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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 7 mars 1996 - Vol. 34 N° 50

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Rémy Trudel
M. Michel Côté
Mme Margaret F. Delisle
M. Lawrence S. Bergman
M. Réal Gauvin
M. Geoffrey Kelley
M. Gérard R. Morin
M. Michel Rivard
M. Claude Lachance
Mme Danielle Doyer
*M. Michel Trahan, AQEEA
*M. Jacques Lavoie, idem
*M. André Martineau, Laidlaw inc.
*M. Jacques Thivierge, idem
*M. Roger Valois, CSN
*M. Michel Paquet, idem
*M. Denis Marcoux, idem
*M. Maurice Sauvé, idem
*M. Paul Talbot, FISA
*M. Gaston Verreault, idem
*M. Jean-Louis Gendron, idem
*M. Henri Grondin, idem
*M. Jean-Pierre Sauriol, Groupe Dessau
*M. Bernard Guillemette, idem
*M. Normand Plouffe, ville de Saint-Antoine
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quinze minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Benoit (Orford) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon); M. Cherry (Saint-Laurent) est remplacé par M. Bergman (D'Arcy-McGee); M. Middlemiss (Pontiac) est remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier); M. Perron (Duplessis) est remplacé par M. Lachance (Bellechasse); et M. Pinard (Saint-Maurice) est remplacé par M. Côté (La Peltrie).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la secrétaire. Alors, l'ordre du jour d'aujourd'hui, c'est: à 10 h 15, M. Pierre J. Hamel et M. Alain Sterck, je leur demanderais de bien vouloir s'approcher à la table; ensuite, à 11 heures, il y aura l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs; ensuite, à midi, il y aura suspension; à 14 heures, ça sera Laidlaw; à 15 heures, la Confédération des syndicats nationaux, la CSN; à 16 heures, la Fédération indépendante des syndicats affiliés; à 17 heures, le Groupe Dessau.

M. Trudel: Comme vous pouvez contater, Mme la Présidente, on n'est pas en retard, on est en avance, vous voulez dire.

La Présidente (Mme Bélanger): Là, de toute façon, je donne l'ordre du jour.

M. Trudel: Je vous remercie de le noter, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Pendant que je donnais l'ordre du jour...

M. Trudel: Je reconnais votre perspicacité habituelle.

La Présidente (Mme Bélanger): ...je demandais au groupe de s'approcher, mais, étant donné qu'ils ne sont pas là, on appellera l'autre groupe.

Alors, je continue mon ordre du jour. À 17 heures, ça sera le Groupe Dessau; à 18 heures, suspension jusqu'à 20 heures; à 20 heures, il y aura Mme Louise Beaulieu; 21 heures, la ville de Saint-Antoine; et, à 22 heures, ça sera l'ajournement.

Alors, étant donné que M. Pierre J. Hamel et M. Alain Sterck ne sont pas là, je demanderai à l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs de bien vouloir s'approcher.

M. Michel Trahan, M. Gaétan Bégin et Jacques Lavoie, nous vous souhaitons la bienvenue. Je vais vous donner les procédures. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi, par la suite, d'un questionnement de la part des ministériels pendant 20 minutes et d'un questionnement de la part de l'opposition pendant 20 minutes. Ce qui veut dire qu'on a une heure pour discuter avec vous. Si vous voulez bien, M. Trahan... Je suppose que c'est vous qui êtes le porte-parole?

M. Trahan (Michel): Oui, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, allez-y.


Auditions


Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs (AQEEA)

M. Trahan (Michel): Merci. Permettez-nous, Mme la Présidente, de vous remercier ainsi que vos collègues de la commission de nous donner l'opportunité de nous exprimer sur le projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

L'un des plus importants secteurs visés par les activités des membres de notre Association est justement le milieu municipal. Nos membres réalisent chaque année plus de 500 000 000 $ en travaux d'égouts et d'aqueducs dans les villes et villages du Québec. Nos membres sont en grande partie les constructeurs mêmes qui ont érigé les ouvrages visés par le présent projet de loi. L'expertise de nos membres se reflète chaque jour dans nos interventions en réparation et en entretien de toutes sortes ainsi que dans la construction de ces ouvrages. Les paramètres régissant les infrastructures municipales sont pour nous une réalité quotidienne. Un des fondements de notre Association est d'élever et de maintenir le plus haut niveau de compétence possible. Nous voulons donner à nos clients des ouvrages au meilleur prix possible, sans compromis sur la qualité. Pour ce faire, nous avons mis en place des mécanismes de préqualification rigoureux, capables de garantir à ceux qui recourront à nos services qu'ils obtiendront le meilleur rapport qualité-prix. C'est précisément dans cet esprit de responsabilité et d'excellence que nous voulons inscrire notre intervention aujourd'hui.

(10 h 20)

L'AQEEA, l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts aqueducs, est une association sans but lucratif qui a été formée par un groupe d'entrepreneurs spécialisés dans le domaine des égouts et aqueducs de la région du Grand Montréal. L'Association a pour mandat de promouvoir, défendre et protéger les intérêts de l'industrie de la construction des égouts et aqueducs, de favoriser les plus hautes normes de qualité et de faire valoir la compétence de ses membres. Mise de l'avant en juillet 1995, l'idée de base a vite fait de se propager et, dès novembre de la même année, l'Association avait obtenu ses lettres patentes. L'Association regroupe, à ce jour, un nombre croissant d'entrepreneurs et de fournisseurs. Le regroupement s'étend progressivement vers toutes les régions du Québec. Son but est de rassembler le plus grand nombre d'entreprises responsables spécialisées dans le domaine afin d'établir une base de préqualification de concert avec les intervenants gouvernementaux de niveaux municipal et provincial. L'Association entend jouer un rôle de leader pour uniformiser les standards de qualité tant chez les donneurs d'ouvrage que les entrepreneurs et fournisseurs en favorisant le partenariat entre les intervenants.

Nous saluons avec enthousiasme l'initiative du ministre des Affaires municipales, M. Rémy Trudel, de permettre aux sociétés d'économie mixte de voir le jour sur une base législative courante. Ce type d'entreprise existe déjà sur une large échelle dans d'autres pays où il a fait ses preuves. Cette formule a permis la mise en commun des habiletés des secteurs public et privé au meilleur profit des communautés desservies.

Face aux nouvelles contraintes économiques, il faut trouver de nouvelles façons de faire. En ce sens, les SEM constituent une solution pour notamment: stopper la croissance des coûts d'entretien et d'opération des services publics de tous genres et, ultimement, réduire ces coûts de façon significative; optimaliser les gestions des services et des coûts; créer un encadrement dynamique qui suppléera à l'efficacité limitée du secteur public, efficacité réduite par la lourdeur administrative, les contraintes syndicales et la faible productivité. Bien que les ouvrages à caractère communautaire devant desservir l'ensemble de la population nécessitent, pour leur gestion, un minimum de garanties quant au respect du patrimoine public, nous sommes persuadés que l'expertise développée par notre secteur privé alliée à son implication dans le milieu québécois est un gage de succès et en fait un partenaire privilégié dans l'établissement de ce nouveau champ d'activité.

Nous reconnaissons le bien-fondé de donner le contrôle aux villes sur certaines infrastructures municipales, mais nous croyons également qu'il est important de laisser à l'entreprise privée compétente la plus large part possible. Il faut lui donner toute la latitude possible pour réaliser les objectifs que les décideurs municipaux lui auront fixés. Ainsi, nous recommandons que le pourcentage de participation de l'entreprise privée puisse s'étendre jusqu'à 49 % pour toutes les SEM.

L'entreprise privée représente un partenaire idéal pour une municipalité car elle est l'intervenant de première ligne qui possède les qualités essentielles à ce rôle:

Par sa capacité de gestion. L'entreprise privée opère depuis des années avec une gestion serrée, essentielle à sa survie. Munie d'outils modernes de gestion, l'entreprise privée adopte et adapte ses outils de gestion, les valide et les améliore. La gestion est adaptée à la taille de l'entreprise pour un rendement optimal.

Par sa rentabilité. Encore une fois essentielle à sa survie, elle est obligatoire. Les entreprises privées ont toujours survécu en imaginant sans cesse des façons de travailler efficaces pour avoir des coûts très compétitifs, bien en deçà des coûts du secteur public.

Par sa flexibilité. L'entreprise privée dispose de plein de ressources pour s'adapter aux situations les plus diverses. Sa capacité d'intervention rapide en est le meilleur exemple.

Par sa compétitivité. C'est la règle de base, le moteur de l'imagination qui anime l'entreprise privée, la source de son succès.

Par sa compétence. On ne le soulignera jamais assez, c'est l'entreprise privée qui a bâti les diverses infrastructures que nous avons et, de ce fait, les connaît le mieux. Tout en les construisant, l'entreprise privée a contribué à les améliorer. Les concepteurs, bien au fait de cela, consultent régulièrement les constructeurs en élaborant leurs plans. Durant la construction et la mise en service, le constructeur est l'intervenant imaginatif qui, par son expérience et son professionnalisme, préconise des options avantageuses pour le client.

Par ses ressources. Une main-d'oeuvre rapide et efficace, des équipes expérimentées, des ressources disponibles.

Par son dynamisme. L'entreprise privée recherche sans arrêt de nouvelles façons de faire plus avec moins.

Nous reconnaissons que les intervenants doivent obligatoirement posséder toute la compétence nécessaire. À ce chapitre, les membres de notre Association constituent des partenaires de tout premier ordre. En effet, mieux que quiconque, nous avons une connaissance exhaustive pratique des infrastructures municipales. Nous avons déjà fait face à toutes les situations, planifiées et d'urgence, que l'on puisse imaginer. Après tout, n'est-ce pas nous qui avons mis en place et supporté une très large part de ces infrastructures municipales?

En général, l'entreprise privée a su maintenir son niveau de dépenses bien en deçà de ce qu'ont réussi les gouvernements locaux, notamment au chapitre de la rémunération de ses employés. Inutile d'insister sur l'article 45 de la loi du travail, qui constitue un irritant important pour plusieurs de nos membres et qui, à notre point de vue, va à l'encontre des lois du marché. Nous osons espérer, Mme la Présidente, que les SEM ne seront pas assujetties à une telle contrainte et qu'on laissera libre cours à la compétitivité. Nous sommes persuadés que les raisons qui supportent l'émergence des SEM proviennent en bonne partie de cette préoccupation. Les ressources se font de plus en plus rares et il faut trouver des modes de gestion novateurs, plus efficaces. La SEM répond bien à ce besoin, mais, pour ce faire, elle doit s'affranchir des prérogatives qui handicaperaient sérieusement sa marge de manoeuvre. Pour le secteur public, les engagements du passé sont contraignants. Le secteur privé a su bien s'affranchir de ces contraintes et oeuvre parallèlement au secteur public avec une règle fondamentale, la concurrence. Il faut se rendre à l'évidence que l'entreprise privée a démontré une efficacité de loin supérieure à la plupart des institutions à caractère public. Il faut en conséquence avoir de plus en plus recours au secteur privé.

Comme nous l'avons déjà souligné, notre Association est vouée à la promotion de l'excellence. Nous voulons, par un regroupement d'entreprises responsables et compétentes, contribuer à l'amélioration des ouvrages et des infrastructures québécoises. Évidemment, nous ne sommes pas les seuls à posséder une compétence dans le domaine, puisque l'expertise se situe à plusieurs niveaux. Par exemple, dans l'assainissement des eaux, la SQAE a su développer et regrouper un ensemble de connaissances pratiques remarquables. Cette société d'État représente, à notre avis, un des partenaires potentiels d'une valeur inégalée. L'expertise cumulée est impressionnante et fait partie des actifs qui doivent être mis au service des Québécois. Ces derniers ont investi des sommes considérables pour en arriver là et on ne doit pas laisser passer cette chance. Ne serait-il pas intéressant, partout où l'occasion le permet, où il existe une société d'État dynamique et compétente comme la SQAE, de faire profiter le capital investi à même nos taxes? Bien sûr, la présence de l'entreprise privée, d'abord indispensable, mais la concrétisation d'une association entre de tels partenaires serait sans doute bienvenue.

Il est également important que, nous, les Québécois, puissions consolider notre position dans ce nouveau domaine en permettant aux entreprises de chez nous d'obtenir un avantage concurrentiel. Il nous semble évident que les transnationales, pouvant bénéficier de capitaux considérables, peuvent nous faire une concurrence déloyale et qu'il y a lieu de restreindre leur potentiel de dumping. Nous suggérons, Mme la Présidente, que la participation d'intérêts étrangers soit limitée à un maximum de 49 % de la part de l'entreprise privée, qui est, elle-même, de 49 % d'une SEM, soit un total de 24 % d'une SEM. Ceci correspond à des pratiques protectionnistes couramment rencontrées chez nos voisins.

En conclusion, pour faire plus avec moins, il faut trouver des moyens qui, tout en étant respectueux du bien commun, permettent de s'adapter aux contraintes économiques de notre société. Les SEM représentent un outil de premier ordre. En s'associant à l'entreprise privée issue du Québec, les villes trouveront un partenaire dynamique et compétent. Ce partenaire a la flexibilité et les ressources pour parer aux diverses situations et possède, de surcroît, tout le savoir-faire requis. Merci, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Trahan. M. le ministre.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. le président, de cette présentation et bienvenue, avec vos collègues, ici, à cette commission parlementaire sur l'avant-projet de loi, donc sur l'établissement d'un nouveau mécanisme, un nouvel outil, un nouvel instrument d'intervention dans la production et la distribution de services publics municipaux. On vous remercie pour l'intérêt que vous portez à la question et de l'éclairage que vous nous apportez aujourd'hui. Évidemment, votre enthousiasme est on ne peut plus débordant pour cette nouvelle formule et votre appui à cette nouvelle façon de faire ne souffre d'aucun ombrage. Vous y voyez beaucoup de vertus, à cette formule.

(10 h 30)

Vous savez évidemment, cependant, je dirais, que nous sommes en matière de droit municipal nouveau. On fait dans le neuf, là, complètement neuf. Et il faut, à cet égard-là – et je vais le répéter ici devant vous, et je l'ai dit dans les notes d'ouverture – s'assurer, par ailleurs, que toutes les balises soient là, soient présentes, et qu'on ait bien fait le tour du terrain et délimité quelles vont être les règles en matière financière et en matière d'intérêt public que va contenir la loi lorsque nous allons procéder, pour s'assurer, évidemment, parce que c'est notre rôle, que l'intérêt public soit toujours, au premier chapitre, le mot d'ordre que nous retenions. Je comprends que vous allez peut-être me dire: Nous aussi, M. le ministre, l'intérêt public, ça nous intéresse beaucoup. C'est un souci pour vous, mais on comprend aussi que, à titre d'entrepreneurs en matière d'égout et d'aqueduc, il y a la partie du privé. Bon.

Je suis un peu surpris de voir la recommandation à l'égard de la participation du secteur privé en limitant la participation étrangère, parce que, comme vous, M. le président, et votre Association, je peux être pour la vertu et dire que je vais trouver une façon de limiter la participation du privé aux firmes, aux entrepreneurs, au capital, à l'investissement québécois de préférence. Mais comment vous réconciliez ça, là, M. le président, avec les grandes règles que nous avons adoptées depuis 1988 non seulement en matière de libéralisation du marché public, entre guillemets, par exemple Québec–Ontario– Nouveau-Brunswick, mais surtout dans l'esprit de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis? Comment vous réconciliez ça, le fait d'adopter ce qui me semble être une mesure plus protectrice, là, avec une bonne volonté, un bon objectif, et, par ailleurs, dire: Le marché est libre? Comment vous réconciliez ça et comment on devrait travailler pour en arriver à atteindre l'objectif à l'intérieur des règles existantes?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Trahan.

M. Trahan (Michel): C'est certain que ce n'est pas facile, dans un contexte de libre-échange, de concilier le protectionnisme qu'on voudrait avoir au Québec pour favoriser ce nouveau marché qui s'offre aux Québécois, parce que toutes ces infrastructures-là ont été posées de génération en génération, de père en fils, par le secteur privé des contracteurs.

C'est certain qu'on est rendu à la croisée des chemins, pour en arriver – je reviens à mon texte – à la SQAE, qui a pris une expertise épouvantable en traitement des eaux. Et puis on voit des transnationales ou des multinationales se placer dans le marché ou vouloir contrôler ce marché-là et puis c'est là qu'on voudrait, nous autres, avoir notre traîneau, en les limitant, ou qu'ils s'associent à des intérêts québécois. Parce que vous n'êtes pas sans savoir que, dans les eaux, en France, quatre Français sur cinq sont contrôlés par des firmes françaises qui veulent s'implanter ici, au Québec, et puis je pense que la presse n'est pas favorable à laisser vendre ces infrastructures-là comme ça.

M. Trudel: Bon. On a les mêmes préoccupations. Dans l'espèce de préavertissement que je voulais servir à l'ouverture des présentes consultations à l'égard d'une situation bien concrète qui est l'idée circulante de privatisation de l'eau dans la région de Montréal, j'ai exactement aussi la même préoccupation, c'est-à-dire: dans la façon d'organiser autrement la production et la livraison de services, le génie québécois, les emplois en matière de technologie, en matière de haute technologie, le savoir que nous avons développé – j'y reviendrai, sur SQAE, tantôt – dans l'ensemble de nos firmes et de nos entreprises au Québec, il faut trouver des facteurs «favorisants». Mais, je le répète, il va falloir que l'on réalise cela, cependant, à l'intérieur des règles, auxquelles nous avons adhéré, du libre-échange, parce qu'on ne peut pas vivre dans le meilleur des deux mondes, en ne prenant que ce qui favorise un côté et que, par ailleurs... Et, ça, je pense que ça vaut pour tout le monde, je fais ce commentaire-là. Les firmes québécoises, quant à moi, je n'ai comme pas peur qu'elles se frottent les oreilles à d'autres sociétés dites étrangères, parce que de la compétence puis de l'expertise, on en a ici, hein. On s'est fait dire tellement longtemps, au Québec, qu'on n'était même pas capables de construire un barrage, puis quand on s'est mis à se lancer là-dedans, à partir de la nationalisation de l'électricité, on a vu qu'on était capables d'en bâtir des sacrés bons, hein, puis on est devenus des spécialistes mondiaux à cet égard-là, si bien qu'on est capables d'exporter aujourd'hui notre savoir. Cependant, je conviens qu'il faille prendre un certain nombre de dispositions pour, je dirais, faire en sorte que ce génie propre québécois puisse s'exercer en particulier dans ce nouveau mode d'expression. Et je ne déteste pas l'idée que vous venez de soulever, de l'association, de la nécessaire association ou implication de firmes québécoises. C'est du déjà vu, ça, et, que je sache, les firmes extérieures au Québec pourraient très bien non pas s'accommoder, mais vivre avec l'excellence que nous avons développée ici.

Une autre question qui est bien délicate, M. le président, M. Trahan. Bon, bien, là, on est ici pour se parler des vraies affaires. On n'est pas pour se conter des histoires entre nous autres puis dire: Bon, bien, tout le monde est beau, tout le monde est fin, ça va marcher, cette histoire-là. Ça va être à fond, puis c'est la solution miracle, c'est la panacée. Attendez qu'on vote ça, vous allez voir, ça va révolutionner tout le monde. C'est vrai que c'est un nouvel outil novateur, mais, là, dans le novateur, vous dites que vous êtes capable d'y aller sur ce mode de gestion là. Je comprends que, pour vous autres, vous nous disiez que l'article 45, là, c'est un peu embêtant pour vous autres, les entrepreneurs, hein, mais vous devez aussi participer, je dirais, avec nous à chercher des solutions à son application, parce que ça n'a pas été mis là par le législateur comme une simple fleur qui apparaît dans le décor, puis 45, ça règle tout pour toujours. C'est là et ça fait partie de la dynamique sociale du Québec, ça, hein, pour employer un terme large, là. Là, vous ne pouvez pas, on le dit, M. Trahan, vous ne pouvez pas rien que nous dire: Faites sauter 45. Vous ne pouvez pas nous dire ça rien que comme ça. Le problème, il n'est pas à nous, au gouvernement, il n'est pas à l'opposition, il est à tout le monde, il est à la société québécoise.

Est-ce que vous pensez qu'il en existe, des ponts novateurs qui nous permettraient d'aborder la gestion de cette partie de notre droit du travail, qui nous amèneraient à des résultats escomptés en termes de protection des conditions d'efficacité? Et je vais vous dire que je sais bien que la question est de 50 000 $ au minimum, là, hein, mais vous devez nous apporter votre éclairage. Je veux juste vous rappeler qu'hier la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, hein, et des entrepreneurs qui étaient à la table nous ont dit qu'il y en avait peut-être, des avenues pour vivre avec ça... non pas vivre avec ça, mais travailler avec cet article. Est-ce qu'il y en a, chez vous, des avenues nouvelles, puisque vous êtes pour l'innovation puis la novation? On «peut-u» y compter? Y a-t-il des éléments concrets sur lesquels on pourrait compter?

(10 h 40)

M. Trahan (Michel): O.K. Si je fais l'historique de l'article 45, cet article-là a été mis en place en 1949. Il avait pour fonction... Dans l'industrie manufacturière où le syndicat était arrivé, le propriétaire vendait son usine à son beau-frère ou à Chose et l'accréditation tombait, puis cet article-là est arrivé pour contrer ça. Avec le temps, on s'est servi de cet article-là à toutes les sauces pour saupoudrer n'importe quoi. Aussi simple que dans le déneigement. Une ville a grandi et, au lieu de s'acheter d'autres équipements, elle a demandé des soumissions pour certains secteurs. L'article 45 nous arrive et on nous demande de payer nos employés au même salaire que les villes, avec les mêmes conditions, et ainsi de suite. Je pense que ce n'est peut-être pas ça, l'article 45. Je pense qu'il a été fait pour protéger les accréditations syndicales dans un milieu fermé. C'est certain qu'avec une SEM... Une SEM, c'est la partie municipale à 51 % et la partie privée. C'est certain que, si on acquiert des équipements et qu'il y a des employés qui sont dans ces équipements-là, nécessairement, étant donné que les salaires sont payés par une SEM qui a 51 % et 49 %, si, par convention collective, ils sont obligés d'être transférés, j'imagine que la SEM va en tenir compte et elle va vivre avec. Mais il ne faut pas, je pense, se servir d'un article pour saupoudrer toutes les assiettes. Je pense qu'on peut vivre avec, mais je pense qu'il faudra peut-être, vous autres, les gestionnaires, voir à ce que ça ne soit pas un irritant. Souvenez-vous, quand on a voulu, à la Société des alcools, privatiser ou franchiser des succursales, je pense qu'un des irritants ou une chose qui a... Où ça ne s'est pas fait, je pense que c'était l'article 45 qui est venu brouiller un peu ces cartes-là. Mais je pense qu'il y a peut-être moyen de trouver des avenues avec les syndicats, avec les intervenants, trouver une nouvelle façon. Parce que les SEM, c'est... Avant, les municipalités faisaient faire. Après ça, on est tombé dans le faire faire, qui est de donner à contrat, trois ans, cinq ans, la gestion de certains équipements. Et puis, aujourd'hui, on est rendu, pour assurer la pérennité de ces équipements-là, à passer à une partie municipale puis une partie privée, ce qui va faire que c'est une gestion beaucoup plus dynamique, avec le privé, qui va assurer la pérennité des équipements, puis c'est ça.

Dans la terre, actuellement, au Québec, on a entre 40 000 000 000 $ et 50 000 000 000 $, alors, il est peut-être temps... C'est invisible, aussi. Tu as des choses qui sont visibles, comme les trottoirs, les bordures, l'asphalte; c'est visible. Ça, on a toujours du budget, parce qu'on les voit. Mais le sous-terrain qui est là depuis des années, il faut que quelqu'un s'en occupe puis, avec l'expertise du privé, c'est d'assurer ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de La Peltrie.

M. Côté: Merci, Mme la Présidente. M. le président, bonjour à la commission. Je voudrais aussi vous féliciter pour votre mémoire. La présentation de votre mémoire, en tout cas, je trouve que c'est un très bel emballage. Même de ça, je n'ose pas l'ouvrir, j'ai même un peu peur de ce qu'il peut y avoir comme surprise à l'intérieur. Et voici pourquoi. Vous dites que le privé apportera, par un partenariat, sa capacité de gestion, sa rentabilité, sa flexibilité, sa compétitivité et aussi sa compétence, et vous dites que, dans ce sens-là, les SEM constituent une solution pour, justement, stopper la croissance des coûts d'entretien et d'opération des services publics de tous genres et, ultimement, réduire ces coûts de façon significative. Est-ce que vous pourriez un peu élaborer davantage sur comment vous allez y arriver vraiment pour...

M. Trahan (Michel): O.K. Je vais vous donner...

M. Côté: Parce que ça laisse un peu sous-entendre que...

La Présidente (Mme Bélanger): ...là, avec une réponse peut-être un petit peu plus courte, parce qu'il ne reste pas tellement de temps, puis le ministre veut revenir avec une autre question.

M. Trahan (Michel): D'accord. Je vais...

La Présidente (Mme Bélanger): Parce qu'il y a l'opposition, aussi.

M. Trahan (Michel): Je vais vous donner une chose imagée. Prenez une régie où il y a trois municipalités, où les SEM vont favoriser le regroupement. Ça, c'est indéniable, aussitôt qu'il y a des SEM, ça va regrouper, pour une raison: vous avez trois municipalités qui ont chacune un écureur. Un écureur, c'est un camion équipé pour nettoyer les égouts, déboucher les égouts; c'est des équipements qui coûtent à peu près 150 000 $, 175 000 $ chacun. Chaque municipalité en a un, et ça travaille peut-être, je dirais, en heures ou en jours, l'équivalent d'un mois et demi par année, à toutes les sauces. C'est certain que, avec une SEM, la SEM va récupérer un de ces équipements-là et les deux autres seront à vendre puisque la SEM va vendre des services à d'autres municipalités, parce qu'une SEM devient une compagnie. Alors, c'est une économie d'échelle épouvantable.

M. Côté: Lorsque vous dites aussi que vous allez créer un encadrement dynamique qui va suppléer à l'inefficacité limitée du secteur public, qu'est-ce que ça va vous donner encore davantage pour, justement, réduire soit la lourdeur administrative, les contraintes syndicales? Vous dites que ça va même réduire les contraintes syndicales. Comment ça va se traduire, tout ça?

M. Trahan (Michel): Je peux laisser mon collègue, M. Lavoie, répondre là-dessus.

M. Lavoie (Jacques): Bonjour, Mme la Présidente, bonjour.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Lavoie.

M. Lavoie (Jacques): Merci. C'est certain que la lourdeur qu'on appelle administrative, pour nous autres, elle n'est peut-être pas évidente à expliquer, mais elle est facile à vivre parce qu'on la vit tous les jours. On sait bien que nos équipes ne commencent pas aux mêmes heures. On sait bien que les équipes, dans le monde municipal, ont des chiffres à rencontrer, ont des travaux supplémentaires qu'elles ne veulent pas payer. C'est toutes des choses que, nous autres, on fait pour garder nos jobs. C'est certain qu'on va être plus efficaces sur le terrain, ça, c'est sûr, sûr, sûr.

Pour gérer, pour «gestionner», on est obligé, comme on disait dans le texte à plusieurs reprises, de performer, parce que, si on ne performe pas, on va mourir. Alors, il faut performer, on n'a pas le choix de performer. Il faut vivre aussi avec les contraintes qui nous sont fixées puis il faut rendre quand même une marchandise acceptable. Je pense que c'est facile de le faire au moyen d'équipes volantes. On a plein de choses qu'on va mettre en place de façon à rentabiliser ce projet-là, parce que notre gain à nous autres dans ça – parce qu'il faut qu'il y en ait un, on est une entreprise privée – c'est par la productivité puis l'innovation. On ne peut pas s'en sortir autrement que comme ça.

Alors, la stabilité puis la sagesse du génie municipal, avec le dynamisme de l'entreprise privée, si on faisait le trait d'union tantôt avec, possiblement, une entreprise comme la SQAE, je pense que ça serait difficile à battre comme regroupement au point de vue efficacité puis notoriété.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Trudel: Bon. D'abord, une remarque complémentaire qui va un peu dans le même sens mais qui revient aussi sur l'article 45 et son application, parce qu'il y a là un os. Il y a un os, là, il ne faut pas dire que ça n'existe pas puis qu'il n'y a pas de problème, que c'est une situation qui n'est pas problématique. Oui, c'est une situation problématique, il va falloir l'affronter.

Je veux juste citer un exemple et je vais vous demander de vous faire travailler les méninges pour nous aider à solutionner ça. Vous dites dans votre mémoire que l'efficacité limitée du secteur public et les contraintes syndicales puis la lourdeur administrative, ça amène une faible productivité. Je souhaiterais que l'on puisse regarder ici une expérience qui s'est réalisée sans tambour ni trompette mais qui donne d'excellents résultats. La Société des établissements de plein air du Québec, la SEPAQ, a pris possession – c'est une société d'État, hein – de 17 réserves qui appartenaient au gouvernement et les a administrées, les administre maintenant à partir des règles du secteur privé. Et cette Société a réussi à prendre tous les employés qui étaient au gouvernement, les a transférés et a déterminé avec eux des conditions de travail qui ont amené et qui nous ont conduits à des résultats comme ceux que vous indiquez, c'est-à-dire en termes de compétitivité, en termes de rentabilité.

Il n'y a pas de miracle, là, il n'y a pas de solution, de génération spontanée de solutions, mais ça veut dire que c'est possible de réussir ces ponts, ces transferts, ces aménagements au niveau des employés. Et je tiens à le dire parce que c'est donc le secteur public qui a réussi ça. Ils ont réussi. On en met large sur le dos du secteur public en disant: inefficacité, incapacité, blocage, impossibilité. Le génie puis l'intelligence, là, c'est bien réparti chez la moyenne des individus, hein, et le secteur public a son mérite aussi d'avoir découvert et réalisé des expériences et des façons de faire qui pourraient peut-être nous aider, quand on se met à la place du privé. Dans ce contexte-là, je suis un peu surpris de voir votre appel à ce que la SQAE soit comme, disons, chargée, en termes d'expertise, ou appelée à intégrer des SEM à partir, oui, c'est vrai, de l'expertise...

(10 h 50)

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. le ministre.

M. Trudel: Oui, très bien. Vous ne pensez pas que, justement, la place du privé doit rester au privé et que vous n'avez pas l'expertise, vous n'avez pas la capacité d'assumer ça, au privé, au lieu d'inviter la SQAE à habiter ce territoire-là?

M. Trahan (Michel): Écoutez...

La Présidente (Mme Bélanger): Une réponse très courte.

M. Trahan (Michel); Excusez-moi, Mme la Présidente. La SQAE a réalisé 438 équipements dans 545 villes. Alors, c'est certain que, eux autres, ils les ont gérés, ils les ont financés et ils les ont mis en marche. Ils ont travaillé avec des centaines d'intervenants, de firmes d'ingénieurs, et ainsi de suite. Ces gens-là ont su, dans le temps, pendant les 15 dernières années, avoir une expérience pratique sur le terrain de qu'est-ce qui va bien et de qu'est-ce qui ne va pas bien dans... Je parle des usines d'épuration, entre autres, que ce soient des usines de filtration, que ce soient des usines de... le procédé est le même, mais ce n'est pas les mêmes eaux. Mais, de toute manière, ils ont atteint une compétence sur le terrain, sur chaque usine. Alors, quand ils ont installé pour 4 000 000 000 $ d'équipements dans la province, c'est difficile de passer à côté de cet intervenant-là, qui a une compétence pratique, dans les faits. Alors, c'est pour ça que, moi, je me dis que tous les Québécois, pendant 15 ans, ont payé pour cette compétence-là et, étant donné que le programme d'installation d'équipements achève, il s'agit à cette heure d'en prendre soin. Alors, c'est pour ça que je me dis que, avec le privé, qui sont les «doers» qui ont posé ces conduites-là, et la SQAE... Comme je dis, c'est une société d'État, mais, dans les SEM, on peut aller à d'autres choses. Mais, moi, je parle d'égout et d'aqueduc, alors je suis plus enclin à parler d'eux autres, parce qu'on a investi des sommes énormes là-dedans, puis il faut les rentabiliser en les gardant là-dedans.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Trahan.

M. Trahan (Michel): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. J'avais un questionnement, aussi, en ce qui concernait l'article 45, M. Trahan, mais je pense que l'échange que vous avez eu avec le ministre répond, là, à l'interrogation qu'on avait, nous, ici, du côté de l'opposition. Je suis un peu surprise quand je lis votre mémoire. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'enthousiasme dedans, c'est vrai aussi que, depuis deux jours et demi qu'on est en... on a entrepris notre troisième journée d'audiences, l'entreprise privée déborde d'enthousiasme face à la création des SEM, et c'est très légitime, c'est certain. Vous avez développé, effectivement, au fil des ans, des décennies, une expertise, je pense, dont on ne peut pas douter aujourd'hui.

Ma surprise vient du fait qu'on ne parle nulle part dans votre mémoire de l'expertise qui a été développée aussi par le secteur public, et notamment, là, les municipalités. La création d'une SEM part du principe suivant: on a deux partenaires, d'abord un fondateur municipal, qui choisit et qui décide, en tout cas à ce stade-ci de la discussion, qui choisit et décide de conjuguer ses efforts ou de créer une compagnie avec l'entreprise privée, parce qu'elle va aller chercher l'expertise x auprès de cette compagnie-là. Cependant, le fondateur municipal peut aussi faire bénéficier la SEM de l'expertise qu'il a, aussi. Et je ne retrouve pas, lorsque vous parlez du partage, lorsque vous parlez des partenaires, de l'expertise, etc. on ne retrouve nulle part là-dedans la part importante – la part, p-a-r-t, ou l'apport, a-p-p-o-r-t – très majeur du fondateur municipal au sein de la société d'économie mixte. Est-ce que, pour vous autres, c'est sine qua non? Le monde municipal n'a pas cette expertise-là?

M. Trahan (Michel): Non, ce n'est pas ça. C'est bien certain que le fondateur municipal a 51 % des parts. C'est certain qu'on a besoin de l'expertise, de la logistique qu'ils ont, eux autres. Quand on va entrer dans une ville... Je veux juste dire: une SEM vient d'un mariage de confiance choisi par le fondateur municipal, qui choisit le meilleur entrepreneur privé pour sa SEM. Ça, ce n'est pas en soumissions publiques. La soumission publique, tu vis avec ton plus bas soumissionnaire. Ça n'a pas toujours donné les résultats escomptés. Je pense que les deux fondateurs, c'est une relation de confiance; il y a une relation, comment je dirais ça, d'affaires dans le but de faire partager ou de gratifier les équipements pour que les coûts soient moindres aux citoyens. Parce que, dans le fond, là, les citoyens, on en est, des citoyens; on est peut-être des citoyens corporatifs, en privé, mais, je veux dire, on paie tous des taxes. Si on est rendu, puis on le souhaite, à vouloir établir des SEM avec le privé, le but commun, le but de ça, c'est d'arrêter de surcharger des taxes. Au moins, si ça reste là, les services vont être plus grands et plus efficaces. Et ce qu'il y a de plus important – puis on revient toujours sur ça, puis on va toujours y revenir – pour nous autres, c'est la pérennité des équipements. On ne peut pas gérer de quatre ans à quatre ans. Nous autres, on vient d'une compagnie familiale, on parle de génération en génération. On vient toujours d'une génération. Alors, pour les équipements municipaux, je pense que c'est ça qu'il faut penser.

Mme Delisle: Le choix du partenaire, M. Trahan, on s'est posé beaucoup de questions ici, des deux côtés de la table, depuis deux jours là-dessus. On a posé ces questions-là aux gens qui ont présenté des mémoires. Est-ce que vous avez une idée arrêtée sur comment on devrait choisir le partenaire, comment le fondateur municipal devrait choisir son partenaire?

M. Trahan (Michel): Nécessairement, il faut qu'il choisisse le plus compétent de ceux qui se pointent. Alors, notre Association passe par une préqualification. Aujourd'hui, on ne prétend pas qu'on devient entrepreneur parce qu'on a une valise puis une petite machine à calculer. Alors, la préqualification de nos entrepreneurs, c'est bien important. C'est de s'assurer qu'on va «upgrader» notre marché, en ce sens qu'on va avoir de meilleurs contracteurs. Alors, on pense que les villes ou les municipalités pourraient choisir, dans notre groupe, les meilleurs. Et les meilleurs, c'est...

Mme Delisle: Mais comment le fondateur municipal devrait-il le choisir? Je comprends vos critères de compétence et d'excellence. Ça, je pense que tout le monde va dire la même chose...

M. Trahan (Michel): Ils se courtisent, madame.

Mme Delisle: ...tout le monde est pour la vertu, là. Mais, le fondateur municipal, d'après vous, il le choisit comment? Est-ce que c'est un appel de propositions? Est-ce que...

M. Trahan (Michel): Je ne pense pas.

Mme Delisle: Vous le voyez comment?

M. Trahan (Michel): Ils se courtisent, c'est un mariage.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trahan (Michel): Il s'agit pour le municipal de trouver, pour lui, qui est le plus compétent pour l'aider dans sa gestion.

Mme Delisle: Vous ne voyez pas là ouverture – parce qu'on est ici pour se parler franchement, là – à de fortes négociations ou de fortes pressions? Remarquez, je comprends que ça fait partie des règles du jeu, souvent, mais vous ne voyez pas l'importance ou la nécessité pour le législateur d'inclure quelque part qu'il devrait y avoir des critères de sélection? Toujours dans la perspective, je dois dire, où on protège le citoyen, qui est contribuable, là.

M. Trahan (Michel): O.K. Moi, je pense que c'est le citoyen qui va voir comment une SEM marche. C'est la performance qui va faire... Parce que le municipal a 51 % des parts, alors, s'il n'est pas satisfait de son associé en cours de route, il va s'en défaire.

(11 heures)

Mme Delisle: En parlant, justement, du pourcentage que devrait investir l'entreprise privée, presque tous les auteurs de mémoire nous ont dit que 20 %, ce n'était pas assez pour l'entreprise privée. Vous allez jusqu'à 49 %. Est-ce que vous pourriez partager avec nous pourquoi vous vous arrêtez à 49 %? Est-ce que ça ne pourrait pas être 80 %, 90 %, dans la mesure où le fondateur municipal pourrait garder 51 % des votes? Est-ce qu'il y a une incompatibilité, pour vous, là-dedans?

M. Trahan (Michel): Si ça ne vous fait rien, Jacques va vous répondre là-dessus.

M. Lavoie (Jacques): Disons qu'on ne s'est pas arrêtés à savoir si on pouvait aller à 80 % d'investissement pour presque posséder une entreprise qui serait majoritairement votée ou contrôlée, au niveau des votes, par la ville. On n'a pas regardé jusqu'à cette avenue-là. Je ne pense pas que ce soit quelque chose d'impossible. C'est de plus en plus proche de la privatisation, à ce moment-là, même si la ville garde le contrôle au niveau des votes. Ça devient peut-être plus dangereux au niveau du citoyen, à mon sens. Je pense que la ville, en gardant et le vote et le pouvoir monétaire, garde vraiment les guides, à ce moment-là. Nous autres, dans le fond, on est des «doers», on est des exécutants. Ce dont on a besoin, c'est de mêler notre rapidité d'exécution et notre force avec celles du municipal, qui pourraient être gérées, à ce moment-là, de façon plus avantageuse.

Mme Delisle: Avant de céder la parole à mon collègue, le député de Montmagny-L'Islet, j'aimerais une courte question. Quelques-uns nous ont souligné que, si une société mandataire du gouvernement s'associait, était un partenaire à la SEM, elle devrait, elle aussi, être assujettie aux lois qui régissent les compagnies et non pas jouir de certains privilèges. J'aimerais vous entendre parler là-dessus, parce que vous avez fait référence à la SQAE, mais j'imaginerais facilement une situation où la SQAE pourrait vous faire concurrence. Je ne suis pas certaine que vous seriez en train de nous dire les mêmes choses ici, à la table, si, au lieu de vous faire bénéficier de leur expertise, ils devenaient un concurrent à l'égard de votre expertise sur le terrain.

M. Trahan (Michel): O.K. Pour répondre à ça, si on inverse, la SQAE va s'associer avec un «doer», un entrepreneur pourrait être sur le terrain. Alors, on n'a pas de misère à ce que la SQAE...

Mme Delisle: Non, mais ça peut être Hydro-Québec...

M. Trahan (Michel): Oui, oui.

Mme Delisle: ...ça peut être une autre... Je reviens sur la SQAE, parce que c'est ce que vous avez mentionné.

M. Trahan (Michel): Oui. On peut l'inverser.

Mme Delisle: Oui, oui.

M. Trahan (Michel): La SQAE peut choisir son meilleur exécutant. Nous autres, là, on n'a pas à...

Mme Delisle: Non, mais, en fait, le but de ma question, M. Trahan, c'est: Est-ce que vous voyez une société mandataire du gouvernement comme partenaire d'un fondateur municipal au même titre que vous auriez pu l'être, vous, dans une saine concurrence ou bien est-ce que vous le voyez comme faisant partie du fondateur? Je ne sais pas si ma question est claire.

M. Trahan (Michel): Oui, je pense que je comprends correctement.

M. Lavoie (Jacques): Ce que l'AQEEA demande, ou ce que l'AQEEA préconise, ce serait une entente, si on veut, entre les gens de l'Association, qui sont des entrepreneurs en égouts aqueducs, parce qu'on parle du domaine, principalement, nous autres, de l'égout aqueduc, usine d'épuration, usine de traitement d'eau, alors une entente entre l'entrepreneur et la SQAE, ces deux-là, ensemble, formeraient la partie privée pour aller s'associer ensuite avec le municipal, qui, lui, garderait 51 %. C'est ça qu'on regarde.

Mme Delisle: Mais, si c'était la SQAE qui l'obtenait plutôt... Si la SQAE était la partie privée, verriez-vous ça...

M. Lavoie (Jacques): Dans le fond, c'est ce qu'on dit, nous autres, c'est que la SQAE, avec l'entrepreneur, doit être...

Mme Delisle: Non, non, non. Je ne vous parle pas «avec», je vous parle d'une société mandataire du gouvernement qui deviendrait le partenaire privé du fondateur municipal.

M. Lavoie (Jacques): Bien, ce n'est plus privé si c'est la SQAE toute seule.

Mme Delisle: Mais, alors, est-ce que vous souhaitez qu'ils soient assujettis aux mêmes règles que l'entreprise privée ou bien vous n'y avez pas réfléchi? Non, c'est correct. Si vous n'y avez pas pensé, vous pouvez y réfléchir puis nous le faire savoir après, là, ce n'est pas grave.

M. Trahan (Michel): D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Merci, Mme la Présidente. Dans la même veine des questions du ministre sur votre section dans votre rapport, que j'ai lu avec intérêt, la section Participation étrangère, j'ai vu, à travers votre rapport, les mots «partenaire plus compétent, loi du marché, bien commun, promotion d'excellence, le meilleur prix possible sans compromis sur la qualité» et, en lisant tous ces termes que je trouve excellents, je me demande comment vous pouvez insérer les mots «protectionnisme, avantage concurrentiel». Moi, je pense que l'excellence vient avec les portes ouvertes, avec une société ouverte, avec une concurrence à travers le monde. Je ne vois pas comment vous pouvez voir du protectionnisme et, en même temps, avoir les partenaires plus compétents et le meilleur prix possible sans compromis sur la qualité. Alors, je vois mal comment on peut associer ces deux concepts dans les mêmes pensées, dans un même rapport, et je vous demande la question dans la même veine que le ministre a demandé cette question...

Une voix: Écoutez...

M. Bergman: ...en cherchant le bien commun pour nos citoyens, qui sont l'élément le plus important dans tout ce débat.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Trahan.

M. Trahan (Michel): Je comprends le sens de votre question. Quand je parle un petit peu de protectionnisme, si... Je vous rappelle que les Américains, c'est peut-être les gens qui sont les plus pour la libre entreprise, à outrance, mais c'est les gens, par exemple, pour les étrangers, qui sont les plus protectionnistes. Moi, je me dis qu'il faudrait peut-être protéger un peu notre marché pour en assurer une compétence qui va devenir exportable. Si je pense à Hydro-Québec, aujourd'hui, indépendamment de ce qui se passe, Hydro-Québec sont des gens très compétents là-dedans et qui exportent leur expertise. Alors, si, nous autres, on peut rentrer dans ce traîneau-là avec des intervenants comme la SQAE ou autre, il faut augmenter notre expertise, qui pourrait être exportable aussi.

M. Bergman: Est-ce que vous voyez le terme du partenariat pour une courte durée ou si c'est un terme permanent? Vous avez parlé que, si le partenariat ne va pas bien, après un court terme, on peut le dissocier, mais est-ce que ce n'est pas un terme plus long qu'on voit ici?

M. Trahan (Michel): Oui, c'est certain. Chaque SEM, indépendamment des équipements qu'on doit acquérir ou, je crois, gérer, il y a certainement des protocoles d'entente qui peuvent être de cinq ans à 15 ans ou à 20 ans. Ça, c'est un mariage qui se fait à un moment donné entre les deux fondateurs. Ça peut être, je pense, minimum cinq ans, mais on viserait... Surtout de l'ampleur, des fois, des équipements qu'on doit prendre, peut-être que, si on veut assurer une pérennité excellente, il faudrait peut-être aller plus long que cinq ans.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de Montmagny.

(11 h 10)

M. Gauvin: Juste une courte question, Mme la Présidente. M. Trahan, je pense que ma question tourne autour, un peu, de certaines questions qui ont été posées avant, à savoir: Étant donné qu'un des fondateurs, soit une corporation municipale ou une MRC, va détenir 51 % et que sa philosophie de base est celle de servir le citoyen, donc viser les services à la population, associé à l'entreprise privée – et vous y avez référé à plusieurs reprises tantôt, et c'est tout à fait normal, le privé vise aussi à générer des profits tout en donnant des services en visant l'excellence, ça, on reconnaît cette partie-là – comment vous allez concilier la philosophie d'un des fondateurs, d'une des parties qui, elle, va recevoir à toutes les semaines la population qu'elle dessert et qui va faire des pressions sur cette partie-là, à savoir d'améliorer les services privés ou d'avoir des services mieux adaptés, et le privé, qui est un partenaire qui a une philosophie qui pourrait nous paraître différente? Comment vous pouvez concilier la facilité d'être assis à la même table? Avez-vous pensé déjà à ça?

M. Trahan (Michel): Oui, c'est la grande partie du mariage. C'est certain que l'entreprise privée est là, puis elle vit pour faire des profits. Nécessairement, une ville n'est pas habituée à ça. C'est certain que le protocole qui va se faire entre les parties pour que chacun en ait son compte... Je vais juste lancer un chiffre. Si, à la fin de l'exercice annuel d'une gestion, il y en reste, à cause des protocoles, un 100 000 $, alors, la partie municipale aura 52 000 $, et puis la partie privée aura... Alors, ce 52 000 $ là, il pourrait être envoyé au surplus ou mis dans un... dans une chose pour réinvestir. Ce protocole-là, il fait partie du mariage, à un moment donné. Comment est-ce qu'on opère la chose, là? Est-ce qu'il y a un... Des fois, il va y avoir un pourcentage sur les achats. Des fois, ça va être un taux fixe pour gérer, là, la main-d'oeuvre. La main-d'oeuvre engagée va être... On peut avoir un pourcentage sur les... C'est un protocole qui va se faire à la pièce dans le mariage.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Dans cette notion de mariage, il y a des conditions qui sont très différentes entre le monde municipal, par exemple, et le secteur privé. Un des enjeux dont nous avons parlé, c'est la loi sur l'accès d'information, que c'est l'argent public qui est en cause. Alors, on a toute la loi par laquelle les citoyens peuvent avoir accès aux informations. Pour vos membres et pour l'Association, si vous étiez assujettis à la loi sur l'accès d'information, j'imagine que vous allez invoquer les confidences commerciales et les choses que vous ne voulez pas partager avec vos concurrents, mais avez-vous pensé à cette question? Est-ce que ça risque de vous poser des questions si vos partenaires sont assujettis aux demandes sur la loi sur l'accès d'information? Parce que au moins 51 % des actifs va être l'argent public.

M. Trahan (Michel): Nécessairement, une SEM, c'est une compagnie, et puis je pense que ça doit rester sur le même principe qu'une compagnie. C'est la performance que les citoyens vont voir dans la gestion de ces équipements-là qui va faire... Non, je ne pense pas.

M. Kelley: Mais ce n'est pas juste une compagnie, parce qu'il a beaucoup d'impôts, de taxes qui sont impliqués dans les actifs de la corporation. Alors, le comparer avec une corporation qui est entièrement dans le secteur privé, ce n'est pas tout à fait exact, parce qu'il y a quand même des personnes autour de la table qui viennent du public, qui sont responsables pour la saine gestion des finances. Alors, je me demande: Est-ce que c'est vraiment impossible d'arrimer les contraintes qui existent sur les entrepreneurs privés avec les exigences d'une loi comme la loi sur l'accès de l'information?

M. Trahan (Michel): J'ai de la difficulté à répondre à cette question-là actuellement, là, mais il faut oser. Il faut oser. Le premier ministre, c'est ça qu'il a demandé. Il faut trouver des nouvelles façons. Il faudra peut-être oser et voir comment la partie publique peut être protégée, là. Je pense que c'est à même le protocole qui va être établi entre les deux, puis je pense que chaque protocole doit être accepté par le ministre. Alors, il s'agira de trouver la formule et d'oser, là.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Trahan.

M. Trahan (Michel): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Malheureusement, c'est terminé. Alors, on vous remercie de votre participation. Nous allons suspendre quelques instants, le temps de changer d'invités.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

(Reprise à 11 h 19)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Alors, je demanderais à M. Pierre J. Hamel et à M. Alain Sterck de bien vouloir s'approcher à la table. Vous êtes là déjà, alors bienvenue. Alors, nous avons jusqu'à midi.

M. Hamel (Pierre J.): Nous ferons court.

(11 h 20)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, vous avez un certain temps pour... On va essayer de condenser ça dans le 45 minutes.


MM. Pierre J. Hamel et Alain Sterck

M. Hamel (Pierre J.): Bon. Alors, mes plus plates excuses pour notre retard. Je suis Pierre Hamel; Alain Sterck. Vous avez eu le mémoire, on ne passera donc pas en détail tous les éléments. En deux mots, en guise d'introduction, notre position en est une de scepticisme par rapport à l'à-propos d'introduire ce nouveau type d'entreprise. Essentiellement, bon, on vous fera part des réticences qu'on a, mais une des idées, c'est que les municipalités ont déjà quantité de moyens de faire intervenir le privé. Mme Danyluk, avant-hier, disait que la CUM avait déjà huit formules de participation du privé et que ça serait la neuvième. À notre avis, ce n'est pas la plus appropriée et ça pose plus de questions, ça présente plus d'inconvénients que d'autres choses. M. Sterck commencera.

M. Sterck (Alain): Oui. Ce qu'il faut voir, c'est qu'en fait, en général, on suppose que, dans tous les partenariats avec le secteur privé, le secteur public bénéficiera comme par osmose, en fait, par simple contact, par enchantement de ses contacts qu'il pourra entretenir avec le secteur privé, de fait, de l'efficacité supposée dudit secteur, alors que rien ne le laisse supposer, même si on suppose cette efficacité du secteur privé.

Alors, un des plus gros problèmes, en fait, dans les contacts que le secteur public peut entretenir avec le secteur privé, c'est tout le problème de la définition des exigences. Il faut tout d'abord avoir une capacité de magasiner, de trouver, finalement, le meilleur rapport qualité-prix par rapport au secteur privé. Alors, en général, en fait, le magasinage, la préparation de devis est un art qui est relativement difficile et qui nécessite une grande préparation, capacité dont ne disposent pas nécessairement les plus petites municipalités, et c'est déjà le cas dans les plus simples contrats d'achat de biens relativement courants. Alors, qu'en est-il dans des préparations de partenariat, qui risquent d'être plus difficiles avec des SEM? On voit que la négociation d'un contrat de partenariat dans le cadre d'une SEM risque de poser beaucoup de problèmes, notamment dans la capacité de négociation, la définition des exigences vis-à-vis du partenaire privé et la capacité d'expertise.

Une fois que le produit est fourni au partenaire public, il faut encore avoir la capacité d'en contrôler la qualité. Cette capacité n'est pas aussi simple qu'il y paraît, et même pour des opérations relativement routinières. C'est notamment le cas d'une municipalité de la banlieue, Montréal-Nord, qui avait décidé de reprendre la collecte des ordures en régie et qui avait constaté, lors de ce passage de la collecte des ordures en régie, une diminution de 30 % du tonnage qui était facturé par le secteur privé. Donc, on voit, même dans des opérations relativement routinières, que la capacité de contrôle n'est pas quelque chose d'aussi aisé qu'il puisse y paraître.

Un des autres problèmes, même s'il est peu souvent abordé au Québec, mais qui a fait de nombreux problèmes et qui a fait les titres de la presse dans de nombreux pays, c'est le problème de la corruption, parce que le choix du fournisseur ouvre, en général, la porte à toutes formes de conflit d'intérêts, de corruption, de trafic d'influence. On l'a vu notamment dans le cas de la mairie de Grenoble, où le maire a été récemment condamné pour des problèmes de corruption. C'est justement pour cela qu'on tente d'établir toute une série de mécanismes, pour éviter ces problèmes de corruption. L'appel d'offres est un de ces mécanismes. Or, même dans le cas d'appel d'offres, on n'est pas assuré d'obtenir les meilleures conditions étant donné que, souvent, notamment dans le marché des services publics locaux, il y a un très clair manque de concurrence sur ce type de marché. Il y a présence de très grands groupes qui peut donner lieu à des phénomènes de collusion et des phénomènes de cartel. On l'a vu récemment, comme en France, Le Monde titrait il n'y a pas si longtemps, le 15 février 1996: «Le Conseil de la concurrence – qui est une juridiction qui vérifie la concurrence en France – inflige des amendes record aux groupes de bâtiments et travaux publics» et notamment le groupe Bouygues, des filiales de la Lyonnaise et de la Générale des Eaux ont été condamnés pour pratiques de cartel vis-à-vis des pouvoirs publics et qui visaient... Par exemple, le groupe Bouygues avait été jusqu'à automatiser des procédures qui donnaient l'illusion de la concurrence au secteur public.

Un autre phénomène qui existe, et notamment dans le cas des ordures ménagères, c'est le cas de l'éviction des concurrents qui peut se prendre parfois par des moyens peu conviviaux.

M. Hamel (Pierre J.): Une fois que le contrat aura été donné à un entrepreneur privé en respectant les règles de l'art, il se passe, dans la plupart des cas, probablement dans la très grande majorité des cas, des réouvertures de contrat pour des inattendus où, des fois, l'entrepreneur est de bonne foi et où, d'autres fois, l'entrepreneur a imploré le ciel pendant des semaines et des semaines parce qu'il avait obtenu le contrat à trop bon marché et que la seule façon de s'en sortir un peu était de pouvoir aller chercher des extras. Finalement, l'appel d'offres, hein, c'est un peu ce que Churchill disait de la démocratie, c'est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres. L'appel d'offres, dans la mesure où ça oblige les municipalités à accepter le plus bas prix, souvent, ce n'est pas astucieux non plus comme mode de sélection, parce qu'on va se ramasser parfois avec un entrepreneur qui n'est pas suffisamment compétent, qui n'a pas les reins assez solides, et, enfin, bon, déjà, plusieurs intervenants vous ont parlé des difficultés de l'appel d'offres qui ne tient compte que du plus bas prix.

Plus généralement, quand on fait affaire avec le privé et quand on a même une diminution des coûts assumés par la municipalité, parfois, ça va être aux dépens des contribuables. On vous rapporte le cas qui avait été porté à notre connaissance par Smereka Myroslaw, qui est actuellement maire de Saint-Jean. C'est le cas de Rock Forest, qui avait son service de protection pour les incendies qui était fourni par la ville de Sherbrooke. Or, un nouvel élu dit: Ça nous coûte trop cher. On va renégocier ce contrat-là. On va aller en appel d'offres. Effectivement, il y a un privé qui propose de faire ça à bien meilleur marché que ce que faisait le service de protection contre les incendies de la ville de Sherbrooke. Tout allait bien. Le compte de taxes a diminué. Tout allait bien jusqu'à temps que les assureurs constatent que ce n'était pas la même protection et que, bien, il fallait relever les primes d'assurances, et ce que les contribuables ont eu à payer finalement comme citoyens dépassait la diminution de taxes qu'ils avaient eue. Et ça, il y a eu plein d'exemples qui nous ont déjà été donnés. Quand on rogne sur la qualité, des fois, c'est le citoyen qui a à le payer privément et c'est, des fois, de fausses économies. Donc, il faut se méfier de ça.

Il faut aussi... On en parle abondamment... Parfois, dans certaines circonstances, et ce n'est pas si rare que ça, le public peut s'avérer bien plus performant que le privé. Un des cas documentés, qui avait duré sur une période de 16 ans de temps, démontrait que les travaux publics de Hull, quand ils répondaient à un appel d'offres en bonne et due forme, sous pli cacheté, deux fois sur trois, quand ils y allaient, ils offraient le meilleur prix. Et on avait interviewé tout le monde. On avait interviewé les entrepreneurs. On avait interviewé... On demandait aux entrepreneurs: Est-ce que vous aviez l'impression de vous faire avoir là-dedans? Est-ce que vous aviez l'impression que les cols bleus vous livraient une concurrence déloyale? Et les entrepreneurs nous disaient: Non, c'était tout à fait correct. Et, de toute façon, les faits nous le démontraient. Si les entrepreneurs avaient été persuadés de se faire rouler, ils auraient cessé de jouer à ce jeu de fou là, ils auraient cessé de préparer des réponses à des appels d'offres. Or, tout au long de la période, et ça dure pendant 16 ans de temps, le nombre d'entrepreneurs qui répondent aux appels d'offres augmente et les entreprises qui sont là augmentent aussi leur participation en nombre. Alors, c'est un cas parmi d'autres. Il y en plusieurs comme ça au Québec, il y en a à l'étranger, où le secteur public peut offrir un meilleur rapport qualité-prix que le privé.

Ceci étant dit, c'est bien entendu que nos municipalités n'ont pas connu leur révolution tranquille en même temps que la fonction publique provinciale, et nos municipalités, effectivement, n'ont pas, non plus, connu les mêmes virages, les mêmes coupures que ce qui s'est passé dans les autres paliers de gouvernement. Il y a moyen de rendre les services publics locaux à meilleur coût, de façon plus astucieuse. Nos municipalités ne sont pas des modèles de gestion, hein! Et, là-dessus, il faut bien voir, il y a beaucoup d'entreprises privées, effectivement, qui ne répondent pas au canon des manuels de gestion, mais, dans nos municipalités, c'est vrai, il y a plusieurs cas où il y aurait des économies à faire, et souvent pas tellement des économies que des réorganisations qui rendraient des services de façon plus intéressante. Il y a du travail à faire là-dessus, il ne faut surtout pas le nier.

Ceci étant dit, est-ce que ça implique pour autant de recourir au secteur privé? Il y en a qui voient, des fois, le recours au secteur privé comme un genre d'électrochoc et, finalement, qui baissent les bras, en se disant: Le public ne sera pas capable de s'organiser, le public ne sera pas capable et faisons donc appel au privé. Et, à mon avis, c'est une défaite, c'est de prendre pour acquis que le public ne serait pas capable de se réformer. C'est un problème de gestion, ça, d'abord et avant tout, à l'interne. Et ce serait une bien mauvaise solution que de nier ces problèmes de gestion là dans le secteur public en faisant appel au privé.

(11 h 30)

Un dernier petit détail avant de passer la parole à M. Sterck. Parfois, des municipalités, effectivement, n'ont pas la taille, la masse critique pour offrir un certain nombre de services, auquel cas, il y a une foule de possibilités, le privé en est une, mais des ententes intermunicipales, évidemment, en sont d'autres. Et ça, pour plusieurs raisons que vous connaissez, notamment, Mme la députée de Jean-Talon, les querelles de clocher entre municipalités font en sorte que, des fois, c'est moins honteux pour un maire de faire appel à quelqu'un de complètement étranger plutôt que de faire appel à son voisin. Et ça, à mon avis, c'est malheureux. Les SEM, dans ce contexte-là, sont présentées comme étant, dans l'avant-projet de loi, une solution à plusieurs de nos problèmes.

M. Sterck (Alain): Alors, en fait, effectivement, on peut se demander pourquoi importer une formule qui est un petit peu d'origine française. Pourquoi cette urgence soudaine, alors que, finalement, des partenariats plus classiques avec le secteur privé pourraient être envisagés? Mais on voit surtout, dans le recours à la SEM, des inconvénients extrêmement majeurs, et notamment dans le choix du partenaire. Par exemple, le choix du partenaire peut se faire sans appel d'offres, d'ailleurs, souvent à l'initiative de la société qui se propose d'être le partenaire. Donc, on voit déjà le biais qui peut exister à ce moment-là.

M. Hamel (Pierre J.): Si je peux me permettre, il y a eu, ces deux derniers jours, justement, des questions là-dessus, hein? Il ne faut pas se conter d'histoires. Que la municipalité ait l'initiative d'un partenariat, vous conterez ça à d'autres. Ce sont des entreprises qui démarchent les municipalités depuis très longtemps, qui leur font des propositions, et de l'initiative du partenariat, à ma connaissance, je n'en ai pas encore vu qui vienne de municipalités pour vrai. Ce sont des entreprises qui proposent des «package deals».

M. Sterck (Alain): Donc, dans ce cas-là, on peut très légitimement se poser la question à savoir à quelles conditions, finalement, la proposition qui est retenue sera réellement la meilleure, alors que c'est souvent le partenaire privé qui se pose lui-même comme candidat.

Un des autres problèmes, c'est le fait que les opérations se feront souvent sous le couvert du secret commercial, et l'on peut donc se demander si la transparence sera réellement aussi souhaitable qu'elle le devrait dans des opérations qui sont tout de même grandement financées par le secteur public. Et qu'en est-il donc de l'information des citoyens, qui contribuent par leurs impôts à financer en partie ces SEM?

Un des grands, grands problèmes aussi, c'est la longue durée des contrats qui peuvent être établis dans le cadre d'une SEM, qui peuvent être très préjudiciables à l'intérêt public. En effet, de par la longue durée du contrat, on peut se demander si, à l'échéance de celui-ci, la municipalité aura encore la compétence technique de reprendre éventuellement le service qu'elle effectuait auparavant. D'autre part, est-ce qu'elle en aura encore vraiment la liberté? Elle aura acquis une dépendance de plus en plus grande vis-à-vis de son partenaire privé. D'autre part, la connaissance que la société privée aura acquise de la prestation de services dans cette municipalité risque de constituer d'importantes barrières à l'entrée pour d'autres sociétés qui voudraient reprendre éventuellement le flambeau par la suite. Donc, c'est réellement une situation où il y a peu de concurrence au départ, on l'a vu, et à la fin du contrat il y a risque de plus du tout de concurrence possible.

On parle aussi souvent, dans la question des SEM, de l'avantage du financement privé par rapport au financement public. On peut réellement se demander si les municipalités ne disposent pas de meilleures possibilités de crédit à de meilleurs taux que le partenaire privé ne pourrait en avoir. Un des autres aspects très négatifs de la SEM, c'est qu'elle est souvent présentée dans des secteurs où il y a peu de risques, c'est-à-dire aqueduc, épuration, ordures et autres services comparables, ce qui est des secteurs relativement protégés, où la concurrence... On se trouve en situation de monopole dans un marché relativement captif. Donc, il y a peu de défis pour une entreprise à opérer sur ce type de secteur.

D'autre part, l'intérêt du partenaire privé sera, dans une situation de SEM, d'augmenter sa part de bénéfices artificiellement, c'est-à-dire de s'adjuger lui-même les contrats de services que la SEM aura à fournir et donc ainsi d'augmenter son dividende plus qu'il ne serait normal de le faire. Donc, on pourrait éventuellement, par exemple, envisager des SEM dans des cas de suppléance à des déficiences du marché et dans des situations où les SEM pourraient s'avérer particulièrement plus entreprenantes.

Il faut voir que l'expérience française en matière des SEM, qui est tout de même plus longue, laisse songeur, selon un sociologue français, et je vais le citer: «Opacité et manque de contrôle, risques inconsidérés, indélicatesses multiples, le bilan est suffisamment contrasté pour que l'enthousiasme s'attiédisse vis-à-vis de cette proposition.»

M. Hamel (Pierre J.): Donc, les SEM, tel que c'est proposé actuellement, dans des secteurs sans risque, avec peu de possibilités de contrôle, peu de transparence, qui est même, selon certains intervenants, poussé à son maximum – on parle de secret commercial – ça pose de très sérieux problèmes en ce qui concerne le contrôle des élus, quelque part, sur ces services-là. On a une foule de petites municipalités au Québec – et là-dedans on avait, bien entendu, en tête des municipalités plus importantes, mais aussi la très grande majorité des municipalités québécoises, qui sont de très faible taille – et ça nous semble être, disons-le crûment, des proies beaucoup trop faciles pour des entrepreneurs, et on note plusieurs problèmes à ce niveau-là.

Au Québec, on a cette fichue mentalité de mal payer nos élus, et ce n'est pas à vous que je vais expliquer que c'est dur de faire de la politique, mais, en politique municipale, on les paie mal. Quand quelqu'un travaille à salaire, qu'il se dégage pour des réunions de conseil municipal et pour d'autres réunions éventuellement, c'est enlevé de sa paie. La compensation qu'il reçoit, ça ne compense jamais. Ceux qui peuvent participer à un conseil municipal, c'est des gens qui vont avoir des professions libérales. On a beaucoup de problèmes à permettre à M. et Mme Tout-le-Monde de siéger à un conseil municipal. On les paie mal, ils sont là pas beaucoup de temps et là on leur demanderait de pouvoir contrôler, de pouvoir exercer un contrôle sur des gens qui sont là à plein temps, qui gèrent des millions à la grandeur du pays et même à l'échelle internationale. À notre avis, c'est un peu s'exposer à des problèmes, et c'est vrai pour les élus, c'est vrai, dans une certaine mesure aussi, pour les fonctionnaires qui sont dans ces dossiers-là.

La presse aussi, qui est souvent présentée comme étant une béquille pour suppléer, justement, soit au manque de vigueur de l'opposition au conseil municipal, soit au manque de clairvoyance des élus, la presse, au Québec, rendez-vous compte, les quotidiens, on en a où, des quotidiens? C'est quoi, la liberté de ces quotidiens-là par rapport aux élites locales, par rapport aux députés, pour ne pas vous mentionner? Mais, en dehors des grands centres, c'est quoi? Qu'est-ce qui reste comme journalistes au Québec après les coupures qu'on a eues dans les médias? Qu'est-ce qui va faire en sorte qu'un journal va s'intéresser à suivre les débats d'un conseil municipal? Puis, vous le savez fort bien, pour qu'un journaliste fasse une bonne job, il faut qu'il soit sur le dossier longtemps, qu'il épluche les appels d'offres, qu'il épluche les dossiers, qu'il traîne dans les couloirs de l'hôtel de ville, qu'il parle à plein de monde. On n'a pas les moyens, en termes de presse, d'avoir le contrepoids puis d'avoir quelque part une garantie de contrôle démocratique sur ce qui se passe dans nos municipalités. Rentrer des SEM là-dedans, c'est, à notre avis, s'exposer à de beaucoup plus grand problèmes.

On termine en disant: Attention, danger! Il est urgent d'attendre. L'expérience des SEM françaises, qui est beaucoup plus longue... Et, là-dessus, c'est peut-être intéressant de voir que les SEM en France, pour l'essentiel, dans le fond, c'est des acteurs publics au complet. C'est la Caisse des dépôts et consignations, c'est la DATAR, qui est une agence gouvernementale, ce sont les régions, les départements, les municipalités qui vont s'associer dans une entreprise. C'est tous des partenaires publics, ça.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. Hamel. Il vous reste une minute.

M. Hamel (Pierre J.): D'accord. Alors, même quand c'est des partenaires publics, l'étude concrète, empirique qui a épluché ces affaires-là dit: Quand ce n'est que des entrepreneurs publics, il y a des problèmes. Il y a des problèmes de gestion, il y a des problèmes de contrôle démocratique, il y a des problèmes de collusion, les SEM, ça peut servir pour se créer des petits fiefs, et là on ne parle même pas d'entrepreneurs privés. Aussi, autre détail qui a son importance, les SEM en France, c'est très rarement utilisé pour les services municipaux traditionnels auxquels on songe ici spontanément. La plupart du temps, les SEM, c'est pour des opérations immobilières. Quand une entreprise privée fait le service de l'eau en France, ça va être avec des concessions, de l'affermage, mais c'est très rarement des SEM. Bref, pour toutes ces raisons, ça nous semble prématuré d'aller de l'avant, d'autant qu'on sait mal encore comment ça fonctionne au Québec, l'histoire des SEM, et que le gouvernement n'aide pas non plus là-dessus.

Mme Boucher, qui devait vous présenter son mémoire ce matin, a déposé une requête à la Commission d'accès à l'information le 21 juin. Le 22 juin, il y avait un amendement qui était déposé excluant les SEM du recours à la Commission d'accès à l'information. Bref, la ligne qui a été suivie jusqu'à date, et plusieurs intervenants vous ont demandé d'aller plus loin dans ce sens-là, c'est le secret commercial. Ça sent bizarre.

(11 h 40)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Hamel. M. le ministre.

M. Trudel: Très bien. M. Hamel, M. Sterck, bienvenue. On a compris qu'il y avait quelques petits problèmes avec le véhicule privé qui vous a transportés. Vous avez eu des problèmes de transport, alors on va condenser un peu notre interrogation à l'égard du projet de loi.

Est-ce que je dois lire dans votre intervention... Vous êtes membres d'un groupe de recherche au niveau des équipements urbains dans une constituante de l'Université du Québec. Je connais bien. Est-ce que vous êtes en train de dire que, le privé dans le secteur municipal, ça n'a pas d'affaire là, ne touchez pas à ça?

M. Hamel (Pierre J.): Absolument pas. Il y a plusieurs cas où c'est tout à fait gnochon que de faire de façon publique. Écoutez, un des exemples qui me sautent toujours au visage, c'est: comment est-ce qu'on peut penser réussir à rentabiliser une cantine dans un parc municipal en faisant vendre les hot dogs par des cols bleus? Les hot dogs coûteraient beaucoup trop cher. Ha, ha, ha! Il y a plusieurs cas comme ça où ça n'a pas de sens. Ce qu'il faut bien voir, c'est que le privé participe avec les municipalités de multiples façons. Même quand la municipalité est donneur d'ordres, comme pour les travaux publics, l'immense majorité des travaux de réfection de voirie, d'aqueduc sont faits par des entrepreneurs privés, actuellement. Le privé a tout à fait sa place, mais ça pose un certain nombre de problèmes.

Il y a eu des reportages récemment sur les phénomènes de corruption au Québec, et le journaliste en concluait que, finalement, il y avait relativement peu de chose qui retroussait. Il y a relativement peu de condamnations; c'est quand même assez rare. Et probablement que nos moeurs municipales, nos moeurs politiques sont plus saines que ce qu'on peut constater, en tout cas pour ce qui ressort de ce qu'on voit ailleurs, dans d'autres pays.

Ceci étant, il y a probablement l'idée aussi que la taille des pots-de-vin est directement proportionnelle à l'ampleur des contrats. Et, quand on s'enligne sur un contrat de 100 000 $, on ne donnera pas un pot-de-vin de 100 000 $. Quand on parle d'un contrat qui va durer sur 20 ans et qui implique des millions, bien, là, ça peut devenir pas mal plus intéressant pour l'entrepreneur de faciliter, disons donc, les contacts avec les décideurs; et, à notre avis, on s'engagerait dans des voies très dangereuses là-dessus pour tout ce qu'on a dit: faiblesse de l'appareil municipal, faiblesse de la presse locale, faible contrôle qu'on peut exercer, surtout qu'on ne veut pas qu'il y ait de vérification publique des comptes de la SEM. On exclut justement tout ça. On se met dans les meilleures conditions du monde pour avoir de très beaux cas qui vont faire les délices de la presse à scandale dans quelques années.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Dubuc.

M. Morin (Dubuc): Oui. Alors, moi, je voudrais dire, Mme la Présidente, que j'apprécie ce mémoire non pas parce que je suis d'accord avec tout son contenu, mais parce qu'il a une approche très critique, ce qui apporte un équilibre par rapport aux interventions qu'on a eues du domaine privé, qui, pour l'unanimité ou presque, avec quelques réserves à l'occasion, étaient véritablement en faveur de l'avant-projet de loi. Pour moi, lorsqu'une entreprise privée se dit ouvertement en faveur de quelque chose, c'est parce qu'il y a un signe de piastre, hein? Bon. C'est pour ça que je dis que votre mémoire, de par son approche critique, me plaît.

Mais je vais quand même vous poser la question suivante. Vous avez répondu au ministre de façon très, très directe tout à l'heure que vous voyiez mal l'entreprise privée au niveau du service municipal. Mais, considérant qu'au moment où on se parle le monde municipal, pour certains services, utilise beaucoup l'entreprise privée sous la forme d'appels d'offres – on le sait, on appelle ça du faire faire plus que de la privatisation, mais, quand même, l'entreprise privée est mise à contribution dans l'octroi de certains services municipaux – alors en quoi la formule préconisée, soit la société d'économie mixte, est plus privatisée que l'utilisation que le monde municipal fait de l'entreprise privée au moment où on se parle?

Autrement dit, est-ce que la société d'économie mixte doit être considérée comme une plus grande privatisation des services municipaux que la formule actuelle où, finalement... Puis, encore là, je suis surpris que les entreprises reprochent aux appels d'offres... Ils disent que la formule des appels d'offres n'est pas toujours la bonne. Ça, ça me surprend du secteur privé, qu'on dise ça, parce que c'est la formule sacrée, l'appel d'offres public. Mais, ceci dit, en quoi la formule actuelle est plus ou moins privatisée ou privatisable? Répondez-moi à ça pour me dire que, finalement, ce qu'on propose va plus dans votre sens ou dans le sens de vos critiques.

M. Sterck (Alain): Je crois que ce qu'il faut voir, c'est que, dans le cas des SEM par rapport au système des appels d'offres, il y a un partenariat de long terme avec un seul entrepreneur. C'est déjà une grosse différence par rapport au système des appels d'offres, où c'est des commandes au coup par coup. Ce qu'il faut voir aussi, c'est que, on l'a vu, le système des SEM est souvent fait à l'initiative d'un partenaire privé. C'est aussi une grosse différence par rapport au système d'appel d'offres, où il y a normalement une certaine concurrence préalable qui est établie.

On est aussi dans des marchés, probablement, où, par exemple dans les services urbains, et on l'a vu, c'est des marchés très peu concurrentiels. Donc, le problème à la fois de cartel ou de collusion, de corruption qui risque de se présenter lors de l'établissement des contrats de SEM risque de s'avérer encore plus compliqué que ceux qui peuvent se présenter dans le cas des appels d'offres. Et on montrait justement dans le mémoire que, déjà dans les cas d'appels d'offres, ce n'est pas si simple que cela.

A fortiori, dans le cas des SEM, cela risque d'être plus compliqué. Comme l'a souligné M. Hamel, je crois que le recours au secteur privé, suite à la question du ministre, s'avère effectivement nécessaire pour la prestation d'un bon nombre de services que la municipalité n'est pas à même de fournir. Mais il ne faut pas tomber dans une naïveté et croire que, dans une association à long terme, le secteur public va bénéficier quasi automatiquement, parce que c'est souvent comme ça que c'est présenté, de la compétence et du partenariat du secteur privé, d'autant qu'on est dans des secteurs particulièrement protégés. C'est bien ce qu'il faut voir.

M. Hamel (Pierre J.): Et le projet de loi ne prévoit pas de concurrence au départ, laisse entendre que, quand il va y avoir des achats d'intrants en cours de route, ça va se faire à la bonne franquette, disons-le, quand c'est en deçà des seuils permis par la loi. Au-delà, ça prend l'assentiment du partenaire municipal. Qu'est-ce qui oblige à aller regarder ailleurs que dans les filiales de son propre groupe pour acheter des produits au prix de liste et ainsi de suite?

Alors, pas de concurrence au début, pas de concurrence pendant et à peu près la garantie qu'il n'y ait plus jamais de concurrence, parce que, après 25 ans d'un contrat à long terme avec une municipalité, on n'a plus les cols bleus qui avaient les compétences pour faire la job et on est bien mal pris de reprendre ça en régie.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Trudel: Très bien. Le temps file rapidement.

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste deux minutes.

M. Trudel: Oui. Effectivement, donc, ce que vous nous donnez comme avertissement, comme élément important à regarder, élément auquel il faut s'attacher dans l'éventualité de la poursuite, quand on va poursuivre au niveau du projet de loi, quand on s'aperçoit de ce qui s'est passé à l'étranger, c'est qu'il faut en tirer les meilleures leçons et faire en sorte que ça ne se reproduise plus, que ça ne se reproduise pas. On ne réinvente pas la roue tous les matins, mais il faut tenter... et il faut être sûr, il faut s'assurer que tous les mécanismes de contrôle soient là.

Et je reviens sur l'élément de contrôle démocratique que vous soulevez à juste titre dans votre mémoire. Vous dites: La bonne gestion des municipalités – ou en quelque sorte, là, de cette façon-là – repose sur des élus compétents ou dévoués – moi, je dis: Oui, je pense qu'on les a – sur une opposition solide et informée – ce n'est pas pire, je pense qu'on l'a aussi – une fonction publique compétente et dynamique – ça aussi, je pense qu'on a ça – et des citoyens et une presse aux aguets – ça, ça me semble effectivement important.

Je ne sais pas comment il faudra réaligner ça, mais il s'est passé depuis quelques mois, je ne sais pas trop si on va appeler ça un vacuum au niveau de l'information et de l'interprétation de la loi. Mais, à l'égard d'une SEM, il faut être bien clair. L'article 5 de la loi d'accès à l'information dit très clairement, au chapitre I, les organismes qui sont assujettis à la loi d'accès à l'information: «une municipalité, ainsi que tout organisme que la loi déclare mandataire ou agent d'une municipalité et tout organisme dont le conseil d'administration est composé majoritairement de membres du conseil d'une municipalité, de même que tout organisme relevant autrement de l'autorité municipale».

En termes de droit, ça me semble assez clair, c'est-à-dire que le fondateur municipal est, lui, soumis aux mécanismes d'accès de la loi, et la SEM également, à mon avis, je dirais, sous réserve de vérifications, mais la loi semble... En tout cas, on peut la lire 20 fois, mais on ne peut pas la lire de 20 façons différentes. À cet égard-là, oui, la préoccupation du législateur, ça va être de s'assurer que ce qui est public et qu'on a prévu aux termes des mécanismes d'accès à l'information continue de l'être. Et, si tel était le cas de l'application, donc, large, malgré les difficultés qui se sont présentées au cours des derniers mois, est-ce que vous ne pensez pas que c'est un élément supplémentaire de sécurité suffisant pour s'assurer d'un certain contrôle, en tout cas, au niveau des possibles abus auxquels vous avez fait allusion pendant votre présentation?

(11 h 50)

La Présidente (Mme Bélanger): Une réponse courte, M. Lavigne, s'il vous plaît.

M. Hamel (Pierre J.): C'est une condition nécessaire mais certainement pas suffisante.

La Présidente (Mme Bélanger): Pas Lavigne, Hamel.

M. Trudel: Très bien. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire, messieurs. Il y a beaucoup d'ex-élus municipaux autour de cette table, et je ne pensais pas qu'on faisait partie d'une catégorie d'élus qui étaient si facilement corruptibles. Ceci étant dit, je reconnais, par contre, que, dans l'avant-projet de loi... D'ailleurs, par mon questionnement et le questionnement de mes collègues depuis quelques jours, je pense qu'on y retrouve un fil conducteur, c'est-à-dire celui où on veut s'assurer que le contribuable, finalement, en a à la fois pour son argent, en a aussi, donc, au niveau de la qualité des services.

Je me questionne sur la question du choix du partenaire. Je veux revenir là-dessus parce que, ça, ça me fatigue beaucoup. J'ai parfois de la difficulté à enlever le vieux chapeau que j'avais, que j'aimais beaucoup, d'ailleurs. Mais je m'imagine facilement autour d'une table décider avec un partenaire privé de créer une SEM. Comment on fait pour convaincre un conseil municipal, nos collègues du conseil ou même nos citoyens? Parce que, si ce n'est pas évident pour nous ici, de quoi on parle, imaginez les citoyens, comme vous le disiez tout à l'heure, qui, malgré toute la bonne volonté possible... Que ce soit de la presse, mettons, tout le monde de bonne foi, ce n'est pas évident que les gens vont comprendre ce qu'on fait là-dedans.

Je comprends que, pour vous autres, les créations de SEM, il ne faudrait peut-être pas en faire. Mais, si on en faisait, si on allait de l'avant avec le projet de loi, quel type de mécanisme verriez-vous pour s'assurer qu'on trouve le meilleur partenaire possible, que le fondateur municipal choisisse son partenaire de la meilleure façon possible?

M. Hamel (Pierre J.): La réponse la plus générale, ce serait qu'il faudrait que ça se fasse au grand jour, le choix du partenaire, et qu'il y ait plus d'une proposition. Puis, comme on vous le disait, même quand il y a plus d'une proposition, c'est très souvent – et c'est documenté – un arrangement à l'amiable entre des partenaires privés pour en faire passer un chacun son tour.

Mme Delisle: Je vous trouve très durs à cet égard-là. Je vous donne raison sur un point. Je vous donne raison sur un point, là, on pourrait faire longtemps le débat, parce qu'il y a effectivement des instances dans une municipalité... Qu'on pense à la collecte des déchets, là, évidemment, tout le monde s'organise d'une autre façon, mais reportons-nous à il y a quelques années, où on allait en soumissions et où ce n'était pas nécessairement le plus bas soumissionnaire qui l'avait, parce que, dépendamment du devis, du tonnage, du nombre de portes, de la sorte de camions... En tout cas, je n'ai pas de dessin à vous faire, vous savez comment ça fonctionne. La même chose au niveau des assurances. Ce n'est pas parce qu'on va en appel d'offres qu'on ramasse nécessairement celui dont la dernière ligne va être, je ne sais pas, moi, 17 235 $ au lieu de 17 236 $. Alors, est-ce qu'il y en aurait une, formule, finalement, honnête et «aboveboard», puis sur la table, puis transparente, où les citoyens seraient protégés? Je ne peux pas croire que tous les élus municipaux vont se faire avoir et que les citoyens du Québec vont se faire avoir. Je ne vous dis pas que je suis pour ou contre ça, là, j'essaie de voir comment ça va fonctionner.

M. Hamel (Pierre J.): Vous avez sans doute vu... c'était une série d'articles en première page du Soleil à l'automne dernier. C'était sur la collecte de la neige, le ramassage de la neige, les ordures...

Mme Delisle: Le ciment.

M. Hamel (Pierre J.): ...le ciment, bon. On ne parle pas d'une autre planète, là. Et ça, c'est avec des mécanismes qui sont en principe blindés pour s'assurer que les citoyens en ont pour leur argent. C'est des mécanismes qui sont en principe connus, réguliers, et puis la série d'articles du Soleil laissait entendre que les municipalités de la région de Québec n'en avaient peut-être pas pour leur argent là-dedans et que, curieusement, la municipalité où les coûts augmentaient le plus lentement, où le service semblait être le plus intéressant, c'était Loretteville, où c'étaient, pour l'essentiel, des cols bleus en régie qui faisaient la quasi-totalité de ces travaux-là.

Ce que je vous dis, c'est que les municipalités font beaucoup appel au privé, comme le disait M. le député de Dubuc, et c'est tout à fait correct, sauf que c'est déjà tout à fait difficile avec les mécanismes actuels. Pour un contrat qui n'est pas un contrat de mariage, pour un contrat qui dure sur une période très courte, c'est déjà compliqué. Si, en plus, on s'enligne sur un truc à très long terme de 20 ans, 30 ans, il faut s'assurer de ne pas trop se tromper, parce que c'est pas mal compliqué de revenir en arrière.

Mme Delisle: Est-ce que vous seriez d'accord pour que... On a déjà quand même des projets-pilotes, dont seulement un qui est opérationnel.

M. Hamel (Pierre J.): Et qui est gardé sous le couvert du secret commercial.

Mme Delisle: Oui, bien, ça, j'ai bien compris, à la lecture de votre mémoire et d'autres, d'ailleurs, dont celui de Mme Boucher, que c'était inacceptable. Mais est-ce que, étant donné qu'on a des projets-pilotes, on ne devrait pas tout simplement y aller cas par cas encore pour quelque temps plutôt que d'y aller avec une loi-cadre qui... Je sais que vous avez fouillé ça. Je connais votre expertise dans le domaine, alors...

M. Hamel (Pierre J.): Encore faudrait-il que ça soit des projets-pilotes. Vous voyez, c'est toujours compliqué, hein, de... Et je pense...

Mme Delisle: On en a quatre sur la table.

M. Hamel (Pierre J.): Oui, oui, mais...

Mme Delisle: Il y en a un qui fonctionne.

M. Hamel (Pierre J.): Un seul qui fonctionne.

Mme Delisle: On en a un autre qui ne fonctionne pas parce que la politique est mêlée à ça – les gens vont venir nous en parler – puis on en a deux autres dont on ne sait pas où ils sont rendus. Alors...

M. Hamel (Pierre J.): C'est sans doute très compliqué d'imaginer un projet de loi, justement, qui prévoit l'imprévisible. Nous, sans doute qu'on serait partisans de faire ses classes pour un certain temps, sauf que, pour vraiment faire ses classes – regardez, c'est là que c'est compliqué – il faudrait vraiment faire des vraies expériences, donc sur des contrats qui aient une certaine importance, sauf qu'en même temps, justement, dans la mesure où on est inexpérimentés, y aller sur des vraies expériences grandeur nature, ça peut conduire à des situations malheureuses. Par contre, ça serait évidemment de limiter la casse que d'y aller justement au cas par cas sur un petit nombre d'expériences.

Mme Delisle: Je terminerais par un commentaire. Votre mémoire me laisse très perplexe, je vous l'avoue, et ça me chicote de voir qu'on a passé tant d'années à se questionner sur la capacité des Québécois de vraiment performer seuls – je ne veux pas faire de débat politique ici – et là on vient nous dire, finalement, qu'on n'est vraiment pas capables, qu'on n'est pas assez honnêtes puis qu'on n'est pas assez compétents pour embarquer dans un projet ou dans la création de sociétés d'économie mixte. En tout cas, je vous le dis bien franchement, ça me laisse un peu perplexe.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la députée de... Peut-être une petite réponse à ça.

M. Hamel (Pierre J.): Si je peux me permettre, ce qu'on dit, par contre, c'est que, dans notre fonction publique, on a des entrepreneurs. Ce n'est pas vrai de tous les D.G., ce n'est pas vrai de tous les fonctionnaires, ce n'est pas vrai de tous les maires, mais il y a dans nos fonctions publiques des gens compétents, entreprenants, et ça, on ne s'en rend pas assez compte.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Hamel et M. Sterck. On vous remercie de votre participation, et la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 6)

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît! La commission de l'aménagement et des équipements reprend ses travaux. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Et nous avons comme invités, pour débuter notre après-midi, M. André Martineau, vice-président et directeur général de Laidlaw, accompagné, je pense, de M. Jacques Thivierge.

M. Martineau (André): Oui, Mme la Présidente. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et il y aura une discussion, entre les deux groupes parlementaires, de 20 minutes chacun.

Et, étant donné l'expérience de cet avant-midi, j'aimerais peut-être faire une remarque pour les nouveaux invités: si c'était possible de faire des réponses plus courtes pour permettre plus de questions des parlementaires. Alors, ça ne s'adresse pas nécessairement à vous, c'est à l'ensemble de tous les invités, puis même les parlementaires autour de la table, de faire des questions un petit peu moins longues, alors, ça va demander des réponses plus courtes.

Alors, M. Martineau, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.


Laidlaw inc.

M. Martineau (André): Merci pour la parole, Mme la Présidente.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mme la porte-parole de l'opposition officielle, Mme et MM. les députés, Laidlaw vous remercie de nous entendre aujourd'hui sur cette importante consultation. Il y a de l'information sur Laidlaw que je vais passer; vous pouvez la lire à votre guise.

La vision de Laidlaw du partenariat public ou privé. Laidlaw est heureuse d'apporter à la discussion entourant l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte le point de vue d'une entreprise dont la raison d'être et la mission depuis près de 35 ans ont été de développer un savoir-faire et une expertise d'avant-garde dans plusieurs secteurs d'activité qui relèvent de la responsabilité des municipalités, dont la gestion environnementale des déchets.

En 1996, les administrations publiques, qu'elles soient municipales ou gouvernementales, sont aux prises avec des problèmes financiers importants, cela n'est plus un secret pour personne. Le gouvernement multiplie d'ailleurs les appels à la solidarité et à l'imagination pour lutter contre les déficits et l'endettement. C'est dans ce contexte que sont apparus les premiers projets de SEM en 1994 et 1995. C'est également dans ce contexte que le monde municipal a entamé une réflexion sur les moyens à prendre pour faire face à la crise des finances publiques et aux nouvelles responsabilités qui l'attendent.

Laidlaw estime pouvoir contribuer à l'exercice en cours en intensifiant son partenariat avec le monde municipal. Nous sommes bien au fait que les municipalités sont à la recherche d'outils qui leur permettront de continuer à desservir les populations en services municipaux de base dans de meilleures conditions financières. Nous adhérons pleinement à l'objectif d'une gestion saine et efficace pour des services de qualité. Laidlaw souhaite, dans un premier temps, aborder de façon générale cette question; dans un deuxième temps, nous traiterons de l'avant-projet de loi proprement dit.

(14 h 10)

Laidlaw croit que le gouvernement du Québec devrait examiner toutes les formes de partenariat entre le secteur municipal et le secteur privé, notamment en s'inspirant de ce qui se fait à l'extérieur du Québec. Selon nous, les gouvernements peuvent emprunter deux grandes voies dans le partenariat public-privé: la voie contractuelle, qui est la plus utilisée au Québec et ailleurs, et la voie des entreprises publiques-privées comme les sociétés d'économie mixte. Chacune de ces voies comporte ses mérites et ses imperfections. Chose certaine, jusqu'à présent, au Québec comme ailleurs, c'est la première voie qui a été privilégiée, notamment dans le traitement des déchets.

Le partenariat entre le secteur municipal et le secteur privé dans le domaine de la gestion des déchets est déjà une réalité au Québec, où la grande majorité des municipalités font affaire par contrat avec des entrepreneurs privés. Aux États-Unis, 80 % des déchets sont collectés par des compagnies qui fonctionnent à contrat avec les municipalités. Dans ce contexte, les chercheurs de l'Université Columbia, à New York, ont démontré que les municipalités qui donnent à contrat la gestion de leurs déchets ont réduit en moyenne de 40 % leurs dépenses. À l'inverse, les administrations municipales qui assurent elles-mêmes l'enlèvement des ordures affichent des dépenses de 29 % supérieures aux municipalités qui font appel au secteur privé. Donald Dewees, de l'Université de Toronto, en est arrivé à des conclusions similaires pour le marché des déchets de l'Ontario en 1993.

De façon succincte, nous pouvons définir la voie contractuelle de la manière suivante: par l'entremise d'une franchise, d'une location ou d'une concession à long terme, l'entreprise privée construit et/ou exploite un équipement public ou livre un service public. Elle procède également à l'amélioration de l'équipement ou du service. Le recouvrement de l'investissement se fait sur la durée du contrat de franchise, de location ou de concession, avec une majoration sur le rendement. Cette voie prête à la mise en place des règles de partage de profits, et on a donné une couple d'exemples, à Mississauga, Chicoutimi. Il y a un autre contrat qu'on vient de signer à Hamilton, qui a été fait à travers des propositions publiques. À quelques nuances près, c'est de cette façon qu'on a procédé pour la construction du pont reliant le Nouveau-Brunswick à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est également de cette façon que se fait la gestion de l'eau en France par la société Générale des Eaux ou la Lyonnaise des Eaux.

Comme nous le rappelions précédemment, au Québec et en Amérique du Nord, les pratiques de collaboration entre les municipalités et le secteur privé pour la livraison de services aux collectivités sont relativement courantes et établies de longue date. Nous croyons que les formules de partenariat qui existent et qui se sont développées à travers le temps selon cette voie contractuelle méritent d'être élargies. En partant de ce qui existe et qui fonctionne, un tel élargissement constitue la voie la plus naturelle pour introduire des améliorations législatives et réglementaires qui donneraient aux municipalités et à leurs partenaires privés davantage d'opportunités d'établir des collaborations et des arrangements plus conformes et mieux adaptés aux besoins et aux situations variées selon les municipalités.

En ce qui a trait à la gestion des déchets en particulier, on peut s'attendre à ce que cette voie offre les meilleures perspectives et que celle des sociétés d'économie mixte ne pourra pas constituer une solution aussi efficace et satisfaisante. Nous sommes d'avis qu'il serait plus pertinent de mettre en place une législation-cadre plus générale sur le partenariat public-privé. Les SEM ne représentent qu'un des modèles de partenariat. Il convient de libérer la créativité des entrepreneurs privés et des administrateurs publics et non pas de les confiner à un seul modèle. Laidlaw, en général, essaie de structurer ses ententes, viser aux besoins de la municipalité. Et, souvent, ce qu'on retrouve, c'est que chaque municipalité a des besoins différents.

Je voudrais maintenant vous faire part de nos commentaires, de nos interrogations et de nos suggestions quant à l'avant-projet de loi sur les SEM proprement dit. Comme nous l'avons déjà mentionné, les municipalités font face à de nouveaux défis: crise des finances publiques, décentralisation et prise en charge de nouvelles responsabilités. Les SEM se présentent comme une formule leur permettant d'accéder aux capitaux et à l'expertise du secteur privé. L'avant-projet de loi qui nous est proposé s'inspire de l'expérience française. Il est certes intéressant de pouvoir s'inspirer de celle-ci, mais nous aimerions souligner certaines différences fondamentales entre les contextes français et nord-américain. Dans le cas de la France, l'État a toujours occupé une place prépondérante dans des secteurs d'activité qui relèvent du secteur privé en Amérique du Nord; là où on retrouve des entreprises privées en Amérique du Nord, on trouve en France des administrations municipales. En France, la mise en place des SEM locales a été un moyen de donner aux municipalités l'opportunité d'établir des partenariats avec le secteur privé pour des activités et services dont elles assumaient pleinement et traditionnellement la production et la gestion. On a donc fait plus de place au secteur privé.

Au Québec, et plus généralement en Amérique du Nord, le contexte est bien différent. Le secteur privé est déjà un partenaire actif important de notre économie. Il existe déjà ici un équilibre entre les rôles du secteur privé et du secteur public. En d'autres termes, le contexte québécois est fort différent de celui qui a donné les SEM en France et il ne peut être simplement transposé ici. La voie naturelle pour améliorer le cadre légal et se donner des moyens élargis de partenariat doit partir de ce qui existe ici.

Dans le domaine de la gestion des déchets, de la cueillette à la disposition, nous pouvons déjà constater un certain intérêt par les sociétés d'économie mixte avec l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi privé concernant la MRC du Haut-Richelieu et du projet de loi privé concernant la ville de Laval. Laidlaw croit que la SEM est un des moyens qui permettra aux municipalités d'offrir une meilleure gestion des services publics et une meilleure qualité de ceux-ci. En effet, les différentes formes de partenariat, dont la SEM, initieront les élus municipaux à la gestion des affaires privées et les gestionnaires privés à l'administration des affaires publiques. Les deux partenaires devraient y trouver leur compte puisqu'ils seront mieux à même de comprendre les avantages et les inconvénients de la gestion des affaires privées et de la gestion des affaires publiques.

Pour les municipalités, l'attrait des SEM dans le domaine du traitement des déchets se résume, à notre avis, dans quatre avantages bien précis. Premièrement, les municipalités pourront bénéficier d'une expertise éprouvée dans la gestion et l'opération du traitement des déchets. Deuxièmement, le partenaire privé permettra à la SEM de réaliser des économies d'échelle en augmentant le volume des déchets traités. En effet, des entreprises privées offrent déjà des infrastructures modernes et des services qui intègrent les différentes activités de gestion des déchets, ce qui permet de réaliser ces avantages d'économies d'échelle. Troisièmement, le partenaire privé peut apporter un complément au financement de projets qui dépassent la capacité financière des municipalités. Enfin, quatrièmement, le partenaire offre une meilleure gestion et une meilleure maîtrise des risques environnementaux.

Toutefois, pour que ces quatre avantages aient toutes les chances de se concrétiser, nous avons la conviction que le projet de loi sur la société d'économie mixte doit être plus flexible. Il doit rester suffisamment ouvert et général de façon à offrir des opportunités nouvelles de partenariat, mais sans introduire d'entrave au développement de l'industrie de gestion des déchets et à l'amélioration de l'efficacité de ce marché. En effet, l'objectif de la loi des SEM est d'apporter aux municipalités un des moyens de faire face à leurs nouveaux défis, mais il n'est pas de modifier les règles du jeu de l'industrie des déchets. Pour éviter ce genre de problème, nous croyons d'abord que le champ d'application des SEM devra être circonscrit aux déchets résidentiels sans s'appliquer aux déchets industriels, commerciaux et institutionnels. Il convient ici d'éviter que la mise en place de SEM interfère de façon artificielle dans le fonctionnement de ces sous-marchés bien distincts. En effet, les marchés industriel, commercial et institutionnel exigent déjà une très forte concurrence.

Par ailleurs, le présent projet de loi dit très peu de choses se rapportant au rôle du partenaire privé. Pour que des SEM se créent, il faut que le partenaire privé y trouve son compte. Comme ce dernier assume un certain nombre de risques financiers, technologiques, environnementaux, il doit pouvoir jouir d'une certaine latitude quant au mandat qui lui est confié. Si cette latitude n'est pas accordée dans la loi sur les SEM, les municipalités auront de la difficulté à se dénicher des partenaires privés, selon nous.

(14 h 20)

Un aspect important de cette question des risques est le risque environnemental. Il est clair que la mise en place des SEM soulève des préoccupations quant à la capacité respective des partenaires de la SEM d'assumer leurs responsabilités à cet égard. La voie contractuelle nous semble offrir davantage de flexibilité pour accorder la répartition des responsabilités à celle des capacités des partenaires d'honorer ces responsabilités.

Le présent projet de loi nous apparaît également trop rigide en ce qui concerne le principe de répartition de la propriété du capital-actions. Force est de constater que le fondateur relevant du secteur privé ne peut envisager de détenir le contrôle légal ou factuel du processus décisionnel d'une société d'économie mixte. L'avant-projet ne traduit pas ici suffisamment l'esprit du partenariat qui l'inspire pourtant.

La règle de la propriété majoritaire du secteur public dans le capital constitue plutôt ici une limitation qu'un élargissement de la formule de partenariat. Il n'y a pas lieu de s'enfermer dans cette règle limitative. Des exceptions devraient tempérer cette limite pour attirer le secteur privé et refléter davantage l'esprit de partenariat qui guide cet avant-projet de loi.

Les exigences du secteur public n'étant pas les mêmes que celles du secteur privé, le rendement sur l'équité exigé par le partenaire majoritaire, c'est-à-dire le partenaire municipal, pourrait éloigner des investisseurs privés si ce rendement est trop faible. Selon nous, le partenaire privé doit bénéficier des gains de productivité qu'il contribue grandement à obtenir. Par ailleurs, les objectifs du partenaire public pourraient entrer en conflit avec ceux du partenaire privé. Cette situation est d'autant plus plausible que le partenaire privé pourrait fournir 49 % du capital sans contrôler des décisions qui pourraient mettre en péril son investissement.

Les SEM pourront être un moyen de permettre une tarification plus représentative des véritables coûts relatifs à la gestion des déchets. Ainsi, les contribuables disposeront d'une meilleure information pour prendre les décisions menant à une réduction des déchets qu'ils génèrent et, du même coup, de leur charge fiscale. Il ne faudrait pas que les SEM soient pour les municipalités un moyen de taxer indirectement les citoyens.

L'avant-projet de loi n'offre pas les garanties suffisantes pour assurer que la mise en place et le fonctionnement des SEM se feront avec toute l'harmonie et la discipline de marché voulues. Aussi, il faudra s'assurer que la loi sur les SEM n'entre pas en conflit avec d'autres lois existantes.

Enfin, malgré la nécessité d'obtenir l'approbation du ministre des Affaires municipales, la société n'est pas assujettie au processus d'appel d'offres ou d'invitations pour conclure la convention de partenariat. Cela pourrait être une source d'abus ou de favoritisme mettant à l'épreuve les principes d'égalité des chances et d'obtention des meilleurs prix et qualité possibles pour le bénéfice des élus. La même remarque s'applique à l'octroi des contrats à des sous-traitants dans le cadre de la SEM. Selon nous, la loi devrait éviter ces risques en préservant le mécanisme des soumissions, qui a fait ses preuves.

À ce propos, nous lisions récemment dans un quotidien de Montréal qu'il fallait attribuer une réduction de 30 % des coûts de services en gestion de déchets suite à la création de la SEM du Haut-Richelieu. Cette relation de cause à effet est erronée, puisque, au cours des dernières cinq années, ce marché a connu une baisse constante des prix. Et on a mis des contrats que vous pouvez vérifier.

En conclusion, ce sont là les principales considérations et propositions que Laidlaw tenait à faire valoir auprès des membres de la commission. Je vous les résumerais ainsi. Tout d'abord, nous sommes tout à fait favorables et intéressés par la démarche entreprise pour ouvrir de nouvelles voies et de nouveaux instruments de collaboration et de partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Cette démarche correspond, à toutes fins, à notre vision de ce qui doit être fait et aux pratiques que nous nous sommes attachés à développer au cours des années avec des partenaires du monde municipal au Québec. Nous considérons que les SEM constituent l'une des voies intéressantes de partenariat, offrent une opportunité de collaboration encore plus intensive entre le monde municipal et l'entreprise privée. Cette intensification de la collaboration public-privé, à notre avis, est incontournable afin de relever le défi de redressement des finances publiques. Cependant, nous croyons que la loi devrait être de portée plus générale et laisser libre cours à la créativité des entrepreneurs privés et des administrateurs publics quant au partenariat qu'ils pourraient développer ensemble. Tout le projet de loi-cadre visant le développement de partenariats public-privé devrait inclure le processus d'appel d'offres public afin de préserver le principe d'égalité des chances et la discipline de marché. On a aussi d'autres conclusions, mais je vais terminer ici.

Je voulais finalement vous faire savoir que Laidlaw est fière de participer à cette importante commission parlementaire qui ouvre des nouvelles voies dans la collaboration entre le secteur privé et le secteur public. Et je vous remercie de l'occasion qui nous a été donnée de nous exprimer quant à cet avant-projet de loi. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Martineau. M. le ministre.

M. Trudel: M. Martineau et M. Thivierge, bienvenue. Merci de votre présentation. Évidemment, on a parcouru ce mémoire-là avec grande attention. On ne pouvait pas s'attendre beaucoup à ce que vous soyez contre notre projet de loi, là; on ne s'attendait pas à des surprises dans ce domaine-là. On s'imaginait bien que vous alliez saluer l'entrée et le partage, je dirais, de l'expertise du privé à l'égard de la production et de la distribution de services par le privé dans le secteur municipal.

Oui, je trouve intéressants un certain nombre de principes qui ont été soulevés dans d'autres mémoires et qui se rapprochent plus de l'économie du secteur public – comme, par exemple, la question de l'appel d'offres pour le partenaire – que la simple négociation, qui ouvre, théoriquement en tout cas, la voie à des situations pour lesquelles on a de la difficulté à obtenir de l'éclairage ou à y voir clair, parce que, évidemment, on est en matière de marché, on est en matière de secteur privé là-dedans.

Vous indiquez dans votre mémoire que vous souhaitez cependant que le secteur privé ait une plus grande latitude à l'intérieur de la société d'économie mixte. Vous allez m'en dire un petit peu plus, là. Quel type de latitude? Qu'est-ce que vous voulez avoir de plus comme marge de manoeuvre à l'intérieur de la société d'économie mixte, lorsque le partenaire est sélectionné en vertu du mécanisme d'appel d'offres? Quels sont les éléments que vous souhaiteriez que l'on modifie pour permettre de rejoindre vos objectifs?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Martineau.

M. Martineau (André): Merci, Mme la Présidente. En termes de latitude, Laidlaw a un nombre, je dois dire, de voies contractuelles qui ont été mises en place avec d'autres villes à travers l'Amérique du Nord, et, certainement, il y a certaines des choses, en termes de latitude, qui sont difficiles pour nous avec le projet de loi: un, c'est les responsabilités environnementales. Laidlaw insiste et va insister, avec des SEM, que c'est Laidlaw qui contrôle tous les événements, tous les travaux en termes de lois environnementales. Normalement, et je dirais, certainement ici, au Québec, les politiques internes de Laidlaw en termes d'environnement sont plus sévères que beaucoup des juridictions où on opère.

Deuxièmement, il y a le côté en termes d'investissements. Si Laidlaw est demandé, si on nous demande d'investir 100 % du capital, je peux vous dire très précisément que Laidlaw va vouloir contrôler ce qui se passe avec le capital. Et je vais employer Hamilton comme exemple, où on a obtenu un contrat. C'était fait à travers une proposition publique. Laidlaw va investir 10 000 000 $ dans le système durant les prochains 10 ans. À la fin de ça, Laidlaw vend son investissement à la région, qui est comme une MRC ici, pour 1 $. Mais, durant les 10 ans, c'est Laidlaw qui contrôle comment le capital est appliqué et comment ça va être géré. Ça, c'est probablement les deux points principaux qui donnent un souci à Laidlaw, c'est du côté environnemental et du côté: qu'est-ce qui va arriver si Laidlaw se fait demander de mettre 100 % du capital dans un projet mais ne contrôle ni l'un ni l'autre? Les latitudes, c'est vraiment de donner du contrôle de ce côté-là.

(14 h 30)

M. Trudel: Mais, là, il va falloir qu'on revienne un peu, parce que c'est plus que de la latitude, là, c'est de l'altitude, là, que vous voulez prendre! Écoutez, on va être assez clair, même si ce n'est pas ici que doit précisément se discuter la question au sujet du contrôle des lois environnementales, là, mais la première affirmation au niveau de la latitude, vous dites... Est-ce que je comprends que vous ne voulez pas que le ministère de l'Environnemeent ou que l'État se mêle au niveau de l'inspection, du contrôle des normes? Vous voulez être seuls responsables?

M. Martineau (André): Non, non, non, non, non. Ce que j'essaie de dire, c'est que Laidlaw suit les normes provinciales, mais on a des politiques internes en termes de... si je prends... j'essaie de penser au mot «depletion»...

M. Trudel: Dites-le en anglais.

M. Martineau (André): ...la dévaluation d'un site d'enfouissement, je pense que la loi, ici, il faut gérer ça ou mettre de l'argent à côté pour 25 ans. La norme, en dedans de Laidlaw, c'est 30 ans. Et quand j'opère en dedans de Laidlaw, je suis obligé de contrôler ça comme si c'était 30 ans. Ça fait que, si mon partenaire public me dit: Non, tu vas suivre la norme de la loi du Québec, qui est moins sévère que notre politique interne, moi, je rentre en conflit avec ma compagnie, en termes que ma compagnie va insister pour qu'on gère ça de la même façon qu'on gère tous nos sites à travers l'Amérique du Nord.

M. Trudel: Mais on va s'entendre rapidement que la chicane ne durera pas longtemps. Si vous voulez être plus strict ou plus serré en termes de normes que ne l'est le gouvernement du Québec, je pense qu'on ne se chicanera pas longtemps sur la...

M. Martineau (André): Non, non, je ne pense pas qu'il va y avoir des problèmes au niveau provincial, mais, ça, ça veut dire qu'il y a de l'argent qui est mis à côté, et le partenaire municipal va peut-être dire: Non, je ne veux pas mettre cet argent-là à côté, je veux que ça soit remis aux citoyens. Et c'est là que je vois le conflit; je ne vois pas le conflit au niveau provincial.

M. Trudel: Très bien. Je comprends.

Deuxièmement, vous dites aussi: Si on met 100 % du capital-actions, nous, il faut qu'on contrôle l'achat, il faut qu'on contrôle complètement ce qui se passe. C'est ça que vous dites?

M. Martineau (André): Je suis prêt à dire: Il y a quelque chose qui va être mis, le privé va mettre quelque chose sur la table et le public va mettre quelque chose sur la table. Mais ce que j'essaie de dire: Si Laidlaw se fait demander de mettre 100 % du capital pour un projet, on va vouloir avoir le contrôle. Au lieu d'être 51-49, municipal-privé, on voudrait probablement que ça soit de l'autre façon.

Je sais qu'en France, où les investissements sont très grands pour certains projets, les actions en capital du privé peuvent monter jusqu'à 70 %. Et c'est la sorte d'exception que, s'il y a beaucoup de capital à mettre puis c'est tout le privé qui le met, le privé peut avoir en capital-actions, pour s'assurer de son rendement, plus que 49 %.

M. Trudel: Bien, évidemment, lorsqu'on ne le prend que sur la part de capital dans l'entreprise, il y a une certaine logique dans votre raisonnement. Mais disons que la partie publique amène quelque chose d'essentiel: le secteur d'activité dans lequel vous n'avez pas le droit d'intervenir actuellement. Dès qu'ils apportent toute la question de la gestion, par exemple, des déchets, dans votre cas, ils disent: Bon, bien, on le met, c'est possible pour le secteur privé. Je comprends que ce n'est pas monnaie sonnante, là, en termes d'apport de capital, sauf que, comme objet, comme élément dans l'entreprise, c'est, mettons, comme essentiel.

Je comprends votre préoccupation, là, de dire que, si on met 100 %, si on met la majorité du capital, on veut contrôler l'entreprise. Bon. Ça, c'est votre raisonnement à partir des règles du privé. Mais il ne faudra pas oublier dans quel secteur on est et que l'apport qui est fait dans la SEM, c'est qu'on permet à l'entreprise privée d'entrer dans un secteur pour lequel ça lui est interdit parce que c'est la responsabilité municipale actuellement.

Et je fais juste ajouter, qualitativement, ceci, c'est que je dois vous dire qu'on est à réfléchir, oui, actuellement sur cette question de l'apport en capital dans une SEM, éventuellement. Et un des dangers qui nous apparaît, c'est: plus l'entreprise privée apportera des capitaux élevés, plus sera élevé son désir de contrôler l'entreprise. C'est les règles du marché, mais on a des problèmes avec ça, parce que le principe fondamental de la société d'économie mixte, c'est la responsabilité des personnes élues par la population quant au coût du service et quant à la livraison de ce service. Est-ce qu'on pourra en arriver à réconcilier les deux? Je le souhaite vivement, mais on va prendre en bonne note ce que vous nous avez dit là-dessus.

Dernière question, quant à moi. Dans le mémoire que vous nous aviez envoyé, et pas le résumé d'aujourd'hui, là, vous nous avez parlé de l'application de l'article 45 du Code du travail au Québec à l'égard d'une société d'économie mixte. Et vous faites état dans votre mémoire – mais je ne pense pas que vous l'ayez répété dans ce que vous avez déposé aujourd'hui – des difficultés évidentes que ça vous causait, l'application actuelle de l'article 45, en termes de transfert de main-d'oeuvre dans un secteur d'activité qui est actuellement exploité par la municipalité. Vous, là, est-ce que vous nous demandez carrément de modifier le Code du travail? Ou c'est quoi, la voie de travail, le chantier qu'il faut ouvrir à cet égard-là, si c'est un os majeur? Et on le sait qu'il y a un os, tel que le dit l'actuelle loi.

M. Martineau (André): Je pense que la meilleure façon de l'expliquer: un, le 45, c'est la loi, on vit avec la loi. Partout au Québec, j'ai des syndicats. Si on fait des choses, on prend compte de ça dans nos ententes avec la municipalité. Mais encore, ce qu'on pouvait voir, c'est que les municipalités pourraient s'attendre à penser qu'il va y avoir des épargnes beaucoup plus grandes qui, peut-être, vont vraiment être là. On a déjà, comment je dirais ça, acheté d'autres compagnies ou pris le contrôle d'une activité qui était publique; on transfère le contrat comme la section 45 le demande. S'il y a des choses qu'on veut changer dans le contrat, ce serait à la table de négociation. Quant à nous autres, le 45, la problématique qu'on voyait là, c'est que je pense que, souvent, les municipalités vont regarder ça puis vont dire: On s'attend à voir des grandes épargnes parce que le privé va pouvoir changer les choses. Mais je pense que la vérité est que les épargnes ne seront pas aussi grandes que les municipalités le pensent si le 45 s'applique. Ça fait que, de notre côté, nous autres, on suit la section, c'est la loi. Que ce soit ici, au Québec, ou dans d'autres provinces ou États aux États-Unis, c'est pas mal commun que les contrats suivent. On voit que les contrats vont suivre. Si on veut changer des choses, on s'assoit à la table de négociation.

M. Trudel: En tout cas, on va prendre bien note de la réponse que vous nous donnez, parce qu'on n'est pas habitués à entendre ce langage-là ici. On n'a pas entendu ça jusqu'à maintenant. C'est la première fois que la partie du privé nous dit: Bon, bien, 45, là, nous autres, on peut vivre avec ça. Moi, je comprends, là...

M. Martineau (André): Je ne peux pas dire que je l'aime...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Martineau (André): ...mais c'est la loi, comme c'est dans d'autres places au Canada et aux États-Unis, et Laidlaw a toujours opéré en dedans des lois. Et, si je veux changer le contrat dont j'hérite en termes du 45, c'est à moi de m'asseoir avec le syndicat puis de renégocier le contrat, comme se font périodiquement les nouveaux contrats.

M. Thivierge (Jacques): Une précision, peut-être, M. le ministre, c'est qu'il est évident que, si jamais il y avait une proposition qui arrivait sur la table comme ça, où il y a des négociations qui s'engagent entre la compagnie Laidlaw puis, disons, une organisation publique et que, nous, on prétende que, oui, il y a peut-être moyen que l'entreprise soit profitable, il est évident qu'on va le regarder sérieusement. Si jamais on voit que c'est un obstacle majeur et qu'il est impossible, selon nous, de rendre cette entreprise-là profitable, à ce moment-là, on laisse la place à d'autres. Il faut voir ça, quand même, de ce côté-là: est-ce que l'opportunité d'affaires est là? Comme M. Martineau le mentionnait, très souvent, on le fait parce qu'on pense qu'on sera capable de convaincre les gens de pouvoir faire des aménagements ou des changements dans la convention collective, mais à partir du moment où on la prend et qu'elle est là, on vit avec et on fait du mieux qu'on peut avec.

(14 h 40)

M. Trudel: Bon. Écoutez, comme dirait mon collègue de Dubuc, ou la traduction du faciès de mon collègue de Dubuc: Pas mal! Écoutez, c'est rafraîchissant d'entendre ça. Ce n'est pas que la solution soit toute d'un côté ou toute de l'autre...

M. Thivierge (Jacques): Absolument, c'est ça.

M. Trudel: ...sauf que, écoutez, il doit bien y avoir des moyens pour travailler intelligemment avec ces lois et ces clauses qui ont été historiquement introduites dans le Code du travail en mesure de protection de ceux et celles qui font le travail. C'est essentiellement ça, la préoccupation du législateur. Maintenant, les situations changent, se déplacent, alors, il faut être capable non pas de dire: On retourne en arrière, mais de travailler avec la situation. Et, comme je l'ai dit à d'autres groupes, l'intelligence est assez bien répartie chez la moyenne des individus, partout au Québec ou ailleurs dans le monde. Alors, on est capable de travailler à partir d'une attitude ouverte, où on dit: On peut introduire une discussion franche, ouverte quant à l'avenir qui se dessine ou qui se fabrique dans une entreprise.

Une dernière question quant à...

M. Thivierge (Jacques): Peut-être un petit détail important, M. le ministre, c'est que, dans l'industrie des déchets, il y a un décret, comme vous le savez.

M. Trudel: Oui.

M. Thivierge (Jacques): Alors, si jamais il y a une municipalité qui disait: Bon, bien, on essaie de faire un partenariat quelconque... Comme je vous dis, c'est ça. Il faut regarder si l'entreprise peut s'avérer profitable, oui ou non, et dans quelles conditions. C'est ça qu'il faut regarder.

M. Trudel: À la page 10 de votre présentation, vous dites que: «Les SEM pourront être – évidemment – un moyen de permettre une tarification plus représentative des véritables coûts relatifs à la gestion des déchets», toujours à l'égard du champ d'activité dans lequel vous oeuvrez. Vous dites, cependant: «Il ne faudrait pas que les SEM soient, pour les municipalités, un moyen de taxer indirectement les citoyens.» C'est une autre affirmation où on est un peu surpris que ça origine de la bouche du privé, de s'interroger sur la possibilité que la tarification soit comme une taxe déguisée pour les citoyens. Vous avez des expériences, donc, en milieu municipal, forcément, pour la gestion des déchets. C'est des situations que vous avez déjà pu observer, ça? Est-ce que vous parlez théoriquement ou si vous parlez pratiquement, là? Avez-vous déjà vu ça sur le terrain, des municipalités qui en profitaient pour se sucrer le bec au passage?

M. Thivierge (Jacques): Pas à ma connaissance. Le point qu'on veut faire ressortir là-dedans, c'est qu'on ne sait pas exactement comment ça va fonctionner. Une chose qu'on dit, c'est que, si jamais ça devait voir le jour, comme on le pense, on se dit qu'il faudrait bien s'assurer qu'il y a peut-être moyen, justement, d'une part, de réduire les déchets, parce que, quand le consommateur va poser un acte économique, s'il sait exactement ce qu'il lui en coûte pour disposer d'une tonne de déchets, ça peut changer les habitudes de consommation, et économiques.

Et, deuxième des choses qu'on dit, c'est qu'il faudrait que ce soit transparent, que les gens comprennent combien il en coûte pour disposer d'une tonne de déchets, réduire, recycler, etc., parce que c'est une opportunité de ce côté-là aussi de donner plus de transparence. Parce que, si on fait bien la lecture du projet de loi comme tel, et ce qu'on dit, nous: Ne le limitons pas, élargissons-le le plus possible pour donner lieu à toutes sortes de partenariats. Ce qu'on dit, c'est: Assurons-nous que le processus soit transparent, même dans la tarification, pour changer certains actes de consommation en même temps, parce que, étant donné qu'on va donner de nouvelles responsabilités au secteur municipal et que le citoyen est beaucoup plus près des décisions du gouvernement municipal qu'il peut l'être, par exemple, de celles du gouvernement provincial, il est important que le processus soit transparent et qu'on implique tous les intervenants possibles. Donc, s'assurer qu'on peut vraiment utiliser ça pour changer, parce que j'imagine que, ce qu'on vise avec cette loi-là, c'est le changement. On veut rapprocher le citoyen de la prise de décision, trouver des nouvelles façon de faire pour faire face aux problèmes qu'on a. Alors, on dit: Profitons de l'opportunité pour vraiment faire une démarche qui risque d'aboutir à des choses intéressantes.

M. Trudel: Bien, merci de votre présentation. C'est des points de vue que nous allons examiner avec une très grande attention. Écoutez, on est en matière, on l'a dit d'entrée de jeu, de neuf, comme droit municipal. Je ne veux pas qu'on donne le bon Dieu sans confession à personne, là, mais, écoutez, tous les points de vue que vous soulevez et la perspective dans laquelle vous soulevez ces points de vue, ça m'apparaît extrêmement intéressant et, donc, ça ouvre la voie à des modifications qui vont dans le sens de plusieurs intervenants. Je vous remercie de votre contribution.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Merci, messieurs, pour votre présentation. J'ai, évidemment, comme tous mes collègues, lu avec beaucoup d'intérêt, je vous ai entendus avec beaucoup d'intérêt. J'ai l'impression, depuis quelques jours, que chacun prêche un peu pour sa paroisse. Le gouvernement – vous me pardonnerez ma franchise, là, mais on est ici, finalement... le ministre l'a dit à plusieurs reprises, on peut être francs entre nous, là, on est juste nous autres, là...

Une voix: ...

Mme Delisle: Non. C'est qu'on cherche... Le gouvernement cherche, évidemment, à assainir ses finances publiques, à réduire ses dépenses. Les municipalités font la même chose. Nous, en tant que contribuables, on en a assez de payer. Alors, on salue évidemment avec plaisir des méthodes ou des solutions qui sont innovatrices, qu'elles viennent du gouvernement ou qu'elles viennent de nos gouvernements locaux. Mais il n'en demeure pas moins que plusieurs personnes qui se sont présentées devant la commission, à l'exception de quelques-unes, étaient d'accord avec la création des sociétés d'économie mixte, mais il y avait toujours un petit «mais». Évidemment, les syndicats sont contre, on peut comprendre pourquoi. Il y a la protection de leurs employés et des emplois, évidemment, dans les municipalités. Ça, il faut reconnaître que c'est quand même un enjeu majeur.

L'entreprise privée. Celles qui ont été représentées autour de la table nous ont dit: Écoutez, c'est novateur, c'est extraordinaire, on va ouvrir la vanne. J'ai fait à la blague hier un commentaire en disant que j'avais comme l'impression de faire un cauchemar, parce que, là, les municipalités s'en allaient vendre leur expertise à gauche et à droite par le biais d'une SEM. Vous, vous nous dites, parce que votre expertise est là-dedans: On est d'accord, mais il faudrait que vous limitiez, quant à la gestion des déchets, le champ d'activité de la SEM aux déchets résidentiels, mais ne touchez pas aux déchets industriels, commerciaux ou institutionnels parce que, là, ça ne fait pas tout à fait notre affaire. Moi, j'aurais deux questions suite aux commentaires que je viens de dire.

La première, c'est que j'aimerais savoir, pour une compagnie comme Laidlaw, très franchement, d'être un partenaire avec un fondateur municipal dans une SEM, c'est quoi, votre intérêt? C'est quoi, là? Où est-ce que vous allez faire votre argent... vos profits, parce que, l'argent, ça a une connotation négative. Mais c'est quoi, votre intérêt à participer à ça si vous pouvez actuellement, par la voie contractuelle, aller, évidemment par appel d'offres, mais vous avez... Écoutez, on parle de 2 057 000 000 $; vous employez 60 000 personnes, là, vous êtes quand même une grosse compagnie.

M. Martineau (André): O.K. Si je peux peut-être parler un petit peu de Laidlaw, oui, on est une grosse compagnie, mais Laidlaw opère de façon très locale, dans le sens que c'est une agglomération – je ne sais pas si c'est le bon mot à employer – d'un nombre de petites compagnies qui opèrent à travers l'Amérique du Nord, puis c'est mis ensemble à un plus haut niveau, ce qui nous donne accès au marché de capital et aux banques. Mais les décisions prises à l'interne de Laidlaw, c'est très local, et les gérants comme moi et dans chacun des marchés où on opère, c'est eux autres qui gèrent la business, puis c'est géré localement.

En termes de quel est l'intérêt de Laidlaw à participer dans les SEM, on voyait les SEM un peu comme les partenariats qu'on a déjà développés dans d'autres «locations» à travers l'Amérique du Nord. Et on voit ça comme une façon de mettre une entente entre deux parties en place. La SEM par elle-même, comme je disais, dépendant de la façon que ça va opérer exactement et quoi est demandé au privé et quoi est demandé au public, on aimerait voir plus de flexibilité en termes de comment on peut s'entendre ensemble.

J'ai trouvé, quand j'ai lu l'avant-projet de loi, que c'est très rigide. Et, d'habitude, ce qu'on a essayé de faire... Je vais employer Chicoutimi un peu comme exemple. Il y a eu un contrat, il y a eu de l'argent, une somme de 200 000 $ qui a été mise spécifiquement pour le redressement du site à l'Ascension; il y a eu 100 000 $ qui ont été mis vers la fondation durable. Ça, c'est des choses qui sont, normalement... Si je regarde une SEM, je ne pourrais pas faire ça. La structure n'est pas vraiment bâtie pour faire des choses comme ça. Ça fait que, ce qu'on essaie de dire: on est intéressés à travailler avec le municipal. Si je regarde le municipal à travers l'Amérique du Nord, les déchets municipaux représentent, je ne sais pas le chiffre exact, mais quelque chose comme 10 000 000 000 $, 12 000 000 000 $ de business à travers l'Amérique du Nord. Ça fait que, oui, on a un intérêt, c'est notre vie, si tu veux.

(14 h 50)

Et pour répondre à la dernière question que vous avez demandée à propos de séparer les déchets, les déchets industriels, commerciaux et institutionnels, il y a déjà beaucoup de concurrence qui se passe pour ces déchets-là. Et l'exemple que je peux employer: ici, à Québec, c'est géré à travers le secteur public, et je peux dire honnêtement qu'ils ont les plus hauts prix au Québec. Les marchands de la ville de Québec ont les plus hauts prix au Québec. Si vous allez comparer ça à Montréal, ou même à Chicoutimi ou n'importe quelle autre place au Québec, vous allez voir que les prix que les marchands paient, comparés à ce qu'ils paient ici, à Québec, vont tous être plus bas.

Mme Delisle: Mais est-ce que vous êtes en train de me dire que la voie contractuelle... Vous avez pris l'exemple de Chicoutimi. Je ne le connais pas du tout, mais vous y avez fait référence, je suis capable de comprendre, un peu entre les lignes, ce qui s'est passé. C'est par voie contractuelle que vous avez...

M. Martineau (André): C'est par voie contractuelle, avec des options qui ont été mises alentour de ça.

Mme Delisle: Oui. Bon. Est-ce que vous êtes en train de dire que c'est préférable ou, en tout cas, que la voie contractuelle a été jusqu'à ce jour bénéfique pour le monde municipal, donc pour les contribuables? Alors, est-ce que c'est ça que vous êtes en train de nous dire, là?

M. Martineau (André): Je dirais que la voie contractuelle a bien marché ici, au Québec, durant les derniers cinq à 10 ans, si on peut dire ça comme ça. Et ce qu'on essaie de faire, c'est – comment je dirais ça – d'individualiser les contrats qu'on a avec chacune des municipalités. En termes d'une SEM, qui est un «partagement» non seulement de capital mais aussi de risques, je sais qu'on est prêts à partager, mais, souvent, ce qu'on trouve avec des municipalités, le partage est 100 % des risques du côté privé, 100 % du capital du côté privé, mais on veut participer 50-50 dans les profits. Je n'ai aucun doute que, si les municipalités sont prêtes à accepter 50 % des risques de capital et environnementaux, il n'y a pas de problème de ce côté-là, mais c'est juste la façon dont la loi a été structurée, des SEM. Et, comme je dis, on est prêts à participer avec le public pour balancer.

Mme Delisle: La façon dont l'avant-projet a été structuré... puis, là, je ne suis pas ici pour le défendre, ça revient à l'autre côté de la table de le faire, mais s'il y a rigidité dans l'avant-projet de loi, c'est certainement parce qu'on chercher une protection pour les municipalités, donc pour les contribuables. Je pense qu'on est tous, à ce moment-là, du même bord quand on dit qu'on veut protéger le contribuable. Donc, cette rigidité-là, si vous la trouvez trop rigide, je pense qu'elle est là à cause de ça. Mais je pense sincèrement que, suite à vos propos, là, la création de la SEM, pour vous autres, pour une compagnie comme Laidlaw, ne m'apparaît pas comme une opportunité d'affaires extraordinaire si le projet de loi était déposé tel que l'avant-projet de loi est présenté.

M. Martineau (André): Si on regarde...

Mme Delisle: Est-ce que je me trompe?

M. Martineau (André): Non, vous ne vous trompez pas. Si je regarde un peu d'où on vient ici, au Québec, comparé à... La SEM a été développée à partir des exemples de la France. Si je regarde ce qui se passe au Québec, c'est déjà principalement dans le secteur privé, les déchets, et ce dont on parle, c'est de prendre les déchets du secteur privé et les remettre dans un secteur – comment je dirais ça – moitié-moitié privé-public.

Mme Delisle: Pensez-vous, quand on parle du choix, maintenant, du partenaire, lorsque vous faites affaire avec une municipalité, si mon souvenir est bon, vous pouvez soit être choisi par la municipalité, elle pourrait vous donner un contrat... Non, elle ne peut pas, c'est des appels d'offres. Vous obtenez par appel d'offres, je pense, actuellement...

M. Martineau (André): Par appel d'offres public, oui.

Mme Delisle: Oui, c'est ça, vous passez par les appels d'offres publics...

M. Martineau (André): C'est principalement des appels d'offres, mais il y a aussi...

Mme Delisle: ...sauf pour de la consultation, là. Si vous y alliez en consultants, vous ne seriez pas nécessairement...

M. Martineau (André): Non, mais on a aussi fait des... Ce n'est pas des appels d'offres dans le sens...

Mme Delisle: Des propositions.

M. Martineau (André): Des propositions.

Mme Delisle: Bon.

M. Martineau (André): Après qu'une proposition a été déposée, la municipalité choisit le plus bas ou les deux plus bas, elle s'assoit et négocie avec eux.

Mme Delisle: O.K. Quelle formule privilégiez-vous pour le choix du partenaire?

M. Martineau (André): J'essaie de comprendre la...

Mme Delisle: C'est parce que, actuellement, le partenaire privé peut être choisi par le fondateur municipal sans aller en appel d'offres ou appel de propositions. Ça, c'est clairement indiqué, là, dans l'avant-projet de loi. Je ne me souviens plus de la page, là, mais vous dites que ça peut causer des problèmes. Il faudrait le retrouver, là. Vous y faites référence, aux partenaires privés...

M. Martineau (André): Oui.

Mme Delisle: ...dans votre document, et vous laissez entendre ne pas pouvoir aller... Tiens: «Malgré la nécessité d'obtenir l'approbation du ministre des Affaires municipales – c'est à la page 11 – la société n'est pas assujettie au processus d'appel d'offres ou d'invitations pour conclure la convention de partenariat.»

M. Martineau (André): Nous autres, on préfère un processus qui est ouvert et transparent.

Mme Delisle: Bon. Avec critères, et qui serait géré comment et par qui? Je vous pose la question.

M. Martineau (André): Quant à nous autres, c'est géré par la municipalité. Si je peux prendre encore un exemple ici, à Québec, l'incinérateur de Québec avait besoin des investissements assez majeurs. Ils ont demandé des propositions, ça a été fait publiquement. Puis, quant à nous autres, un processus public ouvert est vraiment notre préférence.

Une voix: ...

Mme Delisle: O.K. Oui, ça me... Je frémis, des fois. Ha, ha, ha!

Maintenant, on a abordé l'article 45, puis, moi aussi, je dois vous dire que j'ai bien aimé votre réponse sur comment on peut concilier l'article 45 du Code du travail avec, évidemment, la création d'une SEM. C'est sûr qu'un nouveau champ d'activité ne vous créerait sans doute pas de problème, parce que la SEM n'aurait pas à transiger, si vous voulez, avec les employés municipaux. C'est quand on rentre dans un champ d'activité qui est déjà existant que la réalité... Je n'aime pas parler du problème, parce que c'est une réalité, je pense, qui existe, puis, en fait, tout le monde vit avec. Est-ce que vous voyez la création d'une SEM davantage dans des champs d'activité reliés uniquement aux responsabilités traditionnelles des municipalités ou bien, pour vous... Là, je comprends que, vous autres, votre grande préoccupation, c'est les déchets, là, mais est-ce que vous voyez ça limité à ça ou vous le voyez «at large» puis ouvert sur d'autres responsabilités ou champs d'activité municipaux?

M. Martineau (André): Si je peux employer et parler de Laidlaw, on parle aujourd'hui des déchets. Laidlaw, aussi, comprend une compagnie qui s'appelle Laidlaw Transit. On est la plus grosse compagnie d'autobus scolaires en Amérique du Nord, mais on est aussi la plus grosse compagnie d'ambulances en Amérique du Nord. On voit ça dans tous les champs, dans toutes les possibilités. On ne se limite pas seulement aux déchets, mais, vraiment, on voit ça comme un processus...

Mme Delisle: O.K.

M. Martineau (André): ...très, très ouvert et très grand.

Mme Delisle: Mais alors, à ce moment-là, j'ai presque envie de revenir à ma question du début. Je suis restée sur mon appétit, moi. Est-ce qu'il me reste du temps? Votre intérêt d'affaires dans des conditions, là, telles qu'on les présente, finalement, ce n'est pas intéressant pour vous, ça, tout ça, là.

M. Martineau (André): Dans les déchets mêmes, on ne voit pas beaucoup d'opportunité, parce que les déchets sont principalement déjà dans le privé, et, de la façon que les concurrences se font dans les déchets aujourd'hui, il n'y aura pas beaucoup d'épargne, et s'il y a de quoi, si on retourne puis on établit un autre niveau de gérance...

Une voix: D'administration...

M. Martineau (André): ...d'administration, les coûts vont monter, pas descendre.

Mme Delisle: Parfait.

M. Martineau (André): Mais, certainement, dans d'autres champs, il y a certainement des possibilités. Et pour répondre, je veux dire, Laidlaw est une compagnie avec des actionnaires. On est ici pour faire... comment je dirais, c'est de la business, et faire de l'argent, puis on n'essaie pas de se cacher de ça.

Mme Delisle: Non, mais, d'ailleurs, ce n'est pas un péché, hein. Je pense que...

M. Thivierge (Jacques): Bien non.

Mme Delisle: Ha, ha, ha!

M. Thivierge (Jacques): On a pensé longtemps au Québec que c'était un péché, mais...

Mme Delisle: Il y en a qui pensent encore ça, mais...

M. Thivierge (Jacques): ...on a été absous de ça, madame. Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Ha, ha, ha! Moi, j'ai...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Jacques-Cartier.

(15 heures)

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Sur le même ordre d'idées, moi, je vois dans votre mémoire, que vous avez déposé au mois de février, les deux voies: la voie contractuelle, la voie des entreprises publiques-privées. Vous avez dit que, déjà, les déchets sont dans le secteur privé. Est-ce que, pour le contribuable, ça risque d'être plus cher de créer des entreprises publiques-privées et perdre la discipline de toute la mécanique des appels d'offres? Vous êtes concurrentiels avec Waste Management et les autres entreprises, alors, comme contribuable municipal, j'ai confiance que vous ne pouvez pas trop charger pour vos services, parce que les municipalités, la prochaine fois, vont aller avec un de vos concurrents. Moi, si je remplace ça avec une société mixte qui risque d'avoir une permanence, comme contribuable, est-ce que je suis en train de perdre le frein sur l'accroissement des coûts pour l'enlèvement des déchets dans ma municipalité?

M. Martineau (André): Je dirais que, où les déchets sont déjà dans le privé, la création d'une société mixte va créer un autre niveau d'administration, et, chaque fois qu'on ajoute des niveaux d'administration, les coûts montent. Je pense que la concurrence... Si je regarde à Montréal, où on a notre plus grande concurrence, il y a probablement 30, 40 concurrents, je veux dire, qui ont accès à toutes les soumissions, ça fait que, quand tu as un nombre de concurrents comme ça, les prix vont être les plus bas possible. Quant à nous, pour les déchets qui sont déjà dans le secteur privé, aller vers la direction des sociétés mixtes, s'il y a de quoi, ça va probablement monter les coûts. Mais c'est à voir, dans le sens que ça dépend exactement c'est quoi, le projet. Il y a probablement des cas spéciaux où il y a un gros investissement qui doit être fait, pour une raison ou pour une autre, où c'est peut-être préférable de faire ça à travers une SEM au lieu de faire ça à travers un contrat. Mais, en général, quant à moi, ça va probablement monter un peu les prix.

M. Kelley: Est-ce qu'une société mixte peut être plus efficace pour la promotion du recyclage, par exemple? Des choses qui sont peut-être moins directement profitables, mais plutôt un souhait social ou un engagement qu'il faut améliorer nos politiques environnementales. Est-ce que c'est plutôt dans cette zone qu'une société mixte, peut-être, peut encourager le monde à investir dans le triage des déchets, des choses comme ça?

M. Martineau (André): Bien, je pense que, ça, ça peut être fait à travers une SEM ou à travers une façon contractuelle aussi. Si j'emploie... Hamilton, où on eu le contrat, on a inclus un programme d'éducation, ça fait qu'on a du monde qui va... Ce qu'on fait, on entraîne les enfants d'écoles secondaires qui vont dans les écoles primaires pour donner des cours sur le recyclage, sur la gestion des déchets. Et c'est Laidlaw qui paie pour ça, dans le sens que ça fait partie, si tu veux, de nos services. Et, vraiment, il y a très peu... On n'annonce pas que c'est Laidlaw dans l'école, mais on a essayé de construire quelque chose et de donner du rendement et quelque chose de retourné à la municipalité. Ça se fait, c'est juste que beaucoup de municipalités, souvent, ce qui arrive, ne sont pas prêtes à accepter quelque chose comme ça. Elles veulent le plus bas prix possible, puis pas d'extras, rien qui pourrait contribuer à l'éducation du public.

M. Kelley: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmagny.

M. Gauvin: Merci, Mme la Présidente. M. Martineau, votre organisme, votre entreprise a une grande expérience en Amérique du Nord, est-ce que vous avez une idée de la durée moyenne des contrats que vous avez négociés? Vous avez parlé de Chicoutimi, 10 ans, je crois?

M. Martineau (André): Non, non. Chicoutimi est deux ans et demi, Hamilton est 10 ans. Ça varie avec les investissements. Normalement, le plus élevé est l'investissement, le plus long est le contrat. Ça fait... À Hamilton, on a investi 10 000 000 $, et ça, c'est un contrat de 10 ans; pendant que, à Mississauga, l'investissement était un peu moins, le contrat est cinq ans, et, s'il n'y a pas d'investissement, c'est des contrats réguliers qui peuvent être d'un an à trois ans, normalement. Mais, d'habitude, ça varie avec l'ampleur de l'investissement.

M. Gauvin: Vous avez fait allusion...

La Présidente (Mme Bélanger): Dernière question.

M. Gauvin: Une dernière. Oui, Mme la Présidente. Vous avez fait allusion au projet, là, du pont qui relie l'Île-du-Prince-Édouard. Est-ce qu'on pourrait penser que, dans une SEM, dans un organisme privé-municipal, dans une structure semblable de moindre importance, par exemple, il pourrait y avoir un projet d'autofinancement? Je voudrais me faire expliquer la différence entre ce projet-là et celui qu'on retrouve le plus souvent dans les municipalités, là, sur la façon de le financer.

M. Martineau (André): Il y a toujours un nombre de façons de financer un projet. Si tu regardes, on peut prendre le pont, où, aux États-Unis, souvent, c'est financé à travers des bons municipaux. Ça peut être financé de différentes façons, dépendant de la condition, de la somme d'argent qu'on va chercher; il y a aussi des conditions de risque, des conditions d'assurance qu'il faut satisfaire. Si vous faites un investissement à travers, c'est Laidlaw qui met l'argent, les actionnaires de Laidlaw s'attendent à un certain rendement. Si c'est fait, financé d'une autre façon et que ce n'est pas Laidlaw qui met l'argent sur la table, on peut avoir différents taux et employer différentes méthodes. Laidlaw essaie toujours d'être flexible dans la façon dont on structure le financement, et c'est vraiment à la municipalité un peu de guider, si vous voulez, ce qui est acceptable et ce qui n'est pas acceptable à la municipalité.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Martineau. M. le député de Dubuc.

M. Morin (Dubuc): Oui. Alors, Mme la Présidente, considérant que M. Martineau a fait référence à plusieurs reprises à Chicoutimi, je voudrais préciser, sauf erreur, que vous faisiez référence au dossier relié au projet de relocalisation du site d'enfouissement sanitaire de la MRC du Fjord-du-Saguenay.

M. Martineau (André): Correct.

M. Morin (Dubuc): Voilà. Très bien.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est tout?

M. Morin (Dubuc): Non, c'est beau.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions, M. Martineau et M. Thivierge.

M. Martineau (André): Merci, beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): La commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

(Reprise à 15 h 11)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Nous recevons maintenant la Confédération des syndicats nationaux, représentée par M. Roger Valois. Alors, M. Valois, nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous demanderons de présenter les personnes qui vous accompagnent. Et, comme la coutume le veut, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et il y aura un échange avec les parlementaires ministériels et de l'opposition pendant 20 minutes, en alternance.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Valois (Roger); Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. de la commission parlementaire, M. le ministre, je suis accompagné de Maurice Sauvé, qui est adjoint à l'exécutif de la CSN; Denis Marcoux, qui est le vice-président de la Fédération des employés des services publics, affiliée à la CSN; et Michel Paquet, qui est économiste au Service de recherche de la CSN, et plus précisément dans le dossier du développement local et régional. On vous remercie beaucoup de l'attention que vous allez porter à la CSN pour la présentation du mémoire.

Je vais aller tout de suite à la page 4 pour l'introduction. Au fil des ans, la CSN a élaboré une vision globale et articulée en matière de développement régional et local ainsi qu'en matière de régionalisation et de décentralisation. L'essentiel du présent mémoire est donc de mettre en parallèle, d'une part, le projet de loi sur la constitution des sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal et, d'autre part, la vision de la CSN. Si nous comprenons bien que le projet de loi des sociétés d'économie mixte constitue une pièce maîtresse dans la phase 1 de la décentralisation au Québec, il nous apparaît, par ailleurs, fondamental d'attirer l'attention sur le fait que les SEM soulèvent également des questions de fond et des inquiétudes certaines quant à la reconfiguration du monde municipal qu'elle peut impliquer, quant à la tangente qu'elle lui trace pour l'avenir et quant au chambardement possible ou éventuel des relations de travail qu'elle permet d'anticiper. Tel que présenté, le projet de loi constitue pour le monde syndical une insécurité profonde de par l'absence de définition claire des objectifs de l'État et de son monde municipal et de par son impact appréhendé sur les relations de travail.

Les grandes lignes de notre vision du développement. Pour bâtir le Québec des régions, rappelons d'abord que la CSN a résolument opté pour la décentralisation politique et administrative, qu'elle souhaiterait même éventuellement massive, à la condition, entre autres, que le Québec accède à la souveraineté. Elle veut également la décentralisation pour des objectifs fondamentaux que l'on pourrait résumer ainsi: le développement des régions et localités de façon globale, endogène et viable, le tout axé définitivement sur l'emploi; le réengagement de l'État par ses régions et localités; et la démocratisation de l'État et son fonctionnement. Il est impératif que ces objectifs se traduisent, évidemment, dans la réalité.

D'une façon plus concrète, notre politique sur la décentralisation a défini deux paliers valables de décentralisation en conférant à l'un ou l'autre palier certaines compétences suivant le principe de subsidiarité, c'est-à-dire suivant le niveau le plus apte à assumer lesdites compétences. Ainsi, un premier palier valable de décentralisation est constitué par les grandes régions du Québec, éventuellement constituées en régions politiques, et à la condition expresse, entre autres, que le Québec accède à la souveraineté. Et, de ce côté, donc, la partie est remise à plus tard.

Le deuxième palier valable de décentralisation est constitué du monde municipal régional, essentiellement les MRC et les communautés urbaines, mais potentiellement aussi certains arrondissements de communautés urbaines – c'est des arrondissements à définir, là, essentiellement dans les régions de la métropole et de la capitale. Cependant, la délégation et l'accroissement des compétences au monde municipal régional nécessitent des réformes préalables ou parallèles qui nous semblent indispensables et qui tournent autour de trois axes majeurs:

Le regroupement municipal, qui peut prendre une ou les deux voies suivantes: par fusion de municipalités locales, mais aussi par fusion des MRC pour constituer de nouvelles communautés urbaines, exemple, pistes du rapport Pichette, ou pour élargir une communauté urbaine existante, exemple, la CUQ; par régionalisation-transfert des compétences locales au niveau des MRC, des communautés urbaines ou arrondissements des communautés urbaines, incluant des nouvelles compétences telles que l'intégration pure et simple des commissions scolaires.

Deuxièmement, la démocratisation en profondeur des MRC et des communautés urbaines au minimum par l'élection au suffrage universel direct de la préfète ou du préfet de la MRC et de la présidence d'une communauté urbaine et par une représentation équitable des femmes.

Enfin, et non la moindre, l'équité fiscale entre municipalités à l'intérieur de la MRC ou de la communauté urbaine, l'équité entre les MRC ou les communautés urbaines et l'équité entre le Québec et le monde municipal afin de réduire les écarts de richesse et de potentiel de développement.

En somme, de tout ce train de réformes du monde municipal, il doit ressortir au moins clairement que l'on privilégie systématiquement le palier municipal régional plutôt que la municipalité locale à la fois comme palier valable de décentralisation ainsi que comme moteur et agent principal de développement. C'est d'autant plus vrai que le nombre actuel de municipalités locales constitue toujours en soi un éclatement tel qu'il porte préjudice au développement du Québec, de ses régions et de ses localités. À cet égard, la piste nouvelle des SEM telle que conçue dans l'avant-projet de loi comporte suffisamment de lacunes qu'elle pourrait permettre de contourner ou d'infirmer à l'avance des réformes par ailleurs indispensables et incontournables.

Les SEM en regard de notre vision. Sur l'échiquier général des relations gouvernement-monde municipal, l'effet global et dominant serait, à notre sens, de créer un nouvel espace financier, tant pour le gouvernement que pour le monde municipal. En ces temps où il faut une remise en cause de la fiscalité globale au Québec, cet impact est loin d'être négligeable. Nous ne doutons pas que le monde municipal est conscient que le gouvernement pourrait alors décentraliser davantage sans besoin de transférer lui-même la totalité du financement nécessaire si ce financement peut être trouvé ailleurs, c'est-à-dire via un partenariat public-privé.

D'un point de vue macroéconomique, à même ce nouvel espace financier, les SEM peuvent constituer sans doute aussi un outil de développement, développement de la quantité et de la qualité des services à rendre à la population autant dans des compétences non exercées actuellement que dans de nouvelles compétences. Dans la mesure où cette piste aboutirait à créer de l'emploi ou du vrai développement, tout le monde ne pourrait que s'en réjouir. Si, par contre, la piste de la SEM devait être utilisée pour ne rien ajouter en quantité et qualité des services ou en création d'emplois, bref, sans produire de développement, on ne voit pas la pertinence de tels projets. Cela équivaudrait non seulement à vendre partiellement des équipements ou services publics, mais encore à permettre aux municipalités de se lancer en affaires sur le dos de leurs propres contribuables. Il faut donc que cette nouvelle piste soit beaucoup mieux encadrée et balisée que ne l'indique le projet de loi actuel, de façon à ne pas devenir une panacée universelle ou une porte ouverte pour faire n'importe quoi et n'importe comment ou pour évacuer ou handicaper des réformes incontournables. Le Québec ne peut se permettre n'importe quelle aventure.

Des questions de fond et des inquiétudes certaines. En regard de la vision globale du développement et de la vision précise du monde municipal de la CSN, l'actuel projet de loi sur la constitution de SEM pose des questions de fond et suscite des inquiétudes certaines, ciblées autour des trois axes suivants: Qui peut créer des SEM? Où est le contrôle démocratique? Quel est l'impact sur les relations de travail? Cette nouvelle compétence devrait, quant à nous, être exclusive au palier municipal régional, des MRC ou des communautés urbaines. À premier vue draconienne et audacieuse, cette approche nous semble cependant, à l'analyse, plus pratique, plus réaliste et plus conforme aux principes suivants: Le principe de subsidiarité en vertu duquel on confie une nouvelle compétence au palier spontanément le plus apte à l'assumer et à l'exercer. À notre sens, l'immense majorité des municipalités locales ne peut assumer une telle compétence, et même certaines MRC très petites n'ont pas ce qu'il faut pour l'assumer. Par contre, certaines parties de communautés urbaines ont déjà tout ce qu'il faut. Il faut tenir compte de ces réalités.

Le regroupement municipal indispensable et incontournable. La SEM ne doit d'aucune façon représenter une alternative au regroupement par fusion ou par régionalisation des services. En ce sens, s'il n'y a pas entente au sein de la MRC ou de la communauté urbaine pour constituer une SEM donnée, il n'y a pas de SEM possible. La SEM doit constituer une porte ouverte si, et seulement si, elle va dans le sens du regroupement.

La démocratie régionalisée versus le droit de retrait de la municipalité locale. La constitution d'une SEM devrait requérir une majorité, deux tiers des voix des membres du conseil de la MRC ou de la communauté urbaine et plus de 50 % de la population représentée par le vote affirmatif, à défaut de quoi il pourrait y avoir recours au référendum auprès de la population de tout le territoire suivant des modalités à préciser dans la loi.

(15 h 20)

Le droit de retrait d'une municipalité locale ne pourrait s'appliquer qu'à des conditions très strictes. À titre d'exemples de balises et d'adaptation, on pourrait illustrer par ces deux cas suivants: le cas où la compétence de la SEM ne peut pas s'appliquer à la majorité de la population d'une municipalité locale, ainsi une SEM sur l'aqueduc ou les eaux usées alors que cette population locale utilise puits artésiens et fosses septiques; par contre, le cas où une SEM porte sur la gestion intégrée des déchets deviendrait, sur décision du conseil, à participation obligatoire au prorata du service obtenu et de la population desservie.

Au sein d'une communauté urbaine seulement et sur entente à cet effet, le conseil de la communauté urbaine pourrait déléguer non pas la compétence, mais son exercice à une municipalité ou groupe de municipalités à des conditions définies d'avance ou pour une durée déterminée. Sauf quelques rares exceptions, le droit de retrait n'existe d'ailleurs déjà pas à l'égard d'une compétence de communauté urbaine.

L'exclusivité de la compétence SEM entre les mains de la MRC ou de la communauté urbaine pose la question du contrôle démocratique avec encore plus d'acuité et introduit même l'urgence d'une réforme complète non seulement du projet de loi actuel sur les SEM, mais de plusieurs autres lois, au moins sur les aspects suivants:

l'élection au suffrage universel direct, le plus rapidement possible, au minimum du préfet ou de la préfète de la MRC et de la présidence de la communauté urbaine;

le recours démocratique possible de la population sur la création et le suivi des SEM;

la responsabilité générale et le contrôle indispensable de l'État central sur les SEM, a fortiori en l'absence de mécanismes de contrôle démocratique direct de la population; sur l'autorisation d'en constituer, sur le suivi et le contrôle financier, sur les champs de compétence permis. En l'espèce, si on peut mettre en tutelle une municipalité, il faut pouvoir le faire pour la créature de la créature;

l'imposition d'un plafond de dépenses d'opération et d'immobilisations – en pourcentage, 1 %, des budgets consolidés des MRC ou communautés urbaines et de leur municipalités locales – pouvant être permis dans la voie des SEM; au-delà de ce plafond, il faudrait à la fois autorisation de l'État et recours démocratiques de la population: donc, c'est une contrepartie élémentaire à la garantie d'emprunts par obligations assurée par le monde municipal et le gouvernement;

la limitation de la constitution d'une SEM à un domaine de compétence strictement municipale ou supramunicipale, excluant par là les activités dites complémentaires, sauf celles relevant d'un mandataire du gouvernement, à défaut de quoi, la porte semble grande ouverte à n'importe quoi et n'importe où;

l'interdiction de constituer des filiales. À propos de ces dernières, le projet de loi n'est pas clair, sauf les conflits d'intérêts, quant au respect du principe de l'imputabilité politique des élus et des recours démocratiques de la population. Nous ne voyons aucune justification à la création de filiales de SEM. L'expression «activités complémentaires» est à tout le moins très élastique, peu ou pas balisée ni encadrée. Au lieu de créer des filiales, pourquoi ne pas tout bonnement intégrer le tout à la SEM concernée en respect du principe delegatus non potest delegare, le délégué ne peut pas à son tour déléguer? En effet, plus on crée des filiales, moins on a de contrôle démocratique; on s'éloigne du principe qui veut rapprocher le pouvoir le plus près des citoyens et des citoyennes;

l'élargissement au monde des organismes sans but lucratif, les OSBL, et des coopératives de pouvoir conclure des conventions de partenariat avec le secteur municipal est naturel, logique et impératif. Pourquoi limiter le partenaire SEM aux seules compagnies privées et/ou mandataires du gouvernement? Faut-il à tout prix qu'un partenaire non gouvernemental soit à but lucratif? Pourquoi au juste? Rien ne justifie une telle limitation;

l'élaboration de critères ou normes minimales en vue de choisir ou sélectionner un ou des partenaires privés;

le droit en tout temps du monde municipal de racheter des actions du ou des partenaires privés et de contrôler la revente des actions du ou des partenaires privés;

l'obligation faite aux partenaires privés d'être incorporés et d'avoir un siège social au Québec;

l'interdiction faite aux entreprises étrangères d'être partie à une SEM;

l'interdiction faite aux SEM d'émettre des actions cotées à la Bourse, donc des compagnies fermées, pour fermer la porte aux spéculations et aux acquisitions étrangères.

Sans être exhaustives ni limitatives, ces propositions que nous avançons démontrent, il nous semble, que l'on doit établir clairement ces balises, normes et règles de transparence et de démocratie avant de se jeter tête baissée dans une piste intéressante sous plusieurs aspects, mais également inquiétante sous plusieurs autres.

Quel impact sur les relations de travail? «Ces partenariats constituent à la fois une alternative à la privatisation pure et simple et un moyen novateur pour continuer de bien servir nos citoyens à moindre coût», concluait Gilles Vaillancourt dans son mot du président pour présenter un dossier spécial du magazine Urba de l'UMQ sur le partenariat public-privé. Dans la mesure où une SEM constitue réellement une alternative à la privatisation pure et simple et même, aurait-il pu ajouter, à la sous-traitance, qui demeure le partenariat public-privé le plus répandu au Québec, l'impact sur les relations de travail pourrait être largement adouci.

Ceci dit, le monde syndical n'est pas rassuré pour autant si la loi-cadre ne pose pas comme condition indispensable et incontournable à la constitution d'une SEM l'inclusion de l'engagement formel – il y a un petit changement dans le texte, ici – de respecter intégralement les droits et obligations des salariés à l'occasion des transferts possibles, autrement dit, la garantie que le 45 s'applique, que l'article 45 du Code du travail s'applique.

Ces dernières années, et surtout depuis que la décentralisation est dans l'air, les municipalités et leurs unions municipales ne se sont pas cachées pour réclamer sur toutes les tribunes des modifications profondes au Code du travail, allant même jusqu'aux articles traitant de la transmission des droits et obligations. Non seulement faut-il rappeler que le Code du travail ne s'applique pas uniquement au monde municipal, mais que, plus fondamentalement, de telles modifications remettraient tôt ou tard en cause ce qui, petit à petit, se dessinait comme étant un projet de société fondé sur un large consensus et un certain rapport d'équilibre.

D'ailleurs, à la base même de son argumentation afin d'obtenir plus de pouvoir, le monde municipal demeure convaincu et prétend qu'il peut faire plus avec moins que le gouvernement central. Ce défi ne peut résider dans la réduction des conditions de travail de ses salariés actuels ou des futurs salariés transférés par le gouvernement, ce que toute entreprise privée ou le gouvernement lui-même peut très bien faire aussi bien, c'est-à-dire réduire les emplois ou couper dans les conditions de travail pour soi-disant faire plus avec moins. Ce faisant, il ne s'agit pas là d'un développement, mais bien plutôt d'un sous-développement. Le défi réel réside donc bien plus dans le faire mieux avec autant, dans le respect fondamental de ces travailleuses et travailleurs. Sans ceux-ci, on ne peut que détruire le développement déjà fait ainsi que les chances futures de développement; c'est détruire les oeufs d'or et la poule aux oeufs d'or tout à la fois. Si le monde municipal et le gouvernement ne peuvent concevoir de faire mieux tout en respectant les règles du jeu actuelles, pourtant élémentaires, on pourra donc en conclure que l'imagination n'est toujours pas au pouvoir et que des changements encore plus profonds que l'on pensait s'imposent plus que jamais. Pourquoi, en effet, décentraliser ou innover si on aboutit à pire que le statu quo?

La CSN est de plus en plus présente et active en tout ce qui a trait au développement régional et local, à la régionalisation et à la décentralisation au Québec. Elle entend poursuivre, approfondir et accélérer ses réflexions et politiques à cet égard. L'étude et l'analyse des documents, analyses, réflexions et recommandations élaborées par les acteurs sur tous les sujets confirment et justifient la CSN de soulever les questions et les inquiétudes contenues dans ce mémoire et de recommander des modifications majeures.

Voilà, Mme la Présidente, c'est la présentation, de façon rapide, parce qu'on voulait consacrer plus de temps aux échanges avec les parlementaires. Donc, la lecture du document, je suis convaincu que vous l'aviez parcouru avant qu'on arrive devant vous.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Valois. M. le ministre.

M. Valois (Roger): Merci beaucoup.

M. Trudel: Merci, M. Valois, de votre présentation, en vous saluant et en vous accueillant ici aujourd'hui, avec M. Marcoux, M. Sauvé, M. Paquet. Alors, ... comme ça... ça va aller mieux. Alors, bienvenue.

Et dans la présentation et dans le contenu, comme on dit, la bonne expression, «ça y va, aux toasts», hein, il ne faut pas se gêner pour le dire. Bien, écoutez, je trouve ça extrêmement intéressant, ce que vous nous soulevez, c'est-à-dire que ce n'est pas le front du refus global, mais, je vous le dis, j'aime beaucoup votre expression, parce qu'on dit qu'on fait du droit nouveau en milieu municipal. Vous dites: Chez nous, ça crée une insécurité profonde, en rapport avec un certain nombre d'éléments dans le projet de loi. Bon. Ça veut dire qu'on peut commencer à identifier des éléments sur lesquels on peut travailler. À partir de ça, si c'est une insécurité, on passe de la situation A à la situation B, en théorie, on fait ça par un avant-projet de loi.

Alors, moi, je vais vous dire, je vais qualifier votre intervention d'une aide assez essentielle pour en arriver à avoir un projet de loi qui fasse en sorte qu'on aura un outil qui va nous permettre de travailler. Si on se développe un outil qui est tellement à l'opposé de ce que nous voulons réaliser avec ceux et celles qui font le travail qu'ils réalisent, bien, on n'aura pas servi personne, ni l'intention du législateur, ni les municipalités, ni les payeurs de taxes, ni les travailleurs et travailleuses qui sont dans le secteur concerné. Alors, il y a un très grand nombre de suggestions qui nous disent, là: Bon, travaillons sur ces éléments-là, parce que c'est possible d'établir un partenariat qui nous amène à des résultats intéressants.

(15 h 30)

Première question, quant à moi, M. Valois et l'équipe qui vous accompagne, à l'égard de qui devrait être autorisé à créer une société d'économie mixte. Quand je vous disait, tantôt: Vous y allez, aux toasts, sur les regroupements, disons que ça y va directement, vers l'objectif. Bon, bien, c'est un langage franc qu'on apprécie. Mais réserver ça, réserver la possibilité des sociétés d'économie mixte aux MRC et aux communautés urbaines, et ça exclut un grand nombre de villes – généralement, on les appelle les villes-centres, par exemple, les grandes municipalités – ça les exclurait de cette possibilité si on réservait la formule aux MRC, aux communautés urbaines. Alors, voulez-vous me commenter ça un petit peu, pourquoi on exclurait toute cette catégorie d'unités municipales?

M. Valois (Roger): Pour aller dans le technique, je vais permettre à Michel Paquet de répondre.

M. Trudel: Bien sûr!

La Présidente (Mme Bélanger): M. Paquet.

M. Paquet (Michel): Oui, merci. Bien, quand on parle de ville-centre, MRC ou communauté urbaine, on dit bien, même si on ne le reprend pas constamment, que, dans «communauté urbaine», on atteint également des arrondissements de communauté urbaine, donc les villes d'une certaine importance. Que ce soit, bien sûr, dans la région de Montréal ou dans la région de Québec, ici, dans ces deux grosses communautés urbaines, ou même celle de l'Outaouais, il y a quand même, appelons ça une taille minimale qui permet d'aller du côté d'une SEM.

Cela dit, il faudra sans doute que la compétence demeure exclusivement entre les mains de cette communauté urbaine ou de cette MRC de façon à ce qu'il ne puisse être délégué que le droit d'exercice d'une SEM, une autorisation. Bref, la compétence peut être entre les mains de la communauté urbaine, quitte à ce que son exercice, sa gestion, son administration puissent être confiés à des villes à l'intérieur de cette communauté urbaine, de façon à éviter – pensons uniquement... nos prédécesseurs étaient là... – au niveau des déchets, les litiges qu'il a pu y avoir au sein de la Communauté urbaine de Montréal, une ville, entre autres, préférant son mode de gestion des déchets et toutes les autres préférant une régie intermunicipale. Alors, il faut qu'il y ait une certaine coordination ou une certaine harmonisation ou une gestion commune, surtout pour des compétences qui sont carrément d'envergure communauté urbaine, métropolitaine, exemple, que ce soit celle de Montréal ou de Québec.

M. Trudel: Écoutez, c'est une nuance de taille, là.

M. Paquet (Michel): Oui.

M. Trudel: C'est une de taille, et je l'apprécie beaucoup, parce que, en termes d'économie générale d'application du projet, il faut bien en saisir la direction, parce que, par ailleurs, dans la même lignée, vous nous indiquez donc que, au niveau de l'exercice du droit de retrait en matière de création, de constitution d'une société d'économie mixte, vous voudriez que ce soit beaucoup mieux balisé au plan démocratique, et je vais vous dire là-dessus, comme commentaire, que, quand on a en quelque sorte autorisé les MRC à aller dans le champ du capital de risque, avec la création des SOLIDE, eh bien, oui, on s'est mis des balises de ce type-là, c'est-à-dire que la décision, si mémoire m'est fidèle, doit être prise aux deux tiers des membres votants, des votes autour de la table, mais représenter cependant 60 % de la population représentée autour de la table, pour s'assurer, finalement, qu'il y ait adhésion. Alors, c'est une suggestion qui vaut la peine d'être étudiée très, très, très sérieusement, parce que, on le répète depuis le début ici, et je veux que ça contribue un peu en réponse à la question première que vous avez posée: Où est-ce qu'on s'en va avec nos bottines? Où est-ce qu'on s'en va avec ces orientations-là?

Oui, on a des problèmes. Quand on se retourne de bord puis qu'on change d'habit puis qu'on met notre habit de contribuable, on a tous des problèmes au niveau des finances publiques. Il faut se donner d'autres instruments pour faire les choses différemment, mais il faut s'assurer que, d'abord, on pourra faire les choses différemment, vous avez bien raison, et, deuxièmement, qu'on aura toujours le contrôle démocratique sur ces secteurs d'activité.

Vous suggérez que nous ne limitions pas le partenaire privé au privé lucratif. Je ne pense pas que le projet de loi l'interdise actuellement, mais on va s'organiser pour que ce soit suffisamment explicite pour ne pas l'être. Est-ce que vous êtes en train de nous suggérer qu'il pourrait y avoir, par exemple, des groupements de travailleurs qui seraient peut-être intéressés à définir un nouveau type de partenariat avec des établissements publics pour la production et la distribution privées de services?

M. Valois (Roger): Dans le document que la CSN a préparé pour un débat public avec les groupes populaires au Québec, dans le document de l'économie solidaire, qu'on pourrait peut-être vous faire parvenir, mais aussi en considérant les travailleurs qui pourraient se regrouper dans des compagnies autogérées, par exemple, qui sont un peu à la base de la fondation, chez nous, du Fondaction de la CSN – et, soit dit en passant, Paul Martin nous a salués hier...

Mme Delisle: Oui.

M. Valois (Roger): ...il nous a fait un grand coup de chapeau – donc la fondation de Fondaction, le fonds de capital de risque de la CSN, essentiellement, est basé sur la prise en charge par les travailleurs du palier de décision, et on pensait que, là-dedans, de la façon que c'était écrit au niveau de la loi sur la création des SEM, c'était exclu. Les OSBL, par exemple, les organismes sans but lucratif, ils pourraient aussi, avec les travailleurs, dans une compagnie autogérée, participer avec les municipalités à la fondation d'une SEM aussi. Ce n'était pas explicite au niveau de la loi, et on tenait à le souligner.

M. Trudel: Je vous répète que, nous aussi, on va faire notre examen comme il le faut pour s'assurer que ça puisse être là, parce que, écoutez, il faut bien le noter, ce n'est pas une petite porte que vous rouvrez, là. C'est une avenue, hein, c'est un boulevard intéressant, c'est-à-dire, à partir des épargnes, à partir de ce qu'on s'est développé comme instruments financiers dans nos entreprises syndicales...

M. Valois (Roger): C'est ça.

M. Trudel: ...on pourrait non seulement travailler avec l'expertise des individus, des personnes, mais on a aussi des moyens maintenant. Alors, je dis: C'est une avenue qu'il vaut la peine de regarder et, en tout cas, que cela puisse être parmi les possibilités, en termes de choix du partenaire, puisqu'il y a ça aussi dans votre mémoire.

Il y a mon collègue de Dubuc qui, là-dessus, voudrait bien pister.

M. Morin (Dubuc): Oui.

M. Trudel: Moi, j'ai d'autres questions, alors, si, Mme la Présidente...

M. Morin (Dubuc): Oui. Dans vos réticences...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Dubuc.

M. Morin (Dubuc): Merci. Dans vos réticences à ce que les SEM puissent être créées par des municipalités locales sous prétexte qu'elles seraient trop petites, vous soulevez aussi que vous ne voudriez pas que ça constitue une alternative au regroupement municipal, parce que vous vous dites favorables à la fusion. Mais, comme, le gouvernement, je présume qu'il n'ira pas vers des fusions obligatoires et forcées, ne pensez-vous pas que cette alternative à des regroupements, dans le sens de fusions... qu'une SEM créée par un regroupement de municipalités ne serait peut-être pas une étape dans une éventuelle fusion volontaire? Parce qu'on sait que ce qui peut inciter les municipalités à se diriger vers des fusions, c'est par la décentralisation, en leur donnant de plus en plus de pouvoirs. Et, devant un constat que, seules, elles ne peuvent assumer certaines responsabilités, ne pensez-vous pas qu'au contraire, plutôt que de voir ça comme une alternative à des regroupements, mais beaucoup plus comme une incitation à une fusion éventuelle, le fait de permettre à des municipalités de se regrouper à l'intérieur d'une création d'une société d'économie mixte...

M. Valois (Roger): Pour répondre juste à une partie de la question – je vais demander à Michel de compléter – c'est parce que, au Québec, il existe, puis vous le savez aussi, des paroisses qui ont été créées spécifiquement pour se mettre à l'abri du fardeau fiscal des autres. On a des exemples que tout le monde connaît, la ville d'Austin. On en a une couple comme ça qui ont été créées expressément pour se permettre... Pointe-au-Pic, à La Malbaie, là, je pense que la correction, avec la fusion... Ça a été corrigé. Mais il y a beaucoup de municipalités qui ont été créées pour se mettre à l'abri du fardeau fiscal, puis on ne veut pas que les SEM, de la façon que l'avant-projet de loi en parle, soient un empêchement à devenir une municipalité plus large, au niveau de la fusion. On l'avait vu comme ça. Le député de Dubuc nous dit: Si on voulait faire une SEM, ils pourraient peut-être goûter au goût d'être gros. Mais, quand le goût d'être gros veut dire un compte de taxes plus petit, des fois, le goût, on s'en passe longtemps. C'est la crainte qu'on a.

(15 h 40)

Je vais demander à Michel, un peu au niveau technique, pourquoi on a insisté sur cet aspect-là, parce que, nous, on préconise, comme centrale syndicale, la fusion des municipalités. En tout cas, on peut, à tort ou à raison... mais, à l'analyse, on pense que, c'est dur à dire, mais il y a 700 municipalités de trop au Québec, si on compare avec l'Ontario. On nous compare souvent avec l'Ontario, mais on nous compare juste quand ce n'est pas payant. Dans le temps que le salaire minimum était plus haut en Ontario, il ne fallait pas se comparer à l'Ontario, mais au niveau des municipalités il faut comparer. Bien, s'il faut comparer, il y en a 700 de trop ici. Mais on ne voulait pas que l'arrivée des SEM soit justement un abri à tout processus de fusion ou au goût de la fusion.

Michel, si tu veux compléter.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Paquet.

M. Paquet (Michel): Oui. Merci. Je pense que, si on allait dans la même logique que le député le mentionnait, il faudrait, à ce moment-là, sans doute faire l'analyse suivante: les ententes intermunicipales, fort nombreuses au Québec, conduisent peu à peu ou ne sont qu'une étape vers les fusions. Ça, ça mériterait d'être prouvé – ha, ha, ha! – parce que, très souvent, les ententes intermunicipales ont été, bien sûr, un moyen de réduire les coûts en mettant des choses en commun, mais, très rarement, ça a conduit du monde à dire: Bon, bien, là, on a une entente intermunicipale avec deux, trois, cinq ou six autres municipalités sur différents aspects, différentes compétences, donc on serait bien mieux de carrément se fusionner ou se regrouper. Je pense que ça... Ha, ha, ha!

Et le pire, c'est qu'on introduirait, en plus, non plus un élément typiquement politique que constitue le monde municipal, mais on introduirait du privé là-dedans. Alors, comment faites-vous pour fusionner deux municipalités qui ont une entente au sein d'une SEM pour la gestion des déchets, si on reprend notre exemple de tout à l'heure, mais qui sont avec Laidlaw alors qu'une autre est avec une autre entreprise? Il y a comme, même, je dirais, à la limite, un potentiel de frein assez important au regroupement municipal et encore plus aux fusions. Ce serait un moyen de l'éviter, finalement.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le ministre.

M. Trudel: Merci de ces réponses. Ce ne pourrait pas être complet, notre échange, si on ne se parlait pas un peu de l'article 45, M. le vice-président et...

M. Valois (Roger): On n'aurait pas assez de temps pour compléter.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: On n'aurait pas assez de temps pour compléter. Alors, peut-être qu'on peut... Mais madame va compléter, je suis sûr que ça va être dans la même lignée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Bon. Écoutez, tant qu'à employer, donc, le terme «insécurité profonde», il faut bien être capable de comprendre que l'application de l'article 45 et ce qui a été dit autour de ça, ça provoque ce sentiment-là. Vous citez M. le président de l'UMQ dans votre mémoire et, des fois, on ne sait pas trop dans quel monde on se retrouve. Ici, c'est Laidlaw qui dit qu'elle est capable de vivre avec l'article 45 et que...

M. Valois (Roger): ...envoyé les déclarations de monsieur de Laidlaw à Ghislain Dufour, par exemple.

M. Trudel: Ha, ha, ha! On va la retenir, en tout cas. On va la retenir, et je pense – en tout cas, c'est plaisant de l'entendre, on l'a dit tantôt, hein – que c'est donc possible de travailler avec ces éléments dans le décor, dans le portrait.

Vous citez ici M. Vaillancourt; on peut peut-être l'envoyer aussi, sa déclaration, au Conseil du patronat, où M. Vaillancourt disait: Ces partenariats constituent à la fois une alternative à la privatisation pure et simple et un moyen novateur pour continuer de bien servir nos concitoyens à moindre coût. C'est ce que disait M. Vaillancourt, le président de l'UMQ, dans le magazine Urba . Vous ajoutez: M. Vaillancourt aurait dû ajouter que, comme alternative à la sous-traitance avec le privé, cette formule-là, le partenariat public-privé, si c'est plus répandu au Québec, ça pourrait avoir de l'impact sur les relations de travail, qui pourraient être largement adoucies.

Je veux bien comprendre ce que vous dites. Vous dites: À la formule de la concession ou du contrat de la sous-traitance au privé, nous préférons travailler éventuellement à l'intérieur de la formule des sociétés d'économie mixte, mais que tout cela nous permette également d'adoucir ou d'avoir un effet adoucissant sur les relations de travail en milieu municipal. Est-ce que c'est ça que je dois lire comme impression, à savoir que c'est une formule qui nous permettrait d'adoucir en matière de relations de travail? Puis faites-moi quelques commentaires là-dessus, parce que, ça aussi, je vais vous donner le qualificatif avant de vous laisser répondre, je trouve que c'est une belle ouverture.

M. Valois (Roger): Nous, on ne sait pas si l'ouverture est belle, mais on trouve ça moins compliqué, parce qu'on aime mieux travailler avec des sociétés d'économie mixte, en autant que l'article 45 soit respecté. Ça, c'est clair.

M. Trudel: Oui.

M. Valois (Roger): Mais la demande de l'Union des municipalités au ministre Chevrette, de l'époque, qui était votre prédécesseur au fauteuil, c'était que l'article 45 soit modifié pour faire en sorte que, quand on donne des sous-contrats ou même quand on crée des sociétés d'économie mixte, l'article 45 ne s'applique pas.

Nous, on est en revendication contraire par rapport à ce qu'on vit au niveau de la décision de la Cour suprême dans la CSN-CSRO, au niveau de ce qui se passe à l'hôtel Crowne Plaza, au niveau de ce qui s'est passé avec nos partenaires de la FTQ au Palais des congrès. On ne veut pas, non plus, adoucir l'article 45. Les sociétés d'économie mixte, la façon dont, nous, on les voit, avec un 45 tel quel, même sans modification, c'est moins compliqué que d'aller avec la sous-traitance, parce que la sous-traitance... Au pis aller, négocier avec des sous-traitants qui, eux, en plus de s'occuper des services, ont en plus la notion de profit, c'est en plus compliqué. Ce n'est pas juste la transmission des droits et obligations qui arrive, c'est aussi de négocier avec quelqu'un qui a une autre notion de profit que les municipalités et qui a une autre notion de ce que sont les services publics que les municipalités, qui sont des donneurs d'ouvrage. On aime mieux travailler avec des sociétés d'économie mixte qui restent a priori avec un contrôle municipal, avec un partenaire privé; on aime mieux travailler avec ce monde-là que de travailler directement avec un sous-traitant.

Comme on en a l'occasion, Denis pourra peut-être élaborer là-dessus. Quand la ville de Hull s'est débarrassée, entre guillemets, de l'aréna pour l'envoyer aux Olympiques de Hull, la CSN ne pensait jamais négocier avec Wayne Gretzky, vous pensez, hein? Mais on est rendu que... Mais la fonction des Olympiques de Hull par rapport à la ville de Hull est assez différente au niveau de la négociation: on négocie en partie, puis c'est des anciens employés municipaux de la ville de Hull, où l'article 45 s'est appliqué, qui se voient à l'emploi, maintenant, des Olympiques de Hull. Si le club va bien, vous avez des bonnes rentrées d'argent, et on peut négocier allégrement; mais, si le club va mal puis qu'il n'y a pas d'entrées, comme ça se passe avec les Mooseheads de Halifax, bien, vous avez des problèmes à négocier. C'est un peu compliqué pour nous de faire affaire avec Gretzky, vous comprenez? Il ne sait peut-être même pas que le club lui appartient, en plus, ça fait que c'est compliqué.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): On ne veut pas négocier avec des sous-traitants qui n'ont pas la même vocation ou le même pressentiment pour les services publics que les municipalités ou...

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Marcoux, vous avez 45 secondes pour compléter la réponse.

M. Marcoux (Denis): Moi, j'ai bien complété, là. C'est une question d'offre et de demande, puis, dans ces marchés-là, c'est plus difficile de négocier quand c'est de nature concurrentielle; les pressions sur les conditions de travail sont plus importantes, c'est clair.

La Présidente (Mme Bélanger): Non. Je pense que c'était à monsieur...

M. Sauvé (Maurice): Maurice Sauvé. Est-ce que je pourrais...

La Présidente (Mme Bélanger): C'était à Maurice Sauvé. C'est vous, Maurice Sauvé?

M. Sauvé (Maurice): Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): C'était à vous que je voulais donner la parole. Je m'excuse.

M. Sauvé (Maurice): Non, non.

M. Marcoux (Denis): Non, non, mais ça va.

M. Sauvé (Maurice): C'est bien que M. Marcoux ait l'occasion de s'exprimer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sauvé (Maurice): Mais je voudrais...

La Présidente (Mme Bélanger): Il reste 30 secondes.

M. Sauvé (Maurice): ...compléter en disant qu'on aime mieux traiter avec des SEM, à condition que la loi reconnaisse que, les SEM étant d'ordre public, les relations de travail doivent être civilisées. Et, dans ce cadre-là, ce qu'il faut, c'est reconnaître, comme ça s'est reconnu dans d'autres lois... Quand il y a eu, par exemple, des lois sur les transferts de juridiction, quand ils ont créé les services de santé et services sociaux, quand s'est constituée et s'est déconstituée la SAO, il y avait des clauses ponts, c'est-à-dire des clauses qui prévoient une transmission de droits et d'obligations. Évidemment, on est à l'étape d'un avant-projet de loi, mais on souhaite que le projet de loi contienne une telle clause. À ce moment-là, ça permettra d'avoir une sécurité relativement à l'article 45, parce que, pour être... Si je peux prendre 15 secondes de plus, je vous expliquerai, madame, que, actuellement, l'article 45, c'est très inquiétant, pour une raison bien simple, et le monde municipal est d'une voracité assez... les unions municipales, UMQ, UMRCQ, elles ne se gênent pas pour l'afficher, elles veulent mettre la hache dans le 45 prétendument pour réduire les conditions de travail des salariés parce que, selon elles, c'est trop élevé.

Mais il demeure qu'on va avoir des problèmes avec l'article 45 même avec des SEM, parce que, selon le jugement de la commission scolaire régionale de l'Outaouais en 1988 à la Cour suprême, si on n'a pas les éléments constitutifs suffisamment substantiels pour dire qu'il y a transfert d'entreprise, bien, l'article 45 ne s'applique pas. Alors, prenons, par exemple, le domaine de l'assainissement des eaux, mettons 10 municipalités – ce ne sera pas long, madame, je finis mon exemple – s'il y a 10 municipalités...

La Présidente (Mme Bélanger): Je l'ai dit au début de la commission, hein...

M. Sauvé (Maurice): Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): ...des réponses courtes.

M. Sauvé (Maurice): Ah! bien, je m'excuse, mais, ça, c'est... Peut-être que j'anticipe des questions.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Probablement.

(15 h 50)

M. Sauvé (Maurice): C'est probablement ça qui est mon erreur. O.K. Mais je termine cet exemple-là. Concernant l'assainissement des eaux, supposons qu'il y a une municipalité qui le fait et là qu'elle décide de se donner une SEM; dans la municipalité où il y a des travailleurs qui travaillent à l'assainissement des eaux, ils vont être transférés à la SEM. Mais, s'ils sont trois, mettons, puis que la SEM va en utiliser 10, il n'y a pas de transfert d'activités au sens de la Cour suprême, puis ça va prendre une déclaration.... C'est-à-dire, il faudrait que la loi prévoie que, dès qu'il y a transfert d'activités, il y a transfert des droits et des obligations. Donc, dans ce sens-là, on veut une déclaration à la loi. Et, dans la loi – actuellement, c'est un avant-projet de loi, on comprend qu'il reste encore du temps pour le mettre – on demande à l'Assemblée nationale de l'inclure.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Sauvé.

M. Trudel: Est-ce que je peux, 10 secondes? Vous donnerez le même temps à l'opposition.

La Présidente (Mme Bélanger): Dix secondes? Oui?

M. Trudel: C'est ça. Juste 10 secondes.

La Présidente (Mme Bélanger): On va voir ça, 10 secondes.

M. Trudel: L'équité dans le partenariat, quand on s'interroge.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Dix secondes, M. le ministre.

M. Trudel: L'article 45 aménagé, dans le fond, on pourrait appeler ça comme ça. L'article 45 aménagé dans ce cadre-là, c'est parce que ça veut dire aussi des échanges que nous pourrions avoir au sujet de ce type d'aménagement.

Et là je réponds aussi à l'autre question: ne voyez jamais dans cet avant-projet de loi une façon de contourner l'article 45. Si on a à travailler sur l'article 45, on travaillera ensemble, point. On ne passera pas à travers une autre loi.

M. Sauvé (Maurice): Mais on ne veut pas contourner l'article 45. On dit juste que, comme dans les autres lois, on veut qu'il y ait une reconnaissance. On sait qu'il y a un comité de travail qui va siéger bientôt sur l'article 45, à la demande, justement, des unions municipales, et le ministre du Travail est supposé en annoncer la composition. Alors...

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

M. Trudel: Bien, merci.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Il y en a certains qui m'ont peut-être vu sourire tout à l'heure. D'entrée de jeu, je vous dirais qu'il y a beaucoup d'informations dans votre mémoire, et je pense que ça pourrait faire l'objet de plusieurs commissions parlementaires sur différents sujets qui touchent évidemment le monde municipal. J'ai rarement été d'accord avec la CSN, mais je dois dire qu'il y a des éléments là-dedans qui font en sorte que je serais d'accord avec vous autres sur d'autres sujets.

M. Trudel: Ce sera noté au sein de l'histoire.

Mme Delisle: Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Il n'est jamais trop tard pour se convertir, de toute façon. Ha, ha, ha!

Mme Delisle: C'est un secret entre nous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Par contre, messieurs, j'ai trouvé fort intéressante votre ouverture. Je m'attendais, lorsqu'on a reçu le mémoire, que la CSN soit sans doute comme d'autres de vos collègues qui sont venus hier nous dire que ça n'avait pas de bon sens puis qu'il fallait absolument que le gouvernement retire l'avant-projet de loi sur la création des sociétés d'économie mixte.

Puisque vous avez quand même abondamment parlé sur l'article 45, j'aimerais vous amener sur des éléments dont vous avez parlé et qui touchent, en fait... Vous trouvez que l'avant-projet de loi n'est pas assez rigide, n'encadre pas assez cette société d'économie mixte. D'autres trouvent que c'est trop rigide. Évidemment, vous vous doutez bien que c'est l'entreprise privée. Puis, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la CSD, hier, nous a dit: Regarde, là, on ne veut même pas parler de bonification de quoi que ce soit; nous autres, on veut...

M. Valois (Roger): La CSD fait de la politique, hein?

Mme Delisle: Bien, je pense qu'ils ne sont pas tout seuls. Ha, ha, ha!

M. Valois (Roger): Ils sont partis parce qu'on en faisait trop. Je ne comprends pas.

Mme Delisle: Ceci étant dit, pourriez-vous élaborer...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Je pensais qu'on parlait de vos ex-collègues.

Mme Delisle: Pardon?

M. Trudel: Je pensais que vous alliez dire «vos ex-collègues».

Mme Delisle: Non, je n'ai rien... Non. Je n'en ai pas fait.

M. Valois (Roger): Non, non, mais ça remonte à 1972. C'est long.

Mme Delisle: Je vous laisse le soin de faire de la politique, messieurs de la CSN; moi, je n'en fais pas ici.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Je vous demanderais d'élaborer davantage sur cette assertion, justement, à savoir qu'il faudrait que ce soit davantage encadré. Ça revient à quelques reprises, surtout au début de votre mémoire. C'est quoi les éléments, d'après vous? Parce que vous touchez l'ensemble du projet de loi, mais vous ne dites pas spécifiquement quels seraient les articles que vous aimeriez voir mieux encadrés. Est-ce que c'est le choix du partenaire, est-ce que c'est le pourcentage de capital qui pourrait être injecté par l'un ou l'autre des partenaires? Vous n'avez pas élaboré du tout là-dessus, puis je pense que ça serait intéressant de vous entendre.

M. Valois (Roger): Bien, la philosophie qui...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Valois.

M. Valois (Roger): ...ressort du mémoire qu'on présente, c'est qu'on veut que ça soit au palier régional.

Mme Delisle: Oui.

M. Valois (Roger): Mais, si c'est au palier régional, il faut encadrer davantage le régional. On trouve que... Le régional, ce n'est pas qu'on est contre – vous le voyez dans le mémoire – sauf qu'on trouve que le préfet de comté, il devrait être élu au suffrage universel. Là, c'est élu par, j'allais dire des camarades, mais il ne faut pas employer ce mot-là.

Mme Delisle: Oui, mais ce n'est pas l'objet de la société d'économie mixte de parler de l'élection du président ou du préfet d'une communauté urbaine ou d'une MRC.

M. Valois (Roger): Non. Mais, dans les conditions de mise en place, si la société d'économie mixte est mise en place par ce que, nous, on préconise, les MRC, il faut que le monde qui siège aux MRC soit représentatif de la population. On ne dit pas que les maires ne le sont pas, ce n'est pas ça qu'on dit, sauf que, quand ils choisissent le préfet entre eux, nous, on dit: Si on commence à avoir plus de pouvoirs pour les MRC, il faut que le monde qui les exerce soit imputable.

Mme Delisle: C'est vrai.

M. Valois (Roger): Vous avez de l'imputabilité, tout le monde ici, autour de la table, et même nous, on a l'imputabilité envers ceux qui nous élisent, et celui qui est à la MRC, le préfet, son imputabilité, lui, il la doit à ceux qui le nomment. Mais on dit: Bien, il faut encadrer plus ça. On ne vient pas mettre en contradiction les MRC et les SEM. On dit: Si les MRC deviennent le foyer d'où émergent les SEM, il faut que les MRC soient encore plus démocratiques. On ne dit pas qu'elles ne le sont pas, mais il faut que ce soit au suffrage universel, il faut que l'imputabilité des élus qui sont là soit encore plus grande qu'elle l'est présentement. La présidente de la Communauté urbaine de Montréal a été choisie par les maires de Montréal et des banlieues. On voudrait que ce soit au suffrage universel, parce que, à partir du moment où ce monde-là a des pouvoirs qui, des fois, dépassent les pouvoirs que même les députés ont au niveau des comtés, on ne voit pas pourquoi ils ne seraient pas élus de la même façon. Donc, à partir de ce moment-là, si le monde qui est aux MRC est choisi de cette façon-là, démocratique, on craint moins pour la mise en place des SEM.

Mme Delisle: Ça répond en partie à ma question. Vous mentionnez dans votre mémoire que vous aimeriez voir – ça, c'est à la page 11 – l'interdiction faite aux entreprises étrangères d'être partie à une SEM. Est-ce que ça a un lien avec l'article 45? Est-ce que ça n'a pas un lien avec l'article 45? Est-ce que c'est parce que vous trouvez que ça devrait être uniquement les entreprises québécoises? C'est quoi pour vous une entreprise étrangère? C'est une entreprise du Nouveau-Brunswick ou bien une entreprise de France? Ça s'arrête où?

M. Valois (Roger): Bien, ça s'arrête à ceux qui sont en dehors du Québec. On pense qu'on est capables de faire ça. Et, comme les SEM et les municipalités, c'est des amalgames de deux composantes québécoises, on ne voit pas pourquoi il y aurait quelqu'un d'autre qui viendrait... Quand le génie a passé, les Québécois étaient debout, on en a eu tous égal; on est capables de faire ça entre nous autres.

Mme Delisle: Oui, mais je pense que là n'était pas l'intention du législateur, de dire qu'il y en avait qui avaient plus ou moins de génie, sauf que, qu'est-ce que vous faites de la libre concurrence puis de la libéralisation des marchés? J'ai un peu de difficultés...

M. Valois (Roger): D'abord, au niveau de l'ALENA, par exemple, je ne sais pas si vous faites allusion à ça, mais la libre...

Mme Delisle: Bien, oui et non. Je veux dire, il n'en demeure pas moins que, si les marchés sont tous ouverts... La question a été abordée ce matin, d'ailleurs, par M. le ministre avec un autre groupe. Comment on fait pour empêcher une compagnie...

Une voix: Le monsieur a une base, là.

Mme Delisle: Oui, c'est ça, au point de vue des principes. Je ne vous dis pas qu'on n'a pas le génie pour le faire; au contraire, je pense qu'on l'a déjà démontré. Mais comment on l'articule, comment on l'explique, qu'on limite ça strictement aux entreprises québécoises?

M. Valois (Roger): Nous, on dit que les compagnies qui vont former les SEM devraient avoir... l'entreprise devrait avoir au moins un siège social au Québec. À partir de ce moment-là, si on établit un siège social puis si on fait des affaires au Québec... Je suis convaincu que Laidlaw ne nous a pas parlé de son siège social à Laval, mais il n'est pas loin du dôme où on frappe des balles de golf. Laidlaw s'est installée là. Ils se sont fait un siège social québécois. Ce n'est pas parce que les compagnies sont multinationales ou transcontinentales qu'elles ne peuvent pas établir leur siège social au Québec et faire des affaires avec les municipalités. Nous, on dit: Un siège social au Québec et avoir pignon sur rue ici, c'est important.

Mme Delisle: Ah bon!

M. Valois (Roger): Puis qu'ils arrêtent de nous énerver avec les déménagements.

Mme Delisle: O.K.

M. Valois (Roger): Il y en a qui s'en vont au Mexique parce que, ici, ce n'est pas stable, le climat. Au Mexique, ils viennent d'assassiner le président, le frère du président est recherché par toutes les polices du monde. Je pense qu'ils viennent d'enlever leurs cagoules.

Mme Delisle: Monsieur, ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Ramène-le donc à l'ordre, Madeleine. Franchement, là...

M. Valois (Roger): C'est sécuritaire, comme débat politique, ça, au Mexique! C'est sécuritaire, le Mexique!

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît, M. Valois, si vous voulez revenir à la pertinence du débat.

M. Valois (Roger): Ah! oui, oui, mais, quand c'est québécois, on est capables de se parler plus, il me semble. C'est moins loin d'aller au siège social à Montréal ou à Laval ou à Sorel que d'aller au siège social à Washington ou bien donc à Oakland, en Californie.

(16 heures)

Mme Delisle: M. le vice-président, je repense à la discussion qu'on a eue hier avec la CSD, qui, elle, préférait une approche beaucoup plus nouvelle en termes d'organisation de travail, de discussion avec le municipal, avec les employeurs municipaux, plutôt que d'aller vers la création des SEM, parce qu'ils voyaient ça davantage comme de la privatisation pure et simple des services municipaux. Est-ce que, pour vous autres, une approche plus novatrice de l'organisation du travail vous amènerait à vous réconcilier davantage avec la SEM?

M. Valois (Roger): Je vais dire qu'il faut faire bien attention. La CSN, on ne partira pas en étant les promoteurs des SEM. Faites attention. On dit oui aux SEM, avec des conditions qu'on a élaborées, le transfert de l'article 45, si ça vient à exister, parce qu'on sait fort bien qu'on ne peut pas, non plus, s'ériger en barrage contre tout changement à ce qu'on peut chercher comme efficacité au niveau des services publics.

Mais, si les municipalités veulent s'asseoir avec nous, au niveau de l'organisation du travail, on a fait le ménage dans quelques compagnies privées au niveau de l'organisation du travail. À Alma, c'est nous qui étions là. Abitibi-Price, à Alma, ils ne trouvaient pas la chatte qui avait caché les chats. Les ouvriers ont pris l'usine en main et on a fait le ménage. On est capable de le faire au niveau des municipalités. On est capable de le faire au niveau des hôpitaux aussi. La CSN, on dit que les ouvriers et les travailleurs et les travailleuses qui sont dans les milieux de travail, si on leur donne la chance d'organiser le travail, ils vont faire ça mieux que le boss. À l'usine, chez nous, on a pris ça en main. Elle est rentable depuis ce temps-là. Ils viennent d'annoncer un investissement de 350 000 000 $ encore. On vient de signer un contrat de six ans. On est capable de parler d'organisation du travail.

On ne deviendra pas les promoteurs, M. le ministre, des SEM au Québec. Si des municipalités veulent s'asseoir avec nous et Denis Marcoux, qui est le vice-président de la Fédération des employés des services publics, employés municipaux, si elles veulent s'asseoir avec nous autres et regarder comment on peut améliorer le fonctionnement des municipalités et améliorer le fonctionnement des cols bleus et des cols blancs, on a quelque chose à dire là-dessus. Ça, c'est sûr qu'on a de quoi à dire. Mais, comme c'est un monde où les élus sont... Les élus, c'est élu, ça. C'est plus difficile de faire le barda quand il y a du monde qui sont élus et qui ont de l'imputabilité, surtout à plusieurs personnes en même temps, que de faire le ménage avec l'entreprise privée. Dans une compagnie où je travaillais, qui s'appelle Fer et Titane, à Tracy, ils ont compris que le profit, ça passe aussi par écouter le monde qui y travaille.

On est disponible au niveau des municipalités. On est disponible au niveau des hôpitaux. On est disponible partout pour parler d'organisation du travail. Ça fait partie de ce que la CSN met de l'avant pour, justement, faire concurrence à la mondialisation de l'économie. On a voulu faire ça avec Firestone, à Joliette. Je ne sais pas s'ils vous l'ont dit. On a voulu faire l'organisation du travail, ils nous ont envoyé paître.

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît!

M. Valois (Roger): Voilà. Ça fait qu'on est ouvert... M. le ministre, je regrette, mais on ne sera pas les promoteurs des SEM au Québec. Il ne faudrait pas que ce soit dit que la CSN va partir en campagne pour faire des SEM. On dit, si on en fait, on veut...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Langlois, si vous voulez...

M. Valois (Roger): Je dépasse, moi?

La Présidente (Mme Bélanger): ...on va rester dans le sujet, parce qu'on n'a pas l'intention de savoir tout ce que la CSN veut faire dans le monde entier.

M. Valois (Roger): Non, mais, de temps en temps, je disais le mot «SEM». De temps en temps, je disais le mot «SEM» aussi pour...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): C'est ça. Pour essayer de rattraper la pertinence un peu.

M. Valois (Roger): De temps en temps. Tantôt, je disais à mes camarades que le monsieur de Laidlaw, il ne voulait pas faire de SEM, il voulait faire des cennes.

La Présidente (Mme Bélanger): Des SEM, oui. Alors là, M. Paquet... C'est M. Paquet, pas M. Paquet, M. Sauvé.

Une voix: Non, c'est M. Marcoux qui voudrait ajouter sur le monde municipal.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Marcoux. C'est M. Valois qui me distrait avec ses actions.

M. Marcoux (Denis): Je peux vous dire que – en tout cas, dans le cadre des travaux qu'on entreprend avec les villes, aussi, on est dans le secteur transport, avec les grandes sociétés de transport, qui s'apparente à ce type de travaux-là – il y a beaucoup de choses à l'heure actuelle qui sont remises en cause, avec toute l'histoire de la sous-traitance. Et je peux vous dire qu'il y a plusieurs de nos syndicats, à l'heure actuelle, qui sont dans des démarches d'organisation du travail où on remet carrément sur la table, en termes d'analyse coûts-bénéfices, d'analyse de coûts directs, tout le travail qui est fait par les sous-contrats, avec toute la panoplie de problèmes que la sous-traitance peut engendrer. Sauf que, ça, ça demande des changements de mentalité profonds.

On a tous des cultures d'entreprise, et c'est, en tout cas dans les villes moins sujettes à des ouvertures de marché, plus lent à changer; c'est plus hiérarchique, en tout cas. Il y a plein, plein de facteurs qui font en sorte que ces types d'organisation là sont peut-être un petit peu en retard sur les entreprises, qui sont dans un marché plus ouvert. Sauf que, à l'heure actuelle, on s'aperçoit qu'il y a de la compétition directe, et les villes, les syndicats où on est représenté, on est engagé dans ces démarches-là. Je pense que, à court terme, ça va se placer. Sauf que, encore une fois, on aime mieux travailler avec les villes directement qu'avec les SEM. Ça, c'est clair.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

M. Trudel: Alors, non seulement ça y va, aux toasts, mais vous mettez vos jeans pour parler.

M. Valois (Roger): Oui, j'ai dit ça, oui. La sécurité politique du Mexique, c'est encore plus que ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Valois, M. Marcoux, M. Sauvé, M. Paquette, nous vous remercions de votre présence. On va suspendre les travaux quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

(Reprise à 16 h 11)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission reprend ses travaux. Le mandat est toujours de procéder à la consultation générale et tenir les auditions sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Nous avons comme invitée la Fédération indépendante des syndicats affiliés, représentée par M. Talbot. M. Talbot, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent. La règle du jeu, c'est toujours 20 minutes pour faire connaître votre mémoire, et la discussion entre les deux groupes parlementaires pendant 20 minutes chacun. On va essayer d'être un petit peu plus pertinent, si c'est possible.


Fédération indépendante des syndicats affiliés (FISA)

M. Talbot (Paul): Merci, madame. On prend bonne note. Alors, M. Gaston Verreault, secrétaire-trésorier, M. Jean-Louis Gendron, conseiller auprès de l'exécutif, et Me Grondin, conseiller juridique.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, la Fédération indépendante des syndicats affiliés est la fédération qui regroupe le plus grand nombre de syndicats indépendants et autonomes au Québec dans le milieu municipal et paramunicipal. Ces syndicats affiliés détiennent au-delà de 100 accréditations dans quelque 70 grandes, moyennes et petites municipalités, incluant notamment la ville de Québec, la Communauté urbaine de Québec, Sherbrooke, Chicoutimi, Trois-Rivières et les régions – on est dans les régions – Montréal, Québec, Saguenay–Lac-Saint-Jean, Bas-du-Fleuve et l'Estrie. Sillery aussi et nombre de petites villes.

À la lecture de l'avant-projet de loi et des mémoires soumis par un certain nombre d'intervenants et à l'analyse des commentaires reçus, nous nous interrogeons d'abord sur les vrais motifs pouvant justifier la création de sociétés d'économie mixte. Nous nous questionnons aussi sur l'urgence et l'opportunité de multiplier encore davantage les organismes qui auraient à donner des services dans le secteur municipal alors que les municipalités ont déjà plusieurs outils à leur disposition pour rationaliser les services. Notre connaissance du milieu nous amène à affirmer qu'il est possible pour les municipalités de gérer de manière rationnelle sans avoir à s'associer à des entreprises privées et sans avoir à s'attaquer aux conditions de travail des employés.

Il nous apparaît plus urgent d'améliorer la gestion des affaires municipales par un allégement important des contraintes administratives imposées aux municipalités plutôt que d'ajouter une autre structure dont on ne peut absolument pas prévoir les effets tant pour les municipalités, leurs dirigeants, le personnel, que pour les citoyennes et les citoyens. L'expérience des communautés urbaines auxquelles les municipalités ont confié une partie de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités n'est pas nécessairement une expérience concluante.

À notre avis, le Québec n'a pas besoin de ce projet de loi qui vient rajouter des structures et imposer des modes de fonctionnement coûteux et, selon nous, purement inutiles, pour donner aux citoyens les mêmes services.

La preuve n'est pas faite, d'ailleurs, que les services coûteront moins cher parce qu'ils seront rendus par une société d'économie mixte, à moins que l'on veuille réaliser des économies sur le dos des travailleuses et des travailleurs, particulièrement celles et ceux à statut précaire, soit en les privant carrément de leurs emplois, soit en leur offrant des salaires et des conditions de travail inférieurs à ce qu'ils continueraient d'obtenir en demeurant à l'emploi des municipalités.

Le fait, pour des municipalités, de s'adjoindre une société commerciale ou industrielle pour donner certains services nous porte à croire que ces municipalités veulent transformer en entreprise rentable les services qu'elles ont de la difficulté à gérer et à assumer elles-mêmes. Nous ne voyons pas comment cet objectif pourrait être atteint sans que quelqu'un en paie la note. Ou bien ce seront les citoyens ou citoyennes qui paieront plus cher pour les mêmes services, ou bien ce seront les employés qui feront les frais de cette économie recherchée.

Nous désirons vous faire part également que nous faisons nôtres les craintes analysées dans le rapport intitulé «Partenaires de Montréal», et je pense que vous en avez pris connaissance.

Cet avant-projet de loi est d'ailleurs complètement muet au sujet de l'impact que la création de ces sociétés d'économie mixte aurait sur les relations de travail. Son silence est inquiétant et nous laisse perplexes, d'autant plus qu'il nous apparaît que la création de ces sociétés d'économie mixte a pour objet principal de contourner les conventions collectives et de détériorer les conditions de travail du personnel qui sera appelé à y travailler.

La première question qui se pose est de savoir si ces nouvelles sociétés d'économie mixte devront aller chercher leur personnel parmi les employés des municipalités fondatrices. Même si le projet de loi est amendé pour répondre oui à cette première question, dans quelle proportion les employés de diverses municipalités faisant partie du même fondateur municipal seront-ils à cette nouvelle société d'économie mixte? Quant à l'entreprise commerciale ou industrielle qui est également fondatrice de la société mixte, y transférera-t-elle ses propres employés? Qu'arrive-t-il, également, des fonctionnaires qui ne seront pas transférés à la société d'économie mixte? Seront-ils recyclés ou tout simplement mis à pied?

Le projet de loi est muet et les conventions collectives en vigueur n'ont pas nécessairement prévu un tel chambardement des lois québécoises. Comme le disait à juste titre le document intitulé «Partenaires de Montréal, processus d'analyse», Montréal n'a pas de politique sur le traitement qu'elle exigera des partenaires qui se verront confier, par le biais d'un transfert d'activités ou par prêt, une partie de sa main-d'oeuvre. Cela est vrai pour les municipalités du Québec.

On dit également que, dans le cas des employés permanents syndiqués, le Code du travail, les conventions collectives pourvoient à ce manque au chapitre de la sécurité d'emploi et des conditions de travail. Par ailleurs, les textes législatifs, la jurisprudence, les conventions collectives ne règlent pas tout. L'insécurité de travailler dans un nouveau contexte de travail, avec parfois un travail différent de celui auquel on est habitué, peut complexifier singulièrement la prise en charge d'une activité par un partenaire externe. Pour toutes ces raisons, il importe d'assurer un traitement équitable pour chacun des employés dont le travail sera affecté d'une manière ou d'une autre par une entente de partenariat.

Une ville comme Montréal peut avoir un programme pour impliquer des employés, les informer des changements qui vont les affecter, évaluer les impacts pour les employés visés et assurer la mise sur pied d'un programme de formation, et ainsi de suite. Mais, dans la majorité des municipalités, un tel service n'existe pas. Les transferts éventuels d'employés d'une municipalité à une société d'économie mixte risquent donc d'affecter considérablement la vie de milliers de fonctionnaires municipaux.

Tout d'abord, le projet de loi devrait prévoir les mécanismes prévoyant les transferts d'effectifs des municipalités à la nouvelle société d'économie mixte. Combien d'employés seront alors transférés? S'il y a plusieurs municipalités formant le fondateur municipal, dans quelle proportion les fonctionnaires desdites municipalités seront-ils transférés? Ces fonctionnaires auront-ils le choix, par ordre d'ancienneté ou autrement, de demeurer au service de leur municipalité? Auront-ils le loisir de se perfectionner pour occuper les emplois nouvellement offerts? Autant de questions qui devraient trouver réponse dans le projet de loi.

Ensuite, il devrait être clairement établi les modalités de ces transferts en ce qui concerne la représentation syndicale des employés transférés, les salaires et les bénéfices marginaux qui devraient leur être garantis. Parmi ceux-ci figurent les fonds de retraite auxquels les employés ont contribué pendant de nombreuses années et qui risqueraient de ne pas suivre le transfert. Lorsque le législateur a adopté, en 1969, la Loi sur la Communauté urbaine de Québec, il a prévu, aux articles 295 et suivants de cette loi, toutes les modalités de transfert des employés de diverses villes à la communauté urbaine. Il avait même garanti leurs traitements, leurs bénéfices sociaux et participations aux régimes de retraite, de même qu'une disposition spéciale pour s'assurer que les accréditations syndicales suivraient. Ces dispositions se retrouvent maintenant aux articles 237 et suivants des statuts révisés C-37.3.

Plus récemment, cependant, le législateur, lorsqu'il a adopté le projet de loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, a prévu aux articles 82 à 95 des protections pour les syndicats et les employés qui étaient affectés par les transferts prévus par ladite loi. Malheureusement, ces textes sont ambigus et font actuellement l'objet de nombreuses contestations devant les tribunaux. Ces textes ne sont sûrement pas un modèle à adopter.

La simple référence à l'article 45 du Code du travail ne règle pas pour autant tous les problèmes. Si son application n'est pas précisée dans la loi, elle risque d'engendrer des débats devant le commissaire du travail, le Tribunal du travail, devant les cours civiles. La loi se doit d'être claire et précise pour empêcher les employés des municipalités de perdre leurs acquis, et nous présumons que le gouvernement est au moins d'accord sur ce point.

Nous insistons également pour que le projet de loi oblige les municipalités à soumettre au ministre des Affaires municipales, avant de créer une société d'économie mixte, un plan détaillé pour évaluer les impacts qu'auraient de tels transferts sur les employés visés, pour impliquer ces employés, pour assurer la mise sur pied de programmes de formation et pour implanter une procédure de gestion des changements, comme le suggère d'ailleurs le document préparé par la ville de Montréal auquel nous avons référé. Rien n'existe dans le projet de loi concernant les droits des employés susceptibles de voir leur emploi transféré dans une société d'économie mixte.

Dans l'état actuel de l'économie et devant les nombreux problèmes qui seraient sûrement occasionnés par la création de sociétés d'économie mixte, nous ne pouvons que demander l'abandon de cet avant-projet. Le gouvernement devrait plutôt favoriser les ententes intermunicipales. L'expérience vécue à ce jour dans certains milieux démontre qu'il est possible de rationaliser les services et de réaliser des économies intéressantes sans altérer de saines relations de travail.

(16 h 20)

Il nous apparaît que c'est la voie privilégiée. Le succès de cette approche est cependant tributaire de la volonté politique de bien servir les citoyens et citoyennes.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Talbot. M. le ministre.

M. Trudel: M. le président des syndicats indépendants, chers collègues, Me Grondin, d'une grande firme d'aviseurs légaux de Québec que nous connaissons bien...

Une voix: Ha, ha, ha! Merci.

M. Trudel: Il me fait plaisir, d'abord, de vous accueillir et de recevoir aujourd'hui vos commentaires à l'égard de l'avant-projet de loi qui est soumis pour analyse et pour évaluation, et pour nous indiquer, finalement, où on va se retrouver, en termes de législateurs, avec cette voie qu'on a voulu développer.

Écoutez, d'entrée de jeu, vous nous dites: Ça, ça peut provoquer une perte massive d'emplois dans les municipalités. En fait, vous êtes en train de nous dire: Si on s'en va dans cette voie des sociétés d'économie mixte, ça peut être l'enfer pour nous autres au niveau non seulement de nos membres, mais au niveau des emplois dans les municipalités.

Je vais vous dire bien franchement, je trouve que vous en mettez pesant un peu. Puis, écoutez, on est là... comme on l'a dit bien des fois, on est là pour se parler franchement. Écoutez, si telle était l'intention traduite du législateur au reçu, il faudrait qu'on refasse nos classes et qu'on examine cela comme il le faut à l'égard de ce danger de pertes massives. L'intention que vous y lisez, comment vous pouvez... Où vous retrouvez ça?

M. Talbot (Paul): O.K., bien, d'ailleurs, moi, je voudrais, M. le ministre... Ce n'est pas la perte d'emplois, c'est le transfert d'emplois. On pourrait lire ça: c'est le transfert d'emplois. Parce qu'une société d'économie mixte, l'entreprise privée qui va contracter pour une SEM devra certainement... elle va vouloir garder ses employés, et si, nous autres, on dispose d'un bassin d'employés, on fait quoi? C'est lequel des deux groupes qui vient? Je ne pense pas que les SEM – puis j'étais là quand mes prédécesseurs ont passé, même si on n'est pas, au point de vue façon de fonctionner dans le syndicalisme, tout à fait sur les mêmes ondes – on n'en fera pas une bataille politique de dire qu'on est contre.

On vous dit les appréhensions. On pense que c'est dangereux, puis nos gens... Je vous dirais qu'on est le groupe qui représente le plus grand nombre, dans les villes et municipalités, c'est la FISA. On est peut-être moins transparent dans le sens... dans les journaux, mais je pense qu'on y va pour le côté vraiment pratique, autant dans la façon de négocier... Et moi, personnellement, M. le ministre, j'ai négocié, ça fait au-delà de 30 ans – à la Communauté urbaine, j'ai connu des gens qui sont ici – partout où j'ai négocié, je n'ai jamais eu de grève ou quoi que ce soit. Et ça, je vous dis que c'est un vent de panique. C'est un vent de panique que j'ai senti parmi les villes, les municipalités que je représente, et je dispose, comme je disais, d'au-delà de 100 accréditations seulement dans le secteur municipal. On est dans le secteur privé aussi, puis on a très peu de grèves, on négocie. Mais je vous le dis, si jamais le gouvernement disait: Oui, on fait des SEM, bien on dit, et je pense que c'est le message à la fin: Vérifiez, il y a l'article 45, puis il y a des points d'interrogation.

Dans les villes, nous autres, on dispose... puis il y a la loi des services essentiels, hein. C'était l'inconnue dans le projet de loi. Je ne sais pas s'il y en a qui vous en ont parlé, ça m'a été demandé, moi, dans des assemblées: Est-ce qu'on est régi par ça? Il y a toute une série de lois, et, lorsqu'il y a eu les communautés urbaines, j'ai vécu l'intégration de ça. J'ai été à la ville de Québec, un syndicat qui était le syndicat important dans la région de Québec, et on a vécu ça, sauf qu'il y avait un article qui était très clair, qui permettait de fonctionner dans des paramètres très précis. Bien, c'est évident qu'à la minute que les paramètres sont établis avant... Bien, là, on ne s'est pas opposé aux communautés urbaines. Que là on s'oppose aux SEM parce que... Je serais porté à vous dire, M. le ministre, plus que ça. Après avoir entendu les gens qui sont passés avant, avec ce qu'on demande, ça m'a consolé. Il n'y en aura pas, de SEM. Ha, ha, ha! Puis, avec Laidlaw, ce qu'ils ont demandé, il n'y en aura pas, de SEM.

Moi, je dis, puis vous dites qu'il faut être franc: C'est évident que, dans le secteur municipal, je ne ferai pas rêver personne. Les conditions de travail ne sont pas mauvaises. Je ne voudrais pas dire qu'elles sont bonnes ici...

M. Trudel: Non.

M. Talbot (Paul): ...mais elles sont acceptables, bon...

M. Trudel: Vous voulez dire que vous avez des bons négociateurs.

M. Talbot (Paul): Je pense qu'on se comprend bien.

M. Trudel: C'est ça que vous voulez dire, bon.

M. Talbot (Paul): Bon. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Oui.

M. Talbot (Paul): Et, effectivement, je dirais, là: On n'a pas tiré du revolver. C'est des conditions qu'on a obtenues dans des conditions qu'on pouvait obtenir dans ce temps-ci, puis on est conscient, comme fédération... et mes gens négocient dans toutes les villes et les municipalités, ils ont hâte de se mettre à table, puis quand j'entends, aujourd'hui, donnant-donnant, changer quatre trente-sous pour quatre trente-sous, ça va, ça. Négociation raisonnée? Ça va. Mais ce qui me surprend, ça fait 20 ans qu'on la pratique, nous autres. Puis là, tout à coup, on dirait que c'est le bon Dieu qui vient de tomber sur la terre. C'est nouveau tout à coup. On l'a fait continuellement, et c'est pour ça que ça ne m'émeut pas trop, mais c'est notre peur, nous autres.

Si vous allez avec les SEM, moi, je pense qu'il y a beaucoup d'organismes qu'on pense qui peuvent suppléer à ça. J'en ai vécu, dans mon milieu, j'en ai vécu dans des villes, moi. Il y a des fusions, j'ai participé à des fusions, j'ai participé, encore dernièrement, à des ententes de services. Vous avez, à Québec, le 9-1-1, vous avez les services de protection, vous le savez, c'est public, ça, bon, j'ai vécu ça et ça a été bien. Il y a eu des problèmes, mais ça a été bien, et les conventions collectives ont fonctionné et ça va bien. Mais la minute qu'on part une nouvelle organisation comme ça, les SEM, si vous établissez des paramètres, on va vivre avec. Écoutez, on ne fera pas une lutte, mais, on vous le dit, on a commencé par ça parce qu'on sait fort bien que l'article 45, les services essentiels, l'intégration, les régions, tout est touché dans ça.

Quand j'entends des gens dire qu'on va créer de l'emploi avec ça, bien, je ne comprends pas qu'on va créer de l'emploi avec ça. Moi, en tout cas, peut-être que... je ne suis pas un économiste, mais je ne vois pas... On n'en créera pas, mais on va créer de l'insécurité, certainement, pour les employés dont je dois défendre les intérêts tout en respectant l'intérêt du citoyen. Je pense que, ça aussi, je suis assez mature pour savoir que le citoyen, aujourd'hui – et j'en suis un – payeur de taxes, on doit tenir compte de cet élément-là. Et les représentations qu'on fait aujourd'hui – c'est la première fois que passe devant une commission...

M. Trudel: Vous faites bien ça.

M. Talbot (Paul): ...je n'ai pas cette expérience-là. J'ai assisté, et là, si j'avais... avec l'expérience, je dirais: Je veux être entendu à la fin, parce qu'on entend des commentaires très, très, très... qui peuvent aider...

M. Trudel: Vous apprenez vite.

M. Talbot (Paul): ...dans les remarques passées.

M. Trudel: Vous apprenez vite, en tout cas.

M. Talbot (Paul): Mais ça m'a confirmé, dans mon rapport que j'ai fait, qu'il va y avoir des problèmes, et c'est un avant-projet de loi, c'est ça. Et c'est pour ça que, un avant-projet, on dit qu'on n'est pas d'accord sur ça, par contre, vous avez semblé dire que l'article 45, là, et j'étais content d'entendre le monsieur dire, ce midi, qu'il peut vivre avec ça, nous autres aussi, on peut vivre avec ça, malgré que dans les villes, les tribunaux, on a 12 et 15, des cours d'appels, vous connaissez ça, toutes les cours, et trois ans. Me Grondin, je sais qu'il ne s'objecte pas à ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Talbot (Paul): ... mais, effectivement, ce n'est pas mon conseiller technique qui peut aller à ce niveau-là, mais, moi aussi, j'ai des membres qui payent, et ils me demandent des... et on est conscient que le gouvernement doit rationaliser, on est conscient, dans les villes... J'ai M. Verreault ici, qui négocie à la ville de Québec, et il est conscient de ça, et les gens sont conscients. Il y a un cheminement qui se fait, je vous le dis, très fort, où on est conscient de l'état des finances à tous les niveaux des gouvernements. On est conscient de ça. Par contre, il ne faudrait pas tomber dans l'autre domaine où c'est un «free-for-all» juridique.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Gendron.

M. Verreault (Gaston): Verreault.

La Présidente (Mme Bélanger): Verreault.

M. Verreault (Gaston): En complément de réponse à la question de M. le ministre, c'est évident que la création de SEM va risquer de faire perdre des emplois. On vit dans le milieu municipal, à l'intérieur des communautés urbaines, les organismes, aussi, communautaires – les villes utilisent de plus en plus des organismes communautaires – et, évidemment, ce sont tous des emplois précaires, à des salaires inférieurs et des conditions de travail inférieures. Alors, c'est une autre façon, aussi, de contourner les conventions collectives, et notre appréhension, c'est à cet effet-là. C'est exactement comme les organismes communautaires dans les villes, les emplois seront à des salaires inférieurs à ce qu'on connaît dans les municipalités, avec des conditions de travail... Alors nos gens sont très inquiets – et on le vit de plus en plus – les villes utilisent ce moyen-là, les organismes communautaires, pour gérer, par exemple, les loisirs, gérer la culture ou gérer le tourisme; c'est de plus en plus utilisé. Alors, ça en est une, appréhension, des pertes d'emplois pour des emplois inférieurs, pour des emplois précaires.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Merci, Mme la Présidente, on doit reconnaître...

(16 h 30)

M. Gendron (Jean-Louis): Il y a une partie qui n'est pas dans le mémoire, et c'est une observation générale des membres de notre mouvement. C'est que, avant de passer à la création des SEM, les gens disent: Il se vit actuellement dans le milieu municipal des expériences et, en 1996, on devrait plutôt encourager et développer ces nouvelles expériences là qui se font dans le monde municipal. Alors, M. le ministre parlait tantôt des outils, de nouveaux instruments, mais il se vit actuellement – c'est malheureux que ce ne soit pas publicisé – mais, dans le monde municipal, il se vit des expériences, des tables de concertation, de plus en plus, et qui apportent énormément de... une meilleure concertation, un meilleur climat de travail et qui peuvent répondre aux besoins du milieu au lieu d'aller directement aux SEM. Vous savez comme moi que, dans le domaine municipal, depuis plusieurs années, avec les modifications qu'il y a eu dans les différentes lois, les services essentiels, plus de droit de lock-out, le climat de travail s'est amélioré, ça a changé considérablement. Et on doit vivre ces nouvelles expériences encore plus longtemps avant d'aller plus loin. Dans beaucoup de milieux municipaux actuellement, autant avec les cols bleus que les cols blancs, il y a des tables de concertation, des tables paritaires pour voir, au lieu d'aller à sous-contrat, comment on peut réaliser le travail à des coûts moindres à l'intérieur des structures mêmes de l'entreprise ou du milieu municipal. Et ça, je pense que ça devrait être poussé davantage et publicisé avant de passer à cette étape-là des SEM.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Merci, Mme la Présidente. Je pense qu'on doit reconnaître que, s'il y a des SEM, ce sera surtout pour s'occuper... traiter les déchets, ramasser les déchets, les détruire, traiter, amener l'eau potable et, surtout, traiter les eaux usées. Alors, moi, lorsque je lis votre mémoire, vous dites, entre autres, que c'est les ententes intermunicipales qui devraient être favorisées plutôt que créer des SEM. Alors, d'une façon générale, puis plus particulière après, comment pouvez-vous nous expliquer, par exemple, comment une entente intermunicipale pourrait améliorer le rendement de l'incinérateur ou le rendement d'une station d'épuration des eaux? Ça, c'est de façon générale.

Et, de façon plus particulière, tout le monde sait qu'il y a des problèmes d'opération à la station d'épuration de Québec, la Communauté urbaine de Québec. Comment une entente intermunicipale pourrait arrêter le problème?

M. Verreault (Gaston): On pourrait répondre par une question: Comment ça se fait que la Communauté urbaine, d'elle-même, n'est pas capable de le régler alors que c'est 13 villes qui sont ensemble pour gérer l'organisme?

M. Rivard: M. Verreault...

M. Verreault (Gaston): Je pense que la réponse est par une question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rivard: M. Verreault, ce n'est pas moi qui ai écrit votre mémoire, c'est vous autres qui l'avez écrit.

M. Verreault (Gaston): Non. D'accord. Mais, quand on parle en termes de services, je comprends, M. le député, que ça ne va pas nécessairement s'appliquer dans tous les domaines, là. Je suis d'accord avec vous. Mais il y a des endroits où on peut faire des ententes de services. On peut... dans différents domaines, que ce soit au niveau des loisirs, des bibliothèques – on peut en donner, des exemples – au niveau de l'ingénierie, au niveau de l'urbanisme. Il y a peut-être des domaines où ça ne sera pas vivable, où ça ne sera pas réalisable. Mais est-ce que c'est nécessairement parce que l'entreprise privée va venir gérer l'usine de traitement des eaux de la Communauté urbaine que ça va aller mieux? Peut-être que oui, mais à quel coût? Peut-être à des 90 000 000 $ de trop, je ne le sais pas, là. Mais il se pose des questions, il se fait des enquêtes présentement. Je vous répondrai quand j'aurai la réponse de l'enquête. Ce n'est pas nous qui faisons l'enquête, là, mais c'est la Communauté urbaine, ha, ha, ha!

M. Talbot (Paul): Mais, moi, je vous dirai que, quand vous parlez d'un point spécifique, là, c'est qu'il en existe, des fusions, puis c'est ce qu'on dit. Puis, administrativement, les villes, là, il y a des villes qui peuvent s'administrer très bien et je pense que, de plus en plus, les villes qui ont des chartes, comme la ville de Québec et la ville de Montréal, elles ont des pouvoirs accrus, puis ça fonctionne – pour y avoir travaillé, en tout cas – assez bien. Est-ce qu'il y a encore lieu d'améliorer ça? Je le pense.

Quand on parle de fusions puis d'ententes, il y en a eu, là. Écoutez, on n'invente pas les... Bon, vous avez les commissions scolaires avec les villes; moi, j'ai aussi négocié ça. Il y en a, des ententes, partout. Je vous parlais de 9-1-1. Le 9-1-1, c'est des ententes, ça. Les syndicats, on a participé à ça puis, effectivement, ça donne de très bons résultats, puis à des bonnes conditions. Puis, les employés dans ça, on a essayé de faire un équilibre. C'est évident qu'il y en a qui y perdaient, mais ça a été négocié.

Et je dois dire ici qu'une ville comme Québec, des villes bien organisées, avec des structures de services, de personnel adéquat, où s'est développée une philosophie de gagnant-gagnant, là, une négociation raisonnée, ça va. Mais, dans des petites municipalités, localités qu'on représente, écoutez, il y a 25, 30 employés. Puis, vous savez, M. le maire puis MM. les échevins, ils ne sont pas là à temps plein, etc.. Puis il y a des difficultés. Qu'on confie les négociations à d'autres organisations, à des firmes spécialisées, puis ça apporte une série de problèmes. Dans le fond, moi, on se bat bien moins pour ne pas avoir... On ne dit pas que les SEM... Je pense que ça peut être une volonté politique, puis je pense que vous êtes élus démocratiquement. Puis, permettez-moi de passer l'anecdote, parce que, même dans les syndicats, il ne faut pas trop s'en faire, on est élus démocratiquement, mais par des instances assez bien stables...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Talbot (Paul): ...ce que vous n'avez pas dans le domaine... C'est pour ça, quand j'écoutais, des fois, mes prédécesseurs, là, je ne me suis jamais – excusez – beurré la face avec ça. Ce n'est jamais le suffrage universel, hein, parce que ça ferait peut-être longtemps qu'il y en a qui auraient pris le bord.

Une voix: Sûrement.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de Limoilou, une autre question. Mais, si vous permettez, M. le député de Limoilou a une autre question, peut-être que vous allez pouvoir compléter la réponse.

M. Rivard: C'est sur le même sujet, monsieur.

M. Verreault (Gaston): En complément à ma réponse à M. le député de Limoilou, c'est que nous...

La Présidente (Mme Bélanger): Là, si vous répondez trop longtemps...

M. Verreault (Gaston): Non, non.

La Présidente (Mme Bélanger): ...les parlementaires n'auront pas le temps de vous poser des questions.

M. Verreault (Gaston): Mais ça me semble être un problème technique, à l'usine de traitement des eaux de la Communauté urbaine, et ils ont été chercher l'expertise à l'externe, c'est-à-dire que c'est des firmes privées. Est-ce que... Ce n'est pas pour la gérer, c'est pour régler le problème. Ce n'est pas parce que les élus ont mal géré l'usine, s'il y a des problèmes. C'est un problème technique. Alors, que ce soient des ressources internes ou externes, c'est réellement technique. Je ne pense pas que ce soit la création de SEM qui viendrait améliorer ça. La Communauté urbaine peut aller chercher l'expertise, quand même, dans l'entreprise privée sans la faire gérer par l'entreprise privée.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Alors, moi, où je partage l'opinion de M. Verreault, c'est que, d'une façon générale, les ententes intermunicipales pour des services de loisirs, des services de travaux publics, je pense que c'est bienvenu et je ne pense pas que l'entreprise privée soit intéressée a créer une SEM pour ça. Je reviens à ce que je disais tantôt, il faut reconnaître que les SEM sont plus aptes à gérer le traitement des déchets et les stations d'épuration des eaux et des usines également pour fournir l'eau potable. Et, dans ce domaine-là, je ne crois pas que des ententes intermunicipales soient possibles. C'est soit le statu quo, opéré par des communautés urbaines ou des villes, ou une SEM avec des spécialistes qu'on connaît dans le monde et qui ont fait leurs preuves. C'est ce que je voulais dire comme complément de votre commentaire, M. Verreault.

M. Verreault (Gaston): C'est évident que le but recherché d'une SEM, l'entreprise privée, c'est la rentabilité. Et, la rentabilité, ils vont la trouver soit par une charge aux citoyens, que l'élu n'aura pas à taxer. Il ne s'agit que d'augmenter les taxes municipales et on va aller chercher des revenus par l'entremise d'un prix aux services. Qu'on pense à des compteurs d'eau, qu'on pense à l'enlèvement des ordures ménagères. Ça s'en vient très rapidement. Maintenant, les taxes municipales vont être chargées en fonction du poids ou du volume des vidanges recueillies. C'est évident que le citoyen va payer quelque part. Mais est-ce que les taxes vont diminuer en proportion ou si une dépense qui est évacuée du budget d'une municipalité, ça ne sera pas utilisé à d'autres fins, à d'autres escients et, évidemment, les économies vont se réaliser sur le dos des employés?

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Trudel: Oui, très bien. Écoutez, je crois lire dans les propos, sur tout ce qu'on entend, que, dans la mesure où nous serions capables de relever le défi de bien inscrire, dans un éventuel projet de loi, des dispositions transitoires, respectueuses de 45, vous, ce que vous dites, c'est: Nous, on est dans le contexte actuel de, comment c'est présenté, on a peur. Ça crée de l'insécurité. Mais, si vous nous amenez des éléments qui pourraient nous amener, donc, en termes de transition, à être capables de négocier, être capables de travailler ça, vous dites: On l'a déjà fait ailleurs, dans le cadre d'autres fusions, d'autres types d'intégration, on serait capables de travailler avec ça. Là, je ne veux pas vous étirer l'élastique long, long, long et vous faire dire ce que vous n'avez peut-être pas l'intention de dire, mais je vous fais l'interrogation quand même: Est-ce que c'est trop forçant?

M. Talbot (Paul): Oui, oui. Écoutez, moi, il n'y a pas de cachette. Je vous dirai que, si on peut prêcher la vertu, à un moment donné, il y a une pratique qui doit se faire...

M. Trudel: La foi et les oeuvres, comme dirait la Ligue du Sacré-Coeur.

M. Talbot (Paul): Bon. C'est évident qu'il y a tellement d'irritants qu'on pense... et où la loi est muette, que ça crée une panique. Tant que nos gens nous rencontrent et disent: Allez-vous y aller, devant la commission? Allez-vous faire ci? Allez-vous faire ça? Écoutez, on négocie actuellement. Il y a des maires qui disent à mes gens: On va attendre la négociation. Il s'en vient des SEM et il s'en vient des amendements à l'article 45. Et vous le savez. Moi, j'ai une série d'articles de journaux où même des gens du gouvernement ont dit que l'article 45, il va se diluer, et d'autres y ont fait allusion. Ça a foutu une panique. On ne peut pas vivre avec l'article 45. Le maire d'une ville importante m'a carrément dit: On ne peut pas vivre tel que c'est là, avec l'article 45, si on veut avoir des SEM, etc. Et c'est vrai. Bon. En partant de là, écoutez, il y a tellement de points d'interrogation et de dangers que nos gens voient, de guérillas judiciaires, de délais que...

La Présidente (Mme Bélanger): Me Grondin voulait ajouter...

(16 h 40)

M. Grondin (Henri): Je voulais seulement ajouter ceci, M. le ministre, c'est que je pense que la crainte de ces gens-là est fondée. Il n'y a rien dans le projet de loi. Vous nous dites: On va mettre quelque chose. Pour le moment, on ne le sait pas. Ce sur quoi je veux surtout attirer votre attention, c'est, simplement dire que l'article 45 va s'appliquer, ça ne règle pas nécessairement le problème. Parce que l'article 45, ça fait déjà non seulement l'objet de discussions pour savoir si on va le maintenir ou si on va l'amender, mais, en plus de ça, c'est que même dans l'état actuel où il est, chaque fois qu'on veut l'appliquer, c'est évidemment des contestations judiciaires. Très souvent des contestations judiciaires. Donc, si on veut éviter ça et sécuriser les gens, il faudrait mettre quelque chose comme le texte qu'il y avait dans la Loi sur la Communauté urbaine de Québec. Sauf que ce texte-là est beau, il est bon, il est extraordinaire, mais, une fois que vous l'aurez mis, je ne suis pas sûr que les SEM vont marcher, comme l'a dit M. Verreault. Il va être tellement clair et tellement bien que les gens n'auront plus peur, parmi les employés. Mais est-ce qu'il va y avoir encore des entreprises privées qui vont investir là-dedans quand elles ne contrôlent même pas leur investissement? Ça, c'est une autre question. Mais, si vous voulez sécuriser les employés, mettez un article de loi extrêmement clair.

Je vous réfère à cette loi-là puis je vous mets en garde contre celle de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, où on a inventé un autre système où les syndicats suivent non pas les emplois, mais la tête des individus. Ça crée encore un bordel terrible, puis on est encore pris dans des contestations. Comme le dit M. Talbot, ça nous fait vivre, les avocats, mais il reste quand même que je ne pense pas que ce soit le but recherché. Et on vous le dit ici, qu'il y aurait intérêt à mettre des choses extrêmement claires dans la loi.

Là, il y a une volonté politique: ou vous voulez conserver les acquis de ces gens-là, ce que mes clients souhaitent, ou vous voulez vous cacher en disant: Non, on ne mettra pas ça, on n'écrira rien puis, plus tard, on verra. Les conditions de travail vont être baissées, mais ce ne sera pas les municipalités qui vont être blâmées, ça va être les SEM. Je pense que, là, il faut une volonté politique de dire: On veut garder aux gens qui sont là les acquis et, à ce moment-là, il faut l'écrire très clairement dans la loi, pas juste mettre 45 ou présumer que 45 s'appliquera automatiquement. Je pense que c'est le point principal sur lequel M. Talbot insistait. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. Gendron, pour conclure.

M. Gendron (Jean-Louis): Je voudrais préciser à M. le ministre qu'à tous les jours j'ai à négocier avec des gens du milieu municipal, et ce n'est pas croyable, depuis des mois, combien ces gens-là sont inquiets et combien ça complique le problème de la négociation. Vous avez l'Union des municipalités qui demande d'amender le Code du travail relativement à l'article 45; vous avez le président qui dit: On devrait avoir le droit de décréter certaines conditions de travail dans le secteur municipal. Les gens se disent: On a eu la loi 102, on s'en va où? et ça complique. Il va y avoir des problèmes de relations de travail qu'on n'avait pas connus depuis des années qui vont alimenter les débats dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, si on ne trouve pas moyen d'atténuer ces inquiétudes-là de ces gens-là. Les gens nous disent aussi: Pourquoi le gouvernement n'oblige pas l'Union des municipalités et les municipalités, dire: Assoyez-vous avec vos employés. Innovez. Trouvez de nouvelles méthodes d'organisation du travail, comme la CSD vous l'a dit, comme on le fait aussi de plus en plus. C'est par là, c'est avec l'aide des employés dans leur milieu qu'on va trouver les solutions. Actuellement, il se vit des expériences – c'est malheureux, elles ne sont pas publicisées – mais, avant de passer aux SEM, je pense qu'on devrait pousser plus loin dans ces genres d'expérience là.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. J'ai le goût de vous passer d'abord une remarque en vous disant que c'est sûr que si on écoute et on entend bien ce que nous dit l'entreprise privée, qui se réjouit évidemment de la création possible des SEM, si on écoute et si on entend bien ce que nous disent, en général, les syndicats, c'est comme si le gouvernement cherchait à punir les employés du secteur public, plus précisément le secteur municipal. Pourtant, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne me ferai certainement pas la «défenseure», ou la défenderesse – je ne sais pas c'est quoi, le bon mot – d'un projet du gouvernement. Cependant, j'aimerais rappeler que c'est le Parti libéral du Québec qui, en 1994, a autorisé, par le biais de l'Assemblée nationale, les deux premiers projets-pilotes.

D'après moi, c'était évidemment vu dans la perspective où c'était un nouvel outil de développement pour les municipalités en ce qui regarde à la fois leur développement régional, mais aussi la prise en charge des responsabilités qu'elles ont à assumer pour et au nom de leurs contribuables, donc des citoyens. Moi, j'aimerais qu'on revienne sur cet aspect-là. Bien que reconnaissant toute l'insécurité que peut provoquer chez vos membres, qui sont des travailleurs, des travailleuses, des contribuables aussi, des pères de famille, des mères de famille, des gens qui vivent une insécurité vraiment qui n'est pas drôle aujourd'hui, qui est normale, quant à moi, mais j'aimerais vous entendre, si on ramène ça dans le contexte dans lequel on discute aujourd'hui avec les gens, avec les intervenants, est-ce qu'on pense que la création des SEM pourrait contribuer à améliorer les services? D'abord ça. Si la réponse, c'est oui, comment les syndicats peuvent-ils contribuer à améliorer les services? Je pense que ce n'est le voeu de personne, ici en tout cas, certainement pas nous, de faire en sorte de diluer, de faire sauter ou de ne pas reconnaître tous les acquis... Il faut l'admettre, il y a quand même eu de bons acquis, en termes de syndicalisme. Mais, comme contribuables, vous autres, est-ce que vous n'avez pas aussi une certaine responsabilité de chercher, avec les autorités municipales, à trouver des moyens pour dispenser les meilleurs services au meilleur coût?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Verreault.

M. Verreault (Gaston): J'aurais le goût de vous répondre, Mme la députée de Jean-Talon, comme la réponse qu'on a donnée à la question de M. le ministre, on n'est pas fermé totalement à la création de SEM. Ce qu'on dit, et peut-être qu'on rejoint votre parti – parce que vous avez fait votre préambule au début de la commission – c'est: Prudence, prudence! Ça se vit. Ça s'est vécu en Europe, avec tous les problèmes qu'on connaît, les poursuites qui existent, sauf qu'on trouve qu'il y a peut-être trop d'emphase, c'est peut-être trop rapide, au moment où on se parle. Il y a d'autres outils dans les municipalités. Qu'on pense aux ententes de services. Tantôt, la CSN parlait de fusion. Nous aussi, on verrait bien la fusion de certaines municipalités, mais il y a un blocage quelque part.

Le prédécesseur de M. le ministre, qui est ici aujourd'hui, avait l'air d'avoir poussé pour qu'il y ait des fusions, des ententes, et, à un moment donné, je ne sais pas... Il y a un manque de volonté politique, dans les municipalités, de créer des fusions, des ententes de services. Chacun veut garder ses prérogatives. Chacun veut garder ses pouvoirs. On n'est pas totalement fermé à la création de SEM, mais on dit: Prudence, prudence, prudence! Les trois «p». Et il y en a, comme vous dites, qui ont été créées, qui sont à l'essai. Il serait peut-être pensable d'attendre encore quelques années, de vivre l'expérience, de voir les problèmes, les conséquences, les avantages – il n'y a pas juste des inconvénients. On n'est pas totalement fermé, mais, si ça se faisait, il faut être prudent. Il faut essayer de prévoir, dans le projet de loi ou dans la loi qui sera adoptée éventuellement, toutes les difficultés qu'on y voit. Mais cette question de voir arriver cet outil qui semble être la panacée à tous les problèmes des municipalités, alors qu'il y a d'autres outils... Et la Communauté urbaine de Montréal l'a mentionné au début de la semaine, ils en ont sept, huit outils, mais ils ne sont pas utilisés par les municipalités. Pour quelle raison celle-là, parce que c'est l'entreprise privée, parce qu'il y a des profits à faire, ça fonctionnerait dans les villes? Que les maires et les mairesses commencent par utiliser les outils qu'ils ont dans leur ville.

Mme Delisle: Mme la Présidente, pour poursuivre dans cette veine-là, si vous ne trouvez pas que les SEM, c'est une si mauvaise invention que ça, mais qu'on doit y aller, peut-être, de façon très prudente et peut-être cas par cas, est-ce qu'on ne devrait pas, justement, rester dans le cas par cas? Il y en a au moins quatre qui ont été créées, une seule qui est opérationnelle. On l'a assez dit ici depuis deux jours et demi. Est-ce que vous êtes totalement contre la création des SEM ou bien vous aimeriez mieux y aller à petits pas, donc les cas par cas?

M. Talbot (Paul): Madame, je vous dirai, comme président de la Fédération, que, avec tous les arguments que j'ai pu entendre, on pourrait dire qu'on est contre. Mais, moi, je n'ai jamais pris fermement position sans entendre, un peu comme vous autres, les mémoires et tout ce qui peut se donner comme explications. Si vous réussissez à simplifier les difficultés qu'on va avoir, je pense que de nouveau on va examiner le projet, et on n'en fera pas des luttes à mort contre les SEM. À cette heure, vous m'avez dit: On en a une qui marche, qui fonctionne. La loi a été passée en 1989?

Mme Delisle: 1994.

M. Talbot (Paul): En 1994. Bon. Effectivement, vous n'avez pas eu de commission parlementaire et d'impact. C'était un cas particulier ou deux. Bon. Mais, quand vous arrivez... C'est l'autorisation totale dans un climat où les conventions sont excessivement difficiles. Parce que c'est la fin, dans presque tous les cas, de la loi 102. Vous vous rappelez le gel dans les municipalités et les villes, etc. Et là, c'est un «free-for-all» qui va...

(16 h 50)

Mme Delisle: Je m'excuse de vous ramener là-dessus. Ce qu'on comprend, nous, ici, de la création des sociétés d'économie mixte, c'est évidemment le mariage entre la municipalité et l'expertise et l'aspect, évidemment, qui n'est pas à négliger, pécuniaire de l'entreprise privée.

Bien qu'il n'y ait aucune, actuellement, des SEM qui ont été créées qui puisse venir nous dire carrément: Voici notre expérience, il y a eu effectivement réduction des coûts, tout s'est bien passé, on n'en a pas qui peut nous dire ça, parce que, finalement, ça fait à peine six mois qu'il y en a une seule qui est opérationnelle.

Je voudrais vous entendre parler... peut-être un complément de réponse à ce que mon collègue de Limoilou vous a demandé, parce que, des ententes intermunicipales ou des régies... Il y en a effectivement, d'autres moyens, mais ce n'est pas les mêmes moyens que ceux-là. Et, si on essaie d'innover... Nous, on essaie de se faire une tête, ici, de ce côté-ci de la table de la commission, puis essayer, quand le temps sera venu, de prendre la meilleure décision possible en fonction, toujours, des contribuables dont vous êtes. Vous n'en êtes pas exclus, de cette catégorie de gens, là.

Alors, est-ce que vous vivriez bien avec, comme je dis, le cas-par-cas, dont vous ne seriez pas contre, mais...

M. Talbot (Paul): On vivrait mieux s'ils n'étaient pas là, mais on va vivre très bien s'ils sont là.

Mme Delisle: O.K. Les voyez-vous dans tous les champs d'activité ou dans des champs restreints?

M. Talbot (Paul): Non, non. Pas du tout. Pas du tout, madame. Je ne veux pas passer à l'extrême.

Mme Delisle: Non, non, mais...

M. Talbot (Paul): Il y a des champs d'application où ça peut s'appliquer puis il y a des choses où, effectivement, les villes n'ont peut-être pas l'expertise. Puis je me souviens, à la Communauté urbaine, les plaques matrices, là, le fonctionnaire... ça, madame...

Mme Delisle: Ah! Ne me rappelez pas des mauvais souvenirs, s'il vous plaît. Ha, ha, ha!

M. Talbot (Paul): Puis c'est les fonctionnaires qui avaient le contrat. Puis, ça aurait pris assez de temps, compte tenu de l'expertise que ça prenait, qu'on a consenti, avec la Communauté urbaine, à ce qu'ils puissent aller dans ces domaines-là, effectivement. Des ententes...

Mme Delisle: Il faudrait que vous nous parliez de ce qui a bien été, à la Communauté urbaine, messieurs, parce qu'il y a bien des choses qui ont bien fonctionné.

M. Verreault (Gaston): Mais, Mme la députée, ce qu'on dit... puis je pense que c'est la prudence, la prudence et la prudence. Il y en a, des cas. Qu'il y en ait encore quelques dizaines dans la province, dans des domaines comme M. le député de Limoilou disait, par exemple, dans l'épuration des eaux... Ce qu'on dit, c'est que le gouvernement pourrait faire des expériences dans des endroits donnés, quand il y a une volonté politique des autorités locales de l'essayer, mais pas de là à l'étendre immédiatement, compte tenu qu'il y a beaucoup d'impacts.

Et on se pose la question: Pourquoi il faudrait absolument que l'entreprise privée soit partie prenante et partie décisive pour l'expertise, alors que les municipalités peuvent aller la chercher sans que ce soient des SEM? Et je me rappelle, au début de la semaine, quand le maire du Haut-Richelieu a bien dit qu'il avait de la difficulté avec la personne qui représente la compagnie privée pour l'enlèvement des ordures ménagères. Lui, c'est les profits; le maire, lui, c'est le meilleur service au meilleur coût possible aux citoyens et que les déchets se ramassent à telle heure, puis que le sac de vidanges ne traîne pas sur le bord de la rue, puis que la poubelle ne roule pas dans le milieu de la rue.

Donc, c'est deux philosophies, deux objectifs différents. Je ne pense pas que ça va toujours bien fonctionner. Ça va dépendre des deux mentalités des deux parties. Si le maire du Haut-Richelieu réussit à convaincre son associé, entre guillemets, que ça doit bien fonctionner, mais ce n'est pas vrai partout. Ce n'est pas tout le monde qui va avoir le même climat de confiance et la même mentalité. Il y a un danger très grand, et, nous, on dit: Prudence, prudence.

Qu'il y ait quelques cas, que le gouvernement décide de l'essayer dans des domaines particuliers, pointus, on n'est pas fermé à ça. Ce serait plus prudent, je pense, que de l'étendre, comme M. le président Talbot le disait, de l'étendre de façon générale à la grandeur de la province, pour l'instant.

Mme Delisle: J'aimerais vous amener sur un autre élément. Vous nous aviez envoyé un premier document et puis vous nous en avez passé un deuxième hier. Il y a des éléments qu'on ne retrouve pas dans le document d'aujourd'hui. Avec votre permission, j'aimerais vous questionner sur un point où vous dites que «la constitution et les fondements mêmes de cette société mixte, qui correspondent à une compagnie privée, mais soi-disant d'intérêt public, vont à l'encontre de l'encadrement démocratique qui doit prévaloir dans l'organisation et la fourniture des services municipaux.»

J'avoue que j'ai un peu de misère à comprendre ce que vous voulez dire. Remarquez que ce n'est pas un mauvais tour que je vous joue, là.

M. Talbot (Paul): Mais pas du tout, madame. Je vais vous répondre franchement. Puis, M. le ministre a dit ça. C'est: Enlevez cette partie-là, et j'aime mieux mon deuxième rapport que le premier.

Mme Delisle: Ah bon!

M. Talbot (Paul): Il faut être franc. Parce que, moi, excusez, comme tout le monde, des conseillers techniques, puis quand il m'a dit ça, je l'ai fait venir puis j'ai dit: C'est quoi, l'encadrement? Mais, comme souvent bien des documents, vous remarquerez qu'il n'a pas été signé, celui-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Excusez-moi. Bon bien, parfait. Bon, alors... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Ce n'était pas une question piège, je m'en excuse.

M. Talbot (Paul): Pas du tout. Je ne le prends pas... C'est avec humour, madame.

Mme Delisle: C'est parce que j'essayais de comprendre.

Alors, moi, ça va aller, Mme la Présidente. Je ne sais pas s'il y a des collègues... Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui. Juste rapidement. Parce que je veux réitérer le point que ma collègue a soulevé. Ce n'est pas uniquement vos membres qui ont des inquiétudes, au Québec, en ce moment. Je pense que tout le monde qui a une hypothèque à payer, toutes les familles québécoises, il y a une inquiétude à travers le Québec. L'économie ne va pas bien pour beaucoup de Québécois, et pas uniquement pour vos membres. Alors, on a des choses à faire, et c'est... En écoutant la CSN avant vous, et vous autres, c'est: Oui, améliorez. Tout le monde est pour améliorer, mais sans rien toucher. Alors, on ne peut pas toucher l'article 45, on ne peut pas toucher ça, on ne peut pas ça, mais on est pour les changements. Mais je commence...

Jusqu'à un certain point, comment est-ce qu'on va améliorer des choses? Comment est-ce qu'on va rendre des services à la population à moindre coût si on ne peut rien faire et si on ne peut rien changer? Alors, c'est juste une observation ou quelque chose comme ça, mais, dans la dernière présentation et dans votre présentation, tout le monde, c'est «motherhood», tout le monde est pour que les choses fonctionnent d'une façon plus efficace, mais on n'a pas le droit de rien changer. Alors, ça, c'est juste une question, un commentaire, mais pour une chose...

Comment est-ce que vous pouvez expliquer que, quand les municipalités ont le choix d'aller dans la sous-traitance au lieu de composer avec les cols bleus – Laidlaw a réussi à aller chercher beaucoup de contrats – même avec l'article 45 et tout ça, ils sont capables de composer à l'intérieur de ce cadre et c'est la préférence des municipalités? Les municipalités... Il y en a une surtout, dans mon comté, qui a un plancher de nombre d'emplois qu'il faut préserver. À la municipalité, c'est embêtant pour eux autres, ils aimeraient éliminer le plancher parce qu'ils veulent, pour le déneigement, pour les déchets, ils veulent aller dans le secteur privé, dans la sous-traitance aussi, tout en respectant l'article 45. Pourquoi est-ce que vos membres, ou les choses comme ça, ne sont pas concurrentiels?

M. Talbot (Paul): Bien, ils ne sont pas concurrentiels... Évidemment, je suis convaincu... Laidlaw, lorsqu'il dit bien que, négocier des ententes... En négociant des ententes, il faudrait que j'aie ces ententes-là. Je suis convaincu que c'est du côté salarial, les avantages sociaux. On est conscient de ça, là. Puis ça, que ce soit à tous les niveaux de syndicat, à tous les gouvernements, c'est évident que les conditions de travail font que, veux veux pas, quand Laidlaw négocie, ils ne donnent pas les mêmes garanties puis ils ne donnent pas les mêmes salaires. Je le vis, là, je suis dans l'entreprise privée dans cinq endroits, là. Puis ce n'est pas du tout la même façon de fonctionner, c'est vrai. Je ne peux pas vous dire le contraire, c'est vrai. Mais, même salaire avec les mêmes avantages, je ne vois aucun bénéfice. Je n'en vois pas. Moi, c'est ma perception. Puis je vous dirai que c'est vrai que, tout le monde, on est prêt à faire de quoi, mais en autant que ce soit le voisin qui le fasse. Tu fais le ménage, mais... Ça, c'est vrai et c'est pour ça que, des fois, il y a des mesures qui se prennent, là, puis les gens, on va dire: On n'aime pas ça. Mais, après ça, seul à seul, hein, je ne suis pas enregistré, on va dire: Bien, coudon, il fallait s'attendre à ça. Par contre, il ne faut pas, aussi, que les droits fondamentaux... Un instant. Et c'est ça que ça touche. Qu'il y ait une négociation.

M. Verreault (Gaston): Mais j'aimerais ajouter aussi que, dans les 100 accréditations qu'on représente – et j'inclus Sillery, j'inclus la Communauté urbaine de Québec, j'inclus la ville de Québec – on n'a aucun plancher d'emplois. C'est une approche syndicale différente des autres. Ce qu'on a négocié dans nos conventions collectives, dans les municipalités, c'est la sécurité d'emploi. C'est différent pour nous. Alors, il y a des centrales ou il y a des organisations syndicales, dans les années, qui ont négocié des planchers d'emplois. Chez nous, on n'en a pas, dans aucun endroit, de plancher d'emplois. Donc, on a une approche beaucoup plus flexible, et c'est ce que M. Gendron disait, où il est beaucoup plus facile de trouver des ententes ou des solutions avec l'employeur quand la partie patronale veut bien s'asseoir. Si on prend la Communauté urbaine, qui a été créée au début des années soixante-dix, il y a eu des renouvellements de conventions collectives sans aucun conflit de travail, aucune grève, aucun moyen de pression; la même chose à la ville de Québec, 60 ans d'existence, le syndicat, aucun moyen de pression. Et on n'a pas honte de nos conditions de travail. Regardez nos conventions collectives, comparez-les avec d'autres. C'est une approche syndicale qui est différente et c'est pour ça que, nous, on dit: Dans notre milieu, on est capable de trouver des solutions avec les municipalités pour diminuer les coûts. C'est évident qu'on est des payeurs de taxes. Je suis un payeur de taxes de la ville de Québec. Je suis président du Syndicat des fonctionnaires de la ville de Québec. Quand je négocie des augmentations, je n'oublie jamais que ça va se répercuter sur mon compte de taxes. Sauf que je dois représenter des membres, aussi, qui ont le droit de gagner leur vie, puis ils ont le droit d'avoir des conditions de travail intéressantes.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmagny-L'Islet.

(17 heures)

M. Gauvin: Merci, Mme la Présidente. On retrouve, à la page 3... Votre présentation est à l'effet que vous avez certaines réserves envers la fondation des SEM, et vous dites: «Il nous apparaît plus urgent d'améliorer la gestion des affaires municipales par un allégement important des contraintes administratives.» Avez-vous des exemples à nous donner où le ministère, où le gouvernement pourrait permettre aux municipalités d'avoir plus de souplesse dans l'administration et la gestion de ces services et des ressources humaines?

M. Verreault (Gaston): Mme la Présidente, je pourrais vous donner un exemple que tout le monde connaît. Si je prends la Commission de l'Exposition provinciale, si je veux louer le Colisée et que je veux négocier avec le directeur de la Commission de l'Exposition provinciale et que la politique de location de la municipalité ou de la Commission de l'Exposition provinciale, c'est 3 000 $ pour un samedi, le directeur de la Commission n'a pas le pouvoir de me le louer à 2 200 $ si je suis prêt à le louer à la minute près ou à l'heure près.

Si vous prenez le Palais Montcalm, c'est la même chose. Vous avez en face le Capitole, où c'est l'entreprise privée. Quand les promoteurs vont dans l'entreprise privée, ils peuvent régler un contrat dans l'espace d'une heure. Quand vous allez dans une municipalité, ça prend des résolutions du comité exécutif, ça prend des résolutions du conseil, ça prend des mémoires, ça prend des «remoires» puis des rapports, puis faire la preuve de ci, puis, le promoteur, ça fait longtemps qu'il est parti, ça fait longtemps qu'il s'est trouvé une autre place. Ça en est des exemples où, je ne sais pas, c'est super et super et super contrôlé dans la municipalité. Il y a des gens ici qui ont déjà été à la Communauté urbaine, dans des municipalités, vous savez que c'est complexe dans les villes, ça n'aboutit que par des mémoires et des mémoires et des mémoires.

Et c'est la même chose en communauté urbaine. Si vous voulez, je ne sais pas, donner un contrat pour de la publicité pour le tourisme, là aussi, c'est mémoire par-dessus mémoire, soumission par-dessus soumission, puis il me semble qu'il doit y avoir moyen d'alléger ça puis de rendre les élus imputables et les fonctionnaires imputables et responsables, puis ça faciliterait. Je gérerais un peu comme l'entreprise privée, évidemment avec un contrôle. Compte tenu que c'est des élus et que c'est l'argent des citoyens, ça prend un minimum de contrôle, mais il faudrait les modifier. Si on regarde la loi des municipalités et la charte des villes, il y a un moyen paquet de contrôles là, et les élus ne peuvent pas bouger beaucoup. Ils sont tellement encadrés.

M. Talbot (Paul): M. le député, je pourrais peut-être rajouter à ça que...

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. Talbot.

M. Talbot (Paul): Oui. Je pourrais rajouter qu'on a déjà... Et c'est rare qu'un syndicat a déjà dit à une ville: Écoutez, là, l'imputabilité, on est prêt à l'accepter, que les gens répondent de leurs actions devant un comité formé d'autant de gestionnaires que d'échevins ou du maire et d'un représentant syndical pour questionner les faits et gestes – pas des enquêtes – à savoir pourquoi tel geste, pourquoi ça prend tant de temps. Améliorer les méthodes, on est prêt à aller jusque-là, et, d'ailleurs, ça se fait. Notamment à la ville de Québec, ça s'est fait dans des services, et j'ai travaillé sur le Code de procédure pénale, ou ce que vous avez actuellement, et le nouveau Code de la sécurité routière, où il y avait des erreurs, et, quand j'ai téléphoné à un fonctionnaire de la province, il m'a dit: Écoutez, je ne peux pas revenir avec ça avant un an parce que ça serait mal perçu. Oui, mais j'ai dit: On va vivre avec des erreurs, ça n'a pas de bon sens.

Bon. Je pense que c'est une philosophie qu'il faut réinstaller. Je pense que vous avez commencé puis je pense que vous avez vécu ce que je viens de vous dire là. Vous le vivez, là. Puis l'erreur... puis le fonctionnaire qui a fait ça, bien, il l'a fait. Moi, j'aime mieux vivre comme il faut et admettre les erreurs – et j'en ai commis certainementen au-delà de 35 ans de service à la ville, mais, quand on me disait: Il y a eu une erreur; telle chose, c'est vrai, puis on va la corriger – que de dire: Ce n'est pas moi, puis c'est le patron, puis...

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Talbot.

M. Talbot (Paul): Parfait, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Talbot, M. Grondin, M. Gendron et M. Verreault, merci de votre présence. Ça a été très intéressant, et on vous souhaite un bon retour.

M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. Si c'est la première fois que vous venez, vous allez venir pas mal bon, vous, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Talbot (Paul): C'est la première fois.

M. Trudel: Merci.

Mme Delisle: Il faut vous rappeler, M. Talbot, que vous étiez enregistré.

M. Talbot (Paul): Oui, oui. Oui, oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Talbot (Paul): Je n'en doute pas.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 9)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours de procéder à la consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Nous avons comme invité le Groupe Dessau, qui est représenté par M. Jean-Pierre Sauriol et M. Bernard Guillemette, directeur du département municipal en environnement. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous vous répétons la méthode de fonctionnement, qui est de 20 minutes pour votre présentation et qui sera suivie d'un 20 minutes pour le côté ministériel et de 20 minutes pour le côté de l'opposition. Alors, M. Sauriol, je suppose?


Groupe Dessau

M. Sauriol (Jean-Pierre): C'est bien ça. Alors, je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente, de l'introduction et, aussi, je voudrais remercier les membres de la commission d'avoir bien voulu accepter d'entendre le Groupe Dessau. Je pense que, pour nous, c'est un élément important. Je pense qu'on est des joueurs au Québec, on s'intéresse à ce qui se passe au Québec, et c'est dans cet esprit-là qu'on est venu présenter un mémoire à la commission parlementaire.

(17 h 10)

Brièvement, pour vous décrire qui est Dessau, pour ceux qui ne la connaissent pas, c'est une entreprise d'ingénierie 100 % québécoise qui a plus de 600 employés, qui est établie un peu partout au Québec, qui a 40 ans d'histoire et qui travaille avec le monde municipal depuis ses débuts. À peu près 80 % de son volume d'affaires est toujours avec des corps publics, parapublics, gouvernementaux, tant ici, au Québec, au Canada, qu'à l'étranger.

Nous sommes actifs dans les secteurs tant de l'environnement que du transport et de l'énergie. Notre présence à l'étranger a débuté dans les années soixante-dix, et nous sommes présents dans des pays comme l'Afrique, l'Amérique latine, la Chine, l'Asie et les Caraïbes. Nous offrons des services à partir de la planification des projets, la gestion, la réalisation et, récemment, l'entretien et l'opération.

Pourquoi on a décidé de présenter un mémoire ici? C'est un peu parce que, comme je le disais tantôt, ça fait plus de 40 ans qu'on est partenaire du monde municipal, qu'on travaille dans plus d'une centaine de municipalités. Donc, tout au long de cette période, on a tenté de trouver des solutions aux problèmes qu'avaient les municipalités dans la réalisation de leurs projets. Nous avons donc adapté nos services et notre façon de travailler à aider les municipalités à résoudre leurs problèmes.

Donc, l'objectif de réduction des coûts qui est poursuivi, dans le fond, par tout ce débat sur le partenariat public et privé, nous y souscrivons entièrement puisque, dans la réalisation des projets qu'on a réalisés avec les municipalités, c'était toujours cet élément-là qui était à notre esprit. Donc, comme je le disais, le partenariat public-privé, nous sommes pour, bien entendu. Je pense que les entreprises privées ont développé des façons de faire qui sont très efficaces, je dirais, principalement à cause des outils de gestion que nous possédons, qui sont très différents de ceux des gens qui vivent dans le monde municipal. Bien entendu, marier deux philosophies – public, privé – ce n'est pas facile. Je pense que chacun vit un peu avec ses contraintes, et c'est peut-être là tout le défi qui doit être relevé au travers de ces partenariats public et privé.

Ce qui est soumis, l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte, est pour nous un élément, est un exemple de partenariat public-privé, et, dans le mémoire, en annexe, on vous fait une présentation d'une foule d'autres types de partenariats qui peuvent être poursuivis pour s'associer avec les partenaires gouvernementaux. Donc, le choix du type de partenariat dépend des objectifs poursuivis et, bien entendu, des contraintes que l'on s'impose. Il y en a eu quelques-uns, d'ailleurs, au Canada. On a juste à penser au pont de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick, qui est une forme de partenariat, l'autoroute 407, aussi, en Ontario, qui a été faite aussi avec une forme de partenariat. Donc, il y en a divers types qui sont en expérience actuellement ailleurs au Canada, et je pense que c'est de bonne guerre, parce que, dans le monde entier où on travaille, on trouve aussi ces mêmes préoccupations là et, de plus en plus, les financiers demandent à tous les types de gouvernement, à tous les paliers de gouvernement de s'associer au secteur privé pour accroître leur efficacité.

Maintenant, plus spécifiquement sur l'avant-projet de loi qui est proposé, nous sommes d'accord en principe avec la proposition de sociétés d'économie mixte, qui propose, dans le fond, une façon de fonctionner entre les secteurs public et privé. Bien entendu, comme plusieurs l'ont souligné à date, il y a peu d'expériences de vécues. Il y en a une qui fonctionne, mais peu de vécues à date. Il y a certaines sociétés qui existent ailleurs dans le monde, on le sait, principalement en France, où elles ont, par contre, leur propre bagage d'expérience, où le cadre législatif est un peu différent de ce qu'on vit ici, au Québec. Donc, les sociétés d'économie mixte devront faire face à la réalité qui est québécoise. Je pense que l'intérêt de la société d'économie mixte, et c'est un peu ce qu'on veut souligner ici, c'est qu'il faut tous converger vers le même point, c'est-à-dire fournir des services de plus en plus efficaces. «Efficacité» veut dire à moindre coût, aussi, pour nos citoyens, et c'est dans cet esprit-là, je pense, que le partenariat doit d'abord débuter.

Si on va plus spécifiquement dans certains éléments de l'avant-projet de loi, on soulève d'abord l'instabilité du partenaire municipal, c'est-à-dire que, quand je parle d'instabilité du partenaire municipal, ce qu'on veut souligner par là, c'est le fait qu'il va changer à tous les quatre ans. Donc, normalement, quand on fait une coentreprise – pour prendre le langage du milieu – chez nous, on s'associe avec une entreprise, et, d'abord, ça commence avec des contacts entre individus. On partage la même vision, la même philosophie et, même, normalement, on pourrait dire à l'ultime que, si l'individu quitte, on pourrait même cesser la coentreprise. Dans le cas de partenariats avec le secteur public, c'est un peu différent. Donc, la notion de continuité, je pense, pourra créer un certain problème, et on amène peut-être un élément de solution, c'est-à-dire de faire participer les fonctionnaires, qui, eux, sont, dans le fond, la continuité du partenaire municipal au sein de la société d'économie mixte, ce qui va faire une certaine continuité, et, lorsque les nouveaux élus arriveront en poste, bon, on pourra, à ce moment-là, leur donner l'historique et la façon dont on fonctionne.

Il y a aussi toute la notion des coûts de la main-d'oeuvre, bien entendu. C'était mon élément, aussi, discuté au travers de l'article 45, aussi au niveau des conventions collectives. C'est une préoccupation majeure. Je pense qu'il faudrait trouver une façon de faire qui est à rediscuter, ou certains points des conventions collectives, mais il faut définitivement axer le travail des employés de la ville vers l'efficacité. Nous, des entreprises privées, si l'entreprise réussit bien et est efficace, tout le monde en bénéficie. Par contre, si on n'est pas efficace, je veux dire, on y perd tous. Il faudrait changer un peu la philosophie qui anime actuellement nos corps publics et parapublics, c'est-à-dire que le syndicat est d'un côté, la partie patronale de l'autre, et c'est beaucoup plus de l'affrontement que, finalement, travailler dans l'intérêt spécifique du citoyen. Donc, on pourrait peut-être penser à un nouveau pacte entre les travailleurs des municipalités et les sociétés d'économie mixte.

Participation à l'entreprise publique. Dans le document qui est proposé, on mentionne qu'il pourrait y avoir des sociétés d'économie mixte entre partenaires publics. Nous, on n'y voit pas vraiment l'intérêt, parce que, dans le fond, l'objectif est d'associer un partenaire privé à un partenaire public, et ça pourrait aussi créer certains problèmes. Par exemple, si une entreprise comme la nôtre s'associait avec Hydro-Québec et voulait créer une société d'économie mixte avec la ville de Montréal, l'avant-projet de loi ne prévoit rien dans ce sens-là, de quelle façon ça devrait fonctionner. Et, aussi, comme je le disais tantôt, ça pose l'interrogation: Est-ce qu'on doit faire deux entreprises publiques en société d'économie mixte? Peut-être qu'on pourrait l'accorder dans le cas où il n'y aurait strictement aucune entreprise privée qui pourrait répondre au besoin.

Aussi, la notion des règles fiscales. On le sait, les municipalités ne paient pas d'impôt. Les nouvelles sociétés d'économie mixte, elles, paieraient de l'impôt. Quel serait l'effet ou l'intérêt que ça créerait sur les municipalités? Parce que, dorénavant, les profits, entre guillemets, qui pourraient être tirés des sociétés d'économie mixte seraient imposés. Donc, ça pourrait peut-être abaisser l'intérêt des municipalités à aller dans ce sens-là.

Le choix du partenaire privé est aussi, selon nous, très important. Bien entendu, le choix doit se faire dans les plus grandes règles de transparence et, aussi, on doit se trouver des formules et des paramètres qui vont faire en sorte qu'on choisira un partenaire crédible. Un partenaire crédible, en ce sens qu'il a un vécu, qu'il a une histoire, qu'il a une expertise, qu'il est financièrement solide, et éviter de se faire vendre par des Jos Bleau, entre guillemets, toutes sortes de mécanismes ou de façons de réaliser les choses qui n'ont pas de vécu.

Autre élément qu'on souligne, le coût du financement, c'est un élément qu'on voit très peu. Comme vous le savez tous, les municipalités ont des coûts de financement qui sont très avantageux compte tenu du fait que les garanties qu'elles offrent aux prêteurs sont énormes. Vous savez, quelqu'un qui ne paie pas ses taxes, une municipalité peut saisir sa maison et la mettre en revente. Ce n'est pas le cas d'Hydro-Québec, par exemple. Donc, une entreprise privée, pour compétitionner le financement qu'obtiennent les municipalités, directement, sans garantie municipale, pourrait créer un problème, et il ne faut jamais oublier que l'objectif, dans le fond, c'est d'offrir à meilleur coût le service au citoyen.

Participation étrangère. On sait tous qu'il y a plusieurs entreprises étrangères qui sont présentes ici, au Québec, pour attaquer le marché de la privatisation. Je pense, par contre, qu'il faudrait se bâtir un know-how qui est québécois. On a notre propre culture ici, au Québec. On pourrait sûrement bénéficier de l'expertise de grandes entreprises étrangères, mais il faudrait peut-être trouver une façon de limiter leur participation. Il faut faire en sorte de bâtir des entreprises ici, au Québec, qui pourront par la suite exporter cette façon-là de faire les choses. Nous, à l'étranger, quand on va sur des projets, on fait souvent face à ces entreprises-là, les mêmes entreprises qui sont ici, au Québec, mais on n'a pas de vécu, on n'a rien à offrir. Pour nous, donc, c'est une perte de marché, donc c'est des emplois possibles, je veux dire, qu'on ne peut pas aller chercher, compte tenu que, comme je le disais, la préoccupation d'autres corps publics à l'étranger est la même qu'ici. Ensuite de ça, ces entreprises étrangères là, souvent, ont des technologies, c'est-à-dire que ce sont des multinationales et elles ont déjà de l'équipement à elles. Il faudrait aussi ne pas limiter l'apport de nouvelles technologies dans ces partenariats-là.

Rendement sur l'équité. Compte tenu du fait, aussi, que le partenaire municipal, comme on le sait, c'est lui qui va contrôler la tarification, il ne faudrait pas, par ce mécanisme-là, désintéresser l'investisseur privé, qui, lui, dans le fond, ce qu'il veut, c'est un rendement sur son équité qu'il va investir. Il y aurait peut-être moyen de le conventionner, dans le fond, ce rendement sur équité là pour faire en sorte que l'investisseur privé ne soit pas lésé lorsqu'on discutera de tarification.

Finalement, le dernier point qu'on soulève, c'est toute la notion de vente de biens meubles ou immeubles, c'est-à-dire si la municipalité vend des biens meubles ou immeubles à la société d'économie mixte, que fera-t-elle, comment disposera-t-elle des revenus qu'elle aura retirés de ça? Est-ce que ça devrait être encadré pour faire en sorte que ça bénéficie directement, soit au secteur auquel on s'attaque? Mais ce serait surtout pour éviter de prendre cet argent-là, par exemple, et l'investir dans d'autres formes de services ou pour payer la facture d'épicerie.

Donc, c'est les principaux points qu'on voulait soulever dans l'avant-projet de loi. En conclusion, ce qu'on peut dire, c'est que nous sommes, comme je le disais tantôt, en accord avec le principe de création de sociétés d'économie mixte. Pour nous autres, c'est une forme de partenariat. La recherche d'efficacité, définitivement, se trouve à travers le partenaire privé et le partenaire public, et je pense que le gouvernement doit continuer d'aller dans le même sens. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

(17 h 20)

La Présidente ( Mme Bélanger): Merci, M. Sauriol. M. le ministre.

M. Trudel: M. Sauriol, collègues, M. Guillemette, alors bienvenue, merci de votre présentation. Évidemment, oui, on est au coeur de la participation éventuelle dans ce champ d'activité du privé quant à la production et à la distribution de services au niveau municipal, et vous avez donc, chez vous, développé une expérience, une expertise de ce secteur d'activité, le secteur municipal, et il faut que ça serve à nous éclairer, cette expérience-là, puisqu'on est en matière de droit nouveau. On l'a dit plusieurs fois ici, mais il faut le répéter. Alors, il faut aussi prendre toutes les dispositions nécessaires pour s'assurer que les ingrédients dans la recette, ça nous permette de réussir, et c'est important de faire appel à votre expérience, parce que, par exemple, on peut être pour la formule et vouloir aller de l'avant, l'UMRCQ nous le dit souvent: Écoutez, nous, on est d'accord avec cette formule-là, on est tellement d'accord qu'une des nôtres, la MRC du Haut-Richelieu, a mis sur pied une première SEM au Québec, et on lui a donné un prix d'entreprenariat. Alors, il faut qu'on fonce, mais il faut foncer avec des balises qui soient des points de repère essentiels.

Quant à la participation éventuelle de sociétés, de capitaux ou d'expertises étrangers, là, évidemment, il y a toute la question de comment réconcilier ça avec la libéralisation des échanges et la notion de libre circulation des capitaux et de l'expertise entre les signataires de l'entente de libre-échange et la limitation de l'intervention. Et vous allez me dire comment on pourrait intervenir un peu là-dedans de façon sage, éclairée, intelligente et, disons, fine, parce que les principes auxquels nous avons adhéré au niveau de l'Accord de libre-échange ne nous permettraient pas, à mon avis, d'avoir une intervention aussi massive et aussi claire que vous le suggérez.

Par ailleurs, vous allez m'expliquer aussi – ce n'est pas un piège, là – l'apparente contradiction. Vous êtes vous-mêmes une société qui fait affaire beaucoup à l'étranger, à l'extérieur. Comment on réconcilie tout ça?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Bien entendu, on vit dans un monde global, mais ça fait longtemps qu'on fait de l'exportation, puis...

M. Trudel: Oui.

M. Sauriol (Jean-Pierre): ...comme je vous dis, une grosse partie des services qu'on offre aujourd'hui, si on ne faisait pas l'exportation, les emplois, ils n'existeraient plus. Je pense principalement au secteur hydroélectrique. On sait tous que le secteur hydroélectrique est relativement tranquille. Donc, c'est une bataille qui est un peu planétaire pour nous autres. Les mêmes personnages qu'on trouve ici, que ce soit la Générale des Eaux ou la Lyonnaise des Eaux, on les trouve aussi à l'étranger lorsqu'on va compétitionner. Ils sont là aussi pour l'offrir. Ce qu'on ne veut pas, c'est arriver avec ces entreprises-là qui, de fait, ont une longue expérience, qui ont du vécu, puis, elles, elles l'ont, le «package» global, dans le fond, c'est-à-dire qu'elles ont une entreprise qui regroupe tant l'expertise d'ingénierie, l'expertise de réalisation, l'opération. Donc, elles l'ont toutes globalement.

Donc, elles peuvent l'offrir directement aux municipalités, qui disent: Bon, moi, maintenant, je voudrais privatiser, par exemple, tout le secteur de l'eau. Elles peuvent arriver en vrac ici puis réaliser l'ensemble du projet, et, pour nous, entreprises québécoises – je ne parle pas strictement des firmes d'ingénierie, je peux parler des entrepreneurs, je peux parler des fabricants, je peux parler d'un lot de monde – on ne pourrait pas compétitionner contre ça, ce serait impossible. Donc, il ne faudrait pas arriver ici un peu en colonisateur, en disant: Bien, nous autres, on va réaliser les projets puis on va engager un peu à gauche et à droite une certaine expertise. Et, après ça, nous, on n'aurait rien bâti ici et on ne pourra pas, à ce moment-là, compétitionner avec eux sur d'autres territoires et donc créer d'autres emplois ici.

Non, ce que je dis, c'est: Oui, bénéficions de leur expertise. Donc, je ne voudrais pas que ces sociétés-là arrivent puis contrôlent tout cet aspect-là, tous les projets. Peut-être qu'elles devraient avoir des participations minoritaires, par exemple, dans des espèces de coentreprises, pour limiter leur intervention. Aussi, je ne voudrais pas qu'elles nous contraignent – parce que j'ai déjà eu des discussions avec plusieurs des ces sociétés-là – à dire: Bon, bien, le seul territoire dans lequel on travaille avec vous maintenant, c'est strictement le Québec. Mais, quand on parle d'autres territoires: Bien, non, non, non, on va faire ça tout seuls, on n'a pas besoin de vous autres. Donc, elles se trouvent à nous limiter.

Ou, comme je le souligne aussi au niveau technologique, plusieurs ont de l'équipement à vendre parce qu'ils sont propriétaires d'entreprises ou de manufacturiers qui ont des équipements. Donc, ce que je ne voudrais pas, c'est qu'on limite les technologies qui sont accessibles aussi. Il faudrait laisser de l'ouverture à ça. Donc, je pense que, oui, on a besoin, en bonne partie, du support de certaines de ces entreprises-là, mais il faudrait quand même le contrôler.

M. Trudel: Mais est-ce que vous suggérez que nous puissions aller jusqu'à indiquer que, le partenaire privé d'une SEM – bon, on va employer l'expression générale – s'il n'est pas complètement d'ici, ça devra faire l'objet d'une coparticipation avec une firme québécoise pour qu'il puisse s'insérer dans une SEM?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Non, on pourrait dire qu'un partenaire étranger pourrait limiter sa participation à la SEM. On pourrait dire, par exemple: Ne peut détenir plus de 10 % d'une SEM – je lance des chiffres en l'air, là – pour faire en sorte qu'il ne contrôle pas l'ensemble de la société d'économie mixte.

M. Trudel: Oui, c'est probablement possible, mais, en termes de philosophie, c'est un peu difficile, ça, parce qu'on ne peut pas dire: On s'ouvre aux marchés étrangers, aux marchés extérieurs, puis on va jouer les règles du jeu, puis, quand vous venez ici, nous, on va... Le danger serait éminent qu'ils nous traitent de la même façon si on prend des mesures, disons, simili-protectionnistes, en tout cas, là, en limitant la participation sinon que par l'obligation de la coparticipation et de s'entendre avec un partenaire québécois pour être dans la SEM.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Mais, à l'étranger, on est forcé de faire des partenariats avec le local.

M. Trudel: C'était ma question.

M. Sauriol (Jean-Pierre): On est forcé de le faire. Par exemple, en Thaïlande, on a un bureau depuis quatre ans, et on est obligé de travailler, d'avoir un partenaire local qui détient la majorité, puis, ça, c'est les pays qui décident. Par exemple, au Viêt-nam, le pays où on s'attaque, le gouvernement a tendance à vouloir diminuer les règles de contrôle par les entreprises locales parce qu'elles n'ont pas la capacité de le faire, elles n'ont pas l'expertise, elles non pas le know-how. Donc, c'est quelque chose avec lequel on vit constamment, parce que tous les pays auraient le même problème. Ils veulent aussi bâtir leur expertise, donc ils nous forcent à avoir des partenaires locaux. Donc, ce n'est pas quelque chose de nouveau, et, souvent, les pourcentages sont édictés, comme je vous le disais tantôt, par les pays eux-mêmes.

M. Trudel: Bon. Alors, moi, je trouve qu'il y a une piste là, parce que, moi aussi, je suis très préoccupé par cette question du génie québécois, de la capacité québécoise et de ce qu'on a comme expertise, comme expérience dans les secteurs publics concernés, et il faut que, à l'occasion de la création de cet instrument-là, ce soit porteur de développement et non pas l'inverse. Ce serait le bout si, un effet pervers de l'instrument que l'on crée, ça ne permettait pas le développement, si, au contraire, on avait une réduction du développement de l'emploi, entre guillemets, technologique au Québec, parce qu'on sait qu'on a déjà beaucoup d'expérience dans ce secteur-là, on a beaucoup de firmes qui ont des capacités immenses. Et, si on n'a pas toujours, peut-être, la capacité financière ou la capacité horizontale d'être dans la SEM avec tous les instruments possibles, on peut peut-être aller vers des... En tout cas, il faut songer à la coparticipation pour en arriver à atteindre ces objectifs-là.

Bon. Il y a un autre élément d'interrogation, M. Sauriol. Est-ce que vous avez vu le message que j'ai lancé à l'ouverture des travaux de cette commission à l'égard de l'eau? Je vais dire l'eau municipale. Mon invitation à la prudence incluait les éléments de ce que vous venez de mentionner, c'est-à-dire qu'il faut ici que nous soyons capables de mettre l'expertise développée au service du public et du développement de l'emploi et possiblement aussi de l'exporter, par ailleurs.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Effectivement.

M. Trudel: Avez-vous fait des réflexions, chez vous, là-dessus, puisque vous êtes une société qui oeuvre dans ce secteur-là? Je pourrais peut-être varier, faire des variantes dans ma question. Est-ce qu'on est capable de prendre tout ça, de gérer ça et de faire du développement? Et est-ce que vous pensez que, l'instrument qu'on s'apprête à développer, ce serait adéquat pour en arriver à gérer et à développer l'emploi dans le secteur des eaux au Québec?

(17 h 30)

M. Sauriol (Jean-Pierre): On le fait actuellement. Par contre, on ne le fait pas, comme je le disais tantôt, en une seule entreprise. La Générale des Eaux et la Lyonnaise des Eaux le font en une seule entreprise, c'est-à-dire qu'elles font la conception, la construction, la réalisation. Elles font de tout, elles font de l'opération. Mais les municipalités, nous, elles opèrent, nous autres, on fait la conception, d'autres fournissent l'équipement puis d'autres construisent. Donc, ce qu'on est en train de faire, c'est de créer un réseau de partenaires qui vont s'associer ensemble et qui vont former une nouvelle entreprise qui, elle, va réaliser l'ensemble de la construction jusqu'à l'opération et du suivi et de l'entretien. Dans le fond, on le réalise, mais on devra construire, et je pense qu'il va y avoir des nouveaux types d'entreprises qui vont émerger à partir de ces sociétés d'économie mixte qui, après, pourront, elles aussi, aller exporter cette façon de faire là dans d'autres pays et, de fait, créer des emplois, parce qu'on sait tous qu'au Québec on est forcés à l'exportation. Il faut aller de plus en plus à l'exportation, et je pense qu'on a pu démontrer... Le cas de l'hydroélectricité, on le soulève un peu dans le mémoire. Si on est des joueurs de calibre mondial aujourd'hui, c'est à cause du know-how qu'on a développé au Québec. Parmi les plus grandes firmes au monde dans le secteur hydroélectrique, bien, ça se trouve au Québec. Je pense que, compte tenu que le potentiel d'exploitation, maintenant, avec le privé à l'étranger est grandissant – les organismes comme la Banque mondiale et les banques régionales, eux-autres, travaillent beaucoup dans ce concept-là, c'est-à-dire de privatisation, partenaires privés – je pense que, si on peut développer ici un concept québécois, on pourra effectivement compétitionner contre les entreprises étrangères et donc créer des emplois ici.

M. Trudel: Alors, ce que vous nous dites, c'est que vous pensez que l'expérience ou l'expertise, on l'a par secteurs, par morceaux...

M. Sauriol (Jean-Pierre): C'est ça.

M. Trudel: ...sauf qu'on n'a pas de liens, on n'a pas d'instruments, disons, unifiés qui nous permettent d'être en compétition sérieuse et d'entamer ce vaste marché là avec un instrument qui est morcelé.

M. Sauriol (Jean-Pierre): À titre d'exemple que je pourrais vous donner pour renchérir, il y a certains projets à l'étranger dans le cadre hydroélectrique. On va s'associer avec Hydro-Québec, on va former une nouvelle joint venture, une coentreprise où, nous, on est le concepteur, réalisateur du projet, Hydro-Québec est l'opérateur. Donc, on peut répondre, à ce moment-là, aux besoins du client qui dit: Moi, dans le fond, je voudrais avoir une centrale hydroélectrique et je voudrais que vous l'opériez pendant 20 ans ou 25 ans. On va chercher l'opérateur, qui est Hydro-Québec. Nous, on est le concepteur et le réalisateur, et on offre le service ou le produit au client. Dans le cas de l'eau, par exemple, on pourrait parler de la même chose. Un projet se présente à l'étranger, où ils veulent effectivement qu'on fasse la conception, la réalisation et l'opération. On va se trouver des partenaires qui font l'opération – aujourd'hui, c'est les municipalités – on va se trouver des entrepreneurs, on va se trouver des ingénieurs et, après ça, on va offrir le produit au client. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on pourrait créer, comme je disais, des nouveaux types d'entreprises – des consortiums, comme on pourrait appeler – qui pourraient éventuellement se développer et offrir ce genre de produits là à l'étranger en les regroupant ensemble.

M. Trudel: C'est une notion extrêmement intéressante que vous évoquez là, puisque, écoutez, en particulier dans le domaine de l'eau, là, quand on prend les deux bouts, de l'eau potable à l'eau usée, on n'est pas en matière de sacs de pinottes, là, hein, on est en matière de gros sous, de très gros sous...

M. Sauriol (Jean-Pierre): De «la grosse argent»!

M. Trudel: ...et de «la très grosse argent», et qui pourrait continuer et intensifier ce que ça signifie au niveau de relever le défi du développement de l'emploi. Alors, cette idée de consortium, d'un moyen complémentaire de coparticipation, je pense qu'il faudra aussi être très attentif à cela, compte tenu de ce que ça représente comme enjeu au niveau du Québec.

Il reste combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): Sept minutes.

M. Trudel: Alors, une autre question à l'égard, toujours, de ces conditions de travail. Quand on est dans le secteur, on est dans une SEM, on sait ce que ça veut dire, puis qu'on est dans un secteur où il y a déjà de l'activité municipale... Vous dites, en gros, à l'égard, toujours, de notre fameux article 45: On propose, en gros, que les employés municipaux renoncent à certains avantages en échange d'une participation aux bénéfices d'une société d'économie mixte. Moi, est-ce que je peux y lire que l'article 45 du Code du travail, vous pouvez vivre avec ça, et dans le sens où vous êtes capable de discuter, d'échanger et d'établir des conditions que vous pourriez qualifier d'avantageuses et qui permettraient aux employés de dire: Bon, on va négocier notre façon d'être dans cette nouvelle entreprise publique-privée qui s'appelle société d'économie mixte?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Je vous dirais que j'ai le problème actuellement, parce que l'entreprise où on fait l'opération dans une municipalité, bon, il y a un dépôt de l'article 45 qui a été fait, parce qu'on opère une usine d'épuration, par exemple, donc je peux vous en parler en connaissance de cause...

M. Trudel: Bon, parfait.

M. Sauriol (Jean-Pierre): ...mais j'ai eu des discussions avec le syndicat à cet effet. Ma réponse à ça... Nous, on n'a rien contre le syndicalisation ou quoi que ce soit, c'est juste la convention qu'on va avoir ensemble. Pas de problème, moi, à ce que nos employés soient syndiqués, mais quelle sorte d'entente, quelle sorte de convention on peut avoir ensemble? Puis je me dis: C'est livre ouvert. Moi, si on est efficace puis si c'est rentable, à ce moment-là, c'est là ce que je soulève dans le mémoire, on va partager les profits, on va partager les économies, on va faire quelque chose, mais tout le monde va travailler dans le même sens. Donc, les employés vont aller dans le sens de dire: Il faut être efficaces, il faut trouver des façons d'être plus économes, d'améliorer ce qu'on fait. C'est ça que je disais tantôt en disant d'aligner les conventions collectives, en tout cas, les employés, vers le même objectif. Et, nous, dans l'entreprise privée, on a des outils pour faire ça, que ce soit les rémunérations incitatives, que ce soit, comme je disais, les participations aux profits, l'actionnariat, donc plusieurs outils qui se présentent où l'employé est intéressé à la réussite de l'entreprise, donc aux profits de l'entreprise.

Et c'est dans ce sens-là que j'ai vu un cas, d'ailleurs, aux États-Unis. Il y a une entreprise qui fait ça, qui a pris des entreprises syndiquées qui étaient municipales puis qui a rapatrié les employés, leur a donné un nouveau cadre qui est beaucoup plus motivant, souvent, pour l'employé, parce que, dans l'entreprise privée, on va parler de formation des employés, on va donner des nouveaux défis. C'est très motivant pour l'individu puis ça fait en sorte que l'efficacité s'accroît. Je pense que c'est à partir de ça qu'on pourra gagner.

M. Trudel: Puis vous le vivez sur le terrain?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Ah! oui, oui. J'ai vu des modèles américains. Ça fait longtemps qu'on étudie ce genre de choses là.

M. Trudel: C'est parce qu'il faut un peu... Il y a M. le député de La Peltrie, je pense, qui voulait aussi parler. Je veux quand même faire une réflexion en disant: On peut très bien vivre, on peut vivre adéquatement avec cet article de protection des droits des travailleurs et on peut travailler. En travaillant intelligemment avec cette situation-là, on peut arriver à d'aussi bons résultats. C'est une formule de gagnant-gagnant pour ceux et celles qui sont dans la production du travail, ceux et celles qui sont là, dans une entreprise privée, mais qui veulent s'assurer d'une rentabilité à long terme aussi. C'est donc possible de vivre adéquatement, dans les règles, avec cet article-là, et ce n'est pas l'enfer d'un côté puis le paradis de l'autre côté, pour tous ceux qui nous disent, là, par exemple, à l'égard de 45: On va tout régler ça si on fait sauter ça, cet article-là.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Ce n'est peut-être pas 45, mais c'est ce qui va être dans la convention. Je veux dire, entre nous autres, c'est un peu ça qui est plus le problème. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de La Peltrie.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Il faudrait rouvrir, il faudrait rediscuter certains points, dans le fond. C'est ça qu'on voulait dire.

M. Côté: Merci, Mme la Présidente. M. Sauriol, dans la conclusion de votre mémoire, vous mentionnez que les SEM constituent une des voies de l'avenir pour répondre à la situation des finances publiques, qui est difficile, je pense.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Oui, effectivement.

M. Côté: Mais, en contrepartie, vous dites aussi que ça laisse sous-entendre également que les SEM vont pouvoir rencontrer les exigences de plus en plus élevées des consommateurs, de la population, en termes de qualité de services, mais sa capacité de payer est limitée, quand même, là. Est-ce que ça veut dire que vous allez être en mesure de... Parce que, là, pourquoi on va dans d'autres formes d'activités ou encore dans d'autres formes de gestion? C'est pour essayer de diminuer le coût à cause de la capacité de payer du contribuable.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Oui. Absolument.

M. Côté: Mais, par contre, vous dites que ça semble vouloir dire que les SEM vont pouvoir fournir des services encore de meilleure qualité à la population, si la population l'exige, tout en respectant la capacité de payer. Moi, là, j'ai de la misère un petit peu avec ça. J'aimerais que...

M. Sauriol (Jean-Pierre): Bien, comme je vous dis, je pense que l'élément de base, c'est d'amener l'expertise du privé avec le public. Donc, ça devient beaucoup plus efficace, et c'est dans ce sens-là, en devenant plus efficace, que le citoyen va en bénéficier. Devenir plus efficace, comme je vous dis, ça va être dans les méthodes de travail, les outils de gestion, ça va être dans... Il y a un lot d'éléments qui vont entrer en ligne de compte, parce que, nous, notre objectif là-dedans, c'est... Par exemple, si on prend le service de l'eau, c'est de minimiser le coût du service de l'eau pour le citoyen. C'est notre seul objectif, et tout le monde, tous nos employés doivent travailler dans le même sens. On va se donner des mécanismes, on va se donner des systèmes de rémunération, on va se donner toutes sortes de choses pour faire en sorte qu'on va réduire le coût de l'eau.

Puis, souvent, je veux dire, l'expertise qu'on développe... Le fait aussi qu'on travaille dans plusieurs municipalités nous permet de voir tout ce qui se passe ailleurs. Je vous dirais, par exemple, notre compagnie, qui fait de l'opération dans des usines d'épuration, on a un partenaire aux États-Unis, avec lequel on travaille. Si un employé a un problème avec une pompe, par exemple, bon, il s'en va dans Internet et il envoie ça, le message: problème avec une pompe, tel problème. Là, quelque part, à Dallas, n'importe où, il y a quelqu'un qui répond: Bien, moi, j'ai déjà eu ce problème-là puis on peut vous aider à le régler de telle façon. Il y a une expertise qui se développe. Mais, quand tu es employé dans une usine puis tu travailles juste dans celle-là, c'est difficile de savoir ce qui se passe ailleurs puis d'apprendre les nouvelles technologies puis d'améliorer ce que tu fais. Puis je pense que c'est ça aussi qu'on peut apporter en tant qu'entreprise privée.

Au même titre – je fais encore un parallèle avec Hydro-Québec – quand on a fait des conceptions de lignes en Chine, par exemple, l'expertise qu'on a acquise là-bas, on va en bénéficier ici aussi. Donc, c'est pour ça, je pense, qu'en amenant une expertise supplémentaire, une efficacité, des outils de gestion plus adéquats, on va être en mesure de réduire le coût du service aux citoyens, donc de réduire la facture.

M. Côté: Bien. Mais, par contre, s'il y a des exigences de plus en plus grandes de la part du consommateur, ça ne veut pas nécessairement dire qu'il...

M. Sauriol (Jean-Pierre): Mais c'est parce que les consommateurs exigent de plus en plus. Ils exigent de plus en plus, mais, ça, c'est la réalité, ça. On est déjà confrontés à cette affaire-là.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Sauriol. M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: Je pense que le député de Jacques-Cartier aimerait poser la question en premier.

La Présidente (Mme Bélanger): Bon, M. le député de Jacques-Cartier.

(17 h 40)

M. Kelley: Merci, Mme la Présidente. Juste pour revenir à la question de limiter la participation des compagnies étrangères dans les SEM, et tout ça, moi, je pense qu'il y a toujours la possibilité d'avoir les transferts de technologie de l'extérieur, ce qui est enrichissant pour les entreprises québécoises aussi. Moi, je pense à un entrepreneur dans mon comté qui est venu me voir avec une technologie, je pense, allemande pour trier les plastiques recyclés. Et c'est une idée incroyable de faire ça à une vitesse incroyable; on peut prendre de grandes quantités de plastique des boîtes bleues et les partager dans toutes les différentes qualités, parce que c'est très compliqué, si j'ai bien compris tout le processus. Alors, ça, c'est quelqu'un qui ne cherche pas une SEM, c'est quelqu'un qui va faire ça dans le secteur privé à Montréal, mais avec beaucoup d'appui d'une compagnie allemande. Et, au départ, je pense qu'il va être un genre de franchise au Canada, ici, au Québec même, pour cette technologie. Et, si ça marche bien, ça va être exportable au reste du Canada, et tout ça. Alors, à moyen terme, c'est une possibilité très intéressante dans un secteur croissant de l'économie, de plus en plus conscient de l'environnement. Alors, je me demande: Est-ce que... Parce que vous n'êtes pas les seuls. Plusieurs des groupes qui sont venus aujourd'hui pour nous questionner sur l'implication des compagnies étrangères... Je me demande si on va trop loin dans nos inquiétudes, parce que je pense qu'il y a beaucoup de technologies, je pense, surtout dans le domaine environnemental, où les changements sont très rapides à travers le monde. Il faut être prudent et ne pas trop nous limiter en exigeant qu'on ne puisse pas avoir de partenaires étrangers à l'intérieur des SEM, ou des choses comme ça. Je pense qu'il faut être très, très attentif à la possibilité des transferts de technologie enrichissants pour les entreprises québécoises et pour la société québécoise.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Mais je pense qu'on parle de deux choses, vous suivez deux éléments là-dedans. En termes de technologie, équipements, ces choses-là, je suis 100 % d'accord avec vous. Il faut aller chercher les meilleures technologies dans le monde, et, si on peut en développer ici, tant mieux pour nous autres, on pourra aussi les exporter. Mais quand je parle de limiter la présence étrangère, c'est parce que, là, on parle beaucoup plus de gestion d'un service. C'est dans cet esprit-là et non pas pour limiter les technologies. C'est beaucoup plus la limitation en termes de gestion. C'est-à-dire que, si, lui... Il ne doit pas être le joueur majeur dans la gestion du service de l'eau, par exemple, ou du service des déchets. Je pense que ça doit rester sous contrôle québécois pour nous permettre, en termes de gestion, en termes de produit, de développer quelque chose qui est typiquement à nous autres, qu'on pourra exporter. Et, bien entendu, même déjà dans ce qu'on fait aujourd'hui, les produits viennent de partout à travers le monde; ils viennent d'Allemagne, ils viennent de France, ils viennent des États-Unis. Il ne faut pas se limiter à dire: Bon, on va prendre des produits québécois. Là, ce n'est pas de produits que je parle, je parle vraiment d'outils de gestion, là.

M. Kelley: Oui, mais, souvent, surtout au départ, ça va prendre la gestion de l'étranger aussi, parce que, pour quelqu'un qui a utilisé la technologie pendant cinq ans ou 10 ans en France, par exemple, de juste dire: Prenez la technologie et, bonne chance, arrangez-vous avec... Il y aura une cogestion, il y aura quelque chose. Alors, je ne veux pas qu'on mette les règles trop rigides, parce qu'il y aura une période transitoire de cogestion. C'est ça. Et de distinguer entièrement entre les technologies et la gestion des technologies. Je pense qu'il faut admettre que ça va prendre une équipe qui va venir de l'extérieur, ça va prendre du temps pour mettre ça en vigueur dans les conditions d'ici, au Québec, alors, je ne veux pas qu'on soit trop rigide, parce qu'il y a, je pense, surtout dans le domaine de l'environnement, énormément de développement à travers le monde, et on peut en profiter ici, au Québec.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Je suis 100 % d'accord avec vous là-dessus. C'est juste qu'il faut aussi, nous autres, se développer une capacité ici. Je ne dis pas de les éliminer, je dis: Limitons juste la participation. Je pense qu'on en a besoin, mais jusqu'à quel niveau? C'est tout ce que je dis.

M. Gauvin: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: ...M. Sauriol, M. Guillemette, je prends juste quelques minutes, quelques mots pour continuer dans le même sens que mon collègue. C'est parce que j'ai cru comprendre, avec vos dernières paroles, que vous souhaiteriez limiter, en fait, que le projet de loi limite d'une certaine façon l'implication d'entreprises étrangères soit au niveau des investissements, mais au niveau de la gestion aussi.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Oui, effectivement.

M. Gauvin: Pour ce qui est des investissements?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Limiter le nombre d'actions que va détenir la partie étrangère, par exemple.

M. Gauvin: Et au niveau de la gestion?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Au niveau de la gestion? Ça va se trouver, de toute façon, au niveau de la gestion.

M. Gauvin: Ça va se trouver... Parce que vous avez fait allusion... Ça m'amène à penser, à un moment donné, à une réponse que vous avez donnée, et on la retrouve dans votre mémoire. Vous vous inquiétez du fait que le partenaire municipal, qui serait majoritaire, et des élus, qui passent, vous avez raison...

M. Sauriol (Jean-Pierre): Oui.

M. Gauvin: Donc, est-ce qu'on ne devrait pas se référer, pour se sécuriser, au protocole d'entente qui aura été signé et qui vaudra pour plusieurs années, on le souhaite? Je pense que c'est ce qui va sécuriser le partenaire privé, étant donné qu'il y aura un protocole d'entente de signé par les élus municipaux du temps, que ceux qui vont suivre vont devoir respecter. Avez-vous toujours une inquiétude quand on fait cette lecture-là?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Bien, l'inquiétude que j'ai... Quand on fait un partenariat avec une entreprise, nous autres, normalement, on le fait d'individu à individu, comme je le soulignais tantôt, parce qu'on partage la même philosophie, la même vision, les mêmes objectifs. Ce qui nous fait peur là-dedans, c'est qu'à tous les quatre ans on va changer de partenaires, là. C'est un nouveau visage, puis on se limite strictement aux écrits qui ont été mis dans une convention. Alors, tout ça, vous savez comme moi, une convention, ça sert quand on ne s'entend pas. Quand la chicane est prise, bien, là, on dit comment ça fonctionne. C'est pour ça que je dis que ça prend une espèce de continuité au niveau du partenaire avec lequel on va travailler, qui va partager les mêmes objectifs. Par exemple, on souligne le directeur général, par exemple, qui pourrait être un membre de la société d'économie mixte, qui siégerait. Donc, lui, ce serait pour nous autres une espèce de continuité dans la coentreprise qu'on est en train de créer ensemble. Et lorsque les nouveaux venus arriveront, élus, lui au moins pourra transmettre cette espèce de continuité là qu'on aura démarrée au départ avec les anciens conseillers. Je ne sais pas si vous me suivez?

M. Gauvin: Oui. Je comprends votre inquiétude, et je pense que ça va être automatique, finalement. Le directeur général d'une municipalité ou d'une ville va sûrement être impliqué au niveau des relations, ou de l'application, ou de la gestion.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Oui.

M. Gauvin: Mais, ce qu'il faut retenir, et on en a parlé aujourd'hui, c'est que la philosophie d'un groupe d'élus est celle de servir sa population, il est élu pour ça.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Ça, c'est sûr.

M. Gauvin: De servir sa population à des coûts que la clientèle, que les électeurs...

M. Sauriol (Jean-Pierre): Oui.

M. Gauvin: ...suivent, d'une part, avec des services acceptables.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Oui.

M. Gauvin: Et on parle rarement de profits, de gestes posés en fonction des services donnés, en fonction de faire des profits, quand tu es un élu municipal. Mais, là, ce sera une SEM, un partenariat avec du privé qui, lui, va toujours avoir à l'esprit, et c'est normal, je crois, une rentabilité. Et c'est pourquoi, probablement, les élus municipaux seront intéressés à s'associer à une entreprise privée, pour aller, probablement, je le souhaite, donner des services à des meilleurs coûts, des services tout aussi bons ou, du moins, valables, si le service existe déjà. Si c'est pour développer un nouveau service, bien, là, ça sera une expérience nouvelle pour la municipalité. Mais ce qu'il faut retenir: vous allez avoir deux philosophies différentes à l'intérieur d'un même groupe de gestionnaires.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Théoriquement, si la SEM fonctionne bien puis est rentable, je pense que les nouveaux élus vont dire: On est aussi bien de continuer dans ce sens-là. Normalement, la logique voudrait que ça soit comme ça. On l'espère, là, je veux dire, mais il pourrait arriver aussi que quelqu'un ne croie pas à ça du tout, lui, les SEM, puis il voudrait plus aller travailler, je veux dire, avec les deux. Il est dans le conventionnel, par exemple, avec ses employés, puis il ne veut pas mettre trop d'énergie ou d'efforts dans le succès d'une SEM. Parce que ça ne vit pas tout seul, ces choses-là, hein, il faut toujours y mettre des efforts. Une entreprise, ça ne se «train» pas toute seule, il faut l'alimenter, il faut l'améliorer. Donc, notre partenaire, surtout quand il détient 51 % des actions, on a intérêt à ce qu'il soit motivé aussi à aller dans le même sens.

M. Guillemette (Bernard): Puis il n'a pas nécessairement la même vision politique, non plus, que ses prédécesseurs.

M. Gauvin: Parfois. Évidemment, parce que les temps changent, et certains groupes se font élire sous des thèmes différents que d'autres. Vous avez raison à ce niveau-là.

Vous avez fait allusion tantôt aux coûts de financement. Vous dites que des municipalités ont plus souventefois l'avantage d'avoir des coûts de financement intéressants à cause des garanties qu'elles peuvent donner. Pensez-vous que ça peut être intéressant pour le secteur privé étant donné qu'il s'associe à un partenaire qui a une facilité à aller chercher du financement? Écoute, le privé, parfois, a tout autant de facilité, parfois plus, mais je fais allusion à ce que vous avez mentionné tantôt.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Ah oui! C'est parce que, dans le fond, je me dis que le partenaire privé qui décide qu'il apporte 100 000 000 $ dans un projet, l'argent qu'il va prendre, ça lui prend des garanties quelque part. Si les garanties ne sont pas aussi fortes que celles de la municipalité, le taux d'intérêt va être plus élevé. Partons avec ça. Si le taux d'intérêt est plus élevé, donc le coût global va être plus élevé, parce que la municipalité pourra emprunter le même argent, mais au taux minimum. Donc, si, moi, j'arrive avec 100 000 000 $ et que la municipalité – d'ailleurs, l'avant-projet de loi le couvre – garantit aussi mes emprunts, bien, je vais avoir un aussi bon taux, à ce moment-là, que la municipalité. Donc, le coût va être le même. Mais, si je n'ai pas les garanties de la municipalité, parce que les partenaires municipaux, on en a parlé, eux autres, ils voudraient que ça se fasse hors bilan – on investit, puis ça n'apparaît pas, nous autres, dans nos livres – bien, à ce moment-là, si c'est ce qui arrive, les coûts de financement vont être plus élevés. Il va falloir vivre avec ça.

(17 h 50)

M. Gauvin: Je veux juste revenir brièvement au sujet de l'article 45. Évidemment, dans vos réponses, vous faisiez toujours allusion: Ce n'est pas l'article 45 qui nous dérange, c'est la convention, le contrat de travail qui a été signé entre les employés et la municipalité. Évidemment, l'article 45, c'est ce qu'il transfère, d'une part. Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu de... En fait, l'inquiétude des municipalités, plus souvent que pas, quand elles se réfèrent à l'article 45, qui semble créer des problèmes au niveau du développement de certains services, on parle souvent de la productivité. On dit: Au niveau municipal, on est moins bien placé que d'autres structures pour faire développer à nos employés un niveau de productivité équivalent au privé. C'est souvent relatif, à cause de ce que vous retrouvez dans la sécurité au niveau des conventions collectives.

M. Sauriol (Jean-Pierre): C'est ça.

M. Gauvin: Est-ce qu'au niveau du transfert d'employés votre expérience vous dit que vous avez pu prendre des ententes avec les employés transférés, dans certains cas, ou si vous avez eu des expériences, et développer aussi de la productivité? Parce que c'est souvent ça qui revient comme argument principal pour le monde municipal.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Ça va dépendre de l'ouverture, effectivement, de notre partenaire syndical. Si, lui, il dit: Bien, là, vous ne touchez pas à la convention collective, nous autres, on garde ça tel quel, c'est comme avant, c'est l'article 45, je me demande qu'est-ce qu'on va aller faire là. On ne sera pas bien, bien plus efficaces que les autres s'il faut vivre avec les mêmes mécanismes. Moi, ce que je voudrais, c'est trouver des nouvelles avenues qui intéresseraient l'employé, qui motiveraient l'employé. Je pense que, si on réussit à réduire les coûts, par exemple, dans les services des municipalités, qu'on fait partager les économies aux employés, donc, pour eux autres, ça peut être une forme de rémunération additionnelle qu'ils n'avaient pas avant. C'est dans ce sens-là que je dis qu'il faut avoir une espèce d'ouverture à axer l'ensemble de la rémunération puis l'ensemble de ce que les employés ont sur l'efficacité et le succès de l'entreprise, le succès de la SEM, dans ce cas-là.

M. Gauvin: En fait, ma question était de savoir: Est-ce que vous avez des expériences, personnellement, où des gens...

M. Sauriol (Jean-Pierre): J'ai vu des expériences comme ça, concluantes, aux États-Unis, mais c'est un petit peu... dans le fond, le syndicat offrait moins que l'entreprise offrait, là. Ça fait que c'est facile dans ce temps-là, mais si tu pars de l'autre côté, quand on regarde toutes les études qui sortent actuellement au niveau du côté municipal où on dit que c'est 27 % plus élevé, la fonction publique municipale, qu'au provincial, ça devient difficile. Donc, je me dis: Si on en responsabilise davantage, des municipalités, si on transfère davantage de responsabilités à eux autres, ça va être 27 % plus cher que si on le faisait faire par le gouvernement. Il va falloir trouver des mécanismes pour accroître l'efficacité, ou le faire, en fonction du rendement qu'on va obtenir, au niveau de la rémunération.

M. Gauvin: Votre entreprise, votre organisme a une expérience sur le plan contractuel. Vous offrez des services à différentes municipalités et dans plusieurs pays. Finalement, au niveau du secteur municipal, vous dites: Il n'y a peut-être pas lieu – c'est ce que j'ai cru comprendre – de se lancer à fond de train là-dedans. Donc, s'il y a des SEM qui sont formées, vous êtes intéressé à devenir partenaire, si vous réussissez à vous entendre, mais est-ce que vous préférez donner des services contractuels, comme entreprise privée à 100 % responsable des services offerts et du financement?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Je pense...

M. Gauvin: Est-ce que la nouvelle formule vous intéresse parce qu'elle va être offerte?

M. Sauriol (Jean-Pierre): Si elle est suffisamment flexible, oui, parce que je vous dirais que j'ai besoin d'une partie de l'expertise qu'il y a dans le municipal, les opérateurs. L'expertise dans le privé au Québec, il n'y en a pas beaucoup, là, qui opère. Donc, les municipalités, elles ont des opérateurs. Exemple, on parlait des travaux publics. Si on prenait les travaux publics, les travaux publics, c'est les municipalités. On pourrait penser créer des SEM aussi ou privatiser, même, tous les travaux publics. Il y a bien des entrepreneurs qui seraient intéressés. Souvent, tu as de l'expertise dans les municipalités qu'on n'a pas chez nous, dans nos boîtes, puis, ça, ça m'intéresse d'aller la chercher, d'où mon intérêt à vouloir créer un partenariat avec une municipalité.

M. Gauvin: On a souvent fait allusion – certains y croient, d'autres y croient moins – au fait que la création de SEM aura pour effet de créer des emplois. Évidemment, à mon avis, la seule façon de créer des emplois, c'est qu'à l'occasion d'un partenariat comme celui-là ça peut permettre de rénover des réseaux d'alimentation en eau qui datent de plusieurs années, là où la municipalité ne peut pas se permettre de commencer un programme de rénovation tout de suite parce qu'elle est encore à payer la dette de la construction d'il y a 20 ans, par exemple. Donc, les contribuables ont une certaine réserve.

La seule façon – et je veux avoir vos commentaires sur ça – à mon avis, de créer des emplois, ça serait un système de partenariat, une entente qui serait négociée entre le privé et le municipal pour aller rénover le réseau d'alimentation en eau. Donc, ça prendrait un financement additionnel qui ne serait pas nécessairement rattaché au financement du projet de construction. Est-ce que vous voyez ça de la même façon? Parce que seulement transférer l'administration du service d'alimentation en eau, ça n'a pas d'effet création d'emplois, à mon avis.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Non, effectivement. Je pense qu'il y a deux aspects à regarder là-dedans. Il y a ce que vous avez soulevé au niveau de la rénovation et la réfection des réseaux, par exemple. Est-ce que ça prendrait un apport d'argent extérieur? Parce que certaines municipalités disent: Nous autres, on ne peut plus emprunter, on n'a plus les moyens de rénover. Ça, dans le fond, c'est à vérifier, là. Ce qui pourrait peut-être changer, c'est peut-être plus la cote de crédit que l'argent que tu peux aller chercher. Mais, de fait, ça pourrait générer des emplois au niveau de la réfection des réseaux.

Mais, aussi, si on va un peu plus loin, c'est de dire: Bien, si on devient plus efficace, on va générer davantage de revenus, donc davantage de revenus, on pourrait faire davantage de projets, on va pouvoir offrir davantage de services. Ou on pourrait le prendre en disant: Si on peut créer une expertise ici, au Québec, on pourrait aussi l'exporter, ça va créer des emplois. Il y a plusieurs façons dont on pourrait approcher le problème de création d'emplois, mais je pense que, si on est plus efficace, si on génère des marges de manoeuvre, de fait, ça pourrait amener une création d'emplois additionnels, ailleurs que juste dans la réfection des réseaux.

M. Gauvin: Donc, ce qu'on peut retenir, je pense que, suite aux questions de M. le ministre et aux réponses que vous venez de nous donner, c'est que vous êtes intéressé à supporter, c'est-à-dire intéressé à négocier. Si jamais la loi donnait le pouvoir de créer des SEM et permettait aux municipalités d'aller chercher le partenariat privé pour offrir des services, vous êtes capable de vivre avec l'article 45.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Ça dépend de la convention, après ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gauvin: Évidemment, ça, vous y revenez souvent, mais c'est...

M. Sauriol (Jean-Pierre): C'est parce que c'est quand même fondamental. Je veux dire, il ne faut pas...

M. Gauvin: En fait, si la convention est trop restreignante, vous ne vous associerez...

M. Sauriol (Jean-Pierre): Si je n'ai pas de marge de manoeuvre.

M. Gauvin: Vous ne vous associerez pas.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Non, non, je ne m'associerai pas.

M. Gauvin: Je pense que la municipalité aura de la difficulté à trouver un partenaire.

M. Guillemette (Bernard): C'est l'ouverture du partenaire à en discuter, justement, des clauses de la convention.

M. Sauriol (Jean-Pierre): Moi, je pense que ça peut être davantage intéressant pour l'employé. De toute façon, nous autres, les entreprises privées, on n'est pas syndiquées puis nos employés sont heureux, là. Je veux dire, ils opèrent, puis ils fonctionnent, puis ils se considèrent bien rémunérés, là.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, on vous remercie, M. Sauriol et M. Guillemette, de votre participation, et la commission suspend ses travaux jusqu'à à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 19 h 59)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission débute ses travaux. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Alors, nous avons comme invitée Mme Louise Beaulieu. Mme Beaulieu, bienvenue. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et il y aura, après, discussion entre les ministériels et vous et l'opposition pendant 20 minutes, de chaque côté de la table. Alors, vous avez la parole, Mme Beaulieu.

(20 heures)


Mme Louise Beaulieu

Mme Beaulieu (Louise): Merci. Mme la Présidente, M. le ministre des Affaires municipales, Mmes, MM. les députés, avant de brièvement vous présenter les principaux points traités dans mon mémoire, qui est, évidemment, très technique, et je l'ai mentionné au tout début, je n'exclus pas de répondre, parce que j'ai une opinion sur certaines choses, évidemment, mais, volontairement, je suis une professionnelle qui donne des conseils sur la façon de faire les choses, et c'est à ça que je m'intéresse d'abord. Donc, c'est pour ça que le mémoire est très technique. Avant de présenter les principaux points, parce qu'il y a des points qui sont vraiment secondaires et qui sont de la concordance, presque, enfin, des choses vraiment très secondaires, je veux commencer par deux points que je n'ai pas traités dans mon mémoire et qui sont des points très importants. J'ai quelques remarques à vous faire là-dessus.

C'est concernant les motifs d'inhabilité à agir comme membre d'un conseil municipal ou, autrement dit, l'encadrement des conflits d'intérêts, qui sont dans l'avant-projet de loi, et aussi une remarque concernant l'application de l'article 45, que je n'ai pas traitée. L'avant-projet de loi n'en parle pas, mais, évidemment, avec tous les gens qui ont défilé ici, c'est un sujet inévitable.

Alors, concernant les motifs d'inhabilité, dans l'avant-projet de loi, on a repris les dispositions qu'on avait déjà dans les projets de loi d'intérêt privé. Dès le premier, la question des conflits d'intérêts, c'est une question importante et on a voulu l'encadrer de façon très stricte. C'est traité, dans l'avant-projet de loi, aux articles 24, 25, et 27 reprend cette question-là en énumérant les motifs ou les exceptions. Alors, on commence par déclarer dans quels cas on est dans un conflit d'intérêts et, après, il y a des exceptions. C'est exactement ce qu'on a dans les lois municipales, de toute façon. Alors, on n'a pas innové, on a repris ça.

Par contre, pour les sociétés d'économie mixte, on est plus sévère. Il y a un paragraphe qu'on n'a pas retenu et que, habituellement, au niveau des conseils municipaux, on a, c'est lorsqu'on détient des actions dans une compagnie, enfin, un très petit pourcentage, et qu'on n'est pas administrateur de la compagnie, on dit: Là, même si vous en détenez, ce n'est pas un conflit d'intérêts. Pour les sociétés d'économie mixte, on n'a pas reconduit cette exception-là en disant, même là... Alors, c'est encadré très strictement.

Je veux attirer votre attention sur: Est-ce que ça ne sera pas nécessaire, éventuellement, de réintroduire ce motif d'exception là? Parce que, à l'expérience... Parce que je continue à travailler dans deux des projets-pilotes et je travaille dans un certain nombre d'autres projets qui passeront une fois que la loi sera en vigueur, un jour, ou bien qui, un jour, se présenteront pour avoir des projets de loi d'intérêt privé, parce que c'est des projets qui avancent bien. Alors, je reviens à mon exception. C'est que, dès qu'on sort de Montréal ou de Québec, les personnes qui sont intéressées, les personnes motivées qui s'impliquent dans les milieux, qui sont membres des conseils municipaux, sont aussi membres des coopératives, des caisses populaires, enfin, de toutes sortes d'organismes très impliqués et qu'on pourrait retrouver dans une société d'économie mixte, mais vu la définition des conflits d'intérêts, alors, il y a certains partenariats qui seraient peut-être un peu difficiles parce que ça serait jugé comme: Le membre du conseil municipal, qui a une part à la caisse populaire, est-ce qu'il n'est pas en conflit d'intérêts? Et est-ce qu'on doit maintenir ça? Si oui, bien, évidemment, ça a des conséquences sur la participation des gens dans des milieux, disons, plus restreints. Alors, ça c'est concernant les conflits d'intérêts.

Concernant le Code du travail. Dans les projets-pilotes, les deux projets-pilotes pour lesquels on a déjà des compagnies de formées et qui sont en train de se mettre en place, il n'y avait pas de personnel à transférer, il s'agit d'organiser de nouveaux services. Par contre, dans d'autres projets sur lesquels je travaille, et là il s'agit vraiment d'activités qui sont déjà données par la municipalité, ça présente des problèmes. D'autres intervenants ont soulevé devant la commission la pertinence de soustraire les SEM de l'application de l'article 45 ou de trouver des modalités. Bon, je n'entre pas dans les solutions, peut-être, ou ce qu'on devrait faire. Pour ma part, je veux simplement vous faire une remarque. Bien concrètement, quand on met sur pied un projet de SEM alors qu'il y a déjà des services municipaux, d'abord, il ne s'agit pas de transférer, je dirais, dans l'organigramme municipal, de prendre une boîte, là, puis, ça, ça va se retrouver... Ça peut peut-être se produire, mais, habituellement, non.

Quand on parle de confier des activités à une SEM, ça veut dire qu'on va revoir, à l'intérieur de la municipalité... d'une façon complète, on va dire: Tout est sur la table. Qu'est-ce qu'il y a dans les entrepôts des municipalités? Le matériel qui est peut-être désuet, poussiéreux, dont on va décider de se débarrasser, est-ce qu'on va revendre ça à la SEM ou est-ce qu'on ne va pas mettre ça à l'encan? Bon, une bonne question. Le matériel roulant qu'on répare et qui est peut-être désuet, est-ce que c'est du matériel qui va être racheté par la SEM ou bien si on ne va pas s'en procurer du nouveau?

Bien, je dirais: La même chose pour les employés. Est-ce que c'est des employés... Et puis quels sont les employés qu'on devrait prendre? Alors, tout est... Je pense que c'est très bien. Évidemment, quand on met un projet comme ça, il faut le voir vraiment comme une nouvelle organisation où, en tout cas, on réorganise complètement des services. Alors, là, qu'est-ce qui est... Et on ne va pas handicaper une nouvelle organisation en lui transférant du matériel qui n'est plus à la mode, qui n'est plus utile, qui n'est plus... ou du personnel qui ne peut pas faire le travail ou qui peut faire juste le travail en partie. Alors, là, je pense que c'est de vous illustrer... Je pense qu'il faut vraiment garder ça en tête, qu'on va réorganiser un service et on ne va pas tout simplement transférer, prendre carrément une unité, transférer quelques bureaux et que la chose est faite. C'est un petit peu plus complexe que ça. Et quand les élus municipaux, avec leurs partenaires privés, s'assoient pour tout réévaluer, je pense que c'est la bonne façon de le faire. En tout cas, c'est comme ça que, moi, je conseille de le faire. Alors, appliquer nos conventions collectives qui prévoiraient des conditions très précises de travail, c'est loin d'être sûr que ça va, évidemment, convenir à la nouvelle entreprise, et reprendre ça, bien, évidemment, c'est des coûts additionnels. C'est évident.

Alors, ça, c'étaient les deux points sur lesquels je voulais peut-être attirer un peu votre attention, parce que je ne les ai pas traités dans mon mémoire. Si je reviens plus directement sur mon mémoire, mais en regroupant peut-être en deux groupes mes principales recommandations... Un certain nombre de recommandations visent à nous assurer que la municipalité – par municipalité, je veux dire que ce soit la communauté urbaine, la municipalité régionale, enfin, le secteur municipal – a vraiment tous les pouvoirs qu'il serait intéressant d'avoir pour que ça soit très fonctionnel. Bien entendu, ce cadre-là... Dans une société d'économie mixte, on n'a pas besoin d'utiliser tout, mais, si on se place du point de vue du cadre général qu'on est en train d'étudier, de s'assurer à l'avance qu'on ait à peu près tous les instruments ou tous les moyens nécessaires pour que ça soit fonctionnel. Alors, c'est pour ça, par exemple, que je recommande que – ça me semble que ce n'est pas envisagé à l'heure actuelle – les municipalités devraient pouvoir agir non seulement comme fondateurs, ce qui est carrément envisagé, mais aussi devenir actionnaires par la suite, une fois que la SEM est là. Et je pense... Une suggestion que je fais dans mon mémoire, c'est, lorsqu'une municipalité va requérir les services d'une SEM qui existe... C'est une chose qui va évoluer dans le temps. On a des fondateurs, au départ, mais, par la suite. Bon. Qu'une municipalité puisse se joindre à l'actionnariat par la suite. Alors, moi, je pense que ce n'est pas tout à fait prévu. Je suggère qu'on l'ajoute quelque part dans le bout de l'article 42, mais, enfin, il peut y avoir différentes solutions.

Maintenant, quand on parle qu'une société d'économie mixte pourrait être formée d'un mandataire, d'une entreprise privée et d'entreprises du secteur municipal, en fait des municipalités... Bon, d'abord, j'ai l'impression, non plus, qu'on n'a pas envisagé un mixte entre les trois. On a semblé exclure. S'il y a un mandataire, il n'y a pas de municipalité. Bon. Ça, il faut peut-être le prévoir. Et on a senti le besoin de dire: Lorsqu'une municipalité va être avec un mandataire, il faut qu'elle ait les pouvoirs – évidemment, s'ils se mettent ensemble – de ce mandataire-là. Moi, je dirais: Il faudrait peut-être préciser aussi que, lorsqu'une municipalité se joint à une entreprise commerciale ou industrielle, il faut s'assurer qu'elle ait les pouvoirs de faire du commercial et de l'industriel. Et, d'ailleurs, dans les premiers projets de loi d'intérêt privé, avec le Haut-Richelieu et les municipalités de Saint-Anselme, paroisse et village, évidemment, on a dû se poser la question: La municipalité confie des compétences qu'elle a d'habitude, mais, une fois qu'elle est dans cette SEM, est-ce qu'elle a vraiment toutes les compétences? Est-ce que les compétences qu'elle a habituellement, ça suffit? Alors, on a senti le besoin, dans les projets de loi d'intérêt privé, de préciser, notamment dans le Haut-Richelieu, qu'il fallait qu'elle ait des compétences en matière commerciale et industrielle.

(20 h 10)

Ensuite, toujours dans l'idée que les sociétés d'économie mixte aient tous, tous, tous les instruments, tous, tous les pouvoirs qui seraient utiles, on a précisé, par exemple, à l'article 36 ou 32, que la SEM pourra offrir des services à l'extérieur de son territoire. Enfin, c'est une excellente précision, parce que les municipalités ont compétence sur leur territoire propre. Maintenant, il faudrait s'assurer que les compétences, comme je vous dis, en matières commerciales et industrielles, elle peut les exercer à l'intérieur de son territoire. Enfin, il y a des précisions. Enfin, disons, pour le bénéfice de la présentation, je ne vous reporte pas exactement à tous les articles, parce que, de toute façon, le détail se retrouve dans mon mémoire.

Peut-être une autre remarque sur les pouvoirs qu'il faut s'assurer que la SEM ait. On est allé chercher les règles de tarification que les municipalités ont déjà. Je trouve que c'est excellent, aussi, parce qu'on connaît ça, on sait comment ça fonctionne. Alors, si jamais une SEM décidait de se rémunérer ou d'aller chercher ses argents par la tarification... Maintenant, une partie par tarification peut-être une partie par les taxes, les quote-parts ou les taxes municipales; ça va. Mais, dans certains projets où on pourrait y aller juste avec une tarification, est-ce que, à l'heure actuelle, la tarification prévue à la Loi sur la fiscalité municipale, est-ce qu'on peut... Parce que, la tarification, il faut que ce soit le prix, en tout cas, une saine administration, du point de vue municipal. Est-ce que la notion de profit est là-dedans? En tout cas, un profit... Il faut peut-être introduire une notion qui... Je pense que c'est excellent. On n'a pas à réinventer des règles du jeu qui sont très bien connues, mais, quand on va les chercher, s'assurer qu'on ait exactement ce qu'il nous faut pour les utiliser. En fait, ce que je vous dis là, je pense que c'est des pouvoirs importants pour la SEM. Ce sont des précisions ou des modifications qui ne sont pas très laborieuses, je pense, à apporter.

Maintenant, plusieurs de mes recommandations, c'est ce que j'appellerais la simplification de la prise de décision. Ça, il y en a toute une série. Et pour, disons, prendre une minute pour vous expliquer pourquoi on sent le besoin d'alléger, c'est qu'on a une définition, à l'article 2, ou, enfin, une précision qui nous dit que toute décision, approbation ou autorisation requise du fondateur, c'est requis de chaque municipalité qui fait ce groupe-là, de fondateur municipal.

Pour certaines décisions, c'est évident, signer une convention avec la SEM pour confier les pouvoirs ou décider qu'on va former une SEM, c'est sûr que chaque municipalité – si j'avais un regroupement de municipalités – doit se prononcer là-dessus. Par contre, lorsqu'on arrive dans les décisions de gestion, ce qui est habituellement laissé aux administrateurs, dire qu'il faut retourner au fondateur... Il faut réaliser que, là, il faut aller avec des résolutions aux conseils municipaux. Enfin, ça fait très très lourd. Alors, il y a toute une série de recommandations. Je pense qu'il y a d'autres intervenants qui vous ont fait un peu ce genre de recommandations là. Moi, je dirais que la règle, c'est: tout ce que les administrateurs ou le conseil – le conseil municipal mettons, de toute façon, ce sera représenté majoritairement – qu'on laisse ça entre les mains des administrateurs... Et, au besoin, les actionnaires, dans une convention d'actionnaires, nos municipalités, avec notre partenaire privé, pourront décider, comme actionnaires, de retenir certains pouvoirs. Alors, on a là toute la mécanique qu'il faut, sans que la loi vienne nous dire aussi souvent, disons, quand les fondateurs municipaux doivent se prononcer directement. En tout cas, disons que ça enlève beaucoup de marge de manoeuvre, là, pour des partenaires qui s'entendraient sur un fonctionnement plus souple. Si c'est inscrit dans la loi, évidemment, ça limite.

Alors, peut-être, j'arriverais à la conclusion. En tout cas, à mon sens, l'avant-projet de loi propose une structure qui est fonctionnelle, qui peut... Je pense qu'on a à peu près, on a une structure de base qui peut très bien fonctionner. Il y a des précisions, peut-être de la concordance, des décisions à prendre en termes de simplification, peut-être. Et je reprendrais un peu, je reviendrais sur ce que le ministre des Affaires municipales a dit dès l'ouverture, en disant: Ce n'est pas une compagnie partie 1A qu'on fait, c'est une nouvelle structure. En tout cas, personnellement, je suis tout à fait d'accord avec ça. C'est vraiment une nouvelle structure dans laquelle on va avoir un partenariat mixte. Maintenant, même si ce n'est pas une partie 1A, une compagnie partie 1A, je pense qu'il faut toujours se rappeler ce qui fait l'intérêt ou l'avantage de fonctionner en compagnie: la souplesse, la rapidité des décisions, la compétition. Je pense qu'on a déjà un certain nombre de choses dans l'avant-projet, mais il faut peut-être se rappeler encore plus ces principes-là. Et, d'un autre côté, ce n'est pas, non plus, une municipalité. Alors, même s'il y a une partie, il y a du capital public dans cette société d'économie mixte là, il faut quand même lui donner les chances d'avoir un fonctionnement suffisamment souple pour relever certains défis.

Le fait qu'il y a une partie privée, en tout cas, c'est ce qui semble justifier que le ministre se réserve un certain droit de regard sur certaines choses. Bon, je dirais: est-ce qu'il faut avoir un droit de regard sur toutes les choses qui sont là? Encore là, on peut peut-être enlever certaines interventions, de toute façon, que j'explique plus, j'élabore plus là-dessus dans mon mémoire. Je dirais, éventuellement, qu'on voit l'intervention du ministre comme très temporaire. Et je dirais, pour faire un compromis entre le fonctionnement du public, qu'on pense plutôt, éventuellement, à des contrôles a posteriori. Parce qu'on va dire: C'est des organismes qui doivent, qui devraient rendre compte parce qu'il y a du capital public, qu'on pense... Et ça, c'est à titre de suggestion, parce qu'il y a probablement de meilleures... enfin, on peut penser à d'autres solutions. Ce n'est pas nécessaire d'avoir ces solutions-là avant de passer à l'étape de l'adoption d'une loi. Par exemple, qu'on donne des pouvoirs aux vérificateurs de la compagnie, qu'on élargisse certains pouvoirs, enfin, mais des contrôles qui se feraient après. Sachant qu'il y a des contrôles qui viennent, il faudrait se fier, après ça, à la responsabilité des administrateurs et des fondateurs pour mener à bien l'entreprise et prendre toutes les garanties nécessaires pour que les bonnes décisions soient prises pour les services publics.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va?

Mme Beaulieu (Louise): Je vous remercie. Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Beaulieu. M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Merci, Mme la Présidente. D'abord, Mme Beaulieu, je suis très heureux de vous voir ici ce soir. Vous êtes particulièrement bien placée, je pense, pour donner un éclairage aux parlementaires étant donné que vous avez participé étroitement à la rédaction de trois projets d'intérêt privé sur quatre, qui sont déjà en vigueur présentement, dont celui de Saint-Anselme village et paroisse, dans Bellechasse.

Au cours des trois dernières journées, les parlementaires ont entendu toutes sortes de commentaires. Et, entre autres, il y en a un qui est revenu à quelques reprises, c'était la pertinence d'avoir un projet de loi cadre, alors que l'expérience des sociétés d'économie mixte qui existe, c'est une expérience récente. On nous a dit, dans certains cas, que c'était beaucoup trop rapide. Dans d'autres cas, on nous a dit qu'on avait des appréhensions à cause des contrôles nombreux, du manque de souplesse. Certains nous ont même décrit les sociétés d'économie mixte comme un véritable lieu propice à la magouille, aux combines douteuses, où le contribuable municipal serait le grand perdant. J'aimerais avoir vos réactions sur cette perception des choses par certains groupes qui vous ont précédée.

(20 h 20)

Mme Beaulieu (Louise): Disons que, concernant l'urgence, ça va être à vous, à la commission, de l'évaluer, au Parlement de l'évaluer. Mais, moi, ce que je vous dis, ce dont je suis certaine, vous avez déjà eu des projets de loi pilotes, quelques projets, vous allez en avoir d'autres, et à court terme. C'est évident, dans l'année qui vient, l'année prochaine, vous allez faire face à plusieurs projets, et, probablement, moi, je travaille sur quelques-uns, j'imagine qu'il y en a d'autres, je ne monopolise pas le travail à ce niveau-là. Donc, ça veut dire que vous allez être confrontés à plusieurs bons projets où on va voir des partenaires qui vont être décidés. Il va y avoir du financement pour le projet. Alors, vous allez être confrontés à des situations bien concrètes. Est-ce qu'on les autorise à la pièce? Évidemment, ça, c'est sur combien, je ne le sais pas, mais il va y en avoir un certain nombre. C'est sûr qu'il n'y a pas une grande expérience. Mais si vous me dites: Combien ça prendrait de temps pour avoir une meilleure expérience? Bien, dans 10 ans, on le saurait plus. Mais, dans 10 ans, on va avoir une vingtaine, une trentaine de projets. On peut continuer comme ça. Et, quand on aura la loi-cadre, on tiendra compte qu'il y en a... On aura une très bonne expérience, elle sera sûrement meilleure que celle qu'on a maintenant et on pourra faire la moyenne, l'évaluation des 30 ou 40 qui sont là. Je dis 30 ou 40, je dis ça, c'est tout à fait... Je veux dire que je n'exclus pas... Ce n'est pas impossible, parce que cette structure-là, on prévoit tout ce qu'il faut pour fonctionner, mais ça peut fonctionner, Saint-Anselme, où le projet n'a pas... Je veux dire, ce n'est pas les mêmes montants d'argent que dans d'autres projets, mais c'est une structure qui peut fonctionner. Et on peut s'entendre plus rapidement. Le projet peut être de moindre envergure ou de plus d'envergure. C'est un livre de recettes avec tout ce qu'il faut, mais on prend ce dont on a besoin. La convention d'actionnaires, elle peut être bien longue à négocier et elle peut être bien courte. Ça, ce n'est pas... Les difficultés ne sont pas sur la structure. Alors, ceux qui disent qu'on n'a pas... On ne peut pas dire qu'on a beaucoup d'expérience. On va dire que ceux qu'on a, par exemple, ceux qu'on a faits... Moi, je vois dans d'autres projets que... On a tout ce qu'il faut, à peu près. Je vous dis, tout ce qu'il faut, plus quelques petites modifications que je suggère, avec des ajustements. On a tout ce qu'il faut pour procéder et arriver... Et le succès d'un projet, pour dire: Est-ce que ça va être bon de même? On va dire, les compagnies, ça fait longtemps que ça existe. Et, quand une compagnie fait faillite, on «dit-u» que c'est parce que la Loi sur les compagnies n'est pas bonne? C'est parce qu'il y a des projets qui sont bons et d'autres qui sont moins bons, les circonstances sont moins favorables. C'est la conjoncture qui fait que le projet va réussir ou pas. Alors, je pense qu'on peut prendre un certain nombre de précautions. Ça ne veut pas dire que... Et c'est sûr que, les projets-pilotes, on avait quelques dispositions, juste ce qu'il faut pour fonctionner. Ça prend un encadrement un peu plus complet pour dire, envisager un ensemble de situations où tout le monde, toutes les municipalités seraient habilitées demain.

Enfin, je trouve qu'on a un projet de loi, évidemment, qui prévoit un peu plus de choses que ce qu'on avait au départ, mais c'est... Et je dirais que, là, il y a certaines choses... le peu d'expérience qu'on a, on en a déjà tenu compte.

M. Lachance: Justement, Mme Beaulieu, par rapport à ce à quoi vous avez participé comme rédaction de projets de loi d'intérêt privé, par rapport à l'avant-projet de loi que nous avons et pour lequel vous avez fait un certain nombre de suggestions ou de propositions d'ordre technique, dans les cas où vous avez été impliquée, si on avait eu ce projet de loi public, est-ce que vous auriez été mal à l'aise ou à l'étroit? Est-ce qu'il aurait manqué des choses? Est-ce que, par exemple, cette loi aurait pu répondre aux attentes de vos clients que sont les municipalités concernées?

Mme Beaulieu (Louise): Là, il y a beaucoup de contraintes. D'un certain côté, à mon sens, ce n'est pas beaucoup d'enlever les contraintes qui sont là. Mais, ces contraintes-là, ça peut faire toute la différence. Ça peut faire toute la différence, parce qu'il y a des approbations, en tout cas, il y a une multiplication d'approbations. Parce qu'il faut se rendre compte que c'est quand même assez complexe. On a toujours plusieurs intervenants quand on monte un projet de même, même dans l'hypothèse la plus simple. Alors, arriver à prendre une décision, à mettre tout le monde ensemble, tel que c'est là, ça aurait été difficile, et ça tient à peu de chose. Ça tient à certains contrôles, à certains délais, peut-être. Je n'exclus pas qu'il y aurait eu des gens assez déterminés pour passer à travers, mais disons que j'aime mieux avoir passé à travers avec les projets de loi privés. Disons que, là, j'avais un petit peu plus de marge de manoeuvre. Ha, ha, ha!

M. Lachance: Est-ce que vous êtes en train de nous dire que vous jugez excessif le nombre de contrôles qui apparaît dans l'avant-projet de loi publique?

Mme Beaulieu (Louise): Oui. Entre autres, le fait qu'on ne laisse pas... Il y a beaucoup de choses qui devraient apparaître dans la convention de l'actionnaire qui, de toute façon, comme c'est là, en tout cas, pourraient être approuvées par le ministre, en tout cas, pendant un certain temps. Bon. Alors, et je dis: de toute façon, les partenaires, là, ils sont obligés de s'entendre. Je veux bien croire qu'il pourrait arriver des... mais juste le fait de savoir qu'on... Il faut quelque chose qui satisfasse les deux parties. Les gens sont obligés de proposer quelque chose qui est raisonnable, jusqu'à un certain point. Je veux dire, c'est comme pour former n'importe quelle compagnie. Si, en partant, tu as proposé des affaires qui n'ont pas de bon sens, là, je veux dire, les gens sont assez matures pour savoir qu'ils ne se marieront pas longtemps de même, je veux dire, ça ne pourra pas aller loin. Donc, je ne veux pas vous dire que ça n'en prend pas, ça en prend, un cadre, là, mais il faut laisser plus de marge de manoeuvre, plus...

M. Lachance: Alors, si je comprends bien, il y a 1 400 et quelques municipalités au Québec, et il n'y aura pas précipitation d'un grand nombre de municipalités, d'après vous, pour se créer une société d'économie mixte.

Mme Beaulieu (Louise): Il va y en avoir un certain nombre. De toute façon, quand une municipalité veut confier une activité, la première chose à faire, ce n'est pas de dire: Je veux créer une SEM, là. Je veux dire, des fois, c'est comme ça que la question m'est posée. On veut créer une SEM, mais ce n'est pas... Il faut d'abord voir c'est quoi qui est confié et, ce qu'on veut faire, est-ce qu'on n'a pas déjà d'autres moyens plus traditionnels, disons. Et peut-être que la réponse est là. Je veux dire, la SEM, il faut être prêt à faire beaucoup de choses. Ce n'est pas la solution à tout. Mais il y en a quelques dizaines, peut-être, dans un terme...

M. Lachance: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, Mme la Présidente. Mme Beaulieu, d'abord, je vous félicite parce que je trouve ça extrêmement intéressant, votre mémoire. À l'article 42, vous suggérez une modification où vous amenez la possibilité qu'un autre partenaire municipal se joigne et détienne possiblement des actions. Et, quand on se réfère aux articles 13 et 14, alors, on voit les proportions d'actions détenues par le fondateur, qui doivent être de la moitié – attendez un peu – la moitié des actions de toutes catégories émises, puis aussi la question de la participation de l'associé, si je peux dire, provenant du secteur privé. Et comment est-ce que, idéalement, vous joueriez avec ces proportions pour intégrer un nouveau partenaire? Ça m'intrigue.

Mme Beaulieu (Louise): C'est-à-dire: que le secteur municipal ait la majorité, et peu importe qu'il s'ajoute... Je veux dire, le secteur municipal... On a juste à maintenir les proportions dans le futur, mais ne pas l'associer au fondateur, la majorité, l'associer au secteur municipal.

Mme Doyer: Secteur élargi.

Mme Beaulieu (Louise): Ce n'est pas nécessaire d'avoir été là la journée de la fondation pour faire partie du groupe municipal.

Mme Doyer: Ça veut dire que, peut-être, éventuellement, le fondateur municipal, le premier, baisserait son nombre d'actions pour intégrer...

Mme Beaulieu (Louise): Ou on en émet des nouvelles...

Mme Doyer: ...le nouvel associé... Vous ajoutez...

Mme Beaulieu (Louise): ...et on dit, dans la convention d'actionnaires, il faut maintenir la proportion. Vous savez, ça, c'est facile à...

Mme Doyer: O.K. Comme dans n'importe quelle entreprise.

Mme Beaulieu (Louise): Moi, je le verrais comme groupe, ne pas imposer au premier qui a été là de toujours conserver absolument, lui, enfin, que cet organisme-là ait les 51 %, ce n'est pas... S'il y tient, il pourra toujours, là, comprenez-vous? Il n'y a personne qui va l'obliger.

Mme Doyer: Ça va.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Mme la députée de Jean-Talon?

Mme Delisle: Non, non, le ministre...

La Présidente (Mme Bélanger): Une petite question?

M. Trudel: Alors, Mme Beaulieu, écoutez, vous avez indiqué tantôt, vous disiez: On pourrait énumérer un certain nombre de contrôles qui pourraient être réalisés a posteriori.

Mme Beaulieu (Louise): Je veux dire que, par exemple, les approbations que vous faites, là, des statuts...

M. Trudel: Oui, conventions des actionnaires...

Mme Beaulieu (Louise): ...mettons, les statuts, c'est peut-être... Les conventions d'actionnaires, modifications des règlements, transmettre les états financiers, enfin, toute une série d'informations sur le caractère financier de... L'objectif de ça, on pourrait dire... En tout cas, au niveau des projets-pilotes, quand on avait parlé de ça, au tout début, on disait: Bien, là, ça va nous permettre d'observer – nous, je parle... c'est-à-dire que c'est un «nous» qui ne m'inclut pas, là, c'est le ministère – ça va nous permettre d'observer ce qui se passe dans ces sociétés-là.

(20 h 30)

Dans le futur, pourquoi transmettre des informations? C'est dans l'optique de redresser des situations qui s'en iraient, qui s'annonceraient peut-être problématiques. Plutôt que de faire toutes ces transmissions-là ou de soumettre à l'approbation chaque fois qu'il y a une modification – c'était juste un exemple, là, parce qu'il y a peut-être de meilleures solutions que ça – qu'il y ait un examen. Je dis: Le vérificateur, parce que les livres, on les fait vérifier une fois par année. Ça veut dire, une fois qu'on examine l'ensemble des finances, s'il y a des redressements, s'il y a des... que le vérificateur puisse faire autre chose que constater l'état... C'est une suggestion. C'est ça que j'appelle un contrôle a posteriori, c'est-à-dire que les municipalités, avec leurs partenaires, mettraient les choses en place. Mais qu'il y ait une forme quelconque d'examen devant un organisme qui n'existe peut-être pas encore, ou un organisme qui existe, qui aurait la meilleure compétence, ça... Je pense qu'on n'a pas... C'est une question qu'on doit envisager, à mon sens.

Si le ministre se conserve quelque approbation, quelque droit de regard, on peut vivre un bout de temps comme ça, là. Mais, éventuellement, le contrôle qui est exercé directement par le ministre pourrait être renvoyé à une commission. Mais je vous dis: a posteriori. Comme ça, les municipalités disent: Faites-nous confiance. Je veux dire, on irait avec le souhait d'autonomie des municipalités. Par contre, il y a comme une possibilité qu'éventuellement, bien, il y ait un organisme ou une façon d'examiner. Parce que c'est une compagnie privée, et je pense que c'est important que ce soit une compagnie privée, donc, ses états financiers ne sont pas... Ce n'est pas l'idée que ça soit soumis, là, je dirais, à la discussion de la population, parce que, là, la partie privée ne sera pas d'accord. Mais qu'il y ait un tiers quelconque qui puisse intervenir, examiner, faire des recommandations au ministre ou... Je n'ai pas élaboré cette... Je vous dis, je vous la présente, elle n'est pas dans mon mémoire.

M. Trudel: Enfin, je comprends ce que vous voulez dire. Il faut être prudent, cependant, là, hein? Ce n'est pas... On ne demande pas la transmission d'informations parce qu'on veut faire une étude statistique sur le bon ou mauvais comportement des SEM, là. Ce sont des demandes d'informations pour des autorisations. C'est pour mettre une certaine distance, si vous voulez, pour s'assurer qu'on est en matière d'entreprises publiques qui s'allient au privé, là. Ce n'est pas uniquement privé, comme vous souligniez bien...

Mme Beaulieu (Louise): Oui, oui.

M. Trudel: ...que je l'avais dit à l'entrée. Alors, ces principes-là, ils correspondent à cela aussi, il faut protéger l'intérêt public. Vous allez me dire peut-être: est-ce que les élus municipaux ne sont pas suffisamment mandatés et responsables pour le faire? À tout le moins, des bretelles par-dessus la ceinture pour la première période, là, ça ne m'apparaît pas abusif. Parce que, écoutez, vous savez ce qu'on met là-dedans. Ça veut dire qu'on ouvre au secteur privé les secteurs d'activité qui diminuent sensiblement le risque pour le secteur privé, puisque ce qu'on va confier à une SEM comme objet de travail, comme objet pour sa constitution, c'est un service qui demeure, de toute façon, garanti, en quelque sorte, par une municipalité, un corps public, avec un pouvoir de taxation.

Supposons, techniquement, qu'il y a abandon des affaires par une SEM pour quelque raison que ce soit, la municipalité va devoir assumer les responsabilités, la continuité, la suite des choses. Alors, ce n'est pas négligeable, ça, auprès des institutions financières, par exemple, qui auront à financer des sociétés d'économie mixte, auxquelles on fera appel pour avoir du financement. Alors, ça demeure, à cet égard-là, un certain nombre, oui, de contrôles, il faut le dire, pour être bien sûr que l'intérêt public est protégé, tout comme vous le souligniez bien, là, au niveau de la tarification.

Hier, on s'est obstinés un peu sur la notion de bénéfice: est-ce que c'est un tarif qui doit refléter le bénéfice qu'en retire le citoyen ou un tarif qui permet de retirer des bénéfices pour l'entreprise? C'est, admettons, très différent. Mais vos mises en garde sont intéressantes, on va regarder ça de très près. Merci, Mme Beaulieu.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, Mme Beaulieu. Je pense que vous me voyez plus confuse que je l'étais au début. J'aimerais revenir sur une affirmation que vous avez faite tout à l'heure. Vous avez dit: C'est une nouvelle structure, ce n'est pas une compagnie. Par contre, on dit bien, dans l'article 1, que toute municipalité ou toute communauté urbaine peut se joindre à tout autre fondateur pour constituer, conformément à la partie 1A de la Loi sur les compagnies... Bon. Le reste, vous le connaissez puisque vous avez participé à la rédaction des projets de loi; en tout cas, dans trois sur quatre des projets de loi privés.

Il y a évidemment confusion dans la tête de nombreuses personnes. Pour les ou le fondateur municipal, bon, c'est clair que c'est le fondateur municipal qui, lui, comme on l'a mentionné à plusieurs reprises aujourd'hui, cherche évidemment des façons novatrices de dispenser des services, de livrer des services à meilleur coût, bon, à ses contribuables, donc aux citoyens. L'entreprise privée y va aussi de ses propres objectifs, qui sont tout aussi louables, mais qui n'ont pas nécessairement la même mission dans la vie. Alors, comment ça se fait qu'il règne encore cette confusion dans la tête de bien des gens? C'est une compagnie ou bien ça n'en est pas une?

Mme Beaulieu (Louise): C'est une compagnie avec quelques règles supplémentaires. On ajoute quelques règles supplémentaires parce qu'il y a une partie publique dedans. Disons... On peut résumer ça de même. Le fonctionnement de base, c'est une compagnie avec quelques contrôles qu'on n'a pas dans une compagnie ordinaire. Puis je pense qu'ils sont inévitables; on ne peut pas fonctionner uniquement comme une compagnie sans aucun... Parce que, là, on dit «mixte». Je veux dire que c'est là la différence et c'est ça qui justifie. Maintenant, ça justifie qu'il y ait certains contrôles, mais, là, c'est comme une question d'équilibre, on va dire. Pour que ça soit fonctionnel, pour que ça soit utile, il faut qu'il y en ait, mais pour que la partie privée, par exemple, accepte, trouve que c'est intéressant... Si la partie privée se met au service du public... Je pense bien qu'il n'y en aura pas beaucoup. C'est une espèce d'équilibre qui est précaire, qui est délicat. C'est pour ça que je vous dis qu'en enlevant quelques contrôles je pense que ça peut fonctionner, il y a du privé qui va marcher là-dedans.

Mme Delisle: Un autre élément. Vous soulevez, justement, qu'il y a beaucoup de contrôles et que vous croyez qu'il y en a certains qui sont peut-être excessifs. Mon mot «excessif» est peut-être un peu fort. Est-ce que vous voyez ces contrôles-là davantage parce que ça crée une lourdeur administrative? On sait que l'Assemblée nationale a voté sur des allégements de contrôle ministériel lors d'une dernière session. On s'apprête, je pense, à le faire dans la prochaine. Est-ce que c'est parce que vous trouvez que ça crée une lourdeur, donc des délais qui ne sont pas nécessaires, alors que les gens sont bien assez matures pour prendre des décisions et qu'ils n'ont pas besoin de ce surplus d'encadrement là? Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous le dites?

Mme Beaulieu (Louise): Oui, parce que c'est une compagnie qui va opérer, là, qui a des responsabilités bien précises. Alors, le temps de décision est très important. Alors, de prendre un mois ou deux pour décider si on va, oui, faire telle ou telle chose, c'est capital. C'est parce que le temps, c'est de l'argent. C'est le cas de le dire. Et plus il y a des personnes qui interviennent... c'est le nombre de personnes qui interviennent dans la décision aussi. C'est non seulement une question de délai, mais de nombre. Et de retourner, comme ça, au fondateur municipal, c'est comme si quelqu'un qui a 3 % dans une entreprise a quasiment un droit de veto, peut paralyser l'entreprise parce qu'il n'est pas d'accord. Ce n'est pas une manière fonctionnelle. Ça va coûter cher de fonctionner comme ça, là. C'est parce que ça va représenter des coûts aussi au bout du compte.

Mme Delisle: Me Beaulieu, si vous n'aviez pas participé à la rédaction des projets-pilotes et si, aujourd'hui, on avait sur la table un projet de loi tel que l'avant-projet de loi déposé ici, est-ce que vous auriez pu réaliser vos... Prenons celui de la MRC du Haut-Richelieu, ou celle de Saint-Anselme, ou celle de Saint-Romuald. Auriez-vous pu les réaliser telles quelles, avec l'avant-projet de loi qu'on a sur la table?

Mme Beaulieu (Louise): Non. J'ai des doutes. J'ai des doutes, parce que ça aurait été... On aurait peut-être pu commencer. Mettons qu'on n'aurait pas tout vu, c'est-à-dire qu'on n'aurait pas tout lu, qu'on n'aurait pas tout vu par où il fallait passer, on aurait peut-être pu commencer les statuts et, après ça... Mais, dans la gestion de l'opération, je ne sais pas... On se serait lancés dans une affaire...

Mme Delisle: O.K.

Mme Beaulieu (Louise): Parce qu'il faut vraiment que les administrateurs puissent prendre des décisions. Et ça, je vous dis que les municipalités... C'est parce que ça fait beaucoup de monde à convaincre, c'est quelque chose de nouveau, c'est bien évident. Les municipalités, il va falloir qu'elles fonctionnent avec leurs administrateurs.

(20 h 40)

Mme Delisle: Est-ce qu'on vous a consultée, Me Beaulieu, avant de rédiger l'avant-projet de loi?

Mme Beaulieu (Louise): Je dirais indirectement, dans le sens qu'on a travaillé, j'ai travaillé, par exemple, avec le ministère pour les projets de loi d'intérêt privé. Alors, en ce sens-là, on a échangé et on a discuté, et on a dû présenter des documents pour approbation. Donc, il y a eu tout un échange, et je pense bien que le ministère a profité... et je reconnais certaines choses, là, qu'on a eues dans les conventions, des documents qu'on a transmis. Il y a des choses qui ont... Le ministère a utilisé les premiers projets. Maintenant, je pense que, voulant faire une loi-cadre, là, voulant arriver à une loi plus générale, bien, j'ai l'impression qu'ils en ont mis... En tout cas, ils ont pris plus de précautions que moins, disons.

Mme Delisle: Hormis les contrôles, supposons qu'ils sont éliminés, les contrôles que vous trouvez de trop, là, moi, quand je regarde le projet de loi qui a été adopté – j'ai celui de la MRC du Haut-Richelieu, je n'ai pas les trois autres avec moi – quand je vois celui de la MRC du Haut-Richelieu, avec Compo-Sortium, c'est vraiment très spécifique, on va dans les détails en ce qui regarde les responsabilités des partenaires, et aussi dans la mission que s'est donnée, les objectifs que s'est donnée la SEM avant, pendant et après. Je pense que si, demain matin, Compo-Sortium souhaitait aller vendre des sous-produits ou fabriquer des sous-produits de déchets, je prends cet exemple-là, ils n'ont pas besoin de revenir devant qui que ce soit, leurs responsabilités sont déjà incluses dans le projet de loi. Je ne me trompe pas, je pense, en disant ça.

Mme Beaulieu (Louise): Oui, oui.

Mme Delisle: Alors, l'avant-projet de loi qu'on a devant nous m'apparaît large, dans le sens où on tente, évidemment, de circonscrire probablement plusieurs éléments ou plusieurs responsabilités, mais nulle part ne retrouve-t-on, dans cet avant-projet de loi là – peut-être que je me trompe, parce qu'il y a quand même des éléments qui sont techniques, vous pourrez me corriger, ça ne me dérange pas du tout – la possibilité pour une SEM qui serait créée à partir de cet avant-projet de loi, la possibilité d'aller «at large», tous azimuts, n'importe où, là.

Mme Beaulieu (Louise): C'est pour ça que je recommande, pour être bien sûr, parce que, dans une loi-cadre qui va habiliter toutes les municipalités, je pense que, là, il faut y aller de manière plus générale...

Mme Delisle: Pour celle-là.

Mme Beaulieu (Louise): ...que les lois d'intérêt privé. Et c'est pour ça que je recommande de bien s'assurer que les responsabilités, là, les compétences qui vont être confiées à la SEM, qu'on puisse y aller en matières commerciales et industrielles, qu'on le précise. À mon sens, il suffit de dire ça et on va s'assurer, là, de la préoccupation que vous avez.

Mme Delisle: De l'ouverture, O.K. Ça va, je vous remercie beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, Me Beaulieu. Il n'y a pas d'autres questions? Non. Alors, nos allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 45)

(Reprise à 20 h 47)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Nous sommes toujours à procéder à la consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte. Je demanderais à la ville de Saint-Antoine, représentée par M. le maire, Normand Plouffe, et le directeur général, M. Serge Forget, ainsi que M. Léonard Castagner, ingénieur, directeur des services techniques, de bien vouloir s'approcher à la table.

Alors, bienvenue, messieurs. Vous êtes ici, je pense, depuis un certain temps; vous connaissez la méthode de fonctionnement. Alors, 20 minutes pour présenter votre mémoire et 20 minutes de chaque côté de la table pour la discussion par la suite. Alors, M. le maire, vous avez la parole.


Ville de Saint-Antoine

M. Plouffe (Normand): Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le ministre, membres de la commission, d'abord, permettez-moi, au nom du conseil municipal de la ville de Saint-Antoine et aussi des cadres de la ville, de vous remercier d'avoir bien voulu accepter notre invitation à venir parler de cet avant-projet de loi concernant les sociétés d'économie mixte. Aussi, je voudrais spécifier, avant de parler du mémoire comme tel, que nous avons l'appui aussi de villes qui sont autour de chez nous et qui travaillent actuellement dans le projet d'assainissement des eaux du grand Saint-Jérôme métropolitain. Nous avons copies de résolutions des villes concernant le mémoire, la prise de position de la ville.

Alors, la ville de Saint-Antoine est une ville récente, incorporée en 1967, située dans les Basses-Laurentides, entre Mirabel et Saint-Jérôme. Sa population est de près de 11 200 personnes, ce qui la situe au troisième rang de la MRC de La Rivière-du-Nord. Récemment, en 1987, la ville s'est associée aux villes de Saint-Jérôme, Bellefeuille et Lafontaine dans la signature avec le ministre des Affaires municipales d'une convention de principe en vue de préparer les études préliminaires pour l'assainissement des eaux de la région dans le cadre du Programme d'assainissement des eaux du Québec. Suite à ces études, un projet représentant une somme importante d'immobilisation, plus de 63 000 000 $ – pour être plus précis, c'est 64 000 000 $ actuellement – a été déposé aux villes dans le cadre du programme PADEM.

La ville de Saint-Antoine, de concert avec les autres villes participant au projet d'assainissement, a étudié d'autres avenues de gestion que la gestion traditionnelle de sorte à réduire à la fois les coûts d'immobilisation et les coûts d'exploitation également. Dans cette approche, il est essentiel pour les villes de ne pas surcharger leur service de dette pour un seul et unique projet, tout autant prioritaire qu'il soit. Ainsi donc, la possibilité de la création d'une société d'économie mixte, entre autres, est envisagée très sérieusement par le groupe des villes comme pouvant répondre à l'objectif ci-haut mentionné. Nous avons donc analysé avec intérêt l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Notre analyse nous amène à conclure qu'il y manque un élément essentiel pour le rendre pleinement fonctionnel et à l'épreuve de toute critique des citoyens. Cet élément essentiel est l'absence totale de critères dans l'avant-projet de loi quant à la méthode du choix du partenaire commercial ou industriel provenant du secteur privé.

D'ailleurs, je voudrais, entre parenthèses, mentionner qu'il y a eu un comité de formé, lorsqu'il y a eu les premiers projets-pilotes auxquels ont travaillé des gens, deux personnes: une personne, plus précisément, du ministère des Affaires municipales, et aussi on avait mis au courant le directeur de l'assainissement urbain, M. Jacques Simon. Il y avait également l'ingénieur de la ville de Saint-Jérôme, l'ingénieur de la ville chez nous ainsi que deux professeurs d'université qui sont des spécialistes dans ce genre de travail. Et nous avons fait un devis de qualification, avec les critères sur la préqualification et également sur le devis de performance. Je sais, M. le ministre, que le ministère des Affaires municipales aurait des copies de ce document. Si vous ne l'avez pas, ça nous fera plaisir de vous le remettre.

Dans le cadre de l'avant-projet de loi, seulement deux articles traitent du choix du partenaire. Toute municipalité ou toute communauté urbaine peut se joindre à tout autre fondateur pour constituer, conformément à la partie 1A de la Loi sur les compagnies, une société d'économie mixte dont l'activité est définie dans une convention prévue au chapitre II. Et l'article 13 mentionne également: «Au moins un des fondateurs auxquels un fondateur municipal peut se joindre conformément à l'article 1 doit être une personne qui exploite une entreprise à caractère commercial ou industriel dans le secteur privé et dont la participation au capital-actions de la société d'économie mixte ne peut être inférieure à 20 % ou doit être une compagnie à fonds social qui est mandataire du gouvernement.» Pour des villes, comme celles de notre région, impliquées dans l'assainissement où le partenaire du secteur privé n'est pas défini à l'avance, le choix du bon partenaire devient une opération cruciale, comme nous en ont avisé les responsables de la SEM Compo-Haut-Richelieu inc.

(20 h 50)

Nous croyons que le choix d'un partenaire ne peut être fait au hasard mais bien sur des critères solides et objectifs de compétence dans les domaines spécifiques où la municipalité entend orienter sa délégation. Ces critères doivent mettre les élus à l'abri de l'arbitraire d'un choix à base d'influence politique. Les citoyens, surtout s'ils sont taxés par la SEM, comme le prévoit l'avant-projet de loi, veulent s'assurer de l'équité, de l'intégrité et de la transparence de ce choix. Les villes ont tout avantage à mettre en concurrence les divers partenaires potentiels et ainsi profiter des meilleures offres de partenariat. Ainsi, si le jeu est clair, si les règles sont équitables, des partenaires intéressants, valables, seront attirés et présenteront alors une offre dans les meilleurs intérêts de nos contribuables.

Nous proposons donc que la sélection du partenaire se fasse obligatoirement à travers un processus qui puisse mettre en valeur les qualités et compétences que la ou les municipalités recherchent. Ce processus devra être clairement inscrit dans la loi et pourrait se faire en trois étapes:

Critères. La ville établit ses critères de qualité et de compétence requis pour qu'une entreprise devienne partenaire. Alors, on a une grille, à l'intérieur du document, que nous avons travaillée, où c'est basé sur 211 points, où à l'intérieur de ça on voit tout l'historique, la fiabilité financière, l'expérience pertinente dans le domaine que les villes veulent déléguer, et ainsi de suite. C'est à l'intérieur, sur une grille de 211 points, et aussi sur la provenance de ces compagnies-là. Alors, plus elles sont près du milieu, mieux elles sont chiffrées, si vous voulez.

Préqualification. Les entreprises démontrent au travers d'une offre de qualification leur potentiel.

Offre de services. Les meilleurs entrepreneurs qui répondent aux qualifications requises font une offre formelle de partenariat à la ville. Cette dernière choisit la plus avantageuse.

Cette procédure courte, en trois étapes, permet aux villes d'éviter l'arbitraire dans le choix, et met les élus municipaux à l'abri d'influences indues, et rassurera les citoyens sur la transparence du choix, et attirera des entreprises sérieuses.

Trop de mini-centrales hydroélectriques ont été accordées de façon questionnable pour que les milieux municipaux se permettent de jouer dans un tel bourbier.

Les municipalités ne s'intéressent généralement au partenariat privé-public que lorsqu'elles y voient un avantage financier certain pour leurs commettants. Dans l'avant-projet de loi proposé, les villes doivent toujours fournir au moins 50 % du capital-actions. Pour ce faire, elles devront emprunter lesdites sommes ou fournir des biens de valeur équivalente. Cette dette demeurera toujours un emprunt de la ville et apparaîtra comme tel aux états financiers. De plus, si la SEM emprunte, la ville devra, en pratique, garantir sa portion de ladite dette et les élus deviennent responsables des créances de la SEM. Comment cet engagement sera-t-il évalué dans l'analyse financière de la ville et comment sera-t-elle présentée aux citoyens?

Les articles 39 et 40 présentent certaines ambiguïtés concernant l'octroi des contrats de gestion, terme très vague dans l'avant-projet de loi et sans définition. Il permet a priori d'englober une vaste panoplie de contrats. N'y aurait-il pas lieu de préciser si, oui ou non, les SEM sont tenues de procéder par appel d'offres public? Si oui, dans quel contexte? Sinon, en fixer les balises.

En conclusion, la ville de Saint-Antoine est d'avis que ce projet est un pas vers l'avant dans une nouvelle approche de la gestion municipale si des règles d'équité et d'intégrité sont incluses dans le choix du partenaire et si ce projet ne vise pas à contourner certaines obligations de transparence inhérentes à la gestion municipale et réclamées par un nombre de plus en plus grand de nos citoyens. Nous croyons que ces règles contribueront à assainir les finances publiques sans en vendre les meubles. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Plouffe. M. le ministre.

M. Trudel: Oui. M. Plouffe, M. le maire de Saint-Antoine, avec vos officiers municipaux, ça nous fait plaisir de vous accueillir ce soir. On voit que vous avez une préoccupation pratique. Si j'ai bien compris, donc, vous vous intéressez à la formule au point de dire: Notre projet de 63 000 000 $, on aimerait peut-être le réaliser à l'intérieur d'une société d'économie mixte. C'est ça?

M. Plouffe (Normand): Oui. Oui, M. le ministre.

M. Trudel: Alors, comme les lettres ont déjà été signées, là, juste nous donner quelle proportion va être financée par subvention du gouvernement? Et quelle partie va être financée par les municipalités? Est-ce que vous le savez par coeur?

M. Plouffe (Normand): Oui, à 85 %.

M. Trudel: O.K. Alors, en gros, une dizaine de millions de votre côté.

M. Plouffe (Normand): Sur 64 000 000 $, oui, à peu près.

M. Trudel: Bon. Est-ce que vous vous êtes déjà engagés dans la recherche d'un partenaire financier, éventuellement, dans votre idée d'avoir une SEM?

M. Plouffe (Normand): Non, pas encore, compte tenu qu'on est encore juste à l'avant-projet. On voulait voir aussi la pertinence. On avait évalué d'autres avenues aussi. La SEM n'était qu'une avenue parmi... Il y avait encore le mode traditionnel, parce que, là, à un moment donné, on se posait des questions. On a travaillé aussi sur le BOT ou le Clé en main.

M. Trudel: Bon. BOT?

M. Plouffe (Normand): Ah, c'est: Bâtir, opérer, transférer.

M. Trudel: Ah, Clé en main.

M. Plouffe (Normand): C'est ça.

M. Trudel: O.K. Bon. À partir de ce que vous nous dites dans votre mémoire, là, vous nous indiquez que vous avez une préférence pour que le législateur oblige à des appels d'offres ou, à tout le moins, à des critères pour la sélection du partenaire financier. Du partenaire privé, pardon, dans la SEM. Mais, actuellement, là, le projet de loi n'empêche pas cela de la part de la municipalité ou des municipalités concernées. Vous préférez que ce soit imposé par le législateur parce que vous pensez qu'il y a trop de passes westerns qui vont se passer du côté des éventuelles sélections, là?

M. Plouffe (Normand): En vue d'éviter la possibilité qu'il y en ait quelque part, on dit: Bon, tous les projets devraient passer par cette préqualification de façon aussi à attirer... Des fois, ce n'est pas nécessairement juste une question d'un partenaire qui est choisi, des fois, nous ne connaissons pas toutes les compagnies qui peuvent, justement, par leur expertise, leur soutien financier ou autre... Alors, à ce moment-là, en allant en appel d'offres, on va chercher d'autres expertises qu'on ne connaît pas.

Dans la suite qu'on a eue avec ce document-là, on a eu plusieurs compagnies qui sont venues nous rencontrer, qui se proposent de faire des genres de consortiums. Moi, je ne connaissais aucunement l'existence de ces gens-là, et autant mon directeur des services techniques qui a travaillé sur le comité, et le directeur général aussi. Alors, à ce moment-là, ça nous a permis de connaître d'autres entreprises au Québec qui travaillaient dans le dossier.

Parce que, n'oubliez pas qu'en assainissement des eaux, c'est le premier projet qu'on fait. Chez nous, on a fait un intercepteur, en 1985, pour régler un problème de salubrité, mais c'était un intercepteur, ce n'était pas une usine d'épuration régionale. C'était un montant d'environ 1 300 000 $, en 1983-1984, ce n'était pas énorme. Là, c'est un projet de 64 000 000 $, n'incluant pas l'achat des terrains pour des étangs aérés. Donc, à ce moment-là, c'est pas mal plus gros.

Alors, c'est pour ça qu'on veut avoir des paramètres, pour éviter ce que j'ai lu à travers la presse dans d'autres exemples. C'était de la privatisation, mais c'en est une partie à l'intérieur de ce projet-là pareil. On fait affaire avec l'entreprise privée. Donc, qu'est-ce qui va me dire, moi, que la compagnie XYZ est meilleure et que je dois la choisir sans appel d'offres par rapport à la compagnie ABC qui vient d'une autre région et dont je ne connais même pas l'existence, ni l'expertise, ni le professionnalisme?

M. Trudel: Bon, alors, dans le fond, quand vous nous dites: Il faudrait fixer obligatoirement des critères pour faire la sélection, ce que vous nous indiquez plutôt, là, c'est la nécessité de l'appel d'offres.

M. Plouffe (Normand): Oui.

M. Trudel: Qu'on procède par appel d'offres pour le partenaire.

M. Plouffe (Normand): Exactement.

M. Trudel: Pour le partenaire privé.

M. Plouffe (Normand): Exactement. Alors, le premier, là... Il peut y en avoir 30, 40, 50 qui vont se proposer à la suite de la grille que, nous, on a travaillée, à ce moment-là, en collaboration avec les autres villes. Ça a été présenté aux quatre villes. D'ailleurs, c'est les logos des quatre villes qui sont dessus. C'est un travail qui a été fait de longue haleine, qui a été suivi par des gens du ministère des Affaires municipales, dont M. Gendron et M. Jacques...

(21 heures)

Une voix: Simon.

M. Plouffe (Normand): ...Jacques Simon. Alors, à ce moment-là, on a été constamment en relation avec eux pour voir si on était dans la bonne voie. Moi, ma part, c'est toujours: Pourquoi je choisirais la compagnie X par rapport à la compagnie Y? Puis, pour le citoyen aussi, après, il va dire: Pourquoi tu as choisi X? Je voudrais avoir des raisons de dire: J'ai choisi X pour telle, telle et telle raisons. Il a fait tel projet dans telle ville, qui a telle valeur, il y a cinq ans. Ça fonctionne. Ça a répondu aux normes du ministère de l'Environnement dans le temps. Mais, maintenant, la responsabilité de l'assainissement des eaux est dévolue au ministère des Affaires municipales. Là on peut avoir quelque chose. Parce qu'on veut se mettre à l'abri d'influences indues.

M. Trudel: À la page 4 de votre mémoire, là, il s'agit probablement d'une méprise au niveau de l'écriture en français, là: «Ces critères doivent mettre les élus à l'abri de l'arbitraire – ce que vous venez de dire – d'un choix à base d'influence politique. Les citoyens, surtout s'ils sont taxés par la SEM»... Vous savez que ça ne peut pas être le cas, ce n'est pas la SEM qui va taxer, c'est les municipalités qui vont fixer la tarification, hein, et qui...

M. Plouffe (Normand): Oui, exactement. C'est ça. C'est ce qu'on a voulu dire.

M. Trudel: Ah bon! O.K.

M. Plouffe (Normand): Il y a une erreur ici.

M. Trudel: Parce qu'il ne faut pas qu'il y ait de méprise, là.

M. Plouffe (Normand): Non, non, non. Ce n'est pas la SEM. On avait peut-être en tête aussi la possibilité qu'elle tarife, que la SEM tarife aussi.

M. Trudel: Ah bon! Je vais revenir un petit peu en arrière. Comme ça, on vous courtise pour les eaux usées...

M. Plouffe (Normand): Il est évident.

M. Trudel: Bon. Et si vous aviez à qualifier ça, parce que, ça, c'est un objet extrêmement important du projet de loi, de l'avant-projet de loi... On ne l'a pas indiqué jusqu'à maintenant, parce qu'on peut prendre la double optique, une ou l'autre des deux optiques, de dire: les municipalités se fixeront des critères, pourraient procéder par appel d'offres, il n'y a rien qui les empêche de faire cela. Vous, ce que vous dites, c'est... Est-ce que vous le dites à l'expérience que vous avez eue, cette affirmation-là? C'est-à-dire que vous vous êtes fait courtiser puis, maintenant, vous dites: Avec le genre de fréquentations que nous avons, ce serait mieux d'avoir des critères publics fixes, déterminés?

M. Plouffe (Normand): Non, ce n'est pas nécessairement ça. C'est de faire le bon choix guidé sur des critères qui sont objectifs. C'est sûr qu'on développe avec des gens, à un moment donné, des affinités, que ce soit au niveau de nos professionnels ou autres. Des fois, il y a des projets, bon, puis souvent, bon, quand on veut savoir la qualité d'un professionnel, on va lui donner un petit mandat, on va voir comment il fonctionne puis, graduellement, si ça va bien... Parce que, là, il y a une question de confiance là-dedans aussi. Mais, dans un projet de cet ordre-là, je me demande si je pourrais, si je pouvais, si je n'avais pas ces grilles-là, choisir le... Je me poserais toujours la question si j'ai fait le bon choix.

M. Trudel: Puisque vous y songez, donc, pour faire le traitement des eaux usées du grand Saint-Jérôme – je fais allusion à rien, évidemment, hein – avec Lafontaine d'un bord, Bellefeuille de l'autre bord de l'autoroute, puis Saint-Antoine, vous autres qui êtes quand même la banlieue la plus nombreuse de Saint-Jérôme... il va être difficilement question de tarification, puisqu'on est en matière d'eaux usées. Ce serait difficile de tarifier ce service-là. Est-ce que ça va être les municipalités participantes qui vont assurer, en quelque sorte, le financement de l'opération ou d'une partie de l'opération avec le partenaire privé? Parce que je vois difficilement comment on va tarifier pour traiter l'eau usée. Enfin, si vous avez trouvé une méthode et découvert... dites-le moi.

M. Plouffe (Normand): Non, je n'en ai pas trouvé, sauf qu'à travers le projet d'entente... comme de la régie – parce que, là, on est aux avis de motion et à la création de la régie – à ce moment-là, il est évident que, par les charges ou n'importe quoi, on a des pourcentages, des quotes-parts à payer. Alors, je pense qu'il va falloir les inclure, parce que c'est comme ça qu'il faut que ça fonctionne.

M. Trudel: Ça, c'est au niveau de la construction, là?

M. Plouffe (Normand): Oui.

M. Trudel: Bon. Mais quand elle va être...

M. Plouffe (Normand): Mais, au niveau de l'opération, c'est les débits qui rentrent à l'usine. C'est basé là-dessus. Moi, si mes débits qui sont à l'usine représentent 25 %, je paye 25 % des coûts d'opération.

M. Trudel: Ça va pour chacune des unités municipales.

M. Plouffe (Normand): Oui.

M. Trudel: Vous ne pourriez pas tarifier citoyens ou entreprises.

M. Plouffe (Normand): Ah! non, non. Je ne pense pas.

M. Trudel: Parce que vous ne savez pas d'où ça vient.

M. Plouffe (Normand): Non. Sauf que, dans l'avant-projet de loi...

M. Trudel: Bon. Alors, donc...

M. Plouffe (Normand): ...on peut parler de tarification. Mais, moi, je suis bien mal à l'aise avec la tarification parce que, à l'intérieur, c'est la SEM qui décréterait la tarification.

M. Trudel: Comment?

Mme Delisle: Bien...

M. Trudel: Vas-y. Vas-y.

Mme Delisle: Ça ne vous dérange pas?

M. Trudel: Non, non, allez-y, allez-y.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: M. le maire, juste pour compléter la question de M. le ministre sur, justement, votre projet à vous autres, sur la tarification. Si, effectivement, la ville ne peut pas tarifer le débit, c'est la SEM qui va devoir tarifer le débit. J'essaie de me rappeler, dans une autre vie, comment ça marchait. Mais la tarification, c'était au débit, c'était au «meter», là.

M. Plouffe (Normand): Ça, c'est l'eau potable.

M. Trudel: L'eau potable.

M. Plouffe (Normand): L'eau potable...

Mme Delisle: Oui, mais on était facturé comment?

Une voix: ...

Mme Delisle: Non, les eaux usées?

M. Trudel: Bien, c'est pour ça que je suis un peu curieux, c'est le tarif en pareille matière. Mme la Présidente, on ne se chicanera pas.

Mme Delisle: Non, non, c'est correct, je lui redonne la parole.

La Présidente (Mme Bélanger): Je pense que la discussion se fait autour de la table.

M. Trudel: Mesurez le temps total...

Mme Delisle: Non, non, c'est correct.

M. Trudel: ...puis vous fermerez l'alimentation en eau quand ce sera terminé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ce que je veux signifier, c'est que la tarification, Mme la députée de Jean-Talon, elle peut être faite, en quelque sorte, aux municipalités participantes, 25 %, 40 %, 30 %. Mais ce que je voulais dire, c'est: On ne peut pas les tarifier, les utilisateurs.

Mme Delisle: Non.

M. Plouffe (Normand): M. le ministre, en France, actuellement, il y a une tarification pour l'eau potable et une tarification pour les eaux usées aussi. Vous avez deux compteurs, je pense.

Une voix: Ou le même compteur sert les deux...

M. Plouffe (Normand): C'est le même compteur qui sert pour les deux?

Une voix: Oui.

M. Trudel: Bon. On n'embarquera pas dans la technique. Ce que je veux signifier par là, ou l'information que je veux avoir, c'est donc, en théorie, du moins à ce moment-ci, les quatre municipalités participantes qui vont contribuer à payer les frais d'opération de l'usine de traitement des eaux usées.

M. Plouffe (Normand): Exactement.

M. Trudel: Ce sont donc elles qui vont verser dans l'entreprise les parties de revenu annuel qui vont contribuer à faire le profit du secteur privé qui va s'être rallié avec vous. Vous comprenez? Les revenus de cette entreprise-là, ils vont venir essentiellement des contributions des quatre municipalités, et les revenus des quatre municipalités vont servir, entre autres, à dégager, pour la partie privée, le rendement sur le capital. C'est bien comme ça que ça devrait se passer?

M. Plouffe (Normand): Oui, c'est ça.

M. Trudel: Bon. Comment on va faire pour s'entendre, en quelque sorte, sur le taux à charger à chacune des municipalités, ou le prix, ou la quote-part de chacune des municipalités? Puisque, là, ce ne sera pas la notion du bénéfice obtenu en termes de services qui va compter, mais il va falloir y ajouter la question du bénéfice à l'entreprise privée. Avez-vous songé à ce problème, mettons, complexe et délicat?

M. Plouffe (Normand): Non, nous, on n'avait pas beaucoup travaillé au niveau de la tarification de la SEM, comme tel. On avait regardé aussi l'avenue qu'était le contrat clé en main, et le contrat clé en main, à ce moment-là, c'est que le mandataire, si vous voulez, le concessionnaire, lui, nous donne un montant pour construire, opérer et nous transférer au bout de 10 ans, 15 ans ou 20 ans. Donc, à ce moment-là, on lui verse aussi un montant annuel qui est une partie pour les immobilisations et une partie pour l'opération et, au bout de 20 ans, la régie en devient propriétaire. Alors, la SEM, c'est tout nouveau pour nous. Il y a beaucoup de questions. Vous en avez une très bonne, je peux vous le dire. On n'a pas pensé juste à ça.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Limoilou... pas M. Limoilou, mais M. le député de Limoilou a la réponse, supposément...

M. Plouffe (Normand): Il a la réponse. Parfait.

M. Trudel: L'ex-président de la CUQ va nous dire ça.

M. Rivard: Voici. En tant qu'ex-président de la Communauté urbaine de Québec, je peux vous dire qu'à la Communauté urbaine de Québec les villes paient selon le débit. Il y a un compteur dans chacune des municipalités, et on va du reculons; à titre d'exemple, celui qui est plus à l'ouest, Val-Bélair; lorsqu'on arrive au deuxième, Loretteville, c'est un moins l'autre; et, finalement, Québec est le dernier, et elles paient selon le gallonnage. Il y a une formule pour l'opération puis il y a une formule pour le financement.

M. Plouffe (Normand): Exactement.

M. Rivard: Le financement se fait sur la valeur foncière des municipalités et l'opération selon le débit, ce qui me semble être très juste.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Trudel: Je comprends que c'est le détour, mais il y avait aussi... c'est la façon de fixer, mais il y avait aussi le taux à fixer par l'arrière... le taux, à ce moment-là, à la CUQ, on n'a pas à se préoccuper du bénéfice du privé dans l'entreprise commune. C'est le bénéfice pour les municipalités.

(21 h 10)

M. Rivard: C'est rencontrer tout simplement les coûts réels pour ne pas qu'il y ait un déficit de la part de la CUQ qui soit réparti sur la quote-part. Et c'est pareil, je pense, c'est la logique... C'est une taxe de service, donc c'est facturé selon le débit.

M. Trudel: J'avais une autre...

M. Plouffe (Normand): M. le ministre, si vous permettez.

M. Trudel: Oui.

M. Plouffe (Normand): Justement, j'ai peut-être un éclaircissement là-dessus. C'est que les cinq derniers ou les sept derniers qui sont choisis pour faire vraiment leur devis de performance et mettre l'offre sur la table doivent nous signifier à quel prix, au gallon, ils vont opérer l'usine. Donc, à partir de là, comme le député de Limoilou dit, comme, nous, on a dans l'usine de filtration ou autre... on paye selon les immobilisations, le débit réservé pour l'immobilisation, et on paye pour les frais d'opération, sur ce qu'on prend ou qu'on va faire épurer, si vous voulez. Alors, si la capacité de l'usine dans l'année est de 100 000 000 m³ et que, nous, on en prend 20 000 000, bien, c'est 20 % qu'on paiera dans les frais au tarif que celui qui va avoir la soumission va nous avoir indiqué. S'il nous dit qu'il épure les eaux à 2,25 $ du 1 000 gallons, bien...

M. Trudel: On ne rentrera pas dans ce détail-là non plus à ce niveau-là, parce que là vous me semblez parler de la formule où vous confiez, clé en main, un service à l'entreprise privée. Ce n'est pas de ça qu'on parle.

M. Plouffe (Normand): Non, non, non.

M. Trudel: On parle d'un joint venture où vous allez avoir à confier ça à un privé, vous allez vous confier ça à vous-mêmes.

M. le maire Plouffe, de Saint-Antoine, il y a quelqu'un cet après-midi, certainement une mauvaise langue, qui a dit que la création de SEM, ça pouvait aller ou ça pouvait être un moyen détourné pour s'empêcher, en quelque sorte, de se fusionner avec Saint-Jérôme, Bellefeuille et Lafontaine.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ça, vous ne croyez pas ça cinq minutes, vous, là?

M. Plouffe (Normand): Jamais.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ce n'est pas l'opinion de la Chambre de commerce de Saint-Jérôme non plus?

M. Plouffe (Normand): Non.

M. Trudel: Non? Si peu?

M. Plouffe (Normand): Ils ont leurs intérêts, on a les nôtres.

M. Trudel: Écoutez, le fond de la question là-dessus, c'est: Est-ce que vous croyez que cette formule qui permet à plusieurs municipalités de se regrouper, c'est un pas vers, oui, une certaine unification ou remembrement municipal et que ça peut favoriser – puis je sais très bien, M. le maire, que vous êtes dans un processus de questionnement intense et qu'on vous courtise beaucoup, parce que Bellefeuille est une municipalité avec beaucoup d'attraits... Mais est-ce que vous pensez que cette formule-là peut contribuer à faire en sorte que nos unités municipales plus grandes pourraient, par ailleurs, être bien contrôlées par les citoyens... parce que les sociétés d'économie mixte, là, ce n'est pas non plus des sociétés qui s'en vont, comme ça, dans le champ, complètement à part des règles démocratiques. On fixe des règles qui permettent aux citoyens, par exemple, de faire des demandes de référendum. Somme toute, est-ce que ça peut favoriser les regroupements?

M. Plouffe (Normand): On a déjà une expérience, qui est la Régie intermunicipale de police Saint-Jérôme métropolitain, mais, comme elle s'est faite sur une base volontaire, c'est pour ça que ça marche bien. C'est tout ce que je peux dire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: La SEM, là, c'est sur une base volontaire aussi, alors...

M. Plouffe (Normand): Ça se pourrait.

M. Trudel: Le restant à l'avenant.

M. Plouffe (Normand): C'est ça.

M. Trudel: Merci beaucoup, M. le maire.

M. Plouffe (Normand): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. le maire et messieurs aussi. Je suis un petit peu étonnée de voir que votre... vous avez certainement cheminé, c'est certain, mais que la création de la SEM, ce n'est pas encore fait, alors que, si je ne m'abuse, le projet de loi...

Une voix: La régie.

Mme Delisle: Pardon?

Une voix: La régie.

Mme Delisle: Non, mais le projet de loi, il y a un projet de loi qui vous a...

M. Plouffe (Normand): Au niveau de la SEM?

Mme Delisle: Oui.

M. Plouffe (Normand): Non, il n'y a rien de fait encore.

Mme Delisle: Ah non! vous autres, vous n'en avez pas eu un.

M. Plouffe (Normand): Non.

Mme Delisle: Ah bon! Excusez-moi, je vous mêle avec quelqu'un d'autre.

M. Plouffe (Normand): Oui.

Mme Delisle: Excusez-moi. Vous êtes en processus de réflexion sur la possibilité...

M. Plouffe (Normand): Sur la façon dont on va faire le projet d'assainissement.

Mme Delisle: O.K. Vous ne faisiez pas partie des projets-pilotes.

M. Plouffe (Normand): Non. Non, madame.

Mme Delisle: Pardon. Je m'excuse. Excusez, l'heure tardive...

M. Plouffe (Normand): De rien.

Mme Delisle: ...et les plusieurs heures d'écoute de mémoires... Je m'en excuse. Alors, dans le choix de vos partenaires, de votre partenaire, je trouve ça intéressant, ce que vous dites. On est tous pour la vertu et on peut se donner des règles de transparence et des règles de conduite sur la table puis, finalement, pour empêcher les gens de pouvoir nous critiquer puis aussi pour être responsables et honnêtes. Mais il n'en demeure pas moins qu'en bout de piste, malgré tous vos critères, vous allez devoir en choisir un...

M. Plouffe (Normand): Oui.

Mme Delisle: ...à moins que, dans vos critères, vous disiez: Bien, on va prendre celui qui va nous coûter le moins cher. C'est parce que ce n'est pas nécessairement celui qui va coûter le moins cher qui va vous donner exactement ce que vous voulez. On a tous des exemples. Moi, j'ai déjà porté le même chapeau que vous puis je peux vous dire que le plus bas soumissionnaire n'a pas toujours rendu service à la ville. Bon. Je ne dis pas que c'est dans tous les cas. Il y a bien des fois qu'on aurait aimé mieux obtenir l'autorisation du ministre pour passer au deuxième parce que le premier, le plus bas, on l'avait eu dans les pattes deux ans avant puis on n'avait pas trouvé qu'il avait fait une si bonne job que ça. Ceci étant dit, vous passez au travers de vos critères de compétence, vos critères de sélection, etc., mais vous allez devoir quand même choisir. À quelque part, il y aura toujours quelqu'un pour vous accuser d'avoir choisi A, B, C plutôt que X, Y ou Z.

Je voudrais vous demander, M. le maire: Si la compagnie qui rencontrait tous vos critères, l'entreprise privée qui rencontrait tous vos critères, était une compagnie étrangère... parce qu'on en a discuté, je ne sais pas si vous étiez dans la salle cet après-midi...

M. Plouffe (Normand): Malheureusement non.

Mme Delisle: ...il a été question aussi de: Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on limite ça à des compagnies québécoises, à des compagnies canadiennes? Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on limite, par contre, l'apport ou le support financier des compagnies étrangères? Vous verriez ça comment dans votre dossier, vous? S'il y avait une compagnie allemande, mettons – je n'en ai pas en tête, là – qui rencontrait tous vos critères?

M. Plouffe (Normand): Dans le devis, dans l'appel d'offres, à l'avis de qualification, on mentionne que sont considérées les offres de service des entrepreneurs ayant au Québec, en Ontario ou au Nouveau-Brunswick, depuis au moins deux ans, des installations permanentes, des équipements et du personnel requis pour exécuter les travaux. Et c'est très clair dedans.

Mme Delisle: O.K.

M. Plouffe (Normand): Et il y a aussi, dans la grille de 211 points, un endroit... Il y a plusieurs places, autant dans l'avis de qualification de l'entrepreneur, c'est marqué «retombées territoriales»; dans la conception, «la proximité territoriale»; dans les critères, «la proximité»... À toutes les places, le territoire, on veut faire bénéficier des gens de chez nous...

Mme Delisle: Parfait.

M. Plouffe (Normand): ...et créer des emplois chez nous...

Mme Delisle: Parfait.

M. Plouffe (Normand): ...et que l'argent reste chez nous.

Mme Delisle: O.K.

M. Plouffe (Normand): C'est clair. Et, dans tout le dossier, vous l'auriez, tout est là.

Mme Delisle: Je suis bien contente de vous l'entendre dire. Évidemment, je n'ai pas vu ce cahier-là, mais, si vous avez 211 critères, je pense que, quand vous aurez passé au travers de tout ça, on ne pourra certainement pas vous accuser de ne pas être transparent.

M. Plouffe (Normand): Mme la députée, la grille est de 211 points, il y a 23 critères.

Mme Delisle: O.K. Parfait.

Concernant le projet de loi comme tel – j'imagine que vous l'avez regardé, l'avant-projet de loi –

évidemment, ça touche... il y a plusieurs éléments qui ont été abordés par quelques-uns des intervenants. Évidemment, vous autres, vous vous associeriez, d'après ce que je peux voir, avec certaines villes, qui deviendraient le fondateur municipal, et une compagnie X.

M. Plouffe (Normand): Nous sommes en train de créer la régie intermunicipale des eaux.

Mme Delisle: Bon. La question du droit de retrait, une question qui, je pense, chatouille beaucoup l'UMRCQ. Il y en a d'autres qui en ont parlé. L'entreprise privée y a fait référence à certains moments durant nos audiences. Vous avez fait une réflexion là-dessus? Est-ce que vous aimeriez, si vous l'avez faite, la partager avec nous? Est-ce que vous voyez ça comme un frein à une initiative de création de SEM ou de partenariat, puisque vous n'avez pas encore une SEM? Est-ce que c'est une entrave pour vous autres, ça?

M. Plouffe (Normand): Oui, c'est une source d'inquiétude, c'est évident.

Mme Delisle: Il faudrait, j'imagine, que, dans votre... Vous, évidemment, vous ne faites pas partie... Faites-vous partie d'une MRC, monsieur?

M. Plouffe (Normand): Oui, la MRC de La Rivière-du-Nord.

Mme Delisle: Bon. Alors, si c'est une association qui est en dehors de la MRC, donc avec trois villes, vous ne seriez pas soumis, évidemment, à la question du droit de retrait?

M. Plouffe (Normand): Non.

Mme Delisle: Bon. Est-ce qu'il y a une raison pour laquelle vous ne vous associez pas avec la MRC?

M. Plouffe (Normand): C'est que le projet, c'est que c'est une nouvelle responsabilité pour nous que l'assainissement des eaux et ça ne concerne que quatre villes.

Mme Delisle: Parfait.

(21 h 20)

M. Plouffe (Normand): La MRC comprend neuf villes. Il y a des villes là-dedans qui n'ont pas de système d'égout généralisé à travers la municipalité. Il y en a qui sont très loin aussi; elles sont plus éloignées du centre. Le coeur de la MRC, c'est la région de Saint-Jérôme, autant Bellefeuille à l'ouest, Saint-Antoine au sud, Lafontaine au nord et Saint-Jérôme dans le milieu.

Mme Delisle: J'aurais une dernière question, à moins que tu en aies une, toi.

M. Gauvin: Une petite.

Mme Delisle: Croyez-vous, et là je veux revenir au citoyen, au citoyen qui doit quand même être au coeur de nos discussions, parce que, finalement, cet outil-là serait donné par l'Assemblée nationale pour vous permettre à la fois de diminuer vos coûts et de donner aussi un excellent service aux contribuables... Est-ce que vous croyez que cette notion de compagnie que serait la SEM peut vous nuire dans la création de la SEM, dans le sens où les citoyens auraient de la difficulté à comprendre ce mariage ou ce partenariat entreprise privée-fondateur municipal? Pensez-vous qu'on est prêts, comme citoyens, à embarquer là-dedans?

M. Plouffe (Normand): Je pense que le citoyen, tout ce qu'il veut au bout, c'est d'avoir le meilleur service possible au moindre coût possible. C'est comme là, lorsqu'on parle de régie de police, ou qu'on parle de MRC... La MRC, je ne sais pas combien ça fait d'années qu'elle est là, mais ça doit faire au moins 15 ans. Je suis en politique depuis 1982, et la MRC existait. Il y a encore des gens, en 1996, qui ne savent même pas ce que c'est, une MRC, parmi nos citoyens. Ça fait qu'une SEM, déjà, nous, on se questionne beaucoup là-dessus, alors ça va prendre des années. Tout ce qu'il veut au bout, le citoyen, c'est d'avoir le meilleur service au moindre coût possible. La régie de police, ça a été la même chose. Chez nous, j'avais un système, qu'on dit chromé, entre guillemets, où les gens avaient un excellent, un excellent service, et eux autres, dans la régie, même si j'économisais 200 000 $, 300 000 $ au bout de l'année, c'était d'avoir un très, très bon service. Ils ont continué d'avoir la même sécurité qu'ils avaient. Pour eux, c'est ça qui était important. D'ailleurs, dans des sondages qu'on a faits au niveau de l'UMQ pour savoir quel était le service que les gens ne voulaient pas qu'on coupe, c'était la sécurité publique qui était le numéro un, et les loisirs, le dernier.

Mme Delisle: Il faut dire que la sécurité publique, c'est toujours, je pense, le dernier bastion qui tombe dans nos municipalités.

M. Plouffe (Normand): D'ailleurs, dans nos engagements de la table municipale au complet, dans les engagements sur la famille, on parle de la ville sécuritaire comme un engagement qui vient du milieu municipal.

Mme Delisle: Dernière petite rapide, M. le maire. Si vous aviez à créer votre SEM aujourd'hui avec les critères... Vous avez, évidemment, parlé de ce qui vous agaçait le plus, vous avez touché surtout le choix du partenaire et la transparence. Mais est-ce que l'ensemble de l'avant-projet de loi tel qu'il est présenté vous permettrait de créer la SEM que vous souhaitez voir mise sur pied? D'après vous?

M. Plouffe (Normand): Moi, je dirais que oui. Aussi, je voudrais féliciter le ministère, parce que j'avais rencontré M. Chevrette, alors qu'il était ministre, lors de la conférence qu'il avait donnée au mois de novembre, je pense que c'était le 2 novembre, à Montréal, et je lui avais donné la préoccupation de la protection des élus, aussi, à l'intérieur de cette nouvelle structure là. Pour nous, c'était préoccupant aussi, autant que, pour nous, le choix du partenaire. J'en avais déjà fait mention.

Mme Delisle: Je vous remercie, M. le maire.

M. Plouffe (Normand): Merci, Mme Delisle.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le député de Montmagny.

M. Gauvin: Une courte question. Ce serait peut-être un peu se répéter, mais ma question va être très courte. Êtes-vous confiants de pouvoir intéresser le privé dans une SEM pour des services comme ceux que vous avez à donner, soit l'assainissement des eaux? Où ils vont voir leur intérêt?

M. Plouffe (Normand): Je pense que, M. le député, je pourrais vous répondre qu'il y a à peu près 30 consortiums...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Plouffe (Normand): ...qui nous courent après actuellement...

Une voix: On peut toutes les nommer.

M. Plouffe (Normand): ...et qui essaient de nous séduire.

M. Gauvin: Ils voient déjà de l'intérêt.

M. Plouffe (Normand): Tout le monde a le meilleur système, la meilleure équipe pour travailler avec nous. Ça fait que c'est ça. S'il y en avait une ou deux, ce serait peut-être moins difficile. On est allé voir sur le marché financier aussi, avec des gens de la haute finance, et c'est sûr et certain qu'une compagnie, demain matin, un consortium qui serait capable de le faire n'aurait aucun problème à aller chercher le financement.

M. Gauvin: C'était le pourquoi de votre... d'entrée de jeu, vous avez exprimé votre inquiétude pour la grille de sélection.

M. Plouffe (Normand): C'est ça.

M. Gauvin: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Vas-y.

M. Trudel: Sur les complémentaires, ça veut dire que, si vous formez votre SEM avec les règles actuelles, les règles de l'avant-projet de loi, donc, cette société mixte, cette SEM va posséder un équipement aux environs de 64 000 000 $. Et 85 % de cet équipement est payé par un parrain, un bon parrain, le Québec.

M. Plouffe (Normand): D'ailleurs, qu'on remercie!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Bon! On se remercie tous, là, hein!

M. Plouffe (Normand): Mais je peux vous dire juste une chose, M. le ministre. Demain matin, si les quatre villes allaient en règlement d'emprunt pour 64 000 000 $, je pense que ça ne passerait pas.

M. Trudel: Bon. Est-ce que cela signifie que, pour votre partenaire privé, vous allez lui demander de financer 49 % du 15 % restant? Ce qui donnerait à peu près quelque chose comme 2 000 000 $, 3 000 000 $... 3 000 000 $. Vous savez que le projet de loi oblige à avoir un apport en capital de 20 % de la SEM. Je ne veux pas vous coincer dans les chiffres, et tout ça. Qu'est-ce que vous allez faire avec les 10 autres millions? Allez-vous les redonner au gouvernement du Québec?

M. Plouffe (Normand): Je pense que, M. le ministre, au départ, le financement global, il est fait par la régie qui fait les travaux et le gouvernement va nous remettre le 85 % à raison d'annuités pendant 20 ans de temps. Comme, nous, on va être obligés de rembourser pendant 20 ans notre portion de règlements qui sont municipaux, qui viennent des municipalités, alors c'est la SEM qui va emprunter le 64 000 000 $ sur le marché et qui va rembourser par année et qui va avoir de revenus la partie d'annuités de chacune des villes plus du gouvernement sur l'apport, comme on fait dans divers projets avec le gouvernement. Nous, le projet qu'on avait, c'était la SQAE qui l'avait financé dans le temps. On paie pendant 20 ans à la SQAE des annuités pour payer notre intercepteur que nous avons bâti en 1983-1984.

M. Trudel: La SEM devient, à ce moment-là, une société de gestion, à toutes fins utiles.

M. Plouffe (Normand): Oui. C'est la compagnie qui...

M. Trudel: Qui va gérer.

M. Plouffe (Normand): ...qui gère, qui opère, qui fait les remboursements d'argent, etc.

M. Trudel: Très bien. Merci des informations.

M. Plouffe (Normand): Merci, M. le ministre.

M. Trudel: Merci pour votre déplacement...

M. Plouffe (Normand): Ça nous a fait plaisir.

M. Trudel: ...et pour nous apporter cet intérêt pratique à notre projet de loi.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Plouffe, M. Forget et M. Castagner. Alors, la commission ajourne ses travaux au mercredi, le 13 mars 1996, à 14 heures.

(Fin de la séance à 21 h 28)


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