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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 27 mars 1990 - Vol. 31 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 15, Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues. Je déclare cette séance de travail ouverte. Je vais vous rappeler le mandat de notre commission qui est le suivant: Tenir une consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi 15, qui est effectivement la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives.

M. le secrétaire, M. Comeau, est-ce qu'il y a des remplacements ce matin?

Le Secrétaire: Non, M. le Président, aucun remplacement.

Le Président (M. Richard): Magnifique! Je vais vous donner, si vous permettez, l'ordre du jour, M. le ministre. Au départ, discours d'ouverture de la part du ministre et du porte-parole officiel de l'Opposition. Le premier groupe que nous aurons en audition à 11 heures, c'est l'Union des producteurs agricoles, puis ce sera la Fédération des producteurs de bois du Québec, la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec et le Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent. Nous aurons une suspension pour l'heure du dîner et nous recommencerons à 15 heures avec la Fédération de l'UPA de Sherbrooke, l'Association des éleveurs de moutons des Cantons de l'Est, l'Union d'entraide des agriculteurs du centre du Québec. Suspension à 18 heures. Nous revenons à 20 heures pour les Producteurs de sucre d'érable du Québec, la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec inc., et nous terminons avec Mme Marthe Olivier, pour ensuite ajourner.

Au niveau des ententes de temps, c'est 20-20-20.

M. Pagé: 30-30,20-20.

Le Président (M. Richard): Alors, lorsque nous recevrons les groupes, c'est effectivement une enveloppe d'une heure...

M. Pagé: Fermée.

Le Président (M. Richard): ...fermée, avec une répartition de 20 minutes pour les intervenants, la présentation de leur mémoire, et 20 minutes chacun de part et d'autre.

M. Pagé: Exactement, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Sur ce, M. le ministre, pour les déclarations d'ouverture, vous avez la parole.

Déclarations d'ouverture M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le vice-président de la commission, Mmes, MM. les membres de la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, distingués visiteurs qui nous honorent de leur présence aujourd'hui dans le cadre d'un échange, qu'on veut et que je souhaite personnellement comme ministre responsable, très ouvert, très contributif, si je peux utiliser le terme, c'est avec beaucoup de satisfaction que nous amorçons et que j'amorce avec vous aujourd'hui l'étude de ce projet de loi. Je suis accompagné du président de la Régie des marchés agricoles du Québec et de nombreux représentants de la régie.

Le projet de loi que je présente aujourd'hui propose une révision majeure et une refonte de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

Vous me permettrez très certainement de dire d'abord quelques mots du très grand rôle que cette loi, adoptée en 1956, a joué et continue de jouer sur le développement de l'agriculture québécoise. J'entends vous exposer ensuite pourquoi je crois qu'il est vital, à ce moment-ci non seulement pour les producteurs agricoles, mais pour l'ensemble du monde agro-alimentaire québécois, de revoir et particulièrement d'élargir la perspective des mécanismes déjà prévus dans cette loi et de se donner ensemble des moyens d'action renouvelés, repensés et refondus. Je terminerai en vous disant comment nous croyons que la loi proposée peut contribuer d'abord à améliorer la capacité concurrentielle de l'agriculture québécoise et, en second lieu, à mieux articuler les efforts des producteurs et des productrices avec ceux des transformateurs et des détaillants, puisque ce sont là les deux propositions fondamentales qui ont inspiré ce projet de loi.

La Loi de 1956 sur la mise en marché des produits agricoles visait à favoriser, à l'époque, une mise en marché ordonnée, efficace et juste des produits agricoles au bénéfice autant des producteurs que des consommateurs en donnant à la classe agricole, à la structure agricole, les moyens et les mécanismes pour s'organiser. C'est en effet cette loi qui a inspiré le système de plans conjoints de mise en marché qui a été

on doit le reconnaître aujourd'hui - l'un des éléments déterminants du profil actuel de l'agriculture québécoise. En vertu de ce système, les agriculteurs peuvent, comme on le sait, pourvu qu'une nette majorité d'entre eux le veuillent, mettre sur pied un office de commercialisation ayant le mandat de les représenter tous, obligatoirement, pour établir les conditions de mise en marché du produit visé.

Aujourd'hui, les producteurs agricoles du Québec se sont donné, sur la base de cette loi, une structure leur permettant d'établir dans la discipline, à travers une trentaine de plans conjoints couvrant à peu près tous les produits agricoles, des modalités de mise en marché avec les transformateurs et les autres intermédiaires ou, encore, ils se sont donné les moyens pour en réglementer certains éléments, par exemple par le contingentement.

Le système des plans conjoints a eu pour résultat d'enclencher chez les producteurs agricoles un laborieux processus de consultation et de concertation entre eux qui les a amenés à rationaliser leurs productions et la mise en marché de leurs produits. Cette démarche leur a permis d'abord de structurer l'écoulement de leurs produits sur le marché local, avant qu'ils ne prennent leur place sur le marché canadien où ils occupent, par exemple, près de 50 % du marché du lait et 32 % de celui des volailles. Bien plus, le système a permis, dans bien des cas, d'élaborer des prix qui, sur la base des coûts de production, procurent aux producteurs agricoles des revenus relativement confortables, mais plus particulièrement stables.

Les progrès accomplis par l'agriculture québécoise, qui est passée depuis la fin des années cinquante d'un stade qu'on pourrait qualifier d'artisanal et presque autarcique, où l'agriculteur produisait essentiellement pour satisfaire ses propres besoins plutôt que pour vendre, à un stade actuel de grande spécialisation lui permettant d'exporter sur les marchés du monde des longes de porcs, des animaux vivants ou des produits horticoles, par exemple. Tout ceci démontre bien que l'objectif poursuivi lors de la sanction de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles a été atteint dans une large mesure.

On peut comprendre, dès lors, l'attachement du monde agricole au maintien d'un système qui a donné des résultats aussi positifs. J'ai, pour ma part, à titre de ministre de l'Agriculture, apporté à plusieurs reprises et dans tous les milieux mon appui en ce sens aux producteurs agricoles québécois. Les modifications que nous proposons aujourd'hui à la loi sur laquelle se fonde le système n'ont donc pas pour objectif d'affaiblir le rôle joué par les producteurs et productrices agricoles du Québec. Ça ne signifie pas, cependant, qu'il n'y ait aucun problème et que rien ne doit être changé. Bien au contraire, une révision s'impose de façon urgente.

Cette nécessité d'une révision est apparue clairement dans les nombreux mémoires qui ont été soumis au comité que j'avais chargé, il y a maintenant presque trois ans, d'examiner l'opportunité d'apporter des amendements à cette loi. Pour l'essentiel, ce sont les structures mêmes du secteur agro-alimentaire, tant au Canada que dans le monde entier, qui évoluent rapidement, et ces changements structurels modifient les règles du jeu sur lesquelles s'est construit le système des plans conjoints. Par conséquent, si l'on veut éviter l'effritement graduel de ce système, il faut prendre acte de ces changements, de ces mutations, et prendre les mesures pour rendre le système plus performant et moins vulnérable. C'est dans cette perspective que s'inscrivent les principaux changements à la loi que je propose aujourd'hui et sur lesquels je souhaite obtenir les commentaires et suggestions de tous et de chacun de ceux qui ont à coeur le développement et la prospérité de l'agriculture et de I agro-alimentaire québécois.

Et quand je me réfère aux commentaires et suggestions, je souhaite et nous souhaitons très sincèrement - et je pense parler pour et au nom de l'ensemble des députés ici - que ces quatre jours d'échanges entre les parlementaires et les groupes qui ont demandé à se faire entendre, soient très ouverts, soient aussi très positifs. Vous savez que le libellé du projet de loi 15 et des 209 articles qu'il contient, ça peut être modifié. Nous sommes ici entre la première et la deuxième lecture pour le motif d'entendre les gens et de voir avec eux, à partir des propositions formulées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi déposé, ce qui pourrait être bonifié. Je peux vous assurer tout de suite qu'au lendemain de cette commission, nous prévoyons de notre côté voir la teneur, le contenu, les propositions spécifiques qui auront été formulées et, si besoin est, nous serons disposés, entre la deuxième lecture et l'étude du projet de loi article par article, de déposer des modifications.

Si on se réfère maintenant à ces facteurs qui sont susceptibles d'affecter la position de l'agriculture québécoise sur les marchés locaux et nationaux, et ça, autant qu'à l'étranger, je peux en mentionner trois qui m'apparaissent parmi les plus importants. Le premier facteur, c'est qu'avec le développement des communications principalement, la planète est devenue pratiquement le village de l'ancien temps: les distances tombent, les différences et les mentalités des peuples autant que des personnes s'atténuent, les pratiques et les façons de faire se banalisent à l'échelle du monde entier. Ces changements entraînent des mutations structurelles dans l'organisation des échanges entre pays qui soumettent à une concurrence croissante les marchés traditionnels de l'agriculture québécoise. Cette concurrence internationale, cette mondialisation des marchés se manifeste d'abord par

l'intermédiaire de produits alimentaires qui rejoignent la sensibilité et les besoins du consommateur, des besoins qui sont très évolutifs. Qu'on se donne la peine d'examiner les tablettes des supermarchés et la multiplication, par exemple, des marques de commerce extérieures. Le consommateur est beaucoup plus sensible aux différences de prix, et l'homogénisation des habitudes de vie et des goûts d'un pays à l'autre l'amènent à répondre aux nouvelles initiatives d'où qu'elles viennent: plats préparés sous vide, découpe individuelle des viandes, etc.

Ce processus d'internationalisation de la concurrence est d'autant plus rapide qu'on assiste parallèlement à une libéralisation générale des échanges à travers le monde. Faut-il rappeler à ce titre que nous venons d'atteindre le premier anniversaire de l'Accord de libre-échange que le Canada a signé avec les États-Unis et cet accord tient compte de cette ouverture des marchés. Quelle sera la solution à ce nouvel environnement commercial et à la compétition accrue d'outre-frontière? Les producteurs canadiens de pizza, par exemple, pourront-ils concurrencer les produits de pizza américains fabriqués avec du fromage vendu à meilleur marché là-bas quand ce n'est pas avec des succédanés? Par ailleurs, les marchés extérieurs seront d'accès encore plus difficile pour les produits agricoles et alimentaires québécois avec la concurrence des entreprises européennes qui, dès 1992, pourront fonctionner à l'intérieur d'un marché commun de 350 000 000 de consommateurs sans barrière tarifaire interne et avec une harmonisation progressive des règles non tarifaires. Et quelle menace laissent planer sur le système même des plans conjoints les négociations actuelles du GATT sur l'organisation mondiale du commerce des produits agricoles et alimentaires? À cet égard, on doit reconnaître que la position canadienne défendue au GATT reflète presque en tout point la position adoptée par le gouvernement du Québec, la position des agriculteurs et des agricultrices du Québec, la position des transformateurs du Québec. Cependant, jusqu'où la position canadienne sera-t-elle reçue positivement en entier dans le cadre des accords du GATT? Nous le saurons d'ici la fin de l'année 1990, ce qui obligera, je pense, autant les gouvernements des provinces que les intervenants du Canada à être très vigilants à cet égard auprès du gouvernement canadien. Encore là, c'est un contrat, c'est une entente qui est susceptible d'avoir des impacts majeurs sur la mise en marché des produits dans l'ensemble des pays industrialisés dont, évidemment, le Canada.

Cette internationalisation des marchés qu'accentue la disparition progressive des barrières aux échanges entre les pays est dans une large mesure - et c'est là un second facteur qu'il faut évoquer - le fait d'entreprises industrielles ou commerciales de grande taille disposant de moyens humains, techniques et finan- ciers importants, qui diversifient progressivement leurs activités à l'échelle mondiale. Ce mouvement de concentration des entreprises est une des caractéristiques de l'époque qui semble bien universelle et irréversible. Est-il nécessaire de rappeler les noms d'Unilever, de Reynolds Nabisco, de Pillsbury, Kraft, General Foods, Beatrice Foods, pour ne pas mentionner les grandes sociétés canadiennes, Labatt, Canada Packers, etc.? Or, il faut bien constater qu'à l'égard de ce mouvement de concentration, les producteurs agricoles québécois sont défavorisés. Faisons abstraction du commerce de détail qui, pour l'essentiel, est entre les mains de trots grandes entreprises québécoises et une autre entreprise canadienne au Québec. Les plus grandes sociétés industrielles de propriété québécoise dans le secteur de l'agro-alimentaire sont bien petites à l'échelle canadienne, sans qu'on ait à parler de l'échelle nord-américaine ou mondiale. C'est ce pourquoi, d'ailleurs, on ne peut que souhaiter l'émergence de ce qu'on qualifie de "majors" dans le secteur agro-alimentaire québécois. En ce début de la dernière décade de ce siècle, on sent une volonté des entreprises québécoises de se regrouper, de mettre en commun leurs activités ou certaines parties de leurs activités pour prendre une place plus forte, être mieux outillées et être mieux équipées pour faire face au défi de la mondialisation des marchés, mais encore bien d'autres pas devront être faits dans ce sens-là.

Ce facteur met donc en évidence la grande importance que prend, pour l'agriculture québécoise, nos entreprises québécoises les plus agressives et efficaces, ainsi que le mouvement coopératif agro-alimentaire qui doit pouvoir se restructurer et se développer pour pouvoir éventuellement agir à armes égales avec les concurrents étrangers.

Enfin, le troisième facteur, et non nécessairement le moindre, c'est la vulnérabilité elle-même du système à l'intérieur du Canada, du fait de sa large dépendance des politiques agricoles du gouvernement canadien et de la convoitise des provinces qui se partagent le marché canadien et qui sont chacune tributaire de ce qui se passe dans les autres. Rappelons-nous la menace récente qu'a fait courir au système, dans le domaine du lait, la volonté de la Colombie-Britannique d'élargir sa part des quotas canadiens et de se retirer purement et simplement de la politique laitière canadienne. Et quelles sont les provinces qui ne s'estiment pas lésées lorsque le pourcentage de leurs quotas de lait, de volailles ou d'oeufs est inférieur au pourcentage de leur population dans l'ensemble canadien? Si quelques provinces seulement décidaient de se retirer de l'un ou l'autre de ces arrangements pancanadiens, les Américains auraient beau jeu de faire tomber toutes les restrictions à l'importation, qui en sont le prolongement, et le système des productions

contingentées serait, à ce moment-là, très très sérieusement mis en danger.

Par-dessus tout, cependant, les positions prises par le gouvernement canadien dans le processus de révision qu'il a entrepris récemment de ses politiques agricoles peuvent être lourdes de conséquence. La très grande majorité des intervenants d'aujourd'hui étaient présents à Ottawa en décembre dernier lorsque cette grande conférence pancanadienne s'est tenue les 13, 14 et 15. Mon collègue, ministre délégué à l'Agriculture, M. Middlemiss, et moi serons d'ailleurs à Ottawa, à compter de jeudi, pour le suivi de ce dossier-là. C'est un dossier qui est important et qui aura très certainement des impacts majeurs dans l'action canadienne en matière agricole pour les prochaines années. À quoi aboutira donc la volonté du ministre fédéral de l'Agriculture d'accroître l'efficacité dans le régime de plans conjoints et de rendre les offices de producteurs plus flexibles ou plus sensibles aux réalités du marché? Je pense également à la position qu'il prend dans les négociations sur l'Accord général sur les tarifs et le commerce, à l'égard de l'article XI qui protège les systèmes de plans conjoints nationaux en permettant à un pays de réglementer l'importation des produits sous gestion d'offre à l'Intérieur dudit pays. Enfin, comme je l'ai proclamé en de nombreuses occasions, le système des plans conjoints pourrait beaucoup plus difficilement subsister à l'échelle canadienne si le gouvernement fédéral ne maintenait pas avec rigueur, avec force et avec détermination une politique d'équité envers tous les producteurs agricoles canadiens de quelque région ou de quelque secteur qu'ils soient. Si, confronté à une guerre mondiale de subventions à l'exportation pour les céréales, le gouvernement canadien apportait une aide massive aux producteurs de l'Ouest pour diversifier leurs productions à même leurs céréales largement subventionnées, les élevages québécois ne pourraient plus être concurrentiels.

Ainsi donc, les changements qui surviennent dans les secteurs de l'agriculture et de I agro-alimentaire sont susceptibles d'affecter de façon majeure le système des plans conjoints, même si les législations sur lesquels il se fonde ne sont pas modifiées. Si au contraire on estime, comme j'en suis convaincu, que le système est bénéfique pour les agriculteurs québécois et pour le Québec dans son ensemble, alors il faut se demander ensemble quelles mesures nous pouvons prendre pour parer aux dangers qui menacent ces structures qu'on s'est données depuis un certain nombre d'années.

Le projet de loi que je vous propose aujourd'hui s'articule pour l'essentiel autour de deux propositions fondamentales. D'abord, compte tenu du rôle déterminant joué par les transformateurs et les détaillants, une mise en marché efficace des produits agricoles implique aujourd'hui que soit considéré, non plus le seul échelon de la production primaire, mais la totalité de la chaîne agro-alimentaire, dont les partenaires sont désormais pleinement solidaires. En second lieu, la protection juridique aux frontières étant devenue aléatoire devant le phénomène de la concurrence, qu'elle soit directe, indirecte ou par l'intermédiaire des produits alimentaires, il faut tout faire ce qui peut être humainement fait pour améliorer la capacité concurrentielle de l'agriculture québécoise.

Sur papier, la loi actuelle sur la mise en marché des produits agricoles a une grande extension. Elle vise à coordonner les diverses opérations de la mise en marché des produits agricoles qui doivent être réalisées par les producteurs agricoles, l'industrie de transformation, le commerce et tous les autres qui sont engagés dans cette activité. Les acheteurs sont tenus de négocier avec un office de producteurs agricoles les prix et les autres modalités de vente des produits. Et leurs associations peuvent être accréditées dans cette compétence par la Régie des marchés agricoles. (10 h 30)

En pratique cependant, les intentions exprimées dans l'objet de la loi ne se traduisent pas toujours clairement en règles d'application concrètes, sauf pour ce qui concerne l'établissement des plans conjoints des producteurs agricoles. Il n'est donc point étonnant, par conséquent, que la plupart des acheteurs, intermédiaires ou transformateurs, aient perçu le système des plans conjoints - je dis bien "perçu" - comme l'affaire des seuls producteurs agricoles qui pouvaient imposer leurs conditions sans égard a la conjoncture ou à la concurrence dans le marché alimentaire, et qu'ils n'aient consenti à faire, dans la plupart des cas, que ce que la loi les obligeait à faire.

Cette négociation, avec ses recours aux mécanismes d'arbitrage usuels devant un tribunal spécialisé, était perçue par beaucoup d'industriels et de commerçants comme une confrontation plus que comme une collaboration entre des partenaires ayant des intérêts communs. On voyait, d'un côté, des producteurs dont on pensait que la seule intention était de vendre le plus cher possible et, de l'autre côté, des acheteurs auxquels on prêtait la seule volonté de payer le moins cher possible. Le mécanisme des comités consultatifs n'a pas donné les résultats attendus, les industriels et les commerçants considérant, dans une large mesure, y perdre purement et simplement leur temps.

Or, comme je viens de vous l'exposer, les intérêts de l'un et l'autre groupe ne peuvent plus être perçus comme contradictoires, ils sont convergents ces intérêts. C'est cette évolution qu'il faut reconnaître et transposer, cependant, dans les structures, dans la loi autant que dans les faits. C'est pourquoi cette nouvelle législation prévoit la possibilité de la mise sur pied, par

chacun des secteurs de l'agro-alimentaire, à la suite d'une décision de chacun des principaux groupes impliqués, de "chambres de coordination et de développement". Il pourrait, dans notre esprit, éventuellement exister des chambres pour chacun des grands secteurs de l'industrie agro-alimentaire. À titre d'exemple, la chambre de coordination et de développement du lait, la chambre de coordination et de développement de l'aviculture... Ces chambres seraient composées essentiellement de producteurs agricoles, de transformateurs, de grossistes et de détaillants et même, éventuellement aussi, de consommateurs. Ses membres seraient désignés par les offices de producteurs et les associations représentatives d'intermédiaires, d'acheteurs, d'industriels, de grossistes et de détaillants, dans des proportions à convenir entre eux et pour atteindre les objectifs qu'ils déterminent ensemble. Les chambres ne seraient crées qu'après audiences et décision de la Régie des marchés agricoles qui jugerait de l'opportunité de leurs pouvoirs en fonction des consensus exprimés par le milieu lui-même.

Même si la loi doit prévoir l'extension ultime de leurs responsabilités éventuelles, ces organismes de coordination interprofessionnelle pour la défense ou la promotion des intérêts généraux pourraient avoir des mandats très variables. Ceux-ci pourraient aller, selon le consensus du milieu, d'un simple mécanisme de consultation des membres, les uns avec les autres, à une véritable stratégie de développement. Ici, je dois vous le dire, c'est ce qu'on recherche. On a comme objectif que ces gens puissent véritablement s'asseoir ensemble autour d'une table et construire, mettre en place les mécanismes, les façons de faire. Ça pourrait aller même jusqu'à la façon de produire, dans certains types de productions, aux mécanismes à établir pour développer de nouveaux marchés, aux mécanismes à établir pour augmenter l'efficience et la productivité. Et je dois vous dire qu'en ce qui me concerne, parce que j'ai personnellement, ça va de soi, été intimement associé à cette loi, je porte beaucoup de confiance d'ailleurs à ce chapitre de la loi qui prévoit la mise en place, c'est-à-dire l'offre aux gens de l'industrie de mécanismes leur permettant d'établir une véritable stratégie de développement et un plan d'action dont les éléments, par exemple, pourraient aller des caractéristiques de la production agricole jusqu'au type de transformation à privilégier, à un programme de publicité commun ou à des recherches génétiques efficaces, ou même au développement de marques de commerce et à l'exportation de produits particuliers . sur des marchés spéciaux. La gamme des fonctions est définie. Tout cela dépendrait de la maturité des groupes et des avantages respectifs que les parties verraient à négocier. Qu'est-ce que représenterait, pour les entreprises d'abattage ou d'apprêt de volailles, par exemple, une conven- tion triennale ferme d'approvisionnement de la part des producteurs avicoles, à des conditions prédéterminées.

Il se peut très bien qu'il y ait intérêt à ce que les chambres n'aient au départ que des responsabilités limitées au règlement de problèmes très pressants, comme celui de la défense d'une filière contre une menace américaine d'imposition de droits compensatoires contre des produits exportés dans ce pays. On peut s'attendre également à ce que les incohérences dans les décisions d'un échelon à l'autre d'une filière dans une recherche de compétitivité de l'ensemble soient au coeur des préoccupations des participants. Il y aurait là, somme toute, un forum où les intéressés seraient institutionnelle-ment en contact, positivement condamnés à travailler ensemble pour le bien de l'économie agricole.

Les discussions des chambres pourraient ensuite progressivement porter, par exemple, sur l'accroissement de la qualité des produits fabriqués au Québec ou sur la diffusion d'information aux consommateurs. À une étape ultérieure, on pourrait penser établir, pour l'ensemble de la filière, des normes de production et d'emballage ou mettre en commun ses ressources pour développer les techniques de production ou de transformation. On peut voir ensemble si des initiatives d'exportation ne seraient pas possibles avec un effort promotionnel à chacun des échelons de la filière. Les études de développement de marché et l'harmonisation des calendriers de production en fonction de la demande requièrent déjà une plus grande habitude de travailler ensemble. Le ministre de l'Agriculture du Québec le vit régulièrement, par exemple, dans le dossier du poulet. On le voit régulièrement. Tous les intervenants qui sont familiers avec cette production sont conscients qu'on a des problèmes, entre autres, de garantie d'approvisionnement sur le marché frais pour certains marchés de restauration.

Or, les circonstances font que, lorsque la demande est très grande en période de pointe - par exemple, la fête des Mères, c'est la journée au Québec où il se consomme le plus de poulet - on a de la difficulté à fournir le marché. Je ne peux pas comprendre, comme ministre de l'Agriculture du Québec, qu'on ait de la difficulté, alors qu'on a 32 % des quotas au Canada, à fournir le marché frais dans le poulet dans la période des fêtes. Ce sont les enjeux qui nous guettent, la maturité que devraient refléter nos interventions. On devra régler des problèmes comme ceux-là, confrontés à des problèmes beaucoup plus graves, comme nous le sommes, avec cette internationalisation des marchés.

En somme, la législation concernant la mise en marché des produits agricoles mettrait à la disposition des intéressés, d'abord, un système de plans conjoints des producteurs agricoles, administré par des offices de producteurs agri-

coles et, en second lieu, un système d'ententes interprofessionnelles de marché administré par des chambres de coordination et de développement regroupant tous les intervenants d'une môme filière ou d'une môme profession.

Le rôle de la régie serait, dans ces conditions, substantiellement élargi, et c'est pourquoi elle devrait être désignée à partir de ce moment sous le nom de Régie des marchés agricoles et alimentaires. Sa mission de protection de l'intérêt public prendrait alors une importance d'autant plus grande.

La mise en place des chambres de coordination et de développement par filières constitue la première idée maîtresse de la révision de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Cette nouvelle étape dans l'organisation de la mise en marché ne pourra se réaliser cependant que si un changement d'attitude survient entre vendeurs et acheteurs, aussi que si un climat de confiance mutuelle s'établit entre eux. La loi elle-même ne peut pas forcer les gens à modifier leurs attitudes. Tout au plus peut-elle clarifier les rôles et les fonctions de chacun de façon qu'il n'y ait ni empiétement ni menace d'em-piètement de l'un sur l'autre. En bref, la règle pour éviter les conflits, c'est qu'on ne peut pas être simultanément, d'une part, le vendeur et, d'autre part, l'un des acheteurs. C'est la raison pour laquelle la loi enlèvera à toute entreprise qui achète, prend en consignation ou transforme des produits agricoles tout droit à gérer un plan conjoint. Elle interdira de la même manière aux administrateurs d'un plan conjoint de siéger également au conseil d'administration d'une entreprise engagée dans le commerce du produit visé par le plan et qui pourrait les placer en situation de conflit d'intérêts.

La seconde idée maîtresse qui a présidé à la révision de la loi est la volonté d'améliorer le fonctionnement même du système des plans conjoints pour qu'il favorise une plus grande compétitivité des firmes québécoises par rapport à celles du Canada ou de l'étranger. Cette détermination d'accroître notre capacité concurrentielle a entraîné plusieurs amendements qui ensemble peuvent stimuler en ce sens les dirigeants des offices. Ainsi, les offices devront passer au moins tous les cinq ans par un processus public d'examen de leurs activités et du bien-fondé du maintien du plan et de chacun de ses règlements.

C'est ainsi qu'on devra au moins périodiquement se demander si tel ou tel règlement des offices ne limite pas la productivité optimale des fermes ou encore le développement de nouveaux débouchés. Par ailleurs, l'appropriation de quotas par des non-producteurs peut être une des causes pour lesquelles le prix des quotas serait trop élevé. Si tel était le cas, la consolidation des fermes coûtera plus cher et les exploitations auront conséquemment tendance à être moins performantes. Il apparaît normal qu'à l'avenir, les producteurs agricoles puissent seuls acquérir les quotas de production.

Par ailleurs, il est certain que la régie pourrait disposer de pouvoirs plus souples, qui lui permettraient, par exemple, d'obliger un office à justifier l'extension de certains de ses pouvoirs - telle la création d'une agence de ventes - plutôt que de voir tous les pouvoirs des offices leur être attribués par la loi au moment de leur création. De plus, les précisions apportées quant à la composition et aux pouvoirs de la Régie, ne peuvent qu'accroître son efficacité et encore mieux préciser son rôle quasi judiciaire.

Enfin, plusieurs amendements visent à améliorer le fonctionnement des offices eux-mêmes, dont le financement pourra être mieux organisé et plus souple, sur la base du volume produit ou de la superficie ensemencée ou du nombre de contenants utiisés, etc. Différentes mesures ou différents termes de référence peuvent être utiles. La discipline sera plus rigoureuse si l'office dispose de pouvoirs d'enquête et de vérification auprès des producteurs agricoles pour l'application des règlements et si les amendes pour infractions tiennent compte des fruits illicites retirés par le contrevenant. Enfin, plusieurs précisions sont apportées aux pouvoirs et fonctions déjà prévus à la loi pour les offices de producteurs, afin de les adapter aux circonstances nouvelles.

M. le Président, ce sont les commentaires généraux que je voulais faire avant que débute le travail de cette commission parlementaire. Avant, cependant, je voudrais profiter de cette opportunité que j'ai ce matin pour, dans un premier temps, saluer et rendre hommage à tous ceux et celles qui, au cours de ces années, ont été associés, soit à l'élaboration de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, ceux qui lui ont donné son ossature, c'est-à-dire celles et ceux qui ont travaillé dans cette Régie qui est régulièrement critiquée, parce que, quand on s'y présente, on n'en sort pas toujours gagnant. Mais, fondamentalement, on doit retenir, après autant d'années, que cette loi et ceux et celles qui l'ont mise en oeuvre auront contribué de façon plus qu'éminemment importante - selon moi, de façon essentielle - à la stabilité de l'agriculture et de l'agro-alimentaire au Québec.

De plus, tel que je l'indiquais à la fin de décembre dernier, je le réitérais encore en janvier auprès des industriels et des producteurs d'un secteur qui est, lui aussi, important au Québec, le secteur des pêcheries, tel que je l'indiquais à ce moment-là, M. le Président, après la deuxième lecture, j'ai l'intention de déposer toute une série de modifications, en fait, surtout plus des ajouts que des modifications au présent projet de loi, pour qu'on puisse mettre en place un mécanisme analogue à celui ou à ceux qui existent dans la loi actuelle modifiée par le projet de loi, et qui concernerait plus spéci-

fiquement le secteur des produits marins et le secteur des pêches au Québec. L'objectif qui m'anime, c'est de fournir autant aux pêcheurs qu'aux industriels, qu'aux transformateurs de produits marins au Québec, les mêmes outils, les mêmes clés pour ouvrir des portes ou se donner des mécanismes garantissant une meilleure mise en marché ou une mise en marché plus efficace de leurs produits.

Alors, je souhaite donc que l'esprit qui a présidé à l'élaboration de ce projet de législation soit le guide des interventions, de tous ceux qui participeront à ces discussions, à savoir la recherche de la concertation et celle de la productivité qui permettront à l'agriculture et à I agro-alimentaire québécois de prendre une part de plus en plus grandissante des marchés du Canada et, somme toute, que l'agro-alimentaire québécois soit mieux outillé, mieux équipé pour faire face aux défis de l'internationalisation des marchés, des défis qui sont audacieux, des défis qui sont grands, mais à partir du savoir-faire du Québec, de notre expérience et de notre confiance dans nos moyens, je suis convaincu que, même si ces défis sont grands et audacieux, ils sont réalisables. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): merci, m. le ministre. maintenant, je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition et député d'ar-thabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril: Oui, M. le Président, l'Opposition est toute disposée à prêter son ' concours pour donner au milieu agro-alimentaire une loi qui répondra à ses besoins, nous l'espérons, et aidera à développer l'industrie agro-alimentaire au Québec.

L'importance de cette loi nous est démontrée par les nombreux mémoires présentés par différentes fédérations, organismes tant coopératifs que privés et autres. Je remercie tous ceux et celles qui ont bien voulu se donner du temps pour nous présenter leurs préoccupations. Donc, cette consultation se tient au moment même où persiste un litige sérieux dans le secteur du lait. (10 h 45)

Ce litige entre la Fédération des producteurs de lait, organisme responsable notamment de l'administration du plan conjoint créé en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, et les coopératives laitières risque, s'il n'est pas réglé rapidement à la satisfaction de toutes les parties, de causer des torts irréparables à l'ensemble de l'industrie laitière québécoise.

L'absence de leadership aura été le fait marquant de l'évolution de ce conflit actuellement devant les tribunaux. Les jugements que ces derniers rendront permettront sans doute de donner un éclairage nouveau sur la nature du conflit, mais nous devons être réalistes et reconnaître que les décisions des tribunaux ne régleront pas le problème définitivement. Au contraire, elles pourraient l'amplifier et accentuer les clivages entre les parties, d'où la nécessité de rechercher des solutions politiques basées sur des consensus solides, susceptibles de solutionner le problème dans une perspective à long terme. Ces consensus ne seront atteints que par l'exercice d'un leadership fort, mais qui fait actuellement défaut.

La mise en marché des produits agricoles et alimentaires est un élément fondamental de l'agriculture québécoise. Elle constitue un maillon essentiel entre le producteur et le consommateur. À l'heure du libre-échange, du phénomène de la mondialisation des marchés, elle prend une signification d'une importance capitale. La libéralisation des échanges et les profondes mutations qui s'opèrent sur les marchés internationaux représentent le défi majeur de la révision de la loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires. Qu'on ne s'y trompe pas. Nos querelles paroissiales seront vite derrière nous si nous n'arrivons pas à saisir les véritables enjeux des années qui sont devant nous.

Les mémoires qui ont été déposés à la commission insistent énormément sur l'article 2 du projet de loi 15. Et, un peu à ma surprise, si on n'avait pas vécu ou si on ne vivait pas ce conflit actuellement, si on peut dire ainsi, au niveau du lait, il y a plusieurs mémoires qui auraient peut-être été beaucoup moins volumineux qu'ils ne le sont présentement. Et ce n'est pas parce que je veux contourner le problème, mais c'est un petit peu regrettable parce que la loi sur la mise en marché a une importance capitale, comme je l'ai dit tout à l'heure, et touche l'ensemble des productions agricoles québécoises, et pas seulement celle de la production laitière. Mais l'importance que les organismes ont voulu donner au conflit actuel démontre clairement qu'il y a une large place pour clarifier ou pour améliorer cette loi. Peu de références sont faites à l'égard de l'évolution du commerce international dans les mémoires qui nous ont été présentés. Pourtant, il y a moins de deux ans, le secteur agricole était plongé dans une lutte féroce contre l'Accord de libre-échange avec les États-Unis. Et il y a à peine trois mois, le monde agricole québécois manifestait en masse sur la colline parlementaire à Ottawa pour protester contre la position du Canada aux négociations du GATT. Aujourd'hui, l'Accord de libre-échange est en vigueur depuis plus d'un an et les négociations du GATT sont dans une phase décisive et toujours incertaine. Comment pouvons-nous donc escamoter ces enjeux dans le cadre du débat sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires, quand, il y a à peine quelque temps, ces enjeux mobilisaient le monde agricole?

De notre côté de la Chambre, nous sommes persuadés qu'il faut regarder la mise en marché des produits agricoles et alimentaires avec les yeux de l'avenir. Nous sommes un peu surpris que le gouvernement actuel, dont le slogan en 1965 était "Maîtriser l'avenir et dont celui de 1989 était "Assurer l'avenir", ait aussi vite laissé de côté ses propres maîtres mots et qu'il nous propose un projet de loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires qui, à peu de choses près, nous en conviendrons, est une copie conforme de la loi actuelle, dont la demfère révision d'importance date de 1974.

Dans le contexte commercial actuel et dans celui qui se dessine pour les années à venir, nous souhaitons vivement que les groupes qui viendront nous rencontrer nous transmettent leurs préoccupations à cet égard puisque cette commission fait partie du processus de préparation d'une nouvelle loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires. De nombreuses questions demeurent à l'ordre du jour. Par exemple, les plans conjoints tels que nous les avons connus dans le passé sont-ils adéquats dans un contexte de libre-échange? Pourront-ils répondre aux besoins des producteurs, des transformateurs, des consommateurs, avec la libéralisation des règles du commerce international? Quel rôle et quelles responsabilités doit-on confier à nos offices et organismes gouvernementaux chargés de faire appliquer les lois dans un contexte de libéralisation des échanges? Quelles règles doit-on établir au niveau de la qualité, du contrôle et de la surveillance des produits alimentaires et de leurs succédanés pour assurer le meilleur produit possible aux consommateurs? Voilà des questions fondamentales qui devront être examinées par les membres de cette commission dans le cadre de cette consultation sur le projet de loi 15.

Nous sommes conscients que l'article 2 du projet de loi constitue une préoccupation majeure pour plusieurs intervenants qui viendront témoigner devant cette commission. Nous souhaitons seulement qu'il ne monopolise pas tout le débat car nous considérons que d'autres questions doivent aussi être discutées concernant la révision de cette loi. Quant à nous, nous considérons que l'article 2 du projet de loi 15 doit être examiné dans le contexte que nous avons décrit auparavant, c'est-à-dire l'existence de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et la libéralisation du commerce international dans le cadre des négociations du GATT. Il n'est pas évident qu'un tel article puisse servir l'intérêt de l'ensemble de l'industrie agricole, y compris celui des coopératives elles-mêmes.

Il faudra également étudier cet article en fonction des dispositions de la loi des coopératives. Cette loi définit le lien entre le membre et sa coopérative. Il faut donc s'interroger sur la pertinence de maintenir une disposition de cette nature dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires. Ne doit-il pas exister un équilibre entre la loi des coopératives et celle de la mise en marché des produits agricoles et alimentaires? Nous devons clairement établir s'il n'est pas plus approprié d'assurer le développement des coopératives en fonction de la loi sur les coopératives agricoles.

D'autre part, il faut aussi s'interroger sur la valeur juridique d'une telle disposition. Les tribunaux n'ont pas eu à se prononcer très souvent sur cet article. Deux cas nous ont été soulignés depuis 1954, c'est-à-dire depuis l'adoption pour la première fois de cette disposition. Serait-ce que les coopératives entretiennent également des doutes sur sa valeur juridique et qu'elles hésitent à s'en servir? Et, malgré les interventions des tribunaux, la portée de l'article 3 de la loi actuelle, repris à l'article 2 du projet de loi 15, n'est pas établie clairement. Quel est l'intérêt de maintenir un article dont la portée est incertaine, mais dont la présence est suffisante pour créer une situation confuse dans l'industrie? La Loi sur la mise en marché des produits agricoles accorde aux offices de producteurs les pouvoirs d'administrer un plan conjoint, donc de signer des ententes ou des conventions, et, en même temps, cette même loi dit que son application ne doit pas nuire au développement des coopératives. Donc, il y a éclaircissement à avoir dans cette loi, une clarification.

En effet, la seule présence de l'article 2 suscite la crainte et la méfiance du secteur privé qui n'est pas, non plus, assuré de la véritable portée de l'article. Pourquoi donc maintenir une situation aussi confuse et trouble qui ne sert les intérêts de personne? Les protections législatives abusives constituent souvent des obstacles majeurs pour le développement des industries, y compris pour ceux et celles à qui ces protections s'adressent.

Les coopératives agricoles sont trop importantes pour le développement de l'agriculture du Québec pour ne pas s'interroger sur les effets qu'a pu avoir l'article 3 de la loi actuelle, qui est devenu l'article 2 du projet de loi 15, sur leur développement. Nous sommes inquiets des différences dans la répartition des ventes de lait selon les classes entre les coopératives et les entreprises privées. Comment doit-on expliquer, par exemple, la concentration de la production des produits de classe 5 chez les coopératives? Nous craignons, en particulier, les conséquences d'une telle situation pour le développement de l'agriculture régionale puisque les coopératives sont fortement implantées dans les régions.

Les coopératives sont essentielles à l'agriculture du Québec. Leur nature même les protège des prises de contrôle de la part des étrangers et, à l'heure justement de la mondialisation des marchés, il s'agit là d'un atout considérable, non seulement pour l'agriculture québécoise, mais aussi pour l'ensemble de l'économie du Québec. Les compagnies américaines peuvent toujours

venir acheter des compagnies privées, acheter nos marchés, mais peuvent difficilement acheter nos coopératives.

Le mouvement coopératif québécois a démontré qu'il était capable d'affronter et de concurrencer avec succès la libre entreprise sur son propre terrain, lorsque cela était nécessaire. Le mouvement Desjardins l'a démontré, dans le domaine des institutions financières. Les caisses populaires Desjardins ont commencé leurs activités dans des sous-sols d'églises alors que les banques et les autres institutions financières étaient déjà bien implantées au Québec. Encore aujourd'hui, l'épargnant québécois choisit la caisse populaire plutôt qu'une autre institution financière, parce qu'il y trouve son intérêt, tout cela, sans que les lois régissant les institutions financières ne comportent de dispositions semblables à l'article 3 de la Loi actuelle sur la mise en marché des produits agricoles. De la même façon, le producteur agricole choisira le mouvement coopératif et y sera actif si cela s'avère profitable et avantageux pour lui. C'est pourquoi le ministre devra examiner sérieusement le retrait ou la clarification de la portée de l'article 2 de son projet de loi. Les coopératives agricoles sont capables d'opérer dans un milieu compétitif et les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Elles doivent être en mesure de s'adapter à l'évolution constante des marchés. Il en va de leur avenir et de celui de leurs membres.

Au Québec, la libre entreprise maintient un dynamisme connu. Nous sommes assuré qu'il y a place pour les deux groupes d'industries, privées et coopératives, mais il ne faut pas qu'une loi prive le développement des unes envers les autres et surtout, peut-être même, nuire aux deux.

Je m'arrêterai ainsi, M. le Président, car l'objet de la commission est d'entendre les intervenants, et non l'inverse. Comme il y a toujours plus à apprendre à écouter qu'à parler, nous serions prêts, nous, à procéder à l'étude des mémoires.

Auditions

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député d'Arthabaska. Maintenant, concernant l'organisation des travaux, c'est un bloc, en fait, de deux heures et les groupes suivants seront entendus à tour de rôle - et je pense que vous en avez convenu entre vous et que M. le secrétaire a vérifié tout à l'heure - l'Union des producteurs agricoles, la Fédération des producteurs de bois du Québec, la Fédération des producteurs de culture commerciale du Québec et le Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent... Alors, je crois que vous avez des porte-parole et que nous débutons par le représentant de l'Union des producteurs agricoles, M. Jacques Proulx, président général.

Alors, les quatre organismes, vous avez un maximum de 40 minutes pour les présentations de vos mémoires. Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. M. Proulx, vous connaissez la mécanique, je pense, de nos commissions.

M. Proulx (Jacques): Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Je voulais prendre un peu d'alun et de chlore et je vous donne la parole.

Union des producteurs agricoles

M. Proulx: Merci bien. Alors, M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs les représentants de cette commission, il nous fait plaisir de se présenter devant vous pour pouvoir discuter pendant un certain temps de ce projet de loi qui est déposé à l'heure actuelle. Je voudrais, dans un premier temps peut-être, vous présenter les gens qui sont avec moi. Me Marcel Trudeau et M. Laurent Pellerin, producteur, membre de l'exécutif de l'UPA, et M. Denis Brassard, qui est responsable de la mise en marché. À ma suite, viendront compléter notre mémoire, les différentes productions, comme vous venez de le dire, du bois, des céréales et une fédération régionale de producteurs de bois. (11 heures)

Je me limiterai à faire un résumé de la présentation pour en arriver le plus vite possible aux différents points qu'on veut soulever devant vous, qui nous sont présentés dans le projet de loi. Je fais rapidement le tour des points saillants qu'on a voulu introduire dans ça. Il est très important pour le Québec de consolider. Je pense que l'initiative qui est prise à l'heure actuelle de pouvoir consolider une loi sur la mise en marché qui a donné des résultats très intéressants jusqu'à aujourd'hui... Mais je pense, comme l'ont souligné le ministre et l'Opposition dans leur introduction, qu'il est important de l'adapter le mieux possible pour faire face aux nouveaux défis.

Nous représentons aujourd'hui l'ensemble des producteurs et des productrices du Québec, des productions aussi, quoique certaines vont venir compléter jusqu'à un certain point, sauf la Fédération de l'UPA de Sherbrooke qui présentera son mémoire comme prévu cet après-midi.

On va souligner très fortement dans ça l'importance de conserver les moyens d'être efficace sans regroupement physique. Petite unité de production, basée sur la ferme familiale et très préoccupée par l'importance d'occuper le territoire agricole, tout en se concentrant sur l'offre de notre produit, ce qui veut dire une régularité d'approvisionnement, comme dans le passé, une meilleure qualité, une meilleure gestion de l'offre, des prix qui nous permettent d'en vivre décemment et un transfert de l'ef-

ficacité aux consommateurs.

Une agriculture aussi, je pense que les preuves sont là, qui a été beaucoup moins subventionnée que toutes les sortes d'agriculture, non seulement au Canada, mais un peu partout dans le monde, et ça c'est grâce, surtout, à une loi de mise en marché qui nous permettait de faire des choses et surtout nous permettait de négocier, d'égal à égal, avec des partenaires ou avec des conjoints. Besoin de réformer la loi, comme vous le disiez, et on va le souligner à plusieurs occasions, H était urgent, je pense, de réformer cette loi qui avait fait ses preuves, qui continue quand même à faire des choses, mais qui a un besoin d'être plus que dépoussiérée, c'est-à-dire d'être ajustée justement aux nouveaux défis qu'on a à relever, particulièrement face aux grands bouleversements qui se produisent et qui vont se produire en cette fin de siècle, si on veut, et pouvoir bien se préparer pour le prochain millénaire. Ça nous prend une loi qui va être beaucoup plus claire, qui va permettre d'être beaucoup plus efficace et qui va être mieux adaptée aux réalités et aux nouveaux défis, comme je viens de le dire.

Il y a eu, au cours des dernières années, certaines améliorations apportées. Je voudrais souligner la question de garantie de paiement, qui était loin d'être à notre satisfaction, mais qui est quand même une initiative qui permet de développer la responsabilité des différents partenaires dans l'agro-alimentaire et particulièrement dans la transformation. Toutefois, comme vous vous en doutez, la loi, telle que présentée à l'heure actuelle, est, sur certains aspects, négative, et on considère, dans le cas de certains articles, qu'elle causerait plus de problèmes que de correctifs, qu'elle annulerait, par le fait même, certains aspects positifs.

Des amendements s'imposent. Comme je viens de le dire, tout n'est pas parfait dans ce projet de loi, loin de là. En fait, s'il devait être adopté sans modification, il marquerait, à notre avis, un recul plutôt qu'une amélioration, quand on fait la somme des deux. Et il faudrait, bien sûr, s'attendre à une réaction très vive de la part de ceux et celles que nous représentons.

Pour être acceptable, pour bien répondre aux immenses espoirs qu'il suscite, un bon nombre de modifications devront y être apportées. La plupart sont plutôt mineures, d'ordre purement technique ou rédactionnel. Nous n'avons pas cru bon de vous en faire une fastidieuse enumeration, mais nous les transmettrons, bien sûr, aux autorités concernées avec bon espoir qu'elles s'empresseront d'y donner suite. D'autres sont beaucoup plus fondamentales, et il nous apparaît essentiel d'en discuter brièvement avec vous.

Les plans conjoints et la coopération. Je pense qu'il vaut mieux l'attaquer tout de suite au départ, c'est une question délicate, c'est évident, celle de nos relations avec notre partenaire de toujours, la coopération agricole, cet organisme qui a grandi et qui a une proportion très intéressante aujourd'hui, que nous avons d'ailleurs, comme producteurs et productrices, activement contribué à ériger tout au long de notre histoire. Je pense que ce n'est pas à vous que je dois rappeler que ce sont absolument les mêmes gens qui sont des syndicalistes et qui sont des coopé-rateurs.

Pendant longtemps, jusqu'à la toute dernière minute, je dirai, nous avons vivement souhaité, et en toute bonne foi, que nous parviendrions, finalement, à nous entendre, nous qui représentons, comme je viens de le dire, les mêmes gens, les mêmes intérêts. Après des années d'efforts généralement soutenus, malgré les progrès réalisés dans certains secteurs, il nous faut aujourd'hui nous rendre à l'évidence et tirer les conclusions qui s'imposent: l'entente et l'harmonie ne seront jamais possibles, tant et aussi longtemps que la coopération pourra s'abriter sous le régime spécial que la loi lui accorde, le fameux article 2 notamment, et surtout au nom duquel elle revendique trop souvent des choses qui, à notre avis, nous paraissent artificielles ou superflues. Revendications qui auraient pour effet, si elles étaient retenues, de vider plusieurs plans conjoints d'à peu près tout sens véritable.

Il faut pourtant, je pense que c'est évident, profiter de l'occasion du réaménagement de la loi sur la mise en marché pour corriger la situation une fois pour toutes et éliminer une bonne partie des arguments qui causent les querelles stériles qu'on subit à l'heure actuelle. Il faut surtout éliminer cet article-là pour la raison que, très rarement, il a été utilisé, mais qu'on l'a laissé suspendu tellement souvent au-dessus de la tête des gens. Ça n'a servi, en fait, qu'à enrichir certaines catégories d'avocats, et c'est leur métier, je ne leur reproche pas. Je pense que, s'ils avaient à se prononcer, ils seraient pour qu'il reste, mais, pour nous, c'est toujours la même poche qui paie; quand il n'en reste plus dans une, on essaie d'en trouver dans l'autre, et je pense que c'est malheureux. Monétairement, c'est très coûteux, physiquement, intellectuellement, et ça amène à mettre de côté de trouver des solutions les plus potables pour apporter les correctifs qui s'imposent.

Dans l'intérêt de tout le monde, pour permettre à l'un ou à l'autre de mieux faire face aux défis qui les attendent, le gouvernement doit, cette fois, prendre ses responsabilités et trancher définitivement. Le projet de loi va déjà dans la bonne direction en supprimant la référence au caractère supplétif des plans conjoints et en abolissant la priorité qui était accordée aux coopératives pour administrer ce qu'on appelle, dans notre jargon, une agence de vente. Il faut aller plus loin et faire disparaître tout statut particulier réservé aux coopératives. C'est ainsi seulement que nous croyons que nous pourrons finalement mettre ensemble l'épaule à la

roue, au grand bénéfice de ceux et celles que nous représentons. Et il ne faudrait surtout pas craindre pour l'avenir de la coopération agricole. Nous avons toujours cru et nous continuons à croire en cette formule et aux avantages qu'elle peut procurer à ses membres. Les coopératives agricoles trouveront, et je pense qu'elles le savent, toujours chez nous une oreille attentive et nous les assurons de notre collaboration, comme organismes agricoles, pour tout projet utile et à l'avantage des producteurs et des productrices agricoles.

J'aimerais peut-être faire une petite parenthèse à ce moment-ci et vous dire que, pour certains d'entre vous, vous vous souvenez, en 1969, quand on a mis en place un certain nombre de pouvoirs des plans conjoints, il y a eu une levée de boucliers, particulièrement de la part des coopératives qui disaient que c'était la fin, en fait, avec ces pouvoirs-là, des coopératives. Je voudrais vous rappeler qu'on 1969, par exemple, dans la production laitière, parce que c'était la première production où on appliquait d'une façon assez significative ces pouvoirs-là, la coopération contrôlait moins de 40 % de la transformation du lait, tandis qu'aujourd'hui, avec justement la mise en place et l'opération des plans conjoints, nous donnant davantage de pouvoirs, elle contrôle 70 %. Ces exemples juridiques ne reflètent, à mon avis, que... Parce qu'il y a d'autres exemples qu'on pourrait souligner et qui ont causé des problèmes majeurs. J'aimerais rajouter aussi que l'exemple des 40 % et 70 % est évident, mais on regarde de quelle façon a progressé la transformation particulièrement par les coopératives, mais je pense que c'est justement parce que les producteurs ont eu la capacité, les moyens de s'organiser pour régulariser l'approvisionnement, pour, par le fait même, offrir une meilleure qualité, et je pense que quand on dit régularité et qualité, ça donne une sécurité aux entreprises de pouvoir investir davantage et d'en arriver à donner les résultats qu'on compte, de prendre de l'expansion et d'être capables de faire face aux défis auxquels on a à faire face.

D'ailleurs, je suis persuadé qu'autant le ministre d'aujourd'hui que les ministres antérieurement ont eu à intervenir quelquefois pour essayer de rétablir un certain équilibre et de bien faire comprendre à certaines personnes l'importance que les organismes aient chacun un travail et se respectent dans ce travail à accomplir.

Dans un autre ordre d'idées, avant de clore cette question, si le syndicaliste agricole ne s'objecte pas, en théorie du moins, à ce que les coopératives puissent se voir confier l'administration d'un plan conjoint, il doit être clair dans le projet de loi 15, qui nous semble ambigu sur ce point, que les coopératives seront alors traitées comme tout autre office de producteurs, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes restric- tions.

Les plans conjoints et les affaires. Le syndicalisme agricole a de tout temps cru que l'action collective des producteurs et des productrices, par les plans conjoints qu'ils et qu'elles se sont donnés, notamment et surtout devrait leur permettre d'intervenir si besoin est à toutes les étapes qui mènent de la terre à la table ou à l'établi. Or, le projet de loi qui nous est présenté, par ses articles 39 et 106 principalement, voudrait que cette action s'arrête dorénavant à l'usine. Interdiction de s'engager dans la transformation, interdiction de faire du commerce, interdiction de participer de quelque façon que ce soit au financement de telles entreprises. De telles propositions sont complètement inacceptables. Nous ne comprenons absolument pas ce qui pourrait les justifier et elles nous ramèneraient tout droit bien loin en arrière.

Au coeur de notre histoire, il y a un souci constant de donner aux agriculteurs et aux agricultrices les outils qu'il leur faut, les meilleurs outils possible. Et c'est cette volonté qui nous a amenés à revendiquer et à obtenir des législations maîtresses comme celle que nous étudions. C'est cette volonté qui nous a amenés à créer une multitude de coopératives, non seulement des coopératives agricoles, mais aussi des caisses d'épargne et de crédit, des mutuelles d'assurance, et le reste. C'est cette même volonté qui nous a amenés à développer une gamme de services techniques offerts par nos fédérations. Cette volonté demeure toujours au coeur de notre action quotidienne, et elle s'est surtout traduite au cours des dernières années par des projets collectifs de mise en marché.

Assez curieusement, c'était pourtant le moyen idéal pour ce faire, les plans conjoints ont jusqu'à date été assez peu utilisés en ce domaine. Il faut dire que leur histoire est encore toute jeune, que les besoins n'étaient peut-être pas ce qu'ils sont et qu'il fallait bien sûr aller au plus pressant. Il nous apparaît toutefois essentiel qu'ils conservent tous ces pouvoirs.

Pourquoi tient-on tellement à garder ces pouvoirs? Certainement pas pour pouvoir, par simple plaisir, faire concurrence aux entreprises en place, celles du type coopératif surtout. Si on y tient tant, c'est d'abord pour pouvoir au besoin mesurer l'efficacité réelle de ces entreprises, d'un point de vue économique surtout. Si on y tient tant, c'est aussi et surtout pour pouvoir, seuls ou en collaboration avec d'autres partenaires, tenter des expériences pilotes ou pallier aux graves insuffisances qu'engendre parfois une économie de libre marché obéissant au seul impératif d'une rentabilité à courte vue.

L'exemple forestier est particulièrement éloquent. Alors qu'on sait maintenant qu'à force de gaspillage et de saccage, nos immenses forêts ne peuvent plus répondre à la demande, on continue à laisser dépérir en pure perte des espèces particulièrement prolifiques comme le

peuplier et le tremble. Une situation totalement inadmissible que les producteurs et les productrices de bois comptent bien corriger, si possible avec leurs partenaires de l'industrie, mais seuls et avec leurs seuls moyens s'il le faut. Déjà, sur une base de "partnership", une usine de panneaux gaufrés est en opération à Chambord au Lac-Saint-Jean et, sur la même base, un projet d'usine à pâte devrait prochainement aboutir dans le Bas-Saint-Laurent. Je pense que voilà des exemples qui sont intéressants et qui prouvent, hors de tout doute, l'importance de garder ces possibilités-là quand c'est nécessaire. Et, encore une fois, je le rappelle, ce n'est pas uniquement une question de pouvoirs, ce n'est pas uniquement de vouloir tout contrôler. (11 h 15)

Ce sont les deux aspects importants: ou le faire seul ou le faire avec des partenaires intéressés, mais qui ont besoin, justement, d'une autre expertise. Je voudrais aussi vous souligner l'importance de regarder ça, parce qu'on l'utilise dans certaines productions, particulièrement maraîchères. On s'est permis, au cours des dernières années, plutôt que de laisser gaspiller sur le champ certains produits, tels le maïs, les pois, les concombres, les tomates quand on avait dépassé d'une façon assez large les contrats avec les entreprises avec lesquelles on faisait affaire, de prendre le surplus, soit de l'offrir à d'autres entreprises qui ont créé des jobs au Québec et faire davantage tourner l'économie ou, même, dans certains cas, d'aller le porter à l'extérieur du Québec.

Cela a permis aussi - vous allez voir tout à l'heure au niveau du commerce des céréales, vous aurez des exemples avec ça - par exemple, au cours des dernières années aussi avec Fedco, les oeufs, de pouvoir s'occuper d'une façon plus particulière des coquillages, de pouvoir libérer certaines industries qui ne pouvaient pas... Et je pense que c'est toujours le même résultat au bout. Ça crée davantage d'emplois, ça fait davantage tourner l'économie au Québec plutôt que de créer du gaspillage et, jusqu'à certain point, briser l'environnement.

Il serait, à notre sens, tout à fait irresponsable et contraire aux intérêts de tout le monde de vouloir freiner de telles initiatives et nous croyons qu'il importe que le gouvernement fasse marche arrière avec cette proposition.

Au surplus, malgré leur apparente limpidité, les dispositions en cause soulèveraient toutes sortes de difficultés d'interprétation et pourraient nous entraîner, encore une fois, dans une série de longues et coûteuses contestations judiciaires. Devrait-on renoncer à toute activité de transport, de congélation et d'emballage? Pourrait-on opérer des centres d'encan ou des marchés publics?

Je peux vous rappeler qu'à Masson, par exemple, dans l'Outaouais, où H n'y avait plus aucune disposition et endroit physique pour pouvoir vendre les animaux, n'eût été de l'organisation agricole et de la Fédération des producteurs de bovins, grâce, justement, à l'initiative de la fédération régionale et de la Fédération des producteurs de bovins, vous avez là aujourd'hui un encan qui donne des services aux producteurs, qui responsabilise encore davantage les producteurs et qui permet d'économiser des sommes très importantes sur le transport.

De même, il nous apparaît important de le signaler au passage, en cas de refus où nous nous retrouverions dans une situation véritablement paradoxale, pour ne pas dire complètement absurde. Les syndicats et les fédérations spécialement mandatés par la loi pour voir à la commercialisation auraient, en effet, beaucoup moins de pouvoirs en cette matière que n'importe quel syndicat professionnel ordinaire.

Qu'on le sache bien, jamais les producteurs et les productrices n'accepteront des plans conjoints ainsi tronqués. Jamais les producteurs et les productrices n'accepteront qu'on fasse de leurs plans conjoints de simples clubs de production. Par ailleurs, le projet de loi porterait également un coup fatal sur ce qu'on appelle les agences de vente volontaires, ces structures de commercialisation parallèles plus ou moins autonomes mises sur pied pour permettre aux producteurs et aux productrices qui le veulent de travailler ensemble à la mise en marché de leurs produits.

Fruit d'une longue réflexion dans nos rangs, ces projets collectifs de mise en marché ont poussé ça et là, ces dernières années, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des plans conjoints: Les bleuts sauvages, Pomexpan, Pomexper, Cérégrains, Hortiser, Les serristes unis de l'Estrie, et le reste. Malgré leurs imperfections et leurs limites, ces instruments s'avèrent, en fait, les seuls possibles pour améliorer la mise en marché là où il n'y a pas de plan conjoint et là où, pour toutes sortes de raisons, il n'est pas possible de mettre en place une organisation de vente obligatoire.

Et ces instruments, il importe de le dire clairement, ont très généralement donné les résultats espérés: une offre regroupée davantage susceptible de répondre aux besoins des acheteurs, un meilleur contrôle de la qualité, une intervention plus efficace en matière de promotion, un regroupement qui permet des économies d'échelle et l'embauche de personnel. Des retombées qui profitent non seulement aux producteurs et productrices actionnaires, mais à l'ensemble d'une production donnée.

Nous croyons donc qu'il serait également complètement irresponsable, à tout le moins nettement prématuré, sur une base d'un seul exemple où il y a eu problème, de décréter leur arrêt de mort là où office de producteurs est engagé.

Finalement, dans un domaine connexe, il

nous faut traiter de l'interdiction qu'on voudrait faire, par l'article 60 du projet de loi, à un administrateur d'un plan conjoint d'être en même temps administrateur d'une entreprise engagée dans la transformation ou la commercialisation du produit visé par ce plan. Il s'agit d'un autre recul dont nous comprenons mal la justification, à la lumière de l'expérience passée notamment.

De notre point de vue, il est clair que les producteurs et les productrices ont tout à gagner à confier l'administration de leurs plans conjoints à des gens qui connaissent la commercialisation, à des gens qui ont le sens des affaires. Il faut donc s'attendre à ce que ces gens siègent sur d'autres conseils d'administration, à tout le moins sur celui de leur propre entreprise. De même, les producteurs et les productrices ont également tout à gagner à siéger, en plus grand nombre possible, même sur les conseils d'administration des entreprises qui font la mise en marché de leurs produits, surtout s'ils sont propriétaires, seuls ou avec d'autres.

En ce domaine, le gouvernement a déjà compris qu'il allait trop loin et il a accepté de faire marche arrière avec l'actuel article 60, mais les dispositions demeurent boiteuses, et nous considérons qu'elles doivent tout simplement disparaître. En définitive, ces interdictions qui sont proposées par les articles 39, 60 et 106 ne nous apparaissent en aucune façon justifiées et elles sont massivement rejetées par ceux et celles que nous représentons. À la lumière de l'expérience passée, nous croyons qu'il y a suffisamment de garanties pour éviter tout abus: champs d'intervention limités par la loi, consultation préalable des producteurs et productrices, etc. Nous avons également tiré un certain nombre de leçons qui sont déjà en application. Si toutes ces garanties étaient jugées insuffisantes, nous sommes prêts à aller encore plus loin, en nous conformant, par exemple, à toute exigence raisonnable qui pourrait être fixée par la Régie. Mais les offices de producteurs doivent à tout prix conserver leurs pouvoirs en matière de transformation, de service et de commerce.

Pour un meilleur fonctionnement, un certain nombre d'autres modifications de fond, bien que beaucoup moins importantes, nous apparaissent également nécessaires et opportunes, surtout si l'on vise, comme il se doit, le meilleur fonctionnement possible. Nous vous les présentons sommairement et en vrac.

Ainsi, eu égard aux assemblées de producteurs, on comprend mal pourquoi il faudrait dorénavant, conformémement à l'article 67 du projet de loi, au cas d'un plan conjoint dont l'administration est confiée à une fédération, par exemple, tenir deux assemblées distinctes et séparées. En outre d'être inutile et coûteuse, en outre d'obliger à un difficile départage de ce qui relève de l'une ou de l'autre, cette solution nous obligerait à une répétition sur bon nombre de sujets et ne favoriserait guère la participation.

La solution actuelle des assemblées distinctes, mais qui peuvent se tenir en même temps, nous apparaît nettement préférable.

Sur le même sujet et pour des raisons qui tiennent également surtout des inévitables mais sérieuses considérations économiques, nous sommes d'avis que, sans en aucune façon amoindrir la qualité du processus démocratique, dispense pourrait être faite, contrairement à ce que prévoient les articles 56 et 57 du projet de loi, de convoquer individuellement, par avis écrit, chacun des producteurs et des productrices visés par le plan, surtout lorsqu'un règlement divisant les producteurs en groupes oblige à élire des délégués.

Je veux juste vous donner un exemple. Quand la Fédération des producteurs de bovins convoque ses producteurs à une assemblée, c'est un coût de 12 000 $ uniquement pour convoquer, c'est-à-dire 6000 têtes parce que la cotisation est de 2 $, ça veut dire qu'il y a 6000 têtes de vendues. Ça coûte la vente de 6000 têtes uniquement pour convoquer. Ça, je parte d'une assemblée régulière parce que déjà on profite de l'assemblée des producteurs de lait pour convoquer ces 13 000 ou 14 000 producteurs de lait qui sont aussi des producteurs. Dans le cas d'une assemblée générale spéciale, c'est quelque 20 000 convocations. Alors, faites le décompte vous-mêmes et vous allez voir pourquoi on soulève l'importance de pouvoir convoquer individuellement les délégués et, comme d'autres organismes, par la voie des journaux ou des revues, l'ensemble des producteurs.

Ces convocations devraient dorénavant, surtout si tel est le voeu majoritaire des producteurs et productrices concernés, pouvoir se faire par voie d'avis public, comme je viens de le dire, dans un journal ou une revue spécialisée. Il s'agit d'ailleurs d'une pratique de plus en plus répandue et qui serait, à notre avis, tout aussi efficace.

Par ailleurs, pour ce qui est des contributions, s'il faut noter une nette amélioration, il nous semble que le législateur devrait profiter de l'occasion pour combler une grave lacune qui a pu contribuer à l'insuccès des plans conjoints dans certaines productions. Imposer des contributions ne règle rien s'il est impossible de les percevoir, et, en cette matière, il est capital que tous soient traités équitablement. Dans certaines productions, les productions maraîchères notamment, seule une contribution sur une base de contenants ou d'autres fournitures essentielles pourrait permettre de traiter tout le monde correctement. L'article 107 du projet de loi devrait donc être encore étendu pour pouvoir s'appliquer aux manufacturiers, aux fournisseurs de tels intrants.

Pariant d'équité toujours...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, M. Proulx. Excusez-moi. Seulement pour une question

de rappel technique, c'est que le bloc de présentation est de 40 minutes. À moins que vous ayez convenu de ça avec vos autres groupes, je n'ai pas d'objection. C'est qu'on vient de dépasser 25 minutes et ça voudrait dire que les trois autres auraient une dizaine de minutes pour s'exprimer. Je ne veux pas vous faire accoire que vous avez pris de leur temps, mais je voudrais voir comment vous avez composé avec ça. C'est que vous êtes...

M. Proulx: Je ne le sais pas, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Ha. ha, ha! Vous êtes un bloc où vous avez 40 minutes au total pour les quatre intervenants pour la présentation.

M. Proulx: ça ne devrait pas dépasser, m. le président. je pense que les autres vont s'ajuster en conséquence. c'est juste un peu de le rappeler.

Le Président (M. Richard): Ha, ha, ha!

M. Proulx: Et je suis persuadé, M. le Président, que vous devez être aussi patient que parfois vous êtes... En tout cas, que vos collègues le sont à l'Assemblée nationale. Quand même on dépasserait de quelques minutes, je ne pense pas que...

Le Président (M. Richard): Non, je tenais à le faire pour pas qu'à l'instant où, vous aurez terminé, je dise aux autres: Je vous remercie beaucoup, parce que vous n'avez plus de temps..

M. Proulx: Non, je comprends seulement que...

Le Président (M. Richard): Je ne veux pas me faire d'ennemis. Vous comprenez ça.

M. Proulx: Non. Je trouve que c'est correct que vous fassiez ça, que la discipline s'installe tout de suite au départ et que vous puissiez la conserver tout le temps.

Le Président (M. Richard): Ha, ha, ha!

M. Proulx: Un petit écart au départ de cinq minutes, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Alors, vous avez la parole, monsieur.

M. Proulx: Mais j'essaie de vous donner ça parce que nous sommes aussi friands que vous de répondre à vos questions parce que je pense que c'est ça qui est le plus important. J'imagine que vous avez tous lu et relu les mémoires avant de vous présenter ici. Alors, vous êtes prêts pour les questions. Mais là, vous venez de me faire perdre quelques minutes, M. le Président. Il faut que je me retrouve.

Parlant d'équité toujours, nous savons depuis fort longtemps qu'elle est la plus essentielle des conditions de réussite des plans conjoints tant chez les producteurs et les productrices, comme nous venons de le signaler, que chez les intervenants de l'extérieur. On veut bien, à la longue du moins, respecter les règles du jeu, à la condition cependant que tout le monde fasse de même. Ainsi, il nous apparaît, malgré les diverses améliorations qu'on retrouve parsemées dans le texte, qu'il faut aller encore plus loin. Les amendes devraient être nettement renforcées plutôt que simplement indexées. L'intéressant pouvoir d'ordonnance que l'article 143 propose de conférer à la Régie ne devrait pas être limité aux seules actions ou omissions risquant d'entraver l'application du plan conjoint, les dissuasives sanctions de l'article 184 pourraient également recevoir une plus large application, etc.

Par ailleurs, même si nous sommes généralement en accord avec l'idée des chambres de coordination et de développement, il nous apparaît que des précisions s'imposent si on veut vraiment atteindre l'objectif poursuivi, savoir le développement d'une véritable concertation entre les différents partenaires. Et je voudrais rappeler que ces chambres-là peuvent être très intéressantes à condition qu'on ne veuille pas les utiliser pour jouer un rôle que d'autres organismes accrédités ne veulent pas jouer. Je pense qu'il va être essentiel qu'un jour, un véritable rôle de consensus soit là. Si c'est pour dégager l'État ou la Régie ou d'autres organismes juridiques, nous allons nous opposer très fortement.

De même, certaines reformulations et certains silences de la loi nous laissent perplexes, inquiets même. Il en est ainsi de la non-recommandation qui forme l'article 2.1 de l'ancienne loi, laquelle peut se comprendre d'un point de vue de pure rédaction législative, mais qui nous oblige à l'extrême prudence compte tenu de l'histoire dictée par la Cour suprême. Cette disposition rappelant les limites constitutionnelles en matière de mise en marché des produits agricoles avait été introduite suite à des décennies de batailles judiciaires menées à l'échelle du pays. Il serait rassurant pour tout le monde qu'elle soit conservée dans le texte de la nouvelle loi.

Il en est ainsi également de l'abrogation du pouvoir de révision suprême traditionnellement accordé au gouvernement. Si une telle solution se justifie pleinement lorsque la Régie exerce des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, nous croyons qu'il en va autrement et qu'il doit y en aller autrement lorsque la Régie, comme instrument de régulation économique, décide de ce qui doit ou ne doit pas être fait dans un secteur donné. Les enjeux sont tels que c'est à ceux et à celles qui doivent périodiquement rendre

compte à la population d'en décider ultimement.

De même, s'il est manifeste que le législateur a voulu accroître substantiellement les pouvoirs généraux d'un office, nous n'avons nulle part retrouvé dans le projet de loi les pouvoirs pourtant élémentaires de fixer les conditions de mise en marché et de servir d'intermédiaire pour la vente du produit visé par le plan.

Par ailleurs, nous aurions souhaité retrouver dans cette nouvelle loi des dispositions particulièrement mieux adaptées à la réalité et au contexte de ce que nous appelons les petites productions. Ainsi, nous avions demandé que certains pouvoirs coercitifs puissent être accordés à certaines organisations représentatives, pour des fins de promotion, par exemple, mais cette demande n'a pas été retenue. Tout en avouant ne pas posséder de formule magique, nous demeurons convaincus que des règles plus légères et plus souples devraient être prévues pour mieux répondre aux besoins de groupes de producteurs et de productrices. Et j'espère qu'on aura l'occasion dans les questions d'en donner des exemples.

De même, si nous nous réjouissons des dispositions visant à réserver les quotas de production aux seuls producteurs et productrices, il nous faut constater que le respect des droits acquis risque de prolonger indéfiniment les situations souvent déplorables que nous vivons actuellement. La nouvelle loi devrait, selon nous, comporter une politique de récupération des quotas détenus par des personnes qui ne les produisent pas, et cette nouvelle politique pourrait, en partie du moins, être utilisée aux fins d'encourager les jeunes, la relève, et les locataires actuels. (11 h 30)

Nous sommes également inquiets de l'abrogation presque complète des pouvoirs de saisie, de la reformulation des pouvoirs d'enquête de la Régie, de l'assujettissement de certains règlements de la Régie - ceux visés dans le deuxième alinéa de l'article 33 du projet de loi surtout - à la Loi sur les règlements. Dans tous les cas, il faudrait bien s'assurer que la Régie pourra continuer à agir de façon convenable et efficace.

Finalement, nous nous interrogeons sérieusement sur l'utilité réelle d'un certain nombre de nouveautés qu'on voudrait ajouter à la loi: obligation de parader au moins une fois tous les cinq ans devant la Régie pour justifier l'existence d'un plan conjoint. Je pense que je n'ai pas besoin de vous rappeler que l'adhésion aux fédérations qui administrent les plans conjoints doit continuer à être suffisante pour le prouver, tant qu'il n'y a pas de retraits majoritaires, je ne vois pas pourquoi on nous obligerait à faire un exercice qui, encore une fois, va être très coûteux - obligation, alors qu'on vient tout juste de faire disparaître le mécanisme d'approbation par l'Inspecteur général des institutions financières, de faire valider nos règlements de régie interne par la Régie; obligation de se doter de règlements sur la conservation et l'accès aux documents. Ce sont tous là de beaux principes, souvent d'ailleurs, déjà en application. Est-ce vraiment nécessaire d'en faire des règles immuables et absolues?

Pour que poussent partout réussite et prospérité, je réitère ce que j'ai dit au départ, l'urgence d'adapter la loi sur la mise en marché aux réalités d'aujourd'hui et de nous donner la possibilité d'être capables de relever ensemble, les différents partenaires, les défis qu'on a à relever à l'heure actuelle. Ça devrait apporter une réussite qui signifierait de pouvoir continuer à exercer une profession qu'on aime et d'en vivre dignement en se prenant en main, en se donnant les moyens... Une réussite qui se propagera, contribuant ainsi à la prospérité des régions et à la prospérité du Québec tout entier. Merci, mesdames, messieurs.

Je demanderais à la Fédération des producteurs de bois de nous présenter son. complément. M. Bilodeau.

Fédération des producteurs de bois du Québec

M. Bilodeau (Jean-Luc): Merci, mon président. M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, comme le temps est court, je vais m'attarder aux principaux points. Vous avez sûrement tous en main ce document, et je vous en ferai lecture.

La Fédération des producteurs de bois du Québec vous remercie de lui permettre de comparaître devant cette commission. Comme notre organisme est affilié à l'Union des producteurs agricoles et que nous sommes solidaires de la position défendue par l'Union vis-à-vis de la commission, nous nous en tiendrons à deux aspects du projet de loi qui nous tiennent particulièrement à coeur, soit celui des producteurs transformateurs et l'implication d'un office ou d'un syndicat dans la transformation du produit visé par le plan conjoint.

Les producteurs transformateurs. Dans l'organisation de la mise en marché du bois en provenance de la forêt privée, on dénombre actuellement, au Québec, 17 plans conjoints régionaux couvrant tout le territoire de la forêt privée. Les plans conjoints régionaux, établis dans certains cas depuis 1958, appliquent les différents pouvoirs prévus aux plans et dans la loi en rapport avec la mise en marché du bois feuillu ou résineux des propriétaires possesseurs de ce produit. Ainsi, au cours des années, nous avons assisté, au Québec, à la mise en place d'agences centrales pour la vente de ces bois de la forêt privée destinés aux papetières, dans la plupart des syndicats administrant les plans conjoints de producteurs de bois. Dans bien des cas, ces agences de vente ont été jumelées à un règlement de contingent afin d'assurer un partage équitable du marché souvent trop limité

pour répondre aux besoins des producteurs.

Sous prétexte que le bois récolté sur leur propriété est transformé entièrement par eux, les industriels forestiers et leur Association ont toujours contesté toutes les obligations vis-à-vis des plans conjoints et de leurs règlements. Si on s'en remet à d'autres productions qui rencontrent le même problème, la voie juridique pour régler cette question implique d'interminables procédures légales.

Cette situation, si elle n'est pas clarifiée une fois pour toutes avec le projet de loi 15, entraînera rapidement une instabilité des plans conjoints et de l'application des règlements adoptés par les producteurs de bois. Cette division du territoire forestier privé entre deux groupes de propriétaires, l'un couvert par le plan conjoint et l'autre pas, minerait l'effort collectif déployé par les producteurs pour améliorer les conditions de mise en marché de leur bois en affaiblisssant graduellement la force du plan dans chacun des territoires.

À l'intérieur du rapport du groupe de travail formé en mars 1988 par le ministre délégué aux Forêts, M. Albert Côté, avec comme mandat d'analyser les principes, les orientations et les programmes d'aide existant actuellement en forêt privée, on peut lire, à la page 17: "En conséquence, le comité considère que tous les types de propriétés privées contenus à l'intérieur des plans conjoints devront être assujettis à ces mêmes plans conjoints. Le comité recommande donc: "Que le ministère fasse le plus tôt possible la lumière sur l'assujettissement des grandes propriétés aux plans conjoints et qu'au besoin, la Loi sur la mise en marché des produits agricoles soit amendée afin de clarifier la situation et éviter toute interprétation autre que celle proposée."

Il doit en être de même au niveau de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et des plans conjoints de producteur de bois. À cette fin, nous désirons, par notre intervention, nous assurer que l'article 38 du projet de loi 15, à l'effet que "la personne ou société qui est à la fois producteur du produit visé par le plan et engagée dans la mise en marché de ce produit est assujettie aux droits et obligations de l'un et de l'autre", aura comme conséquence d'assujettir aux plans conjoints de producteurs de bois tous les industriels forestiers possesseurs d'un produit visé par le plan, et ce, sans aucune équivoque légale.

Alors, en terminant, la Fédération des producteurs de bois du Québec réclame donc que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives permette aux syndicats et offices de producteurs de travailler à la promotion et à la mise en place de nouveaux marchés utilisant les essences disponibles. Nous demeurons à votre disponibilité pour répondre à vos ques- tions. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Bilodeau. Maintenant, le commentaire de la Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec. Alors, ça va marcher tout seul...

Fédération des producteurs de cultures commerciales du Québec

M. Trudeau (Marcel): M. le ministre, madame, messieurs, mon nom est Marcel Trudeau, je suis procureur de la Fédération. J'avais le mandat de vous donner la lecture du mémoire de la Fédération. Compte tenu des exigences de temps, vous comprendrez que ce n'est pas possible, mais dans le but de vous faire la démonstration de la discipline des producteurs, le président, M. Germain Chabot, va vous expliquer ce que nous pensons à la Fédération des producteurs de cultures commerciales, pourquoi nous avons besoin du maintien de la formule des agences volontaires. Et, dans le but de sauver du temps, je lui cède la parole.

Le Président (M. Richard): Merci, Maître, et j'espère que ça ne touchera pas vos honoraires. Alors, M. Chabot, vous avez la parole.

M. Trudeau: II y encore l'article 2, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): C'est de l'humour. Alors, M. Chabot, vous avez la parole.

M. Chabot (Germain): M. le Président, M. le ministre, madame, messieurs, je voudrais vous présenter le portrait d'un producteur de cultures commerciales au Québec. Moi-même, je suis producteur de cultures commerciales dans la région de Saint-Hyacinthe; je suis président de la Fédération et représente les producteurs aujourd'hui. Pourquoi - et je pense que vous avez sûrement lu notre mémoire - on s'attache bien gros aux trois articles 39, 60 et 106, qui touchent tout particulièrement les agences de vente volontaires?

Comme vous le savez, il y a 2000 producteurs, à peu près, au Québec, qui produisent des céréales sur une échelle assez importante. Cette production-là est importante, mais le nombre qui est spécialisé est réduit. Il y a à peu près 400 producteurs de céréales qui sont vraiment spécialisés: c'est que la principale occupation de leur ferme, ce sont des céréales. Ce sont ces producteurs-là, bien sûr, qui mettaient du poids au niveau de la Fédération pour essayer d'organiser la mise en marché. Depuis 1976 que le plan conjoint de la Fédération a été voté par les producteurs, a été mis en place, puis le travail a

commencé, dès les années 1976, à essayer de travailler à améliorer notre mise en marché. Au début, les producteurs, on s'était donné comme mandat d'essayer de négocier avec les intervenants dans le marché. Le grand reproche qu'on a eu, dans cette négociation-là, au niveau des intervenants dans le marché, des acheteurs dans notre produit, c'est qu'on ne pouvait pas, comme producteurs, rassembler notre offre, vu qu'on était à la grandeur du Québec. C'était une des faiblesses qu'ils nous ont reprochées. Suite à ça, on a travaillé quelques années, deux ans, deux ans et demi, sur ce projet pour essayer de s'entendre et négocier des ententes de commerce à l'intérieur de la province. Ça n'a pas réussi. À partir de ce moment-là, les producteurs, à l'assemblée générale de leur Fédération, avaient décidé d'aller vers une agence de vente obligatoire. Là aussi, on a travaillé, comme producteurs, à élaborer les règles du jeu d'une agence comme ça. On a consulté les intervenants. On a consulté nos producteurs et on s'est aperçu, au cours du travail, dans les deux années de travail sur ce dossier, qu'il y avait peut-être, à l'intérieur des 400 producteurs qui sont spécialisés... C'était important pour eux, la mise en marché, s'organiser. H y avait un point majeur dans toute notre discussion qui ressortait, c'était redonner à notre production la première place au Québec.

Je vais essayer de vous expliquer, en courts termes, ce que ça veut dire. C'est que la production de céréales s'est développée beaucoup dans les 15 dernières années, pour se spécialiser et devenir des producteurs qui vendent et qui mettent en marché. Autrefois, la production de céréales était "autoconsommée" a la ferme. Aujourd'hui, dans les années quatre-vingt-dix, il faut la mettre en marché. Les producteurs qui se sont spécialisés, c'est ce qu'ils font.

Il est bien certain que ces producteurs avaient une urgence beaucoup plus pressante par rapport aux 2000 producteurs. Même si la majorité était d'accord pour qu'on mette une agence de vente obligatoire, il y avait une certaine résistance au niveau du marché, c'est bien sûr, au niveau des marchands, des acheteurs de nos céréales. Eux craignaient cette règle de jeu. Ils la trouvaient trop exigeante. Aussi, à l'intérieur de nos producteurs, plusieurs qui produisent et "autoconsomment" se posaient des questions. C'est partant de là, qu'en assemblée générale, les producteurs de céréales ont décidé d'aller vers une agence volontaire, qui est beaucoup plus souple et qui répond à un besoin. Parce que quand je vous ai parlé tout à l'heure de redonner la première place à notre grain au Québec, c'est avec cette compagnie volontaire qu'on appelle aujourd'hui Cérégrains. J'espère que vous en avez entendu parler, même si c'est un nouveau-né, qui n'a pas un an d'existence, mais je vous assure que c'était volontaire. Je peux vous assurer que les actionnaires qui sont dans cette compagnie aujourd'hui, il y a 203 producteurs, exactement, qui sont actionnaires de cette compagnie, qu'à l'intérieur de ces 203 producteurs, 72 % de ces producteurs ont mis 100 % de leur production dans Cérégrains. Parce qu'on avait mis une règle, c'était volontaire. La règle était, pour les céréales, de zéro à 40 hectares, le producteur était obligé de tout confier sa mise en marché dans Cérégrains. Dans le maïs, c'était de zéro à 100 hectares. Dans ça, j'ai 82 % des producteurs qui sont en haut de 100 hectares et qui ont tous mis leur mise en marché dans Cérégrains. C'est là qu'est la confiance pour les producteurs.

L'objectif de Cérégrains est simple, c'est de regrouper notre offre pour être présents continuellement sur le marché. On réussit ce tour de force en se regroupant et en ayant un volume important qui fait qu'on peut offrir régulièrement du grain continuellement sur le marché à nos utilisateurs ou à nos marchands, tout en sécurisant notre prix. Je vais essayer de vous expliquer ça court. C'est qu'il y a deux éléments qui font le prix du grain au Québec, surtout du maïs. Vous avez le marché, la prime, ça c'est l'offre et la demande qui est un facteur important pour mettre un montant d'argent au bout de ça. L'autre partie, c'est le marché des options. C'est là qu'en se regroupant comme Cérégrains on peut se donner un outil pour travailler. C'est qu'on déconnecte le prix de la livraison. Pour l'acheteur, il peut, en tout temps de l'année fermer son prix au moment où il le désire, au prix qu'il désire, par rapport au marché boursier. Nous, comme producteurs, en se regroupant comme ça, on s'assure d'un prix moyen. C'est qu'on a partagé ce volume également, sur les jours ouvrables au niveau du marché boursier. C'est à partir de là qu'on s'assure un prix moyen.

Vous savez, dans les années qu'on vit, on n'a pas le choix comme producteurs, il faut absolument aller chercher le meilleur parti possible, sur le marché au niveau du prix et aussi être présents. C'est sûr, le défi de Cérégrains, c'est d'être présent continuellement sur le marché pour "circuiter" le grain qui vient de l'extérieur.

Je résume vite. C'est pour ça que les trois articles 39, 60 et 106 qui touchent l'administration, pour commencer, qui touchent l'office de la Fédération dans la mise en place de Cérégrains. Je pense que c'est important qu'on soit maintenus, pour les producteurs des céréales. Je pense qu'il faut que la porte reste ouverte à tous les producteurs de céréales qui ne sont pas dans Cérégrains aujourd'hui, mais qui veulent y être demain.

L'autre point important est au niveau de l'administration. Je pense qu'il est important que les administrateurs... (11 h 45)

Le Président (M. Richard): Juste un instant, M. Chabot, s'il vous plaît. Est-ce que les deux partis sont d'accord pour donner une extension,

puisqu'on dépasse l'enveloppe de temps. M. Pagé: Pas de problème.

Le Président (M. Richard): Allez-y avec votre deuxième partie, M. Chabot.

M. Chabot: Je vais faire ça vite. Au niveau de l'administration, je pense que c'est important que les administrateurs de la Fédération soient impliqués. En tout cas, dans notre charte c'est prévu; dans Cérégrains, c'est équilibré, entre les producteurs actionnaires, au niveau de l'administration, et les producteurs de la Fédération.

L'autre point important est au niveau du financement. J'ai travaillé à la mise en place de Cérégrains, et je pense que c'est important qu'il y ait un support, pas seulement financier, au niveau de la Fédération, mais aussi un support au niveau des contacts avec les producteurs puis au niveau de la confiance envers les producteurs. C'est pour ça que, si on déconnecte nos offices ou nos fédérations de la mise en place d'agences volontaires, comme ça, je pense qu'on va nuire à plusieurs productions, dans l'avenir, qui vont vouloir améliorer leur mise en marché. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M Chabot. Maintenant, le commentaire du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent.

Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent

M. Lechasseur (Jean-Maurice): M. le Président, je voudrais d'abord...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse. Êtes-vous M. Lechasseur?

M. Lechasseur: Jean-Maurice Lechasseur, président du Syndicat.

Le Président (M. Richard): Bienvenue. Vous avez la parole, M. Lechasseur.

M. Lechasseur: M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, d'abord, je dois vous remercier, au nom des 10 000 producteurs. On veut dénoncer les articles 39, 60 et 106, évidemment, comme nos prédécesseurs - vous comprendrez que je coupe un peu. À notre avis, ces articles, tels que libellés, pourraient freiner des initiatives de développement économique provenant des régions rurales dites périphériques - j'ai ajouté ça - et basées sur la transformation d'une ressource naturelle abondante et qui ne trouve pas preneur.

L'histoire nous a appris qu'on ne peut compter uniquement sur les grandes entreprises pour assurer notre développement économique. Ici, le message de l'État est clair: Prenez-vous en main, développez des alliances avec d'autres partenaires non gouvernementaux et l'aide de l'État viendra compléter vos efforts. C'est dans ce contexte que, depuis 1987, le Syndicat des producteurs de bois travaille à trouver un promoteur ou à se faire promoteur d'un projet. Nous avons, d'ailleurs, fait une campagne de souscription en 1987, qui nous a permis de ramasser 3 000 000 $. Après avoir été tentés par un projet d'usine de panneaux gaufrés dans le temps, par exemple, avec le Saguenay-Lac-Saint-Jean, aujourd'hui, bien sûr, on parle d'un projet d'usine de pâte.

En se prenant en main, les producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent sont en voie de se donner un instrument de développement de leur ressource naturelle abondante. Ils estiment être en droit de bénéficier des retombées directes et indirectes de cet effort collectif. Dans le cadre d'une participation dans une usine de transformation, nous sommes disposés à vivre avec des règles de déontologie et des mesures qui vont viser à assurer l'équité entre les producteurs. Mais le Québec des régions a trop besoin d'initiatives régionales de toutes sortes pour qu'une loi vienne empêcher des organismes dynamiques d'être la bougie d'allumage d'investissements importants.

Pour conclure, M. le Président, je vous dirais que, dans le Bas-Saint-Laurent, actuellement, c'est vrai, on surexploite nos forêts résineuses et on sous-exploite nos forêts feuillues. On pense que la solution, c'est d'investir dans la transformation, pour utiliser chez nous notre matière feuillue. On veut développer un modèle de partenariat avec l'industrie. Je pense que l'État paternaliste, c'est fini, ça; c'est révolu, ce temps-là. Alors, moi, je vous dis: Peut-on se priver d'une telle initiative? Les producteurs ont le goût actuellement d'investir dans un projet. Il y une campagne de souscription qui nous a permis d'amasser plus de 3 000 000 $. Ce qu'on voudrait, éventuellement et à très court terme, c'est de pouvoir investir, dans un projet majeur pour notre région, une somme de 9 000 000 $. Je dois vous dire qu'actuellement, si on s'en allait sur le terrain demain matin, je suis persuadé que, dans le mois qui vient, nous pourrions atteindre cet objectif-là. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Lechasseur. Si vous permettez, pour des raisons techniques, nous suspendons quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 50) (Reprise à 12 h 1)

Le Président (m. richard): messieurs! je suis certain que vos conversations sont fort intéressantes, mais la commission reprend ses travaux. s'il vous plaît!

Nous en sommes à la période de questions. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier la Confédération de l'Union des producteurs agricoles de son témoignage ce matin et du dépôt du mémoire, et remercier chacune des fédérations qui ont joint leur voix à celle de l'UPA pour nous sensibiliser à leurs inquiétudes ou encore à leur interprétation en référence au projet de loi.

Dans un premier temps, je note que l'Union des producteurs agricoles a différentes modifications techniques qu'elle souhaite déposer, formuler en demandes. Vous voulez vous inscrire en demandes, soyez persuadés que, dès réception de cette requête ou de cette ventilation de sujets qui nécessiteraient soit des précisions ou des modifications, on va les analyser avec beaucoup de sérieux. J'apprécierais cependant qu'on puisse quand même les recevoir dans un délai assez bref.

Je note la satisfaction exprimée de la part de l'Union des producteurs agricoles à l'égard de plusieurs dispositions du projet de loi, entre autres, en ce qui concerne les chambres de coordination et de développement. Je vais être très clair: ces dispositions contenues dans le projet de loi, dans notre esprit, constituent un véhicule à privilégier, avec un seul objectif: la conjugaison des efforts et des démarches de l'ensemble des intervenants du secteur bioalimentaire Je m'explique. Vous savez, pendant très longtemps, la Régie des marchés agricoles du Québec a été considérée comme un organisme voué au règlement de conflits et de problèmes, se référant surtout à la gestion de la production et de la mise en marché de cette production. Or, après une expérience profitable d'un certain nombre de décennies, il nous apparaît que, dans un contexte, comme je l'indiquais dans ma présentation initiale, de mondialisation des marchés où l'industrie elle-même a senti l'obligation de faire plus au niveau de la mise en marché comme telle des produits... On le voit par la création des agences de ventes, par les différentes expériences auxquelles d'ailleurs vous vous êtes référés et pour lesquelles vous vous inscrivez en demandes, surtout en ce qui concerne les articles 36, 60 et 109, etc.

Je vais donc être très clair avec vous: Quant à ces chambres de coordination et de développement, il n'est pas du tout dans l'intention du législateur et du gouvernement de faire en sorte que ce soient des comités dont l'objectif serait de parler pour parler. Il faudra que ces gens-là parlent pour agir. Jusqu'à maintenant, à défaut d'avoir de telles chambres, on a dû créer des comités de dynamisation du secteur. On l'a fait dans le poulet, notamment. Mais on sent une volonté chez chacun des intervenants. Chaque année, je rencontre - comme vous le savez, je n'ai pas que des contacts très étroits avec les producteurs via les différentes fédérations - les grandes chaînes de distribution alimentaire ainsi que des entreprises de transformation, et on a senti, à la lumière de ces échanges, l'obligation que nous avions conjointement de mettre en place un mécanisme beaucoup plus formel, pour que des signaux soient continuellement envoyés auprès des producteurs, surtout en ce qui concerne certaines mutations, au niveau de la production, qui sont nécessaires à l'industrie, pour répondre aux besoins des consommateurs. Tout comme aussi des signaux doivent être envoyés aux transformateurs en regard, entre autres, des investissements, des innovations technologiques, de l'audace qu'ils doivent démontrer pour préserver certaines parts de marché, etc., et que d'autres signaux doivent être régulièrement envoyés aux entreprises de distribution alimentaire, compte tenu des règles internes, dans chacun de ces centres, de ces grandes entreprises québécoises, en ce qui concerne la mise en marché de produits sur les tablettes, la largeur des tablettes, la visibilité de nos produits, la promotion de nos produits, la tendance des prix à la baisse, etc.

C'est dans cet objectif-là que ces chambres seront créées, et je dois vous indiquer que nous escomptons bien que l'industrie s'associera pleinement et entièrement à cette démarche-là. Il y va d'une responsabilité pour chacun des intervenants.

Vous vous référez aussi à ta volonté du gouvernement de faire en sorte que les quotas appartiennent uniquement aux producteurs. C'est un problème. Nous pourrions déborder très longuement le cadre strict des quelques minutes où nous avons à échanger ce matin. Cependant, je dois vous dire ceci: la récupération des quotas non utilisés disponibles... On se réfère, entre autres, à toute la problématique des locations de quotas. C'est un problème qu'on juge très sérieux. J'ai déjà eu - pour citer un exemple concret - dans le domaine des oeufs, des rencontres avec la fédération et j'avais évoqué, à ce moment-là, l'intérêt du gouvernement de s'associer à une démarche visant à, entre guillemets, rapatrier les quotas non utilisés ou en location, au bénéfice de certains producteurs.

On entend donner suite et j'entends personnellement donner suite, en cours d'année, à cette problématique des quotas en possession d'entreprises qui ne les utilisent pas.

Vous vous référez à l'article 2, le fameux article 2. Il y a eu quelques procédures, depuis 20 ans, avec des résultats divers, mais on retient de l'expérience que l'article 2 est apparu, pour chacun des intervenants, avec le temps, un mécanisme à utiliser avec prudence et parcimonie. Et, à cet égard-là - et je pense que Me Trudeau abondera probablement dans le même sens que moi - le fait que cet article ait été rédigé avec plusieurs imprécisions - si je peux utiliser ce terme - aura débouché sur beaucoup

de prudence dans son utilisation, de part et d'autre.

Qu'on se rappelle le cas de Nutrinor, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, où il y a eu un problème de transport qui s'est finalement réglé à l'amiable, et la procédure d'Agropur, il y a six ou sept ans, concernant l'arrêt de prélever les contributions des producteurs de lait, qui, finalement, s'était réglé à l'amiable. On ne se rappelle pas, à la Régie, d'un jugement final sur l'article 2, mais, dans de nombreuses procédures, l'article 2 a été évoqué, on s'y est référé. Cependant, compte tenu de son caractère à la fois imprécis et ambigu, généralement, les parties préfèrent en arriver à un règlement dit hors cour, à l'amiable.

Vous portez à mon attention, vous me demandez, somme toute, soit de le préciser, de le limiter ou de l'éliminer purement et simplement. Je peux vous assurer, d'une part, que j'aborderai ce sujet avec d'autres qui sont plus directement concernés, éventuellement. Mais je ne voudrais pas - je pense que c'est très clair dans l'esprit de plusieurs - que la présente commission parlementaire débouche sur des règlements davantage circonstanciels et conjoncturels. Je ne voudrais pas que la commission parlementaire déborde, ignore l'obligation qu'on a, c'est-à-dire d'étudier le projet de loi, pour traiter d'autres problèmes qui sont vécus dans certains secteurs de l'industrie.

On va y revenir. J'aurai l'occasion, très certainement, au moment de l'étude du projet de loi, en deuxième lecture, de me référer à cet article 2, tout comme, je vous l'indiquais au tout début, des modifications seront apportées au projet de loi après la deuxième lecture et seront déposées au moment de l'étude du projet de loi article par article. À ce moment-là, on avisera en conséquence.

Vous semblez vous inquiéter beaucoup des dispositions relatives aux articles 38 et suivants. On n'a pas l'intention - là, je voudrais être clair, et ça touche aussi les préoccupations de la Fédération des producteurs de bois, du Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent et de la Fédération des producteurs de cultures commerciales... Notre objectif, c'est l'élimination des conflits d'intérêts. Notre objectif n'est pas de paralyser ces démarches qu'on a connues au Québec, où les producteurs, membres d'une fédération, vont au-delà de la gestion de l'offre du produit et vont jusqu'à se doter de structures de mise en marché du produit. Ça, ce n'est pas notre intention.

Il y a un dénominateur commun dans le libellé de ces articles-là. Il est très simple. C'est que les administrateurs d'une fédération, nous considérons qu'ils sont placés devant un risque très appréciable de conflits d'intérêts, lorsque les mêmes administrateurs agissent comme administrateurs d'une corporation qui, elle, a le mandat de mettre en marché le produit. Une seule question, parce qu'on est convenus qu'on échangerait de 10 minutes en 10 minutes - mais là, on est déjà rendus à 14, alors on pourra s'arranger avec l'Opposition pour qu'on ait le même temps. Quelles sont vos recommandations pour éviter ces situations de conflits d'intérêts?

M. Chabot: Je vais tenter d'y répondre. Moi, je pense, en tout cas, que tout dépend jusqu'où on va impliquer ces compagnies volontaires. Je vais essayer de vous répondre plutôt dans l'autre sens. Moi, j'y vois comme importance, comme producteur, administrateur de cette compagnie volontaire et de la Fédération en même temps, le fait que ça m'assure, en tout cas à moi, comme producteur, qu'H va y avoir un équilibre qui va être maintenu au niveau de l'implication de cette compagnie volontaire, pour m'assurer que les gestes qui vont être posés par cette compagnie ne viendront pas en tout cas, pour les autres producteurs qui ne sont pas dedans - parce que c'est volontaire, on l'a dit depuis le début, c'est volontaire - parce qu'ils veulent attendre un peu avant d'y adhérer, leur nuire indûment au niveau de la mise en marché. (12 h 15)

Moi, je pense qu'on est capables de faire un équilibre entre les deux. Puis, je ne vois pas, si on déconnecte - parce que c'est ça - l'office ou la fédération, comment on va pouvoir s'assurer que les portes vont rester ouvertes pour ces compagnies volontaires, pour les autres producteurs qui vont vouloir y entrer demain. C'est comme ça, comme producteur, que je réagis. Je me dis: II faut absolument s'assurer qu'il ne vienne pas au monde, pour une même production, une kyrielle de ces compagnies volontaires. Je vais me référer à Cérégrains. Cérégrains peut toucher toutes les productions de céréales et de maïs qui se mettent en marché au Québec dans des pools différents, dans la même organisation. C'est ça l'objectif, il faut faire attention de ne pas redoubler et mettre en place plusieurs structures qui vont coûter énormément cher à la production ou aux producteurs. C'est ce qu'il faut regarder aussi positivement à l'inverse. Je n'ai pas la solution aux conflits d'intérêts possibles. Je pense qu'il y a moyen - je ne dis pas qu'il faut l'enlever complètement - de mettre des cadres et des points de vérification pour s'assurer qu'il n'y ait pas de conflits d'intérêts à l'extrême, qui se produisent dans l'administration de ces compagnies. Je pense qu'il faut faire le juste milieu. C'est ma position comme producteur.

M. Proulx: Si vous me permettez, M. le Président, je vais rajouter quelque chose. Il n'y a pas de solution magique, on l'a dit. Je pense qu'on peut, quand même, établir un certain nombre de règles qui vont nous mettre le plus possible à l'abri de la possibilité de conflits

d'intérêts. Mais on n'a pas inventé la roue en faisant ça. Je pense que vous voulez nous rendre beaucoup plus saints que le pape, comme on dit assez souvent. Je peux être administrateur de ma caisse pop et je peux avoir des emprunts autant que mon crédit peut en porter, mais ça ne me met pas nécessairement en conflit d'intérêts.

Là, on préconise, particulièrement ces années-ci, de plus en plus, une prise en main par les gens. L'État se retire, jusqu'à un certain point, pour toutes sortes de raisons. On veut renouveler l'économie. On veut que les gens s'impliquent, investissent. Mais comment pouvez-vous demander à des gens d'investir et de refuser, par le fait même, de participer au suivi et à la bonne administration des entreprises ou de les limiter à participer à un autre organisme qu'ils se sont donné collectivement? Établissons un bon code d'éthique, je pense que ce serait une première solution. Ça, on est prêts à regarder ces choses-là. On l'a dit: Se protéger le plus possible. On est d'accord avec vous autres qu'il peut y avoir un certain danger. Mais jusqu'à cette heure, je ne pense pas qu'il n'y ait eu nulle part quoi que ce soit de terrible. Il y en a qui ont profité de ces choses-là pour mettre en cause de vieilles rengaines, de vieilles rancunes. C'est évident, ça existera toujours. Mais donnons-nous un bon code d'éthique, précisons un certain nombre de choses, mais n'allons pas défendre... Sinon, loin de stimuler l'implication des gens, que ce soit au niveau économique, social ou n'importe quoi, vous allez diminuer cet incitatif. Je pense que vous préconisez très fortement, ces années-ci, l'implication du milieu. Alors, ne limitez pas les gens. Il y en a assez peu qui veulent s'impliquer, ne venez pas les limiter quand ils le veulent.

M. Pagé: Sauf que, je vais être bien clair, le projet de loi n'interdit pas aux producteurs de se lancer dans des entreprises de transformation. Il l'interdit aux administrateurs de plans conjoints. Comme gouvernement on a supporté les démarches de Pomexpert, de Pomexpan et on travaille étroitement avec les gens de l'entreprise Les bleuets sauvages du Saguenay, etc. Notre objectif, ce n'est pas d'imposer un frein au développement de telles initiatives, mais c'est de s'assurer que l'ensemble de l'activité soit bien encadré.

Vous venez d'ailleurs de vous référer, M. le Président, au fait que de telles structures, qui dans certains cas peuvent prêter à équivoque, font régulièrement l'objet de plaintes - appeliez ça des rumeurs, des commérages, je ne sais trop. On a d'autres choses à faire que ça. L'ensemble même des intervenants dans ces entreprises ont d'autres choses à faire que ça. Nous, notre objectif, il est très simple, il est très clair et même il est très limité: c'est de nous assurer que les administrateurs d'agences de vente ne se retrouvent pas en conflit d'intérêts. Vous me dites: On pourrait imposer des codes d'éthique, etc. Je suis ouvert à ce que vous nous fassiez des propositions dans les modifications que vous allez nous demander. Mettez-nous un peu de chair sur l'ossature, et on va regarder ça.

M. Proulx: Oui, on peut mettre de l'avant un certain nombre d'idées, c'est évident. Mais, encore une fois, vous ne réglerez pas la question en défendant. Vous êtes mieux de mettre des règles plus précises. Jusqu'à cette heure, on a suivi les règles qui étaient là. Si elles ne semblent pas assez précises, mettons-les encore plus précises ou mettons les plus exigeantes, mais n'allez surtout pas... Parce que, vous le savez comme nous autres, on vit dans une situation qui a été très bien exprimée, par exemple, par les producteurs de céréales qui ont fait toutes les étapes possibles pour se donner collectivement une mise en marche, mais c'a été refusé. On fait quoi, à partir de là? On abandonne et on reste dans une situation qui a l'air de plus en plus catastrophique ou on prend un moyen qui est à notre disposition, qui peut comporter certains risques, mais qui peut donner le goût à tout le monde. En fait, tout le monde espère avoir des agences obligatoires, tout le monde, parce que c'est l'idéal et que c'est ça qui va donner les meilleurs résultats. Sauf qu'à un moment donné, quand tu es face à un mur des principaux intéressés, pour toutes sortes de raisons, il faut que tu choisisses une autre voie pour arriver possiblement aux mêmes objectifs. Et c'est ça qui est important, parce que le but ultime de ça, ce n'est pas de vivre constamment avec des agences volontaires, c'est d'en arriver justement à donner le goût par ça, de se donner une certaine expertise pour en arriver à une action collective concertée de tous les intervenants dans ça. C'est ça qui est le but poursuivi. C'est une étape dans la progression et dans l'atteinte de l'objectif.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui, M. le Président. J'écoutais parler le ministre et il disait, entre autres, qu'il voulait éviter les conflits d'intérêts qui peuvent exister entre des administrateurs et les mêmes personnes qui administrent des compagnies ou des compagnies de vente. C'est évident, pour empêcher ces conflits d'intérêts, qu'il ne faut pas tout chambarder, qu'il ne faut pas remettre en cause tous les moyens que les producteurs se sont donnés. Dernièrement, quand le gouvernement a refait la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, dans cette loi, il a mis certaines balises pour, justement, limiter et contrôler, si on peut utiliser ce mot, les conflits d'intérêts possibles. Alors, c'est vrai qu'il ne faudrait pas encore ici, par deux ou trois articles, dire aux agriculteurs et aux agricultrices qui se donnent

des moyens pour mieux mettre en marché leurs produits: Bien là, vous autres - je vais utiliser le terme du président de l'UPA - il faut que vous soyez encore plus catholiques que le pape, puis on présume que vous faites toutes sortes de choses, et on va vous l'interdire en vous enlevant les moyens que vous êtes capables de vous donner aujourd'hui.

À l'intérieur de ces moyens, dans la présentation, j'ai posé une interrogation sur la formule des plans conjoints, qui a fait développer l'agriculture d'une façon extraordinaire, qui a eu sa raison d'être, qui a encore sa raison d'être aujourd'hui, c'est indiscutable. Alors, j'aimerais ça vous entendre nous expliquer comment cette formule pourrait être améliorée, pourrait être amendée. Il y a toujours de la place pour amélioration. Pourquoi les producteurs se sentent-ils obligés de se former des compagnies pour mettre en marché leurs produits ou regrouper leurs produits, pendant que la même loi, qui autorise les producteurs à se donner des agences de vente, est inefficace? Ou bien, c'est qu'ils n'en sont pas capables, dans certains secteurs? J'aimerais ça que vous nous disiez ce qui fait en sorte que, dans certains secteurs, l'agence de vente ne peut être mise en place?

M. Proulx: Vous savez, c'est très simple à expliquer. C'est une question de volonté, c'est une question d'habitude à créer, etc. Les plans conjoints, c'est administré par les producteurs. Les producteurs se donnent, par vote, un plan conjoint avec un certain nombre de pouvoirs. Tu peux te donner un plan conjoint avec tous les pouvoirs, comme il peut y avoir une multitude de restrictions, parfois qui sont imposées par les producteurs, d'autres fois qui sont imposées par d'autres organismes. À partir de là, on est obligés d'opérer avec ce que, démocratiquement, on s'est donné comme outils, soit des outils qui sont amputés. Au fur et à mesure que le temps passe, on vient à bout de rapatrier certains articles à l'intérieur de ça puis de les mettre en application, mais ça découle toujours d'une volonté des gens concernés. C'est ainsi que la loi est faite, puis je pense que c'est correct que ça soit de môme. Mais pourquoi va-t-on vers des agences volontaires plutôt que vers des agences obligatoires? Bien, c'est une question d'habitude, c'est une question d'historique. Vous savez, on prend toujours l'exemple du lait, mais le lait a une vieille histoire, une très vieille histoire. Une production que tout le monde faisait au Québec, il y a à peine quelques années. Il y a une habitude de créée, il y a des besoins qui se sont fait sentir avant. On ne peut pas appliquer ça intégralement dans toutes les productions, parce qu'il y a des habitudes qui se sont perpétuées dans les générations. Ne demandez pas aux producteurs de boeuf de s'organiser facilement dans une mise en marché complètement bien structurée, disciplinée. Qu'est-ce que vous vou- lez? Hs ont une mentalité de "cattlemen", qui est le désordre, qui est l'ordre dans le désordre. Alors, ça ne se change pas. Ça a beau être des Québécois vivant dans un environnement discipliné, il reste quoi, de ça. Les gènes du désordre, ils sont là, quand t'es producteur de boeuf. Pour les producteurs de céréales, c'est la même affaire, c'est un marché libre. T'as beau être au Québec et puis ne pas tout consommer, il y a des gènes qui sont là et qui ne sont pas complètement disparus. Et vous avez ça dans d'autres productions. C'est pour ça qu'il faut se donner les moyens pour que, graduellement, les gens apprennent à vivre avec cette discipline-là et en viennent à la rendre obligatoire. Mais on a essayé, vous le savez - Me Prégent est là -d'autres ministres antérieurement ont essayé d'en imposer dans le porc, particulièrement. Vous n'avez pas fait long feu, avec ça. Vous le savez, vous autres, le législateur, pour certains, ça n'a même pas pu... Ça a été sous respiration artificielle pendant un bout de temps, puis vous avez été obligés de le "déplugger". C'est ça que ça a donné, parce que vous l'avez imposé légalement. Alors, on vous dis, nous: On a trouvé une formule qui est loin d'être parfaite et puis qui a certains risques, mais qui donne le goût. Et la plus belle preuve, M. Chabot vous l'a donnée tout à l'heure. C'est une première expérience, les gens vont prendre le goût, ils vont s'impliquer, mais ils ne veulent pas être limités dans leur implication. Vous l'avez, vous allez l'avoir dans les producteurs de bois, et je ne vois pas ce qu'il y a de catastrophique, parce qu'un organisme collectif, qui est là, travaille et incite ou est imaginatif pour améliorer la situation de l'ensemble, mais qui, pendant un certain temps, va utiliser juste un petit nombre. C'est ça. Je suis peut-être un peu long, là, mais c'est un peu ça, c'est une question de gènes, une question d'histoire, et il faut que tu les inculques, que tu les éduques, les gens, il faut qu'ils apprennent.

M. Baril: Vous avez fait mention, M. le président, que le gouvernement avait déjà imposé un plan conjoint dans le porc. Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais c'était à la demande de la Fédération ou de l'UPA parce que, elle, au préalable, n'avait pas été capable, justement - je ne sais pas si on peut dire...

M. Pagé: ...mon cher collègue, je me proposais de le dire...

M. Baril: ...démocratiquement...

M. Pagé: ...non pas pour défendre mon prédécesseur, mais c'est une demande de l'Union des producteurs agricoles.

M. Baril: Bien c'est ça, c'est ça que je dis.

M. Pagé: Ça n'a pas été pondu, ça, au

hasard dans le parlement.

M. Proulx: Je suis d'accord, mais c'est quoi l'expérience? C'est la somme des erreurs qu'on ne recommet pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx: Alors, comme on en a commis une là, en vous demandant ça, on ne peut pas en commettre à nouveau.

M. Baril: Remarquez bien que je ne voulais pas vous faire une réprimande, parce qu'à l'époque j'étais au gouvernement et que justement, à l'intérieur de mon caucus, j'étais contre l'obligation de vous obliger à cette formule de plan conjoint, parce que je me disais: Un plan conjoint, ça s'implante quand la majorité des producteurs le veulent. Bon. Et ce qu'il a fallu corriger à l'époque, c'était le pourcentage du vote - là, je ne me rappelle plus exactement - que ça prenait pour que ce plan conjoint s'applique. Et, c'est après modification que la Fédération a réussi à se donner un plan conjoint, puis aujourd'hui on sait quand même où en est le fonctionnement de ce plan. Je comprends votre explication, là, mais c'est quoi, comment, comment pourrait-on... C'est peut-être des normes qui seraient à modifier. C'est quoi qu'une agence de vente ne peut pas faire, puis c'est quoi qu'une compagnie, qu'un groupe de producteurs qui se forment une compagnie ont le droit de faire? C'est ça, ma question.

M. Proulx: Ah! ils peuvent tout faire, ils peuvent tout faire. C'est rien qu'une question de: tu pars ou tu ne pars pas. Une question de: tu tournes la clef, tu accélères, ou tu ne la tournes pas, la clef. C'est rien que ça la différence, parce qu'ils peuvent se donner toute la même chose dans les deux. Il faut que le problème, c'est que tu décides de partir ou non, c'est la seule différence. Ou tu restes face au mur qui est là, ou tu décides de faire un détour pour aller derrière le mur. Et parfois, il vaut mieux faire un détour pour aller voir derrière le mur, pour revenir dire aux autres que c'est intéressant, de l'autre bord du mur. C'est ça, en fait, l'agence volontaire, parce qu'elle ne se donne pas plus de pouvoirs qu'une obligatoire. Elle fait exactement le même travail mais avec un groupe qui est tanné d'attendre, des fois, qui est prêt à risquer un certain nombre de choses. (12 h 30)

M. Chabot: Si je peux ajouter. En tout cas, de la manière que je la vois, l'agence de vente, ça sert de rampe de lancement. En tout cas, dans le grain, c'est de même que je la vois, moi, là. Comme Jacques l'a souligné, ça donne le temps à tout le monde de s'ajuster: les producteurs, et le commerce aussi s'ajuste à ça. Je pense qu'on était réaliste quand on a mis en place Cérégrains, nous autres. On a dit: On ne peut pas prendre tout le volume d'un coup sec parce qu'il faut que le producteur s'ajuste à ce nouveau mode de mise en marché parce qu'il regroupe son offre dans Cérégrains, mais aussi il faut penser à l'autre bord. Il faut penser que l'intervenant qui est important pour nous autres, c'est le commerce. C'est lui qui l'achète, notre grain. C'est lui qui le dirige dans le marché au Québec. Ça aussi, c'est important pour nous autres.. C'est pour ça que tout le monde va pouvoir s'ajuster. Cérégrains, la mise en place, on ne vient pas se battre contre aucun intervenant dans le marché. On prend notre place comme producteur et, graduellement, on redonne la première place à notre grain. C'est ça, l'objectif qu'on se donne. Ça sert de base de lancement. Comme Jacques l'a dit, c'est bien sûr que l'objectif terminal, c'est l'agence obligatoire pour tout le monde, c'est bien sûr. On n'a pas le choix, c'est ça. C'est ça le rêve de tous les producteurs, parce que c'est là que tu t'assures, au niveau de l'écoulement de ton produit et au niveau de ton prix, d'aller chercher le maximum de prix que tu peux obtenir. C'est bien certain qu'on se sert de ça comme rampe de lancement dans le fond. C'est la réaction que j'avais à apporter.

Le Président (M. Richard): M. Lechasseur, vous aviez un commentaire sur la question.

M. Lechasseur: Oui. O.K. C'est un commentaire suite à ce que M. le ministre Pagé disait tantôt. Moi, je veux vous dire que je viens d'une petite municipalité du Bas-Saint-Laurent. On a vraiment un problème, nous autres, actuellement. Je vais vous dire une chose. Quand on donne un coup de pied, des gens dynamiques, dans une paroisse de 300 ou 400, il n'en sort pas une douzaine. On veut pouvoir continuer à travailler avec ces gens-là. Moi, je veux simplement vous dire que, bien sûr, je suis président de mon conseil d'administration chez nous, mais qu'on voudrait avoir la possibilité de continuer à oeuvrer ailleurs, sur d'autres conseils d'administration suite aux initiatives qu'on prend actuellement. Évidemment, de par nos plans conjoints, on a certains pouvoirs. On peut se donner des outils aussi, des outils de contrôle au niveau du contingentement, au niveau de l'exclusivité. Peut-être que si on était mieux outillés, on pourrait éviter certains conflits. Je suis capable de concevoir qu'il peut y avoir à l'occasion, oui, certains conflits. Mais essayons de prévoir des règles. On est capables de vivre avec ça, éventuellement. C'est ça qu'on vous dit. Il ne faudrait pas pénaliser une région comme la nôtre qui a décidé de se prendre en main, parce que je vous le disais tantôt dans mon intervention, on ne se fie pas uniquement au gouvernement pour se développer. On a le goût de se prendre en main. On veut faire quelque chose. On ne

voudrait pas être tassés trop trop non plus, mais on est capables d'accepter certains compromis, par exemple. C'est tout simplement ça que je voulais ajouter, M. le Président.

Le Président (M. Richard): M. Proulx.

M. Proulx: Oui. Juste ajouter sur la question de M. Baril aussi parce que là, j'ai dit: II faut que les producteurs, j'ai donné beaucoup d'exemples... Il faut tenir compte aussi du marché, qui détient le marché. Il faut tenir compte qu'il faut que le marché s'ajuste quand tu entres avec de nouvelles règles aussi. Dans certains cas, c'était peut-être bien facile de modifier ça au complet du jour au lendemain. Dans d'autres cas, il y a des choses d'établies aussi. Il y a d'autres intervenants et ce n'est pas nécessairement bon de les tasser immédiatement. Il y a quand môme une expertise à aller chercher là où on doit essayer de s'ajuster. Les céréales sont un bel exemple. Penser du jour au lendemain, que vous allez - j'ai parlé à peu près seulement des producteurs tout à l'heure, mais des "brokers", ou ainsi de suite, excusez l'expression anglaise, je ne sais pas s'il y en a une française - les tasser complètement, alors qu'ils sont là depuis des générations, premièrement, ce n'est pas faisable et deuxièmement, je ne suis pas certain que ce serait bon de le faire. Je n'en suis pas certain parce qu'il y a un marché, il y a des habitudes à d'autres niveaux. Et, graduellement, il faut qu'ils se disciplinent aussi à ça.

Le Président (M. Richard): Monsieur...

M. Baril: II y avait... Je vais me référer entre autres actuellement à deux compagnies que les producteurs se sont données. Vous avez Cérégrains et vous avez Pomexpan aussi. Bon, on connaît les difficultés que Pomexpan vit malheureusement aujourd'hui. Et ça, ça fait partie du tout. C'est pour ça que je vous demande: Pourquoi des producteurs, dans un plan conjoint, ont-ils le pouvoir de se donner une agence de vente, et qu'ils ne l'utilisent pas? Vous l'avez expliqué tout à l'heure, pourquoi ils ne l'utilisent pas, parce que, vous me direz si j'interprète mal votre pensée, ce n'est pas la majorité qui le veut. Il y en a un petit groupe qui veut se donner un outil et les autres n'en veulent pas. Bon, il se servent de quoi? Ils utilisent quoi? Je ne le sais pas, mais en tout cas ils ne l'utilisent pas. Mais, par contre, quand vous avez l'ensemble des producteurs qui se donnent un outil de vente, il y a autant de risque, ni plus ni moins dans ça, que ça fonctionne ou que ça ne fonctionne pas. Et qui paie pour? Est-ce que c'est l'ensemble des producteurs du secteur donné qui paient pour ou bien si c'est juste ceux qui font partie de l'agence?

M. Proulx: Bon, écoutez, je suis content que vous souleviez le cas de Pomexpan, je voulais le soulever tout à l'heure, mais, comme le président me pressait, j'ai sauté quelques paragraphes. Je voudrais juste revenir dire que la démocratie est ainsi faite aussi. Nous, dans notre cas, il faut avoir au-dessus de 50 % pour détenir le pouvoir. Ce n'est pas nécessairement partout de même et, dans certaines productions, c'est très difficile parce que vous avez une multitude de producteurs. Je pourrais vous donner l'exemple des petites productions, que j'ai soulevé un peu tout à l'heure, où vous avez à partir du "flatteux" à aller au professionnel. Et, dans notre démocratie, il faut tenir compte de tout ça, et vous savez que ce n'est pas facile, les intérêts ne sont pas pareils du tout.

Le cas de Pomexpan, c'est un très beau cas. Un très beau cas qui paraît être un échec, et pourtant, je ne dirais pas qu'il est une réussite, je ne suis pas bête à ce point-là, mais je dirai quand même qu'il n'est pas un si gros échec que ça. Il connaît des difficultés, d'accord. Mais arrêtons de scruter à la loupe ses difficultés et regardons les bienfaits qu'il a apportés à l'ensemble. Il ne faut jamais oublier que ça apporte toujours des avantages à l'ensemble. Pour ceux qui le veulent et pour ceux qui ne le veulent pas, il y a toujours des retombées autour de ça.

Vous allez me permettre, juste quelques minutes, de vous donner des chiffres. C'est que le résultat, pour l'ensemble des producteurs, qui a été obtenu dans la première année d'utilisation de la marque de commerce est très intéressant. Premièrement, les gains sur les prix ont été supérieurs de 0.15 $ les 10 livres en 1986 lors d'une période de surproduction. Dans une période de surproduction, dans ces temps-là, le Québec a enfoui trois fois moins de pommes de terre, toutes proportions gardées, par rapport aux années antérieures de surproduction. Et la pomme de terre du Québec a également repris les tablettes, jusque-là occupées par les producteurs du Nouveau-Brunswick dans notre marché. Et non seulement l'ensemble des producteurs a gagné, mais les gouvernements ont eu leur compte également. Le prix de l'assurance-stabilisation s'est situé en 1985 à 350 $ l'hectare, alors qu'en 1990, il est à 166 $ l'hectare. Alors, pour un échec, ce n'est pas si mal. Oui, il y a des difficultés, mais il faudrait regarder aussi les bienfaits que ça a apportés à l'ensemble.

Mais ça, il faut que ça soit compris graduellement. Et bien sûr que c'est toujours plus visible les échecs ou les parties qui vont mal que les parties qui vont bien. Et assez souvent aussi, l'importance autour de ça, c'est que la visibilité n'est pas aussi grande qu'on le voudrait, mais ça a permis, dans certains cas, d'être peut-être davantage au service de certaines des régions qui étaient en plus grandes difficultés ou plus éloignées, ou ainsi de suite. Et ça, tout combiné, je pense, permet à l'ensemble de l'économie d'en

profiter.

M. Baril: Toujours au niveau des plans conjoints, la formule des plans conjoints, telle qu'elle est appliquée actuellement, est-ce que, selon vous, dans certains cas les plans conjoints sont-ils trop contraignants pour les besoins des producteurs et en fonction des marchés? Et pour ça ici, entre autres, je veux me référer, parce que l'ensemble des mémoires parient quand même beaucoup de la production du lait, des difficultés qu'on vit présentement. La formule des plans conjoints, selon vous, est-ce qu'elle est contraignante pour les producteurs et pour l'industrie, en sorte qu'avec les conventions qui ont été signées, la Fédération est obligée de diriger le lait aux utilisateurs qui trouvent les marchés, qui transforment dans les marchés connus où il y a des débouchés. Et, on entend aussi des industriels, des transformateurs, qui disent qu'ils pourraient en avoir encore plus si ce n'était pas de cette fameuse convention de vente. Donc, comment vous voyez ça actuellement, tel que la formule est appliquée?

M. Proulx: À mon avis les plans conjoints ne sont pas trop contraignants, et devront possiblement... Il faut s'ajuster constamment. Je pense que ceux qui sont le plus contraignants, c'est ceux qui ont le plus de crédibilité, et ceux qui rapportent le plus à l'ensemble de l'industrie, non seulement aux producteurs, mais aux consommateurs et aux transformateurs. L'exemple du lait est très pertinent mais on pourrait en donner d'autres. L'industrie de transformation laitière n'a jamais tant progressé que depuis, justement, qu'on a un plan conjoint et depuis qu'on lui a donné des pouvoirs à ce plan conjoint-là. Regardez l'industrie laitière au Québec, c'est une des plus performantes. C'est évident qu'il y a des ajustements à apporter, on est conscients, tous conscients de ça, mais il ne faut pas penser à les apporter sur le dos d'un groupe en particulier, et vous le savez. Moi, si j'étais un industriel, c'est évident, amènes-en du stock, je peux t'en transformer à condition que je ne le paie pas. Ça, c'est facile. Tu n'as pas besoin d'avoir d'imagination pour ça, parce qu'on a toujours eu, avant qu'on ait des plans conjoints, avant qu'on se discipline, qu'on se donne des moyens, des outils et des pouvoirs, ça a tout le temps eu... Vous le savez qu'est-ce que c'était l'agriculture il y a 30 ans, 40 ans? Bon, une . agriculture de misère. C'est après ça qu'on s'est donné des outils, qu'on a commencé à faire ressortir un peu et puis que ça a été profitable pour l'ensemble. La même chose pour le consommateur, on a été capables de livrer du produit, le meilleur produit au monde, à part cela, au Québec. On en est fiers, nous autres. Vous autres, vous en êtes fiers d'en parler un peu partout. Regardez pourquoi notre système est-il imité par une multitude de pays à l'heure actuelle, même dans des périodes où on essaie d'abolir toutes les frontières? Je pense que vous avez un bel exemple et on pourrait faire ça dans un tas d'autres productions. Il y en a qui ont été obligés de rajuster, et c'est sûr qu'il faut amener des ajustements, mais le Québec devra, et ça c'est l'ensemble du Québec, que ce soit les transformateurs, qu'ils soient coopératifs ou les autres industriels, ils doivent, s'ils veulent être capables de faire face aux défis de l'avenir, aux véritables défis, de très bien se situer, de très bien cibler leurs objectifs à atteindre et ne pas penser qu'on va être capables de concurrencer les grands marchés de n'importe quelle façon. On va avoir besoin de l'ensemble de ceux et celles qui participent à l'économie.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Juste une petite seconde avant que je l'oublie. Tout à l'heure, la Fédération a fait mention qu'elle fournirait des petites modifications techniques à apporter. Est-ce que nous, de l'Opposition, on pourrait être sur la liste des...

M. Proulx: Certainement, ça nous fait toujours plaisir. Ce n'est rien qu'un timbre de plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Proulx: Non, on va vous faire parvenir certainement les amendements qu'on pourra déposer dès le début de la semaine prochaine.

Le Président (M. Richard): Effectivement, vous allez les expédier, M. Proulx, à la commission...

M. Proulx: Oui...

Le Président (M. Richard): ...qui en fera la distribution.

M. Proulx: ...et la commission, elle, elle distribue à tout le monde.

Le Président (M. Richard): Magnifique! Alors, M. le député de Berthier, vous aviez une question?

M. Houde: Je pourrais peut-être conter une petite anecdote pour renchérir sur ce que M. le président de l'UPA disait tantôt. Lorsque j'étais petit gars, le marchand de poules venait chez nous. Il y en avait deux ou trois par semaine qui venaient acheter des poules. C'était cinq cennes la livre et, quand il n'y en avait pas qui passait, il y en avait rien qu'un qui venait et disait: Je vais te les payer trois cennes ou bien non, elles restent là. Tu sais, c'était ça avant les plans conjoints. Ma question, M. le président de...

M. Pagé: C'est la force de l'expérience qui vient de parler.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Houde: Ma question au président de t'UPA. J'aimerais savoir votre vision, vos idées, en ce qui concerne la page 20 de votre mémoire, lorsque vous partez de la récupération des quotas pour pouvoir les distribuer à la relève. Est-ce que vous voulez dire par là... Remarquez bien que je ne suis pas contre ça là, que ce soit les producteurs qui détiennent et non les personnes qui ne produisent pas. Là-dessus, je suis d'accord avec vous, mais j'aimerais savoir si, selon vous, la banque rachèterait des quotas qui sont en disponibilité, qui ne sont pas utilisés par les producteurs comme tels et, en deuxième, que vous les revendriez à la relève au prorata des gens qui en détiennent actuellement? C'est quoi votre...

M. Proulx: En fait, il y a déjà un mouvement. Il y a déjà des règles, à l'heure actuelle, dans la production laitière par exemple, où un certain pourcentage quand on vend un quota est mis en réserve pour être mis à la disposition de ceux qui s'établissent, de la relève. Il y a plusieurs possibilités, je pense, autour de ça. Il s'agirait de se donner quelques moyens pour . élargir ça. D'ailleurs, il se fait du travail au niveau de la volaille à l'heure actuelle...

M. Houde: C'est ça. C'est pour ça, là.

M. Proulx: ...et d'autres plans conjoints étudient comment l'appliquer à leur production à l'heure actuelle. Je pense qu'H y a une multitude de moyens, mais, là aussi, il ne faut oublier qu'il y a des droits acquis. Tu sais, je veux dire, tout le monde souhaite...

M. Houde: Oui.

M. Proulx: ...que ça soit uniquement les producteurs. On peut bien passer une loi ou passer un règlement demain matin, mais vous savez qu'on va se retrouver devant les tribunaux...

M. Houde: Oui, justement.

M. Proulx: ...et ça ne sortira jamais. Alors, il vaut mieux essayer de créer des incitatifs et essayer de corriger la situation le plus vite possible. Tout le monde souhaite que ça soit possédé entièrement par les producteurs. Je pense qu'il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits au cours des dernières années pour que ça en vienne là, mais, en même temps... Je pourrais vous donner dos exemples dans certaines productions, de la volaille entre autres, où on a offert, dans certaines régions, du quota. Les coopéra- tives qui en possèdent ont offert du quota à un prix très abordable et même pas de prix, je veux dire avec des ententes, et elles n'ont pas trouvé preneur. C'est bien beau de dire qu'il faut que ça appartienne, mais une fois que t'a émis que c'était ça la beauté, il faut que tu sois capable de le réaliser. Il n'y a pas preneur. Qu'est-ce que tu fais à partir de là? Je veux dire... Il y a tout ça, il y a toute une question d'économie régionale, aussi. On pourrait bien dire demain matin, je vais prendre le Lac-Saint-Jean, entre autres, ou d'autres, qui est un bel exemple, une région périphérique qui a absolument besoin de tout ça, parce qu'il n'y a pas preneur et qu'on défend, par exemple, à la coopération d'exploiter ses quotas, vous venez de faire baisser drôlement l'économie. Alors, essayons de trouver des politiques incitatives, que ce soit pour les producteurs. (12 h 45)

Je pense que là, il s'est fait, quand même, au cours des dernières années, des améliorations importantes. Il y a eu des améliorations et il y a eu une reprise en main des quotas par les producteurs. Malheureusement, il y a encore certains quotas dans les mains de... Mais c'est loin d'être catastrophique.

M. Houde: Et c'est ma deuxième question, M. le Président, elle s'adresse à M. Chabot. J'aimerais savoir le pourcentage de volume de vos 203 producteurs, à l'intérieur du Québec, il se situe où? À10 %, 15 %, 20 %, 25 %?

M. Chabot: Au niveau du maïs, il y a 12 % du volume qui sont mis en marché, 12 % à 15 % qui vont être mis en marché par Cérégrains. C'est le volume de grains qui se met en marché. Il se produit tout près de 1 000 000 de tonnes de maïs, au Québec, mais il y en a gros qui est produit et "autoconsommé". Actuellement, le volume de Cérégrains, en tout cas, il est un peu secret, parce que ça s'affaiblit au niveau du marché. Mais ça représente entre 12 % et 15 % du volume qui se met en marché. Ça veut dire qu'il n'est pas tout seul à vendre.

M. Houde: Merci beaucoup.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui. J'aimerais vous entendre sur la nécessité des chambres de coordination. Quel rôle vous voyez à l'intérieur de vos fédérations? Quel rôle vous voyez y jouer et ce que ce rôle doit être? Les chambres de coordination, quel pouvoir doivent-elles avoir? Est-ce efficace, est-ce nécessaire, est-ce obligatoire? Quel rôle?

M. Proulx: Bon, écoutez. Nous autres, on est bien prêts à les accepter, comme on a dit, à condition qu'on définisse très clairement leur

rôle à jouer. Est-ce là une nécessité absolue pour le bon fonctionnement? On ne se battra pas bien bien fort pour les avoir. On n'est pas contre, mais elle pourrait jouer un rôle fort possiblement. Je pense que c'est plus ou moins clair, à l'heure actuelle, dans le projet de loi ou que ça peut porter à ambiguïté. Je ne suis pas capable d'élaborer bien plus sur ça.

Ce serait plus un rôle de conciliateur ou, je ne sais pas, d'essayer de faire des consensus. Mais il faudrait tout le temps que les parties impliquées, concernées, soient en priorité à l'intérieur de ça, soient eux et elles, il ne faudrait pas essayer de faire régler, comme je l'ai dit tout à l'heure, les problèmes que d'autres ne veulent pas porter pour toutes sortes de raisons, essayer de faire régler ça par ça et par des intermédiaires. Ça, il ne faudrait pas tomber dans ce panneau-là. Mais il y aurait peut-être un rôle de meilleure compréhension, meilleure concertation ou d'essayer de donner certaines directives. Peut-être un rôle à ce niveau-là, mais qui pourrait aussi, je pense, à l'examiner plus en profondeur, être fait par d'autres organismes déjà en place, aussi.

M. Baril: Parce que, dans le projet de loi 15, le ministre en fait un intérêt majeur, la création de cette chambre de coordination et, à l'intérieur du projet de loi, à l'article 112, on donne toute une série de rôles à jouer et c'est là-dessus - remarquez que je ne veux pas insister non plus - que j'aurais aimé vous entendre parler. Est-ce que le rôle qui lui est dévolu par la loi, c'est assez, ce n'est pas assez, c'est nécessaire, c'est essentiel?

M. Proulx: La seule chose que je pourrais vous dire sur ça, c'est que, puis je l'ai dit tout à l'heure, il ne faudra pas que ce soit des chambres qui vont imposer des choses. Elles ne pourront pas imposer des choses, sinon ça ne fonctionnera pas. Je pense qu'il faut que, comme producteurs, comme organismes représentant des producteurs, on ait un droit de veto vis-à-vis de ça. Et s'il y a un retrait des pâlies qui sont concernées par ce qu'on discute, ça ne doit pas avoir la possibilité d'imposer, absolument pas.

M. Baril: À la page 19, vous mentionnez les petites productions. Il faudrait voir à conserver, à améliorer, à aider, à supporter - ou trouver toutes sortes de qualificatifs, là - les petites productions. Comment vous voyez ça, vos petites productions? Dans le bas de la page 19, là: "Nous aurions souhaité retrouver dans cette nouvelle loi des dispositions particulières mieux adaptées à la réalité et au contexte que nous appelons les petites productions."

M. Proulx: Bien, c'est parce qu'il faut faire attention de ne pas essayer de généraliser, il faut rendre un certain nombre de règlements assez souples, et ainsi de suite. J'ai commencé à vous en donner un exemple, tout à l'heure, un peu, dans certains élevages où vous avez du monde qui vont avoir, par exemple, deux ou trois mères lapins, puis vous en avez d'autres qui vont en avoir 600. Ils n'ont pas les mêmes intérêts. Vous avez la même chose dans l'élevage de l'agneau et du mouton: vous avez quelques "flatteux" de lapins à 10 ou 12 brebis; vous en avez d'autres qui en ont 900, 1000 ou 600. Tu n'as pas les mêmes intérêts. Si tu es professionnel puis que tu as un petit lopin de terre puis, bon, tu as le goût d'être un petit peu fermier, bien, tu t'en foutes bien: tu décides de prendre des vacances, tu envoies tes moutons à l'abattoir, pas de problème, le prix, ça ne t'intéresse pas. Mais quand tu en vis puis que tu as des paiements a faire, c'est toute une différence, sauf que, dans notre démocratie, c'est tout bien correct. Je ne voudrais pas contester ça, c'est pour ça qu'il faudrait rendre un certain nombre de règles un peu plus souples: il ne faudrait pas traiter ce monde-là sur un pied d'égalité, parce que, là, ça ne marche plus et c'est là qu'on a des problèmes majeurs avec ce genre de production-là: que ce soit la chèvre, le lapin, les cailles, que ce soit... Ce n'est pas mauvais en soi que des gens aient - je peux paraître drôle, je ne suis pas négatif - 10, 12, 20 ou 50 brebis, sauf que tu n'as pas les mêmes intérêts, encore une fois. Et, par l'obligation très sévère de se donner des moyens, à un moment donné, ou un plan conjoint, le pouvoir est aussi fort à l'égard de quelqu'un qui possède 10 chèvres ou bien qui possède 300 chèvres, ou 20 brebis, puis qui en possède 900. C'est là que ça n'a plus d'allure puis que tu ne te donnes plus les mêmes moyens. Vous allez dire que je vais aux extrêmes, mais c'est ça qu'on vit dans ces productions-là. Les lapins - c'est le plus bel exemple - c'est combien d'essais qu'il y a eus, par exemple, par des producteurs qui ont voulu véritablement en vivre, et même avec de l'aide substantielle de l'État, ça a presque toujours été des échecs, justement parce que vous vous retrouvez avec du monde qui élèvent des lapins dans leurs caves, dans la cour en arrière l'été, puis, à un moment donné, ils les échappent, c'est tout le monde qui en hérite, puis tu te retrouves avec des producteurs qui ont investi des centaines de milliers de dollars et des centaines de milliers de dollars dans du professionnalisme d'éleveurs à ce niveau-là, et qui se retrouvent dans la rue. Eux autres, les échapper, ça cause un problème.

Le Président (M. Richard): M. le ministre.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Seulement quelques commentaires avant de compléter nos travaux. D'abord, pour le Syndicat des producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent, je tiens à exprimer que c'est avec intérêt, avec beaucoup

d'attention, que je comprends vos préoccupations, vos inquiétudes, et la rareté de la ressource forestière, le déséquilibre aussi entre les utilisations, les références aux résineux ou aux feuillus. La rétrocession des concessions forestières, tout ça doit nous conduire à une utilisation véritablement optimale de notre ressource. Je suis bien conscient, moi, pour être un député d'une région, que nos syndicats ont un rôle éminemment important à jouer dans la mise en marché du bois au niveau des régions, non seulement au bénéfice de leurs membres, pour une gestion peut-être plus rigoureuse des stocks, etc., mais aussi au niveau de l'économie régionale, de l'impact sur l'économie régionale. On prend bonne note de vos commentaires, et n'allez pas croire que les dispositions prévues aux articles auxquels nous nous référions tantôt et sur lesquels on a passé quand même pas mal de temps ce matin, ce n'est pas, je le répète, ce n'est pas... Le gouvernement et le ministre ne sont pas animés par une volonté de freiner ce mouvement qui, selon moi, est irréversible, et c'est bien qu'il en soit ainsi, que les producteurs aillent uniquement au-delà de l'agence de vente. Cependant, sur la notion de conflit d'intérêts, j'ai bien hâte de recevoir vos propositions, parce que, il ne faut pas se faire de cachette, lorsqu'une fédération est accréditée pour représenter l'ensemble des producteurs, eHe a des pouvoirs de réglementation, elle a des pouvoirs très étendus, et c'est bien qu'il en soit ainsi, ça a fait sa preuve dans le passé, cependant elle a aussi des pouvoirs de négociation et, si on y chapeaute une agence qu'on dit volontaire, il y a un danger de conflit d'intérêts parce que les mêmes gens risquent de se retrouver dans la situation où ils devront négocier finalement avec leurs concurrents. Et il y a des risques énormes de placer les administrateurs en conflit d'intérêts et uttimement de placer l'ensemble des producteurs soit de l'agence volontaire, soit de l'agence obligatoire, dans des situations délicates et périlleuses. Exemple concret: il faut appeler les choses par ce qu'elles sont. La question fondamentale, c'est qui paie quoi? Si tous les producteurs dans le cadre d'une agence obligatoire de représentation, fédération, tous les producteurs sont obligés d'y participer, il y a des prélèvements, etc. Quand le complément de l'activité est sous le chapeau d'une agence volontaire de membres de cette fédération-là qui décident d'investir pour transformer, conditionner, peu importe le produit, le mettre en marché directement, il y a des risques énormes de conflit d'intérêts. Exemple: que la fédération garantisse un emprunt à l'agence volontaire. Alors, l'objectif qui m'anime, moi, comme ministre, c'est de préciser les règles du jeu pour que la partie soit claire pour tout le monde. Et on va tenter au cours des prochaines semaines de voir jusqu'où on peut concilier l'objectif qui nous anime et l'objectif que vous recherchez parce qu'on ne voudrait pas qu'ultimement, ça débouche sur des situations de recul. Mais l'objectif de continuer à avancer dans cette démarche ne doit pas être interprété comme voulant dire une caution du gouvernement à des structures pouvant être l'objet de conflit d'intérêts au niveau des opérations.

Dernière question, très brièvement, M. le Président. Vous vous référez dans le document à l'article 13 de la loi actuelle, non pas du projet de loi 15 mais à l'article 13 de la loi, appelons-la la future ancienne loi, si je peux utiliser le terme, où l'ensemble des intervenants ont un pouvoir d'appel auprès du Conseil des ministres. J'ai été informé de la petite histoire de comment ça avait été écrit à l'époque. Un jeune et brillant avocat de la Régie avait assisté à tout ça et c'était assez caractéristique, pourquoi le gouvernement s'était donné ce pouvoir d'appel. Il a été utilisé lui aussi avec prudence et parcimonie. Depuis 15 ans, je pense qu'il a été utilisé peut-être seulement une fois. Je n'ai pas donné suite à de nombreuses requêtes qui ont été adressées au cabinet - parce qu'on s'adresse au cabinet à ce moment-là - demandant au gouvernement de se prévaloir des dispositions de l'article 13 pour modifier une décision de la Régie. Mes recommandations comme ministre de l'Agriculture depuis le 12 décembre ont toujours été de recommander au Conseil de ne pas donner suite à ces requêtes. D'ailleurs, entre guillemets, il n'y a aucun mécanisme d'appel. À ma connaissance, il n'y a aucun mécanisme formel venant encadrer l'audition, par le Conseil des ministres, d'un citoyen ou d'un groupe de citoyens. Je ne vois pas comment le cabinet de quelque gouvernement que ce soit pourrait établir un tel mécanisme de comparution, de plaidoirie et de représentation. Ça ne fonctionnerait plus, cette affaire-là. Alors, cela étant dit. nous, dans le texte qui est proposé, on recommande que la décision de la Régie soit une décision finale, bon, etc. Vous nous demandez de rétablir l'article 13. Dois-je comprendre que vous nous demandez que le gouvernement se garde le pouvoir d'intervenir via une décision du cabinet pour modifier une décision de la Régie, de son propre chef, ou si vous nous demandez de maintenir le mécanisme d'appel qui, à partir du moment où il est là tel que rédigé dans la loi, crée espoir? Il crée espoir. Exemple concret: dans le fameux débat sur les coopératives actuellement, il y a des gens qui croyaient très sincèrement qu'ils seraient entendus par le Conseil des ministres en séance à part ça. Je pense que ça s'est même dit dans certaines réunions. Vous demandez la reconduction mutatis mutandis, si je peux utiliser le terme, de la même chose que ce qu'il y a dans la loi actuelle ou vous demandez qu'il n'y ait pas de droit d'appel comme tel et plutôt que le gouvernement ait le droit d'intervenir de son propre chef pour modifier une décision, comme - si ma mémoire

est fidèle - ça a déjà été fait dans le cas du prix du lait. Ça a été fait deux fois dans le cas du prix du lait. (13 heures)

M. Proulx: Écoutez, je me fous un peu des mécanismes, de quelle façon vous aller y arriver. Nous, ce que nous voulons, c'est que l'État garde le pouvoir d'intervenir, sans être obligé de faire tout un bouleversement abominable dans une situation x. Mettons ça bien clair, je suis d'accord avec vous, il ne faut pas, encore une fois, que ce soit utilisé pour atténuer ou pour ôter des responsabilités à quelques groupes ou à quelques instances juridiques que vous avez mis. Donnez plus de pouvoir à la Régie et les moyens pour qu'elle les exerce, et on va dire bravo. Donnez-lui tous les moyens pour que vous n'ayez jamais à intervenir comme Conseil des ministres, comme gouvernement, bravo. Sauf que, pour nous, l'État, c'est suprême. Ce sont des élus, ce sont des gens qui sont obligés de revenir devant le peuple. Ils sont obligés de se faire élire pour rendre compte de leurs actions. Pour nous, il reste important, quand il arrivera des situations, que l'État soit capable d'intervenir. Le mécanisme, mais vous m'excuserez, mais l'un ou l'autre, je ne vois pas tellement la différence. Je suis certain qu'il y en a. Pour nous, c'est ça qui est important. On ne voudrait pas être obligés, advenant une situation catastrophique, un jour, que l'État soit obligé de tenir - je donne des exemples qui sont peut-être farfelus - une série d'audiences, de commissions, qu'il soit obligé de voter un règlement, et ainsi de suite. On ne voudrait pas ça. Qu'il se donne donc en même temps qu'il l'adopte, que ce soit comme c'était avant ou une nouvelle version, pour essayer de donner plus de responsabilités à ses mécanismes. Je pense que c'est ça. Pour nous, il serait important que la Régie... Il y a des propositions qui nous plaisent. Je pense qu'on l'a souligné souvent que la Régie ait davantage le pouvoir et les moyens d'appliquer son pouvoir pour essayer d'accélérer. Parce que ça nous pose énormément de problèmes à l'heure actuelle. Trop souvent, soit qu'elle n'a pas les moyens ou qu'elle ne rend pas les sentences, et un petit groupe de producteurs va neutraliser une action collective. C'est tout ça qui nous a amené ça, pour différentes autres demandes.

Directement votre question, pour nous, il reste essentiel que l'État se garde, tout comme on veut que... C'est bien pire avec l'article 2, où là vous créez tout le temps beaucoup d'espoir et ça crée beaucoup de problèmes. Vous êtes souvent, dans des négociations tripartites, obligés de discuter à trois paliers différents, ce qui n'accélère pas les choses. Celui-là vous pouvez le biffer, je pense que ça rendrait service à tout le monde. L'autre c'est important que vous le gardiez.

M. Pagé: Merci.

Le Président (M. Richard): Maintenant, M. le député d'Arthabaska, est-ce que vous avez un commentaire final pour remercier nos gens?

M. Baril: En terminant, je remercie les représentants des fédérations de venir nous faire part de leurs commentaires. Soyez assurés que nous, de ce côté de la table, on va essayer de collaborer le plus possible avec le ministre et son équipe pour faire un projet de loi qui réponde aux besoins du milieu.

Le Président (M. Richard): M. le ministre.

M. Pagé: Je vais remercier les Intervenants de ce matin. Merci beaucoup. On se reparle.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. Nous suspendons les travaux. Nous revenons au travail après les affaires courantes, donc vers 15 h 15.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

(Reprise à 15 h 34)

Le Président (M. Richard): Je vous rappelle que le mandat de notre commission est de tenir une consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi 15, Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives. Nous en sommes à l'audition des groupes. Nous recevons - et nous vous souhaitons la bienvenue, messieurs - la Fédération de l'UPA de Sherbrooke. Pour la mécanique, je demanderais au porte-parole de s'identifier et d'identifier aussi les personnes qui l'accompagnent. Par la suite, vous présenterez votre mémoire. Vous avez la parole.

Fédération de l'UPA de Sherbrooke

M. Blais (Jacques): Je me présente, Jacques Blais, président de la Fédération de l'UPA de l'Estrie, depuis quelque temps. J'ai, à ma droite, M. Clément Lanoue, qui est secrétaire de la Fédération, M. Roger Couture, deuxième vice-président de la Fédération, ainsi que M. Gérald Routhier, membre de l'exécutif. Clément va lire le mémoire, la partie où on demande des changements. Après ça, si c'est votre volonté, on va poursuivre avec la période de questions.

Le Président (M. Richard): Magnifique! Vous avez la parole.

M. Lanoue (Clément): Merci. La Fédération de l'UPA de Sherbrooke représente plus de 4300 producteurs sur son territoire. Elle est composée de 11 syndicats de secteurs de base et de 10 syndicats spécialisés. Il fait partie de notre

mandat, et ceci est même de notre devoir, de s'assurer que les différentes lois proposées par le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation répondent aux besoins des producteurs. Nous devons nous assurer que les lois sont Justes et équitables pour tous les groupes de producteurs oeuvrant dans les différentes productions.

La loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires est primordiale et d'une très grande importance, car elle nous permet d'organiser notre mise en marché. Cela doit cependant se faire de façon que chaque producteur puisse être partie prenante et qu'il ne soit lésé en aucun moment. Nous désirons donc intervenir à la commission parlementaire sur le projet de loi 15, afin de pouvoir exprimer nos opinions, car, même si certains amendements à la loi sont positifs pour les agriculteurs, d'autres nous laissent dans le doute. Ainsi, certains ajouts à la loi n'améliorent en rien les pouvoirs de la Régie. Vont-Us encore trancher le gâteau en deux lors de litiges ou bien peuvent-ils réellement remplir les fonctions pour lesquelles cet organisme a été mis en place? Dans le court mémoire qui suit, nous reprenons les articles où nous jugeons utile d'intervenir. Pour nous, cette approche est positive et nous espérons qu'elle éclairera davantage les débats qui suivront. Les producteurs et productrices, et l'agriculture en général, n'en seront que mieux servis.

Nous allons nous permettre de faire seulement la lecture de nos recommandations, étant donné que le temps est limité. Nous demandons donc au législateur d'ajouter à l'article 5, après "La Régie a pour fonction générale", les mots "et se doit". Dans la présente loi, nous constatons que, quand nous nous adressons à un office ou à la Régie, la recommandation est intitulée: "L'office ou la Régie peut." Si vous remarquez, dans la loi, il y a beaucoup de "peut": peut être, peut décider, peut l'oublier, ne peut rien faire et ne peut rien voir. À notre avis, à beaucoup d'endroits, nous pourrions remplacer le mot "peut" par "doit" ou "se doit".

À l'article 6, nous demandons au législateur d'ajouter, après "La Régie peut siéger à tout endroit au Québec", les mots "et être poursuivie de la même façon". Sur cet article, nous avons une jurisprudence: dans l'affaire des six.

À la page 3, nous demandons de radier le deuxième paragraphe de l'article 31. Nous ne sommes pas d'accord pour mettre une trop grande importance aux autres intervenants, car, par exemple; est-ce que nous avons notre mot à dire, est-ce que nous sommes invités lorsque le Barreau, l'Ordre des agronomes, le Collège des médecins, etc. prennent une décision qui nous touche, nous, à titre de consommateurs?

Aux articles 39 et 106, nous sommes d'accord pour qu'il y ait un ordre de donné à l'office, afin qu'il ne puisse en aucune façon utiliser les contributions perçues pour financer une entreprise commerciale. Cependant, au deuxième paragraphe de l'article 39, nous demandons au législateur d'ajouter, après "les producteurs visés par ce plan doivent, dans un délai déterminé par la Régie", les mots "n'excédant pas trois mois".

À l'article 41, nous demandons au législateur d'ajouter, après "favorisent une mise en marché efficace et ordonnée", les mots "juste et équitable pour tous les producteurs". Le mot "ordonnée" a été omis. On demande aussi de rayer les mots suivants: "ordonnée du produit visé". à la page 4, nous sommes d'accord avec les articles 60 et 203 qui empêchent un administrateur d'être assis sur deux chaises en même temps. pour ce qui est de l'article 91, il était temps de mettre un frein à la propagation de ce régime féodal. cependant, quant à l'article 206, nous demandons au gouvernement de m. robert bourassa de ne pas inscrire cet article 206 et de prendre ses responsabilités en décrétant que les quotas soient dans les mains de ceux qui les produisaient au 1er janvier 1989 et, ensuite, d'établir une politique pour que les producteurs paient leur droit de produire à un prix abordable, basé sur le nombre d'années qu'ils ont payé de la location. ainsi, les producteurs auront la liberté d'acheter leurs intrants là où ils le jugeront bon. nous ne pouvons, en effet, comprendre que l'on veuille accorder un privilège à des gens qui, depuis de très nombreuses années, ont exploité les producteurs en leur faisant payer un droit pour produire.

Pour ce qui est de l'article 92, nous demandons au législateur que le deuxième paragraphe soit rayé, afin de ne pas inviter les négociateurs à négocier des prix inéquitables pour certains producteurs. S'il y a impossibilité d'établir des offices provinciaux selon les règles, nous travaillerons avec les offices régionaux. Nous demandons aussi au législateur de modifier l'article 94 pour qu'il se lise comme suit: "Un office peut, par règlement, à l'égard du produit visé par le plan qu'il applique, établir une procédure de mise en vente en commun. Il doit faire en sorte que les producteurs reçoivent, déduction faite de tout ou partie des frais de mise en marché déterminés par l'office, le même prix pour un produit identique, de même quantité et d'égale qualité, mis en marché pendant une période déterminée, et ce, indépendamment des marchés de l'office, de la variation du prix de vente pour des causes étrangères à la valeur propre du produit." Cela renforcerait la loi et aiderait à abolir le régime le plus inéquitable de l'Amérique du Nord.

Cependant, si nous faisons référence à l'article 205 qui devrait faire suite, nous demandons au législateur de ne pas adopter cet article avant que la Cour d'appel se prononce sur le problème de fond qui lui a été soumis par les six producteurs qui veulent vérifier la validité de

certains règlements de la fédération du lait du Québec. Si le gouvernement de M. Robert Bourassa veut, par l'article 205, justifier ou légaliser les antécédents de la Régie et de la fédération du lait du Québec, il devrait avoir l'honnêteté et le courage politique de casser le système en faisant un pool de lait au Québec. Ensuite, nous lui demandons d'établir, avec la fédération du lait, une politique pour que les producteurs qui ont été traités injustement dans les transferts et les non-transferts de quotas depuis trois ans, soient dédommagés.

Pour l'article 96, nous demandons au législateur un ajout qui se lirait comme suit: "Avant de publier tout règlement, elle se doit d'en vérifier la légalité." Il n'y a, en effet, rien dans la loi qui stipule que, lorsque la Régie a des doutes sur la validité d'un règlement, elle doit le refuser, éclaircir la validité du règlement et ne devrait pas, comme nous l'avons vu déjà, dire: On n'administre pas le plan conjoint.

Quant au chapitre XII sur la chambre de coordination et de développement, nous demandons au législateur de ne pas l'insérer dans la loi. Nous croyons que les problèmes de mise en marché doivent se régler à court terme. Les producteurs n'ont pas les moyens de régler les problèmes à long terme, car, quand un problème est réglé à trop long terme, nous voyons apparaître des faillites de production. Pour nous, la chambre de coordination et de développement a le pouvoir de mettre des bâtons dans les roues de nos offices, en ce qui concerne leur bon fonctionnement. À notre avis, une chambre de coordination ne peut servir l'agriculteur et l'agriculture, quand nous pensons que, dans son mandat, elle rende compte seulement une fois l'an de ses activités. Nous voyons que le gouvernement est prêt à lui confier des mandats à l'article 118, mais quels mandats?

En plus, nous croyons que la loi est trop importante. C'est elle qui permet à nos producteurs d'obliger les transformateurs à négocier pour un produit déterminé. Nous ne voulons pas que ces messieurs s'intègrent dans l'administration de nos offices, de nos quotas, en affaiblissant nos droits. Pour nous, la loi sur la mise en marché est importante pour le producteur, comme la Loi sur les normes du travail pour le travailleur. (15 h 45)

Nous constatons que la Régie "peut", alors nous espérons que le mot "chambre" va disparaître. Si le mot "chambre" est maintenu, la chambre, le gouvernement et la Régie auraient plus de pouvoirs que les producteurs concernés.

Alors, nous vous remercions, nous remercions la commission parlementaire d'avoir bien voulu nous entendre et nous espérons que le législateur prendra en considération nos demandes en n'oubliant pas que la tolérance qui résulte de l'apathie ou de la paresse mène à l'anarchie et à la révolte. La véritable tolé- rance est issue du coeur et de l'intelligence. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Lanoue. M. le ministre.

M. Pagé: Alors, M. le Président, je remercie les représentants de la Fédération de l'Union des producteurs agricoles de Sherbrooke, M. Blais et ses collègues. C'est avec beaucoup d'intérêt que nous prenons connaissance de votre mémoire, de votre présentation, laquelle d'ailleurs se distingue des autres car, sur deux sujets importants, vous adoptez, comme fédération régionale, une position contraire et diamétralement opposée à la Confédération de l'Union des producteurs agricoles.

Ainsi, vous nous appuyez en ce qui concerne l'interdiction qui est faite aux offices de s'engager dans la transformation et le commerce, et aux administrateurs d'être à la fois administrateurs d'offices et d'entreprises, d'agences dites volontaires. Vous vous opposez, de plus, à la création des chambres de coordination et de développement, qui sont prévues dans ce projet. Ça me permettra, tout au moins, d'indiquer tout à l'heure à nos bons amis de l'Union d'entraide des agriculteurs qu'il y a de la démocratie dans l'UPA.

Une voix: Bon...

M. Pagé: Je n'ai pas fini. C'était un commentaire initial. Vous savez que le ministre a beaucoup d'affection pour la Fédération de l'Union des producteurs agricoles de Sherbrooke, non pas parce qu'elle est souvent en opposition avec l'UPA provinciale, ce n'est pas ça, mais parce qu'elle est particulière. Il y a toujours eu une qualité et une quantité de relations très valables entre nous, et j'espère que ça va continuer.

Quant à l'interdiction faite aux offices, et particulièrement à leurs administrateurs, de s'engager dans la fédération et les agences de vente, on est d'accord là-dessus. L'objectif qui est poursuivi par le gouvernement c'est qu'on n'ait pas de situations où des gens, en autorité, ayant des mandats de leurs membres au sein d'une fédération, se verraient placer en situation de conflits d'intérêts. C'est l'objectif qu'on recherche.

Ce matin, avec vos collègues de l'UPA de Longueuil, nous avons regardé la possibilité de donner un encadrement beaucoup plus strict à cette problématique, à cette inquiétude que j'ai quant au danger de conflits d'intérêts, à savoir - exemple concret - qu'une fédération de producteurs garantisse des emprunts contractés par une agence de vente, une agence volontaire, formée par des producteurs, j'en conviens, qui sont membres de la fédération, mais où ce n'est pas la totalité des membres de la fédération qui sont membres. Ce sont des questions comme

celle-là qu'il faut éviter. J'apprécie donc l'appui très clair que vous donnez au gouvernement du Québec sur le sujet. quant aux chambres de coordination et de développement, je ne sais pas si vous étiez ici ce matin, mais j'ai très clairement indiqué que ce n'étaient pas des organismes qu'on allait bâtir pour le plaisir de jaser pour jaser. ce n'est pas un club de placotage. c'est un organisme avec des mandats. ce sont des chambres, des comités formés par l'ensemble des intervenants, parce que, pendant trop longtemps, selon nous - et je vous invite à commenter là-dessus - la régie des marchés agricoles a été considérée comme un organisme de police entre les producteurs, pour établir des prix, pour régler des conflits, etc., alors que la fonction, le mandat, la responsabilité de la régie des marchés agricoles, dans l'esprit du gouvernement et du ministre, est d'appliquer la loi en fonction de la gestion des produits, de l'offre globale des produits et de la mise en marché de ces produits. qu'elle conserve son mandat de discipline, j'en conviens, mais que la régie soit davantage orientée aussi vers la mise en marché des produits comme telle. ça veut dire quoi concrètement? ça veut dire de tenter de favoriser l'émergence de consensus au sein de l'industrie ou autour de la même table? la fédération des producteurs serait assise avec les transformateurs et avec les gens de la distribution, pour développer de nouveaux marchés.

Et ça, on l'a vécu. Je pourrais parier pendant trois quarts d'heure ou une heure, facilement, de ce qu'on a vécu depuis un certain nombre d'années. On a dû créer ce qu'on appelle des comités de dynamisation pour faire en sorte que les gens s'assoient ensemble. Pas plus tard qu'il y a un mois - c'était, si ma mémoire est fidèle, le 6 ou le 8 février - on a assis autour de la table, et c'était la première fois que ça se faisait, la Fédération des producteurs de porcs du Québec, les entreprises de transformation, les abattoirs, les entreprises de transformation qui contrôlent, par exemple, une bonne partie du marché du bacon au Canada. On a assis aussi les distributeurs, les gens d'Hudon et Deaudelin, de Provigo, de Steinberg, de Métro-Richelieu. C'était la première fois que ces gens-là s'assoyaient ensemble. Souventefois, par contre, chacun, individuellement, soulevait des inquiétudes ou des problèmes sur le comportement du voisin. Alors, on les a assis tous ensemble, et, à la fin de la journée, les gens étaient unanimes pour dire que ce type d'exercice était utile.

Dans le domaine du poulet, on a fait un bon bout de chemin. Toute la problématique des périodes de production qui étaient reportées, toute la problématique des primes, ça s'est réglé comment? Ça s'est réglé par des comités comme ceux-là. Notre objectif est très simple, c'est de faire en sorte qu'on soit capables de produire un produit bioalimentaire au Québec qui réponde exactement aux attentes de nos consommateurs et qui nous fasse pénétrer dans de nouveaux marchés. Je ne partage pas votre inquiétude et j'aimerais que vous me donniez des exemples concrets. Vous avez peur de quoi, là-dedans?

M. Blais (Jacques): Bon bien, on a peur de différentes choses. Premièrement, le producteur va être noyauté par un comité, comme ça, bâti par une loi. Il va être obligé d'y aller. Elle n'est pas claire, la loi. C'est très dangereux, parce que ça va être juste un groupe d'intervenants avec trois quatre ou cinq participants. Le plus bel exemple, on le vit actuellement. Les coopératives sont noyautées par trois autres organismes. Je ne veux pas embarquer dans ce conflit-là, mais je vois bien qu'il n'y a personne pour faire la balance du pouvoir. Un conflit coop-Fédération, là, mettons.

M. Pagé: Mais là, on se réfère à une chambre différente. Là, ils ne sont pas encore dedans.

M. Blais (Jacques): Bien, une chambre différente... Une chambre qui peut se faire. On n'a rien contre le fait qu'il y ait des comités. La preuve est que vous en avez fait des comités; mais on n'est pas obligés de l'inscrire dans la loi. On revient encore à notre document. On dit que la loi est trop importante pour former ces groupes-là, qu'ils vont retarder l'évolution des dossiers. Souvent, dans le normal des choses, les dossiers, quand il y a un problème... Si un producteur, avec son plan conjoint, et son office ne sont pas capables de s'entendre, la Régie est là et elle a le pouvoir de régler le problème. Si c'est une usine de transformation ou une chose semblable avec une fédération, un plan conjoint, le rôle de la Régie est de trancher la question. Ou arbitrer, si elle a raison d'arbitrer, pour faire une entente. Mais là, vous allez encore mettre un groupe entre ça, un groupe qu'on ne voit pas dans notre système économique normal. Ça veut dire que c'est encore une autre affaire pour faire traîner nos cultivateurs en attendant que les problèmes se règlent, les engouffrer dans des choses à n'en plus finir. Et nous autres, on n'est pas d'accord là-desssus. Seulement, on est d'accord qu'on fasse appel à des comités, comment est-ce qu'on dirait, quand il y a des problèmes spéciaux.

M. Pagé: Si on regarde le chapitre XII, vous nous dites: Le chapitre XII, enlevez-nous tout ça, on ne veut rien savoir de ça, là. Si on regarde les articles 111 et suivants, il est très clair que c'est sur une base volontaire.

M. Blais (Jacques): C'est une base volontaire, mais il reste que...

M. Pagé: Si les producteurs, dans une production donnée, ne veulent pas participer, on

ne les entrera pas au bout de la baïonnette. C'est très clair, et vous le dites d'ailleurs. Vous dénoncez qu'il y a trop de "peut" dans la loi. Vous dites: la Régie peut, et la Régie peut, et elle peut, peut, peut. Préférez-vous qu'on écrive: Une chambre, les offices, associations ou autres personnes intéressées à la mise en marché d'un produit agricole doivent s'entendre pour demander à la Régie de former une chambre de coordination? Donc, c'est "peuvent s'entendre". Ça veut dire qu'il n'y a aucune obligation. Je suis persuadé, moi, qu'il y a plusieurs fédérations, entre autres dans des secteurs où on est largement dépendant des marchés extérieurs, au Québec... Je suis persuadé que ces gens-là vont être motivés à participer à une telle démarche.

M. Blais (Jacques): Non. Nous autres, on nous dit...

M. Pagé: Bien, de toute façon, ils peuvent. M. Blais (Jacques):... on n'est pas...

M. Pagé: Et vous devriez faire suffisamment confiance aux producteurs pour savoir que s'ils ne veulent pas, ils n'iront pas.

M. Blais (Jacques): Non, mais il reste... Ce n'est pas ça, là. Nous autres, on dit: Qu'ils fassent partie des comités semblables pour développer des marchés d'exportation ou ces choses là, on n'a rien contre ça, mais ce n'est pas obligé d'être dans une loi. Et la loi n'est pas assez encadrée pour dire les pouvoirs que ça va donner. Vous dites même que vous pouvez leur donner des pouvoirs. Ça peut aller dans l'administration des quotas ou autres choses semblables. Selon la loi comme elle est faite là, en n'importe quel temps, vous pouvez le faire, c'est permis. Pour moi, là, c'est bien permis, et vous pouvez le faire du jour au lendemain. Ça fait que nous autres, on dit: Qu'il y ait des comités de formés bénévolement ou en bonne entente pour régler des problèmes, d'accord, mais pas dans la loi. La loi, c'est pour les produits agricoles et le producteur à la base. C'est comme ça qu'on la voit, nous autres. On n'a peut-être pas raison, mais c'est comme ça qu'on la voit.

M. Pagé: oui, mais à l'article 112, le mandat des chambres de coordination et de développement ne se réfère pas, par exemple, à la gestion des quotas.

M. Blais (Jacques): Oui, mais c'est bien vague, vous savez. Tout est permis, à l'intérieur de ça.

M. Pagé: Non. Ça se réfère à une fonction de marketing, une fonction de mise en marché des produits. Étudier, coordonner, proposer des moyens de planifier les conditions de production et de mise en marché du produit visé; rechercher et proposer des moyens d'améliorer la production et la mise en marché du produit visé; préparer, financer ou administrer les programmes de recherche, d'amélioration de la qualité, de promotion, de publicité ou de vente de produits; proposer aux producteurs... Ça ne veut pas dire "imposer aux producteurs, ça. Proposer aux producteurs, aux acheteurs, aux personnes engagées dans la mise en marché ou aux autres intervenants des programmes de formation et des moyens plus efficaces de production et de mise en marché du produit visé; rechercher et développer des débouchés pour le produit visé, etc. La fonction, c'est: mise en marché, commercialisation et développement de marché. Nous, c'est comme ça qu'on l'interprète. Et ça, c'est l'intention du législateur.

M. Blais (Jacques): Vous n'avez pas besoin d'aller bien loin. Le premier article dit: Étudier, coordonner, proposer des moyens de planifier...

M. Pagé: Oui.

M. Blais (Jacques): Bon, des moyens de planifier. Un quota, c'est quoi? C'est un moyen de planifier.

M. Pagé: On se réfère à la production.

M. Blais (Jacques):... les conditions de production et de mise...

M. Pagé: On se réfère à la production. Exemple concret, là... On va se donner des exemples. Dans le poulet - c'est peut-être le plus bel exemple - les producteurs reportaient leur période...

M. Blais (Jacques): Oui.

M. Pagé:... à la fin de l'année. Bon, pas de problème. On décide de reporter. On sait que l'été, c'est plus difficile de produire: il y a plus de dangers, à cause de la chaleur, des maladies, bon, etc. N'importe quel producteur dans une production contingentée aussi importante que celle-là où on a, quoi?, 32 % des quotas au Canada pouvait décider, au début du mois de juillet: Au revoir, mon cow-boy, tu ne l'auras pas, mon poulet, je prends des vacances, je reporte ma période de production, c'est tout, pas plus grave que ça. Pendant ce temps-là, nous autres, au ministère, on s'évertue comme des diables dans l'eau bénite. On a fait des choses positives pour s'assurer que les grandes chaînes, entre autres les chaînes de restauration rapide, achètent du poulet au Québec et le transforment au Québec. En 1985, un très grand volume de poulet était abattu ici et transporté en Ontario. Ça veut dire les jobs en Ontario, la valeur rajoutée en Ontario. Et il nous revenait ici,

préparé, cuit, etc. Et on a établi, ce n'était pas une chambre de concertation, mais c'était à peu près la même chose. On s'est assis avec chacune des grandes chaînes et on a dit: C'est quoi le problème? Dans le poulet, un des problèmes, entre autres, c'était les fameux problèmes de production et de report de production. On s'est assis avec l'industrie, avec la Fédération des producteurs de volaille, et on leur a dit: Écoutez, ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens que, dans la période où il se fait le plus de poulets barbecue au Québec, tout le monde soit assis sur le bord de la piscine et qu'on doive importer du poulet parce qu'on n'en produit pas. Ça n'a pas été facile de faire passer ça.

Mais quand on dit, à l'article 1, coordonner, proposer des moyens de planifier les conditions de production et de mise en marché, c'est ce à quoi on se réfère, purement et simplement, M. Blais. On ne se réfère pas aux quotas.

M. Blais (Jacques): Vous n'avez pas besoin de la chambre pour faire ça. Vous n'avez rien qu'à prendre votre nouvel article 41...

M. Pagé: Oui.

M. Blais (Jacques): ...et quand H y a un problème de mise en marché, vous demandez à votre plan conjoint de s'asseoir avec vous autres, par l'article 41 avec la Régie. Vous vérifiez leur plan conjoint, s'ils font vraiment une mise en marché ordonnée. S'Hs ne la font pas, bien, c'est à la Régie de donner les ordres.

M. Pagé: Nous, on veut un mécanisme plus permanent d'échanges. Nous croyons et, comme ministre, je crois que, globalement, l'économie agro-alimentaire du Québec va sortir gagnante grâce à ces mécanismes permanents où les distributeurs, les grandes chaînes, les transformateurs, les conditionneurs et les producteurs vont être assis autour de la même table. Ça, c'est mon opinion. Je ne vous oblige pas à la partager. Je respecte la vôtre. (16 heures)

M. Blais (Jacques): C'est ça, on ne partage pas...

M. Pagé: Mais nous croyons, et je crois, qu'il est préférable d'établir des mécanismes sur une base permanente que d'établir uniquement des mécanismes en cas de crises.

M. Blais (Jacques): En tout cas, on ne partage pas votre opinion là-dessus. On trouve que c'est très dangereux. Pour nos plans conjoints...

M. Pagé: Bien, M. Blais, si on partageait toujours, vous et moi, la même opinion, probablement que vos membres s'inquiéteraient, ainsi que mes collègues.

M. Blais (Jacques): Ça se peut.

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Quand le gouvernement établit des mécanismes permanents, je suis persuadée que les gens pour lesquels ce mécanisme-là doit être implanté ont tout à fait raison de se poser des questions. Est-ce que ce mécanisme permanent dont le ministre parle va faire en sorte que les producteurs... Quels seront les buts positifs de ce mécanisme-là pour le producteur? Parce que, quand on établit des choses, des lois ou des réglementations, c'est censé être dans le but d'aider les producteurs.

Si j'ai bien compris la réponse de M. Blais, c'est que vous n'êtes pas du tout d'accord pour ajouter une instance de plus, bien établie et bien inscrite dans une loi pour vous encadrer davantage et faire en sorte que ça minimise les mouvements que vous pouvez faire dans le but d'aider les productions. Si j'ai bien compris, c'est ça. Est-ce que c'est bien...

M. Blais (Jacques): C'est bien clair, c'est ça.

Mme Juneau: C'est bien clair que c'est ça. Quand on a un mécanisme permanent, surtout celui qu'on voit là, est-ce que c'est un mécanisme qui aura un pouvoir décisionnel? D'après ce que je lis dans l'article 112, il s'agit simplement de proposer, de recommander et de coordonner. Et il ne me semble pas, pour le moment, en tout cas... J'aimerais peut-être que le ministre puisse préciser. Peut-être que ça nous orienterait de façon différente. Est-ce que ces mécanismes permanents là auront l'obligation, le pouvoir décisionnel de prendre des décisions à la place du ministre, ou quoi?

M. Pagé: Très brièvement, Mme la députée. Si les chambres de coordination et de développement avaient des pouvoirs réglementaires d'imposer, d'établir, de fixer, elles prendraient la place des offices. Elles prendraient la place de l'Office des producteurs de bois, elles prendraient la place de la Fédération des producteurs de volaille.

Mme Juneau: Mais quand on met un mécanisme comme celui-là...

M. Pagé: C'est un mécanisme de concertation de l'industrie.

Mme Juneau: Oui, je suis d'accord, mais...

M. Pagé: Pour que les gens voient au-delà de leur intérêt immédiat, qui est très bien défendu, selon moi, dans le cadre des mécanismes des offices, avec des réglementations, des

cotisations, etc.

Mme Juneau: Alors, je reprends ce que vous venez de dire. Pourquoi ajouter un mécanisme de plus, s'ils sont très bien représentés, comme vous le dites?

M. Pagé: Ah bien! c'est parce que ce ne sont pas les mêmes choses, madame. Ce ne sont pas les mêmes choses. Un office, une fédération a comme mandat de négocier, de représenter, de défendre les intérêts de ses membres. Mais ce n'est pas seulement ça, le secteur bioalimentaire au Québec. Il faut que ces gens aussi... Je donnais l'exemple du poulet, tantôt.

Mme Juneau: Oui, je sais, j'ai bien compris.

M. Pagé: II faut que les gens acceptent de s'asseoir avec d'autres intervenants. Puis les producteurs sont les premiers à en bénéficier N'allez pas croire que les rencontres qu'on a entre les grandes chaînes et les fédérations de producteurs, ce n'est pas au bénéfice des producteurs, ça. C'est au bénéfice des producteurs qu'on fait ça, pour être certains qu'on ait davantage de produits québécois qui sont sur nos tablettes, qui sont dans nos comptoirs, dans nos frigidaires, etc. Même chose pour les produits marins.

Mme Juneau: En tout cas, ce qu'on sent très bien, c'est que les gens de Sherbrooke sont inquiets par rapport...

M. Pagé: Les gens de Sherbrooke sont régulièrement inquiets.

Mme Juneau: C'est bien, ça, M. le ministre. C'est bien, ça...

M. Pagé: Je n'ai rien contre ça.

Mme Juneau: C'est parce qu'ils surveillent leurs affaires, puis ils font bien.

M. Pagé: Jacques le sait, puis je le lui dis souvent.

Mme Juneau: Ils font bien de surveiller leurs affaires, à part de ça. Je voudrais demander... Dans votre mémoire, vous mettez l'accent sur le rôle et les pouvoirs de la Régie. Vous souhaitez que ces pouvoirs soient plus grands. Est-ce que vous considérez que, dans le passé, la Régie ne disposait pas de moyens pour faire appliquer la loi? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire, dans votre mémoire?

M. Blais (Jacques): Pour commencer, on va répondre à la première question. On a eu une consultation avec un avocat, là, si on parie de l'affaire de la chambre.

Mme Juneau: Oui.

M. Blais (Jacques): C'est une raison de plus qui explique qu'on est si préparés à faire la lutte là-dessus. On dit que c'est un moyen de trop dans nos jambes. On se limite toujours à ça, et on n'est pas contre des rencontres.

Une voix:... À la page 7...

M. Blais (Jacques): C'est clair pour nous autres. La page 7 l'explique clairement. Maintenant, pour la Régie, oui, on demande plus de pouvoir, parce qu'on a des preuves à l'appui que la Régie a fonctionné selon la majorité de producteurs, mais que, souvent elle agit, on pourrait dire de façon non légale, en ce qui concerne certains dossiers. On demande qu'avant de vérifier des dossiers, la Régie, ne décide pas selon une majorité dans une fédération, mais selon le principe de la loi et de notre constitution canadienne. C'est pour ça qu'on veut qu'elle ait plus de pouvoirs.

M. Pagé: M. le Président, vous comprendrez que je n'ai pas... Il serait non avenu, à ce moment-ci, que je me réfère devant cette Chambre à des litiges qui opposent votre Fédération avec la Fédération des producteurs de lait, dans le cadre de poursuites qui sont actuellement devant les tribunaux. Ça, ça serait contre l'éthique.

M. Blais (Jacques): Non, ce n'est pas une poursuite particulière. Il y a plusieurs dossiers - on pourrait en sortir - dans lesquels la Régie, en tant que tribunal, est supposée trancher selon les lois du pays. Là, c'est de même que je peux dire ça. Et elle a tranché selon une majorité de producteurs. On a des dossiers, c'est clair.

Le Président (M. Richard): Alors, M. le député de Jonquière, qui est vice-président de la commission, vous avez la parole.

M. Dufour: Oui, M. le Président, j'aimerais peut-être savoir au départ si tous les points que vous n'avez pas soulevés dans votre mémoire... Si vous êtes d'accord avec le mémoire de l'UPA qu'ils vous ont présenté ce matin. Parce qu'il y a des articles, là, en tout cas, que je considère fondamentaux, comme l'article 2. L'UPA, la Confédération dit: Nous autres, on veut que ça soit enlevé. Vous autres, est-ce que vous avez... Doit-on s'en tenir juste sur les points que vous soulevez et que, pour tous les autres, vous êtes d'accord, ou bien si...

M. Blais (Jacques): Bon, si vous voulez parlez de l'article 2, si vous voulez savoir notre façon de voir les choses, l'article 2, les coopératives, le problème majeur là-dedans, c'est que la

loi n'est pas assez claire pour établir les rôles de chacun. Et les rôles de chacun... L'article 2 peut rester dans la loi, mais il faudrait que ça soit éclairci pour que chaque rôle soit spécifié. Mais, on le dit dans notre mémoire, la transformation du produit, la commercialisation, ce n'est pas le rôle des plans conjoints. Ça veut dire que c'est le rôle des coops et des entreprises indépendantes. Ce n'est pas le rôle des plans conjoints, le commerce et le transport, ces choses-là.

M. Dufour: J'aurais peut-être voulu, M. le Président, au départ, excuser mon collègue, M. Baril, porte-parole de la formation, qui avait déjà pris des engagements, mais qui va venir nous rejoindre. Je ne sais pas s'H pourra, au cours de cette séance... Il va sûrement venir au cours de la séance; je ne sais pas à quelle heure exactement, et j'espère que vous ne lui en tiendrez pas rigueur.

Quant à l'article des champs de coordination et de développement, d'une part, moi, je serais porté à croire que votre point de vue, à l'effet qu'elle n'a pas de pouvoirs précis... Ça me semble réel, en tout cas, si on regarde le libellé des articles. Le ministre y tient beaucoup. Ça fait que, si c'était un pouvoir moral qu'on veut exercer, ou un pouvoir réel, ça, je pense que c'est là toute la question. Si on regarde dans les différents articles, il y a des endroits où on dit: Chaque partie constituant la chambre doit avoir un membre représentant ou elle doit payer, suivre les règles du jeu qui sont tracées. Dans votre groupe à vous autres, c'est quoi l'inconvénient de... En supposant que cet article-là demeure tel quel, et que vous ne voulez pas en faire partie. C'est quoi qui vous chicote par rapport à ce qui est écrit là?

M. Blais (Jacques): C'est très dangereux, parce que ça fait une porte de sortie pour que le gouvernement... À un moment donné, il y a un problème: au lieu de l'envoyer à la Régie, il va l'envoyer à la chambre. Et on dit qu'il y a trop de problèmes pour que ça se règle assez vite. Ce sont toutes des choses pour faire traîner les dossiers, pour ne pas faire évoluer les dossiers. Mais, s'il y a un problème majeur - on revient encore là-dessus - et que le gouvernement, avec les intervenants, forme un comité pour faire évoluer le dossier, on est d'accord là-dessus. Un autre point dangereux: si vous mettez une chambre permanente, vous mettez une chose qui s'endort, comme on dirait, ce qui fait que les vrais problèmes ne se règlent pas à mesure. Mais quand il y a un problème majeur, si vous formez un comité spécial, là, le comité va être assis sur le vrai problème puis il va le faire évoluer, il va le faire avancer.

M. Dufour Donc, vous êtes, si je comprends bien, avec ou sans... Tel quel ou avec des pouvoirs réels, vous vous opposez carrément.

M. Blais (Jacques): On n'aime mieux pas avoir ce...

M. Dufour: Est-ce que c'est clair?

M. Blais (Jacques): ...gréement-là dans nos jambes.

M. Dufour: Ha, ha, ha!

M. Blais (Jacques): On pense que le gouvernement a assez de pouvoirs ou de moyens pour faire évoluer les dossiers sans avoir ces gréements-là, je pense que c'est le mot, parce que...

M. Dufour: Oui, oui.

M. Blais (Jacques): ...souvent, nos producteurs vont être pris pour aller rencontrer dans cette chambre-là et ça va plutôt être un comité, je m'excuse, un genre de chambre de "comitos", et, à un moment donné, ça ne fait pas évoluer les choses.

M. Dufour: Le ministre était bien fier de ça, ce matin. Je ne sais pas... Il va comprendre que là, vous appelez ça un gréement. C'est un gréement, ça. Il ne faudrait pas qu'il s'agrémente avec ça. Ha, ha, ha! Je pense qu'en tout cas, votre point de vue est clair. Je ne poserai pas d'autres questions par rapport à ça.

Vous parlez de l'article 6. Vous faites référence à l'affaire des six et le siège de la Régie. C'est quoi l'affaire des six? En tout cas, je vous avoue humblement que je ne sais pas ce que ça veut dire.

M. Blais (Jacques): Je pense que vous êtes probablement un des seuls au Québec.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour: Oui, ça peut arriver. Je veux dire, c'est justement un avantage qu'on a. Quand on ne vient pas d'un milieu, l'avantage qu'on a, c'est qu'on écoute beaucoup plus.

M. Blais (Jacques): Non, mais il s'agit des six producteurs qui ont décidé d'aller vérifier des règlements de la Fédération des producteurs de lait en Cour supérieure. On est allés à la Cour supérieure. Sur le premier item, on ne nous a pas donné raison; alors, on est rendus en Cour d'appel. Ça fait que là, après qu'on a été en Cour supérieure, le jugement nous a donné, en Cour d'appel, qu'il y avait lieu de faire le procès, qui est dans Sherbrooke. Ça veut dire qu'on veut que la Régie, sur demande de producteurs, puisse se rendre dans les régions, partout en province.

M. Dufour: Ç'a un lien avec le siège social, en autant que cette Régie-là a des pouvoirs de pouvoir se prononcer sur des questions.

M. Blais (Jacques): Non, c'est... M. Dufour: Non?

M. Blais (Jacques): C'est un peu une bébelle. Par exemple...

M. Dufour: Un autre gréement. Ha, ha, ha!

M. Blais (Jacques):... un producteur de la Gaspésie a un problème majeur et il veut aller à la Régie. Pour lui, se transporter avec quelques personnes, c'est un coût abominable. Mais il reste que la Régie, elle, se doit de se transporter en Gaspésie, de se déplacer. Ça existe au niveau des lois provinciales. Mais là, ce n'était pas clair, et on leur demande d'éclaircir ça.

M. Dufour: À la page 3 de votre mémoire, vous nous dites: "Nous ne sommes pas d'accord de mettre une trop grande importance auprès des autres intervenants... "

M. Pagé: Je soulève pour le bénéfice de mon collègue...

M. Dufour: Oui.

M. Pagé:... pour le bénéfice de la discussion, on demande que la Régie puisse siéger à l'extérieur de Québec ou de Montréal. Ça se fait actuellement.

M. Dufour: Je pense qu'il n'y a pas beaucoup d'organismes qui n'ont pas ce pouvoir-là.

M. Blais (Jacques): Non, ce n'est pas un problème majeur, mais on voudrait que ce soit plus clair. En tout cas, c'est pour donner aux producteurs confiance à nos lois.

Une voix: On peut poursuivre de la même façon.

M. Dufour: Comme la Commission de police.

M. Pagé: Mais oui, mais on va continuer comme ça. On va aller vous voir à Sherbrooke. On est bien reçus.

Mme Juneau: C'est bien ça.

M. Pagé: ce n'est pas plus grave que ça. et là, on va être plus sujet à aller en gaspésie. écoutez là, avec l'ajout des produits marins dans le cadre de la loi...

M. Dufour: II ne faudrait pas que le mi- nistre prenne trop de notre temps.

M. Pagé: Pas de problème. C'est réglé.

M. Dufour: II ne faudrait pas que le ministre prenne trop de notre temps. On est très compréhensif. On a laissé passer ses 10 minutes.

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. le vice-président.

M. Pagé: C'est pour vous éclairer, M. le député.

M. Dufour: À la page 3, vous parlez de représentations. Vous dites: "Nous ne sommes pas d'accord de mettre une trop grande importance auprès des autres intervenants et nous vous donnons comme exemple: Est-ce que nous avons notre mot à dire - et là, vous avez une nomenclature de certains ordres, les agronomes, le Collège des médecins - lorsqu'ils prennent une décision qui nous touche nous, à titre de consommateurs?" Est-ce que vous vous considérez comme des consommateurs ou comme des producteurs par rapport à ce que vous nous dites là?

M. Blais (Jacques): Pour nous autres, la loi sur la mise en marché, c'est une loi pour les producteurs. C'est le pendant de la loi sur les syndicats pour les travailleurs. Pour nous autres, c'est ça, en tout cas. On n'a peut-être pas raison. Ça veut dire qu'un syndicat, quand il demande d'être accrédité, quand il est accrédité par le gouvernement, celui-ci ne vérifie pas toute la bébelle qu'il y a alentour, si on parle de son employeur, si on parle de son marché, si on parle de toutes ces choses-là. Il vérifie quoi? Il vérifie si le syndicat fonctionne selon les normes du travail. Nous, ce qu'on espère, c'est que, lorsqu'un plan conjoint se met en place et que des producteurs demandent d'être accrédités comme plan conjoint, le gouvernement vérifie si c'est selon les normes de la loi. Les autres, pour nous autres, ça passe en deuxième lieu.

M. Dufour: Les article 39 et 106, on a eu ce matin des représentations de la Confédération de l'UPA qui demandait carrément d'abolir ces articles-là, question de conflit d'intérêts dans un, en tout cas. Je pense bien que c'était ça. Vous autres, ça ne vous dérange pas du tout, ça? (16 h 15)

M. Blais (Jacques): Nous autres, cet article-là, c'est bien simple, on revient encore avec notre idée première. Un plan conjoint, c'est pour faire de la mise en marché de la production. Quand les producteurs paient une contribution, c'est pour l'ensemble des producteurs, et tu n'as pas le droit de te servir d'une contribution pour faire fonctionner des commerces de transformation ou autres, pour un groupe, même un petit groupe. Parce que les transformateurs et les

commerces, ce sont les coopératives qui peuvent faire ça, des individus. Mais on n'a rien contre les producteurs qui s'organisent avec tous ces moyens pour se faire des usines de transformation, des transports, des choses semblables. Seulement qu'il n'y aillent pas avec les contributions du plan conjoint. Pour nous autres, c'est clair, ce sont deux articles. On encourage les producteurs qui veulent s'en faire des usines de transformation, du camionnage ou des choses semblables. On n'a rien contre ça. Mais on ne veut pas que ce soient les contributions du plan conjoint qui servent à ça

M. Dufour est-ce que vous avez, à part de votre propre fédération, votre propre syndicat ou organisme, des sons de cloche d'autres corporations, d'autres groupes qui pensent comme vous, par rapport à ça?

M. Blais (Jacques): II y en a à l'intérieur de l'UPA. Mais de groupes, je ne peux pas vous dire. Nous autres, on a travaillé au niveau régional. Mais on sait qu'H y en a qui ont bien peur de ça, parce que ça mêle les cartes. On peut vous sortir des dossiers qui sont rendus vraiment creux par rapport à ces choses.

M. Dufour: Mais la question que j'aurais le goût de me poser et de vous poser en même temps, c'est par rapport à la crainte que vous exprimez. Je dis, dans un groupe, il y a un certain nombre d'irritants. Quand on pose un diagnostic, on pose une loi, i y a des gens qui disent: Je n'aime pas cette partie-là, mais, en gros, je peux vivre avec. Dans votre cas, vous semblez avoir une réticence très marquée par rapport à un pouvoir qui est accordé dans ce projet de loi. Nous, ce qu'on essaye de savoir, c'est: Est-ce que ça a vraiment une force importante par rapport à ça, si se sont juste des questions que vous nous posez, ou si vous êtes radicalement contre, point, pour cet article?

M. Blais (Jacques): Nous autres, on veut être radicalement contre, parce qu'on veut clarifier la situation, pour ne pas donner la chance à des gens d'avoir des idées que j'appelle farfelues. Je reviens encore à ma case de départ. Un syndicat n'a pas le droit de "runner" des commerces n'importe où avec l'argent de ses syndiqués. Ça fait que c'est pareil, là. Le plan conjoint, qui est un syndicat, n'a pas le droit de se servir des contributions des producteurs pour faire du commerce.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député de Jonquière. M. le ministre.

M. Pagé: Très brièvement, parce que je crois comprendre que le temps est écoulé, M. le Président, ou sur le point de l'être. Il y a des dispositions dans le projet de loi dans lesquelles le gouvernement fait part de son intention de ne plus autoriser de quotas détenus par des personnes autres que les producteurs. Vous dites: Tout ça, ça dort être rétroactif. Vous semblez peu soucieux des droits acquis, je pense, et des gens qui ont des droits. On s'est déjà rencontrés dans un dossier très particulier: celui des oeufs. Je pense que ce n'est pas briser de secrets que la Fédération régionale de Sherbrooke n'était pas d'accord, mais pas du tout d'accord avec Fedco, fa Fédération, dans fa gestion des quotas, et plus particulièrement des quotas alloués. Vous ne vous entendiez pas. Par contre, vous étiez unanimes à vous retourner de bord et à dire: La solution ne peut probablement pas venir de nous, mais c'est de la faute du ministre. Pagé, règle-nous ça. Je vous avais lancé une proposition sur la table, à ce moment-là, de rachat de ces quotas. Ni l'un ni l'autre n'est revenu me voir. Est-ce que je dois présumer que vous allez venir me voir bientôt?

M. Blais (Jacques): Premièrement, le droit acquis. Pour nous autres, ce n'est pas un droit acquis, parce qu'il n'a même pas le droit de l'avoir. C'est pareil, comme moi, comme producteur agricole, je ne peux pas avoir le droit d'être professeur d'école. Je n'ai pas de permis d'être professeur d'école si je n'ai pas suivi mon cours.

M. Pagé: Si vous avez déjà été professeur d'école...

M. Blais (Jacques): Si j'ai déjà été professeur d'école...

M. Pagé: Avec un permis, oui.

M. Blais (Jacques): Si je me retire comme professeur, je ne peux pas exploiter, le professeur qui va prendre ma place. Je ne peux pas l'exploiter c'est impossible. Vous, vous n'êtes pas capable de... M. Garon n'est pas capable d'exploiter la moitié de votre revenu parce que vous êtes son successseur. Ça va plus loin que ça: la personne qui a des quotas actuellement...

M. Pagé: Moi, mon siège, je ne l'ai pas loué de Garon.

M. Blais (Jacques): Oui, mais ça va plus loin que ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: C'est vous autres qui me lavez donné.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais (Jacques): La personne qui a les

quotas est en dehors de la production. C'est aussi aberrant, comme on dirait, que quand on parle de libre-échange ou des ententes du GATT qui veulent essayer d'entrer dans nos marchés à 10%, 15 %, 20 %. On sent ça un peu, mais quand les Américains vont rentrer dans nos marchés, ils vont rentrer, un point, c'est tout. Ils vont être obligés de rentrer dans le marché. Mais là ce n'est pas ça, c'est que le pouvoir appartiendrait aux Américains, puis, nous, petits producteurs québécois, nous serions obligés de payer aux Américains un droit de venir faire du produit chez nous, parce que la loi est bien pour le producteur agricole, pas pour le...

M. Pagé: D'ailleurs, c'est pour ça que, dans la loi, on le dit que, l'intention du gouvernement, c'est que les quotas soient détenus par les producteurs, sauf que, dans le passé, on a eu à vivre avec une situation. S'il y a des locateurs, des gens ou des entreprises qui louent des quotas, c'est parce qu'il y a des gens qui acceptent de les louer.

M. Blais (Jacques): Ils n'ont pas le choix de vivre avec.

M. Pagé: S'il y a des locateurs, c'est parce qu'il y a des locataires.

M. Blais (Jacques): Oui, mais ils n'ont pas le choix de vivre avec, parce qu'ils ne peuvent pas acheter de quotas. Ça a fait une surenchère de quotas, et ils sont pris dans ces mains-là. Ils n'ont pas le choix.

M. Pagé: M. Blais!

M. Blais (Jacques): Vous le savez...

M. Pagé: Ah oui! Vous savez, vous savez! Vous deviez vous asseoir avec la Fedco. Assoyez-vous donc et venez nous voir.

M. Blais (Jacques): Nous autres, on a fait des téléphones a votre bureau et on n'a pas eu de réponse. On avait espérance...

M. Pagé: Ce ne sont pas les téléphones au bureau qui sont importants, c'est que vous arriviez avec une solution commune.

M. Blais (Jacques): Des solutions communes, on en a. Il s'agit qu'il y ait des gens qui veulent s'asseoir, puis on va en discuter.

M. Pagé: On s'assoira.

M. Blais (Jacques): Des solutions, ce n'est pas ça qui manque.

M. Pagé: Dans cette loi, on indique très clairement la volonté du gouvernement du Québec de mettre en place des mécanismes de règlement de ce fameux problème qui n'est pas né d'hier, vous en conviendrez, de location de quotas et de quotas qui sont détenus par des entreprises qui, somme toute, ne sont pas des producteurs.

M. Blais (jacques): vous savez qu'on est dans le même sens d'idées. vous savez même qu'on a fait passer une résolution au congrès provincial de l'upa vous demandant de faire une politique là-dessus. quand vous ferez votre politique, on est prêts à s'asseoir et à travailler avec vous pour faire la politique.

M. Pagé: Je dois d'ailleurs recevoir bientôt l'Union des producteurs agricoles pour la présentation officielle au ministre, comme ça se fait régulièrement en avril et mai généralement, de chacune des résolutions adoptées.

M. Blais (Jacques): C'est clair.

M. Pagé: Merci de votre visite.

M. Blais (Jacques): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Richard): Avez-vous un message de remerciement, M. le député de Jonquière?

M. Dufour: J'aurais eu d'autres questions à poser. Je trouve que c'est intéressant, parce que je pense que, dans un monde où tout le monde..

M. Pagé: L'école, c'est intéressant.

M. Dufour: ...veut être dans le même moule, puis qu'il y en a qui sont un peu différents, je trouve que c'est le "fun". c'est intéressant à écouter.

M. Pagé: Très bien, hein? Bon! Dynamique. Le Président (M. Richard): Merci.

M. Dufour: Ce n'est jamais si blanc ou si noir que ça paraît. Des fois il y a des coins gris, des zones grises. La poulette grise, comme on dit. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs, de la présentation de votre mémoire.

Je demanderais que les gens représentant l'Association des éleveurs de moutons des Cantons de l'Est prennent place, s'il vous plaît.

Messieurs, vous connaissez la mécanique. Vous étiez là tout à l'heure, alors vous avez la parole. Vous vous présentez et vous présentez les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît, pour la présentation de votre mémoire. Vous avez la parole.

Association des éleveurs de moutons des Cantons de l'Est

M. Caklwell (Gary): Merci, M. le Président. Je me présente. Mon nom est Gary Caldwell. Je suis président du comité de mise en marché de l'Association des éleveurs de moutons des Cantons de l'Est. Les deux autres membres du comité de mise en marché sont ici: M. André Desroches et M. Robert Laberge.

On va commencer avec une introduction de notre Association par M. Desroches. Après un petit retour historique par M. Laberge, M. Desroches va finir la présentation de notre mémoire et je vais faire une petite synthèse à la fin.

M. Desroches (André): Ce mémoire est présenté par l'Association des éleveurs de moutons des Cantons de l'Est, corps politique légalement constitué en vertu de la Loi sur les syndicats professionnels du Québec. Cette Association a été fondée en 1915 et compte plus de 50 membres en règle. Elle est de ce fait non seulement le plus ancien mais aussi le plus important syndicat d'éleveurs de moutons au Québec. De plus, elle représente la majorité des éleveurs de moutons des Cantons-de-TEst, qui, soit dit en passant, est la deuxième région en importance relativement à la production ovine de la province. Ses activités sont financées par ses membres. Son bilan ne montre aucun déficit, bien qu'elle ne reçoive aucune subvention de qui que ce soit. L'Association est non affiliée à l'UPA, et la liste de ses membres est disponible. Enfin, l'Association possède son propre comité de mise en marché, composé de M. Gary Caldwell, Robert Laberge et André Desroches. Ces trois éleveurs ont la responsabilité de présenter et de défendre le présent document pour le compte de l'Association. Je vais passer par-dessus les définitions, si vous le permettez.

La plupart des membres de l'Association étaient des éleveurs de moutons bien avant la création des syndicats régionaux et de la Fédération affiliée à l'UPA. Ils ont toujours été reconnus pour la haute qualité de leur production et pour la régularité avec laquelle ils mettent leurs agneaux en marché et pour leur fiabilité personnelle. Aussi s'est-il créé, au cours des années, des relations entre éleveurs et acheteurs qui existent depuis plus de 20 ans dans certains cas. La mise en marché des agneaux de lait était simple, non coûteuse, satisfaisante pour tous les partis. Elle s'effectuait à la ferme. L'acheteur voyait ce qu'il achetait et payait sur-le-champ le montant convenu. Le procédé ne comportait ni contrainte ni coercition. Les agneaux lourds, qui sont peu appréciés par les différents groupes ethniques, étaient vendus à la ferme à la clientèle locale pour la plupart. Certaines boucheries, auberges et restaurants étaient donc en mesure d'offrir l'agneau régional aux clients qui en faisaient la demande. Avec la venue du plan conjoint, et surtout la mise en place de l'agence de vente et l'utilisation obligatoire de l'enchère électronique approuvée par la Régie, tout cela est terminé.

M. Laberge (Robert): Pour nous aider à planifier un nouveau système de loi, H serait peut-être utile de repasser l'expérience vécue par les éleveurs de moutons dans les huit dernières années. En fait, les producteurs, presque unanimement, se sont donné un plan conjoint en 1982. La Fédération avait le droit de prélever 1 $ la tête, et ceci était vite gobé par ses frais d'administration. En 1985, elle avait un endettement d'environ 100 000 $. Elle était en tutelle totale de la Confédération, et, encore en 1985, il n'y avait eu aucune mise en marché de faite. À cette date, la Régie accepte une demande pour 1 $ supplémentaire, supposément pour faire de la mise en marché, quoique le directeur de la mise en marché de l'UPA avait admis que ça leur prenait 3,25 $ simplement pour rencontrer leurs frais d'administration. En 1989, à coûts de subsides imposants de part et d'autre, elle se monte une enchère électronique à l'automne 1989, supposément pour sauver l'industrie. Le bilan actuel, nous payons maintenant 3 $ de prélevés pour vendre nos agneaux. On est pris avec une enchère qui est un désastre, une grande partie des éleveurs vendent leurs agneaux d'une façon illégale, tous les systèmes d'écoulement d'agneaux sont bouleversés, la tutelle continue en dépit de démarches constantes et insistantes auprès de la Régie. Ça c'est l'expérience qu'on a vécue depuis huit ans.

M. Caldwell: C'est à peu près l'historique. Il n'était pas dans le texte. J'aurais dû vous le dire à l'avance.

M. Desroches: D'accord. Alors, je reprends la lecture du mémoire à la page 4. Ce qui amène l'Association à exposer son point de vue et à apporter ses commentaires et suggestions dans le cadre de l'étude de la loi 15 fait suite de l'expérience de trois présences devant la Régie: une première fois pour s'opposer à la hausse du prélevé de 1 $ à 2 $ par ovin mis en marché; une deuxième fois, pour tenter de faire comprendre à la Régie que le projet de vente avec enchère électronique obligatoire, tel que conçu et présenté, n'avait guère de chances de fonctionner; enfin, une troisième fois, pour en appeler de la décision concernant l'acceptation de l'agence de vente présentée par la Fédération. (16 h 30)

Dans les trois cas, les décisions rendues par la Régie ont été décevantes. Les régisseurs n'avaient d'oreilles que pour un office de producteurs qui, en cinq ans, avait accumulé un déficit de 100 000 $, avait été placé en tutelle et

qui, sur un budget annuel de 100 000 $ environ, ne parvenait même pas, année après année, à dépenser les 2000 $ prévus pour la mise en marché.

Les producteurs d'ovins ont été contraints de verser 2 $ par ovin qu'ils mettaient eux-mêmes en marché à un office qui n'avait même pas l'intention de faire une étude de mise en marché. Mais pis encore, on les contraint, maintenant, à utiliser une enchère électronique qui suscite beaucoup de déceptions et de frustrations, d'autant plus que l'on ne voit aucune solution prochaine aux problèmes que ce système engendre. Pour sauver les meubles, de plus en plus d'éleveurs passent à côté de l'enchère électronique, mais pour forcer les éleveurs à passer par l'inacceptable, on incite le ministre de l'Agriculture à changer les règles de l'assurance-stabilisation.

D'abord, les membres de l'Association tiennent à exprimer leur accord le plus entier sur les points suivants du projet de loi 15: la séparation des assemblées du plan conjoint et des assemblées syndicales; la tenue d'une comptabilité distincte pour le plan conjoint; la tenue d'assemblées du plan conjoint où seuls les délégués du plan conjoint ont droit de vote; la défense, pour les administrateurs d'un plan conjoint, de faire du commerce; et - on a rajouté ceci -l'obligation, pour les offices, de paraître devant la Régie tous les cinq ans. Ils tiennent à féliciter le législateur pour ces améliorations apportées à la loi et le ministre pour avoir fait preuve d'autonomie de jugement. Seulement, ils souhaiteraient, pour que tout ceci ne demeure pas au niveau des bonnes intentions, qu'il soit dûment précisé la prédominance des textes de la future loi sur le règlement des plans conjoints qui sont contraires à la loi, ce qui amène l'Association à s'interroger sur le rôle de la Régie dans le cadre du projet de loi.

Dans la présente loi, le rôle de la Régie est fort imprécis. S'agit-il d'un tribunal qui veille à l'application de la loi ou d'un simple organisme qui fait de la mise en marché par personnes interposées, les offices de producteurs en l'occurrence, avec lesquels, d'ailleurs, elle entretient des relations harmonieuses et bienveillantes? À l'article 186 du présent projet de loi, on peut lire que c'est le ministre qui veille à l'application de la loi. Or, tout le monde sait que l'honorable ministre est une personne qui n'est pas à la portée de tout le monde. C'est un personnage lointain, difficile à atteindre, qui a des choses plus importantes à s'occuper que les frasques d'un office de producteurs qui se moque éperdument de la loi.

M. Pagé: Le lointain personnage, je pense que c'est vous.

M. Desroches: Oh! que si, vous n'êtes pas facile à rejoindre, M. le ministre.

M. Pagé: Ma femme dit ça des fois aussi.

M. Desroches: A-ton refilé cette tâche au ministre parce que les régisseurs ne se sentent pas de taille à remettre leurs bons amis dans le droit chemin, celui de la légalité? N'y a-t-il pas de place à plus de précisions en ce qui concerne l'application de la loi? Est-ce que la situation s'est détériorée au point qu'il faille maintenant en appeler à l'autorité du ministre pour faire appliquer cette loi? Pour des raisons incompréhensibles, l'actuel projet de loi persiste à accorder à un office de producteurs tous les pouvoirs ou presque sans lui imposer, en contrepartie, les responsabilités ou les obligations dont il ne peut s'éviter.

Alors que la loi prévoit des pénalités pour le simple producteur insoumis, qui ne se plie pas de bon gré aux diktats de son office, elle ne prévoit rien pour un office qui fait du syndicalisme au lieu de faire de la mise en marché. Un producteur ne peut rien, mais doit tout; son office peut tout, mais ne doit rien. Est-il normal, dans une société dite évoluée, qu'une telle situation persiste et semble devoir persister?

Aussi, ne faut-il pas se surprendre du caractère abusif et de l'attitude arrogante dont font preuve certains administrateurs de plans conjoints. Ils comprennent rapidement l'étendue de leurs pouvoirs et de leur non-responsabilité.

Le législateur rate ainsi une belle chance de les obliger, par un texte de loi, à faire ce pourquoi ils ont été formés, soit de la mise en marché. En cas d'omission de ce faire, la Régie serait dans l'obligation de révoquer le plan conjoint de façon harmonieuse et bienveillante, cela va sans dire. Le législateur doit se rendre compte qu'il doit mettre fin à une situation qui mène à bien des abus. Un office qui fait fi de la loi devrait être pénalisé au même titre que n'importe quel producteur. La loi, c'est la loi. Et la loi c'est pour tout le monde. Dans l'état actuel des choses, il n'est donc pas surprenant de voir certains offices de producteurs fonctionner de façon tout à fait illégale et même désobéir aux requêtes de la Régie. Il n'y a aucune pénalité prévue au niveau de la loi, pourquoi s'en faire?

Ça aura pris cinq ans d'efforts pour les membres de notre Association pourtant producteurs visés par le plan conjoint, à se faire convoquer et admettre aux assemblées régionales et générales de leur office de producteurs. Malgré des demandes répétées de la part de la Régie, la Fédération refuse toujours de rendre la liste des producteurs visés par le plan conjoint disponible pour fins de contrôle. Est-ce qu'il faut remonter jusqu'au ministre chaque fois que les administrateurs d'un plan conjoint s'entêtent, pour des raisons obscures, à défier à la fois la Régie et la loi?

En fait, lorsqu'on y réfléchit quelque peu, les raisons qui motivent la Fédération à garder

secrète la liste des producteurs visés par le plan conjoint ne sont pas si obscures que cela. Contrairement à ce qu'elle prétend, la Fédération ne représente pas et même est loin de représenter la majorité des éleveurs de moutons du Québec. Actuellement, la Fédération ne compte plus que neuf syndicats régionaux. Certains d'entre eux n'ont même plus suffisamment de membres en règle pour pouvoir exister légalement. Mais soyons généreux et accordons les 15 membres que la Loi sur les syndicats professionnels du Québec exige comme minimum. Le total des membres ne dépasse pas 135. Soyons encore exagérément généreux et accordons 200 membres à la Fédération. On se trouve encore loin du compte, car, sauf erreur, il y a 600 producteurs visés par le plan conjoint des producteurs d'ovins. Et la présence de ces éleveurs aux réunions générales serait très menaçante pour le petit groupe qui s'appuie sur la formidable organisation de l'UPA pour imposer ses quatre volontés. Beaucoup d'éleveurs diront qu'il est inutile de faire partie d'un syndicat régional, car les délégués ne sont pas tenus de voter selon les mandats reçus de la base, à une réunion générale annuelle, en vertu de la façon de procéder de l'UPA. Ne serait-il pas plus simple que le législateur s'attaque immédiatement au problème en proposant des articles de loi qui répondent adéquatement à ces situations qui perdurent depuis trop longtemps.

Nous remercions les membres de la commission parlementaire d'avoir bien voulu nous recevoir et nous entendre, et nous les assurons de notre entière collaboration.

M. CakJwell: Je termine avec une petite synthèse. Ce qui nous préoccupe, dans le projet de loi, c'est que nous n'avons pas encore la façon de contrôler, en tant que producteurs, notre plan conjoint, pas d'élection d'administrateurs. La comptabilité distincte, c'était dans l'ancienne loi, mais ce n'était pas appliqué. On est inquiets d'un certain manque de représentativité, on n'a pas accès aux listes des producteurs pour des élections, l'office ne veut pas nous les donner. Il y a toute la question du contrôle des délégués. L'office a dit que les délégués ne sont pas tenus de voter selon les élections en région et les assemblées, c'est pareil. Ça, c'est un progrès.

La confusion sur le rôle de la Régie, est-ce que c'est un instrument qui est lié à l'application de la loi ou est-ce que c'est un organisme qui fait la mise en marché par délégation et son incapacité, selon nous, de tenir en respect l'UPA? Le processus d'appel, dans le passé, il fallait aller en appel contre la Régie elle-même, après ça, on pouvait avoir appel au Conseil privé, ça s'est avéré, pour nous, un processus très peu gratifiant, on a eu une réponse du Conseil exécutif, dix mois après, dans un paragraphe.

Finalement, on demande la protection de la loi. C'est pour ça qu'on a profité de cette occasion, de l'Assemblée nationale, en commission parlementaire. On cherche la protection de la loi en tant que producteurs contre les abus de pouvoir de l'UPA et même, en fin de compte, le ministère qui essaie maintenant de nous imposer une enchère électronique avec l'UPA. C'est tout.

Le Président (M. Richard): Merci, Messieurs. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je tiens à saluer ces bonnes gens de l'Association des éleveurs de moutons des Cantons de l'Est, qui viennent nous rencontrer aujourd'hui, qui nous font part de leurs inquiétudes, de leur position et, entre guillements, aussi d'un certain niveau tout au moins de frustration, qui est exprimé ici. Je ne doute pas que votre Association, qui a été fondée en 1915, constitue un élément très intéressant pour vos membres d'échanges au niveau de la formation, au niveau des connaissances. Je ne doute pas, non plus, que vous soyez une bonne équipe de producteurs. Quel est le nombre moyen de moutons ou d'agneaux mis en marché par vos membres, par année? Première question.

M. CaWwell: Nous représentons deux tiers des moutons, des agneaux mis en marché, mais je vais laisser Bob.

M. Laberge: On représente environ 7000 brebis sur un total provincial d'environ 60 000, quelque chose comme ça.

M. Pagé: 12 % environ, c'est ça? M. Laberge: C'est ça. M. Pagé: 12 %, 50 membres. M. Laberge: Oui.

M. Pagé: Vous dites essentiellement ceci. Nous, nous formons une association. On a la conviction de faire une bonne job. Vous dites: On est des bons producteurs, puis on n'est pas satisfaits de ce qui se passe dans l'UPA et de la façon dont la Fédération des producteurs d'agneaux et de moutons du Québec fait sa job. C'est ce que je retiens du message que vous nous livrez aujourd'hui. Et vous dites: Ces gens-là, par exemple, devraient faire davantage d'efforts. Parce que je vous lis, ici à la page 7 de votre mémoire, vous dites: "Le législateur rate une belle occasion de les obliger, par un texte de loi, à faire ce pourquoi ils ont été formés, soit de la mise en marché." Mais quand ils mettent sur pied un système d'enchère électronique, c'est de la mise en marché qu'ils font.

C'est un élément de structure de mise en marché qui est là. C'est pour défendre les producteurs.

M. Caldwell: Selon nous, l'encan électronique, ce n'est pas de la mise en marché. C'est un mécanisme de vente.

M. Pagé: C'est un mécanisme de mise en marché.

M. Caldwell: Un mécanisme de vente. Un encan, c'est un...

M. Pagé: Ce n'est pas un mécanisme pour les photographier, les regarder, voir s'ils sont beaux, ça. C'est pour les vendre, il y a des acheteurs, c'est un pool, et pour diversifier les acheteurs, pour que le producteur soit moins dépendant d'un nombre restreint d'acheteurs.

M. Caldwell: Oui, mais ça ne stimule pas le marché. Ça nous amène des consommateurs. Ça ne met pas en valeur le produit. Ça n'étiquette pas l'agneau. Ça n'encourge pas des critères de qualité. Ça ne met pas ensemble les producteurs et les consommateurs. C'est un mécanisme de vente uniquement.

M. Pagé: Mais c'est ce qu'on recherche, entre autres, par nos chambres de coordination et de développement.

M. Caldwell: Peut-être. Nous, les chambres de coordination, on trouve ça très intéressant comme suggestion parce qu'il existe déjà trois ou quatre groupements de producteurs dans différentes régions, le KRTB, dans les régions de Rimouski, Québec, il y en a un autre dans la vallée de l'Outaouais, il y en a un autre... Les chambres de coordination peuvent permettre à ces gens qui faisaient déjà de la mise en marché de faire ce genre de coordination avec les acheteurs. Ils peuvent faire de véritables études de marché. On n'a jamais eu une étude de marché. On a eu des études sur les mécanismes. On n'est jamais allés voir c'est quoi le marché, essayer de répondre à ce marché. Une chambre de coordination pourrait faire ça et la chambre de coordination, justement, on l'a trouvée une suggestion très intéressante.

Pour revenir à vos remarques d'avant, M. le ministre, oui, effectivement, vous avez raison. Notre problème, c'est que nous avons de la misère à faire respecter le plan conjoint et le vouloir du législateur quant au fonctionnement de ce plan conjoint par l'office du producteur. L'UPA passe outre à la loi, et il y a des améliorations dans la loi qui va aider à corriger cette situation-là. Imaginez, il n'y a pas de comptabilité distincte entre le plan conjoint qui est créé pour les producteurs et la Fédération des producteurs d'agneaux, malgré le fait que, dans la loi, cela, c'est dans l'ancienne loi. Imaginez-vous, comme délégués du plan conjoint, on ne vote pas ensemble. Il y a, en plus, des délégués syndicaux de la Fédération. Ce ne sont pas les délégués du plan conjoint qui votent sur les matières du plan conjoint. On ne vote même pas sur la comptabilité. Il n'y a pas eu d'assemblée distincte jusqu'à dernièrement, alors... On n'a même pas accès à la liste des producteurs pour...

M. Pagé: Je m'excuse. Là-dessus, si vous le permettez, vous avez fait des représentations auprès de la Régie, c'était votre droit comme membre, etc., pour avoir la liste...

M. Caldwell: Pour avoir accès à la liste de la Régie.

M. Pagé: Oui, on l'a fait parvenir le 18 novembre 1988 et on nous a confirmé l'avoir reçue par lettre, dans une lettre qui a été adressée au secrétaire de la Régie, M. Régnier, le 3 janvier 1989.

M. Caldwell: C'est ça, et j'ai bien dit que la Régie avait demandé à l'office de rendre disponible la liste et que la Régie nous a donné la liste pour cette année-là. L'année dernière, on a demandé d'avoir la liste de l'office et on a dit à l'office: Regardez, la Régie accepte le principe que les producteurs peuvent avoir la liste. Regardez, la Régie nous a communiqué la liste. Malgré ça, l'office des producteurs - j'ai une lettre ici - nous a refusé la liste. Et c'est ça qu'on veut dire quand on dit que l'office passe outre à la Régie dans bien des cas. Nous, on le dit, il y en a d'autres avant nous qui le disent: Souvent, le problème, c'est de faire respecter la loi comme l'interprète la Régie, pas l'office, et nous n'avons pas, cette année, accès à la liste malgré le fait que la Régie nous l'ait communiquée l'année d'avant. Il me semblait que c'était assez clair. (16 h 45)

M. Pagé: Pourriez-vous, pour le bénéfice des membres, distribuer ce document.

M. Caldwell: Oui, oui, oui. Je l'ai ici.

M. Pagé: M. le Président, veuillez vous assurer qu'on ait des copies de ça.

M. Caldwell: J'ai la lettre à laquelle vous faites allusion, du 18 novembre, de M. Régnier: "Pour faire suite à votre lettre du 29..."

M. Pagé: Pourriez-vous demeurer à votre fauteuil parce que le micro ne peut pas vous suivre.

Une voix: Ha, ha, ha! Le micro vous suit...

M. Pagé: On n'est pas dans un studio de TV, là.

Une voix: Oui. Une voix: Ha, ha, ha!

M. CaMwell: Ici, c'est la lettre à laquelle vous faisiez allusion le 18 novembre...

M. Pagé: Oui.

M. Caldwell: ...de 1988. "Pour faire suite à votre lettre du 29 août dernier, vous trouverez sous ce pli une copie de la liste des producteurs."

M. Pagé: OK.

M. Caldwell: La Régie nous l'a donnée...

M. Pagé: O.K.

M. CaMwell: ...par le plan conjoint des producteurs ovins. Bon! on l'a eue pour cette année, on a trouvé ça très bien, bien qu'on ait trouvé ça anormal qu'il faille monter à la Régie pour l'avoir.

M. Pagé: O.K.

M. Caldwell: Bon!

M. Pagé: 1989, maintenant.

M. Caldwell: Oui, en 1989, moi, j'ai écrit à M. Poirier, qui est le secrétaire de l'office des producteurs dans notre région. "Pour ce qui est de la discussion de l'autre jour, quant à notre droit d'accès à la liste, je vous envoie copie d'une lettre de M. Régnier du 18 novembre 1988, dans laquelle ce droit est consacré. Donc, on vous demande de bien vouloir communiquer la liste courante pour l'Estrie, parce que c'est la région qui nous concerne, à notre président, M. Darcy Ryan." Je vous lis la réponse de M. Poirier. "M. Caldwell, suite à une assemblée du conseil d'administration, les administrateurs ont été informés de votre demande et ont pris connaissance de la copie de la lettre de la Régie. Ils ont par la suite décidé de maintenir la position de la Fédération régionale de l'UPA de l'Estrie - des gens inquiets, qui étaient ici tout à l'heure - à l'effet que les listes de membres et de producteurs sont confidentielles, et vous suggère de placer votre demande à la Régie des marchés agricoles, comme par le passé. Ce sera à eux de décider s'ils acceptent de vous la fournir."

Alors, la Régie consacre le principe et l'office des producteurs passe outre.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Vous allez déposer ces documents- là. Quelqu'un...

M. Caldwell: Oui.

M. Pagé: ...est allé les chercher. Pouvez -vous, monsieur, aller chercher les documents de monsieur.

M. Caldwell: C'est pour ça qu'on est bien content que, dans la nouvelle loi, on demande les assemblées séparées. On aurait jamais eu ça avant.

Une voix: Oui.

M. CaMwell: La comptabilité distincte. On fait des progrès sur ça: la Régie n'a pas voulu admettre qu'il fallait deux... La loi semblait assez claire à nous. Alors, en gros, vous avez mis le doigt là-dessus: le problème, c'est de faire respecter la loi et de tenir en respect certains offices de producteurs, qu'ils respectent la volonté du législateur qui est dans la loi, qui est devant nous.

M. Pagé: Très rapidement - parce que mes collègues auront d'autres questions, ma collègue aura d'autres questions aussi - dernière question, et c'est le cas aussi de.. Je vais certainement la poser à nos honorables visiteurs, qui suivront, tout à l'heure, là. Vous êtes des producteurs, vous vivez d'agriculture.

M. Desroches: On essaye.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Oui, mais tout le monde essaie.

M. Desroches: Ça s'en vient de plus en plus difficile.

M. Pagé: Mais, ça, tout le monde essaie, tout le monde essaie, et c'est pas pire.

M. Desroches: On n'est pas des producteurs de lait, là, nous autres.

M. Pagé: Pardon?

M. Desroches: Nous ne sommes pas des producteurs de lait.

M. Pagé: Non, non.

M. Desroches: Notre position est beaucoup plus précaire.

M. Pagé: Plus délicate.

M. Desroches: Plus délicate.

M. Pagé: D'où l'obligation de...

M. Desroches: C'est pour ça que, quand une grosse machine, genre bulldozer, rentre dans une situation...

M. Pagé: D'où l'obligation de s'organiser...

M. Desroches: Oui, oui.

M. Pagé:... d'installer des mécanismes.

M. Desroches: Oui, on se fait organiser. S'organiser pour se faire organiser, ce n'est pas la même chose.

M. Pagé: Ça, mon cher ami, je vous dirais que, quand on ne s'organise pas, on a des bonnes chances de se faire organiser.

M. Desroches: C'est ça, on était organisés, mais là...

M. Pagé: Souventes fois, puis c'est ce pourquoi je dis que l'UPA... L'UPA, vous savez, elle est critiquée; les plans conjoints sont critiqués, mais on...

M. Desroches: On ne critique pas...

M. Pagé:... s'est quand même donné des...

M. Desroches:... on veut qu'ils obéissent à la loi, c'est tout!

M. Pagé: Écoutez, là, engeulez-moi pas. M. Desroches: Excusez-moi.

M. Pagé: On a un échange qui est intéressant.

M. Desroches: O. K.

M. Pagé: Je comprends que vous ne me voyez pas souvent...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Desroches: Je n'y manquerai pas, là.

M. Pagé:... mais on peut se parler de façon utile.

M. Desroches: Pour une fois que je vous vois, je n'y manquerai pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Cela étant dit, moi, je crois que les mécanismes qu'on s'est donnés au Québec ont profité de façon très significative au développement et à la stabilité des revenus des producteurs agricoles. Il y a certainement des problèmes de fonctionnement, ça, je n'en doute pas.

Il y en a partout dans l'ensemble des organismes, etc. Vous avez des droits, comme membres, parce que vous êtes membres de l'Union des producteurs agricoles, vous êtes membres de votre Fédération de producteurs. Pardon?

M. La berge: On n'est pas nécessairement membres de l'UPA.

M. Pagé: O. K., vous payez votre cotisation.

M. La berge: Même si on la paie, on n'est pas nécessairement membre de l'UPA.

M. Pagé: Non, je suis d'accord. Vous n'avez pas l'obligation d'être membre...

M. Laberge: D'accord...

M. Pagé:... mais vous avez l'obligation, lorsque vous mettez en marché un produit, de payer votre cotisation. Mais pourquoi, pouvez-vous m'expliquer comment ça se fait qu'à un moment donné... Vous êtes là depuis 1915, l'Association. Pourquoi, un matin, ne vous êtes-vous pas levé, avec les convictions qui vous animent, et ne vous êtes-vous pas dit: On va prendre notre place et on va aller soutenir qu'on peut représenter, nous, les producteurs d'agneaux du Québec plutôt que la Fédération? Vous avez ce droit.

M. Caldwell: Le droit de? Une voix: De prendre l'office...

M. Pagé: De prendre la place de la Fédération et de vous présenter, et qu'il y ait des votes.

M. Caldwell: Oui mais, M. le ministre, pour faire ça, il faut que les mécanismes prévus par le plan conjoint fonctionnent. Il faut qu'on puisse élire des délégués. Comme on l'a dit, ça a pris cinq ans pour faire admettre qu'on pourrait même assister à l'élection des délégués. Il faudrait être capables de faire élire les délégués. Il faudrait que les délégués - parce qu'on est en division, comme vous le savez, certains plans conjoints sont divisés en groupes - rendus à l'assemblée, reflètent les mandats des délégués. Et la Régie a dit qu'ils ne sont pas obligés. Il faut qu'on contrôle l'élection des administrateurs, au fond, qu'on vote sur la comptabilité. On ne conteste pas le plan conjoint. On est pour la loi, pour le plan conjoint. On conteste qu'on ne nous permette pas d'exercer la responsabilité et le contrôle à travers le plan conjoint que le législateur a voulu.

M. Pagé: Oui, mais vous avez le droit de voter sur les matières, par exemple, sur la commercialisation. Et vous n'auriez pas, selon les

informations que j'ai, le droit de voter sur les administrateurs.

M. Caldwell: Non, on n'a pas le droit de voter sur les administrateurs.

M. Pagé: Mais si vous payez, pourquoi n'êtes-vous pas membres? Vous pourriez voter, vous pourriez influencer...

M. Caldwell: Ah bon! mais ce serait...

M. Pagé: ...vous pourriez vous réunir, vous pourriez vous organiser. Vous pourriez prendre le contrôle, vous pourriez représenter.

M. Caldwell: Oui, mais, M. le ministre, c'est quand même un pays libre. On n'est pas obligés de s'affilier à l'UPA. Nous ne sommes pas affiliés à l'UPA.

M. Pagé: Je suis d'accord qu'on est dans un pays libre, et d'ailleurs vous ne l'êtes pas.

M. Caldwell: Oui. Pardon?

M. Pagé: Vous n'êtes pas affiliés. Vous payez votre cotisation...

M. Caldwell: C'est ça. Mais on ne peut pas voter.

M. Pagé: C'est votre droit fondamental.

M. Caldwell: Comme il est maintenant, on ne peut pas voter sur les offres, sur les administrateurs.

M. Pagé: Non, d'accord. Vous n'êtes pas membres et vous ne voulez pas l'être.

M. Caldwell: Non. Mais on est dans le plan conjoint quand même, on est des producteurs.

M. Pagé: Bien oui. Mais vous avez le droit de voter sur les matières relatives à l'application du plan conjoint, sauf les administrateurs.

M. Caldwell: Mais je vous signale que, jusqu'à cette année-là, jusqu'aux assemblées séparées, on n'a pas eu le droit, je m'excuse. Dans ces assemblées combinées, il y avait deux sortes de délégués: les délégués du plan conjoint et les délégués des différents syndicats. Et il n'y a jamais eu de vote pour les délégués seuls.

Par exemple, l'encan électronique. On ne sait pas, à ce jour-ci, si les producteurs rassemblés dans le plan conjoint fonctionnent à travers ce mécanisme que le législateur a voulu mettre en place pour leur permettre de prendre le contrôle de la situation, s'ils sont pour l'encan électronique. Parce qu'il n'y a jamais eu un vote des délégués seuls du plan conjoint sur cette question-là.

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Johnson, vous avez la parole.

Mme Juneau: merci beaucoup, m. le président. je voudrais vous demander: est-ce que tous les producteurs ovins de l'estrie font partie de votre association?

M. Desroches: Non, la majorité, les deux tiers.

Mme Juneau: Quel pourcentage? Deux tiers?

M. Desroches: Deux tiers, solidement les deux tiers.

Mme Juneau: À la suite du libre-échange et de toutes les productions diversifiées, est-ce que vous trouvez que le plan conjoint est encore convenable? Est-ce qu'il rencontre les objectifs d'après vous?

M. Desroches: Je peux répondre à ça? On va parler du plan conjoint qu'on a dans le moment. Pour nous, c'est une espèce de corset qui alourdit notre agilité pour répondre à la demande des consommateurs. On est dans une espèce de corset obligatoire qui coûte cher et qui, par le fait même, nous rend, à notre avis, beaucoup moins concurrentiels. Il y a un aspect aussi qu'on n'a pas mentionné et que personne n'ose mentionner, c'est que les acheteurs, l'ennemi qui sont les acheteurs, en tout cas... Pour nous, à l'Association, l'agneau, de notre bergerie jusqu'à la table, doit participer à une mise en marché. Et une mise en marché, ça comprend plusieurs chaînons: les producteurs, les intermédiaires et le consommateur. Dans notre production, les utilisateurs de plans conjoints sont en guerre contre les autres intermédiaires. L'UPA a à peu près le même réflexe que si la production ovine au Québec était une production contingentée à l'étendue du pays, comme dans le lait, par exemple. Les producteurs de lait s'inquiètent, à juste titre, peut-être de faire concurrence, éventuellement, à la concurrence du lait américain, mais, dans le moment, ils ne l'ont pas. Alors, comme c'est une production fermée et que chaque intervenant a un rôle bien précis à jouer, on peut peut-être utiliser la force, la coercition pour s'imposer. Mais dans les productions non contingentées, dont l'agneau, vous ne pouvez pas obliger les intermédiaires à faire ce que vous voulez qu'ils fassent parce qu'ils peuvent aller chercher de l'agneau ailleurs Et ça, c'est très difficile à faire comprendre à l'UPA, dans le moment.

Dans le moment, les acheteurs nous boudent et on nous dit: Ne passez pas à côté de l'encan, on va les forcer, ici. à acheter vos agneaux. Ce qui est complètement faux, en tout cas, en partie

faux, parce que les producteurs de l'Est de l'Ontario sont beaucoup plus proches du marché de Montréal que les producteurs d'ovins du Lac-Saint-Jean, de la Gaspésie et du Bas-du-Fleuve, puis ils sont capables d'être très productifs et ils sont capables de nous donner une sérieuse concurrence, de nous offrir une sérieuse concurrence là-dessus. Ça, quand on soulève des points comme ça à une assemblée de plan conjoint, on s'en va sur le plan syndical. Nous, en fait, ce qui nous intéresse, c'est le côté mise en marché, le côté économique. La solidarité, c'est magnifique, la fierté, c'est de toute beauté, sauf que ça ne paie pas les comptes de moulée et ça ne fait pas sortir les agneaux de notre bergerie.

Alors, qu'on vienne nous dire que le système est formidable, est superbe, que la Fédération fait de la mise en marché, je me demande, si c'était si formidable que ça, pourquoi, samedi prochain, il va y avoir une réunion spéciale qui va remettre en question le fameux système, si tout le monde est si... Je sais qu'on dérange, on est des gens de Sherbrooke.

Mme Juneau: Mais, comment expliquez-vous que, dans certaines productions, le plan conjoint est excellent ou, en tout cas, il fonctionne bien puis, dans la vôtre, pas?

M. Desroches: Bon, c'est, en fait, une bonne question. Nous, on ne se la pose pas la question, on n'a pas été les voir, dans les autres productions. Nous, on est des producteurs de moutons et on voudrait que ça marche dans le mouton. Évidemment, dans le mouton, on pose un problème qui est particulier parce que je pense qu'on est la seule production dans laquelle l'UPA doit admettre, dans ses cadres, dans son saint cénacle, des non "upéistes", comprenez-vous? Alors là, je sais qu'on jette tout à terre, mais la loi est là. Dans la loi sur la mise en marché, ce n'est pas écrit qu'on doive faire partie de l'UPA pour être couvert par le plan conjoint. On a des droits, ça a pris cinq ans pour se faire inviter et admettre aux assemblées régionales et provinciales, et on fait notre petit bonhomme de chemin, puis on est ici, aujourd'hui, M. le ministre. Il faut se déplacer pour vous voir. Ça nous fait plaisir.

M. Pagé: Bien, moi aussi. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laberge: Madame, je pense que votre question, par exemple, était: Pourquoi ça ne s'applique pas à l'agneau quand ça s'applique à autre chose?

Mme Juneau: Moi, je voulais savoir, la question que j'avais posée, c'était très précis: Comment se fait-il que le plan conjoint peut être bénéfique pour d'autres productions et pas du tout pour vous, ou très peu?

M. Laberge: Ce n'est pas le plan conjoint qui n'est pas bénéfique, dans le moment, c'est l'enchère électronique qui n'est pas bénéfique.

Mme Juneau: J'allais y venir à ça. Parce que, à la page 4 de votre mémoire, vous dites, au troisième paragraphe: "Une deuxième fois, pour tenter de faire comprendre à la Régie que le projet d'agence de vente, avec enchère électronique obligatoire, tel que conçu et présenté, n'avait guère de chance de fonctionner..." Est-ce que vous parlez de l'agence de vente, du projet ou de l'enchère électronique? Je trouve que c'est un peu confus. Voulez-vous nous expliquer ça?

M. Laberge: On parle du projet de l'enchère électronique, qui était au stade de projet, dans ce temps-là...

Mme Juneau: Quand vous avez préparé votre mémoire?

M. Laberge: Oui, justement. Pas ce mémoire-ci, non, mais quand on est allés devant la Régie, c'était au stade de projet, et puis on s'objectait au projet de l'enchère électronique, en fait.

Mme Juneau: Est-ce que vous êtes favorables aux agences de vente?

M. Desroches: Si elles sont efficaces, oui.

M. Laberge: Les agences de vente, là, on ne peut pas être en faveur globalement, parce que ça dépend des agences de vente. Ça, c'en est une avec laquelle on n'est pas d'accord parce qu'elle est fondamentalement mauvaise.

Mme Juneau: Puis l'enchère électronique?

M. Laberge: C'est ça. L'enchère électronique est fondamentalement mauvaise pour l'agneau. (17 heures)

M. Caldwell: Pour cette production-là.

M. Laberge: Ça ne tient pas debout.

Mme Juneau: Parce que ça ne vous donne pas les prix que vous souhaiteriez? Ça ne fait pas assez de publicité?

M. Laberge: Non, madame, c'est plus compliqué que ça. Pour commencer, c'est parce qu'on fait affaire, en grande partie, avec des Italiens pour le marché de l'agneau de lait qui couvre a peu près 60 % de nos agneaux. Ces gens-là sont habitués à voir les agneaux, à les tâter, à les regarder. C'est leur façon d'acheter les agneaux. Chacun a un client pour l'agneau

qu'il achète. Dans le porc, vous avez une carcasse optimum. Dans l'agneau, vous avez des agneaux qui partent peut-être de 25 livres jusqu'à 125 livres et un acheteur qui pense que c'est l'agneau optimal entre 25 et 125. Alors, c'est très compliqué. Avec ça, vous avez des agneaux gras, des agneaux maigres. Vous avez différentes races, des races qui sont viandées, des races qui ne le sont pas. Vous avez de vieux agneaux. Il y a des ethnies qui préfèrent de vieux agneaux, il y en a qui en préfèrent des jeunes. C'est excessivement compliqué. Ça, c'est un problème qu'il y a avec l'enchère électronique.

Mme Juneau: Est-ce que vous trouvez que la Régie dispose de tous les moyens pour faire appliquer la loi des plans conjoints?

M. Laberge: Non. Je pense que c'est explicite dans notre mémoire. En fait, on n'est pas certains de quels pouvoirs la Régie est dotée. On leur a demandé une fois et on nous a dit de vérifier la loi, que c'était là. On n'est pas certains vraiment de ce que la Régie peut faire et ne pas faire.

Mme Juneau: Mais vous savez que la loi a toujours prédominance sur la réglementation. Est-ce que c'est la loi qui n'est pas assez claire ou si c'est la réglementation qui va trop loin?

M. Laberge: Peut-être que c'est nous autres qui ne sommes pas assez fins pour lire la loi et pouvoir l'interpréter, je ne sais pas. Mais je sais qu'elle n'a pas travaillé pour nous.

M. Caldwell: Et, madame, je pourrais ajouter qu'il y a une question fondamentale pour nous. Si la Régie était effectivement une sorte de tribunal quasi judiciaire qui verrait à ce que tout le monde rencontre ses obligations, respecte la loi, on trouverait ça bien, et qu'il y aurait un processus d'appel. Mais ce n'était pas clair dans l'ancienne loi.

La Régie fait deux choses. Elle voit comment les joueurs jouent; elle essaie de régler les conflits d'une façon harmonieuse. Mais la Régie est aussi responsable de la mise en marché, c'est-à-dire qu'elle est à la fois un agent par délégation. C'est fa Régie qui choisit l'office des producteurs, dans notre cas, la Fédération. La Régie voit à la mise en marché.

M. Pagé: Je m'excuse, M. le Président. Pourriez-vous répéter?

M. Caldwell: Oui.

M. Pagé: La Régie qui...

M. Caldwell: II y a une ambiguïté. La Régie, si vous lisez l'ancienne loi, c'est un peu dif- férent dans la nouvelle, voit à la bonne marche de la mise en marché. C'est-à-dire que la Régie est un agent qui voit à ce que des choses s'accomplissent. Ici, dans ce cas, la mise en marché. En même temps, elle s'est trouvée dans le rôle, et je trouve qu'elle a une position très difficile, d'arbitrer entre les acteurs. Alors, ce n'est pas du tout clair pour nous. Est-ce que c'est un quasi-tribunal qui voit à ce que tous les joueurs respectent les règles du jeu ou est-ce qu'ils sont aussi un des agents dans ce processus? Ce n'est pas. clair parce que la loi, et la nouvelle loi aussi, donne à la Régie la responsabilité de voir à ce que la mise en marché se fasse. Pour nous, c'est un problème. Bien qu'on félicite la Régie du fait qu'il y ait, dans la nouvelle loi, certaines améliorations qui font en sorte que les producteurs puissent avoir un peu plus de contrôle sur leur plan conjoint, qui voit à ce que le rôle de l'UPA soit plus fidèle à la loi. Pour nous, il reste une ambiguïté qui résulte de ce double rôle d'agent et de personne qui voit à ce que la loi soit respectée. C'est ma réponse à votre question.

Mme Juneau: Si j'ai bien compris, vous trouvez que l'UPA a trop de pouvoirs et vous souhaiteriez que ça soit diminué. C'est ça?

M. Caldwell: Oui. On trouvait que la Régie était trop proche de l'UPA qui devait surveiller... Je reviens sur cette question. Si on lit l'article 3 de l'ancienne loi, la Régie des marchés agricoles est: "Un organisme de surveillance, - nous, on croyait que c'était ça - de coordination et d'amélioration de la mise en marché des produits agricoles..." Alors, sous l'ancien régime, avant la nouvelle loi, on trouvait que la Régie n'était pas suffisamment indépendante de l'UPA. Par exemple, toutes les décisions de la Régie qui nous concernaient, on les apprenait, dans La terre de chez nous, même avant de recevoir la décision de la Régie. Il y a une sorte d'affinité où l'UPA et la Régie sont trop proches l'une de l'autre, mais peut-être que si la Régie est en train de faire la mise en marché, elle a mandaté les offices de production qui sont tous les UPA. Peut-être que c'est une ambiguïté, une difficulté qu'il est difficile pour la Régie de trancher. On apprécie l'occasion ici, en commission parlementaire, de soulever ce point-là et aussi de souligner que, même sur le coût des décisions, on était très déçus. Dans la nouvelle loi, la Régie ou le gouvernement semble être sensible à ce problème. Mais pour répondre à votre question, oui, carrément, le pouvoir de la Régie était tel qu'elle mettait tout à fait en veilleuse le pouvoir des producteurs d'administrer leur plan conjoint.

Mme Juneau: Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, Mme la députée Johnson. M. le ministre, vous avez

d'autres commentaires?

M. Pagé: Je vais me limiter à remercier nos bonnes gens, les éleveurs de moutons des Cantons de l'Est. Je comprends qu'ils sont confrontés à plusieurs problèmes. Mais, au fond, pendant que vous vous tiraillez comme ça, l'agneau de la Nouvelle-Zélande continue à rentrer.

M. Caldwell: Oui, mais tant que notre agneau n'est pas étiqueté, on ne peut pas aller acheter l'agneau du Québec nulle part encore.

M. Pagé: Ce que je veux dire, c'est que j'espère, par les chambres de coordination et de développement, qu'on va être en mesure d'avoir davantage d'unicité dans l'action.

M. Caldwell: Justement, et on espère participer.

M. Pagé: Vous avez des droits, je vous invite à les faire valoir. Je vous invite aussi à continuer votre engagement pour l'agriculture au Québec. On a noté vos commentaires.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Johnson, pour vos remerciements.

Mme Juneau: Oui, au nom de notre formation politique, je désire vous remercier. J'ai trouvé que votre mémoire et vos revendications étaient très corrects, et je vous remercie beaucoup d'être venus nous les présenter.

M. Caldwell: On vous remercie beaucoup. Pour nous, c'était un honneur et un privilège de venir ici, devant les députés de l'Assemblée nationale, pour exposer notre point de vue.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. Je demanderais aux représentants de l'Union d'entraide des agriculteurs du centre du Québec de prendre place, s'il vous plaît.

Une suspension de deux minutes, s'il vous plaît. Vous vous installez...

(Suspension de la séance à 17 h 9)

(Reprisée 17 h 12)

Le Président (M. Richard): Alors, c'est l'Union d'entraide des agriculteurs du centre du Québec. Vous vous présentez d'abord, évidemment, et vous présentez vos collègues qui vous accompagnent. Vous avez la parole.

Union d'entraide des agriculteurs du centre du Québec

M. Jédier (Michel): Michel Jédier, président de l'UEACQ; à ma droite, M. Marcel Létourneau, directeur; un peu plus loin en avant, M. Beau-doin, à ma droite; à ma gauche, M. Maurice Lapalme, vice-président, et M. Jean-Pierre Varetta, à l'extrême gauche.

Le Président (M. Richard): Merci. Vous avez la parole.

M. Jédier: Alors, nous allons commencer par présenter le mémoire par M. Létourneau.

M. Létourneau (Marcel): Bonjour, tout le monde.

Avant de débuter, j'aimerais faire distribuer ceci qui a paru après la composition du mémoire. C'est un extrait du Western Producer qui confirme que nos amis de l'Ouest abondent un peu dans le même sens que nous autres.

Avant de débuter aussi, j'aimerais...

Le Président (M. Richard): Vous parlez de l'Ouest canadien, là?

M. Létourneau: Oui. J'aimerais ajouter que, dans notre mémoire, il y a peut-être certaines comparaisons qui peuvent être dures. On ne veut pas heurter personne. Tout ce qu'on recherche, c'est un impact instantané et clair.

Secrétariat de la commission parlementaire de Québec, ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Assemblée nationale, projet de loi 15, Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives. Le conseil d'administration de l'Union d'entraide des agriculteurs du centre du Québec avec leur président et leurs membres ont étudié ensemble le projet de loi 15. Nous avons constaté qu'il déroge outrageusement aux Chartes québécoises et canadiennes sur les droits et libertés de la personne. Par conséquent, nous désirons être entendus en commission parlementaire à ce sujet. Notre demande est faite pour le meilleur intérêt de la classe des producteurs agricoles et dans le plus grand respect de la démocratie. Et j'ajouterais aussi dans le but de garantir l'accès à l'excellence pour tous les agriculteurs.

Interprétation. Le mot "vous", dans nos commentaires, représente le gouvernement du Québec d'hier, d'aujourd'hui et, éventuellement, de demain. Voici donc brièvement nos interventions sur chacun des articles suivants de ce projet. Nous n'avons pas mentionné les articles parce que vous avez tous le projet devant vous, mais on va vous donner nos commentaires. À l'article 2, nous ne voulons pas que cette loi nuise en aucune façon au bon fonctionnement de nos coopératives. Articles 23 à 27, comme dans l'article 26, nous sommes d'accord qu'une association demande un plan conjoint pour ses membres, mais nous ne sommes pas d'accord que tous les producteurs agricoles du Québec soient

dans l'obligation d'être membres de cette même association, en les privant ainsi de leur droit constitutionnel à la liberté d'association.

L'article 37 crée une sorte de couloir ou entonnoir où tous les producteurs agricoles devront passer pour aboutir à la même association en question. Tous les producteurs de bétail ont sur leur ferme ce genre de couloir ou entonnoir servant à diriger les animaux vers un endroit spécifique comme dans un enclos contrôlé ou à l'abattoir, et vous en connaissez le résultat. Nous croyons que les agriculteurs ne sont pas comme des animaux, qu'ils sont assez intelligents pour pouvoir choisir eux-mêmes l'association qui leur convient. Le véritable problème dans toute cette affaire, c'est que la démocratie n'est pas respectée dès le début. Il est de notoriété publique que la Régie des marchés agricoles est une extension au niveau gouvernemental de l'association accréditée. Donc, tous les plans conjoints sont automatiquement accordés à cette association et refusés aux autres. Nous avons des exemples à ce sujet. Nous pourrions écrire un ouvrage de plusieurs volumes sur les méfaits créés par ce monopole dans le passé.

Un jour, vous, du gouvernement, avez passé une loi pour contrer les méfaits d'un monopole ou des coalitions. En permettant l'exclusivité d'une seule association, vous privez les producteurs de l'accès à l'excellence dans les associations, ouvrant la porte à toutes sortes d'abus, tels que la dictature, le favoritisme, et même le règlement de compte à caractère économique comme celui avec les coopératives. Notre liberté individuelle se termine là où commence celle des autres. Nous reconnaissons que la Régie a le mandat de surveiller chaque intervenant en agriculture pour que les aliments livrés soient d'une qualité impeccable et que les quantités soient justes et précises. Mais qu'un producteur ait la liberté de vendre ses produits aux clients de son choix et aux prix qu'il désire, ou qu'un groupe indépendant de producteurs forment une association entre eux dans le but d'obtenir un meilleur débouché à de meilleurs prix pour ces produits, ceci est de la libre entreprise, et il n'y a rien d'illégal dans ça. Nous ne voyons pas l'obligation d'avoir toujours besoin de la Régie pour sanctionner des arrangements pris entre différents individus. Il existe dans l'entreprise publique toutes sortes d'associations et aucune n'a de succursale au gouvernement pour sanc tionner ses règlements et les imposer par la force de la loi au reste de la population. Il n'y a qu'en agriculture qu'on voit ça.

Au moment où le Parti communiste de la Russie a reconnu cette erreur vieille de plus de 70 ans, soit l'article 6 de leur constitution qui donnait l'exclusivité du pouvoir au Parti communiste, vous tentez par cette loi de perpétuer et de raffermir cette exclusivité consentie à cène association en 1972, et maintenant illégale depuis le 17 avril 1987. J'ajouterai ici qu'elle a été illégale cinq ans accidentellement quand le PQ, pour ne pas être obligé de légiférer instantanément suite à la rentrée de la constitution de 1982, a mis la clause "nonobstant" sur toutes les lois du Québec, et ça s'est terminé le 17 avril 1987. C'est presque croire que les Russes, après avoir aboli l'article 6 de leur constitution, vous aient refilé à rabais leur vieux manuel d'opération.

Cette association, encore une fois, via la Régie, s'est permis une mesquinerie de bas niveau, en refusant que le gouvernement publie les informations d'intérêt agricole dans le journal The Advocate, de la Québec Farmers' Association. Elle a, l'an dernier, dirigé un complot pour faire exclure la Coopérative fédérée et la Québec Farmers' Association des réunions de la Fédération canadienne de l'agriculture. Nous pourrions vous donner encore plusieurs exemples, mais nous nous arrêterons ici. Je vais ajouter un commentaire ici. Ils leur ont répondu qu'en vertu de l'Agriculture Act, je ne sais pas trop quoi, il fallait que ce soit diffusé dans seulement un journal, parce que le gouvernement paie pour ça, pour le mettre dans La terre de chez nous. Mais je vous dirai ceci, qu'il y a des journaux agricoles qui appartiennent à un ministre, et c'est publié dans ce journal-là aussi. Ça fait que, tirez-en vos propres conclusions.

Nous vous demandons de redéfinir l'article 37 de façon que nous puissions choisir l'office qui nous convient le mieux pour l'administration d'un plan conjoint, et non un soul, ot que, exception faite des contingentements, l'adhésion au plan conjoint pour la vente, le transport, la recherche, la publicité, soit libre afin que les promoteurs de ces plans conjoints aient l'obligation morale de prouver l'efficacité de ces plans pour attirer les producteurs à s'y joindre et à être membres. Nous suggérons que la meilleure formule serait de signer des contrats avec l'office de notre choix, pour une période de un, deux ou trois ans, pour adhérer à ces plans, ce qui leur donnerait une base solide pour travailler. Ces contrats étant renouvelables, ils auraient à se surpasser pour conserver leurs membres, donnant ainsi aux agriculteurs l'accès à l'excellence dans ce domaine. Cette formule permettrait aux producteurs de juger aux-mêmes de l'efficacité de ces plans et non à l'office qui déterminerait, tous les cinq ans, la valeur de ces plans devant la Régie. Actuellement, l'association accréditée et la Régie ne faisant qu'un, imaginez quel rapport ce serait et à l'avantage de qui? Ce serait comme de demander à un chien de livrer une saucisse à un autre chien.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Létoumeau: Si vous deviez faire la sourde oreille à notre demande, étudions maintenant les méfaits possibles de cette loi à partir du chapitre V, section I.

Article 43. Cet article donne à l'office le pouvoir de détruire le travail du producteur qui se serait bâti une mise en marché efficace et qui voudrait continuer dans le même sens.

Article 63. Par cet article, la loi étant passée dans sa forme originelle, vous enlevez aux producteurs tous les pouvoirs qu'ils auraient eus à l'article 59. Les diviser pour mieux les avoir. C'est écrit dans l'ancien manuel russe. Avec des délégués judicieusement choisis, et surtout avec une loi genre "mur de Berlin" qui amènerait tous les producteurs dans son giron, un office peut faire passer tous les règlements qu'il veut à son propre avantage et les producteurs ne peuvent rien faire. D'autres intervenants avant nous ont dit la même chose. Inutile pour vous de vouloir contester cela, car l'expérience des dernières années le confirme et, de plus, tout bon politicien et tout bon Chevalier de Colomb sait ça.

Article 64. Ce serait idéal si tout se passait comme il est écrit, mais l'expérience a démontré dans le passé qu'avec un système de délégués, les demandes de la base qui déplaisent à l'office sont automatiquement court-circuitées au niveau des délégués.

Article 77. C'est tout à fait ce que nous recherchons, de pouvoir se joindre à la coop de notre choix, dans notre secteur, ou à l'association de notre choix, et non à une seule, pour l'administration du plan auquel nous désirerions librement adhérer.

Article 81. Avec les pouvoirs absolus confiés à l'office, la loi, dans sa forme actuelle, ouvre la porte à des abus de dictature et de décision abitraire que seule la liberté d'adhésion peut contrer.

Article 85. Il est écrit que la Régie peut arbitrer. Malheureusement, nous avons de sérieuses réserves sur sa façon de le faire. Quand un organisme comme la Régie, pour satisfaire les exigences de l'association dont elle est issue, prend des décisions arbitraires qui font perdre des millions de dollars aux producteurs de lait en mettant en péril la stabilité financière de leur coopérative, on se pose de sérieuses questions.

Article 89. Encore une fois, avec sa forme obligatoire, la loi, par cet article, détruirait le travail des fermes qui auraient déjà une bonne structure de mise en marché.

Article 90. Nous sommes d'accord avec des contingentements, dans le but d'améliorer la rentabilité de nos fermes. Mais les confier à un seul office pour l'ensemble de la province serait anticonstitutionnel, parce qu'ils nous forceraient à passer tous par le même office. Nous suggérons donc que les contingentements soient gérés par le ministère de l'Agriculture qui en assumerait la supervision, en collaboration avec les offices que les producteurs auraient choisis dans leur secteur respectif pour administrer leur plan conjoint.

Article 93. Avec un seul office obligatoire au niveau provincial pour chacun des plans, l'application de cet article serait une marque de mépris pour la personne humaine, du genre de fichiers que la Securitate de Ceausescu en Roumanie ou que la police secrète en RDA avaient sur leurs populations quand elles étaient régies, jusqu'à l'automne dernier, par des lois de ce genre. Mais, avec le libre choix de son office, l'enregistrement de son exploitation se ferait dans le respect de la dignité humaine, garanti par l'article 4 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.

Article 94. Encore une fois, l'application obligatoire de cet article détruirait l'organisation de la mise en marché que des producteurs ont quelquefois mis des années à construire. L'application de cet article doit être volontaire, ce qui lui donnerait l'obligation absolue d'être efficace pour avoir des adhérents et lui donnerait même, avec le volume de production de plusieurs producteurs, un avantage de négociation des prix en concurrence avec ceux qui font déjà leur mise en marché eux-mêmes. Mais l'obligation ferait disparaître la compétition et enlèverait cet avantage.

Article 100. Les producteurs agricoles sont toujours prêts à payer pour ce qu'ils ont librement choisi pour améliorer la rentabilité de leurs entreprises. Exemple: les assurances agricoles sont libres et la plupart y adhèrent.

Article 101, alinéa 4. Comme le producteur qui fait sa mise en marché lui-même assumera ses propres pertes, s'il y a lieu, nous demandons que cet article soit changé de façon que ceux qui auront librement choisi de faire leur mise en marché en commun en subissent les pertes.

Article 107. Comme nous réclamons la libre adhésion aux différents plans conjoints pour en garantir l'efficacité et que nous acceptons, pour le bien commun, l'obligation dans l'acceptation des contingentements, nous réclamons la modification de cet article pour y inclure un droit d'"opting out" à la fin du contrat que nous aurions éventuellement signé avec l'office de notre choix, excepté pour les frais d'administration du contingentement, s'il y a lieu - ça, c'est pour les productions contingentées - lesquels frais seraient remis au ministère de l'Agriculture pour en administrer cedit contingentement.

Ici, entre parenthèses, quand on parle de droit d'"opting out", je fais référence aux provinces de l'Ouest qui ont des associations qui ont un "checkoff plan" et puis toutes ces associations, c'est sur une base volontaire. Et, en partant de là, elles sont obligées de garantir une efficacité pour garder leurs membres, puis je vous dirai qu'elles la garantissent, leur efficacité, parce qu'elles sont prêtes. La Canola Producers of Alberta, ils ont peut-être une dizaine de producteurs, à peine, peut-être même moins, qui ont redemandé leurs prélevés, tous les autres paient. Mais si c'était libre, on sait ce que ça fait.

Article 132. Encore une fois, dans sa forme actuelle de la loi, cet article est dictatorial et

arbitraire et vient à rencontre du respect de la dignité humaine. Mais, fait dans la liberté et le respect de tous, les agriculteurs iront tous s'enregistrer à ce qui est le plus rentable pour eux.

Articles 149 et 150. Nous serions d'accord pour la constitution d'un tel fonds administré par l'association accréditée de notre choix, mais alors, une partie de ce fonds serait administrée par l'association accréditée actuelle. Celle-ci ayant, par le passé, chargé des frais d'administration exorbitants sur ce qu'elle administrait pour les producteurs, nous souhaiterions que, dans l'éventualité de la constitution d'un tel fonds, cet argent soit remis au ministère de l'Agriculture pour être administré par celui-ci. Comme vous voyez, on vous fait 100 % confiance.

Article 162. Dans la forme actuelle de la loi, cette clause serait digne d'un ancien pays communiste, mais dans la forme proposée de la loi, cette clause serait convenable pour vérifier l'exécution d'un contrat signé entre un office et un producteur, de même que pour vérifier le respect d'un contingentement, s'il y a lieu.

Chapitre VII. Nous serions d'accord avec ce chapitre dans les cas de quelqu'un qui ne remplirait pas sa part d'un contrat signé avec un office ou une coop ou pour quelqu'un qui produirait hors contingentement un produit contingenté.

Chapitre XVIII. Dans ce chapitre, vous faites certaines modifications à certaines lois. Nous vous demandons de profiter de cette occasion pour modifier l'article 8 de la Loi sur les producteurs agricoles, Lois refondues du Québec, chapitre P-28, en enlevant la restriction qui dit: "Une seule association peut être accréditée." Si les Russes l'ont fait, vous pouvez le faire aussi. Cette clause n'a été constitutionnelle que depuis le mois d'avril 1982 jusqu'au 17 avril 1987, comme on l'a dit tantôt, et ne l'est plus depuis cette dernière date. Elle a été constitutionnelle parce que, dans la constitution, il y a la clause "nonobstant".

Suite à cela, vous vous êtes certainement aperçu que nous avions compris qui présente ce projet de loi, via M. le ministre Pagé. Les nombreux abus et la non-constitutionnalité de l'article 8 de la Loi sur les producteurs agricoles ainsi que quelques cas de grave trahison envers certains de ses membres ont fait que l'association accréditée actuelle a perdu plusieurs membres ces dernières années, et elle tente, par ce projet de loi, de créer un mur hermétique, du plus pur style communiste, afin que tous les producteurs soient obligés de passer par elle. Mais la liberté d'association donnerait aux agriculteurs l'accès à l'excellence dans les associations et fermerait la porte aux abus, car la crainte de perdre ces membres amènerait les associations à faire de leur mieux dans la représentation et la défense des agriculteurs et non l'organisation arbitraire et dictatoriale de leur activité économique dans le seul but d'en retirer un revenu qui en est rendu à un point tel qu'il en coûte plus cher pour bien des producteurs de payer leur association via leurs prélevés que de payer leur impôt sur le revenu. (17 h 30)

Nous ne sommes pas dupes. Même si les Russes ont compris et se sont eux-mêmes civilisés en enlevant cette clause abjecte de leur constitution, nous nous attendons que. comme les Blancs de l'Afrique du Sud. ils ne veulent pas lâcher le paquet. Comme nul ne peut prétendre posséder en exclusivité la vérité et la sagesse, nous pensons bien qu'eux aussi ne les possèdent pas en exclusivité à eux seuls - nous autres non plus, d'ailleurs - et qu'il leur manque des associations comme les nôtres, la Québec Farmers' Association, pour ne nommer que celle-là, qui pourraient très bien les compléter, et ce, pour le meilleur en agriculture. La Régie n'aurait plus rien à sanctionner, sauf notre accréditation parce que toute association civilisée, telle que les coopératives... Dernièrement, on a eu des réunions de coopératives; on a passé des règlements entre nous autres, en accord avec les lois actuelles de notre pays, et on n'a pas eu besoin jamais de la Régie pour sanctionner ça.

Nous avons fait ces recommandations dans le plus pur respect de la démocratie et nous avons confiance en votre intelligence et en votre respect de la constitution canadienne et de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, car ce projet de loi n'aurait même pas dû être présenté dans sa forme actuelle, car il est, comme tel, anticonstitutionnel et une atteinte directe à la dignité humaine. On va laisser faire le restant.

L'occasion vous est maintenant donnée de crever cet abcès qui perdure depuis plusieurs années en agriculture, et nous vous demandons d'avoir le courage de le faire. Un refus de votre part serait très néfaste pour l'agriculture et amènerait, avant longtemps, une situation comme celle qu'ont vécue les agriculteurs de la Saskatchewan en 1984.

Avant de terminer, je vais ajouter ceci. Les premiers à écoper, dans ça, ça va être l'UPA. Si vous donnez tout à l'UPA, les agriculteurs vont finir par se révolter. C'est ce qui est arrivé, en 1984, en Saskatchewan. L'UPA, ils ont de bonnes idées, mais ils ne sont pas les seuls à en avoir des bonnes. Si vous leur donnez tout, ça va être la révolte, et elle a débutée. Quand on dit qu'il y a 200 producteurs de patates qui non seulement n'ont pas demandé d'être exclus de l'UPA, mais ont demandé de tout faire détruire ce qui est fait depuis 11 ans. C'est comme les Allemands de l'Est. Ils ont été tellement exaspérés contre leur régime qu'ils veulent tout faire disparaître ce qui représente ça. Mais si vous allez trop loin, c'est ça que les agriculteurs vont vouloir faire. Ils vont vouloir tout faire disparaître ce qui a représenté leur exaspération. Mais si vous y

allez mollo, l'UPA va rester, et nous autres aussi, on va pouvoir marcher. On a déjà passé pour avoir le sida, mais n'oubliez pas que David a vaincu Goliath, hein?

Espérant recevoir une attention toute spéciale de votre part dans ce dossier, veuillez accepter nos salutations les plus chaleureuses et nous demeurons, humblement vôtre, l'Union d'entraide des agriculteurs du centre du Québec.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. M. le ministre, avez-vous des questions? Je m'excuse, juste un peu d'humour. Quand vous avez fait allusion aux Chevaliers de Colomb, disiez-vous aussi les Filles d'Isabelle?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Létourneau: Ah! Peut-être. O.K. Oui.

Le Président (M. Richard): C'est de l'humour.

M. Létourneau: Mais...

Le Président (M. Richard): M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: Alors, merci, M. le Président. Donc, le ministre est anticonstitutionnaliste, le ministre est communiste, le ministre fait fi de la Charte des droits. Vous n'y allez pas avec le dos de la cuiller!

M. Létourneau: On voulait être clairs et précis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Létourneau: Mais si vous l'avez remarqué, on l'a fait dans le respect de tout le monde parce que la Charte québécoise des droits et libertés, pour rester dans le Québec, nous garantit le droit à la dignité. Il y a seulement qu'en agriculture...

M. Pagé: Vous avez le droit...

M. Létourneau: ...qu'on se fait dire: On n'a pas besoin de vous autres...

M. Pagé: Je m'excuse, monsieur, là, c'est moi qui commente.

M. Létourneau: ...c'est seulement votre argent qu'on veut avoir.

M. Pagé: C'est moi qui commente là. M. Létourneau: Oui.

M. Pagé: C'est clair là? Vous avez eu votre tour. Je ne vous ai pas interrompu, vous. Est-ce que je vous ai interrompu tantôt? M. Létourneau: Non. M. Pagé: Laissez-moi parier.

M. Létourneau: Mais quand je vous ai répondu...

M. Pagé: Faites-en autant!

M. Létourneau: ...vous ne pariiez plus.

M. Pagé: La dignité commence par ça. O.K., M. le Président, plus de question, plus de commentaire. That's it!" Vas-y.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui, M. le Président, c'est évident que ce mémoire est d'une sévérité remarquable. Par contre, je comprends que c'est vrai qu'on est dans un pays libre. Ces gens ont le droit, le plein droit, de présenter un mémoire devant la commission parlementaire. Ils ont le droit de s'expliquer. J'aimerais savoir combien votre mouvement, votre union, l'Union d'entraide des agriculteurs du centre du Québec, regroupe-t-il de membres?

M. Jédier: Environ 800 membres actuellement.

M. Baril: Qui sont répartis à travers le Québec ou bien s'ils sont centralisés plutôt dans une région?

M. Jédier: Ils sont dans plusieurs régions du Québec. Donc, il y en a en Estrie, il y en a jusqu'à Rimouski, Valleyfield, la région de Saint-Hyacinthe.

M. Baril: Dans quelle production vos membres sont-ils impliqués?

M. Jédier: À peu près dans toutes productions.

M. Baril: Dans toutes les productions. Vous avez un conseil d'administration?

M. Jédier: Oui.

M. Baril: II est élu comment? Vous avez une assemblée générale?

M. Jédier: On a tenu notre assemblée générale annuelle au mois de mars. D'ailleurs, nous avions invité M. le ministre ou un délégué, mais nous n'avons vu personne. Il y avait beaucoup de monde, il y avait beaucoup de producteurs qui étaient là, qui voulaient poser

des questions, mais nous n'avons vu personne. Alors...

M. Baril: C'est évident que si on fait un bref résumé de votre mémoire, une compréhension, en tout cas, de votre mémoire, vous remettez tout en cause, le syndicalisme agricole, le système des plans conjoints au Québec. Ça, ça semble clair que...

M. Jédier: Eh! pas tous les plans conjoints.

M. Baril: Bien, le système des plans conjoints.

M. Jédier: Non, même pas. Le système, dans certains...

M. Baril: Parce qu'il ne peut pas être...

M. Jédier: ...plans conjoints, il est très bien. Là où c'est contingenté, il n'y a pas de problème, on ne le met pas en cause.

M. Baril: Oui, mais puisque les plans conjoints sont administrés par des offices de producteurs qui, eux, relèvent de l'Union des producteurs agricoles, c'est dans ce sens-là que je dis que vous remettez l'ensemble des plans. Tout le système syndicaliste, au Québec, c'est un système agricole, et vous remettez ça en question parce que vous ne semblez pas croire au fonctionnement. De toute façon, vous dites, vous autres, que chaque producteur ou chaque groupe de producteurs pourrait librement ou devrait librement adhérer à un office...

M. Jédier: À une association.

M. Baril: ...à une association qui, elle, pourrait administrer votre forme de plan conjoint à vous, votre forme de mise en marché. Bon! Comment peut-on évaluer ça, là? Si on multiplie les offices de producteurs, ça coûte des sous administrer ça, et c'est avec la quantité des membres, souvent, que t'es capable de réduire l'administration. Parce que vous avez raison, aujourd'hui l'agriculture, entre autres, c'est la production la plus réglementée, la plus contingentée, mais il faut voir d'où ça part, ça, ce système-là, pourquoi c'est mis en place aujourd'hui comme ça. Et, je me souviens, ça n'a pas été mon cas à moi, mais je me souviens qu'à plusieurs reprises, mon père travaillait pour l'UCC, à l'époque et il devait passer par les maisons pour venir à bout de ramasser, je pense que c'était 5 $, à l'époque, et il devait passer bien des fois une soirée à la même place pour venir à bout d'arracher le 5 $, pour toutes sortes de raisons. Il y en a qui ne voulaient pas pantoute. Ça fait qu'aujourd'hui, la formule de la reconnaissance de l'UPA à l'intérieur de notre système, quand même, fait en sorte que, tout en admettant que tout n'est pas parfait, que ça soit dans le domaine agricole ou ailleurs - il y a toujours place pour l'amélioration, ça, c'est bien évident - mais quand même, la formule a été efficace et elle a permis à l'agriculture québécoise, je pense, de se développer à un rythme plus accéléré que dans d'autres provinces du Canada. Bon. Mais, pendant que la cotisation, je vais dire, n'était pas obligatoire, il y avait quand même des hommes et des femmes qui se battaient pour avoir des acquis, puis ceux qui ne payaient pas, en profitaient pareil. Comment expliquez-vous ça si, aujourd'hui, on remet tout ça en cause?

M. Jédier: Mais si, aujourd'hui, une partie des membres appartient à une association et l'autre à une autre, ça ferait exactement comme ça fait au Parlement: il y a le Parti libéral, d'un côté, et le Parti québécois, de l'autre, une Opposition, et c'est ce qui oblige les deux partis à discuter, tandis que si c'est un monopole comme c'est le cas avec l'UPA, il n'y a plus rien de possible. C'est un parti unique. Donc, on décide en haut et on ne demande même plus l'avis à la base. J'ai assisté, dernièrement, à l'assemblée générale annuelle de la Fédération des cultures commerciales. Nous étions 94, présents. Eh bien, ces messieurs ont élu dans la salle 143 délégués. Pouvez-vous me dire que c'est constitutionnel, que c'est normal d'élire 143 délégués alors qu'il y avait 94 personnes présentes? Je peux vous faire passer le document, si vous voulez.

M. Baril: Non, non.

M. Jédier: Ensuite, je vais vous en citer un autre, envoyé par la Fédération des producteurs de sirop d'érable de Saint-Hyacinthe à tous les présidents de syndicats de base. Objet: la rotation du plan conjoint acéricole. Les producteurs acéricoles de votre syndicat ont reçu un bulletin de vote de la Régie des marchés agricoles du Québec. Le comité de l'opération référendaire souhaite franchir avec succès l'étape de ia votation. Un bon nombre d'administrateurs étant engagés dans la campagne de souscription, nous n'avons pas voulu déranger cette opération sous aucun prétexte. La correction de la liste préliminaire et la tournée d'information sur le projet du plan conjoint a été coordonnée par le comité référendaire. Pour cette dernière étape, et non la moindre, nous aimerions analyser avec vous la possibilité de faire voter ceux qui sont en faveur du plan conjoint proposé. Ça, c'est signé par M. Michel Saucier, coordonnateur de la campagne référendaire de l'UPA Saint-Hyacinthe. Ça veut dire que ceux qui sont en faveur uniquement décident pour ceux qui ne sont pas en faveur.

Pour revenir sur la réunion de la Fédéra tion des cultures commerciales, dans cette

association, il y a en tout 3714 producteurs. Il y en avait 94 présents seulement, ce qui représente 3,49 % qui décident pour les autres.

M. Baril: Oui, mais ça, ce n'est pas un phénomène...

M. Jédier: Oui, mais le pire, monsieur, c'est qu'il y a des producteurs qui n'étaient pas dans la salle, qui ne font même pas partie de la Fédération ou même de l'UPA, qui ont été élus délégués et ont refusé d'être délégués. Ça n'a pas d'allure. C'est pour ça qu'on dit que, s'il y a plusieurs associations, ça permettra de faire de l'excellence parce que chaque association va se battre pour bien travailler et bien représenter les producteurs.

M. Baril: De toute façon, vous savez, aujourd'hui, ce n'est pas seulement au niveau des fédérations dont vous parlez qu'on peut faire voter 194 personnes quand il y en a 80 présentes. Comment y a-t-il de mouvements aujourd'hui qui autorisent un autre à voter à ta place par procuration?

M. Jédier: Mais ils n'en avaient pas de procuration.

M. Baril: En tout cas, je ne veux pas faire une enquête ici, mais...

M. Jédier: Ils ont voté sur ce qu'ils appellent, par atelier, c'est-à-dire sur des fiches, sur des petits papiers.

M. Baril: Avez-vous essayé au niveau de votre syndicat de base? Parce que quand même, l'UPA, il faut dire que c'est démocratique. Tu as juste à te faire élire sur ton syndicat de base. Vous dites que vous êtes 800. Il me semble que vous seriez capables d'être en mesure, au niveau de votre syndicat de base, de vous implanter, de faire valoir vos droits et de vous défendre. S'il le faut, je n'utiliserai pas le mot parce que vous ne l'aimez... Je vais faire attention, je ne veux pas que vous sautiez, je vais dire: Vous pourriez même monopoliser votre syndicat de base, si vous êtes un groupe si important que ça.

M. La palme (Maurice): Je vais répondre à cette question parce que j'ai été président d'un syndicat de base pendant huit ans. Tu ne décides rien.

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, excusez-moi. Vous êtes M. Lapalme?

M. Lapalme: Oui.

Le Président (M. Richard): Ça va.

M. Lapalme: Tu ne peux rien décider parce que c'est toujours court-circuité quand tu montes. Si tu n'es pas de leur dire, on t'élimine. J'y ai été, moi, et la lettre que le président vous a lue tantôt concernant le plan conjoint du sirop d'érable m'avait été adressée personnellement. Je devais faire ce qui est écrit dans la lettre. J'ai assisté au congrès à Québec. J'y suis allé et je pense que M. le ministre doit m'avoir vu. Le soir, on fait une réunion dans la suite et on nous dit pour qui voter.

M. Pagé: Quelle année ce dont vous partez là?

M. Lapalme: En 1983. C'était avant vous. O.K.

M. Pagé: Ouais, je n'étais pas ministre.

M. Lapalme: On vous dit la veille pour qui voter. Cela m'a insulté énormément. Je ne partirai pas de chez nous, laisser ma "business" pour m'en aller si je n'ai pas le droit de décider moi-même. Ce n'est plus constitutionnel. Quand on décide, qu'on te dit pour qui voter... Demain, on vote pour Untel. On ne vous dit pas que l'UPA n'a jamais rien fait. L'UPA, ils ont fait de bonnes choses. Mais depuis 1972, on leur a donné l'exclusivité, et l'exclusivité amène des abus. (17 h 45)

Ce qu'on a proposé et qu'on aimerait, nous autres, c'est que ça soit des fédérations autonomes. La fédération qui administre le plan conjoint - j'ai assisté à l'assemblée des cultures commerciales, dont ils ont un plan conjoint et j'aimerais, M. le minisre, vous remettre l'ordre du jour qui m'avait été envoyé - a fait l'assemblée du syndicat avec l'assemblée du plan conjoint, mais en entrant, comme on n'est pas membres de l'UPA, on nous remet un petit papier. Le mien était jaune. Les administrateurs ont un papier vert. Mais j'aimerais vous faire remarquer sur quoi on avait droit de parole et sur quoi on avait le droit de vote. C'est là qu'est le problème et, le problème, c'est un gros problème. On ne peut plus rien faire. Soit que tu appartiennes, que tu sois membre, tu as le droit de vote, tu as le droit aux avantages. Si tu n'es pas membre, tu n'as rien, même pas un état financier ni un rapport d'activité. On a le droit de payer quand on envoie nos...

Depuis 1972 la loi nous oblige à appartenir.

Le Président (M. Richard): M. Lapalme, merci. M. Varetta.

M. Varetta (Jean-Pierre): Oui. Je voudrais vous dire que je suis à la mise en marché des veaux d'embouche dans Nicolet, dans votre comté. J'ai su qu'il y avait une commission parlementaire par M. Jacques Baril. J'ai essayé de savoir par mes dirigeants supérieurs ce qui allait être discuté. Dans ma région, personne ne savait

rien. Est-ce que des gens qui sont à la mise en marché seraient supposées être mis au courant du mémoire qui a été déposé? Le mémoire, je viens de l'avoir par des gens de Sherbrooke, aujourd'hui. Je trouve ça lamentable. Sauf que pour vous dire que, à l'UEACQ, c'est comme à l'UPA, il y a deux tranches. Vous avez l'UPA de Sherbrooke et (es autres et là aussi, peut-être que je vous ai fait passer un mémoire que j'ai fait de ma propre main, que je ne l'ai pas signé, parce que je voulais vous le lire, où je vous mets des alternatives. Parce que, le danger, c'est qu'on se protège... Trop souvent on a de l'initiative qu'on voudrait faire, mais on est contrés par d'autres personnes. J'en parle en connaissance de cause dans la mise en marché des veaux d'embouche dans le moment. Et aussi, quand dans la même mise en marché vous avez la grosse entreprise qui compétitionne avec la petite entreprise. La petite entreprise n'a aucune chance de réussite. C'est une chose qui a paru dans La terre de chez nous pour le bouvillon d'engraissement qui stipule que les petits parcs touchent 0,07 $ de moins parce qu'ils ne peuvent pas remplir des vannes complètes. Donc, c'est prouvé que la petite entreprise ne peut pas lutter contre la grosse. Donc, il faudrait essayer de dissocier la grosse entreprise qui fournit l'industrie agro-alimentaire à bas coût et ensuite la petite entreprise plus spécialisée qui sortirait moins de volume par rapport à son travail, mais qui irait chercher une meilleure plus-value dans des produits plus haut de gamme, c'est-à-dire, pour venir étayer les producteurs de moutons tout à l'heure, des groupements de producteurs volontaires. J'estime qu'on fait mieux les choses quand on est volontaires que quand on est obligés d'adhérer à un plan conjoint. Je pense que c'est ça qu'on voulait vous dire sans être arrogant, qu'on aimerait... On conçoit qu'il y a plusieurs types de consommateurs. Il faut qu'on les satisfasse, ces consommateurs.

J'ai fait une petite étude, là. On a un marché potentiel au Québec pour les agriculteurs du Québec. 6 000 000 d'habitants, je pense que c'est ça, à peu près, pour 42 000 producteurs agricoles. Ça représente un producteur qui pourrait alimenter 142 consommateurs. Ce rapport est réduit de moitié en France. Donc, on a un pouvoir, si on veut. Il faut satisfaire le maximum de consommateurs, c'est-à-dire qu'on ne peut plus aujourd'hui imposer, par des plans conjoints, à nos consommateurs de manger ce qu'on produit. Il faut être à l'écoute de nos consommateurs, sans cesse. C'est un peu ça que je voulais dire, que j'espère que vous lirez mon mémoire... Si on ne veut pas dépasser l'heure, je ne l'ai pas signé parce que je pensais vous le lire, mais...

Le Président (M. Richard): merci, m. varetta. j'étais certain que vous n'étiez pas arrogant puisque vous êtes dans notre propre comté.

M. le ministre, c'est pour le message final et, par la suite, le porte-parole de l'Opposition, le député d'Arthabaska.

M. Pagé: M. le Président. Je n'ai pas voulu poser de questions à l'honorable citoyen qui se présente devant nous compte tenu du caractère affirmatif, quasi infaillible de ses propos, selon lui. Je ne peux pas accepter qu'un organisme, dans le cadre d'un processus public... Je comprends qu'on ait la liberté d'expression. La liberté d'expression n'implique pas le droit de dire n'importe quoi. C'est totalement inacceptable qu'un organisme, qui se dit par surcroît représentatif d'un nombre de 800 membres, vienne ici en commission parlementaire accuser la Régie des marchés agricoles du Québec d'être une espèce de filiale de l'Union des producteurs agricoles du Québec, alors que ce sont des gens qui assument des responsabilités avec un serment et qui puisent leurs responsabilités et le champ de juridiction qu'ils ont dans une loi qui est d'intérêt public et qui a été adoptée en 1956. Je dois donc vous dire que je n'accepte pas non seulement ces critiques et ces commentaires, mais des attaques basses. Parce que ces gens-là ne témoignent pas, eux autres, ces gens-là ne peuvent pas se défendre. Ça, c'est ma responsabilité à moi de le faire. Ça n'a pas d'allure, ce que vous avez fait là, d'abord.

Deuxièmement, vous dites des faussetés. Je m'excuse, là, vous dites des faussetés. La Québec Farmers' Association s'est vu autoriser en 1986, par le ministre de l'Agriculture que je suis, la publication de documents, de programmes en anglais, de publications d'information en anglais, dans sa langue. C'était un droit, c'était le minimum de respect, je pense, qu'on se devait d'adresser à nos communautés, nos agricultrices et nos agriculteurs de langue anglaise, qui, lorsqu'ils lisaient dans certains cas un programme du ministère, ne le comprenaient pas.

Vous vous présentez ici sous l'égide d'une présentation qui s'inspiro davantage de brutalité Vous savez, quand vous vous référez au régime communiste, vous vous référez au régime du bloc de l'Est, je me limiterai à vous dire que comparer le vécu quotidien en agriculture ici à ce qui se passe là-bas, ça témoigne d'une méconnaissance très profonde. Si le régime était tel que ce que vous en dites, vous ne seriez pas ici, monsieur, pour nous parler sur ce ton-là et vous ne seriez pas ici pour dire des choses aussi grossières, je pense. L'agriculture au Québec, ça s'est bâti a coup de labeurs, de sacrifices, ça s'est bâti aussi avec des gens qui ont travaillé, qui ont su s'organiser, qui se sont donné des moyens et des gouvernements, et mon gouvernement a adopté une loi ici, en 1972. Je vous inviterais à aller faire un tour pour voir ce qui se passe aux États-Unis, ce qui se passe dans l'Ouest du pays ou dans plusieurs Etats américains. On a ce type de formule, de représenta-

tion selon une libre adhésion. Allez-y voir! Allez-y voir! Puis revenez-nous après.

On s'est donné des mécanismes, au Québec, qui ne sont pas parfaits, on en convient. D'ailleurs, c'est pour ça qu'on est en train de les modifier cette année. On s'est donné des mécanismes qui ont contribué à bâtir l'agriculture d'aujourd'hui, une agriculture qui est dynamique, qui est progressive, qui a ses faiblesses. On devra réorienter des choses au niveau du biologique, notamment. Mais dites-vous bien une chose, je retiens que vous êtes en désaccord. Mais la première chose que vous avez faite: vous avez formé votre propre union vous autres aussi. C'est la première chose que vous avez faite. Vous dénoncez l'Union des producteurs agricoles, mais la première chose, ça été de vous regrouper en union, vous autres aussi.

Vous revendiquez des choses. De la façon que ça été présenté aujourd'hui, moi, je vais vous dire, j'ai la qualité, à ce qu'on me dit, d'être franc et j'ai le défaut d'être direct et d'être bête parfois. Ça n'a pas d'allure, ce que vous avez fait aujourd'hui, je vous le dis comme je le pense. Ça été présenté tout croche, tout croche. Si vous étiez arrivés ici en disant... Puis je vais aller aussi loin que vous dites. On le sait, d'ailleurs c'est de commune renommée, c'est public, que vous contestez l'Union des producteurs agricoles du Québec. Vous n'êtes pas d'accord avec l'obligation de contribuer. C'est votre droit, ça, le plus légitime. Mais ce n'est pas en arrivant devant l'Assemblée nationale du Québec et en tentant de crêper le chignon de tout le monde, puis en affirmant des grossièretés, comparant les régimes québécois à ce qui se passe en Roumanie... Voyons donc, ça n'a pas d'allure! Ça ne résiste à aucune analyse. Si vous étiez arrivés ici en disant...

Je vais vous donner un exemple de questions que l'ensemble des parlementaires aurait peut-être aimé entendre, parce que le ministre aurait peut-être été dans l'embarras. Si vous aviez dit: M. le ministre, dans votre projet de loi... D'ailleurs, je dois vous dire que le projet de loi, monsieur, c'est moi qui l'ai écrit, ce n'est pas l'UPA qui l'a écrit. Je ne dois rien à l'UPA, j'étais pas là avant puis je ne prévois pas être là après. Mais je vais faire ma job ici. Je veux être clair, là!

Dans le projet de loi, j'ai écrit une disposition comme quoi, tous les cinq ans, chacun des plans conjoints doit être revalidé devant la Régie des marchés agricoles. Vous aviez une porte toute grande ouverte. Vous auriez dû dire au ministre de l'Agriculture: M. le ministre, pourquoi n'ajoutez-vous pas un amendement à l'effet que, tous les cinq ans, au sein de l'Union des producteurs agricoles du Québec, il y ait un vote général, universel, public, sur appel de tous les membres? Vous auriez pu faire ça: chacune des fédérations obligée de commander un vote secret général pour chacun des membres pour réitérer son appartenance à cette fédération. Vous auriez pu faire ça. Vous auriez pu demander aux législateurs que nous sommes de revoir le statut des délégués au sein de l'Union des producteurs agricoles.

M. Lapalme dénonçait tantôt le fait que, lorsqu'il était président du syndicat de base, ça n'allait pas à son goût, etc. C'est souventefois critiqués, les délégués. Ce n'est pas la première fois que j'entends, moi, comme ministre - puis je l'entendais même lorsque j'étais député - des gens dire: Vous savez, le processus de décision au sein de l'Union des producteurs agricoles passe trop généralement par des délégués et devrait passer plus souvent par les assemblées générales.

Vous auriez dû demander des choses comme ça plutôt que de tenter de venir crêper le chignon puis salir tout le monde, le gouvernement, l'UPA, les parlementaires. Puis même, vous avez ajouté à l'insulte en venant dire ici, à l'Assemblée nationale, publiquement, qu'un ministre du gouvernement a des journaux puis a de la publicité dedans. Ça prend un sacré culot! Puis vous devriez avoir assez de courage et de "guts" pour le dire en dehors de la Chambre, puis probablement qu'il va se défendre, ce gars-là. On ne peut pas se permettre de faire des accusations fausses, erronées, fallacieuses, dire n'importe quoi, puis comparer tout le monde au communisme, voyons donc!

Comprenez-vous, maintenant, pourquoi je ne suis pas allé à votre congrès? Bonne fin de journée.

Une voix: Est-ce que je pourrais me défendre?

Le Président (M. Richard): Non...

M. Pagé: Bonne fin de journée, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Richard): ...je m'excuse. M. le député d'Arthabaska, vous avez la parole pour le mot final. Je regrette, parce que l'intervention doit être limitée, là, ce n'est pas...

M. Baril: Oui, je vais être très bref.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Je vais être très bref. C'est évident que j'ai noté moi-même beaucoup de révolte dans votre mémoire. C'est votre droit. J'ose croire que vous avez préparé ce mémoire-là durant une de ces journées maussades, froides, de l'hiver, à la suite d'une mauvaise assemblée quelque part, je ne sais pas quoi, que vous avez couché sur papier vos pensées que vous mijotiez depuis un certain temps et que vous nous en avez fait part.

Je finirai tout simplement en disant que c'est sûr que la formule est dure - vous avez dit tout à l'heure que vous vouliez écrire ça clairement pour qu'on comprenne - mais, moi, je vais vous dire tout simplement: N'oubliez pas que qui trop embrasse mal étreint, aussi.

Une voix: Bien, tantôt, à propos de la prétention...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse...

Une voix: ...concernant les publications dans les revues, là, j'ai fait...

Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs...

Une voix: J'ai été attaqué, j'espère que j'ai le droit de me défendre. Je n'ai pas été impoli...

M. Pagé: Je ne vous ai pas attaqué, monsieur, j'ai remis les points sur les i, en ce qui me concerne.

Le Président (M. Richard): Je m'excuse... M. Pagé: Je n'ai pas été impoli.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska, est-ce que vous avez terminé votre commentaire?

M. Baril: Moi, j'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Alors, sur ce, la commission suspend ses travaux et nous revenons ici à 20 heures. Merci, messieurs.

(Suspension de la séance à 17 h 59) (Reprise à 20 h 20)

Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, la commission reprend ses travaux. Nous recevons les représentants des Producteurs de sucre d'érable du Québec, et je dois vous dire que, dans mon mandat comme président, j'ai le droit de recevoir des dépôts. J'ai donc reçu un dépôt que je demanderais à M. le secrétaire de distribuer aux membres de la commission. Il faut admettre que normalement, c'est en papier les dépôts, mais là, disons que le règlement n'est pas spécifique.

M. Pagé: Je reconnais, M. le Président, la générosité de M. Laroche...

Le Président (M. Richard): Ha, ha, ha!.

M. Pagé: ...digne président de la coopérative de sirop d'érable, Chevalier de Colomb quatrième degré. Merci.

M. Laroche (André-Paul): C'est ça.

Une voix: Ça, c'est le mot de passe, le sirop d'érable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: II ne faut pas le dire, il ne faut pas le dire. Est-ce qu'il va en rester pour l'Opposition? M. le Président, je note que M. le ministre délégué à l'Agriculture est en train d'offrir à Mme la députée de Johnson de partager leur sirop.

Mme Juneau: Ah! On a bien fait de parier, hein?

M. Pagé: Oui...

Le Président (M. Richard): Alors messieurs, on vous remercie bien de ce dépôt, au nom des membres de la commission. Ça n'arrive pas souvent qu'on remercie pour un dépôt, en toute honnêteté.

M. Dufour: Continuez, continuez.

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, messieurs.

Producteurs de sucre d'érable du Québec

M. Laroche: Merci. Je me présente, c'est André-Paul Laroche, président de la coopérative des Producteurs de sucre d'érable du Québec. Mon collègue à droite, c'est M. Gaston Rioux, secrétaire général de la coopérative des Producteurs de sucre d'érable du Québec. M. le président de la commission, M. le ministre, il me fait plaisir de vous saluer. M. le ministre, un peu exceptionnellement, parce que, depuis un an, je vous ai rencontré au moins quatre ou cinq fois, je pense, et puis...

Une voix: Tu ne lui fais pas un nom! Des voix: Ha, ha, ha!

M. Laroche: Bien, on s'est rencontrés à la fête des Laroche.

M. Pagé: On s'est rencontrés, ce n'est pas un lointain personnage, comme on disait cet après-midi.

M. Laroche: Vous n'êtes pas si loin que ça, on s'est rencontrés à la fête des Laroche, à Neuville. Ça me fait plaisir aussi de souligner que je demeure à six milles du comté de Mme Juneau.

Une voix: On vient de tout comprendre.

M. Laroche: MM. les députés, madame. La coopérative provinciale des Producteurs de sucre d'érable du Québec s'est toujours préoccupée et impliquée activement dans la mise en marché des produits acéricoles de ses 3300 membres sociétaires. Sa raison d'être le commande, puisque ses fondateurs l'ont créée pour fournir aux propriétaires d'érablières, via un réseau de 150 dépôts de ramassage, des services acéricoles variés tels que le matériel d'érablière, les barils à sirop, l'assurance-sirop, l'assistance technique, la formation coopérative et l'information acéricole, le transport, la réception, le classement, l'entreposage, le conditionnement, le marketing et la mise en marché de tout le sirop d'érable en vrac de ses sociétaires, provenant d'érablières de toute taille et ne pouvant pas être écoulé localement, faute de bassin de consommateurs et consommatrices suffisant.

Les acériculteurs et acéricultrices sont les propriétaires à 100 % de leur entreprise coopérative de services professionnels. Pour cette raison, la coopérative des Producteurs de sucre d'érable du Québec s'implique inlassablement, à l'année longue, dans la mise en marché du sirop d'érable de ses sociétaires et suit toute évolution des législations et réglementations qui encadrent cette mise en marché. À ce propos, elle est solidaire des autres secteurs coopératifs de production agricole, qui sont assujettis aux encadrements législatifs et dont la présente commission a été chargée de recevoir les points de vue.

Depuis janvier 1990, le secteur québécois de l'industrie de l'érable et plus particulièrement le secteur de la coopération acéricole, suite au vote favorable en faveur de l'expérimentation d'un nouveau plan conjoint provincial dès avril et mai prochains, aura à vivre avec de nouveaux mécanismes d'équilibre entre l'offre et la demande des produits de l'érable et à s'y adapter.

Le mouvement coopératif acéricole compte donc 3300 sociétaires parmi lesquels on retrouve une grande majorité d'individus, des sociétés et des corporations variées. Fondée en 1925 et ayant accumulé une expertise acéricole et de commercialisation assez unique et peut-être pas suffisamment connue chez nous - on n'est pas prophète dans son pays - la coopérative des Producteurs de sucre d'érable du Québec est encore, en 1990, la plus importante entreprise de commercialisation de toute l'industrie, une industrie qui depuis 1988 est passée majoritairement sous le contrôle étranger, c'est-à-dire américain. Notre entreprise coopérative est particulièrement bien connue par ses marques de commerce Citadelle, Camp et O'Canada.

En tant que coopérative à caractère provincial, les Producteurs de sucre d'érable du Québec représentent maintenant les intérêts du plus grand groupe structuré de producteurs et de productrices acéricoles du Québec et même du

Canada qui, depuis quatre générations, anime la vie associative de ses 3300 propriétaires usagers répartis dans 51 comtés acéricoles du Québec.

La coopérative provinciale des Producteurs de sucre d'érable du Québec est également une entreprise industrielle et commerciale de taille moyenne et moderne qui, en plus de fournir à ses membres usagers des services professionnels, conditionne et met en marché à l'année longue des millions de livres de produits d'érable purs dans plus de 30 pays à travers des réseaux de distribution diversifiés, dans des formats variés et dans plusieurs langues étrangères. Il ne s'agit donc pas d'une entreprise artisanale et saisonnière, mais d'une organisation dynamique de chez nous qui opère à l'année longue et apporte par ses activités une plus-value économique à ses sociétaires et aux régions qu'elle dessert.

Ses 3300 membres propriétaires peuvent donc compter sur une cinquantaine d'employés expérimentés, hommes et femmes, une soixantaine d'agents, de courtiers et d'importateurs professionnels et un réseau de plus de 325 chaînes et grossistes spécialisés en distribution alimentaire. Son chiffre d'affaires s'est élevé en 1989 à près de 18 000 000 $, dont 85 % à l'exportation. Notre entreprise coopérative est enfin nouvellement affiliée à la Coopérative fédérée de Québec depuis octobre 1989 et est à finaliser son programme d'expansion pour la décennie 1990; elle espère que la présente récession économique internationale prendra fin rapidement.

Je vais laisser la parole à M. Rioux.

M. Rioux (Gaston): Merci, M. le président Laroche. Alors, M. le président de la commission, M. le ministre Pagé, MM. et Mmes les députés. Donc, au cours des derniers mois, notre entreprise coopérative a eu à négocier intensément une première convention et des règlements quant à la mise en marché du sirop d'érable en vrac. Cette négociation s'est faite à ce jour dans un climat civilisé dans le cadre et le respect de la loi actuelle. Il s'agit bien sûr d'une première convention d'une durée d'une année. Étant donné que le tout nouveau plan conjoint de l'érable aura à s'ajuster convenablement et légalement à une loi 15 amendée et respectueuse des intervenants économiques, nous sommes d'opinion que le législateur devrait, premièrement, limiter la portée de la loi 15 et des pouvoirs des plans conjoints strictement à la commercialisation qui intervient entre le producteur et le premier preneur de son produit, quand celui-ci est encore à l'état brut, c'est-à-dire se rend jusqu'à la porte de l'usine. Dans notre cas, il s'agit du sirop d'érable de la ferme écoulé en vrac, c'est-à-dire en grands contenants, pour être conditionné ultérieurement, mis à point en usine coopérative ou autre, puis vendu dans les circuits officiels de vente au détail. (20 h 30)

Maintenant, à l'instar de notre fédération

de coopératives agricoles, la Coopérative fédérée de Québec, notre entreprise coopérative spécialisée demande aussi au législateur de conserver le droit de révision du gouvernement du Québec, l'autorité suprême, quant à nous, dans les cas d'appel et de révision des décisions de la Régie. Également, nous demandons au législateur de conserver le droit d'appel à la Cour du Québec sur toute décision contestée de la Régie - autrement dit, ce que la loi actuelle offre déjà - et, enfin, d'accroître le pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure du Québec dans les cas extrêmes.

Enfin, relativement aux trois points importants mentionnés précédemment, nous partageons en définitive les commentaires, les réserves et les suggestions qui seront émis demain par la Coopérative fédérée de Québec, la fédération à laquelle nous appartenons maintenant.

M. le Président, Mmes et MM. les députés, membres de la commission, M. le ministre, il n'est pas dans notre intention de reprendre toute l'argumentation qui sera évoquée demain par la Coopérative fédérée relativement aux points énumérés en titre dans notre mémoire. Nous tenons simplement à vous informer que nous appuyons l'argumentation de la Coopérative fédérée dans ses grandes lignes, d'autant plus que la convention du nouveau plan conjoint de l'érable, qui sera en vigueur ce printemps 1990, pourrait laisser encore quelques zones grises que la loi 15 devrait aider, selon nous, à colmater avant le printemps 1991, si l'on espère une bonne opérationalisation de ce nouveau plan conjoint à la satisfaction des producteurs et productrices, coopérateurs et coopératrices et de tous les autres intervenants concernés de notre industrie.

À ce propos-là, je voudrais aussi indiquer à la présente commission que ce n'est pas notre intention, ce soir - d'ailleurs, vous l'avez vu dans notre mémoire que vous aviez reçu à l'avance - de faire toute une révision article par article. À notre avis, des règles plus claires ne peuvent que favoriser de meilleures activités socio-économiques dans nos sociétés rurales.

En conclusion, nous vous remercions pour votre bonne attention et nous nous attendons à ce que vous apporterez une oreille très attentive aux différents mémoires constructs que vous présentera la coopération agricole demain et dans les jours qui suivront, de même qu'au mémoire du Conseil de la coopération du Québec.

Le secteur coopératif de l'érable qui, depuis plus de 65 ans, joue un rôle majeur dans cette industrie cyclique, laquelle vit présentement des problèmes temporaires de surproduction qui coïncident avec une nouvelle récession économique, approuve particulièrement l'article 194 du projet de loi à l'effet de tenir compte de l'intérêt public et de l'opportunité économique dans un secteur contingente ou appelé à l'être avant la délivrance d'un permis d'exploitation d'une nouvelle usine de conditionnement. Et on pourrait ajouter aussi avant l'octroi par l'État de subventions à toute nouvelle entreprise dans le secteur.

Il n'y a pas de doute que, dans un secteur aussi cyclique que celui de l'érable, l'on doit tenir compte des entreprises qui ont consenti des sacrifices énormes, des investissements importants en argent, en ressources humaines dans les services, dans le développement des produits et des marchés, avant d'autoriser encore une fois l'émission de nouveaux permis d'usine à des groupes inexpérimentés et fragiles dont la seule préoccupation est l'appât du gain immédiat.

Alors, M. le président de la commission, M. le ministre, nous vous remercions sincèrement pour votre bienveillante attention. Notre mémoire est fort bref, comme vous avez pu le constater. Nous voulons quand même vous mentionner que, quant à nous, il y a en particulier deux articles de l'ancienne loi auxquels on tenait beaucoup, les articles 2 et 3. Alors, on veut aussi vous rappeler ce soir que ces deux articles-là sont bien importants pour nous. On a pensé également vous laisser un peu une trace de notre passage parce que, comme je l'ai indiqué dans le mémoire, M. le Président, l'industrie de l'érable connaît depuis deux ans une performance assez exceptionnelle malgré, comme vous savez, les problèmes causés par le dépérissement des éra-blières. Il reste que, depuis deux ans, on a connu quand même des récoltes exceptionnelles. On voulait aussi profiter de l'occasion pour vous souligner que vous tous comme consommateurs, consommatrices, eh bien, on vous invite à consommer les produits de l'érable, de grâce pas seulement durant le temps des sucres, mais à l'année longue. Merci beaucoup pour votre bonne attention.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, messieurs. Ça fait quand même un peu plus doux que certains mémoires qui étaient un peu arides. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Dufour: Un peu plus sucré également?

Le Président (M. Richard): Un peu plus sucré, vous avez tout à fait raison.

M. Pagé: M. le Président, les mémoires auxquels vous vous référez n'étaient pas arides, ils étaient acides.

Le Président (M. Richard): Ha, ha, ha!

M. Pagé: Cela étant dit, M. le Président, je tiens à remercier la coopérative des Producteurs de sirop d'érable du Québec, tout particulièrement M. Laroche, remercier M. Rioux, directeur général, de leur présentation.

Je voudrais dans un premier temps vous réitérer toute ma satisfaction, comme ministre de

l'Agriculture, concernant le rôle éminemment important et utile au chapitre du conditionnement et de la mise en marché des produits de l'érable au Québec, rôle joué par la coopérative dont vous êtes les représentants, qui regroupe, comme on le sait, au-delà de 3300 producteurs et qui a 18 000 000 $ de chiffre d'affaires annuellement. Vous avez su, au cours des années, non seulement regrouper les producteurs, mais surtout démontrer beaucoup de détermination au niveau de la pénétration des marchés. Je dois dire que c'est toujours avec une fierté renouvelée que, quand je suis à l'extérieur du pays, je vois soit les produits Citadelle ou Camp sur les tablettes. Soit dit en passant, en dollars américains, il se vend beaucoup plus cher qu'ici. Chose certaine, c'est probablement très intéressant pour la coopérative qui met en marché là-bas. Vous êtes présents d'ailleurs dans plusieurs États américains. C'est le genre de mise en marché qu'on recherche au ministère et c'est aussi le genre de mise en marché qui est susceptible de sécuriser ceux qui sont en amont de la vente au détail, c'est-à-dire nos producteurs et nos productrices.

C'est d'ailleurs dans ce sens-là que j'ai insisté, à l'été 1989, pour que la coopérative des Producteurs de sirop d'érable puisse être considérée dans l'intervention du gouvernement du Québec, intervention qui, comme on le sait, est venue garantir des sommes importantes, accompagnée aussi du paiement d'intérêts pour l'entreposage de quantités énormes. Au printemps 1989, c'était 15 000 000 de livres, si ma mémoire est fidèle; à l'été 1989, c'était 24 000 000 de livres, si ma mémoire est toujours fidèle. J'avais, à ce moment-là, imposé comme conditions d'intervention gouvernementale que, premièrement, les producteurs accceptent de se convier à un véritable plan conjoint, accompagné de mesures venant limiter la production, parce qu'on ne pouvait pas - ça, je pense que tout le monde est unanime à le constater - année après année, produire, produire, produire, engranger, stocker - excusez le terme, on a le droit de l'utiliser - sans se soucier du développement des marchés, pendant que le gouvernement pompe des centaines de milliers pour ne pas dire des millions de dollars annuellement pour supporter des inventaires.

Alors, à cet égard, merci. Encore une fois, je vous le dis publiquement ici, en commission parlementaire, j'apprécie au plus haut point les efforts que vous avez déployés dans le passé, la discipline que vous vous êtes donnée et surtout l'agressivité que vous avez démontrée au niveau de la pénétration des marchés et de la qualité de produits par un conditionnement, par des investissements importants, etc.

On accueille votre mémoire avec intérêt. Soit dit en passant, j'apprécie aussi au plus haut point, comme ministre, le fait que vous vous soyez joints à la Coopérative fédérée du Québec à l'automne 1989, Coopérative fédérée du Québec qui, comme on le sait, est en quelque sorte l'organisme parapluie au-dessus de l'ensemble des coopératives au Québec; ça va bien au-delà des coopératives uniquement laitières, mais ça se réfère aussi à l'ensemble de la distribution de produits sur le réseau québécois. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on entendra bientôt devant cette commission, M. Alphonse-Roger Pelletier, qui est avec nous ce soir.

Cela étant dit, vous formulez certaines demandes. Vous dites, à la page 5 de votre mémoire, que le législateur devrait limiter la portée de la loi 15 et des pouvoirs des plans conjoints strictement à la commercialisation qui intervient entre le producteur ou la productrice et le premier preneur de son produit. Vous vous référez donc à ce système implanté soit via la coopération du sirop d'érable ou encore la banque de sirop d'érable. À cet égard, vous souhaitez qu'on se réfère uniquement au vrac, mais, si je me rappelle bien, dans le plan conjoint qui a été déposé et adopté à la très grande majorité par les producteurs de sirop d'érable du Québec, c'est spécifiquement nommé. La référence est bien exacte et ça se limite à ce qui est mis en marché au niveau du vrac. Est-ce à dire que ça ne vous sécurise pas ou quoi?

M. Laroche: Ça nous sécurise, mais, d'un autre côté, c'est qu'étant donné que les gens vont faire beaucoup plus de détail, ils vont se concurrencer eux autres mêmes et, par le fait même, ils vont faire tomber le marché au détail, puis là, ça va balancer le prix en vrac.

M. Pagé: Oui, c'est évident que les comportements du printemps qui s'annoncent si, entre guillements, il finit par arriver... Pour le bénéfice du Journal des débats, il faut quand même se rappeler qu'il faisait encore moins 17, la nuit dernière. Mais quand le printemps arrivera, le comportement va être intéressant à suivre parce que la pression pour une mise en marché directement au détail va être probablement plus forte, ce qui n'est pas nécessairement négatif en soi parce qu'un des problèmes majeurs que vit l'industrie - il ne faut pas se faire de cachettes - c'est qu'on a un problème très appréciable en ce qui concerne la commercialisation de notre produit à l'intérieur même du Québec. On a quoi? 14 000 points de vente au niveau de la restauration, et je serais curieux de savoir le pourcentage de restaurants du Québec qui pourraient nous offrir du sirop d'érable avec les crêpes demain matin.

Nous sommes la province productrice, non seulement au Canada, mais autour du monde; on fournit 80 % du marché du sirop d'érable à l'échelle mondiale. J'étais, hier soir, avec le ministre de l'Agriculture de l'État de New York, qui, même s'ils en produisent là-bas, est quand même un marché important pour nous, et, malgré que nous produisions 80 % du sirop d'érable qui

est consommé dans le monde avec un marché qui est en plein développement, notamment au Japon, malgré ça, force nous est de reconnaître, malheureusement, qu'on a une structure de mise en marché, au Québec môme, qui pourrait faclement être bonifié. Alors, c'est dans ce sens-là qu'H y a d'autres éléments dans la loi, auxquels vous n'avez pas eu l'opportunité de vous référer, qui vont être offerts à l'industrie, pour qu'on s'assoie ensemble et qu'on puisse mettre en place des programmes de mise en marché de nos produits mieux ciblés.

M. Laroche: Je voudrais poser une petite question à l'Assemblée ici

M. Pagé: Allez-y.

M. Laroche: Quand on va manger dans un restaurant, est-ce qu'on s'informe s'il y a du sirop d'érable?

M. Pagé: Le ministre de l'Agriculture s'informe de deux choses: d'abord, s'il y a du vrai beurre, puis s'il y a du sirop d'érable. Sauf que, maintenant, le ministre de l'Agriculture a moins à s'Informer parce que, la margarine, elle se distingue maintenant.

Une voix: En passant.

M. Pagé: Oui, oui, en passant.

M. Rioux: M. le Président, si vous le permettez, pour continuer dans la môme veine que M. Pagé, je pense qu'on doit vous indiquer ce soir que, bien sûr, on parle, dans le projet de loi 15, de la fameuse chambre de concertation et qu'on est ouverts à ça. Moi, j'ai eu l'occasion d'aller à l'étranger et, entre autres, en France, notamment, de voir certaines formules, disons, un petit peu de môme acabit. Alors, je pense que c'est une bonne idée de mettre tous les intervenants ensemble pour parler de mise en marché, mais de tout le processus. Et là-dessus, je dois vous dire que la coopérative est ouverte. D'ailleurs, elle est la seule, honnêtement, à faire un effort de mise en marché assez louable au Québec et au Canada. Bien sûr, on le fait avec les moyens du bord, on n'a pas les moyens des grandes entreprises, mais on a quand même des politiques de promotion actuellement. On peut vous donner un exemple qui s'adresse surtout à ceux qui aiment bien aller au restaurant Saint-Hubert. Bien, au restaurant Saint-Hubert, actuellement, les grands-pères au sirop qui sont offerts, et tout ça, eh bien, c'est la coopérative qui fournit le produit. Quant à ceux, ce soir, qui ont mangé au café du parlement et qui ont pris la fameuse couronne à l'érable, bien c'est aussi la coopérative qui est le fournisseur privilégié ici, du parlement, depuis des années. On fournit aussi beaucoup de grands hôtels, de grands restaurants, mais le problème, M. le ministre, qu'on entend souvent... Parce que, vous savez, tous nos produits sont offerts. Nous travaillons, nous, avec les grandes chaînes de distribution et nous avons un courtier en alimentation qui travaille à l'échelle provinciale, au niveau aussi de la restauration, de l'hôtellerie en général. Mais le problème qu'on nous rapporte le plus souvent, c'est le prix du produit. Parce que vous savez, aujourd'hui, dans le monde de l'alimentation, on travaille avec des portions contrôlées, alors il faudra peut-être arriver avec des portions peut-être moins généreuses que la petite bouteille de 55 millilitres. Mais tous ces produits-là, les produits que vous avez sur vos tables ce soir, sont offerts au monde de l'hôtellerie. Et le commentaire malheureusement négatif, qu'on entend, de la part de ce milieu-là, actuellement, c'est qu'ils trouvent que le produit est cher, que le produit est dispendieux. Qu'est-ce qu'H faudra faire, dans le futur, pour les convaincre? (20 h 45)

On a des idées là-dessus. Bien sûr que la fameuse chambre de concertation, s'il y en a une qui est créée pour le secteur de l'érable, en tout cas, nous, on y serait favorables de prime abord, on en a parié. Il s'agira d'en discuter avec nos amis de la fédération aussi. Je pense bien qu'ils seraient ouverts parce qu'on parie aussi de promotion générique, dans les prochains mois, pour l'industrie de l'érable. Il n'y a pas de doute, M. le ministre, M. le Président, MM. les députés, qu'il faudra définitivement s'asseoir ensemble, dans les prochains mois, et élaborer un programme de promotion de notre produit au Québec, un programme plus mordant, plus intéressant, il n'y a pas de doute. Merci.

M. Pagé: Merci, M. le directeur. À la page 6, je note que vous souhaitez voir maintenu, peut-être pas le pouvoir d'appel, mais le pouvoir, pour le cabinet, de renverser une décision de la Régie.

M. Rioux: Oui, c'est exact. M. Pagé: De revoir...

M. Rioux: Disons que, en fait, dans notre esprit, on pense à des cas extrêmes. C'est vrai que, ce matin, on a fait allusion, dans la présentation de certains mémoires, qu'historiquement, il y a eu peu de cas qui méritaient d'être portés à ces niveaux-là, mais il n'est pas dit que, dans le futur... Vous savez, les hommes changent, les femmes changent, dans les organisations, c'est vrai dans les Parlements, c'est vrai dans les coopératives, c'est vrai dans les organisations agricoles. Je pense bien que, d'une façon générale, on essaie toujours, je pense bien, de discuter, de trouver des terrains d'entente avant d'aller plaider, bien sûr, mais, que voulez-vous,

les temps changent, alors peut-être qu'il faudrait prévoir, en tout cas, dans ce projet de loi 15, quand même, certaines balises.

On comprend qu'au niveau de la Régie, les gens qui sont là, ce sont des professionnels, des gens qui, je pense, font un excellent travail, jusqu'à date, en tout cas. Nous, je peux vous dire, M. le ministre, que, dans le processus qu'on vient de vivre, justement, dans la votation du nouveau plan conjoint de l'érable, on a été très satisfaits de la façon dont la Régie des marchés agricoles a fonctionné. Je pense que c'a été vraiment correct et qu'elle avait apporté toutes les précautions pour que le vote se déroule démocratiquement. Je pense que, quant à la majorité des producteurs qui se sont prononcés, cette fois-ci, leur verdict était clair. Je pense qu'on doit rendre hommage à la Régie. La Régie a fait un bon travail au cours des derniers mois, et il n'y a pas de problème de ce côté-là.

M. Pagé: Merci, M. Rioux. Dernier commentaire. À la page 8, en conclusion, vous dites: "Le secteur coopératif de l'érable qui, depuis plus de 65 ans, joue un rôle majeur dans cette industrie cyclique, laquelle vit présentement des problèmes temporaires de surproduction qui coïncident avec une nouvelle récession économique, approuve particulièrement l'article 194 du projet de loi à l'effet de tenir compte de l'intérêt public et de l'opportunité économique dans un secteur contingenté ou appelé à l'être avant la délivrance d'un permis d'exploitation d'une nouvelle usine de conditionnement." Si ma mémoire est fidèle, l'article 194 s'applique uniquement dans le secteur laitier.

M. Rioux: Pour le moment, oui, vous avez raison. Maintenant, nous, on s'est dit ceci. Dépendant, évidemment, de l'influence des mémoires sur le projet de loi 15, on peut croire qu'il y aura sûrement des amendements qui seront apportés...

M. Pagé: Probablement, oui.

M. Rioux: ...alors nous sommes d'opinion que, bien sûr, on pense au secteur laitier, mais qu'il faudrait aussi penser, éventuellement, aux autres secteurs où il y a une forme de contingentement. Nous, notre préoccupation, actuellement, étant donné qu'on est dans une phase, disons, d'inventaire un peu exceptionnel, de réserve d'inventaire à vrai dire, c'est qu'on pense que le gouvernement, en tout cas, devrait prendre des précautions dans un contexte comme celui-là. Bien sûr que le secteur de l'érable n'est pas encore un secteur contingenté. Je dois vous dire qu'au niveau de la coopérative, nous, en raison des deux récoltes très généreuses, cette année, notre conseil d'administration, à notre assemblée générale, a pris des mesures de contingentement et il n'est pas dit que, l'an prochain, l'ensemble de l'industrie de l'érable ne sera pas appelé à endosser un système de contingentement. Il faudra, probablement, endosser un système de contingentement parce que, vous savez, un des problèmes de l'industrie de l'érable... La capacité de vente de notre industrie est de 30 000 000 de livres par année. Alors, avec deux récoltes de 40 000 000 livres, comme on vient de connaître au cours des deux dernières années, et si on devait connaître encore une troisième année d'abondance et une quatrième année... Parce que vous savez que l'augmentation des prix à la ferme - depuis cinq ans, on a connu quand même des augmentations d'au-delà de 140 %, globalement - a eu pour effet d'encourager beaucoup de producteurs soit à acheter de nouvelles érablières ou à entailler au maximum ce qu'ils possédaient déjà comme boisés acéricoles. Évidemment, c'a eu pour effet aussi d'attirer d'autres groupes de notre société dans l'exploitation du sirop d'érable. Alors, tout ça pour dire que je pense qu'on peut devenir un secteur très fragile, s'il n'y a pas certaines balises qui sont prévues dans la loi.

M. Pagé: O.K. Je note la référence, en tout cas, à l'article 194, concernant l'intérêt public, l'obligation qu'un projet soit validé par une notion d'intérêt public quant à son implantation. On a les mêmes dispositions dans le secteur des pêches. Cependant, si ça peut vous sécuriser, je présume et j'ai tous les motifs raisonnables de croire là, sans exagérer, que, si un projet, et quel que soit ce projet, présenté par n'importe quel groupe, était élaboré pour établir un autre centre de conditionnement des produits de l'érable au Québec, ces gens-là viendraient très certainement cogner à la porte du ministère de l'Agriculture pour avoir un petit coup de main. Cela étant dit, c'a été très clair dans ma conférence de presse du mois d'août ou septembre dernier; j'ai dit que la banque et la coopérative se devaient d'utiliser les facilités déjà en place pour le conditionnement. Pour moi, dans mon livre à moi et dans le livre des hauts fonctionnaires du ministère, avant de s'associer à une démarche visant à augmenter substantiellement la capacité de conditionnement, il faudra y penser deux fois et il faudra s'assurer, premièrement, de la régularité de l'approvisionnement et, deuxièmement aussi, que cet approvisionnement soit nécessaire en fonction d'une mise en marché. Je ne pense pas que, dans des délais, c'est-à-dire, prévisibles, on puisse se permettre une dotation d'infrastructures additionnelles. Ça, c'est mon opinion à ce sujet-là.

Merci de votre présentation. C'est bien gentil et merci encore...

M. Laroche: C'est nous qui vous remercions.

M. Pagé: ...pour nos collègues.

M. Rioux: Merci, M. le ministre, merci, tout le monde.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska, vous avez la parole.

M. Baril: Oui, M. le Président. À mon tour, je voudrais féliciter, d'abord, les dirigeants des Producteurs de sucre d'érable du Québec, une entreprise bien établie chez nous, à Plessisville, qui font, je crois, depuis plusieurs années déjà, un travail extraordinaire, qui sont représentés dans une trentaine de pays. Et sans doute que ça ne s'est pas fait du jour au lendemain. Pour avoir connu, rencontré à quelques reprises les gens de la coopérative des Producteurs de sucre, je suis en mesure d'évaluer tout le travail qui a été fait pour essayer de trouver de nouveaux débouchés à cette production qui a des hauts et des bas.

Je vais partir de la dernière question que le ministre vous a posée au sujet de l'article 194. Vous sembiez dire que la délivrance des permis pour une nouvelle usine devrait être évaluée à partir de l'expérience et aussi de l'état actuel des marchés. Avez-vous des exemples? Est-ce que ça arrive souvent dans votre secteur? Y a-t-il beaucoup de permis qui sont émis? Ça ne doit pas arriver tous les jours que quelqu'un se lance dans la transformation des produits de l'érable.

M. Rioux: Alors, si vous le permettez, M. le Président, disons que, depuis une dizaine d'années, quand même, c'est arrivé à quelques reprises que de nouvelles entreprises aient été parties dans le secteur. Vous savez, lorsqu'on part dans l'industrie de l'érable, ça prend quand même une certaine expertise. Ça prend quand même une connaissance de ce secteur-là, mais aussi des marchés, et tout ça. Or, il est arrivé, effectivement, depuis une dizaine d'années, que des entreprises qui avaient été parties avec l'aide de l'État - des deux paliers de gouvernement - ont dû fermer leurs portes. Il y en a une qui a fermé l'automne passé - c'est un peu délicat de la mentionner - en 1982, il y en a une aussi qui a fermé dans la région de Sherbrooke, et il y en a eu d'autres aussi dans les années antérieures.

Tout ça pour vous dire que, ce matin, on pariait du phénomène de mondialisation et M. le ministre Pagé faisait état des regroupements d'entreprises, etc. Je pense que, vous savez, dans l'industrie de l'érable, on est rendus à une étape très importante de notre développement, et je m'explique. On a indiqué sommairement dans le mémoire que, depuis deux ans, il y a des changements énormes dans la structure de l'industrie de l'érable. Il y a trois ans, il y avait une quarantaine d'entreprises. Il en reste, actuellement, environ une trentaine, dont trois importantes. Vous avez la coopérative, qui est encore la première, au point de vue volume et au point de vue chiffre d'affaires, suivie de deux multinationales et d'une multitude de - je dis une multitude - disons une vingtaine de petites entreprises familiales ou beaucoup plus artisanales. C'est le contexte actuellement et les trois principales entreprises dont je faisais état, déjà elles commercialisent près de 80 % de toute la production de sirop d'érable en grand contenant au Québec.

C'est un changement important depuis trois ans. En fait, on vit les mêmes phénomènes que vivent et qu'ont vécus d'autres secteurs agricoles importants. C'est le phénomène des fusions, c'est le phénomène des regroupements. M. le ministre Pagé soulignait tantôt qu'il était heureux de voir que nous faisions maintenant partie de la grande famille des coopératives agricoles. Justement, nous aussi, on a voulu, l'an passé, poser un geste important en s'affiliant à la Coop fédérée, qui est une grande coopérative. Nos dirigeants se sont dit que, puisqu'elle aussi fait des affaires sur des marchés internationaux où nous ne sommes pas encore, il y aurait avantage à travailler avec cette grande organisation. Donc, c'est le même phénomène aussi dans le secteur privé. Il y a eu des fusions et probablement qu'en ce qui concerne la vingtaine de petites entreprises familiales qui demeurent encore actuellement actives il faut nous attendre, d'ici quatre ou cinq ans, à des fusions ou à des prises de contrôle par des intérêts étrangers. C'est ce qu'on vit dans notre industrie présentement.

C'est pour ça que, nous, on considère qu'une entreprise comme la coopérative qui, depuis plus de 65 ans, avec les moyens du bord... Parce que vous savez, ça n'a pas toujours été facile. Bien sûr, c'est comme les individus: les entreprises grandissent, mais c'est à coup d'efforts. Je pense qu'aujourd'hui l'industrie de l'érable - et ça, MM. les députés, M. le ministre, c'est important - il ne faut plus la considérer comme un secteur artisanal, un secteur folklorique. On a dépassé cette étape depuis plusieurs années. Il n'y a pas de doute qu'à cause de tout ça, à cause de tous ces changements, on n'a pas le choix, on va devoir continuer, disons, à progresser et à s'associer aussi avec d'autres groupes.

C'est pour ça que nous - et on peut le dire, moi et M. le président Laroche, avec toute franchise, ce soir - si nous avons appuyé, entre autres, la démarche de la Fédération des producteurs acéricoles, qui est affiliée à l'UPA, c'est que nous avions constaté qu'il y avait un changement de mentalité, un changement d'attitude dans cette organisation. On est convaincus que, probablement, on pourra, dans les prochaines années, faire peut-être des choses intéressantes avec eux. Évidemment, aussi, si on va vers la formule d'une chambre de concertation, on va probablement arriver tous ensemble à faire une meilleure mise en marché de nos produits de l'érable, à l'échelle québécoise et canadienne et à

l'échelle internationale. Parce qu'il y a encore tout de même des pays qu'on ne couvre pas. On a comme principe, vous savez, dans la coopérative, de travailler dans les pays stables politiquement et à monnaie forte. On n'est pas intéressés à aller commercialiser les produits de l'érable où il y a de l'instabilité politique et économique. Vous savez, actuellement, on est tout le monde, ceux qui sont dans le domaine concret de la mise en marché, quels que soient les produits, passablement sur la sellette avec tous les changements qu'on vit ces dernières années.

Alors, tout ça pour vous dire qu'en tout cas, pour les actions futures, on est ouverts à la concertation. En passant, M. Pagé, on veut nous aussi peut-être profiter de l'occasion pour remercier le ministère, parce qu'on a un programme, actuellement, de promotion à l'échelle internationale avec le MAPAQ. On fait actuellement passablement de promotion des produits de l'érable du côté américain, du côté de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, bientôt du Japon et de l'Europe l'année prochaine. Alors, nous faisons ça en tandem avec le ministère et on est heureux de le faire comme ça aussi. C'est une façon, je pense, de bien travailler ensemble. (21 heures)

M. Baril: Dans votre mémoire, vous faites référence à la position de la Fédérée. On sait que la Fédérée demande le maintien de l'article 2 tel qu'on le connaît présentement. J'aimerais savoir, dans votre secteur à vous, des produits de l'érable, en quoi l'article 2 peut protéger votre coopérative contre un éventuel compétiteur ou je ne sais pas?

M. Laroche: L'article 2, pour les coopératives, c'est un peu comme le cordon ombilical. Si tu le coupes, tu as deux individus. À un moment donné, il y en a un qui part de son côté et l'autre part de l'autre. Dans la coopération, si tu n'as pas un lien qui peut garder un contact avec ton membre, je pense qu'à ce moment-là... La formule coopérative qu'on connaît depuis des décennies a été, à venir jusqu'à maintenant, d'avoir des garanties, comme coopérative, d'exister. Moi, je suis un des vieux bonhommes qu'il y a dans la Chambre ici, ce soir. Mais je pense que-Une voix: ... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dufour: Si vous êtes sage, M. le ministre, vous allez peut-être atteindre notre âge un jour.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rioux: Je pense, M. Baril - si vous permettez, M. le président Laroche...

M. Pagé: Vous m'avez ouvert la porte, M. Laroche

M. Rioux: Non, écoutez...

M. Pagé: Le député de Jonquière est un bon ami à moi.

M. Rioux: Excusez-moi. On l'a indiqué bien clairement au début de notre exposé; pour nous, les articles 2 et 3 de la loi actuelle sont très importants. C'est toute la question du lien privilégié avec le membre sociétaire. D'ailleurs, je peux vous dire que, dans nos négociations avec la Fédération des producteurs acéricoles, c'est une chose sur laquelle on a actuellement des accords de principe, sur laquelle on a travaillé. Ce sont des choses auxquelles on tient.

Écoutez, il ne faut jamais oublier qu'une coopérative, c'est aussi une association de producteurs, qui s'unissent ensemble pour se donner des moyens économiques, qui prend la forme d'une entreprise. C'est ça, une coopérative. Pour nous, c'est fondamental. Je veux dire qu'on ne peut pas dissocier l'association et l'élément entreprise, c'est un tout. Pour nous, les articles 2 et 3 sont donc fondamentaux à cause de ça.

M. Baril: Vous connaissez aussi également la Loi sur les coopératives qui donne des droits, des pouvoirs aux coopératives. Moi, je me demande pourquoi les coopératives se sentent plus menacées. Si l'article 2 du projet de loi 15 est retiré, elles ont toujours la protection qui est inscrite à l'intérieur de la Loi sur les coopératives, qui est beaucoup plus claire, en passant. C'est important d'en prendre connaissance. C'est intéressant même, je dirais. Elle est beaucoup plus claire.

L'article 2 - on se répète un peu - je l'ai évoqué dans mon discours d'ouverture et il a été invoqué à plusieurs reprises, même devant les tribunaux. Remarquez bien que je n'ai aucune formation juridique et que je ne veux surtout pas être ni avocat ni juge, mais ça n'a pas donné une valeur concrète aux coopératives qui allaient devant les tribunaux, l'article 2, je parle bien, du projet de loi 15 sur la loi sur la mise en marché, c'est-à-dire l'article 3 de la loi actuelle.

C'est pour ça que, nous, on cherche, on pose des questions pour savoir en quoi vous vous sentez sécurisés avec une ceinture et des bretelles en plus, avec ce fameux article qui donne, je l'accorde, un pouvoir aux coopératives que d'autres secteurs n'ont pas?

M. Laroche: par contre, m. baril, pourquoi les autres veulent tant le voir disparaître et que, nous autres, on veut tant le garder? il faudrait peut-être que vous cherchiez...

M. Pagé: Le pourquoi.

M. Laroche: ...le pourquoi.

M. Baril: Pourquoi? Remarquez bien que l'ensemble des intervenants, se réfèrent surtout... Je vous demande ça parce que vous êtes une coopérative, remarquez bien. Tous les mémoires, entre autres, qui parlent du retrait de l'article 2 font surtout mention, actuellement, de la convention de vente du lait. On parie des approvisionnements, etc. Et l'industrie privée, efle, elle se sent, je dois dire, autant menacée que vous par le maintien de cet article-là parce qu'elle se dit: Comment peut-on s'y fier pour essayer de se développer, trouver de nouveaux marchés, sans savoir si ce fameux article-là, un jour, ne nous dira pas: Houp! vous n'avez plus le droit de grandir, vous autres, restez là? Moi, je suis persuadé qu'il y a autant de place pour le mouvement coopératif que pour le mouvement privé, et je l'ai dit, dans bien des endroits, les coopératives remplissent des fonctions que l'entreprise privée ne remplit pas. Aussi, vous avez fait mention, tout à l'heure, qu'on a vu. dans le passé des compagnies privées qui ont été vendues à des étrangers. Ça fait que les étrangers ne pourront pas venir acheter nos mouvements coopératifs ou ils vont avoir de la misère, en tout cas, à en convaincre plusieurs. C'est pour ça que je vous dis que, selon moi, les deux ont leur place. Il y a de la place pour les deux. Mais comment être capables de faire en sorte que les deux mouvements se développent dans la structure actuelle ou à l'intérieur de cette loi-là sans donner une protection? On est dans une situation de libre entreprise. Pourquoi en avantager une au détriment de l'autre? Vous n'êtes pas d'accord ou plusieurs ne sont pas d'accord au niveau des agences de vente voyez-vous, qui viennent même en compétition avec les coopératives, certaines agences de vente. Ça, c'est un avantage que les plans conjoints ou les offices de producteurs ont.

M. Laroche: Mais il y a des négociations qui se sont faites là-dedans. Nous autres, on est entrés en négociations. Peut-être qu'on deviendra une agence de vente avec le plan conjoint, si c'est favorable à la coopérative. Mais, laissez-moi vous dire, par exemple, qu'une coopérative, quand ça fait des profits, ça les répartit à ses membres, tandis que, les particuliers, quand ils font des profits, ils les mettent dans leurs poches. Ça vient faire un peu de différence aussi ça.

M. Baril: O.K. Je vous remercie beaucoup de vos réponses, mais vous comprendrez que, nous, ici, on essaie d'approfondir la situation pour connaître un peu le pouls de chacun. C'est notre intérêt. Je vous remercie beaucoup de la présentation de votre mémoire. Je sais que ma collègue de Johnson a une question à vous poser, alors, sur le temps qu'il me reste-

Le Président (M. Richard): Mme la députée de Johnson, vous avez la parole.

Mme Juneau: C'est une très petite question. Dans votre mémoire, à la page 7, vous dites: "...laisse encore quelques zones grises que la loi 15 devra aider à colmater avant le printemps 1991* Qu'est-ce que vous entendez par ces zones grises-ià?

M. flioux: Bien, on l'a vu, M. le Président, depuis ce matin. Nous, on n'a pas voulu, ce soir, disséquer tout le projet de loi comme tel, mais il y a une zone grise. Je vais vous donner un exemple.

Mme Juneau: Oui.

M. Rioux: Dans la définition au début du projet de loi 15, lorsqu'on parle de la mise en marché, où ça commence et où ça finit la mise en marché, dans le contexte d'un plan conjoint, par exemple? Or, c'est à ce niveau-là - c'est un exemple bien simple - qu'on voudrait que ce soit mieux défini. Pour nous, lorsqu'on parle de mise en marché dans le contexte d'un plan conjoint, ça part de la ferme et ça va jusqu'aux portes de l'usine. Après ça, - d'ailleurs, ça été dit dans plusieurs mémoires ce matin - c'est la responsabilité des entreprises, des organisations d'entreprises de finir le travail de mise en marché et de se rendre jusqu'à la table du consommateur. Ça n'empêche pas, disons, des fédérations spécialisées, qui sont responsables de l'application de plans conjoints, en concertation, d'élaborer des programmes de publicité, de promotion générique, pour sensibiliser le consommateur aux produits agricoles du Québec. Ça n'empêche pas ça. Mais le travail cesse, à notre avis, aux portes de l'usine. Alors, c'est un exemple. Écoutez, on...

Mme Juneau: Non, mais...

M. Rioux: II y aurait bien d'autres exemples, mais on ne voulait pas... C'est parce que, je veux être bien direct avec vous, dans le mémoire de la Coopérative fédérée et dans d'autres mémoires, demain, d'autres grandes coopératives laitières, vous allez avoir certains éclaircissements à ce sujet-là. Nous, on s'était entendus avec les autres intervenants de la coopération agricole pour traiter des aspects que vous avez dans notre mémoire. Mais on voulait simplement attirer sur le fait votre attention qu'il y a des zones grises. Et, demain, elles seront peut-être moins grises parce qu'ils vont vous faire des suggestions concrètes là-dessus.

Mme Juneau: Oui, je comprends bien, mais vous n'auriez certainement pas mis ça dans votre mémoire si vous n'aviez pas quelque chose de

très précis en tête.

M. Rioux: Je vous ai donné en exemple la définition de mise en marché: où ça commence et où ça finit. L'ancienne loi n'est pas claire et le projet de loi 15 n'est pas tout à fait clair non plus. On sait que dans l'esprit du ministère de l'Agriculture, qui est le parrain de cette loi... Probablement qu'ils savent de quoi on veut parler. Ils savent que la mise en marché d'une structure de plan conjoint, ça commence à la ferme et ça finit au portes de l'usine.

Mme Juneau: Oui, mais on a le droit de le savoir aussi.

M. Rioux: ...mais il faudra le dire.

Mme Juneau: Écoutez donc, le ministère sait ce que vous avez en tête; j'imagine que l'Opposition a le droit de le savoir aussi. On est en commission parlementaire. Tous les membres ici sont des membres dûment élus à la commission de l'agriculture. Donc, nous avons tout intérêt à connaître vos zones grises, non seulement le ministère de l'Agriculture, mais tout le monde ici, assis autour de la table, quel que soit le côté.

M. Rioux: En tout cas, madame, on peut vous assurer que d'ici la fin de la présentation des mémoires, au niveau de la coopération agricole, vous aurez vos réponses.

Le Président (M. Richard): c'est ce qu'on vous souhaite, mme la députée de johnson. est-ce que, m. le ministre, vous avez un commentaire pour remercier nos invités?

M. Pagé: Seulement pour remercier M. Rioux et M. Laroche très sincèrement. Continuez à faire votre bon travail. Je me fais fort de tenter de sécuriser Mme la députée en ce qui concerne vos zones grises, qu'elle a tenté de découvrir avec acharnement, vigueur et détermination.

Mme Juneau: J'avais entendu parler d'affaires avant.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska et porte-parole officiel, avez-vous un commentaire de remerciement?

M. Baril: J'ai fait mes commentaires et mes remerciements tout à l'heure, et ça serait me répéter.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup. Alors, on vous remercie beaucoup, messieurs. Les gens qui représentent la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec inc., si vous voulez prendre place, s'il vous plaît.

Le porte-parole évidemment se présente et présente ses collègues. Vous avez donc dix minutes de présentation d'entrée. Par la suite, c'est nous qui vous posons des questions. Vous avez la parole, monsieur ou madame.

Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec inc.

M. Boulet (Guy): Mon nom est Guy Boulet de la Fédération de l'horticulture ornementale du Québec. Je demanderai aux gens à partir de ma gauche de se présenter eux-mêmes.

M. Tremblay (Jean): Jean Tremblay. Je suis consultant à la Fédération.

Mme Roy (Madeleine): Madeleine Roy, avocate. Je suis conseillère juridique pour la Fédération.

M. Tremblay (Jean-René): Jean-René Tremblay bis, directeur exécutif à la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec.

M. Mousseau (André): André Mousseau, vice-président de la Fédération.

M. Boulet: Comme nous l'avons déjà fait, au cours des deux dernières semaines, dans deux autres commissions parlementaires, la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec remercie le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, M. Michel Pagé, de nous permettre de présenter notre point de vue sur l'avant-projet de loi intitulé Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives.

Certaines dispositions du projet de loi nous permettent d'examiner ensemble comment nous pouvons nous doter de moyens pour répondre à notre responsabilité commune dans le domaine de la mise sur pied de mécanismes de financement. La formule de partenariat que nous avons développée avec le ministère a donné des résultats tangibles pour les deux parties. La mise sur pied de l'Institut de développement en horticulture ornementale a jeté les bases d'une coopération profitable, et nous intervenons aujourd'hui pour trouver un moyen de financement nous permettant de répondre à nos responsabilités.

Notre intervention portera sur le caractère spécifique de l'horticulture ornementale dans la production agricole québécoise. Nous croyons que 1rs produits d'horticulture ornementale doivent relever de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, mais qu'il faut en reconnaître le caractère spécifique. Nous espérons que vous accueillerez favorablement nos commentaires et recommandations. (21 h 15)

À la recherche d'un mode de financement considéré comme prioritaire par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, l'horticulture ornementale bénéficiait, à compter du 26 juillet 1989, d'un plan de développement intégré sur l'horticulture ornementale et les cultures abritées, soit la serri-culture. Pour répondre à son engagement de considérer le secteur de l'horticulture ornementale comme une priorité, le MAPAO a alloué un montant total de 6 000 000 $ réparti sur trois ans par le biais d'un plan de développement intégré. À l'intérieur de ce plan, le ministère mettait sur pied, en collaboration avec la FIHOQ, l'Institut québécois de développement en horticulture ornementale. Pour les trois premières années, il était convenu que le MAPAQ assumerait les coûts de fonctionnement de l'IQDHO, mais que l'industrie devait prévoir un mécanisme de financement pour assumer une partie des coûts après la troisième année. La F1HOQ doit trouver un mécanisme de financement pour que l'IÛOHO puisse continuer à fonctionner après les trois premières années.

L'IQDHO a comme mandat d'assurer les producteurs en horticulture ornementale d'un encadrement technico-économique approprié et de favoriser la recherche dans le domaine de l'horticulture ornementale. Pour l'industrie que nous représentons, il est essentiel que l'IQDHO continue d'exister, car notre secteur économique qui génère 23 000 emplois souffre d'un manque d'encadrement technico-économique. La FIHOQ a donc entrepris des démarches pour trouver un mécanisme de financement approprié. Nous avons trouvé des formules pour améliorer la mise en marché des produits et des services horticoles. Pour ce faire, nous avons produit une étude sur les modes de financement possibles. Dans le mécanisme de financement que nous avons retenu, il nous est apparu essentiel de ne pas prélever de cotisations provenant uniquement des producteurs. L'industrie de l'horticulture ornementale forme un tout où chaque élément est interdépendant. Il serait injuste de prélever des cotisations des seuls producteurs. De plus, les producteurs fournissent 47,4 % des végétaux ligneux et 31,2 % des produits floraux; cela est tiré d'une étude qui a eu lieu en 1985. Ces producteurs ne seraient plus compétitifs s'ils assumaient seuls le financement. Nous croyons donc que le mécanisme de financement doit toucher tant le domaine de la mise en marché que celui de la production.

De plus, le mode de financement idéal doit tenir compte de quatre principes que nous considérons comme fondamentaux: administration simple, faible coût d'administration, un seul endroit de prélèvement et application aux producteurs et commerçants de biens et de services horticoles. Les modes de financement de la FIHOQ qui existent présentement sont insuffisants pour que notre Fédération puisse remplir son rôle au niveau de la commercialisation, de la mise en marché, de la recherche et de la promotion en horticulture ornementale. C'est pourquoi nous croyons que le mécanisme de financement idéal devrait toucher tous les secteurs impliqués dans la vente et la production de biens et de services horticoles.

Recommandations et commentaires. L'objectif de la Fédération est de chercher les outils légaux nécessaires dans le but d'assumer les responsabilités visant à organiser la production et la mise en marché des produits horticoles ornementaux. Pour ce faire, tant les producteurs que les détaillants et les utilisateurs de ces mêmes produits doivent participer. Pour la Fédération, la formule du plan conjoint est inappropriée, puisqu'elle est un mécanisme qui amène à ne faire porter le fardeau qu'aux producteurs horticoles seulement. Comme nous l'avons mentionné précédemment, ces derniers ont déjà affronté sur le marché la concurrence des produits étrangers. Il faut qu'ils soient les plus compétitifs possible. Pour ce faire, nous désirons que toute la filière horticole participe.

Ainsi, en examinant de plus près le chapitre XII traitant des chambres de coordination et de développement, on est en mesure de constater que le projet de loi innove en consacrant la création d'une nouvelle institution de type corporatif indépendante des offices. Il semble que les objectifs de la chambre de coordination et de développement coïncident avec ceux de la Fédération. En effet la FIHOQ est une association intéressée par la production et la mise en marché des produits horticoles. Le mandat de la chambre rejoint celui de la FIHOQ. La FIHOQ représente des producteurs et des groupes de personnes intéressés à la mise en marché des produits agricoles visés, tel que l'exige l'article 113.

Comme recommandation, cependant, le projet de loi est restrictif quant à l'objet étudié par la chambre, puisqu'il doit être un produit agricole déterminé. Or, la FIHOQ vise un mandat beaucoup plus large en cette matière. Considérant que nous désirons rejoindre tous les types de production et de mise en marché des produits horticoles ornementaux, nous recommandons que soit élargie la gamme des produits qui fait l'objet de la chambre. Cette recommandation s'appuie sur le caractère particulier de la production horticole ornementale. En raison des nombreuses variétés cultivées en pépinière ou sous serre, il nous apparaît essentiel de considérer l'ensemble de la production horticole ornementale comme un produit agricole déterminé. Ainsi, au seul chapitre des plantes ligneuses au Québec, nous pouvons retrouver arbres conifères, arbustes conifères, arbres à feuillage caduc, rosiers, arbustes à feuillage caduc, arbustes pour arbres fruitiers, plants de reboisement, plantes vivaces, vignes et plantes grimpantes, ainsi que toutes les plantes qu'on

peut retrouver dans les serres. Dans un tel contexte, il serait souhaitable qu'une chambre de coordination et de développement puisse être formée pour l'ensemble de la production horticole ornementale, qui serait considérée comme un produit agricole déterminé. L'accréditation éventuelle de la Fédération visant l'ensemble des intervenants dans la production et la mise en marché de productions ou de services horticoles, pourrait, en vertu de l'article 79, forcer la contribution de toutes ces personnes ou sociétés. La Fédération a retenu, comme mode de perception, l'émission de permis de production ou de vente de végétaux d'ornement. L'article 79 semble se limiter à déterminer le montant de la contribution pour couvrir les coûts relatifs aux devoirs et aux obligations résultant de l'accréditation. Par conséquent, nous recommandons que cette disposition laisse à l'association accréditée la possibilité de déterminer son mode de perception. Cette démarche pourra se faire avec l'accord de la Régie. Pour nous, l'emploi du mot "permis" ne fait pas référence à ceux mentionnés aux articles 137, 138, 139 du projet de loi, car ceux-ci visent plutôt à réglementer un secteur d'activité qu'à permettre la cueillette de fonds. Par ailleurs, même si on mentionne que toute personne ou société visée par l'accréditation est tenue de payer cette contribution, à l'article 79, troisième paragraphe, troisième alinéa, le projet de loi devrait prévoir que le non-paiement de la contribution constitue une infraction et est passible de sanctions. Il faut modifier l'article 175 en conséquence.

La Fédération remercie sincèrement le ministre Michel Pagé et les membres de cette commission pour l'attention portée à nos recommandations. Comme nous l'avons mentionné précédemment, l'horticulture ornementale est considérée comme prioritaire par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Pour la Fédération, cette reconnaissance marque une étape importante du développement de l'horticulture ornementale au Québec. Cependant, nous désirons contribuer de façon significative aux actions en vue de nous approprier une plus grande part de ce marché. Nous recommandons d'élargir le mandat de la chambre de coordination et de développement afin de rejoindre l'ensemble de la production et de la mise en marché des produits horticoles. Nous recommandons également que la définition des modes de perception soit une responsabilité de l'association accréditée. Et finalement, nous demandons que l'on prévoie, dans le cas de non-paiement de la contribution, des sanctions en conséquence. Nous espérons que les modifications proposées seront accueillies favorablement, et nous vous remercions de votre attention.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Boulet. M. le ministre, vous avez la parole.

M. Pagé: Merci, M. le Président. M. le Président, je voudrais remercier M. Boulet, président de la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale, saluer M. Mousseau, M. Tremblay et Me Roy, les remercier de leur présentation ici, et remercier, en fait, l'ensemble de la Fédération et de ses membres, M. Boulet et son équipe, pour tout le chemin parcouru, quand même en( un temps relativement bref, depuis quelques années. Et vous me permettrez très certainement, M. le Président, un bref commentaire relatif à l'importance de cette industrie au Québec. Vous savez, l'agriculture, c'est très vaste et très diversifié. Ça passe aussi par les plantes, ça passe aussi par ce qui se fait au niveau des fleurs, des arbustes. L'horticulture ornementale, au Québec, est souventefois mésestimée ou sous-estimée de la part du public en général, et comme le Parlement se veut toujours le reflet sensiblement exact d'une population, bien, je suis heureux de dire à mes collègues que l'horticulture ornementale joue un rôle très important dans l'économie du Québec. Ce sont des centaines de millions de dollars qui sont dépensés chaque année. Si ma mémoire est fidèle, c'est une moyenne de 1800 $ par chaque nouvel acquéreur d'une résidence, qui sont dépensés dans l'horticulture. Exemple concret, dans le domaine des arbustes, des plantes, on a encore beaucoup de chemin à parcourir et le travail qu'on a dégagé ensemble, la réflexion qu'on a dégagée ensemble conduira très certainement, dans le cadre du plan de développement intégré, à une augmentation substantielle du degré d'autosuffisance du Québec dans les produits utilisés en horticulture. Pour nous, c'est de l'argent bien investi, et, encore une fois je veux vous réitérer toute la confiance du gouvernement du Québec à l'égard de ce que vous faites et des objectifs que vous poursuivez. Parce que, dans la Fédération interdisciplinaire, le mot l'évoque et le dit très bien, on se réfère aux entrepreneurs paysagistes, aux détaillants de produits horticoles. Nous nous référons aussi aux pépiniéristes, aux serriculteurs, aux producteurs de gazon en plaque, aux spécialistes en entretien d'espaces verts. Nous nous référons aux arboriculteurs, aux architectes paysagistes et aux fleuristes. Ce secteur-là fait l'objet, pourrait faire l'objet et veut faire l'objet, en ce qui nous concerne, d'une démarche de développement importante, non seulement au niveau des produits, mais aussi au niveau des emplois. J'ai toujours été frappé, moi... Lors de notre première rencontre, si ma mémoire est fidèle, où on avait tenu un genre de mini-sommet au Jardin botanique de Montréal - c'était début de septembre 1987-1988 - j'avais été frappé par les données de ces bonnes gens qui... Exemple concret, à cette date-là, on aurait eu 90 emplois de techniciens dans le domaine des fleurs, pour travailler chez nos fleuristes, qui auraient eu un job le lendemain matin. Manque de formation des

cadres au niveau des pépinières, au niveau des gens qui font les gazons, etc. C'est un secteur qui mérite l'attention du gouvernement et des membres de l'Assemblée nationale, par conséquent.

Je vous remercie beaucoup de votre présentation ce soir. Essentiellement, vous nous faites des demandes. Vous nous dites: La Fédération interdisciplinaire devra se donner un outil de financement après 1992. C'est le cas, d'ici 1992, nous pourvoirons, évidemment, aux sommes nécessaires aux activités. Vous dites dans vos recommandations: Le projet de loi est restrictif quant à l'objet étudié par la chambre puisqu'il doit être un produit agricole déterminé. C'est un très bel exemple, là aussi, c'est un très bel exemple pour votre secteur de l'opportunité de mettre en place les chambres de coordination et de développement, compte tenu de la gamme très large de vos activités, de leurs différents créneaux. Je prends bonne note de votre inquiétude à ce sujet-là. Je comprends qu'on ne se réfère pas ici à la mise en marché, par exemple, du poulet, on ne se réfère pas ici à la mise en marché des tomates de serre. Parce qu'on a fait une démarche - et je pense que M. Mousseau en est conscient - on a fait une démarche, il y a peu de temps, d'une mise en commun des producteurs en serre individuels avec les producteurs en serre dits de mégaprojets, si on peut utiliser le terme, et je suis convaincu que ça va porter fruit. Vous êtes confrontés au même problème.

J'apprécierais si, d'ici quelques semaines... Je prévois que le débat en deuxième lecture sur ce projet de loi pourra s'amorcer autour du 11 avril, ce qui nous donne quand même 15 jours environ. Et l'étude, article par article, pourrait venir vers le 22 mai, de sorte que, entre avril et mai, ce serait intéressant si vous pouviez faire parvenir aux membres de la commission... Qu'est-ce qu'on vous souffle à l'oreille, M. le député?

Mme Juneau: Un secret du côté de l'Opposition. Ce sont les zones grises de l'Opposition.

M. Baril: Qu'on connaît. M. Pagé: Ah oui?

Mme Juneau: Les cloches, là, c'est pour un vote.

M. Pagé: Grand bien vous fasse si vous pouvez vous partager quelques secrets.

Mme Juneau: Vous ne voulez pas nous faire partager les vôtres.

M. Baril: Nous ne sommes pas jaloux des vôtres.

Mme Juneau: On était indignés de voir que les membres de la commission ne sont pas traités de la même façon que le ministre.

M. Pagé: Je comprends votre indignation, ça se reflète...

Mme Juneau: J'ai dit tous les membres, je n'ai pas dit simplement ici.

M. Pagé: Ça se reflète dans votre image, ce soir.

Mme Juneau: Les cloches sonnent, c'est pour un vote sur la loi 25.

M. Pagé: On va y aller, on va y aller bientôt.

M. Houde: C'est parce que la députée de Johnson... Demain, il y a encore toute la journée pour entendre d'autres mémoires qui vont être similaires à celui-là. C'est pour ça qu'il a laissé la porte ouverte, ce soir.

Le Président (M. Richard): Est-ce qu'il y a d'autres questions...

M. Pagé: Pourriez-vous, Carmen et Albert, ne pas vous chicaner, s'il vous plaît?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Cela étant dit... Oui, oui, les cloches sonnent, le leader du gouvernement s'en vient, là. Carmen, dites-leur ça, puis on va aller voter, on s'en vient. Cela étant dit, pourriez-vous, d'ici la mi-avril, préciser davantage ce que vous aimeriez voir comme dispositions dans la loi qui seraient susceptibles non seulement de solutionner vos préoccupations, mais surtout de vous sécuriser? Je vous laisse là-dessus pendant quelques minutes. On va aller voter.

Le Président (M. Richard): On doit vous informer que ce que l'on entend, c'est l'appel pour un vote. Alors, c'est l'obligation pour l'ensemble de la députation d'aller en Chambre voter. Nous revenons ici, ça va prendre quelques minutes. On s'en excuse, ça fait partie de la mécanique...

M. Pagé: Ne gagez pas sur le résultat, le gouvernement va gagner.

Des voix: Ha, ha. ha!

Le Président (M. Richard): Nous suspendons nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 30) (Reprise à 21 h 42)

Le Président (M. Richard): Â l'ordre, s'il

vous plaît!

La commission reprend ses travaux. Nous en étions, avec le groupe de la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec, à la période des questions. Nous en étions aux questions du député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui, M. le Président. Je vous remercie de m'accorder ce temps et je tiens à féliciter la Fédération interdisciplinaire de l'horticulture ornementale du Québec inc. J'écoutais tout à l'heure, signalé par le ministre, le développement phénoménal de cette production chez nous au Québec, et ça me rappelait de beaux souvenirs. Je crois que ce qui a beaucoup aidé au lancement de cette production-là, c'est le concours "Villes et villages fleuris", que le gouvernement du Parti québécois avait mis en place, en 1978 ou 1979, pour redonner la fierté aux Québécois et aux Québécoises de décorer, d'orner, de planter des fleurs, des arbustes un peu partout pour embellir nos villes, nos villages, nos paroisses. J'aurais pensé que le ministre aurait souligné ça. Ça aurait été, il me semble...

Mme Juneau: Ha, ha, ha! M. Baril: ...de bon... Mme Juneau: Aloi.

M. Baril: ...de bon aloi. Mais, de toute façon, ça nous permet, nous, de le rappeler en tout cas. À la page 11 de votre mémoire, quand vous parlez d'élargir le mandat de la chambre de coordination, vous faites plus spécifiquement mention du fait que vos membres produisent plus qu'un produit, si je comprends bien. C'est ça? Bon. Maintenant, le rôle que vous semblez vouloir jouer ou faire jouer à cette chambre qui sera créée par le nouveau projet de loi, qu'est-ce qui vous empêche, actuellement, dans votre secteur, dans votre milieu, de vous réunir, de vous rassembler, de discuter entre vous autres sans avoir cette chambre de coordination-là - on ne peut pas dire cette obligation-là, parce que vous n'êtes pas nécessairement obligés d'utiliser ses services - ce mécanisme-là?

M. Boulet: Bien, je pense que c'est un peu dans la même optique. On se réunit déjà, parce que notre Fédération regroupe quand même la majorité des gens qui oeuvrent dans le secteur. Mais c'est un peu lorsqu'on vient pour essayer de développer un secteur où, chaque fois que de l'argent est impliqué. Je pense la même chose au niveau de la fiscalité: les contributions volontaires ne sont pas toujours faciles et les contributions fiscales ou les contributions volontaires, dans un développement comme ça, ne sont pas toujours réparties d'une façon égale, et le bon vouloir de chaque personne n'est pas toujours évaluable de la même façon. Alors, je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire, c'est qu'avec une loi qui encadre notre possibilité de développement, tout le monde est obligé de contribuer, tandis que si on s'assoit autour d'une table, tout le monde peut être d'accord, mais tout le monde ne contribue pas nécessairement... (21 h 45)

M. Pagé: À payer la soupe.

M. Boulet: ...à payer la soupe, même si tout le monde en mange.

M. Baril: Pensez-vous que, dans les pouvoirs qui seront conférés à cette chambre, elle aura le mandat de forcer un groupe à s'asseoir avec l'autre ou...

M. Boulet: On n'a pas de confrontation en ce moment, là. Vous me dites...

M. Baril: Non, mais lorsque la chambre... M. Pagé: De coordination.

M. Baril: ...de coordination - merci, M. le ministre - fonctionnera et que vous ferez appel à sa structure, pensez-vous que les pouvoirs qu'elle a actuellement seront suffisants? Je comprends que vous autres, vous n'ayez pas de problème à vous parler entre vous autres, mais il y a d'autres groupes pour lesquels on sait que, des fois, il y a des problèmes. Pensez-vous que les pouvoirs seront suffisants pour que cette chambre-là puisse, je ne sais pas si je peux dire, forcer ou obliger, en tout cas, un groupe à s'asseoir avec les autres groupes s'il ne le veut pas?

M. Boulet: Je ne sais pas. C'est une question, peut-être technique, légal... L'optique que vous voulez donner à votre question...

M. Baril: Non, c'est juste une information: Est-ce que ça serait...

M. Boulet: bien, l'information... peut-être pourriez-vous expliquer un peu plus ce que vous voulez savoir. là, c'est moi qui suis dans une zone grise peut-être, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: Ce que je veux dire, c'est: Pensez-vous que la chambre devrait avoir le pouvoir, entre parenthèses, d'exiger de tous ceux et celles qui font partie d'un même secteur de s'asseoir à une table pour discuter ou bien si c'est uniquement volontaire? La chambre ne doit pas avoir le pouvoir de...

M. Boulet: Non, je pense que c'est rattaché un peu à ce qu'on demandait à la fin. C'est que,

si jamais H y a non-paiement d'une contribution, a y a des sanctions. Alors, ça force les gens à avoir une action commune. Ça veut dire que, si on demande une accréditation, nous autres, en tant que Fédération pour représenter le secteur, 9 va falloir prouver qu'on est représentatifs du secteur. À ce moment-là, je pense, lorsqu'on deviendra accréditée comme Fédération représentant un secteur, nous croyons pouvoir avoir les pouvoirs conférés par cette loi-là, soit d'être capables de diriger et de développer ce secteur-là.

M. Baril: À la page 9, vous faites mention, au deuxième paragraphe, que la formule du plan conjoint est inappropriée puisqu'elle est un mécanisme qui amène à faire porter le fardeau aux producteurs horticoles seulement. Seriez-vous en faveur que, justement, cette formule de plan conjoint soit améliorée ou bien si, pour vous autres, c'est inapproprié et que vous n'avez pas besoin d'utiliser cette formule-là? J'aimerais avoir plus d'éclaircissements sur ce deuxième paragraphe.

M. Boulet: Si on se reporte au pian conjoint, normalement, c'est dirigé seulement sur la production, sur les producteurs en tant que tels. Alors, étant donné que, quand on écrit au début qu'on n'est pas autosufHsants au niveau de la fourniture de cette production-là par rapport au marché, si on veut développer le secteur, on ne peut pas remettre tout le fardeau du développement seulement sur les producteurs, alors qu'on veut à la fois développer le secteur pour qu'il y ait une plus grande demande, mais se servir de cette demande-là pour prendre aussi notre part de marché. Dans certains secteurs on est auto-suffisants entre 30 % et 47 % et, si on mettait tout le fardeau du développement des différents secteurs sur lés producteurs, je ne pense pas qu'on serait capables de suivre le rythme de développement qu'on a connu ces dernières années. Mais on veut aussi développer la partie qui s'appeHe services en horticulture - ça veut dire aménagement paysager, vente au détail - à travers ces secteurs-là qui ne sont pas de la production, parce qu'on est convaincus que, si on développe des secteurs de débouchés, on va être capables de développer notre production rattachée à ça.

M. Baril: Parmi les membres de votre Fédération, il y a des producteurs et il y a des personnes qui font juste de la mise en marché?

M. Boulet: C'est ça, oui.

M. Baril: Puis, c'est quoi en chiffres, en pourcentage, les producteurs, ceux qui produisent les plants et ceux qui les mettent en marché?

M. Boulet: Si on prend juste le nombre de personnes, dans l'Association des producteurs en serre, ils sont...

M. Mousseau: Au niveau de la production en serriculture, il y a 700 producteurs ornementaux en serre. Au niveau de la pépinière, c'est...

M. Boulet: On en a à l'inventaire du ministère... 250, je crois, au dernier inventaire de pépinières. Ça, ce sont les producteurs de gazon: à peu près 40 ou 50. Ensuite, vous tombez dans les services: paysagistes, centres de jardin. Là, on a des architectes paysagistes, mais on ne voit pas comment on les regroupera, cette partie-là, mais on regroupe ces gens-là parce qu'on a des intérêts communs.

M. Baril: Quant à moi, je vous remercie de vos réponses, de vos explications et de la présentation de votre mémoire.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député d'Arthabaska. M. le ministre, vous avez un commentaire de remerciement?

M. Pagé: Seulement remercier à nouveau les membres de la Fédération et m'assurer qu'ils puissent nous faire parvenir leurs précisions dans les meilleurs délais. Je peux vous indiquer que mon intention est de recommander à mes collègues des modifications pour s'assurer que vous vous retrouvez bien exactement selon vos besoins dans le projet de loi qui sera étudié article par article.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, mesdames, messieurs. Je demanderais à Mme Marthe Olivier de prendre place. S'il vous plaît, madame.

Mme Olivier, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. Je pense que vous êtes là depuis un bon petit bout de temps, alors vous connaissez la méthode de fonctionnement. Vous avez un maximum de dix minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, des questions vous seront adressées. Vous avez la parole, madame.

Mme Marthe Olivier

Mme Olivier (Marthe): Je vous remercie. Je vous remercie également d'avoir accepté de m'entendre ce soir. Mon nom est Marthe Olivier, je suis une simple citoyenne et je me présente ici à ce titre. J'ai produit un mémoire devant la commission parlementaire, qui traite strictement de l'intérêt public. Par contre, pour faciliter la compréhension du cas, je crois devoir vous expliquer un peu ce qui s'est passé dans mon dossier personnel, de telle sorte que vous pourrez ensuite comprendre le contexte dans lequel j'ai produit le mémoire et pour lequel je

demande divers changements aux articles du projet de loi. Je vais procéder très brièvement par ordre chronologique.

En février 1987, j'ai demandé un permis de production de cheddar frais à la Régie des marchés agricoles, et j'ai passé en audience. À ce moment-là, je devais apporter une preuve d'accroissement du marché du cheddar frais. La preuve que j'ai apportée, à ce moment-là, montrait que les épiceries de la région où j'entendais établir l'entreprise n'étaient pas desservies. Je pense à Varennes et à Boucherville sur la rive sud, ainsi qu'aux milieux institutionnels en général - je pense aux hôpitaux, aux écoles - qui n'avaient pas de cheddar frais. Et quand je dis "frais", il s'agit d'un cheddar non mature et qui est écoulé très rapidement, suite à sa production.

En avril 1987, à peu près deux mois plus tard, une sentence arbitrale intervient et change le cheddar frais de classe de lait. Elle l'inclut désormais en classe 5, la classe théorique de produits de conservation, tels que beurre et poudre de lait, et qui plus est, la classe la moins rentable pour les producteurs. Dans la même sentence arbitrale, le conseil arbitral crée une classe 5A pour l'entreprise privée. Car, en fait, c'aurait été une situation absolument catastrophique que de baisser dans une classe non garantie un produit qui était transformé à près de 90 % par l'entreprise privée, à l'époque.

En juin 1987, on me refuse le permis demandé et, à ce moment-là, la Régie me mentionne que j'aurais dû démontrer non seulement que j'accroîtrais le marché du cheddar frais, mais qu'en plus, j'accroîtrais le marché du cheddar mature, bien qu'il n'entrait pas dans mes intentions de faire cette production-là. Qui plus est, on avait fréquemment affirmé que c'était un marché saturé. Donc, une preuve impossible à fournir.

En septembre 1987, je présente une requête en évocation et mandamus devant la Cour supérieure du Québec, où l'argument principal maintient que la Régie a étendu indûment le champ de la demande de cheddar frais au cheddar de conservation. En octobre 1987, une nouvelle sentence arbitrale change le prix du lait payé en classe 5: elle lo baisse de 0,25 $. Elle augmente parallèlement celui de la classe 4, qui continue à être particulièrement occupée par les entreprises privées. Ma requête s'est soldée par un refus, bien que le juge admette qu'il y a effectivement eu une extension du champ de la demande. Inscription en appel, novembre 1987: la cause n'a pas été entendue. Décembre 1987: audience sur une deuxième demande que j'ai produite devant la Régie, et qui traitait cette fois de la production d'un fromage de type cheddar sous nomenclature descriptive, c'est-à-dire hors des normes prévues pour le cheddar tel quel, normes légales et incluses dans la loi. En mars 1988, je produis le mémoire à la Cour d'appel du Québec et ce même mois, la Régie me fait parvenir une suspension de sa décision jusqu'au 30 septembre 1988. Elle mentionne alors que les intervenants vont devoir se prononcer, à savoir dans quelle classe on va inclure ce produit-là, bien qu'il avait été considéré jusqu'à ce moment-là comme un fromage de spécialité de classe 4, donc garanti d'approvisionnement. En septembre 1988, je produis également un volumineux mémoire au comité interministériel du ministère de l'Agriculture, ici même. Ce mémoire-là traitait du marché laitier en général, à partir de sentences arbitrales rendues de 1976 à 1987. Il traitait également de la notion d'intétêt public, et, dans ce mémoire, je faisais le même type de recommandation qu'aujourd'hui, soit l'abolition, entre autres, de l'article 2 et diverses autres recommandations. En novembre 1988, une autre prolongation de la suspension de la décision. Encore là, on attend ce que les intervenants vont décider au niveau de la classe. En avril 1989, enfin, une sentence arbitrale est rendue. Elle inclut cette fois tout nouveau produit de type cheddar frais en classe 5 et elle énumère d'une façon stricte tous les produits de classe 3 et 4, de telle sorte qu'aujourd'hui, au Québec, tout nouveau produit qui pourrait arriver sur le marché se retrouve en classe 5, même s'il s'agit d'un produit frais. En avril 1989, la Régie malgré la sentence, me rend, une décision favorable. J'obtiens un permis pour produire un fromage frais sous nomenclature descriptive. Or, elle assortit le permis de conditions telles qu'il est impossible d'ouvrir l'entreprise. Elle me demande alors de m'approvisionner en lait auprès des entreprises existantes, ces entreprises mêmes qui s'opposaient à ma demande. Et je pense ici aux entreprises coopératives, celles-là mêmes qui, vous le savez, même aujourd'hui en 1990, tentent encore d'obtenir tout le lait de leurs sociétaires. Alors, c'était absolument inutile de me donner un permis, puisqu'il était évident que je ne pourrais pas avoir de lait. Et à ce sujet-là, je dois avouer que je trouve étrange le fait que l'on confie, dans mon cas personnel, le droit à des entreprises commerciales intéressées de se prononcer finalement sur l'exploitation d'un permis qui a été accordé au nom de l'intérêt public. Actuellement, je considère qu'il y a une dénaturation de tout le système théorique de l'approvisionnement en lait. Ce qui avait été gagné par la Fédération était un approvisionnement en lait dans les classes prioritaires de produits périssables et de fromage de spécialité pour desservir directement la population québécoise. Et la classe 5 visait la production de produits de conservation, afin d'éviter des pertes de lait. Ces produits-là pouvaient être exportables. Or, on en arrive maintenant à une situation où des produits frais - et tout nouveau produit frais qui pourrait entrer sur le marché - se retrouvent dans la classe la moins rentable pour les producteurs, dans une classe de produits d'exportation, à

l'équivalent du beurre et de la poudre de lait. (22 heures)

Face à tous ces développements, j'ai écrit à M. le ministre Pagé en septembre 1989 pour lui demander d'intervenir dans mon dossier, afin de régulariser cette situation. Il n'y a eu aucun développement. En janvier 1990, une seconde lettre est expédiée à M. Pagé. Et vous me retrouvez devant vous aujourd'hui avec la production d'un mémoire.

M. Pagé: Je vous ai répondu le 24 février.

Mme Olivier: Janvier, je n'ai pas mis la journée telle quelle.

M. Pagé: Non, mais je vous ai écrit le 24 février.

Mme Olivier: J'ai effectivement reçu un accusé de réception. Aujourd'hui, j'en arrive à dire: Les coopératives, on le sait, ont demandé une décision politique pour obtenir encore tout le lait de leurs sociétaires. Je ne considère plus qu'il est d'intérêt public de favoriser un mouvement comme celui-là. Si on devait, à un moment donné, leur donner tout le lait de leurs sociétaires pour produire dans la classe la moins rentable pour les producteurs, on se trouverait, dans le fond, à créer une sous-classe de producteurs qui seraient tenus de produire dans la classe la moins rentable, celle des produits de conservation.

Alors, telle est la situation. Je me suis permis de vous exposer mon cas personnel, parce que c'est dans ce contexte que j'ai demandé diverses modifications à la loi. Je me permets non pas de vous lire le mémoire, ce qui serait beaucoup trop long, mais de vous énumérer brièvement les articles et de vous mentionner mes recommandations à la fin de chacun d'eux.

On a dit jusqu'à maintenant - et j'ai entendu les faits mentionnés - qu'il était heureux qu'il y ait une forte concentration d'entreprises, afin de pouvoir assumer adéquatement l'internationalisation des marchés. Aujourd'hui, moi, je dis: Une petite entreprise locale peut desservir adéquatement en produits frais une population locale et ne pourrait certainement pas s'adresser à une internationalisation quelconque de produits matures. Dans le cadre de l'internationalisation, on peut effectivement voir l'avènement d'un regroupement important d'entreprises, qui vont oeuvrer beaucoup plus sur un plan international dans les produits de conservation. Mais je dis qu'à côté de ces grandes tendances, H faut maintenant se pencher aussi sur l'intérêt des consommateurs à pouvoir s'approvisionner en fromage frais dans leur lieu d'approvisionnement privilégié, les épiceries, et qu'à desservir ainsi les consommateurs en produits frais, en fromage frais, on risque de créer de nouveaux marchés, qui peuvent être très intéressants au niveau des producteurs, également.

Alors, j'aborde les articles 1 et 7 qui mentionnent le but de la loi, soit: "Permettre aux producteurs, acheteurs, transformateurs ou autres personnes ou groupes intéressés d'organiser la production et la mise en marché de façon ordonnée." Quand on mentionne "autres groupes intéressés", les seuls qui, à ma connaissance, n'ont pas été énumérés, ce sont les consommateurs. Je pense qu'il y aurait lieu d'assurer une représentation des consommateurs au sein même de la Régie. Aussi, je recommande renonciation claire de cette catégorie des consommateurs dans le cadre de l'article 1, ainsi que la présence de leurs représentants au sein de la Régie lors de toute audition.

L'article 2 a été, je dirais, assez touché aujourd'hui par les personnes que j'ai entendues. Je dois avouer que j'ai exactement la même opinion. Sous l'ancienne loi, on parlait de privilèges aux coopératives et, en même temps, de la création d'une loi qui ne mettait sur le marché qu'une mise en marché supplétive. Dans le projet de loi, on enlève la mise en marché supplétive, ce qui laisse croire que, dans les faits, on veut en arriver à une mise en marché unique pour tous les intervenants. Or, en conservant, je dirais, une sorte de privilège, de non-concurrence au mouvement coopératif, on en revient encore, dans les faits, à deux catégories d'intervenants qui vont avoir des traitements différents sur le marché.

Je ne crois pas qu'en 1990 il y ait lieu de maintenir une telle distinction, surtout pas lorsqu'on voit ces entreprises qui ont des chiffres d'affaires très importants. J'ai la conviction que l'abolition de l'article 2 n'affecterait nullement leur rentabilité financière. Qui plus est, c'est un article qui a effectivement été utilisé à un certain nombre de reprises au niveau de sentences arbitrales, par exemple, pour obtenir un pouvoir de direction de lait des sociétaires, pour essayer d'obtenir la création d'un troisième plan conjoint ou divers points semblables. Ça a donné lieu à des audiences importantes qui ont pris beaucoup de temps, qui ont pris beaucoup d'argent. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de maintenir un article qui a, dans le fond, à mon avis, causé beaucoup plus de difficultés, d'attaques, qu'un véritable acquis ou un soutien à une mise en marché efficace. le président (m. richard): je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît mme olivier. peut-être qu'on pourra recouper certains autres articles pendant la période des questions.'

Mme Olivier: Est-ce que je pourrais conclure en quatre minutes?

Une voix: Oui, madame, mais on va vous questionner moins longtemps.

Mme Olivier: Oui? Je vous remercie.

Le Président (M. Richard): La première commence.

Mme Olivier: Alors, recommandation. Il faut cesser d'alimenter en arguments le feu des conflits. La loi doit être claire et limpide. Aussi, je recommande d'abolir complètement la préférence accordée aux mouvements coopératifs dans l'article 2, et d'assurer la création d'un véritable système de mise en marché unique et valable pour tous les intervenants.

L'article 5, c'est simplement l'absence d'un mot. Le mot "juste" se trouve à tomber lorsqu'on mentionne "une mise en marché efficace, ordonnée". Mais on cesse de mettre le mot "juste", et je pense qu'il y aurait lieu de le garder, parce que je me dis: À quoi sert une mise en marché efficace, si elle doit se faire d'une façon injuste? Je recommande donc de conserver l'obligation d'une mise en marché efficace, ordonnée et juste, ainsi que renonciation d'un traitement égalitaire et non discriminatoire de toutes les parties intéressées dans une décision.

L'article 18 concernant le pouvoir de révision en appel auprès du ministre. Je pense que ce pouvoir devrait être maintenu, parce que l'abolition du pouvoir de révision consiste, dans les faits, à obliger tout intervenant qui pourrait ne pas être, d'accord je dirais, non seulement d'accord, mais devant une décision de la Régie qui pourrait être critiquable, ça obligerait une telle personne à se retrouver devant le système judiciaire, avec tous les frais et les coûts que ça entraîne. Croyez-moi, après trois ans, je sais ce que ça implique en termes de démarches puis en termes de difficultés. Aussi, je dis que seul le pouvoir de révision peut assurer une égalité entre un particulier qui demanderait un permis ou une demande quelconque à la Régie et une entreprise qui, elle, peut être assez forte pour avoir recours au droit.

Je vous suggère donc de démocratiser votre loi et de la rendre applicable pratiquement à tous les citoyens québécois qui auraient une bonne idée, plutôt que de favoriser une conservation de tout ce marché aux mains des entreprises existantes. Il faut donc conserver un pouvoir de révision extérieur et même le faciliter, dans la mesure du possible. Ainsi, il pourrait être valable d'exiger la mention d'une possibilité de révision à l'intérieur de toute décision de la Régie.

Les articles 59, 60 et 125. Il s'agit du statut de producteur ou d'acheteur. On sait que, dans le cadre de sentences arbitrales ou d'arguments coopératifs, on passe allègrement d'un statut de producteur de lait à un statut d'acheteur de lait. Il y a une confusion de statut qui risque, je dirais, d'être embarrassante, à certains moments donnés, parce qu'on ne peut pas savoir quel axe est privilégié lors de représentations: les intérêts des producteurs ou l'intérêt des entreprises transformatrices. Je souligne à cet effet que s'il y a un danger de conflit d'intérêts, à l'effet qu'un administrateur de plan puisse être également administrateur d'une entreprise de transformation, il m'apparait encore plus dangereux de permettre a des entreprises, même coopératives, de pouvoir ainsi utiliser les deux statuts. Je recommande donc un éclaircissement de ces dispositions par une prise de position à l'effet qu'une entreprise de transformation, ou un organisme intéressé dans . une entreprise de transformation, ne puisse sous aucun prétexte gérer un plan conjoint. Je recommande aussi une énonciation claire à l'effet qu'un organisme ne puisse se représenter indifféremment sous deux statuts en tout temps. Je recommande également l'abolition de l'article 125 qui conserve, par son existence, la possibilité de revenir à une confusion de statuts déplorable.

Brièvement, la création de chambres de coordination me semble inopportune dans l'état actuel des choses. Je m'excuse de le dire.

Au niveau du lait - parce que j'ai mentionné que je ne parlais que du marché laitier - les chambres de coordination vont être formées d'intervenants qui sont déjà sur le marché. Je pense aux coopératives, au Conseil de l'industrie laitière, à la Fédération. Or, on sait qu'il y a de grandes difficultés de négociations, même aujourd'hui, entre ces divers organismes-là. Tout ce que ça crée, à mon avis, dans le marché laitier, c'est simplement un intervenant supplémentaire qui va avoir lui aussi un pouvoir de représentation auprès de la Régie en cas d'audience. Donc, on verra les coopératives et, ensuite, on verra la chambre de coordination. Ça me semble dédoubler les intervenants. Qui plus est, c'est payé par les producteurs. Et je crois que, pour régler un problème très spécifique, il y aurait peut-être lieu d'utiliser un comité temporaire, en termes de coûts et de paiements de la part des producteurs.

Les pouvoirs de la chambre me semblent flous: entre autres, le pouvoir de représentation auprès de la Régie. Je serais assez curieuse, je ne sais pas, je m'interroge, de savoir s'il y a des pouvoirs décisionnels à cette chambre-là. Parce qu'on voit, entre autres, des articles qui disent que la Régie peut suspendre une décision de la chambre, par exemple. Or, quelle décision de la chambre peut-elle suspendre, si c'est un organisme sans pouvoir décisionnel? La répartition des voix ne devrait pas être laissée aux intervenants, si une telle chambre est établie. On sait que les coopératives, entre autres, ont toujours voulu avoir le plus grand pouvoir de représentation, et elles ont certainement la capacité d'essayer de l'imposer au niveau d'une chambre.

Dans les circonstances, je recommande prioritairement l'abolition de la section relative à la création de chambres, de façon à simplifier le

fonctionnement de la mise en marché, plutôt qu'à l'alourdir. Dans le cas du maintien de cette section de la loi, malgré les coûts impliqués, je recommanderais de clarifier les articles flous, de façon à ne conserver à la chambre que des pouvoirs de recherche, de développement et de marketing, sans pouvoir effectif de représentation. Et enfin, dans cette situation de maintien, il y aurait lieu de prévoir immédiatement la répartition des votes ou une méthode juste et équitable de répartition, de façon à éviter une prise de contrôle d'une chambre par un organisme. J'ai presque terminé.

Alors, H s'agissait d'un article qui donne un pouvoir de prohibition â un office. Je recommande d'enlever tout pouvoir de prohibition et de donner une chance aux forces du marché de jouer favorablement. La Régie doit conserver, dans l'intérêt public, l'intégrité de son pouvoir d'émission de permis. Qui plus est, il demeure toujours l'interrogation à savoir si une coopérative pourrait gérer un plan conjoint ou exercer le rôle d'un office. Si tel était le cas et qu'il y avait un pouvoir de prohibition, on risquerait de donner quand même à des entreprises transformatrices le droit de s'opposer absolument.

Enfin, l'article 33, qui est le dernier dont je parlerai. Je mentionne simplement que le critère d'intérêt public en matière d'émission des permis doit demeurer et qu'il doit être explicité dans le sens de la considération indéfectible des besoins des consommateurs plutôt que d'en arriver, je dirais, à une considération qui est beaucoup plus d'ordre économique: le secteur d'activité, les conditions d'approvisionnement en lait, etc. Et je pense qu'il faut privilégier l'intérêt des consommateurs et des producteurs plutôt que la considération économique et la rentabilité des entreprises.

Aussi, je recommande la prise en considération prioritaire de la satisfaction des besoins de la population en produits laitiers frais et périssables, le tout, tel que le voudrait un système théorique de l'approvisionnement en lait.

Le critère de l'intérêt public doit demeurer et même être explicité dans le sens de la considération indéfectible des besoins des consommateurs. Toute la population consommatrice d'un produit essentiel doit se voir accorder la priorité sur les besoins des entreprises commerciales qui la desservent. Et ça continue... (22 h 15)

Le Président (M. Richard): Mme Olivier, on a extensionné les quatre minutes...

Mme Olivier: Oui.

Le Président (M. Richard): C'était fort intéressant, par contre. M. le ministre, vous avez des questions pour Mme Olivier?

M. Pagé: Commentaires, M. le Président. Je voudrais remercier sincèrement Mme Olivier de sa patience. Elle a passé la journée ici avec nous. C'est Un témoignage très intéressant que vous formulez. Très intéressant. D'ailleurs, parce que vous m'aviez envoyé littéralement un mémoire, il me semble, en janvier, je vous avais invitée à venir saisir les membres de la commission d'une problématique vécue par une personne qui, un matin, décide de développer la fabrication de fromage, enfin, tout ce que vous avez vécu. Je n'ai pas l'intention de traiter du problème très spécifique que vous avez vécu, vous le comprenez. Je crois que vous êtes avocate...

Mme Olivier: Oui.

M. Pagé: ...vous avez suivi un cours de droit. Vous comprendrez très certainement qu'il n'est pas question pour le ministre de commenter une situation de fait qui a débouché sur une problématique de droit où vous êtes actuellement devant les tribunaux..

Mme Olivier: Oui.

M. Pagé: ...pour demander aux tribunaux de revoir les décisions prises par la Régie des marchés agricoles du Québec. D'autant plus que je suis le ministre responsable. Je ne peux donc pas commenter.

Cependant, je trouve ça sain que, dans un monde où - il ne faut pas se faire de cachettes - la gestion des produits laitiers s'appuie sur des conventions, sur des décisions, etc. où les joueurs en présence sont, d'une part, la coopération laitière - des organismes très bien structurés, très bien organisés, etc. - le Conseil de l'industrie laitière qui lui aussi, est très bien organisé, très bien structuré, et, d'autre part, les producteurs laitiers, par une Fédération qui veille à l'intérêt de ses membres.

Vous mettez en relief le problème que vous avez vécu. Je dois vous dire que, dans le cas du cheddar frais, je suis bien conscient du problème, si je peux utiliser le terme. Et c'est d'ailleurs dans ce sens-là que le 8 février dernier, j'ai formulé personnellement des propositions à l'ensemble des intervenants. C'est public. Il y a eu pas mal de dualité et d'affrontement entre le Conseil de l'industrie, la Fédération et le Conseil de la coopération laitière au Québec. J'ai proposé aux trois groupes en présence des avenues de solution dont selon une, entre autres, je leur demandais d'étudier la possibilité de mettre en place, dans les conventions, une nouvelle classification spécifique au cheddar, compte tenu des prévisions d'augmentation de consommation d'environ, quoi?, 2,9 %. Ce qui aurait permis de sortir le cheddar de la classe des poudres de lait et du beurre.

Deuxièmement, ce que vous venez nous dire aujourd'hui, c'est que malgré tous ces beaux systèmes, une entreprise privée qui a l'intention

non pas de vendre des produits à l'échelle mondiale et de bousculer le marché traditionnel détenu par des "majors", une entreprise devrait, au niveau local, pouvoir recevoir les volumes de lait nécessaires à se développer dans le marché local et le marché institutionnel...

Mme Olivier: Oui.

M. Pagé: ...tel que vous vous y êtes référé. Je suis persuadé que l'ensemble des collègues des deux côtés de la table sont très sensibles au témoignage que vous nous avez livré et qu'on aura peut-être l'occasion d'y revenir sans évidemment, toutefois, que je veuille me référer au litige judiciaire...

Mme Olivier: Oui.

M. Pagé: ...que vous avez avec la Régie.

Très rapidement, des commentaires. Vous dites, à l'article 1: II faudrait que les consommateurs soient présents à la Régie des marchés agricoles.

Mme Olivier: Oui.

M. Pagé: Je peux vous indiquer qu'une des recommandations des membres du comité qui a étudié... D'ailleurs, vous aviez été entendue. Vous les aviez rencontrés. Vous aviez...

Mme Olivier: La Fédération des associations...

M. Pagé: Non, non, le comité qui a siégé en 19... Non, O.K.

Mme Olivier: Non.

M. Pagé: Vous m'avez indiqué que les consommateurs devraient être représentés.

Mme Olivier: Oui.

M. Pagé: Une des recommandations du comité qui a travaillé là-dessus, pendant un an et demi est à l'effet que les membres de la Régie, contrairement à la coutume ou à la tradition, ne soient plus des gens qui aient été soit dans la production, soit dans le milieu coopératif ou syndical, etc. Vous dites: II faudrait un représentant des consommateurs. Je peux vous dire ce soir, sans que ce soit interprété comme étant un avis de licenciement des commissaires actuels ou des régisseurs actuels, que mon intention, comme ministre, est de recommander au gouvernement que les membres qui auront à assumer, dans l'avenir, les fonctions de commissiaires ou de régisseurs à la Régie ne soient plus, entre guillemets, de ces représentants des secteurs.

Assez curieusement, là où je voyais et je vois, entre autres, les consommateurs, c'est particulièrement au niveau des chambres de coordination. Cependant, vous ne semblez pas en vouloir, entre autres, dans le lait.

Mme Olivier: J'ai parlé strictement du lait, remarquez.

M. Pagé: O.K. Pour le lait, je comprends très bien, madame, qu'avec ce que j'appelle cette dualité, fa dualité dans l'industrie laitière que je vis depuis bientôt cinq ans que je suis ministre, et je pense que je ne parodie pas en disant que, chaque automne, il y a du tiraillage dans le lait. Ça coïncide toujours avec l'ouverture de la Ligue nationale de hockey et, chaque printemps, au début des éliminatoires, ça se tiraille encore dans le lait, et, généralement, ça débouche sur des décisions de la Régie parce que, la Régie, il faut qu'elle prenne ses responsabilités, et elle les prend bien, selon moi.

Je comprends que, dans le lait, au lendemain de la prochaine entente que je souhaite ardemment, et je dois vous dire que ça évolue et que ça a évolué depuis le 8 février, j'ai l'impression que les poignées de mains ne seront pas accompagnées de petits becs. Je n'ai pas l'impression qu'ils vont se battre à la porte du ministère pour aller former un comité de coordination et de développement, une chambre de coordination et de développement. Ça va venir. Mais une chose est certaine dans mon esprit à moi: les consommateurs auront leur place dans ces chambres de coordination. Parce que c'est une dynamique qu'on veut créer, entre autres, pour que l'industrie et l'ensemble des intervenants tiennent compte des besoins évolutifs spécifiques et particuliers des consommateurs.

Le privilège de l'article 2, je note votre commentaire. Il faut bien avoir à l'esprit que cet article-là a été écrit à une époque où les coopératives n'avaient pas la taille qu'elles ont aujourd'hui. On se référait, en 1956 et au début des années soixante, davantage à des coopératives locales. On avait, dans presque chacun des villages québécois, notre coopérative, notre beurrerie, etc. Vous savez, les problèmes ne sont pas nouveaux...

Mme Olivier: Non.

M. Pagé: ...entre le monde syndical et le monde coopératif parce que, si vous fouillez et que vous allez chercher la thématique du congrès des agronomes du Québec, en 1950, congrès tenu au Château Frontenac de Québec, la thématique du congrès était "Syndicalisme agricole, coopéra-tisme agricole, dualité ou complémentarité". Et, 40 ans plus tard, ce sont sensiblement les mêmes questions.

Mme Olivier: Oui.

M. Pagé: Pourquoi le législateur a-t-il fait ça en 1956? C'est très simple, c'est que le monde agricole, le monde syndical, le syndicalisme agricole était en train de se bâtir, de s'élaborer et que le législateur ne voulait pas que le monde se pHe sur les pieds au niveau des campagnes du Québec. On a tenté de le réactualiser au mieux, mais je vous dirai que ce n'est peut-être pas la perfection juridique, en termes d'écriture, de la part du législateur, ça, j'en suis bien conscient.

Sauf que, de la façon dont il a été écrit, avec ses désavantages, comme je le disais ce matin, ça a constitué un frein. Je pense que ça a très bien été évoqué, ce soir, par M. Laroche. M. Laroche dit: Pourquoi est-ce que, nous autres, on y tient? Et pourquoi est-ce que les autres veulent l'abolir? Moi, j'en conclus que c'est parce que les deux en ont peur, parce que les deux craignent l'interprétation qui pourrait être donnée, si jamais ça allait en Cour suprême, l'interprétation qui pourrait être donnée par les tribunaux.

Cela dit, je note votre commentaire et je note, de plus, que vous nous appuyez dans notre volonté concernant les articles 60 et suivants, l'administrateur d'un plan conjoint qui pourrait, en même temps, siéger comme administrateur d'une entreprise de transformation. Somme toute, je vous remercie beaucoup de votre visite. J'apprécie le témoignage bien individuel mais très évocateur de la dimension des problèmes qu'une entreprise québécoise peut rencontrer, même si elle a un marché, lorsqu'elle veut se développer. Et comme on a des représentants autant du monde syndical que du monde coopératif, je suis persuadé qu'ils auront été, eux aussi, attentifs et peut-être même un peu sensibles aux préoccupations de l'honorable citoyenne du Québec que vous êtes.

Mme Olivier: Je vous remercie.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Art habaska.

M. Baril: Oui. M. le Président. Je pense que, depuis ce matin, c'est l'un des mémoires, pour ne pas dire le mémoire, le plus articulé. Je pense que c'est tout à votre honneur. Probablement que, s'il est si articulé, c'est à cause d'un cas vécu, votre cas à vous que vous avez vécu qui vous a permis de connaître toutes les faiblesses ou les forces de la loi actuelle. C'est à partir souvent de cas vécus que chaque citoyen et citoyenne peut évidemment faire valoir le mieux ses droits. Mais, à vous entendre et en prenant connaissance de votre mémoire, vous ne semblez absolument pas être contre la formule des plans conjoints qu'on connaît actuellement dans le lait.

Mme Olivier: Je ne suis pas contre la formule des plans conjoints. Moi, en fait, ce que je soutiens et dans tous les documents que j'ai pu produire, c'est que le plan conjoint est administré par la Fédération des producteurs de lait et la Fédération doit diriger le lait dans les classes les plus rentables pour les producteurs et qui desservent prioritairement les consommateurs en produits frais et périssables. Et où je m'oppose plutôt, c'est lorsque je vois que, depuis des années, des coopératives tentent de s'approprier ce pouvoir en se justifiant, je dirais, de contrats individuels d'achat-vente et qu'ainsi elles s'opposent à l'organisme représentatif des producteurs et qu'eux-mêmes ont voté pour lui concéder ces pouvoirs-là. Alors, c'est cette lutte que je trouve un peu inadmissible. Je dirais plus clairement que j'aimerais que les coopératives se rangent. Elles représentent des entreprises de transformation, mais, si tel est le cas, elles ne représentent plus les producteurs. Parce que de concentrer dans les mêmes entreprises les deux statuts, qu'est-ce qui arrive d'une négociation saine et valable? En cas de négociation, est-ce que l'entreprise qui négocie avec elle-même va choisir le meilleur revenu des producteurs ou est-ce qu'elle va choisir la meilleure rentabilité de son entreprise? Je dis: C'est impossible de concentrer les deux statuts dans un seul et même organisme car, à ce moment-là, il y a sous-représentation de ceux-là même qu'elle dit représenter.

M. Baril: Dans le marché que vous vouliez combler, le marché local...

Mme Olivier: Oui.

M. Baril: ...comment se fait-il que les entreprises existantes ne pouvaient pas combler ce marché-là? Est-ce à cause de l'éloignement? Est-ce à cause de leur propre approvisionnement? C'est dû à quoi?

Mme Olivier: Écoutez, il y avait peut-être une question d'éloignement. L'entreprise qui est entrée sur le marché par la suite, c'est une entreprise qui est effectivement beaucoup plus loin. Or, plus on éloigne la production du consommateur, plus ça prend de temps à écouler le produit et moins il est frais. Alors, moi, ce que j'envisageais, c'était une entreprise qui était locale et dont la distribution serait effectuée même, en majeure partie, par l'intermédiaire d'un bar laitier qui aurait été connexe à l'entreprise. Donc, ses produits, c'est vendu. Dans la seule région où on voulait s'établir, on rejoignait, en dix minutes d'automobile là, une population de plus de 60 000 personnes. Alors là, c'était vraiment facile de pouvoir distribuer de cette façon-là un produit frais et ça permettait d'offrir une gamme, je dirais, de produits frais qui ne se retrouvent qu'à une entreprise de production tel que le fromage en "slab" par

exemple, le fromage non salé, des choses qu'on ne retrouve pratiquement pas aux épiceries. Or, les consommateurs n'en ayant pas sur les étagères, ils n'en achètent tout simplement pas. Et c'est pour ça que je dis: Développez ce marché-là et créez ce marché-là; réintégrez un produit frais auprès des consommateurs. Ça permettrait fort probablement d'écouler beaucoup plus de lait des producteurs dans ce secteur-là, et je pense que ça assurerait une meilleure mise en marché.

M. Baril: Est-ce que j'ai bien saisi? Tout à l'heure, vous avez dit: Depuis, une autre compagnie a desservi là. Est-ce que, depuis que vous vouliez établir la vôtre, maintenant ce secteur-là est desservi par une autre? Est-ce ça?

Mme Olivier: Oui, une autre entreprise qui serait entrée après les auditions.

M. Baril: Mais qui provient... Ce n'est pas une nouvelle, c'est une entreprise existante qui fournit... (22 h 30)

Mme Olivier: C'est ça, c'est une entreprise existante qui a commencé à distribuer dans le marché où on voulait s'établir.

M. Baril: Donc, ça vous ferme la porte davantage.

Mme Olivier: Non, je ne croirais pas. Vous savez, pour démarrer l'entreprise, il y avait ce marché local et institutionnel, mais au niveau du développement de l'entreprise ou de la croissance future, il y avait toujours lieu d'envisager le marché montréalais parce qu'on était situés à peu près à dix minutes du pont-tunnel. Donc, il y avait quand même une possibilité d'écouler les produits frais sur le marché montréalais.

M. Baril: Remarquez que je ne suis pas un spécialiste, mais dans les produits que vous vous apprêtiez à mettre en marché, est-ce qu'avec l'approvisionnement du lait que vous auriez obtenu, vous auriez créé certains produits en surplus du marché actuellement? Vous savez que, dans le lait, on peut faire tant de beurre, tant de crème, je ne sais pas quoi, mais on ne peut pas tous faire la même chose. Est-ce que vous auriez fini par créer, avec des résidus, un produit, actuellement, qui est déjà en surplus?

Mme Olivier: Avec les résidus du...

M. Baril: Avec les résidus du lait, avec les surplus, quand on prend 100 livres de lait...

Mme Olivier: Oui.

M. Baril: ...c'est encore en livres, on fait tant de fromage, tant de beurre, tant de poudre, etc. Il reste des résidus, mais allez-vous être capable de tout les utiliser?

Mme Olivier: o.k. oui, ça, c'était prévu. ce qui reste en très grosse quantité après une production de fromage, c'est ce qui s'appelle le petit lait.

M. Baril: Oui.

Mme Olivier: Ça, ça doit effectivement être écoulé. Il y avait des meuneries qui auraient envisagé la possibilité de prendre ce petit lait. Et il y a toujours, aussi, un peu de crème, et là, on voyait la possibilité de faire de la crème glacée maison au bar laitier même, et c'aurait été à partir de fruits frais, sans produits de conservation. Donc, on voulait développer, au niveau de la population, une marque de fraîcheur au niveau du fromage, mais aussi au niveau de la crème glacée, si on avait pu en produire comme on voulait. Oui, il n'y aurait pas eu de résidus, à ce moment-là.

M. Baril: Une dernière question. Vous avez parlé de la chambre de coordination. Vous dites que vous n'en voyez pas la nécessité parce que, entre autres, elle n'a pas de pouvoir. Si cette chambre de coordination avait des pouvoirs, il faudrait qu'elle aille chercher des pouvoirs à des organismes existants qui en ont déjà. Croyez-vous que, si cette chambre de coordination là avait des pouvoirs, vous seriez pour?

Mme Olivier: Je trouve dangereux de donner des pouvoirs à un organisme qui, dans le fond, est composé de divers intervenants sur le marché, donc des entreprises commerciales intéressées. C'est dans ce sens-là que je trouve dangereux de donner des pouvoirs quelconques. À la limite, si elle s'occupe de voir pour de nouveaux débouchés, le marketing, peut-être, mais, à mon avis, il ne faudrait pas qu'il y ait de pouvoir décisionnel. Or, dans le projet de loi, je trouve qu'il y a un flou, je ne peux pas savoir si l'organisme en question a ou non des pouvoirs. On semble dire que ce n'est qu'un organisme de recommandation; par contre, dans un article subséquent, on voit que la Régie peut suspendre des décisions de la chambre. Alors, quelles décisions?

M. Baril: Je ne sais pas si le président me permettrait... Vous faites mention aussi d'un droit d'appel sur les décisions de la Régie, un droit d'appel à l'extérieur et à l'intérieur. Quand vous parlez du droit d'appel, est-ce que c'est le même droit d'appel au Conseil des ministres actuel?

Mme Olivier: S'il était vraiment exercé. Un droit d'appel, que ce soit auprès du ministre, qu'on ait une procédure pour le faire, mais qu'on puisse l'exercer parce que, effectivement, je suis

consciente qu'actuellement, il y a un droit d'appel dans la loi, mais qu'il n'est pas utilisé, je veux dire, on ne s'en sert pas. Moi, je dis qu'un droit d'appel doit continuer d'exister pour permettre à un citoyen ordinaire de ne pas se retrouver devant les tribunaux parce qu'on sait qu'à ce moment-là, il n'y a personne qui va y aller, à tel point qu'à ce sujet-là, je mentionne qu'il y a, actuellement, pratiquement un monopole, et je vous mentionne le fait que j'ai porté plainte en vertu de la loi sur la concurrence.

M. Baril: Puis le droit d'appel, dont vous pariez, à l'intérieur de la Régie, ça serait une autre structure à l'intérieur de la Régie?

Mme Olivier. Je crois que ce serait préférable que ce soit aux instances gouvernementales, parce que ce sont les élus du peuple, finalement, et je crois que c'est, je ne dirais pas eux, mais une personne, peut-être déléguée par le ministre, connaissant la question, qui pourrait étudier les dossiers. Mais ce que je voudrais, ce serait un droit d'appel existant, mais surtout effectif et qu'on peut utiliser.

M. Baril: Je vous remercie, Mme Olivier, d'être venue nous présenter ce mémoire avec beaucoup de pertinence à la loi sur la mise en marché. De notre côté, en tout cas, à quelques occasions, sans doute, on va se référer à votre mémoire pour se faire encore une meilleure idée de l'élaboration de ce projet de loi.

Mme Olivier: Je vous remercie. Pourrais-je vous produire trois documents que j'ai ici en main?

Le Président (M. Richard): Sûrement, madame.

Mme Olivier: Vous accepteriez?

Le Président (M. Richard): Vous pourrez les déposer à la commission qui en fera distribution aux membres de la commission.

Mme Olivier: Parfait.

Le Président (M. Richard): Absolument.

Mme Olivier: Je voulais simplement vous mentionner que ce sont trois appuis que j'ai eus de syndicats de producteurs de laits régionaux; et il y en a deux qui ne me sont pas parvenus à temps. Alors, si vous voulez les consulter, je crois que ça peut vous intéresser.

Le Président (M. Richard): Parfait. Merci. Alors, comme mot final, M. le ministre, M. Middlemiss, vous avez un commentaire?

M. Middlemiss: Seulement dire à Mme

Olivier merci beaucoup pour votre présentation, aussi pour votre grande patience: vous avez passé la journée ici. Je pense que vous avez certainement sensibilisé les membres de la commission au problème des gens qui veulent faire des choses et qui rencontrent des obstacles.

D'un autre côté, je pense que le ministre a bien expliqué qu'il y a des structures qui existent et qu'elles sont là dans le meilleur intérêt de la production. Mais peut-être qu'on pourra, un jour, trouver Un moyen de réussir à satisfaire tout le monde, tout en utilisant de la meilleure façon nos produits, et, dans votre cas, les produits laitiers. Merci beaucoup.

Mme Olivier: Je vous remercie et je vous remercie tous de m'avoir entendue.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, madame. Merci, madame, messieurs. Nous ajournons donc à demain matin, 10 heures, au même endroit. Merci et bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 22 h 38)

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