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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 19 mars 1996 - Vol. 34 N° 53

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal


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Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Remarques finales


Autres intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Camille Laurin
M. Michel Rivard
M. Robert Middlemiss
M. Gabriel-Yvan Gagnon
M. Léandre Dion
M. Robert Benoit
*M. Bruno Montour, CCPEDQ
*M. Herman Côté, idem
*M. André Verrette, Compo-Sortium inc.
*Mme Christine M. Marsan, idem
*Mme Louise Beaulieu, idem
*M. Sylvain Monarque, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quatorze minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la commission de l'aménagement et des équipements ouverte. Le mandat de la commission est de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui. M. Cherry (Saint-Laurent) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la secrétaire. Alors, l'ordre du jour... Je vais demander le consentement des membres de la commission pour changer un petit peu l'horaire. À 10 heures, on avait prévu M. Éric Thivierge et Mme Odette Trépanier qui ont eu la gentillesse de bien vouloir changer leur horaire avec Mme Francine Dubé, M. Gaston Carrier et M. Charles Patry. Est-ce qu'il y a consentement de la part des membres de la commission?

Une voix: Oui. Pas de problème.

Une voix: Tout à fait.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, à 10 heures, nous recevons Mme Francine Dubé; à 11 heures, ça va être M. Éric Thivierge; à 11 h 30, M. Robert Millette. Il y aura suspension des travaux pour l'heure du lunch, non, suspension pour plus longtemps. À 20 heures ce soir, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; à 21 heures, Compo-Sortium inc., représenté par M. André Verrette; et, à 22 heures, il y aura les remarques finales.


Auditions

Alors, Mme Dubé, vous connaissez probablement le fonctionnement des commissions: vous avez 20 minutes pour nous faire part de votre message et, ensuite, il y aura débat entre les deux groupes parlementaires de 20 minutes chacun. Alors, si vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez la parole.


Mme Francine Dubé, M. Gaston Carrier et M. Charles Patry

Mme Dubé (Francine): Merci, Mme la Présidente. Alors, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, il me fait plaisir de vous présenter un rapport, je devrais dire un mémoire qui s'appuie sur le rapport d'une expérience-pilote qui a été menée à Saint-Romuald dans le cadre du projet de société d'économie mixte. Alors, mon mémoire fera état des différents paramètres qui nous ont alimentés au cours des 18 derniers mois. Et, à cette fin, je vous présente les deux partenaires privés qui ont collaboré à ce projet: le représentant, celui qui a été le moteur du côté d'Ultramar Canada qui était un partenaire important, qui est le directeur général de la raffinerie de Saint-Romuald et qui est aussi vice-président de toutes les activités de raffinage pour Ultramar Canada, alors, à ma droite, M. Charles Patry; et, à ma gauche, l'autre partenaire privé, qui était le Syndicat industriel de Saint-Romuald, qui regroupe 300 petits actionnaires ou à peu près - c'est à peu près ça - un syndicat qui n'a rien à voir avec les syndicats traditionnels et qui porte ce nom depuis plus de 50 ans, dont la mission principale est le développement industriel, et le président du Syndicat industriel qui a aussi travaillé à ce projet est M. Gaston Carrier, qui a été élu par les membres actionnaires à cette fin.

Alors, je vais donc moi-même vous présenter le mémoire que vous avez reçu. À la période de questions - et s'il y a des choses que je peux ajouter - les deux partenaires privés se feront un grand plaisir de répondre à toutes vos questions. Alors, c'est une expérience, et je pense qu'il était nécessaire de vous faire un rapport de ce qui fonctionne et des difficultés que nous rencontrons.

Alors, donc, les trois personnes qui soumettent aujourd'hui ce mémoire à la commission de l'aménagement et des équipements sont les mêmes qui, en juin 1994, recevaient l'aval du gouvernement du Québec afin d'expérimenter un projet-pilote de société d'économie mixte dont la mission exclusive serait le développement du parc techno-industriel situé en bordure de la raffinerie Ultramar, à Saint-Romuald. Par le fait même, ces mêmes personnes prenaient aussi l'engagement de faciliter le suivi rigoureux des fonctionnaires responsables du ministère des Affaires municipales et de faire rapport, dans deux ans, des paramètres qui ont influencé la création de cette nouvelle structure.

Après des mois d'analyse, de concertation et de validation, la société d'économie mixte du parc industriel de Saint-Romuald n'est pas encore légalement fonctionnelle et les difficultés sont directement liées à la complexité de l'implantation aux plans politique et fiscal. Nous témoignerons donc de notre expérience en espérant que l'éventuelle loi-cadre soit adaptée aux réalités politiques et économiques qui encadrent cet outil de développement.

Il est important de préciser qu'en apprenant que la ville de Saint-Romuald avait décidé de ne pas se présenter devant cette commission et ayant travaillé moi-même, personnellement, à ce dossier à titre de mairesse jusqu'en novembre 1995 je m'associe donc volontairement aux deux partenaires privés dans la présentation de ce mémoire après avoir convenu de le faire sur la base du mandat de confiance qui nous a été donné, conscients que nous sommes redevables envers le gouvernement du Québec pour son support moral et surtout son support financier, et toujours plus convaincus que la confiance qui est témoignée est souvent liée aux individus et non à l'entité qu'ils représentent. Vous comprendrez que les commentaires d'aujourd'hui n'engagent aucunement les autorités municipales.

(10 h 20)

Afin de se mettre en situation, précisons que la société d'économie mixte du parc industriel de Saint-Romuald est différente des autres projets-pilotes en raison de la nature de ses actifs et de sa mission. Soulignons d'abord que l'initiative a été menée par le fondateur municipal, contrairement au projet-pilote de la MRC du Haut-Richelieu où c'est le promoteur privé qui a été, si vous voulez, le moteur de ce projet. Alors, ce projet, chez nous, a été vraiment mené par la ville, il y a deux ans. Après une opération régionale de concertation et de collaboration sans précédent autour du projet Labco-Chem, nous avons compris une chose: pas d'infrastructures d'accueil, pas de projet industriel! Nous voulions exploiter le concept de grappe industrielle avec des projets réalisables à dimension raisonnable et avec des partenaires économiques sérieux. Nous avions découvert les bénéfices de la synergie, et nous voulions la vivre dans le cadre d'un partenariat d'entreprises.

Trois propriétaires fonciers: Ultramar, Syndicat industriel, ville de Saint-Romuald, mettent donc en commun leurs terrains industriels qui allaient servir ici d'actifs pour la future société. Ceux-ci sont détenus à 90 % par le privé - on parle des terrains - et à 10 % par le public, par la ville, donc. Ils s'associent dans l'installation des infrastructures de rue, la promotion et la gestion d'immeubles à des fins industrielles. La société d'économie mixte servirait donc de levier financier de développement. Alors, contrairement aux autres projets-pilotes, nous parlons ici d'une compagnie de développement - en France, on appellerait ça une compagnie d'aménagement; alors, ça, c'est important à préciser - et non pas d'une compagnie de gestion de services publics comme c'est le cas dans la gestion des déchets. Les partenaires de la société d'économie mixte de Saint-Romuald ont - et ça, c'est très important - trois missions et trois structures légales différentes; donc, on n'oublie pas les règles fiscales propres à chacun. Quel beau défi!

Les motivations. Si l'entreprise de services recherche le partenariat avec le public pour s'assurer, entre autres, d'une clientèle privilégiée - je pense ici, entre autres, à l'exemple peut-être de la gestion des déchets, parce que c'est une compétence exclusive aux municipalités - l'entreprise manufacturière, ce qui est le cas avec Ultramar, et la corporation de développement qu'est le Syndicat recherchent d'abord la sécurité de l'investissement, ici représentée par la valeur initiale des terrains en vrac, et un retour sur cet investissement qui se traduit en bénéfices aux actionnaires.

La synergie maintenant créée avec le secteur public permettait aux promoteurs privés de bonifier la valeur de l'actif actuel, notamment par - et c'est là qu'on a travaillé ensemble - la rédaction d'un plan d'affaires cohérent, des démarches concertées de prospection, des équipements et des services partagés, le financement indépendant des infrastructures du parc, la compétitivité de notre site industriel et, tout ça, dans le respect des missions respectives. Vous reconnaîtrez là un modèle de coentreprise et de prise en charge par le milieu qui nous permet de collaborer à la mission collective de développement économique, nouveaux emplois, investissements étrangers, et à l'augmentation de revenus de taxation aux municipalités. Bons citoyens corporatifs et décideurs impliqués dans l'avenir de notre collectivité!

Maintenant, parlons de l'expérience de Saint-Romuald. Après 20 ans de potentiel latent - on doit vous dire que ce terrain zoné industriel existe depuis 20 ans, d'accord, qu'il n'y avait jamais eu de développement jusqu'à maintenant; il fallait donc trouver une nouvelle solution - et j'ajoute aussi, ici, d'espoirs déçus - alors, quand on parle d'espoirs déçus, plusieurs fois il y a eu des projets industriels et, parce qu'on n'avait pas d'infrastructures, parce qu'on n'était pas prêts, parce qu'il y avait plusieurs intervenants, puis qu'il n'y avait pas de synergie et de cohésion, ça n'a jamais donné de résultats - la décision de bonifier la valeur distinctive de la ville en misant sur la force industrielle liée à la pétrochimie nécessitait des investissements majeurs.

Toutefois, une dette municipale déjà trop lourde indiquait aux élus du temps qu'il ne suffisait pas de réduire les dépenses et de diminuer les services offerts, mais qu'il fallait poursuivre le développement par des formules visant l'atteinte des mêmes objectifs sans affecter la cote financière du public. L'alliance, donc, avec les partenaires privés permettait ainsi de réaliser le développement industriel sans affecter le fardeau fiscal des contribuables. La société d'économie mixte, outil de développement économique, devait alors stimuler la croissance, augmenter la compétitivité du site industriel et reporter sur le secteur privé le financement d'investissements nouveaux.

Les difficultés rencontrées. Parlons d'abord de l'article 1 de la loi privée de la ville de Saint-Romuald; je parle ici de la loi 237, une loi privée qui a été sanctionnée par l'Assemblée nationale au mois de juin 1994. Alors, l'article 1 de la loi privée de la ville de Saint-Romuald stipule, et je cite: «La ville [...] peut [...] constituer une compagnie», structure qui avait été privilégiée en raison du principe de la responsabilité des investisseurs qui en découle.

On constate, avec l'expérience, qu'avec cette structure légale la ville subit une érosion de ses revenus devant l'obligation de payer des impôts. Ici, c'est selon la Loi sur les compagnies. De plus, le plan financier de la société d'économie mixte était lourdement affecté dans l'atteinte des objectifs de rentabilité et de compétitivité en raison de deux éléments: premièrement, du paiement de droits de mutation répétitifs pour la mise en place de cette structure, le roulement d'actifs ou les cessions, ici; et, lors du roulement des actifs, les profits générés pourraient devenir taxables dans trois ans, comme toute vente présumée, pour l'un ou l'autre des partenaires alors qu'on assiste seulement à une compensation en actions. Nos partenaires privés pourront vous donner des précisions un peu plus tard.

On a donc amorcé une solution. La loi nous obligeait à former une compagnie. Par contre, on avait des problèmes en raison de la fiscalité. On a donc décidé de procéder à la formation d'une société en commandite, mais la société en commandite devait exclure le fondateur municipal parce que, avec les analyses qui ont été faites au ministère, la loi municipale interdisait à la ville d'agir à titre de commanditaire ou de commanditée. Donc, pour éviter les problèmes fiscaux, on venait se limiter ici à une structure légale. Par contre, le fondateur municipal deviendrait actionnaire à 98 % d'une corporation - ici, on parle d'une compagnie à capital-actions formant la SEM - celle-là même qui forme avec les deux partenaires privés la compagnie de gestion qui serait commanditaire et commanditée.

Alors, vous allez comprendre qu'il est difficile aujourd'hui de vous expliquer tous les paramètres. Notre objectif n'est pas de vous faire comprendre toute la structure, mais on vous a annexé l'organigramme que nous avons dû faire à la fois pour respecter la loi de Saint-Romuald, qui nous obligeait, si vous voulez, à former une compagnie et qui limitait la participation de la ville dans des types de société, et pour essayer de contrer les effets fiscaux. On appelle ça, nous, une constellation qui a pris forme, et vous avez l'organigramme qui est annexé.

Il y a un consultant qui a été mandaté par la ville de Saint-Romuald et, à volonté, je pense que les gens du ministère ont eu plusieurs rencontres avec lui, mais je donne quand même ici la référence: M. Benoît Egan, qui est du bureau de Raymond, Chabot, Martin, Paré et Associés. Alors, il connaît... Si vous avez des questions particulières, nos partenaires aussi pourront donner un peu plus de précisions. Vous allez constater avec nous - parce qu'on voulait surtout vous le montrer à vous, les parlementaires - que c'est une structure complexe qui est peut-être explicable par des experts, mais compréhensible par qui? Tout ça pour respecter, si vous voulez, tous les éléments, tous les paramètres dont je parlais.

Nous avons donc travaillé plus de 18 mois à la structure légale et financière en tentant d'éliminer les effets des règles fiscales affectant l'un ou l'autre des partenaires, et ce, tout en respectant la loi 237 de la ville de Saint-Romuald. Une structure complexe qui a nécessité des mois et des mois de validation de toutes les parties impliquées. Permettez-nous de remercier ici le personnel du ministère qui a toujours répondu avec diligence à nos demandes pressantes. Dans un contexte de transparence et de comptes à rendre, puis je pense que vous êtes bien placés pour le savoir, imaginons un instant la présentation de cette structure légale à des citoyens interrogateurs et suspicieux et/ou des actionnaires soucieux d'efficience et de rendement!

Enfin, novembre 1995, élections municipales; le processus démocratique étant ce qu'il est, le fondateur municipal se retrouve avec un nouveau conseil. Le nouveau maire est celui-là même qui a piloté un mouvement de résistance à la loi privée de Saint-Romuald, la loi 237, en juin 1994, dénonçant le projet de création de nouvelle structure comme une tentative de dépenser outre mesure et d'échapper aux obligations démocratiques. D'ailleurs, le mémoire qu'il a déposé à cette même commission en juin 1994 en témoigne, au nom de l'Association des résidents et des résidentes de Saint-Romuald.

Aujourd'hui, mars 1996. Le désenchantement des partenaires privés de la société d'économie mixte de Saint-Romuald, la complexité de la structure légale et la lourdeur administrative découlant des obligations de nos institutions publiques nous forcent à revoir le projet afin de rétablir l'équilibre des forces en présence. L'idée de départ était pourtant simple. L'expérience prouve qu'une seule législation donnant ce pouvoir au fondateur municipal ne suffit pas. Il faut revoir les règles fiscales qui s'appliquent. Sinon, avec des objectifs de rendement et/ou d'économie largement affectés, le projet ne sera qu'une structure supplémentaire en quête de résultats.

(10 h 30)

En nous présentant devant vous, nous n'avions pas la prétention d'analyser tous les articles de l'avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Plusieurs experts se chargeront de le faire. De plus, tout le dossier technique est à la direction de la législation du ministère des Affaires municipales. Notre finalité, Mmes et MM. les parlementaires, c'est de faire la démonstration que la théorie est une chose, l'application en est une autre. N'est-ce pas ce qui justifiait un projet-pilote?

Les enjeux. À la lumière de notre expérience, nous réaffirmons que la finalité d'entreprise de la structure de partenariat privé-public doit reposer sur des paramètres de gains mutuels. Lorsque le privé cherche le rendement, la compétitivité, la création d'emplois, le public, lui, recherche l'économie, des revenus de taxation, des services de qualité au moindre coût et, bien sûr, contribuer à la croissance économique. Tous s'accordent à dire l'importance, aussi, d'une culture entrepreneuriale facilitant la réalisation de cette finalité. Souplesse administrative, allégement des contrôles, compétence des administrateurs sont autant de facteurs qu'il faut regarder de près.

Aussi, contrôler les activités de la ville, soit! Mais contrôler la société d'économie mixte parce que la ville y est participante risque de fausser l'autonomie d'entreprise et d'affecter sérieusement les résultats escomptés. De plus, être un élu représentant les intérêts de la collectivité ne nous fait pas nécessairement un bon administrateur. Si on l'est avant, tant mieux, mais ce n'est pas l'administration municipale qui nous forme en administrateur efficace. Au contraire, l'expérience prouve que l'administration publique se charge de refroidir les ardeurs de tout entrepreneur. Jusqu'où, donc, le privé supportera-t-il le fardeau administratif et le processus décisionnel que pourrait lui imposer un partenaire public? Une société d'économie mixte régie selon la Loi sur les compagnies, dont le fonctionnement est calqué sur le modèle public, risque d'engendrer une structure boiteuse, souffrant de dysfonctionnement.

Autre constat: la complexité de l'implantation de la gestion de la société d'économie mixte aux plans politique et fiscal. Si on regarde le plan politique, une difficulté se présente lorsqu'on traite de l'acceptabilité par les contribuables. Un doute est créé quant aux obligations de transparence et aux responsabilités financières du fondateur municipal. Et, avec tout le contexte de la démocratie actuelle, vous allez deviner qu'il n'est pas simple, pour les citoyens, de comprendre le bien-fondé d'un tel engagement. Le processus démocratique qui rythme la politique municipale et les intérêts, voire les engagements politiques des élus, risquent aussi d'affecter grandement le fonctionnement de la structure. Si on veut maintenir l'engagement du privé, il nous faudra protéger les intérêts de celui-ci contre les changements politiques éventuels.

Sur le plan fiscal, avec trois fiscalités différentes régissant les partenaires, on peut comprendre la difficulté de s'entendre sur un modèle équitable pour tous. Le concept financier proposé ne devrait - et c'étaient des paramètres que nous nous sommes imposés au départ - ni enrichir ni appauvrir l'un des partenaires au détriment des autres. Dans ce même esprit, le véhicule choisi ne devrait pas être équivalent à une prise de profit par l'un des actionnaires au détriment des autres. Le travail d'analyse fiscale est loin d'être complété si on vise une structure légale simplifiée. Tant que les règles fiscales nuisibles aux objectifs visés par le biais d'une compagnie n'auront pas été modifiées, ne pourrait-on pas envisager la participation du fondateur municipal à une société en commandite?

Le partage des actions. Les articles 13 et 14 de l'avant-projet de loi dont il est question aujourd'hui, appliqués dans le cas de Saint-Romuald, il y a deux ans, rendraient impossible la création de la société d'économie mixte. Dans les faits, les actifs en terrains servant au fonds de capital étaient détenus à 90 % par le privé. Pour les raisons évoquées précédemment, les partenaires privés ont accepté de concéder au fondateur municipal la majorité des actions votantes seulement, et cela, dans le respect de la loi privée de juin 1994. Si le fondateur municipal devait détenir la majorité des actions de toutes catégories de la société, la ville serait dans l'obligation d'injecter le capital équivalent, donc de procéder à un règlement d'emprunt - dans notre cas, ici, ce serait de 2 000 000 $ - ou de trouver une source de financement autre, notamment sous forme de subvention.

Le pourcentage d'actions détenues par le privé dans la société d'économie mixte ne devrait pas être limité si l'intérêt de chacun est protégé. Le contrôle décisionnel du fondateur municipal détenant la majorité des actions votantes est largement suffisant. Sinon, quelles seront les institutions municipales assez riches pour disposer d'une telle structure? La contribution du privé supérieure à 50 % est à l'avantage du fondateur municipal. S'il y a consentement des parties, pourquoi nous priver de tels avantages?

Les champs de compétence. Pour toutes les raisons énumérées, il semble que les difficultés d'une compagnie de développement avec des actifs en immeubles soient bonifiées. L'expérience européenne et les projets-pilotes en cours devraient être analysés de plus près afin de valider si cette structure ne convient pas davantage à la gestion des services publics et de leurs équipements. On éviterait ainsi leurres et grincements de dents aux partenaires tentés d'investir ressources humaines et financières dans un projet de développement économique, même si dans le cadre de la décentralisation le livre vert favorise ce secteur pour toute forme de partenariat.

En conclusion, le défi majeur à relever dans le processus de création d'une société d'économie mixte est la dynamique à créer entre le privé et le public, fondée sur les missions d'entreprises distinctes, la fiscalité propre à chacun, l'expertise complémentaire et, enfin, l'incontournable relation de confiance entre les individus impliqués.

Créer des conditions propices à l'exploitation du plein potentiel de la société d'économie mixte exigera un modus vivendi centré sur le rendement qualitatif et quantitatif. La loi-cadre donnant ce pouvoir aux municipalités est une première action motivée par les besoins grandissants et la capacité financière limitée des municipalités. Pour motiver le privé à partager son savoir-faire et ses capitaux, des règles nouvelles touchant, entre autres, la fiscalité des entreprises devraient être envisagées à titre incitatif. Dans une économie nouvelle, les villes se doivent de dépasser leur mission de redistribution de la richesse et se doter d'outils qui leur permettraient de participer davantage à la création de la richesse. La société d'économie mixte est sûrement un bon véhicule de placement en ce sens.

Afin d'établir les paramètres d'une loi-cadre, nous anticipons du législateur une analyse rigoureuse des projets en cours afin que les projets-pilotes servent davantage l'intérêt collectif. Dans cet esprit, nous vous assurons de notre entière disponibilité et de notre volonté de contribuer à l'élaboration de nouvelles entités qui faciliteront l'intégration des concepts de cette économie nouvelle.

Alors, nous vous remercions de votre attention et il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Dubé. Alors, M. le ministre.

M. Trudel: Alors, Mme Dubé, MM. les représentants des partenaires dans cette SEM encore en gestation, bienvenue à cette commission. C'est important non seulement de vous écouter, mais de vous entendre. On va passer par-dessus les quelques règlements que l'on retrouve dans le texte; ça, ça ne fait pas partie de notre mission, aujourd'hui. Mais c'est extrêmement important, l'éclairage que vous devez nous apporter parce que, vous, vous avez essayé de passer de la théorie à la pratique. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'atterrissage est extrêmement difficile, sinon impossible, dans les circonstances actuelles.

Je conviens avec vous que, si vous aviez à expliquer à des contribuables cette façon de procéder pour atteindre les objectifs, comme vous avez probablement tenté de le faire il y a quelques mois, eh bien, la résultante n'est pas évidente, hein? Même que vous pouvez probablement en témoigner personnellement sur le plan, disons - employons les mots comme ils doivent être employés dans le contexte - de votre implication au plan public. Bon.

Alors, donc, c'est extrêmement précieux, votre expérience, et nous devons vous questionner sur ces dimensions problématiques. Est-ce que je dois comprendre que l'effet général recherché par la création d'une société d'économie mixte et, de ce fait, par l'entrée du secteur privé dans des secteurs d'activité réservés au public, eh bien, à toutes fins utiles, ça ne peut pas marcher si on ne fait pas une révision de la fiscalité applicable aux sociétés d'économie mixte?

Mme Dubé (Francine): Je vais demander à mes partenaires de répondre, mais je pourrais tout de suite vous dire, M. le ministre, qu'on va parler de notre expérience. D'accord?

M. Trudel: Oui, oui.

(10 h 40)

Mme Dubé (Francine): Parce que je tiens à préciser que l'expérience ici, c'est une société de développement; donc, elle est assez particulière, comme l'expérience française où on distingue les sociétés de gestion et les sociétés d'aménagement. Nous, on avait des actifs à mettre en commun; alors, on a insisté beaucoup sur la fiscalité. Mais on va d'abord vous répondre en fonction des sociétés d'aménagement - d'accord? - et non pas nécessairement pour toute forme de société d'économie mixte selon, en tout cas, la compétence qui est exploitée. Je vais laisser la parole à mes partenaires.

M. Patry (Charles): Je vais au nom de...

La Présidente (Mme Bélanger): Un instant, monsieur. Un instant, un instant, un instant. Monsieur?

Mme Dubé (Francine): M. Patry.

M. Patry (Charles): Charles Patry, Ultramar.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Patry, vous avez la parole.

M. Patry (Charles): D'accord. Merci. Ce qu'on recherchait, nous, à travers cet exercice-là, initialement, c'est de valoriser les terrains qui sont avoisinants, qui sont localisés dans les terrains en surface de la ville de Saint-Romuald. Il y a tout près de 50 000 000 pi² de terrain, actuellement, qui ne sont desservis par aucune voie ou aucune infrastructure. Ce qu'on s'est dit, tous les trois, c'est qu'on voulait voir de quelle façon on pouvait mettre en oeuvre un processus qui nous permettrait de valoriser les terrains qui sont en place, puis d'être en mesure, surtout, d'attirer des investisseurs du côté commercial et industriel. En fait, on recherchait trois éléments. C'est, un, de valoriser le prix du terrain, l'actif qui était déjà en place. L'autre point, c'est qu'on s'est dit, nous, du côté du privé: Si on est capables d'attirer des investisseurs étrangers qui ont une synergie avec la pétrochimie, déjà on va être gagnants. Puis, le troisième point, inévitablement, avait un impact fiscal qui était rattaché au niveau de taxation de la ville de Saint-Romuald.

À partir de ce constat-là, on a dit: Bon, il y a un potentiel, il y a un actif qui est là, qui est latent depuis une vingtaine d'années, qu'est-ce qu'il faut mettre en place pour s'assurer qu'on a une structure légale et fiscale qui ne pénalisera aucun des partenaires? Ça, c'était le premier... Ça, c'est le cadre à l'intérieur duquel on a travaillé, puis il n'était pas question, pour ni l'une ni l'autre des parties, de débourser des fonds supplémentaires. On avait déjà des actifs, une surface importante de terrain de disponible, puis, là, on a dit: Si on veut attirer les investisseurs privés, tant du côté commercial qu'industriel, qu'est-ce qu'il faut mettre en place pour favoriser cette synergie-là?

À partir de ça, on a travaillé évidemment avec les différents intervenants, puis on a réalisé effectivement que, pour une raison ou une autre, si on essaie de vendre ça à des citoyens ou encore à nos propres actionnaires, c'est excessivement difficile. Vous savez comme moi qu'à partir du moment où on a différentes structures à l'intérieur même de ce qu'on appelle notre société mixte, c'est qu'à peu près n'importe qui peut apporter à peu près n'importe quelle argumentation légale ou fiscale et, à ce moment-là, on peut se ramasser avec des frais juridiques importants, même s'il y a un consentement au niveau des partenaires. Il s'agit que quelqu'un conteste des éléments de la loi pour qu'on se ramasse en cour, tout le monde, et que, malheureusement, on ne puisse pas mettre de l'avant le projet.

Ce qu'on recherche, en fait, et ça va être assez clair: définitivement, la structure fiscale et légale, c'est la société en commandite. C'est ce qu'on recherche; Mme Dubé l'a dit tantôt. Avant tout, on veut travailler avec ce modèle-là. Maintenant, modifier des éléments de loi, si c'est possible, qui nous permettraient, en tout cas, de nous sentir beaucoup plus à l'aise pour travailler ensemble et, surtout, s'assurer que le cadre juridique et fiscal ne devient pas, de par sa structure, un boulet au pied. Je ne sais pas si je réponds aux questions, M. le ministre, mais, en gros, c'est ça. Ça, c'est très vulgarisé, mais c'est exactement ce qu'on recherche.

M. Trudel: Ce que j'essaie de voir - et ce n'est pas une question de se coincer; c'est de voir la réalité - bien simplement, c'est quoi, l'avantage d'avoir une société d'économie mixte, à ce moment-là, plutôt que d'aller, par exemple, vers - disons ça en gros - une concession du parc industriel par la ville en ce qui concerne l'exploitation, la mise en valeur? Parce que je comprends que les terrains vous appartiennent, hein? Alors, c'est quoi, la différence de s'introduire, en quelque sorte, dans une structure, disons-le, qui a l'air assez monstrueuse, de passer par Paris pour aller à Rome, de faire un grand, grand détour pour atteindre un objectif de développement? On peut dire ça autrement, cette question-là, aussi: À quoi ça sert d'avoir une société d'économie mixte pour réaliser l'objectif? C'est quoi, l'avantage?

La Présidente (Mme Bélanger): M. Carrier.

M. Carrier (Gaston): Pardon, M. le ministre. Alors, le but recherché, en fait, d'avoir une société d'économie mixte, c'est qu'on retrouvait, au départ, plusieurs handicaps, de part et d'autre. Le premier, c'est le niveau d'endettement élevé de la ville de Saint-Romuald. On ne voulait pas que, dans ce projet-là, la ville ajoute par-dessus sa dette pour pouvoir réaliser des infrastructures additionnelles, ce qu'elle n'avait pas le moyen de faire. En roulant les terrains dans une société d'économie mixte, ça donnait à la société d'économie mixte le levier financier pour donner de tels terrains en garantie pour aller chercher le financement additionnel pour pouvoir réaliser les travaux d'infrastructures pour le parc industriel.

Et c'est à partir du moment où on a considéré un tel roulement de terrains dans une société d'économie mixte qu'on a commencé à rencontrer des difficultés d'ordre fiscal. Entre autres, je vous nomme seulement certains paramètres: si les partenaires privés transféraient leur terrain dans une compagnie mixte, comme il était prévu au départ, s'ils ne recevaient pas immédiatement ou dans un délai de trois ans le paiement du prix de base du terrain, qui était 0,18 $ du pied carré, ils étaient immédiatement taxés dessus. D'autre part, si on arrivait, au niveau de la ville, et qu'on demeurait propriétaires des terrains, tout en donnant à la ville ou à la société d'économie mixte simplement une option d'achat, par le fait de bonifier les terrains en y plaçant des infrastructures, on aurait été taxés sur une assiette fiscale de 10 000 000 $, en valeur de terrain, plutôt que de 1 000 000 $.

Alors, comme on s'était donné comme philosophie, au départ, que chacun des partenaires ne devait pas être plus pauvre ni plus riche, on a cherché, et la seule solution à laquelle on est arrivés, à date, compte tenu des lois existantes, bien, c'est le tableau que vous avez vous-même vu tout à l'heure. Si, au départ, le projet de loi 237 nous avait accordé la possibilité de faire, tout simplement, une société en commandite plutôt qu'une compagnie, déjà, le tableau que vous avez entre les mains, M. le ministre, aurait été coupé au tiers environ, en termes de structures.

Alors, c'est vraiment là, quand on parle de problèmes d'organisation et de problèmes fiscaux, qu'on a rencontré les difficultés à date. Et on cherche encore des mécanismes; on n'a pas abandonné le projet actuellement, mais on cherche encore comment on pourrait simplifier ça de façon à ce que - je répète toujours les objectifs - personne ne soit ni appauvri, ni enrichi, ni pénalisé en réalisant le projet, mais que tout le monde y gagne, au bout de la ligne.

Mme Dubé (Francine): Si vous me permettez...

M. Trudel: Oui.

Mme Dubé (Francine): ...j'ajouterais, M. le ministre, un élément. Vous posez la question: Est-ce qu'on peut faire des sociétés mixtes sans modifier la fiscalité? Nous, à cause de la structure légale qui nous a été imposée, à la ville de Saint-Romuald, de former une compagnie à capital-actions, nous interdisant donc d'être commanditaires ou commandités dans une société en commandite, c'est là qu'on a créé des problèmes fiscaux importants. Alors, d'une part, c'est la ville qui était pénalisée ou, sinon, c'étaient les partenaires privés qui étaient pénalisés. Mais, pour répondre aussi à votre seconde question: Est-ce que vous n'auriez pas pu faire le développement du parc sans passer par une société mixte? je vais vous dire qu'on a cherché pendant deux ans, avant de donner ce pouvoir, une façon de le faire. Chacun des partenaires ne pouvait pas le faire et vraiment il fallait former une entité juridique ensemble, parce que, autrement, ça faisait 20 ans qu'on cherchait des solutions et que c'était latent comme potentiel. Alors, à ça, je réponds non.

M. Trudel: Mais, regardez, on va aller un petit peu plus loin tout en faisant... Il faut bien régler nos comptes comme il faut, par exemple. Parce que je regardais, d'entrée de jeu, et le projet de loi 237 a été voté en juin 1994; c'était sous l'ancien gouvernement. Mais, soyons de bon compte, il vous avait donné ce que vous aviez demandé; il ne vous avait pas donné autre chose que ce que vous aviez demandé, là. Le gouvernement de l'époque avait répondu à votre demande. C'est après...

Mme Dubé (Francine): Oui.

M. Carrier (Gaston): Oui, de là...

M. Trudel: ...que ça s'est avéré, dans l'application, difficile.

Mme Dubé (Francine): Oui, oui, oui.

M. Trudel: Alors, profitons maintenant de ça. C'est parce qu'il faut être de bon compte, là. Il ne faut pas reprocher aux gens qui étaient là avant nous...

Mme Dubé (Francine): Non, non, non.

M. Trudel: ...d'avoir mal fait le travail.

Mme Dubé (Francine): Non, ce n'est pas le but.

M. Trudel: Ils avaient répondu... Au niveau du gouvernement, M. Ryan, à l'époque, avait répondu à la demande.

Mme Dubé (Francine): D'accord.

M. Trudel: C'est parce que je veux juste qu'on soit de bon compte avec tous les partenaires.

Mme Dubé (Francine): Oui, oui.

(10 h 50)

M. Trudel: Moi, je pense qu'il faut revenir à une question encore bien plus fondamentale que celle-là, c'est: À ce compte-là, est-ce qu'une ville a affaire dans du développement de nature industrielle? Parce que c'est un peu ça, la question à laquelle nous faisons face actuellement. On s'en va dans une société d'économie mixte où les principes de la première partie de la Loi sur les compagnies jouent, c'est-à-dire que c'est une compagnie - on va dire ça en général - dont l'économie s'inspire du privé, mais qui est contrôlée par une partie publique. Et il faut faire une distinction, et c'est vrai, entre des SEM à développement ou des SEM de gestion.

Les difficultés qu'on rencontre, c'est qu'on veut prendre les règles du privé en termes de profit et les appliquer au secteur public. Dans le fond - et ce n'est pas à vous que je reproche ça - je regarde la situation et je me dis qu'il faudrait prendre la meilleure partie des deux mondes pour que ça puisse fonctionner. Est-ce qu'on n'est pas en train de se compliquer inutilement la vie, un, et, deuxièmement, de perdre le contrôle sur l'objet premier d'un gouvernement municipal ou à d'autres niveaux, c'est-à-dire rendre des services publics contrôlés par le public? Et, par ailleurs, qu'on dise aux municipalités qui veulent faire du développement avec des partenaires: On va vous permettre... Je ne dis pas qu'on dit oui, là, mais examinons la possibilité de permettre d'aller avec le privé en jouant dans les règles du privé uniquement.

Je comprends, c'est une observation que je fais sur la situation, là. Mais comment vous pensez qu'on peut régler cette situation de dire: On va autoriser l'entrée du privé dans la gestion de services publics, même en matière de développement, mais on va soustraire la partie publique aux obligations fiscales, aux obligations de taxation, comme le sont l'ensemble des compagnies privées. Comment vous voyez ça? Comment on va sortir de ce cercle devenu vicieux pour que ça puisse marcher? Parce que l'objectif, vous l'avez dit, les avantages que vous recherchiez, dans votre texte: du privé, vous vouliez avoir la partie rendement, compétitivité, création d'emplois et, de la partie du public, économie, revenus de taxation, services de qualité au moindre coût et croissance économique. Comment on va régler cette question-là? Comment le législateur peut-il régler cette question-là pour rejoindre l'objectif des services publics de qualité à moindre coût, Mme Dubé?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Dubé.

M. Trudel: Ça, c'est...

Mme Dubé (Francine): J'ai le goût de répondre à votre question...

M. Trudel: ...comment on met le caramel dans la Caramilk?

Mme Dubé (Francine): Je vais laisser mes partenaires entrer dans les objets précis de fiscalité, mais d'abord je trouve que vous avez une question fondamentale: Est-ce que ça appartient au municipal de faire du développement industriel?

M. Trudel: Oui.

Mme Dubé (Francine): Ça, ça me touche particulièrement, Saint-Romuald étant une ville industrielle. Je vais vous dire que ce n'est pas moi qui ai réinventé la roue, sauf que, jusqu'à maintenant, l'expérience industrielle de Saint-Romuald, le pôle, le centre d'emploi majeur de la Rive-Sud étant à Saint-Romuald, je peux vous dire que, si c'est le cas, c'est parce que les institutions dites publiques et une coopérative industrielle, qui est devenue le Syndicat industriel, donc une compagnie à capital-actions depuis... Mais c'est d'abord et avant tout cette coopérative, d'accord, un rassemblement de citoyens qui ont mis de petites économies ensemble, et la participation de la ville qui font en sorte qu'aujourd'hui on a une cinquantaine d'industries.

Quand j'ai regardé, personnellement, la dynamique du parc en bordure d'Ultramar et que j'ai demandé aux deux partenaires ici s'ils ne pouvaient pas nous aider à développer ce parc-là, quand un est propriétaire des terrains à 52 % et l'autre est propriétaire des terrains à 40 % ou presque, d'une part et de l'autre, Ultramar m'a dit, qui est le privé, d'accord: Nous, ce n'est pas notre mission de développer l'industrie à côté; ce n'est pas la mission d'Ultramar de faire ça. Et, dans certains cas, ça a été fait dans certains parcs industriels. Désourdy, entre autres, en a fait beaucoup, mais ils avaient des intérêts personnels. Ultramar n'avait pas besoin de ça, à l'époque. Ils avaient des terrains en réserve au cas où la raffinerie aurait besoin de terrains supplémentaires, mais ça ne faisait pas partie de leur mission et ils n'avaient pas besoin, aussi, des terrains pour rentabiliser la raffinerie.

D'autre part, le Syndicat industriel, maintenant formé en compagnie, n'avait pas la disponibilité financière parce que 80 % de ses actifs sont en terrains, à peu près ça. Ils sont déjà en terrains là où on traite le sujet, au parc techno. La ville a une dette importante et n'a pas la capacité financière de faire les investissements pour les infrastructures, et on sait qu'on perd nos projets industriels.

Alors, si vous partez du principe que les municipalités doivent s'impliquer, il faut trouver des solutions. On n'a pas l'argent pour le faire seul, mais on a la responsabilité, la finalité du développement économique. Si on veut l'exclure complètement des institutions publiques, bien, là, je vais vous dire qu'il va falloir qu'il y ait des intérêts dans le privé, à quelque part. Alors, moi, je ne sais pas de quelle façon vous allez pouvoir le faire, mais ça m'apparaît, s'il y a un rôle que les villes doivent jouer... Est-ce qu'on doit se limiter à la gestion de services publics? Je pense qu'on doit d'abord contribuer aussi à la création de la richesse et du développement économique; c'est de contribuer à la création de la richesse, et arrêtons de nous leurrer dans un rôle de redistribution de la richesse. Alors, je l'écrivais ici et je le crois sincèrement.

Alors, nous, on a été, donc, le point d'ancrage en n'ayant pas les moyens, mais en ayant peut-être certains pouvoirs ou certaines influences pour le faire. Ça, je pense que c'est important et, à ça, moi, je réponds personnellement: Oui, j'y crois, j'y ai cru et j'y croirai toujours. Mais il faut maintenant innover dans les outils de développement; on ne peut plus faire ça comme on le faisait antérieurement. Le premier parc industriel a été développé à Saint-Romuald parce que le Syndicat industriel a investi dans les infrastructures, parce qu'il a cédé ça à la ville, ensuite, pour qu'elle puisse les entretenir, les bonifier et faire la promotion de ce parc industriel là. Si nous voulons réussir dans le deuxième parc, je voudrais bien qu'on nous trouve un privé pour le faire. Le meilleur qui était en place, c'était Ultramar, et ce n'était pas le cas.

Alors, ceci dit, je termine en laissant parler mes partenaires. Est-ce que la ville doit s'impliquer? Moi, je dis: Si vous croyez que les villes ne doivent pas s'impliquer, je me demande bien quelle pourrait être l'autre solution. C'est une responsabilité majeure.

La Présidente (Mme Bélanger): Trente secondes, M. le ministre.

M. Trudel: Je peux vous dire rapidement que, moi, c'est un discours que j'applaudis, cette implication, mais on ne veut surtout pas développer des instruments qui vous nuisent.

Mme Dubé (Francine): Oui. C'est ça.

M. Trudel: On veut développer des instruments qui vous aident à le faire.

Mme Dubé (Francine): Oui. C'est ça.

M. Trudel: On en a discuté aussi avec les gens impliqués dans la MRC du Haut-Richelieu, de toute cette partie-là. Ce qui est difficile à réaliser comme encadrement, c'est à partir du moment où on exempterait tout ce qu'on pourrait appeler le fondateur municipal des lois fiscales et de l'imposition, comment on va fixer la marge de bénéfice pour le privé? Parce que, vous voyez, si l'exemption éventuelle fiscale pour la partie municipale amène à gonfler la partie des profits du privé, bien, là, on est comme déloyal face à l'entreprise privée, à capital totalement privé. Ce n'est pas une question que je vous pose; c'est une observation que je fais. C'est ce petit élément qu'il faut trouver. J'en ai discuté aussi avec les gens de la MRC du Haut-Richelieu, et il y a des pistes, là, qui ont été évoquées. Je ne me souviens plus de l'horaire par coeur, je pense qu'on va les revoir, les gens de la MRC. Je les regarde en arrière, qu'ils se préparent tout de suite parce que ça va être la question qu'on va leur poser. Trouvez cette réponse-là.

Moi, ce que je vous dis en conclusion, parce que je sais que je dépasse déjà mon temps: Ne renonçons pas à la possibilité, pour les collectivités locales et municipales, d'être vraiment participantes au niveau du développement économique et de la prise en charge du milieu. Ne renonçons pas à cela parce qu'on a des difficultés au niveau des instruments. Raffinons nos outils, écoutons le secteur privé et tenons en compte et attachons-nous à la responsabilité publique, puis, moi, je pense qu'on va finir par trouver la bonne voie, les bons instruments bien dessinés.

Moi, tout ce que je vous dis, parce que je n'aurai pas le droit de revenir: Ne lâchez pas parce que, comme dit mon collègue pas loin de chez vous, Jean Garon, député de Lévis, le succès, c'est toujours le fruit du dernier effort. Ça fait que vous êtes condamnés à continuer d'essayer, puis les autres aussi.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. Vous pourrez revenir, Mme Dubé, avec les questions de l'opposition. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Dubé, messieurs, je dois vous dire que c'est plus qu'intéressant que vous soyez ici, aujourd'hui, pour éclairer la commission. J'ai fait l'exercice de lire le Journal des débats - je n'étais pas députée à ce moment-là; donc, si on m'avait parlé des SEM, à l'époque, je vous aurais probablement demandé ce que ça mangeait en hiver, cette bibite-là - c'est fort instructif parce qu'on retrouve le questionnement à la fois des parlementaires et des gens aussi qui s'y étaient opposés.

(11 heures)

Le ministre, ce matin, vous a questionnés beaucoup sur l'aspect fiscal: comment on pourrait faire en sorte, finalement... comment vous voyez aussi une porte de sortie pour cette bibite, là, qu'on a créée, tout le monde ensemble, parce que, en fait, il n'y avait pas de dissension, je pense, au moment du vote, ici, à l'Assemblée nationale.

Je vois votre intervention de deux façons. La première, c'est que vous venez nous informer des difficultés que vous avez rencontrées une fois que vous avez eu le pouvoir légal de créer votre société d'économie mixte. Mais, aussi, on y retrouve, très diplomatiquement, une référence à la continuité qui se fait ou qui ne se fait pas. Parce que le contexte politique, que je n'ai pas à juger... Je veux dire, Mme Dubé l'a dit, la démocratie s'est exprimée. Donc, il y a quand même des enjeux politiques et il y a des décisions politiques qui se prennent ou qui ne se prennent pas.

Alors, j'aimerais d'abord toucher le côté politique, puis, ensuite, je reviendrai à d'autres questions. Si on part du principe qu'il y a des problèmes d'application et qu'on peut, tout le monde ensemble, chercher des solutions à partir des propositions que vous pouvez faire ou de la réflexion qu'on peut même faire avec vous par la suite, est-ce qu'il n'y a quand même pas une difficulté aussi... Et ça, c'est important pour la commission, parce qu'il y en a plusieurs qui l'ont soulevé. Comment assurer la continuité au sein de la société d'économie mixte lorsqu'il y a changement au conseil ou lorsque les membres du conseil d'administration qui représentent le fondateur municipal sont appelés à quitter, soit par choix ou autrement? Comment on fait pour continuer à inculquer cette volonté de s'impliquer dans le développement quand on a, effectivement, à vivre avec le fait qu'il y a une volonté politique qui va contrairement, à l'opposé de ce qui avait permis la fondation de la société d'économie mixte? Avez-vous pensé à des propositions que vous pourriez nous faire?

La Présidente (Mme Bélanger): Mme Dubé.

Mme Dubé (Francine): Je vais juste d'abord répondre et dire que, dans le mémoire, on ne fait pas mention du fait que les nouveaux élus refusent de poursuivre le projet. Tout ce que je dis, c'est qu'ils avaient quand même contesté ce projet. Il ont mis ça en doute. Et, fort probablement, selon les commentaires des partenaires privés, actuellement, le nouvel élu, le maire qui doit donc présider la société éventuelle, regarde ça et il est très conscient... À part ça, il y a une subvention de 2 000 000 $ que nous étions allés chercher à la ville, avec le projet de développement des infrastructures, qui est liée au succès de cette société. Alors, vous allez comprendre que les autorités municipales voient qu'il y a de l'argent en jeu. Alors, il n'est pas question pour eux autres d'arrêter de faire des efforts. Il faut trouver des solutions, sauf que les partenaires privés, maintenant, regardent ça et ils disent: Bien, là, les forces en présence, il va falloir les rééquilibrer. C'est que tout est basé, aussi, sur la relation de confiance. Et ce que je veux vous dire, c'est que, moi, j'y ai cru tellement, à ce projet-là. Je n'y suis plus. Alors, je me dis: Que le «lead» soit pris par quelqu'un d'autre, maintenant. Et j'espère que ça va donner des résultats.

Mme Delisle: Bon. Le but de ma question, ce n'était pas d'embarquer dans le volet politique de la ville de Saint-Romuald; c'était d'essayer de savoir comment on peut... Parce que ça a été soulevé par certains syndicats, par certains autres intervenants qu'une des difficultés justement, puisqu'on était en territoire nouveau, c'est quand même... On y a fait référence à plusieurs reprises que c'est dans le domaine du droit nouveau. On ne peut pas s'appuyer sur des exemples très probants; il n'y en a qu'une seule qui fonctionne et puis elle fonctionne seulement depuis le printemps dernier. Donc, je veux dire, il n'y a pas beaucoup d'exemples.

Alors, comment fait-on... Je ne veux pas créer de problème pour personne, mais vous avez des partenaires. Peut-être que les partenaires pourraient répondre à cette question-là; ce serait peut-être préférable. Comment vous voyez ça? Vous avez passé 18 mois, deux ans à discuter de ce dossier-là avec les autorités municipales de Saint-Romuald. Vous vous retrouvez aujourd'hui... Est-ce que c'est uniquement des problèmes d'ordre fiscaux? Est-ce qu'il y a des problèmes d'ordre politique? Est-ce qu'on peut balayer du revers de la main deux ans d'implication? C'est où, le sérieux? Comment ça fonctionne?

M. Patry (Charles): Le problème n'est définitivement pas un problème politique. C'est définitivement le cadre fiscal et juridique.

Mme Delisle: Parfait.

M. Patry (Charles): Ça, je peux répondre à cette première question-là. L'autre élément, quand on parle de continuité, je pense qu'il est important d'avoir une convention des actionnaires qui définisse clairement de quelle façon on peut assurer la continuité, puis de s'assurer que cette convention des actionnaires là cadre bien avec les lois existantes ou celles qu'on décidera de modifier, si on décide de continuer. Mais ce que je veux clarifier, ici, c'est qu'actuellement, la difficulté, elle est purement...

Mme Delisle: Parfait.

M. Patry (Charles): ...d'aspect fiscal et légal.

Mme Delisle: O.K. Ça, c'est important à retenir. Votre convention des actionnaires ne tenait pas compte de cette réalité-là?

M. Patry (Charles): En fait, on était à l'élaboration de la convention des actionnaires. Mais je veux que vous compreniez qu'actuellement ce qu'on regardait de façon très importante, c'est inévitablement la...

Mme Delisle: Oui, oui, le monstre.

M. Patry (Charles): ...structure fiscale et légale. Parce que, nous, comme entrepreneur privé, comme privé, on a à présenter ça à nos actionnaires, et ces gens-là devraient être au fait des implications, en termes de risques, auxquelles ils peuvent être confrontés.

Mme Delisle: Voulez-vous ajouter quelque chose, M. Carrier?

M. Carrier (Gaston): Non, ça va. Je suis en accord avec M. Patry, là-dessus.

Mme Delisle: Étant donné qu'il y a des problèmes d'ordre fiscal, est-ce que vous avez songé à nous présenter... Évidemment, il y a la commission qui brosse un tableau quand même relativement sommaire, mais ça serait intéressant que vous puissiez arriver, peut-être, avec des propositions. Est-ce que c'est quelque chose auquel vous avez pensé?

M. Patry (Charles): O.K. Là, en fait, ce qu'on vous a présenté aujourd'hui, c'est le constat, purement et simplement. Je pense que vous comprenez très bien que, comme disait Mme Dubé tantôt, on a travaillé 18 mois à élaborer, à l'intérieur du cadre juridique dans lequel on pouvait travailler, une formule que l'on pensait qui serait acceptable par nos actionnaires. Maintenant, le constat est que c'est impensable comme tel. Maintenant, il faut redéfinir le modèle que l'on veut carrément utiliser. On a du travail à faire dans ce sens-là. Puis il faut s'assurer aussi que, politiquement, il y a une volonté - et on fera d'autres démarches - de changer, peut-être, des éléments de loi qui vont nous permettre d'opérer et de réaliser notre mandat. J'ai une interrogation face à cette situation-là. Je me demande: Est-ce que c'est pensable d'avoir un cadre juridique qui, en fait, serait uniquement rattaché à ce projet-là?

Mme Delisle: Mme la Présidente, j'aimerais aborder un autre sujet qui est quand même d'actualité. On en parle, ce matin, dans les journaux, on y fait référence: toute la loi d'accès à l'information. C'est un sujet qui a aussi été abordé, ici, par des intervenants. Peut-être que les actionnaires du privé pourraient répondre à cette question. Vous voyez ça comment, la possibilité qu'on puisse permettre à tout le monde d'avoir accès aux documents? Parce que évidemment on est pris avec les lois qui régissent le fondateur municipal. Les citoyens sont en droit d'avoir accès à l'ensemble des informations. Je suis même surprise de voir, ce matin, qu'il y a un jugement qui a été rendu et que les comptes de dépenses des citoyens, finalement, ne seront pas soumis à la loi sur l'accès à l'information. Je veux dire, c'est...

M. Patry (Charles): Moi, je peux parler pour Ultramar évidemment. Quant à l'information même, il n'y a pas de problèmes. Maintenant, si vous me demandez la question relativement à la société mixte, si on veut, comme société, progresser, j'ai l'impression qu'il faut absolument rendre cette information-là publique, parce que, sans ça, on aura toujours des groupes de pression qui vont s'opposer au projet pour toutes sortes de considérations qui peuvent être bonnes ou mauvaises. Moi, je parle pour Charles Patry, là, Ultramar. C'est que je ne vois pas de problèmes à divulguer l'information.

Mme Delisle: M. Carrier?

M. Carrier (Gaston): Il demeure qu'il y a une période quand même où l'information devra demeurer confidentielle. Et je m'explique sur ce que je veux dire là-dessus. Imaginez-vous la société d'économie mixte en train de négocier avec un promoteur ou une entreprise d'envergure internationale pour l'acquisition d'une partie de terrain - disons 1 000 000 pi² - et que, à un moment donné, des informations de nature technique ou très hautement confidentielles se promènent sur la place publique. Ça pourrait devenir critique, à un certain moment. Évidemment, une fois la transaction réalisée, quand on parle d'une vente de terrain, ça devient du domaine public, ça passe par le bureau d'enregistrement et tout. Alors, moi, je suis un peu de l'avis de M. Patry aussi: je ne vois aucun problème avec la loi d'accès à l'information, à ce niveau-là. C'est simplement que, pour un temps donné, le temps que des négociations se déroulent, il faut quand même assurer une certaine confidentialité avec les clients qu'on cherche à approcher pour les amener dans le parc industriel.

(11 h 10)

Mme Dubé (Francine): Pour la préparation justement du projet, tu sais. Parce que, je vais vous dire, il y a tellement eu de cheminements, il y a tellement eu de négociations et il y a tellement eu d'essais-erreurs, s'il avait fallu qu'au fur et à mesure on nous demande les documents, je me dis que, là, ça aurait été sans retour.

Moi, à la question, si vous me permettez, quand vous me dites: Qu'est-ce que vous voulez, exactement? on s'est entendus, nous, on s'est dit: Si on veut vraiment trouver notre formule simple qu'on voulait au départ... Quand on a eu le projet de loi de la ville de Saint-Romuald, la loi 237, et qu'on nous disait qu'on formait une compagnie, on était d'accord en principe, là, pour se soumettre aux lois des compagnies, sauf qu'on n'avait pas évalué tous les impacts fiscaux, parce que ça a été une analyse très longue, après ça. Alors, ce qu'on veut maintenant, c'est qu'on vous dit: Si vous faites une loi-cadre, ce serait important de permettre que la structure légale, ce soit une compagnie en commandite...

Une voix: Une société en commandite.

Mme Dubé (Francine): ...c'est-à-dire une société en commandite, pour ne pas changer toute la fiscalité. Ça faciliterait. Et, si c'est pour prendre deux ans, la loi-cadre, bien, je vous dis que le projet de Saint-Romuald, il faudrait peut-être l'amender pour lui permettre d'avoir cette structure légale là en attendant, parce qu'on va chercher deux ans des solutions. Parce qu'on ne peut pas mettre ça en branle tel que c'est conçu maintenant. Alors, ça, c'est un élément important.

Mme Delisle: Si vous aviez aujourd'hui à créer votre société d'économie mixte à partir de l'avant-projet de loi, est-ce que vous seriez capables de le faire?

Mme Dubé (Francine): Non.

M. Carrier (Gaston): Non. Parce que, actuellement, à moins que je me trompe, l'avant-projet de loi dit spécifiquement que les villes pourront s'impliquer dans une compagnie mixte. Moi, je suis entièrement d'avis que, si vous voulez que le modèle des sociétés d'économie mixte serve pour des projets de développement économique, il faudra permettre aux villes de participer non seulement dans des compagnies, pour ce qui est du secteur des services, mais dans des sociétés en commandite directement. Les sociétés en commandite, actuellement, sont le plus bel outil qui va permettre un mariage du privé avec le public et qui va éliminer un tas de problèmes de fiscalité qu'on a rencontrés. Entre autres, pour le privé, il est possible de rouler des actifs dans une société en commandite, tout en évitant l'imposition immédiate des actifs qui sont roulés pour éviter une vente présumée, ce qui n'est pas le cas dans le cadre d'une compagnie.

Mme Delisle: On en parle souvent, là. On en a parlé beaucoup ce matin, des sociétés en commandite; en tout cas, on y a référé. Qu'est-ce qui vous a empêchés de le faire? Vous y avez pensé ou bien... Oui?

M. Carrier (Gaston): Dès qu'on a commencé... Et je retiens ce que M. le ministre disait: On n'est pas ici pour faire le procès de ce qui avait été fait par un ou l'autre des gouvernements, en 1994, mais plutôt afin de chercher à trouver des solutions. Dès qu'on a obtenu la loi, en 1994, on a commencé à élaborer un projet autour d'une compagnie mixte, incorporée selon la loi des compagnies. Et, dès qu'on a commencé à imaginer un scénario, comment appliquer cette loi-là, c'est là qu'on a commencé à rencontrer les premières difficultés fiscales, entre autres - je le redis peut-être à nouveau - de rouler pour nous des terrains à une valeur minimale, à une valeur de terrain en vrac, à 0,18 $ dans une compagnie, immédiatement, si on ne percevait pas l'argent...

Mme Delisle: Trois ans après.

M. Carrier (Gaston): ...on était imposés dans un délai de trois ans. Donc, ça venait directement à l'encontre de notre principe qu'on avait élaboré: ni perdant ni gagnant. Alors, immédiatement, on s'est dit: Bien, étant donné que le gouvernement nous a obligés à créer une compagnie mixte, créons-la, mais, immédiatement, cette compagnie mixte là, elle, va être le partenaire dans la société en commandite. C'est là qu'on a commencé à créer le fameux...

Mme Delisle: Le monstre.

M. Carrier (Gaston): ...arbre ou la constellation que Mme Dubé a évoquée. Et là on s'est perdu. On ne s'est pas perdu, mais, je veux dire, on s'est ramassé avec le modèle qu'on a, que vous avez devant vous ce matin. Et, pour nous, même si on le comprend et qu'on pourrait vivre avec en tant qu'administrateurs de la SEM, on n'est pas capables de le vendre à nos actionnaires. On n'est pas capables de dire à nos actionnaires: Avec un tel modèle, vous avez une sécurité de votre investissement et, éventuellement, ça va faire des petits. Ce n'est pas vendable.

La Présidente (Mme Bélanger): Voulez-vous rajouter, Mme Dubé?

Mme Dubé (Francine): J'ajoute, tout simplement, que... Je vais vous dire qu'à la lecture l'expérience française... Moi, j'ai un livre, ici, qui parle des sociétés d'économie mixte, que j'ai relu souvent. Et on constate qu'il y a des exclusions là-dedans, selon le champ de compétence qui est exploité. Alors, c'est pour ça que, si on cherche à faire une structure uniforme, d'accord, pour tout le monde, que ce soit une société de gestion ou une société d'aménagement, ou de développement, je pense que c'est là qu'entrent en jeu les différences, parce que, dans une société de développement, il y a des actifs de base. Ce n'est pas comme la gestion de services où on décide... D'accord? Il n'y a pas nécessairement des actifs. Il y en aura peut-être dans l'avenir, si on fait des investissements, tu sais, dans les usines de traitement, etc.

Mais, nous, c'étaient des terrains. Alors, on a déjà des actifs de base. Ça fait qu'il n'y a personne d'assez charitable pour céder ses actifs comme ça, là, même si c'est un beau concept innovateur. Mais il y a des règles d'exclusion dans le concept européen. C'est pour ça que je dis: Je pense qu'on a besoin d'aller plus loin avant de faire une loi-cadre, de regarder les expériences-pilotes en cours, là où ça a accroché, et de voir comment, eux, ils l'ont réglé. Parce que ça fait longtemps que ça existe en France. Je veux dire, ce n'est pas nécessairement le modèle parfait, mais il doit nous inspirer davantage. Et, au lieu de faire un cadre qui est uniforme pour toutes les sociétés, peut-être qu'on pourrait avoir des particularités selon les champs de compétence, si c'est une société de développement ou une société de gestion. Et même, ça m'apparaît important de faire cette analyse avant de procéder à une loi-cadre, une analyse un peu plus poussée.

Par contre, en attendant, ce que je vous dis, c'est que le projet de Saint-Romuald pourra difficilement débloquer si on ne modifie pas l'article 1 du projet de loi privé qui oblige la ville à faire une société sur la base du principe de la structure légale d'une compagnie. Nous, on pourrait procéder si on nous donne l'autorisation, si on nous donne le pouvoir d'avoir, je veux dire, une société en commandite. Alors, là, c'est sûr que les partenaires pourront compléter. Mais c'est clair qu'on l'a découvert après. C'est quand on a fait l'application fiscale qu'on l'a découvert. M. Blanchette est là; il le sait comment on a essayé et qu'on a tout essayé. Mais on s'était dit: Au lieu de demander une modification à la loi privée, essayons donc de trouver une structure qui pourrait répondre à tous ces objectifs. Mais, là, on s'y perd. Et les partenaires privés disent, aussi, qu'ils ne peuvent plus continuer dans cette structure-là, pour les raisons qu'on évoquait. Et je pense que c'est le principe, aussi, peut-être, de regarder des exclusions selon le type, là. Je pense que, ça, c'est important.

Mme Delisle: Je ne sais pas si j'ai un collègue qui a des questions, mais je vous dirais, en terminant mon intervention, que j'apprécie énormément que vous soyez venus. Je pense que ça jette un éclairage important; ça confirme, tout au moins, l'inquiétude que certains, même, je dirais, que plusieurs ont, d'aller rapidement de l'avant avec un projet de loi sans qu'on ait regardé les tenants et aboutissants des projets-pilotes actuels. Et, quand on parle de projets-pilotes, la population a l'impression qu'on parle de plusieurs projets-pilotes qui fonctionnent, sauf qu'on a toujours fait référence à quatre. Vous êtes parmi ces quatre et vous ne fonctionnez pas. Vous n'êtes pas opérationnels pour des raisons évidemment qu'on apprécie beaucoup, là, que vous êtes venus nous expliquer, et je pense que ça devrait nous faire énormément réfléchir. Alors, moi, pour une, en tout cas, je suis très heureuse que vous soyez là. Merci.

Mme Dubé (Francine): C'est ça, un projet-pilote.

Mme Delisle: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Oui. Il reste une minute trente secondes.

Mme Dubé (Francine): C'est pour passer de la pratique...

M. Trudel: Bien, écoutez, merci de ces précisions. On va relire ça avec une très, très grande attention. Je comprends ce que vous nous avez laissé comme message. C'est que, quand on est passé de la théorie à la pratique, on s'est aperçu que l'instrument n'était pas taillé pour la bonne fin ou taillé de mauvaise façon. Alors, il va falloir trouver l'élément particulier. Parce que, je répète, là: Comment faire en sorte que les règles du privé et les avantages s'appliquent avec le contrôle du public, en respectant l'économie générale du privé? Il y a moyen d'y arriver quand l'objectif, c'est le développement, l'emploi et la croissance économique pour le mieux-être de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Quand c'est ça qui nous anime, je pense qu'on peut trouver les bonnes règles pour avoir de bons résultats. Bien, merci de votre participation et bonne chance! Ne lâchez pas, on va finir par trouver. Si on arrête, on ne trouvera pas.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, Mme Dubé, M. Carrier et M. Patry, merci de votre participation. La commission va suspendre ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 19)

(Reprise à 11 h 24)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours d'entendre les intervenants sur la Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Alors, nous avons comme invités M. Éric Thivierge et Mme Odette Trépanier. Alors, vous avez 30 minutes, dont 10 minutes pour faire valoir vos commentaires et, ensuite, il y aura discussion pendant 20 minutes avec les deux groupes parlementaires. Alors, qui est le porte-parole, Mme Trépanier ou M. Thivierge? Les deux? Alors, Mme Trépanier.


M. Éric Thivierge et Mme Odette Trépanier

Mme Trépanier (Odette): Oui. Je vous remercie. Je laisse commencer mon collègue, M. Thivierge, dans notre réflexion. Tout d'abord, nous voulons dire que cette réflexion-là, c'est une réflexion très légère, dans la mesure où nous ne sommes pas impliqués directement dans l'univers municipal, mais nous tentons de l'étudier, ce qui fait de nous des gens plus théoriques que de terrain, finalement.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Thivierge.

M. Thivierge (Éric): Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs, dans le cadre de la consultation publique portant sur l'avant-projet de loi sur la constitution de sociétés d'économie mixte dans le domaine municipal québécois, nous aimerions apporter quelques-unes de nos réflexions suite à sa lecture. Nos propos porteront sur trois thèmes spécifiques ayant trait à l'entité des sociétés d'économie mixte dont le monde municipal pourra se prévaloir dans un avenir rapproché. Dans un premier temps, nous aborderons certains objectifs particuliers des sociétés mixtes proprement dites. Nous enchaînerons avec la logique même des sociétés d'économie mixte dans l'univers municipal québécois. Pour terminer, le champ d'action et les limites seront examinés.

Objectifs recherchés par la création des SEM. L'objectif premier des SEM est, en premier lieu, de développer une nouvelle forme de partenariat entre les institutions municipales et le secteur privé allant au-delà de la sous-traitance. Cette nouvelle forme d'interaction entre les deux secteurs, public et privé, permettra d'accroître le financement du secteur municipal dans un contexte où les ressources monétaires se font de plus en plus rares. De plus, elle rapprochera divers partenaires dans l'offre de services aux diverses collectivités régionales et locales. Cette initiative permettra au milieu municipal de profiter de l'expertise du secteur privé, et ce, tout en favorisant une gestion plus efficiente des ressources. Il s'agit, en fait, d'offrir des outils plus adéquats aux instances municipales en matière de gestion des services.

Les SEM, une voie d'avenir. Les municipalités revendiquent depuis quelques années déjà diverses responsabilités et ressources pour mener à bien leur gestion du territoire. En ce sens, l'idée des SEM s'inscrit directement dans le processus de décentralisation du développement régional et local au Québec. Depuis la réforme Picotte, les entités municipales ont vu l'État-providence se transformer en État accompagnateur.

Léveillée (1994) décrit bien cette dynamique, et je cite: «Le processus de désengagement des gouvernements supérieurs, tant au plan du financement que du soutien technique, rend encore plus nécessaire et inévitable la mise en commun des ressources matérielles et humaines des secteurs public et privé en matière d'aménagement du développement urbain parce que les instances locales de décision sont encore plus sensibles que les gouvernements supérieurs aux contraintes budgétaires et aux impératifs d'efficacité.»

Ceci étant dit, les municipalités se sont donc employées à chercher de nouveaux partenaires afin de revitaliser leur territoire. Dans cette optique, les MRC, les municipalités et les communautés ont été de plus en plus appelées à se solidariser afin d'élargir leurs systèmes de buts et de moyens en matière de développement économique, social, culturel et touristique. Elles ont aussi pris diverses initiatives, telles que la création des SOLIDE, la mise sur pied des régies, la signature d'ententes et bien d'autres. Les municipalités cherchent ainsi à développer de nouvelles voies ou des types de partenariat dont les SEM constituent une formule, voire même une solution à leur développement.

En contrepartie, l'histoire actuelle nous enseigne que les ententes intermunicipales, tout en réduisant les coûts des infrastructures et les frais d'exploitation, ont freiné le processus de fusion dans ces territoires. Les municipalités, se sentant plus autonomes, voient moins la nécessité de se fusionner. Nous croyons ainsi que la création des SEM accentuera cette tendance à l'autonomie. Nous ne nions pas toutefois que, dans certaines petites municipalités plus dynamiques, les SEM puissent être bénéfiques pour le développement. Nous suggérons toutefois au ministre des Affaires municipales du Québec de porter une attention particulière aux incitatifs de fusion en les bonifiant, par exemple. Le ministre aura le devoir de démontrer que la fusion est plus économique, plus efficiente que les autres formules de mise en commun.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Thivierge. Mme...

Mme Trépanier (Odette): Trépanier.

La Présidente (Mme Bélanger): ...Trépanier.

(11 h 30)

Mme Trépanier (Odette): Alors, moi, je vais vous parler des limites des SEM. Concernant les limites des SEM, notre réflexion porte spécifiquement sur les champs d'action que se verront attribuer ces instances sur la scène municipale. Nous désirons relever ici quelques points que deux chercheurs français, Devès et Bizet, ont soulevés, en France, sur la mission des sociétés d'économie mixte locales. Ces auteurs font état d'un manque de précision de la loi quant aux limites des SEML françaises.

Je cite: «L'imprécision de la loi - française - soulève des difficultés considérables lorsqu'il s'agit de déterminer les limites "extrêmes" à l'intervention des SEML. En effet, toutes les activités d'intérêt général ne recouvrent pas forcément une activité de service public et l'on peut dès lors se demander si les SEML ont vocation à se développer dans des secteurs où la carence ou l'insuffisance du secteur privé est loin d'être manifeste [...] la volonté fréquemment manifestée par les dirigeants des SEML de privilégier une logique d'entreprise amène ces derniers à s'intéresser à des activités complémentaires ou accessoires dans lesquelles ces sociétés se trouvent très largement déliées d'une quelconque obligation de service public.»

L'avant-projet de loi sur la création des SEM au Québec fait mention de la possibilité, à l'article 37, pour les instances municipales de constituer des filiales. Cette possibilité peut, à notre avis, engendrer des activités pouvant s'éloigner de la mission première des SEM. Voyons, encore une fois, les propos de Devès et Bizet à cet effet. Je cite: «...certains investisseurs ne souhaitent s'engager sur des projets nouveaux, notamment dans le secteur du tourisme et des loisirs qu'à la condition que les collectivités les accompagnent. Les SEML, dans cette perspective, devient donc un moyen de partager le risque, voire de la laisser à la charge de la seule collectivité actionnaire et parfois également garante de l'opération. Révélatrice de cette tendance est que la tentation pour les SEML de constituer des filiales dans lesquelles elles peuvent s'associer à différents partenaires privés et publics pour gérer certaines activités dont le rapport avec l'intérêt général ou les compétences dévolues aux collectivités peut apparaître lointain.»

Dans cette optique, nous croyons qu'il serait nécessaire d'encadrer davantage et de façon plus précise les SEM dans leurs limites et champs d'action au Québec. Dépendamment du succès que les SEM auront, il sera toujours possible d'élargir leur mandat dans l'avenir. À notre avis, l'action des SEM au Québec ne doit pas dépasser le champ d'action des services aux collectivités régionales et locales. Nous désirons également soulever un autre point à la lumière de cette réflexion. Eh bien, c'est la question de la formation des élus et des fonctionnaires, qui devra être pour nous une priorité avant la mise en place même des SEM, étant donné évidemment la complexité de ce nouveau type de partenariat.

En conclusion, nous espérons que les SEM ne serviront pas seulement à financer les infrastructures de plus en plus désuètes du monde municipal. Nous souhaitons que les SEM permettent de créer un réel partenariat entre les secteurs privé et public dans la mesure de leurs intérêts; plus encore, que les citoyens et citoyennes se sentent impliqués grandement dans ce nouveau type de partenariat. Nous vous remercions de nous avoir entendus. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions et d'entendre vos commentaires.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Trépanier. M. le ministre.

M. Trudel: Merci beaucoup. Bienvenue, M. Thivierge et Mme Trépanier. Si je comprends bien, on est au séminaire de thèse à la maîtrise, là, hein? On va voir si vous passez l'examen.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: On va vous faire ça. Si c'est votre examen de synthèse, on va mettre la barre haute comme dans tous les programmes de deuxième cycle. Bien, bienvenue et, je dirais, bravo de vous intéresser à cette question, d'en faire l'objet de vos préoccupations à l'intérieur de vos études et de tenter de nous apporter davantage d'éclairage.

M. Thivierge, vous êtes en train de nous dire que, quand on favorise des SEM, on annule l'effet recherché, par ailleurs, au niveau du regroupement ou de la consolidation des communautés naturelles, mieux connu sous le nom de regroupement ou de fusion? C'est ça que vous nous dites dans votre texte. Vous dites: Plus on va favoriser la création de sociétés d'économie mixte, plus ça aura probablement pour effet d'annuler les efforts pour les regroupements municipaux. Pouvez-vous élaborer davantage? Parce que, là, si on pose un geste de la main droite qui annule les intentions de ce que nous prévoyons faire par la gauche, qu'est-ce qui se passe?

M. Thivierge (Éric): Bien, M. le ministre, c'est que, considérant que chaque municipalité a une entité et qu'elle cherche par tous les moyens à la sauvegarder, parce que ça se trouve à être des gouvernements locaux qui veulent sauvegarder leur entité, à chaque fois qu'on leur met un nouvel instrument, un nouvel outil pour s'assurer de cette autonomie-là, c'est sûr qu'ils vont l'utiliser avant même de penser soit à se fusionner ou à se regrouper entre eux pour ne faire qu'une entité. Je prends l'exemple des régies intermunicipales où souvent on regroupe des services afin d'assumer le service sur une assiette plus large de municipalités, mais sans se fusionner et, au contraire, ça répond à un certain besoin d'une certaine population.

M. Trudel: Mais vous n'avez pas l'impression - toutes les comparaisons clochent à quelque part - que, par ailleurs, se fréquenter dans une SEM, ça peut conduire vers autre chose, une fusion? Je veux dire, le fait de partager, par exemple, un objet, de partager la mise en place d'un service, ça ne peut pas, au contraire, nous amener à nous dire: Bon, bien, on va regrouper les entités, on va consolider notre communauté naturelle pour avoir plus d'efficacité?

M. Thivierge (Éric): Je dirais plutôt qu'il y aurait une concordance des activités de chacune des parties plutôt qu'un développement chaotique. Il y a un rapprochement, oui, on le constate, dans les régies où les gens s'assoient ensemble, mais au point de - comment on pourrait dire - délaisser leur poste en tant qu'élus au profit d'une autre entité, il y a une marche énorme dans le monde municipal au Québec. On l'a vu avec les tentatives de fusion par les lois qu'on connaît, les résultats ont été assez mitigés. Puis, bon, si on donne un autre instrument, qui est les SEM, afin d'aller chercher maintenant, avec les partenaires privés, ce qu'on ne pouvait pas avoir avant pour donner le service, l'idée de s'associer avec une autre municipalité s'éloigne.

M. Trudel: Avez-vous regardé ça sur le terrain? Avez-vous des enquêtes, des observations? Avez-vous fait des relevés?

M. Thivierge (Éric): Bien, j'ai commencé la mienne, mais je n'ai pas la conclusion encore. Je m'occupe plutôt des ententes intermunicipales où justement on pose la question à savoir si la question de la bonne entente est importante. Les gens disent oui, mais on constate que les gens s'entendent davantage après, parce que justement ils se sont rapprochés. Mais ils ne sont pas prêts nécessairement à faire le saut de la fusion.

M. Trudel: Ah! Alors, vos données brutes, jusqu'à maintenant, vous indiquent ça, qu'ils sont...

M. Thivierge (Éric): Qu'ils ne sont pas prêts à la faire.

M. Trudel: ...désireux de se rapprocher, mais qu'ils ne font pas le saut tout de suite.

M. Thivierge (Éric): Non. Puis justement, s'ils peuvent retarder la fusion par l'installation d'infrastructures, ils sont prêts à le faire plus facilement; c'est moins impliquant.

M. Trudel: C'est pour ça que vous nous dites qu'il va falloir porter une attention particulière aux incitatifs de fusion en les bonifiant, par exemple?

M. Thivierge (Éric): Oui. Bien, tout est question d'argent dans le monde municipal. Souvent, on va s'associer ou se fusionner pour maximiser. J'imagine que, si on donne un coup de pouce en bonifiant la fusion de deux municipalités parce qu'on enlève deux D.G. et tout, peut-être les municipalités vont être portées à plus le faire.

M. Trudel: Les gens de la région des Basses-Laurentides, les gens de Saint-Antoine, dans la région de Saint-Jérôme, de Lafontaine, de Bellefeuille, sont venus nous dire que les régies intermunicipales, puis les ententes, c'est devenu d'une complexité telle et d'un poids tel, sur le plan administratif, qu'on doit simplifier ça, je dirais - c'est eux qui ont employé le mot, je pense - en forçant le regroupement, parce qu'on serait en train de dépenser autant d'énergie et d'argent dans l'administration des ententes que l'objectif recherché en termes d'économie. Avez-vous rencontré ça sur le terrain, ces éléments-là?

M. Thivierge (Éric): Oui, oui. Surtout dans le domaine des régies où c'est une entité autonome qui se crée, ça devient plus lourd à gérer. C'est plus contraignant, parce que tu te retrouves avec deux partenaires qui veulent vérifier le service à chaque fois au lieu de un. Mais, comme je vous dis, entre l'aspect administratif et la gestion de coûts et fusionner deux entités politiques, il y a une marche à faire qui...

M. Trudel: Vous avez observé ça sur le terrain aussi.

M. Thivierge (Éric): Oui. Les gens ne sont pas prêts toujours à fusionner.

M. Trudel: Mme Trépanier, on va vous passer à l'examen, vous aussi. Ce n'est pas juste un travail d'équipe. Il y a une question. Vous dites: Quand on ira dans le champ des sociétés d'économie mixte - en fait, de dessiner un instrument qui s'appelle la société d'économie mixte - cela «ne doit pas dépasser le champ d'action des services aux collectivités locales et régionales». Peut-être avez-vous entendu la question que j'ai posée à Mme Dubé, tantôt, de Saint-Romuald.

Mme Trépanier (Odette): Oui.

M. Trudel: Ça veut donc dire qu'en matière de développement, vous, de ce que vous avez pu observer, puis de ce que vous avez pu recenser au niveau de la littérature, vous dites à l'État: Lancez-vous pas dans le créneau de l'autorisation, pour les municipalités, d'établir des instruments reliés au développement. Limitez-vous aux services publics au niveau local ou régional. C'est ça que vous nous dites? Et pourquoi précisément vous nous faites cette affirmation-là?

(11 h 40)

Mme Trépanier (Odette): C'est un peu ça dans le sens qu'on remarque, depuis la réforme Picotte, que c'est le message général qu'on lance aux collectivités territoriales: Nous allons vous accompagner dans une démarche de développement. Nous ne pensons pas d'ailleurs que les collectivités régionales et locales sont prêtes à dépasser les autres services. Par exemple, si on prend la participation à une société commerciale ou encore dans un projet en immobilier, nous pensons que, tout de suite là, ça ne rejoint pas directement les services aux collectivités. D'ailleurs, pour faire la base - nous voyons ça comme cerner la question vraiment à la base - nous croyons qu'il faut vraiment rester dans le champ et les limites du monde municipal pour débuter et, après, nous verrons. Je ne pense pas qu'il faille vraiment élargir le cercle des municipalités à d'autres secteurs que ceux qui concernent le monde régional et local.

M. Trudel: Merci.

Mme Trépanier (Odette): Ça me fait plaisir.

M. Trudel: Merci beaucoup de votre contribution.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Dans la même veine, si on voulait élargir un peu à partir de la question du ministre, est-ce que... Parce qu'on voit bien que vous n'êtes pas contre la création des SEM, mais il y a quand même plusieurs mises en garde. Je dois vous dire que le ministre m'a presque volé mes questions, ce matin. Ha, ha, ha! À tout seigneur tout honneur.

M. Trudel: C'est parce que vous aviez des bonnes questions, Mme la députée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Ah bon! C'est ça. Mais est-ce que vous privilégieriez, plutôt qu'une loi-cadre, qu'on continue d'y aller cas par cas jusqu'à ce qu'on puisse, finalement, avoir un portrait plus global des conséquences heureuses ou malheureuses de la création des SEM?

M. Thivierge (Éric): Non. On croit que la loi-cadre est quand même nécessaire. Au contraire, on vient justement mettre des mises en garde. On prend l'exemple des filiales; justement, on ne veut pas qu'il y ait un débordement. C'est trop facile, puis la question, tantôt, à l'ex-mairesse de Saint-Romuald le prouvait: Est-ce que, concernant le développement, c'est vraiment le rôle des municipalités de s'impliquer à ce point-là dans un secteur, quand les municipalités sont là pour donner un service à une population? C'est dans cet objectif-là qu'on se dit: Bien, il faut faire attention. Quand on est rendu qu'on peut créer des filiales, pour le citoyen, ça devient extrêmement compliqué aussi de voir toutes sortes d'entités.

Mme Delisle: Oui, mais est-ce que ça ne deviendra pas aussi un peu plus compliqué, puis tout le monde va peut-être devoir faire sa part? On parle de décentralisation, on parle de régionalisation. Le développement économique d'une région ou d'une grande ville, je pense que ça fait partie des préoccupations des élus municipaux, que ce soit au niveau de la MRC ou d'une communauté urbaine, ou d'une ville. Êtes-vous en train de nous dire qu'une municipalité devrait s'occuper de ce qui est très bien encadré dans la loi: l'entretien des routes, les pompiers, la sécurité publique, les loisirs, les bibliothèques, puis, le reste, ne pas toucher à ça?

Mme Trépanier (Odette): Si vous avez compris ça, madame, je crois que vous nous avez mal compris, d'une part.

Mme Delisle: Bien, je ne suis pas sûre que M. Thivierge n'est pas d'accord avec ce que je viens de dire.

M. Thivierge (Éric): Non, j'ai dit oui. La question, c'est de savoir à quel point ils doivent s'impliquer. C'est ça qu'on dit. On dit: Est-ce que c'est au monde municipal à faire tout le développement? Je veux dire, même dans les développements de quartier résidentiel, souvent, l'entrepreneur s'implique beaucoup jusqu'à l'infrastructure de départ. Dans le domaine du développement industriel, est-ce que la municipalité doit prendre à sa charge ce genre de développement ou pas?

Mme Delisle: O.K.

M. Thivierge (Éric): Là, c'est des questions qu'on se pose. Est-ce qu'il faut qu'ils aillent tellement de l'avant? Tu sais, si on se retrouve avec 15 parcs industriels dans une MRC, ça n'a plus de sens. C'est dans ce sens-là qu'on se dit: Écoute, il faut faire attention. C'est bien beau de faire du développement, mais, si tout le monde en fait chacun de son côté avec l'optique des SEM, la chicane va repoigner, puis on n'avancera pas plus.

Mme Delisle: Ça revient au débat sur les fusions...

M. Thivierge (Éric): Eh oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Delisle: ...qu'on n'a pas le goût, personne, de faire ici ce matin, je ne pense pas.

Moi, je pense que ça a fait pas mal le tour. Attendez un petit peu, je pense que j'en avais une autre sur les... Il y avait la limitation des champs d'activité; ça, vous l'avez couvert. Est-ce que, quand on parle d'infrastructures municipales... Parce que, si on se ramène au tout début, quand on a commencé à parler des sociétés d'économie mixte, il ne faut pas perdre de vue que c'était aussi un outil pour permettre aux municipalités de pouvoir donner un meilleur service ou de maintenir un service qu'elles n'étaient plus capables de donner, tout ça en collaboration avec l'entreprise privée.

Vous dites, ici, à la toute dernière page de votre mémoire: «Nous espérons que les sociétés d'économie mixte ne serviront pas seulement à financer les infrastructures de plus en plus désuètes du monde municipal.» Vous souhaitez un réel partenariat entre le privé et le public dans le meilleur intérêt... Mais est-ce que justement le fait de créer des sociétés d'économie mixte n'est pas à la base justement du financement des infrastructures? Parce qu'il n'y a pas juste des infrastructures souterraines; il y en a qui sont... Qu'on pense à des bibliothèques, à des arénas, je veux dire, la panoplie est là. On ne pense pas juste à des nouveaux champs d'activité, mais à des champs d'activité qui sont déjà existants, puis qui mériteraient peut-être - je vous pose la question - d'être regardés par le partenaire privé et le fondateur municipal.

M. Thivierge (Éric): Bien, je pense que je répondrai, et peut-être qu'elle suivra par la suite. C'est juste dans la mesure où on se dit: Écoute, si on implique un partenaire privé qui vient financer une infrastructure quelconque qui est déjà surtout existante, on se pose la question: Est-ce qu'il ne va pas rehausser le produit au début, le mettre tout beau? Le promoteur privé va empocher durant ces années et, dans 20 ans, si l'infrastructure est à renouveler ou à refaire, quels sont les moyens financiers qui vont servir? On prend l'exemple de l'infrastructure; je parle de la tuyauterie d'égout et tout.

Pour les municipalités, le problème, c'est d'investir assez d'argent pour les renouveler ou les adapter à la nouvelle demande. C'est ça qui est très dispendieux. Pour l'entretien régulier, les budgets sont déjà prévus dans les municipalités. Mais, si on vend - parce que, dans le fond, si tu invites un partenaire privé à venir jouer dans un domaine où tu es propriétaire, tu vends une partie de tes actifs - ça va être financé, oui, pour la construction, mais, une fois que la personne va avoir bénéficié de ces revenus et de ces bénéfices pendant 20 ans, parce que le secteur privé recherche les bénéfices, est-ce qu'elle va prévoir des moyens pour rehausser ou adapter le système qui va peut-être être désuet à son tour?

Mme Delisle: Vous évoquez des situations qui sont arrivées ailleurs.

M. Thivierge (Éric): Oui.

Mme Delisle: Est-ce que vous avez fouillé un petit peu ce qui se passe en France?

Mme Trépanier (Odette): Oui. Nous vous recommandons un très bon livre à cet égard que nous citons dans notre mémoire. C'est un livre de Devès et Bizet - et vous avez la citation bibliographique - où on fait vraiment le tour des problèmes que les collectivités territoriales ont eus par rapport aux SEM. C'est un très bon ouvrage dans le sens où ça nous permet d'avoir une vision plus globale. Et je suis très d'accord avec la mairesse de Saint-Romuald là-dessus; je crois qu'il faut prendre vraiment notre envol à partir de l'expérience française et l'encadrer dans un moule qui sera québécois et qui sera bien à nous.

Mme Delisle: Parce que ce que j'ai appris, moi, en fin de semaine, en parlant avec un collègue français - en fait, c'est un ex-collègue, parce que, moi, je n'y suis plus, à la mairie - c'est qu'on tend de plus en plus, en France, à essayer de se sortir, à certains égards, des sociétés d'économie mixte, puis de s'en aller en appels de propositions ou en appels d'offres, ce qui donne une plus grande marge de manoeuvre aux municipalités. Est-ce que vous avez trouvé ça, vous, dans vos recherches?

Mme Trépanier (Odette): Absolument, c'est une tendance que l'on remarque. Mais il ne faut pas oublier que la loi en France est beaucoup plus élargie que celle que nous retrouvons sur notre table aujourd'hui. Alors, c'est une loi qui a plusieurs failles, qui est très large, qui englobe plusieurs secteurs. Et je ne crois pas que, nous, ici, nous pourrions vivre ce problème-là, à la lecture du projet de loi.

Mme Delisle: O.K. Je vous remercie.

M. Thivierge (Éric): Je voudrais rajouter juste un petit point.

Mme Delisle: Oui.

M. Thivierge (Éric): C'est que, quand vous nous dites «en appels d'offres», bien, c'est pour ça qu'on spécifie que ce soit vraiment un vrai partenariat et non de la sous-traitance ou des appels d'offres. On délègue complètement le service à une entité privée. Ça fait que, si on met du partenariat, il faut vraiment que ça le soit au niveau des bénéfices, mais, à long terme, que l'infrastructure n'en subisse pas les contrecoups.

Mme Delisle: Vous êtes contre l'appel d'offres?

M. Thivierge (Éric): Non, non, non, ce n'est pas ça que j'ai dit. J'ai dit: Si on veut faire de l'appel d'offres ou de la privatisation - appelez-le comme on peut l'appeler - qu'on en fasse. Mais, si on veut faire des sociétés d'économie mixte, qu'on le fasse en prenant garde à certaines recommandations, comme nous le suggérons.

Mme Delisle: Mais, puisqu'on soulève la question des appels d'offres, est-ce que vous souhaiteriez que, dans le projet de loi, s'il y en a un, on oblige la SEM à aller en appels d'offres pour les services?

M. Thivierge (Éric): Je suis un peu sceptique sur l'aspect du secteur privé à gérer mieux et plus efficacement les services publics quand on parle des services de base. On prend juste l'exemple dans le cas des eaux à Montréal, en ce moment, le débat qui existe...

Mme Delisle: Bien non! Mais, alors, est-ce que c'est oui à ma question? Est-ce que vous préféreriez qu'ils aillent en appels d'offres?

M. Thivierge (Éric): Pas vraiment, non. Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Vous préféreriez que la compagnie qui gère la SEM soit celle qui se donne le contrat?

M. Thivierge (Éric): Non, mais, ici, quand on parle de compagnie qui est impliquée dans la SEM, elle gère avec la municipalité. C'est ça qu'on veut dire. Si j'ai bien lu la loi, c'est un partenaire.

Mme Delisle: En fait, la loi n'oblige pas les appels d'offres.

M. Thivierge (Éric): C'est ça.

Mme Delisle: Ah bon! Alors, merci.

(11 h 50)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Thivierge et Mme Trépanier, de votre participation. Alors, on demanderait peut-être à M. Millette de s'approcher immédiatement.

Alors, M. Millette, bienvenue. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation et, ensuite, il y aura le questionnement de chacun des groupes parlementaires. M. Millette, vous avez la parole.


M. Robert Millette

M. Millette (Robert): Merci, Mme la Présidente. Je débuterai mon intervention aujourd'hui en mentionnant que c'est une intervention à titre personnel, parce que, malgré le fait que je travaille à la ville de Montréal, ça n'engage en rien les dirigeants ou les syndicats de la ville de Montréal. Donc, ma motivation aujourd'hui à présenter un mémoire est un peu la même que celle de mon travail de tous les jours, c'est-à-dire d'essayer d'améliorer la performance du service qu'on offre à la population. Comme les enjeux du projet sur les sociétés d'économie mixte sont importants pour l'avenir des services offerts à la population, je considérais donc important de venir vous exprimer mon opinion à ce sujet.

Pour illustrer mes propos, j'utiliserai comme exemple le service que je connais le plus et qui est assez d'actualité ces temps-ci, soit l'alimentation en eau potable. Depuis sa municipalisation en 1927, le service d'eau de la ville de Montréal a toujours su répondre adéquatement aux besoins sans cesse évoluants de sa population en eau potable. Aujourd'hui, on peut affirmer sans équivoque que l'eau de la ville de Montréal, qui rencontre toutes les normes québécoises et canadiennes de qualité d'eau potable, est d'excellente qualité et se compare à n'importe quelle eau de qualité à travers le monde. De plus, les employés de la ville de Montréal ont su, au fil des ans, réaliser des installations de production et de distribution dont la capacité répond parfaitement aux besoins d'aujourd'hui et pour plusieurs années à venir, tout ça à un coût qui demeure parmi les plus bas au monde. À 0,21 $ du mètre cube, on peut le comparer à n'importe quelle autre ville au niveau international ou même québécoise, et c'est un des coûts les plus bas que j'ai pu rencontrer.

Alors, pourquoi vouloir faire appel à des partenaires extérieurs quand la mission de base est bien remplie? Ce n'est pas avec ce premier constat que l'on peut répondre à cette question. Comme l'a souligné déjà ici à cette table M. Hamel, de l'INRS-Urbanisation, pour entreprendre une privatisation des services d'eau, il doit y avoir au moins présence d'un des problèmes suivants, soit un problème de qualité, de quantité ou de coût; nous n'avons aucun de ces problèmes à Montréal.

Depuis la remise en question de manière plus sérieuse de la gestion des installations d'eau à la ville de Montréal - c'est aux environs de 1990 - le principal argument à l'idée d'une privatisation ou d'un partenariat a été le montant élevé des investissements à venir dans les prochaines années pour rénover les infrastructures des usines de traitement et du réseau de distribution. Compte tenu de la bonne performance offerte jusqu'à présent par la ville, est-ce que le phénomène du vieillissement naturel des installations devrait être à la base du mouvement de privatisation? Je ne le pense pas.

Certains diront non pas que la ville n'a pas l'expertise pour effectuer ces rénovations, mais plutôt qu'elle n'a pas la capacité de les financer. Mais, à mon sens, ce raisonnement manque un peu de rigueur, car, en réalité, si c'est le cas, ce n'est pas la municipalité, mais plutôt les citoyens qui n'ont pas cette capacité de financer les rénovations. En effet, si une municipalité ne peut emprunter davantage sur les marchés financiers, c'est parce que son niveau de taxation est considéré élevé par rapport à la capacité de payer de ses contribuables. Si on fait appel à un partenaire privé, il ne fera qu'agir en bailleur de fonds. Comme son objectif est de récupérer ses investissements et d'obtenir, en plus, un rendement intéressant, seule une augmentation des taxes ou du tarif concerné lui permettra d'atteindre son but. Donc, peu importe le mode de gestion retenu, l'ensemble des investissements à réaliser sera supporté par les mêmes contribuables.

De plus, si on considère que le coût de l'eau à la ville de Montréal est bas, mais que les investissements qu'on ne pourra éviter pour maintenir un service de qualité feront en sorte de faire monter ce coût, ne cherche-t-on pas simplement un bouc émissaire? En effet, même si une hausse de taxes serait justifiée pour permettre à la ville d'emprunter pour les besoins de modernisation de ses installations d'eau, il n'en demeure pas moins qu'il serait difficile de faire accepter politiquement les augmentations, les citoyens pouvant toujours accuser les dirigeants de mal gérer l'ensemble des fonds publics. En retournant la responsabilité de ces augmentations à une entité indépendante dont la seule mission est l'eau, l'acceptation par le public sera plus facile, compte tenu du contexte moins politisé et plus facile à expliquer, sauf que cette entité ne doit pas nécessairement être privée ou mixte; elle pourrait très bien demeurer publique.

Outre l'aspect financier, un autre élément important est véhiculé dans le discours de la privatisation. On parle qu'une meilleure productivité du secteur privé pourrait venir contrebalancer le profit escompté. À ce chapitre, si on veut comparer la performance du secteur public avec le secteur privé, il faut le faire sur les mêmes bases. En effet, si les responsables de l'entreprise privée sont aux prises avec certaines contraintes qui font l'inefficacité du secteur public, principalement certaines conventions collectives, il n'est pas certain qu'ils réussiront à faire mieux. En effet, l'article 45 du Code du travail s'appliquerait en regard de l'aliénation ou de la concession totale ou partielle d'une entreprise au profit d'une autre. De plus, ce qui fait que le secteur privé peut être efficace, c'est parce qu'il est soumis aux lois du marché et, donc, à la compétition, ce qui n'est pas le cas ici, puisqu'il y aura déplacement d'un monopole public vers un monopole privé sans risque dans un marché captif.

Donc, en ce qui me concerne, je ne trouve pas de motif raisonnable à la privatisation dans le cas qui me concerne. Par contre, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de place à améliorer la performance du secteur public, et j'y reviendrai plus loin, car l'allégement du fardeau fiscal des contribuables demeure un objectif très louable.

Le projet de création de sociétés mixtes peut sembler intéressant de prime abord, mais il est fondamentalement très peu valorisant pour plusieurs personnes. C'est comme avouer l'échec du secteur public à vouloir rendre un service performant. Le transfert de la prestation de certains services à une SEM est une solution facile qui n'assure pas le citoyen du meilleur service au meilleur coût. Dans les cas qui nécessitent une expertise et des équipements spécialisés auxquels une municipalité ne recourt qu'occasionnellement ou dans certains secteurs de soutien aux activités de base, la SEM peut s'avérer une option intéressante.

Le problème avec le projet de loi sur les SEM, c'est qu'il donne la possibilité de créer des partenariats dans des municipalités et des secteurs d'activité où ce n'est pas justifié. Certains seront tentés de faire faire une activité par l'entremise d'une SEM pour partager la responsabilité qu'ils ont et non le risque. Comme on l'a vu précédemment, c'est une avenue pas nécessairement la plus avantageuse pour le citoyen. De plus, comme plusieurs sont venus vous le dire, la transparence dans la création et le fonctionnement d'une SEM, ainsi que leur contrôle véritable sont des préoccupations légitimes. Et, finalement, comme le profit est à la base même de l'implication d'une entreprise privée dans un partenariat avec le secteur public, la création de SEM viendrait concéder le fait que l'ensemble des citoyens serait forcé, par le biais des taxes ou d'un tarif et aussi par le biais des investissements passés, de payer pour l'enrichissement d'un petit groupe d'individus. Pour toutes ces raisons, je m'oppose au projet de loi sur les SEM.

Ma réflexion me porte plutôt à privilégier l'amélioration de la performance du secteur public. Même si en plusieurs occasions le secteur public est efficace, il y a quand même place à l'amélioration. Il sera toujours intéressant de tenter d'alléger les lourdes bureaucraties et de modifier certaines conventions collectives très contraignantes. Par exemple, dans le domaine de l'eau, la création d'un centre de responsabilité et de gestion autonome doté d'un revenu dédié et dont les coûts sont facilement identifiables grâce à une comptabilité distincte de celle de la municipalité serait une avenue intéressante. En effet, le seul fait d'une autonomie de gestion entraîne un impact positif à plusieurs niveaux: un allégement du bilan financier de la municipalité, une absence de concurrence entre les services municipaux, une gestion moins bureaucratique qui peut s'inspirer de l'entreprise privée et une plus grande marge de manoeuvre pour améliorer la productivité et rationaliser les opérations.

Ce type d'organisation se rapproche de la structure d'une régie, pas nécessairement intermunicipale - ça peut être une régie municipale - avec la particularité qu'elle aurait la possibilité de percevoir un prix exigé pour le bien ou le service fourni. Jusqu'à présent, le gouvernement a toujours refusé d'accorder ce droit de tarification à un organisme autre que la municipalité. Ce serait donc un bon moyen de permettre de créer des entreprises avec autant de marge de manoeuvre que les SEM, mais en demeurant publiques.

L'autre élément qui est essentiel à la recherche d'une grande efficience est l'introduction de la compétition à l'intérieur de la municipalité ou d'un organisme public, telle la régie. Ainsi, peut-être que des modifications au Code du travail permettraient d'assurer à des organismes publics la possibilité de réaliser leurs activités au meilleur coût possible.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion, M. Millette.

M. Millette (Robert): Et, en conclusion, plusieurs améliorations peuvent être mises de l'avant pour répondre aux demandes des divers intervenants du milieu municipal qui préserveront nos acquis. J'espère que ces commentaires aideront à faire avancer les réflexions.

(12 heures)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. le député de Bourget.

M. Laurin: Merci, M. Millette, pour la qualité de votre argumentation. On voit bien que la société d'économie mixte ne vous chaut pas beaucoup. Et vous apportez, à l'appui de votre argumentation, un exemple qui est dans les journaux, comme vous l'avez dit - une annonce d'intention, au fond - et votre argumentation à l'effet que cette privatisation, dans le domaine de l'eau, à Montréal, est absolument injustifiée étant donné la qualité, la quantité et le coût qui entrent absolument dans les normes. Même si votre démonstration pour l'exemple que vous avez apporté est très intéressante et très crédible, en ce qui me concerne en tout cas, il reste que vous en concluez que les sociétés d'économie mixte ne seraient pas un ajout intéressant à la marge d'action que possèdent les municipalités, et vous leur préférez d'autres modèles, comme celui des régies.

Cependant, vous admettez quand même, dans votre mémoire, qu'il y a des aspects intéressants, parfois, dans certains domaines, aux sociétés d'économie mixte. Je pense, par exemple, aux sociétés de promotion économique en particulier et je consens que c'est surtout vers ces éléments-là que seront orientées les sociétés d'économie mixte. En poussant un peu plus votre remarque, que j'ai remarquée au tiers de votre exposé, vous ne pensez pas quand même qu'on pourrait garder ce modèle-là de société d'économie mixte pour certains secteurs? Est-ce qu'on vous comprend en pensant que, malgré votre opposition aux sociétés d'économie mixte, vous pourriez tempérer votre position en acceptant les sociétés d'économie mixte, mais en balisant davantage leurs champs d'intervention, les secteurs où elles pourraient s'appliquer?

M. Millette (Robert): Effectivement, si le projet de société d'économie mixte peut être utile à d'autres, je ne pense pas qu'il faudrait l'abolir. Mais, effectivement, en le limitant, je pense que ça pourrait satisfaire plusieurs personnes. L'inconvénient que j'y voyais, c'est que, dans l'état actuel du projet de loi, il ouvrait la porte trop grande à du laisser-aller de certains dirigeants, peut-être, pour dire: On va donner ça à quelqu'un d'autre pour le faire. Si le projet devient plus limitatif pour certains secteurs d'activité, effectivement, il pourrait devenir acceptable, à mon point de vue.

M. Laurin: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Limoilou.

M. Rivard: Merci, Mme la Présidente. Monsieur, à la page 2 de votre mémoire, vous citez, entres autres, INRS-Urbanisation qui dit que, pour qu'on aille à l'extérieur, il faut qu'il y ait un problème de qualité, de quantité ou de coût. Vous indiquez ici 0,21 $ du mètre cube.

M. Millette (Robert): Oui.

M. Rivard: Ça se compare à quoi, avec des villes comparables au Canada?

M. Millette (Robert): Au Canada, on parle d'une moyenne - c'est des chiffres du ministère de l'Environnement - d'environ 0,36 $ du mètre cube. Si on va aux États-Unis, on parlait de 0,43 $, si ma mémoire est bonne, et, si on va en France, on parle de 0,86 $ du mètre cube. Donc, moi, avec les chiffres que j'ai pu trouver, je ne considérais pas que le coût de l'eau à Montréal était élevé; il était très bas. Et même, par rapport à d'autres municipalités au Québec, c'est très rare qu'il va y avoir une municipalité qui va avoir un coût plus bas que 0,21 $ du mètre cube.

M. Rivard: O.K. Alors, j'ai retenu que vous dites, entres autres, qu'en Europe, dans certaines villes, c'est 0,86 $ du mètre cube. On sait, entre autres, qu'en Europe, c'est beaucoup de sociétés d'économie mixte ou d'entreprises privées, tout simplement, qui opèrent les réseaux d'aqueduc. Est-ce que c'est justement la raison pour laquelle, entre autres, vous vous appuyez sur ça pour dire que Montréal ne devrait pas être privatisée, si on compare certaines villes d'Europe à 0,86 $?

M. Millette (Robert): Bien, il faut faire attention. C'est certain que le coût englobe plusieurs choses. Ils ne sont pas placés dans la même situation au niveau des ressources naturelles; il faut regarder un paquet de facteurs qui vont influencer le coût. Sauf qu'en prenant globalement le coût comme un indicateur de performance on ne peut pas quand même dire qu'on n'est pas performant puisque, sur un paramètre aussi global que ça, on devient compétitif avec n'importe quelle autre ville. C'est certain que, si on veut détailler la composition de ce coût-là, on pourrait peut-être trouver certains arguments qui diraient, par exemple: À Montréal, vous avez une très bonne qualité d'eau, c'est pour ça que vos installations sont quand même un peu moins complexes qu'une autre.

Soit dit en passant, c'est vrai, sauf que, malgré tout ça, on a quand même un coût de 0,21 $. Si on était vraiment juste proche d'une ville française, par exemple, on pourrait dire: Bien, là, on n'est pas performant vu que notre qualité d'eau brute est meilleure. Mais, à des taux aussi bas, je pense que ça va au-delà de la qualité de notre eau brute ou de notre ressource-eau; ça va aussi dans l'efficacité de la production de ce service-là.

M. Rivard: M. Millette, à la page 5, vous indiquez qu'à cause des contraintes de l'article 45 du Code du travail pas plus le privé pourrait être plus performant. C'est reconnaître, peut-être, que certaines conventions sont abusives et qu'il doit y avoir des changements là-dedans.

M. Millette (Robert): Effectivement, ça, c'est mon point de vue. Je ne suis pas le seul à le dire non plus, que c'est souvent très contraignant. Les gens qui travaillent dans la municipalité, comme moi, voient souvent des choses qu'on pourrait qualifier d'improductives, mais où on est lié à cause des conventions collectives. Mais, si le secteur privé nous dit: On va faire mieux, comment il va faire pour faire mieux s'il est pris avec ces mêmes contraintes de la convention collective, puisqu'elles lui seraient transférées en cas de création, par exemple, d'une société d'économie mixte?

M. Rivard: Finalement, à la page 7, vous parlez, naturellement, de la question que, si le secteur privé est là, c'est pour faire un profit et, à ce moment-là, c'est au détriment des individus, des contribuables, quoi. Peut-être, pour faire une comparaison, l'incinérateur de Québec est opéré, depuis une quinzaine d'années, par l'entreprise privée. D'après les dernières études, il est encore opérationnel pour peut-être une génération, peut-être encore pour 25 ans. Et, presque à la même époque, l'incinérateur de Montréal a été confié aux fonctionnaires et l'incinérateur est désuet au point qu'il faut le remplacer. Est-ce qu'on peut quand même reconnaître qu'à l'occasion les entreprises spécialisées peuvent être plus performantes que les fonctionnaires municipaux?

M. Millette (Robert): Oui, effectivement. Si les municipalités n'ont pas la bonne expertise, ça peut être intéressant d'aller chercher ces expertises-là. Moi, je vous donnais le cas qui me concerne. On a beaucoup d'expertise à la ville de Montréal, et je ne pense pas qu'un intervenant privé apporterait un ajout à cette expertise-là. Quand on en a besoin, d'expertise, on va dans les conventions, dans les colloques à travers le monde et on est à jour dans les recherches qui se font dans le domaine de l'eau. On s'est associé à l'École polytechnique pour faire de la recherche sur la qualité du traitement de l'eau à Montréal. Donc, au niveau de l'expertise, dans le cas qui nous concerne, je pense qu'il n'y aurait pas de gain à faire, mais sûrement qu'une municipalité, qui est des fois plus petite ou parfois qui pourrait être plus importante, manque de cette expertise. C'est peut-être intéressant d'aller la chercher, mais ça ne veut pas dire qu'il faut créer une société d'économie mixte pour aller chercher cette expertise-là. Elle pourrait être créée dans le secteur public.

M. Rivard: Merci, M. Millette.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. M. Millette, d'entrée de jeu, je vous demanderais... On a devant nous deux mémoires.

M. Millette (Robert): Oui.

Mme Delisle: Il y en a un qui dit, à la première page, que vous trouvez que la société d'économie mixte est un pas dans la bonne direction et, dans l'autre, vous dites que vous vous opposez fermement à ça.

M. Millette (Robert): Oui. Bon!

Mme Delisle: Je ne veux pas vous mettre mal à l'aise, mais, moi, j'avais lu le premier.

M. Millette (Robert): Oui.

Mme Delisle: Je vous ai entendu nous parler du deuxième.

M. Millette (Robert): C'est parce que, entre le premier et le deuxième, il y a eu beaucoup de discussions et d'interventions que j'ai eues avec plusieurs intervenants du milieu, suite, aussi, beaucoup aux journaux qui ont élaboré beaucoup sur cette question-là. Il y avait des objections dont je n'avais pas pris compte à ce moment-là et j'ai pu réviser ma position pour avoir la deuxième position que vous avez.

Mme Delisle: Bon. Justement, quand vous faites référence à des articles de journaux ou à des interventions qui ont été faites ces dernières semaines, on voit que vous avez une expertise au niveau de l'eau. Plusieurs ont tenté de nous faire la démonstration que la création des sociétés d'économie mixte, c'est synonyme de privatisation; d'autres vous diront que ce n'est pas ça du tout. Bon.

J'ai aussi souvent dit, devant cette commission, que Montréal est peut-être un exemple différent parce que c'est une grande ville, parce que évidemment beaucoup de services sont dispensés. Mais, si on se ramène sur le plancher des vaches et qu'on repense à ce qui a motivé les parlementaires à donner leur accord, en 1994, à deux projets privés, des projets-pilotes, et à deux autres depuis, donc à quatre, je ne suis pas certaine, moi, que c'était dans la perspective où on privatisait tous les services, là.

Alors, dans cette perspective-là, est-ce que vous avez réfléchi sur l'outil que pourrait être ou que peut être la société d'économie mixte pour des MRC, pour des communautés urbaines ou même pour des municipalités seules? On a l'exemple de Saint-Romuald. Ils ont des problèmes d'application, mais disons que c'était quand même une bonne idée, semble-t-il, au point de départ. Vous, est-ce que vous y seriez aussi fermement opposé si ce n'était pas synonyme, dans votre esprit, de privatisation?

(12 h 10)

M. Millette (Robert): Bien, j'ai de la misère à voir que ça ne serait pas synonyme de privatisation. C'est une privatisation partielle, à tout le moins...

Mme Delisle: O.K.

M. Millette (Robert): ...puisqu'il y a l'introduction d'un partenaire privé dont le seul objectif est de rentabiliser ses investissements.

Mme Delisle: Vous parliez de notion de profit, tout à l'heure, puis je serais tentée de vous dire que... Puis vous avez parfaitement raison. Vous dites d'abord: La notion de profit peut venir contrecarrer les gains. Vous faites référence aussi au fait que l'entreprise privée ne s'embarquera pas dans une aventure comme celle-là s'il n'y a pas de profits. Je serais tentée de vous dire que, pour moi, en tout cas, personnellement, si la notion de profit s'applique à l'entreprise, on doit aussi voir en bout de compte une notion de profit - on se trouvera un autre terme - pour le citoyen. Si les parlementaires ou si le législateur a donné son aval à la création des sociétés d'économie mixte, c'était, j'en suis persuadée, à ce moment-là et encore aujourd'hui si on disait oui, pour permettre d'alléger le fardeau fiscal du citoyen, puis pour s'assurer qu'il a les meilleurs services au meilleur coût possible. Donc, dans cette perspective-là, la notion de profit peut s'appliquer aussi au contribuable. Alors, si on pense que la société d'économie mixte peut dispenser les services à meilleur coût parce que justement c'est une solution qui est nouvelle et que ça permet le mariage entre deux partenaires, est-ce que vous êtes encore opposé à ça?

M. Millette (Robert): Bien, c'est-à-dire que, si l'entreprise privée fait un profit, ce serait probablement au détriment du profit des citoyens, à moins qu'ils soient plus productifs. Donc, il faut débattre de la question: Est-ce qu'ils vont être plus productifs? Et, moi, ce que je pense, c'est que ce n'est pas évident qu'ils vont l'être, plus productifs.

Mme Delisle: Je ne sais pas combien il me reste de temps, là. J'ai dit, la semaine dernière, que, si on demandait à chacun et à chacune d'entre nous, ici, de définir la société d'économie mixte, on n'aurait peut-être pas deux définitions semblables. Ça m'amène à vous demander - je l'ai demandé à ceux qui vous ont précédé, et leur réponse m'a un peu étonnée - en ce qui regarde toute la question des appels d'offres, si le fondateur municipal s'allie avec un partenaire privé et que le partenaire privé - si on comprend que c'est ça - gère la société d'économie mixte, si on s'en va en appels d'offres, par la suite, pour la gestion du service public comme tel, est-ce que, vous, vous voyez ça davantage comme une protection face à la privatisation?

M. Millette (Robert): Bien, ce serait une forme de protection, mais ce serait partiel. À ce moment-là, au moment de l'appel d'offres, ça nous permettrait de choisir parmi le meilleur des soumissionnaires.

Mme Delisle: Est-ce à dire que la...

M. Millette (Robert): Mais, après, ce soumissionnaire-là aurait la latitude d'essayer de dégager une marge de profit pour son entreprise.

Mme Delisle: Oui, mais l'appel d'offres... Finalement, si on va en soumissions publiques, là, avec la soumission publique, il faudrait qu'il y ait des règles qui fassent en sorte que tu ailles au plus bas soumissionnaire.

M. Millette (Robert): Oui.

Mme Delisle: Bien, à ce moment-là, est-ce qu'on ne devrait pas écarter le gestionnaire?

M. Millette (Robert): Le gestionnaire de la...

Mme Delisle: Oui.

M. Millette (Robert): ...municipalité?

Mme Delisle: De la SEM.

M. Millette (Robert): Bien, il me semble qu'il devrait pouvoir faire la soumission, lui aussi, parce que, s'il arrive plus bas qu'un soumissionnaire privé, pourquoi est-ce qu'il ne pourrait pas l'obtenir? Dans le fond, c'est comme dans le cas de Hull où les employés, où la municipalité a fait l'appel d'offres aussi et, dans plusieurs cas, ils sont arrivés à meilleur coût que le meilleur partenaire privé. À ce moment-là, c'est resté à la municipalité.

Mme Delisle: Alors, vous, vous laisseriez la loi du marché s'appliquer et, si le gestionnaire est la compagnie X, elle pourrait elle-même aller en soumissions, remplir un cahier de charges et puis obtenir, même, le contrat de gestion.

M. Millette (Robert): Oui, sauf que, moi...

Mme Delisle: Pas le contrat de gestion, mais le contrat pour la livraison des services.

M. Millette (Robert): Oui, j'irais jusque-là. Sauf que je me dis que, dans ces cas-là, je fermerais la porte à l'apparition du secteur privé dans certains domaines. Parce que, même à ça, si la municipalité fait...

Mme Delisle: Comme?

M. Millette (Robert): Le domaine de l'eau.

Mme Delisle: Est-ce qu'il y en a d'autres?

M. Millette (Robert): Je n'ai pas réfléchi aux autres. Je n'ai pas assez d'expertise dans d'autres secteurs.

Mme Delisle: On exclut, dans le projet de loi, la sécurité publique, les incendies. Est-ce qu'il y en a d'autres? On parlait de développement économique, industriel. On a surtout parlé de développement industriel, tantôt.

M. Millette (Robert): Ma réflexion ne s'est pas étendue jusqu'au développement industriel. Elle s'est étendue seulement dans le domaine d'activité qui me concerne. Parce que je sais que, dans le domaine de l'eau, au Québec, il y a beaucoup d'expertise et de compétence. Donc, ma réflexion s'était arrêtée à ce niveau-là. Par contre, si on dit que les sociétés d'économie mixte vont voir le jour à un moment donné, je pense qu'il ne faudrait pas mettre - à la limite, si ça vient à être créé - d'obligation d'avoir un pourcentage minimum du secteur privé. Je pense qu'il faudrait que ça puisse être complètement public. C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir participation du privé si c'est désiré par le partenaire qui met sur pied la SEM, mais, au lieu de mettre un minimum de 20 % dans la définition de la société, ça pourrait être de 0 %.

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Vous avez mentionné que la ville de Hull faisait des soumissions et qu'à l'occasion ils obtenaient des contrats. Sur le nombre de contrats, combien de fois l'entreprise privée a eu les contrats versus la ville de Hull?

M. Millette (Robert): J'ai pris les chiffres que l'INRS-Urbanisation a compilés à ce sujet, et deux fois sur trois la ville a gagné ses appels d'offres.

M. Middlemiss: Est-ce que la ville, dans ses soumissions, prenait aussi en ligne de compte le coût des loyers et ainsi de suite ou est-ce qu'on prenait juste le salaire? Parce que souvent ça arrive qu'un organisme gouvernemental ne met pas tous les coûts qui sont rattachés aux employés municipaux. Est-ce que ça a été fait dans ce contexte-là?

M. Millette (Robert): De ce que j'ai lu de l'étude, c'était une comparaison loyale et équitable qui comparait les mêmes coûts. Je ne peux pas en dire plus. Il faudrait qu'on ressorte un peu les documents de l'étude.

M. Middlemiss: D'accord. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saguenay, une petite question. Il reste une minute.

M. Gagnon: Oui, madame. Dans les commentaires que vous avez faits, vous indiquez que l'intérêt que l'entreprise privée pourrait y voir, c'est en fonction du profit. Mais, par contre, un peu plus tôt cet avant-midi, on a entendu, dans le dossier de Saint-Romuald, des gens d'Ultramar venir nous indiquer la motivation qu'ils ont, ce qui les anime pour participer. C'était la valorisation des terrains avoisinants, le fait d'attirer des investisseurs étrangers, provoquant une synergie qui était profitable à l'ensemble de la communauté, puis, ultimement, aussi l'impact fiscal pour l'ensemble des contribuables. Moi, j'ai trouvé que c'était bien rafraîchissant de voir cette approche-là. Je me dis, à ce moment-là, que l'entreprise privée y voit également un intérêt autre que le profit ou l'approche mercantile qui, je dirais, colore votre jugement lapidaire là-dessus.

M. Millette (Robert): Certainement que des entreprises sont bien intentionnées quand elles mettent de l'avant des projets comme ça. Mais, au fond, si ces projets-là ne sont pas rentables pour eux, ils ne les feront pas. Donc, sous la bannière d'un meilleur service à la population ou d'un meilleur développement économique de la région, sous-tend quand même la notion de profit. Et, dans le domaine de l'eau, si on regarde, par exemple, les firmes françaises qui sont les plus présentes en ce moment et qui font le plus de lobbying sur ce sujet-là, sûrement qu'elles peuvent dire qu'elles veulent donner un meilleur service à la population en termes d'alimentation ou de qualité de l'eau, ou de coût de l'eau. Mais ces firmes-là ne viendront pas ici si, au fond, elles ne peuvent pas en dégager un bénéfice.

M. Gagnon: Mais l'intérêt du contribuable est aussi qu'il y ait ce type de développement là, parce que...

M. Millette (Robert): Oui.

M. Gagnon: ...l'enrichissement profite à tous.

M. Millette (Robert): Effectivement. Mais ce développement-là, dans le cas de l'eau, pourrait venir du secteur public carrément, parce qu'il pourrait y avoir encore beaucoup plus d'actions de mises de l'avant dans le secteur public qu'il y en a présentement. On n'est pas obligé de créer une SEM et de faire appel au partenaire privé pour créer cette dynamique-là.

M. Gagnon: Ce qui fait que votre objection concerne uniquement le secteur de l'eau.

M. Millette (Robert): Bien, mes réflexions, oui, sont plus portées sur ce sujet.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions, M. Millette, de votre participation.

M. Millette (Robert): Je vous remercie.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

Une voix: À 20 heures ou 19 heures?

La Présidente (Mme Bélanger): À 20 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 20 h 5)

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, la commission de l'aménagement et des équipements reprend ses travaux. Le mandat de la commission est toujours de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Nous avons comme premier invité ce soir, à 20 heures, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec à qui on demanderait de bien vouloir s'approcher. Alors, le représentant, c'est M. Bruno Montour, économiste et conseiller senior en développement. Alors, M. Montour, bonsoir.


Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)

M. Montour (Bruno): Bonsoir, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je ne sais pas si vous êtes ici depuis le début des travaux, mais vous connaissez sûrement le processus: vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi par une interrogation des membres de chacun des côtés de la table, les ministériels et l'opposition. Et, si vous voulez bien, avant de présenter votre mémoire, nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

M. Montour (Bruno): Merci, madame. Alors, si vous me permettez de présenter, à ma gauche, M. Herman Côté, conseiller en développement économique à la direction Développement des affaires de la Fédération des caisses populaires Desjardins du Québec, et, à ma droite, M. Yvon Thibault, de la direction Service aux entreprises, secteur institutionnel de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins. Je veux également remercier les membres de la commission de l'aménagement et des équipements de nous accueillir ici ce soir afin de nous permettre de faire connaître les vues du Mouvement Desjardins sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal et de nous fournir l'occasion d'échanger avec eux sur ce projet.

D'entrée de jeu, je vous signalerai que le Mouvement Desjardins souscrit au projet de mettre sur pied des sociétés d'économie mixte ou, en d'autres mots, les S-E-M, les SEM. En effet, ce projet s'inscrit dans les grands courants qui marquent nos sociétés modernes: un contexte budgétaire difficile, une mondialisation des marchés et une volonté des milieux locaux et régionaux de prendre en main leur développement. Bien sûr, ce projet s'inscrit d'abord dans un contexte budgétaire difficile pour le monde municipal et vise à maintenir le meilleur niveau possible de services aux citoyens, tout en diminuant ou, à tout le moins, tout en freinant la croissance du fardeau fiscal des contribuables.

En effet, l'apport de capital de partenaires privés à hauteur d'au moins 49 % aux fins, par exemple, de rénover ou de construire une nouvelle infrastructure: arénas, centres communautaires, réseaux de transport, etc., limitera d'autant la contribution du secteur public. La SEM pourra également favoriser une diminution des coûts du service par l'apport des pratiques de gestion du secteur privé et par la possibilité de consentir des contrats à long terme et de négocier, de ce fait, des prix plus intéressants. Enfin, par sa nature lucrative, la SEM sera en mesure de générer des profits dont une partie sera retournée au partenaire municipal et, de façon indirecte, aux contribuables.

Mais, au-delà de l'objectif fort louable de limiter l'endettement du monde municipal, la constitution d'une SEM ajoutera un outil utile, susceptible de contribuer au développement des collectivités locales et régionales québécoises. C'est principalement sur cette dernière dimension que porteront nos commentaires ce soir, compte tenu de la forte implication des caisses Desjardins dans leur milieu et dans le financement du secteur municipal, ainsi que du partenariat que les caisses ont su développer au fil des ans avec les divers intervenants du monde municipal.

De fait, le Mouvement des caisses Desjardins se manifeste avec évidence sur le territoire québécois comme un réseau majeur d'institutions financières, mais aussi comme une organisation coopérative moderne et dynamique ayant pour mission de contribuer au mieux-être économique et social des personnes et des collectivités. D'ailleurs, si le Mouvement Desjardins a su se développer au fil de ses 96 ans d'existence comme une institution financière de premier plan au Québec avec un actif atteignant 76 900 000 000 $ au 31 décembre 1994, c'est que non seulement est-il resté attentif aux besoins financiers de ses membres, mais aussi il a conservé, de par sa nature coopérative, une dimension humaine, sensible aux grandes problématiques socioéconomiques et aux défis qui se posent à chaque communauté où il est enraciné. Ainsi, en 1996, la caisse demeure encore la seule institution financière présente dans plus de 675 municipalités du Québec.

(20 h 10)

Dans cette perspective de contribuer au développement local et régional, les caisses et les autres organismes du Mouvement Desjardins ont versé dans leur milieu, en 1994, quelque 13 500 000 $ de dons et de commandites pour au-delà de 300 projets. Ce montant excédera les 15 000 000 $ en 1995. Ces investissements dans l'économie solidaire ont pris diverses formes telles qu'un appui à des initiatives de développement économique et industriel ou de développement touristique, par exemple: un incubateur industriel à La Pocatière ou Les grands jardins de Normandin, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean; ou encore des interventions dans le développement domiciliaire, par exemple, citons Passeport-Habitation, de Bonaventure; ou, enfin, l'amélioration de divers services aux communautés dans des domaines aussi variés que les loisirs, les sports, l'éducation, les arts et la culture: maison de jeunes à Blainville, par exemple, ou garderie à Saint-Étienne. Somme toute, les engagements du Mouvement des caisses Desjardins épousent en ces domaines l'impressionnant foisonnement d'activités et de projets qui ont cours dans les diverses localités du Québec.

Notre mémoire décrit plus en détail plusieurs exemples concrets de cet engagement des caisses Desjardins dans leur milieu, et ce, dans les différents coins du Québec. Parmi ceux-ci, nous aimerions porter à votre attention l'une des quatre expériences-pilotes de constitution d'une SEM, soit le cas de Saint-Anselme. Dans ce cadre, la Caisse populaire Desjardins de Saint-Anselme appuie les différents intervenants de la paroisse et du village de Saint-Anselme afin de mettre sur pied une SEM. Cette société aura pour objet d'implanter et de développer un parc industriel doté de services connexes adéquats: aqueduc, égout, voies de communication, incubateur industriel.

La volonté des gens de Saint-Anselme, tant du secteur municipal que du secteur privé, de favoriser le développement économique de leur milieu au moyen d'un parc industriel existait depuis longtemps, mais des raisons légales et réglementaires empêchaient sa réalisation. Dans ce contexte, la SEM devenait la solution tout indiquée afin, dans un premier temps, de garder les entreprises déjà en place et, dans un deuxième temps, d'attirer de nouvelles entreprises.

De cette façon, les promoteurs de la SEM espèrent contribuer à la création d'emplois et freiner l'exode des jeunes car, avec un taux de chômage avoisinant les 30 %, les jeunes quittent le village ou la paroisse pour la ville, à la recherche d'un emploi. Or, on sait que, avec le départ des jeunes, s'amorce alors le processus de dévitalisation d'un milieu et toutes les conséquences s'y rattachant: perte de dynamisme, disparition de services, activités économiques réduites, désespoir de la population. Bref, la création de la SEM devrait permettre de redonner à la population de Saint-Anselme une nouvelle fierté et de nouveaux espoirs, ingrédients essentiels à la prise en charge et au développement des collectivités.

C'est dans cette perspective d'une démarche plus globale de développement et de prise en charge que doivent s'inscrire les SEM et leur encadrement légal. En effet, les actions concrètes de partenariat des caisses Desjardins illustrent clairement la volonté des milieux de se prendre en main afin d'assurer leur propre avenir. La création d'une SEM ajoutera un outil utile pour développer les milieux, notamment en renforçant les changements d'attitude sur lesquels repose tout projet de prise en charge et de développement.

C'est particulièrement le cas de l'émergence, chez de plus en plus de municipalités du Québec, d'une nouvelle culture de développement ou, si vous voulez, d'une culture entrepreneuriale qui accompagne cette volonté des milieux de compter principalement sur leurs propres moyens pour se développer. L'entrepreneurship est, en fait, beaucoup plus une question d'attitude qui se vit dans le coeur, l'intelligence et la volonté des gens d'un milieu donné, une question de dynamisme, de détermination et de valeurs de société qu'une simple affaire de disponibilité de ressources naturelles, de matières premières ou de capital. En d'autres termes, quand un milieu reprend vie, c'est surtout que les gens ont repris vie et se sont donné un projet collectif de développement axé sur un renouveau de l'emploi.

D'ailleurs, les communautés qui obtiennent le plus de succès quant au développement de l'emploi sur leur territoire, même en ces temps difficiles, sont celles où les différents intervenants, citoyens, élus, entrepreneurs se rejoignent dans le cadre de pratiques de concertation et regroupent leurs forces dans le développement de leur milieu. De fait, plus d'une vingtaine de municipalités au Québec ont déjà entrepris cette démarche qui leur permet d'afficher une situation qui tend vers le plein-emploi.

Aussi, en favorisant, par exemple, l'éducation des gens aux affaires, la concertation des divers intervenants et le regroupement des forces autour d'un projet commun de création d'une entreprise, ainsi que le partenariat privé et public, la création d'une SEM sera susceptible de stimuler le potentiel entrepreneurial des milieux et de favoriser la naissance de nouvelles entreprises, telles des entreprises complémentaires à la SEM, la sous-traitance par exemple, ou encore de nouveaux services de compétence municipale tels les services de proximité: environnement, activités culturelles ou de loisir, activités touristiques, garderies, etc.

Si le Mouvement Desjardins se montre favorable, dans l'ensemble, à la création de SEM en raison de leurs effets potentiels sur le développement économique des milieux et sur la situation financière des municipalités, nous désirons cependant porter à la réflexion des membres de la commission quelques commentaires concernant certains aspects de l'avant-projet de loi sur les SEM. Ces commentaires ont pour objectif d'améliorer l'efficacité et l'efficience de l'éventuelle loi de façon à bonifier ses conditions de succès, notamment au chapitre de l'intérêt du secteur privé à investir dans une SEM.

L'avant-projet de loi contient une série de mesures qui encadrent de façon générale le pouvoir discrétionnaire du ministre responsable de l'application de l'éventuelle loi: demande de mise sur pied d'une SEM, son organisation, la convention de partenariat, la création d'une filiale, etc. Outre ce cadre général, n'y aurait-il pas lieu d'obliger les municipalités à faire rapport au ministre sur certaines considérations relatives aux motivations des promoteurs d'une SEM afin d'en améliorer les chances de succès? Ainsi, des critères additionnels pourraient être ajoutés et porter, par exemple, sur la qualité des partenaires privés au niveau de l'expertise technique, de la gestion, de l'apport financier, etc., ou encore sur les besoins du milieu, la volonté des partenaires de travailler réellement ensemble, la rentabilité du projet, les retombées économiques éventuelles sur l'emploi ou sur les achats locaux notamment.

Par ailleurs, il nous apparaît également souhaitable d'assouplir la règle du 1 % du budget de dépenses consacré à la SEM, notamment au chapitre des garanties et du cautionnement. Bien que nous comprenions les objectifs visés par cette règle et la possibilité d'y déroger par le mécanisme d'ouverture de registres municipaux, il faut donner à la SEM les moyens d'atteindre ses objectifs. Or, compte tenu de la petite taille des municipalités québécoises, le plafond de 1 % consacré à la SEM serait vite atteint, freinant d'autant le développement de la société.

Dans ces conditions, ne serait-il pas possible d'envisager des mécanismes qui permettraient, soit d'accumuler dans un fonds spécial, au fil d'un certain nombre d'années, les montants dédiés à une éventuelle SEM, soit encore d'élaborer une réglementation contenant des critères adéquats qui autoriseraient les municipalités à garantir ou cautionner la SEM pour des montants excédant la règle du 1 %, soit, enfin, l'exemption de cette règle au chapitre des garanties et des cautionnements?

L'avant-projet de loi accorde le contrôle absolu de la SEM aux partenaires publics en leur réservant la majorité des sièges au conseil d'administration et la majorité du capital-actions. Or, il faut distinguer entre la participation au capital de risque et le contrôle des décisions. Aussi, dans le contexte budgétaire actuel, pourquoi obliger le partenaire public à fournir la majorité du capital et le priver ainsi d'une marge supplémentaire de financement? Cette obligation serait d'autant plus néfaste qu'elle empêcherait une municipalité, faute de ressources financières suffisantes, de constituer une SEM malgré l'intérêt de sa population et celui du partenaire privé. Un assouplissement de cette règle nous apparaît souhaitable.

Il en est de même du nombre d'administrateurs municipaux qui risquent d'alourdir la gestion de la société. Une représentation proportionnelle des principaux fondateurs et/ou une rotation des partenaires municipaux, plutôt que l'obligation d'inclure un représentant de toute municipalité fondatrice, ne serait-elle pas mieux adaptée?

L'assurance d'une certaine stabilité et d'une meilleure continuité au niveau de la gestion des SEM représente un élément important. À cette fin et compte tenu du statut d'élu municipal pour siéger au conseil d'administration d'une SEM et de la possibilité de changement à ce statut, ne serait-il pas souhaitable de prévoir dans la loi un mécanisme permanent de substitution en cas d'incapacité ou de refus d'agir de la part d'un administrateur? Cette substitution de l'élu municipal par un fonctionnaire, par exemple, de la municipalité - directeur général ou secrétaire-trésorier - aurait une durée limitée d'au plus six mois et éviterait ainsi de freiner le bon fonctionnement de la SEM.

Dans le même esprit d'assurer une continuité et une plus grande stabilité au niveau de la gestion de la SEM, le président de cette société pourrait être choisi parmi tous les administrateurs en fonction de ses qualités de leadership, son expérience, son expertise, et non désigné d'office parmi les administrateurs municipaux, comme le recommande l'avant-projet de loi.

Par ailleurs, il serait pertinent, nous semble-t-il, de clarifier la disposition contenue dans l'avant-projet de loi concernant l'article 55 dans la perspective de l'accès à l'information par le public. Il faut respecter la nature confidentielle de certaines décisions d'affaires telles que les stratégies de développement, les procédés technologiques, les prix de revient, etc. Il faudrait se garder de l'éventualité que le partenaire privé soit pénalisé au profit de ses concurrents par la diffusion de telles informations. À ce chapitre, nous invitons les membres de la commission à s'inspirer des articles portant sur la confidentialité de la Loi sur l'inspecteur général des institutions financières.

(20 h 20)

Dans le cadre de l'avant-projet de loi, également, la possibilité de pouvoir conclure des conventions de partenariat avec le secteur municipal est réservée aux seules compagnies privées et/ou mandataires du gouvernement. Quelles sont les raisons de cette limite? Il nous semblerait approprié d'élargir le partenariat des SEM à tout le moins à des coopératives de travailleurs actionnaires, notamment aux travailleurs municipaux susceptibles d'être affectés par cette nouvelle façon de faire.

Enfin, la nature des SEM nous amène à nous interroger sur les potentialités de conflits d'intérêts. Bien que certaines dispositions de l'avant-projet de loi encadrent cette question, il est à se demander si l'élaboration d'un code de déontologie ne serait pas souhaitable afin de servir au mieux l'intérêt du public, tout en respectant l'intérêt privé. À titre de suggestion, notre mémoire propose quelques grands principes qui pourraient servir de guides à l'élaboration de ce code de déontologie. Exemple: non-discrimination des personnes, liberté de choix, information pertinente et fiable, etc.

En conclusion, Mme la Présidente, le Mouvement des caisses Desjardins est associé au développement économique du Québec et de ses régions depuis bientôt 96 ans cette année. C'est pourquoi le Mouvement Desjardins est favorable au projet de constitution de sociétés mixtes dans le secteur municipal, car ces dernières s'inscrivent dans le cadre d'une démarche de développement global par et pour le milieu.

En terminant, le Mouvement des caisses Desjardins avance les recommandations suivantes aux membres de la commission de l'aménagement et des équipements dans le but d'améliorer les conditions de succès des SEM: préciser le pouvoir discrétionnaire du ministre dans l'application de la loi en y incluant certaines considérations sur les motivations des promoteurs d'une SEM et en assouplissant la règle du 1 % des budgets de dépenses consacré à une SEM; assouplir les règles d'organisation, notamment celles relatives à l'obligation de détenir la majorité du capital-actions par les partenaires publics, la présidence du conseil d'administration et le nombre d'administrateurs publics; inclure un mécanisme permanent de substitution d'un administrateur municipal afin d'éviter de freiner le bon fonctionnement des affaires de la SEM; exempter les SEM de la loi sur l'accès aux documents des organismes publics afin de respecter la nature confidentielle de certaines activités des SEM et d'éviter ainsi de pénaliser le partenaire privé au profit de la concurrence; inscrire dans la loi éventuelle des principes directeurs qui guideront l'élaboration d'un code de déontologie qui inspirera une éthique des affaires respectueuse de l'intérêt public; élargir aux coopératives le pouvoir de conclure des conventions de partenariat avec le secteur municipal; étendre, après expérimentation et évaluation, la formule des SEM à d'autres champs de compétence publique: santé, éducation, services sociaux et communautaires afin de favoriser la prise en charge du développement des milieux.

Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Montour. M. le ministre.

M. Trudel: Merci, M. Montour, de votre présentation et aux deux autres représentants de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec. Merci d'avoir pris l'attention de lire avec parcimonie, nous le voyons à votre présentation, notre avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte, ce qui a été rendu public au cours des derniers mois et pour lequel nous procédons à cette consultation en commission parlementaire. Alors, donc, vous nous présentez des recommandations qui sont assez denses à l'égard de plusieurs articles. Il faut se féliciter que la Confédération des caisses populaires s'intéresse à cette nouvelle forme d'organisation et de livraison des services publics en milieu municipal.

On a eu, au cours des dernières semaines, des derniers jours en particulier, toute une panoplie d'intervenants qui sont venus nous voir. Ce que vous représentez dans la vie québécoise est extrêmement important. Et ce sera ma première question: Est-ce que vous avez l'impression - et on sait comment fonctionne la Confédération, on ne vous demandera pas de prendre des décisions pour les autres ce soir - que les caisses populaires et d'économie Desjardins, à travers tout le Québec, pourraient être intéressées à devenir des partenaires privés dans d'éventuelles sociétés d'économie mixte, dans l'organisation et la livraison des services municipaux?

M. Montour (Bruno): M. le ministre, je ne pourrais pas répondre pour les 1 320 et quelques caisses populaires et d'économie, d'autant plus que vous savez qu'elles sont autonomes et c'est à elles de prendre des décisions en fonction des projets qui leur sont soumis. Ceci étant dit, je pense qu'il y a un intérêt important de la part des caisses populaires et d'économie dans ce projet-là de deux façons: un, au niveau des investissements en capital-actions dans le cadre des sociétés d'économie mixte, mais, bien sûr, en respectant la réglementation qui nous est allouée, soit un 2 % possible, et aussi en tenant compte de la capitalisation et de toute la réglementation qui nous concerne; et, dans un deuxième titre, à titre, bien sûr, de financier traditionnel pour l'entreprise que constitue la société d'économie mixte. C'est bien sûr, comme je vous le répète, qu'il y a un intérêt, mais ça sera du cas par cas et ça appartient aux caisses locales de décider, à ce moment-là.

M. Trudel: Vous avez, pour vos caisses locales, autant de respect que nous en avons au ministère pour nos municipalités. On en a 1 401. Vous en avez 1 321; alors, on a un grand champ d'application, tous les deux. Mais je souhaite vivement que ça puisse effectivement intéresser les caisses populaires au niveau local. Est-ce que, sur le plan strictement financier, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins considère que ça peut être attrayant ou suffisamment attrayant d'investir dans une société d'économie dont elle ne contrôlera pas la majorité des actions votantes?

M. Montour (Bruno): Si je me réfère à l'exemple de Saint-Anselme, vous voyez, M. le ministre, qu'il y a un intérêt de la caisse populaire pour le faire. Ce n'est pas strictement une considération que j'appellerais économique ou financière comme telle au niveau de la société; c'est aussi une rentabilité que j'appellerais sociale ou solidaire. Dans la mesure où l'expérience de Saint-Anselme s'avérera très concluante pour l'attrait de nouvelles entreprises dans le parc industriel de Saint-Anselme, ceci veut dire des retombées économiques et financières pour le milieu, mais aussi pour la caisse, puisque, à tout le moins, si on freine l'exode des jeunes dans cet endroit, si on réussit également à renverser cette situation, ça veut dire également un développement des affaires pour la caisse populaire comme telle. Et je vous signalerais également que la constitution des SEM et du financement dont la société aura besoin constitue également une occasion d'affaires pour la caisse populaire. C'est donc à ce double titre, je pense, que l'intérêt des caisses peut se fonder.

M. Trudel: Je vais vous poser la question d'un point de vue tout autre, et ce n'est pas pour vous coincer; je vais vous poser la même question, mais de l'autre bout. Si on permettait une souscription de capital-actions qui aille au-delà des proportions obligatoires au niveau des actions votantes - vous savez donc que, au niveau du contrôle au conseil d'administration, on prévoit que les actions votantes devront être détenues en majorité par le fondateur municipal - si nous permettions qu'au niveau du capital, de l'apport en capitaux, ça dépasse largement cette possibilité-là, est-ce que vous pensez que les élus municipaux, que le public vont pouvoir continuer à contrôler efficacement cette entreprise de livraison de services publics?

M. Montour (Bruno): Dans cette perspective-là, M. le ministre, si j'ai bien compris le projet de loi comme tel, le contrôle de la décision demeurera toujours au partenaire municipal. Or, nous sommes partis avec cette donnée-là, dans le sens où, bien sûr, s'il n'y a pas intérêt de la part du secteur privé pour s'associer et collaborer à la mise sur pied de la SEM, il n'y aura pas possibilité d'établir un partenariat. Le partenariat devra répondre, si vous voulez, aux avantages, de part et d'autre, du partenaire privé et du partenaire public. Dans cet esprit-là, dépendant des activités municipales qui pourront être transférées à une société d'économie mixte, ça pourrait être de nature à intéresser - et ça, je pense que les expériences-pilotes le démontrent dans un certain sens - le secteur privé qui, d'une certaine façon, jouit d'un quasi-monopole, si vous voulez, dans le marché.

(20 h 30)

Si je prends l'exemple de la collecte des déchets ou des réseaux d'aqueduc, si vous voulez, ou des choses comme ça, c'est un certain monopole que la société aura pendant une certaine période de temps. Donc, il aura peut-être une rentabilité sur son investissement inférieure à court terme, mais peut-être qu'à moyen et à long terme ce sera très profitable pour lui. Et je pense que ce sont les calculs qu'il devra faire avant, bien sûr, de conclure une convention de partenariat. Il regardera tous les aspects, et non seulement à court terme, de son investissement dans la société à capital-actions, mais aussi d'autres considérations qu'il pourrait avoir.

M. Trudel: C'est parce qu'ici je fais la remarque qu'on nous a souvent faite, c'est le danger d'ouvrir à l'élargissement du capital-actions au-delà des actions votantes au conseil d'administration. Parce que, formellement, on pourrait définir, donc, que la majorité doit être toujours sous le contrôle du fondateur municipal. Je peux d'ores et déjà dire, de toute façon, que, si le législateur va plus loin, ce sera toujours cette situation, c'est très clair. Cependant, dans la réalité des faits, si le partenaire privé détenait, exemple, 90 % du capital-actions, est-ce qu'on peut penser que le côté coopératif va résister au côté financier, au niveau des décisions du conseil d'administration? Et là, vous autres, vous êtes bien placés, parce que ça fait au-delà de 100 ans que vous vivez cette situation-là.

M. Montour (Bruno): Il y a un certain équilibre, je pense, à maintenir. Il est très difficile pour moi de vous répondre, compte tenu surtout du peu d'expériences qui ont été tentées au niveau des sociétés. Ce que je pense de la recommandation ou de l'esprit où la recommandation a été faite, c'est beaucoup plus en termes de souplesse, de flexibilité plutôt qu'une norme à 49 %, si vous voulez, ou à 51 %. Il pourrait arriver que ce soit 60 % ou 65 %, par exemple, et que les partenaires municipaux ne puissent pas investir dans une SEM compte tenu de la limite, si vous voulez, à 51 % de détention du capital-actions. Mais je vous avoue que c'est effectivement un danger sur lequel il faut réfléchir. Mais prenez plus l'esprit dans lequel on a fait la recommandation, qui est plus de la souplesse que d'avoir une norme, si vous voulez, à 51 % comme telle.

M. Trudel: Très bien. Une dernière question, pour ma part, à l'égard de toute cette question d'accès à l'information, d'accès aux données à la société d'économie mixte. Ça pose un véritable dilemme, c'est le cas de le dire, ça pose une véritable situation conflictuelle. On introduit les règles du privé dans l'organisation et la livraison de services publics, sous la responsabilité et le contrôle majoritaire du public, avec les règles du privé au niveau de l'organisation et de la livraison des services, et aussi de la règle fondamentale du profit. Mais le secteur privé... On a dit, au début de cette commission: Ça va réussir, une SEM, dans la mesure où ça va être «win-win», ça va être gagnant-gagnant, où les deux parties vont être gagnantes.

Ça m'apparaît difficile - je vous demanderai de commenter un peu plus à l'avant - de soustraire la SEM en général à la loi d'accès à l'information et aux renseignements à caractère nominatif, en ce qui concerne les restrictions. Vous savez d'ailleurs que nous avons, par une modification législative en juin dernier, fait en sorte que les organismes municipaux soient maintenant formellement soumis à la même loi, comme s'ils étaient une municipalité au niveau public. D'ailleurs, à cet égard-là, il y a des causes pendantes. Avec les gens du Haut-Richelieu, là, on n'a pas tout à fait la même interprétation et il y a une cause pendante devant la Commission d'accès à l'information, qui sera jugée, j'imagine, dans les jours ou dans les semaines à venir.

Mais, vous, là, est-ce que vous êtes en train de nous dire: Si vous voulez que ça réussisse, les SEM, prenez l'économie générale du secteur privé plutôt que l'économie générale du secteur public ou des services publics?

M. Montour (Bruno): C'est dans la perspective où on vous faisait cette recommandation-là. Il faut aussi voir, je pense, les inconvénients ou, si vous me permettez, les limites, pour le secteur privé, d'investir dans une SEM. Il n'a pas le contrôle. Il est soumis à des responsabilités, dans le fond, qui ne lui permettent pas, si vous voulez, d'avoir toute la marge de manoeuvre d'une entreprise privée comme telle. Parce que, au-delà, si vous voulez, du service, dans l'avant-projet de loi, il y a un article, à tout le moins, si ma mémoire est bonne, qui insiste sur la qualité des services qui devront être rendus. Il ne pourra rendre les services n'importe comment, si vous voulez, dans ce sens-là.

Or, compte tenu, je dirais, de certains inconvénients qu'il est prêt à accepter pour investir dans une SEM, il faudrait, je pense, à tout le moins, lui garantir la confidentialité de certaines décisions. Et, dans ce que j'énumérais tantôt, je pense en particulier à son plan d'affaires, à ses prix de revient ou à la technologie qui sera mise en vigueur. À ce moment-là, je ne verrais pas pourquoi il aurait un intérêt à développer des procédés ou des prix qui, demain matin, seront, si vous voulez, pris par ses concurrents et qui, dans un autre domaine, dans une autre activité... Vous le pénalisez, en fin de compte, pour ce côté-là. Je pense qu'il y a des avantages et des inconvénients. C'est la difficulté de marier une culture privée et une culture publique. Et je pense que c'est un des points qu'il faudrait que vous considériez avec égard.

M. Trudel: Très bien. Je vois où sont mis les accents. Vous avez une position qui est tout à fait logique, en termes de pensée et d'intégration du privé au secteur public. Même que vous dites, sur l'article 55, là: Raccourcissez la longueur des doigts du ministre pour aller voir ce qui peut se passer dans ces sociétés-là. C'est une position logique avec ce que vous venez de dire ici. Je vous remercie des informations, de ce que vous nous transmettez. Ça va être fort précieux quand on aura à poursuivre notre réflexion et l'action. Je pense que, Mme la Présidente, il y avait peut-être d'autres députés...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Oui, Mme la Présidente. Dans ce projet - en tout cas, oui, ce projet, au sens large du terme - il s'agit de confier, en fin de compte, à un nouveau corps constitué une responsabilité traditionnellement dévolue aux municipalités. Et on permet à une entreprise privée d'intervenir là-dedans. On sait que l'entreprise publique, comme l'a dit M. le ministre tout à l'heure, répond à un certain nombre d'exigences. Elle fournit des services, et c'est sa raison d'être. Et la sanction de son travail, c'est l'élection. C'est de même que c'est sanctionné. C'est le jugement que la population porte sur son travail. Alors que l'entreprise privée, elle, son objectif, c'est de faire des profits. Et là on marie ça ensemble. Alors, évidemment c'est compliqué.

Pour l'entreprise privée, il y a un intérêt. Elle apporte des investissements, mais elle récolte une clientèle captive; c'est ce qui fait son intérêt. Mais, pour avoir cet intérêt-là, il faut qu'elle fasse des concessions à toute la façon de fonctionner que comporte la démocratie, avec les aspects d'instabilité que ça peut comporter. C'est sûr que l'entreprise privée a aussi de l'instabilité dans son fonctionnement, mais qui répond à d'autres règles.

Alors, vous suggérez que des fonctionnaires de la municipalité soient nommés, dans certains cas, pour remplacer des élus qui perdraient leur siège. Actuellement, dans ce qui est prévu, pour assurer la continuité et la stabilité de la SEM, il y aura nécessairement un certain nombre de contrats à respecter, des ententes, et il y aura la convention des actionnaires qui assure une stabilité et une continuité dans le travail. Et, en plus, pour empêcher que les électeurs aient leur mot à dire ou, en tout cas, pour qu'ils n'aient pas trop leur mot à dire dans un aspect de leur investissement, vous dites: Non, pour six mois, là, les électeurs, ils diront ce qu'ils voudront, on n'aura qu'à nommer un fonctionnaire municipal et, pour six mois, la SEM sera à l'abri de l'influence des électeurs. Il me semble que... Je trouve ça bizarre. J'ai de la misère à voir comment ça va avec - je ne sais pas, moi - le respect des règles démocratiques de la municipalité.

(20 h 40)

M. Montour (Bruno): Ce n'est surtout pas dans cet esprit-là qu'on a fait cette recommandation. Au contraire, c'est, tout simplement, pour assurer le bon fonctionnement de la SEM comme telle dans ses affaires courantes, compte tenu de l'avant-projet de loi dont nous avons pris connaissance et du fait que, pour fonctionner et prendre des décisions, il faut que le partenaire municipal fondateur soit sur le conseil d'administration de la SEM. Or, compte tenu des règles du jeu politique, supposons une SEM avec quatre ou cinq administrateurs municipaux qui sont en élection à tour de rôle, à tous les deux ans, et qui perdent, à tous les deux ans, leurs élections. Vous renouvelez votre conseil d'administration pendant cette période-là. Est-ce que l'attitude ou la volonté du nouveau partenaire municipal est dans le même esprit, comparativement à une SEM? Enfin, il peut arriver toutes sortes de situations qui font que la SEM serait un peu en termes d'incapacité, si vous voulez, d'agir ou de prendre des décisions.

Alors, c'est pour ça qu'on dit: À tout le moins, un mécanisme permanent d'au plus six mois. Il n'y a pas obligation de se rendre à six mois. Mais c'est plus pour prévoir ce genre de situation là, ce qui éviterait de freiner le bon fonctionnement de la SEM. Alors, ce n'est surtout pas pour, si vous voulez, transférer la volonté de l'électeur à une SEM plutôt qu'aux élus.

M. Dion: Mais qui prendrait la décision? Ça serait, par exemple, un conseil municipal, la veille de l'élection, qui prendrait la décision de nommer un permanent? Qui prendrait la décision et quand ça se prendrait, cette décision-là?

M. Montour (Bruno): Mais je pense que ça serait au niveau de... Dans notre esprit, c'était de l'inscrire dans la loi comme telle, avec un mécanisme permanent de substitution qui dit que c'est soit le directeur général de la municipalité, soit son secrétaire-trésorier ou tout autre fonctionnaire que vous jugerez apte à ce genre de situation là. Ça serait, si vous voulez, une substitution automatique, dans ce cadre-là. Il est bien sûr qu'un nouveau conseil municipal, si vous voulez, pourrait, au contraire - et c'est ce qu'on souhaite - nommer un autre représentant. Mais, s'il y a des difficultés de ce côté-là - et je dis bien si - le mécanisme de substitution automatique pourrait jouer.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saguenay, il vous reste une minute.

M. Gagnon: Toujours dans la foulée de ce qui est abordé, là.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous êtes toujours dans la dernière minute.

M. Gagnon: Oui. Est-ce qu'il faudrait plutôt comprendre, avec la réponse que vous donnez, que la corporation municipale, représentée par son conseil, devrait avoir la latitude pour y déléguer la personne qu'elle pense qui représenterait le mieux les intérêts de la corporation, incluant un administrateur ou un permanent de son organisation? C'était ça, là, votre...

M. Montour (Bruno): Oui.

M. Gagnon: C'est plus dans cet...

M. Montour (Bruno): C'est plus dans cet esprit-là, M. le député. Comme toujours, je veux dire, l'objectif recherché, c'est d'éviter de freiner la bonne marche, là, pour que ça continue, que les décisions se prennent. C'est dans ce sens-là, au cas où il y aurait une problématique très particulière, dans ce cas-là.

M. Gagnon: Sur la question de l'accès à l'information et de la protection des renseignements commerciaux et industriels, est-ce qu'il y a des dispositions dans la loi actuelle qui, à votre point de vue, seraient suffisamment irritantes, de telle sorte qu'on pourrait croire que les protections qui sont actuellement accordées dans la loi, pourraient être contournées via une société d'économie mixte? Je saisis mal quelle disposition des protections actuelles pourrait être contournée.

M. Montour (Bruno): Oui. Bien, dans ce sens-là, M. le député, c'est plus dans l'orientation où la société d'économie mixte, étant une personne morale de droit privé, devrait avoir, si vous voulez, les mêmes réglementations par rapport à cet aspect de la loi de l'accès à l'information. Par contre, en étant également une société publique, le danger qu'on y voit, c'est que, compte tenu des rapports qui devront être soumis, ce qu'on trouve également très normal dans ce cadre-ci, elle se retrouve un peu tout partout dans cette situation-là. Pour une entreprise privée qui a, disons, par exemple, une technologie particulière, les devis, les procédés de cette technologie-là, dans mon esprit, ne devraient pas se retrouver sur la place publique.

M. Gagnon: Mais ces protections-là sont déjà dans...

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Saguenay, votre minute est largement dépassée. Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie, messieurs, pour le mémoire qui est évidemment fort utile pour le cheminement et l'éclairage de cette commission. Je voulais vous demander... D'abord, un commentaire. Vous voyez ça très large. Les SEM peuvent envahir presque tous les champs d'activité, d'après ma compréhension de votre propre compréhension. Il n'y a pas de limites, finalement, sauf celles qui seraient dans le projet de loi. Est-ce que je me trompe?

M. Montour (Bruno): Non, effectivement, Mme la députée.

Mme Delisle: Bon. Puisque vous m'avez répondu que j'avais bien compris, est-ce que vous ne croyez pas que d'en envahir grand, de prendre des champs d'activité qui déborderaient même des responsabilités municipales... Parce que ça peut aller loin. Ça peut aller dans la vente de produits ou sous-produits. Qu'on pense à la cueillette des déchets. On peut penser qu'une SEM pourrait développer une technologie d'entretien de routes ou, enfin, peu importe, et vendre le «know-how». Les citoyens vont certainement s'y perdre un peu, là. Est-ce que vous ne pensez pas qu'on s'écarte des responsabilités qui incombent à un conseil municipal? Je dois vous dire tout de suite que je n'ai rien contre les SEM, là.

M. Montour (Bruno): Oui.

Mme Delisle: Ce n'est pas le but... Je n'essaie pas de vous coincer, mais je trouve que vous en menez large dans votre façon de voir les choses.

M. Montour (Bruno): Mais c'est peut-être, Mme la députée, qu'on a une orientation, en termes de processus de développement, qui repose sur, si vous voulez, l'entrepreneurship, la volonté et la détermination des gens, locaux et régionaux, de se prendre en main. Dans ce sens-là, il est bien sûr que c'est le plus large possible, tout en étant bien conscient que ce n'est pas demain matin que tous ces champs d'activité là vont être envahis par le secteur privé.

Ceci étant dit, la lecture que nous avons faite de l'avant-projet de loi nous conduisait également à la restriction d'activités qui sont complémentaires. Alors, si ma mémoire est bonne, au niveau de l'avant-projet de loi, une SEM ne pourrait pas produire des biens et services dans une activité qui ne serait pas complémentaire à l'activité, par exemple, d'un réseau de transport en commun. Dans le sens suivant, c'est que la gestion du réseau pourrait être de la nature de la SEM, mais non pas la construction des autobus, si vous voulez.

Mme Delisle: O.K. Non, ça...

M. Montour (Bruno): Ça, c'est très différent. Alors, pour nous, ce n'était pas la construction d'autobus; c'était la gestion du réseau.

Mme Delisle: Le projet de loi a été sanctionné en juin 1995, vous autorisant à travailler avec la municipalité conjointement à la création de la SEM. Où sont rendues vos démarches actuellement? Est-ce que ça va bien? Parce que, si vous aviez des embûches, ça nous ferait plaisir de les entendre pour apporter des correctifs. S'il n'y en a pas, tant mieux!

M. Montour (Bruno): Vous parlez du cas de Saint-Anselme, Mme la députée? C'est ça?

Mme Delisle: Oui.

M. Montour (Bruno): J'inviterais M. Côté à vous répondre sur cette question-là.

La Présidente (Mme Bélanger): M. Côté.

M. Côté (Herman): Oui.

Mme Delisle: Bonsoir.

M. Côté (Herman): Bonsoir, Mme la députée. De fait - comment dirais-je - le bébé a eu son acte de naissance l'an passé, vous le disiez, là. Évidemment, mes contacts récents avec les représentants de la caisse m'ont confirmé que la mise en place de la convention d'actionnaires était en phase d'être complétée incessamment, que l'un des partenaires privés allait, d'ici une couple de semaines, compléter ou prendre sa décision en termes d'implication financière. Et le plan d'affaires est - comment dirais-je - en rédaction finale. Déjà, on a une estimation du programme d'investissement à être réalisé, concernant les infrastructures du parc industriel. Déjà, les chiffres sont pas mal cernés, mais on peut penser qu'au cours des prochaines semaines ou des prochains mois, en tout cas... La réalisation, c'est prévu pour 1996.

Mme Delisle: O.K.

M. Côté (Herman): Mais, à ce stade-ci, je n'ai pas d'indication comme quoi il y aurait des éléments irritants pouvant originer, par exemple, des contraintes du projet de loi privé qui a été adopté, là. À date, personne ne semble manifester de réserves.

Mme Delisle: Est-ce que...

(20 h 50)

M. Côté (Herman): On semble bien vouloir fonctionner dans le cadre qui a été dévolu à ce projet-là.

Mme Delisle: Ma question s'adresse aux trois ou à un des trois. Plusieurs intervenants nous ont parlé du choix du partenaire privé. Certains trouvaient que c'était du ressort du fondateur municipal de choisir l'entreprise avec laquelle il voulait s'associer. D'autres, afin de mieux protéger le citoyen et d'éviter, enfin, ce qu'on appelle les conflits d'intérêts ou toute situation qui pourrait s'avérer désagréable, nous suggéraient plutôt d'exiger, et donc de l'encadrer dans la loi, que le choix du partenaire privé se fasse par appel de propositions, évidemment avec des critères que le fondateur municipal mettrait sur la table, avec des balises. Et ça demeurerait toujours à la discrétion du fondateur municipal de choisir avec qui il veut travailler; ça, c'est certain. Avez-vous réfléchi à cette possibilité-là? Ou comment devrait se faire, plutôt, le choix du partenaire privé?

M. Montour (Bruno): La réflexion qu'on a faite à ce sujet-là, madame, nous a amenés à conclure sur plus, si vous me permettez l'expression, la liberté de choix des partenaires municipaux dans ce cadre-là. Je vous avoue que je n'ai aucune réticence à des appels de propositions sur invitation par rapport à ça, mais il me semble qu'il faut considérer les bénéfices, si vous voulez, ou les intérêts, de part et d'autre, dans la SEM. Si le partenaire municipal se sent mal à l'aise avec une entreprise qui s'offre à s'associer, il est de son ressort ou de sa décision de ne pas élaborer la SEM, de ne pas la faire, pardon. Et le principe qu'on mettait de l'avant, madame, c'était de laisser au partenaire municipal le soin de prendre la démarche, si vous voulez, ou l'outil qui faisait son affaire pour créer la SEM. C'est l'objectif et non pas le moyen, à ce moment-là. Et nous pensons qu'ils sont en mesure de choisir leurs partenaires.

Mme Delisle: Est-ce que je peux vous demander si vous avez travaillé personnellement, tous les trois, ou l'un des trois, ou deux des trois, au projet de SEM de Saint-Anselme? Non?

M. Montour (Bruno): Alors, madame, c'est surtout le directeur de la caisse de Saint-Anselme qui a travaillé à ce projet-là, comme tel. Et, malheureusement, ce soir, il ne pouvait pas être présent, avec la maladie...

Mme Delisle: Bien, monsieur, ce n'est pas un reproche, là.

M. Montour (Bruno): C'est lui, personnellement.

Mme Delisle: O.K. Monsieur, vous avez fait référence à un code de déontologie.

Une voix: Oui.

Mme Delisle: Vous le verriez inséré de quelle façon dans le projet de loi?

M. Montour (Bruno): C'est-à-dire une inclusion, un article, si vous voulez, qui donnerait les grands principes directeurs d'un code de déontologie et qui obligerait la SEM à se doter d'un code de déontologie, si vous voulez, comme tel.

Mme Delisle: O.K.

M. Montour (Bruno): C'est des grands principes, là, bien sûr. Il faudrait voir l'application de façon pratique.

Mme Delisle: On sait, il est certain, combien les caisses populaires, dans toutes nos régions, dans toutes nos municipalités, nos villages et nos villes, sont non seulement impliquées, mais sont toujours prêtes à s'impliquer. Moi pour une, j'en avais deux, trois même, dans la ville où j'étais maire avant, et ça a toujours été un plaisir de travailler avec les caisses populaires; je pense qu'on n'a pas à en faire la démonstration. Par contre, quand on parle au niveau des sociétés d'économie mixte et de l'implication des caisses, il faut vous voir évidemment comme une entreprise privée, là. Vous n'êtes pas venus ici, ce soir, parler juste pour et en faveur des SEM, mais bien dans la perspective où vous êtes vous-même, comme caisse, une des caisses, en tout cas, dans votre réseau, impliqués. Mais vous souhaitez aussi vous impliquer davantage dans vos régions et tout ça.

Il y a une notion qui est revenue à plusieurs reprises et qui faisait de la privatisation un synonyme de société d'économie mixte. Est-ce que vous êtes à l'aise avec ce synonyme-là? Est-ce que vous voyez la création des sociétés d'économie mixte comme la privatisation de certains services municipaux?

M. Montour (Bruno): Personnellement, je pense que, nous, en tout cas ici, on le voie... Il faudrait peut-être s'entendre sur le concept de privatisation comme tel. Une privatisation, dans notre esprit, c'est une activité publique qui est transférée à une entreprise privée, au sens très privé du terme, alors que, là, nous avons un mariage entre le privé et le public. Donc, ce n'est pas une privatisation au sens très strict. Nous le voyons beaucoup plus en termes d'efficacité ou d'efficience.

Mme Delisle: O.K.

M. Montour (Bruno): Comme dirait M. Béland, on a procédé dans le secteur privé à une révision de nos façons de faire. Et je pense qu'il est temps de le faire et de réviser nos façons de faire au niveau politique. Et c'est dans cet esprit-là qu'on voit les SEM.

Mme Delisle: Je vous remercie, M. Montour.

M. Montour (Bruno): Merci, madame.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? Alors, nous vous remercions, MM. Montour, Thibault et Côté, pour votre participation. Alors, la commission va suspendre quelques instants, le temps de changer d'invités.

(Suspension de la séance à 20 h 57)

(Reprise à 20 h 59)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission reprend ses travaux. Le mandat est toujours de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur les sociétés d'économie mixte dans le secteur municipal. Alors, nous avons comme invité Compo-Sortium, représenté par M. André Verrette, directeur des affaires gouvernementales et publiques. Je pense, M. Verrette, que vous êtes ici depuis le début; vous connaissez les règles du jeu. Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire. Avant de présenter votre mémoire, vous allez me présenter les personnes qui vous accompagnent.


Compo-Sortium inc.

M. Verrette (André): Je m'y apprêtais, Mme la Présidente. Mme la Présidente, membres de la commission, M. le ministre, j'aimerais vous présenter les gens qui m'accompagnent. Vous avez, à ma gauche, Me Christine Marsan, d'Ogilvy & Renault. Me Marsan est spécialisée en droit corporatif. J'ai, à ma droite, Mme Louise Beaulieu, que les membres de la commission connaissent déjà, mais, ce soir, elle a son chandail Compo-Sortium. Mme Beaulieu travaille pour Beaulieu, Vallée et Matte; elle est urbaniste et avocate. Et, complètement à ma droite, M. Sylvain Monarque, de chez Samson, Bélair, Deloitte et Touche, spécialisé en fiscalité.

(21 heures)

Alors, située à Saint-Hubert, notre société est incorporée selon la partie IA de la Loi sur les compagnies. Ayant pignon sur rue depuis le 1er octobre 1993, Compo-Sortium se compose de professionnels en gestion intégrée des déchets. En association avec les pouvoirs publics, régionaux, intermunicipaux et locaux, nous investissons nos capitaux et notre savoir-faire via la formation de sociétés d'économie mixte. Déjà à l'avant-garde en matière de gestion intégrée des déchets, Compo-Sortium est la seule entreprise privée québécoise qui, dans le domaine des déchets, prône un traitement maximum de ceux-ci, et ce, au détriment de l'enfouissement. Révolutionnaire, certes, l'approche Compo-Sortium ne l'est pas seulement en matière de traitement des déchets. Assortie d'une offre de cogestion publique-privée sans précédent au Québec, la société d'économie mixte se veut, pour nous, la réponse toute québécoise à la problématique de la gestion de nos déchets.

C'est ainsi que sanctionnée via l'adoption du projet de loi privé 211 Compo-Haut-Richelieu, détenue à 60 % par la MRC du Haut-Richelieu et à 40 % par Compo-Sortium, est devenue le projet-pilote québécois en matière de traitement des déchets. Unique au Québec de par sa composition, sa façon d'opérer et son mandat, la société d'économie mixte Compo-Haut-Richelieu se veut le fruit d'un cheminement des plus particuliers.

Bien que nos associés du public partagent certainement ce sens de la particularité, notre présentation reflète les perceptions et attentes du partenaire privé qu'est Compo-Sortium. Donc, de façon générale, nous ferons le point sur ce qu'est et doit être une SEM, le tout à partir de l'expérience vue et vécue par le privé. Dans un premier temps, nous traiterons donc de façon générale des contraintes rencontrées dans le processus de création et de mise en opération d'une SEM. Riche d'enseignements, le chemin parcouru nous a permis de voir les écueils à éviter et surtout de bien comprendre que le mariage entre le public et le privé est une entreprise tributaire d'une dynamique à créer de toutes pièces. Cette dynamique à établir entre le privé et le public constitue le défi majeur à relever. La tâche est loin d'être impossible: les Européens y sont arrivés. Il s'agit de créer les conditions propices à l'atteinte du plein potentiel que l'on espère d'une SEM. À ce chapitre, le mot clé est «équilibre». C'est pourquoi, et toujours à partir de l'expérience vécue, nous avons donc demandé aux experts, qui vivent cette première avec nous depuis le début, de participer à la présente commission.

Chez Compo-Sortium, nous croyons fermement que, sans être le remède à tous les maux, la SEM recèle un potentiel extraordinaire. L'association sans précédent entre le public et le privé, qui constitue l'essence même de la SEM, fait de celle-ci non seulement le véhicule où se conjuguent les ressources du public, le savoir-faire et les capitaux du privé, mais aussi le lieu où se matérialise une façon de voir et de faire qui se veut le fruit d'un équilibre entre le service public et la recherche du profit. En ce sens, la SEM, à titre de compagnie privée, recherche la rentabilité, certes, mais elle ne peut le faire comme un privé tel qu'on le conçoit généralement. La présence de l'associé public, majoritaire de surcroît, oblige le partenaire privé à un exercice de solution de problèmes tout à fait différent. Il va sans dire que le partenaire public est condamné au même exercice. N'oublions pas que le privé possède l'expertise et met son argent dans la caisse. Résultat pour le citoyen: garantie d'un meilleur service à moindre coût. Donc, cette rencontre entre le public et le privé qu'est la SEM condamne les deux associés à un engagement et à un modus vivendi marqués par l'efficience, l'efficacité et le rendement avec, en toile de fond, l'omniprésence du citoyen. À ce chapitre, les discussions qui vont suivre nous permettront de mieux illustrer notre propos.

Toutefois, pour que la SEM puisse concrétiser son potentiel et que le citoyen puisse en profiter pleinement, il existe des prémisses incontournables. La première de ces prémisses est que la SEM ne peut être que le fruit d'une association entre deux partenaires et qu'obligatoirement un des partenaires doit être un public alors que l'autre sera un privé. La mixité entre les ressources du public et le savoir-faire, ainsi que les capitaux du privé constituent l'essence de cette union. Toute la dynamique qui se crée nécessairement entre les intérêts et les capacités du public et du privé anime l'échange quotidien entre les deux associés. De cet échange émane une convergence des actions dont l'objectif est un service accru et à meilleur coût.

À ce niveau, d'ailleurs, il faut bien comprendre qu'une SEM est créatrice de richesse. Aujourd'hui, personne n'a encore remis en question qu'entreprise privée et création de richesse vont de pair, alors que la fonction première d'un corps public demeure la redistribution de cette richesse. Mais encore faut-il qu'il y ait richesse à distribuer. Donc, pour qu'une SEM puisse créer de la richesse et, conséquemment, la distribuer, il faut d'abord s'assurer de la présence d'un actionnaire dont le savoir-faire et l'activité permettent de générer du profit. D'ailleurs, à la lumière des expériences faites en Europe, partout où on a dérogé à ce principe, les SEM ont connu des problèmes majeurs.

Autre élément important relatif à la présence du privé au sein de la SEM: l'actionnaire majoritaire qu'est le public doit s'assurer que l'associé minoritaire privé mette véritablement ses billes au jeu en risquant sur ses conseils. Cela implique une participation financière tangible. C'est là une condition essentielle pour le public de s'assurer une participation pleine et entière du privé au sein et au profit de la SEM. À cet égard, nous jugeons le plancher de 20 % que fixe l'avant-projet de loi nettement insuffisant. Nous y reviendrons.

Autre prémisse que nous considérons comme incontournable: le modèle de gestion d'une SEM se doit d'être de nature privée. Évoluant dans un contexte régi par les lois du marché, se voulant créatrice de richesse et génératrice de développement économique, la SEM doit posséder la capacité d'utiliser au maximum les outils de gestion caractéristiques du secteur privé. Efficience, efficacité et économie obligent la SEM au recours du plein potentiel de ses ressources humaines et financières. Ici, tout le monde aura compris qu'à titre d'entreprise privée évoluant dans une économie de marché la SEM se doit de posséder la souplesse administrative nécessaire pour faire face rapidement aux conditions changeantes qui rythment la vie d'une entreprise privée. À ce sujet, d'ailleurs, l'expérience vécue nous a permis de faire pleinement connaissance avec les us et coutumes qui régissent l'administration publique.

Déjà, qu'il soit impossible pour nous de faire abstraction du processus démocratique qui rythme la politique municipale et de la concertation qui caractérise la prise de décisions chez l'associé public, vous conviendrez que, pour le privé que nous sommes, tout contrôle supplémentaire auquel doit se soumettre l'associé public a nécessairement des conséquences majeures sur le fonctionnement de la SEM, conséquences qui inévitablement auront des répercussions sur le coût et la façon de rendre le service pour lequel la SEM a été créée.

En clair, le processus décisionnel et le fonctionnement de la SEM doivent profiter d'un encadrement juridique qui ne peut faire abstraction des règles qui régissent une économie de marché. Tout le défi repose sur l'établissement d'un modus vivendi où chacun des associés possède la marge de manoeuvre pour jouer pleinement son rôle. Chaque contrôle supplémentaire entrave cette marge de manoeuvre et hypothèque le potentiel de la SEM. En cette matière, l'avant-projet de loi mérite une révision sérieuse. Le modèle de gestion de la SEM doit être bâti de façon à répondre aux exigences d'une économie de marché; c'est là une condition sine qua non.

Cela nous amène à la troisième prémisse: une SEM est une compagnie privée à but lucratif. Une compagnie privée investit du capital de risque. Qui dit investissement dit retour sur cet investissement, cela étant la substance même de l'implication du privé au sein d'une SEM. Sans un potentiel de profit que nous voulons raisonnable, jamais le secteur privé n'acceptera d'investir ses capitaux et son savoir-faire au sein d'une telle entreprise. Hormis la présence du partenaire privé, la SEM n'existe pas. Qui plus est, dans le cas qui nous occupe, si l'entreprise privée génère des profits, l'associé majoritaire qu'est le public en bénéficiera, les profits étant partagés selon le pourcentage des actions. Sinon, comme tout le monde le sait, une compagnie qui ne peut faire de profits se retrouve rapidement en difficulté.

Vous me permettrez ici d'ouvrir une parenthèse et d'attirer l'attention des membres de la commission sur un aspect qui devra être discuté: il s'agit de l'impôt à payer. Pour nous, qui dit profit dit impôt, le tout va de soi. Pour des associés publics, vous comprendrez que c'est une autre histoire. D'autant plus que, une fois les réinvestissements nécessaires réalisés, nous comprenons les associés publics de vouloir en faire bénéficier leurs citoyens, intention que nous partageons totalement puisque nous retrouvons là un des éléments importants du mandat d'une SEM: une gestion à meilleur coût. Le retour sur l'investissement contribue à la réduction des frais de gestion. N'étant déjà pas soumis aux impôts, l'actionnaire public ne peut et ne doit pas être pénalisé. Il y a là des règles à établir.

(21 h 10)

Enfin, dernière prémisse incontournable: le contrôle majoritaire de l'associé public au sein de la SEM. Le mandat premier de la SEM étant de gérer une activité d'intérêt général au profit du citoyen et à meilleur coût, celui-ci doit être assuré que ses intérêts sont protégés. Outre la gestion à meilleur coût, la SEM a aussi la capacité de générer des profits dans des secteurs connexes à l'activité d'intérêt général pour laquelle elle a reçu mandat. Il devient donc impératif pour l'associé public de posséder la majorité à la fois au conseil d'administration de la compagnie et en ce qui concerne la propriété des actions votantes. Fort de cette majorité, l'associé public s'assure ainsi que son associé privé gérera efficacement, le conseillera de façon judicieuse et investira où un profit potentiel existe. Ainsi, via ses élus, le citoyen s'assure non seulement d'une présence au sein de la SEM, mais aussi d'une voix prédominante au niveau de la direction.

Ici, l'avant-projet de loi est clair et le principe bien établi. De façon générale et en ce qui nous concerne, il est hors de question de remettre ce principe en cause. Vous comprendrez qu'il s'agit là d'établir toutefois un principe via la loi à venir. À défaut de s'y conformer, un rendement adéquat sur les sommes investies devrait être négocié entre les parties. Toutefois, afin de maintenir le jeu d'équilibre entre le public et le privé et de faire contrepoids au contrôle majoritaire du public, nous considérons comme impératif que le projet de loi cadre introduise un article complémentaire prévoyant que chacun des partenaires, public et privé, doit participer, au prorata de sa détention d'actions comportant droit de vote, aux garanties et investissements requis pour les fins de la SEM.

En résumé, et vous me permettrez de citer M. Albouy, «la société d'économie mixte se définit comme une société dans laquelle des capitaux privés sont associés à des capitaux publics en vue de gérer une activité d'intérêt général. La société d'économie mixte est donc une institution de droit privé... C'est la solution relais entre la nationalisation et la gestion simplement privée». Corporation privée à but lucratif, la SEM est une entreprise où un associé majoritaire public et un associé privé mettent en commun leurs ressources et leurs capacités. C'est ainsi que, forte des pouvoirs du public, de même que des capitaux et du savoir-faire du privé, la SEM peut fournir au citoyen un service de qualité supérieure et à moindre coût.

Connue en Europe depuis plus de 75 ans - la première est venue au monde en Allemagne - l'expérience démontre toutefois que, si nous voulons que la SEM génère les fruits escomptés en matière de création de richesse et de développement économique, il existe des conditions de base incontournables: un, la SEM est l'association entre un public et un privé; deux, le modèle de gestion de la SEM doit être privé; trois, le statut de la SEM doit être celui d'une corporation à but lucratif; quatre, pour le bien du citoyen, le contrôle majoritaire de la SEM doit être détenu par l'associé public.

En ce sens, nous rejoignons donc M. Albouy lorsque celui-ci avance que, relativement à la SEM, «son statut de droit privé lui permet d'avoir un véritable comportement d'entreprise, d'être responsable, de gérer avec efficacité les services les plus divers... Elle doit aussi pouvoir être concurrente de l'initiative privée; elle doit avoir des ressources privées et ne pas vivre exclusivement de subventions». La SEM reste tout de même soumise «au contrôle de la collectivité locale». Une fois ces conditions respectées, la dynamique public-privé joue pleinement. La SEM peut donc gérer l'activité d'intérêt général pour laquelle elle a été mandatée avec toutes les capacités dont elle a besoin, le tout, bien sûr, à la seule fin de mieux servir le citoyen.

En conclusion, pour Compo-Sortium, oui à une loi-cadre, en autant que le mot «cadre» ne signifie pas «carcan». La pierre d'assise du projet de loi cadre doit être l'établissement de principes qui vont permettre un jeu d'équilibre entre les deux associés et non pas l'ajout d'une série de contrôles, comme c'est trop souvent le cas dans l'avant-projet de loi que nous avons actuellement. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Verrette. M. le ministre.

M. Trudel: M. Verrette et vos collègues, Mme Beaulieu qu'on a déjà vue ici, on revoit votre analyse et vos remarques, et, si on prend les remarques de chacun et de chacune, on en a au moins jusqu'à minuit ce soir. On va s'en tenir à l'économie générale, si vous voulez, de votre présentation avec vos collègues, M. Monarque également, de chez Samson, Bélair, et Me Marsan, de chez Ogilvy & Renault.

J'allais dire, lorsque vous vous êtes présentés à la barre: Enfin, on en voit un, partenaire privé qui se montre le bout du nez. Et là ça devient extrêmement important qu'on puisse compter sur votre expérience, parce que vous l'avez comme vécu de A à Z et vous le vivez encore, ce processus de la société d'économie mixte, et là vous n'êtes plus dans la théorie; vous êtes dans la pratique jusqu'aux oreilles, si j'en crois les remarques que vous nous présentez aujourd'hui.

L'un des aspects les plus importants de votre examen et des impressions que vous nous livrez aujourd'hui, c'est le fait que vous jugez essentielle la participation financière, l'implication financière du partenaire municipal. Je vais poser la question comme je le pense: Est-ce que vous êtes en train de nous dire que, chez les élus municipaux membres du conseil d'administration et représentant le fondateur municipal, les préoccupations ne sont pas suffisamment sérieuses et la responsabilisation n'est pas suffisamment profonde pour accompagner les principes du secteur privé pour être dans une société d'économie mixte? C'est ça que vous êtes en train de nous dire?

M. Verrette (André): Non. Vous comprendrez, M. le ministre, que ce n'est pas tout à fait ça. Je pense qu'il faut bien comprendre que, le bébé, il n'a pas encore trois ans; ça fait qu'on se lève encore la nuit pour le faire boire, je peux vous dire ça. Ha, ha, ha! C'est peut-être Mme Marsan qui m'inspire, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Verrette (André): Mais définitivement la SEM, au Québec, actuellement, c'est une évolution des mentalités et aussi c'est une rencontre de deux cultures: l'association du public et du privé au sein d'une même compagnie. Et je comprends mes associés publics qui, eux aussi, il ne faut pas se le cacher, sont à l'école tout à fait comme nous. Moi, je deviens de moins en moins privé dans ma façon de voir les choses et je suis convaincu que mes associés publics commencent à être un peu moins publics, parce qu'on est obligés de regarder un ensemble en sachant très bien que, la SEM à laquelle nous travaillons présentement, on va être obligés tous les deux de mettre de l'eau dans notre vin et de se mouiller encore un peu plus pour continuer à la faire avancer pour faire en sorte qu'elle puisse générer les fruits qu'on en attend.

Et un des éléments qui est quand même assez important, c'est que, lorsque vous mettez... Je prends l'expression «mettre des billes au jeu», et, nous, privés, à ce niveau-là, je pense qu'on les a mises et que les conditions sont faites pour qu'on les mette. On est d'accord avec ça et on était d'accord avec le fait que Compo-Haut-Richelieu, c'est quand même une expérience-pilote. C'est la première, c'est une vitrine, c'est un laboratoire. Il y a des choses qu'on a prévues et il y a encore des choses qu'on va découvrir. On savait qu'on n'avait pas toutes les réponses, mais que, si on ne décidait pas de jouer, on ne pourrait pas aller plus loin. Mais, moi, je dis que, si on veut que l'arbre donne les fruits qu'il a à donner, il va nécessairement falloir, du côté du public, qu'il y ait une implication financière, je vous dirais, un peu plus importante, dans le sens que, si on y va tous les deux ensemble, quitte à ce qu'on prenne les bouchées moins grosses, il faudra qu'on y aille de façon un peu plus prudente en termes d'investissement.

Je vais juste vous donner un exemple: cette année, on a voté un budget d'opération de 4 000 000 $, on a 3 000 000 $ d'investissement à faire. Bon. Moi, j'ai 40 % des actions, mon associé public en a 60 %. Si on y va tous les deux au prorata des actions avec droit de vote, je ne sais pas si on aurait investi 3 000 000 $. Peut-être qu'on l'aurait fait quand même, mais peut-être qu'on aurait dit: Bien, là, on va y aller un petit peu plus tranquillement; cette année, on va faire ça, on va regarder comment ça va et, à partir de là, l'an prochain, on en mettra un peu plus et un peu plus. On évolue. Ça évolue.

Mais la question, c'est de mettre un jeu d'équilibre. Parce qu'il ne faut pas se le cacher: même si, moi, du privé, je mets plus d'argent que mon associé public, je suis toujours soumis à la majorité du public tant au niveau du C.A. qu'au niveau des actions votantes. Évidemment, il y a des contreparties dans la convention d'actionnaires et tout, mais il y a un jeu, il y a un équilibre, il y a un échange qui est à établir. Pour nous, à la lumière de ce qu'on voit jusqu'ici - et je parle évidemment pour des SEM qui sont en devenir, parce qu'on parle de projet de loi cadre; on n'en est pas encore rendus là - un des éléments fondamentaux qui sera à regarder sérieusement, c'est, pour les deux partenaires, s'il n'y a pas eu négociation dans la convention ou à défaut d'entente ou quelque chose, de fixer que tout le monde se mouille et qu'on y va. Et ça, c'est de quoi à prendre en considération.

(21 h 20)

D'ailleurs, peut-être que je vais passer un petit peu la parole à Me Marsan, juste pour vous référer à la partie IA de la Loi sur les compagnies et voir c'est quoi, un actionnaire minoritaire et quel type de protection ça a.

La Présidente (Mme Bélanger): Me Marsan.

Mme Marsan (Christine M.): Oui. Alors, peut-être pour préciser cette pensée-là de participation, de prévoir une participation des deux partenaires à défaut d'entente, c'est dire qu'au niveau corporatif les actionnaires ne sont pas tenus par la loi d'injecter des nouveaux capitaux dans la compagnie. Par ailleurs, il y a un autre article dans votre projet de loi qui confirme la non-appropriation de certains biens, des biens d'utilité publique, ce qui fait que ça limite grandement l'accès de la SEM à un financement normal. Donc, tout excédent de besoin de financement devrait être fourni par les partenaires. Si les partenaires ne s'entendent pas, on en vient à avoir, dans le fond, un véhicule qui est pratiquement non opérationnel.

D'ailleurs, dans l'expérience de la société d'économie mixte Compo-Haut-Richelieu, ça fait presque deux ans qu'on discute des investissements, puis des rendements. Ça a pris pratiquement un an avant de conclure une convention d'actionnaires qui prévoyait des pourcentages, puis encore on ne s'entend pas tout à fait sur les rendements. Alors, ça crée beaucoup d'inconvénients en termes de temps, de négociation et ça brime un peu le fonctionnement de ce véhicule qu'on veut efficace.

Alors, la suggestion, c'est de dire: Oui, il faut laisser une certaine liberté aux partenaires, mais peut-être prévoir comme cadre une participation, que ce soit un prorata ou autre, au financement et aux garanties de base à défaut d'entente contraire. C'est sûr qu'on pourra, à ce moment-là, décider: Bon, le privé va prendre une participation peut-être supérieure au parapublic. Et l'intérêt de ça, c'est que les deux partenaires sont dans le même bateau, ont les mêmes intérêts. C'est sûr que le minoritaire, qui doit investir beaucoup d'argent et qui n'a aucun pouvoir, finalement, de décision, c'est difficile pour lui d'investir des sommes importantes sans avoir un rendement garanti.

Prenez, par exemple, si on fait un investissement, on peut le faire en capital-actions ou on peut le faire en dette. Si on le fait en capital-actions avec un rendement sur base de dividendes, les dividendes sont votés de façon discrétionnaire par le conseil d'administration qui est lui-même contrôlé par la municipalité. Donc, le minoritaire devient captif de la SEM, finalement, sans avoir de garantie de rendement sur ses investissements. Donc, ça se joue... Si on veut que le privé participe pleinement, tout en gardant le concept de majorité au conseil et à l'actionnariat, il faut quand même lui donner d'autres types de protection. C'est pour ça que, nous, on envisageait, dans le cadre d'un projet de loi, qu'à défaut d'entente on ait au moins une règle de base qui permette un meilleur équilibre.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le ministre.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. On comprend cette préoccupation, par exemple sur le plan légal, pour la protection des actionnaires majoritaires. Mais il faut aussi considérer que, le partenaire public, il a un apport intangible non négligeable: il amène l'objet de l'activité, il ouvre le secteur d'activité au privé. Là-dessus, c'est une question évidemment d'opinion pour l'instant, mais j'ai envie de vous poser une question beaucoup plus carrée que celle-là: Ça fait trois ans que vous y êtes?

M. Verrette (André): Pardon?

M. Trudel: Ça fait trois ans que vous y êtes, à travailler sur la SEM et à l'opérer?

M. Verrette (André): La SEM est opérationnelle...

M. Trudel: Deux ans?

M. Verrette (André): ...depuis le 1er janvier. Les deux années précédentes, ça a été vraiment statut, mandat, contrats de gestion, convention d'actionnaires. Mais dites-vous que, quand on dit deux ans, il faut faire attention, c'est la première. L'arrimage des lois publiques-privées au Québec, ça n'était pas fait.

M. Trudel: Non, non, non. Pas du tout.

M. Verrette (André): C'est ces gens-là qui ont fait ça.

M. Trudel: Oui.

M. Verrette (André): Toute la fiscalité, elle n'était pas faite. Il a fallu créer de toutes pièces. Et, comme vous le savez, chez nous, on a des associés majoritaires qui sont belges et, donc, il a fallu traduire le belge en québécois et, après, marier tout ce beau... Je peux vous dire que ça n'a pas été de la tarte. On était dans le neuf-neuf, comme je vous l'ai entendu dire à quelques occasions.

M. Trudel: Oui.

M. Verrette (André): Il fallait créer de toutes pièces, et ça, ça a été difficile, parce que tu ne prévois pas toutes les conséquences et, des fois... Il faut essayer de voir. Mais il y avait des termes qui n'existaient même pas, il y avait des choses... Comment vous mariez une fiscalité municipale avec une fiscalité privée? D'ailleurs, on se pose encore les questions aujourd'hui. Quand je vous parlais d'impôt, tantôt, de ces choses-là, c'est tout ça qu'on a essayé de débroussailler pour au moins ouvrir le chemin pour avoir une base à partir de laquelle on pourra bâtir un peu plus solidement.

Et, si vous me permettez, M. le ministre...

M. Trudel: Oui.

M. Verrette (André): ...je vais revenir sur le public qui m'offre l'occasion d'affaires.

M. Trudel: Oui.

M. Verrette (André): Je suis d'accord avec vous que le public offre l'occasion d'affaires, mais le privé amène aussi son savoir-faire et ses capitaux qui permettent de matérialiser l'offre d'affaires. Ce n'est pas tout d'avoir une bonne idée ou d'avoir un bon terrain. Si ça te prend un partenaire pour pouvoir le développer, si on n'est pas tous les deux, il n'y a pas d'affaire, tout simplement. Et je pense que c'est à prendre en considération, ça aussi.

M. Trudel: C'est parce que, parfois, on est à se demander si un bon contrat de sous-traitance par le privé ne vaut pas mieux qu'une SEM.

M. Verrette (André): Pardon?

M. Trudel: On est à se demander, parfois, si un bon contrat du privé en sous-traitance ne vaudrait pas mieux qu'une SEM.

M. Verrette (André): Oui, peut-être, mais, nous, je vais vous dire, il y a une chose, aussi... Bon. J'ai amené ici avec moi l'étude de faisabilité que nous nous sommes tapée...

M. Trudel: Oui.

M. Verrette (André): ...à quelques centaines de milliers de dollars, qu'on s'est payée pour nous-mêmes. Ça, c'est quand on est arrivés en Espagne; c'était peut-être à peu près comme ça. Et on a fini en Allemagne. On est revenus d'Europe avec complètement autre chose que ce qu'on avait en tête quand on est partis. La SEM a fait partie de ce bagage-là, parce qu'on était partis pour voir un peu... Nous, on oeuvre en environnement, on oeuvre dans les déchets. On était allés voir toutes sortes de bidules. On se disait: Au Québec, de la façon dont ça se fait, ça n'a pas de sens, il faudrait faire ça autrement. Ça a été un choix de compagnie, et c'est dans la philosophie de la compagnie non seulement de faire les choses autrement en termes de traitement de déchets, mais on s'est dit aussi: Compte tenu de la situation économique actuelle, compte tenu que déjà chez nous nos associés, qui sont belges, connaissent bien un système de société d'économie mixte, qu'ils savent comment ça opère et qu'ils savent qu'il y a un profit potentiel...

Mais, s'il y a des privés qui pensent qu'ils vont faire une fortune extraordinaire avec ça, il faudrait peut-être faire attention, dans notre mentalité nord-américaine. Nous, ce que l'on a vu, c'est que... D'ailleurs, on l'a dans notre convention de gestion avec la MRC du Haut-Richelieu: moi, pour mon taux de profit, j'ai un pourcentage qui est plafonné; au-delà de ça, si je fais des profits plus que ça, c'est le public qui ramasse. Ça, on s'est entendus là-dessus. Nous, on a dit: Un taux de profit raisonnable, mais pendant 20 ans. Alors, il y a toute une approche qui est différente...

M. Trudel: Mais, là, vous allez...

M. Verrette (André): ...de ce qu'on voit normalement en Amérique du Nord.

M. Trudel: ...préciser un petit peu plus. Vous vous êtes entendus, dans la convention des actionnaires, sur la notion de «profit raisonnable»?

M. Verrette (André): Oui.

M. Trudel: Vous avez fixé une hauteur? Comment vous avez fixé ça?

M. Verrette (André): C'est dans la convention de gestion, excusez-moi.

M. Trudel: Oui?

M. Verrette (André): Bien, on a dit, nous: On va faire les affaires...

M. Trudel: Oui.

M. Verrette (André): ...et, quand il y aura un profit au-delà de x %, bien, il ira totalement au privé; celui-là, on ne prendra pas un 40 % dessus.

M. Trudel: Au public!

M. Verrette (André): Ah! au public, oui. Excusez-moi. Ha, ha, ha!

M. Trudel: Oui, mais est-ce que vous avez fixé un chiffre?

M. Verrette (André): On a fixé un pourcentage.

M. Trudel: C'est parce que, profit raisonnable, ça dépend du point de vue où on se place, hein?

M. Verrette (André): Oui. Non, mais il est très... Ha, ha, ha!

M. Trudel: Parce que les banques ont des profits raisonnables, mais ceux qui les regardent ne trouvent pas que c'est toujours raisonnable.

M. Verrette (André): Je peux vous dire que c'est bien loin de ceux des banques.

M. Trudel: Pardon?

M. Verrette (André): Je peux vous dire que c'est bien loin de ceux des banques.

M. Trudel: Je ne veux pas vous faire dire le chiffre, là, mais...

M. Verrette (André): Non, c'est ça, je...

M. Trudel: ...vous avez fixé un chiffre?

M. Verrette (André): On a écrit un pourcentage dans notre convention; on s'est entendus que, rendu à tel taux...

M. Trudel: Non, mais c'est parce que, regardez, c'est extrêmement important, la question, parce que, à partir du moment où on demande d'exempter le fondateur municipal de payer des taxes et des impôts sur les profits - parce que, quand on paie des taxes et impôts, évidemment il faut qu'on le répercute sur la tarification au niveau des citoyens - eh bien, ce n'est pas automatique de dire: L'exemption d'impôt ou l'exemption fiscale accordée au partenaire municipal, il faut s'assurer qu'elle sera éventuellement reflétée dans la tarification chez les citoyens et non pas rejetée dans la partie du privé en augmentant les profits.

M. Verrette (André): Non, non.

M. Trudel: C'est important, ça.

M. Verrette (André): Non, mais on s'entend là-dessus; ça n'a jamais été l'approche, en tout cas, qu'on a eue chez nous. Ce n'est ni l'esprit ni la lettre, là-dessus.

M. Trudel: Parce que vous savez que, sur la notion de «bénéfice» pour la tarification dans le monde municipal, il peut y avoir évidemment deux interprétations. C'est qu'il faut que la tarification chargée soit en rapport avec le bénéfice reçu par le citoyen. On ne peut pas charger n'importe quel prix au citoyen ou n'importe quel tarif en rapport avec le service rendu. Sauf que la notion de «bénéfice» évidemment pour le partenaire privé ne prend pas la même signification ici.

M. Verrette (André): Non, mais on le comprend, ça.

M. Trudel: Le bénéfice, pour le secteur privé, ça veut dire le profit et là on est en matière de services publics. Bon. Alors, écoutez, je pense que le temps file rapidement. Est-ce qu'il nous reste du temps?

La Présidente (Mme Bélanger): Quatre minutes.

(21 h 30)

M. Trudel: Il reste quelques minutes. Je veux parler de la stabilité au niveau du conseil d'administration, au niveau des administrateurs, ou de la continuité des affaires de la société d'économie mixte. Je sens dans le mémoire, de façon larvée un peu, que ça vous a posé des problèmes, ça. Parce que évidemment il y a donc une majorité des administrateurs de la compagnie mixte qui sont soumis aux aléas de la démocratie.

Une voix: Tout à fait.

M. Trudel: Ça a l'air à causer un certain nombre de difficultés, cela. Est-ce que c'est vrai? Est-ce que c'est important? Avez-vous des solutions? Avez-vous des pistes autres à nous indiquer à l'égard de cette situation?

M. Verrette (André): Ça a inévitablement des conséquences, vous comprendrez. Il faut aussi se replacer dans le contexte, j'y reviens. Compo-Haut-Richelieu est la première en opération actuellement. Donc, il y a tout ça, là. On est plus serré, on est en train d'apprendre ensemble, on travaille ensemble. Mais, comme vous savez, on est associé dans Compo-Haut-Richelieu avec une MRC. Il y a 16 municipalités là-dedans, dont un certain nombre sont en élection à toutes les années. Évidemment, le processus électoral fait en sorte qu'il y a des décisions qui peuvent être un peu retardées, où on hésite, on va moins vite. Mais je comprends. Je sais c'est quoi, un politicien en campagne électorale. Je veux dire, tu es plus prudent, tu fais plus attention. Et c'est normal, c'est la règle de l'élection. C'est comme ça que ça se passe.

Mais, pendant que tu es à la SEM, toi, tu as toujours des investissements, tu as des choses qui attendent, tu as peut-être des opportunités d'affaires. Ça ne s'est pas encore vraiment présenté, là, parce que le bébé commence, mais on voit ce qui s'en vient. Il y a peut-être des opportunités d'affaires où la prise de décision ne pourra pas se faire promptement parce qu'on n'a pas les gens disponibles sur place. Sans compter que, la journée où, moi, je fais une SEM avec un conseil municipal et que, bon, ô catastrophe! le maire et tous les conseillers ne sont pas réélus, je m'assois avec qui, moi, le lendemain matin de l'élection? Parce que j'ai un contrat avec quand même une municipalité avec laquelle je suis associé et avec laquelle je dois continuer à travailler. Je pense qu'à ce sujet-là il y a lieu... Remarquez qu'au niveau du Haut-Richelieu on a un peu réglé le problème, dans le sens que les gens qui sont au conseil d'administration ne vont pas en élection, là, tous ensemble. Ça y va à tour de rôle. Ça fait que ça permet au moins de garder une certaine continuité. On a un peu réglé ça comme ça pour l'instant.

M. Trudel: Est-ce que ça vous...

M. Verrette (André): Oui, allez-y.

M. Trudel: On va se faire chicaner par Mme la présidente en disant: Allez-y.

La Présidente (Mme Bélanger): Allez-y, M. le ministre. Il vous reste encore une couple de minutes.

M. Trudel: Il faut demander la permission au président, ici. Mme la Présidente, merci de votre droit de parole. Est-ce que ça vous amène à dire aussi qu'il serait opportun d'indiquer, dans une éventuelle loi-cadre, que ça pourrait être des représentants des élus municipaux...

M. Verrette (André): Ce pourrait...

M. Trudel: ...qui soient au conseil d'administration?

M. Verrette (André): Je crois qu'il y a définitivement une solution - une solution, entre guillemets, là - à prévoir au problème potentiel, parce que, le problème, il existe, il est là et il risque de se produire. Donc, moi, oui, au niveau du projet de loi cadre, il faudrait voir ce qui pourrait être fait et, bon, il y a quelques possibilités. Ce pourrait être un président qui est un élu et peut-être que les élus peuvent donner mandat à trois personnes de gérer en leur nom la SEM, mais toujours présidée, au niveau du conseil d'administration, par un élu. Est-ce qu'on donne le droit au directeur général ou à la secrétaire-trésorière de la MRC de siéger au conseil? Me Beaulieu a aussi un peu, peut-être...

M. Trudel: Me Beaulieu a trouvé le secret.

Mme Beaulieu (Louise): Non. C'est que, dans nos recommandations, on proposait... Une des solutions, c'était de permettre aux élus de terminer au moins l'exercice financier, là.

Une voix: Oui. Ça, c'est...

Mme Beaulieu (Louise): Je veux dire, c'est une solution, plutôt que de dire qu'ils doivent quitter dès l'élection. Enfin, ce n'est pas une grande solution, mais c'est une solution...

M. Verrette (André): Ça, c'est une des conditions. Regardez, on dépose nos budgets le 1er octobre. Les gens sont en élection la première semaine de novembre. Alors, avant que le nouvel élu puisse s'installer dans ses fonctions et tout... Ça s'est produit l'année dernière, au niveau du Haut-Richelieu, où le préfet a décidé de ne pas se représenter. Mais, comme lui avait vécu la naissance avec nous depuis le début et déjà qu'il savait où on allait dans les budgets et tout, bien, on aurait probablement sauvé quelques mois en termes d'opération, parce qu'il y a des séances d'information et d'éducation à refaire pour ceux qui viennent d'arriver. Je les comprends bien, les pauvres. Le gars, il tombe là et il prend le train en marche.

M. Trudel: M. Verrette...

M. Verrette (André): Oui.

La Présidente (Mme Bélanger): En conclusion.

M. Trudel: ...en conclusion, comme m'y invite Mme la présidente, bon, alors, le plan d'affaires sur l'aspect financier d'une entreprise privée comporte une section simple, c'est le retour sur l'investissement. Ça veut dire que tu investis tant d'argent de capital et on calcule, au fur et à mesure du déroulement des activités et de l'extension de la part de marché dont on veut s'emparer ou que l'on veut occuper, l'apparition du profit après une certaine période de temps. Est-ce que, dans votre plan d'affaires, vous avez identifié après combien d'années vous allez atteindre un résultat positif au niveau du profit, à un niveau raisonnable?

M. Verrette (André): Pour l'instant, je vous dirais que Compo-Haut-Richelieu se livre... Parce que, la SEM, ça a comme deux mandats. Il y a le service public qu'il faut que tu donnes à ta population. Comprenez bien que Compo-Sortium est le gestionnaire de la SEM. Donc, mon mandat à ce niveau-là, c'est de donner un meilleur service à un moindre coût. On a organisé la collecte pour les 16 municipalités participantes présentement et ça donne déjà 626 000 $ d'économies. On est des gestionnaires; on n'est pas des opérateurs, je veux qu'on comprenne bien ça. On a fait un appel d'offres, comme le privé le fait, parce qu'on n'est pas des fous. Oui, on fait des appels d'offres. On va voir c'est quoi, le prix plancher et on va voir c'est quoi, le prix plafond. Et on dit: Voici, nous, on a les déchets à gérer sur tel territoire. Qui peut me collecter ça? Ça va me coûter combien? Et voici ce que je veux en plus de ma collecte. Évidemment, tout le monde vient te voir et te soumet sa proposition.

À partir de là, on se rassoit avec nos amis du Haut-Richelieu, au conseil d'administration on décide et le mandat, c'était de retourner et de négocier avec ceux qui nous semblaient les plus intéressants et qui, bien souvent, évidemment étaient aussi les plus bas. Il y en avait un qui était extrêmement bas, mais il n'avait pas les capacités matérielles de pouvoir fournir le service. Si j'avais été une ville, j'aurais été joyeusement dans le pétrin parce que je suis obligé de prendre le plus bas soumissionnaire. Au niveau de rendre le service, il y aurait eu un gros problème. Tandis que, là, en étant privé, moi, je peux dire: Bien, écoute, oui, je trouve ça intéressant, ce que tu offres, mais tu n'as pas le matériel pour livrer la marchandise. Par contre, jusqu'à telle hauteur, je suis capable de t'en donner. C'est le jeu de la négociation. Le fait d'être une entreprise privée, ça nous a permis d'aller chercher un éventail plus large, de recouper ce dont on avait exactement besoin et, après, encore de renégocier pour voir jusqu'où on pouvait aller.

Pour l'instant, les 16 municipalités se sont partagé une économie de 626 000 $ pour la simple collecte et avec des services accrus, parce que, à partir du 1er mars - il y en avait 12 qui n'avaient pas de collecte sélective, donc quatre municipalités qui l'avaient déjà - les 16 municipalités vont avoir non seulement un service de collecte de déchets, mais aussi un service de collecte sélective qui va permettre justement de commencer à séparer les matières et ces choses-là.

Pour ce qui est...

La Présidente (Mme Bélanger): Ça dépasse le temps du ministre. On va retourner à Mme la députée de Jean-Talon.

M. Trudel: Vous passerez la réponse dans une autre réponse. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Bélanger): Dans une autre question. Ha, ha, ha!

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Ma première question s'adressera à Me Marsan, par curiosité. Dans votre rapport, vous signalez que la convention exclusive, quoique non encore signée, a reçu toutes les approbations requises, etc. Par contre, le contrat de gestion n'est toujours pas approuvé par la MRC et fait encore l'objet de discussions. Est-ce que vous pourriez élaborer là-dessus? Puisque M. Verrette vient de dire que c'est un gestionnaire et non un opérateur, j'ai compris qu'il gérait la SEM. Comment peut-il gérer la SEM si le contrat de gestion n'est pas encore approuvé par la MRC?

Mme Marsan (Christine M.): Ça ne prend pas nécessairement un écrit pour qu'il y ait contrat. Donc, il y a contrat quand il y a entente entre les parties. Il y avait entente sur les éléments principaux, et je pense que le délai, c'était le 1er janvier. Les budgets étaient approuvés. Il y avait quelques éléments qui étaient en négociation et c'est pour ça que la signature... Le contrat, finalement, de gestion, c'est entre la SEM et le partenaire privé. Les approbations du ministre, de la SEM, donc, la majorité, si on veut, qui représente le public, et de Compo-Sortium avaient toutes été données. Cette convention-là, par contre, à laquelle intervient la MRC du Haut-Richelieu...

Parce qu'on parle d'approbation de budgets, on doit avoir, dans le fond, un système parallèle pour permettre que l'approbation des budgets par la SEM soit aussi le reflet de la procédure d'approbation. C'est pour ça que la municipalité intervient. Et, avant d'apposer sa signature, la municipalité régionale de comté voulait s'assurer que tous les éléments étaient en place. L'élément qui était toujours sur le tapis était le rendement, finalement, sur les investissements qui n'avaient jamais été conclus au niveau de la convention d'actionnaires et on essayait de faire des propositions de modifications. Bon, pour des raisons pratiques, on l'a mis en place.

(21 h 40)

Mme Delisle: Merci beaucoup.

M. Verrette (André): D'ailleurs, si vous permettez, juste pour compléter ce point-là, il y a une résolution de la MRC qui donne le droit de signer la convention en question.

Mme Delisle: M. Verrette, je suis contente et déçue à la fois que vous soyez passé en dernier, parce qu'il y a des informations qu'on aurait apprécié avoir peut-être un peu plus au début pour nous faire comprendre davantage ce qu'était une SEM. J'ai cheminé avec mes collègues et je dois vous dire qu'on s'est beaucoup questionnés sur le choix du partenaire privé. Vous avez passé tout votre temps ici avec nous, là...

M. Verrette (André): Oui.

Mme Delisle: ...même si vous n'étiez pas à cette table-là; alors, vous avez entendu comme nous les interventions des différents intervenants. Certains ne voyaient pas de problème à ce que le choix du partenaire se fasse sur une base individuelle ou libre, devrais-je dire; «individuelle» n'est pas le bon mot. Ou bien d'autres, qui étaient quand même relativement nombreux aussi, disaient: Il faut l'encadrer, il faut que la municipalité aille voir sur le marché, fasse des appels de propositions. Lorsqu'on s'est penchés sur le cas de Compo-Haut-Richelieu, moi, il y a une chose qui m'a toujours chicotée, c'était pourquoi vous étiez allés en appels de propositions, en appels d'offres. Alors que ce n'était pas obligatoire, vous êtes allés en appels d'offres, vous autres, pour la cueillette des déchets. Est-ce que je me trompe?

M. Verrette (André): Oui. O.K. Oui.

Mme Delisle: Bon. Pas pour le choix du partenaire, mais pour la cueillette des déchets.

M. Verrette (André): O.K. Oui, oui, oui. Ce n'est pas...

Mme Delisle: Je me questionne encore un peu sur où est l'intérêt toujours du privé dans ce joint venture, où est non seulement son intérêt, mais aussi son intérêt pécuniaire, c'est sûr. Et je pense que j'ai compris: vous n'êtes pas, vous, Compo-Sortium, dans la business - passez-moi l'expression - de la cueillette des déchets.

M. Verrette (André): Non.

Mme Delisle: Est-ce que j'ai bien compris?

M. Verrette (André): Nous ne sommes pas des opérateurs, effectivement, de...

Mme Delisle: Bon. Si on avait Laidlaw devant nous...

M. Verrette (André): Oui.

Mme Delisle: ...et que Laidlaw se voyait imposer, parce que la ville l'avait choisie comme partenaire, d'aller en appels d'offres ou en soumissions publiques... Je prends Laidlaw parce qu'ils sont venus; je pense que c'est une compagnie bien respectable...

M. Verrette (André): Oui, oui.

Mme Delisle: ...fort bien connue et qui est dans la cueillette des déchets. Ma question, là - ça s'en vient - c'est: Est-ce que vous... Parce que vous avez toujours parlé de la protection du citoyen...

M. Verrette (André): Oui, oui.

Mme Delisle: ...on s'en est déjà parlé, de la transparence, puis qu'il fallait que le fondateur municipal puisse avoir le haut du pavé et tout ça. Alors, ça, je pense qu'il faut vous reconnaître ça. Mais, si ça avait été Laidlaw, est-ce que vous auriez été d'accord qu'ils n'aillent pas en appels d'offres ou en soumissions publiques pour faire faire la cueillette? Comment vous vivez avec ça, là?

M. Verrette (André): Si je vous comprends bien, si j'avais été...

Mme Delisle: J'ai fait un grand détour pour vous demander...

M. Verrette (André): Oui.

Mme Delisle: ...si vous étiez d'accord ou pas avec les appels d'offres.

M. Verrette (André): Si on est d'accord ou pas avec l'obligation d'aller en appels d'offres?

Mme Delisle: Oui. De vous imposer l'obligation d'aller en appels de propositions.

M. Verrette (André): Oui. Mais, là-dessus, il y a peut-être une espèce de malentendu à dissiper. Moi, je vous dirais que, dans l'entreprise privée, quand vous décidez d'acheter un service, vous allez regarder l'ensemble des pourvoyeurs de ce service. C'est votre argent. Je ne pars pas comme ça et je décide que j'achète celui-là. On le fait naturellement: on essaie d'avoir le meilleur rendement au meilleur coût. On dit: Si cette balayeuse-là, moi, elle m'en donne plus, qu'elle me coûte un peu moins cher... Ou c'est pour mes besoins; c'est quoi, mes besoins exactement? J'ai besoin de ça.

Mme Delisle: Mais, ça, c'est vous. Ça, c'est l'entreprise privée. Mais le fondateur municipal a l'obligation, lui...

M. Verrette (André): Oui, oui.

Mme Delisle: ...pour la livraison des services, d'aller...

M. Verrette (André): Oui, le...

Mme Delisle: ...en soumissions publiques.

M. Verrette (André): C'est ça.

Mme Delisle: Comme on essaie de combiner à la fois le public et le privé, avec les lois qui régissent les deux, la protection du citoyen se retrouve évidemment - en tout cas, dans mon livre à moi - dans le fait qu'on va lui offrir le meilleur service au...

M. Verrette (André): Oui.

Mme Delisle: ...meilleur coût. Et le moyen qu'on a trouvé ici, au Québec, depuis à peu près 125 ans, c'est justement les soumissions publiques, là...

M. Verrette (André): Oui, oui.

Mme Delisle: ...et les appels d'offres. Alors...

M. Verrette (André): Mais, moi, mon mandat en tant que gestionnaire... Moi, j'ai des patrons qui s'appellent Compo-Haut-Richelieu, Compo-Sortium et la MRC du Haut-Richelieu, là. Les deux ensemble, là, c'est mes patrons, ça, et, moi, ils me disent: Toi, là, pour tel service - c'est ton boulot, on te paie pour ça - va me chercher le meilleur service au meilleur coût possible. Et, moi, en tant que gestionnaire, quand on vous dit: Une gestion à meilleur coût, c'est ça qu'est mon mandat; c'est le mandat que la SEM donne à son gestionnaire en disant: C'est pour ça qu'on te paie...

Mme Delisle: O.K. Est-ce que vous pensez que...

M. Verrette (André): ...parce que tu connais ça. Normalement, tu devrais trouver les bons individus avec les bons équipements pour faire le travail qu'on veut que tu fasses au meilleur coût. C'est ça, ma job, moi.

Mme Delisle: O.K. Est-ce que vous pensez que les entreprises privées qui ont suivi la commission parlementaire ont toutes cette même définition que vous venez de nous donner?

M. Verrette (André): Madame, je vous l'ai dit tantôt - bien, en fait, pas à vous, mais aux membres de la commission, quand je parlais un peu au ministre - chez Compo-Sortium, on a des associés majoritaires qui sont belges et c'est un choix de compagnie d'avoir une philosophie de faire des affaires qui est différente de ce qu'on est habitué à voir en Amérique du Nord et particulièrement dans le domaine des déchets. Nous, on a choisi de pénétrer le marché en offrant quelque chose de différent...

Mme Delisle: Mais c'est nouveau.

M. Verrette (André): ...et en faisant les choses de façon différente.

Mme Delisle: C'est un nouveau champ d'activité, ça, pour les municipalités. Même si elles...

M. Verrette (André): Oui, oui.

Mme Delisle: ...se préoccupent des déchets depuis longtemps...

M. Verrette (André): Oui.

Mme Delisle: ...vous admettrez comme moi que vous n'êtes pas pris avec l'application...

M. Verrette (André): Non, non.

Mme Delisle: ...de l'article 45, qui est une réalité avec laquelle...

M. Verrette (André): Tout à fait.

Mme Delisle: ...le monde municipal doit vivre. Bon. Mais il y a d'autres champs d'activité qui pourraient faire en sorte qu'on initie la création d'une SEM.

M. Verrette (André): Oui.

Mme Delisle: Bon. Vous n'êtes pas ici juste pour nous... C'est-à-dire que vous nous faites bénéficier de votre expertise, et on vous remercie pour ça, sauf que, la SEM, elle ne se limite pas uniquement à ce champ d'activité là. Il faut l'ouvrir sur d'autres champs, là.

M. Verrette (André): C'est ça. Mais vous comprendrez, Mme la députée, qu'à ce niveau-là, moi, je vais vous parler de ce que je connais le plus et du domaine dans lequel j'oeuvre. Par contre, je peux vous dire aussi qu'au niveau de l'article 45 ça fait partie des règles du jeu, au Québec, actuellement. Alors, nous, on se dit: Bien, le portrait, il est comme ça et on a assez débroussaillé depuis deux ou trois ans, et on fait tellement les choses de façon différente que je vais vous avouer que ce n'est pas ça qui m'embête le plus.

Mais il y a une chose qui est à retenir: pour moi, l'article 45, chez Compo-Sortium, ça ne nous posera pas de problème. Mais, la journée où je vais m'asseoir avec un fondateur municipal potentiel et qu'il y a un service de déchets, dans cette municipalité-là, que je vais peut-être être obligé de prendre, bien, c'est bien simple, on va faire les analyses, on va calculer et on va regarder de quoi ça a l'air. Et ou ça vaut le coup ou ça ne vaut pas le coup. Si le privé ne revoit pas le potentiel de son investissement, inquiétez-vous pas, il n'y en aura pas, de SEM. Des SEM, il ne s'en fera pas 50 000 demain matin. Il y a des gens, en tout cas, qui vont apprendre, en en faisant, ce qu'est une SEM. Parce que, avec ce que j'ai entendu jusqu'ici, je peux vous dire qu'il y a beaucoup de personnes qui vont avoir des réveils autres que ce qu'on entend actuellement.

Mme Delisle: Bien, c'est pour ça que je vous posais la question. Vous avez entendu comme moi...

M. Verrette (André): Ce n'est pas une panacée, puis ce n'est pas l'Eldorado non plus, là. C'est une autre façon de faire.

Mme Delisle: Bon. Pour en revenir à la question de comment on assure la continuité, moi, je peux vous dire que je suis une de celles qui pensent que, quand tu es un élu, tu es imputable. Si tu perds ton statut d'élu, tu n'es plus imputable. Et je ne vois pas comment on peut demander à quelqu'un de siéger six mois de plus sur un conseil d'administration comme représentant de la municipalité, à moins que la municipalité le délègue. Et, encore là, l'élu n'a pas, quant à moi, le même statut que si le conseil municipal délègue M. ou Mme Unetelle qui devient citoyen ordinaire par rapport aux autres membres du conseil d'administration.

Une question qui me chicote: Pourquoi vous ne changez pas la date de dépôt de vos budgets pour arrimer ça avec les élections? On sait que, les élections municipales, il y en a tous les ans, le premier dimanche du mois de novembre, que le bon Dieu amène. Ça ne change pas, ça. À moins que tout le monde se fasse élire en même temps. C'était ma suggestion parce qu'on est la seule province qui ne fait pas ça. Toutes les autres provinces, si je ne me trompe pas, ont des élections tout le monde en même temps: le scolaire, le municipal... C'est une petite suggestion que je fais au ministre, là. Ce serait moins compliqué. Alors, ça impliquerait les gens davantage au monde municipal et scolaire. Ceci étant dit...

M. Trudel: On aurait, comme dans les primaires américaines...

Mme Delisle: Non, non.

M. Trudel: ...le grand dimanche des élections locales.

(21 h 50)

Mme Delisle: C'est ça, le grand dimanche. Le «Super Sunday».

M. Trudel: Le «Super Sunday».

Mme Delisle: Bon. Mais c'est une proposition qui serait peut-être bien simple, Me Beaulieu, de changer les dates de l'année financière ou... C'est peut-être trop niaiseux, je ne le sais pas.

Mme Beaulieu (Louise): Il faut faire coïncider, je pense, la préparation des budgets, parce que les budgets de la SEM sont très reliés aux budgets des municipalités. Alors, si on veut avoir... On parle de financement pour l'année qui vient.

Mme Delisle: O.K.

Mme Beaulieu (Louise): Je ne sais pas. En tout cas, ça nous apparaissait que c'était mieux d'avoir le même exercice financier, là. Je ne sais pas si...

Mme Delisle: O.K. En tout cas.

Mme Beaulieu (Louise): Parce que l'administrateur municipal aussi, même s'il n'est plus élu, garde sa responsabilité d'administrateur. Quand il siège comme administrateur à la SEM, là, il doit prendre sa décision... Vous allez me dire que c'est difficile parce qu'il est aussi élu, mais il doit quand même changer de chapeau quand il est à la SEM, puis prendre les meilleures décisions pour cette société-là. Alors, je pense qu'il peut continuer un mois, deux mois, trois mois, je veux dire, sans qu'on lui dise, là, que... Parce qu'il n'est plus redevable devant la population, il est quand même redevable vis-à-vis de la SEM. Il a une responsabilité personnelle qui dure.

Mme Delisle: Oui. J'ai un collègue, je pense... Oui. Non, non. Ça va, vas-y.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député d'Orford.

M. Benoit: Oui. Peut-être poser une première question au comptable. Vous mentionnez la notion de l'impôt à payer. Vous dites qu'il faudrait arriver à une solution assez rapide là-dedans. Est-ce que je dois comprendre qu'au moment où on se parle 100 % des profits vont être taxables dans la SEM? Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

Mme Beaulieu (Louise): Oui.

M. Monarque (Sylvain): Oui, exactement. Le statut actuel de la SEM, c'est une société privée imposable. Alors... Et puis ce qui a été envisagé à l'époque, c'était de former plutôt une société en commandite, qui est le véhicule idéal au point de vue fiscal, parce que, dans une société en commandite, on retrouve théoriquement - vous allez voir le problème pratique qu'on a - la responsabilité limitée des actionnaires, des investisseurs et le résultat financier est transmis aux associés, est soumis à la fiscalité des associés. Alors, comme vous avez un partenaire qui est exempt d'impôts et un partenaire imposable, pour le partenaire imposable, là, le secteur privé, lui, que ce soit une compagnie ou que ce soit une société en commandite, ça ne change rien, il va payer de l'impôt. Mais le partenaire public, lui, s'il se fait attribuer un profit - une municipalité, une MRC qui est exempte d'impôts - bien, c'est autant ça de sauvé pour lui, alors que, si le profit est dans la compagnie, dans la corporation, partie IA, il est imposable.

L'obstacle majeur qu'on a rencontré, c'est que notre client n'a pas réussi à obtenir, de la part de ses conseillers juridiques, une opinion sans réserve sur la responsabilité limitée à titre de commanditaire. Alors, dans une société en commandite, comme vous le savez sans doute, il y a des commanditaires et il y a un commandité. Le commandité a une responsabilité illimitée en tant que gestionnaire et les commanditaires ont une responsabilité limitée. Ils ne doivent pas participer à la gestion. Alors, venir dire à la MRC qu'elle ne doit pas participer à la gestion, je pense qu'on aurait une côte à monter et puis, s'il y avait des façons, disons, de dire: Bon, bien, vous allez peut-être agir à titre de commanditaires et vous allez peut-être nommer d'autres personnes qui vont agir à titre d'administrateurs de la compagnie qui est le commandité pour faire une distinction...

Mais, encore là, il y a de la jurisprudence. Ce que je comprends de l'opinion d'Ogilvy & Renault, c'est qu'il y a une cause de jurisprudence qui est favorable, en Ontario, je pense, et une cause de jurisprudence défavorable en Colombie-Britannique, ou l'inverse, là. Et, compte tenu du risque juridique, ce n'est pas la société en commandite qui a été retenue.

M. Benoit: L'autre question: Comment vous vivez... Une compagnie qui est privée, normalement, ne veut pas que son information soit connue. Elle essaie de... Et je me souviens de nos confrères d'en face qui, pendant des années, décriaient les contrats d'Hydro où l'information n'était pas connue. C'était une société publique; il fallait que ce soit connu. Comment vous vivez ça, là? Vous nous disiez tantôt que vous êtes allés en soumissions et puis, ensuite, que vous avez négocié avec les gens qui ont soumissionné.

Est-ce que je dois comprendre que toute cette information-là, dans toute la MRC là-bas, est au vu et au su de tout le monde? Tout le monde sait à combien ils ont soumissionné de la tonne, etc., et, quand ils vont venir soumissionner à Magog, là, on pourra savoir à combien ils ont soumissionné dans l'autre ville et de combien vous les avez coupés ensuite? Est-ce que c'est ça, dans la vraie vie? Est-ce que tout est connu et vu ou si, finalement, ça va être comme les contrats d'Hydro où il y en a un bout de connu, puis un bout de pas connu, puis que, là, tout le monde va s'imaginer qu'il y a des magouilles extraordinaires dans tout ça? Pouvez-vous me simplifier ça?

M. Verrette (André): Là-dessus, M. le député, comme vous le savez, Compo-Haut-Richelieu est actuellement en attente pour passer devant la Commission d'accès à l'information. Compte tenu de la situation - ce n'est pas que je n'aurais pas des choses à vous dire, et on a une bonne idée de ce que ça pourrait être - je préférerais retenir mes commentaires au moment où on se parle, étant donné que nous ne sommes pas encore passés devant la Commission d'accès à l'information. Alors, j'aime mieux être un peu plus prudent pour l'instant.

M. Benoit: Je ne savais pas que vous étiez en instance de passer devant... Je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras, loin de là. Je ne suis pas ce genre de politicien, certainement pas. Mais est-ce que je peux savoir pourquoi il y a des gens qui veulent vous amener devant l'accès à l'information?

M. Verrette (André): Bien, justement, c'est que, si je me souviens bien...

M. Benoit: Des gens ou des organismes?

M. Verrette (André): Bien, c'est que...

M. Benoit: Parce que, ça, c'est public, je veux dire, à quelque part.

M. Verrette (André): C'est ça. Oui, oui. Écoutez, les statuts de la compagnie et le mandat de la compagnie, bon, nous, on n'a pas de problème majeur avec ça. Par contre, il y a une convention d'actionnaires, puis il y a un contrat de gestion qui lie deux partenaires. Autrement dit, comme je dis toujours, c'est notre contrat de mariage, ça. Bon. Moi, que les gens sachent qu'on est mariés, ça me va. Maintenant, à quelles conditions, c'est une autre histoire. Et, compte tenu aussi du fait que c'est un projet-pilote, puis que c'est une expérience qui débute, soyez assurés qu'on a des concurrents qui nous regardent; on est dans une économie de marché et puis il y a des gens qui voient bien qu'on fait autre chose. Nous, on se dit: Est-ce qu'on peut faire un bout, puis voir jusqu'où on peut aller? Alors, c'est un peu l'approche qu'on a, mais les gens... Une fois qu'on sera passés devant la Commission, on en saura un peu plus à ce niveau-là.

M. Benoit: Mais est-ce que vous êtes après...

La Présidente (Mme Bélanger): Dernière question, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Pardon?

La Présidente (Mme Bélanger): Dernière question.

M. Benoit: D'accord. Est-ce que vous êtes après recommander à cette commission que l'information doive demeurer absolument confidentielle? Est-ce que c'est ce que vous êtes après recommander?

M. Verrette (André): Écoutez, moi, ce que je vous dis au niveau de l'information: Il ne faut quand même pas avoir peur d'avoir peur, là. Il y a des choses qui sont facilement révélables. Je vous dirais que, depuis que l'on opère dans Compo-Haut-Richelieu, chaque fois qu'il y a un investissement, on annonce le montant, on dit où ça va aller, on dit combien ça va coûter, on dit les endroits où ça va se construire. Il ne faut pas avoir peur d'avoir peur.

Et n'oubliez jamais non plus que, moi, à mon conseil d'administration, j'ai une majorité d'élus et, je peux vous dire que, si jamais je veux tricoter ou faire des choses, il y a des gens qui vont me rappeler à l'ordre, parce que c'est ces mêmes élus-là qui rencontrent leurs électeurs, et le municipal est encore le plus près des citoyens. Je peux vous dire qu'on fait juste gérer de la collecte actuellement et, quand la poubelle n'est pas remise à la bonne place au niveau de la collecte, on a des comités de gestion et les élus nous rappellent joyeusement qu'à telle adresse la poubelle n'a pas été remise comme il faut. Et ça, c'est ma job de gestionnaire de m'assurer qu'on la replace où on l'a prise. Alors, on est en train de vivre un peu c'est quoi, le public, je peux vous dire ça.

M. Benoit: Merci pour votre belle admission.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, merci, M. Verrette, Mme Marsan, Me Beaulieu et M. Monarque, de votre participation. Alors, la commission suspend ses travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 59)

(Reprise à 22 h 1)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous en sommes rendus à la fin de cette commission.


Mémoires déposés

Alors, avant les remarques finales, j'aimerais faire le dépôt officiel de mémoires qui nous ont été envoyés pour dépôt seulement, soit le mémoire de Mme France Boucher, celui de la municipalité de Saint-Basile sur Richelieu...

Une voix: Saint-Blaise.

La Présidente (Mme Bélanger): Saint-Blaise, je m'excuse. Il est tard, hein! Alors, c'est la municipalité de Saint-Blaise sur Richelieu, et celui de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec. Ces gens-là nous ont envoyé des mémoires, mais ne se sont pas présentés pour défendre leur point de vue. Ils nous ont demandé de déposer officiellement leur mémoire.

Nous en sommes rendus aux remarques finales. M. le ministre.


Remarques finales


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Nous avons à faire ces remarques terminales. On ne s'étendra pas plus qu'il le faut sur les conclusions, mais quand même je vais donner, pour les fins du Journal des débats surtout, les premières conclusions que je tire de ces consultations sur l'avant-projet de loi et sur la possibilité d'adopter une loi sur les sociétés d'économie mixte au Québec.

Alors, on a entendu, donc, au cours des derniers jours et des dernières semaines, des points de vue fort variés sur les éléments de notre avant-projet de loi et sur l'idée fondamentale de la possibilité de créer des sociétés d'économie mixte, publiques-privées, au Québec. Les réactions des uns ont été enthousiastes; chez d'autres, ça a été plus mitigé. On a vu aussi que des groupes sont venus se présenter ici et se sont montrés carrément défavorables à une telle formule compte tenu des facteurs qui étaient impliqués et des risques que nous allions courir à l'égard du contrôle des services publics ou des élus sur la livraison des services publics.

Je dois dire personnellement que j'ai beaucoup appris, à l'occasion de la présentation de ces mémoires, des entretiens qu'on a eus avec les participants qui sont venus nombreux, compte tenu de l'objet qui était en consultation. Je voudrais signaler, au tout départ, que j'ai bien apprécié la franchise des discussions et des échanges qu'il y a eu ici, et en profiter pour souligner le travail de la porte-parole de l'opposition en matière d'affaires municipales, la députée de Jean-Talon, qui a travaillé exactement dans cette direction, c'est-à-dire essayer de trouver une résultante qui fasse en sorte qu'on améliore les conditions de livraison des services publics, dans des conditions acceptables et toujours dans l'optique d'un contrôle du public des services de qualité à des coûts acceptables.

Il s'est dégagé de nos discussions un certain nombre de consensus que je vais rappeler ici brièvement. Je vais commencer d'abord par les points qui me semblent présenter les consensus les plus forts pour terminer avec ceux qui sont les plus faibles et, parfois, donc, l'absence de consensus sur certains objets en rapport avec cet avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte.

D'abord, à l'égard des champs de compétence qui pourraient être conférés ou dans lesquels on pourrait permettre l'introduction des sociétés d'économie mixte, je pense bien que l'avis général, c'est que, si tant est que nous devions aller de l'avant au niveau de la formule, nous devrions limiter les champs d'activité pour les sociétés d'économie mixte aux champs qui relèvent déjà de la compétence municipale. Il serait hors de question à ce moment-ci - ça peut paraître un peu évident, mais il faut le rappeler - de permettre aux municipalités, par exemple - ça a été suggéré par quelques intervenants - d'aller jusqu'à la production de biens privés dans lesquels on permettrait donc aux municipalités d'être intégrées.

Je rappelle aussi, par ailleurs, à l'égard du champ de compétence, qu'il y a deux écoles de pensée assez distinctes qui se sont dégagées. Devrions-nous examiner de permettre l'introduction des sociétés d'économie mixte uniquement dans les champs nouveaux de compétence des municipalités ou dans les objets nouveaux de compétence des municipalités? Le traitement des eaux, par exemple, n'est pas une nouvelle compétence, mais, pour des municipalités, lorsqu'on s'introduit dans le champ du traitement des eaux usées, ça devient un nouvel objet de préoccupation, ça devient un nouveau champ de travail, ça devient une nouvelle responsabilité. Est-ce qu'on ne devrait pas limiter l'intervention possible des sociétés d'économie mixte dans des secteurs d'activité déjà réservés au municipal ou, enfin, qui sont de la préoccupation municipale, mais qui sont des activités nouvelles pour la municipalité? Et, là où il y a déjà des services organisés, nous devrions nous interroger sérieusement sur la possibilité d'introduire le partenariat privé-public à travers les SEM dans des champs d'activité déjà occupés par les municipalités.

Quant au choix du partenaire privé avec la partie publique dans la société d'économie mixte, je pense bien que le consensus majoritaire qui s'est dégagé ici, c'est que nous devrions augmenter le taux de chance de retenir le meilleur partenaire par un appel d'offres au niveau du partenaire privé appelé à travailler avec le partenaire municipal dans le champ d'activité de compétence municipale. Je partage, quant à moi, les préoccupations des partenaires publics, en particulier, qui veulent s'assurer qu'une liste de critères soit bien déterminée pour le choix du partenaire privé et qu'il n'y ait pas simplement la capacité financière qui soit évoquée au niveau des critères, mais aussi d'autres critères comme, par exemple, les retombées, comme, par exemple, les emplois, comme, par exemple, l'implication au niveau régional, la situation du partenaire à l'égard des retombées. Ça peut être des points de repère, et nous devrons prendre en compte ces points de repère lorsqu'il s'agira de traiter éventuellement de la question du choix du partenaire privé dans l'établissement de la société d'économie mixte.

Quant à la participation des partenaires dans la nouvelle société, cela a fait l'objet de beaucoup de préoccupations également et, si l'avant-projet de loi prévoyait - et il la prévoit toujours jusqu'à ce moment-ci - une participation majoritaire du partenaire municipal au niveau du capital-actions, il a été évoqué que nous devrions conserver à tous égards le contrôle majoritaire des actions votantes au conseil d'administration de la société d'économie mixte par le partenaire municipal.

Par ailleurs, nous devrons examiner, sinon réviser, la possibilité que d'autres types d'actions soient émises, d'autres types d'apports de capitaux soient permis dans une société d'économie mixte, avec des catégories d'actions subalternes, par exemple, qui n'affecteraient pas la proportion des actions votantes au conseil d'administration, pour garder le contrôle du secteur public dans la société d'économie mixte appelée à oeuvrer dans un champ d'activité municipale. Cette question de l'apport de capitaux est extrêmement sérieuse, puisque l'un des objets du questionnement et de la réponse que nous nous sommes donnée afin que le législateur permette la mise sur pied d'un tel type de société, c'est précisément parce que nous estimons que les pouvoirs publics, à tous égards, les gouvernements n'ont plus suffisamment de moyens financiers pour assurer, comme nous l'avons fait au cours des dernières années, le développement, la construction, la réalisation des infrastructures nécessaires à l'organisation et à la livraison de services publics adéquats pour les citoyens.

(22 h 10)

Alors, on va très certainement avoir une ouverture d'esprit pour permettre l'apport de capitaux supplémentaires à l'intérieur d'une société d'économie mixte éventuelle dans le monde municipal, mais cela ne saurait, en aucun cas, affecter la majorité des actions votantes et évidemment, donc, le contrôle au niveau du conseil d'administration de la société d'économie mixte.

Il y a toute cette question qui a été évoquée, il y a quelques minutes, également de la stabilité des administrateurs ou des membres du conseil d'administration. Plusieurs ont évoqué le fait qu'il fallait s'assurer de la poursuite normale des travaux de la nouvelle compagnie, du conseil d'administration de la SEM, lorsque le mandat d'un administrateur élu prend fin, par exemple. D'autres ont suggéré qu'on puisse autoriser que les municipalités puissent désigner des représentants autres que des élus, mais mandataires du fondateur municipal au conseil d'administration de la SEM. C'est une préoccupation au niveau de la stabilité, du développement et de la production des affaires qui est extrêmement importante, et très certainement que nous aurons à étudier avec attention cet aspect, l'objectif terminal étant toujours, donc, des services de qualité contrôlés par le fondateur municipal majoritaire, mais de s'assurer que le fonctionnement de l'entreprise et des principes de l'entreprise privée puisse faire en sorte qu'on donne de bons services à un moindre coût, avec un contrôle du public, je le rappelle encore une fois.

Il y a toute la question, aussi, de la rémunération des élus au conseil d'administration de la SEM, du fait qu'ils sont déjà rémunérés à partir de leur fonction au niveau municipal. Dans ce sens-là, la question de la rémunération des élus comme membres du conseil d'administration n'était pas abordée directement dans l'avant-projet de loi; on va devoir l'aborder et spécifier quelques éléments de repère dans l'éventuel projet de loi que nous aurons à débattre ici.

Il y a toute la question également de l'information aux citoyens. Alors, là, c'est une question extrêmement épineuse, mais fort importante que nous devrons prendre en compte dans l'éventuel projet de loi. Plusieurs souhaitent que les citoyens soient constamment informés par leurs élus, par exemple, au niveau de la création même d'une société d'économie mixte. Alors, il faudra prévoir des mécanismes ouverts, faciles d'accès pour que les citoyens puissent se prononcer sur l'opportunité pour le fondateur municipal de fonder une société d'économie mixte.

Et, d'autre part, il faudra nous préoccuper aussi et être précis au niveau d'un projet de loi éventuel à l'égard des documents ou de l'information de la société d'économie mixte. Et, dans ce sens-là, il faut préciser, là, que tous les documents issus d'une SEM et qui sont déposés comme rapport d'activité, par exemple, par des administrateurs municipaux à leur conseil municipal ou au conseil d'administration de la MRC, c'est-à-dire à la table des maires de la MRC, eh bien, ça devient des documents à caractère public.

Il y a un certain nombre de décisions que nous attendons aussi à cet égard-là. Est-ce que les organismes qui sont composés de façon majoritaire d'élus municipaux sont des organismes publics au sens des lois municipales et de la loi d'accès à l'information? Aux Affaires municipales, nous considérons que, oui, en vertu de ce que nous avons apporté comme amendements aux lois municipales par la loi 68, ces organismes majoritairement contrôlés par des élus municipaux sont assimilables à des organismes municipaux, donc soumis à la loi d'accès à l'information et aux renseignements à caractère nominatif, dans ce secteur d'activité.

Quant à l'octroi des contrats, eh bien, il faudra statuer sur l'obligation ou pas d'aller en appels d'offres, on vient de le souligner. Il y a là une sagesse, que le régime a imposée au cours des dernières années, qu'il faudra certainement retenir.

Quant aux éléments de contrôle du ministre sur l'évolution et le fonctionnement du fondateur municipal, les appels à la prudence ont été suffisamment larges pour que nous ne soyons pas dans l'optique, ce soir, de réduire davantage les objets où le gouvernement aurait à donner des autorisations, puisque nous sommes, dans le fond, à passer à une autre phase de l'expérimentation des sociétés d'économie mixte au Québec. Et je ne suis pas dans un état d'esprit actuellement pour indiquer que nous allons réduire substantiellement les informations qui seraient requises par les pouvoirs publics, par le gouvernement à l'égard des sociétés d'économie mixte, tel que nous l'avons abordé dans le projet de loi.

Il y a également d'autres questions bien importantes qui ont été soulevées à l'occasion de cette commission et qui dépassent largement le simple cadre de cet avant-projet de loi sur les sociétés d'économie mixte. C'est évidemment toute la question des relations de travail dans le milieu municipal et plus spécifiquement l'application de l'article 45 du Code du travail. Ça s'applique dans le cas des SEM, mais la question ne se soulève pas uniquement à l'égard des sociétés d'économie mixte. Alors, j'ai entrepris à cet égard des échanges avec mon collègue, le ministre du Travail, M. Matthias Rioux, et, d'ici peu, nous serons en mesure de soumettre un certain nombre de propositions pour essayer de travailler avec cette dimension fondamentale dans nos relations de travail.

En conclusion, Mme la Présidente, des consensus...

La Présidente (Mme Bélanger): Bon timing.

M. Trudel: ...mais un certain nombre d'éléments discordants très profonds et des questions extrêmement sérieuses. Nous allons approfondir chacun des mémoires. L'intention du gouvernement est toujours de procéder avec la présentation d'un projet de loi à cet égard. Nous allons regarder l'échéancier que nous avons devant nous et nous allons agir avec prudence dans ce domaine. Dans la même mesure où j'ai invité, au début de la commission, les autorités municipales et aussi les entreprises privées à user de modération au niveau de la privatisation ou de l'entrée du secteur privé dans certains secteurs d'activité municipale, en particulier dans le domaine de la gestion de l'eau, nous allons nous appliquer à nous-mêmes la même réserve, la même prudence à l'égard des sociétés d'économie mixte.

Et je n'exclus pas, mais loin de là, que nous ayons à revoir, à reconsulter un certain nombre de groupes qui sont venus nous présenter des impressions, nous présenter leur version, leur perception des choses, et les indications précieuses qu'ils nous ont données, avant de redéposer à l'Assemblée nationale, avant la fin de juin, nous l'espérons, un nouveau projet de loi qui, lui, sera appelé dans sa version plus définitive, encore une fois, à faire débat et à faire objet de remarques et d'observations pour que nous puissions en arriver à dessiner pour le Québec et pour les municipalités un outil, un instrument adéquat pour livrer des services de qualité, mais à moindre coût dans l'ensemble de la collectivité québécoise. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Jean-Talon.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, Mme la Présidente. Dans ses remarques préliminaires, Mme la Présidente, le ministre souhaitait - et je le cite - «une bonification, un enrichissement de l'avant-projet de loi que nous avons soumis pour consultation, parce que l'objectif terminal, l'objectif de résultat, l'objectif recherché est toujours le même: une meilleure façon d'organiser et de livrer nos services publics dans le monde municipal». Pour justifier la consultation publique sur l'avant-projet de loi, le ministre nous affirmait également: «Je ne crois pas, par ailleurs, que l'on puisse continuer d'accorder ainsi des autorisations à la pièce; d'où la volonté de procéder par une loi-cadre qui permettra, je l'espère, de résoudre les quelques difficultés qui sont apparues dans la réalisation de ces projets-pilotes.» Je pense qu'il y a plus que quelques difficultés et je dirais même: Quelles difficultés!

Avant d'aller au coeur de mes remarques, j'aimerais tout d'abord remercier tous ceux et celles qui se sont présentés devant cette commission parlementaire et qui ont partagé avec les membres de cette commission leurs commentaires, leur enthousiasme, leur expérience, leurs craintes et même, à quelques occasions, leur complet désaccord. La qualité de leur intervention a largement contribué à éclairer et à enrichir cet important débat qui est lourd de conséquences à la fois pour nos collectivités locales, ainsi que pour les citoyens qui les composent.

(22 h 20)

La notion de société d'économie mixte n'est pas nouvelle, on le sait, c'est un concept qui est largement utilisé en Europe et que le gouvernement précédent a sérieusement étudié. On se rappellera que c'est le ministre des Affaires municipales précédent, M. Claude Ryan, qui a déposé les premiers projets de loi pilotes. Comme on le sait, il y a en a d'autres aussi qui ont été sanctionnés par l'Assemblée nationale sous le gouvernement actuel.

On est d'accord avec le principe de la création des sociétés d'économie mixte. Ça, on ne le remet pas en question. Mais ce qu'on se pose, Mme la Présidente, comme question, c'est: Où est l'urgence de légiférer dans ce domaine? Qu'est-ce qui motive le ministre actuellement à vouloir déposer un projet de loi cadre alors qu'une seule SEM, une seule société d'économie mixte fonctionne actuellement au Québec, et ce, à peine depuis quelques mois? Où se trouve l'urgence et où se trouvait aussi l'urgence lorsque le ministre des Affaires municipales qui a précédé celui qui est devant moi a déposé un avant-projet de loi en décembre dernier sans jamais avoir vérifié ou consulté les fondateurs municipaux actuels des projets de loi pilotes ou les partenaires privés, sans les avoir consultés sur les modalités qui font que les sociétés d'économie mixte fonctionnent ou ne fonctionnent pas actuellement? Chacun des quatre projets de loi adoptés par l'Assemblée nationale l'a été pour des motifs différents. Si leurs objectifs diffèrent, il y a au moins un dénominateur commun qui s'appelle le citoyen, ce citoyen qui doit être au coeur de nos préoccupations et de nos débats.

Plusieurs ont parlé que la création des sociétés d'économie mixte fait partie du droit nouveau ici, au Québec. Les communautés urbaines, les MRC, les municipalités cherchent des moyens de diminuer leur endettement, d'alléger le fardeau fiscal de leurs citoyens, tout en livrant et en dispensant les meilleurs services au meilleur coût possible. Nous sommes d'accord avec toute initiative pour atteindre ces objectifs. Mais, lorsque les intervenants des divers milieux mettent des freins à l'enthousiasme ministériel, il faut se questionner sérieusement sur l'opportunité d'aller de l'avant pour le moment avec une loi générale sur la création des sociétés d'économie mixte.

On pourrait faire ensemble un bref tour d'horizon. Sans reprendre tous les mémoires, il y a quand même des mémoires qui se recoupent. Qu'on pense à la Communauté urbaine de Montréal qui nous a fait savoir ici que les communauté urbaines, les MRC et les municipalités ont déjà suffisamment d'outils pour les aider sans en ajouter un autre, surtout un qui n'a pas encore fait ses preuves, que la création des sociétés d'économie mixte complexifie davantage le système plutôt que de l'alléger.

On a entendu la MRC du Haut-Richelieu. Et j'aimerais citer M. Dolbec, qui est maire de la ville de Saint-Luc et président de Compo-Haut-Richelieu, il a dit ceci: «Une société d'économie mixte, c'est un outil essentiel pour relever les nouveaux défis du monde municipal, mais pas tout à fait comme on l'a écrit dans l'avant-projet de loi. Le conseil de la MRC du Haut-Richelieu est d'avis que l'orientation de cet avant-projet de loi ne rencontre pas les objectifs de souplesse et d'allégement de contrôle recherchés, espérés et préconisés pour l'administration et la gestion municipales futures. L'on y retrouve beaucoup trop de similarités avec les opérations actuelles du monde municipal. Le gouvernement semble avoir oublié que, par cette nouvelle façon de faire, il voulait permettre aux municipalités, MRC et communautés urbaines de créer une entité privée et, à cet effet, il doit scrupuleusement dissiper toute association avec le monde public.»

On a eu l'UMRCQ qui est venue nous dire qu'elle souhaitait que le ministère des Affaires municipales règle la question épineuse du droit de retrait et n'aimait pas se retrouver avec un double droit de retrait dans l'avant-projet de loi. L'UMRCQ nous a aussi fait valoir qu'elle souhaitait que le ministère continue de présenter des projets de loi privés, parce qu'on n'avait pas encore un système qui avait fait ses preuves. On a entendu également Me Louise Beaulieu qui a largement contribué à la rédaction de trois projets-pilotes sur quatre. Je l'ai questionnée très honnêtement et elle m'a répondu de la même façon que l'avant-projet de loi actuel ne lui aurait pas permis de créer les trois sociétés d'économie mixte auxquelles elle a participé.

Il y a eu les syndicats aussi qui sont venus nous dire que l'expertise existait dans le monde municipal. Ça, je pense que personne ne peut le contredire. Mais ils ont également exprimé non seulement leurs craintes et leurs appréhensions face à la création des SEM, mais aussi leur total désaccord. L'application de l'article 45 du Code du travail ou, je dirais, l'impression qu'ils ont que l'entreprise privée ne pourrait pas respecter cette application-là les inquiète énormément, et on peut les comprendre puisqu'il en va évidemment de la survie, à certains moments, de leur organisme et de l'emploi aussi de leurs membres. Et on pourrait en prendre d'autres. J'ai choisi ceux-là. Il y en a d'autres évidemment qui sont venus nous faire part de leurs commentaires.

Si je devais dégager une recommandation commune de ces consultations publiques, Mme la Présidente, c'est celle d'agir avec la plus grande prudence. L'ex-mairesse de Saint-Romuald, ainsi que les deux partenaires privés se sont présentés ce matin devant cette commission et nous ont avoué les grandes difficultés de leur démarche vers la création - ils ont le projet de loi entre les mains - de leur SEM, toutes les difficultés qu'ils ont éprouvées, qu'ils éprouvent encore, malgré la bonne volonté de tout le monde de vouloir faire en sorte que la SEM fonctionne: problèmes avec la fiscalité des compagnies, la fiscalité municipale. Eux aussi recommandaient la création des SEM par la législation cas par cas.

Mme la Présidente, il y a quasi-unanimité sur les éléments suivants, j'en conviens: mieux encadrer le choix du partenaire privé, la protection du contribuable, une plus grande transparence, donc facilité d'avoir l'information et accès à la loi sur l'information; elle devrait s'appliquer, cette loi-là. Il y a des intervenants qui nous ont dit qu'on devrait permettre une augmentation du pourcentage d'actions qui sont achetées par le partenaire privé, en maintenant toujours évidemment la majorité des actions votantes pour le fondateur municipal. Un autre élément qui fait consensus, c'est un mécanisme pour assurer la continuité, au sein de la majorité, du fondateur municipal lorsqu'il y a élection et changement d'administrateurs - ça, c'est un problème, il est évident - et aussi des modifications majeures à la fiscalité.

Mme la Présidente, le concept de privatisation est revenu à plusieurs reprises dans nos discussions avec les intervenants. Ce qui m'inquiète beaucoup, c'est qu'on associe privatisation et société d'économie mixte ou plutôt qu'on fasse de la société d'économie mixte le synonyme de privatisation. Je ne crois pas que ce soit le but de l'exercice. Les communautés urbaines, les MRC et les municipalités pourraient, par la voie utilisée actuellement, qui est la voie contractuelle, aller en soumissions et faire faire les travaux ou la livraison des services par l'entreprise privée pour un an, deux ans, trois ans, quatre ans, peu importe, et elles ont toujours le choix de retourner en soumissions publiques si elles ne sont pas satisfaites des services qui sont dispensés.

On a aussi mentionné, Mme la Présidente, que la société d'économie mixte ne simplifiait pas les mécanismes actuellement, mais qu'on imposait plutôt une lourdeur administrative et qu'on n'était pas sûrs, finalement, que les citoyens pouvaient y gagner; au contraire, ils pouvaient y perdre au change.

On a aussi mentionné à plusieurs reprises que les sociétés d'économie mixte n'ont pas vu le jour ici, mais ailleurs, en France, et ailleurs en Europe. On a aussi lu, tous tant qu'on en est, des commentaires un peu désagréables sur ce qui se passe dans les sociétés d'économie mixte, plus particulièrement en Europe. Moi, je n'ai pas à porter de jugement là-dessus, sauf que, quand on entend parler de corruption, de patronage, de pots-de-vin, on sait que nos lois ici, au Québec, protègent bien les élus. Et, moi pour une, j'ai la plus grande confiance dans les élus municipaux. Alors, je ne vois pas pourquoi on s'empêcherait de créer des sociétés d'économie mixte parce qu'on a peur qu'il y en ait qui errent.

Cependant, je pense qu'on devrait peut-être prendre le temps d'appliquer au Québec une formule qui colle davantage à notre réalité. D'autant plus qu'on apprend et qu'on sait qu'en France il y a des municipalités qui cherchent maintenant à démanteler leurs SEM et à utiliser un mécanisme que, nous, on utilise depuis plus de 100 ans, puis qui est justement l'appel d'offres, l'appel de soumissions publiques. Alors, peut-être qu'on n'aurait pas à inventer la roue, là.

(22 h 30)

Ma recommandation, Mme la Présidente, c'est qu'on prenne donc le temps d'observer le cheminement des projets-pilotes qui n'ont pas, à ce jour, fait leurs preuves. Me Beaulieu nous disait, la semaine dernière, qu'il y avait d'autres projets de loi qui s'en venaient et qu'on en retrouverait ici sur notre table de travail. Bien, moi, je dis bravo! Je pense qu'il faut saluer ces initiatives. Je pense que, en tout cas, tout au moins, l'opposition officielle souhaiterait davantage les étudier cas par cas que d'avoir, à ce moment-ci, à travailler avec une loi d'ordre général. D'autant plus que la plupart des gens qu'on a questionnés, ceux qui avaient ou qui ont entre les mains une loi qui leur permet de créer une SEM, nous ont tous répondu que, s'ils avaient eu à créer la SEM à partir de l'avant-projet de loi actuel - puis, ça, je ne l'invente pas, c'est dans les galées - ça leur aurait été impossible, soit que c'était trop encadré ou pas assez encadré, pas assez spécifique. Alors, je nous invite à la plus grande prudence. Nous nous associons à ceux et celles qui nous ont signifié d'appliquer les freins quant à l'élaboration d'une loi-cadre.

Et j'aimerais terminer, Mme la Présidente, en faisant nôtres les propos de M. Laurent Pellerin, qui est le président de l'UPA, qui nous a fait envoyer... qui a déposé une lettre avec ses commentaires sur les sociétés d'économie mixte. Et je prendrais le dernier paragraphe: «Pourquoi précipiter les choses? Certaines expériences-pilotes ont lieu présentement. L'expérience qui a cours dans la MRC du Haut-Richelieu pour la collecte des ordures semble, pour l'heure, répondre aux objectifs que s'est fixés la MRC. On prévoit même dégager certains bénéfices pour l'année courante. Laissons le temps juger de la valeur de ces expériences. Nous avons souvent la mauvaise habitude au Québec de faire les choses en faisant table rase du passé. Usons de sagesse. Nous en avons tout le temps et encore les moyens.»

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Alors, je remercie tous les participants à cette commission, les membres de cette commission, M. le ministre et Mme la députée de Jean-Talon. Je remercie tout le monde de sa belle collaboration.

La commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 33)


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