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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 17 mars 1992 - Vol. 31 N° 136

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant diverses dispositions législatives


Journal des débats

 

(Quinze heures cinquante-trois minutes)

Le Président (M. Garon): Je déclare la séance de la commission ouverte en rappelant le mandat de la commission qui est de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur l'étude du projet de loi 412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

M. le secrétaire, y a-t-il lieu d'annoncer des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Juneau (Johnson) sera remplacée par M. Léonard (Labelle).

Mémoires déposés

Le Président (M. Garon): Nous avons des documents à déposer. Alors, je dépose le mémoire de M. Michel Filiatrault (1M), le mémoire de la Chambre des notaires du Québec (18M) et le mémoire de Greenpeace (28M).

L'horaire de la journée. Nous devons entendre d'abord, à 15 h 30... M. le secrétaire, pouvez-vous lire l'horaire de la journée?

Le Secrétaire: L'Association des biologistes du Québec, suivra la Société pour vaincre la pollution et, vers 17 h 30, nous entendrons la Chambre de commerce du Québec. Vers 18 h 30, la commission suspendra ses travaux jusqu'à 20 heures pour entendre, à partir de cette heure, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, le Regroupement de conseillers en acoustique et bruit environnemental et, pour terminer, l'Union des producteurs agricoles.

Le Président (M. Garon): Vous avez dit «à cette heure» en parlant de l'ajournement à 20 heures?

Mme Bélanger: À cette heure-là, O.K.

Le Président (M. Garon): À cette heure-là, oui. L'ajournement va se faire de 18 h 30 à 20 heures et nous reprendrons à 20 heures. «À cette heure», je me référais à 20 heures. Alors, j'appelle l'Association des biologistes du Québec représentée par M. Jean-François Bergeron, Mme Louise Champoux et M. Douglas Graham à s'approcher de la table des délibérations, en vous rappelant que vous avez une heure. Une heure est prévue, donc normalement 20 minutes pour l'exposé de votre mémoire, 20 minutes pour les commentaires ou questions du ministre, pour le parti ministériel, et 20 minutes pour le député de La Prairie ou le parti d'Opposition. Ce que vous prendrez en plus leur sera soustrait et ce que vous prendrez en moins pourra être ajouté à leur temps, s'ils le désirent. À vous la parole.

Association des biologistes du Québec

M. Bergeron (Jean-François): J'aimerais apporter une précision au départ. Mon nom est Jean-François Bergeron, vice-président de l'Association des biologistes du Québec. Louise Champoux ne sera pas présente. J'ai, avec moi, du même organisme, Douglas Graham.

L'Association des biologistes du Québec souhaite, par la présente, joindre sa voix à celle des autres participants à la commission parlementaire qui se penche sur le projet de loi 142, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec. L'ABQ est un organisme provincial qui regroupe de nombreux spécialistes et chercheurs, tous biologistes, qui oeuvrent, pour une bonne part, dans le domaine de l'environnement depuis de nombreuses années. Nos membres ont à coeur la cause environnementale et suivent de près les activités du gouvernement du Québec en cette matière. Depuis plus de 20 ans, maintenant, notre association se préoccupe de la qualité de l'environnement et de la conservation. Nous avons toujours agi en cette manière dans le meilleur intérêt de la population québécoise.

Rappelons ici que nous nous sommes faits, à plusieurs reprises, au cours des dernières années, les promoteurs de l'instauration d'une loi sur les espèces menacées, loi que les citoyens québécois ont finalement obtenue. De plus, nous sommes intervenus, l'an dernier, lors de la consultation sur le projet de la politique québécoise sur les espèces menacées ou vulnérables.

Dans plusieurs autres dossiers, l'Association des biologistes est intervenue pour prendre la défense de la question environnementale ainsi que de l'importance de la conservation et de sa promotion. Mentionnons encore notre intervention devant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, l'an dernier, relativement au projet d'une stratégie de protection des forêts, projet dans lequel nous suggérions au gouvernement du Québec un mode de gestion et de contrôle des matières ligneuses plus écologique, plus environnemental, tout en incitant les responsables de la gestion forestière à une utilisation polyvalente des ressources.

Nous étions également présents l'an dernier à la commission de l'aménagement et des équipements pour revendiquer la participation des citoyens à la définition des politiques et programmes gouvernementaux suceptibles de modifier

de façon importante la qualité de notre environnement.

Alors, maintenant, quelle sera la justification de ce projet de loi? L'Association reconnaît les principes qui sous-tendent la création de l'Office de protection de l'environnement du Québec. On apprenait, dans le communiqué de presse no 1, émis le 17 décembre 1991 par le cabinet du ministre de l'Environnement, qu'il s'agira d'un organisme autonome et distinct qui contribuera à rendre le gouvernement plus efficace dans la protection de l'environnement, plus équitable envers les diverses clientèles à desservir et davantage en mesure de mieux planifier l'action gouvernementale en ce domaine. Comme il reviendrait à l'Office d'effectuer le travail clérical, d'émettre les certificats d'autorisation, les permis, les attestations, les avis et les ordonnances et de veiller à l'application des lois et des règlements existants, on pourrait croire que le ministre de l'Environnement sera plus à même de remplir son rôle au niveau de l'élaboration des lois, des règlements et des directives en matière d'environnement.

Toutefois, l'ABQ s'interroge sur les moyens dont bénéficieront à la fois le ministère et l'Office. On sait, en effet, que les ressources financières et humaines mises actuellement à la disposition du ministère de l'Environnement sont insuffisantes pour rencontrer de tels besoins. L'ajout d'une nouvelle structure entraîne inéluctablement des dépenses nouvelles, si ce n'est pour l'acquisition de biens et de locaux, pour ne pas mentionner l'ajout de nouveau personnel - ce que nous discuterons plus tard. La division des mêmes ressources entre les deux entités n'arrangera probablement rien à ce propos. S'agirait-il, ici, de diviser les forces vives d'un appareil public essentiel? Dans le cas d'une dichotomie, d'une zone de transfert, un organisme de liaison doublé de ressources humaines additionnelles pourrait-il assumer des échanges efficaces, vigoureux et coordonnés entre le ministre et les douze offices de protection de l'environnement? Quoi qu'il en soit, la protection de l'environnement et la conservation des écosystèmes doivent demeurer des objectifs prioritaires. À cet effet, nous souhaitons que cette restructuration puisse permettre une meilleure planification, une efficacité dans l'action et un meilleur service au public.

Par ailleurs, au-delà de ce problème et afin de bien remplir leurs rôles respectifs, le ministère et l'Office devraient se voir attribuer des responsabilités plus précises en matière de transparence, d'une part, et de conservation, d'autre part. C'est ce que nous aborderons dans les points suivants.

Question de transparence. Il nous apparaît primordial que les activités du futur Office de protection de l'environnement soient réalisées au vu et au su du public. La transparence dans la gestion et les opérations apparaît dorénavant comme une nécessité. Ceci permettra de donner aux agences gouvernementales responsables de la protection environnementale une étiquette de crédibilité, c'est-à-dire de confiance à l'égard du public. Elle deviendra encore plus essentielle lorsqu'il s'agira de s'assurer que les décisions rendues par l'Office seront justes et équitables, et non pas Influencées par un quelconque groupe puissant qui voudra voir triompher ses intérêts. Il importe donc que le public soit très bien informé des activités menées tant par l'Office que par le ministère.

De plus, les responsabilités du ministre de l'Environnement, quant aux activités de l'Office, devraient, à notre avis, être précisées davantage pour que les actions de l'Office puissent être discutées devant l'Assemblée nationale. En d'autres mots, pour que le ministre puisse être responsable devant l'Assemblée nationale des actions, faits et gestes des différents offices de protection. Je cède maintenant la parole à Douglas Graham.

M. Graham (Douglas): Conservation et promotion de la conservation. À moins qu'on ne la modifie substantiellement, la nouvelle structure risquerait, selon nous, de contribuer à diminuer les efforts du ministère en matière de conservation, d'éducation et de promotion de la conservation. En effet, l'Office pourrait veiller plus particulièrement à l'application des règlements et des normes découlant de cinq lois: la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur le régime des eaux, la Loi sur les pesticides, la Loi sur les réserves écologiques et la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Or, les deux dernières lois n'ont pas, pour l'instant, de réglementation à faire appliquer.

A titre d'exemple, la question de la gestion des réserves écologiques soulève un problème potentiel. L'Office se verrait attribuer la responsabilité des réserves, mais uniquement en ce qui concerne l'application normative des règlements. Or, beaucoup d'activités dans les réserves ne sont pas et ne peuvent pas être réglementées. L'Office devrait donc avoir à sa disposition d'autres moyens de gestion. Par exemple, on pourrait songer à des plans de conservation et de gestion des réserves écologiques, tout comme dans le cas des parcs de conservation actuellement.

Par ailleurs, les directions régionales qui relèveraient dorénavant de l'Office consacreraient la quasi-totalité de leur temps à des activités d'application normative, comme c'est déjà le cas actuellement. On peut dès lors s'interroger sur la place que prendront les activités reliées à la conservation et à sa promotion. En effet, personne, actuellement, dans les directions régionales, ne se consacre à temps plein à cette tâche. On n'y trouve pas non plus une tradition de conservation. Comme les activités liées à la conservation, au ministère de l'Environnement,

sont déjà peu importantes, la division des responsabilités entre deux entités risque de diminuer encore les rendements.

Le manque de ressources humaines et monétaires pour les activités de conservation nous préoccupe beaucoup. Notons qu'actuellement aucun biologiste ne se trouve en région, avec une responsabilité distincte dans les dossiers de conservation, c'est-à-dire la faune, la flore, les habitats fauniques, les écosystèmes. Aucun recrutement pour de tels postes n'est actuellement en cours non plus. Nous savons qu'actuellement l'argent alloué à la conservation, au ministère, représente environ 1 000 000 $ sur un budget total de 470 000 000 $. L'Office aurait-il accès à des ressources financières adéquates?

Plus encore, la Loi sur l'Office de protection de l'environnement prévoit que le ministère de l'Environnement consulte l'Office sur tout projet de règlement ou de législation dont il aura, après coup, à surveiller l'application. Qu'en sera-t-il, dès lors, lorsqu'il sera question de la création de nouvelles réserves écologiques? Les directions régionales n'ont actuellement que peu de ressources - pour ne pas dire aucune - pour gérer adéquatement les réserves existantes. Ne risque-t-on pas de se retrouver dans la situation où l'Office s'opposerait à la création de nouvelles réserves sur un territoire en invoquant le manque de ressources pour s'en occuper? L'absence d'expertise ou le manque de ressources pourrait aussi mener l'Office à bloquer la désignation d'une espèce menacée ou vulnérable.

Actuellement le MENVIQ procède à la création de nouvelles réserves écologiques. Les effectifs de l'Office pourraient-ils permettre la création de nouvelles réserves écologiques?

Voilà qui justifie pleinement, à notre avis, qu'on considère plus étroitement l'attribution de responsabilités en ce qui concerne la Loi sur les réserves écologiques et la Loi sur les espèces menacées et vulnérables. Plusieurs avenues sont possibles. Davantage de ressources pourraient être allouées aux directions régionales pour qu'elles puissent assumer leurs responsabilités en cette matière. On pourrait aussi penser à créer des liens plus étroits entre les directions régionales et les instances du ministère de l'Environnement responsables de ces dossiers. Un siège du conseil d'administration de l'Office devrait par ailleurs être occupé par le représentant d'un organisme voué à la conservation. D'autre part, la promotion de la conservation et l'éducation à la conservation en relation avec les réserves écologiques pourraient également demeurer l'entière responsabilité du ministère de l'Environnement. On pourrait donc penser à la possibilité de soustraire l'application des lois sur les réserves écologiques et les espèces menacées et vulnérables du projet de loi pour faire en sorte qu'elles demeurent l'entière responsabilité du MENVIQ, tout en veillant à l'embauche de nouvelles compétences en matière de conserva- tion. Telles sont, à notre avis, les solutions possibles. Il vous revient de choisir l'avenue qui soit la plus à même d'assurer le plein exercice des responsabilités en cause.

M. Bergeron (Jean-François): En guise de conclusion, voilà donc quelques points sur lesquels l'Association des biologistes du Québec désirait attirer votre attention. En somme, nous croyons qu'il ne faut pas penser simplement diviser en deux les ressources financières et humaines actuellement dévolues au ministère de l'Environnement pour rencontrer les obligations des deux futures entités. De plus, si la transparence n'a pas toujours été la plus grande qualité du ministère de l'Environnement, elle doit devenir une composante indispensable des deux futurs organismes afin, notamment, de les soustraire aux pressions indues. Finalement, la promotion de la conservation doit faire l'objet d'aménagements particuliers.

Les membres de l'Association des biologistes du Québec croient que ces quelques remarques contribueront à rendre le ministère de l'Environnement et, le cas échéant, l'Office de protection de l'environnement plus à même d'exercer leurs responsabilités respectives avec le plus de transparence possible et ce, dans le meilleur intérêt de la population québécoise.

J'ai donc terminé la lecture du mémoire. J'aimerais ajouter ici quelques éléments de conclusion et je terminerai par des questions.

D'abord, il faudrait bien comprendre que, même si ce n'était pas excessivement clair dans le mémoire, nous ne sommes pas contre la création de l'OPEQ, mais dans la mesure où les objectifs de conservation du gouvernement du Québec soient mis en oeuvre. Quand je parle de conservation, je parle de conservation de la flore, de la faune, des habitats fauniques et des écosystèmes.

Pourquoi nous le croyons? Parce que, pour réaliser cet exercice, il faudrait transplanter et établir en région des experts en faune, en flore, en écosystèmes et en habitats fauniques, lesquels experts, pour la plupart, biologistes, ne sont pas dans les régions présentement. Les opérateurs, les artisans de la question environnementale en région sont des chimistes, des physiciens, des ingénieurs et d'autres spécialistes du genre. Mais peu de biologistes sont affectés directement, uniquement et clairement aux questions d'écosystèmes.

Nous souhaitons donc une application efficace de la Loi sur les réserves écologiques et de la Loi sur les espèces menacées et vulnérables. Bien sûr, pour remplir ces tâches, l'ajout de personnel compétent ayant une expertise de conservation - c'est-à-dire les professionnels que je viens de mentionner, notamment les biologistes - s'avère donc essentiel.

Un objectif qui devrait découler de la création de l'OPEQ serait, bien sûr, de mieux

desservir la population - ce qui transpirait à la lecture du mémoire - d'assurer la protection de l'environnement avec beaucoup d'efficacité et de transparence et, par-dessus tout, de développer chez les Québécois, aussi bien que chez nos homologues de l'Ontario et des provinces de l'Ouest, une tradition de conservation qui puisse s'enseigner dans les écoles, qui puisse être perceptible de la part de la population et qui puisse aller au-devant, devant les annonces des compagnies pétrolières, de nouveaux concepts environnementaux.

Alors donc, d'établir une tradition de conservation dans la population québécoise, c'est-à-dire faire la promotion de la conservation et permettre une éducation relative à l'environnement. Concrètement, sans dire que ces programmes n'existent pas - certes, ils existent - n'y aurait-il pas lieu de mettre en oeuvre plus de sensibilisation à la protection de l'environnement et à l'éducation de la nature, de développer toute forme de partenariat acceptable, de relancer et d'établir davantage de programmes éducatifs?

J'ai, finalement, deux éléments de réflexion. Bien sûr, une question à laquelle nous n'avons pas eu de réponse. La première: Dans quelle mesure ou comment le MENVIQ, ou encore l'Office de protection, pourra appliquer les deux lois, c'est-à-dire la Loi sur les espèces menacées et vulnérables et la Loi sur les réserves écologiques, sachant qu'il n'existe peu ou pas d'expertise en région concernant les questions de conservation, surtout qu'il y a peu ou pas de recrutement de biologistes et d'experts en matière de conservation depuis les dernières années?

Finalement, on doit être conscient que les deux lois ci-haut mentionnées n'ont pas, au cours des dernières années, été réglementées. Pourquoi? Parce qu'elles peuvent difficilement être opéra-tionalisées. Une réglementation à caractère juridique n'est pas évidente à produire. Tout ça pour dire: Est-ce qu'on devrait retirer l'application de la Loi sur les espèces menacées et de la Loi sur les réserves écologiques de la juridiction du futur organisme? Merci.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je remercie l'Association des biologistes et ses porte-parole, M. Bergeron et M. Graham, pour le mémoire et la présentation verbale. Comme ministre de l'Environnement, je prête beaucoup d'attention à vos propos parce que, souvent, sur le plan environnemental, nous sommes critiqués à l'effet que nos prises de position ne reposent pas sur des analyses scientifiques. À partir du moment où on peut compter sur des allies qui ont une formation de base dans un domaine scientifique aussi important que la biologie, nos prises de position sont d'autant plus crédibles.

Vous me permettrez, dans un premier temps - je sais que vous avez surtout insisté dans votre mémoire sur tout l'aspect conservation - de vous placer l'ensemble de la problématique du ministère de l'Environnement telle que, comme ministre de l'Environnement, je la vois avec un bref historique. Jeune ministère, le plus jeune au gouvernement, créé début des années quatre-vingt, fin des années soixante-dix pour répondre à des situations de crise, sauf le Programme d'assainissement des eaux, à peu près, qui a été le programme qui allait de l'avant... sur les 400 000 000 $ et quelques que vous avez mentionnés tantôt, et qui en retient quelque 300 000 000 $ pour le service...

M. Bergeron (Jean-François): 990 000 $ pour l'exercice 1990-1991.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de la dette... Le ministère a été bâti crise après crise, avec un organigramme qui est devenu, à un moment donné, inapplicable.

En 1989, on a tenté de reprendre le tout et de simplifier l'approche du ministère de l'Environnement en fonction des clientèles qu'il avait à servir. Nous avons créé cinq sous-ministériats, trois très verticaux en fonction des sources de pollution, des pollueurs: le sous-ministériat au milieu industriel, le sous-ministériat au milieu municipal, le sous-ministériat au milieu agricole comme tel, de façon à ce que le client agricole, municipal ou industriel sache où aller et qu'on sache, nous, comment le traiter. On a voulu rapprocher l'action du ministère de la population. On a créé le sous-ministériat aux opérations régionales. On a créé les bureaux régionaux et, depuis deux ans, nous avons plus que doublé le personnel dans les bureaux régionaux, je vous le confesse, sans engager de biologistes additionnels au niveau des régions. Le cinquième élément, le sous-ministériat au développement durable, parce que, pendant qu'on répare le passé et tente de gérer le présent, il faut quand même avoir une vision de l'avenir. On a créé un sous-ministériat dont c'est la responsabilité.

Sur le plan pratique, il nous fallait procéder, sur le plan réglementaire et législatif, au plus urgent. En 1990, on a adopté deux lois. La loi 65 sur les sols contaminés pour appliquer le principe du pollueur-payeur, ça, on en avait un urgent besoin dans des dossiers, qui était plus que pressant - pour ne pas les nommer - Eldorado en Abitibi, la Balmet... À l'époque, on me le souligne, vous aviez donné votre appui à ce projet de loi. Nous avons également adopté le projet de loi qui a créé la société d'État RECYC-QUÉBEC dans le domaine de la récupération, du recyclage et de la mise en marché de ces produits. (16 h 15)

On a adopté un règlement en 1990, c'est le

règlement qui limite le contenu en soufre dans le mazout lourd, de façon à atteindre nos objectifs en ce qui concerne la réduction des pluies acides. Ces objectifs, grâce à la collaboration de tout le monde, y inclus l'Association québécoise de lutte contre les pluies acides, ont été non seulement atteints, mais dépassés. C'est un des rares dossiers où nous sommes en avant sur nos objectifs environnementaux.

En 1991, le rythme législatif s'est accru de même que le rythme réglementaire. On a, premièrement, adopté une loi qui a permis à la Société québécoise d'assainissement des eaux de poursuivre son mandat dans les petites municipalités. On avait terminé les grandes municipalités, il fallait faire les petites municipalités.

On a tenté de donner suite au rapport Charbonneau, toute la question des déchets dangereux. On a changé la notion de déchets dangereux pour la notion de matières dangereuses de façon à permettre la réutilisation de certains produits. Avant, on défendait même aux gens d'utiliser les déchets dangereux lorsqu'il y avait des produits qu'on pouvait réutiliser dans la chaîne de production. On donnait des portes de sortie aux pollueurs en leur disant: Bon, bien, vous avez juste à plaider que vous vous en êtes reservi dans un autre mode de production. Ils passaient à côté, ils étaient acquittés par les tribunaux. On a passé une loi, tous ensemble, la Loi sur la réduction des rejets industriels. On avait déjà des pas de faits en assainissement urbain. On n'avait pas grand-chose de fait en assainissement industriel. On n'avait à peu près rien de fait en assainissement agricole.

Parmi les autres mesures mises de l'avant sur le plan réglementaire, là aussi, on a procédé au plus urgent: règlement sur les sablières et carrières, règlement sur les neiges usées en concertation avec les unions municipales, règlement sur les déchets solides et règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage. Nous avons prépublié des règlements qui devraient entrer en vigueur sous peu: règlement sur les pâtes et papiers, règlement sur les déchets biomédicaux, dont la date d'entrée en vigueur est le 1er avril prochain. Il y a deux semaines, nous avons prépublié le règlement sur les attestations d'assainissement en milieu industriel. Notre calendrier réglementaire du printemps est fort chargé. Sur le plan qui vous intéresse un petit peu plus dans les autres actions, sur le plan de la protection des cours d'eau, nous avons modifié la politique de protection des cours d'eau qui ne s'appliquait qu'au fleuve Saint-Laurent et à ses affluents directs, pour l'étendre à l'ensemble des cours d'eau de la province de Québec.

En ce qui concerne les réserves écologiques, la Loi sur les réserves écologiques a été adoptée en 1974. En 1989, il y avait 21 réserves écologiques qui avaient été créées dans toute la province de Québec. Depuis 1989, nous en avons ajouté 11 nouvelles et il y en a présentement 7 qui sont rendues sur le plan politique. Le ministère a terminé son travail sur le plan administratif. Nous avons une programmation triennale de 39 réserves écologiques et nous comptons bien atteindre cet objectif de 39. Le rythme de croisière que nous avons présentement nous permet de penser que nous pouvons atteindre ce rythme de croisière.

Au niveau des évaluations environnementales, les dossiers ont été publics. Je pense que le ministère de l'Environnement n'a reculé nulle part, ni dans le dossier Soligaz, ni dans le dossier Grande-Baleine. Je pense que le processus environnemental auquel est soumis Grande-Baleine présentement est un processus environnemental dont le Québec peut être fier. Tous les partenaires y ont souscrit et il se déroule sainement présentement, ce qui va nous permettre de prendre des décisions éclairées en ce qui concerne le dossier Grande-Baleine.

Depuis la dernière élection, c'est passé inaperçu, ça se joue hebdomadairement... Le ministre de l'Environnement, traditionnellement, siégeait au comité interministériel du développement régional et de l'environnement. Le ministre de l'Environnement, depuis la dernière élection, siège également au comité interministériel du développement économique, ce qui fait qu'il n'y a pas d'intervention des ministères à vocation économique en fonction de financer une entreprise, de lui accorder une subvention, un avantage monétaire avec les taxes des contribuables tant et aussi longtemps que cette entreprise n'est pas en règle avec le ministère de l'Environnement du Québec. Ça, dans le système, à l'horizontal, ça a créé beaucoup de pression et ça a donné des résultats intéressants. Je pourrais continuer. Je ne suis pas ici pour ça, mais je voulais strictement vous donner le portrait.

Il y a un an, nous avons accentué la régionalisation du ministère. Nous nous sommes rendu compte qu'à moins de créer un office de protection de l'environnement, à moins de transformer nos bureaux régionaux, notre division des bureaux régionaux en office de protection de l'environnement, notre régionalisation ne connaîtra jamais le succès qu'on lui souhaite tous. La nature humaine étant ce qu'elle est, le fonctionnement est à peu près comme suit, aujourd'hui. Le bureau régional est chargé de l'application, d'émettre les certificats d'autorisation, de faire le suivi du dossier, des inspections, etc. De façon pratique, aussitôt que le dossier atteint un niveau de complexité qui dépasse la simple étampe ou estampille, le fonctionnaire au niveau de la région réfère le dossier au niveau central. Le fonctionnaire au niveau central n'est pas triste de recevoir le dossier parce que, quand il est réglé au niveau de la région, c'est son pouvoir au niveau central qu'il ne peut pas utiliser. Là, le dossier va de la région au central. La personne qui a droit à une saine application, elle, se promène entre les deux sans jamais

savoir qui décide. Les gens ne prennent pas ces responsabilités-là tant qu'ils ne sont pas condamnés à le faire par la loi. La création d'un office va déterminer carrément que c'est à l'Office qu'appartient cette prise de décision.

Deuxième élément. D'une région à l'autre, les décisions varient. Vous avez des promoteurs qui sont venus devant nous ici, devant cette commission parlementaire, nous disant: Si j'ai un projet de telle nature dans la région A, les fonctionnaires me disent que ça prend un certificat d'autorisation. Dans la région B, même projet, pas de certificat d'autorisation requis. Il n'y a pas d'uniformité d'application qui serait souhaitable sur le plan de la réglementation. Je ne vous parlerai pas des malheurs du ministre de l'Environnement, sur les épaules de qui tout ça retombe et qui exerce à la fois le rôle de législateur, de membre de l'Exécutif. Il rend des ordonnances et exerce également un rôle judiciaire. Lorsque les trois pouvoirs - législatif, exécutif et judiciaire - reposent sur les épaules de la même personne, quelle qu'elle soit, moi je suis inquiet, que ce soit moi ou une autre personne.

On veut tout simplement rendre notre système plus efficace. On ajoute, on le fait à partir des ressources qui sont là. On n'exclut pas l'ajout de ressources à l'avenir, on en a besoin, tout le monde s'entend là-dessus. Mais, à partir des ressources qui sont là, on se dit: Si l'Office gère l'application de la loi et des règlements, ça va dégager le ministère de son côté pour faire ce qu'on appelle sa planification, ses politiques, sa législation, sa réglementation, ses politiques de développement durable. Préciser les missions, ça devrait normalement, en gestion, amener une plus grande efficacité et c'est ce qu'on tente de faire avec l'Office.

Maintenant, vous autres, vous avez des préoccupations particulières en matière de conservation. Vous êtes le premier groupe qui le souligne aussi fortement. L'UQCN l'a effleuré, mais vous êtes le premier groupe qui nous dites: Êtes-vous certain, M. le ministre, que vous ne faites pas une erreur en voulant transférer deux législations - qui sont de nature ou inspirées de la conservation - dans l'Office? Vous n'avez pas les ressources dans le milieu, la mentalité n'est pas là, vous allez avoir des difficultés d'application. Tout ce que j'ai à vous dire, c'est que vous avez raison de poser la question. C'est vrai que les ressources ne sont pas là; c'est vrai que la mentalité, malheureusement, dans la plupart des régions, n'y est pas, sauf que... Est-ce qu'on choisit ensemble de maintenir la Loi sur les réserves écologiques et la Loi sur les espèces menacées à la centrale ou d'en déléguer l'application à l'Office? Si on ne l'envoie pas à l'Office, jamais l'Office ne va développer cette mentalité de conservation dans chacune des régions. Si ce n'est pas mûr, je suis prêt à ne pas l'envoyer dans les régions. Si on pense tous ensemble que ça serait souhaitable, que le défi est important à relever, que c'est faisable et que ça peut améliorer la conservation, moi je suis prêt à l'envoyer en région. Autrement dit, je laisse la porte ouverte et j'ai besoin de vos avis sur le sujet.

Une petite imprécision dans votre mémoire, la Loi sur les réserves écologiques. Comme telles, les réserves écologiques sont décrétées par réglementation, la réglementation existe. L'autre loi - vous avez raison de le souligner - sur les espèces menacées, il n'y a pas de réglementation qui a suivi l'application de la loi.

C'est là-dessus que j'aimerais vous entendre, parce que j'ai proposé de déléguer en région, mais, ce n'est pas un dogme en arrière duquel je me cache. Je suis prêt à reconsidérer cette décision.

M. Bergeron (Jean-François): Si je peux me permettre de répondre. D'abord, je pense que vous avez fait une excellente démonstration, qu'il y a une prise de conscience environnementale et qu'il y a un souci de protection qui s'applique à tous les canaux environnementaux au Québec. Pourquoi on a discuté de conservation? C'est parce que ça nous tient à coeur et, surtout, parce que les gens qui composent notre conseil d'administration, notre conseil exécutif, sont des experts en questions d'écosystèmes, d'habitats fauniques, de faune et de flore.

Pour vous avancer et vous dire qu'on n'a pas nécessairement une expertise en région, ce n'est pas venu spontanément. Alors, suite à une tournée d'appels téléphoniques pour rejoindre des représentants des régions, ce que nous disaient nos collègues biologistes en région, c'est que nous, on s'occupe des questions agricoles, on s'occupe des questions industrielles, on s'occupe des questions de déchets, on s'occupe des questions municipales. Mais c'est quoi un écosystème de pessière à sphaigne? On ne le sait pas vraiment. On l'a appris lorsqu'on était à l'Université Laval ou de tout autre organisme. Puis, maintenant, pas vraiment. Ça, ce sont des commentaires qui nous viennent de biologistes en région.

Bon, il serait peut-être dommage de quitter cette Assemblée en vous disant ce qu'on souhaite sans vous apporter de solutions. Pourquoi pas créer du recyclage en région? C'est-à-dire que les biologistes présents et les experts en conservation, on les prend, on les recycle et on crée, on donne des programmes de formation continue, programmes qui existent en Ontario, si ce n'est qu'au ministère des Richesses naturelles. Ça implique... Il suffit de prendre 1, 2, 10 ou 20 techniciens, de les enfermer dans une salle et de leur dire: Bien, un écosystème c'est fait de a+b = d. Ça se fait dans une semaine. C'est une solution qu'on pourrait envisager.

Maintenant, il ne faut pas se cacher - on est très clairs - qu'il y a un ajout de personnel

nécessaire. Les questions de conservation et d'écosystème au Québec reposent sur la tête de 10 professionnels et un technicien. C'est très important à souligner: 10 professionnels et un technicien qui sont responsables de tous les dossiers de conservation au Québec. Il nous semble que c'est insuffisant, non seulement chez nous à l'ABQ comme organisme, mais chez nos pairs qui habitent et ont les pieds dans la boite. Alors, de créer un organisme ayant des bureaux régionaux sans ajouter d'experts, c'est une faute. Douglas, tu as certainement un commentaire.

M. Graham: J'aimerais juste ajouter ou dire de nouveau qu'on n'est pas contre l'idée d'un office. On est peut-être un des rares intervenants, cette semaine, à vous apporter ces bonnes nouvelles-là. Mais, notre appui, c'est à condition que certains problèmes qu'on voit dans le projet de loi soient réglés. Le problème du transfert de pouvoirs à un organisme où il n'y a aucun biologiste en région, c'est vraiment un point majeur. On aimerait voir l'indication d'une volonté de votre part qu'il va y avoir des ressources disponibles pour combler ces lacunes-là ou que vous nous indiquiez qu'il y a un autre moyen pour régler ce problème-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être pour répondre. Pour donner le suivi à l'application de la législation comme telle, entre autres, en ce qui concerne les réserves écologiques, on a une certaine collaboration des agents de conservation qui dépendent du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Avec un protocole d'entente, nous nous sommes assurés que, pour le suivi comme tel, le respect de la réglementation, ça ne touche pas l'aspect de la création de réserves écologiques et ça ne touche pas toute la notion de conservation de la nature comme telle. Ça touche strictement... Il y a eu une réserve écologique de créée dans tel secteur. Je suis agent de protection de la faune, je dépends du MLCP. En même temps, je m'assure que personne ne va s'infiltrer, saccager ou quoi que ce soit, faire des activités interdites dans une réserve écologique. C'est le plus loin que ça va, en région, présentement.

Mais si nous n'ajoutons pas de ressources et que nous maintenons le tout au central, la problématique est la suivante: depuis deux ans, toutes les ressources additionnelles ajoutées s'en vont en région. Moi, je prédis que, quel que soit le gouvernement, quelle que sort la gestion, les ressources additionnelles en environnement... S'il y a 1000 fonctionnaires à Québec et 800 en région, normalement, les prochains vont s'en aller en région également. Si le dossier n'est pas en région, on risque non seulement de se retrouver avec une absence de cette notion de conservation au niveau de nos bureaux régionaux, de nos bureaux de l'Office, mais d'être condamnés à n'avoir que 11 ressources à Québec, les ressour- ces étant ajoutées en région. Moi, je vous soumets juste la problématique à laquelle je suis confronté. Je suis conscient du risque d'éparpiller les 10 ressources actuelles. Ça ne me plaît pas. Il y a une synergie qui va disparaître. Peut-être qu'on pourrait le faire en deux étapes, attendre qu'il y en ait au moins un prêt à les accueillir partout. Je ne ferme pas de portes. (16 h 30)

M. Bergeron (Jean-François): Je vais reprendre certains des points qui ont été mentionnés. D'abord, un agent de conservation, ça ne fait pas de gestion environnementale, ça fait de la surveillance. Je vais vous donner un cas concret. Dans le cas de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, on aura plus de 300 espèces végétales - dans la loi, c'est bien ça?

Une voix: Oui.

M. Bergeron (Jean-François): Alors, près de 300 espèces végétales qui sont désignées menacées et vulnérables. Je vous dirai aujourd'hui que 95 % des agents de conservation ne connaissent pas plus que deux espèces vulnérables et menacées. Il y a un rôle de surveillance, mais où est la connaissance? Je pense que c'est très important de le dire. Bien sûr, tout le monde sait ce que c'est un béluga; on en a vu dans le Saguenay. Mais il y a 300 espèces végétales existantes.

Je pense qu'il ne faudrait pas se faire taxer de «plantologues» ou d'observateurs d'oiseaux, mais je vais aller plus loin dans mon raisonnement. Le fait de conserver des espèces rares et vulnérables, ce n'est pas seulement pour préserver des espèces qui ne sont à peu près pas visibles, mais il y a toute une notion de milieu, d'écosystème, de milieu fragile. Si on se bat sur le parterre de Grande-Baleine pour sauvegarder les estuaires, il faudrait peut-être se battre à l'intérieur du territoire de l'île de Montréal ou encore du Saint-Laurent pour revendiquer la protection d'habitats dans le Saint-Laurent parce qu'ils ont des espèces menacées et vulnérables.

Deuxièmement, bien sûr, on aura besoin de nouveaux effectifs, qu'ils soient à caractère technique ou professionnel ou de direction, mais il y a aussi des budgets d'opération qui devront être greffés. J'ai obtenu, dernièrement, quelques chiffres sur l'argent de fonctionnement pour les spécialistes du MENVIQ. Le budget 1990-1991 était de 990 000 $, celui voté. L'argent dépensé était de plus de 1 000 000 $ et quelques centaines de mille. Mais, là-dessus, l'argent concret de réalisation de travaux sur le terrain, pour l'application des deux lois, il y en a moins de 100 000 $. Alors, concrètement, si moi je suis biologiste et je loue un hélicoptère pour aller je ne sais où, en Gaspésie, sur des sites qui seraient menacés par la coupe forestière, eh bien! je viens de sauter 10 000 $ sur 100 000 $. Je pense que si on veut s'appeler «vert», si on veut se doter d'une étiquette gouvernementale

verte et de protection de la nature... bien sûr, on doit régler la question des pneus usés, mais on doit régler la question des habitats fragiles, menacés, vulnérables, et qui peuvent être affectés.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, au nom de l'Opposition, il me fait plaisir de saluer M. Bergeron et M. Graham, de l'Association des biologistes, et les remercier pour leur présentation. Vous apportez un point de vue assez différent de l'ensemble des groupes qui sont venus ici. C'est une contribution, donc, qui est originale, dans une bonne mesure.

Avant de traiter de vos positions et de vous poser quelques questions, je veux quand même réagir beaucoup plus succinctement que lui ne l'a fait au préambule du ministre. Il continue d'affirmer que la seule façon de renforcer les directions régionales, c'est de créer l'Office de protection. Ce n'est pas exact. Ce n'est évidemment pas exact. C'est tout à fait possible de continuer le mouvement de régionalisation qui a été amorcé et non seulement c'est possible, mais c'est souhaitable, sans pour ça créer une nouvelle structure. La création elle-même d'une structure nouvelle, sans y ajouter d'effectifs et de budget, il n'y a rien de magique dans cette création d'une structure. Au contraire, je pense que ça aura l'effet néfaste, nocif, de mobiliser les énergies de plusieurs fonctionnaires, de créer de l'inquiétude dans le ministère. Est-ce que je vais aller à l'Office? Est-ce que je reste dans le ministère? Est-ce que je reste au central ou si je m'en vais au régional? C'est tout ce climat d'incertitude, d'insécurité qui prévaut actuellement dans le ministère de l'Environnement. Alors, je ne voudrais pas que vous vous laissiez séduire par le raisonnement du ministre qui essaie de faire croire aux groupes que s'ils veulent une meilleure gestion du ministère, centralement et régionalement, il faut qu'il y ait un Office. C'est tout à fait faux.

Je vais plutôt m'attarder à votre contribution. Les biologistes, non seulement la petite poignée qui travaille au ministère, mais aussi, peut-être encore plus, tous les biologistes qui, souvent, de façon bénévole, travaillent avec les groupes environnementaux un peu partout au Québec, je pense qu'on leur doit une fière chandelle. Je trouve que c'est scandaleux qu'il y ait seulement une dizaine de biologistes au ministère de l'Environnement. Vous faites ressortir l'importance du volet conservation et la négligence dont ont été coupables les ministres de l'Environnement depuis quelques années sur ce volet-là. Le ministre nous dit, à chaque fois qu'il en a l'occasion, qu'il a créé des réserves écologiques. C'est vrai. C'est vrai, il en a créé un certain nombre. Bravo! Moi, j'aurais souhaité qu'il en crée une au mont Pinacle, par exemple. Il n'est peut-être pas trop tard pour le faire. Mais, en plus de créer des réserves écologiques, il faut vraiment que l'apport original que les biologistes peuvent donner, ça soit traduit par une augmentation du nombre de postes de biologistes au ministère, autant dans les instances centrales que dans les instances régionales.

Une contribution bien particulière que vous faites, c'est d'inciter le ministre à profiter de cette occasion - à supposer que son projet de loi soit adopté, et j'espère qu'il ne le sera pas - vous l'incitez à faire preuve de transparence. Vous dites textuellement, je vous cite: «La transparence en matière de gestion environnementale apparaît dorénavant comme une nécessité.» Je diffère légèrement d'opinion avec vous. Ça m'a toujours apparu comme une nécessité, pas rien que dorénavant. Mais je comprends bien votre message, vous dites au ministre: Profitez de l'occasion pour instaurer une plus grande transparence dans votre ministère aussi bien que dans l'Office, s'il y a un Office. Vous avez absolument raison.

Les questions que je voulais poser... Commençons par la question plus générale: Qu'est-ce que vous voyez comme problème principal? Vous faites allusion au manque de budget, au manque d'effectifs. Est-ce que c'est ça que vous voyez comme problème principal ou si c'est autre chose que vous voyez, dans le ministère de l'Environnement actuellement?

M. Bergeron (Jean-François): Avant de rentrer dans le grand plan du ministère de l'Environnement, je pense qu'il faut être clair que nos réticences ou appréhensions à l'idée de la formation de l'OPEQ s'appliquent principalement au transfert ou plutôt a l'application des deux lois, espèces menacées et réserves écologiques en région. Dans la mesure où le ministre et le ministère peuvent solutionner ce problème, ça peut être intéressant.

Maintenant, il y a un manque de fonds, il y a un manque d'experts. Lorsque je parle du manque d'experts, on regardait, dans les journaux, les offres d'emploi de postes permanents depuis quoi? les deux dernières années et il y en a eu peut-être une cinquantaine, et, sur ce, deux, trois ou quatre postes de biologistes. Alors, je pense que les biologistes doivent être davantage représentés. Pourquoi? On a une expertise en écosystèmes en milieu naturel.

Maintenant, lorsque vous faites des remarques sur les groupes environnementaux, certes nos biologistes sont parfois représentés dans les groupes environnementaux. Mais je crois que, comme biologistes, notre tribune première devrait être notre milieu de travail, qu'il s'agisse d'un groupe environnemental ou d'un autre.

On nous demande la très importante et fastidieuse question: Quels sont les problèmes à l'intérieur du ministère de l'Environnement? Je

ne crois pas qu'on soit venus ici pour répondre à cette question-là, précisément, et je n'ai pas envie d'y répondre non plus. Mais ce qu'on doit dire, c'est que, personnellement, comme biologiste qui a eu l'occasion de travailler dans les provinces anglophones, qui a vécu dans les provinces anglophones et qui a collaboré avec des collègues biologistes des provinces anglophones, la tradition de conservation dans les appareils publics anglophones existe dans les provinces anglophones depuis plus de 10 et 20 ans. Alors, cette forme de tradition, on devra la perpétuer, et ça signifie des effectifs supplémentaires.

M. Lazure: Je pense que vous avez raison. J'ai souvent fait remarquer au ministre que, même s'il a créé un certain nombre de nouveaux centres de conservation, de réserves écologiques, il y a quand même au Québec beaucoup moins d'espaces préservés ou réservés que dans la plupart des autres provinces du Canada actuellement. Les Ami-e-s de la terre ont fait sortir des chiffres il n'y a pas si longtemps. Il y a un autre groupement aussi qui est venu à Québec il n'y a pas longtemps. Alors, je pense que le Québec a un rattrapage important à faire dans ce domaine-là.

Une autre question et je reviens à votre mémoire. Vous dites, à la page 3, au haut de la page: «De plus, les responsabilités du ministre de l'Environnement quant aux activités de l'Office devraient être précisées davantage pour que les actions de l'Office puissent être discutées devant l'Assemblée nationale.» Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus?

M. Bergeron (Jean-François): Oui. Ce que je demandais au président dernièrement et aux gens qui ont participé à la rédaction du mémoire, y inclus moi-même, c'est: Quelle est la composition du conseil d'administration de l'Office de protection de l'environnement? On m'a dit que le C.A. serait composé de neuf individus, soit un président, un sous-ministre et sept personnes représentatives de groupes sociaux de la population. Les sept personnes représentatives des groupes sociaux, d'où viennent-elles et comment sont-elles nommées?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous retrouvez la réponse à cette question à l'article 3 du projet de loi tel que libellé présentement. «L'Office se compose de neuf membres, dont le président et sept autres membres nommés par le gouvernement ainsi que le sous-ministre de l'Environnement ou la personne que ce dernier délègue à cette fin. Au moins un membre provenant de chacun des domaines suivants est nommé après consultation des groupes les plus représentatifs des domaines des affaires, environnemental, municipal et syndical.» Pratiquement pariant, c'est nommé par le gouvernement, mais il y a des consultations qui sont rendues obligatoires auprès de ces groupements, de par le libellé du texte de loi.

M. Bergeron (Jean-François): Serait-il possible de nous dire quelques mots sur ces consultations? Quelles en sont les fonctions et la forme?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pratiquement parlant, elles sont de deux formes. Elles sont parfois proactives, c'est-à-dire que c'est le gouvernement qui les sollicite. Dans d'autres cas, c'est le monde municipal ou le monde syndical ou le monde environnemental qui propose des candidats. Il n'y a pas de catéchisme en la matière. Le gouvernement tente de retenir la personne qui dégage un maximum de consensus dans son domaine.

M. Lazure: Moi, M. le Président, j'aimerais...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais j'ai retenu que vous aviez noté qu'il n'y avait pas comme tel...

Le Président (M. Garon): Monsieur, avez-vous la parole ou si vous ne l'avez plus?

M. Lazure: Oui, j'avais la parole.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah! Excusez-moi. Ça va. Je répondais à la question.

M. Lazure: Merci.

Une voix: II l'a perdue en cours de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça va.

M. Lazure: Je fais preuve d'une certaine générosité aujourd'hui à l'endroit du ministre.

Une voix: C'est parce qu'il ne trouvait pas le dernier renseignement...

M. Lazure: Merci. Écoutez, j'ai juste une dernière remarque. Je pense que vous passez un message clair et que peu de groupes ont passé devant cette commission. Il me semble, encore une fois, indépendamment que le projet de loi soit adopté ou pas, que le ministre devrait tenir compte de toute cette trame que vous dessinez très bien où on a un double langage au ministère. On dit: Oui, oui, oui, la conservation, c'est important; les biologistes sont importants. Mais, quand vient le temps d'embaucher du personnel, et vous l'avez bien démontré tantôt, on n'embauche pratiquement pas de biologistes. Je pense que ça doit se faire, et je cite votre phrase, vous dites: «La promotion de la conservation et l'éducation à la conservation en relation avec les

réseves écologiques pourraient également demeurer l'entière responsabilité du ministère de l'Environnement.» Alors, peu importe ce qui arrivera au projet de loi, c'est un message que vous passez au ministre: Faites quelque chose immédiatement quant à l'éducation à la conservation.

Il a beau nous dire: On a créé des réserves écologiques. Mais moi je ne sens pas, et je suis quand même les choses d'assez près, alors le citoyen moyen ne doit pas le sentir beaucoup plus que moi, je ne sens pas que, dans ce ministère de l'Environnement, il y a un accent suffisant qui est placé sur cette éducation à la conservation, que ce soit l'éducation dans les écoles, dans les cégeps, les écoles secondaires, les écoles primaires, mais aussi une éducation populaire de façon plus large.

Je veux vous remercier, au nom de l'Opposition, pour votre contribution.

M. Bergeron (Jean-François): Merci bien.

Le Président (M. Garon): Alors, je suspends les travaux de la commission pour quelques instants, le temps à l'Association des biologistes de se retirer et aux représentants de la Société pour vaincre la pollution de s'approcher à la table.

(Suspension de la séance à 16 h 45)

(Reprise à 16 h 48)

Société pour vaincre la pollution

Le Président (M. Garon): J'invite la Société pour vaincre la pollution représentée par M. Daniel Green à s'approcher à la table.

Immunité parlementaire demandée

Maintenant, M. Green, je ne sais pas... Vous m'avez écrit une lettre le 10 mars 1992...

M. Green (Daniel): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Garon): ...concernant votre présentation et je vais lire votre lettre. Et J'ai fait faire le tour de la question concernant cette question que vous soulevez dans votre lettre. La lettre m'est adressée comme président de la commission de l'aménagement et des équipements. Vous dites: «Monsieur, lors de la présentation de son mémoire portant sur les modifications qu'elle proposera au projet de loi 412 le 17 mars prochain, la Société pour vaincre la pollution aura à discuter de certains cas actuels qui sont présentement devant les tribunaux. «Il s'agira, notamment, des dossiers suivants: Lacroix vs le MENVIQ, Flamand-Mine

Poirier, MENVIQ vs Laidlaw-ville Mercier, MENVIQ vs Stablex-Blainville, ainsi que le contentieux qui oppose la Société pour vaincre la pollution et le MENVIQ de même que plusieurs producteurs et gestionnaires de déchets dangereux, devant la Commission d'accès à l'information et la Cour d'appel du Québec. La Société pour vaincre la pollution veut utiliser ces dossiers afin de fournir des exemples concrets aux modifications qu'elle proposera au projet de loi 412. Elle demande donc l'immunité parlementaire lors de la consultation générale qui aura lieu le 17 mars à l'Hôtel du Parlement. Bien à vous.»

C'est signé: Christine Labelle, pour Daniel Green.

Décision du président

Alors, j'ai demandé une opinion juridique pour faire le tour de la question concernant ce que vous soulevez, puisque ce n'est pas fréquent que les gens invoquent... Ce n'est presque jamais arrivé, à toutes fins pratiques, que des gens le soulèvent, comme vous le soulevez dans votre lettre du 10 mars 1992, en m'écrivant et en m'indiquant votre intention de discuter de certaines affaires qui sont devant les tribunaux lors de la présentation de votre mémoire dans le cadre de la consultation générale publique relative à l'étude du projet de loi 412. Vous demandez l'immunité parlementaire lors de la consultation générale qui a lieu aujourd'hui, ou actuellement.

Alors, il importe de préciser que la demande que vous faites soulève deux questions distinctes, soit l'immunité parlementaire et la règle du sub judice.

L'immunité dont jouit une personne qui participe aux travaux d'une commission est prévue à l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui se lit ainsi: «Le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal, sauf si elle est poursuivie pour parjure.»

Le libellé de cet article semble accorder d'office l'immunité à toute personne qui témoigne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission. Mais, selon l'avis de la Cour supérieure dans l'affaire Turgeon et Sinclair c. Théberge (jugement inédit rendu le 23 janvier 1987) «...le législateur s'est exprimé clairement et sans équivoque en utilisant les expressions "le témoignage" et "sauf... parjure" à l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale de façon à restreindre l'immunité qui y est conférée aux propos tenus par un témoin ayant prêté serment ou ayant fait la déclaration solennelle prévus à l'annexe II» de la Loi sur l'Assemblée nationale. Ce sont les paroles du jugement. Pour ces motifs, la Cour supérieure a refusé d'accorder l'immunité de l'article 53 à une personne pour-

suivie en dommages-intérêts à la suite d'un témoignage qu'elle a rendue devant une commission de l'Assemblée nationale le 6 juin 1985.

D'aucuns pourraient critiquer cette interprétation de la Cour supérieure. Il y en a qui peuvent être d'accord ou pas d'accord. Mais pour une meilleure protection d'une personne qui témoigne en commission, nous ne devons pas ignorer l'existence de ce jugement.

La prestation du serment ou de la déclaration solennelle est prévue à l'article 52 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui dit: «Le président ou tout membre de l'Assemblée, d'une commission ou d'une sous-commission peut demander à une personne qui comparaît devant elle de prêter le serment ou de faire la déclaration solennelle prévus à l'annexe II.» Le texte est prévu à l'annexe.

En vertu du paragraphe 6 de l'article 7.1 des Règles de fonctionnement concernant les commissions, c'est le secrétaire de la commission qui reçoit les serments ou les déclarations solennelles des témoins. Il appert de ce qui précède que la prestation du serment ou de la déclaration solennelle est à la discrétion du président ou de tout membre de la commission.

L'immunité de l'article 53 de la Loi sur l'Assemblée nationale, nous l'avons vu, fait en sorte que le témoignage d'une personne devant l'Assemblée, une commission ou une sous-commission ne peut être retenu contre elle devant un tribunal. Cette immunité ne justifie toutefois pas cette personne à enfreindre les règles qui régissent les travaux de l'Assemblée et des commissions. L'une de ces règles est fondamentale; il s'agit de la règle du sub judice codifiée au paragraphe 3° de l'article 35 du Règlement de l'Assemblée nationale. Ce paragraphe est à l'effet que: «Le député qui a la parole ne peut: [...] 3° parler d'une affaire qui est devant les tribunaux ou un organisme quasi judiciaire, ou qui fait l'objet d'une enquêté, si les paroles prononcées peuvent porter préjudice à qui que ce soit.»

Comme il est mentionné au paragraphe 505 de la 6e édition de Beauchesne: «II s'agit d'une contrainte à laquelle la Chambre s'assujettit elle-même dans l'intérêt de la justice et de l'équité.» Le président d'une commission doit également avoir à l'esprit l'intérêt de la justice et l'équité lorsqu'une personne témoigne devant la commission. C'est pourquoi il doit faire respecter l'article 35, paragraphe 3°, de notre règlement. Parce que les procès se font devant les tribunaux, ils ne se font pas devant les commissions parlementaires. C'est aussi simple que ça, au fond.

Les affaires dont vous voulez traiter dans votre lettre, selon ce que vous indiquez dans votre lettre, M. Green, sont présentement toutes devant les tribunaux, ce qui a été confirmé par le contentieux du ministère de l'Environnement. Qui plus est, la plupart de ces affaires sont de nature pénale. À cet égard, il est pertinent de rappeler la mise en garde qu'a faite le président de l'Assemblée nationale, le 10 mars 1992, lorsque le député d'Ungava a questionné le ministre de la Sécurité publique relativement à une enquête de la Sûreté du Québec concernant des allégations d'irrégularités commises dans le cas de deux sites d'enfouissement sanitaire. Comme cette question faisait référence à une affaire pendante devant un tribunal, le président a déclaré ce qui suit: «...vous me permettrez ici de vous rappeler que l'article 35, 3°, concernant le sub judice est très clair; il est adopté par l'ensemble des parlementaires comme règle de fonctionnement. En matière civile, la jurisprudence à l'Assemblée a démontré que cet article fait en sorte que les questions dans les procès en matière civile devraient être posées de façon très minutieuse afin d'éviter de porter préjudice à qui que ce soit. «En question pénale, la règle est très stricte. Mes prédécesseurs, comme présidents de l'Assemblée, et moi-même - dit toujours le président - à certaines occasions, l'avons rappelé, en matière pénale ou en matière criminelle, la règle est très stricte: on n'en parle pas. Donc, si vous êtes dans une matière civile et que vous faites référence à une affaire civile, vous pouvez poser des questions, mais vous avez l'obligation, comme député, de respecter la règle du sub judice et de voir à son application.»

Il est à noter que la question du député d'Ungava, qui a donné naissance à cette mise en garde du président de l'Assemblée nationale, faisait référence à une affaire dont veut nous entretenir, entre autres, M. Green.

En somme, M. Green ne peut discuter des affaires pénales qui sont pendantes devant les tribunaux. Bien que moins stricte, la règle du sub judice doit également recevoir l'application en ce qui a trait aux affaires civiles et aux affaires devant la Commission d'accès à l'information.

Afin de permettre aux représentants de la Société pour vaincre la pollution de témoigner en toute liberté tout en respectant la règle du sub judice, une séance à huis clos pourrait avoir lieu. Les règles concernant le huis clos en commission sont prévues à l'article 160 du Règlement de l'Assemblée nationale ainsi qu'aux articles 12 et 13 des Règles de fonctionnement concernant les commissions. Et je lis pour que vous soyez bien informés. «160. Toute commission peut décider de se réunir à huis clos, sur motion adoptée à la majorité des membres de chaque groupe parlementaire. «Le secret des témoignages entendus et des documents reçus par une commission siégeant à huis clos, ainsi que celui de ses délibérations ne peuvent être levés que dans la mesure et dans les conditions déterminées par les intéressés et par la commission à l'unanimité de ses membres.» «12. Le secrétaire participe d'office aux réunions que la commission tient à huis clos.»

«13. Seule une motion adoptée à l'unanimité des membres, accompagnée du consentement écrit des intéressés - selon l'article 13 - permet de lever, en tout ou en partie, le secret des témoignages et des documents reçus par une commission siégeant à huis clos. «Les textes de cette motion et du consentement écrit sont publics. »

Alors, comme vous le voyez, c'est la commission qui décide s'il doit y avoir un huis clos, mais tout en se rappelant que l'ordre de la Chambre, c'est de tenir des audiences publiques sur le projet de loi 412 qui est un projet de loi d'ordre public. Et les causes dont vous voulez nous entretenir sont devant les tribunaux. Alors, moi, ma marge de manoeuvre n'est pas très grande. C'est pour ça que les procès qui se font devant les tribunaux, bien, les tribunaux ont des instruments pour faire des procès. Mais nous, nous ne sommes pas équipés pour faire des procès. Alors, on laisse aux tribunaux le soin de régler ces questions-là. C'est pour ça que l'immunité parlementaire, vous voyez que c'est bien circonscrit et moi, un conseil que je vous donne, c'est peut-être de témoigner sans trop vous fier à l'immunité parlementaire, surtout que vous voulez traiter de causes qui sont devant les tribunaux et qui sont de nature pénale.

M. Green: Merci, M. le Président.

M. Maltais: M. le Président... Le Président (M. Garon): Oui.

M. Maltais:... j'aimerais, comme membre de la commission, recevoir la copie de la demande de M. Green, qui demandait l'immunité parlementaire, et j'aimerais avoir une copie de votre jugement que vous venez de rendre.

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Maltais: J'aimerais aussi, par la même occasion... Je n'ai pas trouvé dans mes dossiers une copie du mémoire que M. Green veut nous présenter parce que...

M. Green: M. le député, une des raisons pourquoi je n'ai pas soumis de mémoire, c'est que je voulais avoir une opinion. Parce que j'aurais inscrit dans mon mémoire, par écrit, des commentaires qui risquent d'être sub judice et, vu que je n'ai pas l'immunité, donc, là, je suis obligé maintenant d'épurer mon mémoire face à la décision, en tout cas, l'avis du président de la commission. Et je ne vais pas pouvoir, cet après-midi, suite à l'avis que me donne le président, exposer concrètement comment certaines modifications qu'on trouve ou qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi 412 pourraient éviter ce qui se passe actuellement devant les tribunaux du Québec dans plusieurs causes environnementales.

Alors, c'est pourquoi je n'ai pas de mémoire, c'est parce que je voulais attendre la décision du président de la commission.

M. Maltais: o. k. alors, s'il n'y a pas de mémoire, je pourrais avoir au moins copie de la lettre et copie de votre jugement, m. le président? le président (m. garon): oui. je vais faire parvenir une copie de la lettre à tous les membres de la commission, parce que je l'ai lue. donc...

M. Maltais: Je comprends, c'est parce que, pour nous, c'est important de...

Le Président (M. Garon): Oui, bien, je pense que c'est important que tout le monde comprenne de quoi il était question...

M. Maltais: Oui.

M. Green: Oui. M. le Président...

Le Président (M. Garon):... et d'autant plus qu'il y a beaucoup de points qui ne relèvent pas du président, qui relèvent de la commission.

M. Green: Oui.

M. Maltais: C'est ça.

Le Président (M. Garon): Alors, je voulais que le portrait soit clair au point de départ.

M. Maltais: Bien d'accord.

M. Green: M. le Président, en tant que demandeur de l'immunité, pourriez-vous aussi nous faire parvenir une copie de la décision?

Le Président (M. Garon): Oui...

M. Green: S'il vous plaît! (17 heures)

Des voix:...

M. Green: Alors, est-ce que je peux procéder à mon témoignage?

Le Président (M. Garon): Oui.

M. Green: Donc, mon témoignage épuré de toute connotation juridique devant les tribunaux, je vais essayer de faire bien attention.

Présentation du mémoire en guise d'introduction, la svp voudrait déclarer ce qui suit. la société pour vaincre la pollution croit que le projet de loi 412 est une tentative du gouvernement de réduire drastique-

ment l'imputabilité du ministre de l'Environnement et de bureaucratiser encore plus le ministère de l'Environnement du Québec. On a parcouru, évidemment, article par article et on a trouvé des choses très intéressantes. Je pense que la deputation devrait être au courant et, si vous voulez suivre simplement avec la copie de votre projet de loi, ça pourrait être intéressant.

Premièrement, l'article 2 dit que le lieu physique de l'OPEQ va être à Québec. On a entendu le ministre Paradis nous dire que l'OPEQ est un outil pour tenter une décentralisation. Alors, tout de suite, on voit que l'OPEQ est physiquement situé ici, dans cette ville.

De plus, si on regarde la composition de l'OPEQ, on remarque qu'il y a un président, qu'il y a trois vice-présidents et qu'il y a un sous-ministre ou son représentant, tout ce monde-là est payé à temps plein; ils sont, comme de fait, des fonctionnaires. Et, après, on a quatre postes de bénévoles non payés. Là, on parie d'un Office, on parie d'un organisme qui a des fonctions quasi juridiques, et on demande à un Office composé minoritairement de personnes bénévoles de prendre des décisions quasi légales au niveau de l'émission de permis et de certificats d'autorisation. La SVP voit déjà dans la composition de l'OPEQ un danger. On remarque qu'effectivement les membres payés à plein temps risquent, finalement, de décider l'ordre du jour des membres bénévoles, on voit même une situation où les permanents de l'OPEQ risquent d'être en opposition avec les bénévoles de l'OPEQ et on ne voit pas comment la gestion environnementale du Québec va être améliorée par la création d'un organisme quasi judiciaire ayant des bénévoles qui vont prendre des décisions, des votes, pour décider si un tel va avoir un permis, un certificat d'autorisation.

De plus, la composition de l'OPEQ confirme pour la SVP que le projet de loi vise une dilution de l'imputabilité du ministre et une augmentation du pouvoir des fonctionnaires. Autrement dit, c'est encore les fonctionnaires qui décident, mais, cette fois-ci, ces décisions sont encore plus centralisées grâce à l'OPEQ.

Pour la SVP, l'OPEQ est une tentative de pseudo-démocratisation de la gestion étatique de l'environnement au Québec. La codification environnementale, il faut se comprendre, doit théoriquement être très stricte. Une norme réglementaire qui définit ce qu'est une pollution laisse peu de marge de manoeuvre: la compagnie pollue ou elle ne pollue pas. Comment peut-on mettre au vote, dans le cas d'un pollueur pris en flagrant délit, à savoir si on devrait retirer son permis ou pas? Quelle sera la discrétion de l'OPEQ quand il devra statuer sur une demande de permis ou sur une émission d'une ordonnance? Le projet est-il conforme à la loi? Le rejet de l'entreprise dépasse-t-il les normes? Les réponses à ces questions ne se prennent pas par un vote de neuf personnes. Est-ce que le contrevenant obéit à la loi ou s'il n'obéit pas? Et L'État a donné ce pouvoir, actuellement en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, à un représentant élu du Parlement qui s'appelle le ministre de l'Environnement et pas à des fonctionnaires payés et des membres bénévoles de l'Office.

Dans l'OPEQ, on parie d'une protection sur les conflits d'intérêts. Je dois admettre que j'ai trouvé, à l'article 10, le concept de définir dans l'administration environnementale au Québec la notion de conflit d'intérêts. Je trouve que c'est un concept très intéressant. Si j'avais eu l'immunité, j'aurais pu vous donner des exemples, actuellement, où des fonctionnaires du ministère de l'Environnement ne tiennent pas compte de cette notion de conflit d'intérêts. On pense actuellement qu'il y a, qu'il y a eu et qu'il va y avoir de la corruption au ministère de l'Environnement. On croit que cette disposition de conflit d'intérêts, indépendamment si le projet de loi est adopté, que la notion de conflit d'intérêts doit être enchâssée dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Je pense qu'il faudrait établir un code de déontologie qui va même plus loin que les dispositions de la Loi sur la fonction publique; je crois qu'il est pressant, sinon le ministère de l'Environnement, sa confiance publique va être érodée à un tel point qu'on ne va plus avoir confiance en cette institution parce qu'on ne va plus avoir confiance aux fonctionnaires qui le peuplent.

On remarque que, dans le processus décisionnel de i'OPEQ, on parie des procès-verbaux. Par contre, contrairement à un article où, finalement, on dit que l'OPEQ... je pense que c'est l'article 45 qui prévoit que l'OPEQ doit tenir des registres... on voit que les procès-verbaux ne sont pas publics, ne font pas partie de la liste des documents auxquels n'importe quel citoyen du Québec peut avoir accès. Pourquoi? Pourquoi est-ce que le législateur a omis d'inclure les procès-verbaux de l'OPEQ? Et le ministère nous dit que c'est par souci de transparence que l'OPEQ a été créé ou que ça va augmenter la transparence. Le fait que les procès-verbaux de l'OPEQ ne sont pas des documents publics reconnus en vertu de l'article 118.5 de la Loi sur la qualité de l'environnement laisse présager que, loin d'être transparent, l'OPEQ va être opaque.

À l'article 18 du projet de loi, le législateur liste une série de pouvoirs et de fonctions de l'OPEQ, puis, à la SVP, on a regardé un peu ce que ça voulait dire au niveau de l'administration environnementale au Québec. On remarque, au point 1°, que c'est l'OPEQ qui identifie ses priorités d'intervention et élabore ses orientations. Je ne comprends plus. Il semblerait que c'est le ministre qui doit quand même garder l'objectif d'élaborer les orientations du ministère et de «prioriser» les interventions. L'OPEQ le fait lui-même; l'OPEQ, cet organisme quasi

judiciaire, décide ses orientations. C'est un peu comme si on demandait à la Commission de protection du territoire agricole ou à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de décider d'emblée de la catégorie des travailleurs qui peut être indemnisée ou pas. C'est le rôle du législateur. Encore, on voit qu'il y a duplication, le ministère le fait déjà et, encore pire, il y a une érosion de l'imputabilité ministérielle quant à son obligation comme ministre élu d'établir les grandes orientations de l'Office.

Au point 3° de l'article 18 qui dit qu'à la demande du ministre l'OPEQ voit à l'application de programmes de restauration et de prévention de la détérioration de l'environnement, on voit encore ici l'illogisme dans la tâche que le gouvernement veut donner à l'OPEQ. Donc, le ministre peut demander à t'OPEQ de faire quelque chose, mais il est déjà dit dans le point 2° que l'OPEQ doit faire quelque chose. Alors, c'est un peu comme si l'objectif du ministre, c'est de garder un peu pour lui le contrôle dans l'intervention environnementale de l'OPEQ. Alors, on se pose la question: Pourquoi créer l'OPEQ si le ministre veut quand même garder le contrôle? Alors, l'OPEQ va-t-il être indépendant? Va-t-il être rapide? Va-t-il être moins lourd ou est-ce que ça va être plus lourd parce que l'OPEQ va devoir voir si le ministre est d'accord?

Avant de créer l'OPEQ, il me semble que le ministre aurait mieux fait d'adopter, par exemple, le règlement qui définit c'est quoi un sol contaminé. Le ministre parlait justement de l'adoption, il y a à peu près deux ans, du projet de loi 65 qui lui permet d'intervenir dans les cas d'Eldorado et de Balmet. Pourtant, le ministre n'a pas encore adopté, même s'il a déposé en même temps le projet de loi sur la décontamination des sols, le projet de règlement. Actuellement, pour expliquer la situation, c'est que le ministre dit: Je peux ordonner à une compagnie qui a pollué son terrain de le décontaminer; mais je peux seulement lui ordonner de décontaminer si la contamination dépasse des concentrations prévues par règlement. Mais le ministre n'a jamais adopté ce règlement. Nous avons une disposition législative qui n'a pas force de loi parce que le règlement n'a jamais été adopté, le règlement qui définit c'est quoi un sol contaminé. Alors, avant de créer l'OPEQ, le ministre, il me semble, pourrait faire beaucoup d'autres choses.

On dit, à l'article 18, 4°, que c'est l'OPEQ qui reçoit les plaintes. Actuellement, en vertu de l'article 25 de la Loi sur la qualité de l'environnement, n'importe quel citoyen peut déposer une plainte assermentée au ministre et le ministre, s'il confirme ce que le citoyen lui a dit, par exemple qu'une compagnie a pollué un sol ou a pollué l'environnement, le citoyen doit recevoir du ministre l'avis que le ministre envoie au pollueur. Donc, il y a une certaine imputabilité ici. Autrement dit, la on troque l'OPEQ qui doit ou qui ne doit pas informer les citoyens, l'OPEQ qui est composé de neuf personnes plus ou moins anonymes par rapport à un ministre élu imputable et redevable. Et je pense qu'il est important que les députés sachent à cette commission le danger que la création de l'OPEQ... Ce que l'OPEQ va créer, c'est une érosion de l'imputabilité du ministre. En tant que citoyen, en tant qu'en-vironnementaliste, je veux savoir que la personne ultimement responsable, ce n'est pas neuf personnes anonymes à Québec; c'est un ministre élu qui doit se lever et défendre ses positions en Chambre, tous les jours, quand le Parlement siège. Et c'est ça que moi, je veux avoir et c'est cette protection démocratique que moi, je veux avoir par rapport à la gestion environnementale du Québec.

Évidemment, c'est d'autant plus important d'avoir un ministre qui reçoit les plaintes qu'il y a certains cas - malheureusement, que je ne peux pas mentionner - où on s'aperçoit que les fonctionnaires eux-mêmes étaient au courant, même avant qu'on dépose la plainte, et les fonctionnaires n'ont absolument rien fait. C'est pourquoi il est important d'avoir un ministre responsable pour intervenir quand les fonctionnaires ne font pas leur travail. Il y a beaucoup de cas que j'aurais à mentionner, mais que je ne peux pas cet après-midi.

C'est étrange qu'à l'article 18. 6° on dise qu'en collaboration avec le ministre l'OPEQ conçoit des programmes de formation et d'information dans les domaines de la compétence de l'OPEQ. C'est en collaboration avec le ministre. C'est un peu comme si le ministre se sent un peu isolé des décisions de l'OPEQ. Et, finalement, c'est intéressant d'avoir un OPEQ, parce que le ministre est maintenant isolé, c'est l'OPEQ qui prend les décisions. Si l'OPEQ se trompe, c'est l'OPEQ qui doit porter l'odieux de la mauvaise décision. Et on se pose la question, à savoir si l'OPEQ n'a pas été créé vraiment de façon à protéger le ministre de l'Environnement, qui risque d'être «contaminé» par les décisions impopulaires de l'OPEQ. C'est justement pourquoi la SVP croit que l'imputabilité de l'élu, dans ce cas-ci, du ministre de l'Environnement, doit rester et doit primer dans la gestion environnementale du Québec. (17 h 15)

Pour ce qui est des programmes d'information, à la SVP on a vu comment le ministère de l'Environnement gère l'accès à l'information. On a vu, lors d'un témoignage de la sous-minlstre adjointe, témoignage sous serment de la sous-ministre adjointe...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...question de règlement. Je pense que vous entrez, M. Green, à

ce moment-là, devant un témoignage qui...

M. Green: Ça a été déclaré dans les journaux, tout le monde en a parlé...

Mme Pelchat: C'est encore devant le tribunal.

M. Green: Même Mme Cléroux a... Mme Pelchat: C'est encore sub judice.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est quand même devant les tribunaux et je vous demanderais d'être très prudent.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): en tout cas, je vous appelle à la prudence. si vous voulez le faire pareil, je ne m'objecterai pas formellement.

M. Green: D'une façon ou d'une autre, on a aussi appris...

La Présidente (Mme Bélanger): ...mais moi, la présidence va s'objecter.

M. Green: Nous avons aussi appris, puis ça a été confirmé, que, finalement, le ministère de l'Environnement aurait envoyé de l'information non vérifiée à la commission Charbonneau. Nous avons aussi appris, dans nos délibérations, que les agissements du ministère de l'Environnement dans tout le domaine de l'accès à l'information laissent beaucoup à désirer. Je pourrais en dire beaucoup plus, mais on m'a averti.

On ne croit pas, par contre, que l'OPEQ va aider à augmenter la transparence du ministère. On pense que la bureaucratisation de l'OPEQ risque même de rendre plus difficile le droit légitime à tout citoyen du Québec d'avoir accès à de l'information environnementale qui le concerne.

On trouve étrange aussi, à l'article 19 du projet de loi, que l'OPEQ peut donner avis au ministre et que le ministre peut consulter l'OPEQ. On trouve étrange que le ministre a déjà un outil qui s'appelle le Conseil de la conservation et de l'environnement. Ce Conseil-là existe depuis 20 ans; il est indépendant du ministre et de l'application des lois et des règlements. On trouve étrange qu'un organisme quasi judiciaire risque d'être dans une situation de donner avis sur un règlement qu'il va être censé administrer lui-même. Je pense que ça va contre le principe de la séparation fondamentale entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Et je demande aux députés de faire bien attention à cette association dangereuse qui risque d'exister entre l'OPEQ, la législation qu'il doit appliquer et cette relation qui risque d'être incestueuse entre le ministre et l'OPEQ.

À l'article 22 du projet de loi, on voit que l'OPEQ a tous les pouvoirs pour conclure une entente avec un autre gouvernement, avec un autre pays. Évidemment, il y a une petite protection, avec, évidemment, l'autorisation du gouvernement. En lisant ça, je suis tombé de ma chaise. La souveraineté que donne le ministre à l'OPEQ pourrait faire rougir d'envie bien des indépendantistes. Comment est-ce qu'on peut donner à un organisme quasi judiciaire composé de non-élus le droit de négocier des ententes environnementales avec un autre pays, avec un autre État? Laisser à la bureaucratie le pouvoir de conclure des ententes donne des choses comme on a vu avec l'entente fédérale-provinciale sur le fleuve Saint-Laurent où, finalement, on dépense 110 000 000 $, et je ne sais pas combien de militons du côté provincial, sans qu'il y ait un iota de participation publique prévue dans l'entente, ou encore, par exemple, dans l'entente sur la qualité des eaux des Grands Lacs-fleuve Saint-Laurent, où un bureaucrate du ministère de l'Environnement a empêché que le fleuve Saint-Laurent au Québec soit inclus dans cette entente internationale parce que lui avait peur que le Québec perde la souveraineté sur son fleuve, même si le fleuve est pollué par les Américains. Alors, moi, je pense que c'est dangereux de donner encore à un office de fonctionnaires...

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. Green.

M. Green: ...donner à des fonctionnaires le pouvoir de négocier des ententes.

En conclusion, madame. La SVP croit que c'est Pierre Paradis, le ministre de l'Environnement, un homme élu par les citoyens de son comté, nommé comme élu au poste de ministre de l'Environnement, qui doit conserver toute responsabilité d'un système démocratique qu'on lui donne comme député, et il doit exécuter son mandat comme ministre de l'Environnement, et son mandat et le serment d'office qu'a faits Pierre Paradis l'obligent à servir le Québec dans sa capacité comme élu et, encore plus important, comme ministre chargé d'administrer les lois et les règlements visant à protéger le patrimoine environnemental du Québec. Et je cite les fonctions du ministre, à l'article 2 de la loi...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, 30 secondes, monsieur.

M. Green: O.K. Promouvoir l'assainissement; conseiller le gouvernement en vue de prévenir la détérioration de l'environnement; protéger les espèces vivantes. Autrement dit, nous croyons que la création de l'OPEQ sera, d'après nous, un effilochement de la courroie de transmission entre le citoyen, contribuable électeur, et l'élu, député-ministre, en matière de gestion de l'environnement du Québec. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Green. M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie le groupe SVP et son porte-parole, M. Green. Je n'ai pas l'intention de reprendre ce que j'ai mentionné tantôt; je pense que vous étiez présent dans la salle. Et, de façon à éviter à se répéter, je prends pour acquis que vous l'avez compris et que vous avez une bonne vue du portrait d'ensemble.

Vous partez d'une notion qui sous-tend à peu près toute votre argumentation qui est la suivante, et je dis «à peu près toute»: l'OPEQ serait un organisme quasi judiciaire. Vous la reprenez dans 75 % des arguments que vous apportez. Nous avons eu le plaisir de recevoir devant cette commission des organismes ou des groupes spécialisés dans ces sujets, le Centre québécois du droit de l'environnement, pour en mentionner un, le Barreau du Québec, et personne ne semble partager l'opinion ou la prémisse que vous prenez chez ces spécialistes ou ces juristes spécialisés dans le droit administratif. Ils sont plutôt d'opinion que l'OPEQ serait un organisme de nature administrative qui, de façon exceptionnelle, pourrait poser des actes quasi judiciaires dans le cas strictement des ordonnances qu'il aurait à rendre. 98 % du travail de l'OPEQ serait administratif, donc ils s'entendent tous pour qualifier l'OPEQ d'organisme administratif. Donc, tous les propos sur le quasi-judiciaire, je suis prêt à le réviser, demander des opinions supplémentaires au Procureur général du Québec, suite à votre intervention, mais c'est l'opinion... On m'a même dit qu'on avait consulté Me Patrice Garant qui est un expert en droit administratif et qui était d'accord avec le Centre québécois et le Barreau du Québec.

Vous parlez, au tout début, du siège social, de toute la question de la régionalisation versus le siège social. Je ne peux pas suivre votre raisonnement là-dessus. Il faut établir le siège social quelque part et, de façon pratique, la loi ne permet pas d'établir 12 sièges sociaux ou 16 sièges sociaux. Il faut choisir un endroit parmi toutes les régions du Québec où le siège social va se situer et la règle veut qu'on tente de situer les sièges sociaux dans la capitale ou dans le territoire de la communauté urbaine. Ça n'a rien à faire ni de près, ni de loin avec le degré de décentralisation et de régionalisation que vise à atteindre le projet de loi qui crée l'Office de protection de l'environnement.

Quant à la composition comme telle de l'Office, vous faites un raisonnement entre les membres payés et non payés, le président, les vice-présidents, etc. Je pense que vous avez dû lire rapidement les articles qui touchaient ce sujet. Les vice-présidents, à titre d'exemple, ne siègent pas au conseil d'administration. De mémoire, le seul membre payé qui siège au conseil d'administration, c'est le président...

Une voix: Le sous-ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...le sous-ministre, excusez, comme ça se produit dans à peu près tous les organismes gouvernementaux. Donc, je ne vois pas là la dichotomie qui pourrait exister entre les membres bénévoles qui forment la grande majorité et les membres permanents qui, oui, ont plus accès au dossier, à monter le dossier, etc. Ça, je vous l'accorde, c'est un danger qui guette chacun des organismes et il faut être prudent. Mais je vais revérifier. Ma lecture, c'est que les v.-p. n'étaient pas là, sur le conseil d'administration. S'il faut modifier, nous modifierons.

Dans les pouvoirs du conseil d'administration, je ne sais pas où vous avez pris dans le projet de loi que les permis seraient émis au vote du conseil d'administration. Les articles de la loi me semblaient assez clairs et précis que ça procédait de façon déléguée; l'article 20, son libellé semble assez précis. S'il y a moyen de le resserrer pour vous rassurer qu'un permis ne sera pas émis au vote ou qu'une inspection ne sera pas décidée au vote du conseil d'administration, je suis prêt à demander aux légistes de regarder ça à nouveau, si vous avez été inquiété. Parce qu'on va pouvoir bénéficier de votre texte quand même; tout ce qui est dit ici est enregistré et, une fois qu'on aura le texte, on pourra le réviser plus attentivement.

Le conseil d'administration, son rôle, c'est le suivant: adoption des orientations et priorités d'intervention de l'Office, adoption du budget avant son approbation par le Conseil du trésor, adoption du rapport annuel, adoption des règlements de régie interne, responsable du bureau des plaintes et...

M. Green: Vous lisez ça où, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): à partir des documents qui ont servi à la préparation du projet de loi. ce sont les documents dont les légistes se sont servis pour...

M. Green: Donc, ce n'est pas dans le projet de loi.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Si vous voulez le retrouver comme tel, je vous réfère à l'article 18 qui traduit exactement ce que je viens de vous dire dans la loi comme telle.

Maintenant, en ce qui concerne les procès-verbaux publics, vous avez attiré mon attention là-dessus; moi, je le retiens. Je n'ai pas de motif présentement qui m'indique pourquoi les procès-verbaux ne devraient pas être publics compte tenu des dispositions de la loi d'accès à l'information. Je vais vérifier. C'est une suggestion qui est intéressante.

Vous avez fait un petit aparté sur le projet de loi 65 et la réglementation qui devait nor-

malement en découler, et là vous m'obligez à y revenir. Vous avez dit: Vous vous êtes servi du projet de loi 65 dans le cas d'Eldorado; vous vous êtes servi du projet de loi 65 dans le cas de la Balmet, etc. Vous avez raison, on s'en est servi. Mais vous ne pouvez pas en même temps dire qu'on s'en est servi puis que ça prend absolument une réglementation pour qu'on s'en serve puis qu'on n'a pas de réglementation. Je pense que vous devriez relire attentivement les articles suivants du projet de loi, 31.43 et 31.42...

M. Green: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...deuxième alinéa, et 31.43, deuxième alinéa...

M. Green: Oui.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...pour vous rendre compte que, si vous appliquez à cette législation le jugement de la Cour d'appel dans le dossier Alex Couture, vous nuiriez à la cause environnementale en publiant des règlements présentement qui découleraient du projet de loi. Suite à la décision de la Cour d'appel, nous avons choisi de ne pas publier la réglementation parce que le libellé, et nous l'avions prévu au moment du dépôt du projet de loi, nous permet quand même d'agir à partir de critères dont le ministre peut se servir sans la réglementation et, à date, nous n'avons pas eu de cas qui nous ont paralysés.

M. Green: Oui, mais est-ce que je peux...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant. (17 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous pourrez y revenir tantôt, mais je vous le soumets parce que c'est important que ce soit mentionné.

Vous parlez de la question de l'OPEQ et des relations possiblement incestueuses avec le ministre. Il y a un délicat équilibre à conserver, et je vous le concède, entre le fonctionnement d'un organisme dont vous conservez, comme ministre, la responsabilité devant l'Assemblée nationale du Québec et devant l'ensemble de la population, et son indépendance lorsqu'il doit rendre des décisions quasi judiciaires. Mais vous demeurez responsable de cet organisme-là.

Je pense que, si vous regardez les autres ministères qui ont plus d'âge, plus de culture, plus d'expérience au gouvernement du Québec, ils ont à peu près tous un bras d'exécutant et le ministre comme tel demeure celui qui, devant l'Assemblée nationale, est imputable et responsable s'il y a de la malversation. Le président de tantôt est un ancien ministre de l'Agriculture; à la Commission de protection du territoire agricole, celui qui en répond devant l'Assemblée nationale du Québec en vertu de la loi, c'est le ministre. S'il y a de la malversation dans les certificats d'autorisation émis par un office de protection de l'environnement, je vous soumets bien humblement et bien respectueusement que c'est le ministre de l'Environnement, quel qu'il soit, qui en répond devant les élus du peuple, devant l'ensemble de la population et qui en porte tout le poids et toute la responsabilité politique.

Je ne pourrais pas... Là, je m'excuse, je n'ai pas repris tous les arguments, mais il y en a un qui m'est apparu, à la fin, totalement important dans le contexte d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale, la possibilité pour l'OPEQ de signer des ententes avec d'autres organismes d'autres gouvernements, toute la question de rendre jaloux mon ami d'en face, le député de La Prairie. Je pense que votre lecture fait totalement abstraction de l'application de la Loi sur l'exécutif, qui oblige même un ministère, quel qu'il soit, lorsqu'il signe une entente avec un autre gouvernement, à faire endosser le tout et approuver le tout non pas par le ministre, mais par le Conseil des ministres, par le gouvernement. Il est impossible pour un ministère, quel qu'il soit, de poser le moindre geste de juridiction extraterritoriale, d'entente de coopération sans, premièrement, obtenir le mandat précis du Conseil des ministres à cet effet, du gouvernement du Québec, et sans que cette négociation, que cette entente soit, par la suite, ratifiée par le Conseil exécutif. Cette loi ne fait pas exception à cette Loi sur l'exécutif. Je comprends que ce n'est pas expressément mentionné, mais ça fait partie de ce qu'on appelle le fonctionnement de l'appareil gouvernemental. Je pense que, là-dessus, ça a passé à suffisamment de places au gouvernement que, si ça avait été le cas, ça aurait été un tollé.

Tout ça pour vous dire que, si vous replacez votre intervention dans l'à-propos du projet de loi comme tel, on se retrouve avec, oui, un peu plus de transparence, là, je vous suis, on se retrouve sur une question d'efficacité. Sur le plan de l'efficacité, moi, je dois conclure, après deux ans comme ministre de l'Environnement, que cette efficacité-là ne sera pas atteinte si la régionalisation n'est pas poussée par le ministre de l'Environnement et si cette régionalisation n'est pas condamnée législativement, par la création d'un Office de protection de l'environnement, à prendre des décisions dans chacune des régions du Québec, proche des problèmes environnementaux et proche du milieu environnemental où on vit.

Vous pouvez ne pas partager cette opinion, moi, je ne m'en offusque pas, mais je voudrais que votre ratio decidendi soit basé sur des éléments plus factuels. Présentement, j'attends, d'abord, votre mémoire par écrit, je vais le réanalyser, mais les erreurs de fait m'apparais-sent suffisamment importantes que je me devais de souligner celle-là entre autres.

En ce qui concerne la Commission d'accès à l'information, le plus important intervenant au gouvernement du Québec, c'est le ministère de l'Environnement; on reçoit, en moyenne, 500 demandes par année d'accès à l'information. On a 3 % de nos dossiers, c'est-à-dire 15 dossiers par année, à peu près, qui se retrouvent devant la Commission d'accès à l'information. C'est trop, je vais vous le dire, mais, toutes proportions gardées, on tente de donner toute l'information, sans que la personne ait besoin d'avoir recours à la Commission d'accès à l'information. Mais, malgré ces efforts que nous faisons, il reste encore 15 dossiers par année qui sont référés à la Commission d'accès et on trouve que c'est encore un peu trop.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente. Au nom de l'Opposition, je veux remercier M. Green et son groupe pour la contribution qu'ils nous apportent aujourd'hui aux travaux de cette commission. Le message principal que vous passez au ministre de l'Environnement, comme la très grande majorité des autres groupes qui sont venus, c'est: Écoutez, au lieu de créer un Office qui n'apportera aucun budget nouveau et qui n'amènera aucun personnel nouveau, commencez donc par vous occuper de faire mieux fonctionner le ministère actuel, notamment en faisant rédiger, de façon plus diligente, les différents projets de règlement qui tardent beaucoup, comme on le sait. Vous avez donné un exemple. Dans mes remarques préliminaires au début des travaux de la commission, j'ai donné d'autres exemples. Il y a au moins quatre projets de loi où les règlements ne sont pas encore connus.

Nous, on dit, l'Opposition, que le ministre fait fausse route pour une multitude de raisons. Une structure qui sera bicéphale, moitié-moitié, un ministère, un Office, ça ne sera certainement pas de nature à améliorer la coordination entre le personnel chargé de préparer les règlements et les lois et le personnel chargé de les appliquer. Déjà, dans une même boîte, on a de la difficulté à avoir une bonne coordination. Donc, il y a une multitude de raisons qu'on a fait valoir durant toutes ces journées. On achève les travaux de la commission. Ça se termine ce soir. Je ne veux pas toutes les répéter, mais je veux m'attarder à un motif fondamental que vous mettez en relief: c'est le désengagement politique du ministre. Et je l'ai fait valoir dès le début. Le ministre a beau dire: Bien, la Commission de protection du territoire agricole, c'est le ministre de l'Agriculture qui en répond. D'accord, il en répond de temps en temps à l'Assemblée nationale, mais personne ne va nous faire croire que ça ne crée pas une certaine distance entre les preneurs de décisions au jour le jour, c'est-à-dire les gens de l'Office, et la personne respon- sable élue par la population. Ça crée une distance encore plus grande que la distance qui existe actuellement entre le ministre et ses fonctionnaires, et ça c'est dangereux pour la démocratie.

M. Green, je pense que vous nous faites un plaidoyer éloquent, comme d'autres l'ont fait, et je pense que le ministre a intérêt à s'arrêter, à réfléchir sérieusement. On ne peut pas, dans un sujet aussi fondamental que la préservation de l'environnement, la qualité de l'environnement -parce que ça touche à la santé dans bien des cas - se permettre de diminuer l'imputabilité du ministre. Et, créer un Office comme ça, veux veux pas, va diminuer l'imputabilité. Et moi, ça me frappe que le même gouvernement qui, semble-t-il, veut adopter un projet de loi comme celui-là qui va diminuer l'imputabilité du ministre, dans une autre commission - la commission du budget et de l'administration... Nous avons rendu public un rapport communément connu sous le nom de rapport Lemieux-Lazure, un rapport qui a fait l'unanimité des deux côtés de la Chambre et dans lequel nous demandons que les fonctionnaires soient davantage imputables de leurs actions... Le même gouvernement qui dit: II faut que les fonctionnaires répondent plus de leurs actions, aux élus qui représentent la population... Bon, bravo, on a fait un front commun là-dessus, le parti gouvernemental et l'Opposition. Mais, pendant ce temps-là, un des ministres dit: Ah, moi, je ne vais pas dans ce sens-là. Je vais dans l'autre sens. Je vais me soustraire, en partie, à l'imputabilité. Et ça c'est dangereux. Et le terme que vous utilisez est tout à fait pertinent: «l'érosion de l'imputabilité».

Vous avez fait allusion à la mentalité qui s'est développée depuis quelques années au ministère de l'Environnement, une mentalité de secret, la culture du secret. Qu'est-ce que vous voulez? Ce n'est pas vrai que ça sera moins secret dans un office que dans un ministère. Si le ministre est vraiment sincère quand il dit: Moi, je n'ai pas de problème, j'ouvre les livres tout grand... D'abord, il ne l'a pas démontré depuis deux ans et demi. Au contraire, à quelques reprises, depuis deux ans et demi, il a rappelé ses fonctionnaires à l'ordre en leur disant: Vous ne parlez pas aux médias, etc. Alors, vous avez même eu une situation où le ministre demande à la Commission d'accès à l'information de venir enquêter sur ses fonctionnaires. Ça frise quasiment le ridicule.

Mais, Mme la Présidente, moi je trouve que la SVP qui, depuis plusieurs années, avec des moyens très modestes, avec quelques autres groupements environnementaux, ont été des pionniers dans la surveillance, la préservation de l'environnement... Et moi je crois que c'est le prix qu'on doit payer, qu'un gouvernement doit payer, quel que soit le parti au pouvoir, pour être régulièrement mis en garde contre des excès, soit l'excès de secret dans un ministère,

soit l'excès de désengagement par la création d'un office. C'est le rôle d'organismes comme SVP. Et il joue bien ce rôle-là avec des moyens très, très modestes même si, souvent, n'importe quel gouvernement ne sera pas à l'aise devant les critiques qui sont formulées. Mais je pense qu'il faut rendre hommage au travail que SVP accomplit depuis plusieurs années.

Mme la Présidente, je ne veux pas prolonger mes remarques. Je pense que le message fondamental du groupe SVP, c'est: N'adoptez pas ce projet de loi, si je comprends bien - je vais laisser à M. Green le soin de réagir - mais si vous l'adoptez, au moins, changez des choses qui sont majeures. Et vous avez donné quatre, cinq exemples qui sont particulièrement frappants comme les procès-verbaux qui doivent être rendus publics, conflits d'intérêts, etc. Est-ce que j'ai bien compris votre présentation?

M. Green: Oui, effectivement, M. le député. Il y a évidemment d'autre chose. Le ministre parlait de la procédure de révision et appel. Dans l'ancien régime, la Commission municipale avait au moins la... On donnait au moins la possibilité... L'article 100 de la loi actuelle le dit, n'importe qui peut intervenir devant la Commission municipale. On ne le voit pas dans le projet de loi. Il y a finalement une procédure actuelle, on parlait de publier une décision dans un quotidien, on ne le voit pas dans le projet de loi. Il y a des douzaines de petites coquilles dans le projet de loi 412 qui vont rendre mon travail, en tant qu'environnementaliste québécois, plus difficile. Si c'est ça l'objectif du ministre, il a réussi. Merci.

M. Lazure: Au nom de l'Opposition, je veux remercier SVP et M. Green pour leur contribution.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est évident que vous avez d'autres occupations que de suivre les travaux de cette commission. Parmi les coquilles que vous avez mentionnées, le droit d'être entendu, etc., nous avons déjà indiqué les intentions gouvernementales de corriger les coquilles... D'autres groupes, et vous le faites aussi, à juste titre, ont attiré notre attention là-dessus. Nous avons déjà indiqué que nous étions pour apporter ces corrections dans ces coquilles pour ne pas que votre travail soit rendu plus difficile. M. Maltais.

La Présidente (Mme Pelchat): Ça va? M. Green: Merci.

M. Maltais: Est-ce qu'il me reste du temps?

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de Saguenay, vous avez deux minutes.

M. Maltais: Je reviendrai plus tard, madame. Mais je vais juste en profiter... C'est pour mon collègue, j'aimerais ça qu'il s'assoie une minute. Vous avez beaucoup parlé de clarté, de limpidité, de... M. Green en a parlé, tout le monde en parle; la vertu, il n'y a personne qui est contre ça. Tous ceux qui sont venus - ceux qui sont dans la salle qui vont venir tantôt - ont parlé de limpidité, clarté et c'est fortement soutenu par vous-même, mon cher collègue de La Prairie. Mais je trouve votre discours un peu nouveau et je vous reporterai aux débats de l'Assemblée nationale B-894, du 19 avril 1983.

M. Lazure: 1983?

M. Maltais: À une simple question de ma collègue de Chomedey qui demandait au ministre de l'Environnement sous votre gouvernement, M. Ouellette, de lui déposer les rapports concernant la ville de Mercier, le ministre du temps disait: Nous faisons effectivement le type de relevés dont parle la députée de Chomedey, excepté que nous ne les rendons pas nécessairement publics dans le but d'éviter d'ameuter la population. Je trouve que... Moi, j'aime bien ça, je suis patient, ça fait deux semaines qu'on entend tout ça, mais il ne faut jamais exagérer sur la limpidité et la clarté. Les premiers qui en prêchent sont souvent les plus impudiques. C'est un peu des Jeanne-D'Arc qui ont été conduites au bûcher. Merci, Mme la Présidente, mon temps est écoulé.

M. Lazure: Juste une demi-minute, il me restait du temps, pour réagir quand même. Ça, c'était en 1983, vous nous dites?

M. Maltais: 1984, 1983.

M. Lazure: On est rendus en 1992. Je pense que la société québécoise a beaucoup évolué et les partis politiques aussi. En tout cas, moi, je désavoue un ministre de l'Environnement, qu'il soit péquiste ou libéral, qui donne une telle réponse, comme vous auriez dû désavouer M. Goldbloom, président du BAPE, nommé par vous il y a quelques années, qui disait: II ne faut pas faire peur à la population. Il y a deux ans de ça, pas huit ans ni neuf ans. Merci.

M. Maltais: On l'a mis dehors.

La Présidente (Mme Pelchat): Cela étant dit, nous en sommes rendus...

M. Maltais: Mme Bacon l'a mis dehors.

La Présidente (Mme Pelchat): ...à la Chambre de commerce du Québec. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons suspendre quelques petites

minutes, le temps que ces messieurs dames - je souhaite qu'il y ait des dames avec vous, messieurs - prennent place à la table.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

(Reprise à 17 h 48)

La Présidente (Mme Pelchat): Nous accueillons la Chambre de commerce du Québec. Le porte-parole est M. Yvon Marcoux, si je comprends bien. Alors, vous pouvez procéder. Je vous signale qu'étant donné l'heure il y aura un maximum de 30 minutes allouées à la Chambre de commerce du Québec, malheureusement. Alors, je vous demanderais de bien vouloir commencer.

Chambre de commerce du Québec

M. Marcoux (Yvon): Alors, Mme la Présidente, d'abord je voudrais présenter avec moi, à ma gauche, M. Claude Descôteaux, qui est vice-président exécutif de la Chambre de commerce du Québec et qu'un certain nombre d'entre vous connaissez, je crois, et, à ma droite, M. Luc Ménard, qui est vice-président de la Chambre de commerce de Donnacona-Cap-Santé et également membre du conseil d'administration de la Chambre de commerce du Québec.

Je voudrais d'abord remercier la commission de l'aménagement et des équipements de l'Assemblée nationale de permettre a la Chambre de commerce du Québec de présenter son point de vue sur le projet de loi 412 dont le principal objet est de créer un Office de protection de l'environnement du Québec.

La Chambre de commerce du Québec se définit comme un réseau de gens d'affaires auquel adhèrent volontairement quelque 6500 sociétés membres ainsi que 220 chambres locales, lesquelles regroupent au-delà de 66 000 membres. De par l'importance de ce «membership», la Chambre est le principal représentant du milieu des affaires québécois et se classe au premier rang des organismes du genre au Canada.

La raison d'être de la Chambre est de favoriser le progrès des entreprises grâce à son rôle de catalyseur dans la promotion du développement économique et social. L'enracinement des chambres locales dans leur région respective, la solidarité qu'elles y favorisent entre gens d'affaires de tous les secteurs d'activité et les services qu'elles offrent constituent une des forces du réseau des chambres de commerce. Une priorité constante est toujours accordée, dans nos actions, aux facteurs qui conditionnent la croissance économique.

La Chambre est d'avis qu'il est essentiel de protéger l'environnement pour assurer le bien-être de la population et faire évoluer notre société vers une forme de développement qui puisse être soutenue à long terme. La Chambre s'est impliquée activement dans le dossier environnemental depuis des années. Ses membres, issus de tous les types d'entreprises, grandes comme petites, vivent quotidiennement le dilemme d'allier croissance économique et respect de l'environnement dans lequel ils vivent. La Chambre de commerce du Québec n'a pas négligé ce virage en adoptant à l'unanimité un code environnemental, lors de son dernier congrès, code dont vous avez une copie avec notre mémoire, en plus de nombreuses politiques d'action dans ce domaine.

Nous sommes présents à cette commission parce que nous sommes préoccupés, comme de nombreux autres groupes entendus précédemment, par la difficulté que semble éprouver le gouvernement à concilier, et ce n'est pas toujours facile, la gestion de la question environnementale aux défis que nous impose la croissance économique.

C'est pourtant sous cet angle que doit s'axer la recherche d'un véritable développement durable. Déjà vous avez eu copie du mémoire que nous avions transmis en février, un peu à la hâte, et je n'ai donc pas l'intention de le relire ici. Ce que nous avons l'intention de faire, ce n'est pas non plus de commenter des aspects technico-juridiques du projet de loi 412. Nous voulons plutôt nous attacher à énoncer certains principes de base et, également, à poser des questions que nous considérons comme préalables à la création d'un Office de protection de l'environnement.

Un des principes que nous considérons important est celui du lien qui doit exister entre l'élaboration et la conception des politiques et règlements et leur application ou leur applicabilité. La protection de l'environnement constitue un domaine de politiques publiques vastes et complexes. Les questions environnementales sont intimement reliées à des variables sociales et économiques. Le développement durable n'est possible que s'il est intégré dans la réalité économique. Sans croissance économique et sans emploi, est-il utile de dire que notre société n'aurait pas de grands moyens d'être très, très écologiste.

Dans ce contexte, il nous apparaît primordial que la conception et le développement des politiques, des lois et des règlements ne soient pas coupés de leur application. Le défi de l'environnement exige une concertation et l'expertise de tous les partenaires impliqués. De vouloir, au sein de l'appareil gouvernemental, en matière d'environnement, cloisonner, d'un côté, ceux qui pensent et, de l'autre, ceux qui appliquent nous semble contraire à cet objectif de rallier les divers intervenants dans une direction commune. L'application des lois et règlements en matière d'environnement ne peut, à notre avis, être assimilée à l'application du Code de la route ou du Code du bâtiment.

Il faut constamment évaluer l'incidence et

les impacts des nouvelles règles et éviter des effets dysfonctionnels imprévus. Il nous faut réconcilier les préoccupations écologiques et économiques, harmoniser environnement et économie. Il est nécessaire d'assurer la compétitivité de nos entreprises et dicter des normes qui seraient parmi les plus sévères au monde et déstabiliser un secteur industriel, ce ne serait pas nécessairement au bénéfice de l'ensemble des citoyens.

Il nous apparaît donc essentiel, pour continuer de faire avancer avec crédibilité la cause de la protection de l'environnement, de maintenir sous une même autorité responsable des liens étroits entre ceux qui conçoivent les politiques, ceux qui les appliquent et ceux à qui elles sont appliquées. La scission proposée du ministère de l'Environnement nous semble aller complètement à rencontre de cette direction. Au-delà de ce principe fondamental que nous venons d'exprimer, la Chambre de commerce du Québec se demande: Pourquoi veut-on créer à la hâte un nouvel organisme gouvernemental comme l'Office de protection de l'environnement du Québec proposé dans le projet de loi 412? Pourquoi venir accroître le nombre d'organismes qui existent déjà dans le domaine de l'environnement et avec lesquels les partenaires industriels, notamment, doivent constamment interagir?

Le portrait environnemental québécois a été considérablement modifié depuis la création du ministère de l'Environnement, je pense, en 1979. Des actions positives, bien que parfois isolées, ont été réalisées. Mais il reste beaucoup à faire, afin de faire progresser la société québécoise sur la voie du développement durable. Ce qui nous apparaît important, à ce moment-ci, c'est de déterminer les questions prioritaires auxquelles on doit s'adresser pour continuer d'améliorer la situation actuelle. C'est d'avoir une idée plus précise des intentions gouvernementales en matière d'environnement, de connaître l'étendue de ces interventions au cours des prochaines années, les choix qu'il privilégie, ainsi que les modes d'intervention qu'il entend retenir.

Sur un plan plus pratique, on devrait évaluer l'applicabilité des lois et règlements récemment adoptés. Et il y en a eu plusieurs. Nous devrions également mieux définir, croyons-nous, les délais de traitement d'obtention des certificats d'autorisation et de permis. Une plus grande rigueur diminuerait l'imprévisibilité et les incertitudes souvent néfastes au développement économique.

Est-ce que la création de l'Office de protection de l'environnement permettra d'atteindre ces objectifs? Non seulement en doutons nous, et beaucoup, mais nous sommes persuadés qu'une telle initiative risque d'aggraver la confusion, de limiter l'efficacité des mesures et, finalement, d'accroître les coûts. Voici pourquoi.

L'OPEQ assumerait des fonctions de gestion et de police alors que le ministère conserverait le rôle de recherche, de rédaction de lois, de la réglementation, ainsi que de promotion. Une telle séparation entre ceux qui conçoivent la réglementation - comme je le mentionais au début - et ceux qui l'appliquent nous semble inefficace et potentiellement dangereuse. Nous croyons que la définition des lois et leur application est difficilement dissociable. La difficulté du ministère, d'ailleurs, à déposer les règlements utiles à l'application des lois en est une illustration éloquente.

Nous croyons aussi que la distance que le ministre de l'Environnement mettra ainsi entre lui-même et la nouvelle institution sera de nature à générer d'inutiles tensions quant à la rationalité des lois et leur applicabilité réelle, notamment en cas de crise environnementale.

Pourquoi, demandons-nous, vouloir diluer ainsi les responsabilités ministérielles? Pourquoi diminuer l'imputabilité ministérielle? Il peut paraître séduisant, de prime abord, de confier la définition des lois et des règlements au ministère et leur application à un office composé de toutes sortes de monde. Dans la pratique, cependant, cet argumentaire ne résiste pas à l'analyse, l'article 18 du projet de loi définissant comme premier rôle de l'OPEQ celui de définir ses propres orientations, ce qui nous semble en contradiction avec le mandat du ministère de définir les lois et règlements. Au plan administratif, le dédoublement de l'action du ministère risque, selon nous, d'être important dans les régions. Le projet de loi est discret sur cette question. Comment, par exemple, dissociera-ton sur le terrain l'application des lois et règlements de la promotion de l'environnement que se conserve le ministère? Et si nous voulons renforcer le rôle des régions dans l'application des lois et règlements, il n'est pas nécessaire, selon nous, de créer un office. D'autres ministères nous donnent des exemples où le fonctionnement régional des régions est relativement bien pourvu sur le plan de l'administration. (18 heures)

Enfin, nous nous inquiétons très sérieusement de la menace qui pèse sur les entreprises quant à l'accroissement de leur fardeau fiscal au moyen de redevances. La tendance des gouvernements à mettre en place des organismes paraéta-tiques, entre guillemets, est généralement accompagnée d'une volonté d'autofinancement. L'émission de permis, d'attestations et autres actes administratifs ne deviendront-ils que le prétexte à de nouvelles taxes déguisées?

Permettez-moi, en terminant, de vous faire part de notre inquiétude face à la tentation de procéder régulièrement à la création de sociétés ou d'offices pour dire qu'on a agi et qu'on a réglé le problème. Sensible à ce mode de gouvernement, le gouvernement semble maintenant disposé à remettre une partie de ses responsabilités entre les mains d'un office qui serait

dirigé par un président, il va sans dire accompagné de vice-présidents, toujours nommés par le gouvernement, et par un conseil d'administration composé de représentants des milieux syndicaux, patronaux, municipaux et environnementalistes.

De tels organismes dits indépendants ne régleront jamais les problèmes que le Conseil des ministres ne parvient pas lui-même à régler. Une telle tentation tient, à notre avis, de la pensée magique ou de la fuite en avant, ce qui nous laisse des plus perplexes d'autant plus qu'elle est le plus souvent prétexte, comme je le disais, à la mise en place de taxes déguisées sous forme de tarification de services. L'approche paritaire ne peut qu'être vouée à l'échec si elle n'est pas précédée d'une définition claire d'orientation en matière environnementale et de la mise en place d'une réglementation complète.

La création d'un tel organisme ne doit pas être un prétexte pour le gouvernement de ne pas assurer lui-même ses responsabilités ou faire ses devoirs alors que tant reste à faire au chapitre de la réglementation et de l'instauration d'une bien plus grande cohérence au sein même de l'État.

La Chambre de commerce du Québec fait part régulièrement de sa vive inquiétude quant à la gestion des fonds publics et surtout à l'accroissement des dépenses publiques. Nous souhaitons, dans ce contexte, que le gouvernement nous communique les études coûts-bénéfices qui ont certainement été réalisées préalablement à ce projet de restructuration et qui nous permettraient d'évaluer le sérieux d'une telle réforme.

Le gouvernement parle avec raison, et nous partageons son opinion, de la situation difficile des finances publiques...

La Présidente (Mme Pelchat): En conclusion, M. Marcoux, s'il vous plaît.

M. Marcoux: ...et dit également avec raison qu'il faut contenir les dépenses publiques. Est-ce que le Conseil du trésor ou le Secrétariat permanent à l'aménagement, au développement régional et à l'environnement a réalisé ou encore a révisé des études de coûts-bénéfices qui ont été préparées par le ministère de l'Environnement? Nous ne ie savons pas mais ii nous semble que, pour des fins de transparence et, également, pour peut-être vaincre notre réticence, il serait très utile de les rendre publiques, ces études.

La Présidente (Mme Pelchat): Ça va, M. Marcoux. M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais tenter de procéder le plus rapidement possible, je m'en excuse. La Chambre...

La Présidente (Mme Pelchat): M. le ministre, je voudrais vous interrompre juste une petite minute pour vous signaler que vous avez sept minutes.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne peux pas avec la Chambre de commerce en sept minutes, c'est impossible.

M. Marcoux: Je suis évidemment désolé, Mme la Présidente - je ne voudrais pas interrompre le ministre - que nous ayons seulement une demi-heure.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être qu'on pourrait convenir avec l'Opposition. On s'est déjà entendu sur des textes, ça peut peut-être procéder plus rapidement.

M. Lazure: On peut augmenter à 10-10 au moins.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je vais faire le maximum dans le temps qui m'est imparti.

M. Lazure: 10-10.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La Chambre de commerce, c'est un organisme représentatif à travers tout le territoire du Québec. C'est un organisme qui est implanté dans toutes les régions. J'aurais souhaité avoir avec la Chambre de commerce, dans ces circonstances, un dialogue beaucoup plus approfondi.

Je vous félicite quand même pour avoir joint à votre mémoire le code environnemental de la Chambre de commerce du Québec et souligne que vous êtes sans doute un organisme qui a une grande vision de l'avenir, qui est avant-gardiste. Un des derniers éléments au bas de la page: «Collaborer avec le gouvernement ou tout organisme responsable dans la détermination...» Vous avez vu venir l'Office de protection de l'environnement dès que vous avez adopté votre charte.

M. Marcoux: Ce n'est pas sûr, M. le ministre, parce qu'il y en a déjà pas mal dans ce domaine-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Essentiellement, je suis obligé de le reprendre parce que, si on ne possède pas l'historique du ministère de l'Environnement que je vais tenter de résumer, on ne comprend pas le pourquoi de la création d'un Office de protection de l'environnement. Le ministère de l'Environnement a 10 ans à peine, le plus jeune ministère au gouvernement du Québec; les missions qui lui sont confiées, c'est quasiment quotidiennement que l'on en ajoute de ces missions. Entre 1970 et 1989, le ministère, on l'a bâti; on lui a bâti un organigramme crise après crise; il y avait une crise des déchets toxiques: une direction des déchets toxiques; une crise des

pneus: une direction des pneus, etc.

En 1989, on a tenté de mettre un peu d'ordre là-dedans, à l'horizontale; on a créé cinq sous-ministériats en tenant compte des sources de pollution, de l'action dans les régions puis de l'avenir. Trois sources de pollution principales au Québec: municipale, agricole, industrielle. L'action doit se produire dans les régions, sous-minis-tériat aux bureaux régionaux et on doit penser à l'avenir, sous-ministériat au développement durable. On a procédé par la suite à une régionalisation de nos effectifs. Présentement, vous avez en région, au Québec, un peu plus de deux fois plus de fonctionnaires qu'il y en avait il y a deux ans; ce n'est pas tout à fait assez, mais, dans nos bureaux régionaux et dans chacune de vos régions au Québec, on a créé nos postes.

Sur le plan réglementaire, en 1990, deux lois: la loi 65, principe pollueur-payeur; création d'une société d'État qui travaille en collaboration avec le secteur privé, RECYC-QUÉBEC. Un règlement: diminution . du contenu en soufre dans le mazout de façon à atteindre nos objectifs internationaux dans le domaine de diminution des pluies acides. 1991, trois lois: Société québécoise d'assainissement des eaux, de façon à pouvoir aller dans toutes les régions du Québec; on était allé dans les grandes villes jusqu'à ce moment-là; deuxième loi, matières dangereuses. On était pris avec une définition de déchets dangereux, dans la loi et dans la réglementation, qui empêchait les entreprises de recycler beaucoup de matériaux, mais on parle maintenant de matières dangereuses, ce qui permet aux entreprises d'avoir une plus grande latitude. Troisième législation, on avait des progrès de faits en assainissement des eaux, mais nous n'étions pas là et nous ne sommes pas encore là en assainissement industriel; la Loi sur les rejets industriels a été adoptée.

Sur le plan de la réglementation, on a procédé au plus pressé: carrières et sablières; ce sont des gens de chez vous qui nous ont demandé ça; règlement sur les neiges usées, avec le monde municipal; table Québec-municipalités, Union des municipalités, Union des municipalités régionales de comté; règlement sur les déchets solides de façon à permettre au gestionnaire de refuser les déchets qui venaient de sa MRC; règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage: question de sécurité. On a prépublié des règlements qui vont s'appliquer bientôt: pâtes et papiers, déchets biomédicaux et, il y a deux semaines, on a annoncé le règlement sur la réduction des rejets industriels, et nous en avons d'autres à annoncer.

Mais ce qu'on vous dit essentiellement, c'est que malgré tous ces gestes qui ont été posés, et là je ne parle pas des politiques de protection dés rives, de création des réserves écologiques, des évaluations environnementales, le niveau d'efficacité d'intervention du ministère de l'Environnement n'est pas satisfaisant; à preuve, il y a deux ans, 70 % de la population trouvait qu'on était inefficace, qui était insatisfaite, en tout cas, du ministère de l'Environnement. En décembre dernier, il restait 42 % d'insatisfaits, et c'est trop.

Présentement, la régionalisation ne donne pas les résultats escomptés, pour la raison suivante: le fonctionnaire en région, aussitôt que le dossier est un peu difficile, l'envoie à Québec; le fonctionnaire à Québec n'haït pas ça, le recevoir; ça fait partie de son pouvoir. Le fonctionnaire en région ne prend pas la décision qu'il a à prendre et, tant que vous ne créez pas un mur d'étanchéité entre la centrale et la région, le dossier joue au ping pong entre la centrale et la région et l'entrepreneur n'obtient pas son certificat d'autorisation.

J'aimerais vous le vendre davantage. Je vais juste souligner un élément d'évaluation environnementale que je ne peux pas laisser passer dans votre mémoire, lorsque vous parlez des dossiers Soligaz et Grande-Baleine. Le dossier Soligaz, tous les certificats d'autorisation ont été émis; on disait que c'était à cause de l'Environnement que ça ne démarrait pas. Moi, je vous soumets bien respectueusement qu'on ne peut pas prétendre ça sur la place publique au moment où on se parle et depuis un bon bout de temps. Le dossier Grande-Baleine, je ne sais pas si vous le savez, mais hier, dans l'État de New York, à Albany, la Chambre des représentants a adopté - je ne veux pas me tromper sur le vote, mais je pense que c'est à 215 contre 17, donc des républicains et des démocrates - unanimement un projet de loi visant à soumettre le projet Grande-Baleine à des évaluations environnementales qui satisfassent aux critères de l'État de New York, à moins que le processus québécois et canadien ne soit reconnu comme étant efficace.

Moi, je prétends qu'on a présentement un processus qui est efficace et internationalement vendable, mais faire Grande-Baleine sans ce processus qui est efficace, on se serait fait bloquer par les Américains de l'autre côté, strictement sur le plan des affaires, sans tenir compte qu'on n'aurait pas fait ce qu'on avait à faire, nous, ici, au Québec. On a, présentement, un processus, je pense, qui est l'abri de la critique, mais il faut l'exercer. Ça fait que je ne pouvais pas laisser passer cet élément-là. Je m'excuse si je vous ai appris ça, aujourd'hui, mais ça s'est passé hier, à New York. Le monde international nous surveille et si nous faisons nos travaux comme il faut, d'évaluation environnementale, et que c'est positif, oui, on va pouvoir faire Grande-Baleine. Si on ne fait pas notre travail d'évaluation environnementale comme il faut, dans n'importe quelle condition, Grande-Baleine ne lèvera jamais de terre. Ça, je pense que tout le monde au gouvernement du Québec l'a compris; tout le monde au gouvernement du Canada l'a compris. On a besoin de la

Chambre de commerce du Québec pour s'assurer que toute la population du Québec le comprend.

J'aurais un millier de questions, parce que votre mémoire soulève des questions qui sont justifiées, mais...

La Présidente (Mme Pelchat): M. Marcoux, si vous voulez réagir, je vous donne un peu plus de temps.

M. Marcoux: Vous me donnez quelques minutes, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Pelchat): Allez-y.

M. Marcoux: Vous êtes bien gentille, merci beaucoup. Écoutez, très rapidement, ce que nous disons, M. le ministre, ce n'est pas qu'il n'y a rien qui s'est fait; d'ailleurs, on le mentionne dans le mémoire. Vous faites bien de rappeler les actions qui ont été prises déjà, mais on ne dit pas qu'il ne s'est rien fait. Il reste encore beaucoup de choses à faire, comme vous le savez, mais notre conviction profonde - je pense que nous ne sommes pas les seuls à partager cette opinion - c'est que ce n'est pas en créant un office que vous allez régler, à notre avis, ce que vous appelez «les problèmes d'efficacité dans le système». Un office qui, fondamentalement, a absolument les mêmes caractéristiques de fonctionnement, sauf qu'il y a un conseil, mais c'est la Loi sur la fonction publique, c'est le budget du gouvernement, etc. Et ça, je pense qu'on n'est pas les seuls...

Deuxièmement, nous voyons toujours avec une certaine crainte, vous savez, la multiplication des organismes. Au moment où on parle de la taille de l'État, de vouloir diminuer la taille de l'État, bien, constamment, on arrive et on met en place de nouveaux organismes. Ce qu'on dit, nous...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Là-dessus, est-ce que vous me permettez? Sur la taille de l'État, je suis la Chambre de commerce, mais je dois vous prévenir qu'avec office ou sans office le ministère de l'Environnement du Québec, sous n'importe quel gouvernement, est condamné, à cause des défis qu'il a à relever, à croître. Peut-être qu'il peut croître à l'intérieur de l'appareil, qu'on peut prendre des fonctionnaires dans un autre ministère qui est devenu moins visible, moins exigeant, et les amener à l'Environnement, mais ça va croître pareil, à l'intérieur ou à l'extérieur.

M. Marcoux: Je pense, également, qu'il sera plus difficile de fonctionner dans un contexte où vous dissociez... Comme vous le disiez vous-même, tantôt, je pense - je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit - que vous mettez un mur entre le ministère et l'Office... Donc, de dissocier la conception, l'élaboration des politiques et des lois de ceux qui vont les appliquer dans un secteur où l'on doit vraiment harmoniser l'aspect environnement avec l'aspect économique, où ça prend un arbitrage et où, je pense, il y a intérêt que ceux qui conçoivent les politiques soient constamment en rapport avec ceux qui les appliquent. Ce n'est pas...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'article 19 du projet de loi.

M. Marcoux: Souvent, je pense que plus on multiplie les intervenants - là, on se place du côté des industries - plus on peut provoquer des dédoublements et, en quelque sorte, également, semer la confusion.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de La Prairie.

M. Marcoux: On ne vous dit pas ça négativement, on vous exprime notre point de vue et c'est pour ça qu'on pense que c'est un office qui ne devrait pas être créé et que, dans le fond, le projet de loi devrait être retiré à cet égard-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Peut-être un commentaire. Votre mémoire contient beaucoup d'éléments qu'on n'a pas eu le temps de discuter. Même si on n'a pas eu le temps d'en discuter formellement, je tiens à prévenir la Chambre qu'il est possible que mes gens entrent en contact avec vous parce que vous avez des éléments dans votre mémoire qui soulèvent des questions et vos membres sont des clients réguliers du ministère.

M. Marcoux: Ça nous fera certainement plaisir, M. le ministre.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de La Prairie, avec votre discipline habituelle.

M. Lazure: Merci, Mme la Présidente, à la fois pour le droit de parole et le compliment. Je veux remercier, au nom de l'Opposition, les dirigeants de la Chambre, M. Marcoux, M. Descôteaux et M. Ménard pour leur contribution importante. Effectivement, c'est un mémoire qu'on a reçu tôt. J'ai eu plaisir à le lire et une des raisons, c'est que ça correspondait presque exactement à la position que nous avions décidé de prendre au moment de la commission parlementaire. Vous allez même jusqu'à pratiquement utiliser un jargon psychiatrique, la fuite en avant, la pensée magique; c'est quasiment de la psychodynamique que vous faites.

La Présidente (Mme Pelchat): Ce n'était peut-être pas pour vous faire plaisir nécessairement, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Non, non, non! Mais il y a une

communion de pensées qui est remarquable. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Ça n'arrive pas tous les jours, il faut le souligner. Mais, Mme la Présidente, sérieusement, la Chambre de commerce du Québec, comme le Conseil du patronat, comme l'Association des manufacturiers du Québec, comme le Barreau, comme à peu près tous les groupes qui sont venus, prient instamment le ministre de réviser sa position, de retirer son projet, de le mettre sur la glace. Et les objectifs qu'il recherche, il peut les réaliser à l'intérieur de la structure actuelle, nous en sommes convaincus, convaincus comme vous l'êtes. Alors, je ne vais pas m'alourdir sur les arguments que vous présentez. Ils sont tout à fait pertinents.

Je vais faire un commentaire. À la page 6, qui est dans l'actualité, vous dites: «L'environnement est un domaine où les compétences sont partagées entre le fédérai et les provinces. Cette situation nous a conduits à des affrontements et de la confusion qui sont venus ralentir le processus d'étude et d'approbation de projets.» Je ne peux pas laisser passer ce paragraphe-là. Vous avez tout à fait raison. Et, pas plus tard qu'aujourd'hui, j'ai soulevé à l'Assemblée nationale, à la période de questions - peut-être que vous n'étiez pas là - ce projet fédéral, le projet de loi C-13, qui créerait une procédure d'évaluation pour les études d'impacts environnementaux. Et c'est un projet qui est caractérisé par un grand désir d'ingérence. Et là-dessus, des deux côtés de la Chambre, nous sommes tombés d'accord et il y aura des suites à cette situation-là, je l'espère. Mais vous avez tout à fait raison. Et ce dédoublement... Bon, vous passez tout de suite... La première question que vous soulevez à la page suivante: «La structure bicéphale proposée nous permettra-t-elle de nous doter de règlements clairs là où le gouvernement a failli à la tâche?» Et poser la question, c'est y répondre. À la page suivante vous dites: «L'OPEQ parviendra-t-elle à éviter la judiciarisation du processus d'évaluation...?» Là aussi, c'est une question qui appelle la réponse d'une façon bien claire. Et la troisième, et ça, la Chambre de commerce aurait failli à sa tâche si elle ne l'avait pas soulevée: «L'émission de permis, d'attestations et autres actes administratifs ne deviendront-ils que le prétexte à de nouvelles taxes déguisées?» Et je pense que vous avez raison. Comme d'autres, vous l'avez fait ressortir. Et principalement le divorce entre ceux et celles qui vont rester à l'Environnement et ceux et celles qui vont aller à l'Office. Je ne comprends toujours pas selon quelle logique le ministre s'est fait vendre cette théorie qu'il va y avoir une meilleure coordination. Il va y avoir encore moins de coordination entre les penseurs, ceux et celles qui vont préparer les projets de loi, les projets de règlements, la planification, l'éducation et ceux et celles qui vont devoir surveiller l'application.

Finalement, Mme la Présidente, à la fin, à la page 10, vous posez de façon claire une question que j'ai posée au ministre à plusieurs reprises depuis que nos travaux sont commencés. Je n'ai malheureusement pas eu de réponse encore. Peut-être en aurez-vous une, et je lui prêterais une minute de mon temps pour qu'il la donne si elle est positive. Vous dites: «Nous souhaitons que le gouvernement nous communique les études coûts-bénéfices réalisées préalablement à ce projet de restructuration.» On l'a demandé. L'Opposition l'a demandé depuis deux semaines. On ne l'a pas. Ou bien il n'y en n'a pas ou bien il y en a une et ce n'est pas probant. Je ne vois pas d'autres... Il n'y a pas 1000 réponses à la question, Mme la Présidente. Alors, si le ministre a une réponse positive, je lui cède la parole. Probablement qu'il n'en n'a pas. Donc, il n'aura pas la parole, sur mon temps, en tout cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lazure: Alors, je veux remercier, au nom de l'Opposition, la Chambre de commerce pour son excellent mémoire et lui dire que nous allons combattre vigoureusement ce projet de loi là parce que nous sommes convaincus que c'est une erreur pour l'avenir, et pour la cause de l'environnement c'est une erreur. Merci.

La Présidente (Mme Pelchat): M. Marcoux, vos commentaires sur la communion de pensées, s'il vous plaît.

M. Marcoux: Pardon? Excusez-moi.

La Présidente (Mme Pelchat): Sur la communion de pensées avec le député de La Prairie, j'aimerais bien vous entendre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: Vous savez, je n'ai aucune... Je n'ai même pas de parents qui sont dans ce secteur-là. C'est-à-dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marcoux: ...dans cette grande spécialité.

La Présidente (Mme Pelchat): Est-ce que vous avez autre chose à ajouter, M. Marcoux?

M. Marcoux: Non. Comme le temps est écoulé, nous voudrions quand même remercier encore une fois la commission, le ministre et le porte-parole de l'Opposition, dire également que nous avons fait cette analyse avec un esprit très positif parce que, vraiment, nous croyons à ce que nous énonçons dans le mémoire, aux principes qui y sont énoncés et, également, ça a été adopté par l'ensemble des chambres de commerce

du Québec. Alors, merci.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci beaucoup, M. Marcoux et vos deux collègues aussi. Je signale aux membres de la commission que la séance n'est pas levée. S'il vous plaît restez à vos sièges, on suspend quelque 30 secondes.

(Suspension de la séance à 18 h 20)

(Reprise à 18 h 21)

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Mme la Présidente, je demanderais le consentement des membres de la commission pour entendre le libellé d'une petite motion qui est en conformité avec les prises de position respectives du ministre de l'Environnement, aujourd'hui, et de votre serviteur.

La Présidente (Mme Pelchat): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Étant donné qu'il s'agit d'une motion d'importance dans le dossier constitutionnel, au cas où il y ait eu des absents à la période de questions, ou qu'on n'ait pas saisi tout le sens des propos, vous me permettrez, dans un premier temps, de résumer la situation.

La Présidente (Mme Pelchat): Juste un instant, M. le ministre. Je m'excuse de vous interrompre.

Une voix: Consentement.

La Présidente (Mme Pelchat): II y a donc consentement pour que la commission déroge un petit peu à l'heure? Ça va?

M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Traditionnellement, les pouvoirs constitutionnels en matière d'environnement sont des pouvoirs dits «accessoires». C'est-à-dire qu'en 1867, quand la Constitution canadienne a été signée, il n'y avait pas de préoccupation environnementale. On n'avait pas encore pollué suffisamment le pays pour en faire un des éléments contenus dans la séparation des pouvoirs. Tant et si bien qu'au cours des dernières années la jurisprudence a fait en sorte que, lorsqu'il s'agissait d'un domaine de juridiction provinciale, les évaluations environnementales étaient faites par le gouvernement provincial et, lorsqu'il s'agissait d'un domaine d'intervention fédérale, les évaluations environnementales étaient faites par le gouvernement fédéral et ce, en vertu de directives ministérielles au fédéral et en vertu d'une loi au provin- cial.

Lorsque les projets étaient mixtes, c'est-à-dire de juridiction à la fois fédérale et provinciale, on signait une entente avec le gouvernement fédéral. Les cas les plus récents sont Soligaz, Grande-Baleine, etc. On signait des ententes de gré à gré. Le système fonctionnait relativement bien. Même la commission Beaudoin-Dobbie a recommandé de poursuivre ce système de respect des juridictions, tant fédérales que provinciales.

Le gouvernement fédéral a redéposé, au mois de décembre, un projet de loi qui était depuis deux ans au feuilleton et qui va faire en sorte que le gouvernement fédéral va pouvoir s'ingérer dans des juridictions strictement québécoises et ce, par quatre moyens très précis.

Premièrement, en utilisant son pouvoir de dépenser. À titre d'exemple, à partir du moment où le gouvernement fédéral va mettre un sou ou une piastre dans un projet, ça va donner ouverture à sa juridiction d'évaluation environnementale. Donc, ça va permettre au fédéral de diriger, indirectement, tout le développement économique du Québec.

Deuxième élément, le dossier Grande-Baleine ou tout le territoire conventionné de la Baie James. La Convention de la Baie James a été signée en 1975. Elle a été ratifiée par une loi de l'Assemblée nationale, et elle a été ratifiée par une loi du Parlement du Canada. La position du gouvernement du Québec est la suivante: Appliquez votre loi fédérale, nous allons appliquer notre loi provinciale; ça découle de la Convention de la Baie James, comme tel, pas de problèmes. En surplus de la loi fédérale qui a ratifié la Convention de la Baie James, on veut maintenant avoir une loi qui va imposer un processus d'évaluation environnemental additionnel à ce qui est prévu à la Convention de la Baie James et ce qui est sanctionné par une loi fédérale et une loi provinciale.

Troisième élément, les territoires revendiqués par les autochtones. Le fédéral veut étendre sa juridiction en matière d'évaluation environnementale à l'ensemble des territoires revendiqués suivant la définition qu'en donne la Loi sur les Indiens, qui est une loi fédérale. Présentement, ce n'est pas plus inquiétant qu'il le faut parce que la loi fédérale semble limitée aux territoires des réserves connues, etc. Mais rien ne garantit que dans un mois ou dans un an le fédéral ne modifiera pas sa Loi sur les Indiens suite à des ententes constitutionnelles et qu'à ce moment-là, par le biais de cette Loi sur les Indiens, n'étendra pas sa juridiction à l'ensemble du territoire - vous l'avez vu à la télévision à un moment donné, la carte a été montrée - à ce territoire.

Quatrième élément. Dans des dossiers d'évaluation environnementale qui ont des incidences outre-frontières - un exemple, Québec-Ontario, la frontière - la coutume veut que

l'on signe une entente d'évaluation environnementale avec le gouvernement de l'Ontario et vice versa. Ça nous protège comme ça protège l'Ontario. La position du Québec, c'est de dire que, lorsqu'il y a des ententes comme ça entre deux provinces et que c'est dans des domaines de juridiction provinciale, le fédéral n'a pas d'affaire à intervenir. Mais, en vertu de ce projet de loi, le fédéral veut quand même se conserver la possibilité d'intervenir dans ce type de dossier. Il s'agit non pas d'une attaque à la verticale sur des pouvoirs définis de la province de Québec. On a déjà connu, dans le passé, dans des domaines particuliers, certaines agressions. Il s'agit d'une attaque à l'horizontale en se servant de l'environnement comme cheval de Troie. Et, ça, ça devient inacceptable.

Moi, j'ai tenté, à l'interne, toutes les démarches possibles avec le gouvernement fédéral pour le convaincre que ça n'avait pas de bon sens. Plusieurs provinces - pas avec autant de véhémence que le Québec - manifestent les mêmes craintes. Le gouvernement de l'Alberta, entre autres, s'y oppose. Je m'explique mal, dans le contexte actuel, la situation et, si cette commission est d'accord, je proposerais, suite à une discussion avec l'Opposition officielle, que cette commission adopte la motion suivante:

Motion proposant que la commission

désapprouve le projet de loi C-13 et que

l'Assemblée transmette au gouvernement

fédéral son opposition «Attendu que le projet de loi C-13 - le projet de loi fédéral - Loi sur la mise en oeuvre du processus fédéral d'évaluation environnementale, constitue un empiétement inacceptable dans le champ de compétence du Québec; «Attendu que le projet de loi C-13, Loi sur la mise en oeuvre du processus fédéral d'évaluation environnementale, conduira à un système d'évaluation environnementale impraticable; «Attendu que le projet de loi C-13, Loi sur la mise en oeuvre du processus fédéral d'évaluation environnementale, conduira à des chevauchements administratifs coûteux et à des contestations judiciaires; ...seuls ceux qui constestent vont bénéficier, et «Attendu que le gouvernement fédéral veut procéder de façon unilatérale, sans tenir compte des objections du Québec et adopter le projet de loi C-13; "II est résolu que la commission de l'aménagement et des équipements désapprouve vivement le projet de loi C-13 et prie l'Assemblée nationale du Québec de transmettre au gouvernement fédéral son opposition audit projet de loi.»

Et c'est la recommandation que je fais à cette commission.

La Présidente (Mme Pelchat): Merci, M. le ministre. M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui, Mme la Présidente. Je suis très heureux puis ma formation politique est très heureuse aussi de voir la position du ministre de l'Environnement sur ce projet de loi fédéral qui est, comme le ministre l'a dit et comme j'ai eu l'occasion de le dire à la période de questions aujourd'hui, un autre exemple d'ingérence, d'intrusion tout à fait inacceptable.

Il y a beaucoup de contradictions dans le comportement du gouvernement fédéral. À une époque où, dans les paroles, on prétend vouloir remettre plus de pouvoirs au Québec, en même temps, dans les actions, on fait le contraire, que ce soit dans l'environnement, puis on a eu d'autres exemples en développement régional, il y a quelques mois et en éducation, il y a quelques mois aussi. Et, sans insister sur cet aspect vraiment contradictoire, je voudrais simplement dire qu'évidemment nous souscrivons à cette motion.

Et je crois qu'il est encore temps que le gouvernement fédéral soit rappelé à la raison. Si l'Assemblée nationale posait le geste, demain, de faire un front commun sur une question aussi importante et au-delà des considérations partisanes sur cette défense de nos juridictions, je crois que si le gouvernement du Québec endosse et appuie cette démarche de l'Assemblée nationale qui viendrait, suite à la démarche de cette commission, il y a des bonnes chances que le gouvernement fédéral comprenne la raison et mette sur la glace son projet de loi. Il est d'ailleurs sur la glace depuis deux ans. Alors, je ne vois pas pourquoi, on ne voit pas l'urgence de ce projet de loi.

Mme la Présidente, non seulement je souscris à la motion que présente le ministre de l'Environnement, mais j'aimerais être associé à la motion comme coauteur de la motion avec le ministre et il va sans dire que nous allons voter pour. Merci.

La Présidente (Mme Pelchat): Voilà. Est-ce que d'autres membres aimeraient intervenir?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Des questions à poser peut-être.

M. Charbonneau: M. le ministre, vous avez souligné qu'il y avait quelques provinces...

La Présidente (Mme Pelchat): M. le député de Saint-Jean.

M. Charbonneau: ...dont l'Alberta. Est-ce que l'Ontario a fait part de ses commentaires?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La situation est très active. Les ministres de l'Environnement de l'ensemble des autres juridictions canadiennes, y inclus les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon, sont présentement en réunion à Vancouver. Moi, j'ai fait parvenir copie du télégram-

me que j'ai adressé au ministre fédéral de l'Environnement, traduit en anglais, à l'ensemble de mes collègues des autres juridictions. Je sais que depuis le début M. Klein, de l'Alberta, s'oppose avec plus de véhémence que les autres. Je ne sais pas quelle va être la réaction des autres collègues, dans le contexte. On sait que traditionnellement c'est le Québec qui est le plus jaloux de ses juridictions et qui craint davantage les intrusions. Mais l'Alberta vient de vivre des dossiers environnementaux - Old Man River, pour ne citer que celui-ci - et leur expérience récente leur enseigne que préserver ses juridictions ça devient important lorsqu'on veut maîtriser son développement économique et environnemental.

M. Lazure: Juste...

La Présidente (Mme Pelchat): Ça va?

M. Lazure: Non, juste une seconde. Je vais rappeler qu'il y a un débat de fin de séance tantôt justement où on doit parler de ça et les gens nous attendent en haut.

La Présidente (Mme Pelchat): Alors, M. le député de Deux-Montagnes.

M. Bergeron: Comment expliquer une telle intrusion? On disait tout à l'heure que ça faisait deux ans que c'était sur la glace. Comment aujourd'hui expliquer une telle intrusion quand, dans le moment, on marche sur de la dynamite avec la question constitutionnelle et les prérogatives du Québec?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai tenté de trouver une explication. Ça vaut ce que ça vaut sur le plan de la spéculation politique et je n'ai pas l'intention de la présenter autrement que comme suit. Les premières offres fédérales nous présentaient une forme d'économie contrôlée par le gouvernement fédéral. À peu près toutes les juridictions au Canada se sont opposées à cette centralisation des pouvoirs économiques dans les mains d'Ottawa. Le rapport Beaudoin-Dobbie a semblé donner du lest à cette centralisation des pouvoirs économiques, et peut-être que la façon de la reprendre pour l'appareil gouvernemental fédéral, c'est par le biais de l'environnement qui va avoir juridiction sur l'ensemble des projets de développement économique. Je n'ai pas d'indication. Personne ne m'a confié cette stratégie, mais je tente, à partir des documents qui sont publics, de créer une chaîne d'action.

M. Lazure: Est-ce que c'est nécessaire de prendre un vote nominal?

La Présidente (Mme Pelchat): Non, je pense que la motion qui est présentée à la fois par le ministre de l'Environnement et le critique de l'Opposition officielle est adoptée à l'unanimité.

M. Lazure: C'est ça. Mais les noms vont apparaître quand même?

La Présidente (Mme Pelchat): Absolument.

M. Lazure: Les noms des gens présents au moment du vote.

La Présidente (Mme Pelchat): Vous voulez avoir un vote nominal?

M. Lazure: Oui, très rapidement, oui.

La Présidente (Mme Pelchat): Vote nominal.

M. Lazure: Oui, allons-y.

Le Secrétaire: M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Pour.

Le Secrétaire: M. Charbonneau?

M. Charbonneau: Pour.

Le Secrétaire: M. Bergeron?

M. Bergeron: Pour.

Le Secrétaire: M. Camden?

M. Camden: Pour.

Le Secrétaire: M. Tremblay?

M. Tremblay (Rimouski): Pour.

Le Secrétaire: Mme Pelchat?

La Présidente (Mme Pelchat): Pour.

Le Secrétaire: M. Lazure?

M. Lazure: Pour.

Le Secrétaire: M. Dufour?

M. Dufour: Pour.

La Présidente (Mme Pelchat): Adopté, à l'unanimité. Nous reprenons nos travaux à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 34)

(Reprise à 20 h 15)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance ouverte. Le mandat de la commission est de poursuivre les auditions publiques dans le

cadre de la consultation générale sur l'étude du projet de loi 412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.

Nous avons des intervenants à la table: le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Alors, M. le président, si vous voulez bien présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Suivra une période de questionnement de la part des ministériels et de l'Opposition pendant 20 minutes chacun.

SPGQ

M. Giroux (Daniel): Bien. Merci, Mme la Présidente. En commençant par ma droite, Mme Nicole Bénard, qui est une professionnelle à l'Environnement, de la région de Laval; M. Jacques Geoffroy, qui est vice-président du Syndicat, M. Michel Mailloux, qui est également un professionnel au ministère de l'Environnement, qui travaille au siège social à Québec, et Daniel Giroux, président.

Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les députés, nous voulons vous souligner ce soir que l'approche qu'a retenue le gouvernement pour améliorer la qualité de notre environnement, celle de créer une toute nouvelle structure, l'Office de protection de l'environnement du Québec, nous surprend et nous apparaît mal adaptée à la conjoncture actuelle.

Cette conjoncture se caractérise par deux dominantes. La première, il y a encore beaucoup à faire pour modifier des comportements individuels, des comportements d'entreprises, de corporations afin de réduire la pollution et aussi beaucoup à faire pour corriger les dommages qui se sont accumulés dans l'environnement au fil des ans. L'État ne peut tout faire seul, certes, mais il est au coeur de la démarche. Deuxième dominante. Les ressources disponibles pour faire ces différentes tâches sont très rares. Les 50 000 000 $ d'argent neuf promis par le Parti libéral lors de la dernière campagne, un des seuls engagements d'ailleurs concrets du Parti libéral à ce moment-là, il ne s'est pas réalisé.

D'autre part, les employés de l'État ont connu un gel de leur rémunération négociée pour une période de six mois en raison d'une rareté de ressources et on veut appliquer également à la fonction publique, pour les cinq prochaines années, une réduction d'effectifs de 2 % par année, 10 % au total, toujours parce qu'il y aurait manque de ressources, difficulté de trouver tout l'argent disponible pour payer tout cela. Et, encore, je ne parle pas de la proposition gouvernementale de rouvrir cette entente des conventions collectives du secteur public toujours par manque, nous dit-on, de ressources. Or, leçon à tirer, il faut être économes de nos ressources et, en environnement, que le maximum des ressources disponibles aillent à des fonctions environnementales, non à des emplois ou des activités supports à l'existence de nouvelles structures.

La création de l'Office de protection de l'environnement du Québec, sans ajout de ressources - et nous venons de voir qu'elles sont très rares - en détournera vers des fonctions de soutien à la gestion, soit en ressources humaines, en ressources financières et matérielles, en affaires juridiques, en communication, centre de documentation, matériel informatique et tout le reste. En somme, de nombreux dédoublements administratifs, des postes de gestion supplémentaires qui réduiront les ressources produisant une amélioration environnementale.

Deuxième effet néfaste de la création d'un Office, s'il devait se réaliser, nous croyons que cela entraînerait une baisse de la qualité de l'intervention environnementale. L'environnement, quand on regarde ses diverses facettes, c'est l'air, l'eau, le sol, ce qui y pousse, ce qui y vit, du plus petit organisme vivant jusqu'à l'homme menacé par des centaines de produits, plusieurs nouveaux apparaissant chaque année.

La technologie, tant bien que mal, essaie de rattraper les années perdues, mais évolue à une vitesse vertigineuse. Les Québécoises et les Québécois veulent que leur ministère de l'Environnement soit un leader, veulent qu'on y retrouve des expertises fouillées scientifiquement et collant aussi à la réalité des diverses situations du quotidien.

Or, à cet égard, le projet gouvernemental nous apparaît présenter deux écueils importants. Il créerait, avec l'apparition de l'Office, une frontière, une brisure importante entre l'expertise terrain des personnes chargées de l'application des législations et celles, d'autre part, chargées d'élaborer des règles ou de les clarifier. Déjà, ce n'est pas facile, vous dirai-je, mais, avec la création d'un office en plus du ministère, ce sera encore plus compliqué.

À cet égard, je vous citerai un document interne qui porte sur la régionalisation des activités du ministère et qui avait pour titre: «Une grande organisation au service de la population: la régionalisation». La citation commence ici où l'on parle du partage des responsabilités entre les régions et le central: «Ce modèle de partage de responsabilités, s'il est clair, n'implique donc pas que les directions sectorielles et régionales travaillent dorénavant en vase clos et dans l'ignorance les unes des autres. Au contraire, il suppose, dans le respect des responsabilités de chacun, des relations entre le centre et les régions. En effet, le central ne pourrait définir valablement les programmes si les régions n'y insèrent pas leurs préoccupations et contraintes, notamment au niveau de l'applicabilité. Et inversement les directions régionales ne peuvent régler tous les problèmes sans faire appel à l'expertise, à la formation et à la compétence technique disponibles dans les

directions sectorielles.»

L'Office, s'il est créé, appliquera les législations et sera présent surtout en région, mais sera coupé du ministère alors qu'il devrait y avoir de grandes communications entre l'application et les personnes qui ont à réfléchir sur les programmes.

Deuxième écueil, l'expertise se diluerait, s'éparpillerait. À effectifs constants, au total, au ministère et à l'Office, on ne pourrait que partager le personnel scientifique, ce qui, si on le partage, donne moins d'expertise au ministère et moins d'expertise à l'Office. Or, au contraire, une expertise scientifique, pour se maintenir et avancer, demande une certaine masse critique, d'ailleurs, qui n'est toujours pas assurée dans tous les domaines actuellement, mais qui ne pourrait que décroître si on la sépare, si on la divise. Car une expertise scientifique, ce n'est pas qu'appliquer des connaissances acquises il y a quelque temps aux problèmes nouveaux qui sont rencontrés, mais c'est aussi pouvoir la maintenir, pouvoir la développer, surtout dans un secteur qui évolue aussi rapidement.

Pourtant, nous partageons certaines préoccupations qui animent le projet gouvernemental, à savoir de mieux identifier dans l'appareil gouvernemental les responsabilités et la reddition de comptes en matière d'application des lois et règlements ayant trait à l'environnement. Nous vous proposons de créer une fonction que, pour les fins de compréhension, nous pourrions appeler l'inspecteur général de l'environnement, même si le titre n'est pas le plus élégant, qui serait chargé de l'application des lois et règlements environnementaux, d'émettre les certificats, de faire les inspections et enquêtes, de répondre aux plaintes, enfin, de reprendre à son compte les mandats qu'on voulait confier à l'Office, un inspecteur général de l'environnement, tout comme il existe un Inspecteur général des institutions financières responsable de l'application des lois pertinentes aux institutions financières.

Pour rendre la personne qui occuperait cette charge totalement Imputable et l'élever au-dessus de la mêlée politique partisane qui est parfois présente en environnement, nous proposons que la personne soit nommée par l'Assemblée nationale, qu'un processus de révision ou d'appel de ses décisions soit prévu, que cette personne coiffe ce qu'on pourrait appeler une partie du ministère, un sous-ministériat de l'Environnement regroupant l'ensemble des fonctions et des personnels qui seraient nommés pour l'aider dans sa charge et qui demeureraient toujours des employés du ministère de l'Environnement, mais en demeurant dans la même organisation, toujours le ministère de l'Environnement. On n'aurait pas à dédoubler des fonctions supports qui occasionnent des coûts et grèvent les ressources, puisque celles-ci demeureraient partagées pour toute la mission de l'environne- ment. On maintiendrait également organiquement des passerelles faciles entre les fonctions d'application et de préparation des lois, des règlements, des politiques ainsi que des passerelles d'expertise à utiliser également lorsqu'on a des problèmes d'application ou alors, à l'inverse, lorsqu'on pense des règlements, d'avoir l'expertise des gens qui ont à l'appliquer.

Alors, voilà l'essentiel de notre présentation. Nous touchons également dans notre mémoire différents autres éléments tout aussi importants, mais on voulait, ce soir, vous centrer sur le corps central, et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Merci, M. le Président. Je tiens à remercier le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec et ses porte-parole, et pour la qualité du mémoire soumis, et pour la présentation qu'ils nous en ont faite. Vous avez débuté en nous parlant d'une toute nouvelle structure, d'une problématique de comportement, d'une possibilité de création de dommages. Vous avez insisté un petit peu politiquement sur les 50 000 000 $ et vous avez raison de le faire parce que ça a été politiquement engagé à l'occasion de la dernière campagne électorale.

Moi, je suis attentivement l'ensemble de l'évolution des budgets des différents ministères et du ministère de l'Environnement. J'aurais souhaité disposer, comme ministre de l'Environnement, compte tenu de l'étendue des défis ou des mandats qui nous sont confiés, des 50 000 000 $ dès la première année d'opération. Cette année-là, le gouvernement a choisi de nous ajouter, sur le plan du budget de fonctionnement, 15 000 000 $, mais en même temps d'annoncer la création d'un programme en matière de recherche et de développement - et, là-dessus, vous avez été silencieux - de 50 000 000 $ au cours des cinq prochaines années. Ce n'est pas souvent que cet élément est abordé par les intervenants à l'intérieur du gouvernement, mais je pense que le Québec tirait de la patte en matière de recherche et développement environnemental et que ce programme est très positif.

La deuxième année, c'est 10 000 000 $ en termes de fonctionnement qui ont été ajoutés, et je vous indiquerai, pour votre information, à l'usage interne ou externe, que, chaque fois qu'il y a eu des coupures gouvernementales, des crédits périmés, dans le jargon que l'on connaît très bien, le ministère de l'Environnement s'est trouvé exclu, ce qui ne va pas sans susciter des pressions au niveau des appareils centraux.

Donc, pas 50 000 000 $ en termes de fonctionnement, 25 000 000 $ après deux ans. Il y a un budget qui va être déposé prochainement. On connaît le contexte, mais on ne perd pas la fol ou la...

M. Lazure:...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Réalisme, M. le député de La Prairie. Mon psychiatre fouille constamment mon subconscient dans ce domaine-là et je suis obligé d'avoir recours à ses services parfois pour fouiller celui du président du Conseil du trésor. On réussit quand même à se diriger vers des augmentations d'effectifs et de ressources - et je le souligne - qui ne sont pas encore suffisantes. De toute façon...

Le Président (M. Garon): Le problème, c'est de trouver quelque chose.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a trouvé 15 000 000 $, on a trouvé 10 000 000 $, on a trouvé 50 000 000 $ en recherche et développement et on cherche encore pour en trouver suffisamment.

La création de l'Office de protection de l'environnement, ce n'est pas une idée qui est venue dans un vacuum administratif, organisa-tionnel ou politique. Vous le savez tout aussi bien que le ministre que le ministère de l'Environnement est le plus jeune des ministères du gouvernement du Québec, qu'il a été créé dans Un contexte budgétaire difficile. À l'époque, on n'embauchait pas beaucoup non plus de l'extérieur. On a demandé à différents ministères de livrer au ministère de l'Environnement des nombres de fonctionnaires. Le ministère s'est bâti au fur et à mesure des crises environnementales également. S'il y avait une crise de déchets dangereux, on créait une direction générale des déchets dangereux, etc. (20 h 30)

C'est un ministère qui a été créé un petit peu de cette façon-là, tant et si bien qu'en 1989 - et j'insiste là-dessus parce que vous nous recommandez une réforme à l'interne - on s'est essayé à l'interne. On a évalué différentes approches: eau, air, sol, approche intégrée; on a évalué l'approche clientèle, on en a évalué d'autres. On a retenu l'approche clientèle. On a créé cinq sous-ministériats et ça va rejoindre une des idées qui est contenue dans votre mémoire. On a identifié les trois principales sources de pollution: municipale, industrielle, agricole. On a pensé que, pour appliquer la réglementation, il fallait se rapprocher des citoyens. On a créé le sous-ministériat aux opérations régionales comme telles et les effectifs ont plus que doublé dans ce sous-ministériat au cours des deux dernières années, il faut, également, penser à l'avenir. On a créé le sous-ministériat au développement durable.

On a accentué, au cours de l'année passée, la régionalisation du ministère. On a fait toute cette restructuration-là et je pense que c'a donné certains résultats. En tout cas, le taux d'insatisfaction de la population envers le ministère de l'Environnement, qui était de 70 % il y a deux ans, est maintenant passé à 48 %. C'est encore trop, mais il y a des progrès qui ont été faits dans la bonne direction. Comme nous ne sommes pas satisfaits de la performance du ministère, notre objectif est d'augmenter le service à la clientèle, d'augmenter la performance. Pour des raisons de qualité de services, pour des raisons environnementales, pour des raisons de satisfaction du personnel aussi du ministère de l'Environnement, parce que quand vous êtes à 70 % d'insatisfaction, ce n'est pas plus le "fun" comme professionnels de se retrouver dans les «partys» de Noël avec la famille que d'être ministre et d'expliquer ça. Tout le monde a avantage à améliorer la performance et l'efficacité.

On s'est rendu compte que, structurés comme nous sommes, on réussit à pallier aux urgences d'avant-hier, d'avant-avant-hier et d'hier. Parfois, on réussit à pallier à l'urgence du matin, mais jamais on n'a réussi, sur le plan des politiques, de la réglementation et de la législation, à maîtriser l'avenir. Tant qu'on ne le fera pas, parce qu'on est pris dans les opérations quotidiennes, j'ai l'impression que, comme ministère de l'Environnement, on va peut-être plafonner à autour de 50 % de taux de satisfaction et d'insatisfaction, et ce n'est pas suffisant sur tous les plans.

Au cours des deux dernières années, pour parler urgences, en 1990, on a adopté deux projets de loi, la loi 65, pollueur-payeur, avec la collaboration de l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale. On a créé la société d'État RECYC dans le but d'activer la récupération, le recyclage, la mise en marché des produits recyclés. On a adopté un seul règlement. On a réussi, par l'adoption d'un règlement, à contrôler ou à réglementer le contenu en soufre dans le mazout lourd. Dures négociations avec les professionnels d'Énergie et Ressources de façon à atteindre nos objectifs quant à la diminution des pluies acides. On les a non seulement atteints, c'est le seul dossier où on les a dépassés, grâce, entre autres, à l'implication de l'Association québécoise de lutte contre les pluies acides.

En 1991, on a accéléré le rythme réglementaire, mais encore pour répondre aux problèmes d'avant-hier et d'hier. Sur le plan de la législation, la Société québécoise d'assainissement des eaux a vu son mandat prolongé, extensionné et nous sommes aujourd'hui capables d'intervenir dans les plus petites municipalités. Nous avons également adopté un projet de loi pour donner suite à la commission Charbonneau sur les matières dangereuses. On avait une définition de «déchet dangereux» avant qui nous empêchait de procéder à la récupération et au recyclage des matières dangereuses comme telles. On a extensionné, par le fait même, la juridiction du ministère de l'Environnement.

Troisième législation en 1991, la Loi sur la réduction des rejets industriels, parce qu'on avait

des progrès de faits comme société québécoise en assainissement des eaux, en pollution municipale, mais on n'avait à peu près rien de fait dans la réduction de la pollution industrielle puis surtout rien de fait - ils vont venir plus tard - en réduction de pollution agricole. Il fallait débuter quelque part.

Sur le plan de la réglementation, encore là, on a répondu aux urgences: le règlement sur les carrières et sablières, règlement sur les neiges usées, après une consultation avec les unions municipales, règlement sur les déchets solides, de façon à permettre aux gestionnaires d'un site d'enfouissement sanitaire de refuser des déchets qui provenaient de l'extérieur de sa MRC - avant ça, ils avaient l'obligation de les accepter s'ils provenaient de la province de Québec -règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage, suite aux incendies, aux événements de Saint-Amable, entre autres. Nous avons prépublié d'autres règlements sur les pâtes et papiers, sur les déchets biomédiaux, règlement qui va être en vigueur le 1er avril prochain et, il y a deux semaines, nous avons prépublié le règlement sur les attestations d'assainissement en milieu industriel de façon à appliquer notre législation dans le milieu industriel. Il y a d'autres règlements qui s'en viennent, mais encore une fois, c'est pour pallier à l'urgence.

En ce qui concerne la protection de nos cours d'eau, la politique du ministère de l'Environnement ne protégeait que les cours d'eau qui étaient des affluents directs du fleuve Saint-Laurent et le fleuve Saint-Laurent. Nous avons étendu cette protection à l'ensemble des cours d'eau du Québec. En ce qui concerne les réserves écologiques, les territoires que l'on tente de préserver pour que nos enfants puissent juger comment on a endommagé les autres territoires, à l'état le plus naturel possible, il y a une loi sur les réserves écologiques qui a été adoptée en 1974. Quand je suis arrivé en 1989, il y avait 21 réserves écologiques qui avaient été créées à travers tout le territoire québécois. Depuis ce temps-là, nous en avons créé 11 nouvelles. Il y en a 7 où mes fonctionnaires ont fini leur travail au niveau ministériel ou interministériel, qui devraient être créées sous peu, et il y en a 39 dans notre programmation triennale, et nous pensons être capables de relever ces objectifs.

Au niveau des interventions du ministère de l'Environnement, peut-être ce qui est passé le plus inaperçu, peut-être ce qui a été, à l'horizontal, le plus efficace, c'est la présence du ministère de l'Environnement au comité interministériel de développement économique. Désormais ou depuis la dernière élection, les organismes gouvernementaux ne font pas de prêt, de participation financière ou autre dans des entreprises qui ne sont pas en règle avec le ministère de l'Environnement du Québec. Et ça, c'est un levier qui est beaucoup plus puissant que la loi et la réglementation qu'on tente d'appliquer.

Grosso modo, c'est le portrait. Au moment où on se parle, la régionalisation, nous, on l'a tentée, on l'a tentée de bonne foi. Elle a réussi dans le sens que nous avons aujourd'hui des postes en région en nombre deux fois supérieur et un peu plus à ce qu'on avait il y a deux ans. Sauf, est-ce qu'elle fonctionne de façon pratique? La réponse, quand on écoute la clientèle du ministère, ceux et celles qui sont venus témoigner puis ceux et celles qu'on connaît, c'est non. Elle ne fonctionne pas parce que la centrale veut conserver ses pouvoirs et ses attributions et la région n'est pas condamnée à prendre la décision. Donc, quand vous avez un projet, un certificat d'autorisation à obtenir du ministère de l'Environnement, vous vous présentez au bureau régional. Le dossier est à la fois aspiré et poussé vers le haut, vers la centrale. La centrale se penche sur le dossier, le retourne à la région et, là, on joue un petit peu au ping-pong. Personne ne veut engager sa responsabilité de prendre la décision. Ce que ça prend, c'est un cadre qui condamne la région à prendre sa décision, qui ne l'empêche pas de consulter l'expertise à la centrale, mais qui la condamne, comme région, à prendre sa décision et à donner le suivi du dossier.

Le deuxième problème, c'est l'uniformité des décisions. On a eu des gens qui sont venus nous dire ici: Moi, j'habite dans telle région et j'ai une entreprise dans telle région, je vais au bureau régional et ça me prend un certificat d'autorisation pour exercer tel type d'activité. Mais, vu que je suis une entreprise provinciale dans l'autre région, je n'en n'ai pas besoin. Et ça, c'est le même ministère de l'Environnement de la province de Québec avec une absence d'uniformité d'une région à l'autre.

Troisième élément: le ministre de l'Environnement. C'est lui qui est responsable directement de la législation, de la réglementation. C'est le législateur. Il est responsable de l'application, comme membre de l'Exécutif, de cette loi et de ses règlements, puis il est responsable de rendre les ordonnances puis des ordonnances qui sont allées jusqu'à ordonner des fermtures d'usines. Pouvoir quasi judiciaire. Vous retrouvez sur les épaules de la même personne l'exercice du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire. Moi, je vous dis: Comme syndicat, méfiez-vous. Quand un même individu, dans une société, exerce l'ensemble des pouvoirs qui sont supposés être séparés, ça peut être risqué. Disons que vous pouvez tomber sur un bon gars ou une bonne personne pour une période donnée, mais ce n'est pas une façon de bâtir un système qui soit étanche et équilibré et où le partage des pouvoirs garantit la démocratie.

M. Giroux: Genre employeur-législateur.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Un peu pire. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Juge en plus pour trancher les litiges.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On ajoute une fonction additionnelle à l'exemple que vous venez de donner. Vous avez raison de le souligner. La situation est particulière et imaginez-vous si, en plus, il s'agissait du tribunal qui décide de vos griefs, ça ajouterait à la complexité.

L'autre élément sur lequel on doit se pencher dans la création d'un tel organisme: l'imputabilité d'un ministre. Moi, j'ai eu à le soumettre parce que plusieurs... J'ai de la difficulté parce que le message me revient souvent et je ne le prends pas à la légère. Si vous insistez dessus et si d'autres organisations ont insisté sur cet aspect et l'Opposition insiste également dessus, l'imputabilité du ministre de l'Environnement... Moi, je ne cherche pas à me défaire de ma responsabilité ministérielle face à l'Assemblée nationale du Québec et face à la population du Québec. Je pense que le ministre de l'Environnement...

J'ai M. le président, ici, qui a déjà été ministre de l'Agriculture. Il a créé, à un moment donné, une Commission de protection du territoire agricole, à titre d'exemple, pour ne mentionner que cet organisme. Je pourrais parler de la Régie des marchés agricoles, etc. Lorsqu'il y avait des problèmes en matière de zonage agricole, il était quand même responsable des agissements de la Commission devant l'Assemblée nationale du Québec et devant l'ensemble de la population du Québec.

Si vous êtes responsable... J'ai été ministre du Travail, de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu. J'ai été ministre des Affaires municipales et je me souviens de questions adressées à l'Assemblée nationale sur des dossiers qui étaient devant la Commission municipale du Québec, et j'avais à répondre des agissements de la Commission municipale et des dossiers, dossier de Saint-Laurent...

M. Dufour: Oui, mais c'étaient des réponses pas claires.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est vous qui posiez les questions.

M. Dufour: Ce n'était pas des réponses claires, précises.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Vous n'avez pas besoin d'être satisfait des réponses parce que ce que je veux dire, c'est que le ministre a l'obligation de répondre des agissements des organismes dont il a la responsabilité en vertu de la loi. Ça n'implique pas que le ministre se doit d'être responsable de l'émission des permis. Il y a des exemples de ce temps-ci, là. Moi, je préférerais avoir un organisme qui aurait émis des permis plutôt que le ministre qui émet des permis. Je pense que ça concerne la responsabilité ministérielle, mais l'application de la loi et des règlements, un organisme est capable de faire ça quand la loi et les règlements sont clairs.

Le ministère, de son côté, lui, il a besoin d'oxygène. Le ministère de l'Environnement, il a besoin d'être capable de se consacrer aux politiques environnementales, aux politiques de développement durable, à la législation comme telle et à la réglementation, et pas de façon complètement abstraite. Il y a un article de la loi qui prévoit qu'il peut consulter l'Office et que l'Office peut être consulté, également, parce que les gens qui l'appliquent, il faut les consulter, ces gens-là. On ne peut pas légiférer en vase clos. Mais ça nous permet de centrer les missions, de faire en sorte que les gens qui sont les législateurs, des gens de règlement, des gens de politique puissent s'adonner à cette tâche-là et qu'ils ne soient pas pris à tous les matins à 7 h 30, 8 heures, 8 h 15, à répondre aux urgences d'avant-avant-hier, d'avant-hier, d'hier, puis, quand on réussit à s'y rendre, d'aujourd'hui, et de ne pas avoir le temps de maîtriser l'avenir.

C'est le sens de la proposition qui est devant vous. Moi, j'ai lu votre mémoire attentivement. J'ai une question pour vous. La question, elle est fondamentale. Je pense que j'avais présenté le projet dans ce sens-là. C'est la question du financement. Vous l'avez abordée avec raison. Le projet de loi, tel que déposé, comportait un volet financement à partir des redevances, à partir d'une tarification des actes administratifs. Ce n'est plus dedans et vous soulignez qu'il s'agit d'un élément essentiel. J'aimerais vous entendre, soit sur les autres arguments que j'ai soulevés, mais en particulier sur l'aspect du financement de l'Office de la protection de l'environnement.

M. Giroux: Oui. On vous a suivi un grand bout, M. le ministre, puis on est d'accord avec vous pour identifier, séparer l'application, le quotidien, du moyen et du long terme. Mais on pense que ça peut se faire et que ça gagnerait à se faire à l'intérieur du ministère - c'est ce qui nous différencie, essentiellement - plutôt qu'à un office, parce qu'un office, en soi, va générer, va demander des emplois, des ressources, simplement comme structure, pour gérer la nouvelle structure. Je pense que notre message est assez clair. Il n'y en a pas de ressources supplémentaires qu'on doit y consacrer. Les ressources doivent être en service à l'environnement, directement attachées à un «output» environnement, si vous

me permettez l'expression.

Le modèle qui existe de l'Inspecteur général des institutions financières est un modèle qui pourrait être approprié. L'Inspecteur a un mandat d'appliquer par législation, de suivre les institutions financières et d'appliquer des lois. Alors, c'est pensable, une structure comme celle-ci, et c'est plus économe, à notre avis.

Par rapport au financement, ce que nous croyons, d'abord, c'est qu'effectivement, s'il doit y avoir un régime de redevance, que le système de pollueur-payeur se mette en place. Il y a un consensus dans la population à cet égard-là. Mais nous pensons que ce qui fait partie aussi du consensus, c'est que les sommes d'argent recueillies des pollueurs aillent vers la dépollution, sinon, on ne gagne rien comme société. On pénalise des gens parce qu'ils détériorent notre environnement, mais pour le corriger, si l'argent n'est pas mis à restaurer après les dommages faits, on ne sera pas plus avancé. (20 h 45)

Alors, il nous semble qu'il y a toute une logique du pollueur-payeur d'intégrer tout cela dans les prix parce qu'on sait bien que ça ira dans les prix, une réalité totale des prix; au sein des mêmes entreprises qui produisent les mêmes produits, qu'on puisse tarifer en fonction de la pollution, et les entreprises qui pollueront moins pourront offrir des prix plus avantageux à la population.

Or, donc, il nous semble effectivement que s'il devait y avoir des redevances - et c'est une voie intéressante, bien que difficile à appliquer, on vous le souligne - de mesurer la quantité de pollution d'une entreprise par rapport à une autre, ce n'est pas facile. Les sommes d'argent devraient rester à l'environnement pour corriger les torts faits. Michel pourrait peut-être ajouter à cet égard.

M. Mailloux (Michel): Oui, effectivement, concernant le financement, on a eu quelques discussions à ce niveau-là et, malheureusement, lorsqu'on parle d'autofinancement de l'OPEQ, les gens qu'on a contactés ne se voyaient pas convaincus, du moins par le projet de loi qui était avancé. Évidemment, il y a beaucoup de discussions au niveau de ça, l'autofinancement. Comme on le mentionnait tantôt, dans un premier abord, il ne nous a pas semblé, à certains de nos économistes du moins, que c'était viable, l'autofinancement d'un OPEQ.

Par contre, comme Daniel le mentionnait, déjà, depuis des années, on parle de redevances ou de tarification des services et, dans ce sens-là, les gens s'attendaient à l'effet qu'il faudrait que ça revienne à la protection de l'environnement. Comme on le mentionnait tantôt et comme vous le mentionniez vous-même, on est d'accord que la situation actuelle est problématique au ministère de l'Environnement, qu'il faut trouver une solution, compte tenu de nos ressources, et on espère certaines ressources additionnelles pour faire en sorte qu'on va améliorer de façon optimum notre protection de l'environnement et remplir le plus adéquatement possible le mandat que le ministère avait qui, il ne faut pas l'oublier, était, entre autres, de prévenir et non pas seulement de réparer les dommages, et peut-être un troisième mandat qui était aussi de développer des connaissances en environnement.

D'où l'aspect important de l'expertise et, comme on le mentionnait tantôt, d'une masse critique pour pouvoir non pas seulement recevoir les questions du public, mais pouvoir y répondre, parce que je pense, effectivement, que la population a évolué. Elle ne se contente plus maintenant de poser des questions et de se faire tout simplement répondre au bout: Oui, on prend note de votre préoccupation. Ils veulent maintenant avoir des réponses.

Pour répondre, comme on le mentionnait dans notre mémoire, il faut effectivement avoir l'expertise. C'est peut-être une faiblesse qu'on a au ministère de l'Environnement. Peut-être voilà 10 ans, on était relativement bien positionnés parce que l'évolution n'était pas encore bien enclenchée, mais on a peut-être pris un retard dans les 10 dernières années. Il faudrait peut-être donner un coup de barre pour pouvoir rattraper ça. Faire une nouvelle structure où on aurait des gens qui serviraient plutôt à la gestion de la structure qu'à l'expertise, c'est là qu'on a une difficulté à ce niveau.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, au nom de l'Opposition, je salue M. Giroux et ses trois collègues représentant des professionnels du gouvernement. Leur mémoire rejoint essentiellement la position de la très grande majorité des groupes que nous avons rencontrés depuis quelques semaines. Ça rejoint aussi la position de notre parti. Vous soulevez à bon droit les problèmes de dédoublement administratif que la création de cette nouvelle structure-là amènerait; l'éparpillement de l'expertise, deuxième problème que vous soulevez.

Je vais revenir tantôt à la suggestion concrète que vous faites advenant l'hypothèse malheureuse où il y aurait un office. La suggestion que vous faites, même sans la création de l'Office, de nommer un sous-ministre responsable de l'application des lois et règlements, j'y reviendrai tantôt. Mais juste quelques réactions aux propos du ministre.

Il fait valoir, comme il l'a fait à maintes et maintes reprises, que ce qu'il appelle cette réforme en créant l'Office vient répondre à un besoin qui découle de différents phénomènes. Un phénomène: les tensions entre le central et le régional. Un autre phénomène: Les délais trop longs comme si en créant la nouvelle structure,

il y aura plus d'efficacité, par définition. Ça n'a pas impressionné grand monde à date, tout le long préambule qu'il fait. Et nous, je lui redemande encore ce soir, c'est la dernière fois, c'est notre dernier bloc de consultations...

M. Paradis (Brome-Missisquoi):...

M. Lazure: Oui, mais c'est notre dernière soirée. Je lui redemande, encore une fois, de nous déposer devant la commission les études qui ont mené à cette décision. Le ministre nous a dit à plusieurs reprises: On m'a proposé, dans le ministère... Mes fonctionnaires m'ont proposé de procéder à la création de cet office. Il a dit ça. C'est dans le Journal des débats. Je vois que vous êtes sceptiques, MM. les représentants du syndicat. Vous avez raison d'être sceptiques.

Une voix: Ils ne sont pas confondus.

M. Lazure: Le ministre n'a pas jugé bon de déposer de telles études. Ou bien elles n'existent pas - ce que je soupçonne être le cas - ou bien elles existent, mais elles n'étaient pas dans le sens de créer une nouvelle structure. En tout cas, si vraiment les études confirment son action présente, je ne vois pas ce qu'il aurait à perdre à les déposer. Je ne comprends pas pourquoi il ne les dépose pas, mais tournons la page là-dessus.

La régionalisation. C'est évident qu'à l'intérieur de la structure actuelle le ministre n'aurait qu'à prendre ses responsabilités, agir comme leader politique et dire: Voici jusqu'où l'autonomie des régions va aller. À partir de là, vous consultez. Vous devez avoir l'approbation du central. Il est là pour ça, pour prendre de telles décisions, pour instaurer de telles politiques. Jusqu'où va l'autonomie des régions et le partage entre le central et les régions? Encore une fois, ce n'est pas la création d'un office en tant que tel qui va régler ce problème-là. De toute évidence, il va y avoir des dirigeants de l'Office qui vont être dans un central quelconque et il va y avoir du personnel de l'Office dans les différentes régions du Québec.

Alors, moi, après l'avoir écouté patiemment, comme d'autres autour de la table depuis quelques semaines, je ne l'ai pas entendu apporter un seul argument valable. La preuve, c'est qu'il n'a convaincu personne dans tous les groupes qui sont venus. La très vaste majorité, après l'exposé du ministre, a continué de dire: Vous faites une erreur, vous faites une erreur.

Je reviens à la régionalisation et je vous pose la question: Quelle est l'évaluation que vous, vous faites de ce mouvement vers la régionalisation qui avait été instauré il y a quelques années?

M. Giroux: Alors, d'abord, c'est un mouvement qui est tout à fait souhaitable de rap- procher les décisions, les personnes qui sont en cause. Mais je dirais qu'elle n'est pas terminée. M. Paradis le sait. Il y a encore des parties du ministère qui devraient aller en région sous peu et qui n'y sont pas. Ce qui explique peut-être encore qu'entre le central et les régions il y a des mandats à éclaircir et un peu de chevauchement. Il y en aura toujours un petit peu parce que je ne suis pas certain que la région de la Côte-Nord sera tout à fait équipée pour avoir toute l'expertise et prendre toutes les décisions dans de gros projets, par exemple.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Garon): On pourra en régler... On va...

M. Maltais: Un instant. M. le Président. Question de règlement. Ce n'est pas parce qu'il est le quatrième vice-président de la huitième centrale qu'il a le droit d'insulter les gens de la Côte-Nord. Chez nous, monsieur, on a l'expertise qu'il faut. Quand on va dans votre syndicat, c'est peut-être malheureusement là qu'on manque d'expertise. Puis je ne tolérerai pas en commission que vous insultiez les gens de la Côte-Nord, monsieur. Vous avez beau être le cinquième, le huitième, le dixième, je vais vous prendre un par un et je ne tolérerai pas ça. Vos paroles que vous avez répétées, je vous invite à les retirer pendant qu'il est encore temps.

M. Giroux: Je n'ai pas insulté la Côte-Nord.

M. Maltais: Vous l'avez insultée, monsieur. Retirez vos paroles, sinon, vous allez devoir répondre de vos actes.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui, M. le Président, je reviens à cette question de régionalisation.

M. Maltais: M. le Président, il n'a pas retiré ses paroles. Je reconnais là les lâches.

M. Lazure: Bon, je reprends mon droit de parole, si le député de Saguenay me le permet et... Merci. Le ministre dit: Avec la création d'un Office, je vais forcer les régions à prendre leurs décisions. Je ne conçois pas comment une structure va venir forcer les gens à prendre des décisions. S'il veut ça maintenant, il n'y a rien qui l'empêche de le faire, absolument rien. Moi, je vous remets la parole sur les effets de la régionalisation à date. Nous, on pense que c'était un pas dans la bonne direction. Vous avez l'air de penser la même chose. Est-ce que vous croyez qu'il y a encore du progrès à faire de ce côté-là? On peut aller plus loin encore?

M. Giroux: Oui, je l'ai souligné, il y a encore effectivement des mandats et donc du personnel qui devraient s'ajouter au personnel en région. Mais l'aspect de la décision, c'est au fond une délégation de pouvoirs, on en conviendra. Quels sont les pouvoirs qu'on donne au personnel, aux directeurs de chacune des régions et à leurs employés? Et ça, ça peut se régler en dehors de la création d'une nouvelle structure. Je pense que vous avez raison. Il suffit...

M. Lazure: À la page 6, vous dites: «Le MENVIQ a élaboré un plan triennal d'orientation pour les années 1991-1994 dont un premier bilan a été présenté récemment.» M. le Président, j'aimerais demander au ministre s'il veut bien nous déposer ce plan triennal d'orientation le plus tôt possible. J'imagine que ce n'est pas un document secret, ça. Et, deuxièmement, de déposer aussi le premier bilan, dans l'optique de transparence et dans l'optique de front commun que nous formons aujourd'hui vis-à-vis d'un ennemi commun. Alors, je prends bonne note que vous dites oui à ça. On aura le dépôt des deux documents.

Le ministre s'est donné tantôt un gros coup d'encensoir avec les 50 000 000 $ de recherches, mais ça, c'est sur cinq ans, premièrement, et, deuxièmement, après presque deux ans - on l'a vu l'autre jour, j'avais les chiffres devant moi, je les ai cités - il y a à peine quelques millions de dollars qui ont été engagés, quelques millions de dollars à peine et deux bénéficiaires notoires: l'Université Laval et la ville de Montréal. Ces sommes d'argent là sont bien loin de favoriser un fourmillement de recherche et développement dans les réglons du Québec. Alors, je pense qu'il faut revenir aux 50 000 000 $ de l'engagement qui n'ont pas été respectés et au-delà des sommes qu'on pourra bien consacrer à la recherche.

Un dernier volet, M. le Président. Je reviens là à votre suggestion qu'à l'intérieur de la structure actuelle le gouvernement désigne un sous-ministre responsable de l'application des lois et règlements, et vous empruntez un peu le modèle de la nomination de l'Inspecteur général des institutions financières. Voulez-vous élaborer un peu plus là-dessus? Qu'est-ce qui vous amène à suggérer ça?

M. Giroux: Alors, dans un premier temps, c'est la rationalisation des ressources. Alors, ça éviterait, si tout se fait sous le même chapeau, celui du ministère de l'Environnement, d'avoir une seule direction des ressources humaines, une seule direction des ressources matérielles, un système informatique pensé pour l'ensemble, de la documentation, etc., alors, des vases communicants et des économies de ressources très importantes.

Maintenant, il y a effectivement une clarification des rôles et des mandats à l'inté- rieur du ministère qui pourrait se faire, un clivage entre deux parties du ministère, si on veut, la partie d'application des règlements et des lois chapeautée par un sous-ministre adjoint - on pourra lui donner un autre titre - mais non soumis pour la partie d'application à l'autorité du sous-ministre du ministère. C'est cette personne qui pourra faire de la délégation à l'interne dans les personnes qui relèveront de lui ou d'elle, mais qui sera chargée, qui aura donc à répondre de l'émission des permis, du suivi qui sera fait des permis, des enquêtes et des poursuites, le cas échéant.

C'est un peu effectivement le modèle qui nous a fait passer comme société d'un ministère des Institutions financières à un Inspecteur. À l'époque, c'était un ministère qui était chargé de l'application et le ministre, ultimement, qui avait quelque chose à voir dans l'application. Or, maintenant, c'est l'Inspecteur général des institutions financières qui en est chargé, qui est nommé pour une certaine période de temps, qui a un peu plus de sécurité, d'ailleurs, qu'un sous-ministre habituel parce que c'est un poste assez névralgique qui a beaucoup de pression de toutes parts et qui lui permet donc d'agir avec un peu plus d'impunité, je dirais; non pas qu'il ne soit pas responsable, mais il peut prendre les bonnes décisions, les meilleures, conformément aux lois, aux règlements.

M. Lazure: Je trouve que c'est une suggestion intéressante. Votre collègue a quelque chose à ajouter.

M. Giroux: Oui, Michel.

M. Mailloux: Oui, effectivement, peut-être que ça pourrait permettre d'éviter les tensions entre le central et le régional. Évidemment, notre réflexion n'a pas été poussée vraiment tellement loin pour appliquer ça au ministère de l'Environnement comme tel et à ses mandats. À la limite, si on avait un sous-ministériat qui voyait seulement à l'application des règlements... Et là je peux même me référer à 1973, lorsque je suis arrivé au gouvernement, aux Services de protection de l'environnement, où c'était le directeur des Services de protection de l'environnement qui avait justement la responsabilité d'appliquer la loi et qui, à ce moment-là, avait même des pouvoirs au-dessus du Conseil des ministres - ce qui a été changé par la suite, par contre. À ce moment-là, cette personne avait une autorité, effectivement, qui, peut-être, pourrait répondre aux objectifs du ministre de ne pas avoir, dans la même personne, à la fois le législatif, l'exécutif et le judiciaire. À ce moment là, le directeur des Services de protection de l'environnement, c'était lui qui était roi et maître de l'application de la loi et des règlements qu'il y avait. De la même façon, si c'était centralisé de cette manière, il pourrait, lui, être

maître de savoir qu'est-ce qui doit être régionalisé. Parce qu'il y a des choses, effectivement, qui doivent être régionalisées.

Par contre, on pense qu'il y a d'autres choses, même dans l'application des lois et règlements, qui sont sans doute mieux d'être au central. Compte tenu, peut-être, comme on le mentionnait tantôt, de la dilution de l'expertise, on ne peut pas avoir une grosse expertise diluée en 10 régions. Par exemple, si on a seulement un bassin de 5 experts, il n'y aura pas un demi-expert par région. Donc, il y a certains domaines où le noyau est relativement restreint.

Lorsque vous parliez tantôt de recherche, effectivement, on va dans le même sens. On pense que la recherche est un point à développer, mais pas seulement à l'extérieur. Il ne faut pas non plus qu'on fasse seulement coordonner de la recherche. Il faut que les ressources à l'intérieur du ministère puissent aussi être recyclées, si l'on peut dire, ou qu'on puisse justement être à la fine pointe de la technologie à l'intérieur du ministère pour mieux juger des projets ou même des technologies qui pourraient nous être soumises comme solutions.

M. Lazure: C'est tout à fait pertinent, votre dernière remarque. Le temps avance. Combien de professionnels avez-vous au ministère de l'Environnement, en tout, à peu près?

M. Giroux: Nous, on représente 350 professionnels.

M. Lazure: 350.

M. Giroux: II y a aussi tout le groupe d'ingénieurs qui s'occupent particulièrement...

M. Lazure: Oui, c'est ça.

M. Giroux: ...des eaux usées.

M. Lazure: Oui, à peu près 220 ingénieurs.

M. Giroux: Voilà!

M. Lazure: Eux aussi, évidemment, sont contre le projet de loi?

M. Giroux: Exact.

M. Lazure: À votre connaissance, il n'y en a pas beaucoup, de vos gens, qui sont pour le projet de loi?

M. Giroux: Nous, on n'en a pas rencontré.

M. Lazure: vous n'en avez pas rencontré, et vous êtes en contact intime avec vos membres, vos dirigeants.

M. Giroux: Oui, oui. Ce mémoire a été fait en consultation avec tous les délégués.

M. Lazure: Au nom de l'Opposition, je remercie M. Giroux et ses collègues pour l'excellent mémoire.

M. Giroux: Merci beaucoup.

Le Président (M. Garon): Alors, je remercie le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Je suspends pendant quelques instants la commission de l'aménagement et des équipements, le temps de changer d'interlocuteurs et de demander au Regroupement de conseillers en acoustique et bruit environnemental du Québec de s'approcher de la table.

(Suspension de la séance à 21 h 4)

(Reprise à 21 h 6)

Le Président (M. Garon): À l'ordre, s'il vous plaît!

J'inviterais M. Guy Nollet, directeur général de Décibel Consultants inc., à nous livrer son mémoire, en lui disant qu'il a 20 minutes pour son exposé, 20 minutes pour la partie ministérielle et 20 minutes pour l'Opposition. Ce que vous prendrez en plus sera soustrait aux deux parties, dans la même proportion; ce que vous prendrez en moins pourra leur être attribué s'ils en manifestent le désir. À vous la parole, M. Nollet.

Regroupement de conseillers en acoustique et bruit environnemental du Québec

M. Nollet (Guy): Merci, M. le Président. M. le ministre, MM. les députés, je devrais effectivement être bon pour vous livrer mon mémoire dans les 20 minutes. Je vais diviser la présentation en trois. Dans un premier temps, je vais présenter une mise en contexte sur le bruit; dans un deuxième temps, vous présenter l'état de la législation actuelle aux niveaux fédéral, provincial et municipal, avec une emphase sur le provincial, et, troisièmement, je vais m'attarder sur la création de l'Office de protection de l'environnement.

Le contexte. Si le début du XXe siècle a été celui de la révolution industrielle, la fin du XXe siècle aura été celle de l'éveil des populations aux conséquences de cette industrialisation. Bien que les impacts sociaux et économiques soient énormes, il est un type d'impact qui pardonne peu ou pas du tout, de par son caractère d'irréversibilité: l'impact sur l'environnement.

L'eau, l'air, les déchets représentent souvent l'aspect le plus connu, et je dirais aussi le plus médiatisé, des impacts environnementaux.

Le bruit, quant à lui, constitue un impact qui est extrêmement important et, malheureusement, souvent négligé ou oublié. Le recours à des procédés mécaniques, l'implantation d'entreprises en milieu urbain - déjà soumis au bruit - ou en région - habituellement des zones plus sensibles au bruit - la société de loisir et la motorisation qui l'accompagne, l'augmentation du nombre de routes, de véhicules, de camions lourds et la croissance du trafic aérien contribuent, chacun à leur façon, à la détérioration de l'environnement sonore des citoyens. Voilà pour le contexte.

Regardons maintenant la législation sonore environnementale au Québec. Chacun des trois paliers, fédéral, provincial et municipal, a des responsabilités précises en ce qui a trait à la limitation et à la diminution du bruit. Au niveau fédéral, tout d'abord, la toute première responsabilité de l'administration fédérale en ce qui a trait à la limitation du bruit est d'établir des normes relatives à l'émission maximale pour une variété de produits, d'appareils et de véhicules. C'est l'administration fédérale qui fixe les normes d'émission et s'assure que les fabricants de produits nouveaux les respectent. Cependant, de tels règlements ne régissent pas les situations d'après-vente dans lesquelles la qualité d'un produit peut s'être détériorée et ne plus satisfaire aux normes d'émission établies avant sa sortie d'usine. La compétence fédérale en cette matière s'étend également aux limitations du bruit relié aux moyens de transport interprovinciaux, lesquels comprennent aéronefs et aéroports, trains et voies d'eau navigables. Enfin, l'administration fédérale contrôle les codes et lignes directrices nationaux afin d'assurer une certaine uniformité.

Maintenant, le niveau provincial. Il incombe aux administrations provinciales, en vertu de diverses lois provinciales, de limiter le niveau de bruit engendré par l'utilisation de certains produits, appareils et véhicules. Les autorités provinciales autorisent les municipalités à établir des plans d'action et à promulguer des règlements afin de diminuer le nombre de sources de bruit distinctes.

Au niveau municipal. C'est surtout à l'échelon municipal qu'incombe la responsabilité de la réglementation sur la réduction du bruit. Les municipalités ont la tâche de réglementer le bruit par l'application des lois habilitantes, des lignes de conduite et des règlements provinciaux. En voici quelques-unes, à titre d'exemples: règlements municipaux relatifs à la limitation du bruit; les projets municipaux d'aménagement foncier et le zonage; la gestion de la circulation; les programmes de réaménagement routier visant à réduire le bruit ambiant. Parmi les services municipaux auxquels sont confiées ces diverses tâches se trouvent, entre autres, les services chargés de l'application des règlements ainsi que les services de planification, de transport, de police et de construction. Alors, voilà pour la législation, ce qu'elle est en théorie. Voyons maintenant comment elle est appliquée.

À la lecture de la section précédente traitant de la législation sonore, on serait porté à croire que le sujet est bien cerné et ne laisse place qu'à peu d'incertitude. Or, dans la réalité, il en va tout autrement. Tel que mentionné précédemment, le gouvernement fédéral ne régit pas les conditions d'après-vente ni la façon dont les équipements sont utilisés, ce qui représente deux composantes importantes du niveau sonore réellement produit.

D'autre part, un très grand nombre de municipalités n'ont ni les fonds, ni le temps, ni le personnel pour promulguer et faire appliquer des règlements sur le bruit. Par contre, quelques grandes municipalités le font - celles de Montréal et Laval, par exemple - non exhaustivement.

Les articles 20, 94 et 95 de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec stipulent: À l'article 20: «Nul ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter ni permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l'environnement d'un contaminant au-delà de la quantité ou de la concentration prévue par le règlement du gouvernement. «La même prohibition s'applique à l'émission, au dépôt, au dégagement ou au rejet de tout contaminant dont la présence dans l'environnement est prohibée par règlement du gouvernement ou est susceptible de porter atteinte à la vie - là, on rentre plus dans ce qui pourrait s'appliquer à l'acoustique et au bruit - à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité du sol, à la végétation, à la faune ou aux biens.»

À l'article 94 sur le bruit, on dit: «Le ministre a pour fonctions de surveiller et de contrôler le bruit.» Il se dote de pouvoirs. «À cette fin, il peut construire, ériger, installer et exploiter tout système ou tout équipement nécessaire dans toute municipalité. Il peut également acquérir de gré à gré ou par expropriation tout immeuble requis et conclure toute entente avec toute personne ou municipalité.»

Et l'application, par l'article 95, de règlements: «Le gouvernement peut adopter des règlements pour: «1° prohiber ou limiter les bruits abusifs ou inutiles à l'intérieur ou à l'extérieur de tout édifice; «2° déterminer les conditions et modalités d'utilisation de tout véhicule, moteur, pièce de machinerie, instrument ou équipement générateur de bruit; «3° prescrire des normes relatives à l'intensité du bruit.»

L'article 20 inclut donc le bruit, ce bruit

qui est susceptible de porter atteinte au bien-être, au confort et, éventuellement, à la santé de l'être humain par un niveau élevé de stress. L'article 94 rend responsable le ministre de s'assurer, par des vérifications et mesures, que les bruits émis ne portent effectivement pas atteinte à la santé, ni au confort ou au bien-être de ses citoyens. L'article 95, quant à lui, donne toute latitude au ministère pour se doter des outils, sous forme de règlements, permettant de remplir sa responsabilité telle qu'elle est décrite à l'article 94.

Or, actuellement, il n'y a que deux règlements en vigueur, au Québec, où la situation du bruit est prise en compte. Le règlement sur les carrières et sablières et ie règlement sur les usines de béton bitumineux. J'aimerais ajouter ici une parenthèse. Graduellement, un règlement sur les neiges usées est mis en application; c'est un progrès très net. Ce règlement s'applique pour les zones de 300 mètres et moins. Or, je peux vous dire que, suite à nos mesures, le bruit du claquement des portes de camions est audible à plus de un kilomètre, et encore dérangeant au double de 300 mètres.

Or, il est évident qu'un très grand nombre d'installations industrielles ou d'activités commerciales n'ont rien à voir avec les carrières et sablières et ne sont donc régies par aucun règlement. De plus, ces deux règlements ont certaines lacunes mises en évidence par l'augmentation des connaissances en propagation du son, l'amélioration des techniques de mesure et de l'instrumentation. (21 h 15)

Lors de plaintes relatives au bruit, l'application de l'article 94 est confiée aux bureaux régionaux du ministère de l'Environnement. Pour les aider dans l'évaluation de l'impact sonore, le ministère leur recommande les valeurs sonores guides provenant d'un projet de règlement relatif au bruit communautaire, datant de 1976. Déjà 16 ans. Ce projet n'a jamais franchi les étapes nécessaires à sa promulgation. Les inspecteurs régionaux du MENVIQ utilisent actuellement, comme référence pour leurs mesures, les règlements des carrières, sablières et usines de béton bitumineux. Étant donné l'interprétation large qui peut en être faite, un projet ou une situation sonore pourrait fort bien être accepté dans une région de Québec et être refusé dans une autre région, avec les problèmes que cela peut causer. M. le ministre vient d'aborder ce point, entre autres.

L'étude, la compréhension et l'interprétation de la génération du bruit, sa propagation, ses interférences et les méthodes d'atténuation constituent une science à laquelle, nous, conseillers en acoustique, consacrons tout notre temps. Il sera donc difficile, voire impossible, à un intervenant régional du ministère, ou quiconque aux prises avec plusieurs phénomènes de contamination tels eau, air, déchets et bruit, de bien connaître tous ces contaminants et de porter un jugement éclairé sur chacun d'eux.

Les régions pourraient se référer au bureau central du ministère pour obtenir une assistance pour les problèmes de bruit. Mais, depuis près de cinq ans, il n'y a personne qui soit le répondant du bruit. Une chaise vide, un espace vacant. De par l'imprécision de la situation et la latitude existant dans l'interprétation, il devient difficile pour les conseillers en bruit environnemental de bien renseigner un client sur les exigences du MENVIQ, sur ce qu'il faudrait faire et les chances de passer les différentes étapes avec succès. Voilà pour la situation actuelle relative au bruit.

Création de l'Office de protection de l'environnement. Les éléments favorables. La création de l'Office de protection de l'environnement, en dissociant les processus d'orientation et de législation du suivi quotidien sur le terrain, devrait permettre à ce dernier de développer une plus grande intégration à son milieu, une plus grande rapidité d'intervention, une flexibilité et une autonomie accrue. Les différents processus de révision et d'appel favorisent une transparence de cette administration.

D'autre part, il y a des incertitudes: les outils de travail. Tel que mentionné précédemment, les intervenants du ministère en région n'ont pas les outils leur permettant d'évaluer adéquatement une situation sonore, actuelle ou en projet. Créer l'Office, c'est-à-dire probablement regrouper sous celui-ci les régions et lui donner le mandat de surveiller et de contrôler, est totalement inutile au point de vue bruit environnemental si cette action ne s'accompagne pas de l'élaboration d'une réglementation pratique et applicable. Ces conditions sont essentielles si on veut que l'Office remplisse ses responsabilités au point de vue du bruit.

Législation appropriée. Tel que mentionné, une législation appropriée constitue une condition sine qua non du respect de l'environnement sonore. La technologie de mesure évolue rapidement. Le champ de connaissances s'élargit grâce à la recherche en acoustique. Il est donc important que cette législation ne soit pas le fruit de délibérations de légistes rendant son application immédiatement vouée à l'échec.

La concertation entre le ministère et les intervenants dans le domaine acoustique devra être hautement privilégiée. Cette concertation pourra revêtir un caractère permanent, favorisant ainsi une consultation en vue de garder la législation d'actualité et reflétant les besoins des citoyens.

Support central. Une autre condition essentielle au bon fonctionnement des différents bureaux de l'Office est que ses membres puissent avoir recours à des personnes-ressources au bureau central. Les membres de l'Office en région, appelés à travailler sur une grande variété de problèmes ou de situations, feraient

donc une première analyse des dossiers et se référeraient aux personnes-ressources pour le support technique approprié. L'Office constituerait donc l'équipe sur le terrain supportée par une logistique à la fine pointe des connaissances scientifiques et technologiques.

Volet formation. Dans le but de procéder à de bonnes analyses préliminaires des dossiers qui leur sont confiés, les intervenants de l'Office devraient recevoir régulièrement de l'information et de la formation dans les domaines qu'ils sont appelés à toucher lors de leurs interventions. Le personnel-ressource du ministère, agissant comme support technique, serait tout désigné pour aller dans les bureaux régionaux dispenser cette formation.

Maintenant, les coûts de cette approche, les coûts pour le gouvernement. Il est évident que, dans une situation de restrictions budgétaires, de rationalisation des opérations et de réduction de l'ampleur du déficit, nous ne pouvons favoriser l'embauche de nouveau personnel. Nous sommes persuadés qu'en faisant appel aux resssources humaines internes le ministère peut combler le ou les postes de responsable technique ou répondant en bruit environnemental. Si nécessaire, celui-ci pourrait recourir, sur une base occasionnelle et temporaire, au secteur privé. La formation des intervenants régionaux devrait, quant à elle, être vue comme un investissement.

Somme toute, en bruit environnemental, beaucoup peut être fait pour relativement peu. Et ceci permettrait au ministère d'assumer pleinement la responsabilité qu'il s'est donnée et d'assurer que le bruit indésirable ne vienne affecter la santé, le confort et le bien-être de ses citoyens.

Maintenant, le coût pour l'entreprise. De prime abord, on serait tenté de dire que, souvent, une réglementation additionnelle entraîne des frais supplémentaires pour l'entreprise, la rendant moins compétitive. Toutefois, l'absence de réglementation adéquate en bruit pourrait so comparer, à la limite, à l'absence de réglementation de vitesse ou de poids maximal sur les routes. Ce serait le chaos. Une fois les règles établies, tous sont sur le même pied. Tous savent à quoi s'en tenir. Tous savent quoi faire et ne pas faire pour se comporter en bon père de famille, en bon citoyen.

Pour les projets actuellement envisagés, de la même façon que l'on ne tolère plus les rejets directs à l'égout ou à l'atmosphère sans un traitement approprié, on ne doit pas non plus accepter des sources sonores excessives non traitées. Et notre expérience nous indique que, dans la majorité des cas, un réaménagement mineur, une modification dans le mode d'opération ou dans le choix des équipements permet d'atteindre des niveaux sonores qui rencontrent les valeurs guides de bruit de 1976. Souvent, cette approche permet l'utilisation d'une technologie plus avancée, contribuant fréquemment à une meilleure productivité de l'entreprise.

Opérations actuelles. Pour les cas où les opérations actuelles entraînent des niveaux sonores élevés, les coûts des correctifs peuvent être raisonnables. Mais il arrive que ceux-ci soient si élevés que leur implantation complète rendrait l'entreprise non rentable. À ce moment, des incitatifs financiers pourraient être mis en place et une certaine latitude permise dans l'échéancier de l'implantation des correctifs, comme pour les projets d'épuration.

En conclusion. Le niveau sonore auquel les citoyens sont soumis quotidiennement a continuellement augmenté depuis les tout débuts de l'industrialisation. Ce niveau sonore dégrade l'environnement sonore des citoyens et affecte leur bien-être, leur confort et même leur santé. Les responsabilités de la législation sont partagées entre le fédéral, le provincial et le municipal. Chacun des trois paliers suivants de l'administration canadienne a des responsabilités précises en ce qui a trait à la limitation du bruit.

L'administration fédérale établit des critères d'émission de bruit des appareils au moment de leur sortie d'usine; établit des lignes directrices ayant trait à la limitation du bruit relié aux moyens de transport interprovinciaux tels les transporteurs aériens, maritimes et ferroviaires; établit des lignes directrices pour l'ensemble du pays afin de promouvoir l'uniformisation des normes relatives à la mesure et à l'interprétation du niveau sonore.

L'administration provinciale, quant à elle, établit des lignes directrices en matière de limitation du bruit, par l'intermédiaire de l'aménagement foncier; facilite la mise sur pied et l'application des règlements municipaux visant la limitation du bruit - contrôle, interprétation et formation; révise et approuve les règlements municipaux en matière de limitation du bruit aux fins d'uniformisation.

L'administration municipale, quant à elle, rdicjtu des règlements municipaux en matière de limitation du bruit; voit à l'application de ces règlements; assure le respect des lignes de conduite provinciales en vertu des pouvoirs qui lui sont délégués.

Or, nous avons vu que, dans la réalité, il y a des lacunes au point de vue bruit environnemental. La condition sonore après vente n'est pas du ressort fédéral. Le nombre de sources, le mode, la durée d'utilisation ne sont pas considérés par le fédéral. Il n'existe que deux règlements sur le bruit environnemental - carrières, sablières et usines de béton bitumineux - au provincial. Neiges usées à inclure. Seules les valeurs guides datant de 1976 donnent les limites de bruit à respecter. Les intervenants en région du ministère n'ont pas les ressources pour analyser en profondeur chaque aspect d'un problème, particulièrement en bruit environnemental, et ils n'ont pas d'autorité technique à qui se référer dans ce domaine. Ceci a pour

résultat de créer de grandes disparités régionales dans le traitement des dossiers.

Le ministère désire se scinder en deux entités tout en conservant parmi ses responsabilités celle d'assurer le contrôle du bruit environnemental. Selon nous, certaines conditions doivent être respectées afin de permettre de rendre utiles et efficaces les deux entités résultantes: le ministère devra, en concertation avec les intervenants du milieu, élaborer une réglementation applicable de même qu'un processus de révision et de mise à jour; le ministère devra identifier un responsable technique en bruit environnemental dont le mandat sera de s'assurer que la législation soit appropriée et d'apporter le support technique aux membres de l'Office de protection de l'environnement; les membres de l'Office devront pouvoir bénéficier de programmes de formation de façon à leur permettre de faire un bon travail de premier tri et, ainsi, identifier le degré d'intervention requis des responsables techniques du ministère; éventuellement, le ministère devra mettre en place des incitatifs financiers pour les entreprises qui seraient susceptibles d'être sérieusement affectées dans leur rentabilité, ou même de voir leur survie menacée devant des investissements majeurs en contrôle de bruit. Une certaine latitude et flexibilité du ministère et de l'Office seront nécessaires dans ces cas.

Nous sommes disposés à travailler conjointement avec les représentants du ministère et de l'Office de protection de l'environnement afin d'assurer à tous les Québécois et toutes les Québécoises un environnement sonore de qualité. Respectueusement soumis aux membres de la commission de l'aménagement et des équipements.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je remercie M. Nollet, qui représente le Regroupement des conseillers en acoustique et bruit environnemental du Québec, pour le mémoire qu'il nous a soumis et pour la présentation qu'il vient de nous en faire. J'aurais deux questions pour M. Nollet. Dans un premier temps, il m'apparaît que la notion de bruit a traditionnellement été appliquée davantage en milieu de travail, à l'intérieur des usines comme telles ou des bureaux, etc. Comme vous le savez, la juridiction du ministère de l'Environnement s'arrête à la porte de l'entreprise. Nous n'avons pas juridiction à l'intérieur des entreprises. Je fais le parallèle parce que, peut-être que nous autres aussi, traditionnellement, à l'Environnement, on s'est attardés davantage à la notion de travail. Vous le mentionnez, le bruit est un critère dans deux de nos réglementations; carrière et sablière, où on retrouve la présence de travailleurs - on n'a pas mentionné le voisinage - et, également, béton bitumineux, où on retrouve la présence de travailleurs, mais je suis d'accord qu'il y a également un effet sur le voisinage. est-ce que, en fonction de la relation de travail, la réglementation actuelle apparaît satisfaisante à votre association?

M. Nollet: Au niveau travail, comme vous l'avez mentionné, la réglementation actuelle n'est pas adéquate et la CSST a présentement un processus de révision de sa réglementation qui, elle aussi, a des difficultés d'application. Je vous donne un exemple: la difficulté d'intégrer les bruits d'impacts aux bruits continus, les effets ne sont pas connus encore.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Sur le plan du partage des juridictions, vous avez souligné avec beaucoup de précision le partage des juridictions entre le fédéral, le provincial et le municipal. Je peux me tromper et, au risque de me tromper, il y a également la question de l'intervention du supramunicipal. Entre autres, on me dit qu'au niveau de la Communauté urbaine de Montréal il y a une ressource, une expertise sur le plan des bruits. Est-ce que cette intervention au niveau de la communauté urbaine ou au niveau de la MRC vous paraît un niveau approprié d'intervention?

M. Nollet: Je peux vous dire que, suite à l'expérience de nos différentes interventions au niveau bruit environnemental, on n'a eu à peu près jamais l'occasion de voir les gens de la CUM au niveau du bruit environnemental.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la chaise est aussi vide qu'à Québec?

M. Nollet: Non. Ça ne veut pas dire qu'ils ne sont pas actifs, loin de là. Ce qui arrive, c'est que chaque municipalité a ses propres règlements et les fait appliquer à sa façon. Il est possible qu'elle voie d'une certaine façon, d'un certain oeil, ce que je n'appellerais pas l'ingérence mais l'uniformisation. Alors, un règlement qui peut être applicable, par exemple, à ville Mont-Royal, ne serait pas nécessairement désirable pour la ville de Montréal, qui n'a pas les mêmes citoyens. Je ne prends que ceux-là pour exemple, mais ça pourrait s'appliquer à toute autre municipalité. Il y a des municipalités qui ont beaucoup d'industries; d'autres, aucune. Alors, le...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): À partir...

M. Nollet: ...rôle de la cum pourrait consister, à ce niveau-là, à donner des recommandations. (21 h 30)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): mais, à partir de votre expérience personnelle, la réglementation du niveau du bruit devrait-elle être exercée uniformément par le gouvernement

provincial ou déléguée au niveau des gouvernements municipaux?

M. Nollet: Comme je le mentionnais, au niveau municipal il n'y a que peu de municipalités qui ont le temps, l'argent, le pouvoir et les ressources humaines, premièrement, pour réglementer et, deuxièmement, pour mettre en application. Nos mandats nous appellent souvent à établir une législation applicable à certaines municipalités.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que vous seriez favorables à une réglementation provinciale minimale qui pourrait être bonifiée au niveau municipal?

M. Nollet: Je pense qu'actuellement un bon exemple pourrait être l'utilisation des critères établis en 1976, qui s'appliquent à l'ensemble de la province, et qui permettent, en plus, à une municipalité d'améliorer, comme vous dites, et de bonifier la situation; ou, compte tenu de sa situation propre qui pourrait être, par exemple, celle d'une ville très industrielle, modifier ou adapter ces critères pour tenir compte de ses propres règlements de zonage et donner des niveaux de bruit par zonage.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Est-ce que la réglementation, la norme de 1976 à laquelle vous vous référez, suivant votre expertise, serait d'une application problématique dans plusieurs endroits au Québec?

M. Nollet: Tel que je le mentionnais, les niveaux comme tels semblent adéquatement représenter un climat qui est susceptible d'être considéré comme acceptable par l'ensemble de la population. Là où ça devient plus difficile, c'est dans l'applicabilité, c'est dans la mesure comme telle. Par exemple, on veut mesurer le bruit qu'une usine génère à une maison, à une résidence, et il y a une route. Nulle part il n'est dit dans le règlement comment enlever l'influence de la route. Alors, il y a certaines améliorations à apporter.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ce qu'on appelle le bruit de fond? Même pas?

M. Nollet: II y a le bruit de fond, il y a le bruit ambiant, il y a énormément de définitions.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): O.K.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition, je veux saluer M. Nollet et le féliciter pour l'intérêt qu'il porte au projet de loi et l'intérêt encore plus grand qu'il porte aux problèmes environnementaux qui sont créés par des excès de bruit. Une première question, objectivement parlant, pour avoir un peu le tableau de la situation chez vos gens. Combien d'experts avez-vous en acoustique et bruit environnemental dans votre groupement, à peu près?

M. Nollet: Pour répondre à votre question, je vais procéder à une petite explication. Le bruit environnemental est un domaine qui est relativement nouveau. La plupart des conseillers en acoustique ont débuté justement dans le bruit industriel, tel que le mentionnait M. le ministre, et par l'importance qu'a pris ce domaine ont été appelés à intervenir dans ce domaine-là. Il va sans dire que ces gens-là - ce sont tous des conseillers en acoustique - sont éventuellement des compétiteurs. Alors, c'est toujours délicat de regrouper un petit nombre de compétiteurs qui compétitionnent sur le même projet. La façon dont nous avons procédé, c'est qu'il y a eu un mémoire d'écrit qui a été envoyé a tous les conseillers en acoustique.

M. Lazure: Combien de personnes, à peu près?

M. Nollet: II est difficile... De personnes comme telles, environ une vingtaine, ce qui représente peut-être une dizaine de firmes, en moyenne. De ce nombre-là, il y en a plus de 50 % qui nous ont appuyés, qui nous ont transmis un document nous disant, oui, nous appuyons votre démarche; elle est tout à fait appropriée, et l'ensemble du document nous apparaît aller dans le sens qui est nécessaire. Je pourrais dire qu'il y en a un certain nombre qui ne nous ont pas répondu. La raison est probablement simple: c'est que la plupart de ceux-là font partie d'entreprises assez grandes et qui, politiquement ou pour différentes autres raisons, ne voudraient pas prendre position à ce moment-ci sur l'aspect acoustique. Parce qu'il ne faut pas oublier qu'en acoustique ce n'est qu'une ou deux personnes dans un bureau qui peut compter plusieurs centaines de professionnels.

M. Lazure: Moi, je trouve que c'est heureux que vous soyez venus. En tout cas, c'est rare en commission parlementaire qu'on entende des experts en acoustique et bruit environnemental.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est la première fois, à cette commission-ci, je pense.

M. Lazure: Je pense que c'est la première fois, oui, effectivement. Alors, moi, j'ai, dans mon comté de Laprairie, à Candiac plus précisément - et je vois votre réaction - une entreprise qui s'appelle Ogilvy, les entreprises Ogilvy. Il y a un problème de bruit pour les résidents de

Candiac et de Laprairie autour de cette usine d'Ogilvy. Vos fonctionnaires, M. le ministre, je suis heureux de le leur dire, collaborent très bien; ils font leur gros possible avec l'entreprise. Je ne sais pas si c'est parce qu'on n'est pas assez avancés au plan technologique, mais c'est loin d'être réglé, c'est difficile.

Est-ce que, d'après vous, la science est rendue assez loin pour qu'on puisse trouver des mécanismes pour amoindrir de façon appréciable les bruits de ce genre-là? Je pense que vous connaissez le problème chez Ogilvy, à Candiac, hein?

M. Nollet: Tel que je le mentionnais, dans l'ensemble des situations, la technologie va exister pour ce qui s'appelle bruit environnemental. D'autre part, il y a souvent des coûts très importants qui peuvent être encourus. Alors, souvent, ce qui va être utilisé, c'est une procédure par étapes, c'est-à-dire que les premières sources, les principales, vont être traitées. Ceci implique souvent des changements majeurs dans les opérations, dans la production, dans les arrêts qui doivent être prévus, et c'est excessivement coûteux. Mais c'est l'approche qui est la plus utilisée et qui est la plus rentable.

M. Lazure: Je pense, M. le Président, qu'on peut retenir... En tout cas, il y a une chose que je retiens, moi. À la page 4, vous faites ressortir qu'il y a seulement deux règlements en vigueur concernant le bruit, et c'est celui rattaché aux carrières et sablières et l'autre, sur les usines de béton bitumineux. Or, c'est bien évident qu'il y a beaucoup, beaucoup d'entreprises au Québec qui n'arrivent pas dans ces deux classifications-là, du tout, du tout, et qui posent des problèmes majeurs quand même. Alors, moi, je suis porté à demander au ministre de donner la commande dans son ministère pour qu'on... D'abord, peut-être a-t-il quelque chose sur le métier? Je lui pose la question.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): On a beaucoup de choses.

M. Lazure: oui, mais plus précisément, là. sur le bruit environnemental, autre que celui qui sort des carrières, sablières ou des usines de béton bitumineux.

M. Maltais: Parlez plus fort, docteur.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai au moins une demi-douzaine de règlements qui sont en préparation et je n'oserais pas vous affirmer que, dans cette demi-douzaine-là, on n'a pas tenu compte de l'aspect bruit.

M. Lazure: Bien, en tout cas, on peut vous inciter à en tenir compte, si ce n'est pas fait. M. Nollet a raison, c'est de plus en plus un problème social.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Deux éléments avec lesquels on est aux prises...

M. Lazure: Parce qu'il y a beaucoup de...

M. Paradis (Brome-Missisquoi):... les odeurs et les bruits.

M. Lazure: Oui, les odeurs et les bruits. Tout le monde comprend que c'est difficile.

Le Président (M. Garon): Surtout dans les polyvalentes. La musique dans les polyvalentes. On pourrait commencer par là.

M. Lazure: C'est difficile. Une dernière remarque, M. le Président. Je trouve inquiétant aussi, comme M. Nollet le fait ressortir, qu'il y ait si peu de personnes, au ministère de l'Environnement, formées dans ce secteur-là. Si peu de personnes, pour ne pas dire personne. J'espère qu'avec les quelques millions de dollars additionnels que le ministre aura peut-être dans son prochain budget, il va mettre de côté une certaine somme pour l'embauche d'experts en bruit environnemental.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Nous avons deux personnes dans la région, quand même, qui ne sont pas à plein temps, sur ces notions de bruit, mais qui sont comme personnes-ressources au ministère de l'Environnement.

M. Lazure: Et il n'y a personne au central?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, il n'y a personne. La chaise...

M. Lazure: La chaise est toujours vide.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): La chaise est vide, comme l'a indiqué M. Nollet.

M. Lazure: C'est vraiment désolant. M. Maltais: Ils n'ont trouvé personne.

M. Lazure: Alors, M. le Président, au nom de l'Opposition, je remercie M. Nollet pour sa contribution.

Le Président (M. Garon): Alors, ceci étant dit, je suspends les travaux de la commission pendant quelques instants, le temps que les représentants des différents partis politiques saluent M. Nollet, en attendant que l'Union des producteurs agricoles, qui vient d'arriver, puisse s'approcher de la table des délibérations.

(Suspension de la séance à 21 h 40)

(Reprise à 21 h 43)

Le Président (M. Garon): Alors, la commission va reprendre ses travaux pour entendre son dernier interlocuteur de la journée et de ses audiences publiques historiques. La parole est à l'Union des producteurs agricoles, représentée ici par M. Jean-Yves Couillard, deuxième vice-président, ainsi que par quelqu'un qui l'accompagne, qu'il pourra nous présenter. Je lui rappelle qu'il a 20 minutes pour faire son exposé, 20 minutes pour la partie ministérielle pour l'interroger, 20 minutes pour la partie de l'Opposition officielle pour interroger. Ce qui sera pris en plus par les intervenants sera soustrait aux deux parties, dans une part égale; ce qu'ils prendront en moins pourra être ajouté de part et d'autre aux parties, si elles le désirent. À vous la parole, M. Couillard.

Union des producteurs agricoles

M. Couillard (Jean-Yves): Merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, vous comprendrez qu'on trouvait important de venir vous faire part un peu de nos appréhensions. C'est pourquoi on se présente devant la commission. Mais, quand on vient à Québec, on frappe toujours une petite tempête. Sûrement que ceux qui viennent à Montréal frappent une petite tempête semblable mais, ce soir, c'est quand même un petit peu dangereux sur les chemins. Ça nous faisait plaisir quand même d'être ici.

Le Président (M. Garon): II ne fait pas beau?

M. Couillard: Non, dans Québec, là, ça va bien. Mais, à l'extérieur, ça va moins bien.

Le Président (M. Garon): Ne me dites pas que vous avez amené la tempête à Québec.

M. Couillard: C'est ça qu'on a essayé de faire. Écoutez, de toute façon, là, on ne se gêne pas pour le dire.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Dans !e coin de Lévis, ce n'est jamais bien beau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Couillard: Oui, mais ça a commencé à Sainte-Hélène en s'en venant. De toute façon, M. le Président...

Une voix: C'est dans votre comté.

M. Couillard: Oui, oui. Alors, l'environnement est de plus en plus au coeur des préoccupations des gens. C'est le cas notamment des agriculteurs et des agricultrices qui sont d'abord, à cause de leur profession, directement concernés par les lois et les règlements applicables en la matière, mais qui sont également, à cause de leur profession encore, sans doute, maintenant pleinement conscients de la nécessité de préserver l'environnement, certes la plus essentielle de toutes les ressources. Ils et elles ont d'ailleurs amorcé un virage dans leur façon de faire, orientée dorénavant davantage vers le développement durable.

Dans ce contexte, on comprendra que c'est avec beaucoup d'attention et un vif intérêt que l'Union des producteurs agricoles a pris connaissance du projet de loi 412, Loi sur l'Office de protection de l'environnement du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, déposé récemment à l'Assemblée nationale. D'abord un peu étonnés, perplexes même, nous sommes maintenant inquiets face à la plupart des réformes qu'on voudrait introduire par cette pièce législative. En réalité, nous ne voyons pas comment ces réformes pourraient améliorer les choses et nous en craignons divers effets pervers. Puis, alors que les besoins sont partout criants, nous croyons qu'il faut éviter de risquer de s'embourber dans des chambardements administratifs et organisationnels aussi majeurs que ceux qui nous sont suggérés.

Pour ces raisons, malgré les problèmes que vous connaissez et qui mobilisent toutes nos forces et toutes nos énergies, l'Union des producteurs agricoles a tenu à vous faire connaître ses points de vue et opinions. Les grands problèmes que vous avez, je pense que vous les connaissez. Il y a celui-là, bien sûr, l'environnement, mais on en a beaucoup d'autres également.

Alors, pour mémoire, on rappelle ici que l'Union des producteurs agricoles représente officiellement les 48 000 producteurs agricoles que compte encore le Québec, et elle compte également dans ses rangs près de 120 000 producteurs forestiers et producteurs de bois. Alors, notre organisation est certes l'un des principaux intervenants du grand Québec rural, et c'est à ce titre que nous nous adressons à vous aujourd'hui.

Le projet de loi 142 propose d'abord et surtout la création d'un nouvel organisme gouvernemental, l'Office de protection de l'environnement du Québec, qui serait principalement chargé de voir à l'application des diverses lois et réglementations environnementales, laissant du même coup au ministère de l'Environnement du Québec la responsabilité d'élaborer les lois, les règlements, politiques et programmes. C'est une réforme en profondeur du ministère de l'Environnement du Québec, réforme qui aurait un effet de balkanisation. Sous prétexte d'une meilleure application des lois et règlements on couperait le ministère de sa mission principale, le limitant à l'élaboration de normes et laissant à d'autres le soin de les appliquer.

Officiellement, l'objectif recherché serait

essentiellement d'en arriver promptement à une application plus efficace, plus rigoureuse et plus équitable des lois et règlements et à une meilleure protection de l'environnement. À l'analyse, cependant, nous ne voyons pas tellement comment, avec les mêmes ressources et les mêmes fonctionnaires, on pourrait soudainement faire des miracles, à moins que la création d'un seul conseil d'administration ne soit le remède à tous les maux, auquel cas il faudrait s'empresser de le faire pour tous les ministères.

Mais nous ne croyons pas qu'il en soit ainsi et demeurons convaincus que, pour des matières aussi importantes et conséquentes que la protection de l'environnement, le principe de la responsabilité ministérielle doit demeurer. Surtout par les temps qui courent, où la morosité s'étend comme une traînée de poudre, les grands choix à être faits ne sont certes pas toujours faciles. Ces choix doivent cependant demeurer la responsabilité d'élus devant rendre compte à la population. Cette raison justifierait à elle seule notre opposition catégorique au nouvel office proposé.

Mais il y a plus encore: nous trouvons dangereuse l'idée de séparer la fonction de conception de la fonction d'application. Un certificat d'autorisation n'est pas un permis d'alcool. La protection de l'environnement nécessite des actions coordonnées et concertées. C'est ce que nous enseigne d'ailleurs le rapport de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement: «Le caractère d'intégration et d'interdépendance des défis et des problèmes nouveaux est en contraste frappant avec la nature des institutions qui existent actuellement. Les institutions concernées tendent à être interdépendantes, fragmentées, exerçant leurs attributions selon des mandats assez restreints et des processus de décision fermés.»

Dans cet esprit, nous sommes d'avis qu'une direction unique - le ministère, en l'occurrence - devrait être le meilleur moyen d'arriver à des bons résutats. À titre d'exemple, nous pensons que pour rédiger des normes qui ont du bon sens il faut avoir une bonne connaissance de la réalité en cause et des problèmes quotidiennement vécus. Scinder . les deux fonctions ne donnerait sans doute pas toujours des effets très heureux.

De même, nous avons tout lieu de croire que cette réforme aurait pour effet de centraliser davantage l'exercice des fonctions gouvernementales en matière de protection de l'environnement. Ce serait, selon nous, une grave erreur. Un geste environnemental efficace présuppose une bonne connaissance du milieu. Ce n'est certes pas dans des bureaux sur la Grande-Allée qu'on peut juger le mieux des effets possible d'une porcherie ou d'un poulailler, par exemple. Si des réformes s'imposent, elles devraient viser à doter les régions de ressources plus adéquates et à leur donner plus de pouvoirs décisionnels.

Par ailleurs, nous signalons au passage qu'il ne serait peut-être pas sage de faire de l'application rigoureuse des normes l'un des principaux objectifs poursuivis. Ce qui compte, ce ne sont pas les normes, ce sont les résultats. S'il faut éviter l'arbitraire, il faut éviter de s'enferrer dans des règles rigides et immuables. Autrement, cela ne peut mener qu'à de graves erreurs, sans aucun effet positif pour l'environnement. Est-il nécessaire de refuser un projet - celui d'une porcherie, par exemple - à celui auquel il ne manque que quelques pieds seulement pour le respect d'une des normes de distance prescrites? Nous ne le croyons pas.

En conséquence, nous espérons que le gouvernement renoncera à son projet d'un Office de protection de l'environnement du Québec. Le ministère de l'Environnement du Québec possède, selon nous, tout ce qu'il faut pour faire ce qu'il faut. Si des changements sont nécessaires, qu'on y procède sans vouloir nécessairement réinventer la roue.

Les critiques ne sont pas toujours tendres envers ce ministère qu'on accuse d'inaction, jumelée à un culte du secret. On lui reproche également de n'éteindre que les feux, de s'attaquer seulement aux petits plutôt qu'aux véritables pollueurs. Que ces critiques soient fondées ou non, une chose nous semble certaine: il manque à ce ministère une vision des choses et un plan d'action, une stratégie, des éléments sans lesquels la meilleure volonté ne suffit pas. Le ministère de l'Environnement du Québec doit reprendre le leadership du dossier de l'environnement, et on doit également lui permettre de le reprendre. Il faut donner lui donner aussi, en même temps... Le projet dit qu'on veut qu'il le reprenne, mais il faut aussi permettre qu'il puisse le prendre.

Le nouveau projet. On sait, quand même, que vous êtes attaqués de toutes parts dans ces choses-là. Des fois, vous l'êtes de l'intérieur même, pas juste de l'extérieur. En tout cas, nous autres aussi on est là pour vous aider. Mais c'est pour vous dire que vous êtes un petit peu pressé de tous côtés. Dans ce temps-là, c'est beaucoup plus difficile d'avoir une action qui est concertée et qu'il y ait toujours un suivi d'un bout à l'autre.

Le projet de loi 412 propose également, pour le reste, l'instauration d'un nouveau recours permettant réformation de la plupart des décisions pouvant intervenir en matière environnementale: un mécanisme de révision simple pour cause, une révision de la nature d'un appel devant des comités de révision et un appel final devant la Cour du Québec, qui remplacerait l'actuel pourvoi devant la Commission municipale du Québec.

Les deux premières propositions nous semblent nettement intéressantes et nous espérons qu'on y donnera suite dans les meilleurs délais. En effet, la révision simple permettrait,

par exemple, de remédier promptement et à peu de frais à une décision fondée sur une preuve incomplète ou à diverses erreurs ayant pu se glisser dans une décision. Quant au pourvoi devant un comité de révision, il pourrait également s'agir d'un mécanisme simple, rapide et peu coûteux, permettant de faire valoir ses droits. Pour que ces comités soient vraiment utiles, pour qu'ils jouent pleinement leur rôle, nous croyons cependant et nous suggérons qu'il devrait s'agir de bancs spécialisés ayant une parfaite connaissance de chacun des secteurs concernés. À titre d'exemple, des commissaires spécialisés en questions agricoles, bien au fait des règles de l'art et des contraintes du métier, pourraient sans doute rendre des décisions qui, tout en étant soucieuses de l'environnement, tiendraient compte de la réalité des choses.

Par ailleurs, l'idée d'un pourvoi devant la Cour du Québec, tant pour des questions de fait que pour des questions de droit, nous semble beaucoup moins heureuse. Nous voyons fort mal comment le système judiciaire traditionnel pourrait valablement décider des incidences d'un projet sur l'environnement et nous sommes de ceux qui croient que ce système n'est pas des plus efficaces. Judiciariser, c'est souvent paralyser. Un tribunal administratif spécialisé, accessible, avec des règles de fonctionnement simples, présente, de loin, les meilleures garanties, les plus justes, les plus efficaces.

Si on est insatisfait de la Commission municipale du Québec, qu'on y nomme de nouveaux commissaires spécialisés en matière environnementale. On pourrait s'arrêter là, ou confier le mandat à un nouvel organisme du genre. Mais on pourrait s'arrêter à la première recommandation, ce serait encore plus facile.

Des réformes malvenues. De façon générale, l'Union des producteurs agricoles se prononce contre le projet de loi 412. Non seulement nous ne croyons pas que ce projet soit apte à améliorer la situation actuelle, mais nous craignons qu'il ne vienne l'aggraver par des préoccupations d'ordre bureaucratique et par une judiciarisation qui n'a rien de rassurant.

La protection de l'environnement doit demeurer la responsabilité du ministère de l'Environnement du Québec. C'est son ministre qu'on jugera, comme il se doit, selon les traditions du pays, quand le temps viendra, à ses actions ou à son inaction.

Quant aux nouveaux recours proposés, si certains sont intéressants et devraient être rapidement mis en place, il faut à tout prix éviter le piège de la judiciarisation qui ne mène à rien qui vaille. Ces recours devraient demeurer sous la juridiction des tribunaux administratifs, beaucoup plus prometteurs.

Le Québec accuse beaucoup de retard en matière de protection de l'environnement. Les dommages sont considérables et, souvent, irrémédiables. Mais nous savons maintenant que les choses ne peuvent pas continuer, à moins de vouloir courir à une catastrophe certaine. Il faut passer à l'action, non pas en travaillant sur des organigrammes, mais en travaillant à changer la réalité des choses.

L'Union des producteurs agricoles est prête à faire sa part. Nous avons d'ailleurs déjà commencé. Ainsi, depuis quelques années, nous avons entrepris, avec ceux et celles que nous représentons, une réflexion en profondeur sur la pratique agricole traditionnelle. Cet exercice aboutit à une remise en question et à la formulation d'alternatives axées davantage sur un objectif de conservation et de développement durable.

De même, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et avec le ministère de l'Environnement, nous travaillons présentement à un projet portant sur la gestion des surplus de fumier. Nous sommes à l'heure de rédiger un guide des pratiques agricoles qui suggérerait des nouvelles règles de l'art en vue d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Nous travaillons aussi sur des politiques de gestion des fumiers, soit au niveau de l'entreposage, du compostage, de l'épandage, et le reste.

Nous comptons bien continuer, voire nettement accentuer ces efforts d'information et de formation. Finalement, même si le ciel n'est pas toujours au beau fixe entre nous et le ministère de l'Environnement du Québec, nous tenons à vous assurer que ce dernier trouvera toujours en nous un interlocuteur intéressé et ouvert au dialogue et à la discussion.

Pour terminer, l'Union des producteurs agricoles profite de l'occasion pour appuyer l'idée déjà lancée, comme ça existe ailleurs, d'un fonds spécial qui serait constitué de diverses redevances, droits et pénalités prélevés en application des lois environnementales, qui devrait servir exclusivement au financement de projets destinés à prévenir la pollution et à en corriger les effets.

Alors, on voulait vous présenter ce court mémoire, M. le ministre, et M. le Président, pour vous dire un petit peu quelle est notre pensée.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président.

Le Président (M. Garon): M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Merci, M. le Président. Je tiens à remercier l'Union des producteurs agricoles et ses porte-paroles, M. Couillard et M. Ménard, pour la présentation de leur mémoire. C'est un peu gênant pour le ministre de l'Environnement de vous recevoir dans cette commission parlementaire parce que je sens toujours qu'on néglige le monde agricole au ministère de l'Environnement du Québec.

Quand je fais le bilan de la réglementation

environnementale sur le plan municipal, sur le plan industriel, je me rends toujours compte que celui qu'on a oublié, c'est le monde agricole. Et, ça, pour un ministre de l'Environnement, c'est gênant. Je demandais à mes fonctionnaires de me faire la liste des règlements qu'on a adoptés en environnement, qui s'appliquaient à l'agriculture. Ils ne m'en ont trouvé un! On a un règlement sur la prévention de la pollution de l'eau par les établissements de production animale. On me dit que c'est le seul qu'on a. On a des codes de gestion, on a des directives, on a des politiques et on a toutes sortes d'affaires, mais on n'a surtout pas de réglementation et on se sent parfois en retard sur les autres sociétés comtem-poraines avec lesquelles on se compare. On voudrait s'excuser, ce soir, auprès de vous, de ne pas avoir été, au cours des dernières années, plus vigilants pour qu'ensemble nous puissions élaborer une réglementation qui serve et les producteurs agricoles et l'ensemble de la société québécoise sur le plan environnemental.

Mais ce n'est pas parce qu'on n'a rien fait qu'on vous a négligés et qu'on vous a oubliés. J'ai vu quelques allusions dans votre mémoire et je voudrais profiter de votre présence devant cette commission parlementaire pour vous faire un peu le bilan de nos actions et de nos préoccupations des dernières années.

C'est à la demande et suite à l'insistance de l'Opposition que je vais tenter de résumer ce bref historique. Le ministère de l'Environnement, c'est le plus jeune des ministères, c'est le plus petit des ministères au gouvernement du Québec. Il a été créé il y a une dizaine d'années. Il a été créé au fur et à mesure que les crises sont survenues. Quand je suis arrivé en 1989, j'ai regardé l'organigramme sur mon bureau. Je pense qu'à mesure qu'il y avait une crise on créait une direction régionale... Pas une direction régionale, une direction générale dans le but de solutionner la prochaine crise qui arriverait. Mais elle n'était pas dans ce domaine-là, ce qui fait qu'à la crise d'après on créait une autre direction générale pour solutionner la crise passée. (22 heures)

On a tenté de mettre un petit peu d'ordre là-dedans au tout début, et on l'a fait à la verticale et à l'horizontale. On s'est dit: Quelles sont nos principales sources de pollution au Québec? On va tenter de mieux servir notre clientèle. On s'est dit: Quelles sont nos principales sources de pollution au Québec? On va tenter de mieux servir notre clientèle. On s'est dit, bon, les sources de pollution: municipale, industrielle, agricole - on est obligé de mettre ça comme une activité économique importante - ça, ce sont nos clientèles à la verticale. À l'horizontale, on a tenté de rapprocher les services de la population. On a créé un sous-mi-nistériat aux opérations régionales et on s'est dit: C'est bien «le fun» de travailler dans le passé et dans le présent, mais il faut également tenter de maîtriser l'avenir. On a créé un sous-ministériat au développement durable dans le but de planifier l'avenir. À cette époque-là, ce n'était pas tellement rose d'être fonctionnaire au ministère de l'Environnement, ni client, je suppose, ni ministre, en tout cas. Le taux d'insatisfaction de l'ensemble de la population envers le ministère de l'Environnement il y a deux ans: 70 %. C'est un taux dont personne ne peut avoir de raison d'être fier.

On a tenté de passer à l'action sur le plan législatif et sur le plan réglementaire. La première année, on est passés aux priorités d'hier et d'avant-hier. On a passé la loi 65, loi sur le pollueur-payeur. Ça n'a pas été facile, mais on a eu la collaboration de tous les parlementaires et on a réussi à la passer. Deuxième loi, on a créé une société d'État, la société d'État RECYC pour la récupération et le recyclage.

On a passé un seul règlement en 1990, c'est le règlement sur le contenu en soufre dans le mazout lourd, de façon à respecter nos engagements en matière de pluies acides; et ça, je sais que l'UPA y tenait à ce que le Québec respecte ses engagements en la matière. Mais, pour faire ça, ce n'est pas une politique ni une directive qu'on a été obligés de passer aux pétrolières, c'est un règlement. Ça n'a pas été facile parce qu'elles ne le voulaient pas, et on a réussi à le leur imposer. Et, par rapport à ça, on a réussi à atteindre des objectifs, en matière de réduction des pluies acides, qui ont fait l'affaire des cultivateurs, soit dit en passant, qui étaient parmi les principales victimes desdites pluies acides.

En 1991, on a activé le rythme de législation et de réglementation. On a étendu le programme de la Société québécoise d'assainissement des eaux aux petites municipalités, dans toutes les régions du Québec. On avait fait les municipalités les plus denses, les plus importantes; il fallait continuer et, pour ça, il fallait modifier la loi.

Pour donner suite au rapport Charbonneau, entre autres, on s'est attaqué à ce qu'on appelait traditionnellement les déchets dangereux et, aujourd'hui, on a un législation sur les matières dangereuses qui englobe davantage et qui permet de recycler des éléments qu'on ne pouvait pas recycler avant parce qu'on les considérait comme des déchets, alors qu'il y a des matières qu'on pouvait réutiliser. On a fait une certaine allusion au fumier, tantôt.

Sur le plan des industries - parce qu'on avait fait beaucoup dans la pollution municipale mais on n'avait pas beaucoup fait dans la pollution industrielle; juste pour vous dire que vous n'étiez pas tous seuls qu'on négligeait, dans le temps, on avait également oublié les industries - on a adopté un projet de loi sur la réduction des rejets industriels.

Sur le plan des règlements publiés et mis en vigueur en 1991: règlement sur les carrières

et sablières; règlement sur les neiges usées, suite à une consultation avec les unions municipales; règlement sur les déchets solides, de façon à permettre à un gestionnaire d'un site d'enfouissement de refuser les déchets qui proviennent de l'extérieur de sa MRC; et règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage, suite aux événements que je ne rappellerai pas. On a également prépublié des règlements qui sont en consultation, sur les pâtes et papiers. Le règlement sur les déchets biomédicaux va entrer en vigueur le 1er avril prochain. Et, il y a deux semaines, le règlement sur les attestations d'assainissement en milieu industriel, de façon à vraiment appliquer dans le milieu industriel notre nouvelle approche de dépollution comme telle.

Sur le plan des autres actions, je pense que vous en êtes conscients et je tiens à vous remercier. Vous n'avez pas trop regimbé - si je peux utiliser l'expression - lorsqu'on a étendu la politique de protection des rives et cours d'eau à l'ensemble des cours d'eau de la province de Québec. Et ça, ça touchait votre clientèle, vos producteurs agricoles, parce qu'avant c'était limité strictement au Saint-Laurent et à ses principaux affluents. Mais, encore là, il s'agit d'une politique; je ne l'ai pas mis dans la réglementation.

Nous avons créé également des réserves écologiques de façon à préserver des milieux à l'état naturel pour que nos enfants comprennent ce qu'on a fait avec les autres milieux et nous en félicitent, ou nous en blâment, à l'avenir. La Loi sur les réserves écologiques date de 1974. En 1989, il y avait 21 réserves écologiques de créées; depuis ce temps-là, nous en avons créé 11 de plus, et il y en a 7 qui sont au niveau de la décision politique finale. Nous avons un plan triennal de 39 réserves écologiques et, à date, je pense que l'UPA a été correcte aussi lorsqu'il a fallu obtenir des dézonages agricoles pour créer des réserves écologiques. On n'a pas eu trop de difficultés.

Au niveau des interventions ministérielles à l'horizontale, le ministre de l'Environnement siège, depuis la dernière élection, au comité interministériel de développement économique, ce qui fait en sorte qu'il y a plus d'entreprises, même dans le domaine agro-alimentaire, qui obtiennent de l'aide financière du gouvernement, de SOQUIA, de REXFOR, de la SDI, etc., sans qu'elles soient conformes aux normes du ministère de l'Environnement, et ça, c'est une action à l'horizontale qui est très efficace.

Tout ça mis ensemble fait qu'il n'y a plus 70 % de la population qui est insatisfaite du ministère de l'Environnement, il y en a seulement 48 %. C'est encore beaucoup trop. Et, s'ils sont insatisfaits, c'est parce que nos actions ne sont pas assez percutantes, parce qu'on a des retards effarants dans le domaine agricole, effrayants parfois dans le domaine industriel, qu'on n'est pas rendu assez loin dans le domaine municipal et qu'on n'a surtout pas le temps, parce qu'on est pris à gérer des problèmes d'avant avant-hier. On est encore pris avec les BPC de Marc Lévy et la Balmet à Saint-Jean-d'Iberville, et on est encore en train de décontaminer Saint-Amable. On règle les problèmes d'avant avant-hier, et tout le monde au ministère est pris dans le problème d'avant-hier. Des fois, on se rend au problème d'aujourd'hui, mais on n'a jamais le temps de voir le problème de demain, par exemple, parce que les missions qui nous sont confiées sont englobantes, accaparantes. À ce point-là, il faut s'en occuper.

On a régionalisé au cours des deux dernières années en pensant que l'action se passait en région et qu'on pourrait libérer les gens à Québec pour faire ce qu'on appelle des politiques, peut-être des règlements aussi - quand vous penserez que ça va être mûr - et de la législation. Et on n'a pas réussi parce que le dossier entre en région et remonte à Québec et les gens continuent à être poignes dans le quotidien. En créant un office de protection de l'environnement, tout ce qu'on vise, ce n'est pas autre chose que de l'efficacité administrative. Dans l'émission des permis, le suivi à donner aux permis, dans les ordonnances qui doivent être rendues, on pense qu'un office peut s'occuper de ça à partir des bureaux régionaux.

D'ailleurs, on s'inspire beaucoup de la sagesse des agriculteurs dans notre approche. Moi, je regarde le ministère de l'Agriculture. Il a un petit peu plus d'âge, de profondeur, de culture que le ministère de l'Environnement du Québec. Et c'est drôle, je relis des mémoires de commissions parlementaires et je ne vois pas l'Union des producteurs agricoles venir nous dire: Toutes les affaires de permis de produire, de quotas et de mises en marché, et tout ça, là, ça devrait être le ministère qui s'occupe de ça, parce qu'il ne faut pas faire deux organismes. Non, je pense que l'UPA est d'accord avec l'existence de la Régie des marchés agricoles du Québec pour devenir le bras d'application des permis de produire aux producteurs.

Et je regarde, lors de la création de la Commission de protection du territoire agricole, l'UPA n'a pas dit: II s'agit de créer un organisme, et tout ça. Non, non, on s'est dit... Les décisions et la responsabilité politique, l'im-putabilité politique, je ne l'ai pas retrouvée, moi, à ce moment-là, dans les mémoires de l'Union des producteurs agricoles, lorsqu'il a été question de mettre sur pied la Commission de protection du territoire agricole. Au contraire, on disait: Ça prend, une fois que la loi est passée, une certaine indépendance, mais le ministre va demeurer responsable, par exemple, face à l'Assemblée nationale, face aux élus et, lorsque les élections arriveront, on lui réglera son compte en temps et lieu et de la façon appropriée, ou bien avec des remerciements ou bien avec autre chose.

Sur le plan du financement, quand ils ont créé l'Office du crédit agricole, moi, je n'ai pas entendu l'UPA dire: Ils sont capables de gérer ça avec le ministère; ils ont juste à créer une division au ministère de l'Agriculture.

Le Président (M. Garon): M. le ministre, vous ne pouviez pas entendre; vous n'étiez pas au monde à ce moment-là.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Non, mais j'ai lu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): J'ai même lu qu'à un moment donné Maurice Duplessis avait facilité les choses pour Adélard Godbout. Est-ce que ça vous rappelle des souvenirs?

M. Maltais: C'est le docteur qui lui a conté ça.

Le Président (M. Garon): Je ne l'ai pas entendu, moi non plus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je ne l'ai pas entendu, mais je l'ai lu.

Le Président (M. Garon): Je n'étais pas au monde, moi non plus.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): L'Union des producteurs, c'était l'UCC, à ce moment-là. C'était l'Union catholique des cultivateurs. Puis elle ne s'est pas plainte de la création d'un organisme comme tel.

Quand, en matière environnementale, on tente de se doter du minimum d'outils et que j'ai un client que j'ai dû négliger parce que je n'avais pas les outils et que le client vient me dire: Je ne hais pas ça, être négligé, comme ministre de l'Environnement, je suis un petit peu inquiet. Moi, je vise à avoir un ministère qui soit capable, même à partir du ministère du Revenu, là-bas, de dialoguer avec le bureau sur le boulevard Therrien. C'est aussi en ville, ça, l'un que l'autre. Il y en a un qui est quasiment dans le comté de Portneuf et l'autre est quasiment dans un comté rural. Ils sont capables de se parler, ces gens-là, et de communiquer également avec leurs bureaux régionaux - parce que l'UPA a des bureaux dans chacune des régions mais elle a également un siège social - et de fonctionner un petit peu comme ça. Je me dis que ce n'est pas défendu, ça, pour l'environnement, d'aspirer à être aussi efficace que les agriculteurs. M. Couillard.

M. Couillard: Vous voudriez que je réponde à tout ça?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): C'est spon- tanément. Je sais que vous êtes capable.

Le Président (M. Garon): À vous la parole, M. Couillard.

M. Couillard: Je ne voudrais pas être trop, trop politicien parce que, là, c'est difficile d'être bien mieux que vous, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ah!

M. Couillard: Par contre, lorsque nous autres on a parlé de l'environnement on a cru que l'environnement, ce n'était pas juste l'affaire des agriculteurs, c'était l'affaire de tout le monde. À partir de ce moment-là, c'est pour ça qu'on émet que ça relève vraiment du ministère de l'Environnement. C'est bien sûr que vous avez comparé ça à la Régie des marchés agricoles, vous avez comparé ça à la CPTAQ, vous avez comparé ça à plusieurs organismes, mais vous savez quand même quel rôle chacun des organismes a à jouer à l'intérieur de ça. Bien sûr que la CPTAQ, on ne peut pas dire que c'est l'organisme des agriculteurs; c'est bien plus l'organisme des agriculteurs, des municipalités, c'est l'organisme un petit peu de tout le monde qui a à contrôler ça. Ce n'est pas juste l'organisme...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Ça ne relève pas du ministre des Affaires municipales, parce que j'ai déjà été aux Affaires municipales.

M. Couillard: Ça relève du ministre de l'Agriculture. Nous autres, on dit qu'on ne peut pas non plus s'opposer à ça, mais lorsqu'on parle de l'environnement, pour nous autres, on aimerait bien que ça demeure au niveau du ministère de l'Environnement. C'est une tâche qu'on voit vraiment essentielle et qui ne doit pas non plus être appliquée par un autre. Chaque fois que vous créez une petite régie comme ça, comme la Régie des marchés agricoles qui a été créée pour un but bien précis, où tout le monde peut s'exprimer, c'est bien certain que ça fait différent de la régie qui est créée au niveau de l'application seulement, comme vous le mentionnez à l'heure actuelle dans votre projet. Alors, pour nous autres, ça fait une différence; c'est pour ça qu'on vous l'exprime.

Mais on savait pertinemment, M. le ministre, que vous étiez pour nous citer ces deux exemples-là en particulier en venant ici ce soir. On est contents que vous le fassiez parce que c'est quand même des organismes avec lesquels on aime travailler. C'est des organismes, quand même, malgré ça, dont on peut dire qu'ils ne sont pas... Quand on parle de judiciariser, on peut s'exprimer assez facilement vis-à-vis de ces organismes-là sans être obligé d'avoir des avocats et on peut faire des choses qui sont simples. Et on voudrait aussi qu'ils demeurent simples, ces organismes-là.

Mais il y a un petit peu trop d'avocats, à mon sens. D'ailleurs, je suis allé assister souvent aux audiences. Je pense que vous êtes conscient de ça, M. le ministre; j'étais présent à assez d'audiences. La CPTAQ, j'aime mieux ça parce que c'est plus facile d'accès et on peut s'exprimer plus facilement. Lorsqu'on vous parlait tout à l'heure de rester au niveau des gouvernements, c'est dans ce but qu'on voulait aussi que vous le regardiez, parce que vous en gardez vraiment le contrôle mais, en même temps, il faudrait nous mettre des petites choses très simples. C'est ça qu'on a exprimé, tout simplement, dans notre mémoire.

On dit que ce qui est le plus simple, c'est là qu'on a les meilleurs résultats. Ce qui compte pour nous autres, c'est d'avoir des résultats, on vous l'a bien mentionné. Ce n'est pas non plus de s'engager, de s'atteler juste sur des normes. Est-ce qu'il manque deux pieds? S'il manque deux pieds, mon garçon, c'est bien de valeur mais tu ne pourras pas t'agrandir, tu ne pourras plus continuer. On veut avoir des choses qu'on dit «vivables». Ce n'est sûrement pas le mot, là, mais, au moins, qu'on puisse continuer à faire de l'agriculture. À l'heure actuelle, c'est pour ça qu'on mentionne également dans notre mémoire qu'on veut collaborer avec vous autres, non pas juste au point de vue de la réglementation mais on veut collaborer avec vous autres et établir comment on peut faire de l'agriculture tout en respectant la nature. Lorsqu'on parle du plan PAGES, c'est une chose...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. Couillard, est-ce que vous me permettez? La question des deux pieds, c'est un exemple très pratique, très concret que vous m'amenez. On en a, des cas, au ministère de l'Environnement, qui sont des cas pénibles dans la situation actuelle, et, si le ministre qui est le responsable de l'application comme telle prend une décision sur les deux pieds, est-ce que je peux vous dire de quoi, moi? Il va être crucifié, le ministre, qu'il la prenne dans le sens qu'il voudra. S'il la prend pour ne pas permettre à l'agriculteur, c'est l'UPA qui va dire: Le ministre n'a pas de bon sens. Il y avait deux pieds. S'il la prend dans le sens contraire, ce sont les voisins ou je ne sais pas trop qui, quelqu'un d'autre qui va venir se plaindre et dire: Le ministre fait du patronage parce que le beau-père de la belle-mère a déjà marié une cousine - on sait comment ça marche, là - et ils vont trouver un lien de parenté quelque part.

Que le ministre de l'Environnement ait la même latitude que le ministre de l'Agriculture et qu'il puisse dire: J'ai un organisme qui, à l'intérieur de paramètres bien définis, est capable de prendre ce type de décision là de façon non politique, si je peux utiliser le terme, vous ne pensez pas que ce serait souhaitable pour les agriculteurs au Québec?

M. Couillard: Non. Je pense que vous êtes capable de le faire à l'intérieur de votre ministère, sans que ce soit aussi engageant. Et la façon, je peux vous le dire, si ça peut vous aider, M. le ministre...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je passerais mon temps à témoigner dans les causes devant les tribunaux, par exemple. (22 h 15)

M. Couillard: Non, non, non. Moi, la façon que je pourrais vous dire... Vous êtes conscient, quand même, que vous pouvez vous construire une maison tout proche d'un cours d'eau. Vous avez un champ d'épuration. En autant que vous avez, je ne sais pas, 30 pieds, même pas, d'un cours d'eau, c'est ça qu'ils demandent, les règlements municipaux. C'est un champ d'épuration; ça ne fait toujours pas loin. Un agriculteur qui a une fosse, qui a tout et qui, en fin de compte, pour être réglementaire, ça veut dire que sa fosse, il ne faut pas qu'elle coule, ça veut dire qu'il y a encore moins de pollution que la maison, mais il faut qu'elle soit 10 fois plus loin. C'est justifiable dans certains milieux. Il y a des choses, des décisions, il me semble, qui seraient tellement faciles à comprendre, si vous mettez les choses telles qu'elles sont. Mais je vous comprends, je comprends que, si vous avez un organisme qui est à côté, qui prend des décisions à votre place, il y a souvent des places où c'est moins engageant. Ça, je comprends ça, mais je suis convaincu, par exemple, que...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Mais on conserve la responsabilité devant l'Assemblée nationale, devant la population du Québec.

M. Couillard: Mais je suis convaincu quand même qu'il ne faut pas non plus éloigner tout le temps les décisions. À chaque fois que vous commencez à éloigner les décisions, ça devient toujours aussi plus pénible, plus onéreux. Moi, c'est un peu la façon dont je l'exprime dans ma pensée. Moi, chez nous, j'aime bien être maître des décisions qui se prennent, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): m. couillard, je suis en train de me faire rappeler à l'ordre par l'opposition officielle. je déteste ça, mais ça fait partie du régime parlementaire.

M. Lazure: Les droits de l'Opposition, M. le Président. Merci. Vous me donnez la parole?

Le Président (M. Garon): Vous avez fini, M. le ministre?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Je n'ai pas terminé, moi. Je pourrais discuter avec M. Couillard jusqu'à minuit.

M. Lazure: Ah bien...

Une voix: Ah!

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Facilement.

Une voix: On ne vous dérangera pas, on va vous laisser faire.

Le Président (M. Garon): M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Merci, M. le Président. Moi, je n'ai pas été trop surpris en lisant le mémoire de l'UPA, au mois de février, de leur position. Je connaissais un peu leurs vues, leurs opinions. J'avais assisté, moi, au congrès de l'UPA, atelier environnement, atelier présidé par M. Pierre Gaudet, qui avait été fort intéressant. Je souhaiterais que le ministre de l'Environnement écoute l'UPA plus souvent, parce que l'UPA a des engagements vis-à-vis de l'environnement, qui sont aussi valables que ceux de n'importe quel autre groupe au Québec, mais elle a des suggestions bien précises. Et sa sagesse se reflète autant dans ce mémoire-là qu'elle s'est reflétée dans d'autres mémoires. Et c'est une sagesse qui est répercutée, qui nous a été transmise par la très grande majorité des groupes qui sont venus. Vous êtes le dernier groupe - c'est 30, 31 ou 32, je ne sais plus - et la très grande majorité des groupes ont dit au ministre: Vous faites une erreur. Vous, vous utilisez des expressions comme «les chambardements administratifs inutiles», «pas de plan d'action», «pas de stratégie». Ça a été dit a maintes et maintes reprises. Et vous avez raison, vous avez absolument raison.

Et ce n'est pas exact qu'en créant une nouvelle structure on va venir régler ces problèmes-là, l'absence de stratégie, l'absence de plan d'action. Ce n'est pas exact de dire, comme le ministre l'a fait, que si on a un office on va pouvoir donner de l'autonomie accrue aux régions. Ça peut très bien se faire dans le cadre actuel. Il a instauré une grosse réforme il y a deux ans, quand il est arrivé, et il ne donne même pas le temps à ses fonctionnaires d'intégrer cette réforme-là. C'est bien parti dans certains secteurs, en région en particulier, mais il y a encore beaucoup à faire, surtout dans le sous-ministériat au développement durable, où la chaise est vide depuis le départ de M. Harvey Mead. La chaise est vide ou occupée par un intérimaire, peut-être. Mais nous, à l'Opposition, en tout cas, on concourt avec votre prise de position.

Vous faites aussi des remarques intéressantes, des suggestions intéressantes qui pourraient être retenues, même sans l'Office. Le fonds de réparation, par exemple. Vous faites allusion au fonds américain, le superfonds. Vous parlez aussi, à juste titre, de l'importance de ne pas judicia-riser à l'extrême, de recourir plutôt à une certaine forme de tribunal administratif plus expéditif, plus à la portée des gens. Et tout ça, ce sont des recommandations que le ministre devrait retenir, quant à nous.

M. le Président, on arrive à la fin de nos délibérations. Je soupçonne, malheureusement, que le ministre n'a pas été suffisamment ébranlé pour nous annoncer ce soir qu'il retire son projet de loi. Moi, je veux l'inciter sérieusement, l'inciter à relire tous les mémoires - les 30, 31 ou 32 - et, s'il fait deux colonnes, les «pour» et les «contre», il va bien se rendre compte que la colonne des «contre» son projet de loi est extrêmement débalancée par rapport à la colonne des «pour». Le ministre a eu maintes et maintes occasions de nous déposer des documents, des études qui auraient motivé cette réforme-là. Il ne l'a pas fait. Il ne l'a pas fait. Et les fonctionnaires professionnels de son ministère sont venus, de même que les ingénieurs de son ministère. Les deux groupes nous ont dit: Nous, on n'en veut pas, de cette réforme-là. Continuons dans la réforme qui a été entreprise.

M. le Président, je n'ai pas de question particulière à poser à M. Couillard, parce que c'est clair, son mémoire. Nous, l'Opposition, on l'endosse à 100 %. On regrette que le ministre n'ait pas la même réaction. On dit au ministre: II est encore temps de comprendre. Il est encore temps de surseoir à l'adoption de ce projet de loi. Et je lui rappellerai qu'en 1987, alors qu'il était ministre du Travail, il a piloté un projet de loi, le projet de loi 30 qui devait créer la Commission des relations du travail, et qui a été adopté, sanctionné en décembre 1987. Mais, au moment où on se parle, il n'est toujours pas en vigueur. Il n'est toujours pas en vigueur quatre ans et demi après. Et ça, ce n'est pas très intéressant pour un ministre qui s'est avancé avec un projet de loi, puis qui a fait des beaux discours comme il l'a fait depuis deux semaines ici. À l'époque, en 1987, il a fait de très bons discours pour soutenir son projet de loi, mais, heureusement, son gouvernement s'est rendu compte que ce projet de loi venait justement chambarder des structures. C'était un projet de bricolage, parce que ça venait abolir un certain nombre d'organismes qui fonctionnaient bien, en particulier le Conseil sur les services essentiels, qui fonctionnait très bien. Et son gouvernement a fini par lui faire comprendre qu'il valait mieux ne pas toucher à ces organismes qui fonctionnaient bien.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...la présidente. C'est Madeleine Lemieux, la présidente.

M. Lazure: J'ai la parole, M. le Président. Est-ce que j'ai la parole?

Le Président (M. Garon): Oui, vous avez la parole.

M. Lazure: Bon. Alors, merci de ne pas m'interrompre, M. le ministre.

Le Président (M. Garon): Gardez-là!

M. Lazure: Je répète. Le ministre s'était entêté, en 1987, à faire traverser les différentes étapes à son projet de loi, le projet de loi 30, mais, après quatre et demi, le projet n'est pas devenu une loi en vigueur. Ce n'est pas en vigueur. Alors, si on n'arrive pas à le convaincre, espérons que nous arriverons à convaincre son gouvernement, son Conseil des ministres et, à ce moment-là, il aura, malheureusement, une pilule à prendre. Ce n'est pas agréable pour un ministre de se faire dire par son gouvernement. Ton projet de loi, on le met sur la glace. Mais, parfois, c'est la seule façon de régler une impasse.

M. le Président, je veux terminer en remerciant l'UPA pour sa contribution. Ce soir, comme à bien d'autres occasions, elle l'a faite en environnement. Et je veux aussi remercier tous les autres groupes qui sont venus, qui nous ont présenté des mémoires. Et j'oserais même remercier la présidence pour le travail efficace qu'elle a accompli pour diriger ces discussions depuis quelques semaines. Merci.

Le Président (M. Garon): Alors, la commission ayant accompli son mandat...

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Strictement pour remercier les divers intervenants qui se sont présentés à la table et l'Union des producteurs agricoles qui était le dernier mais non le moindre - parfois, on garde pour le dessert les gens de la fin - vous remercier, M. le Président, de la façon dont vous avez présidé ces travaux, remercier l'ensemble des parlementaires qui ont participé à ces travaux, le secrétariat de la commission et le personnel de soutien. Je pense que tout le monde a contribué à rendre l'analyse de ce projet de loi stimulante, intéressante, et tout ce que j'ose espérer, c'est que tout le monde tiendra compte de l'ensemble des points de vue qui ont été exprimés. Et, comme ministre de l'Environnement, je tiens à vous dire que je suis conscient que, dans son état actuel, le projet de loi mérite plusieurs bonifications avant de franchir des étapes ultérieures.

Le Président (M. Garon): Ceci étant dit, nous remercions les représentants de l'Union des producteurs agricoles d'être venus nous entretenir de leurs commentaires. La commission ayant accompli son mandat, nous ajournons ses travaux...

Une voix: Sine die.

Le Président (M. Garon): Nous ajournons nos travaux sine die, mais ça ne veut pas dire que nous n'y serons pas demain matin pour une séance de travail, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 22 h 25)

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