribution bien particulière que vous faites, c'est
d'inciter le ministre à profiter de cette occasion - à supposer
que son projet de loi soit adopté, et j'espère qu'il ne le sera
pas - vous l'incitez à faire preuve de transparence. Vous dites
textuellement, je vous cite: «La transparence en matière de
gestion environnementale apparaît dorénavant comme une
nécessité.» Je diffère légèrement
d'opinion avec vous. Ça m'a toujours apparu comme une
nécessité, pas rien que dorénavant. Mais je comprends bien
votre message, vous dites au ministre: Profitez de l'occasion pour instaurer
une plus grande transparence dans votre ministère aussi bien que dans
l'Office, s'il y a un Office. Vous avez absolument raison.
Les questions que je voulais poser... Commençons par la question
plus générale: Qu'est-ce que vous voyez comme problème
principal? Vous faites allusion au manque de budget, au manque d'effectifs.
Est-ce que c'est ça que vous voyez comme problème principal ou si
c'est autre chose que vous voyez, dans le ministère de l'Environnement
actuellement?
M. Bergeron (Jean-François): Avant de rentrer dans le
grand plan du ministère de l'Environnement, je pense qu'il faut
être clair que nos réticences ou appréhensions à
l'idée de la formation de l'OPEQ s'appliquent principalement au
transfert ou plutôt a l'application des deux lois, espèces
menacées et réserves écologiques en région. Dans la
mesure où le ministre et le ministère peuvent solutionner ce
problème, ça peut être intéressant.
Maintenant, il y a un manque de fonds, il y a un manque d'experts.
Lorsque je parle du manque d'experts, on regardait, dans les journaux, les
offres d'emploi de postes permanents depuis quoi? les deux dernières
années et il y en a eu peut-être une cinquantaine, et, sur ce,
deux, trois ou quatre postes de biologistes. Alors, je pense que les
biologistes doivent être davantage représentés. Pourquoi?
On a une expertise en écosystèmes en milieu naturel.
Maintenant, lorsque vous faites des remarques sur les groupes
environnementaux, certes nos biologistes sont parfois représentés
dans les groupes environnementaux. Mais je crois que, comme biologistes, notre
tribune première devrait être notre milieu de travail, qu'il
s'agisse d'un groupe environnemental ou d'un autre.
On nous demande la très importante et fastidieuse question: Quels
sont les problèmes à l'intérieur du ministère de
l'Environnement? Je
ne crois pas qu'on soit venus ici pour répondre à cette
question-là, précisément, et je n'ai pas envie d'y
répondre non plus. Mais ce qu'on doit dire, c'est que, personnellement,
comme biologiste qui a eu l'occasion de travailler dans les provinces
anglophones, qui a vécu dans les provinces anglophones et qui a
collaboré avec des collègues biologistes des provinces
anglophones, la tradition de conservation dans les appareils publics
anglophones existe dans les provinces anglophones depuis plus de 10 et 20 ans.
Alors, cette forme de tradition, on devra la perpétuer, et ça
signifie des effectifs supplémentaires.
M. Lazure: Je pense que vous avez raison. J'ai souvent fait
remarquer au ministre que, même s'il a créé un certain
nombre de nouveaux centres de conservation, de réserves
écologiques, il y a quand même au Québec beaucoup moins
d'espaces préservés ou réservés que dans la plupart
des autres provinces du Canada actuellement. Les Ami-e-s de la terre ont fait
sortir des chiffres il n'y a pas si longtemps. Il y a un autre groupement aussi
qui est venu à Québec il n'y a pas longtemps. Alors, je pense que
le Québec a un rattrapage important à faire dans ce
domaine-là.
Une autre question et je reviens à votre mémoire. Vous
dites, à la page 3, au haut de la page: «De plus, les
responsabilités du ministre de l'Environnement quant aux
activités de l'Office devraient être précisées
davantage pour que les actions de l'Office puissent être discutées
devant l'Assemblée nationale.» Pouvez-vous élaborer un peu
là-dessus?
M. Bergeron (Jean-François): Oui. Ce que je demandais au
président dernièrement et aux gens qui ont participé
à la rédaction du mémoire, y inclus moi-même, c'est:
Quelle est la composition du conseil d'administration de l'Office de protection
de l'environnement? On m'a dit que le C.A. serait composé de neuf
individus, soit un président, un sous-ministre et sept personnes
représentatives de groupes sociaux de la population. Les sept personnes
représentatives des groupes sociaux, d'où viennent-elles et
comment sont-elles nommées?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous retrouvez la réponse
à cette question à l'article 3 du projet de loi tel que
libellé présentement. «L'Office se compose de neuf membres,
dont le président et sept autres membres nommés par le
gouvernement ainsi que le sous-ministre de l'Environnement ou la personne que
ce dernier délègue à cette fin. Au moins un membre
provenant de chacun des domaines suivants est nommé après
consultation des groupes les plus représentatifs des domaines des
affaires, environnemental, municipal et syndical.» Pratiquement pariant,
c'est nommé par le gouvernement, mais il y a des consultations qui sont
rendues obligatoires auprès de ces groupements, de par le libellé
du texte de loi.
M. Bergeron (Jean-François): Serait-il possible de nous
dire quelques mots sur ces consultations? Quelles en sont les fonctions et la
forme?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pratiquement parlant, elles sont
de deux formes. Elles sont parfois proactives, c'est-à-dire que c'est le
gouvernement qui les sollicite. Dans d'autres cas, c'est le monde municipal ou
le monde syndical ou le monde environnemental qui propose des candidats. Il n'y
a pas de catéchisme en la matière. Le gouvernement tente de
retenir la personne qui dégage un maximum de consensus dans son
domaine.
M. Lazure: Moi, M. le Président, j'aimerais...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais j'ai retenu que vous aviez
noté qu'il n'y avait pas comme tel...
Le Président (M. Garon): Monsieur, avez-vous la parole ou
si vous ne l'avez plus?
M. Lazure: Oui, j'avais la parole.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! Excusez-moi. Ça va. Je
répondais à la question.
M. Lazure: Merci.
Une voix: II l'a perdue en cours de...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va.
M. Lazure: Je fais preuve d'une certaine
générosité aujourd'hui à l'endroit du ministre.
Une voix: C'est parce qu'il ne trouvait pas le dernier
renseignement...
M. Lazure: Merci. Écoutez, j'ai juste une dernière
remarque. Je pense que vous passez un message clair et que peu de groupes ont
passé devant cette commission. Il me semble, encore une fois,
indépendamment que le projet de loi soit adopté ou pas, que le
ministre devrait tenir compte de toute cette trame que vous dessinez
très bien où on a un double langage au ministère. On dit:
Oui, oui, oui, la conservation, c'est important; les biologistes sont
importants. Mais, quand vient le temps d'embaucher du personnel, et vous l'avez
bien démontré tantôt, on n'embauche pratiquement pas de
biologistes. Je pense que ça doit se faire, et je cite votre phrase,
vous dites: «La promotion de la conservation et l'éducation
à la conservation en relation avec les
réseves écologiques pourraient également demeurer
l'entière responsabilité du ministère de
l'Environnement.» Alors, peu importe ce qui arrivera au projet de loi,
c'est un message que vous passez au ministre: Faites quelque chose
immédiatement quant à l'éducation à la
conservation.
Il a beau nous dire: On a créé des réserves
écologiques. Mais moi je ne sens pas, et je suis quand même les
choses d'assez près, alors le citoyen moyen ne doit pas le sentir
beaucoup plus que moi, je ne sens pas que, dans ce ministère de
l'Environnement, il y a un accent suffisant qui est placé sur cette
éducation à la conservation, que ce soit l'éducation dans
les écoles, dans les cégeps, les écoles secondaires, les
écoles primaires, mais aussi une éducation populaire de
façon plus large.
Je veux vous remercier, au nom de l'Opposition, pour votre
contribution.
M. Bergeron (Jean-François): Merci bien.
Le Président (M. Garon): Alors, je suspends les travaux de
la commission pour quelques instants, le temps à l'Association des
biologistes de se retirer et aux représentants de la
Société pour vaincre la pollution de s'approcher à la
table.
(Suspension de la séance à 16 h 45)
(Reprise à 16 h 48)
Société pour vaincre la
pollution
Le Président (M. Garon): J'invite la Société
pour vaincre la pollution représentée par M. Daniel Green
à s'approcher à la table.
Immunité parlementaire demandée
Maintenant, M. Green, je ne sais pas... Vous m'avez écrit une
lettre le 10 mars 1992...
M. Green (Daniel): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Garon): ...concernant votre
présentation et je vais lire votre lettre. Et J'ai fait faire le tour de
la question concernant cette question que vous soulevez dans votre lettre. La
lettre m'est adressée comme président de la commission de
l'aménagement et des équipements. Vous dites: «Monsieur,
lors de la présentation de son mémoire portant sur les
modifications qu'elle proposera au projet de loi 412 le 17 mars prochain, la
Société pour vaincre la pollution aura à discuter de
certains cas actuels qui sont présentement devant les tribunaux.
«Il s'agira, notamment, des dossiers suivants: Lacroix vs le MENVIQ,
Flamand-Mine
Poirier, MENVIQ vs Laidlaw-ville Mercier, MENVIQ vs Stablex-Blainville,
ainsi que le contentieux qui oppose la Société pour vaincre la
pollution et le MENVIQ de même que plusieurs producteurs et gestionnaires
de déchets dangereux, devant la Commission d'accès à
l'information et la Cour d'appel du Québec. La Société
pour vaincre la pollution veut utiliser ces dossiers afin de fournir des
exemples concrets aux modifications qu'elle proposera au projet de loi 412.
Elle demande donc l'immunité parlementaire lors de la consultation
générale qui aura lieu le 17 mars à l'Hôtel du
Parlement. Bien à vous.»
C'est signé: Christine Labelle, pour Daniel Green.
Décision du président
Alors, j'ai demandé une opinion juridique pour faire le tour de
la question concernant ce que vous soulevez, puisque ce n'est pas
fréquent que les gens invoquent... Ce n'est presque jamais
arrivé, à toutes fins pratiques, que des gens le
soulèvent, comme vous le soulevez dans votre lettre du 10 mars 1992, en
m'écrivant et en m'indiquant votre intention de discuter de certaines
affaires qui sont devant les tribunaux lors de la présentation de votre
mémoire dans le cadre de la consultation générale publique
relative à l'étude du projet de loi 412. Vous demandez
l'immunité parlementaire lors de la consultation générale
qui a lieu aujourd'hui, ou actuellement.
Alors, il importe de préciser que la demande que vous faites
soulève deux questions distinctes, soit l'immunité parlementaire
et la règle du sub judice.
L'immunité dont jouit une personne qui participe aux travaux
d'une commission est prévue à l'article 53 de la Loi sur
l'Assemblée nationale qui se lit ainsi: «Le témoignage
d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission
ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est
poursuivie pour parjure.»
Le libellé de cet article semble accorder d'office
l'immunité à toute personne qui témoigne devant
l'Assemblée, une commission ou une sous-commission. Mais, selon l'avis
de la Cour supérieure dans l'affaire Turgeon et Sinclair c.
Théberge (jugement inédit rendu le 23 janvier 1987) «...le
législateur s'est exprimé clairement et sans équivoque en
utilisant les expressions "le témoignage" et "sauf... parjure" à
l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale de façon
à restreindre l'immunité qui y est conférée aux
propos tenus par un témoin ayant prêté serment ou ayant
fait la déclaration solennelle prévus à l'annexe II»
de la Loi sur l'Assemblée nationale. Ce sont les paroles du jugement.
Pour ces motifs, la Cour supérieure a refusé d'accorder
l'immunité de l'article 53 à une personne pour-
suivie en dommages-intérêts à la suite d'un
témoignage qu'elle a rendue devant une commission de l'Assemblée
nationale le 6 juin 1985.
D'aucuns pourraient critiquer cette interprétation de la Cour
supérieure. Il y en a qui peuvent être d'accord ou pas d'accord.
Mais pour une meilleure protection d'une personne qui témoigne en
commission, nous ne devons pas ignorer l'existence de ce jugement.
La prestation du serment ou de la déclaration solennelle est
prévue à l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale
qui dit: «Le président ou tout membre de l'Assemblée, d'une
commission ou d'une sous-commission peut demander à une personne qui
comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la
déclaration solennelle prévus à l'annexe II.» Le
texte est prévu à l'annexe.
En vertu du paragraphe 6 de l'article 7.1 des Règles de
fonctionnement concernant les commissions, c'est le secrétaire de la
commission qui reçoit les serments ou les déclarations
solennelles des témoins. Il appert de ce qui précède que
la prestation du serment ou de la déclaration solennelle est à la
discrétion du président ou de tout membre de la commission.
L'immunité de l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée
nationale, nous l'avons vu, fait en sorte que le témoignage d'une
personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne
peut être retenu contre elle devant un tribunal. Cette immunité ne
justifie toutefois pas cette personne à enfreindre les règles qui
régissent les travaux de l'Assemblée et des commissions. L'une de
ces règles est fondamentale; il s'agit de la règle du sub judice
codifiée au paragraphe 3° de l'article 35 du Règlement de
l'Assemblée nationale. Ce paragraphe est à l'effet que: «Le
député qui a la parole ne peut: [...] 3° parler d'une affaire
qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait
l'objet d'une enquêté, si les paroles prononcées peuvent
porter préjudice à qui que ce soit.»
Comme il est mentionné au paragraphe 505 de la 6e édition
de Beauchesne: «II s'agit d'une contrainte à laquelle la Chambre
s'assujettit elle-même dans l'intérêt de la justice et de
l'équité.» Le président d'une commission doit
également avoir à l'esprit l'intérêt de la justice
et l'équité lorsqu'une personne témoigne devant la
commission. C'est pourquoi il doit faire respecter l'article 35, paragraphe
3°, de notre règlement. Parce que les procès se font devant
les tribunaux, ils ne se font pas devant les commissions parlementaires. C'est
aussi simple que ça, au fond.
Les affaires dont vous voulez traiter dans votre lettre, selon ce que
vous indiquez dans votre lettre, M. Green, sont présentement toutes
devant les tribunaux, ce qui a été confirmé par le
contentieux du ministère de l'Environnement. Qui plus est, la plupart de
ces affaires sont de nature pénale. À cet égard, il est
pertinent de rappeler la mise en garde qu'a faite le président de
l'Assemblée nationale, le 10 mars 1992, lorsque le député
d'Ungava a questionné le ministre de la Sécurité publique
relativement à une enquête de la Sûreté du
Québec concernant des allégations d'irrégularités
commises dans le cas de deux sites d'enfouissement sanitaire. Comme cette
question faisait référence à une affaire pendante devant
un tribunal, le président a déclaré ce qui suit:
«...vous me permettrez ici de vous rappeler que l'article 35, 3°,
concernant le sub judice est très clair; il est adopté par
l'ensemble des parlementaires comme règle de fonctionnement. En
matière civile, la jurisprudence à l'Assemblée a
démontré que cet article fait en sorte que les questions dans les
procès en matière civile devraient être posées de
façon très minutieuse afin d'éviter de porter
préjudice à qui que ce soit. «En question pénale, la
règle est très stricte. Mes prédécesseurs, comme
présidents de l'Assemblée, et moi-même - dit toujours le
président - à certaines occasions, l'avons rappelé, en
matière pénale ou en matière criminelle, la règle
est très stricte: on n'en parle pas. Donc, si vous êtes dans une
matière civile et que vous faites référence à une
affaire civile, vous pouvez poser des questions, mais vous avez l'obligation,
comme député, de respecter la règle du sub judice et de
voir à son application.»
Il est à noter que la question du député d'Ungava,
qui a donné naissance à cette mise en garde du président
de l'Assemblée nationale, faisait référence à une
affaire dont veut nous entretenir, entre autres, M. Green.
En somme, M. Green ne peut discuter des affaires pénales qui sont
pendantes devant les tribunaux. Bien que moins stricte, la règle du sub
judice doit également recevoir l'application en ce qui a trait aux
affaires civiles et aux affaires devant la Commission d'accès à
l'information.
Afin de permettre aux représentants de la Société
pour vaincre la pollution de témoigner en toute liberté tout en
respectant la règle du sub judice, une séance à huis clos
pourrait avoir lieu. Les règles concernant le huis clos en commission
sont prévues à l'article 160 du Règlement de
l'Assemblée nationale ainsi qu'aux articles 12 et 13 des Règles
de fonctionnement concernant les commissions. Et je lis pour que vous soyez
bien informés. «160. Toute commission peut décider de se
réunir à huis clos, sur motion adoptée à la
majorité des membres de chaque groupe parlementaire. «Le secret
des témoignages entendus et des documents reçus par une
commission siégeant à huis clos, ainsi que celui de ses
délibérations ne peuvent être levés que dans la
mesure et dans les conditions déterminées par les
intéressés et par la commission à l'unanimité de
ses membres.» «12. Le secrétaire participe d'office aux
réunions que la commission tient à huis clos.»
«13. Seule une motion adoptée à l'unanimité
des membres, accompagnée du consentement écrit des
intéressés - selon l'article 13 - permet de lever, en tout ou en
partie, le secret des témoignages et des documents reçus par une
commission siégeant à huis clos. «Les textes de cette
motion et du consentement écrit sont publics. »
Alors, comme vous le voyez, c'est la commission qui décide s'il
doit y avoir un huis clos, mais tout en se rappelant que l'ordre de la Chambre,
c'est de tenir des audiences publiques sur le projet de loi 412 qui est un
projet de loi d'ordre public. Et les causes dont vous voulez nous entretenir
sont devant les tribunaux. Alors, moi, ma marge de manoeuvre n'est pas
très grande. C'est pour ça que les procès qui se font
devant les tribunaux, bien, les tribunaux ont des instruments pour faire des
procès. Mais nous, nous ne sommes pas équipés pour faire
des procès. Alors, on laisse aux tribunaux le soin de régler ces
questions-là. C'est pour ça que l'immunité parlementaire,
vous voyez que c'est bien circonscrit et moi, un conseil que je vous donne,
c'est peut-être de témoigner sans trop vous fier à
l'immunité parlementaire, surtout que vous voulez traiter de causes qui
sont devant les tribunaux et qui sont de nature pénale.
M. Green: Merci, M. le Président.
M. Maltais: M. le Président... Le Président (M.
Garon): Oui.
M. Maltais:... j'aimerais, comme membre de la commission,
recevoir la copie de la demande de M. Green, qui demandait l'immunité
parlementaire, et j'aimerais avoir une copie de votre jugement que vous venez
de rendre.
Le Président (M. Garon): Oui.
M. Maltais: J'aimerais aussi, par la même occasion... Je
n'ai pas trouvé dans mes dossiers une copie du mémoire que M.
Green veut nous présenter parce que...
M. Green: M. le député, une des raisons pourquoi je
n'ai pas soumis de mémoire, c'est que je voulais avoir une opinion.
Parce que j'aurais inscrit dans mon mémoire, par écrit, des
commentaires qui risquent d'être sub judice et, vu que je n'ai pas
l'immunité, donc, là, je suis obligé maintenant
d'épurer mon mémoire face à la décision, en tout
cas, l'avis du président de la commission. Et je ne vais pas pouvoir,
cet après-midi, suite à l'avis que me donne le président,
exposer concrètement comment certaines modifications qu'on trouve ou
qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi 412 pourraient éviter ce qui
se passe actuellement devant les tribunaux du Québec dans plusieurs
causes environnementales.
Alors, c'est pourquoi je n'ai pas de mémoire, c'est parce que je
voulais attendre la décision du président de la commission.
M. Maltais: o. k. alors, s'il n'y a pas de mémoire, je
pourrais avoir au moins copie de la lettre et copie de votre jugement, m. le
président? le président (m. garon): oui. je vais
faire parvenir une copie de la lettre à tous les membres de la
commission, parce que je l'ai lue. donc...
M. Maltais: Je comprends, c'est parce que, pour nous, c'est
important de...
Le Président (M. Garon): Oui, bien, je pense que c'est
important que tout le monde comprenne de quoi il était question...
M. Maltais: Oui.
M. Green: Oui. M. le Président...
Le Président (M. Garon):... et d'autant plus qu'il y a
beaucoup de points qui ne relèvent pas du président, qui
relèvent de la commission.
M. Green: Oui.
M. Maltais: C'est ça.
Le Président (M. Garon): Alors, je voulais que le portrait
soit clair au point de départ.
M. Maltais: Bien d'accord.
M. Green: M. le Président, en tant que demandeur de
l'immunité, pourriez-vous aussi nous faire parvenir une copie de la
décision?
Le Président (M. Garon): Oui...
M. Green: S'il vous plaît! (17 heures)
Des voix:...
M. Green: Alors, est-ce que je peux procéder à mon
témoignage?
Le Président (M. Garon): Oui.
M. Green: Donc, mon témoignage épuré de
toute connotation juridique devant les tribunaux, je vais essayer de faire bien
attention.
Présentation du mémoire en guise d'introduction, la
svp voudrait déclarer ce qui suit. la société pour vaincre
la pollution croit que le projet de loi 412 est une tentative du gouvernement
de réduire drastique-
ment l'imputabilité du ministre de l'Environnement et de
bureaucratiser encore plus le ministère de l'Environnement du
Québec. On a parcouru, évidemment, article par article et on a
trouvé des choses très intéressantes. Je pense que la
deputation devrait être au courant et, si vous voulez suivre simplement
avec la copie de votre projet de loi, ça pourrait être
intéressant.
Premièrement, l'article 2 dit que le lieu physique de l'OPEQ va
être à Québec. On a entendu le ministre Paradis nous dire
que l'OPEQ est un outil pour tenter une décentralisation. Alors, tout de
suite, on voit que l'OPEQ est physiquement situé ici, dans cette
ville.
De plus, si on regarde la composition de l'OPEQ, on remarque qu'il y a
un président, qu'il y a trois vice-présidents et qu'il y a un
sous-ministre ou son représentant, tout ce monde-là est
payé à temps plein; ils sont, comme de fait, des fonctionnaires.
Et, après, on a quatre postes de bénévoles non
payés. Là, on parie d'un Office, on parie d'un organisme qui a
des fonctions quasi juridiques, et on demande à un Office composé
minoritairement de personnes bénévoles de prendre des
décisions quasi légales au niveau de l'émission de permis
et de certificats d'autorisation. La SVP voit déjà dans la
composition de l'OPEQ un danger. On remarque qu'effectivement les membres
payés à plein temps risquent, finalement, de décider
l'ordre du jour des membres bénévoles, on voit même une
situation où les permanents de l'OPEQ risquent d'être en
opposition avec les bénévoles de l'OPEQ et on ne voit pas comment
la gestion environnementale du Québec va être
améliorée par la création d'un organisme quasi judiciaire
ayant des bénévoles qui vont prendre des décisions, des
votes, pour décider si un tel va avoir un permis, un certificat
d'autorisation.
De plus, la composition de l'OPEQ confirme pour la SVP que le projet de
loi vise une dilution de l'imputabilité du ministre et une augmentation
du pouvoir des fonctionnaires. Autrement dit, c'est encore les fonctionnaires
qui décident, mais, cette fois-ci, ces décisions sont encore plus
centralisées grâce à l'OPEQ.
Pour la SVP, l'OPEQ est une tentative de pseudo-démocratisation
de la gestion étatique de l'environnement au Québec. La
codification environnementale, il faut se comprendre, doit théoriquement
être très stricte. Une norme réglementaire qui
définit ce qu'est une pollution laisse peu de marge de manoeuvre: la
compagnie pollue ou elle ne pollue pas. Comment peut-on mettre au vote, dans le
cas d'un pollueur pris en flagrant délit, à savoir si on devrait
retirer son permis ou pas? Quelle sera la discrétion de l'OPEQ quand il
devra statuer sur une demande de permis ou sur une émission d'une
ordonnance? Le projet est-il conforme à la loi? Le rejet de l'entreprise
dépasse-t-il les normes? Les réponses à ces questions ne
se prennent pas par un vote de neuf personnes. Est-ce que le contrevenant
obéit à la loi ou s'il n'obéit pas? Et L'État a
donné ce pouvoir, actuellement en vertu de la Loi sur la qualité
de l'environnement, à un représentant élu du Parlement qui
s'appelle le ministre de l'Environnement et pas à des fonctionnaires
payés et des membres bénévoles de l'Office.
Dans l'OPEQ, on parie d'une protection sur les conflits
d'intérêts. Je dois admettre que j'ai trouvé, à
l'article 10, le concept de définir dans l'administration
environnementale au Québec la notion de conflit d'intérêts.
Je trouve que c'est un concept très intéressant. Si j'avais eu
l'immunité, j'aurais pu vous donner des exemples, actuellement,
où des fonctionnaires du ministère de l'Environnement ne tiennent
pas compte de cette notion de conflit d'intérêts. On pense
actuellement qu'il y a, qu'il y a eu et qu'il va y avoir de la corruption au
ministère de l'Environnement. On croit que cette disposition de conflit
d'intérêts, indépendamment si le projet de loi est
adopté, que la notion de conflit d'intérêts doit être
enchâssée dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Je
pense qu'il faudrait établir un code de déontologie qui va
même plus loin que les dispositions de la Loi sur la fonction publique;
je crois qu'il est pressant, sinon le ministère de l'Environnement, sa
confiance publique va être érodée à un tel point
qu'on ne va plus avoir confiance en cette institution parce qu'on ne va plus
avoir confiance aux fonctionnaires qui le peuplent.
On remarque que, dans le processus décisionnel de i'OPEQ, on
parie des procès-verbaux. Par contre, contrairement à un article
où, finalement, on dit que l'OPEQ... je pense que c'est l'article 45 qui
prévoit que l'OPEQ doit tenir des registres... on voit que les
procès-verbaux ne sont pas publics, ne font pas partie de la liste des
documents auxquels n'importe quel citoyen du Québec peut avoir
accès. Pourquoi? Pourquoi est-ce que le législateur a omis
d'inclure les procès-verbaux de l'OPEQ? Et le ministère nous dit
que c'est par souci de transparence que l'OPEQ a été
créé ou que ça va augmenter la transparence. Le fait que
les procès-verbaux de l'OPEQ ne sont pas des documents publics reconnus
en vertu de l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement
laisse présager que, loin d'être transparent, l'OPEQ va être
opaque.
À l'article 18 du projet de loi, le législateur liste une
série de pouvoirs et de fonctions de l'OPEQ, puis, à la SVP, on a
regardé un peu ce que ça voulait dire au niveau de
l'administration environnementale au Québec. On remarque, au point
1°, que c'est l'OPEQ qui identifie ses priorités d'intervention et
élabore ses orientations. Je ne comprends plus. Il semblerait que c'est
le ministre qui doit quand même garder l'objectif d'élaborer les
orientations du ministère et de «prioriser» les
interventions. L'OPEQ le fait lui-même; l'OPEQ, cet organisme quasi
judiciaire, décide ses orientations. C'est un peu comme si on
demandait à la Commission de protection du territoire agricole ou
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail de décider d'emblée de la catégorie des
travailleurs qui peut être indemnisée ou pas. C'est le rôle
du législateur. Encore, on voit qu'il y a duplication, le
ministère le fait déjà et, encore pire, il y a une
érosion de l'imputabilité ministérielle quant à son
obligation comme ministre élu d'établir les grandes orientations
de l'Office.
Au point 3° de l'article 18 qui dit qu'à la demande du
ministre l'OPEQ voit à l'application de programmes de restauration et de
prévention de la détérioration de l'environnement, on voit
encore ici l'illogisme dans la tâche que le gouvernement veut donner
à l'OPEQ. Donc, le ministre peut demander à t'OPEQ de faire
quelque chose, mais il est déjà dit dans le point 2° que
l'OPEQ doit faire quelque chose. Alors, c'est un peu comme si l'objectif du
ministre, c'est de garder un peu pour lui le contrôle dans l'intervention
environnementale de l'OPEQ. Alors, on se pose la question: Pourquoi
créer l'OPEQ si le ministre veut quand même garder le
contrôle? Alors, l'OPEQ va-t-il être indépendant? Va-t-il
être rapide? Va-t-il être moins lourd ou est-ce que ça va
être plus lourd parce que l'OPEQ va devoir voir si le ministre est
d'accord?
Avant de créer l'OPEQ, il me semble que le ministre aurait mieux
fait d'adopter, par exemple, le règlement qui définit c'est quoi
un sol contaminé. Le ministre parlait justement de l'adoption, il y a
à peu près deux ans, du projet de loi 65 qui lui permet
d'intervenir dans les cas d'Eldorado et de Balmet. Pourtant, le ministre n'a
pas encore adopté, même s'il a déposé en même
temps le projet de loi sur la décontamination des sols, le projet de
règlement. Actuellement, pour expliquer la situation, c'est que le
ministre dit: Je peux ordonner à une compagnie qui a pollué son
terrain de le décontaminer; mais je peux seulement lui ordonner de
décontaminer si la contamination dépasse des concentrations
prévues par règlement. Mais le ministre n'a jamais adopté
ce règlement. Nous avons une disposition législative qui n'a pas
force de loi parce que le règlement n'a jamais été
adopté, le règlement qui définit c'est quoi un sol
contaminé. Alors, avant de créer l'OPEQ, le ministre, il me
semble, pourrait faire beaucoup d'autres choses.
On dit, à l'article 18, 4°, que c'est l'OPEQ qui
reçoit les plaintes. Actuellement, en vertu de l'article 25 de la Loi
sur la qualité de l'environnement, n'importe quel citoyen peut
déposer une plainte assermentée au ministre et le ministre, s'il
confirme ce que le citoyen lui a dit, par exemple qu'une compagnie a
pollué un sol ou a pollué l'environnement, le citoyen doit
recevoir du ministre l'avis que le ministre envoie au pollueur. Donc, il y a
une certaine imputabilité ici. Autrement dit, la on troque l'OPEQ qui
doit ou qui ne doit pas informer les citoyens, l'OPEQ qui est composé de
neuf personnes plus ou moins anonymes par rapport à un ministre
élu imputable et redevable. Et je pense qu'il est important que les
députés sachent à cette commission le danger que la
création de l'OPEQ... Ce que l'OPEQ va créer, c'est une
érosion de l'imputabilité du ministre. En tant que citoyen, en
tant qu'en-vironnementaliste, je veux savoir que la personne ultimement
responsable, ce n'est pas neuf personnes anonymes à Québec; c'est
un ministre élu qui doit se lever et défendre ses positions en
Chambre, tous les jours, quand le Parlement siège. Et c'est ça
que moi, je veux avoir et c'est cette protection démocratique que moi,
je veux avoir par rapport à la gestion environnementale du
Québec.
Évidemment, c'est d'autant plus important d'avoir un ministre qui
reçoit les plaintes qu'il y a certains cas - malheureusement, que je ne
peux pas mentionner - où on s'aperçoit que les fonctionnaires
eux-mêmes étaient au courant, même avant qu'on dépose
la plainte, et les fonctionnaires n'ont absolument rien fait. C'est pourquoi il
est important d'avoir un ministre responsable pour intervenir quand les
fonctionnaires ne font pas leur travail. Il y a beaucoup de cas que j'aurais
à mentionner, mais que je ne peux pas cet après-midi.
C'est étrange qu'à l'article 18. 6° on dise qu'en
collaboration avec le ministre l'OPEQ conçoit des programmes de
formation et d'information dans les domaines de la compétence de l'OPEQ.
C'est en collaboration avec le ministre. C'est un peu comme si le ministre se
sent un peu isolé des décisions de l'OPEQ. Et, finalement, c'est
intéressant d'avoir un OPEQ, parce que le ministre est maintenant
isolé, c'est l'OPEQ qui prend les décisions. Si l'OPEQ se trompe,
c'est l'OPEQ qui doit porter l'odieux de la mauvaise décision. Et on se
pose la question, à savoir si l'OPEQ n'a pas été
créé vraiment de façon à protéger le
ministre de l'Environnement, qui risque d'être
«contaminé» par les décisions impopulaires de l'OPEQ.
C'est justement pourquoi la SVP croit que l'imputabilité de
l'élu, dans ce cas-ci, du ministre de l'Environnement, doit rester et
doit primer dans la gestion environnementale du Québec. (17 h 15)
Pour ce qui est des programmes d'information, à la SVP on a vu
comment le ministère de l'Environnement gère l'accès
à l'information. On a vu, lors d'un témoignage de la
sous-minlstre adjointe, témoignage sous serment de la sous-ministre
adjointe...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Bélanger): Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...question de règlement.
Je pense que vous entrez, M. Green, à
ce moment-là, devant un témoignage qui...
M. Green: Ça a été déclaré
dans les journaux, tout le monde en a parlé...
Mme Pelchat: C'est encore devant le tribunal.
M. Green: Même Mme Cléroux a... Mme Pelchat:
C'est encore sub judice.
La Présidente (Mme Bélanger): C'est quand
même devant les tribunaux et je vous demanderais d'être très
prudent.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): en tout cas, je vous appelle
à la prudence. si vous voulez le faire pareil, je ne m'objecterai pas
formellement.
M. Green: D'une façon ou d'une autre, on a aussi
appris...
La Présidente (Mme Bélanger): ...mais moi, la
présidence va s'objecter.
M. Green: Nous avons aussi appris, puis ça a
été confirmé, que, finalement, le ministère de
l'Environnement aurait envoyé de l'information non
vérifiée à la commission Charbonneau. Nous avons aussi
appris, dans nos délibérations, que les agissements du
ministère de l'Environnement dans tout le domaine de l'accès
à l'information laissent beaucoup à désirer. Je pourrais
en dire beaucoup plus, mais on m'a averti.
On ne croit pas, par contre, que l'OPEQ va aider à augmenter la
transparence du ministère. On pense que la bureaucratisation de l'OPEQ
risque même de rendre plus difficile le droit légitime à
tout citoyen du Québec d'avoir accès à de l'information
environnementale qui le concerne.
On trouve étrange aussi, à l'article 19 du projet de loi,
que l'OPEQ peut donner avis au ministre et que le ministre peut consulter
l'OPEQ. On trouve étrange que le ministre a déjà un outil
qui s'appelle le Conseil de la conservation et de l'environnement. Ce
Conseil-là existe depuis 20 ans; il est indépendant du ministre
et de l'application des lois et des règlements. On trouve étrange
qu'un organisme quasi judiciaire risque d'être dans une situation de
donner avis sur un règlement qu'il va être censé
administrer lui-même. Je pense que ça va contre le principe de la
séparation fondamentale entre le pouvoir législatif et le pouvoir
judiciaire. Et je demande aux députés de faire bien attention
à cette association dangereuse qui risque d'exister entre l'OPEQ, la
législation qu'il doit appliquer et cette relation qui risque
d'être incestueuse entre le ministre et l'OPEQ.
À l'article 22 du projet de loi, on voit que l'OPEQ a tous les
pouvoirs pour conclure une entente avec un autre gouvernement, avec un autre
pays. Évidemment, il y a une petite protection, avec, évidemment,
l'autorisation du gouvernement. En lisant ça, je suis tombé de ma
chaise. La souveraineté que donne le ministre à l'OPEQ pourrait
faire rougir d'envie bien des indépendantistes. Comment est-ce qu'on
peut donner à un organisme quasi judiciaire composé de
non-élus le droit de négocier des ententes environnementales avec
un autre pays, avec un autre État? Laisser à la bureaucratie le
pouvoir de conclure des ententes donne des choses comme on a vu avec l'entente
fédérale-provinciale sur le fleuve Saint-Laurent où,
finalement, on dépense 110 000 000 $, et je ne sais pas combien de
militons du côté provincial, sans qu'il y ait un iota de
participation publique prévue dans l'entente, ou encore, par exemple,
dans l'entente sur la qualité des eaux des Grands Lacs-fleuve
Saint-Laurent, où un bureaucrate du ministère de l'Environnement
a empêché que le fleuve Saint-Laurent au Québec soit inclus
dans cette entente internationale parce que lui avait peur que le Québec
perde la souveraineté sur son fleuve, même si le fleuve est
pollué par les Américains. Alors, moi, je pense que c'est
dangereux de donner encore à un office de fonctionnaires...
La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M.
Green.
M. Green: ...donner à des fonctionnaires le pouvoir de
négocier des ententes.
En conclusion, madame. La SVP croit que c'est Pierre Paradis, le
ministre de l'Environnement, un homme élu par les citoyens de son
comté, nommé comme élu au poste de ministre de
l'Environnement, qui doit conserver toute responsabilité d'un
système démocratique qu'on lui donne comme député,
et il doit exécuter son mandat comme ministre de l'Environnement, et son
mandat et le serment d'office qu'a faits Pierre Paradis l'obligent à
servir le Québec dans sa capacité comme élu et, encore
plus important, comme ministre chargé d'administrer les lois et les
règlements visant à protéger le patrimoine environnemental
du Québec. Et je cite les fonctions du ministre, à l'article 2 de
la loi...
La Présidente (Mme Bélanger): Alors, 30 secondes,
monsieur.
M. Green: O.K. Promouvoir l'assainissement; conseiller le
gouvernement en vue de prévenir la détérioration de
l'environnement; protéger les espèces vivantes. Autrement dit,
nous croyons que la création de l'OPEQ sera, d'après nous, un
effilochement de la courroie de transmission entre le citoyen, contribuable
électeur, et l'élu, député-ministre, en
matière de gestion de l'environnement du Québec. Merci.
La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Green. M.
le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le groupe SVP et son
porte-parole, M. Green. Je n'ai pas l'intention de reprendre ce que j'ai
mentionné tantôt; je pense que vous étiez présent
dans la salle. Et, de façon à éviter à se
répéter, je prends pour acquis que vous l'avez compris et que
vous avez une bonne vue du portrait d'ensemble.
Vous partez d'une notion qui sous-tend à peu près toute
votre argumentation qui est la suivante, et je dis «à peu
près toute»: l'OPEQ serait un organisme quasi judiciaire. Vous la
reprenez dans 75 % des arguments que vous apportez. Nous avons eu le plaisir de
recevoir devant cette commission des organismes ou des groupes
spécialisés dans ces sujets, le Centre québécois du
droit de l'environnement, pour en mentionner un, le Barreau du Québec,
et personne ne semble partager l'opinion ou la prémisse que vous prenez
chez ces spécialistes ou ces juristes spécialisés dans le
droit administratif. Ils sont plutôt d'opinion que l'OPEQ serait un
organisme de nature administrative qui, de façon exceptionnelle,
pourrait poser des actes quasi judiciaires dans le cas strictement des
ordonnances qu'il aurait à rendre. 98 % du travail de l'OPEQ serait
administratif, donc ils s'entendent tous pour qualifier l'OPEQ d'organisme
administratif. Donc, tous les propos sur le quasi-judiciaire, je suis
prêt à le réviser, demander des opinions
supplémentaires au Procureur général du Québec,
suite à votre intervention, mais c'est l'opinion... On m'a même
dit qu'on avait consulté Me Patrice Garant qui est un expert en droit
administratif et qui était d'accord avec le Centre
québécois et le Barreau du Québec.
Vous parlez, au tout début, du siège social, de toute la
question de la régionalisation versus le siège social. Je ne peux
pas suivre votre raisonnement là-dessus. Il faut établir le
siège social quelque part et, de façon pratique, la loi ne permet
pas d'établir 12 sièges sociaux ou 16 sièges sociaux. Il
faut choisir un endroit parmi toutes les régions du Québec
où le siège social va se situer et la règle veut qu'on
tente de situer les sièges sociaux dans la capitale ou dans le
territoire de la communauté urbaine. Ça n'a rien à faire
ni de près, ni de loin avec le degré de décentralisation
et de régionalisation que vise à atteindre le projet de loi qui
crée l'Office de protection de l'environnement.
Quant à la composition comme telle de l'Office, vous faites un
raisonnement entre les membres payés et non payés, le
président, les vice-présidents, etc. Je pense que vous avez
dû lire rapidement les articles qui touchaient ce sujet. Les
vice-présidents, à titre d'exemple, ne siègent pas au
conseil d'administration. De mémoire, le seul membre payé qui
siège au conseil d'administration, c'est le président...
Une voix: Le sous-ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...le sous-ministre, excusez,
comme ça se produit dans à peu près tous les organismes
gouvernementaux. Donc, je ne vois pas là la dichotomie qui pourrait
exister entre les membres bénévoles qui forment la grande
majorité et les membres permanents qui, oui, ont plus accès au
dossier, à monter le dossier, etc. Ça, je vous l'accorde, c'est
un danger qui guette chacun des organismes et il faut être prudent. Mais
je vais revérifier. Ma lecture, c'est que les v.-p. n'étaient pas
là, sur le conseil d'administration. S'il faut modifier, nous
modifierons.
Dans les pouvoirs du conseil d'administration, je ne sais pas où
vous avez pris dans le projet de loi que les permis seraient émis au
vote du conseil d'administration. Les articles de la loi me semblaient assez
clairs et précis que ça procédait de façon
déléguée; l'article 20, son libellé semble assez
précis. S'il y a moyen de le resserrer pour vous rassurer qu'un permis
ne sera pas émis au vote ou qu'une inspection ne sera pas
décidée au vote du conseil d'administration, je suis prêt
à demander aux légistes de regarder ça à nouveau,
si vous avez été inquiété. Parce qu'on va pouvoir
bénéficier de votre texte quand même; tout ce qui est dit
ici est enregistré et, une fois qu'on aura le texte, on pourra le
réviser plus attentivement.
Le conseil d'administration, son rôle, c'est le suivant: adoption
des orientations et priorités d'intervention de l'Office, adoption du
budget avant son approbation par le Conseil du trésor, adoption du
rapport annuel, adoption des règlements de régie interne,
responsable du bureau des plaintes et...
M. Green: Vous lisez ça où, M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): à partir des documents qui
ont servi à la préparation du projet de loi. ce sont les
documents dont les légistes se sont servis pour...
M. Green: Donc, ce n'est pas dans le projet de loi.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous voulez le retrouver comme
tel, je vous réfère à l'article 18 qui traduit exactement
ce que je viens de vous dire dans la loi comme telle.
Maintenant, en ce qui concerne les procès-verbaux publics, vous
avez attiré mon attention là-dessus; moi, je le retiens. Je n'ai
pas de motif présentement qui m'indique pourquoi les
procès-verbaux ne devraient pas être publics compte tenu des
dispositions de la loi d'accès à l'information. Je vais
vérifier. C'est une suggestion qui est intéressante.
Vous avez fait un petit aparté sur le projet de loi 65 et la
réglementation qui devait nor-
malement en découler, et là vous m'obligez à y
revenir. Vous avez dit: Vous vous êtes servi du projet de loi 65 dans le
cas d'Eldorado; vous vous êtes servi du projet de loi 65 dans le cas de
la Balmet, etc. Vous avez raison, on s'en est servi. Mais vous ne pouvez pas en
même temps dire qu'on s'en est servi puis que ça prend absolument
une réglementation pour qu'on s'en serve puis qu'on n'a pas de
réglementation. Je pense que vous devriez relire attentivement les
articles suivants du projet de loi, 31.43 et 31.42...
M. Green: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...deuxième alinéa,
et 31.43, deuxième alinéa...
M. Green: Oui.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...pour vous rendre compte que, si
vous appliquez à cette législation le jugement de la Cour d'appel
dans le dossier Alex Couture, vous nuiriez à la cause environnementale
en publiant des règlements présentement qui découleraient
du projet de loi. Suite à la décision de la Cour d'appel, nous
avons choisi de ne pas publier la réglementation parce que le
libellé, et nous l'avions prévu au moment du dépôt
du projet de loi, nous permet quand même d'agir à partir de
critères dont le ministre peut se servir sans la réglementation
et, à date, nous n'avons pas eu de cas qui nous ont
paralysés.
M. Green: Oui, mais est-ce que je peux...
La Présidente (Mme Bélanger): Un instant. (17 h
30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous pourrez y revenir
tantôt, mais je vous le soumets parce que c'est important que ce soit
mentionné.
Vous parlez de la question de l'OPEQ et des relations possiblement
incestueuses avec le ministre. Il y a un délicat équilibre
à conserver, et je vous le concède, entre le fonctionnement d'un
organisme dont vous conservez, comme ministre, la responsabilité devant
l'Assemblée nationale du Québec et devant l'ensemble de la
population, et son indépendance lorsqu'il doit rendre des
décisions quasi judiciaires. Mais vous demeurez responsable de cet
organisme-là.
Je pense que, si vous regardez les autres ministères qui ont plus
d'âge, plus de culture, plus d'expérience au gouvernement du
Québec, ils ont à peu près tous un bras d'exécutant
et le ministre comme tel demeure celui qui, devant l'Assemblée
nationale, est imputable et responsable s'il y a de la malversation. Le
président de tantôt est un ancien ministre de l'Agriculture;
à la Commission de protection du territoire agricole, celui qui en
répond devant l'Assemblée nationale du Québec en vertu de
la loi, c'est le ministre. S'il y a de la malversation dans les certificats
d'autorisation émis par un office de protection de l'environnement, je
vous soumets bien humblement et bien respectueusement que c'est le ministre de
l'Environnement, quel qu'il soit, qui en répond devant les élus
du peuple, devant l'ensemble de la population et qui en porte tout le poids et
toute la responsabilité politique.
Je ne pourrais pas... Là, je m'excuse, je n'ai pas repris tous
les arguments, mais il y en a un qui m'est apparu, à la fin, totalement
important dans le contexte d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale,
la possibilité pour l'OPEQ de signer des ententes avec d'autres
organismes d'autres gouvernements, toute la question de rendre jaloux mon ami
d'en face, le député de La Prairie. Je pense que votre lecture
fait totalement abstraction de l'application de la Loi sur l'exécutif,
qui oblige même un ministère, quel qu'il soit, lorsqu'il signe une
entente avec un autre gouvernement, à faire endosser le tout et
approuver le tout non pas par le ministre, mais par le Conseil des ministres,
par le gouvernement. Il est impossible pour un ministère, quel qu'il
soit, de poser le moindre geste de juridiction extraterritoriale, d'entente de
coopération sans, premièrement, obtenir le mandat précis
du Conseil des ministres à cet effet, du gouvernement du Québec,
et sans que cette négociation, que cette entente soit, par la suite,
ratifiée par le Conseil exécutif. Cette loi ne fait pas exception
à cette Loi sur l'exécutif. Je comprends que ce n'est pas
expressément mentionné, mais ça fait partie de ce qu'on
appelle le fonctionnement de l'appareil gouvernemental. Je pense que,
là-dessus, ça a passé à suffisamment de places au
gouvernement que, si ça avait été le cas, ça aurait
été un tollé.
Tout ça pour vous dire que, si vous replacez votre intervention
dans l'à-propos du projet de loi comme tel, on se retrouve avec, oui, un
peu plus de transparence, là, je vous suis, on se retrouve sur une
question d'efficacité. Sur le plan de l'efficacité, moi, je dois
conclure, après deux ans comme ministre de l'Environnement, que cette
efficacité-là ne sera pas atteinte si la régionalisation
n'est pas poussée par le ministre de l'Environnement et si cette
régionalisation n'est pas condamnée législativement, par
la création d'un Office de protection de l'environnement, à
prendre des décisions dans chacune des régions du Québec,
proche des problèmes environnementaux et proche du milieu
environnemental où on vit.
Vous pouvez ne pas partager cette opinion, moi, je ne m'en offusque pas,
mais je voudrais que votre ratio decidendi soit basé sur des
éléments plus factuels. Présentement, j'attends, d'abord,
votre mémoire par écrit, je vais le réanalyser, mais les
erreurs de fait m'apparais-sent suffisamment importantes que je me devais de
souligner celle-là entre autres.
En ce qui concerne la Commission d'accès à l'information,
le plus important intervenant au gouvernement du Québec, c'est le
ministère de l'Environnement; on reçoit, en moyenne, 500 demandes
par année d'accès à l'information. On a 3 % de nos
dossiers, c'est-à-dire 15 dossiers par année, à peu
près, qui se retrouvent devant la Commission d'accès à
l'information. C'est trop, je vais vous le dire, mais, toutes proportions
gardées, on tente de donner toute l'information, sans que la personne
ait besoin d'avoir recours à la Commission d'accès à
l'information. Mais, malgré ces efforts que nous faisons, il reste
encore 15 dossiers par année qui sont référés
à la Commission d'accès et on trouve que c'est encore un peu
trop.
La Présidente (Mme Pelchat): Merci. M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Au nom de
l'Opposition, je veux remercier M. Green et son groupe pour la contribution
qu'ils nous apportent aujourd'hui aux travaux de cette commission. Le message
principal que vous passez au ministre de l'Environnement, comme la très
grande majorité des autres groupes qui sont venus, c'est:
Écoutez, au lieu de créer un Office qui n'apportera aucun budget
nouveau et qui n'amènera aucun personnel nouveau, commencez donc par
vous occuper de faire mieux fonctionner le ministère actuel, notamment
en faisant rédiger, de façon plus diligente, les
différents projets de règlement qui tardent beaucoup, comme on le
sait. Vous avez donné un exemple. Dans mes remarques
préliminaires au début des travaux de la commission, j'ai
donné d'autres exemples. Il y a au moins quatre projets de loi où
les règlements ne sont pas encore connus.
Nous, on dit, l'Opposition, que le ministre fait fausse route pour une
multitude de raisons. Une structure qui sera bicéphale,
moitié-moitié, un ministère, un Office, ça ne sera
certainement pas de nature à améliorer la coordination entre le
personnel chargé de préparer les règlements et les lois et
le personnel chargé de les appliquer. Déjà, dans une
même boîte, on a de la difficulté à avoir une bonne
coordination. Donc, il y a une multitude de raisons qu'on a fait valoir durant
toutes ces journées. On achève les travaux de la commission.
Ça se termine ce soir. Je ne veux pas toutes les répéter,
mais je veux m'attarder à un motif fondamental que vous mettez en
relief: c'est le désengagement politique du ministre. Et je l'ai fait
valoir dès le début. Le ministre a beau dire: Bien, la Commission
de protection du territoire agricole, c'est le ministre de l'Agriculture qui en
répond. D'accord, il en répond de temps en temps à
l'Assemblée nationale, mais personne ne va nous faire croire que
ça ne crée pas une certaine distance entre les preneurs de
décisions au jour le jour, c'est-à-dire les gens de l'Office, et
la personne respon- sable élue par la population. Ça crée
une distance encore plus grande que la distance qui existe actuellement entre
le ministre et ses fonctionnaires, et ça c'est dangereux pour la
démocratie.
M. Green, je pense que vous nous faites un plaidoyer éloquent,
comme d'autres l'ont fait, et je pense que le ministre a intérêt
à s'arrêter, à réfléchir sérieusement.
On ne peut pas, dans un sujet aussi fondamental que la préservation de
l'environnement, la qualité de l'environnement -parce que ça
touche à la santé dans bien des cas - se permettre de diminuer
l'imputabilité du ministre. Et, créer un Office comme ça,
veux veux pas, va diminuer l'imputabilité. Et moi, ça me frappe
que le même gouvernement qui, semble-t-il, veut adopter un projet de loi
comme celui-là qui va diminuer l'imputabilité du ministre, dans
une autre commission - la commission du budget et de l'administration... Nous
avons rendu public un rapport communément connu sous le nom de rapport
Lemieux-Lazure, un rapport qui a fait l'unanimité des deux
côtés de la Chambre et dans lequel nous demandons que les
fonctionnaires soient davantage imputables de leurs actions... Le même
gouvernement qui dit: II faut que les fonctionnaires répondent plus de
leurs actions, aux élus qui représentent la population... Bon,
bravo, on a fait un front commun là-dessus, le parti gouvernemental et
l'Opposition. Mais, pendant ce temps-là, un des ministres dit: Ah, moi,
je ne vais pas dans ce sens-là. Je vais dans l'autre sens. Je vais me
soustraire, en partie, à l'imputabilité. Et ça c'est
dangereux. Et le terme que vous utilisez est tout à fait pertinent:
«l'érosion de l'imputabilité».
Vous avez fait allusion à la mentalité qui s'est
développée depuis quelques années au ministère de
l'Environnement, une mentalité de secret, la culture du secret.
Qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est pas vrai que ça sera moins secret
dans un office que dans un ministère. Si le ministre est vraiment
sincère quand il dit: Moi, je n'ai pas de problème, j'ouvre les
livres tout grand... D'abord, il ne l'a pas démontré depuis deux
ans et demi. Au contraire, à quelques reprises, depuis deux ans et demi,
il a rappelé ses fonctionnaires à l'ordre en leur disant: Vous ne
parlez pas aux médias, etc. Alors, vous avez même eu une situation
où le ministre demande à la Commission d'accès à
l'information de venir enquêter sur ses fonctionnaires. Ça frise
quasiment le ridicule.
Mais, Mme la Présidente, moi je trouve que la SVP qui, depuis
plusieurs années, avec des moyens très modestes, avec quelques
autres groupements environnementaux, ont été des pionniers dans
la surveillance, la préservation de l'environnement... Et moi je crois
que c'est le prix qu'on doit payer, qu'un gouvernement doit payer, quel que
soit le parti au pouvoir, pour être régulièrement mis en
garde contre des excès, soit l'excès de secret dans un
ministère,
soit l'excès de désengagement par la création d'un
office. C'est le rôle d'organismes comme SVP. Et il joue bien ce
rôle-là avec des moyens très, très modestes
même si, souvent, n'importe quel gouvernement ne sera pas à l'aise
devant les critiques qui sont formulées. Mais je pense qu'il faut rendre
hommage au travail que SVP accomplit depuis plusieurs années.
Mme la Présidente, je ne veux pas prolonger mes remarques. Je
pense que le message fondamental du groupe SVP, c'est: N'adoptez pas ce projet
de loi, si je comprends bien - je vais laisser à M. Green le soin de
réagir - mais si vous l'adoptez, au moins, changez des choses qui sont
majeures. Et vous avez donné quatre, cinq exemples qui sont
particulièrement frappants comme les procès-verbaux qui doivent
être rendus publics, conflits d'intérêts, etc. Est-ce que
j'ai bien compris votre présentation?
M. Green: Oui, effectivement, M. le député. Il y a
évidemment d'autre chose. Le ministre parlait de la procédure de
révision et appel. Dans l'ancien régime, la Commission municipale
avait au moins la... On donnait au moins la possibilité... L'article 100
de la loi actuelle le dit, n'importe qui peut intervenir devant la Commission
municipale. On ne le voit pas dans le projet de loi. Il y a finalement une
procédure actuelle, on parlait de publier une décision dans un
quotidien, on ne le voit pas dans le projet de loi. Il y a des douzaines de
petites coquilles dans le projet de loi 412 qui vont rendre mon travail, en
tant qu'environnementaliste québécois, plus difficile. Si c'est
ça l'objectif du ministre, il a réussi. Merci.
M. Lazure: Au nom de l'Opposition, je veux remercier SVP et M.
Green pour leur contribution.
La Présidente (Mme Pelchat): M. le ministre de
l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est évident que vous avez
d'autres occupations que de suivre les travaux de cette commission. Parmi les
coquilles que vous avez mentionnées, le droit d'être entendu,
etc., nous avons déjà indiqué les intentions
gouvernementales de corriger les coquilles... D'autres groupes, et vous le
faites aussi, à juste titre, ont attiré notre attention
là-dessus. Nous avons déjà indiqué que nous
étions pour apporter ces corrections dans ces coquilles pour ne pas que
votre travail soit rendu plus difficile. M. Maltais.
La Présidente (Mme Pelchat): Ça va? M. Green:
Merci.
M. Maltais: Est-ce qu'il me reste du temps?
La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de
Saguenay, vous avez deux minutes.
M. Maltais: Je reviendrai plus tard, madame. Mais je vais juste
en profiter... C'est pour mon collègue, j'aimerais ça qu'il
s'assoie une minute. Vous avez beaucoup parlé de clarté, de
limpidité, de... M. Green en a parlé, tout le monde en parle; la
vertu, il n'y a personne qui est contre ça. Tous ceux qui sont venus -
ceux qui sont dans la salle qui vont venir tantôt - ont parlé de
limpidité, clarté et c'est fortement soutenu par vous-même,
mon cher collègue de La Prairie. Mais je trouve votre discours un peu
nouveau et je vous reporterai aux débats de l'Assemblée nationale
B-894, du 19 avril 1983.
M. Lazure: 1983?
M. Maltais: À une simple question de ma collègue de
Chomedey qui demandait au ministre de l'Environnement sous votre gouvernement,
M. Ouellette, de lui déposer les rapports concernant la ville de
Mercier, le ministre du temps disait: Nous faisons effectivement le type de
relevés dont parle la députée de Chomedey, excepté
que nous ne les rendons pas nécessairement publics dans le but
d'éviter d'ameuter la population. Je trouve que... Moi, j'aime bien
ça, je suis patient, ça fait deux semaines qu'on entend tout
ça, mais il ne faut jamais exagérer sur la limpidité et la
clarté. Les premiers qui en prêchent sont souvent les plus
impudiques. C'est un peu des Jeanne-D'Arc qui ont été conduites
au bûcher. Merci, Mme la Présidente, mon temps est
écoulé.
M. Lazure: Juste une demi-minute, il me restait du temps, pour
réagir quand même. Ça, c'était en 1983, vous nous
dites?
M. Maltais: 1984, 1983.
M. Lazure: On est rendus en 1992. Je pense que la
société québécoise a beaucoup évolué
et les partis politiques aussi. En tout cas, moi, je désavoue un
ministre de l'Environnement, qu'il soit péquiste ou libéral, qui
donne une telle réponse, comme vous auriez dû désavouer M.
Goldbloom, président du BAPE, nommé par vous il y a quelques
années, qui disait: II ne faut pas faire peur à la population. Il
y a deux ans de ça, pas huit ans ni neuf ans. Merci.
M. Maltais: On l'a mis dehors.
La Présidente (Mme Pelchat): Cela étant dit, nous
en sommes rendus...
M. Maltais: Mme Bacon l'a mis dehors.
La Présidente (Mme Pelchat): ...à la Chambre de
commerce du Québec. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons
suspendre quelques petites
minutes, le temps que ces messieurs dames - je souhaite qu'il y ait des
dames avec vous, messieurs - prennent place à la table.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
(Reprise à 17 h 48)
La Présidente (Mme Pelchat): Nous accueillons la Chambre
de commerce du Québec. Le porte-parole est M. Yvon Marcoux, si je
comprends bien. Alors, vous pouvez procéder. Je vous signale
qu'étant donné l'heure il y aura un maximum de 30 minutes
allouées à la Chambre de commerce du Québec,
malheureusement. Alors, je vous demanderais de bien vouloir commencer.
Chambre de commerce du Québec
M. Marcoux (Yvon): Alors, Mme la Présidente, d'abord je
voudrais présenter avec moi, à ma gauche, M. Claude
Descôteaux, qui est vice-président exécutif de la Chambre
de commerce du Québec et qu'un certain nombre d'entre vous connaissez,
je crois, et, à ma droite, M. Luc Ménard, qui est
vice-président de la Chambre de commerce de Donnacona-Cap-Santé
et également membre du conseil d'administration de la Chambre de
commerce du Québec.
Je voudrais d'abord remercier la commission de l'aménagement et
des équipements de l'Assemblée nationale de permettre a la
Chambre de commerce du Québec de présenter son point de vue sur
le projet de loi 412 dont le principal objet est de créer un Office de
protection de l'environnement du Québec.
La Chambre de commerce du Québec se définit comme un
réseau de gens d'affaires auquel adhèrent volontairement quelque
6500 sociétés membres ainsi que 220 chambres locales, lesquelles
regroupent au-delà de 66 000 membres. De par l'importance de ce
«membership», la Chambre est le principal représentant du
milieu des affaires québécois et se classe au premier rang des
organismes du genre au Canada.
La raison d'être de la Chambre est de favoriser le progrès
des entreprises grâce à son rôle de catalyseur dans la
promotion du développement économique et social. L'enracinement
des chambres locales dans leur région respective, la solidarité
qu'elles y favorisent entre gens d'affaires de tous les secteurs
d'activité et les services qu'elles offrent constituent une des forces
du réseau des chambres de commerce. Une priorité constante est
toujours accordée, dans nos actions, aux facteurs qui conditionnent la
croissance économique.
La Chambre est d'avis qu'il est essentiel de protéger
l'environnement pour assurer le bien-être de la population et faire
évoluer notre société vers une forme de
développement qui puisse être soutenue à long terme. La
Chambre s'est impliquée activement dans le dossier environnemental
depuis des années. Ses membres, issus de tous les types d'entreprises,
grandes comme petites, vivent quotidiennement le dilemme d'allier croissance
économique et respect de l'environnement dans lequel ils vivent. La
Chambre de commerce du Québec n'a pas négligé ce virage en
adoptant à l'unanimité un code environnemental, lors de son
dernier congrès, code dont vous avez une copie avec notre
mémoire, en plus de nombreuses politiques d'action dans ce domaine.
Nous sommes présents à cette commission parce que nous
sommes préoccupés, comme de nombreux autres groupes entendus
précédemment, par la difficulté que semble éprouver
le gouvernement à concilier, et ce n'est pas toujours facile, la gestion
de la question environnementale aux défis que nous impose la croissance
économique.
C'est pourtant sous cet angle que doit s'axer la recherche d'un
véritable développement durable. Déjà vous avez eu
copie du mémoire que nous avions transmis en février, un peu
à la hâte, et je n'ai donc pas l'intention de le relire ici. Ce
que nous avons l'intention de faire, ce n'est pas non plus de commenter des
aspects technico-juridiques du projet de loi 412. Nous voulons plutôt
nous attacher à énoncer certains principes de base et,
également, à poser des questions que nous considérons
comme préalables à la création d'un Office de protection
de l'environnement.
Un des principes que nous considérons important est celui du lien
qui doit exister entre l'élaboration et la conception des politiques et
règlements et leur application ou leur applicabilité. La
protection de l'environnement constitue un domaine de politiques publiques
vastes et complexes. Les questions environnementales sont intimement
reliées à des variables sociales et économiques. Le
développement durable n'est possible que s'il est intégré
dans la réalité économique. Sans croissance
économique et sans emploi, est-il utile de dire que notre
société n'aurait pas de grands moyens d'être très,
très écologiste.
Dans ce contexte, il nous apparaît primordial que la conception et
le développement des politiques, des lois et des règlements ne
soient pas coupés de leur application. Le défi de l'environnement
exige une concertation et l'expertise de tous les partenaires impliqués.
De vouloir, au sein de l'appareil gouvernemental, en matière
d'environnement, cloisonner, d'un côté, ceux qui pensent et, de
l'autre, ceux qui appliquent nous semble contraire à cet objectif de
rallier les divers intervenants dans une direction commune. L'application des
lois et règlements en matière d'environnement ne peut, à
notre avis, être assimilée à l'application du Code de la
route ou du Code du bâtiment.
Il faut constamment évaluer l'incidence et
les impacts des nouvelles règles et éviter des effets
dysfonctionnels imprévus. Il nous faut réconcilier les
préoccupations écologiques et économiques, harmoniser
environnement et économie. Il est nécessaire d'assurer la
compétitivité de nos entreprises et dicter des normes qui
seraient parmi les plus sévères au monde et déstabiliser
un secteur industriel, ce ne serait pas nécessairement au
bénéfice de l'ensemble des citoyens.
Il nous apparaît donc essentiel, pour continuer de faire avancer
avec crédibilité la cause de la protection de l'environnement, de
maintenir sous une même autorité responsable des liens
étroits entre ceux qui conçoivent les politiques, ceux qui les
appliquent et ceux à qui elles sont appliquées. La scission
proposée du ministère de l'Environnement nous semble aller
complètement à rencontre de cette direction. Au-delà de ce
principe fondamental que nous venons d'exprimer, la Chambre de commerce du
Québec se demande: Pourquoi veut-on créer à la hâte
un nouvel organisme gouvernemental comme l'Office de protection de
l'environnement du Québec proposé dans le projet de loi 412?
Pourquoi venir accroître le nombre d'organismes qui existent
déjà dans le domaine de l'environnement et avec lesquels les
partenaires industriels, notamment, doivent constamment interagir?
Le portrait environnemental québécois a été
considérablement modifié depuis la création du
ministère de l'Environnement, je pense, en 1979. Des actions positives,
bien que parfois isolées, ont été réalisées.
Mais il reste beaucoup à faire, afin de faire progresser la
société québécoise sur la voie du
développement durable. Ce qui nous apparaît important, à ce
moment-ci, c'est de déterminer les questions prioritaires auxquelles on
doit s'adresser pour continuer d'améliorer la situation actuelle. C'est
d'avoir une idée plus précise des intentions gouvernementales en
matière d'environnement, de connaître l'étendue de ces
interventions au cours des prochaines années, les choix qu'il
privilégie, ainsi que les modes d'intervention qu'il entend retenir.
Sur un plan plus pratique, on devrait évaluer
l'applicabilité des lois et règlements récemment
adoptés. Et il y en a eu plusieurs. Nous devrions également mieux
définir, croyons-nous, les délais de traitement d'obtention des
certificats d'autorisation et de permis. Une plus grande rigueur diminuerait
l'imprévisibilité et les incertitudes souvent néfastes au
développement économique.
Est-ce que la création de l'Office de protection de
l'environnement permettra d'atteindre ces objectifs? Non seulement en doutons
nous, et beaucoup, mais nous sommes persuadés qu'une telle initiative
risque d'aggraver la confusion, de limiter l'efficacité des mesures et,
finalement, d'accroître les coûts. Voici pourquoi.
L'OPEQ assumerait des fonctions de gestion et de police alors que le
ministère conserverait le rôle de recherche, de rédaction
de lois, de la réglementation, ainsi que de promotion. Une telle
séparation entre ceux qui conçoivent la réglementation -
comme je le mentionais au début - et ceux qui l'appliquent nous semble
inefficace et potentiellement dangereuse. Nous croyons que la définition
des lois et leur application est difficilement dissociable. La
difficulté du ministère, d'ailleurs, à déposer les
règlements utiles à l'application des lois en est une
illustration éloquente.
Nous croyons aussi que la distance que le ministre de l'Environnement
mettra ainsi entre lui-même et la nouvelle institution sera de nature
à générer d'inutiles tensions quant à la
rationalité des lois et leur applicabilité réelle,
notamment en cas de crise environnementale.
Pourquoi, demandons-nous, vouloir diluer ainsi les
responsabilités ministérielles? Pourquoi diminuer
l'imputabilité ministérielle? Il peut paraître
séduisant, de prime abord, de confier la définition des lois et
des règlements au ministère et leur application à un
office composé de toutes sortes de monde. Dans la pratique, cependant,
cet argumentaire ne résiste pas à l'analyse, l'article 18 du
projet de loi définissant comme premier rôle de l'OPEQ celui de
définir ses propres orientations, ce qui nous semble en contradiction
avec le mandat du ministère de définir les lois et
règlements. Au plan administratif, le dédoublement de l'action du
ministère risque, selon nous, d'être important dans les
régions. Le projet de loi est discret sur cette question. Comment, par
exemple, dissociera-ton sur le terrain l'application des lois et
règlements de la promotion de l'environnement que se conserve le
ministère? Et si nous voulons renforcer le rôle des régions
dans l'application des lois et règlements, il n'est pas
nécessaire, selon nous, de créer un office. D'autres
ministères nous donnent des exemples où le fonctionnement
régional des régions est relativement bien pourvu sur le plan de
l'administration. (18 heures)
Enfin, nous nous inquiétons très sérieusement de la
menace qui pèse sur les entreprises quant à l'accroissement de
leur fardeau fiscal au moyen de redevances. La tendance des gouvernements
à mettre en place des organismes paraéta-tiques, entre
guillemets, est généralement accompagnée d'une
volonté d'autofinancement. L'émission de permis, d'attestations
et autres actes administratifs ne deviendront-ils que le prétexte
à de nouvelles taxes déguisées?
Permettez-moi, en terminant, de vous faire part de notre
inquiétude face à la tentation de procéder
régulièrement à la création de
sociétés ou d'offices pour dire qu'on a agi et qu'on a
réglé le problème. Sensible à ce mode de
gouvernement, le gouvernement semble maintenant disposé à
remettre une partie de ses responsabilités entre les mains d'un office
qui serait
dirigé par un président, il va sans dire accompagné
de vice-présidents, toujours nommés par le gouvernement, et par
un conseil d'administration composé de représentants des milieux
syndicaux, patronaux, municipaux et environnementalistes.
De tels organismes dits indépendants ne régleront jamais
les problèmes que le Conseil des ministres ne parvient pas
lui-même à régler. Une telle tentation tient, à
notre avis, de la pensée magique ou de la fuite en avant, ce qui nous
laisse des plus perplexes d'autant plus qu'elle est le plus souvent
prétexte, comme je le disais, à la mise en place de taxes
déguisées sous forme de tarification de services. L'approche
paritaire ne peut qu'être vouée à l'échec si elle
n'est pas précédée d'une définition claire
d'orientation en matière environnementale et de la mise en place d'une
réglementation complète.
La création d'un tel organisme ne doit pas être un
prétexte pour le gouvernement de ne pas assurer lui-même ses
responsabilités ou faire ses devoirs alors que tant reste à faire
au chapitre de la réglementation et de l'instauration d'une bien plus
grande cohérence au sein même de l'État.
La Chambre de commerce du Québec fait part
régulièrement de sa vive inquiétude quant à la
gestion des fonds publics et surtout à l'accroissement des
dépenses publiques. Nous souhaitons, dans ce contexte, que le
gouvernement nous communique les études
coûts-bénéfices qui ont certainement été
réalisées préalablement à ce projet de
restructuration et qui nous permettraient d'évaluer le sérieux
d'une telle réforme.
Le gouvernement parle avec raison, et nous partageons son opinion, de la
situation difficile des finances publiques...
La Présidente (Mme Pelchat): En conclusion, M. Marcoux,
s'il vous plaît.
M. Marcoux: ...et dit également avec raison qu'il faut
contenir les dépenses publiques. Est-ce que le Conseil du trésor
ou le Secrétariat permanent à l'aménagement, au
développement régional et à l'environnement a
réalisé ou encore a révisé des études de
coûts-bénéfices qui ont été
préparées par le ministère de l'Environnement? Nous ne ie
savons pas mais ii nous semble que, pour des fins de transparence et,
également, pour peut-être vaincre notre réticence, il
serait très utile de les rendre publiques, ces études.
La Présidente (Mme Pelchat): Ça va, M. Marcoux. M.
le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de procéder
le plus rapidement possible, je m'en excuse. La Chambre...
La Présidente (Mme Pelchat): M. le ministre, je voudrais
vous interrompre juste une petite minute pour vous signaler que vous avez sept
minutes.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne peux pas avec la Chambre de
commerce en sept minutes, c'est impossible.
M. Marcoux: Je suis évidemment désolé, Mme
la Présidente - je ne voudrais pas interrompre le ministre - que nous
ayons seulement une demi-heure.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être qu'on pourrait
convenir avec l'Opposition. On s'est déjà entendu sur des textes,
ça peut peut-être procéder plus rapidement.
M. Lazure: On peut augmenter à 10-10 au moins.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais faire le maximum dans le
temps qui m'est imparti.
M. Lazure: 10-10.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La Chambre de commerce, c'est un
organisme représentatif à travers tout le territoire du
Québec. C'est un organisme qui est implanté dans toutes les
régions. J'aurais souhaité avoir avec la Chambre de commerce,
dans ces circonstances, un dialogue beaucoup plus approfondi.
Je vous félicite quand même pour avoir joint à votre
mémoire le code environnemental de la Chambre de commerce du
Québec et souligne que vous êtes sans doute un organisme qui a une
grande vision de l'avenir, qui est avant-gardiste. Un des derniers
éléments au bas de la page: «Collaborer avec le
gouvernement ou tout organisme responsable dans la
détermination...» Vous avez vu venir l'Office de protection de
l'environnement dès que vous avez adopté votre charte.
M. Marcoux: Ce n'est pas sûr, M. le ministre, parce qu'il y
en a déjà pas mal dans ce domaine-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Essentiellement, je suis
obligé de le reprendre parce que, si on ne possède pas
l'historique du ministère de l'Environnement que je vais tenter de
résumer, on ne comprend pas le pourquoi de la création d'un
Office de protection de l'environnement. Le ministère de l'Environnement
a 10 ans à peine, le plus jeune ministère au gouvernement du
Québec; les missions qui lui sont confiées, c'est quasiment
quotidiennement que l'on en ajoute de ces missions. Entre 1970 et 1989, le
ministère, on l'a bâti; on lui a bâti un organigramme crise
après crise; il y avait une crise des déchets toxiques: une
direction des déchets toxiques; une crise des
pneus: une direction des pneus, etc.
En 1989, on a tenté de mettre un peu d'ordre là-dedans,
à l'horizontale; on a créé cinq sous-ministériats
en tenant compte des sources de pollution, de l'action dans les régions
puis de l'avenir. Trois sources de pollution principales au Québec:
municipale, agricole, industrielle. L'action doit se produire dans les
régions, sous-minis-tériat aux bureaux régionaux et on
doit penser à l'avenir, sous-ministériat au développement
durable. On a procédé par la suite à une
régionalisation de nos effectifs. Présentement, vous avez en
région, au Québec, un peu plus de deux fois plus de
fonctionnaires qu'il y en avait il y a deux ans; ce n'est pas tout à
fait assez, mais, dans nos bureaux régionaux et dans chacune de vos
régions au Québec, on a créé nos postes.
Sur le plan réglementaire, en 1990, deux lois: la loi 65,
principe pollueur-payeur; création d'une société
d'État qui travaille en collaboration avec le secteur privé,
RECYC-QUÉBEC. Un règlement: diminution . du contenu en soufre
dans le mazout de façon à atteindre nos objectifs internationaux
dans le domaine de diminution des pluies acides. 1991, trois lois:
Société québécoise d'assainissement des eaux, de
façon à pouvoir aller dans toutes les régions du
Québec; on était allé dans les grandes villes
jusqu'à ce moment-là; deuxième loi, matières
dangereuses. On était pris avec une définition de déchets
dangereux, dans la loi et dans la réglementation, qui empêchait
les entreprises de recycler beaucoup de matériaux, mais on parle
maintenant de matières dangereuses, ce qui permet aux entreprises
d'avoir une plus grande latitude. Troisième législation, on avait
des progrès de faits en assainissement des eaux, mais nous
n'étions pas là et nous ne sommes pas encore là en
assainissement industriel; la Loi sur les rejets industriels a
été adoptée.
Sur le plan de la réglementation, on a procédé au
plus pressé: carrières et sablières; ce sont des gens de
chez vous qui nous ont demandé ça; règlement sur les
neiges usées, avec le monde municipal; table
Québec-municipalités, Union des municipalités, Union des
municipalités régionales de comté; règlement sur
les déchets solides de façon à permettre au gestionnaire
de refuser les déchets qui venaient de sa MRC; règlement sur
l'entreposage des pneus hors d'usage: question de sécurité. On a
prépublié des règlements qui vont s'appliquer
bientôt: pâtes et papiers, déchets biomédicaux et, il
y a deux semaines, on a annoncé le règlement sur la
réduction des rejets industriels, et nous en avons d'autres à
annoncer.
Mais ce qu'on vous dit essentiellement, c'est que malgré tous ces
gestes qui ont été posés, et là je ne parle pas des
politiques de protection dés rives, de création des
réserves écologiques, des évaluations environnementales,
le niveau d'efficacité d'intervention du ministère de
l'Environnement n'est pas satisfaisant; à preuve, il y a deux ans, 70 %
de la population trouvait qu'on était inefficace, qui était
insatisfaite, en tout cas, du ministère de l'Environnement. En
décembre dernier, il restait 42 % d'insatisfaits, et c'est trop.
Présentement, la régionalisation ne donne pas les
résultats escomptés, pour la raison suivante: le fonctionnaire en
région, aussitôt que le dossier est un peu difficile, l'envoie
à Québec; le fonctionnaire à Québec n'haït pas
ça, le recevoir; ça fait partie de son pouvoir. Le fonctionnaire
en région ne prend pas la décision qu'il a à prendre et,
tant que vous ne créez pas un mur d'étanchéité
entre la centrale et la région, le dossier joue au ping pong entre la
centrale et la région et l'entrepreneur n'obtient pas son certificat
d'autorisation.
J'aimerais vous le vendre davantage. Je vais juste souligner un
élément d'évaluation environnementale que je ne peux pas
laisser passer dans votre mémoire, lorsque vous parlez des dossiers
Soligaz et Grande-Baleine. Le dossier Soligaz, tous les certificats
d'autorisation ont été émis; on disait que c'était
à cause de l'Environnement que ça ne démarrait pas. Moi,
je vous soumets bien respectueusement qu'on ne peut pas prétendre
ça sur la place publique au moment où on se parle et depuis un
bon bout de temps. Le dossier Grande-Baleine, je ne sais pas si vous le savez,
mais hier, dans l'État de New York, à Albany, la Chambre des
représentants a adopté - je ne veux pas me tromper sur le vote,
mais je pense que c'est à 215 contre 17, donc des républicains et
des démocrates - unanimement un projet de loi visant à soumettre
le projet Grande-Baleine à des évaluations environnementales qui
satisfassent aux critères de l'État de New York, à moins
que le processus québécois et canadien ne soit reconnu comme
étant efficace.
Moi, je prétends qu'on a présentement un processus qui est
efficace et internationalement vendable, mais faire Grande-Baleine sans ce
processus qui est efficace, on se serait fait bloquer par les Américains
de l'autre côté, strictement sur le plan des affaires, sans tenir
compte qu'on n'aurait pas fait ce qu'on avait à faire, nous, ici, au
Québec. On a, présentement, un processus, je pense, qui est
l'abri de la critique, mais il faut l'exercer. Ça fait que je ne pouvais
pas laisser passer cet élément-là. Je m'excuse si je vous
ai appris ça, aujourd'hui, mais ça s'est passé hier,
à New York. Le monde international nous surveille et si nous faisons nos
travaux comme il faut, d'évaluation environnementale, et que c'est
positif, oui, on va pouvoir faire Grande-Baleine. Si on ne fait pas notre
travail d'évaluation environnementale comme il faut, dans n'importe
quelle condition, Grande-Baleine ne lèvera jamais de terre. Ça,
je pense que tout le monde au gouvernement du Québec l'a compris; tout
le monde au gouvernement du Canada l'a compris. On a besoin de la
Chambre de commerce du Québec pour s'assurer que toute la
population du Québec le comprend.
J'aurais un millier de questions, parce que votre mémoire
soulève des questions qui sont justifiées, mais...
La Présidente (Mme Pelchat): M. Marcoux, si vous voulez
réagir, je vous donne un peu plus de temps.
M. Marcoux: Vous me donnez quelques minutes, Mme la
Présidente?
La Présidente (Mme Pelchat): Allez-y.
M. Marcoux: Vous êtes bien gentille, merci beaucoup.
Écoutez, très rapidement, ce que nous disons, M. le ministre, ce
n'est pas qu'il n'y a rien qui s'est fait; d'ailleurs, on le mentionne dans le
mémoire. Vous faites bien de rappeler les actions qui ont
été prises déjà, mais on ne dit pas qu'il ne s'est
rien fait. Il reste encore beaucoup de choses à faire, comme vous le
savez, mais notre conviction profonde - je pense que nous ne sommes pas les
seuls à partager cette opinion - c'est que ce n'est pas en créant
un office que vous allez régler, à notre avis, ce que vous
appelez «les problèmes d'efficacité dans le
système». Un office qui, fondamentalement, a absolument les
mêmes caractéristiques de fonctionnement, sauf qu'il y a un
conseil, mais c'est la Loi sur la fonction publique, c'est le budget du
gouvernement, etc. Et ça, je pense qu'on n'est pas les seuls...
Deuxièmement, nous voyons toujours avec une certaine crainte,
vous savez, la multiplication des organismes. Au moment où on parle de
la taille de l'État, de vouloir diminuer la taille de l'État,
bien, constamment, on arrive et on met en place de nouveaux organismes. Ce
qu'on dit, nous...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là-dessus, est-ce que vous
me permettez? Sur la taille de l'État, je suis la Chambre de commerce,
mais je dois vous prévenir qu'avec office ou sans office le
ministère de l'Environnement du Québec, sous n'importe quel
gouvernement, est condamné, à cause des défis qu'il a
à relever, à croître. Peut-être qu'il peut
croître à l'intérieur de l'appareil, qu'on peut prendre des
fonctionnaires dans un autre ministère qui est devenu moins visible,
moins exigeant, et les amener à l'Environnement, mais ça va
croître pareil, à l'intérieur ou à
l'extérieur.
M. Marcoux: Je pense, également, qu'il sera plus difficile
de fonctionner dans un contexte où vous dissociez... Comme vous le
disiez vous-même, tantôt, je pense - je ne veux pas vous faire dire
ce que vous n'avez pas dit - que vous mettez un mur entre le ministère
et l'Office... Donc, de dissocier la conception, l'élaboration des
politiques et des lois de ceux qui vont les appliquer dans un secteur où
l'on doit vraiment harmoniser l'aspect environnement avec l'aspect
économique, où ça prend un arbitrage et où, je
pense, il y a intérêt que ceux qui conçoivent les
politiques soient constamment en rapport avec ceux qui les appliquent. Ce n'est
pas...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'article 19 du projet de loi.
M. Marcoux: Souvent, je pense que plus on multiplie les
intervenants - là, on se place du côté des industries -
plus on peut provoquer des dédoublements et, en quelque sorte,
également, semer la confusion.
La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de
La Prairie.
M. Marcoux: On ne vous dit pas ça négativement, on
vous exprime notre point de vue et c'est pour ça qu'on pense que c'est
un office qui ne devrait pas être créé et que, dans le
fond, le projet de loi devrait être retiré à cet
égard-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être un commentaire.
Votre mémoire contient beaucoup d'éléments qu'on n'a pas
eu le temps de discuter. Même si on n'a pas eu le temps d'en discuter
formellement, je tiens à prévenir la Chambre qu'il est possible
que mes gens entrent en contact avec vous parce que vous avez des
éléments dans votre mémoire qui soulèvent des
questions et vos membres sont des clients réguliers du
ministère.
M. Marcoux: Ça nous fera certainement plaisir, M. le
ministre.
La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de
La Prairie, avec votre discipline habituelle.
M. Lazure: Merci, Mme la Présidente, à la fois pour
le droit de parole et le compliment. Je veux remercier, au nom de l'Opposition,
les dirigeants de la Chambre, M. Marcoux, M. Descôteaux et M.
Ménard pour leur contribution importante. Effectivement, c'est un
mémoire qu'on a reçu tôt. J'ai eu plaisir à le lire
et une des raisons, c'est que ça correspondait presque exactement
à la position que nous avions décidé de prendre au moment
de la commission parlementaire. Vous allez même jusqu'à
pratiquement utiliser un jargon psychiatrique, la fuite en avant, la
pensée magique; c'est quasiment de la psychodynamique que vous
faites.
La Présidente (Mme Pelchat): Ce n'était
peut-être pas pour vous faire plaisir nécessairement, M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Non, non, non! Mais il y a une
communion de pensées qui est remarquable. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Lazure: Ça n'arrive pas tous les jours, il faut le
souligner. Mais, Mme la Présidente, sérieusement, la Chambre de
commerce du Québec, comme le Conseil du patronat, comme l'Association
des manufacturiers du Québec, comme le Barreau, comme à peu
près tous les groupes qui sont venus, prient instamment le ministre de
réviser sa position, de retirer son projet, de le mettre sur la glace.
Et les objectifs qu'il recherche, il peut les réaliser à
l'intérieur de la structure actuelle, nous en sommes convaincus,
convaincus comme vous l'êtes. Alors, je ne vais pas m'alourdir sur les
arguments que vous présentez. Ils sont tout à fait
pertinents.
Je vais faire un commentaire. À la page 6, qui est dans
l'actualité, vous dites: «L'environnement est un domaine où
les compétences sont partagées entre le fédérai et
les provinces. Cette situation nous a conduits à des affrontements et de
la confusion qui sont venus ralentir le processus d'étude et
d'approbation de projets.» Je ne peux pas laisser passer ce
paragraphe-là. Vous avez tout à fait raison. Et, pas plus tard
qu'aujourd'hui, j'ai soulevé à l'Assemblée nationale,
à la période de questions - peut-être que vous
n'étiez pas là - ce projet fédéral, le projet de
loi C-13, qui créerait une procédure d'évaluation pour les
études d'impacts environnementaux. Et c'est un projet qui est
caractérisé par un grand désir d'ingérence. Et
là-dessus, des deux côtés de la Chambre, nous sommes
tombés d'accord et il y aura des suites à cette
situation-là, je l'espère. Mais vous avez tout à fait
raison. Et ce dédoublement... Bon, vous passez tout de suite... La
première question que vous soulevez à la page suivante: «La
structure bicéphale proposée nous permettra-t-elle de nous doter
de règlements clairs là où le gouvernement a failli
à la tâche?» Et poser la question, c'est y répondre.
À la page suivante vous dites: «L'OPEQ parviendra-t-elle à
éviter la judiciarisation du processus d'évaluation...?»
Là aussi, c'est une question qui appelle la réponse d'une
façon bien claire. Et la troisième, et ça, la Chambre de
commerce aurait failli à sa tâche si elle ne l'avait pas
soulevée: «L'émission de permis, d'attestations et autres
actes administratifs ne deviendront-ils que le prétexte à de
nouvelles taxes déguisées?» Et je pense que vous avez
raison. Comme d'autres, vous l'avez fait ressortir. Et principalement le
divorce entre ceux et celles qui vont rester à l'Environnement et ceux
et celles qui vont aller à l'Office. Je ne comprends toujours pas selon
quelle logique le ministre s'est fait vendre cette théorie qu'il va y
avoir une meilleure coordination. Il va y avoir encore moins de coordination
entre les penseurs, ceux et celles qui vont préparer les projets de loi,
les projets de règlements, la planification, l'éducation et ceux
et celles qui vont devoir surveiller l'application.
Finalement, Mme la Présidente, à la fin, à la page
10, vous posez de façon claire une question que j'ai posée au
ministre à plusieurs reprises depuis que nos travaux sont
commencés. Je n'ai malheureusement pas eu de réponse encore.
Peut-être en aurez-vous une, et je lui prêterais une minute de mon
temps pour qu'il la donne si elle est positive. Vous dites: «Nous
souhaitons que le gouvernement nous communique les études
coûts-bénéfices réalisées
préalablement à ce projet de restructuration.» On l'a
demandé. L'Opposition l'a demandé depuis deux semaines. On ne l'a
pas. Ou bien il n'y en n'a pas ou bien il y en a une et ce n'est pas probant.
Je ne vois pas d'autres... Il n'y a pas 1000 réponses à la
question, Mme la Présidente. Alors, si le ministre a une réponse
positive, je lui cède la parole. Probablement qu'il n'en n'a pas. Donc,
il n'aura pas la parole, sur mon temps, en tout cas.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Lazure: Alors, je veux remercier, au nom de l'Opposition, la
Chambre de commerce pour son excellent mémoire et lui dire que nous
allons combattre vigoureusement ce projet de loi là parce que nous
sommes convaincus que c'est une erreur pour l'avenir, et pour la cause de
l'environnement c'est une erreur. Merci.
La Présidente (Mme Pelchat): M. Marcoux, vos commentaires
sur la communion de pensées, s'il vous plaît.
M. Marcoux: Pardon? Excusez-moi.
La Présidente (Mme Pelchat): Sur la communion de
pensées avec le député de La Prairie, j'aimerais bien vous
entendre.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Marcoux: Vous savez, je n'ai aucune... Je n'ai même pas
de parents qui sont dans ce secteur-là. C'est-à-dire...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Marcoux: ...dans cette grande spécialité.
La Présidente (Mme Pelchat): Est-ce que vous avez autre
chose à ajouter, M. Marcoux?
M. Marcoux: Non. Comme le temps est écoulé, nous
voudrions quand même remercier encore une fois la commission, le ministre
et le porte-parole de l'Opposition, dire également que nous avons fait
cette analyse avec un esprit très positif parce que, vraiment, nous
croyons à ce que nous énonçons dans le mémoire, aux
principes qui y sont énoncés et, également, ça a
été adopté par l'ensemble des chambres de commerce
du Québec. Alors, merci.
La Présidente (Mme Pelchat): Merci beaucoup, M. Marcoux et
vos deux collègues aussi. Je signale aux membres de la commission que la
séance n'est pas levée. S'il vous plaît restez à vos
sièges, on suspend quelque 30 secondes.
(Suspension de la séance à 18 h 20)
(Reprise à 18 h 21)
La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de
La Prairie.
M. Lazure: Mme la Présidente, je demanderais le
consentement des membres de la commission pour entendre le libellé d'une
petite motion qui est en conformité avec les prises de position
respectives du ministre de l'Environnement, aujourd'hui, et de votre
serviteur.
La Présidente (Mme Pelchat): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné qu'il
s'agit d'une motion d'importance dans le dossier constitutionnel, au cas
où il y ait eu des absents à la période de questions, ou
qu'on n'ait pas saisi tout le sens des propos, vous me permettrez, dans un
premier temps, de résumer la situation.
La Présidente (Mme Pelchat): Juste un instant, M. le
ministre. Je m'excuse de vous interrompre.
Une voix: Consentement.
La Présidente (Mme Pelchat): II y a donc consentement pour
que la commission déroge un petit peu à l'heure? Ça
va?
M. le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Traditionnellement, les pouvoirs
constitutionnels en matière d'environnement sont des pouvoirs dits
«accessoires». C'est-à-dire qu'en 1867, quand la
Constitution canadienne a été signée, il n'y avait pas de
préoccupation environnementale. On n'avait pas encore pollué
suffisamment le pays pour en faire un des éléments contenus dans
la séparation des pouvoirs. Tant et si bien qu'au cours des
dernières années la jurisprudence a fait en sorte que, lorsqu'il
s'agissait d'un domaine de juridiction provinciale, les évaluations
environnementales étaient faites par le gouvernement provincial et,
lorsqu'il s'agissait d'un domaine d'intervention fédérale, les
évaluations environnementales étaient faites par le gouvernement
fédéral et ce, en vertu de directives ministérielles au
fédéral et en vertu d'une loi au provin- cial.
Lorsque les projets étaient mixtes, c'est-à-dire de
juridiction à la fois fédérale et provinciale, on signait
une entente avec le gouvernement fédéral. Les cas les plus
récents sont Soligaz, Grande-Baleine, etc. On signait des ententes de
gré à gré. Le système fonctionnait relativement
bien. Même la commission Beaudoin-Dobbie a recommandé de
poursuivre ce système de respect des juridictions, tant
fédérales que provinciales.
Le gouvernement fédéral a redéposé, au mois
de décembre, un projet de loi qui était depuis deux ans au
feuilleton et qui va faire en sorte que le gouvernement fédéral
va pouvoir s'ingérer dans des juridictions strictement
québécoises et ce, par quatre moyens très
précis.
Premièrement, en utilisant son pouvoir de dépenser.
À titre d'exemple, à partir du moment où le gouvernement
fédéral va mettre un sou ou une piastre dans un projet, ça
va donner ouverture à sa juridiction d'évaluation
environnementale. Donc, ça va permettre au fédéral de
diriger, indirectement, tout le développement économique du
Québec.
Deuxième élément, le dossier Grande-Baleine ou tout
le territoire conventionné de la Baie James. La Convention de la Baie
James a été signée en 1975. Elle a été
ratifiée par une loi de l'Assemblée nationale, et elle a
été ratifiée par une loi du Parlement du Canada. La
position du gouvernement du Québec est la suivante: Appliquez votre loi
fédérale, nous allons appliquer notre loi provinciale; ça
découle de la Convention de la Baie James, comme tel, pas de
problèmes. En surplus de la loi fédérale qui a
ratifié la Convention de la Baie James, on veut maintenant avoir une loi
qui va imposer un processus d'évaluation environnemental additionnel
à ce qui est prévu à la Convention de la Baie James et ce
qui est sanctionné par une loi fédérale et une loi
provinciale.
Troisième élément, les territoires
revendiqués par les autochtones. Le fédéral veut
étendre sa juridiction en matière d'évaluation
environnementale à l'ensemble des territoires revendiqués suivant
la définition qu'en donne la Loi sur les Indiens, qui est une loi
fédérale. Présentement, ce n'est pas plus
inquiétant qu'il le faut parce que la loi fédérale semble
limitée aux territoires des réserves connues, etc. Mais rien ne
garantit que dans un mois ou dans un an le fédéral ne modifiera
pas sa Loi sur les Indiens suite à des ententes constitutionnelles et
qu'à ce moment-là, par le biais de cette Loi sur les Indiens,
n'étendra pas sa juridiction à l'ensemble du territoire - vous
l'avez vu à la télévision à un moment donné,
la carte a été montrée - à ce territoire.
Quatrième élément. Dans des dossiers
d'évaluation environnementale qui ont des incidences
outre-frontières - un exemple, Québec-Ontario, la
frontière - la coutume veut que
l'on signe une entente d'évaluation environnementale avec le
gouvernement de l'Ontario et vice versa. Ça nous protège comme
ça protège l'Ontario. La position du Québec, c'est de dire
que, lorsqu'il y a des ententes comme ça entre deux provinces et que
c'est dans des domaines de juridiction provinciale, le fédéral
n'a pas d'affaire à intervenir. Mais, en vertu de ce projet de loi, le
fédéral veut quand même se conserver la possibilité
d'intervenir dans ce type de dossier. Il s'agit non pas d'une attaque à
la verticale sur des pouvoirs définis de la province de Québec.
On a déjà connu, dans le passé, dans des domaines
particuliers, certaines agressions. Il s'agit d'une attaque à
l'horizontale en se servant de l'environnement comme cheval de Troie. Et,
ça, ça devient inacceptable.
Moi, j'ai tenté, à l'interne, toutes les démarches
possibles avec le gouvernement fédéral pour le convaincre que
ça n'avait pas de bon sens. Plusieurs provinces - pas avec autant de
véhémence que le Québec - manifestent les mêmes
craintes. Le gouvernement de l'Alberta, entre autres, s'y oppose. Je m'explique
mal, dans le contexte actuel, la situation et, si cette commission est
d'accord, je proposerais, suite à une discussion avec l'Opposition
officielle, que cette commission adopte la motion suivante:
Motion proposant que la commission
désapprouve le projet de loi C-13 et
que
l'Assemblée transmette au gouvernement
fédéral son opposition «Attendu que le projet
de loi C-13 - le projet de loi fédéral - Loi sur la mise en
oeuvre du processus fédéral d'évaluation environnementale,
constitue un empiétement inacceptable dans le champ de compétence
du Québec; «Attendu que le projet de loi C-13, Loi sur la mise en
oeuvre du processus fédéral d'évaluation environnementale,
conduira à un système d'évaluation environnementale
impraticable; «Attendu que le projet de loi C-13, Loi sur la mise en
oeuvre du processus fédéral d'évaluation environnementale,
conduira à des chevauchements administratifs coûteux et à
des contestations judiciaires; ...seuls ceux qui constestent vont
bénéficier, et «Attendu que le gouvernement
fédéral veut procéder de façon unilatérale,
sans tenir compte des objections du Québec et adopter le projet de loi
C-13; "II est résolu que la commission de l'aménagement et des
équipements désapprouve vivement le projet de loi C-13 et prie
l'Assemblée nationale du Québec de transmettre au gouvernement
fédéral son opposition audit projet de loi.»
Et c'est la recommandation que je fais à cette commission.
La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. le ministre. M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Oui, Mme la Présidente. Je suis très
heureux puis ma formation politique est très heureuse aussi de voir la
position du ministre de l'Environnement sur ce projet de loi
fédéral qui est, comme le ministre l'a dit et comme j'ai eu
l'occasion de le dire à la période de questions aujourd'hui, un
autre exemple d'ingérence, d'intrusion tout à fait
inacceptable.
Il y a beaucoup de contradictions dans le comportement du gouvernement
fédéral. À une époque où, dans les paroles,
on prétend vouloir remettre plus de pouvoirs au Québec, en
même temps, dans les actions, on fait le contraire, que ce soit dans
l'environnement, puis on a eu d'autres exemples en développement
régional, il y a quelques mois et en éducation, il y a quelques
mois aussi. Et, sans insister sur cet aspect vraiment contradictoire, je
voudrais simplement dire qu'évidemment nous souscrivons à cette
motion.
Et je crois qu'il est encore temps que le gouvernement
fédéral soit rappelé à la raison. Si
l'Assemblée nationale posait le geste, demain, de faire un front commun
sur une question aussi importante et au-delà des considérations
partisanes sur cette défense de nos juridictions, je crois que si le
gouvernement du Québec endosse et appuie cette démarche de
l'Assemblée nationale qui viendrait, suite à la démarche
de cette commission, il y a des bonnes chances que le gouvernement
fédéral comprenne la raison et mette sur la glace son projet de
loi. Il est d'ailleurs sur la glace depuis deux ans. Alors, je ne vois pas
pourquoi, on ne voit pas l'urgence de ce projet de loi.
Mme la Présidente, non seulement je souscris à la motion
que présente le ministre de l'Environnement, mais j'aimerais être
associé à la motion comme coauteur de la motion avec le ministre
et il va sans dire que nous allons voter pour. Merci.
La Présidente (Mme Pelchat): Voilà. Est-ce que
d'autres membres aimeraient intervenir?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des questions à poser
peut-être.
M. Charbonneau: M. le ministre, vous avez souligné qu'il y
avait quelques provinces...
La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de
Saint-Jean.
M. Charbonneau: ...dont l'Alberta. Est-ce que l'Ontario a fait
part de ses commentaires?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La situation est très
active. Les ministres de l'Environnement de l'ensemble des autres juridictions
canadiennes, y inclus les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, sont
présentement en réunion à Vancouver. Moi, j'ai fait
parvenir copie du télégram-
me que j'ai adressé au ministre fédéral de
l'Environnement, traduit en anglais, à l'ensemble de mes
collègues des autres juridictions. Je sais que depuis le début M.
Klein, de l'Alberta, s'oppose avec plus de véhémence que les
autres. Je ne sais pas quelle va être la réaction des autres
collègues, dans le contexte. On sait que traditionnellement c'est le
Québec qui est le plus jaloux de ses juridictions et qui craint
davantage les intrusions. Mais l'Alberta vient de vivre des dossiers
environnementaux - Old Man River, pour ne citer que celui-ci - et leur
expérience récente leur enseigne que préserver ses
juridictions ça devient important lorsqu'on veut maîtriser son
développement économique et environnemental.
M. Lazure: Juste...
La Présidente (Mme Pelchat): Ça va?
M. Lazure: Non, juste une seconde. Je vais rappeler qu'il y a un
débat de fin de séance tantôt justement où on doit
parler de ça et les gens nous attendent en haut.
La Présidente (Mme Pelchat): Alors, M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Bergeron: Comment expliquer une telle intrusion? On disait
tout à l'heure que ça faisait deux ans que c'était sur la
glace. Comment aujourd'hui expliquer une telle intrusion quand, dans le moment,
on marche sur de la dynamite avec la question constitutionnelle et les
prérogatives du Québec?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai tenté de trouver une
explication. Ça vaut ce que ça vaut sur le plan de la
spéculation politique et je n'ai pas l'intention de la présenter
autrement que comme suit. Les premières offres fédérales
nous présentaient une forme d'économie contrôlée par
le gouvernement fédéral. À peu près toutes les
juridictions au Canada se sont opposées à cette centralisation
des pouvoirs économiques dans les mains d'Ottawa. Le rapport
Beaudoin-Dobbie a semblé donner du lest à cette centralisation
des pouvoirs économiques, et peut-être que la façon de la
reprendre pour l'appareil gouvernemental fédéral, c'est par le
biais de l'environnement qui va avoir juridiction sur l'ensemble des projets de
développement économique. Je n'ai pas d'indication. Personne ne
m'a confié cette stratégie, mais je tente, à partir des
documents qui sont publics, de créer une chaîne d'action.
M. Lazure: Est-ce que c'est nécessaire de prendre un vote
nominal?
La Présidente (Mme Pelchat): Non, je pense que la motion
qui est présentée à la fois par le ministre de
l'Environnement et le critique de l'Opposition officielle est adoptée
à l'unanimité.
M. Lazure: C'est ça. Mais les noms vont apparaître
quand même?
La Présidente (Mme Pelchat): Absolument.
M. Lazure: Les noms des gens présents au moment du
vote.
La Présidente (Mme Pelchat): Vous voulez avoir un vote
nominal?
M. Lazure: Oui, très rapidement, oui.
La Présidente (Mme Pelchat): Vote nominal.
M. Lazure: Oui, allons-y.
Le Secrétaire: M. le ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour.
Le Secrétaire: M. Charbonneau?
M. Charbonneau: Pour.
Le Secrétaire: M. Bergeron?
M. Bergeron: Pour.
Le Secrétaire: M. Camden?
M. Camden: Pour.
Le Secrétaire: M. Tremblay?
M. Tremblay (Rimouski): Pour.
Le Secrétaire: Mme Pelchat?
La Présidente (Mme Pelchat): Pour.
Le Secrétaire: M. Lazure?
M. Lazure: Pour.
Le Secrétaire: M. Dufour?
M. Dufour: Pour.
La Présidente (Mme Pelchat): Adopté, à
l'unanimité. Nous reprenons nos travaux à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 34)
(Reprise à 20 h 15)
La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la
séance ouverte. Le mandat de la commission est de poursuivre les
auditions publiques dans le
cadre de la consultation générale sur l'étude du
projet de loi 412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du
Québec et modifiant diverses dispositions législatives.
Nous avons des intervenants à la table: le Syndicat de
professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Alors, M.
le président, si vous voulez bien présenter les personnes qui
vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour présenter votre
mémoire. Suivra une période de questionnement de la part des
ministériels et de l'Opposition pendant 20 minutes chacun.
SPGQ
M. Giroux (Daniel): Bien. Merci, Mme la Présidente. En
commençant par ma droite, Mme Nicole Bénard, qui est une
professionnelle à l'Environnement, de la région de Laval; M.
Jacques Geoffroy, qui est vice-président du Syndicat, M. Michel
Mailloux, qui est également un professionnel au ministère de
l'Environnement, qui travaille au siège social à Québec,
et Daniel Giroux, président.
Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés,
nous voulons vous souligner ce soir que l'approche qu'a retenue le gouvernement
pour améliorer la qualité de notre environnement, celle de
créer une toute nouvelle structure, l'Office de protection de
l'environnement du Québec, nous surprend et nous apparaît mal
adaptée à la conjoncture actuelle.
Cette conjoncture se caractérise par deux dominantes. La
première, il y a encore beaucoup à faire pour modifier des
comportements individuels, des comportements d'entreprises, de corporations
afin de réduire la pollution et aussi beaucoup à faire pour
corriger les dommages qui se sont accumulés dans l'environnement au fil
des ans. L'État ne peut tout faire seul, certes, mais il est au coeur de
la démarche. Deuxième dominante. Les ressources disponibles pour
faire ces différentes tâches sont très rares. Les 50 000
000 $ d'argent neuf promis par le Parti libéral lors de la
dernière campagne, un des seuls engagements d'ailleurs concrets du Parti
libéral à ce moment-là, il ne s'est pas
réalisé.
D'autre part, les employés de l'État ont connu un gel de
leur rémunération négociée pour une période
de six mois en raison d'une rareté de ressources et on veut appliquer
également à la fonction publique, pour les cinq prochaines
années, une réduction d'effectifs de 2 % par année, 10 %
au total, toujours parce qu'il y aurait manque de ressources, difficulté
de trouver tout l'argent disponible pour payer tout cela. Et, encore, je ne
parle pas de la proposition gouvernementale de rouvrir cette entente des
conventions collectives du secteur public toujours par manque, nous dit-on, de
ressources. Or, leçon à tirer, il faut être économes
de nos ressources et, en environnement, que le maximum des ressources
disponibles aillent à des fonctions environnementales, non à des
emplois ou des activités supports à l'existence de nouvelles
structures.
La création de l'Office de protection de l'environnement du
Québec, sans ajout de ressources - et nous venons de voir qu'elles sont
très rares - en détournera vers des fonctions de soutien à
la gestion, soit en ressources humaines, en ressources financières et
matérielles, en affaires juridiques, en communication, centre de
documentation, matériel informatique et tout le reste. En somme, de
nombreux dédoublements administratifs, des postes de gestion
supplémentaires qui réduiront les ressources produisant une
amélioration environnementale.
Deuxième effet néfaste de la création d'un Office,
s'il devait se réaliser, nous croyons que cela entraînerait une
baisse de la qualité de l'intervention environnementale.
L'environnement, quand on regarde ses diverses facettes, c'est l'air, l'eau, le
sol, ce qui y pousse, ce qui y vit, du plus petit organisme vivant
jusqu'à l'homme menacé par des centaines de produits, plusieurs
nouveaux apparaissant chaque année.
La technologie, tant bien que mal, essaie de rattraper les années
perdues, mais évolue à une vitesse vertigineuse. Les
Québécoises et les Québécois veulent que leur
ministère de l'Environnement soit un leader, veulent qu'on y retrouve
des expertises fouillées scientifiquement et collant aussi à la
réalité des diverses situations du quotidien.
Or, à cet égard, le projet gouvernemental nous
apparaît présenter deux écueils importants. Il
créerait, avec l'apparition de l'Office, une frontière, une
brisure importante entre l'expertise terrain des personnes chargées de
l'application des législations et celles, d'autre part, chargées
d'élaborer des règles ou de les clarifier. Déjà, ce
n'est pas facile, vous dirai-je, mais, avec la création d'un office en
plus du ministère, ce sera encore plus compliqué.
À cet égard, je vous citerai un document interne qui porte
sur la régionalisation des activités du ministère et qui
avait pour titre: «Une grande organisation au service de la population:
la régionalisation». La citation commence ici où l'on parle
du partage des responsabilités entre les régions et le central:
«Ce modèle de partage de responsabilités, s'il est clair,
n'implique donc pas que les directions sectorielles et régionales
travaillent dorénavant en vase clos et dans l'ignorance les unes des
autres. Au contraire, il suppose, dans le respect des responsabilités de
chacun, des relations entre le centre et les régions. En effet, le
central ne pourrait définir valablement les programmes si les
régions n'y insèrent pas leurs préoccupations et
contraintes, notamment au niveau de l'applicabilité. Et inversement les
directions régionales ne peuvent régler tous les problèmes
sans faire appel à l'expertise, à la formation et à la
compétence technique disponibles dans les
directions sectorielles.»
L'Office, s'il est créé, appliquera les
législations et sera présent surtout en région, mais sera
coupé du ministère alors qu'il devrait y avoir de grandes
communications entre l'application et les personnes qui ont à
réfléchir sur les programmes.
Deuxième écueil, l'expertise se diluerait,
s'éparpillerait. À effectifs constants, au total, au
ministère et à l'Office, on ne pourrait que partager le personnel
scientifique, ce qui, si on le partage, donne moins d'expertise au
ministère et moins d'expertise à l'Office. Or, au contraire, une
expertise scientifique, pour se maintenir et avancer, demande une certaine
masse critique, d'ailleurs, qui n'est toujours pas assurée dans tous les
domaines actuellement, mais qui ne pourrait que décroître si on la
sépare, si on la divise. Car une expertise scientifique, ce n'est pas
qu'appliquer des connaissances acquises il y a quelque temps aux
problèmes nouveaux qui sont rencontrés, mais c'est aussi pouvoir
la maintenir, pouvoir la développer, surtout dans un secteur qui
évolue aussi rapidement.
Pourtant, nous partageons certaines préoccupations qui animent le
projet gouvernemental, à savoir de mieux identifier dans l'appareil
gouvernemental les responsabilités et la reddition de comptes en
matière d'application des lois et règlements ayant trait à
l'environnement. Nous vous proposons de créer une fonction que, pour les
fins de compréhension, nous pourrions appeler l'inspecteur
général de l'environnement, même si le titre n'est pas le
plus élégant, qui serait chargé de l'application des lois
et règlements environnementaux, d'émettre les certificats, de
faire les inspections et enquêtes, de répondre aux plaintes,
enfin, de reprendre à son compte les mandats qu'on voulait confier
à l'Office, un inspecteur général de l'environnement, tout
comme il existe un Inspecteur général des institutions
financières responsable de l'application des lois pertinentes aux
institutions financières.
Pour rendre la personne qui occuperait cette charge totalement Imputable
et l'élever au-dessus de la mêlée politique partisane qui
est parfois présente en environnement, nous proposons que la personne
soit nommée par l'Assemblée nationale, qu'un processus de
révision ou d'appel de ses décisions soit prévu, que cette
personne coiffe ce qu'on pourrait appeler une partie du ministère, un
sous-ministériat de l'Environnement regroupant l'ensemble des fonctions
et des personnels qui seraient nommés pour l'aider dans sa charge et qui
demeureraient toujours des employés du ministère de
l'Environnement, mais en demeurant dans la même organisation, toujours le
ministère de l'Environnement. On n'aurait pas à dédoubler
des fonctions supports qui occasionnent des coûts et grèvent les
ressources, puisque celles-ci demeureraient partagées pour toute la
mission de l'environne- ment. On maintiendrait également organiquement
des passerelles faciles entre les fonctions d'application et de
préparation des lois, des règlements, des politiques ainsi que
des passerelles d'expertise à utiliser également lorsqu'on a des
problèmes d'application ou alors, à l'inverse, lorsqu'on pense
des règlements, d'avoir l'expertise des gens qui ont à
l'appliquer.
Alors, voilà l'essentiel de notre présentation. Nous
touchons également dans notre mémoire différents autres
éléments tout aussi importants, mais on voulait, ce soir, vous
centrer sur le corps central, et nous sommes disponibles pour répondre
à vos questions.
Le Président (M. Garon): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Merci, M. le
Président. Je tiens à remercier le Syndicat de professionnelles
et professionnels du gouvernement du Québec et ses porte-parole, et pour
la qualité du mémoire soumis, et pour la présentation
qu'ils nous en ont faite. Vous avez débuté en nous parlant d'une
toute nouvelle structure, d'une problématique de comportement, d'une
possibilité de création de dommages. Vous avez insisté un
petit peu politiquement sur les 50 000 000 $ et vous avez raison de le faire
parce que ça a été politiquement engagé à
l'occasion de la dernière campagne électorale.
Moi, je suis attentivement l'ensemble de l'évolution des budgets
des différents ministères et du ministère de
l'Environnement. J'aurais souhaité disposer, comme ministre de
l'Environnement, compte tenu de l'étendue des défis ou des
mandats qui nous sont confiés, des 50 000 000 $ dès la
première année d'opération. Cette année-là,
le gouvernement a choisi de nous ajouter, sur le plan du budget de
fonctionnement, 15 000 000 $, mais en même temps d'annoncer la
création d'un programme en matière de recherche et de
développement - et, là-dessus, vous avez été
silencieux - de 50 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Ce
n'est pas souvent que cet élément est abordé par les
intervenants à l'intérieur du gouvernement, mais je pense que le
Québec tirait de la patte en matière de recherche et
développement environnemental et que ce programme est très
positif.
La deuxième année, c'est 10 000 000 $ en termes de
fonctionnement qui ont été ajoutés, et je vous indiquerai,
pour votre information, à l'usage interne ou externe, que, chaque fois
qu'il y a eu des coupures gouvernementales, des crédits
périmés, dans le jargon que l'on connaît très bien,
le ministère de l'Environnement s'est trouvé exclu, ce qui ne va
pas sans susciter des pressions au niveau des appareils centraux.
Donc, pas 50 000 000 $ en termes de fonctionnement, 25 000 000 $
après deux ans. Il y a un budget qui va être déposé
prochainement. On connaît le contexte, mais on ne perd pas la fol ou
la...
M. Lazure:...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Réalisme, M. le
député de La Prairie. Mon psychiatre fouille constamment mon
subconscient dans ce domaine-là et je suis obligé d'avoir recours
à ses services parfois pour fouiller celui du président du
Conseil du trésor. On réussit quand même à se
diriger vers des augmentations d'effectifs et de ressources - et je le souligne
- qui ne sont pas encore suffisantes. De toute façon...
Le Président (M. Garon): Le problème, c'est de
trouver quelque chose.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a trouvé 15 000 000 $,
on a trouvé 10 000 000 $, on a trouvé 50 000 000 $ en recherche
et développement et on cherche encore pour en trouver suffisamment.
La création de l'Office de protection de l'environnement, ce
n'est pas une idée qui est venue dans un vacuum administratif,
organisa-tionnel ou politique. Vous le savez tout aussi bien que le ministre
que le ministère de l'Environnement est le plus jeune des
ministères du gouvernement du Québec, qu'il a été
créé dans Un contexte budgétaire difficile. À
l'époque, on n'embauchait pas beaucoup non plus de l'extérieur.
On a demandé à différents ministères de livrer au
ministère de l'Environnement des nombres de fonctionnaires. Le
ministère s'est bâti au fur et à mesure des crises
environnementales également. S'il y avait une crise de déchets
dangereux, on créait une direction générale des
déchets dangereux, etc. (20 h 30)
C'est un ministère qui a été créé un
petit peu de cette façon-là, tant et si bien qu'en 1989 - et
j'insiste là-dessus parce que vous nous recommandez une réforme
à l'interne - on s'est essayé à l'interne. On a
évalué différentes approches: eau, air, sol, approche
intégrée; on a évalué l'approche clientèle,
on en a évalué d'autres. On a retenu l'approche clientèle.
On a créé cinq sous-ministériats et ça va rejoindre
une des idées qui est contenue dans votre mémoire. On a
identifié les trois principales sources de pollution: municipale,
industrielle, agricole. On a pensé que, pour appliquer la
réglementation, il fallait se rapprocher des citoyens. On a
créé le sous-ministériat aux opérations
régionales comme telles et les effectifs ont plus que doublé dans
ce sous-ministériat au cours des deux dernières années, il
faut, également, penser à l'avenir. On a créé le
sous-ministériat au développement durable.
On a accentué, au cours de l'année passée, la
régionalisation du ministère. On a fait toute cette
restructuration-là et je pense que c'a donné certains
résultats. En tout cas, le taux d'insatisfaction de la population envers
le ministère de l'Environnement, qui était de 70 % il y a deux
ans, est maintenant passé à 48 %. C'est encore trop, mais il y a
des progrès qui ont été faits dans la bonne direction.
Comme nous ne sommes pas satisfaits de la performance du ministère,
notre objectif est d'augmenter le service à la clientèle,
d'augmenter la performance. Pour des raisons de qualité de services,
pour des raisons environnementales, pour des raisons de satisfaction du
personnel aussi du ministère de l'Environnement, parce que quand vous
êtes à 70 % d'insatisfaction, ce n'est pas plus le "fun" comme
professionnels de se retrouver dans les «partys» de Noël avec
la famille que d'être ministre et d'expliquer ça. Tout le monde a
avantage à améliorer la performance et l'efficacité.
On s'est rendu compte que, structurés comme nous sommes, on
réussit à pallier aux urgences d'avant-hier, d'avant-avant-hier
et d'hier. Parfois, on réussit à pallier à l'urgence du
matin, mais jamais on n'a réussi, sur le plan des politiques, de la
réglementation et de la législation, à maîtriser
l'avenir. Tant qu'on ne le fera pas, parce qu'on est pris dans les
opérations quotidiennes, j'ai l'impression que, comme ministère
de l'Environnement, on va peut-être plafonner à autour de 50 % de
taux de satisfaction et d'insatisfaction, et ce n'est pas suffisant sur tous
les plans.
Au cours des deux dernières années, pour parler urgences,
en 1990, on a adopté deux projets de loi, la loi 65, pollueur-payeur,
avec la collaboration de l'ensemble des membres de l'Assemblée
nationale. On a créé la société d'État RECYC
dans le but d'activer la récupération, le recyclage, la mise en
marché des produits recyclés. On a adopté un seul
règlement. On a réussi, par l'adoption d'un règlement,
à contrôler ou à réglementer le contenu en soufre
dans le mazout lourd. Dures négociations avec les professionnels
d'Énergie et Ressources de façon à atteindre nos objectifs
quant à la diminution des pluies acides. On les a non seulement
atteints, c'est le seul dossier où on les a dépassés,
grâce, entre autres, à l'implication de l'Association
québécoise de lutte contre les pluies acides.
En 1991, on a accéléré le rythme
réglementaire, mais encore pour répondre aux problèmes
d'avant-hier et d'hier. Sur le plan de la législation, la
Société québécoise d'assainissement des eaux a vu
son mandat prolongé, extensionné et nous sommes aujourd'hui
capables d'intervenir dans les plus petites municipalités. Nous avons
également adopté un projet de loi pour donner suite à la
commission Charbonneau sur les matières dangereuses. On avait une
définition de «déchet dangereux» avant qui nous
empêchait de procéder à la récupération et au
recyclage des matières dangereuses comme telles. On a
extensionné, par le fait même, la juridiction du ministère
de l'Environnement.
Troisième législation en 1991, la Loi sur la
réduction des rejets industriels, parce qu'on avait
des progrès de faits comme société
québécoise en assainissement des eaux, en pollution municipale,
mais on n'avait à peu près rien de fait dans la réduction
de la pollution industrielle puis surtout rien de fait - ils vont venir plus
tard - en réduction de pollution agricole. Il fallait débuter
quelque part.
Sur le plan de la réglementation, encore là, on a
répondu aux urgences: le règlement sur les carrières et
sablières, règlement sur les neiges usées, après
une consultation avec les unions municipales, règlement sur les
déchets solides, de façon à permettre aux gestionnaires
d'un site d'enfouissement sanitaire de refuser des déchets qui
provenaient de l'extérieur de sa MRC - avant ça, ils avaient
l'obligation de les accepter s'ils provenaient de la province de Québec
-règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage, suite aux
incendies, aux événements de Saint-Amable, entre autres. Nous
avons prépublié d'autres règlements sur les pâtes et
papiers, sur les déchets biomédiaux, règlement qui va
être en vigueur le 1er avril prochain et, il y a deux semaines, nous
avons prépublié le règlement sur les attestations
d'assainissement en milieu industriel de façon à appliquer notre
législation dans le milieu industriel. Il y a d'autres règlements
qui s'en viennent, mais encore une fois, c'est pour pallier à
l'urgence.
En ce qui concerne la protection de nos cours d'eau, la politique du
ministère de l'Environnement ne protégeait que les cours d'eau
qui étaient des affluents directs du fleuve Saint-Laurent et le fleuve
Saint-Laurent. Nous avons étendu cette protection à l'ensemble
des cours d'eau du Québec. En ce qui concerne les réserves
écologiques, les territoires que l'on tente de préserver pour que
nos enfants puissent juger comment on a endommagé les autres
territoires, à l'état le plus naturel possible, il y a une loi
sur les réserves écologiques qui a été
adoptée en 1974. Quand je suis arrivé en 1989, il y avait 21
réserves écologiques qui avaient été
créées à travers tout le territoire
québécois. Depuis ce temps-là, nous en avons
créé 11 nouvelles. Il y en a 7 où mes fonctionnaires ont
fini leur travail au niveau ministériel ou interministériel, qui
devraient être créées sous peu, et il y en a 39 dans notre
programmation triennale, et nous pensons être capables de relever ces
objectifs.
Au niveau des interventions du ministère de l'Environnement,
peut-être ce qui est passé le plus inaperçu,
peut-être ce qui a été, à l'horizontal, le plus
efficace, c'est la présence du ministère de l'Environnement au
comité interministériel de développement
économique. Désormais ou depuis la dernière
élection, les organismes gouvernementaux ne font pas de prêt, de
participation financière ou autre dans des entreprises qui ne sont pas
en règle avec le ministère de l'Environnement du Québec.
Et ça, c'est un levier qui est beaucoup plus puissant que la loi et la
réglementation qu'on tente d'appliquer.
Grosso modo, c'est le portrait. Au moment où on se parle, la
régionalisation, nous, on l'a tentée, on l'a tentée de
bonne foi. Elle a réussi dans le sens que nous avons aujourd'hui des
postes en région en nombre deux fois supérieur et un peu plus
à ce qu'on avait il y a deux ans. Sauf, est-ce qu'elle fonctionne de
façon pratique? La réponse, quand on écoute la
clientèle du ministère, ceux et celles qui sont venus
témoigner puis ceux et celles qu'on connaît, c'est non. Elle ne
fonctionne pas parce que la centrale veut conserver ses pouvoirs et ses
attributions et la région n'est pas condamnée à prendre la
décision. Donc, quand vous avez un projet, un certificat d'autorisation
à obtenir du ministère de l'Environnement, vous vous
présentez au bureau régional. Le dossier est à la fois
aspiré et poussé vers le haut, vers la centrale. La centrale se
penche sur le dossier, le retourne à la région et, là, on
joue un petit peu au ping-pong. Personne ne veut engager sa
responsabilité de prendre la décision. Ce que ça prend,
c'est un cadre qui condamne la région à prendre sa
décision, qui ne l'empêche pas de consulter l'expertise à
la centrale, mais qui la condamne, comme région, à prendre sa
décision et à donner le suivi du dossier.
Le deuxième problème, c'est l'uniformité des
décisions. On a eu des gens qui sont venus nous dire ici: Moi, j'habite
dans telle région et j'ai une entreprise dans telle région, je
vais au bureau régional et ça me prend un certificat
d'autorisation pour exercer tel type d'activité. Mais, vu que je suis
une entreprise provinciale dans l'autre région, je n'en n'ai pas besoin.
Et ça, c'est le même ministère de l'Environnement de la
province de Québec avec une absence d'uniformité d'une
région à l'autre.
Troisième élément: le ministre de l'Environnement.
C'est lui qui est responsable directement de la législation, de la
réglementation. C'est le législateur. Il est responsable de
l'application, comme membre de l'Exécutif, de cette loi et de ses
règlements, puis il est responsable de rendre les ordonnances puis des
ordonnances qui sont allées jusqu'à ordonner des fermtures
d'usines. Pouvoir quasi judiciaire. Vous retrouvez sur les épaules de la
même personne l'exercice du pouvoir exécutif, du pouvoir
législatif et du pouvoir judiciaire. Moi, je vous dis: Comme syndicat,
méfiez-vous. Quand un même individu, dans une
société, exerce l'ensemble des pouvoirs qui sont supposés
être séparés, ça peut être risqué.
Disons que vous pouvez tomber sur un bon gars ou une bonne personne pour une
période donnée, mais ce n'est pas une façon de bâtir
un système qui soit étanche et équilibré et
où le partage des pouvoirs garantit la démocratie.
M. Giroux: Genre employeur-législateur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un peu pire. Des voix: Ha,
ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Juge en plus pour trancher les
litiges.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ajoute une fonction
additionnelle à l'exemple que vous venez de donner. Vous avez raison de
le souligner. La situation est particulière et imaginez-vous si, en
plus, il s'agissait du tribunal qui décide de vos griefs, ça
ajouterait à la complexité.
L'autre élément sur lequel on doit se pencher dans la
création d'un tel organisme: l'imputabilité d'un ministre. Moi,
j'ai eu à le soumettre parce que plusieurs... J'ai de la
difficulté parce que le message me revient souvent et je ne le prends
pas à la légère. Si vous insistez dessus et si d'autres
organisations ont insisté sur cet aspect et l'Opposition insiste
également dessus, l'imputabilité du ministre de
l'Environnement... Moi, je ne cherche pas à me défaire de ma
responsabilité ministérielle face à l'Assemblée
nationale du Québec et face à la population du Québec. Je
pense que le ministre de l'Environnement...
J'ai M. le président, ici, qui a déjà
été ministre de l'Agriculture. Il a créé, à
un moment donné, une Commission de protection du territoire agricole,
à titre d'exemple, pour ne mentionner que cet organisme. Je pourrais
parler de la Régie des marchés agricoles, etc. Lorsqu'il y avait
des problèmes en matière de zonage agricole, il était
quand même responsable des agissements de la Commission devant
l'Assemblée nationale du Québec et devant l'ensemble de la
population du Québec.
Si vous êtes responsable... J'ai été ministre du
Travail, de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu. J'ai
été ministre des Affaires municipales et je me souviens de
questions adressées à l'Assemblée nationale sur des
dossiers qui étaient devant la Commission municipale du Québec,
et j'avais à répondre des agissements de la Commission municipale
et des dossiers, dossier de Saint-Laurent...
M. Dufour: Oui, mais c'étaient des réponses pas
claires.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est vous qui posiez les
questions.
M. Dufour: Ce n'était pas des réponses claires,
précises.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'avez pas besoin
d'être satisfait des réponses parce que ce que je veux dire, c'est
que le ministre a l'obligation de répondre des agissements des
organismes dont il a la responsabilité en vertu de la loi. Ça
n'implique pas que le ministre se doit d'être responsable de
l'émission des permis. Il y a des exemples de ce temps-ci, là.
Moi, je préférerais avoir un organisme qui aurait émis des
permis plutôt que le ministre qui émet des permis. Je pense que
ça concerne la responsabilité ministérielle, mais
l'application de la loi et des règlements, un organisme est capable de
faire ça quand la loi et les règlements sont clairs.
Le ministère, de son côté, lui, il a besoin
d'oxygène. Le ministère de l'Environnement, il a besoin
d'être capable de se consacrer aux politiques environnementales, aux
politiques de développement durable, à la législation
comme telle et à la réglementation, et pas de façon
complètement abstraite. Il y a un article de la loi qui prévoit
qu'il peut consulter l'Office et que l'Office peut être consulté,
également, parce que les gens qui l'appliquent, il faut les consulter,
ces gens-là. On ne peut pas légiférer en vase clos. Mais
ça nous permet de centrer les missions, de faire en sorte que les gens
qui sont les législateurs, des gens de règlement, des gens de
politique puissent s'adonner à cette tâche-là et qu'ils ne
soient pas pris à tous les matins à 7 h 30, 8 heures, 8 h 15,
à répondre aux urgences d'avant-avant-hier, d'avant-hier, d'hier,
puis, quand on réussit à s'y rendre, d'aujourd'hui, et de ne pas
avoir le temps de maîtriser l'avenir.
C'est le sens de la proposition qui est devant vous. Moi, j'ai lu votre
mémoire attentivement. J'ai une question pour vous. La question, elle
est fondamentale. Je pense que j'avais présenté le projet dans ce
sens-là. C'est la question du financement. Vous l'avez abordée
avec raison. Le projet de loi, tel que déposé, comportait un
volet financement à partir des redevances, à partir d'une
tarification des actes administratifs. Ce n'est plus dedans et vous soulignez
qu'il s'agit d'un élément essentiel. J'aimerais vous entendre,
soit sur les autres arguments que j'ai soulevés, mais en particulier sur
l'aspect du financement de l'Office de la protection de l'environnement.
M. Giroux: Oui. On vous a suivi un grand bout, M. le ministre,
puis on est d'accord avec vous pour identifier, séparer l'application,
le quotidien, du moyen et du long terme. Mais on pense que ça peut se
faire et que ça gagnerait à se faire à l'intérieur
du ministère - c'est ce qui nous différencie, essentiellement -
plutôt qu'à un office, parce qu'un office, en soi, va
générer, va demander des emplois, des ressources, simplement
comme structure, pour gérer la nouvelle structure. Je pense que notre
message est assez clair. Il n'y en a pas de ressources supplémentaires
qu'on doit y consacrer. Les ressources doivent être en service à
l'environnement, directement attachées à un «output»
environnement, si vous
me permettez l'expression.
Le modèle qui existe de l'Inspecteur général des
institutions financières est un modèle qui pourrait être
approprié. L'Inspecteur a un mandat d'appliquer par législation,
de suivre les institutions financières et d'appliquer des lois. Alors,
c'est pensable, une structure comme celle-ci, et c'est plus économe,
à notre avis.
Par rapport au financement, ce que nous croyons, d'abord, c'est
qu'effectivement, s'il doit y avoir un régime de redevance, que le
système de pollueur-payeur se mette en place. Il y a un consensus dans
la population à cet égard-là. Mais nous pensons que ce qui
fait partie aussi du consensus, c'est que les sommes d'argent recueillies des
pollueurs aillent vers la dépollution, sinon, on ne gagne rien comme
société. On pénalise des gens parce qu'ils
détériorent notre environnement, mais pour le corriger, si
l'argent n'est pas mis à restaurer après les dommages faits, on
ne sera pas plus avancé. (20 h 45)
Alors, il nous semble qu'il y a toute une logique du pollueur-payeur
d'intégrer tout cela dans les prix parce qu'on sait bien que ça
ira dans les prix, une réalité totale des prix; au sein des
mêmes entreprises qui produisent les mêmes produits, qu'on puisse
tarifer en fonction de la pollution, et les entreprises qui pollueront moins
pourront offrir des prix plus avantageux à la population.
Or, donc, il nous semble effectivement que s'il devait y avoir des
redevances - et c'est une voie intéressante, bien que difficile à
appliquer, on vous le souligne - de mesurer la quantité de pollution
d'une entreprise par rapport à une autre, ce n'est pas facile. Les
sommes d'argent devraient rester à l'environnement pour corriger les
torts faits. Michel pourrait peut-être ajouter à cet
égard.
M. Mailloux (Michel): Oui, effectivement, concernant le
financement, on a eu quelques discussions à ce niveau-là et,
malheureusement, lorsqu'on parle d'autofinancement de l'OPEQ, les gens qu'on a
contactés ne se voyaient pas convaincus, du moins par le projet de loi
qui était avancé. Évidemment, il y a beaucoup de
discussions au niveau de ça, l'autofinancement. Comme on le mentionnait
tantôt, dans un premier abord, il ne nous a pas semblé, à
certains de nos économistes du moins, que c'était viable,
l'autofinancement d'un OPEQ.
Par contre, comme Daniel le mentionnait, déjà, depuis des
années, on parle de redevances ou de tarification des services et, dans
ce sens-là, les gens s'attendaient à l'effet qu'il faudrait que
ça revienne à la protection de l'environnement. Comme on le
mentionnait tantôt et comme vous le mentionniez vous-même, on est
d'accord que la situation actuelle est problématique au ministère
de l'Environnement, qu'il faut trouver une solution, compte tenu de nos
ressources, et on espère certaines ressources additionnelles pour faire
en sorte qu'on va améliorer de façon optimum notre protection de
l'environnement et remplir le plus adéquatement possible le mandat que
le ministère avait qui, il ne faut pas l'oublier, était, entre
autres, de prévenir et non pas seulement de réparer les dommages,
et peut-être un troisième mandat qui était aussi de
développer des connaissances en environnement.
D'où l'aspect important de l'expertise et, comme on le
mentionnait tantôt, d'une masse critique pour pouvoir non pas seulement
recevoir les questions du public, mais pouvoir y répondre, parce que je
pense, effectivement, que la population a évolué. Elle ne se
contente plus maintenant de poser des questions et de se faire tout simplement
répondre au bout: Oui, on prend note de votre préoccupation. Ils
veulent maintenant avoir des réponses.
Pour répondre, comme on le mentionnait dans notre mémoire,
il faut effectivement avoir l'expertise. C'est peut-être une faiblesse
qu'on a au ministère de l'Environnement. Peut-être voilà 10
ans, on était relativement bien positionnés parce que
l'évolution n'était pas encore bien enclenchée, mais on a
peut-être pris un retard dans les 10 dernières années. Il
faudrait peut-être donner un coup de barre pour pouvoir rattraper
ça. Faire une nouvelle structure où on aurait des gens qui
serviraient plutôt à la gestion de la structure qu'à
l'expertise, c'est là qu'on a une difficulté à ce
niveau.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, au nom de
l'Opposition, je salue M. Giroux et ses trois collègues
représentant des professionnels du gouvernement. Leur mémoire
rejoint essentiellement la position de la très grande majorité
des groupes que nous avons rencontrés depuis quelques semaines.
Ça rejoint aussi la position de notre parti. Vous soulevez à bon
droit les problèmes de dédoublement administratif que la
création de cette nouvelle structure-là amènerait;
l'éparpillement de l'expertise, deuxième problème que vous
soulevez.
Je vais revenir tantôt à la suggestion concrète que
vous faites advenant l'hypothèse malheureuse où il y aurait un
office. La suggestion que vous faites, même sans la création de
l'Office, de nommer un sous-ministre responsable de l'application des lois et
règlements, j'y reviendrai tantôt. Mais juste quelques
réactions aux propos du ministre.
Il fait valoir, comme il l'a fait à maintes et maintes reprises,
que ce qu'il appelle cette réforme en créant l'Office vient
répondre à un besoin qui découle de différents
phénomènes. Un phénomène: les tensions entre le
central et le régional. Un autre phénomène: Les
délais trop longs comme si en créant la nouvelle structure,
il y aura plus d'efficacité, par définition. Ça n'a
pas impressionné grand monde à date, tout le long
préambule qu'il fait. Et nous, je lui redemande encore ce soir, c'est la
dernière fois, c'est notre dernier bloc de consultations...
M. Paradis (Brome-Missisquoi):...
M. Lazure: Oui, mais c'est notre dernière soirée.
Je lui redemande, encore une fois, de nous déposer devant la commission
les études qui ont mené à cette décision. Le
ministre nous a dit à plusieurs reprises: On m'a proposé, dans le
ministère... Mes fonctionnaires m'ont proposé de procéder
à la création de cet office. Il a dit ça. C'est dans le
Journal des débats. Je vois que vous êtes sceptiques, MM.
les représentants du syndicat. Vous avez raison d'être
sceptiques.
Une voix: Ils ne sont pas confondus.
M. Lazure: Le ministre n'a pas jugé bon de déposer
de telles études. Ou bien elles n'existent pas - ce que je
soupçonne être le cas - ou bien elles existent, mais elles
n'étaient pas dans le sens de créer une nouvelle structure. En
tout cas, si vraiment les études confirment son action présente,
je ne vois pas ce qu'il aurait à perdre à les déposer. Je
ne comprends pas pourquoi il ne les dépose pas, mais tournons la page
là-dessus.
La régionalisation. C'est évident qu'à
l'intérieur de la structure actuelle le ministre n'aurait qu'à
prendre ses responsabilités, agir comme leader politique et dire: Voici
jusqu'où l'autonomie des régions va aller. À partir de
là, vous consultez. Vous devez avoir l'approbation du central. Il est
là pour ça, pour prendre de telles décisions, pour
instaurer de telles politiques. Jusqu'où va l'autonomie des
régions et le partage entre le central et les régions? Encore une
fois, ce n'est pas la création d'un office en tant que tel qui va
régler ce problème-là. De toute évidence, il va y
avoir des dirigeants de l'Office qui vont être dans un central quelconque
et il va y avoir du personnel de l'Office dans les différentes
régions du Québec.
Alors, moi, après l'avoir écouté patiemment, comme
d'autres autour de la table depuis quelques semaines, je ne l'ai pas entendu
apporter un seul argument valable. La preuve, c'est qu'il n'a convaincu
personne dans tous les groupes qui sont venus. La très vaste
majorité, après l'exposé du ministre, a continué de
dire: Vous faites une erreur, vous faites une erreur.
Je reviens à la régionalisation et je vous pose la
question: Quelle est l'évaluation que vous, vous faites de ce mouvement
vers la régionalisation qui avait été instauré il y
a quelques années?
M. Giroux: Alors, d'abord, c'est un mouvement qui est tout
à fait souhaitable de rap- procher les décisions, les personnes
qui sont en cause. Mais je dirais qu'elle n'est pas terminée. M. Paradis
le sait. Il y a encore des parties du ministère qui devraient aller en
région sous peu et qui n'y sont pas. Ce qui explique peut-être
encore qu'entre le central et les régions il y a des mandats à
éclaircir et un peu de chevauchement. Il y en aura toujours un petit peu
parce que je ne suis pas certain que la région de la Côte-Nord
sera tout à fait équipée pour avoir toute l'expertise et
prendre toutes les décisions dans de gros projets, par exemple.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président (M. Garon): On pourra en régler... On
va...
M. Maltais: Un instant. M. le Président. Question de
règlement. Ce n'est pas parce qu'il est le quatrième
vice-président de la huitième centrale qu'il a le droit
d'insulter les gens de la Côte-Nord. Chez nous, monsieur, on a
l'expertise qu'il faut. Quand on va dans votre syndicat, c'est peut-être
malheureusement là qu'on manque d'expertise. Puis je ne tolérerai
pas en commission que vous insultiez les gens de la Côte-Nord, monsieur.
Vous avez beau être le cinquième, le huitième, le
dixième, je vais vous prendre un par un et je ne tolérerai pas
ça. Vos paroles que vous avez répétées, je vous
invite à les retirer pendant qu'il est encore temps.
M. Giroux: Je n'ai pas insulté la Côte-Nord.
M. Maltais: Vous l'avez insultée, monsieur. Retirez vos
paroles, sinon, vous allez devoir répondre de vos actes.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Oui, M. le Président, je reviens à cette
question de régionalisation.
M. Maltais: M. le Président, il n'a pas retiré ses
paroles. Je reconnais là les lâches.
M. Lazure: Bon, je reprends mon droit de parole, si le
député de Saguenay me le permet et... Merci. Le ministre dit:
Avec la création d'un Office, je vais forcer les régions à
prendre leurs décisions. Je ne conçois pas comment une structure
va venir forcer les gens à prendre des décisions. S'il veut
ça maintenant, il n'y a rien qui l'empêche de le faire, absolument
rien. Moi, je vous remets la parole sur les effets de la régionalisation
à date. Nous, on pense que c'était un pas dans la bonne
direction. Vous avez l'air de penser la même chose. Est-ce que vous
croyez qu'il y a encore du progrès à faire de ce
côté-là? On peut aller plus loin encore?
M. Giroux: Oui, je l'ai souligné, il y a encore
effectivement des mandats et donc du personnel qui devraient s'ajouter au
personnel en région. Mais l'aspect de la décision, c'est au fond
une délégation de pouvoirs, on en conviendra. Quels sont les
pouvoirs qu'on donne au personnel, aux directeurs de chacune des régions
et à leurs employés? Et ça, ça peut se
régler en dehors de la création d'une nouvelle structure. Je
pense que vous avez raison. Il suffit...
M. Lazure: À la page 6, vous dites: «Le MENVIQ a
élaboré un plan triennal d'orientation pour les années
1991-1994 dont un premier bilan a été présenté
récemment.» M. le Président, j'aimerais demander au
ministre s'il veut bien nous déposer ce plan triennal d'orientation le
plus tôt possible. J'imagine que ce n'est pas un document secret,
ça. Et, deuxièmement, de déposer aussi le premier bilan,
dans l'optique de transparence et dans l'optique de front commun que nous
formons aujourd'hui vis-à-vis d'un ennemi commun. Alors, je prends bonne
note que vous dites oui à ça. On aura le dépôt des
deux documents.
Le ministre s'est donné tantôt un gros coup d'encensoir
avec les 50 000 000 $ de recherches, mais ça, c'est sur cinq ans,
premièrement, et, deuxièmement, après presque deux ans -
on l'a vu l'autre jour, j'avais les chiffres devant moi, je les ai cités
- il y a à peine quelques millions de dollars qui ont été
engagés, quelques millions de dollars à peine et deux
bénéficiaires notoires: l'Université Laval et la ville de
Montréal. Ces sommes d'argent là sont bien loin de favoriser un
fourmillement de recherche et développement dans les réglons du
Québec. Alors, je pense qu'il faut revenir aux 50 000 000 $ de
l'engagement qui n'ont pas été respectés et au-delà
des sommes qu'on pourra bien consacrer à la recherche.
Un dernier volet, M. le Président. Je reviens là à
votre suggestion qu'à l'intérieur de la structure actuelle le
gouvernement désigne un sous-ministre responsable de l'application des
lois et règlements, et vous empruntez un peu le modèle de la
nomination de l'Inspecteur général des institutions
financières. Voulez-vous élaborer un peu plus là-dessus?
Qu'est-ce qui vous amène à suggérer ça?
M. Giroux: Alors, dans un premier temps, c'est la rationalisation
des ressources. Alors, ça éviterait, si tout se fait sous le
même chapeau, celui du ministère de l'Environnement, d'avoir une
seule direction des ressources humaines, une seule direction des ressources
matérielles, un système informatique pensé pour
l'ensemble, de la documentation, etc., alors, des vases communicants et des
économies de ressources très importantes.
Maintenant, il y a effectivement une clarification des rôles et
des mandats à l'inté- rieur du ministère qui pourrait se
faire, un clivage entre deux parties du ministère, si on veut, la partie
d'application des règlements et des lois chapeautée par un
sous-ministre adjoint - on pourra lui donner un autre titre - mais non soumis
pour la partie d'application à l'autorité du sous-ministre du
ministère. C'est cette personne qui pourra faire de la
délégation à l'interne dans les personnes qui
relèveront de lui ou d'elle, mais qui sera chargée, qui aura donc
à répondre de l'émission des permis, du suivi qui sera
fait des permis, des enquêtes et des poursuites, le cas
échéant.
C'est un peu effectivement le modèle qui nous a fait passer comme
société d'un ministère des Institutions financières
à un Inspecteur. À l'époque, c'était un
ministère qui était chargé de l'application et le
ministre, ultimement, qui avait quelque chose à voir dans l'application.
Or, maintenant, c'est l'Inspecteur général des institutions
financières qui en est chargé, qui est nommé pour une
certaine période de temps, qui a un peu plus de sécurité,
d'ailleurs, qu'un sous-ministre habituel parce que c'est un poste assez
névralgique qui a beaucoup de pression de toutes parts et qui lui permet
donc d'agir avec un peu plus d'impunité, je dirais; non pas qu'il ne
soit pas responsable, mais il peut prendre les bonnes décisions, les
meilleures, conformément aux lois, aux règlements.
M. Lazure: Je trouve que c'est une suggestion
intéressante. Votre collègue a quelque chose à
ajouter.
M. Giroux: Oui, Michel.
M. Mailloux: Oui, effectivement, peut-être que ça
pourrait permettre d'éviter les tensions entre le central et le
régional. Évidemment, notre réflexion n'a pas
été poussée vraiment tellement loin pour appliquer
ça au ministère de l'Environnement comme tel et à ses
mandats. À la limite, si on avait un sous-ministériat qui voyait
seulement à l'application des règlements... Et là je peux
même me référer à 1973, lorsque je suis
arrivé au gouvernement, aux Services de protection de l'environnement,
où c'était le directeur des Services de protection de
l'environnement qui avait justement la responsabilité d'appliquer la loi
et qui, à ce moment-là, avait même des pouvoirs au-dessus
du Conseil des ministres - ce qui a été changé par la
suite, par contre. À ce moment-là, cette personne avait une
autorité, effectivement, qui, peut-être, pourrait répondre
aux objectifs du ministre de ne pas avoir, dans la même personne,
à la fois le législatif, l'exécutif et le judiciaire.
À ce moment là, le directeur des Services de protection de
l'environnement, c'était lui qui était roi et maître de
l'application de la loi et des règlements qu'il y avait. De la
même façon, si c'était centralisé de cette
manière, il pourrait, lui, être
maître de savoir qu'est-ce qui doit être
régionalisé. Parce qu'il y a des choses, effectivement, qui
doivent être régionalisées.
Par contre, on pense qu'il y a d'autres choses, même dans
l'application des lois et règlements, qui sont sans doute mieux
d'être au central. Compte tenu, peut-être, comme on le mentionnait
tantôt, de la dilution de l'expertise, on ne peut pas avoir une grosse
expertise diluée en 10 régions. Par exemple, si on a seulement un
bassin de 5 experts, il n'y aura pas un demi-expert par région. Donc, il
y a certains domaines où le noyau est relativement restreint.
Lorsque vous parliez tantôt de recherche, effectivement, on va
dans le même sens. On pense que la recherche est un point à
développer, mais pas seulement à l'extérieur. Il ne faut
pas non plus qu'on fasse seulement coordonner de la recherche. Il faut que les
ressources à l'intérieur du ministère puissent aussi
être recyclées, si l'on peut dire, ou qu'on puisse justement
être à la fine pointe de la technologie à
l'intérieur du ministère pour mieux juger des projets ou
même des technologies qui pourraient nous être soumises comme
solutions.
M. Lazure: C'est tout à fait pertinent, votre
dernière remarque. Le temps avance. Combien de professionnels avez-vous
au ministère de l'Environnement, en tout, à peu près?
M. Giroux: Nous, on représente 350 professionnels.
M. Lazure: 350.
M. Giroux: II y a aussi tout le groupe d'ingénieurs qui
s'occupent particulièrement...
M. Lazure: Oui, c'est ça.
M. Giroux: ...des eaux usées.
M. Lazure: Oui, à peu près 220
ingénieurs.
M. Giroux: Voilà!
M. Lazure: Eux aussi, évidemment, sont contre le projet de
loi?
M. Giroux: Exact.
M. Lazure: À votre connaissance, il n'y en a pas beaucoup,
de vos gens, qui sont pour le projet de loi?
M. Giroux: Nous, on n'en a pas rencontré.
M. Lazure: vous n'en avez pas rencontré, et vous
êtes en contact intime avec vos membres, vos dirigeants.
M. Giroux: Oui, oui. Ce mémoire a été fait
en consultation avec tous les délégués.
M. Lazure: Au nom de l'Opposition, je remercie M. Giroux et ses
collègues pour l'excellent mémoire.
M. Giroux: Merci beaucoup.
Le Président (M. Garon): Alors, je remercie le Syndicat de
professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Je
suspends pendant quelques instants la commission de l'aménagement et des
équipements, le temps de changer d'interlocuteurs et de demander au
Regroupement de conseillers en acoustique et bruit environnemental du
Québec de s'approcher de la table.
(Suspension de la séance à 21 h 4)
(Reprise à 21 h 6)
Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
J'inviterais M. Guy Nollet, directeur général de
Décibel Consultants inc., à nous livrer son mémoire, en
lui disant qu'il a 20 minutes pour son exposé, 20 minutes pour la partie
ministérielle et 20 minutes pour l'Opposition. Ce que vous prendrez en
plus sera soustrait aux deux parties, dans la même proportion; ce que
vous prendrez en moins pourra leur être attribué s'ils en
manifestent le désir. À vous la parole, M. Nollet.
Regroupement de conseillers en acoustique et bruit
environnemental du Québec
M. Nollet (Guy): Merci, M. le Président. M. le ministre,
MM. les députés, je devrais effectivement être bon pour
vous livrer mon mémoire dans les 20 minutes. Je vais diviser la
présentation en trois. Dans un premier temps, je vais présenter
une mise en contexte sur le bruit; dans un deuxième temps, vous
présenter l'état de la législation actuelle aux niveaux
fédéral, provincial et municipal, avec une emphase sur le
provincial, et, troisièmement, je vais m'attarder sur la création
de l'Office de protection de l'environnement.
Le contexte. Si le début du XXe siècle a été
celui de la révolution industrielle, la fin du XXe siècle aura
été celle de l'éveil des populations aux
conséquences de cette industrialisation. Bien que les impacts sociaux et
économiques soient énormes, il est un type d'impact qui pardonne
peu ou pas du tout, de par son caractère
d'irréversibilité: l'impact sur l'environnement.
L'eau, l'air, les déchets représentent souvent l'aspect le
plus connu, et je dirais aussi le plus médiatisé, des impacts
environnementaux.
Le bruit, quant à lui, constitue un impact qui est
extrêmement important et, malheureusement, souvent négligé
ou oublié. Le recours à des procédés
mécaniques, l'implantation d'entreprises en milieu urbain -
déjà soumis au bruit - ou en région - habituellement des
zones plus sensibles au bruit - la société de loisir et la
motorisation qui l'accompagne, l'augmentation du nombre de routes, de
véhicules, de camions lourds et la croissance du trafic aérien
contribuent, chacun à leur façon, à la
détérioration de l'environnement sonore des citoyens.
Voilà pour le contexte.
Regardons maintenant la législation sonore environnementale au
Québec. Chacun des trois paliers, fédéral, provincial et
municipal, a des responsabilités précises en ce qui a trait
à la limitation et à la diminution du bruit. Au niveau
fédéral, tout d'abord, la toute première
responsabilité de l'administration fédérale en ce qui a
trait à la limitation du bruit est d'établir des normes relatives
à l'émission maximale pour une variété de produits,
d'appareils et de véhicules. C'est l'administration
fédérale qui fixe les normes d'émission et s'assure que
les fabricants de produits nouveaux les respectent. Cependant, de tels
règlements ne régissent pas les situations d'après-vente
dans lesquelles la qualité d'un produit peut s'être
détériorée et ne plus satisfaire aux normes
d'émission établies avant sa sortie d'usine. La compétence
fédérale en cette matière s'étend également
aux limitations du bruit relié aux moyens de transport interprovinciaux,
lesquels comprennent aéronefs et aéroports, trains et voies d'eau
navigables. Enfin, l'administration fédérale contrôle les
codes et lignes directrices nationaux afin d'assurer une certaine
uniformité.
Maintenant, le niveau provincial. Il incombe aux administrations
provinciales, en vertu de diverses lois provinciales, de limiter le niveau de
bruit engendré par l'utilisation de certains produits, appareils et
véhicules. Les autorités provinciales autorisent les
municipalités à établir des plans d'action et à
promulguer des règlements afin de diminuer le nombre de sources de bruit
distinctes.
Au niveau municipal. C'est surtout à l'échelon municipal
qu'incombe la responsabilité de la réglementation sur la
réduction du bruit. Les municipalités ont la tâche de
réglementer le bruit par l'application des lois habilitantes, des lignes
de conduite et des règlements provinciaux. En voici quelques-unes,
à titre d'exemples: règlements municipaux relatifs à la
limitation du bruit; les projets municipaux d'aménagement foncier et le
zonage; la gestion de la circulation; les programmes de
réaménagement routier visant à réduire le bruit
ambiant. Parmi les services municipaux auxquels sont confiées ces
diverses tâches se trouvent, entre autres, les services chargés de
l'application des règlements ainsi que les services de planification, de
transport, de police et de construction. Alors, voilà pour la
législation, ce qu'elle est en théorie. Voyons maintenant comment
elle est appliquée.
À la lecture de la section précédente traitant de
la législation sonore, on serait porté à croire que le
sujet est bien cerné et ne laisse place qu'à peu d'incertitude.
Or, dans la réalité, il en va tout autrement. Tel que
mentionné précédemment, le gouvernement
fédéral ne régit pas les conditions d'après-vente
ni la façon dont les équipements sont utilisés, ce qui
représente deux composantes importantes du niveau sonore
réellement produit.
D'autre part, un très grand nombre de municipalités n'ont
ni les fonds, ni le temps, ni le personnel pour promulguer et faire appliquer
des règlements sur le bruit. Par contre, quelques grandes
municipalités le font - celles de Montréal et Laval, par exemple
- non exhaustivement.
Les articles 20, 94 et 95 de la Loi sur la qualité de
l'environnement du Québec stipulent: À l'article 20: «Nul
ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter ni permettre
l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans
l'environnement d'un contaminant au-delà de la quantité ou de la
concentration prévue par le règlement du gouvernement. «La
même prohibition s'applique à l'émission, au
dépôt, au dégagement ou au rejet de tout contaminant dont
la présence dans l'environnement est prohibée par
règlement du gouvernement ou est susceptible de porter atteinte à
la vie - là, on rentre plus dans ce qui pourrait s'appliquer à
l'acoustique et au bruit - à la santé, à la
sécurité, au bien-être ou au confort de l'être
humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à
la qualité du sol, à la végétation, à la
faune ou aux biens.»
À l'article 94 sur le bruit, on dit: «Le ministre a pour
fonctions de surveiller et de contrôler le bruit.» Il se dote de
pouvoirs. «À cette fin, il peut construire, ériger,
installer et exploiter tout système ou tout équipement
nécessaire dans toute municipalité. Il peut également
acquérir de gré à gré ou par expropriation tout
immeuble requis et conclure toute entente avec toute personne ou
municipalité.»
Et l'application, par l'article 95, de règlements: «Le
gouvernement peut adopter des règlements pour: «1° prohiber ou
limiter les bruits abusifs ou inutiles à l'intérieur ou à
l'extérieur de tout édifice; «2° déterminer les
conditions et modalités d'utilisation de tout véhicule, moteur,
pièce de machinerie, instrument ou équipement
générateur de bruit; «3° prescrire des normes relatives
à l'intensité du bruit.»
L'article 20 inclut donc le bruit, ce bruit
qui est susceptible de porter atteinte au bien-être, au confort
et, éventuellement, à la santé de l'être humain par
un niveau élevé de stress. L'article 94 rend responsable le
ministre de s'assurer, par des vérifications et mesures, que les bruits
émis ne portent effectivement pas atteinte à la santé, ni
au confort ou au bien-être de ses citoyens. L'article 95, quant à
lui, donne toute latitude au ministère pour se doter des outils, sous
forme de règlements, permettant de remplir sa responsabilité
telle qu'elle est décrite à l'article 94.
Or, actuellement, il n'y a que deux règlements en vigueur, au
Québec, où la situation du bruit est prise en compte. Le
règlement sur les carrières et sablières et ie
règlement sur les usines de béton bitumineux. J'aimerais ajouter
ici une parenthèse. Graduellement, un règlement sur les neiges
usées est mis en application; c'est un progrès très net.
Ce règlement s'applique pour les zones de 300 mètres et moins.
Or, je peux vous dire que, suite à nos mesures, le bruit du claquement
des portes de camions est audible à plus de un kilomètre, et
encore dérangeant au double de 300 mètres.
Or, il est évident qu'un très grand nombre d'installations
industrielles ou d'activités commerciales n'ont rien à voir avec
les carrières et sablières et ne sont donc régies par
aucun règlement. De plus, ces deux règlements ont certaines
lacunes mises en évidence par l'augmentation des connaissances en
propagation du son, l'amélioration des techniques de mesure et de
l'instrumentation. (21 h 15)
Lors de plaintes relatives au bruit, l'application de l'article 94 est
confiée aux bureaux régionaux du ministère de
l'Environnement. Pour les aider dans l'évaluation de l'impact sonore, le
ministère leur recommande les valeurs sonores guides provenant d'un
projet de règlement relatif au bruit communautaire, datant de 1976.
Déjà 16 ans. Ce projet n'a jamais franchi les étapes
nécessaires à sa promulgation. Les inspecteurs régionaux
du MENVIQ utilisent actuellement, comme référence pour leurs
mesures, les règlements des carrières, sablières et usines
de béton bitumineux. Étant donné l'interprétation
large qui peut en être faite, un projet ou une situation sonore pourrait
fort bien être accepté dans une région de Québec et
être refusé dans une autre région, avec les
problèmes que cela peut causer. M. le ministre vient d'aborder ce point,
entre autres.
L'étude, la compréhension et l'interprétation de la
génération du bruit, sa propagation, ses interférences et
les méthodes d'atténuation constituent une science à
laquelle, nous, conseillers en acoustique, consacrons tout notre temps. Il sera
donc difficile, voire impossible, à un intervenant régional du
ministère, ou quiconque aux prises avec plusieurs
phénomènes de contamination tels eau, air, déchets et
bruit, de bien connaître tous ces contaminants et de porter un jugement
éclairé sur chacun d'eux.
Les régions pourraient se référer au bureau central
du ministère pour obtenir une assistance pour les problèmes de
bruit. Mais, depuis près de cinq ans, il n'y a personne qui soit le
répondant du bruit. Une chaise vide, un espace vacant. De par
l'imprécision de la situation et la latitude existant dans
l'interprétation, il devient difficile pour les conseillers en bruit
environnemental de bien renseigner un client sur les exigences du MENVIQ, sur
ce qu'il faudrait faire et les chances de passer les différentes
étapes avec succès. Voilà pour la situation actuelle
relative au bruit.
Création de l'Office de protection de l'environnement. Les
éléments favorables. La création de l'Office de protection
de l'environnement, en dissociant les processus d'orientation et de
législation du suivi quotidien sur le terrain, devrait permettre
à ce dernier de développer une plus grande intégration
à son milieu, une plus grande rapidité d'intervention, une
flexibilité et une autonomie accrue. Les différents processus de
révision et d'appel favorisent une transparence de cette
administration.
D'autre part, il y a des incertitudes: les outils de travail. Tel que
mentionné précédemment, les intervenants du
ministère en région n'ont pas les outils leur permettant
d'évaluer adéquatement une situation sonore, actuelle ou en
projet. Créer l'Office, c'est-à-dire probablement regrouper sous
celui-ci les régions et lui donner le mandat de surveiller et de
contrôler, est totalement inutile au point de vue bruit environnemental
si cette action ne s'accompagne pas de l'élaboration d'une
réglementation pratique et applicable. Ces conditions sont essentielles
si on veut que l'Office remplisse ses responsabilités au point de vue du
bruit.
Législation appropriée. Tel que mentionné, une
législation appropriée constitue une condition sine qua non du
respect de l'environnement sonore. La technologie de mesure évolue
rapidement. Le champ de connaissances s'élargit grâce à la
recherche en acoustique. Il est donc important que cette législation ne
soit pas le fruit de délibérations de légistes rendant son
application immédiatement vouée à l'échec.
La concertation entre le ministère et les intervenants dans le
domaine acoustique devra être hautement privilégiée. Cette
concertation pourra revêtir un caractère permanent, favorisant
ainsi une consultation en vue de garder la législation
d'actualité et reflétant les besoins des citoyens.
Support central. Une autre condition essentielle au bon fonctionnement
des différents bureaux de l'Office est que ses membres puissent avoir
recours à des personnes-ressources au bureau central. Les membres de
l'Office en région, appelés à travailler sur une grande
variété de problèmes ou de situations, feraient
donc une première analyse des dossiers et se
référeraient aux personnes-ressources pour le support technique
approprié. L'Office constituerait donc l'équipe sur le terrain
supportée par une logistique à la fine pointe des connaissances
scientifiques et technologiques.
Volet formation. Dans le but de procéder à de
bonnes analyses préliminaires des dossiers qui leur sont confiés,
les intervenants de l'Office devraient recevoir régulièrement de
l'information et de la formation dans les domaines qu'ils sont appelés
à toucher lors de leurs interventions. Le personnel-ressource du
ministère, agissant comme support technique, serait tout
désigné pour aller dans les bureaux régionaux dispenser
cette formation.
Maintenant, les coûts de cette approche, les
coûts pour le gouvernement. Il est évident que, dans une situation
de restrictions budgétaires, de rationalisation des opérations et
de réduction de l'ampleur du déficit, nous ne pouvons favoriser
l'embauche de nouveau personnel. Nous sommes persuadés qu'en faisant
appel aux resssources humaines internes le ministère peut combler le ou
les postes de responsable technique ou répondant en bruit
environnemental. Si nécessaire, celui-ci pourrait recourir, sur une base
occasionnelle et temporaire, au secteur privé. La formation des
intervenants régionaux devrait, quant à elle, être vue
comme un investissement.
Somme toute, en bruit environnemental, beaucoup peut
être fait pour relativement peu. Et ceci permettrait au ministère
d'assumer pleinement la responsabilité qu'il s'est donnée et
d'assurer que le bruit indésirable ne vienne affecter la santé,
le confort et le bien-être de ses citoyens.
Maintenant, le coût pour l'entreprise. De prime
abord, on serait tenté de dire que, souvent, une réglementation
additionnelle entraîne des frais supplémentaires pour
l'entreprise, la rendant moins compétitive. Toutefois, l'absence de
réglementation adéquate en bruit pourrait so comparer, à
la limite, à l'absence de réglementation de vitesse ou de poids
maximal sur les routes. Ce serait le chaos. Une fois les règles
établies, tous sont sur le même pied. Tous savent à quoi
s'en tenir. Tous savent quoi faire et ne pas faire pour se comporter en bon
père de famille, en bon citoyen.
Pour les projets actuellement envisagés, de la
même façon que l'on ne tolère plus les rejets directs
à l'égout ou à l'atmosphère sans un traitement
approprié, on ne doit pas non plus accepter des sources sonores
excessives non traitées. Et notre expérience nous indique que,
dans la majorité des cas, un réaménagement mineur, une
modification dans le mode d'opération ou dans le choix des
équipements permet d'atteindre des niveaux sonores qui rencontrent les
valeurs guides de bruit de 1976. Souvent, cette approche permet l'utilisation
d'une technologie plus avancée, contribuant fréquemment à
une meilleure productivité de l'entreprise.
Opérations actuelles. Pour les cas où les
opérations actuelles entraînent des niveaux sonores
élevés, les coûts des correctifs peuvent être
raisonnables. Mais il arrive que ceux-ci soient si élevés que
leur implantation complète rendrait l'entreprise non rentable. À
ce moment, des incitatifs financiers pourraient être mis en place et une
certaine latitude permise dans l'échéancier de l'implantation des
correctifs, comme pour les projets d'épuration.
En conclusion. Le niveau sonore auquel les citoyens sont soumis
quotidiennement a continuellement augmenté depuis les tout débuts
de l'industrialisation. Ce niveau sonore dégrade l'environnement sonore
des citoyens et affecte leur bien-être, leur confort et même leur
santé. Les responsabilités de la législation sont
partagées entre le fédéral, le provincial et le municipal.
Chacun des trois paliers suivants de l'administration canadienne a des
responsabilités précises en ce qui a trait à la limitation
du bruit.
L'administration fédérale établit des
critères d'émission de bruit des appareils au moment de leur
sortie d'usine; établit des lignes directrices ayant trait à la
limitation du bruit relié aux moyens de transport interprovinciaux tels
les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires; établit des
lignes directrices pour l'ensemble du pays afin de promouvoir l'uniformisation
des normes relatives à la mesure et à l'interprétation du
niveau sonore.
L'administration provinciale, quant à elle, établit des
lignes directrices en matière de limitation du bruit, par
l'intermédiaire de l'aménagement foncier; facilite la mise sur
pied et l'application des règlements municipaux visant la limitation du
bruit - contrôle, interprétation et formation; révise et
approuve les règlements municipaux en matière de limitation du
bruit aux fins d'uniformisation.
L'administration municipale, quant à elle, rdicjtu des
règlements municipaux en matière de limitation du bruit; voit
à l'application de ces règlements; assure le respect des lignes
de conduite provinciales en vertu des pouvoirs qui lui sont
délégués.
Or, nous avons vu que, dans la réalité, il y a des lacunes
au point de vue bruit environnemental. La condition sonore après vente
n'est pas du ressort fédéral. Le nombre de sources, le mode, la
durée d'utilisation ne sont pas considérés par le
fédéral. Il n'existe que deux règlements sur le bruit
environnemental - carrières, sablières et usines de béton
bitumineux - au provincial. Neiges usées à inclure. Seules les
valeurs guides datant de 1976 donnent les limites de bruit à respecter.
Les intervenants en région du ministère n'ont pas les ressources
pour analyser en profondeur chaque aspect d'un problème,
particulièrement en bruit environnemental, et ils n'ont pas
d'autorité technique à qui se référer dans ce
domaine. Ceci a pour
résultat de créer de grandes disparités
régionales dans le traitement des dossiers.
Le ministère désire se scinder en deux entités tout
en conservant parmi ses responsabilités celle d'assurer le
contrôle du bruit environnemental. Selon nous, certaines conditions
doivent être respectées afin de permettre de rendre utiles et
efficaces les deux entités résultantes: le ministère
devra, en concertation avec les intervenants du milieu, élaborer une
réglementation applicable de même qu'un processus de
révision et de mise à jour; le ministère devra identifier
un responsable technique en bruit environnemental dont le mandat sera de
s'assurer que la législation soit appropriée et d'apporter le
support technique aux membres de l'Office de protection de l'environnement; les
membres de l'Office devront pouvoir bénéficier de programmes de
formation de façon à leur permettre de faire un bon travail de
premier tri et, ainsi, identifier le degré d'intervention requis des
responsables techniques du ministère; éventuellement, le
ministère devra mettre en place des incitatifs financiers pour les
entreprises qui seraient susceptibles d'être sérieusement
affectées dans leur rentabilité, ou même de voir leur
survie menacée devant des investissements majeurs en contrôle de
bruit. Une certaine latitude et flexibilité du ministère et de
l'Office seront nécessaires dans ces cas.
Nous sommes disposés à travailler conjointement avec les
représentants du ministère et de l'Office de protection de
l'environnement afin d'assurer à tous les Québécois et
toutes les Québécoises un environnement sonore de qualité.
Respectueusement soumis aux membres de la commission de l'aménagement et
des équipements.
Le Président (M. Garon): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie M. Nollet, qui
représente le Regroupement des conseillers en acoustique et bruit
environnemental du Québec, pour le mémoire qu'il nous a soumis et
pour la présentation qu'il vient de nous en faire. J'aurais deux
questions pour M. Nollet. Dans un premier temps, il m'apparaît que la
notion de bruit a traditionnellement été appliquée
davantage en milieu de travail, à l'intérieur des usines comme
telles ou des bureaux, etc. Comme vous le savez, la juridiction du
ministère de l'Environnement s'arrête à la porte de
l'entreprise. Nous n'avons pas juridiction à l'intérieur des
entreprises. Je fais le parallèle parce que, peut-être que nous
autres aussi, traditionnellement, à l'Environnement, on s'est
attardés davantage à la notion de travail. Vous le mentionnez, le
bruit est un critère dans deux de nos réglementations;
carrière et sablière, où on retrouve la présence de
travailleurs - on n'a pas mentionné le voisinage - et, également,
béton bitumineux, où on retrouve la présence de
travailleurs, mais je suis d'accord qu'il y a également un effet sur le
voisinage. est-ce que, en fonction de la relation de travail, la
réglementation actuelle apparaît satisfaisante à votre
association?
M. Nollet: Au niveau travail, comme vous l'avez mentionné,
la réglementation actuelle n'est pas adéquate et la CSST a
présentement un processus de révision de sa réglementation
qui, elle aussi, a des difficultés d'application. Je vous donne un
exemple: la difficulté d'intégrer les bruits d'impacts aux bruits
continus, les effets ne sont pas connus encore.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan du partage des
juridictions, vous avez souligné avec beaucoup de précision le
partage des juridictions entre le fédéral, le provincial et le
municipal. Je peux me tromper et, au risque de me tromper, il y a
également la question de l'intervention du supramunicipal. Entre autres,
on me dit qu'au niveau de la Communauté urbaine de Montréal il y
a une ressource, une expertise sur le plan des bruits. Est-ce que cette
intervention au niveau de la communauté urbaine ou au niveau de la MRC
vous paraît un niveau approprié d'intervention?
M. Nollet: Je peux vous dire que, suite à
l'expérience de nos différentes interventions au niveau bruit
environnemental, on n'a eu à peu près jamais l'occasion de voir
les gens de la CUM au niveau du bruit environnemental.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la chaise est aussi
vide qu'à Québec?
M. Nollet: Non. Ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas
actifs, loin de là. Ce qui arrive, c'est que chaque municipalité
a ses propres règlements et les fait appliquer à sa façon.
Il est possible qu'elle voie d'une certaine façon, d'un certain oeil, ce
que je n'appellerais pas l'ingérence mais l'uniformisation. Alors, un
règlement qui peut être applicable, par exemple, à ville
Mont-Royal, ne serait pas nécessairement désirable pour la ville
de Montréal, qui n'a pas les mêmes citoyens. Je ne prends que
ceux-là pour exemple, mais ça pourrait s'appliquer à toute
autre municipalité. Il y a des municipalités qui ont beaucoup
d'industries; d'autres, aucune. Alors, le...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir...
M. Nollet: ...rôle de la cum pourrait consister, à
ce niveau-là, à donner des recommandations. (21 h 30)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): mais, à partir de votre
expérience personnelle, la réglementation du niveau du bruit
devrait-elle être exercée uniformément par le
gouvernement
provincial ou déléguée au niveau des gouvernements
municipaux?
M. Nollet: Comme je le mentionnais, au niveau municipal il n'y a
que peu de municipalités qui ont le temps, l'argent, le pouvoir et les
ressources humaines, premièrement, pour réglementer et,
deuxièmement, pour mettre en application. Nos mandats nous appellent
souvent à établir une législation applicable à
certaines municipalités.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous seriez favorables
à une réglementation provinciale minimale qui pourrait être
bonifiée au niveau municipal?
M. Nollet: Je pense qu'actuellement un bon exemple pourrait
être l'utilisation des critères établis en 1976, qui
s'appliquent à l'ensemble de la province, et qui permettent, en plus,
à une municipalité d'améliorer, comme vous dites, et de
bonifier la situation; ou, compte tenu de sa situation propre qui pourrait
être, par exemple, celle d'une ville très industrielle, modifier
ou adapter ces critères pour tenir compte de ses propres
règlements de zonage et donner des niveaux de bruit par zonage.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la
réglementation, la norme de 1976 à laquelle vous vous
référez, suivant votre expertise, serait d'une application
problématique dans plusieurs endroits au Québec?
M. Nollet: Tel que je le mentionnais, les niveaux comme tels
semblent adéquatement représenter un climat qui est susceptible
d'être considéré comme acceptable par l'ensemble de la
population. Là où ça devient plus difficile, c'est dans
l'applicabilité, c'est dans la mesure comme telle. Par exemple, on veut
mesurer le bruit qu'une usine génère à une maison,
à une résidence, et il y a une route. Nulle part il n'est dit
dans le règlement comment enlever l'influence de la route. Alors, il y a
certaines améliorations à apporter.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce qu'on appelle le bruit de fond?
Même pas?
M. Nollet: II y a le bruit de fond, il y a le bruit ambiant, il y
a énormément de définitions.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition,
je veux saluer M. Nollet et le féliciter pour l'intérêt
qu'il porte au projet de loi et l'intérêt encore plus grand qu'il
porte aux problèmes environnementaux qui sont créés par
des excès de bruit. Une première question, objectivement parlant,
pour avoir un peu le tableau de la situation chez vos gens. Combien d'experts
avez-vous en acoustique et bruit environnemental dans votre groupement,
à peu près?
M. Nollet: Pour répondre à votre question, je vais
procéder à une petite explication. Le bruit environnemental est
un domaine qui est relativement nouveau. La plupart des conseillers en
acoustique ont débuté justement dans le bruit industriel, tel que
le mentionnait M. le ministre, et par l'importance qu'a pris ce domaine ont
été appelés à intervenir dans ce domaine-là.
Il va sans dire que ces gens-là - ce sont tous des conseillers en
acoustique - sont éventuellement des compétiteurs. Alors, c'est
toujours délicat de regrouper un petit nombre de compétiteurs qui
compétitionnent sur le même projet. La façon dont nous
avons procédé, c'est qu'il y a eu un mémoire
d'écrit qui a été envoyé a tous les conseillers en
acoustique.
M. Lazure: Combien de personnes, à peu près?
M. Nollet: II est difficile... De personnes comme telles, environ
une vingtaine, ce qui représente peut-être une dizaine de firmes,
en moyenne. De ce nombre-là, il y en a plus de 50 % qui nous ont
appuyés, qui nous ont transmis un document nous disant, oui, nous
appuyons votre démarche; elle est tout à fait appropriée,
et l'ensemble du document nous apparaît aller dans le sens qui est
nécessaire. Je pourrais dire qu'il y en a un certain nombre qui ne nous
ont pas répondu. La raison est probablement simple: c'est que la plupart
de ceux-là font partie d'entreprises assez grandes et qui, politiquement
ou pour différentes autres raisons, ne voudraient pas prendre position
à ce moment-ci sur l'aspect acoustique. Parce qu'il ne faut pas oublier
qu'en acoustique ce n'est qu'une ou deux personnes dans un bureau qui peut
compter plusieurs centaines de professionnels.
M. Lazure: Moi, je trouve que c'est heureux que vous soyez venus.
En tout cas, c'est rare en commission parlementaire qu'on entende des experts
en acoustique et bruit environnemental.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la première fois,
à cette commission-ci, je pense.
M. Lazure: Je pense que c'est la première fois, oui,
effectivement. Alors, moi, j'ai, dans mon comté de Laprairie, à
Candiac plus précisément - et je vois votre réaction - une
entreprise qui s'appelle Ogilvy, les entreprises Ogilvy. Il y a un
problème de bruit pour les résidents de
Candiac et de Laprairie autour de cette usine d'Ogilvy. Vos
fonctionnaires, M. le ministre, je suis heureux de le leur dire, collaborent
très bien; ils font leur gros possible avec l'entreprise. Je ne sais pas
si c'est parce qu'on n'est pas assez avancés au plan technologique, mais
c'est loin d'être réglé, c'est difficile.
Est-ce que, d'après vous, la science est rendue assez loin pour
qu'on puisse trouver des mécanismes pour amoindrir de façon
appréciable les bruits de ce genre-là? Je pense que vous
connaissez le problème chez Ogilvy, à Candiac, hein?
M. Nollet: Tel que je le mentionnais, dans l'ensemble des
situations, la technologie va exister pour ce qui s'appelle bruit
environnemental. D'autre part, il y a souvent des coûts très
importants qui peuvent être encourus. Alors, souvent, ce qui va
être utilisé, c'est une procédure par étapes,
c'est-à-dire que les premières sources, les principales, vont
être traitées. Ceci implique souvent des changements majeurs dans
les opérations, dans la production, dans les arrêts qui doivent
être prévus, et c'est excessivement coûteux. Mais c'est
l'approche qui est la plus utilisée et qui est la plus rentable.
M. Lazure: Je pense, M. le Président, qu'on peut
retenir... En tout cas, il y a une chose que je retiens, moi. À la page
4, vous faites ressortir qu'il y a seulement deux règlements en vigueur
concernant le bruit, et c'est celui rattaché aux carrières et
sablières et l'autre, sur les usines de béton bitumineux. Or,
c'est bien évident qu'il y a beaucoup, beaucoup d'entreprises au
Québec qui n'arrivent pas dans ces deux classifications-là, du
tout, du tout, et qui posent des problèmes majeurs quand même.
Alors, moi, je suis porté à demander au ministre de donner la
commande dans son ministère pour qu'on... D'abord, peut-être
a-t-il quelque chose sur le métier? Je lui pose la question.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a beaucoup de choses.
M. Lazure: oui, mais plus précisément, là.
sur le bruit environnemental, autre que celui qui sort des carrières,
sablières ou des usines de béton bitumineux.
M. Maltais: Parlez plus fort, docteur.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai au moins une demi-douzaine de
règlements qui sont en préparation et je n'oserais pas vous
affirmer que, dans cette demi-douzaine-là, on n'a pas tenu compte de
l'aspect bruit.
M. Lazure: Bien, en tout cas, on peut vous inciter à en
tenir compte, si ce n'est pas fait. M. Nollet a raison, c'est de plus en plus
un problème social.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux éléments avec
lesquels on est aux prises...
M. Lazure: Parce qu'il y a beaucoup de...
M. Paradis (Brome-Missisquoi):... les odeurs et les bruits.
M. Lazure: Oui, les odeurs et les bruits. Tout le monde comprend
que c'est difficile.
Le Président (M. Garon): Surtout dans les polyvalentes. La
musique dans les polyvalentes. On pourrait commencer par là.
M. Lazure: C'est difficile. Une dernière remarque, M. le
Président. Je trouve inquiétant aussi, comme M. Nollet le fait
ressortir, qu'il y ait si peu de personnes, au ministère de
l'Environnement, formées dans ce secteur-là. Si peu de personnes,
pour ne pas dire personne. J'espère qu'avec les quelques millions de
dollars additionnels que le ministre aura peut-être dans son prochain
budget, il va mettre de côté une certaine somme pour l'embauche
d'experts en bruit environnemental.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous avons deux personnes dans la
région, quand même, qui ne sont pas à plein temps, sur ces
notions de bruit, mais qui sont comme personnes-ressources au ministère
de l'Environnement.
M. Lazure: Et il n'y a personne au central?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il n'y a personne. La
chaise...
M. Lazure: La chaise est toujours vide.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): La chaise est vide, comme l'a
indiqué M. Nollet.
M. Lazure: C'est vraiment désolant. M. Maltais: Ils
n'ont trouvé personne.
M. Lazure: Alors, M. le Président, au nom de l'Opposition,
je remercie M. Nollet pour sa contribution.
Le Président (M. Garon): Alors, ceci étant dit, je
suspends les travaux de la commission pendant quelques instants, le temps que
les représentants des différents partis politiques saluent M.
Nollet, en attendant que l'Union des producteurs agricoles, qui vient
d'arriver, puisse s'approcher de la table des délibérations.
(Suspension de la séance à 21 h 40)
(Reprise à 21 h 43)
Le Président (M. Garon): Alors, la commission va reprendre
ses travaux pour entendre son dernier interlocuteur de la journée et de
ses audiences publiques historiques. La parole est à l'Union des
producteurs agricoles, représentée ici par M. Jean-Yves
Couillard, deuxième vice-président, ainsi que par quelqu'un qui
l'accompagne, qu'il pourra nous présenter. Je lui rappelle qu'il a 20
minutes pour faire son exposé, 20 minutes pour la partie
ministérielle pour l'interroger, 20 minutes pour la partie de
l'Opposition officielle pour interroger. Ce qui sera pris en plus par les
intervenants sera soustrait aux deux parties, dans une part égale; ce
qu'ils prendront en moins pourra être ajouté de part et d'autre
aux parties, si elles le désirent. À vous la parole, M.
Couillard.
Union des producteurs agricoles
M. Couillard (Jean-Yves): Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les députés, vous comprendrez qu'on
trouvait important de venir vous faire part un peu de nos appréhensions.
C'est pourquoi on se présente devant la commission. Mais, quand on vient
à Québec, on frappe toujours une petite tempête.
Sûrement que ceux qui viennent à Montréal frappent une
petite tempête semblable mais, ce soir, c'est quand même un petit
peu dangereux sur les chemins. Ça nous faisait plaisir quand même
d'être ici.
Le Président (M. Garon): II ne fait pas beau?
M. Couillard: Non, dans Québec, là, ça va
bien. Mais, à l'extérieur, ça va moins bien.
Le Président (M. Garon): Ne me dites pas que vous avez
amené la tempête à Québec.
M. Couillard: C'est ça qu'on a essayé de faire.
Écoutez, de toute façon, là, on ne se gêne pas pour
le dire.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans !e coin de Lévis, ce
n'est jamais bien beau.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Couillard: Oui, mais ça a commencé à
Sainte-Hélène en s'en venant. De toute façon, M. le
Président...
Une voix: C'est dans votre comté.
M. Couillard: Oui, oui. Alors, l'environnement est de plus en
plus au coeur des préoccupations des gens. C'est le cas notamment des
agriculteurs et des agricultrices qui sont d'abord, à cause de leur
profession, directement concernés par les lois et les règlements
applicables en la matière, mais qui sont également, à
cause de leur profession encore, sans doute, maintenant pleinement conscients
de la nécessité de préserver l'environnement, certes la
plus essentielle de toutes les ressources. Ils et elles ont d'ailleurs
amorcé un virage dans leur façon de faire, orientée
dorénavant davantage vers le développement durable.
Dans ce contexte, on comprendra que c'est avec beaucoup d'attention et
un vif intérêt que l'Union des producteurs agricoles a pris
connaissance du projet de loi 412, Loi sur l'Office de protection de
l'environnement du Québec et modifiant diverses dispositions
législatives, déposé récemment à
l'Assemblée nationale. D'abord un peu étonnés, perplexes
même, nous sommes maintenant inquiets face à la plupart des
réformes qu'on voudrait introduire par cette pièce
législative. En réalité, nous ne voyons pas comment ces
réformes pourraient améliorer les choses et nous en craignons
divers effets pervers. Puis, alors que les besoins sont partout criants, nous
croyons qu'il faut éviter de risquer de s'embourber dans des
chambardements administratifs et organisationnels aussi majeurs que ceux qui
nous sont suggérés.
Pour ces raisons, malgré les problèmes que vous connaissez
et qui mobilisent toutes nos forces et toutes nos énergies, l'Union des
producteurs agricoles a tenu à vous faire connaître ses points de
vue et opinions. Les grands problèmes que vous avez, je pense que vous
les connaissez. Il y a celui-là, bien sûr, l'environnement, mais
on en a beaucoup d'autres également.
Alors, pour mémoire, on rappelle ici que l'Union des producteurs
agricoles représente officiellement les 48 000 producteurs agricoles que
compte encore le Québec, et elle compte également dans ses rangs
près de 120 000 producteurs forestiers et producteurs de bois. Alors,
notre organisation est certes l'un des principaux intervenants du grand
Québec rural, et c'est à ce titre que nous nous adressons
à vous aujourd'hui.
Le projet de loi 142 propose d'abord et surtout la création d'un
nouvel organisme gouvernemental, l'Office de protection de l'environnement du
Québec, qui serait principalement chargé de voir à
l'application des diverses lois et réglementations environnementales,
laissant du même coup au ministère de l'Environnement du
Québec la responsabilité d'élaborer les lois, les
règlements, politiques et programmes. C'est une réforme en
profondeur du ministère de l'Environnement du Québec,
réforme qui aurait un effet de balkanisation. Sous prétexte d'une
meilleure application des lois et règlements on couperait le
ministère de sa mission principale, le limitant à
l'élaboration de normes et laissant à d'autres le soin de les
appliquer.
Officiellement, l'objectif recherché serait
essentiellement d'en arriver promptement à une application plus
efficace, plus rigoureuse et plus équitable des lois et
règlements et à une meilleure protection de l'environnement.
À l'analyse, cependant, nous ne voyons pas tellement comment, avec les
mêmes ressources et les mêmes fonctionnaires, on pourrait
soudainement faire des miracles, à moins que la création d'un
seul conseil d'administration ne soit le remède à tous les maux,
auquel cas il faudrait s'empresser de le faire pour tous les
ministères.
Mais nous ne croyons pas qu'il en soit ainsi et demeurons convaincus
que, pour des matières aussi importantes et conséquentes que la
protection de l'environnement, le principe de la responsabilité
ministérielle doit demeurer. Surtout par les temps qui courent,
où la morosité s'étend comme une traînée de
poudre, les grands choix à être faits ne sont certes pas toujours
faciles. Ces choix doivent cependant demeurer la responsabilité
d'élus devant rendre compte à la population. Cette raison
justifierait à elle seule notre opposition catégorique au nouvel
office proposé.
Mais il y a plus encore: nous trouvons dangereuse l'idée de
séparer la fonction de conception de la fonction d'application. Un
certificat d'autorisation n'est pas un permis d'alcool. La protection de
l'environnement nécessite des actions coordonnées et
concertées. C'est ce que nous enseigne d'ailleurs le rapport de la
Commission mondiale sur l'environnement et le développement: «Le
caractère d'intégration et d'interdépendance des
défis et des problèmes nouveaux est en contraste frappant avec la
nature des institutions qui existent actuellement. Les institutions
concernées tendent à être interdépendantes,
fragmentées, exerçant leurs attributions selon des mandats assez
restreints et des processus de décision fermés.»
Dans cet esprit, nous sommes d'avis qu'une direction unique - le
ministère, en l'occurrence - devrait être le meilleur moyen
d'arriver à des bons résutats. À titre d'exemple, nous
pensons que pour rédiger des normes qui ont du bon sens il faut avoir
une bonne connaissance de la réalité en cause et des
problèmes quotidiennement vécus. Scinder . les deux fonctions ne
donnerait sans doute pas toujours des effets très heureux.
De même, nous avons tout lieu de croire que cette réforme
aurait pour effet de centraliser davantage l'exercice des fonctions
gouvernementales en matière de protection de l'environnement. Ce serait,
selon nous, une grave erreur. Un geste environnemental efficace
présuppose une bonne connaissance du milieu. Ce n'est certes pas dans
des bureaux sur la Grande-Allée qu'on peut juger le mieux des effets
possible d'une porcherie ou d'un poulailler, par exemple. Si des
réformes s'imposent, elles devraient viser à doter les
régions de ressources plus adéquates et à leur donner plus
de pouvoirs décisionnels.
Par ailleurs, nous signalons au passage qu'il ne serait peut-être
pas sage de faire de l'application rigoureuse des normes l'un des principaux
objectifs poursuivis. Ce qui compte, ce ne sont pas les normes, ce sont les
résultats. S'il faut éviter l'arbitraire, il faut éviter
de s'enferrer dans des règles rigides et immuables. Autrement, cela ne
peut mener qu'à de graves erreurs, sans aucun effet positif pour
l'environnement. Est-il nécessaire de refuser un projet - celui d'une
porcherie, par exemple - à celui auquel il ne manque que quelques pieds
seulement pour le respect d'une des normes de distance prescrites? Nous ne le
croyons pas.
En conséquence, nous espérons que le gouvernement
renoncera à son projet d'un Office de protection de l'environnement du
Québec. Le ministère de l'Environnement du Québec
possède, selon nous, tout ce qu'il faut pour faire ce qu'il faut. Si des
changements sont nécessaires, qu'on y procède sans vouloir
nécessairement réinventer la roue.
Les critiques ne sont pas toujours tendres envers ce ministère
qu'on accuse d'inaction, jumelée à un culte du secret. On lui
reproche également de n'éteindre que les feux, de s'attaquer
seulement aux petits plutôt qu'aux véritables pollueurs. Que ces
critiques soient fondées ou non, une chose nous semble certaine: il
manque à ce ministère une vision des choses et un plan d'action,
une stratégie, des éléments sans lesquels la meilleure
volonté ne suffit pas. Le ministère de l'Environnement du
Québec doit reprendre le leadership du dossier de l'environnement, et on
doit également lui permettre de le reprendre. Il faut donner lui donner
aussi, en même temps... Le projet dit qu'on veut qu'il le reprenne, mais
il faut aussi permettre qu'il puisse le prendre.
Le nouveau projet. On sait, quand même, que vous êtes
attaqués de toutes parts dans ces choses-là. Des fois, vous
l'êtes de l'intérieur même, pas juste de l'extérieur.
En tout cas, nous autres aussi on est là pour vous aider. Mais c'est
pour vous dire que vous êtes un petit peu pressé de tous
côtés. Dans ce temps-là, c'est beaucoup plus difficile
d'avoir une action qui est concertée et qu'il y ait toujours un suivi
d'un bout à l'autre.
Le projet de loi 412 propose également, pour le reste,
l'instauration d'un nouveau recours permettant réformation de la plupart
des décisions pouvant intervenir en matière environnementale: un
mécanisme de révision simple pour cause, une révision de
la nature d'un appel devant des comités de révision et un appel
final devant la Cour du Québec, qui remplacerait l'actuel pourvoi devant
la Commission municipale du Québec.
Les deux premières propositions nous semblent nettement
intéressantes et nous espérons qu'on y donnera suite dans les
meilleurs délais. En effet, la révision simple permettrait,
par exemple, de remédier promptement et à peu de frais
à une décision fondée sur une preuve incomplète ou
à diverses erreurs ayant pu se glisser dans une décision. Quant
au pourvoi devant un comité de révision, il pourrait
également s'agir d'un mécanisme simple, rapide et peu
coûteux, permettant de faire valoir ses droits. Pour que ces
comités soient vraiment utiles, pour qu'ils jouent pleinement leur
rôle, nous croyons cependant et nous suggérons qu'il devrait
s'agir de bancs spécialisés ayant une parfaite connaissance de
chacun des secteurs concernés. À titre d'exemple, des
commissaires spécialisés en questions agricoles, bien au fait des
règles de l'art et des contraintes du métier, pourraient sans
doute rendre des décisions qui, tout en étant soucieuses de
l'environnement, tiendraient compte de la réalité des choses.
Par ailleurs, l'idée d'un pourvoi devant la Cour du
Québec, tant pour des questions de fait que pour des questions de droit,
nous semble beaucoup moins heureuse. Nous voyons fort mal comment le
système judiciaire traditionnel pourrait valablement décider des
incidences d'un projet sur l'environnement et nous sommes de ceux qui croient
que ce système n'est pas des plus efficaces. Judiciariser, c'est souvent
paralyser. Un tribunal administratif spécialisé, accessible, avec
des règles de fonctionnement simples, présente, de loin, les
meilleures garanties, les plus justes, les plus efficaces.
Si on est insatisfait de la Commission municipale du Québec,
qu'on y nomme de nouveaux commissaires spécialisés en
matière environnementale. On pourrait s'arrêter là, ou
confier le mandat à un nouvel organisme du genre. Mais on pourrait
s'arrêter à la première recommandation, ce serait encore
plus facile.
Des réformes malvenues. De façon générale,
l'Union des producteurs agricoles se prononce contre le projet de loi 412. Non
seulement nous ne croyons pas que ce projet soit apte à améliorer
la situation actuelle, mais nous craignons qu'il ne vienne l'aggraver par des
préoccupations d'ordre bureaucratique et par une judiciarisation qui n'a
rien de rassurant.
La protection de l'environnement doit demeurer la responsabilité
du ministère de l'Environnement du Québec. C'est son ministre
qu'on jugera, comme il se doit, selon les traditions du pays, quand le temps
viendra, à ses actions ou à son inaction.
Quant aux nouveaux recours proposés, si certains sont
intéressants et devraient être rapidement mis en place, il faut
à tout prix éviter le piège de la judiciarisation qui ne
mène à rien qui vaille. Ces recours devraient demeurer sous la
juridiction des tribunaux administratifs, beaucoup plus prometteurs.
Le Québec accuse beaucoup de retard en matière de
protection de l'environnement. Les dommages sont considérables et,
souvent, irrémédiables. Mais nous savons maintenant que les
choses ne peuvent pas continuer, à moins de vouloir courir à une
catastrophe certaine. Il faut passer à l'action, non pas en travaillant
sur des organigrammes, mais en travaillant à changer la
réalité des choses.
L'Union des producteurs agricoles est prête à faire sa
part. Nous avons d'ailleurs déjà commencé. Ainsi, depuis
quelques années, nous avons entrepris, avec ceux et celles que nous
représentons, une réflexion en profondeur sur la pratique
agricole traditionnelle. Cet exercice aboutit à une remise en question
et à la formulation d'alternatives axées davantage sur un
objectif de conservation et de développement durable.
De même, en collaboration avec le ministère de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et avec le
ministère de l'Environnement, nous travaillons présentement
à un projet portant sur la gestion des surplus de fumier. Nous sommes
à l'heure de rédiger un guide des pratiques agricoles qui
suggérerait des nouvelles règles de l'art en vue d'une
agriculture plus respectueuse de l'environnement. Nous travaillons aussi sur
des politiques de gestion des fumiers, soit au niveau de l'entreposage, du
compostage, de l'épandage, et le reste.
Nous comptons bien continuer, voire nettement accentuer ces efforts
d'information et de formation. Finalement, même si le ciel n'est pas
toujours au beau fixe entre nous et le ministère de l'Environnement du
Québec, nous tenons à vous assurer que ce dernier trouvera
toujours en nous un interlocuteur intéressé et ouvert au dialogue
et à la discussion.
Pour terminer, l'Union des producteurs agricoles profite de l'occasion
pour appuyer l'idée déjà lancée, comme ça
existe ailleurs, d'un fonds spécial qui serait constitué de
diverses redevances, droits et pénalités prélevés
en application des lois environnementales, qui devrait servir exclusivement au
financement de projets destinés à prévenir la pollution et
à en corriger les effets.
Alors, on voulait vous présenter ce court mémoire, M. le
ministre, et M. le Président, pour vous dire un petit peu quelle est
notre pensée.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.
Le Président (M. Garon): M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. Je
tiens à remercier l'Union des producteurs agricoles et ses
porte-paroles, M. Couillard et M. Ménard, pour la présentation de
leur mémoire. C'est un peu gênant pour le ministre de
l'Environnement de vous recevoir dans cette commission parlementaire parce que
je sens toujours qu'on néglige le monde agricole au ministère de
l'Environnement du Québec.
Quand je fais le bilan de la réglementation
environnementale sur le plan municipal, sur le plan industriel, je me
rends toujours compte que celui qu'on a oublié, c'est le monde agricole.
Et, ça, pour un ministre de l'Environnement, c'est gênant. Je
demandais à mes fonctionnaires de me faire la liste des
règlements qu'on a adoptés en environnement, qui s'appliquaient
à l'agriculture. Ils ne m'en ont trouvé un! On a un
règlement sur la prévention de la pollution de l'eau par les
établissements de production animale. On me dit que c'est le seul qu'on
a. On a des codes de gestion, on a des directives, on a des politiques et on a
toutes sortes d'affaires, mais on n'a surtout pas de réglementation et
on se sent parfois en retard sur les autres sociétés
comtem-poraines avec lesquelles on se compare. On voudrait s'excuser, ce soir,
auprès de vous, de ne pas avoir été, au cours des
dernières années, plus vigilants pour qu'ensemble nous puissions
élaborer une réglementation qui serve et les producteurs
agricoles et l'ensemble de la société québécoise
sur le plan environnemental.
Mais ce n'est pas parce qu'on n'a rien fait qu'on vous a
négligés et qu'on vous a oubliés. J'ai vu quelques
allusions dans votre mémoire et je voudrais profiter de votre
présence devant cette commission parlementaire pour vous faire un peu le
bilan de nos actions et de nos préoccupations des dernières
années.
C'est à la demande et suite à l'insistance de l'Opposition
que je vais tenter de résumer ce bref historique. Le ministère de
l'Environnement, c'est le plus jeune des ministères, c'est le plus petit
des ministères au gouvernement du Québec. Il a été
créé il y a une dizaine d'années. Il a été
créé au fur et à mesure que les crises sont survenues.
Quand je suis arrivé en 1989, j'ai regardé l'organigramme sur mon
bureau. Je pense qu'à mesure qu'il y avait une crise on créait
une direction régionale... Pas une direction régionale, une
direction générale dans le but de solutionner la prochaine crise
qui arriverait. Mais elle n'était pas dans ce domaine-là, ce qui
fait qu'à la crise d'après on créait une autre direction
générale pour solutionner la crise passée. (22 heures)
On a tenté de mettre un petit peu d'ordre là-dedans au
tout début, et on l'a fait à la verticale et à
l'horizontale. On s'est dit: Quelles sont nos principales sources de pollution
au Québec? On va tenter de mieux servir notre clientèle. On s'est
dit: Quelles sont nos principales sources de pollution au Québec? On va
tenter de mieux servir notre clientèle. On s'est dit, bon, les sources
de pollution: municipale, industrielle, agricole - on est obligé de
mettre ça comme une activité économique importante -
ça, ce sont nos clientèles à la verticale. À
l'horizontale, on a tenté de rapprocher les services de la population.
On a créé un sous-mi-nistériat aux opérations
régionales et on s'est dit: C'est bien «le fun» de
travailler dans le passé et dans le présent, mais il faut
également tenter de maîtriser l'avenir. On a créé un
sous-ministériat au développement durable dans le but de
planifier l'avenir. À cette époque-là, ce n'était
pas tellement rose d'être fonctionnaire au ministère de
l'Environnement, ni client, je suppose, ni ministre, en tout cas. Le taux
d'insatisfaction de l'ensemble de la population envers le ministère de
l'Environnement il y a deux ans: 70 %. C'est un taux dont personne ne peut
avoir de raison d'être fier.
On a tenté de passer à l'action sur le plan
législatif et sur le plan réglementaire. La première
année, on est passés aux priorités d'hier et d'avant-hier.
On a passé la loi 65, loi sur le pollueur-payeur. Ça n'a pas
été facile, mais on a eu la collaboration de tous les
parlementaires et on a réussi à la passer. Deuxième loi,
on a créé une société d'État, la
société d'État RECYC pour la récupération et
le recyclage.
On a passé un seul règlement en 1990, c'est le
règlement sur le contenu en soufre dans le mazout lourd, de façon
à respecter nos engagements en matière de pluies acides; et
ça, je sais que l'UPA y tenait à ce que le Québec respecte
ses engagements en la matière. Mais, pour faire ça, ce n'est pas
une politique ni une directive qu'on a été obligés de
passer aux pétrolières, c'est un règlement. Ça n'a
pas été facile parce qu'elles ne le voulaient pas, et on a
réussi à le leur imposer. Et, par rapport à ça, on
a réussi à atteindre des objectifs, en matière de
réduction des pluies acides, qui ont fait l'affaire des cultivateurs,
soit dit en passant, qui étaient parmi les principales victimes desdites
pluies acides.
En 1991, on a activé le rythme de législation et de
réglementation. On a étendu le programme de la
Société québécoise d'assainissement des eaux aux
petites municipalités, dans toutes les régions du Québec.
On avait fait les municipalités les plus denses, les plus importantes;
il fallait continuer et, pour ça, il fallait modifier la loi.
Pour donner suite au rapport Charbonneau, entre autres, on s'est
attaqué à ce qu'on appelait traditionnellement les déchets
dangereux et, aujourd'hui, on a un législation sur les matières
dangereuses qui englobe davantage et qui permet de recycler des
éléments qu'on ne pouvait pas recycler avant parce qu'on les
considérait comme des déchets, alors qu'il y a des
matières qu'on pouvait réutiliser. On a fait une certaine
allusion au fumier, tantôt.
Sur le plan des industries - parce qu'on avait fait beaucoup dans la
pollution municipale mais on n'avait pas beaucoup fait dans la pollution
industrielle; juste pour vous dire que vous n'étiez pas tous seuls qu'on
négligeait, dans le temps, on avait également oublié les
industries - on a adopté un projet de loi sur la réduction des
rejets industriels.
Sur le plan des règlements publiés et mis en vigueur en
1991: règlement sur les carrières
et sablières; règlement sur les neiges usées, suite
à une consultation avec les unions municipales; règlement sur les
déchets solides, de façon à permettre à un
gestionnaire d'un site d'enfouissement de refuser les déchets qui
proviennent de l'extérieur de sa MRC; et règlement sur
l'entreposage des pneus hors d'usage, suite aux événements que je
ne rappellerai pas. On a également prépublié des
règlements qui sont en consultation, sur les pâtes et papiers. Le
règlement sur les déchets biomédicaux va entrer en vigueur
le 1er avril prochain. Et, il y a deux semaines, le règlement sur les
attestations d'assainissement en milieu industriel, de façon à
vraiment appliquer dans le milieu industriel notre nouvelle approche de
dépollution comme telle.
Sur le plan des autres actions, je pense que vous en êtes
conscients et je tiens à vous remercier. Vous n'avez pas trop
regimbé - si je peux utiliser l'expression - lorsqu'on a étendu
la politique de protection des rives et cours d'eau à l'ensemble des
cours d'eau de la province de Québec. Et ça, ça touchait
votre clientèle, vos producteurs agricoles, parce qu'avant
c'était limité strictement au Saint-Laurent et à ses
principaux affluents. Mais, encore là, il s'agit d'une politique; je ne
l'ai pas mis dans la réglementation.
Nous avons créé également des réserves
écologiques de façon à préserver des milieux
à l'état naturel pour que nos enfants comprennent ce qu'on a fait
avec les autres milieux et nous en félicitent, ou nous en blâment,
à l'avenir. La Loi sur les réserves écologiques date de
1974. En 1989, il y avait 21 réserves écologiques de
créées; depuis ce temps-là, nous en avons
créé 11 de plus, et il y en a 7 qui sont au niveau de la
décision politique finale. Nous avons un plan triennal de 39
réserves écologiques et, à date, je pense que l'UPA a
été correcte aussi lorsqu'il a fallu obtenir des dézonages
agricoles pour créer des réserves écologiques. On n'a pas
eu trop de difficultés.
Au niveau des interventions ministérielles à
l'horizontale, le ministre de l'Environnement siège, depuis la
dernière élection, au comité interministériel de
développement économique, ce qui fait en sorte qu'il y a plus
d'entreprises, même dans le domaine agro-alimentaire, qui obtiennent de
l'aide financière du gouvernement, de SOQUIA, de REXFOR, de la SDI,
etc., sans qu'elles soient conformes aux normes du ministère de
l'Environnement, et ça, c'est une action à l'horizontale qui est
très efficace.
Tout ça mis ensemble fait qu'il n'y a plus 70 % de la population
qui est insatisfaite du ministère de l'Environnement, il y en a
seulement 48 %. C'est encore beaucoup trop. Et, s'ils sont insatisfaits, c'est
parce que nos actions ne sont pas assez percutantes, parce qu'on a des retards
effarants dans le domaine agricole, effrayants parfois dans le domaine
industriel, qu'on n'est pas rendu assez loin dans le domaine municipal et qu'on
n'a surtout pas le temps, parce qu'on est pris à gérer des
problèmes d'avant avant-hier. On est encore pris avec les BPC de Marc
Lévy et la Balmet à Saint-Jean-d'Iberville, et on est encore en
train de décontaminer Saint-Amable. On règle les problèmes
d'avant avant-hier, et tout le monde au ministère est pris dans le
problème d'avant-hier. Des fois, on se rend au problème
d'aujourd'hui, mais on n'a jamais le temps de voir le problème de
demain, par exemple, parce que les missions qui nous sont confiées sont
englobantes, accaparantes. À ce point-là, il faut s'en
occuper.
On a régionalisé au cours des deux dernières
années en pensant que l'action se passait en région et qu'on
pourrait libérer les gens à Québec pour faire ce qu'on
appelle des politiques, peut-être des règlements aussi - quand
vous penserez que ça va être mûr - et de la
législation. Et on n'a pas réussi parce que le dossier entre en
région et remonte à Québec et les gens continuent à
être poignes dans le quotidien. En créant un office de protection
de l'environnement, tout ce qu'on vise, ce n'est pas autre chose que de
l'efficacité administrative. Dans l'émission des permis, le suivi
à donner aux permis, dans les ordonnances qui doivent être
rendues, on pense qu'un office peut s'occuper de ça à partir des
bureaux régionaux.
D'ailleurs, on s'inspire beaucoup de la sagesse des agriculteurs dans
notre approche. Moi, je regarde le ministère de l'Agriculture. Il a un
petit peu plus d'âge, de profondeur, de culture que le ministère
de l'Environnement du Québec. Et c'est drôle, je relis des
mémoires de commissions parlementaires et je ne vois pas l'Union des
producteurs agricoles venir nous dire: Toutes les affaires de permis de
produire, de quotas et de mises en marché, et tout ça, là,
ça devrait être le ministère qui s'occupe de ça,
parce qu'il ne faut pas faire deux organismes. Non, je pense que l'UPA est
d'accord avec l'existence de la Régie des marchés agricoles du
Québec pour devenir le bras d'application des permis de produire aux
producteurs.
Et je regarde, lors de la création de la Commission de protection
du territoire agricole, l'UPA n'a pas dit: II s'agit de créer un
organisme, et tout ça. Non, non, on s'est dit... Les décisions et
la responsabilité politique, l'im-putabilité politique, je ne
l'ai pas retrouvée, moi, à ce moment-là, dans les
mémoires de l'Union des producteurs agricoles, lorsqu'il a
été question de mettre sur pied la Commission de protection du
territoire agricole. Au contraire, on disait: Ça prend, une fois que la
loi est passée, une certaine indépendance, mais le ministre va
demeurer responsable, par exemple, face à l'Assemblée nationale,
face aux élus et, lorsque les élections arriveront, on lui
réglera son compte en temps et lieu et de la façon
appropriée, ou bien avec des remerciements ou bien avec autre chose.
Sur le plan du financement, quand ils ont créé l'Office du
crédit agricole, moi, je n'ai pas entendu l'UPA dire: Ils sont capables
de gérer ça avec le ministère; ils ont juste à
créer une division au ministère de l'Agriculture.
Le Président (M. Garon): M. le ministre, vous ne pouviez
pas entendre; vous n'étiez pas au monde à ce
moment-là.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais j'ai lu.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai même lu qu'à un
moment donné Maurice Duplessis avait facilité les choses pour
Adélard Godbout. Est-ce que ça vous rappelle des souvenirs?
M. Maltais: C'est le docteur qui lui a conté
ça.
Le Président (M. Garon): Je ne l'ai pas entendu, moi non
plus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne l'ai pas entendu, mais je
l'ai lu.
Le Président (M. Garon): Je n'étais pas au monde,
moi non plus.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'Union des producteurs,
c'était l'UCC, à ce moment-là. C'était l'Union
catholique des cultivateurs. Puis elle ne s'est pas plainte de la
création d'un organisme comme tel.
Quand, en matière environnementale, on tente de se doter du
minimum d'outils et que j'ai un client que j'ai dû négliger parce
que je n'avais pas les outils et que le client vient me dire: Je ne hais pas
ça, être négligé, comme ministre de l'Environnement,
je suis un petit peu inquiet. Moi, je vise à avoir un ministère
qui soit capable, même à partir du ministère du Revenu,
là-bas, de dialoguer avec le bureau sur le boulevard Therrien. C'est
aussi en ville, ça, l'un que l'autre. Il y en a un qui est quasiment
dans le comté de Portneuf et l'autre est quasiment dans un comté
rural. Ils sont capables de se parler, ces gens-là, et de communiquer
également avec leurs bureaux régionaux - parce que l'UPA a des
bureaux dans chacune des régions mais elle a également un
siège social - et de fonctionner un petit peu comme ça. Je me dis
que ce n'est pas défendu, ça, pour l'environnement, d'aspirer
à être aussi efficace que les agriculteurs. M. Couillard.
M. Couillard: Vous voudriez que je réponde à tout
ça?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est spon- tanément. Je
sais que vous êtes capable.
Le Président (M. Garon): À vous la parole, M.
Couillard.
M. Couillard: Je ne voudrais pas être trop, trop politicien
parce que, là, c'est difficile d'être bien mieux que vous, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah!
M. Couillard: Par contre, lorsque nous autres on a parlé
de l'environnement on a cru que l'environnement, ce n'était pas juste
l'affaire des agriculteurs, c'était l'affaire de tout le monde. À
partir de ce moment-là, c'est pour ça qu'on émet que
ça relève vraiment du ministère de l'Environnement. C'est
bien sûr que vous avez comparé ça à la Régie
des marchés agricoles, vous avez comparé ça à la
CPTAQ, vous avez comparé ça à plusieurs organismes, mais
vous savez quand même quel rôle chacun des organismes a à
jouer à l'intérieur de ça. Bien sûr que la CPTAQ, on
ne peut pas dire que c'est l'organisme des agriculteurs; c'est bien plus
l'organisme des agriculteurs, des municipalités, c'est l'organisme un
petit peu de tout le monde qui a à contrôler ça. Ce n'est
pas juste l'organisme...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça ne relève pas du
ministre des Affaires municipales, parce que j'ai déjà
été aux Affaires municipales.
M. Couillard: Ça relève du ministre de
l'Agriculture. Nous autres, on dit qu'on ne peut pas non plus s'opposer
à ça, mais lorsqu'on parle de l'environnement, pour nous autres,
on aimerait bien que ça demeure au niveau du ministère de
l'Environnement. C'est une tâche qu'on voit vraiment essentielle et qui
ne doit pas non plus être appliquée par un autre. Chaque fois que
vous créez une petite régie comme ça, comme la
Régie des marchés agricoles qui a été
créée pour un but bien précis, où tout le monde
peut s'exprimer, c'est bien certain que ça fait différent de la
régie qui est créée au niveau de l'application seulement,
comme vous le mentionnez à l'heure actuelle dans votre projet. Alors,
pour nous autres, ça fait une différence; c'est pour ça
qu'on vous l'exprime.
Mais on savait pertinemment, M. le ministre, que vous étiez pour
nous citer ces deux exemples-là en particulier en venant ici ce soir. On
est contents que vous le fassiez parce que c'est quand même des
organismes avec lesquels on aime travailler. C'est des organismes, quand
même, malgré ça, dont on peut dire qu'ils ne sont pas...
Quand on parle de judiciariser, on peut s'exprimer assez facilement
vis-à-vis de ces organismes-là sans être obligé
d'avoir des avocats et on peut faire des choses qui sont simples. Et on
voudrait aussi qu'ils demeurent simples, ces organismes-là.
Mais il y a un petit peu trop d'avocats, à mon sens. D'ailleurs,
je suis allé assister souvent aux audiences. Je pense que vous
êtes conscient de ça, M. le ministre; j'étais
présent à assez d'audiences. La CPTAQ, j'aime mieux ça
parce que c'est plus facile d'accès et on peut s'exprimer plus
facilement. Lorsqu'on vous parlait tout à l'heure de rester au niveau
des gouvernements, c'est dans ce but qu'on voulait aussi que vous le regardiez,
parce que vous en gardez vraiment le contrôle mais, en même temps,
il faudrait nous mettre des petites choses très simples. C'est ça
qu'on a exprimé, tout simplement, dans notre mémoire.
On dit que ce qui est le plus simple, c'est là qu'on a les
meilleurs résultats. Ce qui compte pour nous autres, c'est d'avoir des
résultats, on vous l'a bien mentionné. Ce n'est pas non plus de
s'engager, de s'atteler juste sur des normes. Est-ce qu'il manque deux pieds?
S'il manque deux pieds, mon garçon, c'est bien de valeur mais tu ne
pourras pas t'agrandir, tu ne pourras plus continuer. On veut avoir des choses
qu'on dit «vivables». Ce n'est sûrement pas le mot,
là, mais, au moins, qu'on puisse continuer à faire de
l'agriculture. À l'heure actuelle, c'est pour ça qu'on mentionne
également dans notre mémoire qu'on veut collaborer avec vous
autres, non pas juste au point de vue de la réglementation mais on veut
collaborer avec vous autres et établir comment on peut faire de
l'agriculture tout en respectant la nature. Lorsqu'on parle du plan PAGES,
c'est une chose...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Couillard, est-ce que vous me
permettez? La question des deux pieds, c'est un exemple très pratique,
très concret que vous m'amenez. On en a, des cas, au ministère de
l'Environnement, qui sont des cas pénibles dans la situation actuelle,
et, si le ministre qui est le responsable de l'application comme telle prend
une décision sur les deux pieds, est-ce que je peux vous dire de quoi,
moi? Il va être crucifié, le ministre, qu'il la prenne dans le
sens qu'il voudra. S'il la prend pour ne pas permettre à l'agriculteur,
c'est l'UPA qui va dire: Le ministre n'a pas de bon sens. Il y avait deux
pieds. S'il la prend dans le sens contraire, ce sont les voisins ou je ne sais
pas trop qui, quelqu'un d'autre qui va venir se plaindre et dire: Le ministre
fait du patronage parce que le beau-père de la belle-mère a
déjà marié une cousine - on sait comment ça marche,
là - et ils vont trouver un lien de parenté quelque part.
Que le ministre de l'Environnement ait la même latitude que le
ministre de l'Agriculture et qu'il puisse dire: J'ai un organisme qui, à
l'intérieur de paramètres bien définis, est capable de
prendre ce type de décision là de façon non politique, si
je peux utiliser le terme, vous ne pensez pas que ce serait souhaitable pour
les agriculteurs au Québec?
M. Couillard: Non. Je pense que vous êtes capable de le
faire à l'intérieur de votre ministère, sans que ce soit
aussi engageant. Et la façon, je peux vous le dire, si ça peut
vous aider, M. le ministre...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je passerais mon temps à
témoigner dans les causes devant les tribunaux, par exemple. (22 h
15)
M. Couillard: Non, non, non. Moi, la façon que je pourrais
vous dire... Vous êtes conscient, quand même, que vous pouvez vous
construire une maison tout proche d'un cours d'eau. Vous avez un champ
d'épuration. En autant que vous avez, je ne sais pas, 30 pieds,
même pas, d'un cours d'eau, c'est ça qu'ils demandent, les
règlements municipaux. C'est un champ d'épuration; ça ne
fait toujours pas loin. Un agriculteur qui a une fosse, qui a tout et qui, en
fin de compte, pour être réglementaire, ça veut dire que sa
fosse, il ne faut pas qu'elle coule, ça veut dire qu'il y a encore moins
de pollution que la maison, mais il faut qu'elle soit 10 fois plus loin. C'est
justifiable dans certains milieux. Il y a des choses, des décisions, il
me semble, qui seraient tellement faciles à comprendre, si vous mettez
les choses telles qu'elles sont. Mais je vous comprends, je comprends que, si
vous avez un organisme qui est à côté, qui prend des
décisions à votre place, il y a souvent des places où
c'est moins engageant. Ça, je comprends ça, mais je suis
convaincu, par exemple, que...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais on conserve la
responsabilité devant l'Assemblée nationale, devant la population
du Québec.
M. Couillard: Mais je suis convaincu quand même qu'il ne
faut pas non plus éloigner tout le temps les décisions. À
chaque fois que vous commencez à éloigner les décisions,
ça devient toujours aussi plus pénible, plus onéreux. Moi,
c'est un peu la façon dont je l'exprime dans ma pensée. Moi, chez
nous, j'aime bien être maître des décisions qui se prennent,
M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): m. couillard, je suis en train de
me faire rappeler à l'ordre par l'opposition officielle. je
déteste ça, mais ça fait partie du régime
parlementaire.
M. Lazure: Les droits de l'Opposition, M. le Président.
Merci. Vous me donnez la parole?
Le Président (M. Garon): Vous avez fini, M. le
ministre?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas terminé, moi.
Je pourrais discuter avec M. Couillard jusqu'à minuit.
M. Lazure: Ah bien...
Une voix: Ah!
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Facilement.
Une voix: On ne vous dérangera pas, on va vous laisser
faire.
Le Président (M. Garon): M. le député de La
Prairie.
M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je n'ai pas
été trop surpris en lisant le mémoire de l'UPA, au mois de
février, de leur position. Je connaissais un peu leurs vues, leurs
opinions. J'avais assisté, moi, au congrès de l'UPA, atelier
environnement, atelier présidé par M. Pierre Gaudet, qui avait
été fort intéressant. Je souhaiterais que le ministre de
l'Environnement écoute l'UPA plus souvent, parce que l'UPA a des
engagements vis-à-vis de l'environnement, qui sont aussi valables que
ceux de n'importe quel autre groupe au Québec, mais elle a des
suggestions bien précises. Et sa sagesse se reflète autant dans
ce mémoire-là qu'elle s'est reflétée dans d'autres
mémoires. Et c'est une sagesse qui est répercutée, qui
nous a été transmise par la très grande majorité
des groupes qui sont venus. Vous êtes le dernier groupe - c'est 30, 31 ou
32, je ne sais plus - et la très grande majorité des groupes ont
dit au ministre: Vous faites une erreur. Vous, vous utilisez des expressions
comme «les chambardements administratifs inutiles», «pas de
plan d'action», «pas de stratégie». Ça a
été dit a maintes et maintes reprises. Et vous avez raison, vous
avez absolument raison.
Et ce n'est pas exact qu'en créant une nouvelle structure on va
venir régler ces problèmes-là, l'absence de
stratégie, l'absence de plan d'action. Ce n'est pas exact de dire, comme
le ministre l'a fait, que si on a un office on va pouvoir donner de l'autonomie
accrue aux régions. Ça peut très bien se faire dans le
cadre actuel. Il a instauré une grosse réforme il y a deux ans,
quand il est arrivé, et il ne donne même pas le temps à ses
fonctionnaires d'intégrer cette réforme-là. C'est bien
parti dans certains secteurs, en région en particulier, mais il y a
encore beaucoup à faire, surtout dans le sous-ministériat au
développement durable, où la chaise est vide depuis le
départ de M. Harvey Mead. La chaise est vide ou occupée par un
intérimaire, peut-être. Mais nous, à l'Opposition, en tout
cas, on concourt avec votre prise de position.
Vous faites aussi des remarques intéressantes, des suggestions
intéressantes qui pourraient être retenues, même sans
l'Office. Le fonds de réparation, par exemple. Vous faites allusion au
fonds américain, le superfonds. Vous parlez aussi, à juste titre,
de l'importance de ne pas judicia-riser à l'extrême, de recourir
plutôt à une certaine forme de tribunal administratif plus
expéditif, plus à la portée des gens. Et tout ça,
ce sont des recommandations que le ministre devrait retenir, quant à
nous.
M. le Président, on arrive à la fin de nos
délibérations. Je soupçonne, malheureusement, que le
ministre n'a pas été suffisamment ébranlé pour nous
annoncer ce soir qu'il retire son projet de loi. Moi, je veux l'inciter
sérieusement, l'inciter à relire tous les mémoires - les
30, 31 ou 32 - et, s'il fait deux colonnes, les «pour» et les
«contre», il va bien se rendre compte que la colonne des
«contre» son projet de loi est extrêmement
débalancée par rapport à la colonne des
«pour». Le ministre a eu maintes et maintes occasions de nous
déposer des documents, des études qui auraient motivé
cette réforme-là. Il ne l'a pas fait. Il ne l'a pas fait. Et les
fonctionnaires professionnels de son ministère sont venus, de même
que les ingénieurs de son ministère. Les deux groupes nous ont
dit: Nous, on n'en veut pas, de cette réforme-là. Continuons dans
la réforme qui a été entreprise.
M. le Président, je n'ai pas de question particulière
à poser à M. Couillard, parce que c'est clair, son
mémoire. Nous, l'Opposition, on l'endosse à 100 %. On regrette
que le ministre n'ait pas la même réaction. On dit au ministre: II
est encore temps de comprendre. Il est encore temps de surseoir à
l'adoption de ce projet de loi. Et je lui rappellerai qu'en 1987, alors qu'il
était ministre du Travail, il a piloté un projet de loi, le
projet de loi 30 qui devait créer la Commission des relations du
travail, et qui a été adopté, sanctionné en
décembre 1987. Mais, au moment où on se parle, il n'est toujours
pas en vigueur. Il n'est toujours pas en vigueur quatre ans et demi
après. Et ça, ce n'est pas très intéressant pour un
ministre qui s'est avancé avec un projet de loi, puis qui a fait des
beaux discours comme il l'a fait depuis deux semaines ici. À
l'époque, en 1987, il a fait de très bons discours pour soutenir
son projet de loi, mais, heureusement, son gouvernement s'est rendu compte que
ce projet de loi venait justement chambarder des structures. C'était un
projet de bricolage, parce que ça venait abolir un certain nombre
d'organismes qui fonctionnaient bien, en particulier le Conseil sur les
services essentiels, qui fonctionnait très bien. Et son gouvernement a
fini par lui faire comprendre qu'il valait mieux ne pas toucher à ces
organismes qui fonctionnaient bien.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...la présidente. C'est
Madeleine Lemieux, la présidente.
M. Lazure: J'ai la parole, M. le Président. Est-ce que
j'ai la parole?
Le Président (M. Garon): Oui, vous avez la parole.
M. Lazure: Bon. Alors, merci de ne pas m'interrompre, M. le
ministre.
Le Président (M. Garon): Gardez-là!
M. Lazure: Je répète. Le ministre s'était
entêté, en 1987, à faire traverser les différentes
étapes à son projet de loi, le projet de loi 30, mais,
après quatre et demi, le projet n'est pas devenu une loi en vigueur. Ce
n'est pas en vigueur. Alors, si on n'arrive pas à le convaincre,
espérons que nous arriverons à convaincre son gouvernement, son
Conseil des ministres et, à ce moment-là, il aura,
malheureusement, une pilule à prendre. Ce n'est pas agréable pour
un ministre de se faire dire par son gouvernement. Ton projet de loi, on le met
sur la glace. Mais, parfois, c'est la seule façon de régler une
impasse.
M. le Président, je veux terminer en remerciant l'UPA pour sa
contribution. Ce soir, comme à bien d'autres occasions, elle l'a faite
en environnement. Et je veux aussi remercier tous les autres groupes qui sont
venus, qui nous ont présenté des mémoires. Et j'oserais
même remercier la présidence pour le travail efficace qu'elle a
accompli pour diriger ces discussions depuis quelques semaines. Merci.
Le Président (M. Garon): Alors, la commission ayant
accompli son mandat...
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Strictement pour remercier les
divers intervenants qui se sont présentés à la table et
l'Union des producteurs agricoles qui était le dernier mais non le
moindre - parfois, on garde pour le dessert les gens de la fin - vous
remercier, M. le Président, de la façon dont vous avez
présidé ces travaux, remercier l'ensemble des parlementaires qui
ont participé à ces travaux, le secrétariat de la
commission et le personnel de soutien. Je pense que tout le monde a
contribué à rendre l'analyse de ce projet de loi stimulante,
intéressante, et tout ce que j'ose espérer, c'est que tout le
monde tiendra compte de l'ensemble des points de vue qui ont été
exprimés. Et, comme ministre de l'Environnement, je tiens à vous
dire que je suis conscient que, dans son état actuel, le projet de loi
mérite plusieurs bonifications avant de franchir des étapes
ultérieures.
Le Président (M. Garon): Ceci étant dit, nous
remercions les représentants de l'Union des producteurs agricoles
d'être venus nous entretenir de leurs commentaires. La commission ayant
accompli son mandat, nous ajournons ses travaux...
Une voix: Sine die.
Le Président (M. Garon): Nous ajournons nos travaux sine
die, mais ça ne veut pas dire que nous n'y serons pas demain matin pour
une séance de travail, à 9 h 30.
(Fin de la séance à 22 h 25)