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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mercredi 13 mars 1996 - Vol. 34 N° 52

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Rémy Trudel
Mme Margaret F. Delisle
M. Gabriel-Yvan Gagnon
M. André Pelletier
M. Robert Benoit
*M. Gilles Vaillancourt, UMQ
*M. Michel Vézina, SPPMM
*M. Richard Arteau, idem
*Mme Jocelyne Habra, COMAQ
*M. Gabriel Michaud, idem
*M. Henri Massé, FTQ–SCFP
*M. Gilles Charland, idem
*M. Denis Maynard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures douze minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): Je déclare la séance de la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: M. Cherry (Saint-Laurent) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon) et M. Thérien (Bertrand) est remplacé par M. MacMillan (Papineau).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la secrétaire.

Alors, aujourd'hui, notre ordre du jour: à 14 h 10, l'Union des municipalités du Québec, représentée par M. le maire et président de l'UMQ, M. Gilles Vaillancourt; à 15 h 10, le Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal, représenté par M. Michel Vézina, président; à 16 heures, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec, représentée par Mme Jocelyne Habra, présidente et greffière de la ville de Côte–Saint-Luc; et, à 17 heures, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et Syndicat canadien de la fonction publique. Alors, l'ordre du jour est adopté.

M. le maire, bienvenue. Comme ce n'est pas la première fois que vous vous présentez, vous connaissez sûrement les règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation et il y aura, par la suite, le questionnement du côté ministériel et du côté de l'opposition pendant 20 minutes.


Auditions


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Vaillancourt (Gilles): Alors, Mme la Présidente, merci de votre accueil et merci du rappel que vous venez de me faire des lois qui vous gouvernent. M. le ministre des Affaires municipales...

La Présidente (Mme Bélanger): Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Vaillancourt (Gilles): Je commence, madame. Ma compagne, à ma gauche, Mme Ann Bigué, avocate, et, à ma droite, M. Jean Therrien, qui est un permanent de l'Union.

Alors, Mme la Présidente, M. le ministre des Affaires municipales, Mmes et MM. les membres de la commission, l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal témoigne de la volonté du gouvernement du Québec d'ouvrir aux municipalités la voie des partenariats public-privé.

En tant que principal regroupement québécois de municipalités locales, de MRC et de communautés urbaines, l'Union des municipalités du Québec est concernée au premier chef par la mise en place de telles formules de partenariat. C'est donc avec enthousiasme et dans le meilleur intérêt de nos citoyens que nous souhaitons contribuer à la réflexion actuelle sur le sujet.

La possibilité pour les municipalités de développer un maillage avec le secteur privé dans la gestion et l'exploitation de certains services publics représente à nos yeux une avenue privilégiée d'amélioration des services à la population dans un contexte de ressources budgétaires qui, elles, sont de plus en plus limitées.

Sans être une panacée à tous les maux engendrés par la crise des finances publiques, cette nouvelle approche de prestation de services publics offrira tout d'abord aux municipalités la possibilité d'avoir accès à de nouvelles sources de capitaux. En outre, en s'adjoignant des compétences externes, elles optimiseront leur potentiel de gestion de certaines activités. Dans l'ensemble, l'UMQ souscrit aux balises tracées par le législateur en ce qui a trait aux champs d'activité, aux obligations et aux pouvoirs particuliers des sociétés d'économie mixte.

De fait, l'intérêt des municipalités n'est pas de concurrencer les entreprises privées, mais bien plutôt de bénéficier de leur expertise dans la prestation de services publics afin d'offrir de meilleurs services à un meilleur coût. Il ne faudrait pas, via ce nouveau véhicule, étatiser en les municipalisant des activités économiques qui doivent rester autonomes. Nous souscrivons aussi entièrement au principe de la non-diversification des activités d'une SEM, qui doit être nécessairement constituée pour un objet spécifique.

Quant aux règles de constitution et d'organisation de la SEM, nous adhérons totalement à ces grands principes que nous avons nous-mêmes défendus à plusieurs occasions. Cependant, si le respect des règles démocratiques impose au fondateur municipal de jouer un rôle prédominant au sein de la nouvelle entreprise publique-privée, il ne faut pas perdre de vue que l'un des objectifs premiers de la création d'une SEM est d'inciter les entreprises privées à s'associer aux municipalités pour la gestion d'activités municipales. Conséquemment, il est primordial que le partenaire privé puisse occuper une place importante dans la SEM; autrement, il sera très difficile de l'amener à prendre une participation dans cette entreprise.

Des réserves s'imposent donc relativement aux règles de constitution et d'organisation d'une SEM telles qu'elles ont été définies dans l'avant-projet de loi. Dans un premier temps, l'avant-projet de loi prévoit un nombre impressionnant de consentements et d'autorisations à obtenir du ministre des Affaires municipales. Cette façon de faire s'oppose à la tendance actuelle qui va plutôt dans le sens d'un allégement des contrôles imposés aux municipalités par le gouvernement. Nous sommes d'avis, à l'UMQ, que le gouvernement devrait déterminer par règlement les directives selon lesquelles le ministre exercera sa discrétion et le cadre administratif entourant les contrôles au sein du ministère. Les partenaires publics et privés désireux de s'engager dans des initiatives conjointes bénéficieraient ainsi de certaines lignes directrices.

Le bât blesse également au chapitre des aspects fiscaux. Constituée obligatoirement en vertu de la Loi sur les compagnies, la société d'économie mixte sera soumise généralement au régime fiscal applicable aux corporations privées. Nous croyons que les conséquences fiscales pour le fondateur municipal peuvent être très importantes. C'est pourquoi nous estimons qu'il serait utile d'insérer dans la loi-cadre des dispositions afin de mettre le fondateur municipal à l'abri d'un impôt sur le revenu et, entre autres, de la taxe sur le capital.

Nous avons également été étonnés de constater que l'avant-projet de loi ne traite aucunement des questions de continuation des contrats d'emploi et des conventions collectives dans le cas d'une activité municipale cédée à une société d'économie mixte, cette question est pourtant déterminante pour l'avenir des SEM.

La réflexion entreprise par le gouvernement sur ce type de partenariat public-privé constitue une excellente occasion de revoir toute la question du transfert de l'unité d'accréditation et de la convention collective dans le contexte municipal. Un assouplissement à cet égard doit absolument être envisagé par le législateur.

L'Union est cependant heureuse de constater que le législateur a pris très au sérieux la question de la responsabilité des administrateurs. À propos des conflits d'intérêts, l'avant-projet de loi reste néanmoins muet advenant le cas où l'élu municipal a des actions, des parts ou des intérêts dans l'un des fondateurs du secteur privé se joignant ainsi à la municipalité. Des précisions s'imposent donc à ce sujet.

Nous croyons fermement, à l'Union des municipalités du Québec, que la réussite des sociétés d'économie mixte au Québec est étroitement liée aux règles de transparence qui devront s'appliquer à ce véhicule alliant les intérêts publics et les intérêts privés. Il est capital que ces règles soient clairement établies et permettent au citoyen d'être en mesure de bien apprécier le fonctionnement et la gestion de la société d'économie mixte. Nous exposons clairement dans notre mémoire les éléments qui, selon nous, devraient présider à la définition de ces dites règles.

En conclusion, cet avant-projet de loi répond, à plusieurs égards, aux attentes de l'Union des municipalités, notamment en ce qui concerne la protection qui est accordée aux élus. Toutefois, la grande discrétion conférée au ministre de même que les coûts et les délais associés au contrôle que ce dernier exercera risquent malheureusement de décourager tant l'entreprise privée que la municipalité à créer une SEM. Pourquoi, en effet, se lancerait-il ou se lancerait-elle dans un partenariat assorti d'un tel manque de flexibilité et d'autonomie?

(14 h 20)

En terminant, nous tenons à rappeler au législateur que la société d'économie mixte est une formule de partenariat public-privé parmi bien d'autres. Et si elle comporte plusieurs avantages, dont celui de permettre à la municipalité de garder un contrôle important sur l'activité, il existe tout de même plusieurs types de partenariat qui pourraient s'avérer parfois moins complexes à développer.

Le gouvernement doit, par conséquent, viser plus large que le concept de société d'économie mixte et élargir le plus rapidement possible la gamme des formules de partenariat accessibles aux municipalités afin qu'elles puissent bénéficier de toute la souplesse dont elles ont un urgent besoin pour offrir toujours de meilleurs services à un meilleur coût. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Vaillancourt.

M. Vaillancourt (Gilles): Vous avez remarqué que nous n'avons pas abusé de notre 20 minutes.

La Présidente (Mme Bélanger): Mais non, 10 minutes seulement.

M. Vaillancourt (Gilles): Et voilà.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, il y aura plus long pour le questionnement. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Merci de votre présentation, comme dirait la présidente de la commission, M. le maire et président de l'Union des municipalités du Québec, parce que c'est d'abord à ce titre que vous êtes ici, c'est-à-dire le titre qui détermine la qualification pour présider l'Union des municipalités du Québec, de nous présenter, donc, ce que vous voyez à l'intérieur de cet avant-projet de loi, parce qu'il est important de le noter, que c'est un avant-projet de loi.

Une présentation brève qui souligne bien cependant les écueils que sont les nôtres dans ce projet de loi ou, à l'étape où nous en sommes, les écueils que nous devrons éviter ou les balises que nous devrons poser pour s'assurer d'une réussite. Parce qu'on n'est pas uniquement en train de dessiner un outil, un instrument pour la définition, l'organisation et la dispensation de services publics, mais également des services publics à un moindre coût au niveau municipal. Donc, il faut bien tailler l'outil, bien tailler l'instrument, et c'est un virage majeur à l'égard de l'organisation, de la distribution et de la livraison de ce genre de service au plan municipal.

Je note d'abord, donc, l'intérêt et l'appui de l'Union des municipalités du Québec pour cette ouverture pour la formule. Et on va écouter, M. le président, les avertissements ou ce que vous nous dites au niveau des balises et on va essayer de vérifier ça ensemble, ce que ça peut vouloir dire au niveau des ajouts essentiels qu'il faudra réaliser pour poursuivre le projet de loi et son adoption éventuelle, nous l'espérons bien, d'ici la fin de juin.

Au sujet du choix du partenaire dans le couple, dans la société d'économie mixte, le projet de loi actuel ne prévoit pas de règles formelles, strictes, à l'égard du choix de ce partenaire. C'est un peu un marché libre. Le gouvernement municipal, les gouvernements municipaux concernés pourraient dire: Nous autres, à l'égard de tel objet, nous cherchons un partenaire avec tel type de qualités, surtout des qualités financières, s'entend, entre autres, et nous voulons choisir le meilleur.

Et, par ailleurs, M. le président, vous nous dites: Les contrôles du ministre, là, c'est peut-être un petit peu... Enfin, vous dites qu'il faudrait – on les regardera tantôt aussi – mettre ça dans un règlement. Vous dites que, là-dessus, il ne faudrait pas trop y aller pesant, parce que ça ne va pas dans le sens du mouvement de l'allégement et de la responsabilité au niveau des gouvernements municipaux.

En clair, qu'est-ce qu'on fait avec cette question du choix du partenaire privé? Et, avec tout ce qu'on sait dans le contexte actuel, c'est quoi, l'avis de l'Union des municipalités du Québec à l'égard de la notion de choix du partenaire privé dans une société d'économie mixte pour les services municipaux?

M. Vaillancourt (Gilles): Il est à peu près impossible de faire des soumissions publiques basées sur le prix, tel qu'on le fait pour la construction de plusieurs ouvrages, pour choisir un partenaire, mais il est tout à fait possible de faire des appels de propositions, des appels de candidatures et, à travers un processus qui, quand même, devient public, donc est transparent, être capable de déterminer que nous avons véritablement le meilleur partenaire.

Alors, même si la loi ne nous obligeait pas actuellement, si, demain matin, je constituais la SEM pour laquelle j'ai obtenu, comme maire de la ville de Laval, la possibilité légale de le faire, je procéderais par un appel de candidatures. Je recevrais ces candidatures, je les analyserais et je ferais un choix parmi celles qui ont soumis leur offre. Et je pense que, quand on regarde l'implication que ça peut représenter, certaines sociétés d'économie mixte, en termes de valeurs, de contrats annuels, et surtout à long terme – 10 ans, des fois 20 ans de contrats – ça demande qu'au départ, à l'entrée, il y ait une certaine transparence dans le choix du partenaire. Et je ne pense pas que ce soit impossible de le faire.

M. Trudel: Vous n'êtes donc pas d'accord, M. le président, avec ceux qui sont du groupe qui affirme que la liberté de choisir fait en sorte qu'on peut recevoir davantage de propositions intéressantes. Parce que le raisonnement des partisans de choisir le partenaire sans appel d'offres, c'est dire: On peut se faire faire des propositions qui vont au-delà du cadre que nous aurions fixé si nous étions en matière d'appel d'offres. Vous ne soutenez pas cette argumentation-là, si je comprends bien.

M. Vaillancourt (Gilles): Je dis que l'un n'est pas irréconciliable avec l'autre, parce que, si vous avez fait votre appel d'offres d'une façon trop restrictive, c'est bien évident que vous n'aurez pas beaucoup de proposants. Il vous appartient donc d'avoir un devis ou un cadre d'appel d'offres qui fait en sorte que vous allez être capable d'en recevoir beaucoup. Alors, moi, je ne pense pas que ce soit un obstacle, M. le ministre.

M. Trudel: Ça veut donc dire que le critère de sélection pour retenir le partenaire, ce ne serait pas à la totale discrétion de la municipalité, si je peux m'exprimer ainsi, ce serait vraiment la plus avantageuse, les critères étant fixés à l'avance.

M. Vaillancourt (Gilles): Bien, on dit à peu près la même chose. Vous ne pourrez pas comparer ça uniquement sur la base du prix. Pour moi, il y a deux conditions essentielles, dans les sociétés d'économie mixte, qui peuvent faire en sorte qu'il y ait un mariage possible. Des fois, c'est tout simplement un apport de capital dont vous avez besoin parce que la municipalité n'est pas capable de le générer rapidement à des conditions intéressantes et, d'autres fois, c'est le contraire, c'est l'expertise dont vous avez besoin. Alors, quand vous mariez les deux, c'est là que ça donne des bons résultats.

Dans ce sens-là, ces deux critères peuvent être définis dans une proposition d'appel et faire en sorte qu'il y ait au moins un mécanisme qui permette au citoyen, qui voit ses taxes et ses impôts être engagés à long terme, d'être capable d'aller regarder quelles étaient les autres offres et les mesurer. Et, dès que vous aurez ce processus de transparence qui sera appliqué, les conseils municipaux prendront véritablement la meilleure décision; sinon, ils seront blâmés assez rapidement. Si vous n'avez pas ça, comment allez-vous savoir qui aurait la deuxième meilleure offre, la troisième meilleure offre ou la septième meilleure offre, puisque vous ne saurez jamais qui étaient les autres offrants?

M. Trudel: Très bien. Vous y allez également, M. le président, d'indications fort précieuses à l'égard du capital-actions. Et vous dites: La majorité – non seulement la majorité votante au conseil d'administration, mais la majorité du capital-actions – doit être détenue par le fondateur municipal. C'est ce que vous indiquez?

M. Vaillancourt (Gilles): Je ne dis pas tout à fait ça, je dis que ce n'est pas l'idéal, parce que, finalement, demain matin, si on devait faire une alliance dans un projet particulier avec une firme qui serait capable de mettre 80 % de la mise de fonds, demandant à la municipalité de n'en mettre que 20 %, mais que, dans une entente de partage des profits, la municipalité retombe à 51 % et le partenaire à 49 %, ça va changer quoi, ça? À la fin, on va avoir atteint notre objectif quand même et on aura eu un meilleur apport de capital de la partie privée.

Je ne suis pas un de ceux qui voudraient limiter ça d'une façon absolue au 51 %. L'objectif, c'est que la municipalité soit en contrôle et qu'elle soit le principal bénéficiaire. Si l'entreprise privée est capable d'augmenter sa participation à 80 % et qu'elle se contente à la fin de ne prendre que 50 % du profit, pourquoi la limiter?

M. Trudel: Je vais répéter la formule parce qu'elle est importante.

M. Vaillancourt (Gilles): M. le ministre, regardez bien, posez-vous une question simple.

M. Trudel: Oui, oui, elle est importante. Je comprends ce que vous voulez dire.

M. Vaillancourt (Gilles): Si Paul Desmarais, demain matin, pouvait avoir le contrôle avec 51 % sans investir dans une entreprise et se garder 50 % du profit, d'après moi il dirait: Ne changez rien, c'est beau. Alors, c'est un peu la même chose, dans le fond. Sauf que, nous, on n'est pas Paul Desmarais, par exemple.

(14 h 30)

M. Trudel: J'en suis fort aise. Mais il faut être clair; ce que vous indiquez donc, c'est que la société d'économie mixte, au niveau du conseil d'administration, devra toujours être contrôlée par les actions votantes majoritaires détenues par le fondateur municipal.

M. Vaillancourt (Gilles): Toujours.

M. Trudel: Parfait.

M. Vaillancourt (Gilles): Parce que c'est la garantie d'une sanction démocratique à certaines occasions et c'est la garantie de transparence qu'ont besoin de recevoir les citoyens, pour laquelle, évidemment, une partie de leurs impôts est maintenant utilisée par la nouvelle société d'économie mixte. Et ça, ça m'apparaît fondamental par rapport à d'autres formules comme les concessions entièrement privées, où vous n'avez plus cette garantie-là de transparence.

M. Trudel: Tout à fait. C'est un des éléments clés du projet de loi. Et ça, c'est un principe fondamental, qu'on se le tienne pour dit, nous ne céderons jamais devant ce principe-là ou les pressions qui peuvent être faites. Le strict minimum que nous devons considérer à l'égard de l'autorisation du secteur privé d'entrer dans le secteur des services publics municipaux, c'est de garder le contrôle de la partie publique, du partenaire public; sans ça, ça n'a plus de sens au niveau de l'appellation même de notion de service public. Mais ce que vous dites aussi, par ailleurs, c'est que d'autres types d'actions, de participation au capital-actions, pourraient dépasser cette proportion sans se transformer en des actions votantes au conseil d'administration.

M. Vaillancourt (Gilles): C'est ça. Et même sans venir, en quelque sorte, changer, non plus, la répartition des profits. Parce qu'une compagnie pourrait investir 75 % du capital et, dans une entente de répartition de profits, se contenter de n'avoir que 50 % des profits.

M. Trudel: Vous comprenez aussi pourquoi le ministre s'est gardé la possibilité... pardon, la nécessité d'approuver la convention des actionnaires, M. le président.

M. Vaillancourt (Gilles): Je pense que c'est prudent.

M. Trudel: Voilà. Principalement ou, enfin, c'est fondamental, cette question, pourquoi il faut approuver la convention des actionnaires. Parce qu'on peut réaliser indirectement ce que la loi ne permet pas à travers la répartition du capital-actions et la répartition du profit, parce que les actions votantes au conseil d'administration peuvent subir de tels types d'influence que nous annulons, en quelque sorte, la provenance des actionnaires. Il faut être bien prudent quand on a bien observé ce qui s'est passé dans d'autres pays à cet égard. Merci de la précision.

Il y a une autre question, M. le président, qui est bien délicate à poser au président de l'Union des municipalités du Québec. Depuis le début de la commission ici, on a dit qu'on se parlerait franchement, alors on va continuer dans la même direction.

M. Vaillancourt (Gilles): Laissez-moi libre d'évaluer la délicatesse de votre question.

M. Trudel: Vous allez voir.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: C'est toute la question du droit de retrait. Parce qu'un des fondateurs municipaux, dans certains cas, par exemple, pourrait être une MRC. Et là, à l'égard de cette question... On connaît la position de l'UMQ, bien sûr. Bon. Mais, comme on est en matière de rationalisation, d'efforts pour rendre un service public sous contrôle du public à moindre coût et avec une plus grande efficacité – je le souhaite vivement, sans ça, on n'aurait pas besoin de cet instrument-là – est-ce qu'on ne peut pas, en matière de SEM, en matière de société d'économie mixte, disons, baliser beaucoup plus sérieusement ou de façon beaucoup plus restrictive le droit de retrait quant à la possibilité d'être membre du fondateur municipal?

M. Vaillancourt (Gilles): Prenons l'exemple d'une société d'économie mixte qui s'occuperait d'ordures ménagères, qui établirait un contrat de 10 ans. Il m'apparaît important que les membres de la MRC ne puissent pas, pour la période du contrat, donc pour les 10 ans du contrat, avoir le droit de retrait. Sinon, imaginez-vous, vous établissez un contrat; le lendemain, quelqu'un vous fait une autre offre; vous n'êtes même plus lié, vous sortez et vous participez avec l'autre. Donc, ça ne pourrait pas fonctionner autrement.

Mais les balises sont déjà claires pour la création, pour l'instant... que les initiatives à être prises par des MRC en fonction du droit de retrait de leurs membres dans différents projets, sauf qu'au moment où il y a un contrat d'accepté pour une durée de 10 ou de 20 ans, imaginez-vous, si un des partenaires, de sa seule volonté, pouvait s'en retirer, ça m'apparaîtrait abusif pour les autres.

M. Trudel: Oui, mais allons à une étape préliminaire.

M. Vaillancourt (Gilles): Mais un des partenaires pourrait toujours vendre ses actions aux autres. Un des partenaires pourrait toujours vendre ses actions aux autres.

M. Trudel: Un partenaire municipal?

M. Vaillancourt (Gilles): Oui. Il pourrait vendre, céder ses actions à une autre municipalité de la MRC. Et, à ce moment-là, il n'y aurait pas la même situation. La municipalité A décidant d'acquérir la part de l'autre, c'est un geste volontaire. Ce n'est pas l'équivalent d'un retrait unilatéral.

M. Trudel: Je vous avoue que, celle-là, on ne l'avait pas vue.

M. Vaillancourt (Gilles): Non?

M. Trudel: Non, on ne l'avait pas vue.

M. Vaillancourt (Gilles): Ah bon!

M. Trudel: C'est à ça que ça sert aussi, des commissions parlementaires...

M. Vaillancourt (Gilles): Les commissions parlementaires.

M. Trudel: ...et des consultations, c'est de voir bien précisément ces éléments qui risquent de...

M. Vaillancourt (Gilles): Mais, en dehors de ces hypothèses-là, je ne pense pas qu'un membre ayant participé à l'élaboration du projet puisse avoir le droit de se retirer après que le projet soit en marche pour une durée de 10 ans. Imaginez-vous le fardeau financier qu'il imposerait aux autres de son seul retrait.

M. Trudel: Oui. Non, je pense, là-dessus, que... Une remarque rapide. C'est évident que c'est comme un contrat d'association d'affaires. Il ne faut pas se retirer quand on est en plein dans la partie, qu'on est train de jouer la partie.

Évidemment, M. le président, ma question était pour l'étape auparavant, c'est-à-dire au moment de prendre la décision, quand une MRC... Dans votre cas, vous n'avez pas beaucoup de problèmes, vous êtes une ville et une MRC en même temps, alors, ça vous simplifie la tâche...

M. Vaillancourt (Gilles): Oui.

M. Trudel: ...mais comme maire. Mais, comme président de l'UMQ, est-ce que c'est envisageable qu'on puisse dire, pour la fondation... lorsqu'il est question de fonder une société d'économie mixte, la décision des deux tiers des membres du conseil des maires, du total des votes autour de la table, pourrait obliger toutes les municipalités membres de la MRC d'être de la société d'économie mixte pour un objet qui a été discuté, les déchets ou quelque autre objet que ce soit.

M. Vaillancourt (Gilles): Vous me dites 66 2/3.

M. Trudel: Je vous suggère ça. Ça peut être...

M. Vaillancourt (Gilles): À 66 2/3, ça commence à être un seuil qui crée déjà un consensus pas mal plus large que la moitié du budget. Alors, peut-être que ça pourrait être envisageable. À 66 2/3, c'est plus clair, la volonté de ceux qui mènent le projet, et il y a moins de chances que... Vous savez, ce n'est pas une question facile à résoudre pour vous, parce que, dans certaines MRC, il y a une grosse ville qui est prise avec à peu près 50 % ou 48 %...

M. Trudel: Voilà.

M. Vaillancourt (Gilles): ...et, des fois, les autres lui imposent leurs volontés et c'est elle qui, finalement, est le meilleur client; le meilleur client qui apporte la ressource et le meilleur client, aussi, qui supporte la facture. Alors, est-ce que 66 2/3, quand vous appliquez ça puis que vous regardez sur le tableau actuel des MRC, ça amène des solutions ou ça amène des problèmes? Donc, c'est juste ça qu'il faut que vous regardiez, M. le ministre.

M. Trudel: Effectivement, c'est...

M. Vaillancourt (Gilles): À 66 2/3, vous avez moins de chances d'avoir encore des problèmes et de faire en sorte que des municipalités imposeraient à la ville principale leurs volontés.

M. Trudel: Mais je vais prendre la première partie de votre réponse, mais c'est aussi une majorité intéressante qui s'approche de la... enfin, de l'unanimité ou de la décision largement majoritaire.

M. Vaillancourt (Gilles): Ça crée un consensus un peu plus large, à 66 2/3.

M. Trudel: Très bien. M. le président, lorsqu'on parle de société d'économie mixte, lorsqu'on parle de fixer les règles financières et démocratiques pour permettre l'entrée du secteur privé dans l'organisation et la distribution des services publics, évidemment, il est largement question aussi des conditions de travail pour l'organisation et la livraison de ces services publics. Dans votre mémoire, vous soutenez que, si on ne revoit pas un certain nombre de conditions relativement au transfert de l'unité d'accréditation et de la convention collective dans le contexte municipal, vous nous dites: Dans le fond, vous n'êtes pas en train de faire grand-chose, puisque ça ne changera pas grand-chose dans les conditions si vous ne changez pas ça. Nous ne voulons pas, comme gouvernement, faire indirectement ce que nous n'aurions pas décidé collectivement de faire directement. Il faut que ce soit bien clair. Là-dessus, la société d'économie mixte en milieu municipal ne vise pas à sortir des règles fondamentales. Si débat il doit y avoir, nous le ferons à sa face même, ce débat, et nous en discuterons avec les concernés. Mais on ne passera pas par la bande pour faire ce débat.

(14 h 40)

Je rajouterais ceci. C'est assez curieux, ce que nous avons entendu ici, en commission parlementaire, jusqu'à maintenant. C'est Laidlaw qui est venue nous dire la semaine dernière, comme grande entreprise, qu'eux autres, l'article 45 à l'égard des conditions de travail, en général, eux, ils étaient... c'était possible pour eux autres de vivre avec ça, qu'ils étaient capables de vivre avec ça et qu'ils estimaient qu'il y avait un climat qui permettait, quant à eux, de travailler avec ceux et celles qui sont soit dans les services ou les nouveaux services, et que c'est une section de notre droit du travail avec laquelle ils acceptent de vivre, comme dans bien d'autres pays, d'ailleurs.

Est-ce que vous pensez qu'on peut réussir la société d'économie mixte contrôlée par le secteur public si on se dit: On va miser sur les échanges avec les partenaires aussi? Parce qu'ils en sont, des partenaires qui font le travail, qui réalisent le travail dans l'organisation de la livraison des services.

M. Vaillancourt (Gilles): M. le ministre, moi, je suis heureux de voir que Laidlaw, qui est une grande société à capital public maintenant, puisse croire qu'elle pourrait faire des profits en utilisant les mêmes conventions collectives, le même personnel que nous avons. Si c'est ça, demain matin, je vais les convoquer pour leur privatiser entièrement ma ville d'un seul coup et je me contenterai de la part de revenus qui me reviendra dans la diminution, évidemment, de la facture qu'ils seront capables de générer. Entre ce qu'ils disent puis ce qu'ils vont faire le lendemain, là... Si vous ne changez rien, pourquoi on changerait quelque chose? On va se ramasser vite dans cette situation-là.

L'IRIR dit que nos salaires sont à peu près 30 % plus chers que ceux du secteur privé comparable. On n'arrivera pas à corriger cet écart-là en prenant autre chose que probablement une vingtaine d'années. Et ce n'est pas vraiment le salaire qui est la difficulté dans plusieurs conventions collectives, c'est un certain nombre de clauses qui rendent, évidemment, les heures travaillées très peu nombreuses, qui coûtent très cher à gérer. Je vous rappellerai qu'une société publique de transport, et je ne la nommerai pas, dans un article de journal, qui passait dans La Presse un samedi, vous a démontré qu'un chauffeur, un de ses... ses chauffeurs, quand ils sont rendus assez vieux, ils deviennent surnuméraires et, quand ils sont surnuméraires, ils acquièrent le droit de ne pas travailler souvent et ils font en moyenne 90 000 $ par année. Alors, dans des conditions comme ça, dites-moi comment n'importe quelle entreprise privée pourrait faire mieux que cette pauvre société publique de transport? Prétendre qu'il n'y a aucun problème dans les conventions actuelles ou dans l'article 45 et que, finalement, ne changeons rien... alors, si on ne change rien, dites-moi ce que, vous et moi, nous faisons ici aujourd'hui.

M. Trudel: En conclusion, pour l'instant, parce que les minutes sont toujours trop courtes. Ce que d'autres nous ont dit, c'est que c'est possible de travailler avec cela. Non pas uniquement de dire: C'est impossible de régler nos problèmes et de vivre une situation autre quant à l'organisation des services dans un autre contexte ou avec l'article 45. On peut travailler avec cela. C'est ce que Laidlaw... Je ne le leur mets pas dans la bouche en disant: On va tout réaliser. On sait bien qu'il y a des choses à travailler.

M. Vaillancourt (Gilles): Moi, je pense qu'on peut travailler avec ça, je pense que c'est possible de le faire. Mais je ne pense pas que, s'il n'y a pas, ailleurs dans les lois du travail, un meilleur équilibre de créé... Vous savez, votre prédécesseur, un jour, m'a dit: Vous savez, M. le maire, les conventions collectives actuelles, elles ont été signées par des conseils municipaux et des maires, et ce n'est pas le gouvernement qui les a signées. J'ai dit: Vous avez bien raison, M. le ministre. Il me disait que ce qui avait été consenti par voie de négociations devait se reprendre par voie de négociations. J'ai dit: M. le ministre, avant de nous engueuler comme ça, là, faites-vous bien le raisonnement suivant. Un jour, un gouvernement, qui était un gouvernement, je pense, dirigé par M. Lévesque, trouvait que le gouvernement précédent avait probablement été trop généreux avec les employés et, par un acte législatif, il a baissé les salaires de 20 %. Il n'y a aucun conseil municipal au Québec qui possède ce pouvoir-là. Alors, l'équilibre n'est pas le même. Et penser que nous pourrions corriger, dans l'équilibre actuel, des situations d'abus...

Vous savez, j'ai un jeune homme qui travaille au CRD par chez nous qui a deux diplômes universitaires et qui est sur un contrat de six mois sur une base salariale de 32 000 $ par année. Pendant ce temps-là, j'ai des chauffeurs dans ma société de transport qui, en étant surnuméraires, donc en travaillant moins que les chauffeurs réguliers, qui, eux autres, gagnent à peu près 46 000 $, se trouvent à gagner peut-être 85 000 $, 90 000 $. Ces abus-là, comment on va les corriger? Par l'exercice actuel du jeu des négociations? Mais nous sommes déjà tous trop vieux pour voir ça, tous trop vieux pour le voir!

M. Trudel: M. le maire, c'était 5 %, et nous apprenons de l'histoire.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. M. le président, madame, monsieur, je dois vous dire que votre mémoire est très intéressant. J'aimerais faire avec vous, si vous me le permettez, un exercice, parce que ça fait déjà deux semaines qu'on est en commission parlementaire sur les sociétés d'économie mixte et j'ai comme l'impression que, si on faisait un examen ici tout de suite, tous qu'on en est, il n'y a pas personne qui donnerait la même définition de ce qu'est une société d'économie mixte.

Pour les syndicats... les syndicats, c'est-à-dire, sont très préoccupés par, évidemment, l'article 45, et on ne peut pas leur en vouloir de voir une certaine menace à la création de ce que certains qualifieraient de monstre ou que d'autres qualifieraient d'outil de développement. L'entreprise privée voit ça comme une manne. Ouvrez les vannes, vous allez... Il y en a plusieurs, d'ailleurs, on les a entendues. Le citoyen, lui, qui se retrouve au travers de tout ça ne comprend absolument rien de ce qu'on discute, et, comme je l'ai dit tantôt, je ne suis pas certaine que ceux et celles qui ont suivi les débats depuis le début donneraient la même définition d'une SEM.

Je me suis payé l'exercice de lire le Journal des débats lorsque le gouvernement précédent a décidé de la création des sociétés d'économie mixte par voie de bill privé. C'est fort intéressant. Quand on relit les débats qu'on a eus ici, que ce soit par la voie des auteurs des mémoires ou la nôtre – je m'inclus là-dedans – on s'aperçoit, finalement, qu'il y a vraiment une contradiction dans ce qu'est vraiment une société d'économie mixte. Je vais vous donner deux définitions et j'aimerais qu'on discute là-dessus.

Pour certains, la société d'économie mixte, c'est un fondateur municipal qui a besoin d'un partenaire pour gérer un champ d'activité qu'il – «il» étant le fondateur municipal – n'a pas nécessairement les capacités de gérer, au niveau du savoir-faire, et qui, en bout de piste, cherche à diminuer la facture, le fardeau fiscal de ses concitoyens, ce qui est très correct. Le partenaire privé, lui, et le fondateur municipal créent une compagnie, ou créent la SEM, et le partenaire privé peut ou pourrait, sans aller en appel d'offres, par le biais de la SEM, se sous-traiter, se donner en sous-traitance le mandat de gérer l'activité x.

L'autre définition, c'est la société, c'est le partenaire municipal, le fondateur municipal qui, lui, pour les mêmes raisons que j'ai expliquées en tout début de mon premier exemple, décide de se trouver un partenaire privé, crée la SEM. La SEM gère l'activité, donc le partenaire privé gère cette activité-là au coeur de la SEM, mais ne peut en aucun temps se donner un mandat d'élaborer... pas d'élaborer un projet, mais, mettons, de faire la construction ou de faire les travaux. Laquelle des deux préférez-vous?

M. Vaillancourt (Gilles): La deuxième, en y ajoutant, toutefois, que... Faisons une hypothèse où ce serait, je ne sais pas, moi, la construction d'un immense centre de tri d'une valeur de 10 000 000 $. Même le partenaire qui le construirait devrait être astreint aux soumissions publiques.

Mme Delisle: M. le maire, est-ce que vous croyez que l'avant-projet de loi qui est sur la table actuellement est assez clair pour que vous puissiez nous donner la réponse de mon exemple n° 2?

M. Vaillancourt (Gilles): Moi, je dirais que votre exemple n° 2, probablement, aurait besoin de précisions, et, entre autres, sur la possibilité de demander des soumissions publiques à chaque fois... Le plus modeste des villages peut aller en soumissions sur invitation pour jusqu'à 100 000 $. Après 100 000 $, il est obligé, évidemment, d'aller en soumissions publiques. Ce n'est pas un exercice très compliqué aujourd'hui, les soumissions publiques. Il y a des journaux partout, on peut faire paraître des soumissions. Même, sur le réseau Internet, bientôt, elles y seront toutes. Donc, on est capables d'aller chercher les meilleures offres. Et si le gérant privé est meilleur soumissionnaire que tous ceux qui feront l'offre, bien, il l'aura aussi, le contrat, mais il passera par la procédure de transparence des soumissions publiques.

Mme Delisle: Vous n'excluez donc pas que le partenaire, l'entreprise privée qui est partenaire, mettons, la compagnie X, puisse même soumissionner au même titre que les autres pour obtenir le contrat de la SEM.

M. Vaillancourt (Gilles): Si elle soumissionne et si elle est le meilleur soumissionnaire, par exemple, qu'elle rencontre chacune des exigences du devis, pourquoi serait-elle exclue?

(14 h 50)

Mme Delisle: Bien, je me suis longtemps...

M. Vaillancourt (Gilles): Quand on est en appel d'offres public, on n'est plus en appel privé, là.

Mme Delisle: O.K. Ça me ramène à la question que vous posait le ministre et qu'on a souvent posée la semaine dernière aussi concernant le choix du partenaire privé. On nous a souvent dit, surtout ceux qui représentaient le milieu municipal, que l'idée devait venir, évidemment, du milieu municipal, le fondateur municipal avait des besoins, qu'il devait les élaborer, les faire connaître et, ensuite, devait se trouver un partenaire privé. Sur le comment, tout le monde a sa formule, mais l'avant-projet de loi n'en parle pas, il laisse ça un petit peu... il est muet un peu là-dessus et il laisse ça à la discrétion du fondateur municipal. Est-ce que vous croyez qu'on ne devrait pas mieux encadrer, et je dirais même encadrer, pas mieux, mais encadrer le choix du partenaire privé, s'assurer que ça se fasse par appel de propositions, quitte à laisser, c'est certain... le fondateur municipal doit, en dernier recours, avoir le choix de son partenaire en autant qu'il réponde à ses critères, mais ne pas laisser ça flou comme c'est là dans l'avant-projet de loi?

M. Vaillancourt (Gilles): Mme la députée, je reconnais que vous avez été un maire, et probablement un maire très compétent, et que vous connaissez ça. La preuve, c'est que votre suggestion, c'est celle que nous avons faite tout à l'heure au ministre. On pense que, d'entrée de jeu, au moment du choix, il doit y avoir un mécanisme qui est suffisamment transparent pour permettre qu'on puisse évaluer, parmi les offres de candidature pour se joindre à l'entreprise, laquelle était la meilleure. C'est fondamental.

Mme Delisle: Oui, mais votre question n'est pas tout à fait... votre réponse, c'est-à-dire, n'est pas tout à fait complète, parce qu'il faut dire «ça devrait». Comment ça devrait être fait? Est-ce que ça doit être encadré dans la loi?

M. Vaillancourt (Gilles): Oui.

Mme Delisle: Ou est-ce que ça doit être...

M. Vaillancourt (Gilles): Dans la loi ou dans un règlement.

Mme Delisle: ...selon la bonne volonté des gens?

M. Vaillancourt (Gilles): Non. Je pense que la loi doit définir un certain nombre de balises, ou soit les règlements de la loi, de façon à ce que, d'entrée de jeu, pour le choix du partenaire, il y ait une forme de transparence qui permette de réaliser que c'était vraiment le meilleur choix.

Mme Delisle: Bon. Vous n'êtes pas sans savoir que l'avant-projet de loi exclut sécurité publique et incendie. Est-ce que vous êtes d'accord avec ça, l'UMQ, et aussi...

M. Vaillancourt (Gilles): Parfaitement, madame. Si, demain matin, je devais sortir en soumissions pour obtenir un service d'incendie, il n'y aurait même pas d'offres. Et c'est la même chose pour les policiers. Il n'existe pas de contrepartie véritable dans le domaine public. Ce n'est pas la même chose, disons, dans l'éclairage, ce n'est pas la même chose dans le traitement de l'eau, ou dans le domaine privé, ou dans d'autres domaines, entre autres, l'entretien des routes, la construction de routes où, dans le privé, il y a une offre très généreuse et une expertise très compétente.

Mme Delisle: On a discuté aussi, on a un peu tourné autour de ça la semaine dernière, que l'eau, peut-être, pourrait être exclue. On n'a pas dit que ça l'était, mais je sais que le ministre avait une certaine réserve quant à inclure ou à ne pas inclure l'eau. Je ne voudrais pas que vous me répondiez en pensant uniquement à Montréal, parce que Montréal, quant à moi, est dans une catégorie à part, parce que c'est quand même très gros. En tant que représentant de l'Union des municipalités du Québec, donc de nombreuses municipalités qui pourraient former des alliances, est-ce que vous voyez l'eau comme un problème au niveau de la gestion, à partir de la création de la SEM pour gérer l'eau de deux, trois municipalités ou d'une MRC?

M. Vaillancourt (Gilles): Je n'ai pas vu ce qu'en a dit le ministre la semaine passée. J'ai tout simplement vu ce que les journaux en ont rapporté. Regardons tout simplement, la loi actuelle des cités et villes permet la concession de l'eau, donc la privatisation entière sans même un contrôle... bien, sans même une sanction démocratique tel que le permettrait une SEM. Et, à partir de ça, il y a déjà de l'eau concédée, au Québec, à des entreprises privées. Ça n'a pas été, je dirais, un mouvement majoritaire, mais il y en a quand même qui existent depuis très longtemps. Alors, la nouvelle façon de faire ne permettrait pas de faire ce que l'ancienne façon de faire, et qui est beaucoup moins démocratique quant à son contrôle, permettrait de faire. Le législateur serait au moins placé en contradiction s'il ne devait pas permettre aux SEM la gestion de l'eau, alors que la loi actuelle des cités et villes permet la concession entière de l'eau.

Mme Delisle: Je ne veux pas mettre de parole dans la bouche du ministre, je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, c'était une interrogation, je pense: Est-ce que ça devrait être inclus, exclu? C'était plutôt dans ce sens-là que...

M. Trudel: Mais toute interrogation contient un peu de réponse.

Mme Delisle: C'est ça. Oui, oui, oui. C'est ça. Oui.

M. Vaillancourt (Gilles): Mais la loi actuelle permet la concession entière d'un réseau d'aqueduc et des équipements d'eau au privé.

Mme Delisle: O.K. Vous n'êtes pas sans...

M. Vaillancourt (Gilles): Alors, une SEM permettrait au moins que le conseil municipal soit «sanctionnel» pour les décisions qu'il aurait prises relativement à l'eau dans sa participation à la société d'économie mixte, ce qu'il ne peut pas faire dès qu'il l'a concédée pendant 20 ans à une concession privée.

Mme Delisle: O.K. M. le président, on a eu comme intervenante, ici, Me Louise Beaulieu, qui a participé à la rédaction de trois des projets-pilotes sur quatre, qui nous a dit que, si elle avait eu... C'est parce que je lui ai posé la question, je lui ai demandé: Si elle devait aujourd'hui participer à la création de SEM à partir de l'avant-projet de loi tel qu'il est présenté, si elle aurait pu le faire, et elle m'a dit carrément non, parce que le projet de loi, soit, à certains égards, encadrait trop, n'encadrait pas assez ou n'était pas assez spécifique quant aux champs d'activité ou aux responsabilités qui pourraient incomber aux SEM. Alors, je vous repose la même question dans ce sens-là, parce que je l'ai posée à plusieurs autres: Est-ce que vous croyez que l'avant-projet de loi, actuellement, permettrait d'aller de l'avant dans l'ensemble des projets qui sont soit embryonnaires ou qui viendront dans le temps comme dans le temps, ou est-ce qu'on ne devrait pas attendre de voir les résultats des projets-pilotes et d'y aller encore cas par cas?

M. Vaillancourt (Gilles): Si vous y allez cas par cas, comment vous allez gérer le premier cas, le deuxième cas? Qui aura la chance d'être le premier, le dixième ou le trente et unième? Et on reste dans le domaine du discrétionnaire des projets de loi privés. Je pense que, si le gouvernement pense qu'il est temps maintenant de permettre aux municipalités d'obtenir des nouveaux outils de gestion, il doit le faire en encadrant ça dans une loi qui sera la même pour tout le monde. Alors, dans ce sens-là, je suis un de ceux qui, maintenant, pensent qu'il faut passer à l'étape de: ou on en fait et ce sera une loi-cadre qui déterminera comment ça doit être fait.

Quant à l'autre partie de votre question, c'est-à-dire Me Beaulieu, qui est venue vous dire que l'avant-projet de loi ne permettrait pas de réaliser les sociétés d'économie mixte, je ne la connais pas, je n'ai pas vu le travail qu'elle a fait, donc je ne peux pas juger de la valeur de son expertise dans le domaine. Mais, si elle vous apparaît compétente et si elle vous a apporté de bons arguments, j'imagine qu'elle a su vous éclairer.

Mme Delisle: Le ministre vous a parlé tout à l'heure de l'article 45...

M. Vaillancourt (Gilles): Quant à nous, on a déjà déterminé, dans l'exposé qu'on a fait et dans le mémoire, ce qu'on pensait qui devait être amélioré avant que ça devienne un projet de loi.

Mme Delisle: Oui, oui, l'article 45 qui... je n'aime pas tellement appeler ça un problème, j'aimerais mieux appeler ça une réalité avec laquelle on doit vivre. Je sais que l'Union des municipalités a demandé à plusieurs occasions qu'on règle cette réalité-là parce que c'était – je vais choisir mes mots, vous me corrigerez si je les mets trop forts ou pas – une entrave, entre autres, à certaines... une implication, si vous voulez, ou des décisions au niveau municipal. J'ai entendu vos réponses, celles que vous avez données au ministre. Mais est-ce que, pour vous autres, il faut absolument régler l'article 45 et son application maintenant, avant d'aller de l'avant avec l'avant-projet de loi, ou bien il faut composer, finalement, avec la réalité?

M. Vaillancourt (Gilles): Je ne connais pas la façon de travailler du législateur, mais est-ce qu'il prendrait l'occasion d'une société d'économie mixte pour régler certains éléments du Code du travail? Je ne pense pas que ce serait le chemin que le législateur choisirait.

La demande de l'Union des municipalités se situe dans un cadre beaucoup plus large que celui des sociétés d'économie mixte. Nous avons fait valoir au gouvernement... Et, d'ailleurs, le gouvernement a dû reconnaître que nous avions certainement en partie raison, puisque, dans l'entente de décentralisation, il y a trois préalables, et, entre autres, un des préalables, c'est de revoir le régime actuel des relations de travail dans le monde municipal. Et le gouvernement, par la voix de son ministre à l'époque, M. Chevrette, son ministre des Affaires municipales de l'époque, a signé l'entente et l'a avalisée. Il y a un problème dans l'équilibre des relations de travail dans le monde municipal. C'est un problème qui dépasse largement le cadre des sociétés d'économie mixte et qui doit recevoir de l'État une attention particulière.

Mme Delisle: Une dernière question, si j'ai encore du temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, il reste encore 11 minutes, madame.

Mme Delisle: Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): Onze minutes.

Mme Delisle: Onze minutes! M. le président, vous avez des collègues de l'UMRCQ qui ont présenté un mémoire la semaine dernière et qui ont suggéré à cette commission que l'accès aux sociétés d'économie mixte devrait être réservé uniquement aux MRC et aux communautés urbaines. Avez-vous une pensée là-dessus?

(15 heures)

M. Vaillancourt (Gilles): Je pense qu'ils vont toujours prétendre ça, mais je pense que la réalité est très différente. Il peut très bien y avoir dans une municipalité d'une certaine taille le besoin de former une société d'économie mixte sans que l'intérêt soit le même pour les autres municipalités de la MRC. Pourquoi priverions-nous une communauté d'un outil de gestion qui lui apporterait des bénéfices parce que, tout d'un coup, le reste de la MRC n'en voudrait pas? Ce n'est pas une position qui m'apparaît réaliste. Si, un jour, on veut avoir 96 MRC et quatre communautés urbaines au Québec et faire disparaître les municipalités, ça, c'est un autre chemin.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vaillancourt (Gilles): Ça, c'est une décision que devra prendre le législateur.

Mme Delisle: C'est ça. Il y a un autre élément qu'on retrouve comme questionnement dans votre mémoire, qui fait référence, justement, aux membres de conseils d'administration qui sont délégués par le fondateur municipal, qui sont donc politiques dans la mesure où ils sont élus par leurs contribuables. Plusieurs nous ont parlé de la difficulté en ce qui regarde la continuité au sein du conseil d'administration. On sait que les élus municipaux prennent des fois la décision de quitter personnellement; des fois, c'est le choix des citoyens. On n'en est évidemment pas responsable. Comment voyez-vous, parce que vous le soulevez dans votre mémoire, cette difficulté-là? Comment verriez-vous l'application de cette continuité-là? Est-ce qu'on devrait extensionner pour un an, six mois? Comment on fait pour s'assurer que ceux qui siègent au conseil d'administration...

M. Vaillancourt (Gilles): Je pense qu'une certaine prudence voudrait qu'il n'y ait pas nécessairement interruption immédiatement le soir de l'élection, mais qu'il y ait une période de transfert. Mais, vous savez, quand le gouvernement du Québec va en élection et que le parti qui était au pouvoir perd les élections, un nouveau gouvernement est formé à l'intérieur de quel délai? Une semaine? Quinze jours? Et on parle quand même d'un budget de 42 000 000 000 $ et d'une activité qui touche l'ensemble des citoyens. Alors, il ne faudrait pas être plus capricieux, tout d'un coup, pour les sociétés d'économie mixte qu'on le serait pour l'État.

Mme Delisle: Je vais me tourner la langue trois fois. Il y en a que ça leur prend un an et demi avant de se décider à bouger. Ha, ha, ha!

M. Vaillancourt (Gilles): Ça, madame...

Mme Delisle: Ha, ha, ha! Elle était trop facile.

M. Vaillancourt (Gilles): L'immobilisme...

Mme Delisle: Elle était trop facile, celle-là, M. le président.

M. Vaillancourt (Gilles): L'immobilisme est surtout un trait personnel.

M. Trudel: Surtout quand on a sept ans d'immobilisme à corriger.

Mme Delisle: Ha, ha, ha! Chacun son tour.

M. Vaillancourt (Gilles): En démocratie, c'est impossible d'être immobile plus qu'à peu près quatre ans sans se faire prendre.

Mme Delisle: Je reviens à ma question de tout à l'heure sur le cas par cas, le fait que les projets-pilotes n'ont pas encore... Finalement, il y en a une qui est en opération, qui est la MRC Haut-Richelieu, avec Compo-Sortium; elle est en opération depuis le mois de mai dernier. Les trois autres, on en a eu des nouvelles par le biais de certains mémoires. Il y en a une qui a obtenu son projet de loi privé, mais ça n'a pas bougé parce qu'il y a eu changement à la mairie. Les deux autres, j'imagine que ça chemine, mais, pour le moment, disons qu'on ne connaît pas les résultats de la création de ces SEM là.

Je sais que vous avez répondu tout à l'heure que c'est le temps d'aller de l'avant, parce que s'il y a 30, ou 40, ou 60 projets sur la table, lesquels vont passer en premier, lesquels vont passer en deuxième? Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu ou il n'y aurait pas eu lieu, d'après vous, de bénéficier d'abord de cette expertise-là avant d'aller de l'avant avec un projet de loi?

M. Vaillancourt (Gilles): S'il n'y en avait pas eu d'autres dans le monde, s'il n'y avait pas de telles initiatives qui avaient déjà été éprouvées ailleurs, si on était vraiment en train d'inventer l'outil du siècle dans le monde, je vous dirais: Soyons plus prudents. Mais, quand même, il y en a beaucoup ailleurs, dans d'autres pays, des sociétés d'économie mixte. On n'a pas besoin de refaire tout nous-mêmes, on peut également s'inspirer de ces initiatives-là. Si le législateur pense que ça peut être un outil intéressant, il doit le faire maintenant, il doit baliser dans la loi les paramètres de ce qu'il permettra aux municipalités, le nouveau pouvoir à exercer, et ne pas y aller au cas par cas encore.

Mme Delisle: O.K. La Communauté urbaine de Montréal nous a signifié – si je ne me trompe pas, c'est bien de la Communauté urbaine de Montréal, quelqu'un me corrigera – qu'il y avait déjà, dans le monde municipal, suffisamment d'outils qui permettaient soit le partenariat avec les milieux ou les outils de développement économique, que celui-là était peut-être de trop. Ce n'est pas tout à fait comme ça, mais ça revenait un peu à dire ça.

M. Vaillancourt (Gilles): Je dirais que la Communauté urbaine a le droit à son opinion.

Mme Delisle: O.K. Alors, vous ne la partagez pas. Je ne cherche pas... Ce n'est pas une question piège.

M. Vaillancourt (Gilles): Je respecte beaucoup l'opinion de la Communauté urbaine, elle a droit à son opinion et, si elle l'a émise, bien, tant mieux!

Mme Delisle: Moi, j'ai terminé, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Puisqu'il nous reste quelques minutes, il y a une question, M. le président, que je ne voudrais pas échapper, c'est: À l'occasion de la fondation d'une société d'économie mixte, est-ce qu'on devrait exiger de la part du fondateur municipal une mise de fonds? Je dirais une mise de fonds réelle, là, qu'il y ait de l'argent qui soit investi jusqu'à une certaine hauteur. Est-ce qu'on devrait fixer l'obligation? Parce que, je vais vous le dire, ça a fait l'objet de beaucoup de questions, là, dans le processus. Certains disent: L'apport du secteur municipal, c'est l'ouverture à un tel créneau de marché. D'autres disent: Cependant, comme on entre dans les règles du marché avec des balises publiques, bien, les règles du marché, c'est quand tu rentres puis que tu prends des risques, bien, tu mets du fric pour mesurer l'ampleur de ton risque. J'aimerais ça avoir votre opinion là-dessus, et qu'est-ce qui devrait nous guider...

M. Vaillancourt (Gilles): Moi, j'ai une opinion qui est un peu différente. Moi, je prétends qu'à partir du moment où la municipalité apporte, à toutes fins pratiques, le coeur de l'entreprise, c'est-à-dire la clientèle, l'occasion d'affaires, il n'est pas nécessairement important qu'elle investisse en capital, c'est elle qui fournit l'occasion d'affaires. C'est déjà plus important que ce que vous n'amènerez jamais comme capital. Le capital, il suit les affaires. Si vous n'avez pas d'affaires, vous n'aurez jamais besoin du capital. Alors, pour moi, la municipalité pourrait investir zéro et quand même recevoir 50 % des retombées. Ce n'est pas important, le montant qu'elle investit, elle fournit le client, elle fournit l'occasion d'affaires. Et, s'il n'y avait pas d'occasion d'affaires, il n'y aurait pas d'affaires; donc, aucune nécessité de capital, aucune nécessité d'expertise.

La Présidente (Mme Bélanger): Une autre petite question, M. le ministre, et, après ça, je vais revenir à Mme la députée de Jean-Talon.

M. Trudel: C'est clair. Merci. Vous pouvez y aller tout de suite si vous voulez.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui? Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Étant donné qu'il reste juste quelques minutes, j'aurais une question sur la rémunération des administrateurs municipaux. Est-ce que, dans votre esprit, les élus qui siégeraient au conseil d'administration devraient être rémunérés?

M. Vaillancourt (Gilles): C'est une responsabilité plus grande. La Loi sur le traitement des élus municipaux devrait s'appliquer. Ça devrait être un processus transparent comme celui qui fixe le salaire des membres du conseil qui occupent des responsabilités sur des sociétés de transport, sur des offices municipaux d'habitation et sur des fonds de pension, tel que c'est déjà prévu dans la loi.

Mme Delisle: Je ne suis pas tout à fait certaine que toutes les municipalités ont des délégués qui sont payés. Normalement, c'est vu comme une responsabilité, ça fait partie de ta responsabilité, tu as un salaire x. Est-ce que vous verriez un salaire en sus de ça ou bien...

M. Vaillancourt (Gilles): Dans mon cas à moi, madame, je suis déjà au plafond.

Mme Delisle: Non, non, ça, je le sais.

M. Vaillancourt (Gilles): Donc, ça fait longtemps que je suis bénévole sur beaucoup de conseils d'administration.

Mme Delisle: Mais c'est pour ça que j'ai dit tantôt que j'excluais les grandes villes. J'aimerais qu'on se rapporte aux plus petites municipalités ou aux petites MRC.

M. Vaillancourt (Gilles): Mme Delisle, la loi fait qu'un membre du conseil municipal qui siège à la société de transport régional de sa région – que ce soit la CUQ ou, dans le cas de la ville de Laval, la STL, ou les autres corporations – reçoit, tel que prévu dans la loi, une rémunération supplémentaire. Ceux qui siègent sur les offices municipaux d'habitation reçoivent, tel que c'est prévu dans la loi, une rémunération supplémentaire. Or, le même traitement devrait être accordé à ces nouvelles sociétés, puisqu'elles peuvent représenter, en termes de budget, des initiatives aussi importantes que celles que je viens de vous mentionner, dans certains cas plus importantes encore.

M. Trudel: C'est la quincaillerie, j'imagine, que l'on devrait retrouver dans le règlement que vous suggérez, qui accompagnerait...

M. Vaillancourt (Gilles): Oui. C'est ça.

M. Trudel: Des choses secondaires comme, par exemple, les frais de repas ou des choses accessoires comme ça, hein?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Ce serait une bonne idée, hein?

M. Vaillancourt (Gilles): Là-dessus, on aimerait que le ministre se branche assez rapidement, on voudrait être capables de manger encore, nous autres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Est-ce qu'il reste du temps un petit peu, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Bélanger): Trois minutes réparties...

M. Trudel: Vous avez terminé avec une très grande ouverture en disant: Vous devriez en profiter pour en balayer encore plus large. Vous dites: On devrait en profiter pour explorer ou mettre sur la table d'autres formules de partenariat en matière d'organisation et de livraison de services municipaux. Vous pourriez commenter un peu davantage, M. le président?

M. Vaillancourt (Gilles): Si on regarde la concession des stationnements dans la ville de Montréal, qui a été une initiative qui a été faite par un bill privé, je ne suis pas sûr que la ville de Québec n'aurait pas besoin d'un pouvoir à peu près semblable et que d'autres municipalités d'importance, dans les centres urbains, ne pourraient pas bénéficier de ce pouvoir qui a été accordé à la ville de Montréal. Et ça pourrait être l'occasion, la création des sociétés d'économie mixte, de permettre une telle initiative au niveau des stationnements. Alors, c'est ce qu'on voulait dire: balayer un peu plus large, regarder un certain nombre d'initiatives que vous avez permises dans des bills privés à des municipalités et, finalement, peut-être le permettre dans les sociétés d'économie mixte pour l'ensemble des municipalités qui voudraient bien se servir de ces pouvoirs-là.

M. Trudel: Merci.

(15 h 10)

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: J'ai une question et un commentaire. Je vais y aller avec mon commentaire d'abord. Je vous inviterais fortement, lors des prochaines assises – peut-être pas celles-ci mais les prochaines, dans un an – à avoir des ateliers, si le projet de loi passe, sur les SEM, parce que ce n'est pas évident, dans mon livre à moi, que tout le monde va avoir compris ce que c'est.

M. Vaillancourt (Gilles): Nous en aurons un, madame, pour votre information, à l'occasion du prochain congrès.

Mme Delisle: Ah, mais, merveilleux!

M. Vaillancourt (Gilles): Nous avons devancé votre commentaire.

Mme Delisle: Ma question concerne l'accès à l'information.

M. Vaillancourt (Gilles): Pardon?

Mme Delisle: L'accès à l'information, la loi sur l'accès à l'information. Si je comprends bien, dans votre mémoire, vous trouvez que les citoyens devraient avoir accès aux documents.

M. Vaillancourt (Gilles): Oui. À l'exception de ce que j'appellerais les procédés d'affaires ou les études de marché, qui peuvent représenter, évidemment, la différence pour une entreprise par rapport à une autre. Mais tout le reste, ce qui s'appelle les contrats...

Mme Delisle: Les conventions, tout ça, là?

M. Vaillancourt (Gilles): Ah oui, ça devrait être absolument transparent et public.

Mme Delisle: Parfait. Je vous remercie.

M. Vaillancourt (Gilles): De toute façon, comment un membre du conseil siégeant là-dessus pourrait garder longtemps un secret?

Mme Delisle: Ah!

M. Vaillancourt (Gilles): Il serait sanctionné à la prochaine élection. Donc, dès qu'on dit qu'il y aura des élus sur une corporation, il m'apparaît que les lois sur l'information doivent également s'appliquer, et je vous dis: à la distinction de ce que j'appellerais les procédés d'affaires, qui peuvent représenter un avantage commercial pour une société par rapport à une autre.

Mme Delisle: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Une courte question, M. le député de Saguenay. Courte.

M. Vaillancourt (Gilles): J'aurai une courte réponse, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Une courte réponse.

M. Gagnon: Concernant l'accord nécessaire que le fondateur municipal qu'est la MRC doit fournir – tantôt, on a parlé d'un critère du deux tiers – est-ce qu'il faut comprendre de la réponse que vous avez donnée qu'il faudrait également considérer la richesse foncière de la municipalité?

M. Vaillancourt (Gilles): Non. Dès que vous êtes rendu aux deux tiers de la population, vous avez un consensus qui est beaucoup plus large que le 50.

M. Gagnon: Parce qu'on peut se retrouver dans des municipalités où la richesse foncière d'une municipalité excède largement celle des autres.

M. Vaillancourt (Gilles): C'est pour ça que j'ai dit tout à l'heure, en réponse au ministre, qu'il devrait regarder qu'est-ce qui pourrait rallier le plus grand nombre, parce que les situations des MRC sont très différentes d'une MRC à l'autre. Et ce qui convient très bien à une MRC, comme répartition de pouvoirs et règles de prise de décision, fait des fois de grandes difficultés dans la MRC voisine. Alors, ce n'est pas facile...

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le président et M. le maire.

M. Vaillancourt (Gilles): Merci, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions de votre participation. La commission va suspendre ses travaux quelques instants, le temps de faire les changements d'invités.

M. Vaillancourt (Gilles): Merci, Mme la Présidente.

(Suspension de la séance à 15 h 13)

(Reprise à 15 h 19)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission, je rappelle le mandat de la commission: c'est de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Nous avons comme invité le Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal, représenté par M. Michel Vézina. Alors, M. Vézina, vous avez 20 minutes pour présenter, pour faire votre intervention. Et, avant de débuter, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal (SPPMM)

M. Vézina (Michel): Merci, Mme la Présidente. J'ai à mes côtés, à ma gauche, Carole Paquin, qui est responsable des communications de notre syndicat; et, à ma droite, Richard Arteau, qui est conseiller en planification, membre de notre syndicat, et qui a participé très activement à la rédaction du mémoire et du résumé qu'on vous présente aujourd'hui.

(15 h 20)

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va. Alors, vous avez la parole.

M. Vézina (Michel): M. le ministre, Mmes et MM. membres de l'Assemblée nationale, laissez-moi tout d'abord vous remercier de l'occasion que vous nous accordez aujourd'hui d'exprimer sans détour l'opinion des membres de notre syndicat.

L'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal, on le comprendra, interpelle nos membres à plus d'un titre. Premièrement, il touche directement leurs conditions de travail et l'avenir même de leur emploi comme professionnels embauchés par la ville de Montréal ou la Communauté urbaine de Montréal. Ne serait-ce que sous ce seul aspect, notre intervention dans le cadre de cette commission parlementaire est tout à fait légitime et bien fondée. Mais, surtout, l'avant-projet de loi qui nous est ici proposé comporte des enjeux politiques, économiques et sociaux qui touchent l'ensemble de nos concitoyennes et concitoyens. Aussi, nous considérons qu'il est de notre devoir de soulever ces enjeux et de les porter à l'attention de tous.

L'intérêt public, un principe cardinal à respecter pour nous. La raison de l'intérêt public a parfois, sinon trop souvent, servi de paravent à des opérations favorisant des intérêts particuliers ou privés au détriment des citoyens ou à leur insu. Faut-il alors se surprendre du désintéressement général de la population face à la chose publique? Faut-il s'indigner de la méfiance de nos concitoyens et concitoyennes à l'égard de la classe politique et à l'égard des appareils administratifs qu'on qualifie d'emblée d'administration publique?

D'entrée de jeu, nos membres sont d'avis qu'il faut à tout prix éviter que la chose publique devienne la chose de quelques-uns. À cet égard, l'avant-projet de loi n'offre à la population aucune garantie. Cela ne signifie pas pour autant que nous rejetons l'idée générale de partenariat, au contraire. Si l'occasion leur en est donnée, les membres du Syndicat apporteront tout leur soutien et leurs idées pour le maintien de services publics de qualité tout en s'assurant des coûts les plus bas possible, deux objectifs fondamentaux qu'on ne saurait sacrifier à l'autel d'une idéologie de privatisation dont on veut taire le nom.

Depuis la Révolution tranquille surtout, la modernisation du Québec s'est effectuée sur la base d'un partenariat unique en Amérique du Nord, un partenariat réel, constructif et surtout inclusif entre l'ensemble des acteurs sociaux et l'État québécois. Des leviers économiques puissants ont été mis sur pied avec la création des sociétés d'État comme la Caisse de dépôt et placement et Hydro-Québec.

Les consensus sociaux ont pendant une trentaine d'années reposé solidement sur les acquis de la Révolution tranquille. Mais, aujourd'hui, pour seule réponse à la crise des finances publiques et à un endettement rendu excessif, notamment par des politiques monétaires nationales impliquant des taux d'intérêt élevés visant le contrôle de l'inflation et aussi par l'abandon de facto de l'objectif du plein-emploi, ce que nous offrent les décideurs politiques, c'est un démantèlement en règle des institutions qui ont fait notre force comme peuple et la liquidation des actifs collectifs durement et parfois chèrement acquis au fil des années.

De plus, dans le cadre de l'avant-projet de loi, lesdits partenaires privés pourront même bénéficier d'une situation idéale de partage de risques, notamment par le cautionnement municipal des emprunts, tout en s'assurant la part du lion des profits réalisés sur la base d'une tarification des services rendus.

Selon nous, l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte ouvre grande la porte à la dilapidation des biens publics et à leur prise de contrôle effective par des intérêts privés dont la logique repose tout naturellement sur la recherche du profit. Il s'agit d'une forme de partenariat lucratif pour les uns, mais qui, potentiellement, renforce des mécanismes d'exclusion sociale tant décriés aujourd'hui par tous et par toutes.

Exclusion, premièrement, parce que la privatisation des profits dans le secteur des services publics ne saurait contribuer à un enrichissement collectif réel. Au contraire, l'expérience montre que dans bien des cas la privatisation par la voie des SEM ou autrement engendre une augmentation substantielle des charges pour les usagers qui pensaient diminuer leurs impôts. On pense notamment à l'expérience de partenariat entre la ville de Montréal et la société Stationnement de Montréal gérée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Board of Trade, qui a finalement fait augmenter les tarifs de stationnement à Montréal de près de 50 %.

J'aimerais souligner ici que les 30 minutes de grâce promises par le maire Bourque, qui était résolument contre la privatisation des stationnements pendant sa campagne électorale, n'ont jamais été accordées.

On pense également aux expériences françaises concernant la privatisation de l'eau. J'aimerais citer à cet effet l'enquête des journalistes Yvon Laberge et André Noël, dans La Presse , qui, dans leur série d'articles récents portant sur la privatisation de l'eau, signalent que, depuis la privatisation de la distribution à Paris, en 1984, le prix de l'eau a connu une augmentation de 154 %, comparativement à une inflation globale de l'ordre de 39 % pendant la même période.

Dans ces cas comme dans d'autres, les citoyens se sont vus privés des bénéfices de la privatisation. Ils en ont payé la note, qui inclut par ailleurs une marge de profit qui n'existait pas auparavant. Le partenariat a donc, dans ces cas, passé à côté de son objectif: celui d'améliorer la prestation des services publics et d'en réduire réellement les coûts.

En deuxième lieu, la formule proposée encourage aussi l'exclusion, parce que nous avons l'intime conviction que les élus municipaux réclament à cor et à cri l'adoption du présent avant-projet de loi pour contourner la nécessité de s'entendre avec la fonction publique sur les voies et moyens d'améliorer la prestation des services publics et d'en réduire les coûts. Les élus municipaux s'assureraient de la collaboration des employés municipaux si l'introduction de ce nouveau concept de SEM n'était pas conçu pour les affaiblir ou les exclure. Mais, surtout, la création des SEM ne devrait pas constituer une façon détournée de faire l'économie d'une réorganisation efficiente des administrations publiques en général et municipales en particulier. On risquerait d'y exporter des pratiques de gestion qui sont de grandes sources de problèmes et d'abus.

Dans le cas particulier de la ville de Montréal, la complète désorganisation administrative qui prévaut et qui était entretenue depuis les premiers mois de l'arrivée en fonction de l'administration Bourque aggrave sérieusement les problèmes d'efficacité et d'efficience de la fonction publique et devient par le fait même un excellent prétexte pour forcer la privatisation des services. Ce chaos organisationnel devient alors un instrument politique qui favorise auprès de l'opinion publique l'option de la privatisation enrobée de partenariat plutôt que celle de la mise en ordre concertée de la fonction publique municipale.

Enfin et surtout, l'avant-projet de loi favorise l'exclusion, parce qu'en privatisant même partiellement les services publics les citoyens contribuables perdent leur droit de regard et leur capacité de contrôle direct sur les opérations des sociétés qui seront chargées d'administrer et de planifier la livraison des services privatisés ou semi-privatisés. C'est un aspect qui suscite énormément de méfiance chez de nombreux citoyens quant aux véritables intentions des élus municipaux.

À ce stade-ci, j'aimerais mettre de l'avant trois grands principes visant à baliser toute initiative touchant au partenariat dans la prestation et la gestion des services municipaux. Nous demandons qu'ils soient systématiquement respectés tant par les élus de l'Assemblée nationale que par les élus municipaux aujourd'hui et pour l'avenir.

Les membres du Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal sont d'avis que tout projet ayant pour but de créer par le partenariat des synergies visant l'amélioration de la prestation des services publics ne devrait pas se faire sur la base de la commercialisation et de la recherche de profits.

Deuxièmement, les membres du Syndicat des professionnelles et professionnels sont d'avis que les employés des municipalités devront être étroitement associés à la recherche des voies et moyens permettant le maintien au moindre coût possible des services publics de qualité.

Enfin, troisièmement, le Syndicat des professionnelles et professionnels tient à signifier son opposition à tout projet de partenariat qui aurait pour conséquence d'affaiblir le contrôle effectif des institutions démocratiques municipales ou encore d'affecter la transparence des processus décisionnels concernant la prestation des services publics et la gestion et l'usage des biens publics. Je reviendrai plus loin sur le dernier aspect qui mérite qu'on s'y attarde plus particulièrement.

Pour l'instant, j'aborderai la question des sociétés d'économie mixte et de leur pertinence dans le contexte québécois. L'idée d'économie mixte. Depuis longtemps, surtout depuis la Seconde Guerre mondiale, les pays industrialisés se sont développés sur la base de synergies entre le secteur privé et le secteur public, et plus généralement à partir du rôle régulateur de l'État, qui intervient dans l'économie par le biais de politiques macroéconomiques et sectorielles. Nous vivons donc, de fait, au sein d'économies mixtes.

(15 h 30)

Le concept de société d'économie mixte est importé d'Allemagne et de France. Il voit le jour durant les années trente, dans un contexte où l'État doit pallier aux insuffisances du marché autorégulé. Aujourd'hui, c'est dans une perspective de déréglementation et de privatisation qu'on nous présente les sociétés d'économie mixte. Il s'agit donc d'un détournement de sens.

Pourquoi cet engouement soudain pour la création de sociétés d'économie mixte dans le monde municipal? Pourquoi ouvrir cette formule juridique à toutes les fonctions municipales, ou peu s'en faut, par le biais d'une loi-cadre plutôt que de procéder au cas par cas en cherchant les meilleurs moyens d'atteindre les objectifs recherchés? L'avant-projet de loi semble considérer la chose comme une solution miracle, une panacée aux problèmes organisationnels de la fonction publique. C'est là une grande illusion, une fuite en avant.

On prétend, par ailleurs, que la formule des SEM permettra, de façon générale, de conjuguer les meilleures compétences du public et du privé. Mais, dans la pratique, est-ce qu'on ne risque pas également de cumuler les inconvénients des deux mondes? C'est, comme le dit le vieil adage, dans ce genre de situation, si les qualités s'additionnent, les défauts se multiplient.

Cela dit, nous sommes d'avis que le concept de SEM pourrait s'avérer être une solution utile et fonctionnelle dans certains cas bien précis de partenariat, notamment dans les secteurs d'innovation où les autorités municipales n'ont pas développé d'expertise. Il faut, par contre, éviter de tenter d'appliquer le concept à toutes les situations et s'assurer de l'adapter aux valeurs démocratiques qui fondent notre société québécoise.

Les membres du Syndicat des professionnels sont d'avis que la création des sociétés d'économie mixte doit, dans certains domaines ciblés, s'inscrire en complémentarité avec l'expertise que détiennent déjà les municipalités québécoises. Par exemple, on peut penser à mettre sur pied une SEM à but non lucratif pour commercialiser des expertises développées par les laboratoires municipaux dans des domaines des travaux publics. On pourrait également créer une SEM en s'associant à des centres de recherche universitaires ou privés et dont le rôle serait de développer les échanges d'expertises entre les municipalités.

Le rôle des SEM ne devrait pas être de se substituer aux services municipaux; cette expertise municipale est un atout stratégique à préserver et à cultiver. Il faut éviter de l'annihiler en la dispersant pour toujours dans des organismes dont l'existence à long terme n'est pas assurée. Il faut éviter de se retrouver, comme plusieurs municipalités qui ont tenté de privatiser certaines de leurs activités traditionnelles, devant des situations où nous devons éventuellement remunicipaliser, et à grands frais, parce qu'il faudra rebâtir l'expertise perdue.

Il y a lieu, à notre avis, pour le gouvernement du Québec de mieux cibler les potentialités du concept de société d'économie mixte dans le secteur des affaires municipales et surtout d'éviter d'en faire un concept mur à mur qui servirait, dans les faits, d'assiette au beurre à de grandes entreprises monopolistiques qui seraient tentées de s'installer confortablement et sur invitation cordiale sur le marché local captif tout en fixant, hypothétiquement, à leur gré, les tarifs pour les services qu'elles fournissent à des fins purement lucratives. Sur cet aspect, l'avant-projet de loi ne prévoit absolument rien. C'est une lacune majeure.

Je vais maintenant faire quelques mises en garde sur certains aspects plus spécifiques de l'avant-projet de loi proposé et qui nous amènent à le rejeter en bloc. Parlons d'abord du problème de la transparence et du contrôle des institutions publiques sur les sociétés d'économie mixte. Les sociétés d'économie mixte constitueront des personnes morales distinctes des organismes municipaux. Elles ne seront pas redevables ou imputables devant les conseils municipaux, même si leur conseil d'administration était composé majoritairement d'élus municipaux. Le fait qu'elles soient tenues de produire un rapport annuel d'activité, un bilan financier soumis à vérification officielle, n'offre aux citoyens aucune garantie de transparence ni d'ailleurs aucun contrôle effectif.

Par le passé, la ville de Montréal a souvent été critiquée, notamment par son vérificateur général, pour son manque de transparence eu égard à la gestion des sociétés paramunicipales. Une partie importante de l'endettement à long terme des Montréalais et Montréalaises provient des emprunts contractés par la ville pour ses paramunicipales. Mais, dans ce cas, le comité exécutif qui autorise le règlement d'emprunt est quand même redevable devant le conseil municipal.

J'aimerais rappeler ici que la ville de Montréal, encore cette année, a absorbé une dette de 200 000 000 $ contractée par trois sociétés paramunicipales maintenant fusionnées dans une seule, la SDM.

La formule proposée par l'avant-projet de loi jettera, selon nous, un voile encore plus opaque sur les opérations des sociétés d'économie mixte. Le secret commercial qu'impose la logique du profit est inhérent à ce genre de formule. La municipalité, même majoritaire dans la SEM, ne réussira pas à empêcher que s'installe ce voile d'opacité. Elle souhaite attirer ou conserver son partenaire privé.

Il s'agit là d'une perte de contrôle indue qui menace directement les intérêts des citoyens. Si on doit présumer de la bonne foi desdits partenaires, cela ne nous oblige pas à la naïveté. Peu importe la formule de partenariat adoptée, la gestion des services publics doit faire preuve d'une transparence sans faille tout en étant soumise au contrôle direct des instances démocratiques municipales. Les seules instances aptes à assurer cette transparence sont les conseils municipaux. Toute structure de gestion de services publics devra, en dernière analyse, leur être soumise. L'imputabilité et la transparence doivent demeurer des principes intouchables, à plus forte raison en période d'austérité budgétaire.

Le choix du partenaire privé pour la mise sur pied d'une SEM constitue un deuxième enjeu très délicat. L'avant-projet de loi n'exige pas que le fondateur municipal de la SEM suive quelque processus que ce soit en ce qui a trait à la sélection des partenaires privés. Il s'agit d'une faille majeure de conception sur le plan de l'intégrité et de la protection de l'intérêt public.

Il s'agit, selon nous, d'une invitation au favoritisme. Des situations de trafic d'influence, de collusion, de conflit d'intérêts, voire même de corruption, sont susceptibles d'apparaître. Il faut donc à tout prix éviter qu'une loi à l'Assemblée nationale permette à une municipalité ou à un regroupement de municipalités de désigner le partenaire privé de son choix sans avoir recours à une procédure d'appel de propositions qui, minimalement, assurerait une certaine transparence dans le processus de formation d'une SEM. Le choix devrait être entériné par le conseil municipal après étude et consultation publique exhaustive en commission.

Le favoritisme que permettrait une loi comme celle qui est proposée aura d'autant plus d'effets dévastateurs pour l'intérêt public si la gestion et la prestation de services étaient réalisées en l'absence de tout cadre concurrentiel réel, seule formule de marché susceptible d'empêcher un contrôle total des prix par un «monopoleur» ou encore par un cartel de SEM se partageant un marché sur une base territoriale.

Selon nous, le transfert de la gestion et de la prestation de services municipaux à une SEM constituera de facto une situation monopolistique ou oligopolistique où le citoyen, devenu consommateur-payeur qui ne pourra choisir son fournisseur, sera complètement dépourvu du pouvoir d'influencer le prix qu'il souhaite ou peut payer pour le service dont il a besoin.

La question des appels d'offres est un troisième enjeu que nous désirons soulever. L'avant-projet de loi exempte les SEM qui seront créées de l'obligation qu'ont les administrations municipales de procéder par appel d'offres pour l'attribution de contrats majeurs d'approvisionnement en biens et services. Il s'agit, encore ici, d'une faille conceptuelle majeure de l'avant-projet de loi eu égard à la protection de l'intérêt public.

La Présidente (Mme Bélanger): Je m'excuse, M. Vézina, il vous reste deux minutes. Si vous voulez en venir à quelque chose de très important...

M. Vézina (Michel): Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): ...que vous voulez absolument faire...

M. Vézina (Michel): Je termine rapidement.

La Présidente (Mme Bélanger): Je vous demanderais de...

M. Vézina (Michel): D'accord.

La Présidente (Mme Bélanger): ...résumer davantage.

M. Vézina (Michel): La question des appels d'offres est un troisième enjeu que nous désirons soulever. L'avant-projet de loi exempte les SEM qui sont créées de l'obligation qu'ont les administrations municipales de procéder par appel d'offres pour l'attribution de contrats majeurs d'approvisionnement en biens et services. Il s'agit...

Je m'excuse, je vais reprendre sur un autre texte, en résumé, pour terminer, sans ça, je n'y arriverai pas. Enfin, l'avant-projet de loi passe sous silence la question de la tarification des services publics, un aspect pourtant fondamental puisqu'il aura pour conséquence d'appauvrir davantage les citoyens dont la capacité de payer est limitée ou inexistante.

Les effets de la tarification seraient d'autant plus désastreux dans des secteurs stratégiques tels que la gestion de l'eau. Le Syndicat estime qu'en raison du degré élevé de pauvreté à Montréal l'eau doit demeurer une denrée accessible à tous si l'on veut éviter de plonger des quartiers entiers dans des situations extrêmement difficiles. À cet égard, on rappelle que l'approvisionnement de l'eau potable est devenu un service public municipal pour des raisons d'hygiène et de salubrité et que la santé publique pourrait être mise en péril advenant la privatisation.

Je vais terminer avec la conclusion de notre texte. En conclusion, les membres du Syndicat sont d'avis que l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte entre en conflit direct et fondamental avec l'intérêt public tant du point de vue de son architecture générale qu'en substance. En substance, il constitue une perversion du concept même de l'outil que devrait être une SEM, un outil de développement au service des citoyens et citoyennes des municipalités du Québec et non pas un tremplin qui aiderait l'entreprise privée à s'approprier le bien public sans trop risquer et pour en tirer des profits potentiellement importants.

(15 h 40)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, si vous voulez y aller avec votre recommandation.

M. Vézina (Michel): En conséquence, nous recommandons à la commission de l'aménagement et des équipements que le gouvernement retire purement et simplement l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal du menu législatif de l'Assemblée nationale. Nous souhaitons, de même, que la société québécoise engage un débat de fond sur la façon d'améliorer la livraison des services publics et d'en réduire les coûts. L'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec pourraient instituer une commission parlementaire élargie portant sur le thème de la livraison des services publics où toutes les options, y compris le partenariat privé-public ou public-privé, et la décentralisation administrative susceptible de contribuer à l'enrichissement collectif par l'amélioration de l'efficacité et l'efficience des administrations publiques, seraient considérées. Le sommet économique prévu à la fin de mars devrait également se pencher sérieusement sur cette problématique. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Vézina. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. le président, M. Vézina, de cette présentation extrêmement dense et sur laquelle il faut revenir, je dirais, section par section, parce que vous touchez des questions qui sont fondamentales, qui sont cruciales, à l'égard du tournant qu'on s'apprête à prendre. En souhaitant aussi la bienvenue, bien sûr, à M. Arteau et à Mme Paquin, votre conseillère en communication.

Écoutez, je partirais de votre conclusion. Vous ne m'en voudrez pas, au contraire, de la trouver extrêmement intéressante. Et là vous allez me dire: Prenez tout le bout au complet. Mais j'y lis: Une SEM, ce doit être un outil de développement au service des citoyens et des citoyennes des municipalités du Québec et non pas un tremplin qui aiderait l'entreprise privée à s'approprier le bien public sans trop risquer et pour en tirer des profits potentiellement importants.

Bien, moi, je vais vous dire que, quand on part de cela, il semble qu'il y a moyen de travailler et d'aller pas mal loin, parce que vous n'êtes pas en matière – en tout cas, pour ma part, la perception que j'en ai – d'irréconciliable, non, pourvu que la prémisse, la majeure de la prémisse, ce soit la notion d'intérêt public et de service aux citoyens et aux citoyennes. Alors, si vous le permettez, on va se questionner là-dessus, et en particulier à partir des principes, des éléments fondamentaux que vous souhaitez que l'on retrouve dans cette question de l'économie mixte.

Le fait que la société d'économie mixte soit obligatoirement contrôlée majoritairement par les pouvoirs publics, par le fondateur municipal, que les administrateurs soient des élus au suffrage universel et que ce soient ces personnes qui sont des élus au suffrage universel sur qui va reposer l'imputabilité, ça ne vous apparaît pas comme une règle suffisante pour assurer l'intérêt public en matière de livraison de services publics municipaux?

M. Vézina (Michel): Ça ne nous apparaît certainement pas comme potentiellement exempt de toute forme de – je pèse mes mots parce que je ne veux pas aller trop loin – magouillage, si on veut, puisque les élus municipaux qui feraient partie éventuellement de ces conseils d'administration ne sont pas redevables ni vis-à-vis de leur conseil municipal ni devant les citoyens des gestes qu'ils posent alors qu'ils sont au conseil d'administration de la SEM. Le projet de loi, tel qu'il est écrit, ne donne aucune garantie que les gestes qu'ils vont poser à titre d'administrateurs dans une SEM vont être, d'abord, transparents, vont être publics, vont être accessibles, vont être connus et vont être contrôlables. Tout ce que ça dit, le projet de loi, tout ce qu'il implique, c'est que les administrateurs vont siéger au conseil de la SEM et ils vont agir en administrateurs de SEM ou en administrateurs d'entreprise, et il n'y a aucune obligation d'information, même aux conseils municipaux. Ils sont là comme administrateurs.

Un bon exemple qu'on peut donner, c'est la gestion, par exemple, de la caisse de retraite, celle à laquelle j'appartiens à la ville de Montréal. Les gestionnaires de la caisse de retraite, même ceux qui sont nommés par le Syndicat pour agir à titre de gestionnaires, la loi prévoit qu'ils agissent, à la caisse de retraite, comme administrateurs, en bons pères, comme la loi le dit – je ne sais pas si on utilise encore le terme, on l'utilisait – en bons pères de famille. C'est-à-dire qu'ils ont des décisions à prendre en bons fonctionnaires ou en bons pères de famille.

M. Trudel: En bons chefs de famille.

M. Vézina (Michel): Ou en bons chefs de famille. C'est nous, comme Syndicat, qui exigeons que nos représentants à la caisse de retraite viennent rendre compte de leur mandat, de leur travail à l'intérieur de la caisse de retraite. Cet élément-là n'existe pas dans la loi au niveau des SEM, vis-à-vis des administrateurs publics.

M. Trudel: Bon. Je le répète: ça, c'est extrêmement intéressant, parce que, effectivement, ces instruments, les SEM, deviendraient donc, au plan formel, des entreprises au sens de la première partie de la Loi sur les compagnies. Et, à cet égard-là, les administrateurs ont donc la responsabilité morale d'agir en bons pères de famille à l'égard de l'objet pour lequel ils siègent sur un conseil d'administration. Il faudra trouver – oui, je trouve ça intéressant, là – si nous poursuivons dans la même direction, une formule – parce qu'on est condamnés à la créativité en pareille matière – qui fasse en sorte que la notion, le fondement ou le principe fondamental mis de l'avant par le législateur au niveau de l'esprit, c'est que ça demeure une entreprise contrôlée par le public. Ça, c'est très clair.

Et là je le répète, parce qu'il faut le redire: si l'instrument que nous dessinons pour atteindre cet objectif-là ne nous le permet pas, bien, on a l'obligation de révision. En vous soulignant, M. le président, que ce sont par ailleurs des élus municipaux qui ont l'obligation de répondre à toute question des membres du conseil municipal à l'égard du mandat qui leur est confié et que, lorsqu'ils sont issus d'une MRC, par exemple, membre d'une entité municipale qui serait une MRC, ils ont aussi le devoir de répondre à toutes les questions et aussi de se soumettre à la loi en matière d'accès à l'information, puisque ça devient un organisme municipal.

Je tiens à le préciser: les SEM sont des organismes municipaux au sens de l'article 5 de la loi d'accès à l'information; ces sociétés deviennent des organismes municipaux. Bon. Donc, il faudra faire attention... Donc, faire attention, mais il faudra être bien précis sur cette notion d'intérêt public.

Bon. Vous ajoutez également une autre dimension qui me semble extrêmement importante. Vous dites en quelque sorte, là – puis si ça va trop loin, je suis sûr que vous allez me ramener dans le droit chemin – la société d'économie mixte, ou les sociétés d'économie mixte si nécessaire, mais pas nécessairement ça dans tous les cas. Pour un certain nombre de domaines où on est dans l'innovation, on est dans le nouveau, on est dans des secteurs qui peuvent favoriser, par exemple, l'exportation de l'expertise, sur quoi on va s'appuyer pour déterminer qu'on est dans le nouveau et non pas dans des services qui reviennent d'abord au public, au sens où nous l'avons actuellement dans une municipalité?

(15 h 50)

M. Vézina (Michel): Ce n'est pas nécessairement l'aspect nouveauté qui est le plus fondamental, c'est l'aspect partage de l'expertise et exportation de l'expertise qui nous semble intéressant au niveau des SEM. Par exemple, une SEM pourrait être créée pour partir d'un domaine d'expertise qui est développé par une municipalité ou par une MRC ou par n'importe quel organisme à caractère public. Et, ça, ça pourrait être aussi bien applicable au niveau du gouvernement provincial que dans des organismes comme Hydro-Québec, où on a retrouvé ce genre d'approche là. Un domaine d'expertise qui est développé, parce que, par exemple, Montréal, qui est quand même la plus grosse ville au Québec, a développé certaines expertises très pointues dans certains domaines: l'informatique, en particulier, la gestion informatique de certains réseaux, de certains systèmes.

Le rôle d'une ville comme Montréal, ce n'est pas de commercialiser une expertise comme ça; son rôle, c'est de développer l'expertise pour faire marcher sa machine. Mais la commercialisation d'une connaissance comme celle-là et d'une expertise comme celle-là, ça pourrait être l'objet de la création d'une société mixte entre la ville et l'entreprise privée qui aurait comme objet, comme objectif, non pas de gérer à l'intérieur, selon ces systèmes-là, de gérer la ville, mais de développer cette expertise-là pour l'exporter, la vendre aux autres municipalités, la vendre ailleurs, la vendre dans d'autres pays, puisqu'aujourd'hui les frontières tendent à disparaître. Ça, c'est, pour nous autres, quelque chose qui justifierait la création d'une société d'économie mixte où chacun apporte, un, l'expertise, l'autre, la connaissance des marchés, le capital pour investir dans l'entreprise, et partager le bénéfice ensemble de ça. Ça ne sort pas nécessairement de la régie, des fonctions qui sont exercées fondamentalement par les services publics.

M. Trudel: Merci de la précision. Abordons directement aussi une autre question bien fondamentale, la question de la tarification. Vous y allez directement dans votre mémoire. On n'est pas ici pour se conter des histoires. On est ici pour retrouver la vérité.

Tentons d'y voir clair, au minimum, parce qu'à deux endroits dans votre mémoire vous dites, à la page 4, sur la question, justement, de mieux cibler les potentialités du concept de société d'économie mixte dans le secteur des affaires municipales, vous dites: «Il faudra éviter de s'installer confortablement et sur invitation cordiale sur un marché local captif tout en fixant, hypothétiquement, à leur gré, les tarifs pour les services qu'elles fournissent à des fins purement lucratives.»

Et plus loin, vers la fin de votre mémoire: «En conclusion, soulignons que l'avant-projet de loi sur les SEM dans le secteur municipal passe sous silence la question de la tarification.» C'est une question importante, mais on ne la passe pas sous silence, par exemple, parce qu'il est bien indiqué dans le projet de loi – et c'est ça que je veux examiner avec vous, si les balises sont suffisantes – on indique bien que ce n'est pas au degré du partenaire privé qu'on va fixer la tarification, la responsabilité n'en reviendra pas non plus qu'à l'unique partie publique du partenaire municipal, ça va revenir à celui qui a mandaté la partie municipale. C'est-à-dire que c'est toujours le conseil municipal ou les conseils municipaux concernés qui devront approuver tout tarif pour un service public qui serait administré, géré, organisé et livré par, éventuellement, une société d'économie mixte.

Est-ce que ça vous apparaît suffisant, ça, de dire dans la loi: Ça va être comme d'habitude: toute taxation ou tarification devra faire l'objet d'une résolution de la part de l'organisme public élu au suffrage universel et qu'on peut passer à tabac à tous les deux ans ou quatre ans?

M. Vézina (Michel): Ça ne nous apparaît pas du tout suffisant. Il faut penser que la plupart des SEM, en tout cas, celles qu'on prévoit, celles qu'on peut penser, qu'on peut imaginer être créées dans le moment seraient des organismes monopolistiques. À partir du moment où ces gens, où les SEM détiennent un monopole, parce qu'il s'agirait vraiment... La gestion de l'eau qu'on confierait à une SEM, c'est un monopole pur et simple. On ne peut pas être quatre entreprises à se concurrencer pour gérer l'eau, ce n'est pas vrai. Un contrat de 30 ans, 40 ans, 50 ans, c'est géré, c'est monopolistique. À partir du moment où c'est monopolistique, la tarification que ça entraînerait serait décidée ou serait recommandée, comme je vous le disais, au conseil municipal par l'entreprise. On voit très mal un conseil municipal dire non à une demande de tarification de ses propres administrateurs, qui sont sur la SEM avec l'entreprise privée, qui feraient la démonstration que, si on n'augmente pas les tarifs, on va perdre, la business va sauter parce qu'on n'y arrivera pas.

Hydro-Québec, le téléphone, le gaz, les ondes, tous ces organismes-là sont contrôlés par des mécanismes gouvernementaux de contrôle. Hydro-Québec ne peut pas augmenter – vous êtes bien placés pour le savoir ces jours-ci – elle ne peut pas augmenter ses tarifs sans venir devant le gouvernement puis demander l'autorisation. Le Bell ne peut pas augmenter ses tarifs sans que le CRTC dise oui. Dans le domaine des communications, dans tous les domaines qui ont un caractère le moindrement monopolistique, à qui l'État accorde une forme de monopole, c'est contrôlé par des régies, des régies gouvernementales.

Nous, on pense qu'au niveau de la tarification le conseil municipal ne peut pas avoir le caractère puis le pouvoir qu'une régie détient pour contrôler les prix. Il faudrait quelque chose de beaucoup plus fort que le simple conseil municipal pour s'assurer que la tarification qui aboutirait serait dans le meilleur intérêt public des citoyens d'une municipalité. À partir du moment où un conseil municipal est totalement contrôlé par un parti politique, il n'y a pas d'opposition. On sait qu'au bout de la ligne ça peut vouloir dire que c'est contrôlé par un seul homme ou à peu près. Je veux dire, on n'ira pas dans le détail, là, mais ça peut être ça, très souvent.

C'est quoi, la garantie qu'on a au niveau du contrôle d'une tarification dans une municipalité quand, finalement, ça aboutit entre les mains d'une seule personne? Et ce danger-là, il n'existe pas rien que dans une municipalité comme Montréal, il existe partout, partout dans les autres municipalités.

M. Trudel: Merci de cette information, tout en prenant en compte, cependant, qu'à partir du moment où nous aurions l'exigence de rendre publiques les intentions de décision à l'égard de la tarification ou de toute autre taxation, le peuple a généralement une sagesse assez bien répartie, hein, pour contrôler et ses élus municipaux ou ses élus provinciaux ou ses élus à tous les niveaux, en s'assurant cependant que, dans la complexité de la vie moderne – oui, vous avez raison, je pense, là-dessus, quant à moi – il faut s'assurer que ce soit extrêmement, clairement établi et situé sur la place publique et que ce ne soit pas, je dirais, un enjeu parmi tant d'autres.

Et, moi, je pense que, démocratiquement, on peut en arriver à fixer les règles à l'intérieur desquelles doit se jouer cette responsabilité éventuelle de la tarification, comme vous venez de l'évoquer pour Hydro-Québec. Ce n'est pas parce qu'on a des membres de l'actionnaire principal sur le conseil d'administration d'Hydro-Québec qu'on ne leur demandera pas de comptes puis qu'on ne leur fixera pas des exigences, parce qu'il y a une question d'intérêt public dans ce domaine-là.

M. Vézina (Michel): Mon confrère voudrait ajouter un petit commentaire sur ça.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Arteau?

M. Arteau (Richard): On comprend très bien...

La Présidente (Mme Bélanger): C'est M. Arteau?

M. Arteau (Richard): Oui, c'est ça, merci. On comprend très bien l'esprit de la loi qui se situe dans un contexte où le gouvernement veut décentraliser certaines responsabilités, aux municipalités notamment. C'est pour ça, ici, qu'on a une loi-cadre qui nous est proposée, pour éviter, à chaque fois, qu'on revienne, qu'une municipalité revienne en commission parlementaire faire amender sa charte pour lui permettre de créer une société d'économie mixte, une paramunicipale ou quelque autre forme de partenariat auquel on pourrait penser.

(16 heures)

On est d'accord avec l'esprit général de cette décentralisation-là vers les municipalités. Ce que je voudrais ajouter là-dessus – et ça m'apparaît très important – c'est que cette décentralisation-là, si elle n'est pas accompagnée d'un développement des institutions démocratiques locales de consultation publique, comme ce qu'on fait aujourd'hui, par exemple, si ce n'est pas bien balisé, si on n'a pas des institutions démocratiques locales solides, on s'expose à des abus. Quel pouvoir le citoyen va avoir, s'il se sent lésé dans une situation particulière, d'interpeller son maire lors d'une période de questions au conseil municipal, qui dure 30 minutes, ça prend, je pense... Oui, on est d'accord avec cette décentralisation-là, mais il faut l'accompagner de développement des institutions démocratiques qui permettent au citoyen, à la base, au niveau local, de participer activement et de trouver les ouvertures, les portes qu'il faut pour exprimer ses griefs dans des situations qui peuvent le toucher directement. C'est ça qu'on trouve, à la base, qui manque. En prenant à la pièce des projets de loi, par exemple, sur la société d'économie mixte, qu'on a en ce moment, on ne parle que des mécanismes de création de ça, on ne parle pas des enjeux pour les citoyens, le contrôle que les citoyens pourraient avoir là-dessus au niveau local. Je pense que la réflexion reste encore à faire.

Il y a quelques années, à la ville de Montréal, des institutions de consultation publique ont été mises en place. Aujourd'hui, ça a été remplacé par des conseils de quartier qui interviennent sur des questions très, très locales, à un coin de rue. Je ne sais pas quelle porte le citoyen va pouvoir ouvrir pour défendre ses intérêts dans le cas, par exemple, d'une société qui gérerait l'eau et qui déciderait tout à coup d'imposer un tarif...

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. Arteau.

M. Arteau (Richard): Oui, bon, c'est ça que je veux dire.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. M. Vézina, monsieur, madame, vous me pardonnerez ma franchise, mais je pense qu'on est ici, finalement, pour essayer de voir clair au travers de cet avant-projet de loi là. Si vous étiez présents au moment de nos notes d'ouverture, vous vous rappellerez sans doute que j'ai mis le citoyen au coeur de nos préoccupations. Je pense que c'est ce qu'on doit faire. Ça ne doit pas être des structures. Ce n'est pas l'entreprise privée, ce n'est pas la ville comme entité, c'est le citoyen, finalement, qui, lui, paie pour avoir des services et qui en a, vous me passerez l'expression, pas mal ras le bol de payer partout.

Ceci étant dit, on nous demande comme contribuables, vous en êtes, les gens qui sont derrière vous en sont, mes collègues ici en sont également, on nous demande, à tous les niveaux de gouvernement, de se serrer la ceinture, d'être compréhensifs, de réduire les budgets, de réduire les dépenses et à la fois d'être innovateurs et créateurs.

Vous me voyez un peu surprise, je vous le dis honnêtement, par le ton assez négatif avec lequel vous abordez ce dossier-là et vous me permettrez, et c'est un constat, évidemment... mais, à une époque où on doit être tous des partenaires, vous comme la ville, les villes, les sociétés de développement économique, et même le gouvernement et toutes ses composantes... Je comprends qu'il y a des éléments qui font peur là-dedans et qui causent aussi problèmes et maux de tête à des syndicats, parce que, pour vous autres, et c'est clair que vos membres doivent être protégés, et je pense que personne ne va vous en tenir rigueur, en tout cas, certainement pas nous... de, d'abord, prioriser ça.

Par contre, l'autre élément, c'est la façon dont vous dites, carrément: Retirez l'avant-projet de loi. Remarquez que je n'ai pas à le défendre, ce n'est pas le mien, ce n'est pas le nôtre. Mais, cependant, notre gouvernement, lorsqu'il était au pouvoir, a été l'initiateur des sociétés d'économie mixte et a voté, a fait voter par l'Assemblée nationale deux des projets-pilotes. Donc, il y a, je pense, dans ce principe-là des éléments qui sont fort positifs.

Je vous demanderais comme première question: Si l'article 45, vous aviez la garantie qu'il était appliqué puis que ça ne causerait pas un problème dans l'esprit, mettons, dans l'entreprise privée, si la loi sur l'accès à l'information permettait que les citoyens puissent avoir accès aux documents normaux, si on réglait l'ensemble des problèmes que vous soulevez, est-ce que, pour vous, comme partenaires du développement économique... Là, je comprends que vous êtes de Montréal, mais je vais vous demander de prendre un chapeau peut-être un petit peu plus large. Est-ce que vous seriez prêts à regarder cet outil-là comme un outil de développement économique?

M. Vézina (Michel): Je serais tenté de vous dire que ce serait un outil très intéressant si, d'une part, on maintient les règles du jeu prévues par le Code du travail dans le moment, c'est-à-dire l'effet de l'article 45, mais qu'on ajoute un petit paragraphe supplémentaire qui permet la négociation et l'étendue de la juridiction syndicale sur une base sectorielle, et là vous réglez une partie du problème.

Mme Delisle: Est-ce que vous pourriez expliquer «sectorielle», ce que ça veut dire pour vous?

M. Vézina (Michel): Ça, ça veut dire que le jour où la ville, par exemple, la ville de Montréal décide qu'elle privatise et qu'elle multiplie les entreprises avec lesquelles elle entre en partenariat et que, tranquillement, elle gruge 25 employés là, 30 là, 40 là, 50 là, l'article 45 s'applique. Mais on se retrouve, notre syndicat ou n'importe quel des syndicats, avec huit, 10, 12, 15 conventions collectives à négocier avec huit, 10, 12, 15 patrons différents. Nous, on dit: La seule façon d'éviter ça, qui permettrait peut-être une ouverture au niveau de la création ou de la multiplication des gens avec qui on pourrait traiter, des partenaires, c'est ouvrir la porte à la négociation sectorielle. Ce n'est pas d'aujourd'hui, ça fait 30 ans que les syndicats le demandent. Et ça, c'est un élément qui pourrait être un élément de solution.

Le jour où je n'aurai qu'une convention à négocier pour tous les gens, qu'ils soient dans n'importe quelle de ces sociétés-là, là, j'ai moins de problèmes... Mais le jour où j'en aurai 10, 15... Un syndicat qui a, je ne sais pas, moi, 25, 30 employés, qui couvre 25, 30 employés, et il y en a, peut se retrouver du jour au lendemain à gérer huit, 10, 12 conventions collectives, à négocier huit, 10, 12 conventions avec huit, 10, 12 patrons différents. Cette balkanisation-là des syndicats, des unités syndicales, c'est quelque chose contre lequel tous les syndicats vont se battre à mort. Et le fait de retirer dans l'article 45 certains des éléments, ça ne change rien au portrait. Même l'application de l'article 45 a ça comme résultat. Ça ne change rien. L'article 45 ne règle pas ce problème-là.

Mais là vous me dites: Qu'est-ce qu'il faudrait qu'on fasse pour s'ouvrir au niveau des SEM? Que le gouvernement enligne sa législation pour permettre la négociation sectorielle, et là on arrive à quelque chose qui est complètement différent. C'est un décor qui est complètement différent. Et ça, ça pourrait ouvrir des portes.

Mme Delisle: M. Vézina, dans votre esprit, est-ce que la création d'une SEM, ou des SEM, c'est une équation, un synonyme, devrais-je dire, de privatisation? Dans votre esprit.

M. Vézina (Michel): La création de SEM?

Mme Delisle: Pour vous autres, là.

M. Vézina (Michel): Absolument. C'est le même... c'est un des... Je pense que c'est Mme Danyluk, de la Communauté urbaine, qui est venue vous dire cette semaine, si j'ai bien lu les commentaires après coup, que les SEM, ce n'est pas tellement intéressant pour la Communauté urbaine; il y a 10 autres façons qu'on connaît de faire de la privatisation, la SEM n'en étant qu'une autre. C'est dans les processus. La SEM, c'est une formule comme tant d'autres.

Quand on vous dit, nous autres, qu'on a beaucoup de difficultés avec une loi mur à mur, avec un projet mur à mur de création de SEM, de loi encadrant, de loi-cadre, le problème qu'on a, c'est que, dans ces lois-là, on ne s'assure pas que, d'abord, les coûts vont être réduits. Parce qu'une SEM, il faudrait qu'il y ait au moins comme effet de réduire les coûts, qu'il y ait une réduction de coûts réelle. Ça, il n'y a personne qui a fait la démonstration, parce que tout le monde... enfin, tout le monde, la plupart des gens disent: Ah! l'entreprise privée est plus efficace que l'entreprise publique. Mon Dieu! Est-ce que quelqu'un a déjà fait à qui que ce soit une démonstration de ça? C'est quelque chose qui est très véhiculé. Si on compare des pommes avec des pommes puis des oranges avec des oranges, je suis loin d'être persuadé que l'entreprise privée, tout le temps, est plus efficace que l'entreprise publique. Moi, je pense que c'est le contraire. Encore faut-il que les élus, que les administrateurs de l'entreprise publique fassent l'effort, fassent l'économie d'une réorganisation, qu'ils travaillent à réorganiser des choses, non pas à les démolir, comme on le voit dans le moment, chez nous en tout cas.

(16 h 10)

Mme Delisle: Mais je suis contente que vous nous ouvriez cette porte-là sur la réorganisation du travail, parce que je vous trouve très sévère à l'égard des élus municipaux. Je vous demanderais, peut-être, d'enlever le chapeau Montréal, je sais que ce n'est pas facile parce que c'est là-dedans que vous travaillez. Moi, j'ai souvent de la misère à enlever l'autre chapeau que j'ai déjà eu, mais c'est peut-être ce qui me vaut l'honneur d'être ici aujourd'hui. Mais ce n'est pas vrai que c'est si facile que ça de s'asseoir puis de tenter de régler ou de discuter de la réorganisation du travail. Ce sera un autre débat un jour, j'en suis certaine. Mais vous parlez comme si c'était quelque chose, que les élus municipaux avaient juste à aller s'asseoir à une table ou des tables de négociation, puis que les syndicats sont prêts à parler de réorganisation de travail.

Si la compréhension face aux SEM est si difficile aujourd'hui, puis, encore là, comme j'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas sûre que tout le monde a la même définition de ce qu'est une SEM, un des grands problèmes que les gens ont, évidemment, c'est avec l'application de l'article 45, toute l'application de cet article-là du Code du travail. Mais, aujourd'hui aussi, on demande aux syndicats d'essayer de trouver des nouvelles façons d'organiser le travail, que ce soit le partage du travail, etc. Est-ce que la SEM, si vous aviez la garantie, finalement, que... J'admets qu'il y a deux types, il y a plusieurs champs d'activité: il y a ceux qui n'existent pas actuellement et pour qui c'est peut-être plus facile de créer une SEM, ça, j'en conviens, il n'y a pas de friction nulle part; puis il y a évidemment, si on décide de confier à une SEM la gestion de l'eau ou des arénas ou des parcs, parce que, en fait, on dit bien en anglais: «The sky is the limit», je veux dire, il n'y a pas d'exclusion, si ce n'est la sécurité publique puis l'incendie. Vous ouvrez la porte sur la réorganisation du travail, mais vous ne nous donnez pas l'impression, dans votre mémoire, que c'est quelque chose qui pourrait être fait dans le cadre de la création de SEM.

M. Vézina (Michel): J'hésite beaucoup à mêler les éléments d'histoires politiques à Montréal, surtout les récentes...

Mme Delisle: Non, ce serait préférable. Ha, ha, ha!

M. Vézina (Michel): ...mais on ne peut pas faire autrement que de vivre dans ces périodes-là. On était dans une phase de réingénierie administrative municipale avant les dernières élections – et là je ne veux pas dire par ça qu'on s'entendait très bien avec l'ancienne administration; il y a toujours eu des problèmes avec toutes les administrations, puis ce n'est pas d'aujourd'hui, puis ça ne s'arrêtera pas. Il reste qu'on était en pleine réorganisation avec l'ancienne administration, qui avait fait l'effort de nous consulter, de contacter notre syndicat en particulier. Je ne dis pas que c'était facile avec tout le monde. Vous avez peut-être raison, ce n'est pas aussi simple que de s'asseoir à une table puis, le lendemain, on sort puis c'est... Mais qu'on nous essaie. Ça n'a pas été fait, ce n'est pas fait. Et, nous, ce qu'on dit, à la base de tout, avant de penser à la privatisation puis avant même de penser aux SEM, il faut penser réingénierie, et si, après, on a fait l'effort de voir à une réingénierie et constaté qu'il y a des éléments qui manquent, qui pourraient être bénéfiques par la privatisation ou la création des SEM, j'en conviens. Ce n'est pas quelque chose sur lequel on est obtus puis fermé.

Il n'en reste pas moins que la SEM elle-même, on est contre dans le moment parce qu'on n'a aucune garantie que ça va réduire les coûts. On n'a aucune garantie que la gestion va être plus efficace. On n'a aucune garantie. Il n'y a pas de redditions de comptes qui sont associées au processus, au fonctionnement de la SEM. S'il y avait la notion de gestion par objectif, par exemple, implantée dans la fonction publique, on pourrait faire des comparaisons avec le produit d'une SEM, qui, elle, va gérer par objectif – elle n'aura pas le choix. Déjà, là, c'est quelque chose qui pourrait nous permettre d'établir une comparaison entre ce qui se fait dans la fonction publique municipale et ce qui pourrait se faire dans le privé.

Mais là on part avec... c'est le vide total, c'est la nuit totale de ce côté-là. Et, plutôt que de voir à travailler à l'interne, on va du côté le plus facile. Pour moi, là, c'est une reddition... pas une reddition, mais un désistement de la part des politiciens devant leurs responsabilités d'élus que de se retourner vers la privatisation avant d'avoir fait le pas sur l'analyse à l'interne de la gestion, du réaménagement de la gestion administrative.

Mme Delisle: Si on vous faisait la preuve, M. Vézina, que c'était effectivement rentable pour vous comme contribuable à Montréal, est-ce que vous seriez d'accord avec ça?

M. Vézina (Michel): Que c'était pour moi?

Mme Delisle: Comme contribuable.

M. Vézina (Michel): Mais encore faut-il que la preuve...

Mme Delisle: Comme contribuable.

M. Vézina (Michel): Oui. Le jour où vous serez capable de me faire cette démonstration-là clairement, je vous dirai peut-être: Ah! c'est intéressant. Mais on est très loin de ça, très, très loin de ça.

Mme Delisle: Moi, je vous remercie. Je ne sais pas si j'ai des collègues qui veulent... Est-ce qu'il me restait du temps?

La Présidente (Mme Bélanger): Six minutes. Avez-vous une autre question? Il reste six minutes. Peut-être que M. Gagnon, qui a demandé la parole, je pourrais lui donner une petite question.

M. Gagnon: Alors...

La Présidente (Mme Bélanger): Sur le temps de l'opposition, M. Gagnon.

M. Trudel: Aïe! Imaginez-vous!

M. Gagnon: Je vous remercie. Au-delà de la protection qui est accordée aux membres par l'article 45, est-ce que j'ai bien compris tantôt... Quand vous avez dit que ce que vous recherchez, c'est la protection de votre organisation en s'assurant qu'il n'y a pas une balkanisation des conventions collectives, c'est la protection de l'organisation qui serait recherchée?

M. Vézina (Michel): L'organisation n'existe que par ses membres. Un syndicat, ça existe juste parce que ça a une fonction. C'est là pour négocier des conventions collectives, être l'unique représentant de ses membres. Si les membres ne sont plus là, il n'y a plus d'organisme. On ne peut pas séparer l'un de l'autre. Ce n'est pas la survie de l'organisme qu'on vise, c'est la protection. Quand on dit protection, on parle de protection de conventions collectives. Il ne faut pas penser qu'on parle de protection aussi large que n'importe quoi. L'assurance de la gestion sur la base d'une convention collective négociée avec un employeur, c'est ça qui est recherché au niveau du syndicat. Mais notre intervention ici ne s'arrête pas à ça. Notre intervention ici est encore plus, s'il y a quelque chose, dans l'intérêt des citoyens, dans l'intérêt public, à la défense des citoyens, qui ont de moins en moins le droit de parole dans ces dossiers-là, en tout cas, moins.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Je voudrais juste vous signaler, à titre d'exemple, ce qui nous a été dit par la MRC du Haut-Richelieu puis Compo-Sortium, qui doit venir nous rencontrer la semaine prochaine. Vous imaginez qu'on les questionne beaucoup parce que, finalement, c'est le seul exemple qu'on a actuellement au Québec d'une SEM opérationnelle. Le préfet nous a dit ici, puis j'espère que je vais bien le citer, parce que tantôt j'ai fait une erreur, je le dis en passant. J'ai dit que l'UMRCQ avait mentionné que les villes ne devraient pas faire partie des SEM; je me suis trompée. C'est la CSN qui a dit ça. Alors, je fais amende honorable à l'UMQ et à l'UMRCQ. Je ferme la parenthèse.

Le président était ici la semaine dernière et il nous signalait qu'il y avait eu économie de 626 000 $ au niveau des déchets pour l'ensemble de la MRC. On sait que les municipalités vont en appel d'offres, par voie contractuelle habituellement, pour la cueillette des déchets. Alors, il y a des années où, dépendamment s'il y a un monopole ou pas, tu paies beaucoup plus cher ou tu paies moins cher. Il y a certainement une évidence là, que la création de la SEM pour la gestion des déchets. Et je vous concède, M. Vézina, que c'était un nouveau champ d'activité, donc l'article 45 ne s'appliquait pas ici. Mais il y a quand même eu économie de 625 000 $.

Ma réaction à ça, c'est de dire que l'entreprise privée qui faisait la cueillette dans cette MRC là ou pour l'ensemble des villes de cette MRC là leur chargeait définitivement beaucoup plus cher que ce que la SEM leur a négocié avec le sous-traitant. Bon, c'est un exemple, ça. Vous n'êtes pas obligé de me croire noir sur blanc, mais ça a été dit, ça, ici. Alors, j'imagine que ce qui se dit ici doit être vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézina (Michel): Merci. Je vous remercie.

Une voix: ...

M. Vézina (Michel): Dans mon cas, c'est vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézina (Michel): Je vous donne entièrement raison en ce qui me concerne.

Mme Delisle: Mais est-ce que... je veux dire, ça en est une ouverture, ça. Moi, je n'ai pas de parts dans Compo-Sortium ni dans la SEM qui a été créée. Mais est-ce que ce n'est pas une ouverture, ça, à regarder ça un peu plus positivement, de concert, évidemment, avec le fondateur municipal qui est votre employeur, c'est sûr?

M. Vézina (Michel): Ce n'est pas un blocage...

Mme Delisle: O.K.

(16 h 20)

M. Vézina (Michel): ...systématique. Dans notre mémoire, d'ailleurs, si on dit au départ qu'on demande au gouvernement de retirer le projet de loi, c'est parce qu'on pense qu'il y a des failles tellement grandes au niveau conceptuel, au niveau de l'architecture même du projet de loi, qu'on pense que le projet de loi ne mérite même pas d'arriver sous forme... c'est-à-dire l'avant-projet, sous forme de projet de loi.

Mme Delisle: O.K.

M. Vézina (Michel): Et on dit, par contre, dans le texte, qu'on n'est pas contre, on est pour regarder les éléments sur la base de principes, puis les principes qu'on vous a énoncés, ce n'est pas quelque chose qui est tiré, qui est accroché à des «sky hooks» – excusez l'expression anglaise. Mais qu'on nous parle de coûts. Je vais vous énoncer les quatre principes sur lesquels on est prêts à aborder n'importe quand l'analyse d'une SEM comme celle-là.

La Présidente (Mme Bélanger): En faire un court résumé.

M. Vézina (Michel): Qu'on le fasse sur la base d'un coût de revient...

La Présidente (Mme Bélanger): Un court résumé, parce que le temps est écoulé.

M. Vézina (Michel): Quatre points, 10 secondes. Qu'on le fasse sur le coût véritable de revient d'une activité, qu'on le fasse sur la base... qu'on crée des SEM sur la base, ou qu'on analyse – je m'excuse – la fonction publique actuellement sur la base de la reddition de comptes, qu'on la transforme, qu'on exige des administrateurs qu'ils rendent des comptes et qu'on gère par objectif puis qu'on fasse l'obligation de résultats dans la fonction publique. Et on va arriver au bout de la ligne, je suis persuadé, à un total auquel l'entreprise privée, à travers les SEM, ne sera jamais capable d'arriver. Parce que le jour où on sera capables de gérer de cette façon-là l'entreprise publique, le profit qui est exigé dans l'entreprise de la SEM ou l'entreprise privée va venir s'ajouter à ça, parce qu'on va être capables de fonctionner à coût égal. Mais c'est sûr que si l'entreprise...

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Vézina. Il n'y a plus de temps.

M. Trudel: Ah! il n'y a plus de temps.

Mme Delisle: Merci.

M. Trudel: Merci de votre contribution. Je veux juste... on avait dit qu'on... C'est terminé? Je conclus.

La Présidente (Mme Bélanger): Ah! qu'ils sont indisciplinés, ces membres-là.

M. Trudel: Merci de votre contribution et de l'énumération de ces principes et de ce que vous rappelez dans votre mémoire, parce que, dans la volonté de développer de nouveaux outils, on va s'appuyer là-dessus, sur ces éléments fondamentaux qu'on doit retrouver au niveau du contrôle public, c'est un principe fondamental. Il aurait été intéressant aussi de s'interroger sur – vous l'avez dit – la nécessité d'une loi-cadre plutôt que du cas par cas ou des cas particuliers. Il vaut peut-être mieux qu'on s'interroge tous ensemble sur les règles publiques avant de procéder plutôt que de laisser quiconque venir en commission parlementaire et, pièce à la pièce, qu'on gruge en quelque sorte sur des principes subrepticement.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre.

M. Trudel: Merci de votre contribution.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci de votre participation. Alors, la commission va suspendre ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 23)

(Reprise à 16 h 38)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours de procéder à une consultation générale sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Alors, nous avons comme invitée la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec, en la personne de Mme Jocelyne Habra. Mme Habra, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 20 minutes pour faire votre exposé, pour ensuite avoir un questionnement de 20 minutes du côté ministériel et de 20 minutes du côté de l'opposition.


Corporation des officiers municipaux agréés du Québec (COMAQ)

Mme Habra (Jocelyne): Merci. Mme la Présidente, M. le ministre des Affaires municipales, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, je voudrais tout d'abord, au nom de la Corporation des officiers municipaux, vous remercier de nous avoir accordé l'opportunité d'exprimer nos points de vue relativement à l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal.

Permettez-moi de vous présenter mes confrères. À ma gauche, Me Lucie Laforce, greffière, ville de Saint-Laurent, et vice-présidente du comité de législation de la Corporation; à mon extrême droite, Me Antoine Carrier, greffier, ville de Québec, et deuxième vice-président de la Corporation; à ma droite, Me Gabriel Michaud, assistant-directeur, contentieux de la ville de Laval, membre du comité de législation et notre porte-parole aujourd'hui.

Juste quelques mots sur notre corporation. La COMAQ voyait le jour en 1968 suite à l'adoption d'une loi privée par l'Assemblée nationale du Québec. Organisme qui oeuvre dans le domaine municipal depuis près de 28 ans, la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec compte aujourd'hui quelque 530 membres qui occupent principalement des fonctions de greffiers, trésoriers et directeurs généraux au sein d'une municipalité régie par la Loi sur les cités et villes, d'une communauté urbaine, d'une régie intermunicipale ou d'un organisme public dont le conseil d'administration est formé entièrement d'élus municipaux.

(16 h 40)

Les buts principaux de la Corporation sont: aider au perfectionnement professionnel de ses membres et, à cette fin, mettre à leur disposition des cours et toute autre activité de formation et d'information professionnelle; étudier, promouvoir et protéger les intérêts économiques, sociaux et professionnels de ses membres. Sans plus tarder, je passe la parole à Me Gabriel Michaud.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Michaud.

M. Michaud (Gabriel): Merci, Mme la Présidente et les membres de la commission. Déjà, en 1990, dans le mémoire que notre Corporation avait présenté dans le cadre du volet un du livre III de la refonte des lois municipales, nous avions montré notre ouverture pour explorer de nouvelles approches de partenariat, et, dans ce cadre-là, nous intervenons aujourd'hui non pas pour insister sur l'opportunité ou non de permettre la création de sociétés d'économie mixte, nous préférons laisser ce débat-là davantage à un niveau politique. Mais, quand même, notre implication comme officiers municipaux dans l'administration des affaires municipales nous amène, à la lumière d'expériences européennes et ailleurs dans le monde et également à la lumière de certaines expériences paramunicipales, à vous faire divers commentaires qui, à notre avis, devraient amener la bonification de certains aspects qui nous apparaissent assez fondamentaux. Parce que, évidemment, si jamais on crée un outil qui crée des situations intenables, nous considérons que c'est intenable, à ce moment-là, non seulement pour les élus municipaux, mais également pour l'administration interne des municipalités. J'insisterai donc sur certains éléments, sans reprendre le détail de notre mémoire, qui aborde des points qui, parfois, sont plus des détails, et je m'arrêterai davantage sur les points plus fondamentaux.

Tout d'abord, sur le choix du partenaire, du type de partenaire, il va de soi que nous ne pouvons qu'être ouverts à ce qui est obligation de procéder à un exercice de qualification par une demande de propositions qui assurerait non seulement une certaine transparence, mais également assurerait la municipalité de pouvoir envisager diverses propositions et de retenir la plus avantageuse.

Le point que nous soulevons particulièrement, c'est que la loi ne devrait pas limiter le type de partenaire. Lorsqu'on utilise l'expression, dans l'avant-projet de loi, que l'«un des fondateurs [...] doit être une personne qui exploite une entreprise à caractère commercial ou industriel dans le secteur privé», ça nous apparaît plutôt limitatif. Et il ne faudrait pas que la municipalité soit privée de la possibilité de s'adjoindre un partenaire qui serait strictement à caractère financier, qui pourrait être un partenaire, également, qui soit à caractère gestionnaire ou consultant ou un mixte de différents types de partenaires. Et, à la limite, on dirait même que la municipalité pourrait décider, pour un temps et même pour une période assez longue, de créer une société mixte et être seule actionnaire pour une période x et créer ainsi une sorte d'agence à l'intérieur de laquelle une activité municipale pourrait être sortie du cadre plus général de la municipalité. Mais, ça, on dit: C'est surtout le type de partenaire, et, à la limite, on irait même jusqu'à dire que la municipalité, temporairement ou à plus long terme, pourrait également préférer être seule et, à l'usage, se choisir éventuellement un partenaire ou plusieurs.

De même, lorsqu'il est question d'une participation d'un partenaire qui ne doit pas être inférieure à 20 %, on ne croit pas que ce soit une limitation qui apparaisse appropriée. Dépendant du nombre de partenaires, il pourrait y avoir, par exemple, deux partenaires ou trois partenaires à 15 % chacun. On ne voit pas la nécessité, comme le prévoit l'avant-projet de loi, de prévoir un minimum de 20 % de participation pour un partenaire en particulier.

Également, il est question, pour la municipalité, de se garder la majorité de toutes les catégories d'actions. Nous croyons que ce serait suffisant de prévoir que le fondateur municipal détienne la majorité des voix rattachées aux actions votantes seulement. Suivant le caractère du partenaire choisi, il pourrait être utile pour le fondateur municipal de prévoir certaines catégories d'actions privilégiées permettant d'intéresser de différentes façons le partenaire privé.

De même, lorsqu'il est question, au conseil d'administration, qu'il y ait un nombre d'administrateurs représentant le fondateur municipal proportionnel au nombre d'actions détenues, encore là, on ne croit pas que ce soit opportun. En autant que, toujours, il y ait majorité des actions votantes et majorité au conseil d'administration, on croit que ce serait suffisant.

Sur l'aspect de la rémunération des administrateurs, la question qu'on se pose, c'est: Qui doit payer qui? Les administrateurs qui représentent les partenaires privés devraient, quant à nous, être rémunérés par les partenaires qu'ils représentent; et, du côté des administrateurs qui viennent du fondateur municipal, de la municipalité, on se questionne pourquoi la Loi sur le traitement des élus municipaux ne réglerait pas directement cette question par un ajustement, s'il le faut, à l'article 2 de cette loi-là, mais éviter que la société d'économie mixte ait, à même ses fonds, à payer de la rémunération pour ses administrateurs, surtout ceux qui proviennent du secteur municipal, en créant peut-être ainsi un système à deux régimes pour les administrateurs élus d'une municipalité, soit ceux qui oeuvrent au sein strictement de la municipalité et ceux qui seraient sur le conseil d'administration de la société mixte, qui se verraient recevoir un salaire qui serait complètement indépendant de ce qu'ils reçoivent comme élus municipaux.

En matière de conflits d'intérêts, l'avant-projet de loi aborde la possibilité de conflits d'intérêts qui sont personnels à un administrateur. À cet égard-là, on ne croit pas que les règles du droit civil, du droit corporatif soient suffisantes dans les circonstances. Deux commentaires sur les conflits d'intérêts personnels à un administrateur. D'une part, tout comme c'est le cas pour le domaine municipal, s'il y a conflit d'intérêts déclaré, l'administrateur devrait quitter la réunion et ne participer à aucune délibération. Et, le deuxième commentaire, on ne croit pas que ce soit suffisant de prévoir la sanction uniquement par l'assemblée générale spéciale des actionnaires. Nous croyons que toute personne intéressée devrait pouvoir présenter une requête devant le tribunal compétent pour éventuellement faire sanctionner un conflit d'intérêts qui aurait été relevé au sein du conseil d'administration d'une société mixte.

Maintenant, ce n'est peut-être pas là le vrai problème. Le vrai problème, c'est davantage les conflits d'intérêts qui pourraient mettre en cause le partenaire privé qui est représenté au conseil d'administration, qui, lui, a évidemment des intérêts financiers en cause, et surtout qu'il y a actuellement absence dans l'avant-projet de loi de règles en matière d'octroi de contrats. À cet égard-là, nous croyons que l'expérience de ce qu'on pourrait appeler le «faire-faire» dans le municipal a fait ses preuves, soit celle d'aller en appel d'offres, de donner le contrat au plus bas soumissionnaire conforme afin d'avoir le service ou le bien au meilleur coût possible. En fait, c'est un processus qui a fait ses preuves, et, peu importe le secteur d'activité qui serait traité par la société mixte, on voit difficilement pourquoi ce processus d'appel d'offres là ne pourrait pas être implanté pour une société d'économie mixte également, quitte à ce que, à la limite, le partenaire privé ait le contrat si jamais il est le soumissionnaire conforme le plus bas. On va même jusqu'à dire: À la limite, que la société mixte ne soit pas obligée de donner le contrat au plus bas soumissionnaire conforme. On est même prêt à dire ça, à la limite, en ce sens qu'il est nécessaire, à notre point de vue, d'avoir une publicité et une certaine transparence dans la gestion des fonds et des activités sous la responsabilité de la société mixte.

Il y a également la question des filiales et de l'acquisition d'actions d'autres corporations, qui doivent être évidemment dans un secteur qui est cohérent avec celui de la société mixte. Il y a un contrôle du ministre des Affaires municipales lorsqu'il y a création de filiales ou prise de contrôle, mais on pense que, dès qu'il y a acquisition d'actions d'une autre compagnie, il n'est pas nécessaire d'avoir le contrôle d'une compagnie, filiale ou autre, pour qu'il puisse y avoir ouverture à transfert de responsabilités, qui pourraient être assez substantielles, de la société mixte vers une corporation où il y a eu acquisition d'une certaine quantité d'actions.

(16 h 50)

En matière d'exercice dans le domaine de sa compétence, on considère que le projet de loi devrait peut-être être bonifié à cet égard-là et que le législateur précise davantage jusqu'où il veut permettre la création de sociétés mixtes. Est-ce que c'est uniquement dans le cadre de domaines qui prévoient des services directs à la population ou si ça doit aller même jusque dans des secteurs administratifs qui peuvent être reliés aux fonctions du trésorier, de la gestion générale de la municipalité? On souhaiterait qu'il y ait des précisions plus qu'il y en a présentement dans le projet de loi.

En matière de contrôle, nous faisons une suggestion. Bien sûr que la société mixte devra avoir un vérificateur, mais on trouve que l'avant-projet de loi est assez silencieux sur les contrôles qui seraient exigés de la société mixte tant au niveau de la gestion des finances qu'au niveau de la réalisation du mandat qui lui est confié, et on pense, entre autres contrôles, comme exemple, que la municipalité pourrait en tout temps désigner son propre vérificateur qui pourrait aller examiner certains dossiers ou l'ensemble des affaires de la société mixte, dépendant des circonstances.

En matière d'accès à l'information, nous croyons que l'entreprise privée qui désirerait créer un partenariat avec une municipalité doit reconnaître et accepter une réalité qui est incontournable pour le secteur public municipal, c'est celle de gérer les affaires publiques avec une transparence et un accès qui permettent, jusqu'à un certain point, des livres ouverts. Pour nous, il est difficile de considérer que les mêmes activités qui, auparavant, étaient la responsabilité du fondateur municipal cessent subitement d'être assujetties à la loi sur l'accès aux documents des organismes publics, et ce, simplement parce que ces mêmes activités se retrouvent dorénavant sous la gestion d'une société d'économie mixte dont continue de faire partie de façon majoritaire le fondateur municipal.

Les principes de l'avant-projet de loi et de la loi qui en découlerait, pour la plupart, sont-ils à ce point inconciliables avec l'existence d'une société d'économie mixte? Pour nous, sans remettre en cause les secrets industriels ou autres secrets propres à une entreprise privée, la viabilité à moyen et à long terme d'une société d'économie mixte face à la population desservie pose l'obligation, à notre avis, de prévoir certaines exigences de transparence et d'accès à l'information. Soit que les principes, intégralement, de la loi d'accès s'appliquent, soit qu'il y ait certaines règles prévues en cette matière. Nous en suggérons quelques-unes dans notre mémoire, mais nous croyons que, à ce moment-là, c'est une obligation que tous les partenaires doivent partager dans le cadre d'un partenariat comme celui d'une société d'économie mixte.

Évidemment, l'avant-projet de loi limite les types de partenariat. C'est uniquement la partie IA de la Loi sur les compagnies qui est envisagée. On dit: Pourquoi n'y aurait-il pas d'autres types de partenariat? Dans certains cas, la formule contrat clé en main, pour des nouvelles technologies, peut être très intéressante. La formule de société en commandite pourrait l'être également. Nous, nous sommes généralement ouverts à explorer de nouvelles approches. Actuellement, il y en a une qui est retenue. On n'est pas fermé à étudier, explorer d'autres possibilités de partenariat.

Enfin, le dernier point, c'est que, à l'article 55 de l'avant-projet de loi, il est prévu que le ministre des Affaires municipales peut exiger tout renseignement qu'il désire obtenir de la société mixte. La question qu'on peut se poser, c'est: Une telle demande d'information va permettre quoi au ministre? Le ministre, s'il obtient une information qui l'inquiète, que fera-t-il après avoir obtenu l'information? Ça ne nous apparaît pas tellement clair dans le texte. Il ne semble pas y avoir d'indication sur ce que le ministre pourra faire par la suite.

Je termine là-dessus, et, évidemment, nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Me Michaud. M. le ministre.

M. Trudel: Alors, on va souhaiter la bienvenue, donc, à la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec, madame, messieurs, Mme Laforce aussi, et M. Michaud qui vous accompagne.

Bon, on voit que vous avez regardé ce projet de loi avec une grande attention. Je comprends que vous êtes issus, donc, du contentieux de ville de Laval. Alors, c'est votre formation et votre responsabilité, et ça va nous aider, ça nous aide, au niveau de la progression des travaux que nous avons à réaliser ici, d'avoir procédé à un examen, je dirais, minutieux de l'avant-projet de loi et de ce que nous devrions éviter comme écueil ou retrouver comme balises éventuellement dans un projet de loi à être soumis à l'Assemblée nationale, toujours avec l'objectif de se dessiner le meilleur outil, le meilleur instrument possible pour atteindre les objectifs. Ce n'est pas un cheval dessiné en comité qu'on veut réaliser, là, puis qu'on ait un chameau comme résultat. On veut vraiment dessiner un instrument, parmi la gamme qui existe, en ajouter, de ces instruments pour l'organisation et la livraison des services publics dans le milieu municipal compte tenu de la situation où nous sommes tous au niveau de l'administration publique et comme contribuables également, à différents niveaux. Compte tenu de ce que ça signifie, donc, de permettre l'entrée du secteur privé dans les services publics municipaux – c'est l'objet de la loi qui veut d'abord fixer des règles en matières financière et d'intérêt public pour ce faire – est-ce qu'on devrait permettre largement la tenue des référendums pour approuver la création de SEM en milieu municipal?

M. Michaud (Gabriel): Je devrai évidemment revenir peut-être sur le premier commentaire d'entrée. C'est certain que, dans notre position d'administrateurs de direction dans les municipalités, on maintient que la population sera en droit et, de toute façon, demandera toujours à ses administrateurs, particulièrement les élus, de rendre compte, que ce soit sous le chapeau de la municipalité ou sous le chapeau d'une société d'économie mixte. Cela étant dit, c'est qu'on ne croit pas que ça nous appartienne vraiment de se prononcer sur quel niveau d'intervention et comment les citoyens devraient se prononcer. On connaît le processus, actuellement, de consultation des personnes habiles à voter. La vente sur les services publics municipaux prévoit que, s'il y a vente de services publics municipaux, il y a approbation tant du ministre que des personnes habiles à voter. Ce sont des mécanismes qui s'appliquent présentement. Maintenant, on ne se croit pas habilité à intervenir sur le niveau de consultation et s'il doit y avoir référendum ou pas. On croit que c'est davantage le niveau politique qui doit discuter de cet aspect-là, mais on pense que la population demandera de toute façon des comptes, et, là-dessus, l'avant-projet de loi est plutôt silencieux.

M. Trudel: On comprend que vous ne voulez pas vous mouiller, vous ne voulez pas avoir de reproches.

M. Michaud (Gabriel): Il y a un certain devoir de réserve, je pense, en ce qui nous concerne.

M. Trudel: Et on va respecter cela compte tenu de la position que vous avez dans vos organismes respectifs, dans les administrations publiques au niveau municipal. Cependant, évidemment, vous n'oeuvrez pas dans le secteur privé, vous êtes au secteur public et vous vous prononcez sur un projet de loi qui regarde l'introduction du privé dans le public. C'est bien tentant. On est sur la ligne à bien des endroits. Vous suggérez également qu'on puisse autoriser des sociétés – je n'ose pas dire des sociétés d'économie mixte – d'économie en milieu municipal avec un seul fondateur.

M. Michaud (Gabriel): Je dis: Pourquoi pas? Cela étant dit, c'est que plus la boîte est grosse, plus l'appareil municipal comporte sa part de lourdeur. Je pense que je peux parler de mon expérience personnelle, mes collègues aussi, et c'est certain que les projets de loi privés qui ont été adoptés, actuellement, ne ferment pas la porte à la possibilité pour les municipalités qui ont bénéficié de ça, dont Laval, de faire créer une compagnie sous la partie IA de la Loi sur les compagnies et lui confier mandat dans un secteur d'activité qui, dans ce cas-là, était la gestion des déchets. Pourquoi une municipalité ne déciderait-elle pas d'être seule sous un genre d'agence ou de société sous cette partie IA de la Loi sur les compagnies et pouvoir sortir de l'appareil municipal traditionnel un secteur d'activité qui pourrait créer une certaine stimulation à l'intérieur même des gens qui sont affectés dans ce secteur-là d'activité? On dit: Pourquoi pas?

M. Trudel: Oui, mais on s'entend vite qu'on est plus en matière d'agence que de société d'économie mixte, là.

M. Michaud (Gabriel): Ça pourrait s'appeler autrement.

M. Trudel: On est plus dans la direction d'une agence, qui est un autre type d'économie générale au niveau de l'intervention en matière de services publics. Mais, quand même, l'avenue est intéressante à soulever.

M. Michaud (Gabriel): Et les projets de loi, actuellement, qui ont été adoptés ne ferment pas la porte à ça. C'est pour ça qu'on s'est...

(17 heures)

M. Trudel: Tout à fait. Revenons sur – j'allais dire, dans une séquence logique. Avec l'appui de la population, la sanction de la population, nous aurions donc créé une société d'économie mixte, nous irions vers une société d'économie mixte. Le choix du partenaire privé, de celui à qui on demande, dans l'avant-projet de loi, de mettre au moins 20 % du capital-actions, 20 % au niveau de la mise de fonds... Alors, vous vous dites donc: Il faut avoir le choix, il faut être capable de faire des appels d'offres. C'est ce que vous dites, je pense, faire des appels d'offres pour qu'on soit capable de choisir. Alors, je vais aller jusqu'au bout du raisonnement pour être bien sûr qu'on ne se conte pas d'histoire en pareille matière. Mais, est-ce qu'on peut réellement en arriver à déterminer tous les critères qui permettraient de sélectionner le partenaire privé sur la notion de la meilleure proposition? Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver avec des éléments différents qui peuvent apparaître intéressants et qui nous amèneraient à sélectionner le partenaire? En somme, c'est difficile de sélectionner le partenaire privé et de fixer à l'avance, dans le fond, les éléments de la convention des actionnaires.

M. Michaud (Gabriel): Par exemple, dans le domaine municipal, on n'est pas obligé d'aller en soumissions pour des services professionnels. Mais c'est arrivé, à certaines occasions, et plus fréquemment dans certaines municipalités que d'autres, qu'il y ait ce genre d'appel de propositions ou d'appel de qualifications où la municipalité établit ce qu'elle recherche, établit les critères d'évaluation – critères d'évaluation qui doivent être connus – sur lesquels elle évaluera les propositions. La municipalité se doit, à ce moment-là, d'établir aussi, pour mettre en confiance les gens qui pourront être intéressés à faire des propositions, de quelle manière l'analyse des propositions sera faite. Et, par la suite, évidemment, c'est certain que ce n'est pas une démarche qui est aussi objective que le plus bas soumissionnaire conforme quant au prix, parce que, dans une telle démarche, il n'y a pas nécessairement seulement les aspects financiers qui entrent en ligne de compte, c'est également, pour ceux qui présenteraient une proposition, d'attirer la confiance à l'égard de leur proposition, de leur firme, de leur expertise et tout ce qui se rattache à différents critères qui feront l'objet d'analyse.

Maintenant, nous ne croyons pas qu'il faille aller... On ne peut pas, pour ce genre de services là, aller en appel d'offres conventionnel et prendre le plus bas soumissionnaire conforme. Ce n'est pas nécessairement avec celui-là que la municipalité sera à l'aise pour faire un partenariat pour 10, 15, 20 ans et plus. Mais la démarche aurait le mérite de permettre d'avoir plus d'une proposition et d'identifier la plus avantageuse pour la municipalité.

M. Trudel: Alors, donc, on est plus en matière d'appel de propositions que d'appel d'offres.

M. Michaud (Gabriel): C'est plus en matière d'appel de propositions – et j'aime utiliser l'expression «appel de qualifications» – au terme duquel la municipalité pourrait retenir une seule proposition ou peut-être en retenir deux ou trois, avec lesquelles elle fera un autre bout de chemin, qui sera plus pointu, pour arriver finalement à un partenariat final avec un des proposants.

M. Trudel: Bien. Vous soulevez également des interrogations, en tout cas, qui me chatouillent passablement, à l'article 28, en ce qui concerne les conflits d'intérêts. Vous dites clairement: Ce n'est pas suffisant de se limiter au cas de l'administrateur pouvant personnellement se retrouver en situation de conflit d'intérêts. C'est ce que prévoit, effectivement, l'avant-projet de loi. Et là vous dites: «Nous croyons qu'il faille aussi considérer que ce sera plus souvent l'entreprise du secteur privé actionnaire dans la SEM qui risque d'être en situation de conflit d'intérêts.» J'allais dire que ce n'est pas sans intérêt, ce que vous soulevez là, sans jeu de mots.

Et vous dites: Il faudrait, en pareille matière, avoir des règles applicables. Vous allez m'en parler un peu, de quel type de règles vous suggérez que nous retrouvions dans le cadre, au niveau de la loi éventuelle. Et ça, c'est une question extrêmement importante, dans mon livre à moi. Parce que, effectivement, on peut avoir, théoriquement en tout cas, une proposition extrêmement intéressante et, disons, se rattraper plus tard dans la convention des actionnaires, au niveau de la gestion, par exemple, des frais de gestion – un exemple, au hasard. C'est quoi, les règles applicables en pareille matière à l'égard du partenaire privé? On ne parle plus des administrateurs, là.

M. Michaud (Gabriel): En particulier, lorsque nous avons enchaîné suite à ces commentaires-là, ça a été surtout en matière d'octroi des contrats, qu'il y ait des règles, les règles d'octroi du contrat. Parce que, à un moment donné, il peut y avoir un choix entre un monopole public et un monopole privé. Si c'est un monopole privé, où il n'y a aucune règle d'octroi des contrats, et qu'à ce moment-là le partenaire privé ait constamment la chance d'améliorer sa situation financière parce qu'il est seul dans le décor, c'est probablement le meilleur système de règles que nous connaissons, qui est celui d'astreindre les partenaires, la société mixte, aux règles d'octroi des contrats que nous connaissons dans le domaine municipal. Et, à ce moment-là, le potentiel de conflit d'intérêts serait grandement diminué, s'il y avait obligation de procéder comme ça.

Également, d'autres règles. Je reviens sur un aspect, l'accès à l'information. C'est sûr que le fait de faire les affaires avec obligation de rendre compte, avec une certaine obligation, entre guillemets, de livres ouverts, protège aussi sur le potentiel et la tentation d'être en conflit d'intérêts. Ce sont, en particulier, ces catégories de grandes règles, qu'on connaît déjà et qui ont fait leurs preuves, qui pourraient être appliquées. On ne voit pas pourquoi elles ne seraient pas appliquées. Et notre expérience, de certaines paramunicipales, les expériences, aussi, françaises... En 1983, les principaux amendements qui ont été apportés en France, ç'a été pour avoir des exigences additionnelles de rendre compte. Je ferais l'analogie, peut-être, avec la conduite automobile. C'est moins dangereux d'avoir à accélérer dans une courbe que d'être obligé de ralentir. Peut-être qu'il faudrait s'assurer de mettre les règles un peu plus sévères au début, quitte, à l'usage, à les assouplir, et non pas faire l'inverse. Mais je pense que ça tourne autour de ces catégories de règles majeures là.

M. Trudel: Moi, ce que j'en conclus, c'est que vous dites oui à la notion de société d'économie mixte, mais avec les règles du public qui doivent s'appliquer non seulement en termes de contrôle au niveau des actions votantes, mais en matière d'affaires pour cette société d'économie mixte. D'abord, les règles du public qui doivent présider à l'établissement de cette société-là.

M. Michaud (Gabriel): Avec certaines adaptations, mais de façon fondamentale, ne pas créer des régimes à deux vitesses, à tous égards. Là, c'est vraiment le privé qui semble y trouver son compte. Le public et l'obligation de rendre compte... Parce que, forcément, à l'hôtel de ville, s'il y a de quoi qui ne fonctionne pas, ça va être dans la salle du conseil que ça va se passer, et la pression risque d'être énorme pour tous les partenaires. Tous les partenaires, autant privés que publics, doivent reconnaître cette réalité-là qui est, quant à nous, incontournable.

M. Trudel: Très bien. Merci beaucoup de votre contribution.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, j'aimerais qu'on revienne à la question de transparence. Vous en avez glissé un mot tout à l'heure, et ça revient assez souvent, ça, chez des intervenants qui se sont présentés devant cette commission. Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait trouver un moyen – je ne sais pas si je vous cite comme il faut – pour s'assurer, finalement, que les décisions qui étaient prises par le fondateur municipal soient assez transparentes; on le retrouve, de toute façon, dans votre mémoire. On sait qu'il existe, dans la Loi sur les cités et villes et sans doute dans le Code municipal, des mécanismes qui font en sorte que les citoyens, normalement, sont avisés par les journaux, par avis public, de certaines décisions importantes, obligatoires, soit les règlements d'emprunt ou les amendements aux règlements de zonage; ça touche, évidemment, les MRC, tout ça.

(17 h 10)

Autre que ça. On sait que, les citoyens, il y en a qui ne lisent pas ces dernières pages de journaux. D'autres ont ça dans un journal local qui arrive, avec toute la bonne volonté du monde, avec les circulaires du samedi, dans un sac que tu prends et que souvent tu jettes parce que ça ne te tente pas de passer à travers tout ça. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait un mécanisme ou un encadrement qu'on devrait ajouter à ceux déjà existants, toujours pour le fondateur municipal, pour bien informer ses citoyens de cette décision-là, d'abord, de créer la SEM et, par la suite, de bien informer, aussi, peut-être au conseil municipal, les citoyens qui veulent... Est-ce que ça ne devrait pas être une obligation quelque part? Parce que quelqu'un disait – je ne me souviens pas si c'est dans un mémoire qu'on vient d'avoir ou si c'est dans des lectures que j'ai... je pense que c'est dans des lectures que j'ai faites par rapport aux projets de loi qui ont été adoptés antérieurement – faisait référence au fait que, quand ils veulent avoir des réponses à des questions, il n'y a jamais personne pour leur en donner. Ou bien ça ne paraît pas à l'ordre du jour. Encore là, si on veut en discuter dans certaines municipalités, encore faut-il que ce soit à l'ordre du jour, dépendamment des règlements qui existent sur la période des questions. Bon. Je ferme cette parenthèse-là. Pensez-vous qu'il devrait y avoir, pour des raisons de transparence, des mécanismes autres que ceux qui sont prévus dans la loi?

M. Michaud (Gabriel): Il y a deux aspects. Le premier aspect, je vais y répondre assez rapidement. Au moment de créer la société d'économie mixte, déjà, l'avant-projet de loi prévoit une consultation; la Loi sur la vente des services publics municipaux le prévoit également. Nous, on s'abstient de faire des commentaires sur cet aspect-là.

Par contre, sur le deuxième aspect que vous soulevez, sur la publicité des décisions en cours de route, bon, c'est bien certain que les principes de la loi de l'accès permettraient certaines choses. Maintenant, il pourrait y avoir d'autres éléments. Nous en soulevons quelques-uns dans notre mémoire. Entre autres, l'assemblée publique annuelle de la société mixte pourrait être publique. Ça dévie du droit corporatif habituel. Mais pourquoi l'assemblée générale annuelle, en totalité ou en partie, ne serait pas publique? Également, pourquoi, dans cette assemblée générale annuelle là, n'y aurait-il pas une période de questions? Les citoyens pourraient poser des questions au conseil d'administration de la société mixte. Pourquoi, comme c'est le cas dans les sociétés mixtes en France, les délibérations du conseil d'administration ne seraient pas carrément obligatoirement transmises dans les 15 jours ou dans le mois qui suit à la municipalité membre de la société mixte?

Mme Delisle: Est-ce que je peux vous arrêter? Est-ce que ces délibérations, ces procès-verbaux pourraient être rendus publics, ou bien ça serait uniquement...

M. Michaud (Gabriel): Pourquoi pas.

Mme Delisle: ...les membres du conseil municipal qui les verraient?

M. Michaud (Gabriel): À mon avis, dès que ça serait transmis à la municipalité, ils deviendraient des documents publics.

Mme Delisle: Bon. Alors, les citoyens auraient accès...

M. Michaud (Gabriel): ...auraient accès...

Mme Delisle: ...à ces procès-verbaux-là.

M. Michaud (Gabriel): Et on parle, ailleurs dans notre mémoire, lorsqu'on traite de la question de la rémunération: Est-ce que le rapport du maire sur la situation financière, à chaque automne, ne devrait pas comporter le niveau de rémunération? Si jamais ce n'était pas la Loi sur le traitement des élus municipaux, il ne devrait pas traiter de la rémunération qui est payée aux administrateurs, ne devrait pas, également, comporter un rapport annuel que la société mixte serait obligée de transmettre sur la réalisation de son mandat. Autrement dit, nous, on considère que l'avant-projet de loi est très silencieux sur les contrôles exigés de la société mixte. Et nous croyons qu'il... C'est un secteur d'activité municipal qui serait subitement transféré sous le chapeau de la société mixte. Mais la transition est vraiment énorme entre ce qui est exigé présentement des gestionnaires municipaux versus celle qui serait exigée de la société mixte.

Mme Delisle: C'est un peu surprenant que vous n'ayez pas abordé, dans votre mémoire – parce que d'autres l'ont fait à votre place – la possibilité qu'un membre des officiers municipaux siège au conseil d'administration de la société d'économie mixte si ce n'est que pour assurer, entre autres, cette continuité et aussi, peut-être, par ses connaissances, aider au bon fonctionnement de la société d'économie mixte, mais en étant... Là, il y avait divergence d'opinions sur la question: Il représente qui au juste? Est-ce que c'est le fondateur municipal ou pas? J'aimerais entendre vos réflexions là-dessus, M. Michaud, ou Mme la présidente.

M. Michaud (Gabriel): Lors du comité de législation de la Corporation, les petites annotations que j'ai à côté d'un certain article, c'était – je tombe là-dessus – Possibilité d'un non-élu, point d'interrogation. Mais ce n'est pas dans notre mémoire. Maintenant, cela étant dit, c'est que le meilleur partenariat – je parle du côté municipal – que j'ai connu et que mes collègues ont connu, dans des paramunicipales, dans nos différentes municipalités où on a travaillé, c'est lorsqu'un élu et un administrateur municipal font équipe au sein d'un conseil d'administration; ça fait la meilleure équipe qu'on peut souhaiter. Parce que, évidemment, l'administrateur, son travail à plein temps, c'est de s'occuper des dossiers de la municipalité. Le soutien qu'il peut donner à l'élu peut être énorme, et ça peut faire une très bonne équipe. Cela étant dit, on n'a pas fait de recommandation dans ce sens-là, mais nous, comme administrateurs municipaux, c'est bien sûr qu'on ne serait pas fermés à ce genre d'équipe.

Mme Delisle: Mais pourquoi vous ne l'avez pas faite, cette recommandation-là, après avoir fait l'éloge du soutien et du support des officiers municipaux?

M. Michaud (Gabriel): Disons que ça fait l'objet de débats. Maintenant, on n'a pas nécessairement tranché. Et il y a toujours, à toute question, deux tranchants. C'est certain que, dans ce genre d'approche là, comme administrateurs, on voudrait être plus à l'aise de siéger sur un conseil d'administration où on ne serait pas constamment à contre-courant. Si les balises et les règles du jeu nous permettent d'oeuvrer... Parce que la responsabilité des administrateurs qui vont être sur ces conseils-là est assez importante, est très importante. Le nouveau Code civil, en particulier, est venu serrer la vis, là, sur... Il n'y a personne qui peut aller siéger là et regarder passer la parade, si on peut dire; sa responsabilité personnelle est engagée. Nous, on n'est pas fermés à ça, on le dit verbalement. Maintenant, dans le cadre de l'avant-projet de loi tel qu'il est présentement, il devrait être bonifié sur les aspects fondamentaux dont on parle. Mais on n'en a pas parlé dans le mémoire.

Mme Delisle: J'aimerais vous ramener sur le dossier du choix du partenaire. Vous êtes certainement à même, par votre expérience, vous connaissez certainement les tenants et aboutissants de discussions qui peuvent être faites autour d'une table de conseil municipal, dans toute décision qu'un conseil municipal peut prendre. Et, ces dernières années, on sait que le partenariat avec le privé, ça ne date pas d'aujourd'hui. Et vouloir chercher à faire en sorte que ça coûte moins cher aux contribuables n'est pas nécessairement synonyme, non plus, de meilleure qualité de services, ça, j'en conviens. Parce qu'il y a des fois où on se ramasse en soumissions publiques avec un soumissionnaire qu'on voudrait bien ne pas voir dans le décor, et on est pris avec.

Mais, ceci étant dit, avez-vous... Parce que plusieurs l'ont abordé, d'autres ont choisi de ne pas aborder le choix du partenaire privé. Pour vous autres, la création de la SEM, c'est dans la perspective où on privatise les services municipaux ou si c'est dans la perspective où on tente de faire gérer par un partenaire privé un champ d'activité qui, de concert avec l'expertise municipale ou l'équipement municipal, dans certains cas, et l'expertise d'un partenaire privé, vient bonifier, finalement, le service et les coûts, etc.? Alors, pour vous autres, est-ce que vous voyez ça comme une menace, vous voyez ça comme un outil parmi tant d'autres pour mieux gérer les villes pour lesquelles vous travaillez? Vous voyez ça comment, votre association?

M. Michaud (Gabriel): Nous, c'est certain qu'on ne voit pas ça comme la solution miracle que beaucoup de... C'est un discours un peu à la mode actuellement de prétendre que le privé va faire mieux que tout ce que le public peut faire. Ce n'est pas pour nous une solution miracle. Il faut vraiment le faire... C'est du cas par cas. Pour nous, ce n'est pas de la privatisation lorsqu'on parle d'une société mixte, c'est un partenariat. Une privatisation, ce serait carrément donner à concession un secteur d'activité. Et on connaît bien le «faire-faire», qui est très utilisé dans le domaine municipal. Nous, on ne voit pas ça comme une menace. On voit, par contre, qu'il faut être très, très, très pointu, très critique sur le secteur qu'on voudrait transférer sous le chapeau d'une société mixte. Et il faut quand même être en mesure, non seulement pour les fins même de l'interne, à l'hôtel de ville, mais, raison de plus, il faut le faire d'abord pour l'interne et, après ça, pour pouvoir l'expliquer à l'externe, à la population, il faut être en mesure de prouver que c'est dans l'intérêt public que le secteur d'activité va être transféré sous un autre chapeau juridique. Et ça, c'est l'exercice qu'il faut faire. Et il ne faut surtout pas prétendre que, dans tous les cas, le privé fera mieux que le public. Et le secteur de la gestion de l'eau, en particulier, est peut-être un des secteurs où l'expertise municipale en termes de qualité d'eau et d'offrir un service au meilleur coût met la barre à un certain niveau. Et ceux qui voudront prétendre que l'expertise et le coût aux citoyens seront meilleurs sous le chapeau d'une société mixte ont peut-être une preuve à faire.

(17 h 20)

Mme Delisle: Je vous remercie bien.

La Présidente (Mme Bélanger): Nous vous remercions de votre participation, Mme Habra, M. Carrier, Me Michaud et Mme Laforce. Merci pour votre participation.

Je demanderais à l'autre groupe de faire... Le temps de déménager pour inviter l'autre groupe, qui est la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et Syndicat canadien de la fonction publique, nous suspendons une minute seulement.

(Suspension de la séance à 17 h 21)

(Reprise à 17 h 22)

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît, je demanderais aux membres de la commission de reprendre leur place.

Je demanderais à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et Syndicat canadien de la fonction publique de bien vouloir prendre place.

S'il vous plaît, à l'ordre! Alors, je suppose que c'est M. Henri Massé, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.


Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)

M. Massé (Henri): Oui, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui. Alors, M. Massé, vous êtes là depuis le début de la journée, je pense. Vous connaissez la procédure. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Massé (Henri): On va vous demander d'être tolérants, on ne la connaît pas.

La Présidente (Mme Bélanger): Pardon?

M. Massé (Henri): On ne vient pas souvent en commission parlementaire.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je vais vous donner les règles normales, qui sont: la présentation du mémoire, c'est 20 minutes. Vous avez une heure. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et il y aura, après, discussion avec les membres de la commission: du côté ministériel, 20 minutes, et, du côté de l'opposition, 20 minutes. Alors, vous avez la parole. Vous devez, avant de commencer, nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Massé (Henri): Oui. À ma droite, c'est Gilles Charland, qui est le directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique, et Denis Maynard, qui est le président du conseil provincial du secteur municipal, qui regroupe les 35 000 membres du Syndicat canadien de la fonction publique dans les municipalités au Québec. On va se partager le travail.

D'abord, Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission, on voudrait vous remercier de l'opportunité de nous faire entendre sur cet avant-projet de loi. Mais, d'entrée de jeu, nous déplorons le très court délai que nous avons eu pour présenter un mémoire devant cette commission et le fait que nous n'ayons jamais été consultés auparavant, avant l'avant-projet de loi, alors que le monde municipal, le monde des employeurs l'ont été largement.

La FTQ et son affilié, le Syndicat canadien de la fonction publique, vous annoncent d'entrée de jeu qu'ils s'opposent carrément à un projet de loi qui ne vise qu'à commercialiser des services publics au profit d'hypothétiques retombées d'entrepreneurs dont la seule motivation est le profit et non la satisfaction des besoins de nos collectivités locales.

Le gouvernement du Québec nous semble tenter une fuite en avant en renonçant, avec son projet de loi, tant à revaloriser les services publics municipaux qu'à revitaliser les pouvoirs publics locaux et régionaux. Sous le couvert de la création de sociétés d'économie mixte, c'est en effet une véritable dilapidation de nos avoirs à laquelle nous assistons, avoirs dont nous avons déjà payé la facture comme contribuables.

Nous sommes également conscients que bien des choses doivent changer dans le monde municipal. Nous avons toujours été du camp des changements des habitudes, des mentalités, des pratiques comme des usages. Nous croyons qu'il devrait exister une véritable dynamique de développement municipal et régional, une dynamique qui respecterait les missions premières qui appartiennent en propre au domaine des services publics municipaux, sans empêcher des partenariats prometteurs dans les domaines complémentaires présentement hors de leurs compétences, comme, par exemple, l'implication ou l'investissement dans le développement de parcs industriels, de centres de formation spécialisée, de services de promotion des ressources locales, et quoi encore.

Le nécessaire engagement politique des élus. Nous déplorons que cette pièce législative nous arrive avant même que les pouvoirs municipaux ou régionaux ne sachent au juste quelle est la délégation de pouvoirs qui leur sera dévolue dans le processus à venir de régionalisation.

La présomption de performance de l'entreprise privée semble devenue un credo inattaquable devant la démission de plusieurs décideurs à revaloriser les services publics et à impliquer la population dans le choix de société à arrêter. Le projet de loi sur les SEM en est une illustration flagrante et déplorable. Nous croyons qu'au contraire il faille encourager les rapprochements patronaux et syndicaux, dans le monde municipal, pour innover dans des perspectives de développement. Pourquoi ne pas également inviter à la consolidation des ressources publiques d'un territoire et permettre ainsi de développer à moindre coût des services de qualité sur une échelle permettant non seulement des économies, mais également des retombées positives pour leurs citoyens et leurs citoyennes.

Il serait grand temps que plusieurs élus municipaux sortent de l'ombre de leur clocher et de leur sphère d'influence politicailleuse et qu'ils cessent de camoufler leur manque de perspective derrière les épouvantails qu'ils ont fait de la négociation collective, de la notion de services publics, et j'en passe. Nous ne retrouvons malheureusement rien de tout cela dans les intentions qui se dégagent du projet de loi sur les sociétés d'économie mixte. Bien au contraire, on semble s'être laissé prendre aux chants de sirène de promoteurs privés et d'élus pressés de se désengager de leurs responsabilités et de l'imputabilité de leurs décisions devant leurs concitoyens et concitoyennes.

Des entorses majeures à la démocratie municipale. Ainsi, la privatisation de services publics et leur tarification aux usagers par une SEM mènent à un système de taxation indirecte qui déresponsabilise les élus municipaux de leurs décisions. Le manque de transparence du fonctionnement proposé pour les SEM nous inquiète. On reproche la lourdeur et la rigidité des régies intermunicipales. On évoque la complexité des réglementations, la présence agaçante pour certains d'organismes de surveillance. Eh bien, rien de tout cela avec une SEM.

Le projet de loi fait bien peu de cas de la volonté des citoyens et des citoyennes à être non seulement bien informés de la mise en place d'une SEM, mais également de sa performance et de sa viabilité financière, alors que ce sont eux qui, par leurs taxes, vont faire la mise de départ et vont risquer leurs avoirs.

Plusieurs interrogations demeurent sans réponse, comme: La mise de départ peut-elle être faite avec des actifs immobilisés? Quel effet cela pourrait-il avoir sur la capacité d'emprunt de la municipalité? L'établissement de la cote de crédit d'une municipalité sera-t-il affecté par sa participation à une SEM? Le projet de loi disserte assez longuement sur le processus de mise sur pied d'une SEM, mais il est muet sur le désengagement d'une aventure qui aurait mal tourné ou, encore, dont nos nouveaux élus ne verraient plus l'utilité ou la pertinence.

Enfin, il ne semble pas y avoir vraiment de limite au développement des SEM puisque le projet de loi prévoit qu'une municipalité associée avec un mandataire du gouvernement aurait automatiquement compétence dans le domaine d'activité du mandataire. Ça fait une bonne liste d'épicerie, dans le contexte actuel de désengagement et de pelletage de factures.

Un devoir à refaire et à soutenir. Nous avons déjà exprimé notre ouverture à des changements qui s'imposent dans le domaine de la politique et de la gestion municipale. Nous voyons le développement de sociétés mixtes dans des domaines, secteurs et compétences situés hors de la mission première de fournisseurs de services publics, des municipalités. Il s'agirait alors de projets ou d'initiatives sortant de cette mission première et qui viseraient, par exemple, à stimuler l'économie du territoire visé. Nous pensons, par exemple, au développement d'un parc industriel, au soutien de la création d'emplois.

(17 h 30)

D'une pierre, deux coups, ces initiatives amèneraient les élus locaux à élargir leur vision et à prendre leurs responsabilités en matière de développement économique, local et régional. Ces activités subsidiaires à leur mission stimuleraient l'économie locale au bénéfice de la population, tant au niveau du fardeau fiscal qu'au chapitre de sa qualité de vie. Vu sous cet angle, nous serions prêts à accueillir des amendements aux lois actuelles encadrant la vie municipale afin de baliser ce genre d'intervention dans le respect de la transparence des décisions et du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur leur patrimoine collectif.

M. Charland (Gilles): Alors, nous, on va vous dire comment on considère le projet. On considère le projet, au Syndicat canadien de la fonction publique...

La Présidente (Mme Bélanger): M. Charland, je suppose?

M. Massé (Henri): M. Gilles Charland.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Charland.

M. Charland (Gilles): Oui. Je m'excuse.

La Présidente (Mme Bélanger): C'est pour le bénéfice des minutes du Journal des débats .

M. Charland (Gilles): Alors, nous, au SCFP, on considère ce projet de loi là comme un affront qui va nous mener directement à un affrontement, puis majeur en plus. Au SCFP – et ce n'est pas des menaces – quand on nous demande l'heure, on n'explique pas comment la montre est faite, on donne l'heure juste. Et il est clair que, pour nous, c'est un projet qui a été manigancé par le monde municipal de longue main et qui ne vise qu'un objectif, quand on voit toute la stratégie des municipalités de varger partout, dans toutes les officines du gouvernement, pour réduire la portée du 45, de privatiser, etc.

On a souvent dit que le mouvement syndical, on était des idéologues. Il semble que le courant a changé aujourd'hui, parce que, là, la privatisation semble être la religion, alors qu'il n'y a aucune assise économique, aucune étude de gestion, aucune espèce d'étude de coût qui vient nous démontrer qu'il y a des nécessités pour créer des SEM. Or donc, pour nous, on se sent attaqués, comme employés du secteur municipal, de plein fouet. Imaginez-vous dans la peau des employés que nous représentons, comment ils se sentent quand on leur dit partout sur la place publique, par les gens qui les dirigent, leurs employeurs, leurs gestionnaires, qu'on coûte trop cher, qu'on travaille mal, que ce serait mieux fait à l'entreprise privée. Alors que, nous, on est des exécutants, on exécute les tâches qu'on nous confie. On ne nous parle jamais des ressources humaines, on ne nous parle jamais de formation professionnelle, on ne nous parle jamais d'organisation du travail.

Il n'y a pas grand villes dans le secteur municipal, parmi l'ensemble des municipalités, qui sont venues aux tables de négociation pour dire: On «est-u» capable de s'asseoir avec vous autres puis regarder comment on peut mieux faire, mieux réorganiser le travail? Puis, au SCFP, on s'est fait les promoteurs de ça. On a signé des ententes avec le gouvernement du Québec qui n'ont pas encore abouti. Dans nos sociétés d'État, comme Hydro-Québec, la Société des alcools et d'autres, on a réorganisé le travail. On s'est assis avec les employeurs. Parce qu'il en existe une, quelle qu'elle soit, il y a une forme d'organisation du travail, que ce soit le taylorisme, la hiérarchie ou d'autres, il y a des tâches qui existent.

Nous, on est prêts à s'asseoir et à regarder comment on peut fonctionner, comment on peut revoir le travail. Nous possédons une expertise hors du commun qui se transmet de génération en génération, de relève en relève. S'il y a un problème dans les municipalités, c'est au niveau de la gestion. Si on est mal gérés, on pense que les politiciens, les politiciennes doivent avoir le courage de corriger ce qui a à être corrigé. On nous a souvent affublés de mauvaises images, de tendances, et on ne dit pas qu'on est parfaits non plus. On n'a pas toujours des médailles scapulaires dans le cou, mais, en même temps, encore une fois, on vous dit qu'on est un syndicat qui est pragmatique, qui est prêt à regarder des choses bien concrètes, à s'asseoir avec les employeurs, à mieux refaire, mieux travailler, et ça, on n'a aucun problème avec ça.

Il y a un certain nombre de conditions. Ça, ça existe dans les grandes ligues. Parce qu'on s'inspire souvent de l'entreprise privée, de son idéologie. Bien, nous aussi, on s'en est inspirés pour l'organisation du travail. Il y a un certain nombre de règles qui s'appellent les transparences. Que ça ne se fasse pas dans le dos du monde, comme on voit, par en-arrière, actuellement. Que les parties, le syndicat et la ville, les dirigeantes, les dirigeants des villes, viennent s'asseoir avec nous, nous fassent connaître leurs problématiques, on ne les connaît pas. Alors, s'ils disent qu'on est mal gérés ou qu'on travaille mal, qu'ils viennent nous dire où et comment on peut améliorer la situation.

On vous souligne quelques exemples dans le document que vous avez. À Hydro-Québec, on est en train d'implanter un beau modèle de gestion pour être plus performant au niveau du travail. À la Communauté urbaine, qui rassemble beaucoup de villes sur l'île de Montréal, on a une entente de partenariat où on a réglé, d'entrée de jeu, un certain nombre de problèmes, et, là, la productivité, chiffres à l'appui, études à l'appui faites par les deux parties avec des personnes neutres, tierces parties, qui sont capables de mesurer les gains de productivité. Et ça, c'est la collectivité qui en bénéficie.

Or donc, nous, ce qu'on vous dit, c'est l'approche qu'on privilégie. On n'a pas besoin de société d'économie mixte, mais pas une miette, là-dedans. On veut s'asseoir avec les... Ils veulent qu'on soit partenaires. On est bien prêts à être partenaires, mais qu'ils viennent s'asseoir avec nous, qu'on discute et, à partir de là, je pense qu'on va être capables de trouver des accommodements facilement en termes de négociations.

Vous savez, le mouvement syndical est venu au monde quand les travailleurs avaient de l'eau jusque-là. À un moment donné, ils se sont syndiqués, ils ont amélioré leurs conditions de travail puis, à partir de là... il n'y a pas grand, grand crises dans le secteur municipal, là. Vous n'avez pas vu de grands conflits majeurs, à part la ville de Montréal. Mais là la stratégie de la ville est en train de se faire connaître au grand jour, là, après nous avoir été cachée. On voit, puis il y a un document qui est sorti encore aujourd'hui, de Lavalin, qui dit qu'il est en discussion avec la ville depuis de nombreux mois pour privatiser des services alors qu'on tente de régler une convention collective puis de nous en faire passer l'odieux. Donc, c'est toute cette espèce de magouille politique qui se fait dans le dos des salariés que nous n'acceptons pas, et on vous dit, comme dirigeants du SCFP: On va être les premiers sur la barricade.

Mais, encore une fois, on est des gens pragmatiques, au SCFP, à la FTQ, nous sommes des gens ouverts, capables de dialoguer, de discuter, mais intelligemment. Si les employeurs veulent être fous, on est capables d'être pas mal plus fous qu'eux autres, fiez-vous sur nous autres!

M. Massé (Henri): Le prochain, ça va être M. Denis Maynard. Tantôt, j'étais tellement nerveux que j'ai oublié de présenter le coordonnateur du secteur municipal, M. Johnny Piszar.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous n'étiez pas nerveux, M. Massé, il n'était pas là.

M. Massé (Henri): Il n'était pas là? Bon, bien je suis encore plus nerveux, je ne m'en suis pas rendu compte.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Massé (Henri): Denis.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Maynard.

M. Maynard (Denis): Mme la Présidente, si vous me permettez, je suis présentement en tournée. On peut appeler ça, nous, dans le langage commun, une tournée provinciale, justement, de consultations, un peu comme vous le faites aujourd'hui puis depuis les deux dernières semaines, sur le projet de loi des sociétés d'économie mixte. Et, dans le cadre de ces rencontres avec les membres que je représente, il y a, pour nous autres, des inconvénients flagrants qui ont été élaborés un petit peu par Gilles tantôt, mais il y en a d'autres aussi qui se traduisent d'autres façons.

Dans notre tournée de consultations, on s'aperçoit aussi que le mouvement patronal, particulièrement, organise des conférences, avec des entreprises qui gèrent justement les conférences, et il y en a une, entre autres, dont il me semble très important de vous faire part parce qu'elle fait justement cette comparaison des avantages et des désavantages tant pour les fondateurs municipaux de la SEM que pour ceux qui vont y participer, c'est-à-dire le fondateur privé. Cette conférence-là a été donnée tout dernièrement; elle est chaude encore quand j'y touche, le 29 février 1996. Puis, en plus, c'est une avocate, Me Ann Bigué, qui a déposé ce document-là, puis je vais en faire juste un bref survol pour que vous compreniez bien c'est quoi les inquiétudes qu'on a, nous, par rapport à ça, parce que ce sont les mêmes qu'on retrouve dans son propre document; par contre, il est situé à un autre endroit.

Entre autres, par exemple, pour le fondateur municipal, un des avantages qui se traduit, pour nous autres, comme étant un inconvénient, pour elle, dans sa démonstration, ça se traduisait comme un avantage. C'était indiqué comme suit: Le maintien ou l'amélioration des services municipaux. Il n'y a rien qui assure, dans toute sa démonstration, qu'il va y avoir maintien et amélioration; il n'y a rien. Alors que, nous, dans notre présentation, ce qu'on vous dit: Par l'organisation du travail, naturellement, avec des conditions de réalisation, on est capables, je pense, d'aller encore plus loin, non pas par le maintien, mais justement par l'amélioration. Puis, ça, ç'a été déjà démontré dans certaines municipalités.

Il y a l'absence aussi – une autre position qu'on nous mentionne – de nécessité pour la municipalité de suivre les règles usuelles en matière d'appel d'offres public. Ça a été longuement discuté et présenté par d'autres intervenants aujourd'hui. C'était, pour eux – pour eux, je le dis bien – un avantage. Je pense, quant à nous, comme citoyens aussi et non pas juste travailleurs, ça devient un désavantage.

Le transfert d'expertise aussi, c'est un désavantage; pour eux, ça devient un avantage. Pour nous, comme employés, c'est un désavantage puisque, notre expertise, on veut continuer à la donner à la population de la même façon qu'on la donne. Et c'est comme ça tout au long de sa présentation, il y a des avantages et des désavantages, mais qui se globalisent plus souvent qu'autrement comme étant un désavantage pour les travailleurs puis les travailleuses qui travaillent présentement pour les municipalités.

Si on fait appel à l'intelligence des travailleurs puis des travailleuses du secteur municipal – et ils le sont, intelligents – à partir de là, moi, je pense qu'on peut y arriver facilement, naturellement, en tenant compte de prémisses, je pense, très importantes, des conditions de réalisation préalables pour l'organisation du travail. Entre autres, une, c'est la reconnaissance même, à son début même, de l'association accréditée pour représenter les travailleurs; ça, au départ.

(17 h 40)

La deuxième, c'est le fameux climat de confiance. Et ce n'est pas un projet de loi comme les sociétés d'économie mixte qui nous permet d'établir ce fameux lien de confiance là puisque, tout ce qu'on entend, c'est continuellement les municipalités nous dire que, enfin, il y a un autre – et Mme Vera Danyluk le dit elle-même – processus qui vient de leur être donné par la société d'économie mixte pour faire de la privatisation ou de la sous-traitance ou, encore là, aller versus des actionnaires privés. Je laisserais peut-être la parole, là-dessus, à mes autres confrères pour compléter, parce qu'on me fait signe qu'il ne reste plus grand temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Une minute et demie.

M. Maynard (Denis): Ça va.

Une voix: On va aller à la période des questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Très bien. Merci de la présentation, M. le secrétaire général, M. Charland, M. Maynard, M. Piszar. Ça a ses avantages, le discours est très direct, très clair à l'égard de l'instrument. J'ose penser que vous constatez comme nous, par ailleurs, qu'on est, en matière de services publics, je dirais, en général et en particulier, au niveau municipal, dans une période difficile. On a de la difficulté à continuer à livrer les services publics au coût où on les a faits jusqu'à maintenant. Et, en tout cas, on a à réduire substantiellement, au niveau du gouvernement du Québec – on le sait tous, comme défi collectif – le niveau d'endettement qu'on s'est donné, qu'on est en train de vivre encore et qu'il serait assez inadmissible de poursuivre pour nos enfants, si on continuait dans la même direction.

Au niveau municipal, il est évident qu'on ne peut pas en demander davantage, je dirais, à nous-mêmes, lorsqu'on met notre chapeau de contribuable. Bon. À cet égard-là, donc, l'ouverture qui est faite à l'entrée du privé dans le domaine des services publics municipaux à l'intérieur des règles du secteur public, pourvu qu'on les retrouve, cependant, est vue au départ comme un instrument. Est-ce que je dois comprendre dans votre position – parce que, évidemment, ça peut tourner court, notre discussion, notre échange, si on dit qu'il n'en est pas question, jamais, en aucun temps et qu'on ne peut pas regarder quelque chose de différent, ça coupe un peu court aux discussions et aux échanges – est-ce que je dois comprendre que si nous nous retrouvions dans une situation où les conventions collectives, les unités d'accréditation, les responsabilités et les personnes qui travaillent dans les services publics municipaux conservent leurs conditions de travail, vous êtes capables de vous asseoir pour discuter réorganisation du travail, peu importe, je vous dirais, le cadre dans lequel ça se situe?

Et soyons clairs. Vous me dites qu'on doit y aller et que vous êtes prêts à vous asseoir, comme vous le faites actuellement, d'ailleurs, au niveau de la réorganisation du travail en matière de services publics municipaux? Est-ce qu'on peut se dire que si on s'assoit et qu'on conserve les conditions actuelles, on peut parler de réorganisation de travail à l'intérieur d'un instrument qui s'appellerait une société d'économie mixte?

M. Massé (Henri): Ça risque de tourner court, M. le ministre. On veut être très clairs là-dessus. Si c'est dans des services qui ne sont pas normalement assumés par une ville... Par exemple, il y a des villes qui nous disent: Nous autres, on n'a pas le droit d'investir dans un parc industriel. On n'a pas le droit d'investir dans la commercialisation de produits, que ce soit à la suite de cueillette des ordures ménagères, du compost ou différents produits commercialisés, et tout ça, on aurait besoin de sociétés d'économie mixte pour développer ça. On est parlables. Mais, dans les services réguliers des villes, il faut être très clairs, à l'heure actuelle, il y a une pression énorme au Québec de la part des grandes sociétés d'ingénierie, soit du Québec ou soit européennes, pour venir prendre, par exemple, le traitement des eaux.

Je ne sais si vous avez lu le dossier qui est sorti dans La Presse de Montréal. Ce n'est pas écrit par des syndicalistes, là. On se rend compte que l'eau a augmenté de 40 % dans les villes françaises; 40 %! On se rend compte de toutes sortes de scandales financiers. On ne veut pas dire que, nécessairement, les entreprises privées, il y a de la magouille absolument, mais, quand les entreprises privées dépendent uniquement du secteur public pour les approvisionner, ça commence à être dangereux.

Et, moi, je ne vous nommerai pas la ville, mais, à la demande d'un syndicat, chez nous, et de la ville, on est allés étudier pour voir si la ville, son réseau d'aqueduc, par exemple, elle le faisait faire par l'entreprise privée, qu'est-ce que ça donnerait. Moi, je peux vous dire qu'il n'y a pas une maudite cent à sauver. On commence à être moins niaiseux, depuis qu'on a le Fonds de solidarité, au niveau des questions financières. Les entreprises privées qui vont rentrer dedans, elles vont rentrer pour du rendement. Et ça a été démontré clair et net, et la ville – en tout cas, je pourrai vous le dire en privé et vous pourrez aller vérifier – a décidé que, même si elle est obligée d'emprunter pour le faire et qu'elle avait une chance – et peut-être pas – d'être décotée et de payer un petit peu plus cher d'intérêt, c'était encore meilleur marché de construire, de faire construire par la construction, bien évidemment, mais d'avoir son propre réseau d'aqueduc.

Et c'est là qu'on en a, nous, à ce moment-ci, c'est que, là, on nous présente l'entreprise privée en nous disant: Il n'y a pas de finance. Ça va coûter plus cher aux villes de faire affaire avec l'entreprise privée parce que les entreprises privées sont obligées de se prendre une marge de manoeuvre, sont obligées d'avoir des rendements sur leur avoir, et, en même temps, toute la qualité des services...

Moi, je me rappelle du débat de Lavalin, il y a cinq, six ans, qui avait acheté un hôpital, l'hôpital Bellechasse, pour ne pas le nommer, et qui nous disait qu'ils nous montreraient ça, à gérer des hôpitaux au Québec. Deux ans plus tard, c'était fini et ça passait à quelqu'un d'autre. Et il n'y a pas eu de miracle là. C'est à ce débat-là qu'il faut faire attention. Et, encore là, il y a une question de coût, il y a une question des élus et de la population qui perdent la main-mise, et il y a toute la question du climat dans lequel ça se fait à l'heure actuelle.

Quand on voit, aujourd'hui, SNC-Lavalin qui fait une proposition pour acheter les trois quarts de la ville de Montréal et que vous nous dites: Là, ils ont déjà la privatisation comme instrument, ils ont déjà la sous-traitance, ils ont déjà des contrats de gestion – parce que, ça, on sait que ça se fait aussi – là vous allez venir rajouter des SEM en plus par-dessus, il y a de quoi, dans nos rangs, à être très inquiets de perdre le contrôle au niveau du secteur public comme tel.

M. Trudel: Remarquez, M. le secrétaire général, que nous partageons un bon nombre de vos inquiétudes. Parce qu'à l'ouverture des travaux de la commission j'ai eu l'occasion aussi de m'exprimer à cet égard-là, c'est-à-dire sur le fait qu'on soit dans une espèce d'élan de privatisation qui soit perçu comme la panacée à tous nos problèmes, la formule universelle qui réglerait par magie ce que d'aucuns identifient comme des problèmes. Parce que ce n'est peut-être pas toujours des problèmes, c'est des solutions à trouver quant à des situations auxquelles nous sommes confrontés.

Dans cette optique-là, est-ce que vous ne croyez pas que de se diriger vers un instrument où on s'assure du contrôle public, si on y met toutes les balises nécessaires et également les conditions pour se réaliser, ça pourrait constituer un outil de travail pour la livraison des services publics? Quand je dis cela – j'ai noté déjà ce que vous venez de dire dans la première intervention – c'est à l'égard des services municipaux de base et/ou existants, pas tellement d'applications de votre côté, dites-vous, mais dans des secteurs nouveaux où, là, il pourrait y avoir une certaine marge de manoeuvre.

En somme, ce que je vous demande, c'est: Est-ce qu'on n'est pas mieux d'opérer à l'intérieur d'une formule balisée contrôlée par le public que d'aller carrément vers la privatisation?

M. Massé (Henri): Là-dessus, moi, je vais vous répondre par un exemple à la fin. Mais on est convaincus que la deuxième étape... J'écoutais tantôt le président de l'Union des municipalités venir vous dire, quand vous avez demandé: Combien vous allez investir là-dedans? «D'abord, on n'investira peut-être pas pantoute, on fournit la clientèle – bien évidemment, c'est une clientèle captive – et, à ce moment-là, bien, ça, ça fera en sorte que ça sera considéré comme notre investissement.»

Mais, encore une fois, moi, je vais vous indiquer qu'une entreprise privée qui mettra les capitaux dans une opération semblable, ou la majorité des capitaux, ou la très grande majorité des capitaux, qu'elle n'aura pas le contrôle parce qu'elle n'aura que 49 % de participation, je ne connais pas beaucoup d'entreprises privées qui vont se lancer dans cette opération-là, sauf une ou deux conditions. Ça, c'est clair que, pour rentrer dans le marché, on va voir ça. Mais je suis convaincu qu'on va se ramasser devant une commission parlementaire – puis ce n'est pas nous autres qui allons faire les pressions politiques – dans un an, deux ans, trois ans, ou c'est les entreprises privées qui viendront vous dire: On a la très grande majorité des capitaux, on n'a pas le contrôle, ça n'a aucun sens, il faut que vous changiez la loi. Les villes n'auront plus les instruments, leurs instruments publics, leur patrimoine dans les mains, elles seront à la merci de ce monde-là et on sera poigné dans cette situation-là.

Je veux juste vous rappeler la privatisation d'Air Canada. Je ne veux pas faire un grand débat sur la privatisation, mais on nous a passé la privatisation comme ça, en disant: C'est le contrôle du gouvernement: 51 % du contrôle, 49 % à l'entreprise privée. Deux ans plus tard, Air Canada était devant la commission parlementaire, demandait au fédéral: Bien, écoutez, les capitaux privés puis tout ça, ça n'a plus de bon sens. Aujourd'hui, le gouvernement fédéral n'a plus de contrôle sur Air Canada, c'est une entreprise privée.

Si on fait la même chose – et ça, ça va venir, c'est clair – si des entreprises mettent la majorité des capitaux, elles vont réclamer le contrôle, puis elles vont aller chercher le contrôle; sinon, c'est un non-sens. Moi, je ne connais pas d'employeurs, ou je ne connais pas d'entreprises, ou je ne connais pas d'entreprises financières qui vont mettre leur argent au cash puis laisser le contrôle à d'autres. Un jour ou l'autre, on va être pris avec ça puis on sera à la merci de tout le monde.

(17 h 50)

M. Charland (Gilles): Si vous me permettez d'ajouter, d'abord, il y a déjà du secteur privé dans les municipalités, il y a déjà de la sous-traitance, il y a déjà des activités qui sont données au secteur privé, pour lesquelles l'employeur va en soumissions publiques, mais il y a une vérification des contrats, il y a une procédure d'appels d'offres, il y a une vérification de la qualité des travaux, etc., mais toujours sous le contrôle de la municipalité. Alors, l'entreprise privée, elle est déjà présente; on n'a pas besoin d'y ajouter. On n'a pas des conventions collectives où la sous-traitance, c'est barré mur à mur, il n'y a pas personne qui peut entrer là.

Et, comme je vous l'ai dit, les villes, en principe, par la loi, ne peuvent pas faire de déficit. Alors, quand on vient nous dire qu'il y a un si haut taux d'endettement de la ville, nos analystes financiers ont regardé ça, et la situation n'est pas si dramatique. Encore la semaine passée, dans les journaux, on y disait que la ville de Montréal, malgré les grands cris du maire Bourque, était une des villes qui avait le plus bas taux d'endettement au Canada. Alors... Bon. Sauf que là on essaie de faire une espèce de mythe puis de jeter, de créer une espèce de climat de psychose quant à la difficulté économique de la ville de Montréal: il faut qu'elle se sorte de ses problèmes financiers, etc. Mais il ne faudrait pas relier la privatisation des services publics avec la situation économique de Montréal, la relier au chômage, etc. Là on essaie de tout mettre ça dans le même chapeau puis de nous dire que la privatisation, c'est ça qui va faire diminuer les coûts. C'est un faux-fuyant, ça, et ça n'a pas de bon sens.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saguenay.

M. Gagnon: Ma question... Vous avez fait des ouvertures en disant, en parlant des champs nouveaux qui pourraient être utilisés. Là, on parle du développement régional, mais on a des municipalités qui peuvent être intéressées à donner des services qui sont réguliers dans d'autres municipalités mais qui, en raison de leur envergure actuelle et de leurs ressources, n'ont pas la possibilité d'avoir des équipements. Comment vous réagiriez, là – je pense à votre position de départ, disant non aux services réguliers – si on se donnait des ouvertures permettant à des municipalités de moins grande envergure qui voudraient se doter de services additionnels... J'ai des municipalités dans mon comté qui songent, qui aimeraient avoir pour leur collectivité une piscine et qui seraient en mesure de faire des ententes avec des hôteliers de la place qui y verraient également leur intérêt. Comment, vous, vous réagissez face à ces services-là qui pourraient être offerts et qui ne le sont pas actuellement?

M. Massé (Henri): Je pense qu'on n'a pas besoin d'une SEM pour ça, il y a toutes sortes d'ententes intermunicipales qui peuvent se prendre à l'heure actuelle. Bon, on est contre la privatisation, bien évidemment, mais il y a des choses qui se font à l'heure actuelle qui ne sont pas faites nécessairement, même dans nos services, par les villes, on l'a toujours déploré, mais on n'a pas besoin de mettre une nouvelle structure de SEM sur pied pour y arriver. Même chose si une ville n'a pas le droit d'investir. Par exemple, on a créé des SOLIDE, au niveau du Fonds de solidarité, dans l'ensemble des MRC. Quand on arrive au niveau des villes, il y a des villes qui nous ont demandé pour le faire, au niveau de leur ville, et là la loi interdit qu'une ville investisse là-dedans. Bon.

On n'a pas de problème, nous, à regarder la loi des municipalités et villes – je ne connais pas toutes les lois qui sont là-dedans – à faire les changements appropriés et à faire en sorte que, ça, ça puisse se faire, mais on est loin du concept d'une SEM, d'une société mixte où, vraiment, on est en train de se départir de responsabilités importantes.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Abitibi-Est.

M. Pelletier: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs. Moi, je suis issu du monde municipal. J'ai été 16 ans à la table de ma ville, Val-d'Or. J'en suis très fier. Et lorsque j'entends que ce projet de loi là, c'est une machination du monde municipal et puis de la magouille municipale, j'aimerais tout simplement rappeler que le monde municipal, le gouvernement municipal, les élus municipaux, dans mon esprit, c'est vraiment la première démocratie qui existe. Elle existait avant les gouvernements, puis c'est encore la première démocratie, parce que c'est le seul gouvernement qui fait en sorte qu'on peut intervenir, le citoyen peut vraiment intervenir entre les élections.

Si, nous autres, ici, à Québec ou ailleurs, à Ottawa, ça ne fait pas l'affaire des gens, bien, ils sont obligés de patienter à la prochaine élection pour les sacrer dehors. Au niveau municipal, la démocratie est plus forte que ça. Vous pouvez, nous pouvons influencer des règlements d'emprunt. On peut influencer des règlements de zonage. On peut bloquer ou, en tout cas, influencer de manière très forte. Donc, c'est vraiment le gouvernement qui est le plus près du citoyen, où le citoyen peut... et où les élus sont imputables. C'est vraiment les seuls... En tout cas, le monde municipal fait en sorte qu'ils peuvent au moins se vanter, les élus municipaux, d'être élus par l'ensemble de toute la population. Ce n'est pas le cas de tout le monde dans la société.

Vous dites que ça va bien dans le monde municipal. Bien, ce n'est pas ça qu'on a, qu'on entend ou qu'on voit. Le monde municipal nous interpelle et nous demande plein de choses. Je suis d'accord avec vous peut-être qu'il en demande, des fois, comme dans n'importe quel domaine de la société, peut-être trop, mais il y a un malaise à quelque part. Il y a des choses à améliorer – je suis certain que vous êtes d'accord – il y a un malaise à quelque part. Quand vous dites que ça va bien dans le monde municipal, ne serait-ce que pour mentionner Montréal, c'est... J'espère que nous allons et que vous allez ensemble trouver des solutions, mais ça nous démontre qu'il y a quelque chose qu'il faut améliorer à quelque part. Peut-être que cette loi-là, c'est un signe qu'il y a un malaise ou qu'il y a de l'amélioration à faire dans les relations.

Les élus municipaux – et je termine là-dessus – eux, là, ils sont redevables, ils doivent tout ce qu'ils font aux citoyens qui sont devant eux autres, dans la grande ville comme dans la petite ville. Peut-être plus dans la petite ville. Dans ce sens-là, comment... ça m'a juste un petit peu... Peut-être que vous avez voulu vraiment attirer notre attention en disant: Le monde municipal, c'est une gang de magouilleurs. Mais, moi, je dis: Ils sont élus par vous autres. Donc, occupons-nous-en, quand c'est le temps, davantage et peut-être que le monde municipal sera plus à l'image de la société. Mais, ce que je vous dis: Travaillons davantage avec le monde municipal quand c'est le temps, parce que c'est la première démocratie, c'est au-dessus des gouvernements supérieurs. J'aimerais, parce que ça m'a... Tantôt, vous avez vraiment attiré mon attention lorsque vous avez mis bas le monde municipal, et je pense que ce n'est pas le cas. Je voulais juste vous dire que ce n'est pas de même que je vois ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Ce n'était pas une question, c'était un commentaire.

M. Massé (Henri): M. le député, si c'est l'impression qu'on vous a laissée, on s'en excuse. J'ai beaucoup de respect pour les élus municipaux. Mon père a été maire de la municipalité de comté de La Sarre, la ville voisine de chez vous, pendant 20 ans. Je connais un peu la politique municipale. C'est un peu le sens inverse qu'on veut dire: ne laissons pas perdre le contrôle aux élus municipaux. C'est ça qui nous inquiète. Qu'on garde le plein contrôle. Et si on s'en va dans les SEM comme ça, il y a des choses qui vont échapper à gauche et à droite.

Encore une fois, Gilles Charland, le directeur du SCFP, tantôt, a offert la collaboration au niveau de l'organisation du travail. C'est vrai qu'on est un peu frustrés et on est peut-être un peu trop directs aujourd'hui en commission parlementaire, mais, d'habitude, c'est notre style. Mais il y a beaucoup d'autres choses dans le collimateur du monde municipal. Il y a l'article 45, qui se discute sur un comité, par en arrière, où on n'est pas là, pour faire disparaître ça, alors que dans l'entreprise privée, ça existe, le 45, dans le privé, puis je n'ai pas vu une entreprise, même une multinationale, au Québec, à venir jusqu'à date, venir nous dire d'enlever le 45. Quand on voit le monde municipal venir faire ça, ça nous frustre, ça nous enrage. S'ils veulent faire des discussions directes, qu'on en discute.

(18 heures)

Toute la question des services essentiels et du droit de lock-out. C'est vous autres qui avez réclamé les services essentiels, et vous avez cédé votre droit de lock-out; aujourd'hui, vous voulez revenir avec le droit de lock-out, mais avec des services essentiels, dans le fond, qui n'ont pas de bon sens. Quand j'entends le monde municipal – et je trouve que vous vous discréditez – venir réclamer le droit de grève pour les policiers et les pompiers, mais à condition qu'il y ait des services essentiels, bien évidemment, ils vont tous travailler, toute la gang. Et j'ai hâte de voir la Commission de services essentiels nous dire à quelle hauteur que c'est le feu. «C'est-u» à 6 pieds de haut, ou 12 pieds de haut, ou 18 pieds de haut qu'on a le droit d'intervenir? Ça n'a pas de sens.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. Massé.

M. Massé (Henri): En conclusion. Puis la loi 102, il y a un champ où le gouvernement du Québec est entré qui n'a pas été respecté par la majorité des villes au Québec, par la majorité des MRC. En conclusion, il me semble que le monde municipal doit se reprendre en main. Arrêtez de quêter à Québec, de dire: Donnez-nous tel, tel pouvoir, puis il faut affaiblir les syndicats. Bien, travaillons main dans la main, puis je pense qu'on est capables de passer à travers. Oui, il y a des problèmes dans le secteur municipal. Rencontrons-nous en vrais partenaires, face à face, puis on est capables de relever le défi.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Je suis contente de voir que j'ai un ex-collègue qui avait la même impression que moi. Mais vous avez dissipé, par votre réponse...

M. Massé (Henri): ...surtout si... les notes de l'Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Justement.

M. Massé (Henri): Quatre-vingts ans, mais il a encore bon pied, bon oeil.

Mme Delisle: On va lui envoyer. M. Massé et messieurs...

Une voix: On va lui envoyer.

M. Massé (Henri): «Envoyez-y!»

Mme Delisle: ...ça me fait plaisir que vous soyez là. Moi, j'aimerais ça qu'on fasse un petit retour en arrière. J'ai bien compris votre intervention et celles aussi de ceux qui vous ont précédés à cette table la semaine dernière et qui ont les mêmes préoccupations que vous avez et qui nous laissent, évidemment, l'impression que ce n'est pas bon, c'est négatif puis tout va mal. Alors, peut-être que vous avez une vision des choses qui diffère de la nôtre ou, en tout cas, de certains. Quand vous nous dites, entre autres choses, qu'il ne faut pas vendre notre patrimoine collectif – on retrouve ça dans votre mémoire – qu'il faut respecter les diverses responsabilités des municipalités... Moi, je me souviens, lorsque j'étais jeune élue municipale, puis ça, les élus municipaux, quand ils ont perdu leur chapeau, ils ne le perdent pas vraiment jamais... Je pense que c'est la plus belle école de formation, alors, ça nous suit tout le temps, alors, on va vous casser les oreilles avec ça, ne vous en faites pas. Mais ce n'est pas écrit dans les lois municipales qu'on a la responsabilité de A jusqu'à Z. Le monde municipal s'est accaparé certaines responsabilités au fil des ans qu'on ne retrouve pas nécessairement encadrées par des lois. Le gouvernement aussi a donné des responsabilités, des fois volontairement, à la demande des municipalités, d'autres fois pas à la demande des municipalités. Bon, peu importe. Comment font les municipalités, à un moment donné, pour essayer de se défaire de certaines des responsabilités qu'elles ne veulent plus assumer, alors qu'elles ont un cadre très rigide, le cadre, entre autres, au niveau du travail? Bon.

Puis l'article 45, pour moi, je vous dis bien honnêtement, quand vous en parlez et que vous dites – je vais parler en mon nom personnel... Quand vous dites: Il y a un comité qui étudie ça dans notre dos alors que l'entreprise privée n'en parle même pas, je vous dirais bien honnêtement: Ce serait préférable que ce soit discuté devant vous et avec vous. Bon. Alors, là-dessus, je pense qu'on s'entend bien. Mais quelle marge de manoeuvre ont les élus municipaux pour décider un jour: Bien, la bibliothèque... Prenons un exemple, la bibliothèque, ou une aréna, une aréna qui a besoin d'être restaurée. La municipalité décide de regarder les différentes possibilités et elle choisirait de s'associer, mettons, avec un gestionnaire. Parce que, pour moi, la SEM, c'est une compagnie qui gère. Je fais une distinction entre partenaire privé qui va venir s'associer au fondateur municipal pour gérer une activité, mais il n'aura pas le droit d'aller en sous-traitance, d'après moi. Il me semble que ce n'est pas correct. Mais comment font les élus municipaux – c'est ça, ma question, en fait, j'ai fait un grand détour – pour se délester ou changer d'idée parce que, finalement, les citoyens n'en veulent plus, de ce service-là? Pour vous, est-ce que c'est jeter par-dessus bord le patrimoine collectif?

M. Massé (Henri): Il y a des décisions qui peuvent se prendre au niveau d'une municipalité, qui appartient aux citoyens et aux citoyennes. Mais, en même temps, vous avez la même marge de manoeuvre, la même marge de manoeuvre qu'il y a dans l'ensemble du secteur privé. Vous allez admettre avec moi que, dans la mondialisation qu'on connaît à l'heure actuelle, la restructuration globale des entreprises, il y a des questions dans le secteur privé qui sont beaucoup plus compliquées, beaucoup plus compliquées que ce qu'on peut voir dans les villes à l'heure actuelle. Et ça se fait en négociation de bonne foi avec les syndicats qui sont en place. Ça se fait dans le respect du Code du travail. Il est bien évident que, s'il n'y a plus de Code et il n'y a plus de syndicat, bien, là, je veux dire, tout le monde peut faire à peu près ce qu'ils veulent. Mais le mouvement syndical au Québec, et surtout la syndicalisation dans les services publics, c'est vrai que c'est achalant, des fois, pour les élus, mais, en même temps, ça a fait en sorte que, depuis une trentaine d'années, on a développé une fonction publique beaucoup plus efficace. Remontons à une trentaine d'années, avant que... la syndicalisation était complètement absente, on a vu à peu près de tout au Québec, y compris les eaux, qu'on parle de privatiser aujourd'hui. Il y a 30 ans, c'est le secteur privé qui contrôlait 95 % des eaux au Québec, et les citoyens n'avaient pas des services égaux. Souvent, une fois après avoir fait beaucoup d'argent avec ces réseaux-là, puis pas développé vraiment la nouvelle technologie, puis réparé leur réseau au fur et à mesure, à un moment donné, il ne faisait plus d'argent avec ça, et le secteur public a été obligé de reprendre ça. On a tout connu ça au Québec. Je pense qu'on a un code...

Mme Delisle: O.K.

M. Massé (Henri): ...puis il faut vivre avec, il faut négocier avec les syndicats qui sont en place, et il y a toujours des solutions.

Mme Delisle: Mais vous admettrez comme moi que les élus municipaux ont un mandat, puis c'est de gérer la ville, de gérer les services publics au meilleur de leur connaissance, au meilleur coût possible. Ils ont été élus par les contribuables, ils ont un mandat de quatre ans; s'ils ont mal fait ça, dehors. Ça, c'est le prix qu'on a à payer pour la démocratie. On peut élire du bon monde comme on peut élire du monde pas tout à fait bon, mais, ça, c'est la loi de la moyenne qui va jouer, puis, souvent, vous allez avoir beaucoup plus de bon monde, du gros bon sens, qui va siéger sur des conseils municipaux. Ça m'amène à vous dire que, quand vous... Parce que ça transpire dans vos propos, ça – d'ailleurs, vous l'avez dit – qu'on va déresponsabiliser les élus municipaux. Je ne vois pas comment vous pouvez dire ça, que le fait... Puis je ne défends pas l'avant-projet de loi, j'essaie juste de comprendre pour quelle raison vous pensez que la création des SEM va déresponsabiliser les élus municipaux. Si vous avez la majorité du conseil d'administration qui est composée d'élus municipaux, qui vont devoir rendre des comptes à leur conseil municipal sur ce qui se passe là-dedans, et les budgets vont circuler à quelque part, là, je veux dire, il ne faut pas présumer de la mauvaise foi de tout le monde, pourquoi vous attachez de l'importance à ça?

M. Massé (Henri): Parce qu'on voit un petit peu plus à moyen terme que ce que vous dites. Nous, on est fort convaincus que, même si on dit que le contrôle reste aux villes, à partir du moment où c'est l'entreprise privée qui investit les capitaux, je ne connais pas grand entreprises privées qui acceptent longtemps d'être régies, menées et être minoritaires sur un conseil d'administration quand elles mettent leurs billes en jeu. Moi, je vous donnerais juste un exemple, juste un exemple. On vous a distribué, je pense, à quelques-uns, tantôt, un livre sur les vidanges. Au Québec, il y a une couple d'années, je dirais peut-être une vingtaine d'années, l'enlèvement des ordures ménagères était fait à peu près à 75 % par les employés des villes. Aujourd'hui, il en reste à peine 2 %, 3 %. Je pense qu'on a 200 ou 300 éboueurs qui travaillent pour les villes, et il y en a 11 000 dans le secteur privé. Je ne dirais pas ça dans toutes les villes, mais, vous regarderez, il y a des grandes entreprises, multinationales, qui sont rendues au Québec, qui font la cueillette des ordures, qui essaient de prendre le contrôle sur les sites d'enfouissement, et tout ça. Et vous regarderez – puis ça, ce n'est pas du flafla puis ce n'est pas de l'à peu près – beaucoup de ces entreprises-là, quelques-unes de ces entreprises-là, très importantes, aux États-Unis, ont été poursuivies, ont été condamnées tantôt au criminel, tantôt au civil; on a vu toutes sortes d'affaires là-dedans. Il y a quelques entreprises et quelques villes qui nous disent: Oui, bien, là, on aimerait ça, reprendre le contrôle là-dessus. Mais là, une fois que vous avez vendu vos camions, quand on parle d'un camion qui coûte 150 000 $, que vous vous êtes débarrassé de toute l'infrastructure et que, du jour au lendemain, vous voulez reprendre ça en main parce que vous avez le couteau sur la gorge et qu'ils vous chargent trop cher, je peux vous dire qu'il ne vous reste pas grand marge de manoeuvre. Vous continuez à marcher dans le système parce que vous n'avez plus les capitaux nécessaires. Donc, on a connu ça, nous, dans les services municipaux, souvent, ce désengagement-là. Et les villes, même si elles nous disaient... et après discussion avec le syndicat, et souvent, même les syndicats, on a parlé de faire des régies internes et d'y aller sur des études de coûts et de le faire à moindre coût, on n'a plus les équipements puis on n'a plus rien. On s'est débarrassé des édifices, on s'est débarrassé de la machinerie, on s'est débarrassé de tout, ça fait qu'il n'y a pas une ville qui va reprendre ça en main. La situation va être deux fois pire qu'elle est à l'heure actuelle.

Mme Delisle: M. Massé, je pense que le ministre, tout à l'heure, vous a questionné sur ceci, si tous les irritants étaient... Je pense que c'est à vous qu'il l'a demandé, là; tantôt, c'est moi qui pose cette question-là, d'autres fois c'est lui. Si tous les irritants disparaissaient de l'avant-projet de loi et que ça se faisait vraiment tel que «up and above board», comme on dit en bon anglais, est-ce que vous considéreriez la SEM comme étant un outil parmi tant d'autres – j'admets qu'il y en a d'autres qui peuvent être utilisés – mais un outil parmi tant d'autres avec lequel les municipalités pourraient travailler?

(18 h 10)

M. Massé (Henri): Bien, en tout cas, vous avez exclu dans le projet de loi les incendies et...

Mme Delisle: La sécurité publique.

M. Massé (Henri): ...la sécurité publique. Bon, c'est entendu que, si tous les services municipaux donnés par les villes étaient exclus, il y aurait bien moins d'opposition de notre part à ce projet de loi là. Maintenant, ce qu'on veut vous indiquer, c'est que, dans ce cas-là, on ne pense pas que ça prenne un projet de loi aussi compliqué puis aussi complexe. Si on parle de la commercialisation, par exemple, de services ou de produits que les villes pourraient faire qui ne sont pas dans leurs services réguliers, on n'a pas l'impression que ça prendrait un tel projet de loi pour le permettre. On pense que ça prend quelques amendements à la Loi sur les cités et villes, aux différentes lois du municipal, et on peut arriver exactement aux mêmes fins.

M. Charland (Gilles): Moi, je vous inviterais, si vous permettez, à faire l'exercice avec nous puis avec les municipalités, parce qu'on parle souvent d'oser dans ce temps-ci. Nous, on pense que, dans le nombre de municipalités, il y a un bon ménage à faire là-dedans. Ça prend du courage politique. Autant les deux gouvernements, ça a été les libéraux et le Parti québécois, tardent à dire: Bien, là, on fait un vrai débat là-dessus puis on ramasse. Je vais vous donner juste un exemple des mentalités de clocher qui existent dans les municipalités. Pas plus tard qu'hier ou avant-hier, le chef des pompiers à Montréal, M. Noël, disait: Écoutez, y «aurait-u» moyen de regarder... Il lançait l'idée de dire: La caserne à Montréal, dans le Parc-Extension, à un moment donné... la ville d'Outremont est juste à côté; ça nous prend neuf minutes pour nous rendre; si on avait une espèce d'entente multiservices, ça nous prendrait trois minutes. Le lendemain, le maire d'Outremont: Il n'en est pas question, on ne veut rien savoir de la ville de Montréal. Bon. Il y a des économies d'échelle là.

Nous, on vous dit: L'organisation du travail, on en a des preuves, des démonstrations. Avant de vous lancer dans des SEM, dans de l'inconnu, où on sait les conséquences que ça a eu dans d'autres pays, etc., on vous dit qu'on a une expertise, la privatisation, etc.; assoyez-vous donc avec nous autres comme partenaires. Les services municipaux... on est des payeurs de taxes, nous aussi, puis on est des citoyens, on en paie au municipal, on en paie au provincial puis on en paie encore au fédéral. Donc, ce qu'on vous dit: Assoyons-nous donc. On veut mieux travailler, de façon plus intelligente, on veut se donner un bon programme pour rendre les meilleurs services possible au meilleur coût possible pour les citoyens et citoyennes.

C'est sûr, si vous nous arrivez puis vous nous dites: On va tout donner à l'entreprise privée, puis c'est le salaire minimum, puis tout ça, puis il n'y a pas de syndicalisation, que c'est facile de faire ça puis c'est sûr que ça va être à moindre coût... Je pense que, dans la société où on vit, il y a comme une espèce d'équilibre; il y a des lois du travail qui existent, les gens ont eu droit à la syndicalisation et on a fait des démonstrations régulièrement. Puis je vais reprendre, puis je vais conclure là-dessus, votre exemple de l'aréna, c'est un bel exemple. On a fait des études, au SCFP, où une municipalité, avec le même exemple – on pourrait vous donner la ville – disait: On n'est pas capables d'investir dans la rénovation, etc. Ils ont jeté l'aréna à terre puis ils en ont construit une neuve, ils ont donné ça au privé. Cinq ans après, ils ont été obligés de racheter l'aréna à gros prix; les glaces étaient rendues à 200 $, 225 $ l'heure. Ils avaient le monopole. La ville n'avait pas le choix, puis les arénas des alentours étaient déjà pleines. Or, quand c'était une aréna municipale, le taux de la glace était à peu près à 55 $, 60 $ l'heure. Comme je vous le dis, il y a moyen de réorganiser les travaux, qu'il y ait une meilleure planification, une meilleure gestion. On est prêts à le regarder. Et on vit ça régulièrement. À la ville de Montréal, à titre d'exemple, et dans les autres villes, ça fait à peu près 10 réorganisations qu'il y a en l'espace de quelques années. Les employés sont chambardés à gauche et à droite, c'est des guerres de clocher entre les maires, entre les directeurs de services, etc. La problématique est bien plus là.

Mme Delisle: Je veux juste vous dire, monsieur, que l'aréna, c'est vrai que c'est un bon exemple. Mais connaissez-vous une ville où l'aréna n'est pas déficitaire? Les municipalités entretiennent, gèrent des arénas, je ne vous dis pas que c'est bon ou pas bon, mais c'est impossible, à mon point de vue, pour une municipalité de rentabiliser à 100 % son aréna, puisque, de toute façon, ça fait partie des loisirs, ça fait partie... Puis je ne vous dis pas que c'est une mauvaise conception. Mais on parle de deux philosophies différentes, de deux cultures complètement différentes. Vous avez raison, 220 $ puis 250 $ les heures de glace, on en a dans la région de Québec aussi comme ça, puis ça ne marche pas.

M. Massé (Henri): Mais les enfants ont la chance d'aller patiner même si c'est déficitaire.

Mme Delisle: C'est ça que je dis, là. Il faut regarder... Je veux juste vous ramener sur un élément. Les gens qui sont venus parler, les gens de la MRC du Haut-Richelieu, qui ont participé à la création de la première SEM, c'était évidemment dans les déchets, nous ont dit et nous ont démontré aussi, on peut sortir le papier, qu'il y avait eu une économie de 626 000 $ de facturation pour les contribuables. Ce n'est quand même pas à négliger, ça, là. Nous autres, on est pris un petit peu entre l'arbre et l'écorce, il faut qu'on se fasse une tête là-dessus. Vous avez, évidemment, des points de vue qui sont fort intéressants, d'autres en ont aussi. Il faudra à un moment donné qu'on s'assoie, c'est certain.

Il y a ça puis il y a toute la question des fusions. Je voulais dire à M. Charland que, s'il y avait effectivement commission parlementaire sur les fusions, on y participerait évidemment avec beaucoup d'intérêt, mais il faudrait aussi que vous veniez nous dire que, si vous êtes d'accord avec les fusions, ce n'est pas nécessairement vrai que tous les employés vont suivre, par exemple. Et ça, c'est un débat que, nous, on doit faire. Je ne veux pas faire la leçon à personne. Vous allez devoir faire ce même débat là. Ça ne peut pas être deux poids deux mesures, là. Ça va.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Juste peut-être remettre un peu le pendule, là. Je vais lire les livres que vous nous avez remis avec grand intérêt. Moi, je suis porte-parole en matière d'environnement. Il ne faudrait pas penser non plus que, parce que le monde municipal est dans un secteur, il n'y a pas de péché là-dedans. J'ai eu l'occasion l'an passé de faire le tour du Québec et de visiter les sites de déchets. Je ne les ai pas tous visités, il y en a tout près de 100, j'en ai visité un bon nombre. J'étais parti avec une optique bien précise, de faire une comparaison entre ce qui était public et privé au niveau des sites de déchets. Je vous avouerai que j'étais parti avec un concept, en me disant que tout ce qui était public serait mieux que ce qui était privé. Après deux semaines sur la route, avec un étudiant en environnement de l'Université de Sherbrooke au niveau de la maîtrise, on a dû arriver à la conclusion que les pires sites qu'on a vus au Québec, et pour n'en nommer qu'un, Miron, c'étaient des sites publics, et que les sites privés – il y avait des exceptions, bien sûr, à la règle – étaient relativement bien gérés. Alors, je vous donne ça à titre d'exemple.

Je vous dirai aussi qu'à l'époque où j'étais un peu plus jeune, même très jeune, à Saint-Hyacinthe, c'était l'entreprise privée qui ramassait les déchets à la résidence de mes parents. Le service qu'on avait était absolument extraordinaire. Dépendant si vous étiez âgé, vous payiez un peu plus s'ils venaient les chercher dans le garage. Si vous étiez un peu plus jeune, vous alliez les porter sur le bord de la route, c'était moins cher. Vous n'étiez pas satisfait du bonhomme qui faisait ça, vous pouviez changer pour l'entreprise d'à côté, ils étaient cinq, six dans Saint-Hyacinthe. Chaque fois qu'on a demandé aux gens de Saint-Hyacinthe si on devait municipaliser le secteur des déchets, les gens de Saint-Hyacinthe ont dit: Non, parce qu'on est très satisfaits du service privé qu'on a.

Alors, je n'essaie pas de vous dire que je vais défendre l'entreprise privée dans le secteur des déchets; aux États-Unis, c'est un monstre épouvantable. Tout ce qui se dit dans ces livres-là, c'est probablement relativement vrai. Mais ce que j'essaie de démontrer, c'est qu'il y a aussi des péchés dans le secteur du public quand on parle des déchets, et je pourrais en faire une démonstration exhaustive. C'est loin d'être parfait.

M. Massé (Henri): Ah! si vous voulez parler des péchés du public, on est bien placés, on s'en parlera pendant des heures.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, ceci étant dit, ça met fin... Vous voulez une petite question?

M. Trudel: Oui, pour terminer.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Trudel: Il y a une question qui me chatouille toujours. Je note, à la page 7 de votre mémoire... bon, vous reprenez les paroles de mon prédécesseur devant la Chambre de commerce de Montréal où le ministre a indiqué que «nous devons nous adapter, revoir nos façons de faire, nous devons changer si nous voulons assurer à nos enfants le niveau de vie que nous avons connu». Et là vous dites: «Nous partageons cette affirmation» mais à l'intérieur de – il faut tout lire le paragraphe au complet – l'approche réorganisation du travail.»

Est-ce que vous pensez – et ce n'est pas une question de vendre la formule à tout prix... Comme la FTQ a innové en matière de support à l'emploi et de développement de l'emploi avec le Fonds de solidarité, qui est devenu un instrument majeur au niveau du maintien et du développement de l'emploi au Québec, au niveau du capital de risque et de la participation dans cette société, vous avez mentionné tantôt les SOLIDE et les sociétés régionales d'investissement... Est-ce que ça pourrait intéresser des groupements de travailleurs d'être la partie dans un service, dans une société pour gérer un service public? Parce qu'on a aussi ouvert là-dessus.

(18 h 20)

M. Massé (Henri): En tout cas, avec la tournée qu'on vient de faire, je pense que le monde est prêt à gérer, mais à l'intérieur des services publics. Moi, M. le ministre, je vais être bien franc là-dessus. Au gouvernement du Québec, par exemple, puis c'était dans le gouvernement précédent qu'on a signé des conventions collectives où on a dit: Il faut s'impliquer dans l'organisation du travail, on parlait même de gains de productivité, on allait très loin... Là, c'est votre gouvernement qui est là. Ça fait quatre ans de ça, ou cinq ans, on n'a pas changé une virgule. On attend toujours des partenaires. Et il y aurait quelque chose à virer à l'envers, autant dans la santé, dans l'éducation, un peu partout. Mais on dirait que, quand on signe ça, il n'y a pas de résultat tangible.

Le directeur du SCFP, tantôt, parlait de quelques expériences à Hydro, dans quelques sociétés d'État, qui sont très prometteuses, qui fonctionnent bien. Il y a quelques villes aussi au Québec, il ne faut pas mettre tout le monde dans la même poche, parce qu'il y a quelques villes au Québec qui ont eu des partenariats très serrés avec leurs employés et qui sont en train de développer des expériences, qui sont même en train de rapatrier des activités qui avaient été données en sous-traitance, mais qui ont demandé à leurs travailleurs et leurs travailleuses de changer leurs habitudes et de faire en sorte qu'on soit capables d'arriver dans les mêmes coûts. Tout peut être fait. Mais, tout ça, ça prend, moi, je vous dirais, puis je vais terminer là-dessus, ça prend un certain climat serein. Ça n'a pas de bon sens, au Québec, pour les travailleurs et les travailleuses qu'on représente, à l'heure actuelle, de se faire... entendre chanter les vertus du privé, qui, eux autres, vont administrer une affaire épouvantable, et ça coûtera plus cher aux corps publics. Il y a des limites. Il me semble que les élus municipaux, les élus provinciaux, tout le monde, on a à se reprendre en main. On n'a pas le droit de laisser aller ça. L'administration publique a été capable d'être aussi performante que l'administration privée, puis même plus parce qu'il y a moins de marge de profit. Et c'est tout simplement ce qu'on dit.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Massé.

M. Trudel: Très bien. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions de votre participation. La commission ajourne ses travaux au mardi 19 mars, à 10 heures du matin.

(Fin de la séance à 18 h 21)


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