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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 5 novembre 1996 - Vol. 35 N° 38

Consultation générale sur le projet de loi n° 12 - Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions


Autres intervenants
Mme Madeleine Bélanger, présidente
M. Jacques Brassard
M. Robert Middlemiss
Mme Solange Charest
Mme Margaret F. Delisle
* M. Jacques Boucher, ANCQ
* M. Georges L'Espérance, idem
* M. Yves Fleury, RAAQ
* M. Yvon Provencher, idem
*M. Ronald Beauregard, idem
* M. Jacques Lareau, STO
* M. Georges O. Gratton, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures vingt-trois minutes)

La Présidente (Mme Bélanger): La commission de l'aménagement et des équipements débute ses travaux. Le mandat de la commission, c'est: consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui. M. Perron (Duplessis) est remplacé par Mme Charest (Rimouski); M. Quirion (Beauce-Sud) est remplacé par M. Lafrenière (Gatineau).

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. L'ordre du jour. Aujourd'hui, 15 heures... disons 15 h 25: Association des neurochirurgiens du Québec; à 16 heures, Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec; à 17 heures, Société de transport de l'Outaouais. Il y aura suspension des travaux à 18 heures pour reprendre les travaux à 20 heures, avec M. Maurice Pellerin, et, à 20 h 30, M. Peter Simorjay et M. Paul de Bellefeuille, pour ajourner à 21 heures.

Je demanderais à l'Association des neurochirurgiens du Québec de bien vouloir s'approcher de la table.

Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi par une période de questions de 20 minutes du côté ministériel et de 20 minutes du côté de l'opposition. Alors, je demanderais au président, M. Jacques Boucher, de bien vouloir présenter la personne qui l'accompagne, et vous avez la parole.


Auditions


Association des neurochirurgiens du Québec (ANCQ)

M. Boucher (Jacques): Oui. Je suis le Dr Jacques Boucher, président de l'Association, et le Dr Georges L'Espérance, qui est le secrétaire de l'Association, tous les deux neurochirurgiens.

La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire.

M. Boucher (Jacques): Alors, l'Association a tenu à intervenir dans ce débat comme elle le fait depuis déjà quelques années. Comme vous le voyez, on a intitulé notre mémoire «De l'autre côté du mur», parce qu'en fait, nous, on survient, on est utiles après l'impact.

Le port du casque. Il nous a été souvent demandé d'intervenir, depuis au moins trois, quatre ans, dans le débat, dans les discussions. Presque chaque été, on nous a demandé, on a été invités à participer soit à des conférences de presse ou des choses comme ça.

Après l'accident, écoutez, nous, l'expérience qu'on peut vous donner, c'est nos patients sur l'étage, évidemment. Et pourquoi ce sont les neurochirurgiens plutôt que les orthopédistes, plutôt que d'autres associations? Évidemment, c'est le traumatisme à la tête qui est le plus discuté. C'est évident qu'il y a d'autres sortes de blessures en vélo, et tout, mais les conséquences majeures dont on parle au point de vue médical, c'est le traumatisme crânien.

Le casque, pour nous, il y a plusieurs années, était peut-être tout simplement un gadget. Depuis quelques années, il est devenu vraiment un outil important. On ne le considère plus comme ça, c'est vraiment un outil de protection. On dit: Ça prend 490 lb au po² pour provoquer une fracture du crâne. Alors, il nous fallait un outil pour déplacer l'énergie quand quelqu'un est frappé. Que ce soit une énergie à haute vélocité ou pas, c'est l'énergie au po² qui est nécessaire. Et puis le casque, pour nous, là, vraiment, s'est modernisé, a eu un développement, alors il est vraiment devenu un outil important. On le compare actuellement au gilet de sauvetage pour le canotier; on le compare évidemment au port du casque au hockey ou des choses comme ça. Alors, ce n'est pas un gadget.

Et puis, en même temps, on a vu depuis quelques années dans nos départements cliniques – le Dr L'Espérance travaille dans un centre de traumatologie, à Cartierville, qui est un centre majeur, et, moi, je travaille à Sherbrooke, où il y a aussi le centre de traumatologie – on a vu notre clientèle changer. Je pense que les mesures de sécurité, particulièrement quant à l'alcool au volant, ça a changé beaucoup depuis quelques années.

On se souvient des massacres qu'on connaissait dans les années 1975-1980, où on pouvait hospitaliser 15, 20, 25 personnes dans le coma, durant les week-ends, dû aux accidents de la route. L'alcool était fortement impliqué, et on remercie les législateurs d'être vraiment intervenus dans le débat.

Notre clientèle a changé. Depuis quelques années, on constate, si on prend particulièrement les mois de juillet et août, qui sont les gros mois de traumatologie, que la clientèle de traumatismes à vélo et la clientèle de traumatismes en automobile, c'est presque en même nombre. Ce n'est pas en quantité absolue, c'est en quantité relative. L'année dernière, pas l'été ici, l'autre été, on m'avait demandé d'intervenir. Je me souviens qu'on avait compté à Sherbrooke, par exemple, 15 traumatismes majeurs – ça, c'est comateux trois jours et plus – en automobile et 15 traumatismes majeurs à bicyclette. On avait eu trois morts à bicyclette et deux morts en automobile, dans les conséquences à long terme. Alors, on ne veut pas rentrer dans les statistiques, parce que ce n'est pas nous qui sommes les experts dans les statistiques, mais on voit nettement, dans les départements cliniques, les clientèles changer.

Alors, le vélo a pris son importance, et le traumatisme est resté pareil, par exemple: le traumatisme est sévère à la tête. Donc, le casque, on veut insister qu'il n'est plus un gadget.

Et l'autre point sur lequel on veut insister, c'est que, depuis quelques années, beaucoup de participants sont intervenus sur la place publique. Il y en a qui sont pour et il y en a qui sont contre; nous, on est pour. On ne s'est pas gêné pour faire de la publicité et tout. J'ai apporté ici, d'ailleurs – je l'ai dévissé des murs de l'hôpital Sainte-Justine – une espèce de petit tableau qui est vissé sur les murs de Sainte-Justine depuis deux, trois ans, pour essayer d'inciter les jeunes à porter leur casque, avec des pamphlets, autant pour les parents que pour les enfants, de sorte que ça fait déjà quelques années que, pour nous, le débat est engagé.

On a réussi à faire augmenter, je pense, le port du casque. Il y en a qui donnent 20 %, 25 % actuellement qui le portent. C'est grâce à tous ces gestes de publicité et d'intervention, et tout, montrer aux jeunes qu'ils n'ont pas l'air fou avec un casque. Il y en a de toutes les sortes, et tout ça, ça dépend de l'âge qu'ils ont. Il y en a qui ont toutes sortes de raisons pour ne pas le porter.

On est rendu à un point où on a l'impression de plafonner. Quand même on essaierait de leur faire peur en leur montrant des patients dans le coma, qu'on essaierait de faire de la publicité comme ça, on a l'impression qu'on plafonne et que, si vraiment on veut faire quelque chose, il va falloir que quelqu'un d'autre intervienne dans le débat, pas juste essayer d'influencer les jeunes et les adultes à le porter, mais on pense que le législateur est rendu à un moment où il doit intervenir.

(15 h 30)

L'autre chose qu'on constate, c'est qu'on n'a plus les mêmes bicycles. Ces bicycles-là, ils ont une performance. Il y a eu une évolution extraordinaire des vélos depuis 10 ans au Québec, et même plus. Ce n'est plus les petits vélos qu'on avait dans les années soixante; les vitesses, il y en a plus.

Deuxièmement, la présence des cyclistes, ce n'est plus la même place. On les voit sur la route. Ils ont pignon sur rue. En plus, le développement des pistes cyclables qui s'est fait. Donc, c'est un sport qui est en pleine effervescence. On pense qu'il va continuer encore. Donc, il est peut-être temps de se poser la question puis de dire: Est-ce qu'il faut intervenir un peu plus?

Depuis 15 ans, ça fait au moins à quelques reprises que, moi, j'ai été invité à intervenir. Je me souviens qu'on était intervenu en 1980 – je n'étais pas le président à l'association canadienne – sur la boxe. On nous avait demandé, les neurochirurgiens: Qu'est-ce que vous pensez du knock-out technique à la boxe? On est intervenu sur le port du casque au hockey, le casque protecteur, et tout ça. On est intervenu dans d'autres situations. Ça nous fait plaisir d'intervenir et de dire qu'on croit que le législateur devrait se mêler de la partie maintenant, parce que le traumatisme est sévère, les conséquences. Ce n'est pas un nombre faramineux; le casque ne changera pas le nombre non plus, le taux d'accidents devrait même augmenter quelque peu dans les années qui s'en viennent, mais, vraiment, là, la gravité de la situation est changée de façon importante par le port du casque. Et le traumatisme sévère, le Dr L'Espérance pourra vous dire un mot sur ce que l'on parle maintenant en tant que séquelles.

Parce que ce n'est plus juste le patient qui reste dans le coma, qui reste à l'état végétatif, et tout, là, on parle de beaucoup plus que ça. Je pense que je vais lui laisser la parole là-dessus. Quand on parle de séquelles d'un traumatisme crânien, c'est peut-être des séquelles qui échappent au grand public actuellement, ce dont nous, comme neurochirurgiens, on parle.

M. L'Espérance (Georges): Merci. Alors, mon nom est Georges L'Espérance. Je suis neurochirurgien, secrétaire de l'Association des neurochirurgiens du Québec. Je suis ici aussi – et on vous remercie, d'ailleurs, de votre invitation – en tant que coordonnateur de la neurotraumatologie à l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, où nous recevons, bon an mal an, environ 10 % de l'ensemble des traumatisés crâniens de la province. Et nous sommes un centre tertiaire de traumatologie.

Certainement que vous avez été abreuvés de chiffres dans les dernières journées. Je vais simplement me limiter, si vous le permettez, à vous donner quelques chiffres tirés des séries qui ont été faites dans le monde, particulièrement aux États-Unis et chez nous.

Le traumatisme crânien représente une cause majeure de décès de un à 45 ans et représente, pour les États-Unis, 56 000 décès par 100 000 de population. La mortalité par traumatisme crânien représente 40 % des décès traumatiques, ce qui est énorme.

Selon plusieurs études dans le monde, la cause la plus fréquente de traumatisme crânien est essentiellement le transport: bien entendu, en premier lieu, l'automobile, suivie des accidents de camions quels qu'ils soient – camion qui est impliqué ou conducteur – et suivie des bicyclettes. Le groupe le plus à risque – et ça, c'est très important pour une société comme la nôtre – c'est le groupe des 15 à 24 ans, et c'est aussi un groupe, pour tous ceux qui font de la pédagogie, qui est plus rébarbatif à certaines campagnes de promotion, etc.

Si on prend l'exemple qui a été fait particulièrement en Californie, les études qui ont été faites lors de la législation sur le port du casque à motocyclette, la mortalité a été diminuée de 38 % lors de l'adoption de ces mesures-là. Il y a eu une diminution aussi du nombre d'hospitalisations, une diminution de la sévérité des lésions. Alors, en ce qui concerne les chiffres du Québec, les blessures à la tête représentent 85 % des décès chez les cyclistes et 35 % des blessures graves.

Dans certaines représentations qui ont été faites dans les médias, on a pu voir, par exemple, que la gravité d'un traumatisme chez un cycliste ne sera pas changée si le cycliste est projeté par un camion ou par une automobile. On en convient, de ça, bien évidemment. Il est sûr que de se faire frapper à bicyclette par un camion ou une automobile, à 100 km/h, qu'il y ait casque ou non ne changera vraisemblablement pas grand-chose sur «l'outcome» final. Notre point n'est pas tellement là. Et, sans vouloir faire de cours, si vous me permettez, disons simplement que les traumatismes crâniens se divisent en trois grandes classes: les légers, les moyens et les graves, ce qui n'est pas très difficile à retenir. Dans les traumatismes légers à modérés, on retrouve une grosse partie, évidemment, des traumatismes crâniens, et particulièrement des traumatismes à bicyclette.

Antérieurement, on avait plutôt tendance, autant comme neurochirurgien que comme médecin au sens large ou urgentiste, à laisser tomber un peu les traumatismes dits légers et les traumatismes modérés. Je n'entrerai pas dans les détails. Pourquoi? Parce que les patients arrivaient relativement bien à l'urgence. Ils étaient un peu sonnés, petite commotion, quelques troubles sans plus et, après quelques heures ou quelques jours, pouvaient être libérés. On se rend compte de plus en plus, surtout depuis le début des années quatre-vingt-dix, que ces patients-là ont des séquelles importantes, très importantes sur le plan neurocognitif.

Bien entendu qu'un cycliste qui est projeté avec ou sans casque à 100 km/h, encore une fois, s'il est cassé de partout, le casque ne changera pas grand-chose, mais on parle ici des traumatismes beaucoup plus légers, des traumatismes qui se produisent en ville, des traumatismes qui se produisent sur les pistes cyclables, les chocs, les gens qui vont se frapper la tête et qui vont avoir un traumatisme dit léger à modéré, mais pour lesquels ils vont garder des séquelles neurocognitives importantes.

Et il y a de plus en plus d'études qui se font là-dessus. Je ne vous citerai ici que quelques chiffres, bien entendu, toujours américains, mais qui peuvent s'appliquer certainement à notre société. Pour 90 % des enfants entre 5 et 14 ans qui sortent de l'hôpital avec un bon «outcome», selon une échelle, avec un bon pronostic, on voit quand même qu'il y a neuf de ces 10 patients-là qui semblent normaux, mais qui continuent, un an après leur traumatisme, à avoir des séquelles légères à modérées, séquelles qui vont aller jusqu'à les faire retarder d'une année scolaire ou même perdre plusieurs années scolaires et ne plus jamais retrouver leur fonctionnement antérieur. C'est vrai aussi pour les adultes, d'autant plus que le cerveau de l'enfant est plus plastique et va se... On dit, on pense que le cerveau de l'enfant s'améliore plus que celui de l'adulte lorsqu'il est traumatisé.

Notre point est surtout que la majorité des traumatismes crâniens à vélo sont des traumatismes légers à modérés, nous en convenons fort bien, les chiffres sont là, mais, même si ces enfants-là ou ces adultes-là n'entrent pas à l'hôpital baignant dans leur sang ou comateux profonds, ils en gardent des séquelles importantes, et le port du casque est ici un élément extrêmement important.

Tomber sur une chaîne de trottoir et se frapper la tête avec un casque, c'est le casque qui a une égratignure; tomber sur la chaîne de trottoir sans casque, c'est le cerveau qui a une égratignure, et une égratignure sur le cerveau, ça ne guérit pas. Il en reste des séquelles toujours importantes, qui ne sont peut-être pas toujours facilement évaluables, mais on sait avec les examens neuropsychologiques qu'ils deviennent de plus en plus palpables, ces éléments-là de pronostic.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, Dr Boucher et Dr L'Espérance. Si je vous comprends bien, vous reconnaissez finalement que, dans des accidents très graves impliquant particulièrement des véhicules automobiles et même des camions, le port du casque ne change pas grand-chose. Finalement, les conséquences sont aussi graves en ce qui a trait aux traumatismes crâniens, par exemple. Je vous ai bien compris là-dessus?

M. Boucher (Jacques): Oui, quand le traumatisme...

M. Brassard: Quand l'impact est très fort.

M. Boucher (Jacques): On est sûrs que le casque a quand même protégé la boîte crânienne, à ce moment-là. Mais, vous savez, à ce moment-là, c'est plutôt d'autres blessures que la vie. C'est des viscères profonds: ils vont mourir au bout de leur sang ou des choses comme ça.

Alors, où est la limite? À quelle vitesse on dit que ça commence à être très efficace et qu'après ça ça perd son efficacité? C'est difficile à préciser, là. Ça continue à protéger, mais là c'est d'autres blessures qui viennent en ligne de compte; c'est les hémorragies massives surtout qui tuent les patients, à ce moment-là, sur les lieux de l'accident. Alors, casque ou pas casque, ça ne changera pas.

(15 h 40)

M. L'Espérance (Georges): Je pense qu'il faut relativiser tout ça, si vous me permettez. Les traumatismes crâniens se classent en trois catégories: les graves, qui ont un Glasgow, qu'on appelle, de trois à huit; les modérés, de huit à 13; et les légers, de 13 à 15, 15 étant un individu normal. Il y a 80 %, 85 % des traumatismes crâniens qui vont se situer dans les traumatismes modérés et légers; les autres sont graves.

Alors, bien entendu, pour répondre à votre question, M. le ministre, si quelqu'un se fait projeter par un camion sur une autoroute, casque ou pas casque, je veux dire, il est dans un coma profond, il est atteint gravement et il a toutes les autres lésions qui viennent s'ajouter là-dessus.

Mais, si on peut diminuer les conséquences et les séquelles de 90 % ou de 80 % à 90 % des traumatismes crâniens dits triviaux, c'est déjà beaucoup. Et elles existent, ces séquelles-là. Dans le passé, on n'avait pas les moyens pour aller les chercher, mais elles existent; maintenant, on le sait. Et on le voit à travers les résultats scolaires, on le voit à travers l'évolution, on le voit à travers les gens: banquiers, avocats, qui ne sont plus capables de reprendre leur travail antérieur suite à des traumatismes dits légers ou modérés.

M. Brassard: Justement, je pense que c'est une dimension intéressante, peut-être nouvelle aussi que vous apportez, c'est que, dans les accidents graves, le port du casque n'est pas un élément qui change beaucoup les conséquences d'un tel accident. Par contre, ce que vous dites, c'est qu'il y a beaucoup de traumatismes légers pour les cyclistes, et là le port du casque assure bien, je dirais, sa mission protectrice dans les traumatismes légers.

Ce que vous nous dites comme spécialistes, au fond, comme neurochirurgiens, c'est que, dans les traumatismes légers, ils sont légers, ils sont classés dans la catégorie légers, mais, par contre, il y a des séquelles; il y a des séquelles qui persistent et qui même durent de façon permanente, si je comprends bien.

M. L'Espérance (Georges): La plupart durent de façon permanente chez l'adulte. Plus on est tout-petit, plus on pense – on pense – que les séquelles... que le cerveau peut compenser, mais, en fait, on n'en sait rien, parce qu'on ne sait pas comment un enfant de cinq ans, ou de six ans ou de huit ans va évoluer dans le futur. Alors, de dire, à 15 ans: Ce pauvre petit, il n'est pas capable de faire 2 + 2, en fait, on ne le sait pas, s'il était capable à l'âge de cinq ans, ou de sept ans, ou de huit ans. Chez un adulte, on le sait. S'il était avocat, bien il n'est plus capable d'être avocat; ou, s'il était ministre, il n'est plus capable d'être ministre. Mais, chez l'enfant, on ne le sait pas, et c'est uniquement la finesse des tests neuropsychologiques qui nous permettent de mieux avancer vers ça.

M. Boucher (Jacques): J'aimerais insister: ceci n'était pas reconnu dans les années quatre-vingt-dix. Les mères nous ramenaient les enfants et disaient: Il ne va pas à l'école. Nous, on faisait des photos du cerveau, on faisait des électroencéphalogrammes, on disait: Non, madame, les tests sont corrects; votre enfant est supposé être intelligent. Elles disaient: Il performait mieux l'année passé, il y a sûrement quelque chose.

Alors, depuis les années quatre-vingt-dix, les travaux scientifiques sur la traumatologie se concentrent particulièrement là-dessus. Il y en a qui sont très actifs actuellement. On a un groupe de Trois-Rivières qui les revoit tous, ces enfants-là. L'assurance automobile, actuellement, centre ses efforts. Et ça, ça a été méconnu dans le passé. C'est relativement nouveau que, nous, on voit la lumière dans ça, et même au niveau scientifique. Alors, ne sous-estimez pas les traumatismes mineurs et modérés, c'était tout simplement une question de comment on les classifiait avant. Les conséquences sociales sont beaucoup plus graves que ce qu'on pensait.

M. Brassard: Vous n'avez pas parlé du virage à droite sur feu rouge. Il y a quelques lignes là-dessus dans votre mémoire. Là aussi, vous vous y opposez parce que, selon vous, ça entraînerait un accroissement significatif des accidents impliquant surtout des piétons.

M. Boucher (Jacques): Oui. C'est les piétons et particulièrement les jeunes qu'on vise. Écoutez, nous, on n'est pas experts dans ça du tout, là, le débat se passe surtout sur la rue. Mais toutes les études qu'on a lues, à la fin de l'étude, ils disent: Bien, évidemment, on va en écraser quelques-uns durant l'année, mais ça ne sera pas trop, juste quelques-uns.

Alors, nous, comme neurochirurgiens, quand bien même ce serait juste un qui se ferait écraser, c'est déjà trop. Vous savez que juste un qui reste handicapé sévère le restant de ses jours vient d'enlever tous les bénéfices pécuniaires de l'étude, les 100 000 L d'essence ou je ne sais pas trop là, de la pollution. Alors, comme neurochirurgiens, on ne peut pas dire oui à ça. On n'est pas les plus grands participants à cette chose-là, mais c'est non parce que toutes les études, en petites lignes, à la fin, disent: Bien, c'est évident qu'il va y en avoir quelques-uns qui vont se faire écraser, c'est inévitable. On ne peut pas être pour ça.

L'alcool au volant est une autre chose. L'alcool au volant, comme neurochirurgiens, dans une carrière, on est fortement impliqués avec l'alcool. Pas juste au volant. L'alcool de tous les vendredis soirs, et tout ça, du patient qui nous est amené supposément comateux, puis, en fait... On vient de passer encore notre nuit de vendredi ou de samedi là-dessus, là. Et on est très contents des mesures qui ont été prises depuis quelques années. Ça a complètement changé et notre vie professionnelle et notre vie personnelle. On a toujours dit, dans les années soixante-dix, que, au moins dans 70 % des accidents où il y avait au moins un mort, un des deux chauffeurs était sous l'influence de l'alcool, et les lois ont bien porté.

Les lois s'appliquent, à notre sens, à tout le monde: qu'on soit jeune, qu'on soit plus vieux, qu'on soit moyen. Et puis l'effet est là. Et là on dit: On devrait peut-être la durcir. Et ce que l'on veut dire, nous, comme message...

M. Brassard: Oui, justement, comment?

M. Boucher (Jacques): Hein?

M. Brassard: Comment durcir la loi, là, davantage que ce qu'on propose?

M. Boucher (Jacques): C'est que là, si vous durcissez la loi, ne ciblez pas des populations selon l'âge, le sexe, ou des choses comme ça. Ce n'est pas ça qu'on observe sur nos départements cliniques. Ciblez le récidiviste, qu'il ait n'importe quel âge. N'en faites pas un conflit de société, là, dire... Si on dit: 80 % des jeunes sont impliqués dans les accidents, le vendredi soir et le samedi soir, il faut peut-être se demander... 80 % des conducteurs sur la route, le vendredi soir et le samedi soir, c'est peut-être des jeunes. Les pépères comme moi, on regarde la TV.

Alors, je pense qu'on est rendu à sûrement qu'il faut durcir la loi. On en voit encore, c'est ça qu'on veut dire. On le voit encore, sur nos départements cliniques, que l'accident a été nettement causé par l'alcool. Mais ciblez le récidiviste, parce que c'est ça qu'on voit maintenant. On se dit: Tiens, on l'a eu l'année passée, celui-là. Il revient encore?

M. Brassard: Mais on le cible. Vous trouvez qu'on ne le cible pas assez?

M. Boucher (Jacques): Oui, oui, ciblez le récidiviste, ne ciblez pas selon l'âge.

M. Brassard: Oui, l'âge...

M. Boucher (Jacques): On dit: Est-ce qu'on va mettre un taux d'alcool à tel âge, puis tel autre taux à tel autre âge? Puis tel autre taux... peut-être que vous allez...

M. Brassard: C'est pour les apprentis...

M. Boucher (Jacques): C'est notre opinion d'observateurs ponctuels, là. Ce n'est pas...

M. Brassard: C'est pour les apprentis conducteurs. Mais, une fois qu'ils ont leur permis, il n'y a pas de distinction selon l'âge.

M. Boucher (Jacques): C'est tout ce qu'on voulait dire là-dessus: qu'on est d'accord pour que vous durcissiez encore la loi, parce qu'on en voit encore. Puis, si vous la durcissez, durcissez-la pas en ciblant des populations données, mais ciblez plutôt celui qui récidive. On les voit, ces gens-là qui viennent.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. Merci, Dr Boucher et Dr L'Espérance. Dr Boucher, vous avez mentionné tantôt que vous avez l'impression que, quant au port du casque, il y a un plafonnement. Ça, c'est votre observation en pratiquant votre profession ou c'est basé sur des statistiques auxquelles vous avez référé?

M. Boucher (Jacques): Non, c'est basé... Ce n'est pas en pratiquant. Depuis quelques années, comme je l'ai dit, on intervient dans le débat public, on essaie d'influencer particulièrement les jeunes, mais également par des conférences de presse, depuis au moins trois ans, quatre ans, que notre Association... Et puis, on avait l'impression que ça portait fruit. On voit les chiffres qui sortent, des gens plus expérimentés que nous pour faire des statistiques: les chiffres ont monté. Il y en avait juste peut-être un 10 % qui, volontairement, il y a cinq ans, dix ans... Ç'a monté: 10 %, 15 %, 20 %.

On a l'impression de plafonner depuis une couple d'années, là, ça se tient entre 20 % et 25 %, 23 %, 24 %. C'est des études faites à gauche, à droite, et tout, par d'autres personnes que nous. Même si on mettait d'autres efforts, nous, si on donnait deux conférences, si on demandait à Sainte-Justine de mettre au moins une de ces pancartes-là à chaque corridor plutôt qu'en mettre une à un endroit, on n'a pas l'impression qu'on aurait des résultats. On plafonne, là, avec la technique qu'on employait afin de motiver les gens à le porter. Et on pense que d'autres personnes doivent intervenir dans le débat.

M. Middlemiss: D'accord. Donc, intervenir... Est-ce que, pour vous, là, le port obligatoire du casque, c'est une des solutions, sans ajouter à ça plus de sensibilisation, plus de publicité sur les conséquences de ne pas porter de casque si on tombe sur une bordure de trottoir ou des choses comme ça?

Est-ce que vous croyez qu'en bout de piste c'est l'obligation du port du casque qui va réussir à faire monter le pourcentage des gens qui vont l'utiliser?

(15 h 50)

M. Boucher (Jacques): Sûrement, ça va augmenter. Je pense que, si une loi intervient, volontairement, juste le fait que ça soit une loi... Est-ce qu'il va y avoir un autre 10 % qui va le porter? C'est déjà ça. On ferait un saut à 32 %, 35 %. Il y a un point de bascule, hein, à un moment donné. Quand la majorité des cyclistes, la majorité des jeunes va avoir un casque sur la tête, celui qui n'en aura pas va plutôt se sentir déviant par rapport aux autres. Là, actuellement, c'est encore l'inverse. Les jeunes vont dire: Ah, moi, je ne porte pas ça, c'est ci, c'est ça. Mes chums ne le portent pas, et tout. Alors, il y a un point qu'on va atteindre, qui est différent.

Là, on pense que, nous, avec la publicité, c'est le maximum qu'on peut atteindre. Si vous intervenez dans le débat puis que vous obtenez un autre 10 %, 12 %, peut-être qu'à ce moment-là tout le monde va dire: Bien, on «était-u» fou de ne pas le porter, le casque. Là, tout le monde va vouloir le porter.

Alors, c'est dans ce sens-là. On est sûr qu'une loi n'arrivera pas puis va réussir à convaincre 100 % de la clientèle, là, d'un coup sec, ce n'est pas possible, mais si vous pouvez faire monter ce chiffre-là encore d'un 10 %, 15 %, peut-être que, d'elle seule, après ça, l'influence va être suffisamment forte pour tout le restant.

M. Middlemiss: Oui. Mme la Présidente, vous avez aussi mentionné, Dr Boucher, que vous croyez que le taux de participation de cyclistes devrait augmenter avec le temps. Ça, à cause de la population ou... Qu'est-ce qui vous fait dire ça?

M. Boucher (Jacques): Bon, c'est le changement dans notre société, les pistes cyclables de plus en plus abordables, agréables aux gens pour faire du vélo. Deuxièmement, le vélo lui-même s'est transformé. Ce n'est plus juste des gros pneus, là, puis ces choses-là, c'est vraiment un sport qui gagne en popularité au point de vue de l'outil, de l'attrait comme tel. Et, troisièmement, c'est qu'on a donné pignon sur rue officiel aux cyclistes dans la rue.

Avant ça, là, c'était un petit peu... les gens disaient: Hé! Tu n'es pas chez vous, débarque de là! Va-t-en sur le trottoir! Là, c'est officiel, ils ont le droit. Alors, cette chose-là a fait monter... apparaître le cyclisme, et on s'attend que... Puis ce n'est pas arrêté, ça continue d'année en année. Ce n'est pas des pourcentages faramineux à chaque année, mais je suis sûr que, d'ici 10 ans, le chiffre de participation en cyclisme va être encore plus fort qu'aujourd'hui. C'est un changement de société qui se passe, là.

M. Middlemiss: D'accord. Il y en a qui sont venus ici puis qui ont exprimé l'opinion que, si on avait une loi qui obligeait le port du casque, il y aurait une réduction dans la participation des gens qui font du vélo. Est-ce que, sur ça, vous...

M. Boucher (Jacques): Moi, j'ai lu ces choses-là. J'ai beaucoup de difficulté à composer avec ça, parce que, écoutez, des mesures de sécurité, on en a vu dans tous les sports; il y a des discussions à chaque fois, et tout. C'est peut-être le contraire aussi. Pourquoi ne pas dire le contraire, hein? Dire: Ça devient un sport plus prudent. Maintenant, on est plus protégé, et tout et tout. Les casques sont meilleurs, et tout ça.

Je pense que ça repose sur rien de scientifique, sinon sur des opinions personnelles. Parce qu'on a fait ces mesures-là dans plusieurs autres sports et tout. On est intervenu dans le Ski-doo, les blessures du dos, pour dire qu'il y ait une certaine suspension et toutes ces choses-là: les ventes de Bombardier fracassent des records.

Alors, je ne suis pas spécialiste dans ça, mais, moi, je n'ai pas été convaincu par ces études-là, sinon que c'étaient simplement des opinions personnelles et que, des fois, on gratte, puis la personne est déjà impliquée dans un domaine où on pouvait avoir peur. Moi, je ne suis pas ici à demander... C'est comme si j'étais un neurochirurgien puis que je disais: Hé! écoutez, ne portez pas le casque, pour qu'il y ait des accidents; c'est mon gagne-pain, les traumatismes crâniens. On serait révolté. C'est ça.

Alors, non, quand on discute d'une mesure de sécurité – on l'a discuté dans beaucoup d'autres domaines – je ne pense pas que ça abolisse un domaine, là. Ce n'est pas correct.

M. Middlemiss: Oui, oui.

M. L'Espérance (Georges): Vous me permettrez d'ajouter. Admettons qu'il y ait une diminution de 2 %, 4 %, 5 %, 10 % de cyclistes avec le port du casque obligatoire; si, avec ça, on gagne ou on empêche 10 %, 15 %, 20 %, 40 %, 50 % de traumatismes crâniens légers à modérés, de retards scolaires, de gens qui sont diminués par rapport à ce qu'ils étaient avant, je pense que le gain, pour la société, à mon avis, à moi, comme médecin et pas comme statisticien ou comme promoteur du cyclisme, là, comme neurochirurgien, je pense que la balance est immédiatement d'un côté. Ne diminuerait-on que de 50 cas par année le nombre de traumatismes légers à modérés – traumatismes crâniens – qui laissent des séquelles chez ces enfants-là ou chez des jeunes adultes, ce serait déjà ça de gagné pour la société.

M. Middlemiss: Oui, merci. Mme la Présidente, sur les facultés affaiblies, vous avez indiqué que vous avez une expérience à cause des traumatismes crâniens. Ce que vous avez observé dans les années récentes, est-ce que c'était un groupe d'âge? Est-ce que c'est les jeunes, plus de jeunes, ou des personnes, disons, entre 16 et 25 ans ou de 25 à 45 ans, qui étaient des récidivistes, là, ou est-ce que vous trouvez que les jeunes ont répondu de façon plus responsable aux campagnes contre la conduite avec facultés affaiblies?

M. Boucher (Jacques): Spontanément, j'aurais une tendance à vous dire oui, sans vous soumettre une étude statistique, parce que le récidiviste de l'alcool, il n'est pas jeune. Ce que l'on a observé, nous, c'est que effectivement il y en a encore des accidents où c'est l'alcool qui est le principal facteur et que là on n'a pas opinion... alors qu'on le voyait avant... Écoutez, dans les années soixante-dix, là, notre clientèle, c'était du 16 à 25 ans à 95 %, et c'était l'alcool. Actuellement, notre clientèle où l'alcool est impliquée dans ça... Il est pas mal plus vieux, je pense, le récidiviste.

Alors, on n'a pas observé... dire: C'est encore les jeunes où l'alcool est un facteur. Au contraire, c'est pour ça qu'on dit: Durcissez la loi, mais durcissez-la maintenant sur le récidiviste.

M. L'Espérance (Georges): J'appuierais ça, encore là de façon empirique et uniquement basé sur la pratique quotidienne et selon les chiffres qu'on peut avoir dans mon milieu, à Sacré-Coeur. Les jeunes en état d'ébriété sont relativement rares maintenant, et je crois qu'ils ont bien perçu toute la loi puis la logique en arrière de ça. Et ceux qu'on voit arriver avec des taux d'alcool élevés sont malheureusement des gens adultes, vaccinés, avancés, là, 40 ans et plus. Et ce sont eux, les récidivistes.

M. Middlemiss: L'autre sujet, le troisième, le virage à droite sur feu rouge. Je sais que, dans le cas des cyclistes puis dans le cas des gens avec les facultés affaiblies, vous avez une expérience vécue de cas qui vous ont été amenés. Mais sous quelle étude vous basez-vous pour dire que le fait de permettre de tourner à droite sur un feu rouge serait encore la cause d'autres traumatismes crâniens? Est-ce que c'est des études ou des observations qui ont été faites où on le permet?

M. Boucher (Jacques): Non. C'est des études qui nous ont été données qui sont à l'avantage et qui demandent elles-mêmes le virage à droite. Vous les avez, ce sont des études qui sont en faveur du virage à droite et qui disent: On va économiser deux secondes de temps par automobiliste, on va économiser 100 000 L d'essence, et, en petites lignes, à la fin, on dit: Malheureusement, on va en écraser quelques-uns. Ce sont ces mêmes études-là. Elles le disent d'elles-mêmes; elles ne peuvent pas l'évaluer, elles disent: Ça va être ponctuel, ça va être quelques-uns.

Et c'est pour ça que je vous dis, comme neurochirurgien: Quand bien même, dans la province, il y en aurait juste un qui se ferait écraser, ça «vaut-u» 100 000 L d'essence? Et ce sont ces mêmes études-là qui sont en faveur du tournage à droite.

M. Middlemiss: C'est des études qui vous ont été...

M. Boucher (Jacques): Apportées...

M. Middlemiss: ...qui ont été faites par la Société de l'assurance automobile du Québec?

M. Boucher (Jacques): C'est ça. Oui.

M. Middlemiss: C'est leurs études à eux? Vous n'avez pas vérifié où on le permet, comme, par exemple, dans la province de l'Ontario, où il y a des municipalités où vous avez des collègues qui pratiquent, qui ont la même profession que vous? Vous n'avez pas échangé avec eux pour savoir si, dans leur municipalité, dans leur ville où on permet le virage à droite, ils ont autant de cas de traumatismes crâniens dus à cette chose-là? Vous n'avez jamais eu...

M. Boucher (Jacques): Non, pas du tout. Ce sont les mêmes études qui étaient en faveur qui elles-mêmes publient qu'ils vont en écraser quelques-uns. Alors, c'est pour ça que je vous dis: Comme neurochirurgien, moi, je vous dis que je ne peux pas être en faveur.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Merci messieurs. Je constate, dans votre mémoire, que vous dites que les mesures de sécurité routière ont certainement aidé à réduire la clientèle des traumatisés crâniens. Vous dites un peu plus loin aussi que vous constatez des résultats tangibles à tous les mois dans les salles d'urgence suite à des mesures législatives qui ont été prises par rapport à la conduite avec facultés affaiblies.

Moi, j'aimerais vous entendre sur comment vous avez pu voir la différence. Est-ce que c'est en cours de campagne de promotion du port d'équipement de sécurité, entre autres, la ceinture de sécurité dans les automobiles? Lorsqu'il y a eu des campagnes de promotion du port, qui ont existées avant la législation comme telle? Est-ce que là vous aviez déjà constaté des changements ou si c'est venu surtout après l'adoption de la législation? Parce que, quand vous dites que vous constatez d'un point de vue clinique des changements, j'aimerais savoir si vous êtes capables de situer à quel moment ces changements-là ont pu survenir dans les processus qui ont eu cours dans le passé, par rapport à d'autres équipements de sécurité comme la ceinture?

Et, si on peut faire des liens... Bon, présentement, on a, dans certaines régions du Québec, des campagnes de promotion du port, la Société de l'assurance automobile en a faites. Est-ce que là vous avez déjà constaté des modifications chez vos clientèles de traumatisés ou non, et si on peut faire des liens, là?

M. Boucher (Jacques): Cette observation-là, on la fait dans nos statistiques professionnelles de la Fédération des médecins spécialistes. Il y en a de deux ordres: en quantité et la sorte de traumatisme.

Mme Charest: La gravité.

(16 heures)

M. Boucher (Jacques): Alors, prenez la ceinture de sécurité. Pour nous, pas de ceinture de sécurité, il y a un traumatisme classique, c'est le traumatisme facial. Il se frappe, l'enfoncement frontal, et tout. Et on peut vous donner, chiffre pour chiffre, combien de craniotomies il y a eu lieu d'un traumatisme frontal en 1980, 1985, 1990, toutes les années, et on voit une baisse très importante de ces traumatismes-là depuis que la ceinture retient l'individu. Il y en a encore. Évidemment, ça dépend de la force de l'impact. Mais, en quantité absolue...

On peut vous fournir les chiffres précis au point de vue de la sorte de traumatisme. Le traumatisme à la colonne, c'est l'éjection en dehors de l'automobile. Alors, vous regarderez les traumatismes à la colonne, les paraplégiques – et ça, ce sont des conséquences énormes – ils ont baissé beaucoup depuis 10 ans. Malheureusement pas assez, toujours, mais ils ont baissé beaucoup. Et ça, c'est la projection en dehors du véhicule.

Au point de vue quantité, vous regarderez le pourcentage des traumatisés – c'est particulièrement la saison d'été, là, fin juin, juillet, août, là – où des fois on avait 90 % de notre clientèle hospitalisée qui était de la traumatologie, là, ça représente moins de 20 % sur chacun des services de neurochirurgie. Sur 10 ans, là, c'est fantastique de voir ces chiffres-là. Alors, ils sont de deux ordres.

Dans toutes ces mesures de sécurité, la ceinture est impliquée, l'alcool est impliqué, la réduction de la vitesse est impliquée. Alors, pour nous, la traumatologie est vraiment une bête qui est sous contrôle actuellement. Ça demeure une bête et il faut continuer à contrôler, mais les chiffres sont vraiment frappants.

Mme Charest: Merci. Je voudrais peut-être juste faire un commentaire avant de terminer. C'est sûr que tout équipement de sécurité a une limite maximum d'absorption d'impact, de force d'impact, et qu'un casque de vélo, comme un casque de motocycliste, ça ne peut pas absorber les chocs d'un cycliste versus un camion, parce que les masses qui rentrent en contact font que le casque ne peut pas absorber autant. Et, là-dessus, ça demeure que les équipements de sécurité, quand même, jouent un rôle majeur dans la sauvegarde, là, de la santé et de la vie des individus qui sont pourvus de ces équipements-là.

Mais je tenais à souligner, là, que les équipements de sécurité, ce n'est pas la panacée pour résoudre tous les problèmes. Ça ne réduit pas les accidents; ça diminue la gravité des blessures dans des contextes donnés. Alors, je pense qu'il fallait le préciser pour plusieurs personnes qui peuvent écouter les débats, là, de cette commission. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions? Pas d'autres questions. Alors, Dr Boucher, Dr L'Espérance, nous vous remercions de votre participation.

M. Boucher (Jacques): Merci. Nous aussi.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, je demanderais au Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec de bien vouloir se présenter. Nous vous souhaitons la bienvenue, et je demanderais au porte-parole de bien vouloir se présenter et présenter les personnes qui l'accompagnent.

Comme pour les groupes précédents, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi d'une période de questions de 20 minutes de l'opposition et de 20 minutes du côté ministériel. Alors, vous avez la parole.


Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec (RAAQ)

M. Fleury (Yves): Alors, bonjour, messieurs, mesdames. Je m'appelle Yves Fleury, je suis directeur général du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec. Je vous présente, à ma gauche, M. Ronald Beauregard, qui est intervenant en orientation et mobilité de l'institut Nazareth et Louis-Braille, un centre de réadaptation spécialisé en déficience visuelle; et, à ma droite, Yvon Provencher, qui est agent de promotion au Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, le RAAQ. D'ailleurs, Yvon va procéder immédiatement à la lecture en braille du mémoire. Merci beaucoup.

M. Provencher (Yvon): Alors, bonjour. La réforme du Code de la sécurité routière intéresse au plus haut point les citoyens et citoyennes présentant une déficience visuelle. En effet, la qualité de l'intégration sociale des personnes aveugles et amblyopes dépend étroitement de leur capacité à se déplacer en toute sécurité sur la voie publique.

Or, de nombreux facteurs tendent à confirmer que l'utilisation de la voie publique devient chaque année de plus en plus dangereuse pour les personnes présentant une déficience visuelle, notamment en raison de l'augmentation sans cesse croissante du nombre de véhicules motorisés, de la complexité accrue des feux de signalisation en milieu urbain de même que de l'utilisation excessive des aires pédestres par les cyclistes et amateurs du patin à roues alignées.

Dans ce contexte, plusieurs membres de la communauté handicapée visuelle québécoise ont manifesté leurs préoccupations durant les dernières années face au déséquilibre grandissant qui caractérise le partage de la voie publique entre les personnes choisissant la marche et celles optant pour d'autres moyens de locomotion.

De toute évidence, le fait de se déplacer de façon autonome en étant partiellement ou complètement privé du sens de la vue place les citoyens et citoyennes présentant une déficience visuelle sur la ligne de feu lorsqu'il est question de sécurité routière. À ce chapitre, il est assuré que les personnes aveugles et amblyopes appréhendent avec beaucoup d'inquiétude tout projet d'assouplissement du Code de la sécurité routière qui favoriserait indûment les automobilistes au détriment des meilleurs intérêts des piétons. Bien au contraire, les membres de la communauté handicapée visuelle déplore la non-application de nombreuses dispositions du Code actuellement en vigueur dont la mise en force favoriserait considérablement leur déplacement sécuritaire.

Maintes fois confrontées au manque flagrant de civisme et de respect des règles les plus élémentaires en matière de sécurité, des personnes handicapées visuelles tiennent à se faire entendre dans le cadre de la présente commission parlementaire. À ce titre, le RAAQ, regroupant les aveugles et amblyopes du Québec, en tant que représentant des intérêts de la population aveugle et amblyope québécoise, veut attirer l'attention des commissaires sur les éléments suivants: le maintien de l'interdiction du virage à droite sur feu rouge; le développement de l'adaptation et de l'uniformisation des feux de signalisation en fonction des besoins spécifiques de la population présentant une déficience visuelle; les menaces posées par la prolifération de «cédez» en milieu urbain; l'utilisation abusive des trottoirs par les cyclistes; et la nécessité de campagnes de publicité sensibilisant le grand public vis-à-vis des impacts de la déficience visuelle dans un contexte de sécurité routière et de civisme.

Alors, le premier élément: L'interdiction du virage à droite sur feu rouge, une condition essentielle au partage de la voie publique entre automobilistes et piétons. La perspective d'autoriser le virage à droite sur feu rouge est un cauchemar pour les personnes ayant une déficience visuelle. En effet, une telle autorisation rendrait les intersections particulièrement dangereuses, voire même impraticables pour les citoyens et citoyennes aveugles et amblyopes.

Déjà aux prises avec la prolifération de virages dits protégés, les citoyens et citoyennes aveugles se sont farouchement opposés au virage à droite sur feu rouge comme étant un assouplissement intolérable du Code de la sécurité routière et une remise en question inacceptable non seulement de leur autonomie fonctionnelle, mais également de leur propre intégrité physique.

À cet égard, soulignons qu'une étude, réalisée au début des années quatre-vingt-dix par la Société de l'assurance automobile du Québec, la SAAQ, concluait clairement que l'autorisation du virage à droite sur feu rouge s'était traduite par une augmentation de près de 20 % des accidents impliquant des piétons dans les régions nord-américaines ayant légalisé cette pratique.

Lourde de conséquences, cette augmentation du nombre d'accidents entraînant des lésions corporelles doit orienter les prises de décisions gouvernementales dans ce domaine. Aussi faut-il se questionner sur les mérites réels d'une telle autorisation. À cet égard, l'étude de la SAAQ démontre clairement que le virage à droite sur feu rouge ne permet pas d'écourter la durée des déplacements motorisés d'une façon significative, les gains de ce côté étant qualifiés de négligeables.

D'autre part, l'argument selon lequel une telle autorisation permettrait de réduire la pollution résultant des émissions des véhicules motorisés ne peut pas être pris au sérieux. De toute évidence, l'objectif fort passe nécessairement par la diminution du nombre de véhicules circulant sur la voie publique au profit d'une plus grande utilisation des services de transport en commun.

En terminant sur ce point, plusieurs conducteurs exemplaires pourraient être tentés d'affirmer que le virage à droite sur un feu rouge constituerait une rationalisation de l'utilisation de la voie publique sans conséquence pour les piétons en général et pour les personnes handicapées visuelles en particulier. Malheureusement, une proportion significative de conducteurs de véhicules motorisés se comportent déjà d'une façon irrespectueuse et irresponsable, n'hésitant pas à mettre leur propre vie en danger, de même que celle de leurs concitoyens et concitoyennes, en se livrant à des manoeuvres pour le moins dangereuses, simplement pour effacer quelques secondes à la durée de leurs déplacements.

(16 h 10)

Dans ce contexte, permettre le virage à droite sur feu rouge à de tels individus ne ferait qu'ajouter à l'anarchie déjà observable aux intersections, tout en diminuant dramatiquement la qualité de vie de la population en général.

Enfin, la protection de la vie humaine et la prévention de lésions corporelles sont des fondements de base du Code de la sécurité routière. La perspective de sacrifier plusieurs vies humaines au bénéfice d'accélérer des déplacements motorisés de quelques secondes est une aberration. Voilà pourquoi le RAAQ vous recommande de maintenir l'interdiction de virage à droite sur un feu rouge en toute circonstance et pour tout type de véhicule.

Le deuxième élément: L'adaptation et l'uniformisation des feux de signalisation, une priorité pour la communauté handicapée visuelle québécoise. Comme vous le savez, la signalisation routière est une source d'information accessible par le sens de la vue. Naturellement, les citoyens et citoyennes ayant une déficience visuelle ne peuvent apercevoir ni accéder à cette source d'information en raison de leur limitation sensorielle. Évident en soi, ce constat n'en comporte pas moins des incidences potentiellement très dramatiques, notamment lorsqu'il est question de feux de signalisation des intersections densément utilisées. En effet, les traversées de telles intersections peuvent se révéler extrêmement hasardeuses pour les citoyens et citoyennes aveugles et amblyopes.

Aussi, de nombreuses expériences ont été conduites durant les dernières années afin d'informer les personnes handicapées visuelles du moment approprié pour entreprendre leur traversée, et ce, par l'entremise d'un signal sonore. Certains modèles indiquent même la direction à prendre afin de prévenir la déviation du parcours pour les personnes aveugles. Malheureusement, l'adaptation des feux de signalisation sous une forme sonore accuse des retards importants dans plusieurs régions du Québec. D'autre part, l'uniformisation de tels dispositifs demeure un objectif à atteindre.

Considérant que l'accès à l'information des feux de signalisation soit une condition essentielle aux déplacements sécuritaires des citoyens et citoyennes présentant une déficience visuelle, le RAAQ recommande que la réforme du Code de la sécurité routière tienne compte de la nécessité de l'adaptation et de l'uniformisation des feux de signalisation à l'intention des citoyens et citoyennes vivant avec une déficience visuelle au Québec.

Le troisième élément, ce sont les trottoirs et autres voies pédestres, des espaces réservés spécifiquement aux piétons. Durant les dernières années, le RAAQ a reçu de nombreuses plaintes de la part de citoyens et citoyennes présentant une déficience visuelle relativement à la présence de cyclistes sur les trottoirs. En fait, toutes les personnes handicapées visuelles questionnées à ce propos ont relaté des expériences fâcheuses impliquant des démêlés avec des cyclistes, certaines ayant été victimes de collisions entraînant des blessures. À titre anecdotique et personnel, ayant un chien-guide, naturellement je n'ai jamais eu la malchance de me faire frapper par un cycliste, mais je me suis déjà fait enguirlander pour avoir été dans le chemin.

Bien entendu, une réglementation limite actuellement l'accès aux trottoirs aux personnes se déplaçant à bicyclette. Cela étant dit, cette pratique n'en demeure pas moins très répandue parmi la population adulte. La transformation des trottoirs en pistes cyclables ne nuit pas évidemment qu'aux personnes handicapées visuelles. En effet, les enfants en bas âge et les personnes âgées subissent également les contrecoups de cette pratique dangereuse. Tout en convenant que les rues et artères sont l'objet d'une compétition acharnée entre les cyclistes et les conducteurs de véhicules motorisés, il n'en reste pas moins que les trottoirs et autres voies pédestres doivent absolument être réservés spécifiquement à la marche. Considérant que la prévention des lésions corporelles est l'un des principes de base du Code de la sécurité routière, le RAAQ recommande que la réforme en cause tienne compte de la nécessité d'améliorer les dispositions et mesures assurant une plus grande sécurité sur les trottoirs et autres sentiers pédestres.

Le quatrième élément, c'est la prolifération des voies d'accès de type «cédez», une menace pour la sécurité publique, une situation handicapante des plus dangereuses pour les personnes ayant une déficience visuelle. La prolifération des voies d'accès «cédez» dans les différentes régions et municipalités québécoises pose de sérieux problèmes à la sécurité pédestre. En effet, bien que ces aménagements soient extrêmement convénients pour la circulation des véhicules motorisés, il n'en demeure pas moins particulièrement hasardeux d'y traverser à la marche. De toute évidence, l'aménagement des bretelles d'accès «cédez» complique considérablement les traversées de telles intersections au mépris des principes de base de la sécurité des piétons qui doivent parfois s'y aventurer pour poursuivre leur route.

En fait, la conception des «cédez» semble être la réponse architecturale favorisant le virage à droite sur feu rouge, soit une façon extrêmement discutable de contourner la législation québécoise en la matière.

Tout en reconnaissant que l'automobile et l'utilisation des véhicules motorisés occupent une place de choix dans la société québécoise, il convient néanmoins de souligner que certains aménagements routiers constituent des aberrations sur le plan de l'accessibilité pédestre. Aussi, il faut considérer que de nombreux contribuables n'ont d'autres alternatives que la marche pour se déplacer d'une façon autonome. Par conséquent, des réglementations spécifiques doivent garantir la sécurité des piétons lors de la conception de tous les aménagements routiers en milieu urbain. Chose certaine, la prolifération de tels aménagements a déjà profondément marqué le paysage de plus d'une municipalité québécoise, qui semblent avoir été conçues uniquement en fonction de l'automobile.

Considérant que l'aménagement de «cédez» constitue un obstacle environnemental limitant l'accès par la marche à des services publics et commerciaux pour la population en général et pour les personnes handicapées visuelles en particulier, le RAAQ recommande que la réforme du Code de la sécurité routière prévoie l'adaptation obligatoire de telles intersections afin de les rendre praticables et sécuritaires pour les piétons en général et pour les personnes handicapées visuelles en particulier.

En conclusion, les enjeux soulevés dans le présent mémoire font directement référence à la place des citoyens et citoyennes ayant une déficience visuelle dans une société québécoise à la recherche du maintien d'un équilibre quant au partage de la voie publique. Nous espérons que son dépôt et sa présentation en commission parlementaire permettront de mieux faire connaître les besoins fondamentaux des citoyens et citoyennes aveugles et amblyopes en matière de sécurité routière et pédestre, éléments qui sont indispensables au maintien et au développement de la qualité de leur intégration sociale.

En effet, les nombreux efforts investis par la société québécoise au fil des dernières années pour favoriser une plus grande participation des citoyens et citoyennes ayant une déficience visuelle dans les différents domaines de l'activité humaine demeureront incomplets tant et aussi longtemps que les préoccupations légitimes en matière de déplacements sécuritaires n'auront pas obtenu de réponse satisfaisante. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Provencher. M. le ministre.

M. Brassard: Mme la Présidente, je dois dire que je suis d'abord très impressionné par la rapidité de lecture de M. Provencher. Ça doit présupposé une très longue pratique du braille, j'imagine. Je pense que je ne suis pas le seul à avoir été impressionné, M. Provencher, tous les membres de cette commission étaient fascinés aussi.

M. Fleury, M. Beauregard, également, je vous remercie de votre mémoire. Je pense que vous soumettez à la commission un point de vue qu'il sera difficile de ne pas prendre en considération. Bon. Vous savez cependant que, dans le projet de loi n° 12 tel que déposé, il n'y a pas de disposition, il n'y a aucune disposition qui permettrait le virage à droite sur feu rouge. Il n'y en a pas. Cependant, comme c'est un sujet débattable, et de débat, il y a même des groupes qui ont jugé utile de venir donner leur point de vue. Il y en a qui favorisent l'ajout de cette disposition-là dans le projet de loi n° 12, d'autres s'y opposent; c'est votre cas. Je pense que vos raisons et vos motifs pour vous y opposer ne pourront pas être ignorés par la commission, ça m'apparaît évident.

Alors, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est, dans l'hypothèse où on autoriserait le virage à droite sur feu rouge, vous, comme aveugles ou handicapés visuels ou amblyopes... Excusez mon ignorance, mais c'est quelle déficience visuelle? Quelle est la déficience visuelle qu'on désigne par «amblyope»?

M. Fleury (Yves): C'est un mot qui est utilisé pour désigner des personnes qui ont une basse vision ou qui sont demi-voyantes, semi-voyantes. La déficience visuelle, c'est tout en nuances, en fait. La seule affaire qui est claire, c'est qu'il y a des gens qui ne voient rien, c'est les aveugles. Puis les autres, comme moi...

(16 h 20)

M. Brassard: C'est variable.

M. Fleury (Yves): ...par exemple...

M. Brassard: Il y a différents degrés.

M. Fleury (Yves): ...je vois un peu autour. Je ne vois pas ce que je regarde. Je ne sais pas où vous êtes, en fait. Mais il y a beaucoup de gens qui ont des problèmes de déficience visuelle légers. Ça fait en sorte qu'ils ont beaucoup de difficultés avec l'environnement. Ils ne voient pas les lumières de circulation, par exemple. Évidemment, ils voient autour, ils voient un peu, mais ils ne voient pas assez, ce qui fait que la canne blanche sert énormément au niveau d'identifier les personnes qui ont une déficience visuelle.

Évidemment, il faut que la canne blanche soit mieux connue, mieux comprise. Souvent, les gens pensent qu'une canne blanche devrait normalement être seulement entre les mains de gens qui ne voient rien, alors que les gens qui ne voient rien ont souvent une préférence marquée pour le chien-guide, qui les aide à s'orienter davantage qu'une canne blanche peut le faire, par exemple.

M. Brassard: O.K. Très bien, merci de l'information. Comme on dit familièrement: Ce soir, on va se coucher avec des connaissances accrues. Ha, ha, ha!

Bon. Alors, je reprends mon... Donc, ce que vous nous dites, c'est que, à partir du moment, hypothèse, où on autoriserait le virage à droite sur feu rouge, vous, comme aveugles, amblyopes, handicapés visuels à quelque degré que ce soit, on vous placerait dans une situation où le niveau d'insécurité serait accru.

M. Fleury (Yves): Définitivement, parce que les personnes handicapées visuelles apprennent à traverser les rues au moment où la circulation parallèle bouge. Si la circulation parallèle bouge, mais qu'au lieu de se diriger tout droit elle tourne vers moi, j'ai réellement un problème, là, à savoir quand c'est mon temps, à moi, de traverser, comme citoyen.

En urbanisme, c'est une règle de base: il devrait y avoir normalement un équilibre, une égalité des chances, si je peux dire, entre les piétons et les automobilistes. Cette équité ou égalité des chances est en train de disparaître dans les milieux urbains. Moi, je vis à Montréal, puis je peux vous dire sincèrement qu'on prend souvent pour acquis que c'est normal que des automobilistes soient un peu... bon, qu'ils ne sachent pas vivre ou, on va dire, dans le langage populaire: qu'ils n'aient pas d'allure. Mais je dis: Quand tu ne vois pas clair puis que tu ne vois pas la personne qui est au volant, c'est très inquiétant de sentir que ces autos-là tournent vers toi. C'est pour ça qu'une personne handicapée visuelle a fait entendre son point de vue à Montréal Ce Soir , il y a de ça une couple de semaines, où elle se faisait constamment briser ses cannes blanches par des autos qui tournaient sur elle.

Elle avait et elle était dans son droit de se diriger tout droit; l'automobiliste tenait à passer avant elle. Évidemment, son auto passait sur sa canne, brisait la canne. C'est beau de dire que les gens ne savent pas vivre, mais, si, en plus, ils ont le droit de signifier leur manque de savoir-vivre... C'est ça que ça donnerait, dans le fond, leur donner le droit de virer à droite sur un feu rouge. Bien, là, c'est très piégeant pour une personne handicapée visuelle.

À ce niveau-là, je passerais la parole à Ronald Beauregard. Lui, dans le fond, son métier, c'est entre autres d'enseigner aux personnes aveugles et amblyopes, comme on parlait tantôt, à mieux traverser les rues; en tout cas, en toute sécurité, autant que ça puisse être possible de le faire.

M. Beauregard (Ronald): O.K. Comme Yves l'a dit précédemment, mon travail consiste à familiariser les personnes handicapées visuelles aux différentes aides à la mobilité, mais également aux règles de sécurité, à les familiariser également à différents trajets qu'ils doivent exécuter.

Il est évident que, dans le parcours de ces trajets-là, ils ont à traverser des rues. Comme Yves l'expliquait également, tous les principes de base pour les personnes handicapées visuelles, quand vient le temps de traverser une rue, sont dirigés vers la circulation, aussi bien la circulation perpendiculaire que parallèle. Si on permet le virage à droite sur les feux rouges, bon, bien, on fait tomber tous ces principes de base, ce qui veut dire par le fait même que, tout en augmentant l'insécurité, on se trouve par le fait même aussi à limiter les personnes handicapées visuelles dans l'atteinte de leur autonomie au niveau de leurs déplacements. Donc, c'est remettre tout en question: la mobilité, les déplacements des personnes handicapées visuelles.

M. Brassard: Pour information, là, vous évaluez à combien, dans la société québécoise, le nombre de personnes soit aveugles ou soit handicapées visuelles?

M. Beauregard (Ronald): Bon, selon l'enquête sur la santé et les limitations d'activités de Statistique Canada, en 1991, il y aurait environ 100 000 personnes handicapées visuelles, qui souffrent d'une déficience visuelle, comme Yves l'expliquait. Pour se référer à la déficience visuelle, on n'a qu'à regarder au niveau de la loi 9 assurant l'exercice des droits des personnes handicapées.

M. Brassard: Alors donc, en autorisant le virage à droite sur feu rouge, on plonge 100 000 Québécois et Québécoises dans une situation d'insécurité et on perturbe leurs habitudes, ce que vous leur avez enseigné.

M. Beauregard (Ronald): Exactement.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. Merci, MM. Fleury, Provencher et Beauregard. Vous avez soulevé le virage à droite sur un feu rouge; vous avez aussi les voies d'accès «cédez». Entre les deux, lesquels... Dans le cas d'un feu rouge, si jamais on permettait un virage à droite, le conducteur serait obligé de faire un arrêt et être certain qu'il n'y a personne dans l'intersection avant de tourner à droite. Dans le cas d'une voie d'accès «cédez», lequel des deux... Il me semble que, si le conducteur s'en vient avec son auto et que, lui, il a la voie «cédez», est-ce que ça, ce n'est pas plus dangereux que celui qui est obligé... En présumant que tout le monde assume ses responsabilités, lequel des deux serait le pire pour vous?

M. Fleury (Yves): À mon avis, le «cédez», c'est superdangeureux, et pour tout le monde. J'ai d'excellents amis voyants qui, sans être des gazelles, sont des personnes bien portantes qui me disent qu'ils sont obligés de prendre leurs jambes à leur cou quand ils traversent ces gréments-là; c'est fait vraiment uniquement pour des autos. Ça m'étonne que des gens puissent installer des affaires de même en milieu urbain et que ça passe. C'est le signe que le Québec glisse tranquillement vers un déséquilibre marqué des droits des piétons sur les automobilistes, c'est dangereux comme ça ne se peut pas.

Remarquez bien une chose: le virage à droite sur un feu rouge, à 23 heures, le soir, quand il n'y a personne au coin de la rue et que tu es là à attendre deux minutes que le feu change de couleur, ça a l'air idiot de rester au coin de la rue, mais il y a tellement de gens, monsieur, qui ne savent pas vivre, réellement, qui ne savent pas conduire, qui ont de la misère à faire un stop, en fait qui ralentissent à peine aux stops, moi, je n'ose pas penser quand il va arriver sur un feu rouge: il n'arrêtera même pas! Je vais penser que c'est à moi de traverser et je vais me faire écraser, juste parce qu'il veut se rendre plus vite pour aller voir les nouvelles le soir. Ça ne me tente pas. Je pense qu'il ne devrait jamais avoir le droit.

Mais vous avez soulevé un cas important au niveau des «cédez». Je trouve que les «cédez», c'est des aménagements non seulement dangereux au niveau de la vitesse et du droit de virage – c'est comme s'ils accéléraient au lieu de ralentir – mais, en même temps, structurellement, c'est large, une rue qui a un «cédez». Ce n'est plus juste la voie, c'est également des «cédez» de chaque bord de la voie. Ça fait une rue presque intraversable.

Parce que les feux de circulation, au Québec, ils sont trop courts souvent. Il y a des personnes vieillissantes, il y en a de plus en plus. Quand ça vient le temps de traverser une rue et que tu as juste 30 secondes, et, en plus, elle est élargie par un «cédez», et que tu sais que les gens ont de la misère à ralentir parce que tout le monde est pressé comme un fou par les temps qui courent, c'est dangereux. C'est trop dangereux. On ne devrait pas avoir le droit d'installer des choses pareilles. Ça aide qui? Ça n'aide personne qui est obligé de marcher pour se déplacer. C'est juste bien le fun pour un automobiliste de s'engager là-dedans en pensant: Wow! Ça tourne! Ce n'est pas plaisant, c'est purement déplaisant. C'est, en fait, épeurant.

Et je ne veux être sarcastique d'aucune façon en vous disant: Essayez-le pour le fun. Essayez-le, juste de fermer vos yeux et de vous dire: Bon, bien, là, je vais y aller, c'est à moi d'y aller. «C'est-u» à moi ou si ce n'est pas à moi? Et là il y a une auto qui s'en vient et elle roule. Je vous le dis, vous allez vous faire...

Je vais passer la parole à Yvon, il va vous le dire. Lui, il voit encore moins que moi et il va sûrement être davantage en mesure que moi de vous sensibiliser sur les effets aussi sonores de ce que ça signifie. On ne sait pas où sont les autos quand elles sont là-dessus.

M. Provencher (Yvon): Bon. Tout d'abord, la question était: S'il y avait un virage à droite sur feu rouge ou les «cédez», lequel est plus dangereux, en mettant, par exemple, un arrêt obligatoire au feu avant de tourner. Idéalement, si ça fonctionnait, ça, ce serait peut-être – je dis bien «peut-être» – moins dangereux d'avoir un virage à droite sur feu rouge autorisé dans des conditions comme celles-là. Mais ça, ça présume que les automobilistes vont effectivement arrêter, ce qui, à mon avis, est très hypothétique.

(16 h 30)

Maintenant, le «cédez». Sur le plan sonore, ça fait comme si vous aviez quelque chose qui arrive derrière vous et qui, soudainement, tourne devant vous. Mais souvent les «cédez» ne sont pas tout à fait à angle droit, ils sont un petit peu en diagonale. Et puis ça, vous avez cette circulation-là en plus de la circulation sur l'autre rue devant vous que vous auriez à traverser normalement. Donc, vous avez une circulation perpendiculaire un peu plus loin de vous, mais vous avez en même temps des autos qui tournent devant vous pour passer, pour s'engager dans le «cédez». Ça fait un volume sonore considérable et ça engendre beaucoup, beaucoup de confusion. D'autant plus qu'on ne sait pas si, en fait, c'est la rue qui est croche ou si c'est vraiment qu'il faut traverser. Ce n'est vraiment pas clair. Il y a des «cédez» qui sont extrêmement dangereux.

Quand j'ai eu ma formation pour mon chien-guide, à Saint-Hyacinthe, on était entre autres confronté à un «cédez» – parce qu'avec les chiens-guides, également, il y a des règles de sécurité qui nous sont enseignées – et il fallait déterminer s'il fallait traverser ou non. Moi, j'ai passé cinq minutes sur le coin de rue à me demander si je devais traverser, en décidant que, non, ça semblait trop dangereux. C'est juste pour vous donner une idée de ce que ça peut représenter en termes de casse-tête pour la personne qui a à déterminer dans l'espace sonore qu'il y a autour d'elle, qui est causé par les véhicules, ce qu'elle doit faire, quand c'est son temps de traverser ou pas.

Mais, pour revenir à votre question, juste pour me résumer, si on autorisait le virage à droite sur feu rouge avec un arrêt obligatoire de l'automobiliste, ce serait peut-être moins dangereux, mais, à mon avis, c'est strictement dans une situation idéale où tout le monde ferait son arrêt. Sinon, moi, ça ne me semble pas très réaliste comme présomption.

M. Middlemiss: Mme la Présidente, je ne sais pas si vous le savez ou non, au Canada, c'est seulement au Québec qu'on ne permet pas le virage à droite sur feu rouge après un arrêt, et même aux États-Unis. Il y a la ville de New York et la province de Québec... Il doit y avoir des regroupements d'aveugles et d'handicapés visuels à l'extérieur du Québec. Est-ce que vous avez eu des échanges avec ces gens-là, à savoir comment eux vivent ça? Parce que c'est permis un peu partout, et je dois dire que, partout où on a droit de tourner à droite sur un feu rouge, c'est l'obligation, il faut arrêter, s'assurer qu'il n'y a personne et, ensuite, c'est permis. C'est ça que la loi exige, là. Donc, est-ce que vous avez eu l'occasion d'échanger avec des regroupements de personnes à l'extérieur du Québec qui doivent vivre avec ça?

M. Fleury (Yves): Oui, puis je vous dirais qu'elles souhaiteraient que ce soit modifié. Je vous dirais aussi, à ce niveau-là, que, dans les autres provinces canadiennes, les automobilistes respectent davantage les piétons. Ça a l'air drôle à dire, mais ici on a davantage l'impression que la route ne devrait appartenir qu'aux automobilistes. À ce niveau-là, si vous allez en Ontario, si vous allez dans d'autres provinces canadiennes, vous allez réaliser que le piéton, sans être roi et maître de la rue, est certainement plus respecté au niveau de ses droits, quand ça vient le temps de traverser une rue, que vous le verriez au Québec. Au Québec, c'est plutôt de tempêter après les piétons qui ne vont pas assez vite.

Je sais bien que tous les piétons ne sont pas comme ça, mais se faire sacrer après parce qu'on ne traverse pas assez vite, quand on ne voit pas l'autre bord de la rue, ce n'est pas très plaisant. Je ne dirais pas que tout le monde sait vivre ailleurs puis que personne ne sait vivre ici, mais je ne vois pas pourquoi on impliquerait de remettre la sécurité des gens en question juste parce que ça se fait ailleurs.

Moi, je peux vous dire qu'ailleurs ce n'est pas très apprécié, mais ailleurs ils ont certainement des règles de conduite, les automobilistes, qui sont nettement plus respectueuses des piétons.

M. Middlemiss: Mme la Présidente.

M. Beauregard (Ronald): Je voudrais peut-être juste ajouter qu'en ce qui concerne les spécialistes en orientation et mobilité, au Canada anglais ainsi qu'aux États-Unis il y a également une démarche qui est faite dans ce sens-là, c'est-à-dire d'interdire le virage à droite, pour les raisons qu'Yves disait.

M. Middlemiss: D'accord. Vous avez constaté et vous avez indiqué qu'il semblerait que les autres Canadiens et les Américains sont plus respectueux des droits des piétons. Vous ne croyez pas que peut-être le fait qu'ils aient le droit de tourner à droite sur un feu rouge après un arrêt ça n'aurait pas discipliné ces gens-là à reconnaître le droit des piétons?

M. Fleury (Yves): Je suis content que vous le souleviez, en fait, parce que je trouve que la seule affaire qui reste qui est respectée au Québec, au niveau de la signalisation routière, c'est le feu rouge. C'est drôle à dire, mais les gens sont plutôt respectueux d'arrêter à un feu rouge. Ça, c'est une affaire qui fait perdre beaucoup de points de démérite, puis il n'y a pas de farce plate à faire. Là, ce que vous dites, vous... Puis je me demande c'est quoi, la prémisse d'accélérer le déplacement des gens. Ils sont assis souvent le derrière dans un bolide qui roule à des vitesses extraordinaires. Là, si vous lui donnez le droit, pour une raison ou pour une autre, même s'il fait le stop le plus classique au monde, de virer à droite sur un feu rouge, vous ouvrez la porte toute grande à l'irrespect du seul symbole qui marque réellement l'imaginaire de l'automobiliste québécois, c'est-à-dire: Tu ne passes pas sur la rouge.

Puis, à ce niveau-là, je n'en ai pas parlé dans le mémoire, mais je pense que le Québec devrait réduire la vitesse des automobilistes en milieu urbain. Je sais que la ville de Montréal en parle très timidement, et uniquement pour les zones résidentielles. Puis, à ce niveau-là, je citerais l'exemple de la ville d'Amsterdam, en Europe, qui a décidé de baisser la limite de vitesse des automobilistes de 50 km/h à 30 km/h.

J'ai demandé à mon épouse, l'autre jour: On «fait-u» du 30 km/h, pour voir de quoi ça a l'air? Puis je vous dirais que c'est très plaisant de rouler à 30 km/h; peut-être un peu ennuyant, mais c'est certainement plus relaxant pour les gens qui marchent autour, qui sont uniquement des piétons qui, eux, font, au mieux, du 4, 5, 6 km/h à pied, s'ils sont très rapides.

Mais, 30 km/h, ça m'apparaît quelque chose que le maire Bourque même devrait appliquer pour rendre sa ville un peu plus vivable. Parce que, moi, je reste sur une rue passante, à Montréal, puis je vous dirais que ça roule au moins à 70, 80 km/h le matin. Des vraies flèches. Des fous, monsieur, des fous! Ils n'ont pas d'allure de rouler à cette vitesse-là, puis ils ne le savent pas, parce qu'ils sont pressés. Mais, moi, je ne suis pas pressé, ça, je veux continuer de vivre, puis je suis sûr que vous aussi. Ça fait que faisons-en l'expérience ensemble, vous allez voir, c'est franchement bizarre de voir les gens rouler à cette vitesse-là.

Moi, je suis en faveur qu'on maintienne l'interdiction, parce que le feu rouge, ça a un impact dans leur tête. Puis des «cédez», bien il y en a trop, je pense qu'ils devraient réaménager. Puis, si les gens trouvent que ça ne roule pas assez vite, bien ils laisseront le char chez eux, puis ils prendront l'autobus comme le monde.

Moi, je n'ai pas le choix de prendre l'autobus puis je recommanderais chaleureusement que, s'ils veulent diminuer la pollution, comme je l'ai vu dans les rapports de gens qui voulaient faire la promotion du fameux virage, pour moi, la meilleur manière de réduire la pollution, puis je l'ai écrit dans le mémoire, c'est de laisser l'auto à la maison. Ça, il n'y a personne qui va faire que ce char-là va polluer: la clé n'est pas dedans, il ne part pas, il reste devant la porte. C'est l'unique façon.

Il y en a trop, d'autos. Montréal croule sous le poids des autos. Puis je vous dirais, généralement, des banlieusards, qui ont décidé de quitter Montréal parce qu'ils la trouvaient trop sale, qu'ils aiment autant venir la salir tous les matins avec leurs chars. C'est un peu bête à dire, mais il y en a trop. L'usage de l'automobile est une menace pour tout le monde, pour la qualité de l'air, mais également pour la qualité de vie des piétons.

Moi, je suis handicapé visuel, mais, vous, vous ne l'êtes pas. Je suis certain que vous trouvez, quand vous traversez des rues, des fois, qu'il y a des gens qui manquent de respect. C'est plate de se faire insulter, c'est un peu plus plate de se ramasser à l'hôpital.

J'ai une personne handicapée visuelle, il y a trois semaines, qui s'est fait frapper par une auto sur la rue Sherbrooke, à Montréal: plusieurs fractures, traumatisme crânien, une dame de 73 ans avec un chien-guide, qui jouait de l'orgue dans une église, bien tranquille, dans le fond, comme métier; puis là, en plus d'être aveugle, tout ce qu'elle a à gérer, bien ce n'est pas drôle.

Je pense que, si les autos roulaient moins vite, je pense que s'ils regardaient un peu plus ce qui se passe autour d'eux autres puis qu'on cessait d'assouplir inutilement l'application de règles aussi élémentaires que le feu rouge – je suis prêt à me comparer à d'autres régions, mais certainement pas pour ce dossier-là – ça irait juste mieux pour tout le monde. Il va arriver deux minutes plus tard, so what? Ça change quoi?

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): D'autres questions? M. le ministre.

M. Brassard: Oui, Mme la Présidente. Je ne sais pas, peut-être que bien que des Québécois sont plus délinquants, c'est peut-être leur tempérament latin, mais il y a quand même des études qui ont été faites, particulièrement aux États-Unis, et l'un des éléments importants de ces études, je vous le dis, le taux de respect insuffisant de l'arrêt complet avant d'effectuer le virage à droite sur feu rouge, selon toutes les études, ce taux de respect... Il y a de 30 % à 60 % des automobilistes qui n'effectuent pas un arrêt complet avant de tourner sur un feu rouge. De 30 % à 60 %. Ça varie selon les contextes, selon les endroits où on a fait les décomptes, les observations: minimum 30 %, maximum 60 %.

(16 h 40)

Ça fait pas mal de monde, ça, qui ne respectent pas, qui n'effectuent pas un arrêt complet. Et ça, c'est révélé par des études américaines. Alors, si, en plus, au Québec, comme vous le dites, on est plus délinquant, bien là, je ne sais pas à quel taux on va se retrouver. Mais il y a pas mal de délinquance ailleurs. Je n'ai pas d'études sur ce qui se passe dans les autres provinces canadiennes, mais il y a plusieurs études américaines qui démontrent un taux de délinquance pas mal élevé.

La Présidente (Mme Bélanger): Des commentaires? Non? C'est tout? Pas d'autres questions? Alors, nous vous remercions.

M. Fleury (Yves): Écoutez, j'aimerais conclure, moi, en vous rappelant que c'est important qu'il y ait un effort gouvernemental au niveau d'uniformiser les feux de signalisation sonores. Il en existe différents modèles au Québec, mais actuellement c'est toutes des choses un peu artisanales. Il y a des villes, des municipalités québécoises qui sont prêtes à investir de l'argent, mais qui ne trouvent pas où faire fabriquer ces choses-là. Je pense que ce serait vraiment important que les personnes aveugles aient le support du ministère des Transports du Québec pour faire en sorte de faire évoluer cette problématique-là. Ça ne demande pas qu'il y en ait à toutes les intersections, mais ça demande quand même qu'il y ait au moins la capacité pour les villes et municipalités québécoises qui veulent s'équiper de tels dispositifs de les faire installer puis de les faire uniformiser à travers le Québec pour que des gens qui vivent d'une municipalité à l'autre, qui visitent ailleurs, puissent s'en servir. Ce serait élémentaire.

L'autre et dernière affaire, j'aimerais mettre l'emphase dessus. Je l'ai fait dans le mémoire, je le rappelle: les gens en bicycle devraient être dans la rue. À Amsterdam, 60 % de la voie publique est partagée entre les automobilistes et les cyclistes. Si les cyclistes et les automobilistes pouvaient vivre ensemble dans la rue, ça laisserait les trottoirs pour le monde. À Amsterdam, la vitesse est plus lente, c'est moins dangereux pour les bicycles. Faisons-en donc de même pour le Québec. Ça libérerait les trottoirs pour du monde qui n'ont pas d'autre pouvoir. Je ne peux pas aller me promener en bicycle, je ne peux pas conduire un char. Je «peux-tu» juste avoir le trottoir sans avoir des bicycles qui me tournent autour de la tête? Les enfants, ça ne me fait rien, mais des adultes qui vont à pleine vitesse, ça n'a pas d'allure. Puis, il ne peut pas y avoir de police à tous les coins de rue.

Ça fait que la dernière affaire que je rappellerais aux gens, on «peut-u» avoir de la publicité pour des clientèles comme nous, les personnes handicapées visuelles qui ont une mobilité réduite? Ce serait bien important. Il y a de plus en plus de personnes âgées. 60 % des gens qui ont une déficience visuelle ont 55 ans et plus, au Québec. Ce n'est pas des gazelles, le monde. Puis surtout quand ils ne voient pas où ils vont, ce n'est pas le temps de se mettre à courir puis de se demander si le bicycle vous a vu. Vous ne le voyez pas, lui. Puis c'est important qu'il y ait une sensibilisation, parce que, en bout de ligne, c'est de l'éducation qui va mettre ça dans la tête des gens, là. Puis j'espère pouvoir compter sur votre soutien pour qu'il y ait une campagne de publicité qui éduquerait le grand public par rapport aux besoins des personnes aveugles et malvoyantes. Merci beaucoup de votre invitation.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Fleury, M. Provencher et M. Beauregard. Nous vous remercions de votre participation.

Je demanderais maintenant à la Société de transport de l'Outaouais de bien vouloir se présenter à la table.

La Société de transport de l'Outaouais est représentée par M. Jacques Lareau, président, et M. Georges O. Gratton, directeur général. Alors, nous vous souhaitons la bienvenue. Et, comme le groupe précédent, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera suivi de la période de questions, 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'opposition. Alors, M. Lareau, vous avez la parole.


Société de transport de l'Outaouais (STO)

M. Lareau (Jacques): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre. J'ai, à ma droite, Georges Gratton, qui est directeur général de la Société de transport de l'Outaouais, qui détient une maîtrise justement en transport.

Vous savez que, passer après ces deux interventions, ça va nous permettre d'être plus convainquant, je l'espère, sur le sujet qui vous préoccupe beaucoup aujourd'hui.

Donc, avant de commencer, au nom des citoyens et citoyennes de l'Outaouais québécois, je tiens à remercier M. le ministre Brassard ainsi que la présidente et les membres de cette commission de bien vouloir recevoir notre dossier.

Vous savez qu'on est à une époque où on utilise des moyens bien compliqués pour être capable de résoudre nos problèmes. Mais, depuis une trentaine d'années, il y a une solution, une technique très simple, qui s'appelle le virage à droite sur feu rouge, qui s'est implantée dans tous les États américains et dans les provinces canadiennes. Seules les villes de New York et la province de Québec sont encore à l'encontre de cette mesure.

Dans l'Outaouais, tant la Société de transport que les automobilistes sont continuellement confrontés à cette dualité de règlements entre deux provinces. Si, d'une part, les techniques évoluées et les projets d'envergure ont leur place, nous croyons que de simples mesures comme le virage à droite sur le feu rouge ont leur application en termes d'impact aux intersections. Je crois que c'est documenté par des recherches étrangères.

Notre expérience se fait quotidiennement avec notre ville voisine, qui s'appelle Ottawa. Supportés par les intervenants du milieu, dont les résolutions sont jointes au mémoire présenté et dont la volonté est manifestée depuis longtemps par nos dirigeants, nous croyons qu'une expérimentation dans l'Outaouais permettrait de constater le bien-fondé de cette approche en l'accompagnant de programmes d'éducation et de sensibilisation des usagers, tels que la SAAQ et le ministère des Transports du Québec ont su le démontrer par leurs campagnes auprès de la population.

Si je peux me permettre d'ouvrir une petite parenthèse en présentant notre mémoire, tantôt les intervenants ont dit: Peut-être qu'au Québec on n'a pas les mêmes habitudes de conduite automobile. Je me souviens bien, M. le ministre, avant que vous fassiez vos belles campagnes sur les dangers de l'alcool au volant, il y en avait beaucoup plus qui buvaient et qui conduisaient. Je crois que le même principe peut s'appliquer aussi lors de l'implantation d'un programme de virage à droite sur les feux rouges. Nous demandons donc la modification du Code de la sécurité routière en conséquence.

Dans son rapport de 1987, la firme Deluc nous rappelle la définition du concept du virage à droite sur les feux rouges: «Le virage à droite sur les feux rouges est une pratique de gestion de circulation ayant pour but de réduire les délais occasionnés aux automobilistes virant à droite à une intersection dotée de feux de circulation. Il est entendu qu'une telle manoeuvre ne peut être entreprise qu'après avoir effectué un arrêt complet et avoir cédé le passage aux piétons et véhicules.» Cette définition circonscrit bien les tenants et aboutissants de cette technique, puisqu'elle définit les limites de son application en identifiant justement une intersection à feux de circulation, par l'amélioration de la gestion des mouvements aux intersections et le virage à droite sur feux rouges conditionnel à l'arrêt obligatoire et après avoir cédé le passage. Dans le contexte nord-américain où nous vivons à l'heure du libre échange, il est temps d'appliquer la règle d'or des techniques de la circulation, soit l'uniformisation. Cette règle est un gage d'harmonisation et de sécurité.

Donc, l'approche que préconise la Société de transport. Notre Société de transport est confrontée quotidiennement aux règlements de circulation québécois et ontariens, puisque la quasi-totalité de nos véhicules complètent leur circuit à Ottawa, en Ontario, et ce, à l'image de la population, de la communauté qui fréquente nos routes québécoises et ontariennes.

(16 h 50)

Évidemment, vous avez reconnu que le virage à droite sur les feux rouges se veut un plan d'implantation au niveau régional, au niveau de l'Outaouais québécois. Dans ce contexte de dualité réglementaire et de signalisation routière distincte, vous comprendrez nos efforts et ceux de nos prédécesseurs à rechercher différentes formes d'uniformisation dans notre quotidien. Le virage à droite sur le feu rouge est l'un des sujets choisis où l'uniformisation serait un avantage très déterminant.

Nous avons repris les analyses effectuées au Québec à partir de données américaines et québécoises et nous avons constaté la détermination des autorités de la Communauté urbaine de l'Outaouais et de ses cinq municipalités, soit Aylmer, Buckingham, Gatineau, Hull et Masson-Angers ainsi que les municipalités de Cantley et de Chelsea, à bénéficier du virage à droite sur les feux rouges. Cette volonté manifestée en 1988 est toujours présente en 1996, comme le témoignent les résolutions qui sont jointes au mémoire.

Dans un contexte où le Code de la sécurité routière est en révision, on croit que c'est le temps de réviser ce désir de rechercher l'uniformisation entre autres par le droit du virage à droite sur les feux rouges. Tout comme le ministre peut émettre un avis discrétionnaire aux municipalités pour le dépassement de la vitesse, limitée à 50 km/h en milieu urbain, il pourrait aussi émettre un avis discrétionnaire aux municipalités en vue de l'expérimentation du virage à droite sur les feux rouges.

Si vous me permettez de vous établir un petit constat, dans les années 1970 à 1980, les États-Unis ont étendu l'application de la réglementation du virage à droite sur les feux rouges comme une mesure de gestion des intersections. Au cours de cette période d'implantation du virage à droite sur les feux rouges aux États-Unis, l'Association québécoise du transport et des routes a apporté ce sujet sur la place publique québécoise en 1976 comme une solution alternative à la gestion de la circulation. Les gains énergétiques, écologiques et de temps étaient mis en contrepartie avec les phénomènes d'accoutumance relatifs aux piétons et à la sécurité routière.

Dans les années 1980 à 1990, pendant cette période-là, nous avons vu la prolifération du cyclisme et de ses voies en site propre, la tenue de campagnes de sécurité routière, la multiplication de systèmes de transport adapté aux handicapés, porte à porte. Nous savons donc aujourd'hui que la population bénéficie grandement de ces changements et qu'elle y est sensibilisée grâce aux efforts d'éducation tant de la SAAQ que du ministère des Transports.

M. le ministre, c'est aussi durant cette période où les mérites et inconvénients du virage à droite sur les feux rouges furent le sujet de multiples études de la part d'organismes et de centres universitaires tels que Institute of Transportation Engineers, de Washington; Transportation Research Board; National Highway Traffic Safety Administration, de Washington; American Society of Civil Engineers et Federal Highway Administration. Ces recherches ont porté particulièrement sur les techniques, les technologies et les simulations, la sécurité, la normalisation, la surveillance policière et les infractions ainsi qu'une mesure d'impact quantitatif et qualitatif.

Dix ans après la sensibilisation à cette alternative, la firme Deluc a produit, en décembre 1987, un rapport bilan de ses études pour le compte du Bureau de l'efficacité énergétique du ministère de l'Énergie et des Ressources du gouvernement du Québec. L'auteur souligne l'avantage primordial du virage à droite sur les feux rouges comme une mesure d'uniformisation. Ce principe est fondamental en gestion de circulation. L'auteur souligne également tous les autres avantages complémentaires, tels que la réduction des délais, l'économie d'énergie, la réduction des polluants, la capacité des intersections, le dégagement de la voie de droite. Donc il en découle des gains de temps, d'énergie et de service pour les systèmes de transport collectif. Ces avantages cumulatifs se réalisent à un coût très négligeable. Ce n'est pas sans importance dans le contexte financier qu'on vit actuellement.

D'autre part, l'auteur souligne un facteur important à l'effet que l'augmentation d'accidents aux virages à droite combinée à la diminution des autres types d'accidents à ces mêmes intersections engendrent un effet non significatif et de faible sévérité.

En 1990, à la Communauté urbaine de Montréal, M. Kinh Mach, ingénieur, a déposé une analyse du bilan de la situation au Québec. Il a constaté le consensus sur les avantages du virage à droite sur les feux rouges, tel que noté par la firme Deluc. Il a ajouté aussi ses considérations face aux problèmes de sécurité. Selon lui, au préalable à l'implantation, il faut dresser un plan d'action concernant la surveillance et le contrôle policier, la signalisation routière à sélectionner, l'uniformisation de la réglementation canadienne, l'information et l'éducation des usagers et l'application des techniques de synchronisation sur les grandes artères.

Donc, en conclusion, Mme la Présidente et M. le ministre, les avantages du virage à droite sur le feu rouge sont connus, les risques face à la sécurité aux intersections sont évalués, l'expérience de nos Québécois dans la région de la capitale nationale est quotidienne et leur comportement démontre la maturité face à la mesure du virage à droite sur les feux rouges. Notre quotidien démontre que toutes les catégories de piétons et les cyclistes ne sont pas moins en sécurité à Ottawa que dans l'Outaouais québécois.

Nous sommes dans un contexte où l'afflux touristique des Ontariens vers l'Outaouais, particulièrement depuis la venue du Casino de Hull, est une raison additionnelle à l'application du virage à droite sur les feux rouges. Selon M. Ottavio Gallella, qui est ingénieur et président de la firme Trafix, nous sommes rendus à une période où une expérimentation en Outaouais pourrait s'avérer une excellente initiative à cause de la situation géographique de la région.

Ce mémoire, M. le ministre et Mme la Présidente, se veut fort de l'appui de l'ensemble des sociétés de transport par le biais de l'Association du transport urbain du Québec; particulièrement aussi de M. Claude Larose, de la Société de transport de la Communauté urbaine de Québec, qui nous supporte fortement dans cette démarche; du monde municipal aussi, comme, évidemment, la Communauté urbaine de l'Outaouais et ses villes constituantes, mais aussi de la Communauté urbaine de Montréal. Nous avons aussi une résolution de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec, qui préconise aussi le virage à droite sur certaines intersections.

Donc, forte de ces appuis-là, la population outaouaise, qui vit à tous les jours le phénomène du virage à droite sur les feux rouges, demande au ministre un assouplissement de sa loi pour permettre à tout le moins à la région de l'Outaouais de devenir un projet-pilote au niveau du virage à droite sur les feux rouges, dont les résultats pourraient facilement servir à l'ensemble du Québec ultérieurement quant à son application et aux inconvénients et avantages. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Lareau. M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie, M. Lareau, M. Gratton, de votre mémoire et d'avoir accepté l'invitation de la commission de venir exprimer votre point de vue sur cette question.

Je trouve un peu étonnant cependant que, dans votre recensement des diverses études sur la question, vous n'ayez pas fait état de l'étude la Société de l'assurance automobile du Québec il y a quelques années – je pense que c'est 1992 ou 1993 – qui faisait un état de situation qui faisait le tour également de l'ensemble des études sur cette question qui se sont faites particulièrement aux États-Unis.

C'est sur la base de ces études-là que je mentionnais tantôt, par exemple, que le taux de délinquance aux États-Unis était assez élevé. S'il est vrai qu'en vertu des lois l'arrêt doit se faire obligatoirement, en pratique, selon toutes les études américaines, comme je le mentionnais tout à l'heure au regroupement des aveugles et handicapés visuels, il y a un taux de délinquance très élevé: ça peut aller jusqu'à 60 % dans certains cas.

Ce que vous nous dites, au fond, c'est que vous, dans l'Outaouais, compte tenu de vos relations et des liens avec la région d'Ottawa, en Ontario, juste de l'autre côté de la rivière, vous pourriez compter sur un respect très rigoureux de l'arrêt obligatoire et la délinquance serait marginale. Est-ce que vous êtes en mesure de nous donner une pareille assurance?

(17 heures)

M. Lareau (Jacques): Vous savez, M. le ministre, je suis pédagogue de profession. Tant et aussi longtemps que je n'ai pas montré la leçon à mon élève, mon élève ne la connaît pas ou la maîtrise très mal. Je crois que, nous, ce qui nous permet d'établir nos éléments de discussion, c'est qu'on est en mesure de comparer les accidents qui arrivent à Ottawa par rapport aux accidents qui arrivent du côté québécois, soit dans la ville de Hull.

Évidemment, la solution va résider dans l'information qu'on va donner aux usagers du réseau routier. Comme le ministère des Transports l'a si bien fait avec l'alcool au volant, et comme monsieur, tantôt, quelqu'un disait que, réellement, ça avait eu des résultats très significatifs, nous croyons que nos Québécois sont aussi capables de digérer un autre changement dans leur façon de conduire.

Je traverse souvent à Ottawa et, personnellement, je dois vous dire que ça ne m'a pris que quelques coins de rue pour m'y habituer. Je fais confiance aux utilisateurs du réseau routier de l'Outaouais, comme tout le reste de l'Amérique du Nord l'a fait, sauf, évidemment, là, dans l'état de New York et chez nous.

C'est vrai qu'on a le tempérament latin, M. le ministre, mais est-ce qu'on doit réellement refuser des nouvelles méthodes de gérer nos intersections parce qu'on a un tempérament latin? Je ne le crois pas.

M. Brassard: Vous avez mentionné tantôt que la Communauté urbaine de Montréal...

M. Lareau (Jacques): Oui.

M. Brassard: ...était d'accord.

M. Lareau (Jacques): La Communauté urbaine, dans un écrit qu'elle nous a envoyé dernièrement, c'est-à-dire le 17 octobre 1996, nous dit, avec tous les attendus: «Il est proposé d'appuyer les démarches de la Société de transport de l'Outaouais à l'effet d'introduire, à titre de projet-pilote dans le territoire de la Communauté urbaine de l'Outaouais, le virage à droite sur feu rouge.» C'est un extrait du procès-verbal.

M. Brassard: O.K. Donc, ça veut dire que c'est un appui au projet-pilote.

M. Lareau (Jacques): Oui.

M. Brassard: Parce que le principal membre de la Communauté urbaine de Montréal, en l'occurrence la ville de Montréal et son service de circulation, est opposé au virage à droite sur feu rouge.

Et on a reçu aussi un avis du syndicat des chauffeurs d'autobus de la Société de transport, STCUM, qui s'oppose aussi au virage à droite sur feu rouge. Et ma question: Est-ce que vos chauffeurs sont d'accord avec votre recommandation?

M. Lareau (Jacques): Bien évidemment. Ça fait déjà un bon bout de temps qu'on en parle, du virage à droite sur les feux rouges. Je crois que nos chauffeurs, étant donné qu'ils traversent, que presque chaque circuit va traverser à Ottawa, ils sont très, très aguerris à cette méthode de gérer les intersections.

M. Brassard: Tantôt, on a reçu un groupe. Vous étiez là, vous les avez entendus. C'est un groupe, bon, il y en a... C'est pour ça que j'ai posé la question, d'ailleurs, je voulais savoir combien ça représente. C'est une centaine de mille, c'est 100 000 personnes, c'est autour de 100 000 personnes au Québec. Bon, il y en a une certaine proportion dans l'Outaouais, ce n'est pas négligeable. Donc, les aveugles, les handicapés visuels sont venus nous dire: Écoutez, nous, vous allez nous plonger dans l'insécurité si vous allez dans cette voie-là.

Vous étiez là. Moi, je vous avoue bien sincèrement, M. Lareau, ça m'a ébranlé, le témoignage des représentants des aveugles et des handicapés visuels. Est-ce que ça vous a ébranlé aussi?

M. Lareau (Jacques): Bien évidemment. Moi, toute situation dangereuse m'ébranle. Là, on parle des aveugles, il y a aussi les personnes âgées. Tous ceux qui utilisent le trottoir sont potentiellement en danger; ça, on le sait. Je ne voudrais pas non plus devenir l'assassin québécois en poussant vers des mesures qui ne sont pas applicables. Mais, lorsqu'on constate que, partout aux États-Unis, partout dans le restant du Canada, cette méthode-là est utilisée, je crois que les gens, autant les handicapés que les personnes âgées, ont su aussi s'adapter.

Il faut comprendre, M. le ministre, aussi – et ça, c'est des remarques qu'on se faisait en s'en venant – que les îlots qu'on installe au coin des rues pour permettre un «cédez», est-ce qu'on ne fait pas là indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, soit tourner à droite sur un feu rouge?

M. Brassard: C'est ce qu'ils nous ont dit, c'est ce qu'ils prétendent. Ça a le même effet.

M. Lareau (Jacques): Donc, on nous a même, M. le ministre, si j'ai bien compris tantôt, souligné l'importance du danger de traverser à un «cédez» plutôt qu'à un feu rouge, même s'il y avait tournage à droite sur le feu rouge.

M. Brassard: Ça aussi, ça m'a ébranlé...

M. Lareau (Jacques): Oui?

M. Brassard: ...leur témoignage sur le «cédez». Ça nous interpelle également.

M. Lareau (Jacques): Mais là, nous, on est confrontés, M. le ministre, avec les réseaux routiers qu'on a actuellement. Dans l'Outaouais comme ailleurs en province, on est confrontés à des réseaux routiers qui sont âgés, qui n'étaient pas faits pour recevoir le flot de voitures, de camions, d'autobus qu'on a maintenant dans les années 1997. Il va y avoir des infrastructures extraordinaires qui vont devoir être mises en branle pour être capables d'accepter ça.

Nous, ce qu'on dit: Au niveau du transport en commun, si on est capable, par des moyens comme le virage à droite au feu rouge, d'accentuer la fluidité de la circulation aux intersections, on va d'une part inciter les gens à prendre le transport en commun et, d'autre part, on va être capable de dégager nos artères, surtout aux heures de pointe. Mais, comme je vous dis, un des problèmes à surmonter sera surtout l'information qu'il faudra donner à notre clientèle qui utilise le réseau routier.

M. Brassard: Parce que, dans le fond, vous reconnaîtrez qu'il y a une sorte de dilemme qui est devant nous, puisqu'il y a comme un choix à faire entre des objectifs légitimes. L'objectif de la mobilité, accroître la mobilité, je pense que, quand on réclame ou qu'on demande de pouvoir tourner à droite sur feu rouge, l'objectif qu'on vise, c'est d'augmenter la mobilité de la circulation.

Et l'autre objectif, évidemment, c'est la sécurité. Sachant, encore une fois, qu'en autorisant le virage à droite sur feu rouge le niveau d'insécurité augmente, les études démontrent qu'il y a un risque que le nombre d'accidents impliquant des piétons augmente. Est-ce que, comme Société de transport de l'Outaouais, tout en étant conscients de ce risque, vous maintenez quand même qu'il serait approprié puis opportun d'autoriser une expérience ou un projet-pilote dans votre région?

(17 h 10)

M. Lareau (Jacques): Considérant la comparaison qu'on fait entre le nombre d'accidents à Ottawa et à Hull, évidemment, on ne voudrait pas, comme Société de transport, proposer au ministère de prendre des mesures qui favoriseraient justement ces accidents-là; évidemment, non. On ne voudrait pas non plus que ça soit implanté d'une façon rapide, sans qu'il y ait eu d'abord tout le travail de sensibilisation, d'information et de formation des conducteurs. Je pense que, ça, ces éléments-là, évidemment, s'inscrivent dans une démarche logique d'implantation d'une telle démarche.

Donc, moi, ce que je vous dis là-dessus, je crois que ça en vaut la chandelle, de s'inscrire dans des démarches justement pédagogiques, là, face à la demande d'aujourd'hui. Parce que, la question que vous me posez, c'est: Es-tu prêt à tuer quelqu'un?

M. Brassard: C'est brutal comme formulation, là, mais....

M. Lareau (Jacques): Mais...

M. Brassard: ...c'est un peu ça.

M. Lareau (Jacques): Oui.

M. Brassard: Parce que, s'il est démontré que ça augmente les risques, donc ça augmente la possibilité qu'il y ait un plus grand nombre d'accidents. C'est ça. En tout cas, les études américaines nous démontrent cela. À ce moment-là, ça veut dire qu'aller de l'avant, bien, ça peut signifier comme conséquence qu'il y ait plus de personnes blessées gravement aux intersections. C'est ça que ça peut signifier aussi. Alors, il faut...

M. Lareau (Jacques): Si vous permettez un complément de réponse.

M. Brassard: ...le prendre en considération, je pense. Oui.

M. Lareau (Jacques): Si vous permettez un complément de réponse par le directeur général...

M. Brassard: Oui.

M. Lareau (Jacques): ...je pense qu'il a des données assez intéressantes.

M. Gratton (Georges O.): Je suis content, M. le ministre, que vous souligniez la question des études américaines et aussi des études auxquelles a référé la SAAQ dans ses différentes analyses. Parce que, effectivement, la SAAQ a fait des études qui ont été basées sur toutes celles qui ont été réalisées aux États-Unis. Si on veut prendre en compte toutes et chacune de ces études-là, on se rend compte qu'elles sont très contradictoires. Si c'était si vrai que ça, ces études-là, on prohiberait le virage à droite sur feu vert, parce qu'il y a 13 % des accidents aux intersections qui ont lieu sur le virage à droite au feu vert, alors qu'il y a 1,7 % des accidents qui ont lieu sur le virage à droite sur feu rouge.

Donc, je me suis dit une chose quand j'ai analysé toute cette statistique-là, lorsque l'équipe a analysé toute cette statistique-là, on a vu toutes les contradictions qui existaient dans ces différentes études là, parce qu'elles ne sont pas faites dans les mêmes contextes que ceux où on vit. Ces contextes-là ne sont pas définis dans les études, et on le voit très clairement. Autant on peut définir que le virage à droite au feu rouge va augmenter le nombre d'accidents, le risque d'accidents, autant on voit que le virage à droite au feu rouge a pour effet de diminuer le nombre d'accidents en virant du côté gauche, et le bilan est relativement nul.

Donc, de se lancer, je pense, dans cette orientation-là, c'est un peu risqué, compte tenu que ces études-là n'ont pas été réalisées dans notre contexte. Moi aussi, j'ai été bien sensible à ce que disaient nos deux, trois confrères, tantôt, face aux intersections, et je pense que cette question-là, c'est une question de gestion de risques.

Il est certain, comme ils l'ont mentionné, que la solution qu'on a trouvée au Québec pour gérer les virages à droite au feu rouge – on n'en veut pas de virages à droite au feu rouge – on a modifié la géométrie des intersections; on a ajouté des îlots en rive; on a ajouté des îlots en bordure; on a ajouté des bretelles, des bretelles avec des bateaux d'accès sur ces mêmes îlots là, comme si les citoyens avaient droit d'accès à ces îlots-là, puis qu'il n'y avait pas plus de danger.

Ils notaient avec justesse que les intersections ont été élargies de 50 %, 75 %, 100 % pour faciliter le mouvement des automobilistes à n'importe quel prix, puis ce n'est pas là, la solution. Ça, c'est de la gestion de risques. Comment allons-nous gérer le risque relatif à l'amélioration de la circulation, de la fluidité de la circulation face aux risques encourus par les piétons, les usagers, les cyclistes et handicapés? Je pense que c'est là qu'est la question.

Si on voulait regarder le phénomène sous cet angle-là, je pense qu'il n'y a aucun projet qu'on aurait réalisé au Québec. Il n'y a pas un projet d'autoroute qu'on aurait réalisé au Québec, on aurait eu trop de morts. Il n'y a pas un projet de Métropolitain qu'on aurait réalisé au Québec, il y aurait eu trop de gens qui auraient passé par-dessus la bordure. Il n'y aurait pas de projet de pont-tunnel qu'on aurait réalisé, on aurait eu peur de cette technique-là, dans les années 1966, quand on a ouvert le pont-tunnel. C'était pourtant une nouvelle technique, très risquée, puis on l'a ouvert avec fierté, parce que je pense que, comme Québécois, on a décidé qu'on était capables d'en prendre, des risques, puis de les gérer, ces risques-là.

Dans l'Outaouais, on le vit, ce risque-là, quotidiennement; on l'a géré autrement en multipliant les îlots, et puis ce qu'on constate actuellement, c'est que le taux d'accidents du côté québécois de l'Outaouais est plus élevé aux intersections qu'il ne l'est à Ottawa; qu'il y a plus de blessés dans les accidents de l'Outaouais, aux intersections, que de blessés aux intersections des mêmes types de carrefours du côté ontarien. C'est de l'autre bord de la rivière. On le voit tous les jours.

Lorsqu'on a pris des films dernièrement pour essayer de visualiser un peu mieux, de montrer comment se manifestait cette question-là, qu'est-ce qu'on a vu? On a vu comment les automobilistes, qu'ils soient québécois ou ontariens, aux intersections, en Ontario, ils s'arrêtent sur le feu rouge. Ils analysent. Ils regardent à gauche, ils regardent à droite, puis ils tournent à droite. Ça se fait tout à fait sécuritairement. Il n'y en a pas, de problème. C'est bien plus sécuritaire de fonctionner comme ils fonctionnent à Ottawa, avec un système d'artères quadrillées, où on a simplifié les intersections, que de circuler et de traverser les intersections du côté de l'Outaouais québécois. Et puis ce même type d'intersection, on le retrouve particulièrement dans le West Island, ici, à Montréal. On le retrouve dans les milieux particulièrement anglophones. Ce n'est pas mieux.

Ici, à Québec, je les ai cherchées, les intersections de ce genre-là; je n'en ai pas vu. Mais imaginez-vous que j'ai manqué avoir un accident en m'en venant. C'est le seul îlot, je pense, qui doit exister dans la région, c'est au coin du chemin de l'aéroport et de la rue Hamel. Un automobiliste est arrivé pour me croiser en pleine vitesse par la droite. Il sortait de la bretelle. Ça aurait été plus sécuritaire, ça, pour notre personne aveugle, pour notre handicapé, pour notre piéton? Absolument pas.

M. Lareau (Jacques): Pour votre président?

M. Gratton (Georges O.): Pour notre président! Ha, ha, ha!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Mais je ne mets pas en doute, là, votre bonne foi, mais, quand vous faites des comparaisons Ottawa-Hull sur la base d'accidents survenus, est-ce que ça a été recensé? Est-ce qu'il y a des études qui ont été faites sur cette question-là?

M. Gratton (Georges O.): Les études des données d'accidents à Hull et les études des données d'accidents à la MROC aux différents carrefours, ces études-là existent.

M. Brassard: Disponibles?

M. Gratton (Georges O.): Ces statistiques-là existent.

M. Brassard: C'est votre service...

M. Gratton (Georges O.): Elles sont disponibles.

M. Brassard: C'est votre Société qui a fait ces études-là?

M. Gratton (Georges O.): Oui. On s'est procuré ces statistiques-là, on les a analysées et on l'a constaté.

M. Brassard: Est-ce qu'il serait possible que vous les annexiez à votre mémoire...

M. Gratton (Georges O.): Écoutez...

M. Brassard: ...et que vous les déposiez devant cette commission? Ce n'est pas sans intérêt.

M. Gratton (Georges O.): En autant que les auteurs de ces statistiques-là le permettent, ça me fera grandement plaisir de vous les procurer, M. le ministre.

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Lareau. Merci, M. Gratton. Vous avez indiqué le nombre d'accidents. Est-ce que vous avez des statistiques, là – je sais qu'on vous a demandé de les soumettre – sur le nombre d'accidents en pourcentage, per capita, en Ontario, où on permet le virage à droite sur un feu rouge, et au Québec, où on ne le permet pas? Est-ce que vous avez des chiffres à l'appui?

M. Gratton (Georges O.): Oui. De l'autre côté de la rivière, on parle de 10 accidents par 1 000 habitants aux intersections, aux carrefours.

Une voix: Combien?

M. Middlemiss: Dix?

M. Gratton (Georges O.): Oui.

Une voix: Par 1 000?

M. Gratton (Georges O.): Et, du côté du Québec, on parle de 19 accidents par 1 000 habitants. Les statistiques sont tout à fait comparables aux différents carrefours.

(17 h 20)

M. Middlemiss: O.K. Pour vous, c'est quoi, les caractéristiques d'un virage à droite sur un feu rouge?

M. Gratton (Georges O.): Un virage à droite au feu rouge, c'est un arrêt; visualiser à gauche et à droite, pas hors du champ mort, pas hors du champ de vision mort, à l'intérieur du champ de vision, visualiser qu'il n'y a personne qui nuit à la circulation; et, après avoir laissé passer le «cédez», tourner à droite. C'est ça, un virage à droite sur feu rouge.

La même chose que ce qui existe au Québec; on a des feux rouges clignotants, au Québec; on fait l'arrêt et on tourne. Ça existe au Québec, ça existe partout au Québec. Durant la soirée, durant la nuit, un bon nombre de municipalités actionnent les feux de circulation sur une base intermittente. Et qu'est-ce que vous faites quand vous arrivez sur un feu rouge? Vous arrêtez, vous regardez et vous tournez ou vous continuez. Qu'est-ce que vous faites sur un feu orange? Vous ralentissez, vous avez la priorité, et vous continuez. Cette dynamique-là, elle existe au Québec.

M. Middlemiss: Vous avez indiqué tantôt que la Société des transports, la STO, était certainement d'accord. Est-ce que, en passant – vous avez indiqué la Communauté urbaine de Québec – on pourrait déposer toutes les lettres qui ne font pas partie de votre mémoire, que vous avez citées tantôt comme étant des supports? Est-ce qu'on pourrait déposer ça à la commission?

M. Lareau (Jacques): Absolument, M. Middlemiss. Nous avons en main déjà presque tous le documents dont nous vous avons fait mention tantôt: les lettres d'appui, les résolutions, et il nous fera plaisir de vous les déposer.

M. Middlemiss: O.K. La STO, c'est quoi, la raison principale pour laquelle vous êtes d'accord avec le virage à droite sur un feu rouge?

M. Gratton (Georges O.): Écoutez, on a un système de transport, on a des autobus. Nos autobus circulent en rive, s'en vont dans le centre-ville. Ça veut dire qu'à chaque fois qu'il y a un virage à droite au feu rouge qui est permis il y a un dégagement de la voie de rive qui permet à l'autobus de faire son arrêt, pour servir les citoyens en même temps qu'il fait l'arrêt de circulation, et il traverse ensuite sur le feu.

En faisant ça, tout ce que ça fait, c'est que ça dégage l'intersection et ça permet d'activer le service. Si on peut s'attarder à essayer de quantifier ce que ça peut vouloir dire, une mesure comme celle-là, prenez un simple six secondes par intersection, appliquez-le sur 50 % des feux d'une route de transport et vous avez une économie sur le fonds commun d'un autobus à l'heure. Un autobus à l'heure, c'est 100 000 $ par année. Si vous l'appliquez à un parc comme celui de nos 3 500 autobus du Québec, vous avez une économie potentielle de l'ordre de 10 000 000 $ à 12 000 000 $ uniquement sur les gains de rapidité et de fiabilité qui découlent de l'application d'une mesure comme celle-là.

On l'a vérifié dernièrement dans un autre exercice, cette chose-là. On a implanté, grâce à M. le ministre, une voie réservée sur le pont du Portage, qui a à peine 1 km, 2 km avec ses accès. Avec cette simple voie réservée, on a sauvé deux minutes, c'est-à-dire deux véhicules pointe, 200 000 $, qui ont été réinvestis en services et qui ont permis d'augmenter l'achalandage.

En d'autres mots, les gains qu'on peut réaliser... Pour une société de transports comme la nôtre, ce qui est important, c'est de réaliser des gains et que ces gains-là puissent se transformer en ajout de services pour rendre la solution du transport en commun encore plus acceptable et acceptée par la population comme moyen alternatif de transport et même comme moyen principal de transport. Plus on sera en mesure d'introduire des mesures comme celle-là, plus on sera en mesure d'améliorer nos réseaux. Avec la rareté d'argent qui existe, ce sont les solutions qu'on recherche.

M. Middlemiss: O.K. Maintenant, les automobilistes et les taxis, est-ce que vous avez réussi à discuter avec ces gens-là? Quel est leur point de vue sur le virage à droite sur un feu rouge?

M. Gratton (Georges O.): Si vous avez écouté, dernièrement, M. Middlemiss, il y avait une émission à Télé-Québec où Mme Dussault a justement interviewé un chauffeur de taxi de la région de l'Outaouais, qui démontrait fort bien comment, à travers les expériences qu'il vivait, ça représentait des gains non seulement pour lui, mais aussi pour sa clientèle. Et, pour avoir rencontré les autorités de différentes sociétés de taxi dans notre région, c'est exactement le point de vue de l'ensemble des chauffeurs de taxi.

M. Middlemiss: Maintenant, les gens qui sont responsables de l'application du Code de la sécurité routière, les policiers, c'est quoi, leur point de vue et pour quelles raisons? Est-ce qu'elles sont favorables, les forces policières de l'Outaouais, au virage à droite sur le feu rouge?

M. Lareau (Jacques): Comme je vous l'ai dit tantôt, M. Middlemiss, nous avons en main, ici, une résolution qui vient de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec qui favorisent, eux autres aussi, le virage à droite sur les feux rouges, à certaines intersections. Donc, on a cette résolution-là ici, qui nous donne un appui.

M. Gratton (Georges O.): Si je peux me permettre, M. Lareau, cette vision-là est aussi partagée par chacun de nos chefs de police, chez nous, qui ont endossé les positions des municipalités. Il faut dire que les forces policières chez nous ont aussi un certain embarras, c'est qu'elles ont à fonctionner avec des automobilistes venant de l'Ontario qui ont cette habitude de virer à droite au feu rouge et qui, arrivés au Québec, la pratiquent – avec un certain laxisme d'application de la part de nos policiers, parce qu'ils savent fort bien qu'ils ne sont pas en mesure de l'appliquer, puisque le virage est effectué sécuritairement.

M. Middlemiss: Les méthodes qu'on utilise, entre autres, le «cédez» et les flèches, la flèche verte, là... Tantôt, on avait les aveugles et les handicapés visuels qui étaient ici. Ils ont indiqué, eux, que réellement le «cédez» était probablement quelque chose qui était plus dangereux que de tourner à droite sur un feu rouge si le conducteur de l'auto fait ce qu'il est censé faire à l'intersection: arrêter, s'il y a un feu rouge, vérifier et tourner à droite.

Maintenant, il y a le problème, ici, au Québec: on a des flèches. Et, selon la façon dont les handicapés sont entraînés pour traverser les rues, est-ce que vous ne trouvez pas qu'une flèche verte peut être plus dangereuse pour ces piétons-là qu'un virage à droite sur un feu rouge?

M. Lareau (Jacques): Définitivement, parce que la flèche verte ne commande pas un arrêt au feu rouge, puisqu'elle est verte. Donc, à ce moment-là, si on élimine tout simplement les flèches vertes et qu'on les remplace justement par une méthode de virage à droite sur les feux rouges, l'arrêt est obligatoire à ce moment-là. Donc, on donne une chance à nos personnes handicapées de mieux traverser la route.

M. Gratton (Georges O.): En fait, si je peux me permettre, M. Lareau, je pense que la proposition qui est faite par ce groupement-là est tout à fait logique et c'est une proposition que l'on voit appliquer généralement dans le monde anglophone: c'est carrément les feux pour piétons aux intersections, doublés du signal sonore.

Et, pour le vivre régulièrement en Ontario et l'avoir vécu dans d'autres villes canadiennes et américaines, je pense que, si on prenait nos économies résultant d'une simplification de la géométrie puis qu'on les transformait en investissement pour faciliter les traversées aux intersections, on pourrait facilement introduire cette méthode-là à partir même des gains que l'on ferait dans la lourdeur des phases de circulation, de feux qu'on met aux intersections.

Pour l'avoir expérimenté, on est rendu avec des feux de circulation à multiples phases. Si on en réservait une, de ces phases-là, pour nos handicapés, pour les piétons, je pense que ce serait une solution très simple.

M. Middlemiss: Le fait que dans l'Outaouais on ne permette pas le virage à droite sur un feu rouge, c'est un peu ça qui a amené à faire le design d'un «cédez» ou des flèches. En d'autres mots, c'est ce qui a été fait pour la circulation du côté québécois pour tenter de compenser le fait qu'il n'y a pas de virage à droite permis sur un feu rouge.

(17 h 30)

M. Gratton (Georges O.): C'est ça. C'est un palliatif.

M. Middlemiss: Donc, c'est un peu ce palliatif-là qui est peut-être responsable du fait qu'il y a plus d'accidents de piétons du côté du Québec que de l'Ontario. Est-ce que vous trouvez que ça pourrait être une des raisons?

M. Gratton (Georges O.): C'est certainement une des raisons, puisque, par cette approche-là, on encourage le véhicule à circuler; il n'arrête pas, il circule. C'est une façon d'accélérer la circulation, c'est bien vrai, mais le mouvement se fait sur une base continue. Je pense qu'il est préférable de considérer le virage à droite au feu rouge comme une mesure de contrôle du flot automobile, puisqu'il doit s'arrêter avant de virer, donc uniquement lorsqu'il y a possibilité de virer.

Ce sont deux approches qui sont tout à fait différentes: l'une, la première, fait appel à un virage en mouvement, donc à l'usage du point mort pour valider si le champ est libre, auquel cas il va en écraser un en avant, parce qu'il est déjà en mouvement. Tout dernièrement, à Hull, intersection Saint-Raymond et Saint-Joseph, là où on a implanté justement ce genre d'intersection, il y a un cycliste qui a été écrasé par un camion dans la bretelle de virage: le camion était en mouvement, il ne s'est jamais arrêté, lui; il n'avait pas d'affaire à arrêter, ça lui était permis de continuer. Le cycliste, il est passé par-dessus bord.

C'est-à-dire que cette méthode-là, de virage à droite avec un «cédez», n'oblige pas l'arrêt. Le véhicule étant continuellement en mouvement et l'automobiliste ayant à surveiller deux axes à la fois ne réussit pas... Alors que le virage à intersection simplifiée, avec virage à droite sur feu rouge, qui est une mesure d'accélération, oblige à l'arrêt. C'est là toute la sécurité qui y est reliée.

M. Middlemiss: D'accord. Vous avez indiqué tantôt que, pour vérifier le comportement des conducteurs en Ontario, vous avez pris des vidéos.

M. Gratton (Georges O.): Oui.

M. Middlemiss: Avez-vous fait la même chose du côté du Québec pour voir le comportement? Est-ce qu'il y a une différence? Qu'est-ce qui se produit?

M. Gratton (Georges O.): La grosse différence, c'est que votre véhicule, en Ontario, s'arrête et il tourne. Le même véhicule, au Québec, ne s'arrête pas: il tourne.

M. Middlemiss: Sur un feu rouge?

M. Gratton (Georges O.): Bien non, sur la bretelle...

M. Middlemiss: Ah! O.K. d'accord.

M. Gratton (Georges O.): ...puisqu'on a multiplié nos bretelles. Et, là où on n'a pas mis de bretelles au Québec, bien on met des phases multiples, dont la flèche à droite, par exemple.

M. Middlemiss: O.K. C'est certain, et c'est le témoignage de M. Lareau, personne ne veut créer une situation qui va occasionner plus d'accidents, plus de blessés. M. Lareau, vous avez dit que vous étiez un pédagogue. Est-ce que vous, vous croyez que peut-être une des raisons de l'attitude des conducteurs québécois, c'est le fait que, n'ayant pas le droit de tourner à droite sur un feu rouge, on ne s'est pas habitué à être respectueux, comme vous l'avez indiqué tantôt? Et ma question, c'est ça: Comment recommandez-vous qu'on fasse l'implantation du virage à droite sur un feu rouge?

M. Lareau (Jacques): Si M. le ministre consentait à assouplir justement sa loi afin de permettre à l'Outaouais québécois de travailler conjointement avec le ministre des Transports en Outaouais, c'est sûr que, conjointement, on pourrait établir un programme d'information des citoyens, les utilisateurs du réseau routier, d'une part. Il faut médiatiser ça pour que personne ne se sente pris, que tout le monde sache exactement comment ça fonctionne, et les personnes âgées, évidemment.

Ça prendrait peut-être un an avant d'être capable de l'implanter comme il le faut et puis y aller graduellement. Ça deviendrait une habitude qui serait vite apprise chez nous, d'une part, parce qu'on est déjà habitués, et, à ce moment-là, M. le ministre serait en mesure de voir de quelle façon ça s'est implanté chez nous et il pourrait l'agrandir au niveau de la province s'il le désire.

Donc, c'est au niveau de l'information, de la formation des gens, des utilisateurs de l'automobile, qu'on peut réussir à avoir un franc succès là-dedans.

M. Middlemiss: Avez-vous regardé ou vous êtes-vous arrêtés à regarder quel genre de programme d'éducation populaire on pourrait implanter?

M. Lareau (Jacques): La même chose que vous avez fait lorsque vous avez implanté des mesures coercitives face à l'alcool au volant. Vous avez dit: À partir de maintenant, l'alcool au volant, c'est criminel. On peut peut-être dire, à un moment donné: Si tu tournes à droite sans avoir arrêté, c'est criminel aussi. Vous comprenez, je ne suis pas un spécialiste en marketing, là, mais je suis certain qu'il y a une campagne qui pourrait être mise sur pied, très efficace, qui pourrait nous aider à atteindre notre objectif.

M. Middlemiss: Maintenant, c'est certain qu'il y a des intersections à risque, il y a des intersections où il y a beaucoup, beaucoup de circulation.

M. Lareau (Jacques): Comme Ottawa, M. Middlemiss, il y a des endroits où on n'a pas le droit de tourner à droite sur les feux rouges. C'est indiqué par une petite pancarte: pas de tournage à droite sur les feux rouges, parce que le risque est justement trop élevé.

M. Middlemiss: D'accord. À ces intersections-là, est-ce que vous avez fait une observation, vu que c'est différent un peu, à savoir si les gens respectent ça? Parce qu'on parlait d'uniformisation tantôt, là. Mais c'est ça, c'est le danger si on a une politique uniforme puis, tout d'un coup, on a des exceptions. En d'autres mots, ce que vous me dites, c'est qu'on est mieux d'avoir la règle et avoir des exceptions que la règle soit l'exception?

M. Gratton (Georges O.): Il faut absolument le gérer, ça, avec une base d'exception. Curieusement, la semaine dernière, j'étais du côté d'Ottawa avec mon épouse, et elle a dit: Pourquoi tu ne tournes pas à droite? Je lui ai dit: Tu vois bien, c'est marqué, c'est défendu. C'était une intersection où c'était défendu. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de contre-indication au fait de défendre quelque chose.

Vous savez, avant, dans les années soixante-dix, quatre-vingt, il y avait un endroit qui s'appelait Sainte-Madeleine, sur l'autoroute 20, un endroit dangereux. C'était dangereux, il y avait de la brume, il y avait du brouillard. Puis, quand il y avait du brouillard, il y avait des accidents. C'était connu, le ministère connaissait ça, tout le monde connaissait ça. À un moment donné, le ministère a mis sur pied un programme de gestion des points noirs.

Et puis, à un moment donné, je me rappelle, c'est M. Pierre Michaud, il dit: Ah, on va le régler, le problème, on va en mettre, de la signalisation appropriée sur l'autoroute 20, à la hauteur de Sainte-Madeleine, et on va les éliminer, ces accidents-là. J'ai dit: Je suis heureux de vous l'entendre dire, M. Michaud. Et ça a été fait. Et, depuis ce temps-là, je ne sais pas si M. le ministre aurait des statistiques là-dessus, mais je pense que des accidents à la hauteur de Sainte-Madeleine, il n'y en a plus beaucoup.

Je prends ça comme exemple pour dire que, si on implante un système de virage à droite sur feu rouge avec une gestion intelligente du choix des interdictions, je pense qu'on peut être en mesure d'aller chercher le bon du virage à droite et d'éviter le méchant.

M. Middlemiss: Une dernière question, il ne me reste que très peu de temps: D'après vous autres, d'après la STO, pourquoi le gouvernement doit-il favoriser le virage à droite sur un feu rouge?

M. Lareau (Jacques): Bien, il y a toutes sortes de raisons. Si on prend simplement, du côté environnemental, les émissions de gaz carbonique dans l'air, on sait qu'il y a des statistiques qui disent... Par exemple, si je peux trouver ma petite page...

M. Gratton (Georges O.): Mais on ne s'y attarde pas. Tout comme on ne prend pas les statistiques qui nous défavorisent, on ne prend pas celles qui nous favorisent.

(17 h 40)

M. Lareau (Jacques): C'est vrai. On ne s'attarde pas, mais on peut donner quelques exemples. De toute façon, pour l'environnement, par exemple, on dit qu'en essence simplement, pour une quantité de 10 000 véhicules-heure qui sont arrêtés à des intersections, il y a 2 460 L qui y passent, il y a 1 100 kg de monoxyde de carbone qui sont expulsés dans l'air, il y a des hydrocarbures pour 73 kg et puis il y a de l'oxyde d'azote pour 23 kg. Donc, au niveau environnemental, il y a un impact négatif assez important. Évidemment, ça, ça sort d'une étude de chez Deluc.

Comme autre avantage que le ministère devrait regarder pour avantager cette formule-là, c'est aussi la fluidité de la circulation, l'économie de temps, la rentabilité au niveau des transports en commun en général, avec une bonne information aux usagers aussi, amoindrir même le risque d'accidents qui sont occasionnés actuellement. Ça fait longtemps qu'on n'a pas entendu une bonne campagne, dire aux enfants: Faites attention, les intersections sont dangereuses! Bien, ce serait peut-être le temps d'en implanter une avec la modification. Donc, en gros, les avantages sont ceux que je vous ai énumérés.

M. Gratton (Georges O.): Et j'ajouterais, M. Lareau, si vous permettez, que c'est une méthode qui est certainement plus sécuritaire que tous les palliatifs qu'on utilise actuellement.

M. Lareau (Jacques): Absolument.

M. Middlemiss: Juste un commentaire, Mme la Présidente. Le hasard a bien fait les choses, parce que, comme maire de Buckingham, M. Lareau, je crois, que c'est votre municipalité qui, dans l'Outaouais, était la dernière qui permettait le virage à droite sur un feu rouge. Donc, le hasard fait bien les choses.

M. Lareau (Jacques): Et malheureusement la pancarte est tombée puis on a perdu ce droit-là. C'est ce qui est arrivé effectivement.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, pas d'autres questions? Non? Alors, M. Lareau et M. Gratton, nous vous remercions de votre participation, et la commission...

M. Middlemiss: Le dépôt? Est-ce qu'on a déposé...

La Présidente (Mme Bélanger): Bien, ils demandaient...

M. Middlemiss: O.K.

M. Lareau (Jacques): Ça viendra.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va venir.

M. Gratton (Georges O.): Et les rapports, M. le ministre, à qui devrais-je les faire parvenir?

M. Middlemiss: À la commission.

M. Brassard: Au Secrétariat de la commission.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. Lareau et M. Gratton, nous vous remercions de votre participation, et la commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 42)

(Reprise à 20 h 15)

La Présidente (Mme Bélanger): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Le mandat de la commission, c'est une consultation générale et des auditions publiques pour le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives. Ce soir, nous avons comme invité M. Maurice Pellerin, et je lui demanderais d'approcher à la table. Alors, M. Pellerin, si vous voulez vous asseoir.

M. Pellerin (Maurice): Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): S'il vous plaît! Nous vous souhaitons la bienvenue, et vous avez 10 minutes pour faire valoir votre point de vue, qui seront suivies par une période de questions de 10 minutes du côté ministériel et de 10 minutes du côté de l'opposition. Alors, vous avez la parole.


M. Maurice Pellerin

M. Pellerin (Maurice): Merci. M. le ministre des Transports, Mme la Présidente, Mmes, MM. les membres de la commission, il me fait plaisir de venir expliquer plus en détail les représentations que je vous ai fait parvenir en date du 29 septembre 1996. Je suis très heureux d'avoir l'opportunité de vous exposer mes points de vue sur les futures modifications au Code de la sécurité routière. Ces commentaires sont le résultat de discussions avec les membres de ma famille, mes amis, mes confrères de travail.

Tel que spécifié dans mon communiqué, augmenter le délai d'attente, soit le permis provisoire, de trois à 12 mois serait probablement utile à une classe de futurs conducteurs. Par contre, cela pourrait s'avérer néfaste dans le cas d'autres. Je tenterai de vous le démontrer un peu plus loin dans mon exposé. Dans le contexte actuel où le travail est de plus en plus difficile à obtenir, priver quelqu'un ou quelques-uns de mes concitoyens de l'emploi qu'ils recherchent en raison des modifications proposées a fait que je suis devant vous pour soutenir les arguments que je vous ai fait parvenir. Je ne vous apprends rien en vous disant que l'argent est de plus en plus rare. Il n'est pas possible à tous d'obtenir leur permis de conduire avant de terminer leurs études, et pour d'autres il n'y a aucun intérêt à l'obtenir: soit la facilité de se servir des transports en commun, la résidence près des écoles ou l'absence de voiture dans le milieu familial.

Par contre, il faut imaginer le désarroi de la personne qui, lors d'un stage à la fin de ses études, se voit offrir un emploi par la firme qu'elle courtise à la condition qu'elle possède un permis de conduire pour se déplacer rapidement d'un commerce à un autre dans le cadre du travail proposé. Ceci est fréquent avec l'avènement de l'informatique et d'autres technologies. Mais voilà qu'on veut allonger le délai d'attente. L'employeur serait peut-être prêt à attendre trois mois, mais, plus que ça, il se tournera possiblement vers quelqu'un d'autre qui, lui, possède déjà ledit permis.

Pour d'autres, le délai d'attente ne leur apportera probablement rien, et je m'explique. Le futur candidat réside seul en ville, sa famille est de l'extérieur, ses parents n'ont pas de voiture, le parent ne veut pas prêter sa voiture, son travail ne correspond pas à la disponibilité des parents, et ainsi de suite. Il a suivi un cours de conduite sur une automatique, alors que la voiture familiale est une voiture manuelle, donc pratiquer, pour lui, est assez difficile.

Cette modification serait aussi injuste en regard de l'immigrant qui arrive au pays sans être en possession du permis qu'il dit avoir obtenu dans son pays, qui signe un affidavit et qui est éligible à se présenter pour l'obtention du permis immédiatement sans avoir à attendre, sans avoir à suivre de cours de conduite. Nous constatons souvent qu'il n'a pas ou à peu près jamais conduit.

Nous croyons aussi que la période de trois mois devrait demeurer pour celui ou celle qui a vraiment besoin de son permis dans un court délai. Il devrait, par contre, suivre un cours de conduite d'une école qualifiée, alors que celui qui ne veut pas suivre de cours de conduite, celui qui a quelqu'un de compétent dans la famille pour lui enseigner à conduire, qui a la disponibilité des parents, des amis pour pratiquer, se verrait octroyer une période plus longue avant de se présenter pour l'examen.

Nous sommes au fait de campagnes publicitaires pour diminuer le taux d'accidents, l'amélioration de nos conducteurs sur les routes, la responsabilisation de ces derniers. Croyez-vous que le fait de laisser tomber la spécialisation, la formation obligatoire nous aidera à obtenir ce but? C'est sûrement discutable.

Ce dont nous avons besoin, ce sont des moniteurs qualifiés capables de transmettre leurs connaissances. Je laisse aux écoles de conduite la démonstration de ce que devrait être un bon moniteur. Une chose demeure: Est-ce que les connaissances et les habiletés font que la personne devient mature? C'est sûrement une façon d'aider les candidats en les formant, mais il demeure une chose: c'est souvent l'âge qui apporte une responsabilisation des conducteurs. Nous sommes d'opinion que l'attente pourrait être différente pour des raisons d'âge tel que 16 ans, 18 ans, 20 ans, 25 ans, et ainsi de suite.

Je vous ai exposé ces quelques faits au meilleur de mes connaissances, des expériences vécues, des commentaires recueillis auprès des candidats que nous rencontrons lors du travail, de leur anxiété lorsque le besoin est immédiat d'obtenir un permis de conduire en raison du travail ou autre. Je termine en vous remerciant tous de votre attention. Je tenterai de répondre aux questions que mes commentaires ont pu susciter, au meilleur de mes connaissances.

20 h 20)

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. Pellerin. M. le ministre.

M. Brassard: Je vous remercie, M. Pellerin, de vos quelques remarques et de vos réflexions, surtout évidemment sur toute la question de l'accès graduel, de ce qu'on appelle l'accès graduel à un permis de conduire. Comprenez qu'on souhaite ou on propose de l'allonger à 12 mois justement parce qu'on s'est rendu compte que les jeunes avaient besoin d'une plus longue période pour acquérir de meilleures habitudes de conduite. C'est ça, l'objectif poursuivi. Si on suit votre recommandation puis qu'on la ramène, dans certains cas – mais là ça va devenir assez difficile à gérer – à trois mois, c'est-à-dire, ce qui existe présentement, c'est trois mois, là, évidemment, vous êtes conscient que finalement l'objectif qu'on poursuivait, on est en quelque sorte obligé de le mettre de côté, c'est-à-dire de provoquer des changements d'attitude chez le jeune apprenti conducteur. Est-ce que vous êtes conscient de cette problématique-là?

M. Pellerin (Maurice): Moi, j'en suis conscient, mais les arguments que je vous apporte ce soir ne se rapportent pas au jeune de 16 ans qui vient pour son permis. Moi, mes arguments sont ceux de celui qui est rendu à 22, 23 ans...

M. Brassard: Qui n'a pas de permis.

M. Pellerin (Maurice): ...qui n'a pas de permis, qui n'a pas eu l'occasion de s'en munir, qui n'avait pas les moyens de s'en procurer un pendant qu'il était aux études puis qui n'avait pas l'obligation d'en avoir. On rencontre souvent des gens qui demeurent au centre-ville, et, pour eux, l'accès au métro et aux autobus, tout était facile. Mais un jour ils tombent sur le marché du travail, et l'employeur leur exige un permis parce que, en raison de leur travail, ils doivent se déplacer d'une place ou à l'autre. J'ai amené l'exemple du technicien en informatique qui, lui, va d'une boîte à l'autre, et par autobus ça ne fonctionne plus. Ils ont des documents, ils ont du matériel à transporter, ça leur prend un permis de conduire, ça leur prend un véhicule. Ces gens-là, si, rendus à 22 ou 23 ans, ils sont obligés d'attendre un an, peut-être qu'ils viennent de rater un bel emploi qui les intéressait, et je crois que ce serait brimer ces gens-là, alors que le jeune de 16 ans, lui, peut facilement attendre un an avant d'obtenir son permis. Il n'a pas l'obligation de travail du même genre, il n'a pas les mêmes choses à voir, et ses documents...

M. Brassard: Et vous pensez vraiment qu'une situation comme celle que vous décrivez existe dans un grand nombre de cas?

M. Pellerin (Maurice): M. le ministre, l'emploi que j'occupe m'a permis de vérifier en maintes occasions les faits que je vous rapporte. On a souvent des apprentis conducteurs qui viennent pour l'émission d'un permis et qui en ont besoin immédiatement. Ces gens-là, je crois qu'ils seraient brimés si vous maintenez votre loi telle qu'elle est proposée présentement.

M. Brassard: Même la disposition qui réduit de quatre mois si l'apprenti a suivi un cours de conduite, selon vous, ce n'est pas suffisant comme raccourcissement de la durée.

M. Pellerin (Maurice): Nos prétentions sont que c'est trop long. Parce que, moi, l'emploi que j'occupe, c'est...

M. Brassard: Vous faites quoi, M. Pellerin?

M. Pellerin (Maurice): Moi, je suis évaluateur routier pour la Société de l'assurance automobile. Nous sommes 25, au même bureau, qui travaillons. On se parle, et souvent cette chose nous a été soulignée. Si la personne ne réussit pas son examen, elle a seulement 28 jours à attendre, tandis que l'autre, elle sera obligée d'attendre soit huit mois ou 12 mois, comme vous venez de mentionner, et c'est plus fréquent que beaucoup de gens le pensent.

M. Brassard: Bien, je vous remercie, M. Pellerin.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie, M. Pellerin, de nous apporter un autre point de vue, point de vue de votre expérience vécue dans votre travail et aussi probablement comme citoyen ordinaire et comme parent.

M. Pellerin (Maurice): Comme père de famille.

M. Middlemiss: Oui. D'accord. Vous suggérez... Vous dites: O.K., c'est qu'aujourd'hui, au lieu de trois mois, on demande 12 mois. Et vous mentionnez en même temps que, peut-être que, si on gardait le cours de conduite obligatoire, ce serait une façon, pour ces gens-là qui n'ont pas appliqué à un jeune âge pour faire l'apprentissage que le projet de loi indique... pour que ces gens-là puissent, si les cours de conduite étaient obligatoires, réussir. En d'autres mots, on dirait: Pour ceux qui prennent un cours de conduite d'un certain calibre, au bout de trois mois, ces gens-là devraient être capables d'avoir le droit d'écrire l'examen ou de faire l'examen pour avoir leur permis de conduire. C'est un peu ça, ce que vous nous dites.

M. Pellerin (Maurice): Certainement, M. le ministre. Quelqu'un qui a suivi un... Bien, je m'adresse aussi à M. Brassard.

M. Middlemiss: Ha, ha, ha! O.K., d'accord.

M. Pellerin (Maurice): Celui qui a suivi un bon cours de conduite et qui a eu l'occasion, entre ses cours, de pratiquer, après trois mois, je pense qu'il est pleinement qualifié pour obtenir son permis. Si vous voulez modifier la loi pour qu'il n'y ait plus d'obligation de suivre un cours de conduite, alors le délai devrait être fixé plus long. Je suis pleinement d'accord avec ça.

M. Middlemiss: En d'autres mots, pour régler le problème que vous soulevez, qui est un problème réel, vous voudriez, dans un cas comme ça, avoir la possibilité qu'un cours de conduite puisse compenser pour ce neuf mois d'apprentissage additionnel.

M. Pellerin (Maurice): Exactement. Celui qui veut apprendre par ses propres moyens, les moyens familiaux... Souvent, il y a peut-être des personnes qui sont capables de bien enseigner dans la famille, malgré qu'on recherche des conducteurs de plus en plus compétents. J'ignore si ça serait la bonne formule, parce que autrefois on n'avait pas ça. On a amené les cours obligatoires, et maintenant on veut les enlever.

M. Middlemiss: En d'autres mots, vous vous questionnez aussi à savoir: Est-ce que les cours de conduite obligatoires ne seraient pas une bonne chose à maintenir? En d'autres mots, si on trouve que, concernant la qualité des cours qu'on donne, il y a des problèmes dans le système présent, qu'on corrige ces problèmes-là pour donner des cours valables, et à ce moment-là ce serait peut-être plus valable...

M. Pellerin (Maurice): Très exactement.

M. Middlemiss: ...que de faire l'apprentissage avec les parents ou des amis.

(20 h 30)

M. Pellerin (Maurice): Vous avez très bien compris mes explications. Je vous remercie.

M. Middlemiss: O.K. Maintenant qu'on est sur ça, vous croyez que les cours de conduite devraient demeurer obligatoires. Est-ce que vous croyez que les examens ou l'évaluation que fait la Société de l'assurance automobile du Québec, les examens pour avoir le permis... Est-ce que vous trouvez que, dans ce domaine-là, on devrait peut-être faire des changements pour améliorer notre performance ou la performance des conducteurs sur nos routes?

M. Pellerin (Maurice): Bien, je crois qu'on se recycle continuellement pour donner les cours. Régulièrement, nous avons des meetings, régulièrement on se questionne sur notre façon d'évaluer les moyens qu'on pourrait apporter pour améliorer notre façon d'évaluer, pour améliorer la qualité des conducteurs sur nos routes, et je crois, de ce côté-là, que la Société de l'assurance automobile fait beaucoup pour améliorer la qualité de nos conducteurs.

M. Middlemiss: Donc, vous croyez que le fait que, pour une période de temps au Québec, on a eu des cours de conduite obligatoires, c'est peut-être ce geste-là qui aujourd'hui nous a permis d'améliorer de façon très marquée notre bilan routier.

M. Pellerin (Maurice): Possiblement, et peut-être aussi que la façon dont ces gens-là pensent maintenant, avec les campagnes qui sont faites régulièrement par nos gouvernements, tend à augmenter la qualité de nos conducteurs sur les routes. Mais il restera toujours quand même que... La maturité, à quel âge elle survient? Souvent, on a des très, très bons conducteurs qui viennent pour l'examen, qui réussissent très bien l'examen, mais on les voit sortir de la cour de notre centre et ils ne conduisent plus de la même façon qu'ils ont conduit quelques minutes auparavant. Je pense qu'il n'y a rien qu'on puisse faire pour ça.

M. Middlemiss: Donc, il y a un comportement spécial pour réussir à passer l'examen, puis, une fois qu'ils ont réussi, là ils changent un petit peu d'attitude.

M. Pellerin (Maurice): Ils oublient quelque peu.

M. Middlemiss: D'accord. C'est bien, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme la députée de Jean-Talon.

Mme Delisle: Merci. Je trouve ça intéressant, le point que vous soulevez, parce que je vous avoue que c'est quelque chose auquel je n'avais, en tout cas, pas personnellement pensé, puis on prend vraiment pour acquis que les gens qui commencent à conduire commencent à conduire beaucoup plus jeunes, à 16 ans ou à 17 ans, et on oublie qu'il y en a qui apprennent à conduire plus tard, plus âgés.

Est-ce que vous croyez qu'il pourrait y avoir dans la loi – je sais que ça peut être discriminatoire, ha, ha, ha! – mais est-ce que ce serait possible, d'après vous, qu'on retrouve dans la loi un âge graduel ou un système où finalement les plus jeunes, avant qu'ils soient...

M. Pellerin (Maurice): Majeurs.

Mme Delisle: ...majeurs, pardon – le mot m'échappe – et ensuite une catégorie de gens, par la suite, qui pourraient être exemptés de...

M. Pellerin (Maurice): Ça serait peut-être une solution à apporter.

Mme Delisle: La difficulté à définir... C'est sûr que la majorité est à 18 ans, mais on sait que les accidents, souvent, entre 18 et 20, 21 ans, il y en a quand même plusieurs. Ils sont peut-être plus prudents entre 16 et 18, puis après ça ils repartent en peur. Mais, quand même, est-ce que vous verriez d'un bon oeil qu'on puisse arriver... Je ne sais pas si c'est possible, je n'ai aucune idée si c'est possible ou pas.

M. Pellerin (Maurice): Bien, j'imagine que la Société pourrait gérer ça, cette façon-là de peut-être accorder le délai d'attente plus long à un certain âge.

Mme Delisle: Ou des conditions à un certain âge puis d'autres conditions pour un autre.

M. Pellerin (Maurice): Des conditions apportées comme il existe dans d'autres provinces: qu'après certaines heures, durant le permis probatoire, le candidat doit être avec une personne qui est déjà munie d'un permis depuis quelques années.

Mme Delisle: Mais ça, il faudrait que ce soit à un certain âge.

M. Pellerin (Maurice): À un certain âge.

Mme Delisle: Vous ne pouvez pas... Quelqu'un qui prend son permis à 28 ans...

M. Pellerin (Maurice): Bien, j'imagine que...

Mme Delisle: ...ne serait pas nécessairement lié à ça.

M. Pellerin (Maurice): Il ne serait pas lié à ça.

Mme Delisle: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? D'autres questions? M. le ministre.

M. Brassard: Juste un élément d'information. Je l'ai déjà dit, mais je le répète parce que ça peut éclairer la commission. La première année d'apprentissage, le niveau de risque est très élevé, peu importe l'âge. Peu importe l'âge, oui. Vous avez 40 ans, vous avez 27 ans ou vous avez 16 ans, la première année d'apprentissage, le niveau de risque est à peu près le même. C'est après la première année que ça change vraiment. En nombre moyen de conducteurs impliqués dans des accidents où il y a des blessures corporelles, pour 1 000 titulaires de permis de conduire, selon l'âge et l'expérience – un an, la première année, moins d'un an, 16-17 ans – c'est 37 accidents sur 1 000; et, vous voyez, 45-54, c'est 35; 65 ans et plus, c'est 36. Ah! oui. Alors, la première année, là, le niveau de risque, ça n'a rien à voir avec l'âge. Peu importe l'âge, vous avez un niveau de risque très élevé. C'est après la première année que, là, ça change en fonction de l'âge.

M. Pellerin (Maurice): Moi, je n'ai pas les statistiques là-dessus, mais...

M. Brassard: Est-ce que vous le constatez dans votre pratique? Ha, ha, ha!

M. Pellerin (Maurice): Bien, moi, l'argument, surtout, c'est que je ne voulais pas que la loi brime quelque citoyen que ce soit dans l'obtention rapide d'un permis alors qu'il en a besoin pour son travail. Le principe de mon argument se rapporte à ça. Ça ne me dérangerait pas, quelqu'un qui n'en a pas besoin pour le travail... Ce serait peut-être difficile à gérer, comme vous dites. Mais quelqu'un qui n'en a pas besoin pour son travail pourrait jouir d'une période plus longue d'apprenti conducteur.

Mais nous croyons, nous, mes confrères et moi, que ce serait brimer certaines gens en allongeant aussi rapidement la période d'attente. Si ça se faisait graduellement, possiblement que la personne qui se dirige vers une certaine spécialisation, elle, pourrait y voir un peu plus rapidement pour obtenir son permis. À ce moment-là, elle ne serait pas prise avec cette situation-là. Mais, actuellement, que ça change du jour au lendemain, il y a sûrement plusieurs citoyens qui seront lésés dans leur droit au travail.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça va? M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Probablement, Mme la Présidente, que M. Pellerin ne pourra pas répondre à ma question; c'est peut-être le ministre. Vous dites: Le pourcentage de blessures corporelles sur les jeunes, tu sais, c'est toujours plus haut. «C'est-u» parce que, dans les accidents des jeunes, ils sont peut-être quatre ou cinq dans l'auto, tandis que, lorsqu'on a des accidents pour des gens qui sont un peu plus âgés, on parle de deux personnes dans l'auto? À ce moment-là, tu sais, s'il y a quatre personnes dans une auto, les chances sont qu'il y en a quatre qui peuvent être blessées dans un et seulement deux dans l'autre. Est-ce qu'on pourrait éclaircir ça? Parce que ça pourrait fausser réellement, là. C'est que c'est un conducteur qui est peut-être fautif, qui est imprudent, puis il y a quatre ou cinq personnes qui subissent des blessures, tu sais, puis ça rentre dans les statistiques. Je pense que ce serait bien si on pouvait éclaircir ce point-là.

M. Pellerin (Maurice): Moi, à mon niveau, je n'ai aucune statistique là-dessus.

M. Middlemiss: Est-ce que, du côté ministériel, on peut répondre à cette question-là?

M. Brassard: Bien, nous, ce qu'on a, c'est des statistiques en termes de taux d'accidents avec dommages corporels par 1 000 conducteurs.

M. Middlemiss: Ah!

M. Brassard: Par cohorte de 1 000 conducteurs, quel est le taux d'accidents...

M. Middlemiss: Mais dans les groupes d'âge, toutefois.

M. Brassard: Oui.

M. Middlemiss: Est-ce qu'on pourrait identifier, dans les groupes d'âge, dans les véhicules où il y a eu des accidents, si, dans le groupe d'âge plus jeune, ils sont plus nombreux dans l'auto que chez les gens qui sont plus âgés? Tu sais, il y a peut-être une relation qu'on devrait éclaircir, et à ce moment-là on aurait un meilleur portrait de la situation.

M. Brassard: C'est difficile d'aller jusque-là. Ça m'apparaît difficile. Il y a des accidents impliquant des conducteurs âgés aussi, et l'automobile est pleine, elle est pleinement occupée. Ce n'est pas évident que c'est des automobiles conduites par des jeunes qui sont plus occupées que celles conduites par une personne plus âgée.

(20 h 40)

De toute façon, je ne pense pas que ça introduise des distorsions suffisantes pour contredire les chiffres qu'on a et qui indiquent de façon très claire que, durant la première année de conduite, les taux d'accidents sont similaires indépendamment de l'âge, peu importe l'âge. Deuxième année de conduite, là les taux d'accidents des 25 ans ou plus, ça baisse beaucoup plus rapidement que chez les 16-24 ans. Ça, c'est clair. On voit manifestement une chute en termes de taux d'accident pour les 25 ans et plus après la première année, alors que, chez les 16-24 ans, le taux d'accident se maintient à un niveau plus élevé. C'est ce qui nous a portés à introduire justement des amendements concernant la classe d'âge 16-24 ans.

M. Pellerin (Maurice): Bien, je ne sais pas. Est-ce que je peux tenter de répondre à votre question?

La Présidente (Mme Bélanger): Oui, allez-y, M. Pellerin. Allez-y, M. Pellerin.

M. Pellerin (Maurice): La statistique que vous possédez, là, la première année de conduite, est-ce que ça inclut le trois mois de permis d'apprenti ou si ça inclut...

M. Brassard: Oui, ça l'inclut.

M. Pellerin (Maurice): ...la première année qu'il possède le permis probatoire?

M. Brassard: C'est 12 mois et moins. C'est 12 mois et moins, y incluant les trois mois d'apprentissage.

M. Pellerin (Maurice): O.K.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, nous vous remercions, M. Pellerin, pour votre participation.

M. Pellerin (Maurice): Merci bien de m'avoir écouté.

La Présidente (Mme Bélanger): Ça nous a fait plaisir.

Alors, je demanderais maintenant à M. Simorjay et à M. Paul de Bellefeuille de bien vouloir s'approcher à la table. C'est M. de Bellefeuille?

M. de Bellefeuille (Paul): C'est ça.

La Présidente (Mme Bélanger): Alors, M. de Bellefeuille, vous avez 10 minutes pour présenter votre mémoire, qui seront suivies d'une période de questions, comme vous avez pu le constater de l'invité qui vous a précédé.


M. Peter Simorjay et M. Paul de Bellefeuille

M. de Bellefeuille (Paul): M. Simorjay n'a pas pu être présent pour des raisons personnelles, alors donc je ferai la présentation du texte, de l'opinion ou, en tout cas, du mémoire que j'ai fait parvenir à la commission.

Donc, je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre, Jacques Brassard, et les membres de la commission de m'avoir invité à exposer mon opinion sur le port du casque à vélo. Je suis personnellement cycliste et citoyen. C'est à ce titre que je me présente devant la commission. Je vous ferai très brièvement l'historique de comment le mémoire a été produit.

Peter Simorjay avait sur son terrain – il est garagiste – installé une grande affiche demandant aux citoyens de signer une pétition contre le port du casque à vélo. Au départ, je ne savais pas que c'était lui, que c'était une initiative individuelle, alors je suis allé le voir, je lui ai demandé si c'était lui. Bon, effectivement, ça l'était. Sauf que je lui ai dit: Bien, là, il faudrait peut-être aller un peu plus loin et exposer cette pétition-là et des idées aux décideurs politiques, d'autant plus qu'une commission parlementaire se tenait, et je le savais parce que je suis employé de la Société de l'assurance auto, comme mon prédécesseur. C'est un pur hasard. Ha, ha, ha! Sauf que M. Simorjay avait un peu de difficultés avec la langue, alors je lui ai proposé effectivement d'écrire le texte. Il a eu le texte, et nous l'avons cosigné. Bon, ça, c'est pour le bref historique.

Ceci dit, notre position exposée dans le texte... Là, je ne lirai pas le texte, mais je ferai référence à des éléments, là, O.K., qui sont compris dedans. Personnellement, je suis favorable au port du casque; je pense que c'est souhaitable de le porter. Personnellement, comme cycliste, je le porte à peu près toujours, sauf que je suis, par contre, contre l'idée d'en faire une obligation légale. Je pense qu'il vaut mieux, de ce point de vue, responsabiliser le citoyen, c'est-à-dire laisser au citoyen le choix de décider s'il doit porter le casque, selon les circonstances et les lieux de pratique de la bicyclette, parce que c'est un élément aussi qui est déterminant.

Là, j'aborderai le rôle de l'État par rapport à cette question-là, donc, je le répète: éduquer le citoyen et informer le citoyen. Et je vous citerai le rapport de la Société de l'assurance auto pour 1995, à la page 5, qui dit ceci: «La Société a poursuivi ses actions en prévention à l'égard des jeunes et des écoliers visant un double objectif: protéger leur sécurité, d'une part, et former les citoyens responsables de demain, d'autre part. À ce chapitre, la Société a collaboré étroitement avec les services policiers, notamment en ce qui a trait au port de la ceinture de sécurité et du casque à vélo.» Je pense que le gouvernement et l'État, et particulièrement la Société de l'assurance auto, devraient poursuivre dans cette veine, c'est-à-dire éduquer, sensibiliser et responsabiliser le citoyen. Le contraire, c'est-à-dire si le gouvernement décidait d'imposer par la loi, par une modification au Code de la sécurité routière, je pense que c'est une voie un peu plus facile, et on peut se poser la question, à savoir si cette obligation serait suivie.

En plus, comment s'assurerait-on qu'elle le soit? Je vois bien les policiers à bicyclette poursuivre tout le monde sur les pistes cyclables qui ne porte pas le casque. Ça va devenir... En tout cas, ils vont se mettre en forme. Ha, ha, ha! Puis aussi le fait de punir, en quelque sorte, de verser une amende, je ne suis pas sûr qu'on atteindrait ce qu'on souhaite. Et là je citerai l'exemple de la ceinture de sécurité. Moi, quand je boucle ma ceinture, que je prends le volant de ma voiture, je ne me pose pas la question ou je ne me dis pas: Je vais avoir une amende si je ne le fais pas, ou des points d'inaptitude seront inscrits à mon dossier. Je le fais parce que je suis intimement convaincu qu'il y va de ma sécurité. À ce titre, les barrages routiers que les policiers ont pu faire et toute la publicité de la Société de l'assurance auto et du gouvernement ont eu, je pense, beaucoup plus d'effet que la contrainte légale. Je pense donc que l'éducation et la publicité sont de loin préférables et beaucoup plus durables dans le temps.

Dans un deuxième temps, je pense qu'il faut élargir le débat. La question qu'il faut se poser, c'est: Qu'est-ce qu'on recherche par l'obligation du port du casque à vélo? Et est-ce que le port du casque est le seul élément à prendre en compte? Bon, à la première question, je dirais: C'est sûr qu'on recherche la sécurité dans la pratique de la bicyclette, mais il faut aussi, je pense, pour emprunter à la loi sur la santé et la sécurité, viser l'élimination de la source du danger, et, de ce point de vue là, il y a plusieurs acteurs et plusieurs intervenants.

Il y a l'individu cycliste lui-même, évidemment. Il faut l'éduquer et qu'il adopte un comportement qui soit sécuritaire. Toutefois, cela est un seul élément; il y en a d'autres. Il faut aussi questionner la relation entre l'automobiliste et le cycliste. L'avantage est nettement favorable pour l'automobiliste à cause de sa nature évidemment imposante. La signalisation est particulièrement pensée en fonction des autos; du moins, dans le passé, elle l'était. Ça commence à changer, mais c'est encore la voie qui domine. Les routes sont conçues et construites pour les autos et non pas pour les cyclistes. Il y a des voies cyclables qui se développent, mais il n'y en a quand même pas encore suffisamment. Donc, je pense qu'il faut poursuivre l'éducation et l'information des différents partenaires de la route – qu'on pense aux automobilistes, aux cyclistes, aux piétons et évidemment aux patineurs à roulettes, parce qu'on en voit de plus en plus.

Je pense que la Société de l'assurance auto pourrait très bien faire de la publicité comme on voit le long des autoroutes: «La route, ça se partage.» C'est-à-dire, ils disaient: Bon, il y a le camion, il y a l'automobile; le camion, évidemment, est plus imposant. Mais, de la même façon, l'automobile et le cycliste sont aussi deux partenaires vraiment inégaux sur la route. Je pense qu'il y aurait lieu d'éduquer les différents partenaires, dont l'automobiliste et le cycliste.

Il y aurait lieu aussi, je pense, de repenser la signalisation. Il faudrait en quelque sorte inverser le rapport de force ou, en tout cas, équilibrer le rapport de force auto-cycliste et, pourquoi pas, piéton, en accordant une priorité au piéton et au cycliste aux intersections importantes, entre autres, et ne pas placer en compétition le cycliste et l'automobiliste. En ce sens, il faudrait que les feux de circulation soient ajustés. Je pense au petit bonhomme, là, hein? Je sais que, dans Québec... En tout cas, tantôt, en m'en venant, j'en ai vu beaucoup. Je pense que Québec est plus d'avant-garde que Montréal, du moins de par mon expérience. Le piéton semble plus respecté, et le cycliste aussi, de ce point de vue là.

(20 h 50)

Il y a aussi peut-être la construction des routes. Il faudrait prévoir, en tout cas, des bandes cyclables et construire de plus en plus des pistes réservées aux cyclistes et améliorer le réseau cyclable existant. Là, je citerais en exemple, par ma pratique, quand je vais travailler au centre-ville, le viaduc Christophe-Colomb. Pour ceux qui connaissent Montréal, ce viaduc-là a été conçu... Bon, il y a un trottoir à droite qui est maintenant réservé aux cyclistes, sauf que ce trottoir-là a été à l'origine conçu et pensé pour des piétons. Alors, moi, quand je m'amène dans ce viaduc – et en plus c'est en pente et on prend beaucoup de vitesse – c'est évident qu'il y a un danger. Il n'y a pas l'espace suffisant pour passer deux bicyclettes, alors souvent on va prendre l'alternative de carrément prendre la voie publique à côté des automobiles ou de prendre un trottoir qui est réservé aux piétons. Bon, je vous parlerais bien de l'intersection des boulevards Henri-Bourassa et Christophe-Colomb: c'est huit voies à traverser. En tout cas, cycliste, on a de la difficulté à la traverser même quand il y a un petit bonhomme blanc, alors un piéton n'a vraiment pas le temps de le faire. C'est ça. Donc, la sécurité, c'est une responsabilité, dans ce sens-là, individuelle mais aussi collective.

Le port du casque, comme je l'ai dit tantôt, est un élément de la sécurité dans la pratique de la bicyclette. Il faut aussi penser au lieu de la pratique. Une piste réservée, une bande cyclable, une route ou une compétition cycliste sont des moments et des lieux différents. Si je me promène sur une piste cyclable réservée et qu'il n'y a à peu près personne, porter le casque ou ne pas le porter, ma sécurité n'est pas en jeu. Alors, dans ce sens-là, l'obligation, ça dépend des endroits, et je pense qu'on ne doit pas en faire un absolu, de ce point de vue là.

Dans mon texte, un peu par boutade, je me posais la question, à savoir s'il ne fallait pas demander ou si on ne devait pas éventuellement demander aux piétons de porter le casque, parce qu'il y a de plus en plus de piétons victimes d'accidents de la route, et je me posais donc la question. Et là je réfère encore une fois au rapport de la Société de l'assurance auto, à la page 34 de son rapport de 1995, qui dit ceci: «Les piétons représentent près de 10 % de l'ensemble des victimes d'accidents de la route au Québec. Ils occupent le deuxième rang derrière les occupants de véhicules de promenade pour ce qui est du nombre de victimes par année.» Alors, dans ce sens-là, je me dis: Le groupe cible... Bon, il est ciblé. Il y a, depuis un certain temps, de la publicité qui est faite pour les sensibiliser à traverser aux croisements et à ne pas traverser n'importe où. Les Québécois, et particulièrement peut-être les Montréalais, mais les Québécois en général – ha, ha, ha! – on traverse un peu partout et on se faufile entre les véhicules. C'est ça. Alors, je me dis: Si le deuxième groupe en importance, c'est les piétons, c'est peut-être à eux qu'on devrait faire porter le casque, hein. Alors – ha, ha, ha! – c'est ça.

Donc, je conclurai rapidement en disant que les déterminants de la pratique sécuritaire de la bicyclette seraient, à mon avis, les suivants. Le port du casque est souhaitable, mais il ne devrait pas y avoir d'obligation légale; il faut laisser, je pense, l'individu décider selon les circonstances. Il faut un réseau cyclable amélioré, sur tout le territoire du Québec; cela créerait des emplois, développerait le cyclotourisme et probablement collaborerait à un environnement moins pollué par l'automobile. Il faut aussi penser à la signalisation, surtout à la ville, mieux adaptée à ceux qui utilisent l'énergie humaine dans leurs déplacements. Donc, je déborde du cyclisme: il faut penser à tous ceux qui utilisent leur énergie pour circuler sur les routes. Il faut d'autre part aussi penser à l'éducation, continuer dans ce sens-là, par l'information, la publicité, et que la Société de l'assurance auto – dans le fond, l'organisme responsable – poursuive les campagnes d'information en ce sens-là.

Alors, voilà, c'est ce que j'avais à dire. C'est... enfin, un mémoire, je trouve le mot sérieux. C'était plus une opinion que je voulais vous donner, alors je suis venu vous rencontrer pour vous la donner. Alors, moi, au départ de mon texte, je disais: Contraindre ou convaincre? Je pense que convaincre, ça vaut beaucoup mieux que de contraindre. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. de Bellefeuille. M. le ministre.

M. Brassard: Merci, M. de Bellefeuille. D'abord, une remarque, en commençant, sur les aménagements cyclables. Je pense qu'il y a une politique du vélo qui existe, elle est en voie de réalisation, et ça comporte effectivement des aménagements cyclables sur de plus longues distances et un peu partout dans toutes les régions. Il y a la Route verte qui est un projet assez important et qui, sur une durée de 10 ans, devrait traverser tout le Québec et relier l'ensemble des régions. Il y a les accotements de route que nous pavons de plus en plus. L'engagement qu'on prend dans la politique, c'est d'en paver pour 2 000 000 $ par année, et cette année on a dépassé largement notre engagement, on a pavé des accotements pour 2 800 000 $, ce qui évidemment rend la pratique du vélo plus sécuritaire, parce que les vélos peuvent rouler sur des routes nationales, peuvent rouler sur ces accotements. Alors, ça, là-dessus, je pense que vous avez raison. Rendre la pratique du vélo plus sécuritaire, ça veut dire aussi faire des aménagements cyclables un peu partout à travers le Québec, que ce soient des pistes cyclables ou des accotements pavés.

Sur le port du casque, bon, parce que vous... Contraindre ou convaincre, comme vous le dites, votre choix est très clair: il s'agit de convaincre. Mais la question qu'on se pose toujours, nous, les membres de la commission – en tout cas, moi, je me la pose toujours – je vous la pose également, je l'ai posée à plusieurs, c'est: Bon, on choisit de convaincre. Faisons l'hypothèse qu'on choisit de convaincre par l'éducation, la sensibilisation, la promotion, la publicité. La question qui se pose puis qu'on se pose, puis qu'on s'est posée tout au long de cette commission, c'est: Dans cette voie-là, jusqu'où on peut aller? Jusqu'où peut-on aller? Actuellement, le taux de port du casque est autour de 25 %. Il y en a qui perçoivent ces résultats comme un plafonnement. On semble plafonner. Dans certaines régions, les taux de port du casque, en 1996, n'ont guère évolué par rapport aux chiffres de 1994. Ça a même un peu baissé dans certaines régions. Il y a là une espèce de plafonnement. Alors, là, la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que... Évidemment, vous allez répondre, comme plusieurs: Oui, mais il n'y a pas de véritable campagne articulée de promotion faisant appel aux groupes et, bon, tout un plan complet et bien étoffé puis articulé. Il y a de la publicité qui se fait annuellement, mais ça doit aller plus loin.

Est-ce que vous pensez, vous, personnellement, comme cycliste, que la voie de l'éducation et de la sensibilisation peut nous permettre de progresser, de nous rendre à des taux de port du casque beaucoup plus élevés que ce n'est le cas présentement? Puis jusqu'où, d'après vous, peut-on se rendre?

M. de Bellefeuille (Paul): Bien, je pense que oui, mais je pense qu'aussi, dans l'organisation d'une campagne qui vise à sensibiliser et à convaincre, il faut cibler les bons groupes. Il faut se rendre chez ces groupes et leur expliquer. Je pense, comme ça, spontanément aux étudiants, aux enfants évidemment des écoles primaires, secondaires. Je pense que c'est aussi particulièrement ces générations-là auxquelles il faut s'adresser, parce que c'est celles de demain. Celles d'aujourd'hui sont peut-être un peu plus difficiles à convaincre – hein, en vieillissant, on se raidit – mais je pense qu'il peut y avoir une amélioration, une progression. Mais, si on cible particulièrement et qu'on fait des campagnes intensives et répétitives, je pense que oui et je pense que c'est de loin préférable.

Je le répète, je reviens sur la ceinture de sécurité. Bon, c'est peut-être vrai qu'après avoir obtenu une amende et des points je vais y penser un peu plus, mais ce n'est pas ça. Moi personnellement, en tout cas, comme individu et citoyen, ce qui m'a convaincu, c'est les campagnes de publicité, hein, et j'ai été convaincu qu'effectivement ma sécurité était en jeu et je porte la ceinture à cause de ça.

Pour le casque, c'est un peu la même chose. Je veux dire, s'il y a une campagne bien orchestrée... Il faut se demander aussi si les accidents impliquant des cyclistes, dans quel pourcentage et quelle gravité les cyclistes sont touchés. Si on voit que les piétons sont le deuxième groupe... Pourtant, je veux dire, il y en a, des cyclistes. Les piétons sont probablement plus nombreux, bien sûr, mais je vois mal le besoin, tout d'un coup, d'imposer par un règlement le port du casque. Je pense qu'il est souhaitable que la Société et le gouvernement continuent par la publicité, et je pense qu'il faut une progression. Bon, pour l'instant, on peut peut-être continuer dans ce sens-là et revoir d'ici quelques années s'il y a eu ou non une progression. Là, la question que je me posais, c'est: Où est-ce que la Société ou le gouvernement est arrivé au chiffre de 25 %? Comment ils ont pu établir qu'il était uniquement porté, là, dans un pourcentage de 25 %?

(21 heures)

M. Brassard: Des enquêtes.

M. de Bellefeuille (Paul): Des enquêtes?

M. Brassard: Oui.

M. de Bellefeuille (Paul): Pardon?

M. Brassard: Par des enquêtes.

M. de Bellefeuille (Paul): Par des enquêtes, O.K.

M. Brassard: Comme on a fait pour la...

M. de Bellefeuille (Paul): Mais, moi, je reste encore...

M. Brassard: ...ceinture de sécurité.

M. de Bellefeuille (Paul): ...intimement convaincu que ça peut progresser et que la voie de l'éducation et de la publicité est encore la plus souhaitable et la meilleure.

Les amendes au non-port du casque, comment ça va se faire? Où ça va se faire? Est-ce que ce sera respecté, suivi? Comment ça se fera, et par qui? Ça devient... Je ne sais pas, là. Je pense qu'il devra y avoir beaucoup de policiers sur les pistes cyclables les fins de semaine et aux coins, là, aux intersections pour accrocher tout le monde. Ça risque de créer beaucoup de tensions, je pense, entre les cyclistes et les forces de l'ordre.

Bon, l'obligation par la loi. Ce n'est jamais intéressant de se faire obliger par un règlement. C'est beaucoup mieux, je pense, quand on est convaincu, personnellement convaincu. C'est ma position. Puis je pense qu'il peut y avoir encore un progrès, et le gouvernement devrait plutôt attendre quelques années pour voir si, effectivement, ça se poursuit, qu'il y a augmentation et que la population suit et se laisse convaincre.

M. Brassard: Je fais juste vous signaler, M. de Bellefeuille, que, sur les pistes cyclables, ce n'est pas nécessairement là que les risques sont les plus élevés. Évidemment, c'est...

M. de Bellefeuille (Paul): Non. Bien, c'est comme je le dis, effectivement. C'est ça, mais le port du casque... À partir du moment où le Code de la sécurité routière est changé et que vous obligez tous les cyclistes à le porter, ils doivent le porter partout: non seulement sur la voie publique, mais aussi sur les pistes cyclables. Si je retire mon casque parce que j'ai chaud – l'été, c'est très chaud, un casque...

M. Brassard: Oui.

M. de Bellefeuille (Paul): ...que je le retire parce que je suis sur une piste et que je me sens en toute sécurité, bien, là, je veux dire, est-ce que je vais me faire coller une amende pour cette raison-là? Ça me semble difficile d'application. Il y aurait peut-être des nuances à apporter, mais là, si on rentre dans les nuances, on dit: Bien, quand tu es sur la voie publique ou sur une bande cyclable plutôt que sur une piste cyclable, tu as une obligation de le porter; si tu n'es plus sur la bande cyclable ou sur la voie publique, il t'est permis ou autorisé de le retirer. Je ne sais pas, là.

M. Brassard: Le taux de port du casque est pas mal plus élevé sur les pistes cyclables.

M. de Bellefeuille (Paul): Bien, là... Ha, ha, ha!

M. Brassard: Ha, ha, ha! Là où c'est le plus sécuritaire.

M. de Bellefeuille (Paul): Oui.

M. Brassard: C'est un peu paradoxal...

M. de Bellefeuille (Paul): Oui.

M. Brassard: ...mais c'est ça. Les cyclistes, sur des pistes cyclables, portent plus le casque qu'ailleurs...

M. de Bellefeuille (Paul): Oui, oui.

M. Brassard: ...dans les rues.

M. de Bellefeuille (Paul): O.K.

M. Brassard: Est-ce que vous allez travailler en vélo, vous?

M. de Bellefeuille (Paul): Oui.

M. Brassard: Vous allez travailler en vélo?

M. de Bellefeuille (Paul): Oui.

M. Brassard: Avec votre casque?

M. de Bellefeuille (Paul): Oui.

M. Brassard: Oui. Ha, ha, ha!

M. de Bellefeuille (Paul): Ha, ha, ha!

M. Brassard: Je vous remercie.

M. de Bellefeuille (Paul): Tout dépend. Non, non, mais généralement je porte toujours mon casque, là.

M. Brassard: Oui.

M. de Bellefeuille (Paul): Bon, il peut arriver, sur les pistes cyclables, qu'effectivement je le retire parce que j'ai chaud, là. Mais je le porte.

M. Brassard: À Laval ou dans les rues de Montréal?

M. de Bellefeuille (Paul): À Laval plutôt.

M. Brassard: À Laval.

M. de Bellefeuille (Paul): Bien, il y a la piste à Ahuntsic...

M. Brassard: Oui.

M. de Bellefeuille (Paul): ...que je prends pour me rendre au centre-ville. C'est ça. Mais je ne le fais pas tous les jours. Ça dépend. Ça dépend de la forme.

M. Brassard: Ha, ha, ha!

M. de Bellefeuille (Paul): Ha, ha, ha!

M. Brassard: Merci.

La Présidente (Mme Bélanger): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui, merci, Mme la Présidente. M. de Bellefeuille, merci beaucoup pour votre présentation. Je suis totalement d'accord avec vous, hein, que c'est éduquer, sensibiliser et responsabiliser. Mais il semblerait qu'après un moment on plafonne avec ces choses-là. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre, cet après-midi, le Dr Jacques Boucher et M. L'Espérance.

M. de Bellefeuille ( Paul): Non, je n'y étais pas.

M. Middlemiss: Ce sont des neurochirurgiens qui nous ont sensibilisés aux conséquences de quelqu'un qui se frappe la tête. Ce qui me fait penser à ça là, je lisais dans votre mémoire: «Et puis, vous savez, j'aime bien sentir le vent en toute sécurité caresser mes cheveux.»

M. de Bellefeuille (Paul): C'est ça. Ça, c'est pour la partie plaisir.

M. Middlemiss: Oui, d'accord, mais le problème, c'est que, lorsque cette partie-là frappe une chaîne de trottoir ou quelque chose, même si c'est très minime, ça laisse des séquelles.

Moi, je suis totalement d'accord avec vous, si on avait un moyen de convaincre les gens de porter un casque par l'éducation, la publicité, la sensibilisation, je dirais: D'accord, on n'en a pas besoin, mais il semblerait qu'on plafonne toujours.

Ceci étant dit, devant toutes les conséquences, est-ce que, suite à des campagnes de sensibilisation, vous ne seriez pas d'accord pour protéger les gens, que c'est seulement la loi qui peut réellement forcer les gens à le faire pour les protéger eux-mêmes? Est-ce que, à ce moment-là, vous auriez des objections sérieuses?

M. de Bellefeuille (Paul): Je veux dire, je ne le sais pas. Je n'en suis pas encore convaincu, là, que la loi est le seul moyen ultime de protéger le peuple contre lui-même. Ha, ha, ha! Je veux dire, je ne pense pas, d'abord, qu'il y a faute. Qu'on porte ou pas le casque, c'est un choix. Je pense que les individus vont se responsabiliser à cet égard. Mais est-ce que c'est la seule voie? Bon, je continue de penser que la voie de la responsabilisation et de l'éducation est meilleure.

Compte tenu des conséquences, bien là, comme je le disais, les conséquences... Si je cite encore une fois le rapport de la Société de l'assurance auto, où on parle des piétons, bien là, qu'est-ce qu'on devrait faire? Les piétons, probablement, quand ils sont impliqués...

Et il y a une chose aussi, là, qu'il faut se demander: Le cycliste qui tombe comme ça, est-ce que dans la majorité des cas il y a une automobile qui est impliquée? Je pense que souvent l'automobile est impliquée dans des accidents impliquant des cyclistes et souvent aux croisements. Moi, je peux vous dire personnellement, par expérience, là, qu'on se doit d'être terriblement prudent lorsqu'on circule, en tout cas à Montréal, à bicyclette parce qu'on est continuellement en compétition avec les automobilistes.

Et je vous avoue là que quelquefois je me pose sérieusement la question s'il n'est pas plus prudent pour un cycliste de traverser sur la rouge, en ayant pris soin de regarder s'il n'y a pas des véhicules qui viennent en sens inverse, que de passer en même temps qu'un véhicule, parce que, souvent, les véhicules tournent et ne respectent pas les cyclistes.

Alors, je pense qu'il faut faire une éducation non seulement auprès des cyclistes et de ceux qui sont les praticiens, mais aussi les partenaires qui partagent la route, là. Je veux dire, dans ce sens-là, quand, au printemps venu, il y a le grand Tour de l'île, c'est une façon justement d'annoncer et de lancer un message à la population, et surtout aux automobilistes: Bon, bien là, attention, les bicycles s'en viennent! Et je pense que les automobilistes ont à...

Bon, je pensais... Ça, je ne l'ai pas écrit, mais, par exemple, quand je suis en automobile et que j'arrive près d'un chemin de fer, si le train arrive, il y a des barrières qui baissent pour laisser passer le train; comme ça, je suis en toute sécurité. Mais là, est-ce qu'il faudra peut-être en venir effectivement à de telles mesures, en tout cas aux points stratégiques et névralgiques, pour rendre sécuritaire la pratique de la bicyclette, se protéger des automobilistes? Parce que je pense que c'est là que la relation est peut-être problématique. Est-ce que c'est de simples chutes? Là il faudrait voir. Peut-être qu'une personne représentant la Société – je ne suis pas sûr là – qui a des statistiques, pourrait nous dire si, dans le cadre des accidents de vélo, ça implique très souvent ou la plupart du temps une automobile?

M. Middlemiss: Non. Je pense que ce que les gens ont fait valoir, c'est que le port du casque, ça ne réglera pas tous les problèmes...

M. de Bellefeuille (Paul): Non.

M. Middlemiss: ...si on se fait frapper par une automobile. Sauf que, dans des cas où il n'y a pas d'auto d'impliquée, des chutes, ainsi de suite, ça protège les gens. Tu sais, si on regarde les taux de port de casque: 1993, 18 %; 1994, 22 %; 1995, 25 %; 1996, 24 %... Donc, à ce moment-là...

M. de Bellefeuille (Paul): Mais c'est rendu ça à l'année.

(21 h 10)

M. Middlemiss: ...on voit qu'on est plafonné. Et je pense que le but de tout ça, c'est de réduire les séquelles des accidents comme ça. Est-ce qu'on n'est pas mieux de prévenir que quelqu'un souffre d'un traumatisme crânien? Tu sais, est-ce qu'on n'est pas mieux...

M. de Bellefeuille (Paul): Oui. Bien...

M. Middlemiss: ...de mettre tout en marche, là, l'éducation, la sensibilisation, puis tout ça, là? Mais, à un moment donné, est-ce qu'on ne sera pas peut-être obligé de le faire? Et, dans un contexte comme ça, on avait M. Faubert, qui était de Explo-Tour, qui nous disait: Bien, on est à 25 %. Moi, je crois qu'avec un bon système d'éducation puis de sensibilisation, au bout de trois ans, on pourrait peut-être atteindre le 50 %. Bon, O.K. Maintenant, on est rendu à 50 %. Mais, entre-temps, tu sais... puis je vais dire ce que le Dr Boucher disait cet après-midi – non pas pour le port du casque, mais pour permettre de tourner à droite sur un feu rouge: Juste une personne qui subirait un traumatisme crânien, c'est une personne de trop. Et, moi, je dis qu'on applique ça au port du casque: une personne qui, parce qu'elle n'avait pas son casque, aurait des séquelles, un traumatisme crânien, c'est une personne de trop, si on ne peut réussir à le faire par des moyens de convaincre les gens.

M. de Bellefeuille (Paul): Non, mais je suis tout à fait d'accord avec la prévention, là, et que le port du casque soit un élément parmi d'autres qui préviennent effectivement des accidents comme ceux-là, et, si effectivement ça peut me protéger, bon, si les dégâts sont limités à un bras cassé, bien, bon, tant mieux. Ça, je suis parfaitement d'accord avec ça. Mais, encore une fois, je ne suis pas sûr... L'obligation, dans les faits, ça me semble problématique. Sur la piste cyclable – je cite Le P'tit Train du Nord, il y a cette piste-là – tout ce qui est piste réservée, est-ce qu'il y a un véritable danger? Est-ce que, pour le nombre... C'est vrai que un, c'est un de trop, mais, à ce moment-là, on revient, encore une fois, aux piétons. Comment ça se fait qu'il y a tant de piétons qui se font ramasser par les voitures? Et les cyclistes ne semblent pas, en tout cas selon les données de la Société, le deuxième groupe en importance, c'est les piétons. Alors, je pense que l'accent devrait être mis sur le piéton, et, encore une fois, que la relation automobiliste-cycliste soit harmonisée, en quelque sorte, là, civilisée, en convainquant les automobilistes et les cyclistes. Mais je pense qu'il y a la relation qui est à questionner aussi.

Non, vous avez raison, c'est sûr, un, c'est un de trop, là, mais il faut se demander quelles sont les causes, O.K.? Je pense que le port du casque, c'est un remède. Dans ce contexte-là, c'est bien plus un remède que de la prévention. Personnellement, c'est sûr que je le porte, je préviens un éventuel danger. Mais, par rapport à toute la problématique qui conduit à de tels accidents, c'est guérir le mal, ce n'est pas le prendre à la racine, hein? Je pense.

M. Middlemiss: Pour répondre un peu, les décès, là, juste pour les accidents de cyclistes, de 1993 à 1995 – ça vient du coroner – il y en a un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf qui sont morts, et sans accident avec auto. C'est des gens d'un âge qui varie de sept ans à 62 ans, des chutes et ainsi de suite. Et c'est seulement les gens qui sont morts; c'est les cas du coroner. Il peut y en avoir d'autres. Bon, en tout cas.

M. de Bellefeuille (Paul): Oui.

M. Middlemiss: Je vous remercie beaucoup.

M. de Bellefeuille (Paul): Ça va.

M. Middlemiss: Mais, tu sais, le but de tout ça, c'est qu'on veut certainement protéger dans la mesure du possible – je sais qu'il y a la liberté – surtout lorsqu'on regarde les conséquences pour ces individus-là. Parce que, cet après-midi, je pense que le Dr Boucher a certainement sensibilisé les membres ici. Ça a tout l'air, des fois, des accidents banals, mais la personne est affectée pour le restant de sa vie. C'est des choses comme ça qu'on voudrait certainement tenter d'éviter dans la mesure du possible.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, M. le député de Pontiac. Merci, M. de Bellefeuille, de votre participation.

Alors, la commission ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 14)


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