L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 3 avril 1990 - Vol. 31 N° 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 15, Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Richard): Mesdames, messieurs, je déclare la séance ouverte. Je vous rappelle le mandat de notre commission, qui est effectivement de tenir une consultation générale dans le cadre de l'étude du projet de loi 15, Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives. m. le secrétaire, est-ce qu'il y des remplacements, ce matin?

Le Secrétaire: Aucun, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Je vous donne donc, mesdames, messieurs, l'horaire de la journée. Nous débutons dans quelques minutes avec la Fédération des producteurs de lait du Québec, suivie du Conseil de la coopération laitière; en après-midi, le Conseil de l'industrie laitière du Québec, suivi d'Agropur, puis de Purdel, coopérative agro-alimentaire, et nous terminons la journée avec l'Association des transporteurs de lait du Québec.

Mémoires déposés

J'aurais aussi des dépôts. La commission a reçu, en fait, des mémoires qui ne seront pas appelés en auditions publiques. Ces mémoires ont tous été transmis aux membres de la commission et sont aussi conservés par le secrétaire au greffe de la commission, au même titre que les autres. Alors, ces mémoires, dont j'officialise le dépôt, nous ont été adressés par le Barreau du Québec, la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, le Conseil des viandes du Canada, M. Jacques Landry, l'Ordre des agronomes du Québec et la ville de Québec. Donc, c'est l'ensemble des mémoires qui sont reconnus pour dépôt seulement.

Auditions

Sur ce, je demanderais au premier groupe, la Fédération des producteurs de lait du Québec, de prendre place, s'il vous plaît.

Je vous rappelle, premièrement, de vous identifier et d'identifier vos collègues pour les fins de la transcription, puisque la transcription se fait à l'extérieur de la présente salle. Vous avez vingt minutes, comme porte-parole, pour présenter votre mémoire et, par la suite, c'est un échange entre le parti ministériel et le parti de l'Opposition. Vous avez la parole, monsieur.

Fédération des producteurs de lait du Québec

M. Rivard (Claude): Bonjour, M. le Président. Premièrement, mon nom est Claude Rivard, président de la Fédération des producteurs de lait. Les personnes qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Henri Dorval, directeur général, et M. Léon McDuff, directeur du service de l'approvisionnement; à ma droite, Me Trudeau, qui est procureur de la Fédération. Ça va?

Le Président (M. Richard): Merci. Vous avez la parole, monsieur.

M. Rivard (Claude): M. le Président, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, mesdames, messieurs, la Fédération des producteurs de lait est très heureuse ce matin et elle tient à vous remercier de l'opportunité que vous lui accordez ce matin de présenter son point de vue sur le projet de loi 15 qui remplacera l'actuelle Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

La fédération regroupe, dans un premier temps, 14 syndicats spécialisés et environ 15 000 producteurs de lait du Québec. Elle administre depuis 1980 le plan conjoint des producteurs de lait du Québec. Les producteurs de lait ont été parmi les premiers producteurs agricoles à se prévaloir de la formule des plans conjoints comme véhicule de mise en marché de leur produit. Ils sont également parmi ceux qui ont vécu l'expérience la plus complète et la plus dynamique de la formule des plans conjoints.

Le premier plan conjoint des producteurs de lait est entré en vigueur en 1956, c'est-à-dire au tout début de l'application de la première Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Au cours des 15 années qui ont suivi l'adoption de la loi, plus d'une trentaine de plans conjoints de mise en marché du lait de consommation ont vu le jour dans les différentes régions du Québec. Vous les trouverez en annexe à ce mémoire.

Je tiens à spécifier une chose, M. le Président: Le mémoire qui vous a été déposé - on n'avait pas, à ce moment-là, la période de temps qui nous était allouée - je vais l'entrecouper pour respecter mon délai.

Le Président (M. Richard): Parfait.

M. Rivard (Claude): Les producteurs de lait ont utilisé au maximum à peu près tous les mécanismes que le législateur a mis à leur disposition pour améliorer leur sort depuis l'adoption de la première Loi sur la mise en

marché des produits agricoles, à partir du contingentement, en passant par la mise en vente en commun de leurs produits et jusqu'aux ententes fédérales-provinciales.

Ils ont vécu la période des quotas de lait de consommation régionaux octroyés en fonction des besoins d'usines qu'il fallait approvisionner directement à partir des fermes d'un nombre limité de producteurs. Ils ont connu l'époque de la vente des quotas à l'amiable d'un producteur à l'autre sans mécanisme particulier, la période des encans publics avec tout le folklore qui s'y rattache et, depuis 1986, Us font l'expérience d'un système centralisé de ventes de quotas opéré par ordinateur Le lait des producteurs est payé selon son utilisation et la Fédération opère deux pools, dont l'un sert au paiement du lait de consommation et l'autre au paiement du lait de transformation. Les producteurs reçoivent actuellement un prix unique pour le lait produit sous le quota de lait de consommation et un prix unique pour le lait produit sous le quota de lait de transformation, quelle que soit l'usine où il est livré à travers la province. Il serait logique qu'ils paient le même prix pour le transport de leur lait, quel que soit l'endroit où il est situé.

Les producteurs se dirigent graduellement vers un pool provincial des frais de transport, dont l'effet sera de faire payer à chaque producteur le môme prix pour le transport du lait, quelle que soit la distance de sa ferme au marché qu'il approvisionne. Les esprits les plus progressistes voient même se réaliser, à moyenne échéance, la disparition d'une distinction entre le lait de consommation et le lait de transformation et la création d'un seul pool, d'un seul quota pour tous les producteurs de lait du Québec.

Tout ceci pour en venir à dire que, de façon générale, les producteurs de lait sont satisfaits de cette législation en matière de mise en marché qui leur a permis de se regrouper et de réaliser des progrès importants. Mais il y a une ombre au tableau et c'est un problème de taille. Depuis longtemps, il empêche les producteurs de lait de tirer le maximum des bénéfices de la loi. Il a refait surface ces dernières années et menace, avec une violence accrue, l'intégrité de tout l'édifice. Il s'agit, vous l'avez deviné, des relations juridiques entre la Fédération, qui joue un rôle d'office des producteurs de lait, et les coopératives laitières, plus particulièrement dans le cadre de l'article 2 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, dont les dispositions sont maintenues dans le présent projet de loi.

C'est avec regret que la Fédération doit demander l'abrogation de cette disposition. Et elle le fait parce qu'elle est consciente que, si le problème n'est pas réglé sans délai par une législation, l'édifice de la mise en marché du lait par le plan conjoint est menacé dans sa fondation même et les coopératives, par leurs seuls moyens, seront bien incapables de faire face aux défis de l'avenir dans le meilleur intérêt des producteurs de lait du Québec.

À cause de l'importance des coopératives au point de vue économique au Québec, le législateur a longtemps hésité à faire disparaître l'article 3, anciennement. En 1963, les producteurs ont obtenu la suppression du dernier alinéa de l'article 3. En supprimant cet alinéa, le législateur a cru régler une partie du problème et a estimé que le reste se réglerait par le bon usage que feraient les parties de l'article, devenu l'article 2 de la loi sur la mise en marché du Québec en 1963.

Toutefois, après plus de 20 ans, la Fédération doit se rendre à l'évidence, car certaines coopératives laitières utilisent l'article 2 de telle façon que la Fédération n'a d'autre choix que d'en demander l'abrogation. La Fédération, donc, demande l'abrogation complète de cette disposition qui est devenue l'article 2 du projet de loi 15.

Tout d'abord, cet article viole le principe fondamental de l'égalité devant la loi des organismes. En second lieu, la rédaction de l'article est d'une telle imprécision qu'elle prête aux interprétations les plus fantaisistes. Ensuite, l'article est la plus importante cause de désordre et de litiges dans la mise en marché du lait depuis l'origine de cette loi. Enfin, il est la cause principale de l'absence ou de l'échec des négociations entre les coopératives et les organismes chargés de la mise en marché du lait.

Les coopératives laitières sont des associations de producteurs qui mettent en marché, sous une forme ou une autre et généralement après transformation, les produits de leurs sociétaires. Il n'est pas question de leur enlever quelque mérite que ce soit, ni d'en faire l'apologie, ce dont elles se chargent volontiers elles-mêmes. Reste, néanmoins, que les coopératives sont en compétition directe sur les marchés locaux et internationaux avec d'autres entreprises qui achètent le lait des producteurs et le paient le même prix. Les autres entreprises doivent négocier avec la Fédération un prix et les conditions de mise en marché du lait des producteurs. À défaut d'entente, les conditions sont généralement établies par décision arbitrale de la Régie des marchés agricoles. Les coopératives laitières ne sont pas seulement en compétition directe avec les entreprises privées qui achètent le lait des producteurs, elles sont également en compétition directe avec les autres entreprises privées qui se livrent à des opérations de mise en marché dans l'industrie laitière sans acheter le lait des producteurs, telles les entreprises privées de transport.

Il n'est pas équitable que toutes ces entreprises, qu'elles soient des coopératives ou des entreprises privées, ne soient pas traitées juridiquement sur un pied d'égalité quand il s'agit de négocier avec la Fédération les conditions de mise en marché et de se soumettre à

l'arbitrage de la Régie. L'entreprise privée serait sans doute ravie de retrouver dans le projet de loi 15 un article 2A qui stipulerait que la loi ne doit pas gêner son action dans les régions et les secteurs où elle est en mesure de répondre aux besoins. Ces entreprises ne verraient peut-être pas d'un mauvais oeil de pouvoir à la fois administrer le plan conjoint et acheter ou recevoir le produit visé par le plan. C'est pourtant ce traitement que la loi réserve aux coopératives. Il n'est pas normal qu'il y ait législativement un régime qui prescrit deux poids deux mesures entre compétiteurs sur un même marché.

Les coopératives sont des organismes de producteurs. Les producteurs sont libres de les mettre sur pied et de s'en servir pour la mise en marché de leurs produits, comme ils sont libres de mettre sur pied des offices de producteurs et des plans conjoints pour la mise en marché des produits laitiers. Ils le font, d'ailleurs, de la façon la plus démocratique qui soit. Mais une fois ces coopératives en place, pourquoi prendre la peine de mentionner dans une loi qu'elle ne doit pas gêner l'action des coopératives, alors que les entreprises privées doivent s'y soumettre comme à toutes les autres lois du Québec? Lorsqu'on prend la peine de mentionner, dans une loi à caractère obligatoire pour les autres, qu'elle ne doit pas gêner l'action des coopératives, il n'y a qu'un pas pour prétendre que la loi ne s'applique pas à leurs activités. Et ce pas, certaines coopératives, M. le Président, l'ont franchi dans leur comportement. On peut, en effet, à la rigueur soutenir avec vraisemblance que la plupart des dispositions importantes de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles gênent les coopératives laitières. Elles n'ont pas manqué de le soutenir à l'occasion.

Un règlement de quota s'applique-t-il ou non aux sociétaires de coopératives? Il est permis d'en douter. Sans ce règlement, les sociétaires pourraient produire et livrer à leur coopérative tout le lait que cette dernière peut requérir. L'existence des contingentements prive en effet les coopératives de volumes de lait dont elles ont grand besoin pour rentabiliser leurs usines et, par voie de conséquence, l'existence des quotas gêne l'action du coopératisme, à la rigueur. Quand vont-elles le soutenir devant les tribunaux?

Si l'on croit qu'il s'agit d'une interprétation farfelue, M. le Président, que l'on se place dans la position d'un juge de la Cour supérieure qui doit en décider et qui n'a pas une connaissance particulière de toute la complexité de l'industrie laitière et des principes coopératifs. Quel effet pensez-vous qu'il doit donner à l'article 2? Le règlement de l'office des producteurs de lait, qui oblige ces derniers à payer une contribution aux fins de défrayer les dépenses d'administration du plan conjoint et oblige les intervenants qui paient le prix du lait à retenir la contribution à même la paie des producteurs et à la remettre à l'office, a-t-il pour effet de gêner l'action des coopératives? En 1969, Agropur, alors la Coopérative agricole de Granby, l'a prétendu devant la Cour supérieure, comme l'on peut s'en rendre compte en consultant l'annexe B. À nouveau, en 1979, Agropur a prétendu devant la Cour supérieure que le fait pour la Régie de l'obliger à prélever les contributions dues au plan conjoint par les producteurs de lait industriel et de les remettre a la Fédération constituait un excès de juridiction de la part de la Régie et gênait l'action de la coopérative. L'aurions-nous imaginé? Voir l'annexe C.

À titre d'exemple, vous pourrez constater à la lecture du jugement de 1969 que certaines coopératives laitières, dont la plus importante au niveau du chiffre d'affaires, ont prétendu qu'elles seraient acculées à la faillite par l'application du plan conjoint, d'un règlement et d'une sentence arbitrale de la Régie. L'extrait suivant du jugement de l'honorable juge Duranleau demeure d'une surprenante actualité 20 ans après son prononcé: "Les coopératives se plaignent qu'elles vont être acculées à la faillite par l'application à la lettre du plan conjoint, de la sentence arbitrale et du règlement, mais la preuve à ce sujet est bien loin d'être concluante. Comment expliquer que les intervenantes (des entreprises privées) qui sont moins bien florissantes que la Coopérative agricole de Granby trouvent le moyen de se conformer à la sentence arbitrale et au règlement?"

En pratique donc, chaque fois qu'une disposition du plan conjoint devient contraignante pour une coopérative laitière, ce qui est le propre de toute disposition législative, elle peut se prévaloir de l'article 2 pour contester devant les tribunaux (ou pour menacer de le faire) la juridiction de la Fédération ou même celle de la Régie. Il en est de même des règlements de la Fédération, ainsi que des règlements, ordonnances et décisions de la Régie des marchés agricoles. Il va sans dire que l'entreprise privée n'a d'autre choix que de se soumettre. C'est donc un premier accroc au principe de l'égalité devant la loi auquel il est urgent de mettre un terme.

Cette façon d'invoquer l'article 2 devant les tribunaux et la prohibition qu'il fait de gêner l'action des coopératives prend généralement les formes les plus pathétiques, particulièrement susceptibles d'impressionner, sinon de convaincre, les non-initiés.

En 1989, les coopératives soutiennent également devant les tribunaux que, lorsque la Régie ordonne aux coopératives et à la Fédérée de procéder de concert à la rationalisation des routes de ramassage du lait dans le but de diminuer les coûts de transport à chaque producteur, la Régie gêne l'action des coopératives et excède sa juridiction, encore une fois. Dans l'intervalle, cette attaque devant les tribunaux,

fondée sur l'article 2, permet aux coopératives de refuser d'appliquer la décision reproduite à l'annexé D.

Encore une fois, en 1989, les coopératives brandissent devant les tribunaux le spectre de la déconfiture. Cette fois, II s'agit, en plus d'alléguer violation par la Régie de l'article 2, de l'accuser d'expropriation sans indemnité des biens des coopératives laitières et de rayer de la carte leurs entreprises de transport. L'annexe E le prouve éloquemment.

Voilà donc une autre illustration de l'usage que les coopératives laitières font de l'article 2 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles du Québec. Non seulement l'article 2 permet aux coopératives de se soustraire à l'application de la loi, mais, ce qui est plus grave, c'est qu'il leur permet de s'en servir quand il y va dé leurs Intérêts. En voici quelques exemples concrets.

La loi sur là mise en marché, dans sa forme actuelle, permet a une coopérative, à une association professionnelle d'acheteurs, de voituriers ou à d'autres personnes liées par un plan conjoint de demander à la Régie de l'accréditer, à titre de représentant des intéressés à la mise en marché du produit visé par le plan. Si l'accréditation est accordée, l'association représente tous les intéressés pour les fins de négociation et d'entente avec l'office des producteurs et de conciliation et d'arbitrage selon la loi.

Il y a déjà longtemps que la Fédérée a demandé et obtenu de la Régie une accréditation pour représenter les coopératives laitières et leurs filiales aux fins mentionnées ci-dessus. Il est tout naturel de penser que, si la Fédérée a demandé cette accréditation, c'était pour répondre aux désirs des coopératives laitières. Il est aussi légitime de croire que ces dernières devaient se sentir liées par le plan conjoint, puisque le seul but de cette accréditation est de permettre la négociation collective et de bonne foi, dans le cadre du plan, entre les coopérations et la Fédération.

Le moins que l'on puisse attendre des conséquences de cette accréditation, c'est qu'elle mène à une négociation de bonne foi et qu'à défaut d'entente les parties se soumettent à la décision arbitrale qui tient lieu de convention. C'est la règle du jeu sans laquelle il ne peut y avoir de mise en marché ordonnée et sans laquelle, d'ailleurs, la loi n'a aucun sens. mais quand on est convaincu que ni la négociation, ni la décision arbitrale ne peuvent avoir l'effet de nous gêner, est-il raisonnable de penser que l'on fera les compromis nécessaires pour arriver à une entente? quel incitatif peut-on avoir à négocier de bonne foi et quelle crainte peut-on avoir d'une décision défavorable de la régie puisque, aux termes de la loi, cette décision ne saurait gêner? pense ton que l'on exagère? deux observations devraient convaincre du contraire. tout d'abord, le sens ordinaire du mot "gêner", tel que nous l'apprennent les dictionnaires et deux exemples pratiques qui en sont donnés par les coopératives laitières. Selon le dictionnaire, "gêner" signifie: mettre à l'étroit, mal à l'aise, empêcher, angoisser, freiner le mouvement ou le développement, mettre dans une situation embarrassante, difficile où s'exerce une espèce de contrainte. Le terme peut même aller jusqu'à signifier: déplaire, déranger, importuner, en plus d'intimider et de troubler.

Peut-on concevoir une décision arbitrale ou même une convention dûment homologuée ou un plan conjoint qui ne déplairait pas aux coopératives laitières, qui ne les dérangerait pas, qui ne les importunerait pas, en d'autres mots, qui ne les gênerait pas? Si on doit attacher à l'expression son sens ordinaire, on conçoit facilement que les coopératives laitières puissent prétendre que la loi s'applique à elles quand elles le veulent bien, d'autant plus que ce n'est pas le seul terme utilisé à l'article 2 qu'elles peuvent invoquer pour se soustraire à l'application de la loi. En effet, le législateur ajoute que la loi ne doit pas être interprétée comme un moyen de concurrencer les coopératives. Dans les circonstances, est-il faux de prétendre qu'entre coopératives et entreprises privées l'article 2 est loin de maintenir le principe de l'égalité devant la loi? (10 h 30)

La Fédérée, qui a refusé de participer aux négociations, "s'objecte" à l'homologation de la convention entre la Fédération et l'Association, au niveau du transport en 1987. Donc, la Fédérée attaque alors, en 1987, la Régie des marchés agricoles devant les tribunaux et demande l'annulation d'une convention alors intervenue entre la Fédération et l'Association des transporteurs, sur la base de l'article 2 de la loi. L'annexe I reproduit cette autre déclaration d'action de la Fédérée et d'une autre coopérative laitière. Cette affaire est suspendue depuis.

Dans l'intervalle, la Régie pose habilement mais fermement comme condition à son refus d'homologuer la convention entre la Fédération et l'Association l'obligation des coopératives de négocier une convention de transport avec tous les intéressés.

Devant l'insistance de la Régie, la Fédérée convient, de concert avec la Fédération, l'Association et le Syndicat de Québec, de s'engager dans des négociations multipartites pour en arriver à une entente unique qui réglerait le problème du transport, en annexe J. Les négociations commencent donc en 1987 et durent jusqu'en 1989 alors qu'à bout de souffle et à défaut d'entente avec les coopératives laitières la fédération demande l'arbitrage.

La Régie entend les parties, accorde une audition additionnelle à la demande de la Fédérée et reçoit, en plus, des représentations écrites des parties. Elle rend jugement fin août 1989, annexe D, croyant sans doute mettre fin à un

litige sans solution depuis quatre ans. Peine perdue, les coopératives demandent à la Régie un ordre de sursis de la décision. Cette demande est refusée suite à une audition des parties. Les coopératives laitières en appellent au gouvernement mais ne manquent pas de s'adresser à la Cour supérieure et de demander l'annulation de la décision de la Régie, invoquant, encore une fois, l'article 2 de la loi, annexe E. Depuis cette date, nous entrons dans la sixième année et les problèmes de transport demeurent sans solution.

Peut-on croire que l'article 2 a sa place dans une loi qui vise la mise en marché ordonnée des produits agricoles? La Fédération vous soumet qu'il est dans l'intérêt public que vous interveniez et que vous fassiez disparaître l'article 2 du projet de loi 15. Aucune disposition législative n'a créé autant de problèmes depuis son origine que l'article 2 de la loi sur la mise en marché. Et nous vous faisons grâce des pertes pécuniaires qu'il a causées aux producteurs de lait, ne serait-ce qu'uniquement en querelles juridiques.

Laissez le problème entre les mains des producteurs et je crois qu'ils sauront bien le régler. Ils ont en effet tous les moyens qu'il faut pour élire et remplacer leurs dirigeants à volonté, et leur prescrire le degré de protection qu'ils veulent voir accorder à leurs coopératives et l'étendue de la collaboration que ces dernières doivent accorder au plan conjoint.

L'article 2 fausse le jeu de la démocratie. Il met les dirigeants des coopératives à l'abri du jugement des producteurs et leur permet de se couvrir de la légitimité de l'article 2 pour éviter de consentir les compromis qui sont nécessaires à la mise en marché ordonnée des produits laitiers.

La Fédération vous prie instamment de faire l'essai d'une loi sur la mise en marché qui traite sur un pied d'égalité toutes les entreprises, aussi bien les entreprises privées que les coopératives, qui traite également sur un pied d'égalité les associations de producteurs et qui les oblige tous à négocier de bonne foi et à se soumettre aux décisions arbitrales de la Régie, comme le fait d'ailleurs la Fédération qui, aux termes de l'une de ces décisions, a dû verser aux coopératives la rondelette somme de 7 500 000 $ pour du lait que les producteurs n'avaient même pas produit ou avaient produit hors quota.

Peut-on concevoir, dans la Loi sur les coopératives, une disposition semblable à l'article 2 qui obligerait les coopératives à mener leurs entreprises de façon à ne pas gêner ni concurrencer les offices de producteurs?

Les producteurs sont donc théoriquement libres de devenir sociétaires des coopératives, mais, en pratique, ils ne peuvent tous le faire. Ceux qui sont des sociétaires bénéficient, c'est bien normal, de ristournes et de trop-perçus. Il faut se rappeler cependant que les autres producteurs ne peuvent en bénéficier, même s'ils souhaitent devenir membres des coopératives.

Cela est moins normal. Examiné sous cet éclairage et dans le contexte d'un traitement égal devant la loi, il devient encore plus important que l'article 2, dans sa forme actuelle, disparaisse.

L'administrateur - page 22, pour ceux qui ont le texte - d'une coopérative qui administre un plan n'est l'objet d'aucune disposition législative dans le projet de loi. Dans les faits, cet administrateur est à la fois administrateur de l'office et administrateur d'une entreprise en compétition directe avec les autres entreprises visées par le plan. Avec respect, la Fédération croit qu'il s'agit là de deux poids, deux mesures.

La Fédération aimerait, en terminant ce mémoire, peut-être déposer un ajout. On croit qu'il n'y a pas d'espace au niveau de la création d'un pool de transport et je demanderais à Me Trudeau de vous le déposer tout simplement.

Le Président (M. Richard): Vous pouvez, maître, le déposer. S'il vous plaît, allez chercher le document et on en fera la distribution à tous les membres de la commission.

M. Rivard (Claude): Là-dessus, j'aurais peut-être un commentaire personnel, M. le Président, messieurs et mesdames. Ça fait peut-être depuis 1955, 1956, je crois, que le premier plan conjoint a été formé et, à plusieurs reprises, on s'est querellé et il y a des déchirements parce que le rôle, comme on peut le voir, est interprété de façon différente au niveau des deux organisations. Comme producteur laitier du Québec, tout ce que j'espère, avec l'avènement de la loi 15, c'est que certaines choses pourront être clarifiées au niveau de l'article 2 quant à la responsabilité de chacun des organismes pour que mes enfants, si c'est possible, n'aient pas à subir des frais - j'espère qu'ils seront en production laitière - juridiques ou de contestations de toutes sortes. Parce qu'une industrie qui est mature, comme l'industrie laitière québécoise, ne peut pas se payer le luxe de se quereller comme on le fait présentement. Je pense qu'il est grand temps de mettre de la clarté là-dedans. Là-dessus, messieurs, mesdames, merci.

Le Président (M. Richard): Merci, monsieur, de votre mémoire. Maintenant, pour le questionnement, M. le ministre, vous avez le premier bloc. Ce sont des blocs de 10 minutes, M. le ministre, par alternance.

M. Pagé: Oui, mais le temps global alloué? Je sais que ce sont des 10 minutes.

Le Président (M. Richard): 36 minutes, M. le ministre.

M. Pagé: En tout?

Le Président (M. Richard): Oui.

M. Pagé: Pour les deux groupes.

Le Président (M. Richard): Donc, 18 minutes chacun.

M. Pagé: O. K. Alors, merci, M. le Président, chers collègues membres de la commission. Je voudrais, dans un premier temps, remercier la Fédération des producteurs de lait du Québec et ses représentants, ce matin, pour la présentation de leur mémoire. Je vais me limiter à un commentaire, -dans un premier temps.

Je constate que ce mémoire, qui est quand même très bien étoffé avec des annexes, porte principalement sur la problématique entourant la gestion du lait au Québec. C'est à la fois explicable et malheureux. C'est malheureux en ce sens que nous sommes à étudier une pièce législative qui est modifiée substantiellement, pour la première fois depuis, quoi 25 ans, 26 ans, et qui devra constituer, à l'avenir, le terme de référence ou l'assise juridique sur laquelle l'ensemble des partenaires dans le secteur agricole et agro-alimentaire au Québec devra s'appuyer pour la mise en marché de nos produits. or, force nous est de constater que, depuis plus particulièrement mercredi après-midi, les intervenants qui se sont présentés devant nous, que ce soit la coopérative fédérée, que ce soient le conseil de la coopération et la fédération des producteurs de lait, ont fait porter le principal, évidemment, de leurs commentaires sur une disposition très spécifique de cette loi. et cette disposition très spécifique, bien, c'est explicable, m. le président, que vous vous ameniez ce matin et que vous passiez la très grande partie du temps qui vous est alloué à discuter, à proposer, à demander, à commenter, finalement, l'application, l'interprétation donnée aux dispositions prévues à l'article 2 de la loi sur la mise en marché des produits agricoles. je dois saluer votre patience, m. le président. la fédération des producteurs de lait du québec a témoigné d'un niveau très appréciable de patience. ça me fait penser à l'adage qui dit que la patience est un arbre dont les racines sont amères, mais les fruits sont délectables.

Ceci étant dit, le ministre a bien réfléchi. Le ministre a lu vos mémoires en fin de semaine, évidemment. Il faisait trop froid pour aller aux sucres. Ça ne coulait pas, de toute façon.

Une voix:...

M. Pagé: Ha, ha, ha! Vous auriez dû m'inviter. On aurait lu ça ensemble. On a lu les mémoires et vous savez que je me sens une responsabilité qui est la suivante. Le ministre de l'Agriculture, confronté à un problème comme celui auquel nous nous référons ce matin... Parce qu'il ne faut pas se faire de cachette: depuis mercredi après-midi, ce qui prend le pas sur le débat sur le fond de la loi, ce sont les problèmes circonstantiels vécus par le monde laitier au Québec. C'est ça qui prend le pas beaucoup plus que l'étude article par article ou les commentaires sur le libellé du projet de loi 15. Je vous réitère ce matin - parce que l'ensemble des gens sont ici, ce matin, le Conseil de l'industrie est ici, le Conseil de la coopération et aussi Agropur parce qu'il faut maintenant parier de deux entités quand on parie du Conseil de la coopération et d'Agropur, et j'y reviendrai en après-midi, des entités distinctes, j'entends - que nous sommes la province laitière au Canada. Nous avons l'expertise, la tradition, la coutume, les connaissances. On s'est donné un plan conjoint qui a imposé des sacrifices, de la discipline, de la rigueur aux producteurs et aux productrices. On a bâti ensemble au Québec - on a tous les motifs pour en être fiers - un élément de très grande fierté. La production laitière au Québec suscite chez l'ensemble des Québécois, je pense, un très grand objet de fierté.

Cependant, nous traverserons, au cours des prochaines années, la période très certainement la plus délicate. Je me référais, au début des travaux de la commission, à l'Europe de 1992 qui créera un bloc homogène, très homogène, avec une nouvelle solidarité européenne conjuguant vers les mêmes objectifs 350 000 000 de citoyens. Nous sommes dans la deuxième année de la mise en oeuvre de l'entente de libre-échange qui, comme on le sait, a fait l'objet déjà de démarches très agressives de la part de nos voisins et amis américains, entre autres, à l'égard de la production laitière dans cette demande qui est maintenant soumise au GATT concernant les yogourts et la crème glacée. J'ai été en conférence fédérale-provinciale, jeudi et vendredi. Nous recevions, à ce moment-là, les rapports intérimaires des comités de travail qui ont été créés comme suite de la commission, de la démarche tenue par le fédéral en décembre dernier. Et, dans un de ces comités, bien, il ne faut pas se faire de cachette, on parie des plans conjoints, on parle des systèmes de gestion de l'offre.

Et, dès qu'on touche ce sujet, ça devient aussi sensible de la part des autres provinces que la question de l'article 2 peut être sensible ici, et je m'explique. La très grande majorité des provinces canadiennes voudraient voir une partie des quotas alloués en vertu de nos plans de contingentement et de notre politique de gestion de l'offre allouée à leur province. Quand John Savage, le ministre de la Colombie-Britannique, me dit: Michel, chez nous, on représente, quoi, près de 10 % de la population et on a 3, 5 % des quotas et, par surcroît, on a une population en croissance et je suis obligé d'importer le moz-zarella de chez vous et je suis obligé d'importer le beurre, bon, etc. Il a le droit de prétendre. On ne peut pas nier à ces gens-là le droit de

prétendre, le droit de revendiquer et le droit de demander. Alors, tout ça pour vous dire qu'on traverse la période très certainement la plus délicate, la plus difficile et la prochaine décade sera déterminante pour l'avenir de l'industrie laitière. (10 h 45) et, pendant ce temps-là, nous, au québec, on se tiraille, on hésite, on se chamaille un peu, on s'assoit, on négocie, on s'entend parfois. souventefois, on ne s'entend pas. plus souvent qu'autrement, on ne s'entend pas et tout ça arrive sur les bureaux de la régie des marchés agricoles qui doit administrer, qui doit remplir son mandat et décider en vertu de la loi.

Il y a deux possibilités. Ce n'est pas compliqué. C'est très clair. Selon ma perception, comme ministre - et j'y reviendrai à la fin des travaux de cette commission - il y a deux possibilités et j'aimerais bien avoir vos commentaires là-dessus, M. le président. Ça répond d'ailleurs à votre principale interrogation qui dit que l'article 2 doit être abrogé, que ça comporte un risque à la structure de mise en marché, etc. Jusqu'à maintenant, le libellé plus ou moins clair de l'article 2 aura assez curieusement servi, jusqu'à une certaine limite, l'ensemble de l'industrie, dans le sens que le fait qu'il ouvrait la porte à différentes interprétations a très certainement, selon nous, constitué un frein à son utilisation. D'ailleurs, le pourcentage le plus appréciable des requêtes adressées aux tribunaux pour demander l'interprétation à donner à l'article 2 s'est soldé par des règlements hors cour, des ententes à l'amiable.

Ça veut dire quoi, concrètement? Ça veut dire que les gens de l'industrie, c'est-à-dire autant le Conseil de la coopération que les coopératives individuelles, comme ça a été le cas pour Agropur dans une requête à laquelle vous référiez tantôt, que le Conseil de l'industrie laitière, depuis qu'il est formé, ou la Fédération des producteurs de lait, selon ma perception, à moi qui n'avais pas le nez collé sur la vitre à ce moment-là, les parties avaient tellement d'hésitations, pour ne pas dire avaient tellement peur de ce qui pourrait sortir comme jugement, qu'elles n'osaient pas se rendre jusqu'au bout de leur démarche. Donc, dans un sens, ça a été relativement utile puisque ça a constitué à la fois un élément créant une dynamique, obligeant les parties à s'asseoir et un frein impliquant que les parties n'osaient pas s'en prévaloir ultimement jusqu'à la fin.

Jusque-là, ce n'était pas trop mal, sauf que là, ça ne va pas bien, bien mieux. Moi, je pars du principe suivant: si le capital humain que vous avez investi dans le secteur laitier au Québec, autant les coopératives que la Fédération et le Conseil de l'industrie laitière, avait été investi pour bâtir ensemble ou raffiner nos stratégies de développement de marchés, de commercialisation, de productivité, d'efficacité, de rentabilité, etc., on serait en plus grande force aujourd'hui et on pourrait voir l'avenir avec plus de sécurité. Mais ça n'a pas été le cas.

Or, de deux choses l'une: ou on laisse le libellé de l'article 2 tel qu'il est et on se quitte demain soir, à la fin des travaux de notre commission, et on se dit: Bien, cette incertitude parfois questionnable et souventefois bénéfique pourra profiter à l'industrie pendant encore peut-être une génération; ou on le corrige, on le modifie. Auquel cas, je retourne devant le Conseil des ministres, je formule une proposition d'amendement et je dépose mes amendements à l'article 2 lorsque nous reprendrons nos travaux, au moment de l'étude du projet de loi article par article ou au moment du débat en deuxième lecture.

D'autant plus que, quand je disais que vous avez eu beaucoup de patience, si on déborde le cadre de la loi parce qu'on parle de l'article 2, vous avez parlé de la négociation, etc. J'apprécie au plus haut point, de la part de la Fédération des producteurs de lait - j'adresserai les mêmes commentaires à l'égard du Conseil de l'industrie laitière - la disponibilité, la bonne foi que vous avez démontrée comme suite de la rencontre que nous avons eue, les parties représentatives, le 8 février dernier, dans le but d'en arriver à une entente liant toutes les parties pour une période de trois ans, susceptible de sécuriser l'ensemble de l'industrie, autant les entreprises privées que les coopératives.

M. le Président, je reviendrai avec des chiffres précis tout à l'heure avec le Conseil de la coopération, qui démontreront très clairement que la décision de la Régie des marchés agricoles de 1989 permettant, entre autres, l'augmentation, dans certaines classes, selon les volumes de référence, à un pourcentage de 15 % a très, très bien servi l'industrie.

Je note que vous demandez l'abrogation de l'article 2; tout au moins, vous indiquez qu'il est nébuleux, imprécis, etc. Vous parlez de deux poids, deux mesures, à la page 9 de votre document. Ce sont des arguments qui se tiennent. Vous allez être présents toute la journée? Je vous invite, d'ailleurs, à être présents parce que, aujourd'hui, on parle du lait, seulement du lait. Je pense que ce sera une journée qui va être déterminante. Je voulais faire ces commentaires et, surtout, vous remercier.

M. le Président, compte tenu qu'on doit revenir, ce soir, à 20 heures, je crois, jusqu'à 21 heures - on aura peut-être un peu plus de flexibilité dans le temps, aujourd'hui - il est peut-être possible que les membres ou le ministre souhaitent que vous reveniez à la table pour répondre à quelques-unes de nos questions, après que nous aurons eu le plaisir d'échanger avec d'autres groupes qui sont directement impliqués dans l'industrie.

Le Président (M. Richard): Je cède donc la parole à M. le porte-parole de l'Opposition. M. le député d'Arthabaska, vous avez la parole.

M. Baril: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, d'abord, de souhaiter la bienvenue aux représentants de la Fédération des producteurs de lait, également aux nombreux observateurs, sans doute des producteurs et productrices laitiers. La présence de ces nombreux visiteurs parmi nous démontre clairement l'importance de revoir toute la Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

Comme je l'ai dit au tout début, nous, également, trouvons un peu, beaucoup malheureux que cette loi soit révisée dans une période, que je vais appeler critique, de négociation sur une situation problématique dans le lait, actuellement. J'aurais aimé, moi-même, entendre les intervenants nous parier d'autres articles, d'autres objectifs de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles plutôt que de parier, en grande partie, de la nécessité du maintien ou du rejet ou de l'éclaircissement de l'article 2 de la loi. pour ne pas faire un grand exposé, je vais essayer de vous lancer la balle. j'aimerais vous entendre nous expliquer comment vous voyez ça, la formule des plans conjoints telle qu'on la connaît aujourd'hui, dans le contexte du libre-échange, de la mondialisation des marchés. on s'aperçoit que. actuellement, il y a des demandes qui se font, de la part des états-unis, entre autres, pour contourner l'article xi 2c du gatt, pour faire entrer chez nous des succédanés. de plus en plus, aussi, le consommateur veut consommer de moins en moins de gras. les chiffres sont là qui le prouvent; on ne pourra pas indéfiniment forcer les consommateurs à manger des produits ayant un taux de gras assez élevé. la compétition américaine est là et est de plus en plus grande. je lisais, en fin de semaine, la difficulté, entre autres - c'est un exemple que je donne - des producteurs d'oignons. ici, au québec, un pesticide est homologué depuis quelques années; i est utilisé aux états-unis et h empêche la venue de champignons, de bibites, d'insectes dans les oignons. les états-unis ont le droit d'utiliser ces mêmes pesticides. la production des producteurs d'oignons est menacée par la venue de ces produits-là chez nous, qui sont, évidemment, produits à un coût moindre.

Dans le secteur que vous représentez, au niveau de toute la production du lait, de la transformation, des succédanés, qui peuvent rentrer chez nous, est-ce que la formule, actuellement, des plans conjoints est assez souple pour faire face à toute cette mondialisation des marchés qui s'en vient? Peut-être que vous aimeriez mieux que je vous parie de l'article 2 ou de toutes ses conséquences, mais j'aimerais ça déborder et sortir un petit peu de ça parce que, de toute façon, je ne pense pas que c'est ici, entre nous autres, qu'on va régler le problème aujourd'hui. C'est pour ça que j'aimerais vous entendre parier sur... Je ne veux pas remettre en cause - absolument pas - la nécessité des plans conjoints, mais la formule actuelle, est-ce qu'elle est assez souple, puisqu'on touche à la loi, pour faire face à l'avenir?

Le Président (M. Richard): O. K. Ça va?

M. Rivard (Claude): Oui, je vais essayer de reprendre, M. le Président.

Le Président (M. Richard): Merci.

M. Rivard (Claude): Donc, je vais essayer de reprendre. En fait, vous voulez savoir notre perception face au plan conjoint par rapport à la compétitivité. Tout à l'heure, on pourra, à la fin, vous distribuer ce qu'est un plan conjoint en fonction de la loi et ce que ça peut faire, un plan conjoint, peut-être pour votre information personnelle.

Un plan conjoint, ça peut réglementer, par le biais de la Fédération ou de son office - je ne sais pas si Léon pourrait peut-être vous passer le document - administrer, négocier et développer. Ça peut réglementer des contributions, du contingentement à une agence de vente provinciale. Ça peut administrer tout ce qui se rapporte aux conditions de vente, aux conditions de paiement ou négocier ces choses-là, le prix du transport, les normes de qualité et développer les nouveaux marchés, de la recherche, de la publicité et de l'information. Ces champs d'action, la Fédération - on a dit que. ça a été le premier plan conjoint - donc, les a assumés entièrement, ce que les pouvoirs de la loi à l'heure actuelle lui permettaient.

Au niveau peut-être de la compétition par rapport au libre marché, il se dit beaucoup de choses présentement. Vous avez les transformateurs qui disent: On se regroupe pour faire face à la compétition du libre marché. Notre perception, chez nous, est peut-être fausse. On a peut-être le nez collé à la vitre, mais on veut être réalistes aussi quand on fait cette analyse. Au niveau de la compétition par rapport aux Américains, prenons-le comme exemple, il y a un écart d'environ 14 $ l'hectolitre entre le prix que les producteurs de lait de transformation américains reçoivent et le prix canadien. Cet écart s'explique de différentes façons. Premièrement, par les conditions climatiques. Certains États - je pense que vous connaissez l'infrastructure américaine - ont jusqu'à 12 récoltes par année, ils n'ont pas besoin d'entreposer les fourrages, différents facteurs.

Il y a les conditions économiques aussi. Ces conditions économiques - je voudrais insister là-dessus, on ne se contera pas de peurs ici ce matin, messieurs et madame - ce n'est pas plus vrai que c'est différent au niveau des producteurs que des transformateurs. Je pense ici aux

conditions salariales. On a fait, tout dernièrement, une étude sur la compétitivité du mozzarella américain qu'on pourrait éventuellement mettre sur la pizza, s'il devait entrer au Canada. Une usine à Buffalo, spécialisée dans la production de mozzarella, paie environ 8 $, 8, 50 $ l'heure le salarié, alors qu'au Canada, à Toronto ou à Montréal, on parle de 16, 50 $ l'heure. L'essence, l'énergie, on parle d'environ 1 $ le gallon versus au-delà de 3 $. Il y a les mesures sociales et une foule de choses dans ce sens-là.

Les gens pourraient peut-être dire: Votre système de plan conjoint dont vous vous êtes dotés depuis 20 ans au Québec ou au Canada a rendu l'industrie... Vous entendez parfois des belles équations savantes d'économistes ou d'autre monde qui disent: Les gens ne sont pas compétitifs. J'ai des chiffres depuis la mise en place du plan conjoint national, depuis 1970. La productivité moyenne dans les troupeaux canadiens s'est accrue de 70 %, au niveau des États-Unis, durant la même période, de 35 % et en Australie, qui est supposément un pays très progressiste, très d'avant-garde, 25 % d'augmentation de productivité. Donc, je ne pense pas que ce soit le système qui ne soit pas efficace. Ce sont des conditions économiques différentes, qui sont là. D'après notre analyse, ouvrons le libre marché demain matin et - M. le ministre a mentionné que l'industrie laitière était pour le Québec ce que le blé est pour l'Ouest - je pense qu'on devrait oublier ça dans le portrait du Québec assez rapidement merci, dans notre interprétation à nous autres.

Ce qu'on a essayé de faire avec le gouvernement canadien... On sait que notre programme est attaqué présentement au niveau de la crème glacée et du yogourt. Il y a un panel qui a rendu une décision défavorable. Tout dernièrement, c'est-à-dire il y a deux semaines, le gouvernement canadien a déposé une position à l'intérieur des négociations du GATT pour régler l'ensemble du problème, mais aussi, par le biais d'une liste de nomenclature, on va ramener la crème glacée et le yogourt à l'intérieur d'une liste de produits contrôlés, parce qu'on a définitivement un système de gestion. Je n'ai pas ma petite table, mais notre expression, notre façon d'imager notre système de gestion canadien, on dit: On pourrait prendre n'importe quel exemple. On pourrait prendre une table. Vous pouvez avoir une table à trois pattes, mais une bonne table, ça a quatre pattes, quatre piliers. Les piliers fondamentaux, et ça, c'est important de comprendre ça... Les producteurs contrôlent la production. On a décidé, en 1970, de produire en fonction des besoins des consommateurs canadiens. On n'a pas visé le marché de l'exportation parce qu'on a dit: II est à perte et on ne peut pas compétitionner ces gens-là. Ce choix-là, on l'a fait il y a 20 ans et je pense qu'à l'heure actuelle on l'a défendu au cours du débat du libre-échange et on le défend au niveau du GATT dans le même sens. Donc, contrôle de la production par les producteurs en fonction des besoins des consommateurs. Comme producteur laitier canadien, si je ne peux pas contrôler mes importations, mon système ne veut rien dire. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Jumelé à ça, ça me donne encore moins rien de restreindre ma production si je n'ai pas une structure de prix qui a de l'allure. Regardons ce que les Américains font. Il y a des augmentations de production assez importantes. La façon de régulariser la production en fonction des besoins des consommateurs ou de l'exportation américaine: on baisse tout simplement la strate de prix. Les structures de fermes grossissent. Ça devient de très grosses entreprises. Donc, la ferme familiale n'a plus cours et, par ricochet, c'est l'extension des faillites: on parle d'au-delà de 200 faillites par semaine. Le dernier élément, et non le moindre, qui représente 11 % du revenu des producteurs laitiers du Canada, c'est un subside à la consommation de 6, 03 $ qui est le même depuis 1970 et qui a régressé techniquement dans le sens qu'il n'a pas suivi l'inflation. À l'époque, il représentait 24 % du revenu des producteurs; maintenant, il représente à peine 11 %. Ce sont les quatre piliers fondamentaux.

Peut-être pour vous répondre très clairement, dans l'année qu'on vit présentement, les négociations au niveau du GATT vont être cruciales. Est-ce que notre système va survivre aux négociations, au libre-échange? Je pense que c'est à ce niveau-là. Je pense que ce ne sont pas uniquement les producteurs laitiers du Québec, ce sont les producteurs canadiens qui ont cette philosophie-là: on a fait un choix, c'est d'essayer de vivre avec des conditions de vie décentes, les mêmes que tous les citoyens normaux veulent avoir. C'est là qu'on n'embarque pas dans une bagarre sauvage où on dit: À brève échéance, il y aurait une extinction de l'industrie laitière, si ça se faisait comme dans d'autres secteurs.

Peut-être un autre point que vous avez mentionné au niveau de la consommation du gras. C'est vrai qu'il y a des changements structuraux de marché très importants. Dans les quatre dernières années, on estime qu'il y a eu une baisse de la consommation du gras qui est très marquée au niveau des consommateurs. Il y a des changements structuraux du marché pour quelqu'un qui n'est pas familier avec l'industrie laitière. Si on recule il y a une quinzaine d'années, on prenait un hectolitre de lait et on transformait 4, 42 kilos de beurre, on prenait un autre hectolitre de lait et on transformait environ 10 kilos de fromage. Maintenant, le consommateur veut des fromages allégés, parfois même à partir de base de lait écrémé; donc, ça amène des changements tant au niveau de l'industrie que pour nous autres, les producteurs. On écrème ce lait-là, on retire nos quatre kilos

de beurre, donc, on fournit un marché et, par ricochet, ça donne un sous-produit par la fabrication du fromage. Donc, ça donne comme effet qu'avec un hectolitre de lait maintenant on fournit les deux produits et ça amène le problème qu'on connaît au niveau de l'industrie, c'est-à-dire une restructuration de l'industrie. Je ne sais pas si j'ai couvert vos deux points.

M. Baril: Oui, mais je vais revenir sur un point, parce que c'est fondamental dans le contexte qu'on vit actuellement avec l'arrivée possible de succédanés. On disait tout à l'heure qu'on peut vendre de la crème glacée sans une goutte de lait dedans. Vous représentez le groupe de la société qui va être le plus touché, soit les producteurs et les productrices. Les laiteries, qu'elles soient coopératives ou privées, vont sans doute pouvoir trouver un moyen pour s'adapter à ça, mais comment pensez-vous qu'on va pouvoir - je ne sais pas si je peux dire contrer, le mot est trop gros - vivre ça, contrôler à nos frontières l'arrivée de tous ces produits? Est-ce que la loi actuellement dont on discute a des outils pour aider les producteurs et productrices à écouler leurs produits d'une façon quelconque?

M. Rivard (Claude): Vous avez raison en partie; à l'intérieur de ce qu'on veut utiliser, c'est-à-dire l'article XI, on ne peut pas présentement contrôler autre chose que les produits laitiers. Les succédanés, c'est vrai, mais lors de l'avènement de la margarine ou d'autres succédanés il y a plusieurs années, on a fait exactement le même constat. Mais ce que l'industrie laitière a su faire au fil des ans, c'est développer de nouveaux produits, on pense à de nouveaux types de fromage, pour substituer cette régression de la consommation dans ces produits spécifiques. Tout dernièrement, aux États-Unis, à partir d'une fabrication de lait écrémé et de blancs d'oeuf, on peut maintenant faire une crème glacée qui est naturelle, sans cholestérol. Et on sait que c'est un problème de santé. Ça aussi, on va devoir le régler.

Et il y a peut-être un élément, un peu dans le sens que de ce M. Pagé a mentionné tout à l'heure. Présentement, par des querelles stériles, on oublie le fondement même de toute notre organisation de la transformation, l'ensemble, tant l'industrie privée que les producteurs, les transformateurs et les coops. Et je pense qu'il n'y pas 56 moyens, ça prend une synergie d'industries pour se développer, puis se positionner. On va devoir faire de la recherche au niveau des nouveaux produits. Et on sait que le Québec, présentement, on a peut-être une petite population, si on se compare à d'autres pays. On devra faire de la recherche et je pense qu'on devra se concerter. On fait de la recherche. Les producteurs investissent plusieurs dizaines de millions de dollars au niveau de la promotion. Et je pense que, à court terme, on doit s'asseoir à une même table et regarder comment on va avoir une synergie d'industries et se développer aussi au niveau de la recherche de nouveaux produits pour prendre la place des marchés qu'on va perdre. Mais il y a quand même un degré d'inquiétude très fort au niveau de l'ensemble des producteurs sur la question que vous avez posée.

Le Président (M. Richard): Ça va. M. le ministre. Est-ce qu'il y a un mot de la fin? Est-ce que ça convient?

M. Pagé: m. le président, je voudrais remercier la fédération des producteurs de lait de sa présentation ce matin et je les invite à demeurer avec nous. merci, messieurs.

Le Président (M. Richard): Je demanderais aux gens du Conseil de la coopération laitière de prendre place, s'il vous plaît.

M. Pagé: On va attendre une couple de minutes pour ce faire.

Le Président (M. Richard): O.K. Alors, nous suspendons quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 7)

(Reprisée 11 h 13)

Le Président (M. Richard): Chers collègues, si vous voulez reprendre place, s'il vous plaît. Mesdames et messieurs, on vous demanderait votre bonne attention, s'il vous plaît. Je sais que ce n'est pas pratique lorsque la salle est bondée. Alors, mesdames et messieurs, on s'excuse, il y a un petit problème technique. Nous recevons le Conseil de la coopération laitière. Vous étiez là, tout à l'heure, donc vous connaissez la mécanique. Je vous cède la parole. Vous vous identifiez d'abord; par la suite, vous identifiez vos collègues qui vous accompagnent et vous avez un bloc maximum de 20 minutes. Vous avez la parole.

Conseil de la coopération laitière

M. Dinel (Yvon): Merci, M. le Président. Je voudrais vous présenter les membres qui sont ici, à la table en avant, du Conseil de la coopération laitière: M. Napoléon Théberge, président de Purdel et premier vice-président du Conseil de la coopération laitière; M. Jean-François Robert, directeur de division laitière de la Coopérative fédérée; Me Gameau, qui est notre conseiller juridique au Conseil de la coopération laitière, et aussi quelques-uns de mes confrères: M. Denis Guérard, qui est directeur général de la coopérative Agrinove; Mme Renelle Valade, qui est présidente de la coopérative Agrinove; M. Jean-

Marie Frigon, qui est vice-président de Nutrinor, et M. Jean-Marc Thériault qui est président de la Coopérative agricole de la Côte-Sud.

Avant toute chose, permettez-moi, M. le Président, de vous souligner que le présent document constitue le mémoire du Conseil de la coopération laitière, ce que je vais interpréter.

Le 6 février dernier, nous annoncions, au cours d'une importante conférence de presse à Montréal, le regroupement, dans le lait de transformation, des six coopératives laitières du Québec. Notre objectif, à ce moment-là, était de mieux nous préparer à faire face à la globalisation des marchés et, surtout, de faire face à la spécialisation dans les habitudes alimentaires, spécialisation qui exige, de jour en jour, de plus grands moyens, une plus grande efficacité et une plus grande flexibilité. Et ce regroupement, nous annoncions alors que nous avions la ferme intention de l'effectuer en appliquant à la lettre les grands principes coopératifs qui sont à la base même de notre existence et de notre succès au Québec depuis 50 ans.

Or, ce matin, au moment de nous présenter devant cette commission, ces objectifs demeurent exactement les mêmes. Il y a eu, vous le savez, une première étape dans ce cheminement important qui a mené à d'intenses discussions quant aux modalités de ce regroupement. Or, l'un des partenaires initiaux, Agropur, a, comme vous le savez sans doute, décidé qu'il n'était pas disposé à souscrire aux principes de base qui ont donné lieu à notre regroupement. Nous avons donc dû l'inviter à quitter le processus auquel il ne semble plus souscrire et, donc, à quitter le Conseil de la coopération laitière du Québec, car, M. le Président, M. le ministre, la philosophie qui inspire notre mouvement, l'agenda que nous avons adopté et le calendrier que nous nous sommes fixé, demeurent fermes.

Je tiens donc à vous exprimer notre gratitude pour l'occasion qui nous est donnée de vous exprimer notre point de vue sur le projet de loi 15, mais aussi notre vision du développement de l'industrie laitière au cours des prochaines années. Et c'est très crucial, comme vous l'avez dit tantôt, M. le ministre. C'est l'avenir.

Les cinq coopératives laitières membres du Conseil opèrent des installations de transformation, de distribution ou de services aux agriculteurs dans plus de la moitié des comtés du Québec. Elles transforment environ 31 % de tout le lait produit au Québec et commercialisent plusieurs centaines de produits. Les coopératives emploient au-delà de 2000 personnes et opèrent des usines à travers le Québec, réalisant un chiffre d'affaires consolidé de 1 000 000 000 $. Ces entreprises économiques, propriété de 5300 producteurs et productrices de lait du Québec, ont été bâties par des générations successives de coopérateurs. Ces entreprises économiques, bien implantées dans les principales régions laitières du Québec, assurent des services de base aux agriculteurs, tels l'approvisionnement en moulée, la machinerie agricole, les services techniques pour l'introduction de nouvelles technologies, le transport du lait et, bien sûr, la transformation et la mise en marché des produits laitiers. Dans bien des régions, la coopérative est la seule à offrir ces services à l'agriculteur, l'entreprise privée ayant quitté les régions faute de rentabilité. La coopérative constitue donc le prolongement de la ferme familiale et constitue même l'assurance-profession du producteur agricole.

Ce que nous défendons devant vous aujourd'hui, ce ne sont pas des droits acquis, ce n'est pas la ceinture fléchée ou un dogme coopératif. Ce que nous affirmons plutôt, c'est que plus que jamais, compte tenu des défis qui se présenteront à l'industrie laitière durant les années quatre-vingt-dix, les producteurs et productrices de lait du Québec ont besoin de contrôler un outil économique placé à leur service, ce que leur permet précisément la formule coopérative.

Alors, quels sont-ils, ces défis? Le premier, c'est celui de l'ouverture du commerce mondial. Il s'agit d'une réalité incontournable. Il y a plusieurs murs qui ont tombé durant l'année dans des pays de l'Est; je ne pense pas que ce soit le temps de faire un mur autour du Québec. Bien que le Conseil de la coopération laitière ne ménagera pas ses efforts au cours des prochains mois pour maintenir intactes les réglementations et politiques protégeant notre industrie, il n'en demeure pas moins qu'on doit se préparer à livrer une dure bataille commerciale. Qu'on songe tout simplement à l'entrée au Canada de volumes importants de succédanés de produits laitiers en provenance des États-Unis. C'est déjà une réalité.

Les coopératives laitières, de par leur rôle de prolongement de la ferme, sont les seules entreprises de transformation qui ont dans leur mission, dans leur raison d'être, le maintien d'une production laitière régionale viable au Québec. L'entreprise non coopérative n'a aucune attache quelconque avec les producteurs de lait québécois.

Le deuxième défi, celui de la concentration du secteur de la transformation, se vit à tous les jours. On doit constamment réécrire le Livre des records. La compagnie RJR Nabisco était vendue, l'année dernière, pour la somme de 24 500 000 000 $!

En industrie laitière, on assiste au même phénomène. Récemment, six coopératives laitières régionales de France se regroupaient pour former SODIAAL, une union dont le chiffre d'affaires atteint 2 300 000 000 $ pour un volume de lait transformé de 2 700 000 000 de litres. On se prépare pour l'Europe de 1993.

Les coopératives laitières du Québec se devaient donc de franchir une autre étape majeure dans leur développement. Tout comme elles étaient au rendez-vous dans les années soixante et soixante-dix pour la régionalisation,

elles sont au rendez-vous aujourd'hui pour la mondialisation. Les cinq coopératives laitières régionales et la Coopérative fédérée de Québec en sont donc venues à la conclusion qu'il fallait regrouper les forces de la coopération dans le secteur du lait de transformation.

Le troisième défi, celui du maintien de l'économie agricole régionale, est plus problématique et nous devons nous y attaquer rapidement et ce, sur tous les fronts. Dans le cadre d'un regroupement des forces coopératives, des décisions devront être prises quant à la vocation de chacune des usines de lait de transformation. Le maintien d'une base maximale de transformation dans les régions sera un critère de base à respecter. La coopération laitière regroupée est sans contredit la seule organisation apte à relever chacun de ces trois défis, et ce, pour le compte de l'ensemble des producteurs de lait québécois.

Pour compléter l'information sur la pertinence de la formule coopérative en Industrie laitière, je vous réfère également à une étude réalisée par l'École des hautes Études commerciales de Montréal qui accompagnait notre mémoire, étude qui conclut que la coopération laitière est bien placée pour relever ces défis des années quatre-vingt-dix, pour autant qu'on la rétablisse dans ses droits.

Dans notre mémoire, nous nous attardons plus particulièrement au libellé de l'article 2 du projet de loi. En effet, à plusieurs endroits dans le projet de loi, des articles ont un impact direct sur le fonctionnement d'une organisation coopérative. Nous relevons en outre les articles 43, 81, 94 et 125.

Le libellé actuel de l'article 2 n'a pas permis de fixer des balises raisonnables au système de mise en marché du lait au Québec. Des décisions rendues par la Régie des marchés agricoles du Québec en 1985, 1987 et 1989 ont eu pour conséquence d'affaiblir considérablement la coopération laitière. Il en est résulté que, pendant toutes ces années, le plan conjoint a concurrencé indûment l'organisation coopérative de la production et de la mise en marché du lait, et ce, en accordant des privilèges à l'entreprise non coopérative.

Le libellé de l'article 2 proposé dans le projet de loi 15 comporte les mômes problèmes que celui de la loi actuelle. Il ne permet pas à la Régie de fixer des règles d'approvisionnement qui respectent l'organisation coopérative de la mise en marché du lait. Ceci nous a conduits, l'automne dernier, à loger auprès du Conseil des ministres une demande de révision des décisions de la Régie. À notre avis, le libellé de l'article 2 doit être conforme à la Loi sur les coopératives et plus spécifiquement à l'article 200 où il est précisé que, dans le cas d'une coopérative agricole dont l'objet est relié à la mise en marché, ce qui est le cas d'une coopérative laitière, la personne ou la société qui en devient membre doit également s'engager pour au moins cinq ans à livrer des biens ou à vendre des biens ou des services par l'entremise de la coopérative. C'est là que prend tout son sens l'organisation coopérative de là mise en marché du lait. Le Conseil de la coopération laitière propose que le libellé actuel de l'article 2 soit maintenu, mais en y ajoutant un troisième paragraphe qui se lit comme suit: "Rien dans l'application de la présente loi ne doit venir en conflit avec les engagements entre un membre et sa coopérative.1'

La révision de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles ne doit pas être l'occasion de bâillonner davantage les organisations coopératives dont sont membres, par choix et non pas par obligation, 9800 producteurs de lait québécois. La révision de la loi doit plutôt, à notre avis, réaffirmer de façon claire toute la pertinence du projet coopératif qui a toujours bien servi les intérêts du Québec dans le secteur agro-alimentaire comme dans bien d'autres secteurs.

Le Conseil est d'avis que le gouvernement se doit de maintenir, pour le producteur de lait, la possibilité d'adhérer librement à une coopérative, d'y investir des capitaux, de s'assurer ainsi de services indispensables pour l'exercice de sa profession et de bénéficier des gains réalisés lors de la transformation et de la mise en marché de son produit, le lait. Le Conseil de la coopération laitière ne demande pas une protection pour les coopératives laitières; elles n'en ont pas besoin. Ce qui est demandé, c'est de préserver un mode d'organisation qui n'est imposé a personne et qui doit continuellement faire ses preuves puisque ses membres sont libres d'y adhérer et de s'en retirer.

Plus que jamais, le Québec a besoin de coopératives laitières fortes en région: parce qu'elles répondent efficacement aux besoins des producteurs; parce qu'elles s'ajustent constamment aux tendances du marché; parce qu'elles sont les mieux placées pour relever les défis des années quatre-vingt-dix; parce qu'elles constituent la meilleure assurance-profession pour l'ensemble des producteurs de lait québécois et parce qu'elles sont des entreprises économiques essentielles au développement des régions.

Nous avons concentré notre intervention sur l'article 2 du projet de loi, article névralgique puisqu'il est au coeur des débats qui secouent depuis quelques années l'industrie laitière québécoise. Quant aux articles du projet de loi, nous faisons nôtres les remarques et commentaires soumis la semaine dernière par la Coopérative fédérée de Québec. Merci de votre attention.

Le Président (M. Richard): Je vous remercie pour votre message. M. le ministre, vous avez la parole pour le premier bloc de 10 minutes.

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je veux remercier M. Dinel et les représentants de la

Coopérative fédérée et des coopératives qui sont avec lui ce matin.

Dois-je comprendre, dans la référence que vous avez faite au tout début, que le Conseil de la coopération laitière du Québec n'est formé que de cinq membres?

M. Dinel: Oui.

M. Pagé: Dois-je comprendre qu'Agropur n'est plus membre du Conseil de la coopération laitière uniquement pour fins de représentation de votre organisme concernant le renouvellement d'ententes ou les négociations de renouvellement d'ententes, ou si elle est purement et simplement en dehors du Conseil de la coopération laitière maintenant?

M. Dinel: Agropur a été exclue du Conseil de la coopération laitière et elle a même demandé le retrait au niveau de l'accréditation par la Coopérative fédérée. Ça aussi, ça devrait être examiné par votre Régie, si on suit le cours normal.

M. Pagé: Je sympathise avec vous, M. Dinel. Je constate que, comme on dit chez nous, vous n'aviez pas assez d'avoir des problèmes avec les autres, vous en avez entre vous autres. De toute façon, je ne vous demande pas de commenter, vous êtes mal placé pour ce faire. Mais j'y reviendrai plus spécifiquement quand j'aurai le plaisir d'échanger avec les représentants d'Agro-pur, cet après-midi.

Vous vous référez à l'article 2 - ça se peut-u? Je ne parie pas de l'article 2, là - et vous dites à la page 7 de votre document: "Les décisions rendues par la Régie des marchés agricoles du Québec en 1985, 1987 et 1989 ont eu pour conséquence d'affaiblir considérablement la coopération laitière. Il en est résulté que pendant toutes ces années", etc. Comment pouvez-vous soutenir valablement que les décisions de la Régie - faisant suite évidemment à des requêtes qui s'appuyaient sur des volontés de certains représentants de l'industrie, en l'occurrence, la Fédération des producteurs de lait et le Conseil de l'industrie laitière - ont affaibli la coopération laitière du Québec, quand on se réfère au bilan du conditionnement et de la transformation en volume du lait par les coopératives? (11 h 30)

Dans le pool I... Et j'y reviens, parce que c'est ce à quoi on se réfère. Vous savez, on se réfère à des principes, mais ces principes commandent toujours des prises de position s'ins-pirant des volumes. En fait, la position de la coopération laitière au Québec, de la Coopérative fédérée et du Conseil de la coopération laitière, depuis un certain temps déjà, est à l'effet que la mise en oeuvre des plans conjoints - ce n'est pas le ministre qui parle, c'est vous autres - que la chair sur l'ossature des plans conjoints a conduit à une problématique de direction du lait, qui conjugué avec l'application de décisions de la Régie, a affaibli le milieu coopératif.

Vous avez perdu des sommes importantes, dites-vous, et vous vous retrouvez devant une situation de vulnérabilité. C'est le message qui a été livré aux membres sociétaires des coopératives laitières du Québec, autant par le Conseil que par chacune des coopératives dans ses assemblées générales annuelles. Là-dessus, on s'entend. Et la solution à cette problématique que vous avez fait valoir auprès de vos membres passe par le lait des sociétaires aux coopératives. Et vous vous référez à l'application de l'article 2 de la loi et aussi à la Loi sur les coopératives pour justifier votre prétention.

Or, si on se réfère au volume, dans le pool I, vos producteurs, vos sociétaires, ont produit 254 000 000 de litres de lait en 1988-1989. Les coopératives en ont reçu 455 000 000 de litres. C'est donc dire que l'application pure, à la lettre, du principe défendu par vous aurait comme résultat demain matin, si on l'appliquait à la lettre, que la coopération laitière du Québec devrait être privée de 201 000 000 de litres, dans le pool I. Vous recevez 201 000 000 de litres de plus que ce que vous produisez. Mais, ça, c'est fait en vertu des plans conjoints que, entre guillemets, vous dénoncez, non pas dans leur essence, mais dans leur application.

Si on se réfère maintenant au pool II - je reviendrai au pool I tantôt - vos sociétaires ont effectivement produit 1 501 000 000 de litres. Vous en avez conditionné et transformé dans vos coopératives 1 374 000 000. Alors que vous receviez 201 000 000 de litres dans le pool I qui ne venaient pas de vos membres, vous avez dû prendre, dans le pool II, 127 000 000 de litres de vos membres et les acheminer vers d'autres entreprises, et plus particulièrement les entreprises privées du Québec, avec, cependant, des compensations payées, ça va de soi.

Comment pouvez-vous soutenir valablement... On est, entre guillemets... J'ouvre une parenthèse, comme on le dit dans les courses de chevaux, parce que c'est aussi ma responsabilité, dans le dernier "stretch", on est à veille d'arriver au fil. Et le fil d'arrivée, ça va être soit l'adoption de cette loi-là ou ça va être des ententes à la suite d'un déblocage des négociations, ce que j'ai souhaité le 8 février dernier. On est dans le dernier "stretch". Vous pouvez, M. Dinel, ne pas répondre. Vous pouvez répondre. Vous avez deux attitudes possibles dans votre réponse: vous tournez autour du pot ou vous répondez directement. Je ne vous jugerai pas, quelle que soit votre réponse.

Comment pouvez-vous soutenir que la Régie des marchés agricoles du Québec a affaibli considérablement la coopération laitière, lorsqu'on voit des chiffres aussi évocateurs que ceux-là, qui démontrent très clairement que, si on appliquait intégralement le principe du lait

des sociétaires aux coopératives, vous seriez perdant comme organisme?

M. Dinel: M. Pagé, on va répondre à vos questions. Je vais laisser M. Jean-François Robert répondre sur les chiffres. Je reviendrai tantôt pour positionner un peu le débat par rapport au pool I et au pool II.

M. Robert (Jean-François): M. le ministre, vous avez parfaitement raison en disant que, si on regarde le total, en 1988-1989, du lait produit par les sociétaires et du lait transformé par les coopératives, il y a, effectivement, un déficit d'environ 74 000 000 de litres. C'est sûr que ce chiffre-là semble indiquer qu'on est en très bonne position, puisqu'on en transforme beaucoup plus que ce que nos sociétaires produisent. Par contre, ce qui nous fait dire qu'on a des problèmes, c'est plus que ça. Entre le lait qu'on transformait, il y a plusieurs années, avec les infrastructures nécessaires pour le transformer, et ce qu'on a perdu depuis, en ayant les installations qu'il fallait pour le transformer, les études Mallette Benoît qu'on a déposées au ministère montrent bien qu'il y a une perte économique possible.

Si on regarde un peu au début de l'année, parce que, quand même, les fuites de lait des coopératives, ça se poursuit... D'août à décembre 1989, sur cette période-là - on n'a pas encore les chiffres pour janvier et février - il nous manque 20 000 000 de litres de lait. Au lieu d'avoir 74 000 000, à comparer sur un an, de litres de lait au total, on a 20 000 000 de litres de déficit. Il en manquerait 20 000 000, si on compare le lait des sociétaires et le lait des coops. Maintenant, j'aimerais souligner que le lait dés sociétaires...

M. Pagé: Le global, dites-vous?

M. Robert: Le global, oui, pool I, pool II. J'aimerais vous souligner que le lait des sociétaires aux coopératives, fondamentalement, on l'a, d'après les règlements ou les décisions arbitrales dans les articles 2.01, 2.04. Ce qui fait l'objet de négociations, c'est comment une partie de ce lait est transférée aux autres industries. Nous avons déposé des propositions, vendredi - on a rencontré les gens, hier - où, justement, on fait une ouverture, où on considère les moyens de transition de ce lait, sans passer le lait des sociétaires aux coops qui devront le vendre.

M. Pagé: O.K. Donc, je retiens... Parce que ce que vous venez de dire dans les 35 dernières secondes est important. Vous venez de confirmer qu'effectivement, hier, le Conseil de la coopération laitière avec les gens de mon ministère, a rencontré, a eu des échanges avec le Conseil de l'industrie laitière et la Fédération des producteurs de lait du Québec.

M. Robert: Pour présenter et répondre aux questions sur nos propositions, c'est exact.

M. Pagé: C'est ça, la proposition initiale déposée par celui qui vous parle, le 8 février, à laquelle des modifications ont été apportées de part et d'autre. Et on a tous les motifs de croire que le Conseil de la coopération laitière, formé des cinq coopératives, est inspiré par une volonté de cheminer très positivement dans cette démarche avec le Conseil de l'industrie et la Fédération des producteurs de lait. C'est ça?

M. Robert: Je pense que oui, mais on va probablement avoir besoin d'un coup de main du ministère pour "initier* les débats.

M. Pagé: Oui, oui.

M. Dinel: M. Pagé, je voudrais juste un peu...

M. Pagé: Mais ça arrive, parfois, que le ministère a besoin d'un coup de main, lui aussi, quand il se retrouve devant des situations de cul-de-sac comme celle-là. Avez-vous terminé? Parce que j'ai plusieurs questions pour vous autres, ce matin, et j'en ai quelques-unes pour mon ami, M. Théberge.

M. Dinel: J'aurais une parenthèse à ouvrir par rapport à ce dont vous parlez, le pool I.

M. Pagé: Oui.

M. Dinel: Quand on va à l'article 2, dans le contexte de la loi actuelle, il faut absolument, quand il y a un plan conjoint... Avec le mouvement coopératif, il y a eu des négociations, justement, pour éclaircir le libellé de l'article 2. On remonte aux fameuses ententes qui sont la constitution dans l'industrie laitière, c'est-à-dire les ententes Trudeau, en 1979.

M. Pagé: Mais vous étiez tout seul!

M. Dinel: M. Pagé, il faut faire attention. C'est que les ententes Trudeau concernaient l'interprétation de l'article 2 entre les organismes de producteurs. C'est ça, l'entente Trudeau, il faut être clair. On déterminait quel rôle jouait le mouvement syndicaliste et, de l'autre côté, quel rôle jouait la coopération laitière. Dans ces ententes, on a reconnu la péréquation provinciale. Nous avons reconnu les classes de lait. Nous avons reconnu, pour tout ce qui avait trait au lait du sociétaire versus sa coopérative, la direction unique de la Fédération dans le lait du pool I. Dans le lait du pool II, c'était autre chose qui avait été signé dans l'entente Trudeau. Ce qu'on disait, c'est que c'était un système qui aurait certaines priorités, avec équité.

Mais pour répondre à votre question, M. Pagé, c'est qu'il n'y en a pas eu d'équité entre les coopératives et les industriels prives depuis 1985. Vous avez du lait: qu'il rentre dans une usine située dans une région ou qu'il rentre dans une usine située là où il y a une forte population, un grand marché, à Montréal, sur le boulevard Métropolitain, le coût de cette matière est identique. Quand les produits finis partent du Lac-Saint-Jean pour descendre à Montréal, ils ne descendent pas à pied; il y a des coûts. Ces coûts-là étaient assumés par les entreprises en région.

Comment voulez-vous concurrencer à force égale un compétiteur qui est avantagé par le coût de sa matière première réelle? En économie, j'ai appris une chose, à moins que mes professeurs n'aient pas été bons dans ce temps-là, c'est que, quand vous concentrez un produit à 90 %, il faut que les usines soient situées où est la production. N'oubliez pas qu'il y a 88 % d'eau dans 100 litres de lait. Quand vous transformez des produits finis, il en coûte beaucoup moins cher de transporter une vanne de produits finis que de transporter dix "tankers" de lait à Montréal.

M. Pagé: Ça ne répond pas à ma question sur les volumes. Là, vous vous y référez continuellement, mais on va y revenir. Vous dites, donc: Les ententes, depuis 1985, ont été, et je vous cite: "préjudiciables au milieu coopératif. Si on se réfère aux volumes de lait, on constate que vous recevez - et je pense que les chiffres ne mentent pas - plus de lait que vos sociétaires n'en produisent si on intègre les deux pools.

Vous amorcez votre mémoire avec un sujet très important qui est le plan de rationalisation que vous avez annoncé il y a quelques semaines déjà, où le Conseil de la coopération laitière et ses membres ont indiqué la volonté d'intégrer l'ensemble de leurs activités concernant la transformation des produits: fromage, yogourt, beurre, poudre de lait, crème glacée, etc. J'ai endossé, au nom du gouvernement et comme ministre responsable, en totalité cette démarche. En raison de votre taille et de la présence que vous assumez non seulement sur le marché québécois, mais sur les marchés canadiens et les marchés étrangers, vous êtes rendus à un moment dans votre histoire où vous devez penser en fonction de la rationalisation, de la spécialisation de certaines usines parce que vous êtes animés par une volonté - et tout le monde y souscrit, autour de la table - de maintenir un niveau d'emploi important en région, le plus près possible des centres de production. Ça, on l'endosse. Jusque-là, on s'entend, ça va bien.

La rationalisation, maintenant. C'est un processus qui est audacieux, qui est réalisable, mais qui ne sera pas facile; je pense que tout le monde en convient. Vous n'avez pas fait ça pour le plaisir de faire ça, vous n'avez pas fait ça pour le plaisir de changer les habitudes de production. C'est parce qu'il vous est apparu que ce serait plus rentable de le faire ainsi, c'est parce qu'il vous est apparu, en référence, entre autres, au rapport Mallette que vous m'avez déposé, si ma mémoire est fidèle, le 13 ou le 23 janvier dernier, à Montréal, que vous aviez perdu de l'argent, les coopératives, depuis un certain nombre d'années. En apportant comme solution aux pertes financières subies par vos coopératives la rationalisation, vous confirmez, ce faisant - vous me corrigerez si j'interprète de façon inexacte ce que vous avez annoncé - qu'un volet important des pertes des coopératives se réfère non pas aux volumes de lait - on y a référé tantôt, vous en recevez plus que vous n'en produisez - mais surtout à une absence de concertation entre' les coopératives elles-mêmes au niveau de certaines décisions qui ont été prises.

Exemple concret: le mozzarella s'est développé, on en produit plus pour répondre à une demande. Nos bonnes gens d'Agrinove ont développé une ligne de mozzarella; nos bonnes gens de Nutrinor ont développé une ligne de mozzarella; nos bonnes gens d'Agropur ont évidemment développé, eux aussi, une ligne de mozzarella. Depuis quelques années, nos bonnes gens de Nutrinor, effectivement, ont investi des sommes importantes pour mettre en marché, à partir des sous-produits, une poudre pour l'alimentation pour les veaux. Si ma mémoire est fidèle, Agropur aussi a développé une telle ligne. (11 h 45)

Le ministre n'est pas dans vos usines. Selon nous, le manque de planification, de concertation dans le développement et de rationalisation d'opérations a contribué, pour une large mesure, aux diminutions de revenus devant être assumées par les coopératives actuellement. Un.

Deux, ne croyez-vous pas aussi que les pertes très clairement identifiées dans le rapport Mallette réfèrent non pas aux volumes de lait ou à l'endroit où va le lait, mais réfèrent aussi au prix qu'a dû payer elle-même la coopération laitière au Québec comme suite de la guerre - appelons ça la dualité, plutôt - de la dualité entre Agropur et Purdel pour contrôler le marché du lait de consommation à Montréal, pour pénétrer les grandes chaînes, bon, etc., pour prendre la place, l'un de l'autre, et l'autre, la place de l'un? Ne croyez-vous pas que ces deux éléments ont joué un rôle aussi important dans la diminution de la rentabilité de nos entreprises coopératives que les autres dualités que vous pouvez avoir avec le Conseil de l'industrie et la Fédération des producteurs de lait?

M. Dinel: M. Pagé, vous me permettrez d'avoir un peu de contradiction avec vous.

M. Pagé: Ah! Je permets. Écoutez, on est en

démocratie...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: ...puis on est "icitte" pour ça. D'ailleurs, ça ne sera pas la première fois, M. Dinel.

De* voix: Ha, ha, ha!

M. Dinel: Selon la première étude sur la rentabilité des coopératives laitières depuis 1985, ce n'est pas dû à un manque de concertation entre les entreprises coopératives, mais c'est dû... Nous devons faire appel aussi, comme vous l'avez dit tantôt, à la révision, au Conseil des ministres, d'une situation d'iniquité dans le système. Je ne voudrais pas y revenir, je l'ai expliqué, tantôt, où était l'iniquité. Nous avons eu des règles du jeu, d'approvisionnement qui ont été défavorables aux coopératives quand on est arrivés avec notre produit pour le compétitionner au consommateur. Ça, c'est une chose, c'est ça qui a causé le problème majeur au niveau des états financiers des coopératives laitières, puis ça, c'est confirmé dans l'étude de Mallette, Benoît, la première étude.

La rationalisation. La rationalisation s'applique pour deux facteurs: un facteur qui est le changement d'habitudes alimentaires des consommateurs. Il faut être conscient qu'au début des années soixante ce sont les coopératives laitières, qui étaient dans les régions, qui ont fait que le Québec est allé chercher 48 % du contingentement canadien. C'est nous autres qui étions les très gros transformateurs de produits de base, qui étaient le cheddar et le beurre. Puis ça, c'est grâce au gouvernement libéral des années soixante, qui avait mis des programmes de régionalisation des entreprises, autant aux coopératives qu'aux entreprises privées. Mais ce sont les coopératives qui ont pris le "leadership". Regardez ce que les coopératives ont fait, économiquement, dans les régions. C'est avec ça qu'on est allé chercher 48 % du contingentement canadien.

Aujourd'hui, il faut les préserver. Vous l'avez dit tantôt, il y a des attaques des autres ministres des autres provinces. Aujourd'hui, il faut les conserver. Il faut absolument se rationaliser pour trouver des nouvelles vocations, exploiter des créneaux. Nous sommes dans un marché qui est en décroissance. Le Canada et le Québec ont produit des gammes de produits qu'aucun autre pays à travers le monde n'a la salubrité puis l'expertise... Tout le "know-how" dans certains produits, il va falloir l'exploiter, dans l'avenir. Puis, ça prend des usines superefficaces et qui sont situées où sont les volumes de lait pour que le producteur, indirectement, ait les meilleurs revenus pour le prix de son lait. Parce que, quand le lait part du Lac-Saint-Jean, puis descend à Montréal, c'est aux frais des producteurs, en grosse partie.

Le deuxième point: la pénétration des marchés. On ne dit pas, demain matin, qu'on est parés à faire face au libre-échange, puis que la frontière, il faut qu'elle tombe, mais on sait très bien, M. le ministre, que les tarifs vont baisser. Le libre-échange, on en a un an de vécu; il en reste neuf ans. La déréglementation, on vit dans un monde où la déréglementation, c'est à la mode. C'est ça, les vrais défis qui attendent, demain matin, les entreprises laitières québécoises qui sont la propriété de 9800 producteurs du Québec, qui est la moitié de la production laitière canadienne. C'est ça qu'il faut préserver et dites-moi si on n'a pas de raison d'être dans l'avenir, les coopératives laitières, avec tout le travail qu'on a fait depuis 50 ans. Dans bien des comtés de tous les membres de la commission, ici, on a des usines coopératives, on s'est implantés dans le milieu.

M. Pagé: On verra ça encore.

M. Dinel: Sauf que, pour demain, pour les 10 prochaines années, ça prend cet outil-là essentiel, économique, qui est entre les mains des producteurs, de 9800 producteurs de lait. Vous savez, M. le ministre, à l'heure actuelle, on est dans une vogue de concentration des capitaux entre les mains de quelques individus, mais vous avez des exemples partout à travers le monde où, quand vous concentrez les capitaux entre les mains de quelques individus, vous appauvrissez une collectivité. N'oubliez pas qu'une multinationale, que ce soit un producteur québécois, un producteur chilien ou un producteur philippin, ne fera pas de privilège aux agriculteurs québécois. C'était ma réponse là-dessus, M. le ministre.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le député d'Arthabaska, vous avez la parole pour votre période de questions.

M. Baril: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, à mon tour, de poser des questions aux représentants du Conseil de la coopération laitière. Vous avez commencé votre intervention, ce matin, M. Dinel, en nous informant - en tout cas, pour ma part c'était une information, une primeur - que le Conseil de la coopération laitière avait invité Agropur à quitter le Conseil, ce même Conseil. On nous apprenait aussi, dernièrement, que les six coopératives au Québec se donnaient la main pour se regrouper. Suite à l'annonce que vous avez faite ce matin, comment pensez-vous être capables de réaliser ce regroupement des coopératives? Est-ce que ça tient encore ou si...

Une voix: C'est ça.

M. Dinel: Oui. Il y a une entente qui a été signée entre les cinq coopératives laitières

régionales et la Coopérative fédérée, qui fait que le nouveau véhicule du regroupement va être un véhicule qui respecte les principes fondamentaux du mouvement coopératif qui sont: un homme, un vote, capital permanent égal et rémunération selon les valeurs du capital privilégié dans l'apport de la nouvelle structure. C'est sur ce point qu'Agropur n'a pas suivi, au niveau du principe fondamental. Mais les cinq autres coopératives et la Coopérative fédérée ont signé, vendredi, un document qui indique clairement que ça va être le véhicule coopératif, dans ces principes, du regroupement.

M. Baril: Dans les cinq qui ont signé cette entente-là, est-ce que Purdel est là aussi?

M. Dinel: Oui, Purdel est aussi dans ce regroupement. C'est le regroupement du lait de transformation. Là-dessus, je pourrais laisser répondre peut-être un peu plus M. Théberge pour vous expliquer ce qui s'est passé entre le lait de consommation et le lait de transformation.

M. Théberge (Napoléon): Merci, M. Dinel. Je vais essayer de revenir sur des rencontres qu'on a eues, dans les années 1987, je pense, ou 1988, avec le ministre de l'Agriculture, M. Pagé, qui, avec la représentation de toutes les coopératives qui étaient dans le lait de consommation, nous reprochait, je pense, peut-être avec raison, d'avoir... On parlait des escomptes, de tout ce qui tiraillait sur le marché de Montréal, sur le marché de Québec. M. Pagé, vous êtes d'accord avec moi qu'on s'est rencontrés...

M. Pagé: Bien oui.

M. Théberge: ...je pense, un 23 décembre, à un moment donné.

M. Pagé: On s'est rencontrés un 23 décembre, juste avant la tempête...

M. Théberge: Oui.

M. Pagé: ...où j'ai référé à vos petits défauts.

M. Théberge: Bien oui, puis...

M. Pagé: Et puis là, vous voulez les livrer en public, vos petits défauts. Je n'ai aucune objection à ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: En autant que vous avez le ferme propos de ne plus recommencer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Théberge: Pour arriver à ça, je pense qu'il fallait faire des choses. Il y a eu bien des points de regardés pour essayer de répondre. Je pense que vous-même, vous pensiez que c'était plus facile à régler que ça. Ça a été plus dur à régler qu'on le pensait au départ, parce qu'il y a les grandes chaînes alimentaires aussi qui intervenaient là-dedans. Je pense que vous nous avez démontré que vous étiez prêt à nous aider là-dedans, mais je pense que ça a été difficile parce qu'il y a des rencontres qui n'ont peut-être pas eu lieu. Il est arrivé toute l'étape. On a regardé avec les intervenants ce qu'on pouvait faire là-dedans. Ce qui est arrivé hier, avec Purdel et Agropur, je pense que c'est une continuité. On a décidé, dans le lait de consommation, de se regrouper pour mieux utiliser nos outils, bien sûr, des grands réseaux de distribution. C'est pour ça qu'on est arrivés là.

Dans l'autre dossier, le lait de transformation, peut-être que vous allez me reprocher d'avoir deux chapeaux. Je dirais, M. le ministre: Peut-être pas deux chapeaux, dans mon cas, ce sont peut-être des prothèses.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Théberge Mais, au moins, j'ai un avantage sur vous, M. le ministre: mol, je prends le pourcentage que je veux de cheveux blancs.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Je vais vous confirmer que, quand je suis arrivé au ministère, je n'en avais pas.

Des voix: Ha, ha, ha!.

M. Pagé: Alors, d'où ça vient, ça?

M. Théberge: Pour arriver, je pense, à se regrouper avec les autres coopératives laitières et puis avec Purdel dans ce décor-là, avec un souci pour nous autres, qui est de protéger nos régions, de protéger les entreprises, de protéger l'agriculture en région. Je pense que, pour moi, ce sont deux choses séparées: le lait de consommation et le lait de transformation. En tout cas, je me sens très à l'aise de faire partie du groupe avec la Coop fédérée dans le dossier et d'essayer de trouver notre parti pour le mieux-être des producteurs en région.

M. Baril: Comme ça, ce matin, vous nous annoncez qu'il va y avoir un regroupement de cinq coopératives et la plus grosse est mise de côté, qui est Agropur.

M. Théberge: Je pense que la grosse n'est pas mise de côté comme ça. Je pense que, si Agropur a décidé ça la semaine passée, c'est parce que c'est le modèle d'organisation, peut-être, qui ne répondait pas aux attentes d'Agro-pur. Mais je ne pense pas qu'Agropur soit mise

de côté. Mais le modèle organisationnel qu'avaient choisi les autres entreprises ne convenait peut-être pas à Agropur.

M. Baril: Écoutez, on ne fera pas le procès de ça, il faut aller sur d'autres tableaux. À plusieurs reprises, dans votre mémoire, dans vos discussions et dans vos gestes posés depuis un certain temps, vous mentionnez que les plans conjoints ont nui au développement des coopératives, en général. Comment expliquez-vous que ces mêmes plans conjoints là, l'entreprise privée, elle, a réussi à s'en sortir et elle s'est développée, et elle est allée dans des secteurs de transformation de produits, dans des secteurs où le marché est là? Pourtant, ce sont des laiteries qui, elles aussi, sont situées un peu partout au Québec, je vous l'accorde, peut-être moins en région. Mais comment se fait-il que les laiteries privées qui n'avaient pas les plans conjoints - elles avaient, elles aussi, leurs propres membres - aujourd'hui vivent, depuis cinq ans, avec le plan conjoint et ont même réussi à se développer? Comment se fait-il qu'elles se sont développées et que, pour vous autres, ça a nui au développement?

M. Dinel: II faudrait faire un peu attention à ça. Les coopératives, souvent, on est accusées d'être des gros fabricants de beurre et de cheddar. C'est vrai qu'on est des grands fabricants de beurre et de cheddar. Il n'y a aucune honte à avoir là-dedans, on nourrit les autres provinces dans le cheddar et dans le beurre. C'est la raison d'être de notre contingentement. Qu'on ne se soit pas adaptés au marché, regardez, depuis les sept dernières années, les entreprises qui ont lancé des nouveaux produits au Québec. Des coopératives laitières, je peux vous en nommer; chacune des coopératives laitières a lancé de nouveaux produits et des produits qui sont complètement révolutionnaires. Que ça ait bien fonctionné ou pas bien fonctionné, ça, ce sont les choses du marché. Mais n'oubliez pas que 55 % de la gamme des fromages de spécialité laitiers au Canada sont fabriqués dans des entreprises coopératives au Québec. Il y a un produit qui a bénéficié du système des approvisionnements et où on dit que le plan conjoint, dans les règles du jeu, a concurrencé indirectement ou directement le mouvement coopératif, c'est dans le mozzarella. Et je l'ai dit tantôt: C'est une question qu'ils avaient la matière première rendue dans leur usine, dans le bassin de la population. C'est ce point-là qui a fait mal. C'est un produit. Vous avez 80 % des approvisionnements qui sont sortis des coopératives depuis 1985 et qui ont été pour seulement un produit, qui est le mozzarella. C'est ça, la réalité.

M. Baril: Oui, mais vous comprendrez, M. Dinel, qu'il ne faut pas regarder qu'un produit.

Je ne conteste pas le développement que vous avez fait, c'est important, mais quand on regarde l'ensemble des produits tranformés par des coopératives, vous avez aux alentours de 80 % qui sont transformés. En tout cas, dans les journaux, des fois, on dit 70 %, des fois 75 %, d'autres fois 80 % et, des fois ça va jusqu'à 85 %. En tout cas, je vous laisse le choix, entre 70 % et 85 % des produits de classe 5 sont transformés par des coopératives. Donc, il faut regarder l'ensemble des produits. Je ne veux pas sous-estimer les efforts que les coopératives ont faits pour aller dans des produits qui se vendent et pour répondre au marché, mais les chiffres et les tableaux sont quand même là.

M. Robert: si je peux me le permettre, on a 25 % de la population au québec et 48 % des quotas; alors, 'a faut trouver un véhicule pour sortir de la matière grasse laitière, qui est le fondement de la politique canadienne, en dehors de la province. le véhicule idéal, c'est le beurre parce qu'il y a 82 % de gras à l'intérieur du beurre et le deuxième choix, c'est le cheddar qui a 32 % de gras. ce sont aussi des produits qui se conservent durant une période de temps acceptable. alors, il y a sûrement une base fondamentale de ce qui est produit au québec qui doit être sortie en beurre et en cheddar pour conserver notre production par rapport à la consommation du québec qui est 25 % comparée à 48 %. (12 heures)

Si on revient un peu au développement qu'il y a eu dans les classes garanties, on peut comparer ça un peu à une porte qui était ouverte... Personne n'est responsable et personne ne pouvait prévoir ce qui allait se passer durant les années, mais une porte était ouverte en classe 4 et il y a eu une augmentation extrêmement élevée. La porte a été ouverte pour que le Québec prenne sa place dans le marché du mozzarella et je pense qu'on a pris plus que notre place. Il y a eu des déplacements de marché. Il y a des fabricants d'autres provinces qui, voyant l'accès à une matière qui est limitée... Le lait est contingenté. On ne peut pas avoir un accès illimité. Au Québec, on leur a donné la possibilité de produire de façon illimitée. Alors, la croissance a été très rapide et énorme surtout dans un produit, le mozzarella.

M. Baril: C'est tout là, je pense, qu'est le problème, qu'est le litige actuellement. Je prenais connaissance d'un article qui a paru dans La Presse de samedi. Voyez-vous, on dit ici que le beurre et la poudre régressent constamment sur le marché. Il y a une baisse prévue de 10 % pour la période de 1988 à l'an 2000. La demande pour le cheddar s'annonce bonne, hausse de 41 %, mais l'avenir réside dans les fromages de spécialité dont la demande montera de 58 %. Moi, je pense... Remarquez bien, je ne veux pas remettre en cause la raison d'être des coopéra-

tives. Ça, je pense que tout le monde s'entend là-dessus: elles ont un rôle à jouer et elles vont avoir un rôle peut-être encore plus grand à jouer dans l'avenir avec le contexte, pas qui s'en vient, mais qu'on vit présentement. Mais au lieu d'essayer de démolir ou d'enlever ce que nous avons, ce qu'il y a d'acquis, entre autres, qui est un choix pas unanime, mais majoritaire des producteurs, soit la formule des plans conjoints, est-ce que ça ne serait pas mieux que les coopératives, au lieu d'oublier le passé et de dire, bon, si vous me passez l'expression: On est beau, on est fin, on est pur, etc., disent: On regarde ce qu'on a fait dans le passé et on s'oriente vers l'avenir, vers des produits, des marchés qui sont là pour modifier notre transformation plus rapidement? Ce n'est pas là qu'est le problème? Vous savez sans doute probablement et vous ne voulez pas l'avouer publiquement que, s'il y a eu erreur, entre parenthèses, ça a été de ne pas assez diversifier la production des coopératives.

M. Dinel: Non, là-dessus, ce qu'on... Je pense que les propos... M. Pagé a fait allusion qu'à la suite d'une requête en révision devant le Conseil des ministres nous avons dit que, dans le système actuel, il y a des iniquités. On soumet des propositions pour que ce système-là soit équitable. Si ce système avait été équitable depuis 1985, on ne serait pas rendus où on est rendus aujourd'hui. Ne vous inquiétez pas. Remettez ça à la libre entreprise parce que les conventions, dans le fond, ce sont des règles. Amenez des règles du jeu équitables et laissez jouer le rôle de la libre entreprise comme on l'a joué dans les années soixante, quand il y a eu la régionalisation des coopératives laitières. Comme je le disais tantôt, c'est un programme qui était disponible à tout le monde, autant à l'entreprise coopérative que non coopérative; c'étaient des programmes qui étaient mis à la disposition des entreprises en région. Les coopératives, on les a exploités. De 1960 à 1985, nous avons travaillé dans un marché dont on pouvait dire qu'il était libre. C'était la libre entreprise. On l'a prise, notre place.

En 1985, ce qui est arrivé, c'est qu'une porte a été ouverte, une porte qui a été ouverte avec une garantie illimitée de lait dans un type de produit, quand vous savez qu'au niveau canadien, que ce soit dans n'importe quelle autre province... Trouvez-moi une autre province où une usine peut avoir du lait sur un coup de téléphone en dedans de 24 heures, quand vous êtes dans une production qui est contingentée, qui est réglementée comme aucune autre production au Canada, fermée comme ça et, du jour au lendemain, vous avez une oasis qui se crée dans la principale province.

M. Pagé: C'est là qu'il est le puits, cependant.

M. Dinel: Aujourd'hui, M. le ministre, c'est vrai qu'on a mis un plafond qui est de 15 %, mais, encore là, il y a eu un mal qui a été fait...

M. Pagé: Oui, mais...

M. Dinel: Et on sait que, dans l'avenir, on a des volumes de lait de manière incroyable à être recyclés et ces 85 % de volumes de lait doivent être recyclés par les coopératives parce que ce sont les volumes de base des coopératives. Ce qu'on veut, c'est avoir un système équitable qui va permettre à ce lait-là, qui est produit en région, d'être transformé en région par les entreprises à qui ce lait appartient.

M. Baril: Vous vous référez à avant 1985, vous dites que c'était le marché de la libre entreprise. C'est vrai, j'en conviens, mais pourquoi les producteurs laitiers se sont-ils donné cette convention-là? C'est justement parce que de la façon dont la transformation se faisait, tu créais des montagnes de beurre et de poudre. Bon. Qui payait pour ça? Ce sont les producteurs eux-mêmes qui payaient pour l'entreposage et les frais d'exportation. Pourquoi les producteurs majoritairement ont-ils choisi la formule des plans conjoints face à leur coopérative? Ils ne sont pas devenus moins coopérateurs pour autant. Les producteurs coopérateurs étaient partagés justement entre leur coopérative qui les a toujours, je dirais, bien servis, puis là il y avait une nouvelle formule, les plans conjoints, qui les servait mieux, parce que ça leur coûtait moins cher en frais d'exportation, en entreposage, etc.

Donc, il ne faut pas arriver et dire: En 1985, on a tout chambardé. Ce sont les agriculteurs qui ont identifié une formule qui serait plus avantageuse pour eux et si, avant 1985, les coopératives... Et même, il y en avait, des coopératives, en 1985, qui étaient assises sur la "switch" et qui, elles, faisaient du beurre, parce qu'elles étaient payées par la Commission canadienne du lait. Peu importe, elles avaient un revenu assuré, garanti. Mais c'est ça qu'il a fallu changer, ce marché-là. Avec la formule des plans conjoints que les producteurs se sont donnés, c'est ce pouvoir-là, cette orientation-là qu'ils ont prise. L'entreprise privée s'est revirée plus vite que certaines coopératives. Je dis bien certaines coopératives. Mais là, s'il y a des coopératives qui ont un retard à reprendre, ce n'est pas nécessaire de rejeter toute la formule des plans conjoints de côté et de dire: Nous autres, on veut tout notre lait, on veut continuer à le transformer, peu importe ce qu'on fera avec. Pourquoi pensez-vous que, dans les assemblées de producteurs qui ont eu lieu dernièrement, les producteurs vous ont dit majoritairement, à vous, les coopératives: Allez vous asseoir et négociez? Comment expliquez-vous ça? Pourquoi les agriculteurs font-ils le choix actuellement qui est

difficile pour eux?

M. Robert: Si vous me le permettez, je ne voudrais pas discuter si, en 1985 ou avant 1985, il y a eu 1000 tonnes de beurre de trop de produites ou pas et pour quelle raison. Si on regarde un peu les années passées et si on regarde vers l'avenir, on prend les mesures avec un regroupement justement pour atteindre une dynamique qui va nous permettre de mieux concurrencer, de mieux se virer de côté, si on veut. Par contre, si on regroupe les coops ensemble et si on a des économies d'échelle, des économies d'administration ou de vente, etc., si on fait tout ça, que ça nous prend un an, disons, puis qu'après le volume qui sort présentement des coops, on en perd encore 15 % par année, peut-être qu'au lieu de durer trois autres années, on va durer 15 autres années et on se reverra à un moment donné, dans 15 ans. Mais c'est ce problème-là qu'on a pour le futur: comment on peut limiter quand même ce qui se passe?

Vous disiez tantôt: II y a une croissance qui diminue en beurre. Vous avez parfaitement raison. Par contre, et je ramène ça au véhicule laitier pour sortir du cadre de la province, il faudra toujours que le Québec produise une quantité minimale de beurre. D'ailleurs, on a déjà donné des chiffres au ministère, à la Fédération qui montrent, dans trois ans, combien de beurre devrait être fait au Québec à partir de lait entier, au lieu d'à partir de "crèmage". On en est conscients et on veut que ce lait-là libéré soit utilisé à faire autre chose. le deuxième meilleur véhicule qui contient 32 % de gras, c'est le cheddar. comme vous l'avez dit, on prévoit une bonne croissance. je pense que c'est dans l'ordre d'environ 40 %. le produit qui reste après, et on est très conscients qu'il va falloir aussi là-dedans permettre une croissance, ce sont les fromages de spécialité qui, eux, contiennent beaucoup moins de gras. on parle d'environ 18 % de gras. alors, cheddar: 32 %; fromages de spécialité: 18 %. on est mieux de bien se positionner si on veut garder nos quotas au québec dans un fromage qui a plus de gras. je pense que m. thôberge aurait quelque chose à ajouter.

M. Théberge: Pour répondre, je pense que, depuis 1985, vous avez mentionné que les coopératives avaient peut-être négligé - ça ressemblait à ça - un peu le développement régional. Je regarde le cas dans les régions éloignées. On avait cette possibilité-là de Purdel avec un permis pour faire du mozzarella dans la région d'Amqui, mais avec les structures qui existaient, avec le transport tel qu'on le connaît, je pense que ça devenait irrationnel d'essayer de transformer du lait en fromage, puis d'essayer de le vendre sur le marché. On sait que le centre de consommation, c'est Québec et, en grande partie, Montréal. C'est ça qui a fait en sorte, à un moment donné... C'est bien beau de dire: On met des projets, puis on se développe, mais, que ce soit une coopérative ou autre chose, ça n'opère pas avec rien. Il faut que ce soit rentable au bout, H faut qu'il en reste. Je pense que c'est cette formule qu'on connaît actuellement qui a peut-être été défavorable au développement. Parce qu'on sait que les coopératives, en grande majorité, oeuvrent dans les régions éloignées, dans les régions difficiles, où il n'y a pas le bassin de consommation pour écouler ces produits-là, soit les produits frais ou les spécialités. On était devant une évidence qu'il fallait faire ça. On n'avait pas trop de choix, là-dedans.

M. Baril: Quoique, quand vous dites que, dans les régions éloignées, c'est dispendieux, que ce sont les producteurs qui paient le lait qui est transporté pas dans les régions, mais dans les villes ou proche des agglomérations, la Fédération des producteurs de lait avait déjà offert au mouvement de payer une partie du transport et également des frais qui étaient rattachés a toute cette disposition-là, et le mouvement coopératif l'a refusé. Pourquoi aviez-vous refusé ça?

M. Théberge: Je vais essayer de répondre à ça, parce que j'ai été cité souvent en exemple au Québec au cours de la dernière année, puis ça me fait de la publicité. Je pense que, quand la Fédération des producteurs de lait a offert, dans une proposition globale... Là-dedans, on sait que, quand on est en négociation, il y a des choses qui s'échappent. On a mis sur la table la réduction du prix dans les régions. Mais, à ce que je sache, quand on a présenté le mémoire devant la Régie des marchés agricoles, où c'était réellement le point, cette affaire-là, ça n'a jamais été écrit de la part des autres intervenants. En tout cas, ça a été annoncé publiquement à l'assemblée de la Fédération, l'autre jour. Là, on l'a écrit, puis on a dit qu'on était prêts à le faire. Je pense que ça a été présenté devant les ministères. Mais, quand ça a été offert, ça été offert globalement. Il y avait des choses acceptables là-dedans, puis il y avait des choses qui étaient peut-être moins acceptables.

J'étais à la table de négociation. Vous savez qu'on représentait la coopération laitière. C'était nouveau, ce qui a été mis sur la table. On l'a regardé. Mais, dans tous nos mémoires après.. La Fédération avait dit: On serait prêts à aller jusqu'à 1 $ ou 1,50 $. Mais, nous autres, après ça, au Conseil de la coopération, on a dit: 1 $, parce que l'ensemble des coopératives étaient présentes. Pour ne pas créer de déséquilibre non plus de l'autre côte, dans tous nos mémoires, après, on demandait la réduction de la piastre pour les régions périphériques. Mais, dans ce qui a été présenté devant la Régie des marchés agricoles, ce n'était pas là. Actuellement, je pense que c'est sur la table. On est bien contents de ça.

M. Baril: Je vais peut-être vous en poser une dernière. Il ne doit pas me rester gros de temps, là. Dans d'autres secteurs que le lait - les coopératives sont impliquées dans d'autres secteurs - déjà, dans le passé, les coopératives ont fermé des usines dans des secteurs où il n'y avait absolument pas de plans conjoints. Actuellement, on menace de fermer des usines, parce qu'on dit que le plan conjoint nous défavorise. Comment expliquez-vous ça? Dans des productions où il n'y avait pas de plans conjoints, les coopératives ont fermé pareil. C'est la force du marché ou quoi?

M. Théberge: II y a sûrement... Écoutez, c'est une question... J'aimerais peut-être avoir plus de précisions avant de répondre à la question.

M. Baril: Bien, dans le boeuf, entre autres. Il y avait des coopératives dans le boeuf avant puis elles ont fermé.

M. Dinel: Vous parlez du boeuf, exactement. Vous parlez d'un marché qui n'a pas de frontières. C'est un marché où ce sont vraiment les lois économiques du libre marché qui ont fait qu'il y avait certaines réalités économiques. Puis, il n'y a pas juste les coopératives qui n'ont pas fonctionné, dans les abattoirs pour le boeuf. Je connais beaucoup d'entreprises privées qui les ont fermées, leurs portes, aussi. Mais le lait, c'est différent, puis on n'a jamais dit - et je veux être clair, ici - dans notre mémoire qu'on est contre le plan conjoint. On reconnaît... Puis, M. le ministre, et vous devez en être conscient, on a déposé hier des critères essentiels dans la mise en marché du lait. On reconnaît le rôle de la péréquation; on reconnaît le rôle du plan conjoint. On a même dit que la gestion de la direction du lait doit être faite par la Fédération. On reconnaît tout ça, sauf que le volet économique, qu'est-ce que vous voulez... (12 h 15)

M. Baril: Oui, mais vous savez très bien, justement, que tout le litige, actuellement, sur la direction du lait, par la Fédération, aux laiteries, dont l'utilisation est plus forte et répond au marché. C'est là qu'est le litige. Là, vous dites: Ce n'est plus ça qu'on veut. Nous autres, on veut transformer tout notre lait.

M. Dinel: le litige, à l'heure actuelle, n'est pas sur la direction du lait. le litige, à l'heure actuelle, c'est que vous avez des règles du jeu qui ne sont pas équitables.

M. Baril: Elles sont quoi, ces règles?

M. Dinel: comme je vous l'ai dit tantôt, au niveau des garanties d'approvisionnement. vous avez des garanties d'approvisionnement, jusqu'à un maximum de 15 %, dans des usines qui ne paient pas les charges réelles du coût de la matière première. Le transport. Ensuite, nous autres, les coopératives, vu qu'on a des services qu'on rend aux agriculteurs à la ferme, on a des conseillers qui s'occupent de la qualité du lait. Que le producteur soit coopérateur ou non coopérateur, si le lait entre dans un de nos camions, on a la responsabilité qu'il soit de bonne qualité. Ensuite, ce lait est acheminé à la coopérative. S'il est réquisitionné par une entreprise privée, c'est nous autres qui l'avons faite, la job, pour que le lait soit de qualité.

M. Baril: Bien oui, mais ça revient à ce que je disais. Vous voulez garder ce lait parce que vous dites: On a surveillé la qualité du début jusqu'à la fin, donc, on a un droit sur ce lait. Nous autres, on veut l'avoir chez nous, peu importe - je le dis entre parenthèses, il ne faut pas penser non plus que je veux charrier -l'utilisation qu'on en fait. C'est ça, la formule du plan conjoint, où on dit que le lait doit être dirigé dans les usines selon l'utilisation.

M. Dinel: On reconnaît, dans le plan conjoint, l'utilisation du lait selon les classes, ce qui donne une valeur ajoutée. Mais n'oubliez pas une chose, c'est que le beurre ou le cheddar sont essentiels. Du beurre, il s'en consomme 96 000 tonnes au Canada encore.

M. Baril: On ne dit pas...

M. Dinel: Est-ce honteux de fabriquer du beurre...

M. Baril: Bien non.

M. Dinel: ...quand on nourrit 70 % du reste du Canada avec le beurre?

M. Baril: Non, ce n'est pas ça la question, monsieur, ce n'est pas ça.

M. Pagé: D'autant plus que les quotas sont alloués à partir de la fabrication de beurre aussi. Ça aussi, c'est important.

M. Dinel: C'est ça.

M. Robert: Je pense qu'un des éléments de réponse, c'est que ce qu'on a sur la table, actuellement, avec le ministère et qui est à la connaissance des autres parties, ce n'est pas tout le lait des sociétaires transformé par les coopératives. Ce qu'on a sur la table, actuellement, c'est qu'on accepte, c'est un fait, qu'il y a déjà une quantité de lait qui sort des coopératives. Ce sont les modalités, les quantités et - je reviens aussi à ce que Yvon Dinel vient de dire - l'équité. Qui paie le transport? C'est ce qui est sur la table, actuellement.

M. Baril: En tout cas...

M. Dinel: Qu'on applique ce qu'on a déposé et vous allez voir que le prix du pool II des producteurs va être amélioré.

M. Baril: Vous savez, les plans conjoints permettent aux intervenants, de signer des ententes entre eux. C'est là qu'est le litige. On ne s'entend pas, actuellement, sur une entente qu'on veut signer pour diriger le lait selon l'utilisation. Je reviens là-dessus, mais c'est là qu'est le problème.

Moi, je pense que mon temps doit être écoulé. Je vous remercie grandement et je souhaite énormément qu'on puisse, un jour, s'entendre pour s'occuper d'autre chose et trouver une formule, je le répète, qui va être capable de maintenir nos coopératives en région, et de les développer, c'est-à-dire une entente qui va participer à les développer. Comme je l'ai dit à l'ouverture, c'est évident que, dans le contexte qui s'en vient, avec une offre étrangère, pour une entreprise privée, que c'est plus facile de se vendre à un intervenant étranger; tandis que pour une coopérative, c'est plus difficile, parce que la coopérative appartient à l'ensemble des producteurs. Ça, c'est facile à comprendre, et c'est cet intérêt que les gens doivent comprendre et être de bonne foi pour arriver à une entente pour qu'on règle ces problèmes-là et, qu'ensemble, on arrête de se chicaner, les producteurs, les uns contre les autres. Vous me passerez l'expression, mais ça a l'air... Je ne le dirai pas, tiens.

Le Président (M. Richard): Souvent, c'est mieux. M. le ministre, votre commentaire final.

M. Pagé: M. le Président, seulement une minute. Une question à M. Dinel et un commentaire, dans un premier temps. D'abord, vous ne devriez pas partir d'ici en interprétant les questions posées par le ministre et même par mon collègue de l'Opposition comme pouvant être une désapprobation, un reproche ou quoi que ce soit, une atteinte au mérite du rôle joué par la coopération laitière au Québec. Vous avez tout notre respect, même si on diverge d'opinion à l'occasion, souventefois, mais ça semble se rapprocher.

Dois-je retenir de votre présentation de ce matin que vous entendez accentuer la démarche de négociation avec le Conseil de l'industrie laitière et la Fédération des producteurs de lait du Québec?

Le Président (M. Richard): Vous avez le droit de répondre.

M. Pagé: Je pense qu'il aurait préféré que vous disiez qu'il n'avait pas le droit de répondre,

M. le Président.

M. Dinel: Dans un premier temps, M. le ministre, comme nous vous en avons fait part à plusieurs reprises lors des rencontres que nous avons eues avec vous et avec les représentants du ministère, nous voulons discuter avec le ministère. Ensuite, on verra.

M. Pagé: Mais on me disait tantôt que c'avait bien été, hier.

M. Dinel: Hier, c'était strictement...

M. Pagé: Je parle du contenu. Le café devait très certainement être bon, les gens devaient être souriants, les partisans des Nordiques un peu déçus, les partisans du Canadien inquiets. Mais outre ça, ça a progressé.

M. Dinel: Hier, on a été strictement répondre aux questions, aux interrogations et expliquer notre proposition. Ça a été strictement des explications.

M. Pagé: Mais vous êtes disposés à poursuivre.

M. Dinel: Avec votre ministère, nous sommes parés à regarder toutes les avenues possibles.

M. Pagé: Dernier commentaire. Vous comprendrez que, pour une démarche utile - et je pense que vous vous y attendiez depuis un certain temps - pour faire oeuvre utile dans une démarche de véritable concertation, de véritable négociation... La décision de 1989 n'a pas été préjudiciable au milieu coopératif. D'ailleurs, je vais y revenir plus spécifiquement avec Agropur, cet après-midi: c'est un préavis à mes bons amis d'Agropur. Ils ont très peu de motifs de se plaindre de l'application des décisions parce que - les chiffres de 1990 sont là pour le démontrer très clairement - ils ont su profiter de façon utile et efficace des dispositions de la décision.

Partant de là, je retiens que l'objectif poursuivi par chacun, c'est de la négociation, ce sont des ententes, et des ententes pour au-delà d'un an, tel que je le souhaitais, si possible, pour une période d'au moins trois ans, allant ainsi dans le sens non seulement de l'intérêt supérieur du Québec exprimé par le ministre, mais aussi dans le sens du désir formulé par les membres de la Fédération des producteurs de lait du Québec et par les membres sociétaires des coopératives laitières du Québec qui, je pense, très majoritairement, d'un côté comme de l'autre, sont tannés de ces affrontements stériles, coûteux et inutiles. Vous comprenez qu'un processus de négociation ne peut pas s'amorcer de façon éclairée, objective et utile quand pèse

au-dessus de tout le monde une menace de décision unilatérale de la part du cabinet.

Je voulais vous indiquer - je suis persuadé que ça pourra contribuer à votre réflexion, dans le sens d'une démarche plus utile dans une perspective de négociation - que je vais signer aujourd'hui le mémoire adressé au Conseil des ministres, recommandant à mes collègues de refuser la requête formulée par la Coopérative fédérée du Québec.

Le Président (M. Richard): Si vous le permettez, avant la suspension, j'aimerais seulement faire un retour sur l'horaire. Nous revenons ici, au même endroit, après les affaires courantes, c'est donc dire vers 15 h 15 environ, pour recevoir le Conseil de l'industrie laitière du Québec; par la suite, Agropur, à 16 heures; à 17 heures, Purdel, coopérative agro-alimentaire; et, à 18 heures, l'Association des transporteurs de lait du Québec. On confirme que l'Association des transporteurs de lait du Québec, qu'on a déplacée de 20 heures à 18 heures. Effectivement, ce sera à 18 heures.

Sur ce, nous suspendons et bon appétit, mesdames et messieurs.

(Suspension de la séance à 12 h 25)

(Reprise à 15 h 28)

Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, je suis navré pour vous, mais la commission doit remplir son mandat. Nous recevons le Conseil de l'industrie laitière du Québec. Vous avez la parole, messieurs. Vous connaissez la mécanique. Vous vous présentez d'abord, le premier intervenant, vous présentez vos collègues, et vous avez la parole pour les 20 prochaines minutes.

Conseil de l'industrie laitière du Québec

M. Séguin (Richard): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, mesdames, messsieurs, je vais d'abord présenter ceux qui m'accompagnent: à mon extrême droite, M. Camil Genesse, de Lactantia, qui est secrétaire-trésorier de notre conseil; M. Donat Roy, qui est de Saputo, et qui est notre président de comité de négociation - dans l'industrie laitière, on a besoin de beaucoup de négociations; on a, à mon extrême gauche, M. Michel Veillette, de J. A. Baribeau Itée, qui est vice-président secteur du lait industriel du Conseil; on a M. François Chapados, qui est notre conseiller juridique; et on a M. Claude Lambert, qui est président-directeur général du Conseil. Et moi-même, de Culinar, qui suis président du Conseil de l'industrie laitière du Québec.

D'abord, on veut vous remercier de nous laisser donner notre perspective sur la refonte de la loi. Je pense qu'on a quand même un mot à dire, parce qu'on est un intervenant laitier qui joue un rôle dans l'ensemble du domaine laitier québécois. Mais je pense que, pour donner notre perspective et pour bien la comprendre, II faut d'abord bien définir ce qu'est le Conseil de l'industrie laitière du Québec. Vous avez entendu un paquet de noms de différentes entreprises, ici. On en regroupe encore davantage. On représente à peu près 50 entreprises laitières du Québec, qui sont établies dans plusieurs régions et qui ont différents caractères: que ce soit des entreprises à caractère familial, de grandes entreprises à actions ou de grandes entreprises privées. Et je pense que ce qu'il est important de noter, c'est que la plupart des entreprises membres du Conseil s'attaquent à à peu près tous les marchés qui concernent le domaine laitier. Alors, notre perspective est fort simple, dans l'approche globale que nous avons. Je pense que la loi arrive à un temps crucial et important. Important, parce que si on regarde le passé, au Québec, l'habitude était tout simplement de se chamailler pour arriver à des approvisionnements réguliers, et non pas de s'attaquer à ce qui, à notre avis, est le plus important, c'est-à-dire les marchés. Et la loi arrive aussi à un moment - et on l'a mentionné à plusieurs reprises, ce matin - où il y a plusieurs facteurs qui changent dans le domaine international, national et aussi, on peut dire, nord-américain. Et je pense que ces nouveaux facteurs ne sont pas étrangers à tout ce qui va arriver dans la prochaine décennie. Et la refonte de la loi, à notre avis, devrait aborder ce sens de responsabilité québécoise qu'on a d'exporter ou d'attaquer les marchés, puisqu'on doit produire au-delà de la consommation québécoise. Face à toutes les menaces extérieures, que ce soit américaines, internationales ou même, ce qu'on a pu mentionner ce matin, des succédanés, il faut être capables, je pense, d'en arriver à établir un système dans lequel on pourra s'attaquer aux vrais problèmes qui vont concerner l'industrie laitière. Ce qu'on dit, c'est: Trêve de polémiques, trêve de cha-maillages, regardons maintenant ce qui est vraiment le plus important.

Et c'est important, en ce qui concerne les industries privées, dans le sens suivant. Il est difficile, pour la plupart des intervenants privés laitiers du Québec - il a été difficile dans le passé, et ça pourrait l'être encore si jamais il n'y a rien qui est changé - de tabler sur une stabilité d'approvisionnement, sur une stabilité légale, jusqu'à un certain point, de façon à s'assurer des approvisionnements et à s'attaquer vraiment aux marchés qui, eux, changent tout le temps. Je pense que ce qu'on recherche, dans ce qu'on va proposer aujourd'hui dans notre approche, c'est d'abord une stabilité et un dynamisme qui devrait caractériser l'industrie laitière québécoise, puisque nous sommes détenteurs de la

majorité des quotas canadiens. alors, pour bien expliquer notre position globale, je demanderais à m. claude lambert, directeur général, de vous exposer ce qu'on propose.

M. Lambert (Claude): Merci. Richard. En général, quand on se présente ici, on est assez exigeants pour le législateur et les parlementaires. On espère beaucoup des refontes de lois, et je pense qu'on a une responsabilité, c'est d'essayer de vous traduire au moins clairement ce qu'on désire. Pour ce faire, on a opté de ne pas vous lire notre mémoire, mais plutôt de vous faire des commentaires à partir de notes. Je dois aussi souligner - et c'est sans doute le but des commissions parlementaires - que les projets sont perfectibles. Il y a eu beaucoup de travail de fait sur ce projet-là. Il y a eu des comités qui se sont penchés. C'est en marche depuis presque deux ans, peut-être un peu plus. Alors, c'est dans l'optique de l'améliorer. Il y a beaucoup d'aspects positifs du projet qu'on n'aura pas le temps de souligner cet après-midi, que ce sort au niveau des chambres de coordination, que ce soit au niveau d'éclaircir les responsabilités des administrateurs de plan conjoint versus les entreprises commerciales, que ce soit môme au niveau du financement des associations accréditées, qui est un autre point positif. Alors, on n'ira pas en détail. S'il y a des questions, on le fera.

Quand on regarde tout le contexte actuel - et notre président vous mentionnait que le moment est bien choisi - on peut peut-être vous donner le "motto" qui pourrait nous guider. C'est que, si on a de grands espoirs pour se développer et pour la prospérité de notre industrie, il faut commencer par mettre la maison à l'ordre. D'après nous, c'est ce que fait le projet. Il vise à clarifier certaines choses, et on veut qu'il aille plus loin.

Donc, j'ai dit qu'il faut essayer de vous traduire ce qu'on veut, ce qu'on voit, et notre vision des choses. On va le faire en deux parties. Il y a un peu de commentaires d'ordre général. Quand on a eu fait toutes nos discussions au Conseil, on disait: Comment peut-on essayer de cerner, de mettre tout ça dans une forme concise? On est arrivés à quatre critères.

Premièrement, on va avoir une bonne loi si on en a une qui donne le résultat qu'on cherche. Et pour nous, le résultat qu'on attend de la refonte de cette loi-là, c'est un appui aux efforts de développement de nos marchés, à nos efforts de vente, à nos efforts de prospection, à nos efforts de prospérité pour la chaîne alimentaire. Et je pense que, dans le contexte actuel, si on voit l'évolution de la loi, il est dépassé de penser que c'est une loi pour donner uniquement des outils à la classe agricole; je pense que cette étape-là était très valable, mais qu'elle a été franchie dans son essence. Si on regarde la formule des plans conjoints - il y en a plusieurs dans la province - les gens sont structurés: l'UPA est quand même un organisme qui est reconnu et qui a de la crédibilité. Alors, c'est bien placé. Il y a peut-être en 1955 où c'était plus aléatoire. SI on regarde du côté des outils commerciaux et industriels des agriculteurs, c'est-à-dire du côté de la Fédérée, du côté des coopératives laitières, ce sont quand même des organismes importants: on parle de milliards de chiffres d'affaires. Donc, là aussi, ce sont des choses qui sont bien en place. Définitivement, on dit: Le résultat qu'on attend de la loi, c'en est un qui va nous aider à faire l'ouvrage sur les marchés. Deuxième chose - si on est d'accord, on a clarifié ça - on dit: La loi doit quand même être claire. On veut de la clarté dans les textes de loi, autant dans la façon qu'on écrit les textes que dans ce qu'on a à dire et il faut tout dire. Des fois, il y en a qui appellent ça les intentions du législateur, mais il faut aller au bout de nos intentions.

Le troisième critère: on est très sensibles au Conseil et les entreprises de chez nous le sont, qu'on appelle ça équité, justice, égalité de statut, à notre sens, la loi ne devrait pas fausser les règles de la concurrence.

Et le quatrième point - parce que ça aussi, ça vient de l'expérience - c'est que la loi devrait être capable, dans ce qu'elle prescrit, de s'administrer de façon efficace; et, pour nous, c'est tout ce qui concerne les pouvoirs de la Régie.

Ça, ce sont les quatre préoccupations, je peux dire, d'ordre général, qui vont transparaître dans tout notre document qu'on vous a présenté, et dans l'analyse des articles. Qu'on ait une loi qui donne les résultats qu'on veut, une loi qui est claire et qui dit tout ce qu'il y a à dire, qui est équitable, c'est-à-dire qui ne vient pas fausser les lois de la concurrence, et qui doit être administrée de façon efficace.

Il y a trois points principaux, qui regroupent peut-être quatre à cinq articles, dont on veut vous entretenir. Et je pense que, si on vient à bout de se comprendre là-dessus, il y a une grosse partie de l'ouvrage qui va être faite. Les virgules, je pense que tout le monde, ici... On parie à des parlementaires... Les concordances de textes, tout ça, il y a des gens qui s'en occupent. Ce qu'on a pensé, c'est que vous avez besoin de trancher quelques questions de fond.

La première, naturellement, va avec l'article 1 du projet de loi. L'article 1 du projet de loi se lit ainsi: "La présente loi établit des règles régissant la production et les structures de mise en marché des produits agricoles et détermine leurs modes de fonctionnement afin de permettre aux producteurs, acheteurs, transformateurs et autres personnes ou groupes intéressés d'organiser la production et la mise en marché de façon ordonnée." Alors, ce qu'on a retenu du projet de loi, c'est que la présente loi établit des règles et des structures et, à notre sens, ça

ne va pas assez loin. On voudrait que le législateur exprime clairement que c'est une loi qui s'applique à la production et la mise en marché des produits agricoles, d'abord, ce qui n'exclut pas qu'on puisse après préciser des fonctions plus spécifiques. Pourquoi ça? Parce qu'on se dit: Bon, bien, est-ce qu'on réglemente juste des règles ou des structures ou si on veut vraiment être concernés par l'ensemble de la production et de la mise en marché? Ça, à notre avis, c'est ce qui doit être fait, c'est-à-dire que la préoccupation doit être pour l'ensemble, autant les effets des règles et des structures, et non pas seulement les règles et les structures. Il faut que ce sort clair, quel est le champ de la loi, pour que les gens ne viennent pas un jour argumenter devant la régie que tout ce que la loi gère, ce sont des règles et des structures. Nous autres on dit: La loi, elle va plus loin que ça, il faut qu'elle soit intéressée avec les résultats de ces structures-là. Ça, c'est une recommandation, l'article 1.

Le deuxième point, qui est en train de devenir fameux devant la commission parlementaire, c'est bien sûr l'article 2. L'article 2, si on se réfère à nos quatre critères qu'on a donnés au début, c'est avec celui-là qu'on a le plus de difficulté. Le projet de loi dit: "La présente loi ne doit pas être interprétée comme un moyen de concurrencer l'organisation coopérative de la mise en marché des produits agricoles. Ce principe doit guider l'application de la présente loi pour ne pas gêner l'action du coopératisme dans les régions et les secteurs où il peut répondre efficacement aux besoins et afin de profiter autant que possible du concours des coopératives dans l'établissement et l'administration des plans conjoints." Pour nous, cet article-là n'a pas sa place dans une loi de mise en marché. Ce qu'on parle d'établir, ici, c'est une toi de mise en marché. Ce qu'on veut réglementer, c'est les marchés. Est-ce qu'on va commencer à faire des considérations sur la nature des organismes? Est-ce que la loi des compagnies devrait nous amener à faire quelque chose en loi, dire: Écoutez, notre loi des compagnies ne nous permet pas que le gouvernement réglemente un secteur? Ici, on parle de réglementation d'un secteur d'activité. Et ça, c'est une distinction. Il y a une loi spécifique qui touche la nature des organismes ailleurs.

Le deuxième point, alors, sur ce projet-là, je vais vous donner nos deux recommandations générales, puis je vais articuler un peu plus. Ce qu'on demande, c'est le retrait de l'article 2 du projet de loi, et aussi le retrait de ce qui est dans la loi actuelle, qui est même, à notre sens, pire, parce qu'elle fait du système un système supplétif. Comme c'est la seule où on légifère par le gouvernement, tout le monde est dans le supplétif: la régie, l'entreprise privée, les plans conjoints, on est tous dans le supplétif. C'est sûr que ça n'a pas lieu de rester, tous ces articles- là. Alors, on demande l'abolition de ça, et on demande de le remplacer par un article qui donne vraiment l'orientation générale qu'on veut avoir à tout le système. J'y reviens assez rapidement. Pourquoi abolir l'article 2 dans le projet de loi, tel que formulé, puis ce qui est dans la loi actuelle? On vous a dit que ça n'avait pas sa place, d'après nous, des prescriptions semblables. Deuxièmement, à date, notre expérience est, avec cet article-là de la loi actuelle, que ça a paralysé l'action du plan conjoint, ça a paralysé l'action de la régie et ça n'a certainement pas aidé l'entreprise privée. On peut dire: Oui, mais il y a eu des progrès quand même qui ont été faits, etc. On voudrait déposer, à la commission parlementaire, l'analyse, juste à partir de nos dossiers, des dix dernières années. On a six conciliations, sept arbitrages, huit décisions arbitrales plus une sur le transport. On a deux requêtes en révision au gouvernement, puis on a une action en Cour supérieure. On ne peut pas dire que ça roule dans l'huile comme système. (15 h 45)

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, est-ce que vous le déposez, votre document?

M. Lambert: Oui, je le dépose.

Le Président (M. Richard): Pariait. Alors, si quelqu'un veut aller le chercher, s'il vous plaît, et en faire la distribution aux membres de la commission.

M. Lambert: II y a quelques coptes, si les gens veulent regarder ça tout de suite. Ça paralyse le système. Je dois accélérer, parce qu'on m'indique que mon temps tire à sa fin. Il y a un élément important qui fait que ça fausse le pouvoir de négociation, puis, dans les rapports que prescrit la loi, la négociation est une façon d'en arriver à des ententes, et ce pouvoir de négociation, il est faussé. Il est faussé, parce qu'il y a des parties qui peuvent jouer le jeu de dire: Quand je m'assis à la table, je ne suis pas trop sûr que, moi, je suis obligé de m'asseoir à la table, ce matin, je peux peut-être me retirer. On l'a vu, quand ça ne fait pas mon affaire, je dis: Bon, bien, moi, je ne suis plus soumis au plan conjoint. Les deux autres parties autour de la table sont là et se disent: Bon, bien, si on veut le garder, c'est quoi qu'on peut faire comme concession? On va lui en donner un peu ici, on va lui en donner... À un moment donné, ça n'a plus de limites, ça, il faut tirer la ligne. Alors, les relations dans la négociation sont faussées par cet article-là.

Deuxièmement, si on dit: On a fait une loi pour accorder des plans conjoints et des pouvoirs, il faut que ces pouvoirs-là soient réels; il ne faut pas en donner la moitié. Il ne faut pas dire: Oui, on fait un plan conjoint, mais vous contrôlez 40 % de la patente; et, vous, le Conseil

de l'industrie laitière, vous allez signer des ententes avec l'organisme, et si vous n'en signez pas, on a le pouvoir dans la loi pour que la régie vous impose des ententes. Puis, se réveiller le lendemain matin, avec un papier qui ne vaut pas plus que la valeur du papier, que les garanties d'approvisionnement ne sont pas là, que, quand ça ne fait pas l'affaire de la troisième partie, on change ça, qu'on lise dans les journaux: Demain matin, on vous coupe le lait! Ah! peut-être à la fin du mois de mars. Puis, là, on dit: Oup! on a sursis à notre coupage de lait. Comment est-ce que vous voulez qu'on planifie des entreprises, leur développement, avec une situation semblable où les gens ne savent pas où Hs s'en vont, ça change aux six mois? Je vais vous donner, ce ne sont pas des choses en l'air, je vais vous donner un exemple concret tout à l'heure...

Le Président (M. Richard): Je m'excuse, il vous reste une minute.

M. Lambert: II me reste une minute. M. Pagé: II y a consentement.

Le Président (M. Richard): II y a consentement? Allez.

M. Lambert: Écoutez, je vais essayer de faire le plus rapidement possible, là, pour ne pas...

M. Pagé: Prenez votre temps. M. Lambert: O.K.

Le Président (M. Richard): Tombez dans le tout à l'heure...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lambert: Bon. À l'heure actuelle, là. il faut faire très attention que ça n'arrive pas aussi à mener à ce que le contrôle du marché soit fait à partir du contrôle des approvisionnements, et ça, je pense qu'il y a des entreprises qui suivent cette stratégie-là, c'est-à-dire qu'en contrôlant l'accès à la ressource on peut contrôler la concurrence et indirectement contrôler le marché.

L'autre élément que je veux montrer, qu'on veut mettre en lumière, c'est que la protection que les agriculteurs recherchent, ils la recherchent pour balancer leur situation face à la chaîne alimentaire. Nous autres, on accepte de travailler avec cette formule-là parce qu'on préfère travailler avec un milieu qui est structuré sur des intérêts globaux, avec des représentants, que de travailler sans qu'il n'y ait d'ordre dans le milieu. Alors, c'est ça que ça donne.

Balancer sa situation face au système, ça veut dire aussi qu'il y a des impacts que le système cherche à transmettre, et ça, il faut que ça trouve son équilibre. si on se structure sur une formule d'intégration verticale, elle n'y est plus, cette protection-là. et l'exemple que je veux rapporter, c'est l'exemple qu'on a vécu à partir de 1985. en 1985, les gens se sont dit: on a des conventions, une convention de trois ans, qui était signée, "spic and span", faites vos investissements, on sait où on s'en va pour trois ans. ça n'a pas fait l'affaire. nous autres, on avait un papier officiel, trois ans de garantie. au bout d'un an, on a dit: écoutez, là, ça ne va plus pour les autres. là, on a pris des informations, on a dit: oup, on ne sait pas, la loi n'est pas claire, est-ce qu'on a vraiment le pouvoir, est-ce qu'on peut forcer le respect des conventions, tout ça? ça a fini par dire: vous êtes bien mieux de vous rasseoir à table. mais, à partir de ça, là, ça tout changé notre affaire. il y a 18 fromageries, pas des multinationales, 18 fromageries de région qu'on a reculées de 15 %, par décision de l'arbitre. ça, dans un pays démocratique. je n'en ai pas vu beaucoup d'entreprises qui ont perdu 15 %, en moyenne - c'est une moyenne que je vous donne - de leur marché par une décision. je vais passer aux autres articles. en tout cas, si vous vouliez savoir à quoi ça sert, l'article 2, ça sert à ça, à tout fausser le jeu.

Les pouvoirs de la Régie. On a dit: un champ d'application qui couvre tout ce qu'il a à couvrir. Deuxièmement, qu'on ôte les embûches, qu'on ait des égalités de statut et, troisièmement, que cette loi s'administre et, pour l'administrer, c'est la Régie. Quand on vous suggère dans l'article 2, l'objectif ultime... On dit: l'objectif ultime de tous nos systèmes qu'on met en place. C'est quoi? C'est amener au consommateur ou au client une sécurité d'approvisionnement de produits alimentaires de qualité et à des prix qui ont de l'allure. On dit que c'est ça le mandat qu'il faut donner à l'ensemble du système, aux intervenants. C'est ça, votre objectif, et ça clarifie aussi l'objectif que la Régie doit poursuivre. L'intérêt public - les gens disent que c'est toujours difficile - c'est quoi, l'intérêt public? Comment ça s'articule, l'intérêt public?

Nous, on vous demande, dans l'article 2, de mettre: C'est ça qu'on doit viser, rencontrer les besoins de la population, rencontrer les besoins du consommateur avec des produits qui seront de qualité, que ce soit un approvisionnement, qu'on n'en manque pas, et à des prix qui permettent à tout le monde de vivre. Ça, ça va faciliter grandement le travail de la Régie.

Maintenant, on dit qu'une régie c'est une régie. Dans votre projet, ici - dans notre projet, parce que c'est le projet de notre province - on dit, à l'article 4, et ce ne sera pas long, on termine là-dessus, M. le Président, c'est le dernier groupe d'articles, on dit: "Un organisme

est institué sous le nom de "Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec". Ce qu'on forme c'est une régie, alors, une régie doit avoir des pouvoirs de régie. Nous, on dit qu'il faut que ce soit un organisme - qu'on le dise clairement - dans sa nature, qui a le pouvoir de surveillance, il a des pouvoirs de coordonner et, surtout, des pouvoirs de contrôler ce qui se passe. Si c'est ça une régie, à notre sens, c'est avec ces pouvoirs-là. Après ça, qu'on dise que ça doit favoriser une meilleure relation harmonieuse entre les gens; on pense que ça doit être là. Mais commençons d'abord par établir le mandat de la régie et quels sont les pouvoirs qu'elle a.

En fonction des pouvoirs de la régie, c'est bien sûr qu'on va favoriser le pouvoir d'intervention à l'article 140. Parce que ça ne sert à rien d'avoir une régie qui n'a pas de pouvoir d'intervention. Dans le secteur laitier - ce n'est peut-être pas la même chose dans les autres domaines - si vous manquez de lait pendant une semaine, pendant que tout le monde se bat devant les tribunaux, on perd notre clientèle et on ferme nos usines. C'est ça l'affaire. On ne peut pas attendre que les tribunaux tranchent. Il faut que quelqu'un ait un pouvoir coercitif.

Le dernier point, le retrait du pouvoir d'appel au gouvernement. On y a réfléchi, on sait qu'il y a les libertés de la personne et tout ça, qui entrent en ligne de compte. On y a eu recours une fois, au conseil, les entreprises chez nous. Par contre, on s'est dit que, dans le contexte actuel, est-ce qu'il n'y a pas lieu d'essayer, pour quelques années, de dire qu'on va arrêter au niveau de la régie? Quand la décision va se prendre là, c'est une décision qui devrait être mûrie. Il devrait y avoir du monde compétent sur la régie, et ça arrête là. Pourquoi? Parce que, en tant qu'intervenant, tant que vous allez avoir un recours ultime, vous allez aller le chercher, le recours ultime. Et, quand on entre au niveau du gouvernement, ça crée toutes sortes de problèmes, ça retarde les décisions et ça ne nous amène pas à fonctionner plus rapidement.

M. le Président, je m'excuse si j'ai débordé mon temps, mais je pense que c'était quand même des éléments qui transmettent assez clairement la position des entreprises chez nous sur ce projet de loi. On est confiants qu'avec les modifications souhaitées on va être capables de se défendre sur le marché. On n'aura pas peur. Merci beaucoup.

Le Président (M. Richard): Merci, monsieur. M. le ministre, votre premier bloc de 10 minutes de questions.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier les représentants du Conseil de l'industrie laitière de leur présence devant notre commission aujourd'hui, du mémoire qu'ils nous ont résumé. Je tiens à vous indiquer qu'on a pris connaissance de chacun des points que vous soulevez dans votre mémoire, des recommandations que vous faites. Vous référez à la philosophie de base qui doit sous-tendre chacune des dispositions, sinon au moins l'ensemble de cette loi, en fonction d'une orientation de marché, de commercialisation, de développement de marché, de besoin des consommateurs, etc. Je crois que, à cet égard, la volonté du gouvernement est claire, entre autres, en ce qui concerne les chambres de coordination et de développement. Notre objectif, via ce nouvel élément ajouté dans la loi, il est très important pour nous. Il s'appuie sur une volonté que les intervenants, dont vous êtes, se rencontrent autrement que dans un cadre strict de négociations, mais qu'ils développent l'habitude et on espère qu'un jour ils auront développé une tradition d'échanges constants et soutenus entre eux, en fonction de l'obligation que nous avons de suivre exactement, avec le moindre retard possible, les tendances et les besoins des consommateurs, si on veut conserver nos marchés et, jusqu'à en amont, si on veut conserver nos quotas.

Vous avez référé à la rétrospective des 10 dernières années dans le document que nous venons d'obtenir ici. Ça n'a pas toujours baigné dans l'huile, comme vous le dites. Ça n'a pas toujours baigné dans le beurre, si je peux utiliser le terme. Ce n'est pas pour rien qu'on a mis un comité sur pied. Ce n'est pas pour le plaisir de former un comité, tel qu'on l'a fait il y a quelques années. Nous souhaitons très sincèrement faire oeuvre utile par les modifications apportées à la loi.

Cependant, nous sommes conscients du caractère très délicat de la démarche, parce que c'est une loi de fond, c'est une loi de base. D'ailleurs, elle est là depuis un certain nombre d'années, les dernières modifications majeures remontent à 1964. S'il aura fallu attendre 26 ans pour y apporter les modifications substantielles, ça témoigne encore une fois du caractère très délicat. Le problème se pose avec d'autant plus d'acuité que cette étude du projet de loi qui, j'en conviens, a été retardée de quelques semaines en commission parlementaire arrive, encore une fois, dans un contexte qui vient changer quelque peu l'expression ou les réactions à donner à l'ensemble des problèmes que vous vivez, parce que, non seulement aujourd'hui on étudie la loi, mais on est confronté, encore cette année, encore une fois, à une entente qui vient à échéance en août prochain, le 1er août prochain, et pour laquelle il y a eu beaucoup de salive et d'écriture depuis les mois de septembre et octobre derniers.

Je retiens donc que, à l'article 1, vous avez certaines recommandations. Croyez-vous que l'article 1, tel que libellé, ne rejoint pas exactement les objectifs du gouvernement de faire en sorte que la régie, comme je le disais la semaine dernière, ne soit pas uniquement perçue comme étant un organisme quasi judiciaire qui est là

pour faire la police, pour s'assurer de l'application de la loi, par exemple, sur les producteurs agricoles, des choses comme ça, notre objectif étant de donner un mandat ou de préciser le mandat additionnel à la régie qui en est un de commercialisation, de mise en marché, et d'être davantage sensible aux signaux du marché national ou des marchés internationaux? Je crois qu'avec l'article 1, conjugué avec les dispositions relatives aux chambres de coordination et de développement, vous devriez être sécurisés à cet égard. Je reviendrai après à l'article 2, avant de passer la parole à mon collègue. (16 heures)

M. Lambert: sur l'article 1, écoutez, ça se sent dans le projet de loi que c'est ça la préoccupation et je pense que le monde sent qu'on doit aller vers les marchés. c'est là qu'est notre avenir, c'est là le facteur déterminant. ce qu'on a voulu dire c'est qu'on rende très clair que la loi s'applique à la production, à la mise en marché. après ça, si on veut parler de règles et de structures... que, dès le départ, on dise que ça s'applique à la production et à la mise en marché. ce n'est pas juste une question de règles et de structures, c'est aussi une question des résultats. mais je suis d'accord avec vous, m. le ministre, que quand on regarde les autres articles, plus loin dans la loi... surtout si le législateur trouve souhaitable de mettre l'amendement qu'on suggère à l'article 2, ça devient évident, mais pourquoi ne pas le clarifier tout de suite, au point de départ? je ne sais pas si notre conseiller légal a quelque chose à dire...

M. Chapados (François): Alors, si on me le permet, M. le Président. Je pense que ce serait très difficile que d'aborder séparément l'étude des articles qui sont ici. Ce qu'on a voulu faire dans notre mémoire, c'est mettre une insistance très forte sur, premièrement, la portée de la loi. Deuxièmement, il y a également une insistance très forte dans la mise au rancart de l'article 2 actuel qui vient, je pense, limiter la portée de la loi, qui limite l'autorité que l'État doit avoir, directement ou indirectement, par l'intermédiaire de la régie, qui limite l'autorité des plans conjoints, celui de la Régie des marchés agricoles, etc. Donc, quant à nous, aujourd'hui, l'article 1 doit se lire un peu en relation avec l'article 2, et également un peu en relation avec l'article 4 où, à un moment donné, on met encore une insistance et où on dit: Écoutez, la Régie, selon nous - évidemment, selon les modalités précisées à la loi, on l'admet - est, ni plus ni moins, le bras séculier, entre guillemets, de l'État qui est chargé d'administrer cette loi et, à cette fin, elle exerce des pouvoirs de coordination, de contrôle et de surveillance. Et tout ce débat-là, c'est toujours en rapport avec tout le débat qu'on a eu ce matin, qu'on a entendu et que je ne veux pas reprendre. Je pense que la Fédération des producteurs de lait vous a démontré que l'article 2 actuel a été source d'ambiguïtés, de conflits, de tout ce que vous voulez. Donc, ce que nous... Et c'est ce qu'il faut retenir. C'est une affirmation quant à la portée réelle de la loi qui doit s'appliquer à tout le monde. Tous les intervenants doivent être égaux devant cette loi-là. Deuxièmement, le cas échéant, et c'est l'objet de l'article 140, advenant une situation d'urgence, si on doit sonner la fin de la récréation, il y a un organisme qui, au nom de l'État, doit la sonner et, légalement, son autorité n'est pas contestée. Et ça, c'est le message qu'on voudrait transmettre à cette commission. Est-ce que, premièrement, on traduit de la bonne façon cet objectif-là? Que va-t-il advenir de l'article 2? On ne le sait pas. Mais la préoccupation générale, c'est ça: c'est qu'il y ait des règles claires et qu'il y ait un organisme qui ait une autorité et de la crédibilité, qui puisse, sans se faire enfarger à tout bout de champ, rendre des décisions si des situations l'exigent.

M. Pagé: Merci, Me Chapados. L'article 2, la Fédération dit: Enlevez-le, vous dites: Enlevez-le, et la Fédérée nous dit: On n'est pas satisfaits de son texte. Alors, tout le monde semble être unanime à souhaiter que le ministre succombe à la tentation de le modifier, mais il reste à savoir comment. M. Lambert, vous... Oui?

M. Lambert: C'est ça, j'allais vous demander si vous posez une question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Et je présume que vous attendiez une réponse. Ceci étant dit, on doit quand même reconnaître que, malgré ces affrontements et cette série de procédures auxquelles vous avez référé, le Conseil de l'industrie laitière et ses membres, en vertu des dispositions de la loi et de l'application et de l'interprétation données à cette loi, ont quand même été en mesure de se voir acheminer les volumes nécessaires pour un rythme de développement dans certains créneaux, et plus particulièrement dans des fromages de spécialité, secteur qui fait honneur à l'ensemble de votre industrie. Je comprends que si nous sommes ici - j'en conviens avec vous et d'ailleurs c'est nous qui présentons la loi - c'est pour bonifier les rapports, les situations et préciser des choses. Mais il ne faut quand même pas soutenir de façon très très ferme que la loi actuelle n'a pas d'allure, qu'elle n'a pas de bon sens, etc. Vous avez, au Conseil de l'industrie laitière, et vos membres ont profité d'approvisionnements et de situations qui ont été bénéfiques et qui permettaient à des entreprises dynamiques comme les vôtres, parce qu'il y a eu beaucoup de dynamisme de manifesté, surtout au niveau de la pénétration des marchés au niveau

canadien... Vous avez été en mesure d'avoir des approvisionnements. Quand on regarde les chiffres ici, globalement, les entreprises privées, vous avez 37,43 % du lait de transformation, non, du lait total, alors que les coopératives ont 62,5 %. En classe 3 et en classe 4, vous avez un pourcentage très important du lait. En classe 4, les coopératives ont 22,13 % et vous avez 77,87 %. En classe 5a et 5b, c'est l'inverse. Vous avez 17,9 % et les coopératives ont 82 %. Ça n'enlève pas toutefois l'opportunité... Ça ne met pas de côté l'opportunité et l'obligation que nous avons, dans la loi, de préciser des choses mais je tenais à indiquer que les règles du jeu, même si elles sont bonifiables, ont contribué à amener des garanties d'approvisionnement à vos entreprises.

J'aimerais vous entendre sur un élément. Ne croyez-vous pas que la stabilité d'approvisionnement aux entreprises de transformation des produits laitiers au Québec s'appuie davantage sur les ententes intervenues ou les décisions rendues par la Régie que sur l'interprétation donnée à l'article 2 de la loi?

M. Séguin (Richard): L'important, c'est de replacer le tout dans le contexte historique. Au départ, quand on parle de 1985, on avait accès à une matière première de façon assez aisée. On a su capitaliser sur cet approvisionnement pour développer, ou même répondre au marché à l'époque. Mais plus on s'en va dans le temps, plus on restreint finalement cet approvisionnement. On en est rendus à un point culminant où on se sert maintenant de l'article 2 pour dire: Non, la progression est trop rapide. Non, vous ne pouvez pas aller plus loin. Non, le développement des marchés, ça suffit, il n'y en aura plus. Je pense qu'on ne répond pas, à partir de maintenant, à cette approche.

Deuxièmement, l'élément important dans tout ça, c'est essayer d'imaginer que, si toutes les entreprises laitières québécoises s'étaient farouchement battues sur les marchés plutôt que de littéralement gaspiller de l'énergie à se battre entre nous, on serait peut-être rendus à un niveau où les discussions aujourd'hui seraient peut-être même futiles. C'est là qu'il faut comprendre toute l'importance de ce cadre régissant la loi. On peut tourner en rond encore très longtemps, sauf qu'avec les pressions externes qu'on va vivre dans les prochaines années ce n'est pas vrai qu'on va pouvoir tourner en rond définitivement. Je pense que là les vraies énergies devraient être dirigées là où on pourra sécuriser les quotas laitiers du Québec et approvisionner les marchés qui sont en demande. C'est là-dessus qu'on se base.

M. Pagé: Là-dessus, M. Séguin, on a la même opinion. On partage le même principe comme quoi le temps, le capital humain doivent être investis en fonction des marchés plutôt qu'en fonction des disputes internes à l'industrie. Pour préciser davantage ma question, M. Lambert, ne croyez-vous pas que l'entente ou la décision de 1989 a amené de la stabilité au niveau des approvisionnements autant pour les industries coopératives que les industries privées, avec la possibilité d'aller requérir des approvisionnements à l'intérieur d'un pourcentage de 15 % des volumes antérieurs?

M. Lambert: C'est parce que vous nous questionnez sur un point qui est très spécifique. C'est sûr que les ententes...

M. Pagé: C'est toujours là-dessus que les chicanes prennent.

M. Lambert: Non, c'est parce qu'il faut faire attention à ce que vous voulez nous faire dire avec ça.

M. Pagé: Je ne veux rien vous faire dire, moi. Je veux que vous me disiez...

M. Lambert: Des ententes qui sont des ententes, ce n'est jamais l'espoir de part et d'autre. Par contre, ces ententes, pour qu'elles soient valables, il faut qu'il y ait une assise à quelque part. C'est justement de ça qu'on parle aujourd'hui. On dit: Ces ententes n'ont pas d'assise assez solide dans la loi. Écoutez, vous me dites: Une décision de la Régie. Mais vous savez ce qu'on a vécu depuis sept mois. Ce que disait notre président, c'est que les énergies, c'est là qu'elles vont. Elles ne sont pas à la bonne place. Ça devrait être des problèmes qui sont réglés depuis longtemps, ça. Oui, vous pouvez dire: On peut continuer cahin-caha. La Régie va essayer ce qu'elle peut avec ses limites. Nous autres, on va essayer ce qu'on peut et la fédération... La corporation laitière, elle, elle dit: Moi, j'ai une voie royale de tracée, pourquoi je ne la prendrais pas? Je ne peux pas la blâmer. Tout le monde, on est dans un cadre où on marche avec nos intérêts, mais c'est le rôle du législateur de l'État de dire, à un moment donné: C'est assez, ça; vous allez marcher comme ça, puis arrêtez de vous chicaner. C'est ça et puis pensez à d'autres choses. La seule façon dont on va y arriver, puis on n'est pas le premier organisme à le dire, c'est qu'il va falloir qu'on le clarife au sein de la loi. C'est une loi de mise en marché, c'est une loi pour développer les marchés, puis le principe sous-jacent à ça, c'est que les entreprises qui sont performantes ont accès à la matière première. Si on met d'autres considérations là-dedans, on se tire dans le pied, le Québec.

M. Pagé: C'est clair.

M. Lambert: Merci, M. le Président. Excusez...

Le Président (M. Richard): M. le député d'Art habaska.

M. Baril: Oui, M. le Président. En prenant connaissance du mémoire de la coopération... du Conseil de l'industrie laitière...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: Ça commence ma). Du Conseil de l'industrie laitière...

M. Pagé: Quel lapsus!

M. Baril: Bien oui! C'est pour se dire que ce n'est pas clair.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: C'est quand même rare qu'il arrive que l'entreprise privée demande à des parlementaires d'élargir des pouvoirs d'un organisme gouvernemental et, en même temps aussi, d'éclai-cir ces pouvoirs-là. Je pense que c'est à noter, l'honnêteté ou la franchise des gens du Conseil de l'industrie laitière de nous demander d'avoir une loi avec un organisme ayant plus de pouvoirs.

Le ministre, ce matin, mentionnait que depuis le début, depuis le temps que ça existe - les conventions, entre autres, existent - ça n'avait quand même pas été uniquement mauvais que l'article 2 soit imprécis. On dirait que ça avait quand même eu du bon, ça avait permis aux gens de dialoguer ou de discuter entre eux autres. Mais de votre part, là, c'est quoi que vous préféreriez, que l'article 2 reste flou, reste imprécis, ou que l'article 2 soit éclairci ou précisé selon le voeu dont le mouvement coopératif nous a fait part, tout en acceptant que ça puisse nuire à une partie ou à une autre ou bien l'aider?

M. Séguin (Richard): Qu'est-ce qui est important de réaliser, c'est qu'on ne dit pas ici, même dans la présentation de notre mémoire, qu'il y a un intervenant laitier qui doit souffrir plus qu'un autre. Ce qu'on dit, par contre, c'est de canaliser toutes les énergies sur une même loi pour donner à tout le monde la même direction. Et la direction, on la précise en disant que c'est la mise en marché, ou répondre au marché des produits laitiers. Tout ce qu'on dit, c'est: On ne veut pas pénaliser nécessairement un groupe d'entreprises ou un autre groupe d'entreprises. On dit tout simplement que, si on peut faire fonctionner toutes les voitures dans la même direction, on ne se frappera pas. On va réussir à prendre le véhicule qui nous convient le plus pour atteindre le but qui est visé. Tout ce qu'on dit finalement au législateur, c'est: Donnez-nous une route puis on va la suivre, la route, avec tous les codes routiers que ça prend. Mais, dans le fond, on ne va pas nécessairement dire: II y en a qui devraient circuler sur le trottoir, il y en a qui devraient marcher à pied. Tout ce qu'on dit, c'est: Que le législateur donne une route à suivre, et là l'ensemble des intervenants laitiers pourra fonctionner en conséquence.

M. Baril: C'est parce que... Je vais me reprendre. Ce matin, le ministre - je ne veux pas l'interpréter, il pourra me corriger si je l'interprète mal - il a dit: On peut laisser l'article 2 flou, un article flou, on peut l'amender...

M. Pagé: Ce n'est pas le terme que j'ai utilisé.

M. Baril: Bien, imprécis, je ne sais pas quoi.

M. Pagé: On pourrait conserver à l'article 2 son caractère imprécis et un peu nébuleux qui a eu comme résultat une relative...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: C'a eu comme résultat de la stabilité. Je pense que le Conseil va le confirmer. Me Chapados qui est ici, qui est un bonhomme très expérimenté, va le confirmer. C'est tellement imprécis que personne n'osait aller le tester devant les tribunaux. Ils présentent des requêtes, ils reculent, etc. Me Chapados, vous pouvez abonder dans le même sens que le ministre, là-dessus?

M. Chapados: Bien, M. le ministre, je pourrais dire que ce genre de clause là ne se retrouve pas dans plusieurs lois qui sont votées par vos collègues à l'Assemblée nationale. C'est assez exceptionnel comme disposition...

M. Pagé: Libelle.

M. Chapados: Comme libellé. C'est pour ça que nous, ce qu'on recommandait tout bonnement - j'allais dire benoîtement - c'était que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires et modifiant d'autres dispositions législatives soit traitée exactement de la même façon que toute autre loi et qu'il n'y ait pas telle clause.

M. Baril: Vous savez, dans ma façon à moi de m'expliquer, je n'ai pas cette facilité que le ministre a, pour venir à Québec, de passer par Montréal quand tu restes à Victoriaville. Je pose plutôt des questions directes.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: On arrive au même point, mais on a chacun notre façon d'y arriver. (16 h 15)

M. Pagé: Comment est-ce que vous définissez le terme "flou"?

M. Baril: Flou? Nébuleux, vague, pas clair.

M. Pagé: Nébuleux, imprécis. Nébuleux et imprécis.

M. Baril: Bien oui! C'est ça que je vous dis!

M. Pagé: Bien, on est parfaitement d'accord. Continuez.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: Je ne vous ai pas dit que je n'étais pas d'accord avec vous, mais c'est la façon d'arriver au bon endroit, à l'objectif. D'ailleurs, le rôle des parlementaires, je pense, c'est de justement essayer de donner aux citoyens et citoyennes une loi claire, pour qu'ils sachent exactement où ils s'en vont, à quoi s'attendre avec cette loi-là. C'est pour ça que je répète - en tout cas, vous avez répondu en partie à la question - que c'est un article flou, je ne sais pas comment il a dit, imprécis ou je ne sais pas quoi - en tout cas, on se comprend, je pense que vous comprenez mes termes - ou un article clair qui, comme les coopératives l'ont demandé et comme le ministre a spécifié ce matin, est porté à avantager le système coopératif... C'est ça, ma question.

M. Lambert: Moi, je n'aime pas beaucoup vos alternatives.

M. Baril: Ce ne sont pas les miennes, monsieur, ce ne sont pas les miennes.

M. Lambert: II y a moyen de faire mieux pour l'industrie agricole et alimentaire au Québec. Qu'est-ce qui n'est pas correct à avoir des règles pareilles pour tout le monde, dépendant de leur performance à transformer et à vendre? Y-a-t-il quelque chose de pas correct là-dedans? Moi, c'est ça, cette alternative là. Je n'en vois pas d'autre. Le Conseil n'en voit pas d'autre; en tout cas, en tant que porte-parole, je n'ai jamais eu le mandat de... Écoutez, je ne dis pas que ça n'a pas été utile pendant quelques années. Mais aujourd'hui, là, c'est gros, c'est 3 000 000 000 $ au moins. Est-ce qu'on a encore besoin de la tape paternelle de l'État dans le dos pour dire: Vas-y, mon petit gars?

M. Baril: Je vous comprends, mais je veux juste vous signaler que ce n'est pas ma position à moi. Ce n'est pas ma position à moi, je vous ai posé une question à partir de ce que j'ai entendu ce matin.

M. Pagé: C'est quoi?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: Ce que vous avez dit si finement tout à l'heure. Vous avez dit tout à l'heure, dans votre exposé, monsieur, qu'il y a trois ans, je crois, après l'application des conventions en 1985, il y a 15 % des fromageries qui avaient dû reculer ou qui avaient... J'aimerais que vous expliquiez ça davantage, pour que je saisisse comme il faut ce que vous avez voulu dire.

M. Lambert: C'est qu'au point de départ, en 1985, les conventions étaient différentes au niveau du système de classes. La façon dont les conventions ont été élaborées - vous allez le retrouver dans le document - c'est que la négociation est partie en 1981. Nous, on a négocié chacun de part et d'autre - parce que ce sont des conventions entre deux parties, entre la Fédération et le Conseil, entre la Fédérée et la Fédération - un certain temps, et après ça on s'est aperçus qu'on ne pouvait pas aller plus loin, qu'on était trop en avance dans la négociation par rapport au développement entre la Fédérée et la Fédération. On a arrêté. Ils sont revenus en 1984 avec une entente paraphée, et nous, on a repris notre négociation. En fin de compte, on est arrivés avec deux conventions qui n'avaient pas exactement le même système de classes. Dans notre convention, le cheddar était garanti d'approvisionnement, dans le document entre la Fédérée et la Fédération, ce produit-là était en classe non garantie. On est partis avec ces deux conventions-là, on a fait un bout de temps, après ça on a changé le cheddar pressé, on l'a ramené dans une classe non garantie sur les volumes reçus par les entreprises en 1984-1985 et on était rendus en 1987. C'est pour ça qu'ils ont été obligés de reculer.

M. Baril: Si on regarde le développement des entreprises privées, d'abord, en 1985, quelle était la position du Conseil de l'industrie laitière face aux conventions de vente qui se sont signées en 1985? Je pense qu'elles ont été imposées, aussi, parla Régie, en 1985. Non?

M. Pagé: Non, non. C'est-à-dire que c'est une entente qui a été signée. Il y a deux ententes, mais elles n'avaient pas le même contenu.

M. Baril: La Régie a tranché.

M. Pagé: Plus tard. Mais ces deux ententes se sont appliquées pendant un certain temps, et les dispositions qui étaient différentes.

M. Baril: De toute façon, avec les conventions qui ont été signées en 1985, ça n'a quand même pas nui au développement de l'entreprise privée, ces conventions dont on parle actuellement. On nous rapporte qu'au niveau du mouvement coopératif ces ententes-là nuisent au

développement des coopératives. Vous autres, face à ces conventions, c'est quoi votre position?

M. Lambert: Ça a aidé à corriger un problème qui était endémique, c'est-à-dire que le secteur de l'entreprise privée était en difficulté d'approvisionnement depuis des années, surtout pour les petites entreprises qui n'étaient pas capables, soit parce qu'elles étaient trop petites ou qu'elles avaient mis leurs fonds ailleurs, de "développer" des bassins d'acier. On a eu des entreprises spécialisées qui avaient des carences de lait. Ça allait assez bien l'été, quand le lait est abondant, mais, dans les périodes creuses, il y avait carence de lait. En 1985, la signature de cette convention a aidé à normaliser ça. Dans ce sens-là, ça a été positif. En classe 4, ça a été positif. On ne peut pas dire le contraire.

M. Baril: Dans votre mémoire, vous parlez de la chambre de coordination. C'est ma dernière question, probablement. Vous êtes d'accord avec le principe, mais trouvez-vous que, dans le projet de loi tel qu'il est écrit, cette chambre de coordination a tous les pouvoirs que vous vouliez bien lui voir dévolus pour remplir les fonctions qu'on veut lui faire remplir?

M. Lambert: La chambre de coordination, il faut faire attention. Dans notre esprit, ça ne remplace pas - du moins à moyen terme et sans qu'à un moment donné les agriculteurs en viennent à cette décision-là - pour nous autres, ça ne remplace pas le plan conjoint. C'est un outil additionnel pour travailler sur des choses qu'on désire faire en commun dans l'industrie, qui peut-être ne relèvent pas nécessairement du plan conjoint. Si on veut faire de la recherche, financer de la recherche, faire de la prospection de marché, c'est un forum pour ça. Je pense qu'il serait dangereux, au point de départ, d'envisager des chambres de coordination et de développement comme devant remplacer le plan conjoint. Ça pourrait être un aboutissement à un moment donné, mais, si vous mettez cette prémisse-là au point de départ, ça ne marchera pas. Vous nous demandez: Est-ce qu'il a tout ce qu'il veut? Ça va dépendre de ce que les parties veulent en faire. Mais je pense que le cadre est suffisamment large dans le projet de loi pour permettre de commencer à oeuvrer là-dedans.

M. Baril: Je ne pense pas que le but du projet de loi c'est de remplacer des plans conjoints par des chambres de coordination. C'est plutôt pour essayer...

M. Pagé: C'est complémentaire.

M. Baril: C'est complémentaire pour essayer de réunir les parties qui sentent le besoin de se réunir pour discuter, dialoguer entre elles, je pense. En tout cas, c'est comme ça que je l'ai compris.

Pour ma part, je vous remercie d'avoir présenté ce mémoire. On va attendre la dernière décision du ministre pour en discuter lors de l'étude article par article.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député d'Arthabaska.

M. Pagé: vous comprenez qu'avant de prendre quelque décision il est opportun d'entendre l'ensemble de nos honorables visiteurs qui se sont manifestés.

M. Baril: Ah! C'est fondamental. M. Pagé: Merci. Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): Je vous félicite de cette qualité d'échanges, messieurs. M. le ministre, vous avez un commentaire final?

M. Pagé: Je voudrais remercier M. Séguin, M. Lambert, toute l'équipe. Merci. On aura l'occasion de se revoir.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. je demanderais aux gens d'agropur de se présenter à la table. mesdames et messieurs, merci de votre attention. la commission reprend donc ses travaux. nous recevons agropur. vous connaissez la mécanique, m. lemire?

M. Lemire (Michel): Oui.

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole.

Agropur

M. Lemire (Michel): M. le Président, M. le ministre de l'Agriculture, Mmes et MM. les membres de l'Assemblée nationale, mesdames et messieurs, je m'appelle Michel Lemire, je suis propriétaire de la ferme Micheret inc. située à Saint-Zéphirin et je suis également président du conseil d'administration d'Agropur, coopérative agro-alimentaire. Je suis accompagné ici, à ma gauche, de M. Jacques Cartier - un nom célèbre - qui est membre de l'exécutif d'Agropur; à ma droite, de M. Claude Ménard, directeur général d'Agropur; de M. Robert Poirier, directeur de la division du lait de transformation chez Agropur; de Me Yvon Martineau, le troisième à ma gauche, conseiller juridique chez Stickman, Elliott, conseiller juridique d'Agropur, et enfin de M. Daniel Côté, le deuxième à ma droite, économiste et professeur à l'École des hautes études commerciales, qui a collaboré à la rédaction de notre mémoire.

Au nom de quelque 5000 producteurs laitiers sociétaires d'Agropur, je remercie la commission parlementaire de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation de nous accueillir ici aujourd'hui et de nous accorder cette occasion de faire valoir notre point de vue sur le projet de loi 15. (16 h 30)

II y a plus de 50 ans, une centaine de producteurs laitiers de la région de Granby choisissaient librement de se donner un outil de mise en marché en commun de leur lait susceptible de leur garantir un niveau de revenus acceptable à court terme et capable, en même temps, d'assurer le développement à long terme de leur exploitation agricole. De ses origines modestes, Agropur, coopérative agro-alimentaire, s'est développée au fil des ans pour devenir une grande entreprise à contrôle québécois dont nous sommes tous si fiers. Propriété entière de ses 5000 sociétaires qui en assurent la gestion, Agropur est aujourd'hui une des plus grandes entreprises agro-alimentaires au Canada. Grâce à la clairvoyance et à la vision à long terme de ses fondateurs et de ceux qui ont pris la relève par la suite, Agropur a su créer et développer à coups de dizaines de millions de dollars d'investissements une importante industrie de transformation au Québec. Ses quelque 28 usines, toutes situées au Québec, procurent de l'emploi à plus de 3000 personnes en période de pointe. Ses produits vendus au détail sous 1200 étiquettes différentes sont distribués partout au Canada. Agropur voit également à l'approvisionnement en produits en vrac de bon nombre de clients manufacturiers québécois, en plus d'exporter du fromage à certaines périodes.

Entreprise à l'avant-garde, Agropur s'est ouverte très tôt sur le monde, grâce notamment à des contrats de licence avec la Société coopérative française Sodima. Par exemple, c'est Agropur qui a permis la venue au Québec, en 1971, du yogourt Yoplait qui est devenu une denrée très populaire.

Au cours de ces dernières années, Agropur a aussi consacré d'importantes ressources à la recherche et au développement de nouveaux produits adaptés au goût des consommateurs d'ici. Dans le secteur des produits frais, des fromages fins et des spécialités, par exemple, nous offrons une trentaine de produits dont le brie, le camembert, le forêt noire, le fromage d'Oka et le Saint-André. De fait, Agropur est un des leaders de ce type de production au Canada, avec environ 20 % du marché canadien.

Vous avez sans doute appris ce matin, par la voie des journaux, qu'Agropur et Purdel ont décidé de fusionner leurs activités de lait de consommation, dans une nouvelle entreprise connue sous le nom de Natrel. Il s'agit là d'une nouvelle étape dans le développement d'Agropur qui témoigne bien de sa capacité à constamment s'adapter aux conditions changeantes de l'en- vironnement commercial et du marché.

M. le Président, je crois sincèrement que les producteurs laitiers sociétaires d'Agropur ont été et sont encore fort bien servis par leur coopérative. Je crois aussi que l'ensemble de l'économie québécoise a bénéficié largement de l'action créatrice d'Agropur. Mais, en dépit de cette réussite inconstestable, les sociétaires d'Agropur estiment que l'action et le développement futur de leur coopérative se trouvent gravement menacés par le projet de loi 15 qui vient consacrer un système de mise en marché qui, déjà, nous crée des torts et des préjudices importants depuis 1985.

Depuis l'instauration de ce système, Agropur a vu sa part d'approvisionnement en lait de transformation diminuer de façon inquiétante. En 1984-1985, les sociétaires d'Agropur ont produit 803 000 000 de litres de lait et les usines d'Agropur en ont transformé 918 000 000. En 1988-1989, nos sociétaires ont produit un total de 821 000 000 de litres, mais nos usines n'en ont reçu ou transformé que 780 000 000. Ce déclin progressif de nos approvisionnements en lait de transformation est une conséquence directe de l'actuel système de réquisition de lait qui s'exerce au profit des entreprises non coopératives et au détriment d'Agropur et de ses sociétaires.

Pour les sociétaires d'Agropur, cette situation se traduit par d'importantes pertes financières et surtout par un rendement moindre de nos usines. Si on regarde la situation de l'ensemble des coopératives laitières du Québec, les volumes réquisitionnés annuellement sont passés de zéro à 212 000 000 de litres au cours de cette même période, avec les résultats que la part des coopératives dans la transformation du lait en pool II est passée de 72 % en 1984-1985 à moins de 62 % aujourd'hui. Voilà la réalité que nous observons depuis l'application du nouveau système de mise en marché des produits laitiers qui nous a été imposé par décision arbitrale de la Régie.

M. le Président, si nous sommes pénalisés par le système actuel, nous nous sentons carrément menacés par le projet de loi 15 qui vient consacrer et renforcer dans le lait ce système et qui, par-dessus le marché, confère encore plus de pouvoirs à la Régie chargée de son application et de sa surveillance.

Étant convaincu de la bonne foi du gouvernement dans ce dossier, je suis certain, toutefois, qu'il sera possible de modifier ce projet de loi de manière à permettre à Agropur de poursuivre sa mission comme elle l'a si bien fait jusqu'à maintenant, tout en assurant aux entreprises non coopératives un accès juste et équitable à la ressource. A cette fin, je céderai maintenant la parole à M. Claude Ménard, directeur général d'Agropur, qui va vous exposer les amendements que nous proposons au projet de loi 15. Je vous remercie.

M. Ménard (Claude): M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de l'Assemblée nationale, mesdames, messieurs, tout d'abord, j'aimerais vous exposer la thèse centrale qui sous-tend notre mémoire et qui sert d'appui à bon nombre des amendements que nous proposons. Dans notre mémoire, nous nous employons à démontrer que le coopératisme représente, pour les producteurs agricoles, un mode d'organisation d'avenir adapté aux nouvelles conditions de l'environnement commercial et aux nouvelles règles du marché qui sont en train d'émerger lentement, mais sûrement.

Nous sommes en effet à même d'observer un certain nombre de tendances qui se dessinent sur la scène laitière internationale. Une de ces tendances a trait à la concentration croissante de l'industrie. En Europe, par exemple, plus de 350 acquisitions d'entreprises laitières ont été effectuées au cours des quatre dernières années par les grands de l'industrie. Ces géants, dont les plus connus sont Borden, Nestlé, Kraft, sont appelés à jouer un rôle de plus en plus dominant sur les marchés mondiaux.

Parallèlement à cette concentration de l'industrie, on assiste à l'internationalisation sans cesse grandissante du commerce des produits laitiers. D'autre part, avec le vent de libéralisation qui souffle actuellement à travers le monde, un scénario fort plausible et probable veut que l'agriculture devra un jour ou l'autre emboîter le pas aux autres secteurs économiques et se soumettre graduellement à la loi de l'offre et de la demande. Les négociations du GATT qui ont présentement cours dans le cadre de l'Uruguay Round représentent un pas dans cette direction.

L'industrie laitière pourrait aussi être amenée à évoluer dans un contexte où les règles de mise en marché seront assouplies et où le rôle des offices de producteurs sera redéfini. À ce stade, force est de reconnaître que ces tendances lourdes que je viens de décrire sont étroitement liées entre elles et qu'elles ont un effet synergique. De telles tendances lourdes entraîneront inévitablement un ajustement structurel majeur de l'ensemble de la filière laitière d'une ampleur comparable à celle des grandes restructurations connues au début du siècle et dans la période d'après-guerre. Dans une telle perspective de concentration, de globalisation et de déréglementation des marchés agricoles et à l'aube de la troisième grande restructuration de l'industrie laitière, le mode d'organisation coopératif nous apparaît comme étant plus pertinent que jamais et même essentiel.

Parce qu'elles représentent une véritable force économique contrôlée par les producteurs, les coopératives sont en effet les plus aptes à assurer aux producteurs des conditions de mise en marché adéquates et un moyen efficace de défense et de promotion de leurs intérêts économiques. Les coopératives ont eu à relever des défis majeurs dans le passé et elles seront encore au rendez-vous pour aider l'agriculture à traverser avec succès cette période de grande turbulence qui s'annonce. Je tiens à souligner ici que, dans la plupart des grands pays producteurs de lait, le modèle coopératif demeure largement dominant et très vigoureux.

Aux États-Unis, la part des coopératives dans la mise en marché du lait atteint 75 %. Aux Pays-Bas, cette part est de 90 %; au Danemark, 88 %; en Allemagne, 79 %; en France, 52 %. Elle atteint 100 % en Suède et en Norvège. Enfin, au Japon, les coopératives sont responsables de 90 % de la mise en marché du lait. J'ajouterais que les coopératives figurent en bonne place au palmarès de l'industrie laitière mondiale et que plusieurs d'entre elles sont très actives dans cette course à la concentration à laquelle je faisais allusion tantôt.

Bref, nous croyons que les coopératives sont l'outil de mise en marché le plus approprié pour assurer la pérennité de l'activité des producteurs laitiers du Québec et le développement futur de la filière laitière québécoise. En ce sens, nous croyons que toute réforme du système de mise en marché du lait doit prendre en considération cette prémisse qui nous semble incontournable.

Or, nous sommes d'avis que le projet de loi 15, dans sa forme actuelle, constitue plutôt une menace à l'action et au développement futurs des coopératives laitières et d'Agropur en particulier. De fait, la principale critique que nous formulons à l'égard de ce projet de loi concerne le rôle dominant qui est attribué aux offices de producteurs dans la mise en marché des produits agricoles et alimentaires. Alors que la loi actuelle établit clairement que les plans conjoints administrés par les offices de producteurs doivent être un moyen supplétif au mode coopératif, le projet de loi 15 édicté que les plans conjoints sont désormais la voie exclusive pour la mise en marché des produits agricoles et que tous les producteurs y sont assujettis, qu'ils soient membres ou non d'une coopérative. En d'autres mots, le projet de loi 15 oblige désormais le producteur membre d'une coopérative à vendre ses produits par l'intermédiaire d'un office de producteurs dans le cadre d'un plan conjoint. Or, selon nous, il s'agit là d'un accroc au fondement même du coopératisme tel que décrit dans la Loi sur les coopératives. En effet, en vertu de son lien d'usage avec sa coopérative, le producteur sociétaire doit livrer ses produits, en l'occurrence le lait, à sa coopérative qui, elle, doit les transformer et les vendre en son nom. Dans la même veine, le projet de loi 15 assimile une coopérative à un acheteur de produits agricoles, alors que, juridiquement, elle existe pour assurer la collecte, la transformation et la mise en commun des produits agricoles de ses membres. De plus, le projet de loi 15 investit les offices de producteurs de pouvoirs accrus

empiétant sur ceux des coopératives. Par exemple, un office voit renforcer sa juridiction sur le transport d'un produit visé par le plan conjoint. Or, un des aspects importants du lien d'usage entre le producteur et sa coopérative concerne, justement, le transport de la matière première.

Une autre disposition du projet de loi, l'article 90, confère théoriquement aux offices de producteurs des pouvoirs discrétionnaires quant à l'usage d'une usine de transformation d'une coopérative. Un office pourrait même s'immiscer dans les opérations d'une coopérative. Bref, le projet de loi 15 subordonne les coopératives agricoles au plan conjoint alors que, de tout temps, ces deux modes d'organisation ont été complémentaires et parallèles.

Afin de rétablir les coopératives et Agropur dans leurs droits et, surtout, pour ne pas gêner leur développement futur, nous demandons au gouvernement de stipuler très clairement que la Loi sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires a pour objet de mettre à la disposition des producteurs un moyen supplétif de mise en marché des produits agricoles. Elle ne doit pas être interprétée ni appliquée de manière à concurrencer le mode coopératif de production, de transformation et de mise en marché des produits agricoles. Bref, rien, dans la loi, ne devrait venir en conflit avec les engagements d'un producteur vis-à-vis de sa coopérative.

Pour les sociétaires d'Agropur, le principe du lien d'usage est important, mais, en pratique, ce qu'ils cherchent à défendre d'abord et avant tout, c'est la possibilité réelle de leur coopérative de s'approvisionner librement auprès de ses membres. Comme l'a démontré M. Lemire, cette liberté d'approvisionnement indispensable échappe déjà à Agropur en vertu du système actuel.

L'essentiel de nos autres commentaires à l'égard du projet 15 porte sur les institutions, les pouvoirs et les mécanismes créés en vue de la mise en marché des produits agricoles et alimentaires. Un premier point concerne l'indépendance de la future Régie des marchés agricoles et alimentaires en tant qu'organisme exerçant des fonctions judiciaires. En effet, le projet de loi 15 est loin d'assurer cette indispensable indépendance qui doit caractériser tout tribunal. Selon nous, les régisseurs devraient être nommés pour une période de temps fixe, préféra-blement dix ans, et non pas pour une période laissée à l'arbitraire du gouvernement, n'excédant pas cinq ans, comme le stipule le projet de loi. En outre, il devrait être explicitement établi que la destitution d'un régisseur ne peut que se faire pour cause.

D'autre part, le projet de loi 15 ne prévoit aucun droit d'appel à un autre palier juridictionnel et soustrait les décisions de la Régie au contrôle des tribunaux de droit commun. En d'autres mots, le justiciable insatisfait d'une décision de la Régie n'aura absolument aucun recours. Cela nous semble inusité et inacceptable, compte tenu du fait qu'au moins 37 autres lois québécoises prévoient des appels, des décisions de toutes sortes de régies, commissions ou tribunaux. Pour remédier à cette lacune, nous recommandons très fortement de créer un droit d'appel, à la Cour du Québec, des décisions de la Régie.

Nous trouvons, par ailleurs, étonnant que cet organisme ne soit pas tenu d'édicter des règles de régie interne et des règles de procédure applicables à la conduite et à l'instruction des affaires qui lui sont soumises. Une absence de telles règles aurait pour conséquence de favoriser Pinforrnalité" avec le danger que l'arbitraire, dans la conduite des fonctions quasi judiciaires de la Régie, devienne une norme en tant que telle.

Enfin, nous avons également relevé des lacunes concernant la transparence, particulièrement au niveau des offices de producteurs. En effet, l'article 50 du projet de loi permet à un office de producteurs de limiter, par règlement, l'accès à certains documents qu'il détermine aux producteurs visés par le plan ou aux membres de son conseil d'administration. Cette disposition nous semble contraire à l'esprit de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics. Selon nous, le projet de loi devrait préciser qu'un office de producteurs est un organisme public pour les fins de la loi sur l'accès. Cela nous semble d'autant plus nécessaire lorsqu'on prend en considération les larges pouvoirs qui sont conférés aux offices.

Voilà, je vous ai donné les grandes lignes de notre mémoire, document de plus de 100 pages auquel nous avons consacré beaucoup de temps et d'énergie, que nous avons rédigé dans un but constructif et avec un esprit de franche collaboration. Je vous remercie de votre attention et nous sommes maintenant prêts à répondre aux questions. (16 h 45)

Le Président (M. Richard): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais remercier le président d'Agropur, M. Lemire, le directeur général et les membres du conseil, les aviseurs, de leur visite cet après-midi. Plusieurs points soulevés dans votre mémoire, qui, comme on le sait, est très exhaustif, ont été lus avec beaucoup d'intérêt, beaucoup d'attention chez nous. Si je me réfère aux propos de M. le directeur général et de M. le président, il n'y a pas grand-chose qui est bon dans la loi.

M. Lemire (Michel): Actuellement, je pense qu'on demande des changements importants, quand même, à certaines clauses dans la loi.

M. Pagé: À peu près toutes.

M. Lemire (Michel): Dans plusieurs, entre

autres.

M. Pagé: Je ne référerai pas à l'avis qui a été signifié au Procureur général, il y a quelques jours seulement, concernant la modification à la requête de votre poursuite en Cour supérieure, parce qu'il n'est pas de mon intention de commenter, sauf que je dois vous exprimer le fait que j'ai été surpris, lorsque j'ai été saisi, très récemment, seulement, du fait que la société, la coopérative Agropur contestait et mettait en question l'indépendance de la Régie par une modification à la requête que vous avez déposée devant la Cour supérieure. L'avis nous a été signifié, effectivement, par le Procureur général, on en a été saisi. Ouais! Selon vous, M. Lemire, les dispositions actuelles risqueraient de causer un préjudice grave à long terme à ce fleuron du milieu coopératif québécois qu'est Agropur? 4500 sociétaires, au-delà de 800 000 000 $ de chiffres d'affaires, un leader dans l'industrie, une entreprise qui a été capable de faire face au défi des technologies, qui a témoigné de dynamisme et qui a été, en quelque sorte, un précurseur, dans certains secteurs; il suffit de se référer à l'entente concernant le Yoplait, les yogourts, etc., au début des années soixante-dix. D'ailleurs, on va célébrer ça ensemble, allègrement, bientôt, à l'été, si Dieu me prête vie...

M. Lemire (Michel): J'espère que vous allez être là.

M. Pagé: ...et le premier ministre... Bien, vous aussi. Ceci étant dit, vous ne trouvez pas que... Je trouve exagéré votre commentaire à cet égard-là. C'est une vision qui me semble un peu apocalyptique de l'avenir. Écoutez, vous devez avoir davantage confiance dans vos moyens, dans votre capacité de faire, dans vos marchés, la qualité de vos produits, l'excellence et le haut degré de professionnalisme de vos employés.

D'ailleurs, je dois vous féliciter - les briques ne sont pas trop dures - comme ministre, pour la démarche annoncée hier, fusion ou intégration des entreprises coopératives, pour le lait de consommation, de Purdel et Agropur avec un partenaire privé qui restera à déterminer. C'est très positif. Ce sont des démarches additionnelles qui sont susceptibles de déboucher sur des entreprises québécoises qui appartiennent aux producteurs, aux productrices, pour devenir des "majors". Je vous félicite, là-dessus. Je suis pleinement d'accord avec ça, pour plusieurs motifs. Premièrement, vous allez arrêter de vous faire la guerre, avec Purdel, sur le marché de Montréal. C'aura très certainement comme impact d'augmenter la rentabilité et ça va être moins dur de faire face aux assemblées générales annuelles. Troisièmement, cependant, vous causez un peu une brèche au principe - et là je ne veux pas être méchant - si on se réfère au principe du lait du producteur, du sociétaire à sa coopérative. Il y a quand même pour 40 % ou 35 %, dépendamment de la structure financière de la société à capital-actions, là, il y a quand même 40 % du capital-actions qui va appartenir, soit à la Caisse de dépôt... Vous avez référé au mouvement Desjardins, etc. Sans vouloir être méchant, ça me permet de dire qu'il y a quand même 40 % du lait de vos sociétaires dans le lait de consommation qui n'ira pas à la coopérative, mais qui ira bel et bien soit à la Caisse de dépôt ou au mouvement Desjardins. Ça, c'était la bonne nouvelle.

Vous avez réussi tout un tour de force: annoncer votre mariage avec Purdel le matin et le divorce avec le Conseil de la coopération laitière l'après-midi. Comment expliquer, là... Autant, moi, je suis heureux que vous ayez décidé d'arrêter de vous chicaner - c'est le vrai terme - pour pénétrer et contrôler le marché de Montréal avec Purdel, autant j'étais surpris lorsque j'ai reçu, effectivement, votre lettre, en date du 2 avril, hier, disant: Nous nous devons de vous aviser - bon, etc. - que la réunion du Conseil de la coopération a adopté unanimement que nous n'y sommes plus. Ma question va être très directe: La rupture de ban entre le Conseil de la coopération laitière du Québec, où vous avez toujours joué un rôle très actif, soit dit en passant, et la coopérative laitière du Québec qui a le plus grand nombre de sociétaires et le chiffre d'affaires le plus important - près de 1 000 000 000 $ - est-ce qu'elle s'appuie sur la structure de capital à être mise en place comme suite de l'annonce de la restructuration et du plan de rationalisation des entreprises de transformation? Est-ce que c'est à cause de la structure de capital ou si c'est en raison du problème laitier que nous connaissons actuellement? Parce que je sais qu'il y avait une dynamique interne - je ne veux pas briser le secret interne - sur la structure de capital, ce que vous ameniez comme apport d'équité, d'actifs, comparativement au siège que vous auriez eu au conseil d'administration de l'entreprise appelée à gérer la nouvelle corporation. C'était ça le problème, M. Lemire, surtout?

M. Lemire (Michel): Je ne sais pas si je peux dire un mot, là.

M. Pagé: Ah oui, oui! Vous le pouvez. Écoutez, on est ici pour vous écouter.

M. Lemire (Michel): À ce que j'ai cru comprendre vous avez déjà posé six, sept questions, et puis là je ne sais pas si je vais me les rappeler toutes. Vous avez commencé par parler d'un rapprochement ou de ce qui a été annoncé dans les journaux avec Agropur et Purdel. Je crois qu'on vous avait promis qu'un jour on ferait de quoi là-dedans et la réponse est maintenant arrivée, sauf qu'elle devait arriver le 20 février et, pour des raisons de circonstances,

c'a été retardé un peu. Même, ça devait arriver, au début, le 20 décembre et c'a été reporté au 20 février. Alors, je voulais vous dire que ça n'a aucun rapport avec la commission. C'avait à arriver là, mais c'est arrivé là par hasard, comme ça. Vous avez dit aussi que 40 % étaient donnés aux entreprises, pas aux entreprises mais aux partenaires financiers, mais ce sont 30 %.

M. Pagé:30 %.

M. Lemire (Michel): Alors, vous avez semblé surpris, tout à l'heure, de voir qu'on se trouve des partenaires financiers. Je dois vous dire qu'en 1971 Agropur, lorsqu'on est entré dans le lait de consommation, c'est le même processus qu'on a fait. On a créé une compagnie qui appartenait à l'entreprise coopérative et c'est dans ce sens-là que, maintenant aussi, c'est fait. Natrel va appartenir à deux coopératives et on pense que c'est une façon de développer le système coopératif au Québec.

L'autre point que vous avez soulevé, que tout n'était pas bien dans la loi autour des textes, je crois comprendre que le législateur a donné deux modes de mise en marché aux producteurs de lait: le système coopératif, qui date de peut-être 50 ans, et le système des plans conjoints. Et nous, nous avons tout le temps oeuvré au niveau du système coopératif. C'est un mode de mise en marché et je crois que la nature d'une entreprise, ça ne se négocie pas. Il y a peut-être des modalités financières qui peuvent se discuter, mais la nature d'une entreprise, à notre avis, ça ne se négocie pas. En tant qu'administrateur d'entreprise qui représente les producteurs, le sociétaire conclut un contrat avec son entreprise. Il s'engage à lui livrer un volume. Quand vous êtes administrateur d'une entreprise, ce sont ces choses-là qui vous guident pour faire des investissements. Le matin qu'il y a des choses qui viennent nuire au volume de lait dans lequel vous avez déjà des investissements de faits, ça devient plus dur à administrer. On pense que la nature, c'est le lien d'usage du sociétaire avec son entreprise coopérative. Je n'ai rien contre les plans conjoints, mais on a dit qu'il y avait deux modes de mise en marché au Québec.

Vous avez dit aussi que, la même journée qu'on a annoncé le regroupement du lait de consommation dans deux entreprises coopératives, on a annoncé aussi un divorce dans un autre. Ils étaient assis à la table tout à l'heure, alors, vous auriez pu leur demander. Mais nos représentants ont été exclus du conseil et ils ont pris une décision sans qu'on soit assis à la table. C'est clair que là-dessus je n'ai rien à ajouter. Il faudrait leur demander.

M. Pagé: Oui, mais, M. Lemire, vous n'avez certainement pas appris cette exclusion-là dans le journal.

M. Lemire (Michel): Non, nos représentants...

M. Pagé: Ça devait se préparer d'avance. Quand on s'appelle Agropur, qu'on est un des intervenants majeurs du Conseil de la coopération et qu'on a une tradition d'action au sein de ce conseil, qu'on a une tradition aussi de la force de la voix d'Agropur au sein du Conseil, on ne reçoit pas un avis d'éviction comme ça, sans que ça ne se sente un peu à l'avance. Et vous vous parlez avant les réunions et après les réunions. Je peux les faire revenir et leur demander le motif, mais vous pouvez me le dire, on va sauver du temps.

M. Lemire (Michel): Je pense que j'aimerais mieux que ce soit eux qui vous le disent que moi, parce ce que je n'étais pas présent à la réunion, ce sont nos représentants qui étaient là.

M. Pagé: Est-ce que c'est à cause de la structure de capital de la nouvelle corporation ou à cause des négociations dans le lait?

M. Lemire (Michel): Nous, nous avons tout le temps annoncé notre intérêt pour un regroupement dans le lait de transformation.

M. Pagé: Oui.

M. Lemire (Michel): Et nous n'avons jamais annoncé que nous ne serions pas d'accord pour faire le regroupement.

M. Pagé: O.K.

M. Lemire (Michel): J'ai tout le temps dit qu'Agropur était prête à embarquer dans un regroupement, pas plus qu'on est, comme on est.

M. Pagé: O.K.

M. Lemire (Michel): C'a tout le temps été notre position et ça va être notre position demain, à moins que les représentants d'Agropur, les sociétaires d'Agropur en décident autrement. Parce que l'entreprise, ce n'est pas à moi, c'est aux sociétaires chez nous. C'a tout le temps été notre position.

M. Pagé: Donc, si on représente tel pourcentage d'actifs, on doit avoir tel pourcentage de contrôle au niveau de la gestion.

M. Lemire (Michel): Je pense que c'est peut-être prématuré... Parce que les discussions n'ont pas été si profondes que ça, je pense, à l'intérieur, les discussions entre les entreprises dans le passé. Mais nous, c'était notre position: on a demandé que les entreprises soient évaluées selon leur valeur marchande et, ensuite, on

discutera. S'il y a eu une dissension dans le passé, récente, s'il y a un divorce, on ne sait même pas sur quoi. Peut-être que M. Ménard a des choses à ajouter là-dessus?

M. Pagé: Peut-être. Allez.

M. Ménard: En fait, je pense que, quant à la question du regroupement, on est toujours d'accord sur le principe du regroupement. On pense que c'est prématuré de décider, à ce moment-ci, spécialement aujourd'hui, de tous les détails quant au véhicule de regroupement et à toutes ses modalités. Peut-être que des gens ont voulu entrer dans ce niveau de détail et qu'Agropur voulait d'abord s'accorder sur les principes avant de discuter des modalités.

M. Pagé: O.K. Les modalités étant le contrôle, le pourcentage au niveau de la gestion, la représentation, etc.

M. Ménard: Non, la forme même du regroupement.

M. Pagé: O.K.

M. Lemire (Michel): Plutôt qu'en parler publiquement, on préfère faire les choses, c'est pour ça que vous avez vu venir Natrel sans en entendre parler.

M. Pagé: Sauf que j'ai été très... Comprenez que j'ai été surpris. Vous étiez toujours bras dessus, bras dessous. Ça allait bien avec le Conseil de la coopération et, tout à coup, on n'est plus là. À vous entendre, vous auriez été avisé à peu près en même temps que moi?

M. Lemire (Michel): Vous avez peut-être été avisé avant nous.

M. Pagé: Ah, je ne pense pas, non. Je ne l'ai su que très récemment.

M. Lemire (Michel): Ou du moins avant moi. (17 heures)

M. Pagé: Si c'est le cas... De toute façon, on aura peut-être l'occasion d'y revenir - ce n'est pas le principal aujourd'hui - mais, quand même, pour conclure sur ce point-là, si c'est le cas que la scission s'est faite ou la rupture de ban s'est faite en raison des problèmes au niveau du partage des actifs de chacun, ou du contrôle, ou de la représentation au sein du Conseil d'administration ou le pourcentage de capital-actions, etc., les loustics auraient pu en conclure qu'Agropur était trop riche pour s'associer avec les autres coopératives ou que les autres coopératives étaient trop pauvres pour s'associer avec Agropur.

M. Lemire (Michel): Ou l'inverse.

M. Pagé: Pardon?

M. Lemire (Michel): Ou l'inverse.

M. Pagé: Revenons à l'inverse, oui! Dans votre présentation - c'est tout à fait légitime - vous vous êtes référé à des chiffres et vous avez dit: C'est inacceptable que les producteurs, les sociétaires dans le pool II, en 1988-1989, aient produit 825 851 401 litres de lait et qu'Agropur en ait transformé uniquement 794 000 000 de litres. Je comprends que ce sont des données confidentielles, mais c'est vous qui y faites référence, ce n'est pas moi. Vous vous y êtes référé tout à l'heure en disant que les problèmes vécus avec la loi donnaient comme résultat que le lait de vos sociétaires n'était pas complètement transformé. Mais, pourquoi, M. le président, n'avez-vous pas ajouté le pool I? Pourquoi?

M. Lemire (Michel): Alors, vous comprenez...

M. Pagé: Pourquoi n'avez-vous pas ajouté, entre autres, le total qui est de 915 851 000 litres de lait produits par vos sociétaires et 1 015 000 000 de litres transformés? C'est beaucoup plus.

Vous allez certainement convenir avec moi que ce lait transformé, ce lait de consommation que vous avez conditionné donne, comme résultat net, 10 % de plus de lait transformé dans vos usines que le lait de vos sociétaires, à quelques litres près; c'est 99 000 000 de litres.

Vous allez convenir avec moi qu'il y a un surplus de lait dans vos entreprises, que vous avez eu plus de lait que le lait uniquement de vos sociétaires. Et ça, vous le confirmez - et j'apprécie que vous le confirmiez aujourd'hui - vous dites et vous venez confirmer que c'est le résultat des ententes: c'est ce que vous dites.

M. Lemire (Michel): Est-ce que je peux dire un mot?

M. Pagé: Oui, oui. C'est ce que vous m'avez dit depuis le début.

M. Lemire (Michel): Les chiffres qui sont dans le rapport que j'ai donné, bien sûr, représentent le lait de transformation ou le lait de pool II...

M. Pagé: Oui.

M. Lemire (Michel): ...qu'Agropur a eu. Nous nous sommes accommodés, depuis 1979, des ententes intervenues entre les intervenants qui étaient dans le domaine du lait à ce moment-là, mais je dois quand même admettre que ça vient ni plus ni moins toucher au mode de mise en marché coopératif, en ce sens que c'était du lait,

ï ce moment-là, qui était acheté de la fédéra-ion des producteurs de lait. ça venait toucher le onds. m. ménard a sûrement de quoi à ajouter à-dessus.

M. Ménard: En fait, depuis 1979, Agropur, somme les autres coopératives, n'a pas opéré complètement sous le mode coopératif et ça en îst la preuve. Il y a eu des accommodations ou tes accommodements, comme l'a dit M. Lemire, sn 1979, et les coopératives ont essayé d'en tirer e meilleur parti possible. Maintenant, la position d'Agropur est de faire reconnaître le principe coopératif, c'est-à-dire le lait de ses membres. Dn est conscients de ce que vous mentionnez, M. e ministre, que, dans le moment, on transforme plus de lait que le lait de nos sociétaires, mais, dans un système où on a la liberté d'agir sous la forme coopérative, on est prêts à prendre le risque et à l'assumer.

M. Pagé: Oui, mais comment concilier cette situation de fait? Dans les faits, vous avez plus que le lait de vos sociétaires. Comment concilier cet état de fait avec la représentation de droit que vous nous déposez? Vous dénoncez l'évolution de la situation à cause de l'entente, alors que les ententes vous ont été profitables.

M. Ménard: Vous avez parfaitement raison, M. le ministre, quand vous dites qu'on transforme plus de lait que le lait de nos sociétaires et on en est conscients. C'est une situation quand même ponctuelle qui existe et qui ne s'appuie sur aucun principe. Ce qu'on dit, c'est que nous sommes de nature coopérative et qu'on veut suivre le principe coopératif selon la Loi sur les coopératives. Si on l'appliquait, mathématiquement, demain, vous avez parfaitement raison, on aurait moins de lait transformé qu'on en a eu dans notre dernier exercice. Mais si, en même temps, on a la liberté de recruter des membres qui veulent adhérer et qui croient au principe coopératif, on est prêts à prendre ce risque-là. C'est ce que nos membres veulent.

M. Pagé: Mais, ce disant, et je termine là-dessus, vous confirmez qu'Agropur, comme les Coopératives laitières du Québec mais particulièrement Agropur, n'a pas besoin des dispositions et de l'application de l'article 2 pour sécuriser ses approvisionnements.

M. Lemire (Michel): Mais non. M. Pagé: Bien oui.

M. Lemire (Michel): Je crois que, dans l'article 2...

M. Pagé: Vous avez plus que ce que vos membres produisent. Vous dites et vous me confirmez, comme les gens de la Fédérée l'ont fait la semaine dernière, que cette sécurité d'approvisionnement provient des ententes.

M. Lemire (Michel): Si je ne me trompe pas, même dans le système actuel, une entreprise n'est pas privée de pouvoir acheter du lait d'un autre. Ça veut donc dire que, n'importe quand, une entreprise pourrait transformer plus de lait que celui de ses sociétaires, même en en achetant d'autres. C'était vrai aussi avant d'avoir les conventions en 1985. C'était vrai aussi qu'une entreprise coopérative pouvait en vendre à une autre. C'était vrai aussi, seulement que c'était nos gens qui en fixaient le prix et c'était comme ça que ça fonctionnait avant. Alors, de la matière première, les gens pouvaient en avoir. C'est évident.

M. Pagé: Alors, qu'est-ce qui ne va pas?

M. Lemire (Michel): Qu'est-ce qui ne va pas? C'est qu'on veut fonctionner selon le mode coopératif d'un bout à l'autre.

M. Pagé: Oui, mais...

M. Lemire (Michel): Si je ne me trompe pas...

M. Pagé: ...qu'est-ce qui vous empêche de...

M. Lemire (Michel): ...la loi...

M. Pagé: ...fonctionner sur le mode coopératif, actuellement?

M. Lemire (Michel): ...de mise en marché, j'estime que c'est le poumon d'une entreprise coopérative. Dans le passé, on a enlevé un morceau à la fois du poumon et, actuellement, avec l'article 2 tel que libellé, vous venez de lui enlever le restant. Il va sûrement lui rester du sang dans les veines encore, mais, au niveau modèle de transformation coopératif, ça va sûrement être très affecté.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Lemire (Michel): Peut-être que M. Martineau a de quoi à ajouter là-dessus.

M. Martineau (Yvon): M. le ministre, vous demandez comment concilier les deux, la position qui est dans le mémoire avec ce qui arrive dans votre projet de loi. Le projet de loi que vous établissez, M. le ministre...

M. Pagé: Non, dans les faits. M. Martineau: Dans les faits?

M. Pagé: Dans les faits; on parle des faits, de la situation de fait.

M. Martineau: Les faits représentent une situation ponctuelle. Qu'est-ce qui arrive exactement? C'est qu'on utilise deux modes de mise en marché au Québec. Le mode de mise en marché coopératif et le mode de mise en marché par le biais de plans conjoints. Quand on impose une structure, M. le ministre, qui dit que tout va être sous le régime des plans conjoints, ce que vous faites, c'est que vous enlevez le mode coopératif de mise en marché. Il n'y a rien qui empêche au mode coopératif de mise en marché d'aller chercher ses membres, d'approvisionner ses usines, mais il n'y a rien aussi qui empêche, à titre d'entreprise, que cette entreprise s'adresse à l'autre mode de mise en marché pour aller acquérir du lait et le transformer. On oublie que les deux régimes, ce sont deux régimes de mode de mise en marché qui doivent opérer selon les lois de la mise en marché, les lois de l'offre et de la demande. L'entreprise coopérative obéit aux lois du marché comme les entreprises qui achètent leur lait en vertu des plans conjoints. C'est comme ça que c'est conciliable. Ce sont deux modes de mise en marché et on oublie ces principes, cette nuance très subtile. C'est que, quand on compare une entreprise comme une compagnie pour acheter du lait, on oublie que c'est du producteur qu'on parle quand on parle d'une coopérative. On parle du producteur, de l'intérêt du producteur qui, lui, utilise un agent qui est sa coopérative pour le mettre en marché, alors que la loi que vous proposez va dire que c'est un office de producteurs qui va le faire pour lui. Vous, avec votre formation juridique, M. le ministre, vous pouvez savoir qu'on ne peut pas avoir deux mandataires pour faire la même chose.

M. Lemire (Michel): Peut-être que M. Côté aimerait ajouter quelque chose...

Le Président (M. Richard): M. Côté a un commentaire.

M. Lemire (Michel): ...là-dessus, s'il vous plaît.

M. Côté (Daniel): Oui, j'aimerais revenir sur une question qui m apparaît fondamentale dans ce projet de loi là et c'est un aspect qui touche une dimension tout à fait centrale de ce qu'on appelle une coopérative: c'est cette question-là du lien d'usage. Lorsqu'une loi crée une espèce de mur qui vient empêcher le propriétaire d'une entreprise, qui n'a pas qu'un statut de propriétaire, mais qui a aussi un statut de propriétaire-usager, il faut bien voir que la coopérative, c'est une entité distincte, c'est une nature distincte. Et cette nature distincte, elle se comprend quand on associe, à la fois, le statut de propriétaire et le statut d'usager. Alors, quand une loi vient, à toutes fins pratiques, ériger un mur entre le statut de propriétaire et le statut d'usager, on modifie sensiblement la réalité de ce type d'organisation là. Et je pense que la loi actuelle crée un problème important dans la mesure où elle vide la coopérative de sa substance. On a beau regarder les coopératives et se dire que ce sont des forces économiques, ces forces économiques là ne sont possibles que dans la mesure où elles ont ce lien avec le propriétaire-usager. Et la minute qu'on modifie le statut d'usager de ce propriétaire-là, on lui enlève, à toutes fins pratiques, l'intérêt qu'il a à rester membre de cette coopérative-là. Et c'est en ce sens, je pense, que la coopérative est menacée par le système actuel. On la vide graduellement de sa substance, ce qui ne veut pas dire que cette entreprise-là, que ce soit Agropur, deviendra quelque chose d'autre, ce qui ne veut pas dire que cette entreprise-là va s'écrouler financièrement ou va s'écrouler au plan économique.

Mais je pense que ce que la loi fait, c'est de modifier l'espèce de code génétique qui est particulier à la formule coopérative, et ça, ça m'apparaît fondamental. Ça m'apparaît d'autant plus fondamental qu'on s'en va actuellement vers des défis et, M. Ménard en a parlé tantôt, on s'en va vers des défis qui risquent de modifier substantiellement la façon dont la mise en marché des produits agricoles se fait, de façon globale. Et c'est pour cette raison-là, je pense, que c'est extrêmement important de ne pas, à cette période-ci, faire en sorte que les coopéra-teurs perdent tout intérêt à participer à leur coopérative. Les coopératives ont besoin de ce sang-là qui leur est particulier et qui leur vient, en fait, de la volonté des membres exprimée depuis au-delà de 100 ans. Ça fait au-delà de 100 ans qu'il y a des coopératives laitières au Québec, et cette volonté-là s'est continuellement exprimée. Et ce que les lois font actuellement, c'est de modifier la structure d'incitation qui va faire en sorte que, éventuellement, les producteurs agricoles, les producteurs laitiers en particulier, ne vont plus avoir intérêt, parce qu'ils n'ont plus l'usage de leur coopérative. Alors pourquoi rester propriétaire d'une coopérative lorsqu'on n'en a plus l'usage, à une période où la coopérative devient tout à fait pertinente? Elle a toujours été pertinente et elle va demeurer pertinente, compte tenu des défis qu'on a à relever. Je pense que c'est sur cette notion-là de lien d'usage. Et quand on comprend ce qu'est une coopérative, on comprend, a ce moment-là, qu'est-ce que ça fait, qu'est-ce que ça a comme impact sur cette entité particulière lorsqu'on vient triturer cette dimension particulière qui caractérise la coopérative.

Le Président (M. Richard): Merci, M Côté.

M. Pagé: Me Martineau, vous référiez, tout

à l'heure, aux deux régimes: le plan conjoint et l'appartenance du membre comme sociétaire à sa coopérative. Vous semblez prendre pour acquis que ce sont deux régimes exclusifs, alors que ce n'est pas ça.

M. Martineau: Ce ne sont pas deux régimes exclusifs...

M. Pagé: Ce sont deux régimes qui sont complémentaires. On se retrouve dans la même situation que, par exemple, dans le poulet, dans le porc. Les producteurs, dans le poulet, se sont donné un plan conjoint, se sont donné des quotas, et rien n'exclut que le producteur puisse, à partir d'une négociation avec les abattoirs, acheminer le poulet, bon, etc.. Et si on appliquait ce même principe que vous appliquez dans le lait, demain matin, les abattoirs de la Fédérée n'auraient pas le même volume d'abattage qu'ils ont, parce qu'ils manqueraient de poulets, premier élément.

Deuxième élément, à ce compte-là, moi je vais vous poser la question bien brutalement: Si les producteurs ne considèrent pas, par la voix de leurs représentants, que ce sont deux régimes complémentaires, pourquoi est-ce que le milieu de la coopération, au Québec, n'a jamais demandé - parce que vous représentez, au total, quoi, 9800 sociétaires, vos 9800 sociétaires sont, en fait, des producteurs laitiers membres de la Fédération des producteurs laitiers du Québec -pourquoi est-ce que vous n'avez pas demandé, en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles, l'accréditation pour les représenter et exclure purement et simplement la Fédération des producteurs de lait? Pourquoi? Parce que vos producteurs sont attachés à la Fédération des producteurs de lait, comme ils sont conscients du rôle éminemment important que vous jouez pour eux, sous un volet non pas de représentation d'intérêts mais sous un volet d'investissement, parce qu'ils ont investi dans leur coopérative. (17 h 1.5)

Et ça, ça s'est traduit depuis des années, et Me Côté... Quand vous dites, M. Côté, que ça existe depuis 100 ans, les coopératives, c'est vrai, mais c'était bien différent. Cette loi-là a été écrite il y a 26 ans. Probablement que le législateur n'aurait pas utilisé le même libellé, aujourd'hui. À l'époque, on avait des coopératives presque dans chacun de nos villages. On avait des beurreries dans chacune de nos municipalités ou dans deux ou trois municipalités. Et je réitère ce que je disais la semaine dernière: La thématique du congrès de l'Ordre des agronomes du Québec, tenu au Château Frontenac en 1950, c'était syndicalisme agricole, coopératisme agricole, dualité. C'est encore d'actualité aujourd'hui, soit dit en passant. Mais là, ça a évolué depuis ce temps-là. D'ailleurs, on n'a plus des petites beurreries par village, avec toutes les acquisitions d'Agropur et les acquisitions de

Purdel et les acquisitions même du milieu... des membres du Conseil de l'industrie laitière. La sensibilité sur les racines et l'obligation d'être présents en région ou dans chacun des villages, je pense que ça fait longtemps que ça a pris le bord, ça. Je pense que mon collègue, le député de Berthier, en est bien conscient, soit dit en passant, et il y a d'autres députés qui en sont conscients aussi. Alors, le libelle de l'article 2, il faut le lire en fonction d'un contexte qui était là en 1956. Il faut tenter de le réécrire en fonction de la situation d'aujourd'hui, sauf que tout le monde est unanime à dire qu'il faut le modifier. On retient ça. On a tous les motifs de croire - et là je ne vous dis pas comment il va être écrit - qu'on va être obligés de le modifier. Tout le monde veut le voir modifier, même mon collègue. Ceci étant dit, je termine en vous remerciant et en passant la parole à mon collègue. C'est avec beaucoup d'intérêt qu'on va suivre ses questions et, surtout, vos réponses.

Le Président (M. Richard): J'ai l'impression que vous voulez réagir, M. Lemire.

M. Lemire (Michel): Oui, surtout qu'il a ajouté le mot "beurre". Ça m'a... Je comprends qu'on est ici pour parler du projet de loi 15. Ça, je le comprends. C'est parce que vous avez ajouté le mot "beurre". Agropur produit seulement 9 % du beurre au Canada en détenant 16 % des contingentements laitiers du Canada. Alors, je ne pense pas que ce soit vraiment Agropur qui fait des montagnes de beurre, comme on le laisse croire souvent. Vous avez parié aussi de région. On a déjà dit qu'on était d'accord pour tâcher de protéger les régions, mais je crois aussi qu'on doit considérer le centre du Québec comme une région. Ça, c'est clair comme c'est fondamental. Et je demanderais peut-être à M. Ménard de dire quel montant a été investi en région. Je pense qu'on a été l'entreprise qui a investi le plus, en région, au cours des cinq dernières années.

M. Ménard: Je veux dire, dans une région particulière, on a investi... le plus gros investisseur avec des montants de l'ordre de 5 000 000 $, le plus gros employeur, le plus gros investisseur. Évidemment, c'est une région éloignée en dehors des grands centres. Et comme M. Lemire l'a dit, ce qu'on veut, c'est que le centre du Québec soit aussi une région.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui, M. le Président. Il me fait plaisir de saluer les représentants de la coopérative Agropur et leurs nombreux supporteurs, sociétaires sans doute. Je suis également heureux de constater que je suis élu à l'Assemblée nationale dans un comté qui fait partie d'une région. Si ma mémoire est bonne, c'est la

deuxième plus grosse région où Agropur a des sociétaires ou a ses sociétaires. Donc, personne ne doute de l'envergure qu'Agropur a prise avec les années. Plusieurs s'en réjouissent évidemment. Mais, tout à l'heure... Je vous écoute religieusement et je suis étonné d'entendre, de vos propres représentants, que le projet de loi 15, tel qu'il est stipulé, menace la survie d'Agropur. Ça, je suis complètement dépassé, à moins que je ne comprenne rien dans l'affaire. Je ne comprends pas sur quoi vous vous basez... Avec toutes les acquisitions que vous avez faites, avec le développement que vous avez fait, que vous avez réalisé, vous mettez toute l'emphase sur ce projet de loi 15 pour menacer la survie de votre coopérative et, en même temps, vous... En tout cas, ça passe en priorité et vous évitez de parler d'autres situations, d'autres contextes qui, selon moi, sont beaucoup plus menaçants pour la coopérative Agropur et pour d'autres. Et c'est le contexte du libre-échange, des négociations du GATT... sans savoir comment ça va finir. On a un bon doute, en tout cas. Et ça, vous escamotez ça. Vous mettez tout l'intérêt sur le danger que le projet de loi 15 représente pour le développement de la coopérative. Vous avez même dit, tout à l'heure, que vous vous êtes déjà fait arracher un poumon et, là, vous allez perdre l'autre. Il va vous rester rien que le sang et j'ose espérer qu'il va y avoir un coeur encore toujours pour faire circuler ce sang-là. Êtes-vous capable de m'expliquer sur quoi... Comment comprendre ça, le fait que vous êtes menacés, qu'Agropur est menacée? Moi, je ne comprends rien là-dedans.

M. Lemire (Michel): Remarquez bien que je ne suis pas avocat...

M. Baril: Moi non plus, ça fait qu'on va peut-être bien s'entendre mieux.

M. Lemire (Michel): ...mais la loi 15... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lemire (Michel): Le projet de loi 15, à ce que je comprends, consacre des modes de mise en marché. Vous dites que vous ne comprenez pas qu'Agropur devrait disparaître. C'est le mode de mise en marché coopératif qui, actuellement, est discuté dans la loi 15, à moins que je ne fasse erreur. Alors, ce n'est pas l'entreprise même. L'entreprise, si le législateur en décide autrement, je pense bien qu'elle aura à réviser ses positions. Mais c'est le mode de mise en marché. Actuellement, il y a deux modes de mise en marché au Québec: le mode de mise en marché coopératif et le mode de mise en marché par les plans conjoints. Que je sache, les deux organismes de mise en marché relèvent de deux lois. Les plans conjoints vivent de profitabilité, non pas de profitabilité, de cotisations et les entreprises économiques vivent de profitabilité. Actuellement, on estime qu'il manque un certain équilibre entre les deux lois pour leur permettre de fonctionner dans leur système respectif. Je ne dis pas que les plans conjoints sont de trop, ce n'est pas ça que je dis. J'espère que je suis bien interprété. Les coopératives relèvent d'une loi et, actuellement, ce n'est pas concordant, je crois. Vous vous demandez ce qu'on entend au GATT, etc. J'aimerais peut-être que M. Côté ajoute sur ce qui se passe actuellement, en Angleterre, où les plans conjoints ont été très populaires, il y a quelques années.

Le Président (M. Richard): M. Côté.

M. Côté (Daniel): Oui. Si vous prenez la peine de lire ce qui se passe un petit peu en Europe actuellement, dans une version tout à fait récente de la revue The Economist, on faisait mention d'une décision prise par le ministre de l'Agriculture en rapport avec les plans conjoints, le système de plans conjoints qui existe en Angleterre, et cette décision-là, en fait... Bon, ils ne sont pas rendus au stade de la décision, ils sont en train de revoir la chose. Mais ce que le ministre de l'Agriculture dit par rapport aux plans conjoints, le Milk Marketing Board là-bas, d'une part, il commence par proclamer l'inefficacité du plan conjoint au niveau de la mise en marché. Vous pourrez trouver ça dans l'article. Ce qui m'apparaît plus important par rapport à ça, et c'est là que la question du GATT est tout à fait fondamentale - et on pourra faire le lien tantôt avec le lien d'usage, M. Baril, si le temps nous le permet - le ministre de l'Agriculture dit: Nous devons revoir le système de plans conjoints. Ce qui m'apparaît fondamental là-dedans, c'est que ce soit le ministre de l'Agriculture qui ait le pouvoir de revoir le plan conjoint. Dans une coopérative, lorsque les règles sont permises, c'est-à-dire lorsque le statut de propriétaire-usager est... on lui permet de se réaliser, on permet au producteur de maintenir le lien avec la coopérative, c'est le producteur agricole qui a le dernier mot sur ce qui se passe avec sa coopérative. Dans le cas du plan conjoint - et c'est pour ça que le cas anglais est important, compte tenu du débat qu'on a ici - c'est le ministre de l'Agriculture qui, ultimement, décide de modifier ce qui se passe au niveau du plan conjoint. Il faut bien comprendre que le plan conjoint, c'est un... Le pouvoir ultime du plan conjoint, c'est un pouvoir politique qui, lui, est délégué par le Parlement. Et c'est ce qui se passe en Angleterre. Le risque qu'on court actuellement, et je refais le lien avec la GATT, c'est le vent de réforme qui souffle actuellement à l'échelle internationale, le vent de réforme qui risque d'amener des modifications profondes au niveau des politiques agricoles telles qu'on les connaît au Canada. Et je ne pense pas qu'il y ait personne ici qui puisse dire, que ce soit

demain matin, que ce soit dans 5 ans ou que ce soit dans 10 ans, qu'il n'y aura pas de modifications substantielles d'apportées à la mise en marché par le biais d'un office de producteurs. Il n'y a personne qui peut garantir que ça ne se fera pas. Et, si ça se fait, les producteurs agricoles, dont les producteurs qui sont membres d'Agropur, ces gens-là vont être littéralement laissés à eux-mêmes face à un marché qui va, lui, se globaliser et s'internationaliser. Je pense que c'est ça qui est le risque actuellement. C'est, d'une part, des pressions externes au niveau international, des pressions qui viennent à la fois du GATT, compte tenu du vent de libéralisme qui souffle au niveau du GATT et de la modification éventuelle qui pourrait être imposée au pays qui veut maintenir un accord avec le GATT. Il y a ça qui risque de venir modifier sensiblement les politiques agricoles telles qu'on les connaît au Québec et au Canada depuis quasiment 50 ans maintenant.

D'autre part, on assiste à la restructuration de l'industrie laitière à l'échelle internationale. Je pense que ce sont deux tendances fondamentales: une qui est en train de reconstruire la maison à l'intérieur: globalisation de l'industrie et création, émergence de grands joueurs à l'échelle internationale qui, demain matin, vont avoir le pouvoir d'intervenir sur la plupart des marchés. D'autre part, le risque qu'on voit que ces marchés-là s'ouvrent, compte tenu de ce qui se passe au niveau du GATT. Ça, ça m'apparaît fondamental. C'est ce qui me fait dire, en fait, que le lien d'usage et le maintien du statut coopératif sont tout à fait fondamentaux pour assurer aux producteurs laitiers un intermédiaire privilégié avec le marché. Ça, c'est la coopérative. C'est le seul outil que le producteur contrôle véritablement, de par son statut de propriétaire.

Le plan conjoint, ce n'est qu'un droit qu'on lui accorde qui vient du Parlement. Le jour où le ministre de l'Agriculture va décider qu'il se conforme à ce qui se passe au niveau du GATT, le jour où le ministre de l'Agriculture - et je ne parle pas de vous, je parle du ministre de l'Agriculture à Ottawa, parce que c'est à ce niveau-là que ça va se passer - si jamais ça se faisait... Pendant que vous étiez absent, je faisais référence à ce qui se passait en Angleterre, actuellement, où le ministre de l'Agriculture a décidé de revoir en profondeur le système de mise en marché qui est constitué autour d'un Milk Marketing Board. Moi, ce que ça me fait dire, en fait, c'est que c'est possible qu'un ministre de l'Agriculture, quelque part, décide de modifier les règles du jeu de façon substantielle. À ce moment-là, les producteurs agricoles, et les producteurs laitiers en particulier, seront aux prises avec ce qu'ils auront comme outils économiques à leur disposition pour médiatiser ce lien-là avec le marché. À mon sens, ce sont les coopératives qui sont le mieux placées actuelle- ment pour garantir aux producteurs laitiers un lien privilégié avec le marché.

Je pense que c'est une dimension fondamentale du projet de loi et du contexte dans lequel le projet de loi doit se discuter.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui. Tout à l'heure, ce que vous avez dit - je ne me souviens pas de votre nom - ce que vous venez de dire, je l'ai répété déjà: C'est vrai que le système coopératif appartient aux Québécois et on peut difficilement nous l'acheter ou l'acquérir. Je l'ai dit. Ça fait deux ou trois fois que je le dis durant cette commission, et je pense que tout le monde est conscient de ça. Je reviens à ce que M. Lemire disait tout à l'heure. Vous disiez que, dans le système économique que l'on vit, il faut avoir une entreprise - on va essayer d'utiliser vos termes - de profitabilité. Par contre, si on regarde, je vais dire, la raison ou le statut social d'une coopérative, ce n'est pas de faire des profits, c'est un outil que les producteurs se donnent ensemble pour mettre en marché leurs produits d'une façon plus profitable ou plus rentable ou je ne sais pas quoi. Donc, ce n'est pas uniquement pour dire... Il ne faut pas être là pour viser des profits. On n'est pas une multinationale. C'est pour ça que, quand on regarde la structure actuellement, c'est évident que les producteurs qui sont rattachés, qui ont parlé du lien d'appartenance... Ils l'ont, ce lien d'appartenance avec une coopérative. Ils y tiennent à ces coopératives. Mais, actuellement, les agriculteurs ont utilisé un autre outil que la loi sur la mise en marché leur permettait, qui s'appelle les plans conjoints. Ils se sont donné de signer des ententes avec différents partenaires pour avoir un meilleur prix. Je ne veux pas interpréter la position des coopérateurs, mais il me semble actuellement que les coopérateurs qui sont membres de la Fédération des producteurs de lait, dans la situation actuelle, se sont donné un plan conjoint et ils trouvent que cet outil, dans le contexte actuel, je dis bien, est plus bénéfique pour eux que - je ne dis pas la formule coopérative - ce que la formule coopérative peut leur apporter.

(17 h 30)

Ça, ça se sent, ça se voit dans les assemblées générales actuellement, dans la position que les coopératives avaient prise de ne pas s'asseoir à la table et de ne plus vouloir négocier. Vous vous l'êtes fait dire à presque toutes les assemblées: Allez, on est tannés de ces chicanes, parce que ce sont les mêmes producteurs et on est membres de notre coopérative, on est membres de notre fédération et on s'obstine entre nous autres. Ça n'a pas de bon sens. Allez vous asseoir, puis négociez. Boni Les producteurs sont prêts à garder ce lien d'appartenance, mais

comment voyez-vous ça pour remédier au problème si, actuellement, on dit: C'est le membre qui décide, autant au niveau de la coopérative qu'au niveau du plan conjoint? C'est le même membre qui décide des deux. Puis là, il trouve son compte actuellement à un. Comment concilier ça?

M. Lemire (Michel): Je veux revenir au début. Vous avez dit: Les entreprises coopératives ne devraient pas être des entreprises à profitabilité. Vous avez probablement raison parce que, dans la loi, on dit que c'est un trop-perçu. Je pourrais peut-être dire la même chose.

M. Baril: Mais qui est remboursé aux sociétaires, retourné.

M. Lemire (Michel): En somme, qui appartient aux propriétaires. Ils en font ce qu'ils veulent. Mais, que je sache, les entreprises qui ne font pas de profit ont quand même de la misère à vivre. Je pense que c'est clair. Vous dites que les sociétaires ne veulent pas perdre leur entreprise. Justement, actuellement, dans l'article 2, on pense qu'ils en perdent encore une partie, parce qu'on le consacre vraiment aux plans conjoints. Mais quand les plans conjoints ont été votés, à moins que je ne fasse erreur, les producteurs ont été consultés, si je ne me trompe, avec le plan conjoint dans lequel il y avait un règlement à l'article 2 où on disait qu'un plan conjoint était un moyen supplétif. C'est sur ça, je pense, que les producteurs ont voté, dans le temps, un plan conjoint. Actuellement, je pense qu'il y a autre chose qui se passe. Je comprends ça aussi, à moins que je ne fasse erreur.

Je pense que c'est important, ces choses-là. Est-ce que je suis correct là-dessus? Est-ce qu'on s'accorde là-dessus, Jacques?

M. Baril: Je vous écoute.

M. Lemire (Michel): Alors, vous dites que les sociétaires de coopératives ne disent pas à leurs dirigeants les bonnes choses? Est-ce ça que vous dites?

M. Baril: Non, non, j'ai dit...

M. Lemire (Michel): Parce que j'étais pour vous inviter à la prochaine assemblée générale d'Agropur.

M. Baril: Ah! Il me fera plaisir d'y assister, M. le président. Je vous ai simplement dit que dans les assemblées générales qui se sont tenues dernièrement par secteurs, je ne dis pas l'ensemble, mais la majorité semble vouloir dire à leurs représentants des coopératives: Allez vous asseoir à la table et négociez avec les autres représentants qui sont là, parce qu'on a une formule qui est là, qu'ils semblent vouloir garder puisque, dans le contexte qu'on vit, elle semble plus profitable pour les mêmes producteurs. Mais ça ne veut pas dire qu'ils veulent jeter leur coopérative à terre, mais pourquoi, au temps où on est rendus, le producteur est à faire un choix comme il semble le faire actuellement?

M. Lemire (Michel): Parce qu'on lui a accordé la possibilité de choisir entre 100 $ et 110 $ et il dit: Je veux avoir 110 $. C'est peut-être pour ça. Il veut avoir les deux montants d'argent, il n'en choisit pas un. Quand vous donnez le choix, H dit qu'il prend les deux. Alors, j'ai assisté à une assemblée, comme vous dites, de la Fédération des producteurs de lait, et, c'est drôle, ce ne sont pas les mêmes choses que j'ai entendues à la Fédération de Nicolet.

M. Baril: Pourquoi dites-vous que vous faites faire un choix au producteur: Choisis-tu 100 $ ou 110 $? Pourquoi l'un est-il rendu à 110 $ et l'autre est resté à 100 $?

M. Lemire (Michel): Parce qu'il peut peut-être penser qu'avant c'était 100 $ du côté coopératif et 110 $ du côté du plan conjoint et, maintenant, vous le virez de bord, il veut avoir les deux parce qu'il est membre des deux. Un est membre obligatoire et l'autre est membre parce qu'il a bien voulu adhérer librement.

M. Baril: En parlant de nombre de membres, avez-vous des chiffres? Depuis 20 ans, quel est votre "membership"? Est-ce qu'il a augmenté? Est-ce qu'il s'est maintenu? A-t-il diminué? C'est quoi, en chiffres?

M. Lemire (Michel): On est venus à 9000 membres et on a baissé, si je ne me trompe pas, à autour de 4900 actuellement, avec le même volume de lait reçu de la part des sociétaires, mais c'est parce que la production par ferme a augmenté.

M. Baril: Oui, mais en pourcentage face aux autres producteurs, parce que l'ensemble des producteurs a diminué aussi... Vous n'avez pas un pourcentage?

M. Lemire (Michel): On parle de 15 500 producteurs peut-être, 16 000 maximum au total au Québec.

M. Baril: Ouais, mais je parle d'avant, d'il y a 20 ans, il y avait plus de 15 000. C'est pour ça que c'est difficile de parler en chiffres, ça peut même fausser les débats. C'est plutôt en pourcentage.

M. Lemire (Michel): C'était à 22 000, 23 000, un bout de temps.

M. Baril: De toute façon... Vous dites que c'est vrai qu'un producteur peut adhérer librement à sa coopérative. Agropur, à un moment donné, a arrêté ça, a limité ça. Depuis quand est-ce que ça a été arrêté, ça, quelqu'un qui voulait adhérer à Agropur?

M. Lemire (Michel): M. Ménard vous a expliqué que, lors des ententes en 1979, ça faisait un accroc au mode coopératif. Et nous avons ouvert le "membership" au mois de mars - la décision a été prise le 26 février - ...

M. Baril: Dans la loi...

M. Lemire (Michel): ...à tout producteur de lait au Québec.

M. Baril: Comment?

M. Lemire (Michel): À tout producteur de lait qui demeure ou qui peut livrer du lait dans nos usines au Québec.

M. Baril: Dans le projet de loi... Ne trouvez-vous pas que c'est contradictoire? Puis ça, ce n'est pas dans le projet de loi 15, mais dans la Loi sur la mise en marché. La Loi sur la mise en marché donne le pouvoir aux offices de producteurs de se donner des outils qu'on appelle le plan conjoint. Puis, en même temps, vous avez la même loi qui dit, par le biais de l'article 2, que les outils qu'on donne à un ne doivent pas nuire à l'autre, les coopératives, entre autres. Ne trouvez-vous pas que c'est contradictoire? Parce que c'est le même producteur. On donne le droit au même producteur. On dit: On te donne un outil que tu puisses mieux en profiter, pour que tu puisses mieux vivre. Et en même temps, dans la même loi, on dit au même producteur. Bien là, par contre, il ne faut pas que ça nuise à l'autre.

M. Lemire (Michel): Comme je vous l'ai expliqué tout à l'heure, il y a deux modes de mise en marché au Québec. On estime actuellement qu'il y a un manque d'équilibre entre les deux, à savoir où un commence et où il finit, et où l'autre commence et où il finit. Tant et aussi longtemps qu'on donnera droit à un, ni plus ni moins, d'avoir droit de survie sur l'autre, automatiquement, vous allez tout le temps avoir ce qu'on vit actuellement au Québec.

M. Baril: Mais, vous autres vous...

M. Lemire (Michel): Je vais demander à Me Martineau de compléter.

M. Baril: Oui.

M. Martineau: M. le député d'Arthabaska, je comprends la difficulté de voir pourquoi une coopérative grosse entreprise pourrait tomber.

Mais Campeau était très gros puis il est tombé. Ce n'est pas de l'argument de l'entreprise que l'on parle, ici. On parle de quoi est fait une coopérative. Elle est faite essentiellement de producteurs qui ont découvert qu'ils veulent utiliser un mode de mise en marché, un outil économique pour aller sur le marché. La journée où vous imposerez aux producteurs d'utiliser un autre mode de mise en marché, vous serez, à ce moment-là, devant une situation où le producteur n'aurait plus aucun intérêt à alimenter sa coopérative. D'où, à plus ou moins brève échéance, la disparition de ces coopératives. On oublie que ça, c'est fondamental.

M. le ministre m'a dit: Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que l'un est exclusif de l'autre? Ça n'empêche pas aux deux modes de mise en marché de se mettre autour de la même table pour décider comment le lait va se commercialiser dans un territoire donné. Ce qu'on ne veut pas, c'est que par cette loi vous imposiez à tous les producteurs un mode de mise en marché. Quand le mode de mise en marché a été implanté par le biais des plans conjoints, il était supplétif. Et c'était comme ça que ça été présenté aux producteurs. Il y avait le mode coopératif de mise en marché et il y avait le mode des plans conjoints, qui était aussi une solution.

Aujourd'hui, avec la libéralisation des marchés... Comme M. le ministre l'a dit, à Agropur, ce sont des professionnels. Alors, les professionnels anticipent peut-être mieux l'avenir. On voit que la libéralisation des marchés va peut-être signifier que les plans conjoints ne seront plus là. Et quel outil économique auront les producteurs, à ce moment-là, sinon les coopératives? Ça va être leur propre moyen de production et de mise en marché. C'est la raison pour laquelle on demande ici au législateur de maintenir le régime coopératif. Et, s'il implante une loi, s'il instaure une loi, il ne faut pas qu'en le faisant, il élimine l'autre mode de mise en marché, parce que vous iriez contre la loi même du législateur qui est la Loi sur les coopératives.

La Loi sur les coopératives oblige les coopératives à agir pour le compte de leurs membres. En adoptant le projet de loi 15, vous dites: Le producteur doit agir par l'office des producteurs. Vous êtes contradictoire. Alors, c'est pour cette raison qu'on s'adresse ici. Et si le Conseil de l'industrie laitière mentionne qu'il veut que les règles de la loi de mise en marché, les règles de l'offre et de la demande fonctionnent, je pense qu'il se peut qu'il y ait des coopératives qui meurent parce qu'elles n'auront pas défendu correctement leur position sur le marché, comme une entreprise dans le Conseil de l'industrie laitière.

Ça n'a rien à voir avec les institutions et les modes, mais ça a à voir avec les hommes qui les administrent.

M. Baril: Vous avez, dans d'autres secteurs,

des mouvements coopératifs où il n'y a pas cet article dans la loi ni pour les protéger ni prévoir rien. Ils sont libres de fonctionner comme bon leur semble, et ils se développent à mort. Je fais référence aux caisses populaires. Il y a toutes sortes d'institutions financières. Il y a d'autres banques, il y a peut-être je ne sais combien de sortes, 10 ou 15 sortes de banques, de compagnies, qui sont sur le marché. Et la compétition est là. Pourquoi les caisses populaires se sont-elles développées? Parce qu'elles ont toujours eu un dynamisme extraordinaire et elles ont répondu aux besoins de leurs sociétaires par toutes sortes de formules.

M. Martineau: Vous avez absolument raison, M. le député. Mais la Loi sur les banques est une loi fédérale, et la loi provinciale qui permet le mouvement Desjardins a permis au mode coopératif d'avoir un mouvement financier de l'importance dont on parle et c'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, vous voyez une coopérative de l'ampleur et de l'envergure que nous avons ici. Je ne voudrais pas, à tout le moins comme avocat, que le législateur élimine le processus de mise en marché par le mode coopératif. Ça irait contre l'intérêt même des producteurs, à long terme.

M. Baril: II n'y a pas juste les banques, écoutez, qui sont de charte fédérale, comme vous dites. Il y a d'autres institutions financières, au Québec, qui ont des chartes québécoises.

M. Martineau: Ce sont des compagnies, être actionnaire, c'est différent d'être sociétaire d'une coopérative, M. le député.

M. Baril: Les sociétés d'entraide économique.

M. Martineau: C'est un mode de coopération qui a connu des difficultés et qui a subi les lois du marché.

M. Baril: Bon, en tous les cas... Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: Vous comprendrez que... Il est facile de vous dire que vous ne m'avez pas convaincu, de toute façon, de la nécessité, de l'importance, comprenez-vous - en tout cas, c'est une opinion bien personnelle, de ce côté-ci de la table - de garder l'article 2 tel qu'il est là; en fait, non seulement comme il est là, mais de le renforcer, en plus. Je l'ai dit, lors de mon intervention d'ouverture de cette commission, que, pour nous, l'article 2 a créé une situation imprécise depuis qu'il est là et qu'il a entraîné un paquet de chicanes. Dans certains cas - j'en suis convaincu, pour en avoir discuté avec plusieurs personnes - il a même nui au dévelop- pement de certaines coopératives, pour toutes sortes de raisons. Elles se sentaient protégées, en ce qui concerne l'approvisionnement, par cet article, et elles n'ont pas diversifié leurs productions. Là, je ne veux pas que vous vous sentiez touchés par ça, parce que vous êtes la coopérative qui s'est le plus diversifiée. C'est pour ça que je vous dis qu'ici, il ne faut pas regarder uniquement une entreprise; il faut regarder l'ensemble des entreprises. À cet effet, on va continuer à entendre d'autres intervenants pour, peut-être, se faire convaincre davantage. Je vous remercie d'être venu présenter vos mémoires.

Le Président (M. Richard): M. Lemire.

M. Lemire (Michel): Je ne sais pas quoi ajouter à l'endroit de M. Baril, mais on voulait tout simplement dire, en terminant, qu'on pense que les droits d'un groupe collectif doivent être aussi grands que les groupes d'individus. C'est ça qu'on voulait dire.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre, avez-vous un commentaire final?

M. Pagé: M. Houde...

Le Président (M. Richard): Excusez, M. le député de Berthier, M. Houde, vous avez la parole.

M. Houde: II y a une question que je me pose, parce que je l'ai vécu chez moi, dans ma région. Vous prônez, vous défendez le développement régional. Alors, comment se fait-il que vous ayez acheté nos coopératives dans ma région, Lanaudière, - pas moins de quatre - et que, par la suite, vous les ayez fermées? C'étaient, pour la majorité, des gens qui étaient pour Agropur. Est-ce que vous avez la même intention, avec la fusion que vous avez faite, hier, avec Purdel, d'en fermer d'autres, comme vous l'avez fait dans ma région à moi, chez nous?

M. Lemire (Michel): À ce moment-là, quand vous parlez des entreprises qu'il y avait dans votre région... Il y a eu un projet de bâtir une usine qui, je crois, a coûté tout près de 35 000 000 $; on n'avait pas, je pense, les moyens de mettre 35 000 000 $ à chaque région. Sachant très bien que le secteur dans lequel vous oeuvriez - je crois qu'il a été question de ça, dans le temps - c'était quand même celui du lait... C'était proche de Montréal, ça devait alimenter en lait de consommation. Et l'usine était de lait de transformation, je crois.

M. Houde: II y avait Joliette, il y avait Saint-Gabriel-de-Brandon, il y avait Saint-Gérard-Majella. Dans Joliette, il y en avait deux. Il avait été promis par Agropur qu'il n'était pas

question qu'on ferme quoi que ce soit et, quelque temps après, ça a déménagé à Granby. On n'a plus rien du tout pour une région qui est la plus importante, je pense, dans le nord de la province. (17 h 45)

M. Lemire (Michel): II y en a deux que je n'ai pas connues, là. Remarquez bien que ce n'est pas tout le temps moi qui était là, chez Agropur. Mais pour la dernière, je crois qu'il y avait des raisons d'environnement, et le type le savait lorsqu'il s'en est départi. Est-ce que c'est exact?

M. Houde: II y avait un problème d'environnement. Mais il y avait des investissements qui pouvaient se faire pour garder Granby ouvert, mais ils ont fermé pareil.

M. Lemire (Michel): Notre directeur général peut sûrement parler des coûts d'environnement dont on doit tous être conscients. Comme producteur - je pense que ça fait partie de l'éducation - au niveau des entreprises, je crois qu'Agropur a démontré son savoir-faire et son vouloir de protéger l'environnement. Peut-être que M. Ménard peut vous dire quel est le coût de construction pour protéger l'environnement, au niveau des entreprises. Ce sont des coûts qui sont quand même très élevés, hein!

M. Houde: Oui, mais vous le saviez quand vous l'avez acheté, par exemple. Vous l'avez dit, et dans le temps, c'était le député fédéral Roch LaSalle. Il avait bien averti: Ça va coûter de l'argent, mais y a rien là! Et, à un moment donné, donner de l'argent pour centraliser à Granby...

Le Président (M. Richard): Si vous me permettez, pour des raisons de délai, je devrai couper court.

M. Houde: Excusez, là, c'est parce que, moi, là...

Le Président (M. Richard): Je suis désolé pour tes entreprises, Albert...

M. Houde: O. K.

Le Président (M. Richard): ... m. le député de berthier, ha, ha, ha, mais la question a été bien posée. alors, m. le ministre, vous avez un commentaire final?

M. Pagé: Je voudrais remercier les gens d'Agropur, leur souhaiter bon succès dans leur démarche avec Purdel, au niveau du lait de consommation. Je voudrais aussi souhaiter qu'Agropur puisse adopter une attitude un peu plus flexible en ce qui a trait à la possibilité d'ententes négociées, une meilleure garantie, je pense, pour la stabilité de l'industrie; d'ailleurs, les chiffres auxquels je me suis référé en témoignent. M. le président lance un appel à la conjugaison de la prise en considération de la défense des intérêts collectifs et des intérêts des membres; Me Martineau a référé à cette double appartenance. Je conclurais en vous disant que la lecture que j'en fais, moi, et ce, peu importent les textes juridiques, Me Martineau, surtout à la lumière de l'expérience que j'ai, comme ministre de l'Agriculture...

Les producteurs agricoles du Québec, les membres de la Fédération des producteurs de lait, qui sont aussi membres de sociétés, de coopératives, qui sont membres sociétaires, se sentent très confortables et dans l'un et dans l'autre. D'ailleurs, je suis pleinement d'accord avec l'affirmation de mon collègue, comme quoi les membres des coopératives laitières du Québec ont souhaité, dans certains cas de façon très virulente, même par des motions demandant à leur exécutif de réajuster leur position pour aller négocier des ententes... Ces gens-là sont véritablement fatigués, pour ne pas dire tannés de ces disputes concernant ces grands principes et ce dogme qui réfère à l'application de l'article 2. Et, essentiellement, on pourrait comparer ça un peu à la situation d'un couple qui demande à son petit bonhomme ou à sa petite fille: Aimes-tu mieux papa, ou aimes-tu mieux maman? Il répond généralement: Les deux. Et le producteur a son appartenance, dans son plan conjoint, à un organisme de représentation. La fédération, c'est son père, et sa coopérative, bien, c'est sa mère, qui le sécurise sur ses marchés et qui lui donne des ristournes à l'occasion, des trop-perçus. Et là, vous ne vous entendez pas. L'un des deux demande le renforcement de l'article 2, et l'autre demande de l'abolir. Mais on parle du même monde! Je dois dire, Me Martineau: II faut toujours se fier à la sagesse des agriculteurs, au Québec. Il faut toujours se fier... Oui, oui!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Vous savez, mon collègue a le privilège d'être agriculteur; moi, j'ai le privilège d'être avec les agriculteurs depuis cinq ans. Il ne faut pas se surprendre parfois de... Exemple concret: À l'Union des producteurs agricoles, les producteurs - et je n'ai pas du l'occasion de le demander à M. Rivard, mais je suis persuadé qu'il aurait pu le confirmer - ont voté contre l'entente de libre-échange. Dans la coopération, par la voix de leurs délégués, ils ont voté pour. Et il ne faut pas se surprendre de ça, ça témoigne de leur sagesse et de leur prudence.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pagé: Et... Par contre, leur sagesse et leur prudence a eu comme résultat qu'on vous a dit - et je suis persuadé qu'on va entendre

sensiblement le même message de la part de plusieurs membres de la Fédération des producteurs de lait au congrès de la Fédération, la semaine prochaine: Entendez-vous! Alors, je souhaite qu'Agropur s'inspire d'un peu plus de flexibilité dans son approche, suite à ce qui s'est passé depuis la fin de semaine, où il y a eu des rencontres entre les gens de mon ministère qui tentent de rapprocher les parties. On apprécierait, à défaut d'être avec le Conseil de la coopération laitière, parce que vous n'y êtes plus, que vous fassiez du moins entendre une voix, directement ou indirectement, même si ce n'était que par communiqué, comme quoi vous êtes disposés à cheminer dans un processus qui pourrait nous conduire à un règlement harmonieux de tout ça, au bénéfice de vos sociétaires et des producteurs laitiers du Québec. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci beaucoup, messieurs. Et, avec un peu d'humour, je ferai venir à la table les gens qui sont les nouveaux époux, Purdel.

Des voix: Ha, ha. ha!

Le Président (M. Richard): Mesdames et messieurs, si vous permettez, la commission reprendrait ses travaux. Nous entendrons les représentants de Purdel, une coopérative agroalimentaire. Or, vous comprenez la méthode. D'abord, vous vous identifiez, puis vous présentez vos collègues. Après ça, vous faites votre message.

Purdel

M. Théberge (Napoléon): Mon nom est Napoléon Théberge, président de Purdel. Les gens qui m'accompagnent: M. Normand Ruest, directeur financier, M. Denis Cassista, directeur général, M. Jean-Yves Fournier, vice-président de Purdel, M. Denys Trépanier, secrétaire et directeur de l'information.

D'abord, je dirai au ministre de l'Agriculture que nous essaierons d'être brefs. On va essayer d'entrer dans les limites. Ce qu'on veut vous présenter, je pense, c'est la reaffirmation dans le domaine laitier des régions périphériques. (18 heures)

M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission, mesdames et messieurs, Purdel, coopérative agro-alimentaire désire, dans un premier temps, vous remercier d'avoir bien voulu écouter notre point de vue sur la révision de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Purdel, coopérative agroalimentaire est une association de quelque 1700 producteurs agricoles, majoritairement des producteurs de lait, qui exploitent leurs entreprises agricoles sur un vaste territoire, à savoir des comtés de Portneuf à Charlevoix, sur la rive nord du Saint-Laurent, et des comtés de

Nicolet jusqu'à Gaspé, sur la rive sud du fleuve.

Ce mémoire vise à mieux faire connaître l'évolution de Purdel, coopérative agro-alimentaire comme patrimoine appartenant aux producteurs agricoles. De plus, nous aimerions commenter plus spécifiquement l'article 2 du projet de loi, qui est au coeur des discussions actuelles du monde laitier québécois.

Purdel, coopérative agro-alimentaire est une institution riche en histoire, puisqu'elle a été créée en 1928 sous le nom de Société coopérative agricole de Sainte-Cécile du Bic. De coopérative agricole locale, elle est devenue une coopérative agricole de comté dans les années cinquante, grâce au dynamisme de ses leaders et par la fusion et/où l'acquisition d'entreprises coopératives et privées de son environnement immédiat.

Purdel, coopérative agro-alimentaire a opté pour la régionalisation de la transformation laitière et l'approvisionnement à la ferme dans les années soixante. La coopérative agricole du Bas-Saint-Laurent est née de l'effort de concertation du gouvernement du Québec et des producteurs agricoles de la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie.

Purdel, coopérative agro-alimentaire a joué son rôle de régulateur des marchés des produits laitiers, et nous croyons que notre action a permis un développement certain de l'agriculture dans la région que nous desservions. Encore aujourd'hui, notre infrastructure de transformation permet de protéger la production en période de pointe et à l'occasion de périodes spéciales comme les congés fériés, où d'autres entreprises ne reçoivent pas le lait des producteurs.

Dès 1972, Purdel, coopérative agro-alimentaire s'est impliquée dans le secteur du lait de consommation à Rimouski. Mais les sociétaires de la coopérative ont compris qu'il fallait déborder des cadres territoriaux trop restreints, et c'est pourquoi nous nous sommes portés acquéreurs de la Laiterie Laval Itée, à Québec, en 1977. Cette acquisition avait un double objectif: poursuivre notre développement comme entreprise et consolider notre transformation en région périphérique par un réseau de distribution élargi. Nos membres avaient compris qu'il était essentiel de posséder des outils provinciaux pour solidifier la production et la transformation en région.

D'ailleurs, dans le cadre de la diversification entreprise en 1985, Purdel, coopérative agro-alimentaire a énoncé les principes directeurs à respecter, à savoir: de demeurer à l'intérieur de l'industrie agro-alimentaire; afin de mettre à contribution l'expertise actuelle de la coopérative, de prioriser les secteurs d'activité offrant une plus grande synergie au niveau de la mise en commun des ressources, permettant ainsi de réaliser des économies d'échelle; de privilégier les secteurs d'activité susceptibles de consolider davantage l'assise du siège social dans l'Est.

Pour respecter notre nature coopérative, nous avons "coopérative" la Laiterie Laval,

permettant par le fait même aux producteurs fournisseurs de devenir membres de Purdel, coopérative agro-alimentaire. Ce geste fut posé dans le cadre de notre mission première, c'est-à-dire dans le but de consolider l'appartenance à la coopérative de nos producteurs sociétaires. Je dois mentionner ici que même un membre de votre commission est sociétaire de Purdel.

Enfin, soulignons l'acquisition de Ferme Saint-Laurent de Montréal, en 1985, qui a concrétisé la dimension provinciale de Purdel, coopérative agro-alimentaire. Il est important de mentionner que cette dernière transaction est le fruit de la collaboration avec la Société québécoise d'initiatives agro-alimentaires (SOQUIA), partenaire dans ce que nous appelons maintenant Purdel inc. Aujourd'hui, Purdel, coopérative agroalimentaire a quatre établissements de lait de consommation, quatre usines de lait de transformation, trois établissements d'approvisionnement à la ferme, deux usines de produits marins et une entreprise de fertilisants biologiques.

Comme vous pouvez le constater, notre coopérative a toujours poursuivi une politique de développement, en accord avec la volonté de ses membres. Cependant, Purdel, coopérative agroalimentaire a toujours gardé à l'esprit de privilégier la dimension régionale par les différents services offerts aux producteurs, tels que le transport, la qualité du lait, la fourniture d'intrants et d'utilités professionnelles, l'information aux sociétaires et les conseils techniques dispensés par une équipe d'agronomes et de technologistes agricoles Cette dimension de services aux producteurs agricoles en région répond à un besoin exprimé par ceux-ci pour la continuité et l'évolution de la production.

Purdel, coopérative agro-alimentaire a toujours joué son rôle de mise en marché, en recevant la production laitière de nos membres, en la transformant et en distribuant une vaste gamme de produits laitiers. Nous constituons, en quelque sorte, le lien entre le producteur et le consommateur.

La Loi sur la mise en marché des produits agricoles a toujours spécifié, par l'article 2, que l'organisation coopérative de la production et de la mise en marché des produits agricoles devrait avoir préséance dans les régions et les secteurs où celle-ci peut répondre efficacement aux besoins. Nous croyons avoir effectivement joué notre rôle jusqu'ici, et ce, au bénéfice tant des producteurs que des consommateurs.

Cependant - et plus particulièrement depuis l'apparition de la convention de mise en marché du lait en 1985 - nous estimons que le plan conjoint a concurrencé l'organisation coopérative que nous avons bâtie par un système d'approvisionnement qui fait en sorte que nous devons fournir un volume de lait de plus en plus important à des entreprises non coopératives, même si ce lait est produit par nos sociétaires. Il en résulte une situation où il est difficile, compte tenu de notre spécificité régionale, de pouvoir concurrencer sur le même pied que les entreprises situées à proximité des marchés. D'ailleurs, nous vous joignons un document de concertation intitulé "L'avenir de la production laitière dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie", issu de réflexions de tous les intervenants du monde agricole de cette région.

Les représentants des UPA régionaux, des syndicats des producteurs de lait régionaux, du MAPAQ de la région 01 et de Purdel, coopérative agro-alimentaire constatent unanimement que la modification des règles du jeu et les contraintes particulières à la production et à la transformation dans notre région nécessitent un réexamen de la mise en marché du lait pour respecter les obligations que nous devons assumer envers nos sociétaires et corriger le déséquilibre économique créé par l'acquisition de la matière première au même coût, à quelque endroit que soit située l'usine de transformation.

Nous nous permettons de joindre en annexe la conclusion d'une étude de Daniel Côté et Martine Vézina, des Hautes Études commerciales, intitulée "La mutation de l'entreprise coopérative: le cas de l'industrie laitière québécoise". À la lecture de cet extrait, on notera qu'il est de première importance de poser les gestes nécessaires pour assurer le maintien de la forme coopérative via la restauration du lien d'usage.

L'article 2 du projet de loi 15 ne rétablit pas, à notre avis, la dégradation de la situation à laquelle nous assistons. Aussi, nous faisons nôtre la proposition du Conseil de la coopération laitière à l'effet de maintenir l'article 2 de la loi actuelle en y ajoutant un troisième paragraphe qui se lit comme suit: "Rien dans l'application de la présente loi ne doit venir en conflit avec les engagements entre un membre et sa coopérative." Nous croyons fermement que la coopération laitière constitue l'outil idéal pour le maintien d'une structure de transformation et de mise en marché respectant les spécificités régionales au Québec.

Nous vous remercions de votre bonne attention. Je demanderais peut-être à mon collègue, M. Trépanier, de vous résumer les annexes qu'on pourra voir.

Le Président (M. Richard): M. Trépanier.

M. Trépanier (Denys): Merci, M. le Président. Mesdames et messieurs, membres de la commission parlementaire, tout simplement, nous voulons vous indiquer que nous avons joint différentes annexes avec notre mémoire à la commission parlementaire. Je voudrais insister plus particulièrement sur une des annexes, qui s'intitule "L'avenir de la production laitière dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie". Vous remarquerez, à la lecture de cette annexe, qu'il s'agit d'un document de concerta-

tion qui a été signé par tous les intervenants en production laitière dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, c'est-à-dire l'Union des producteurs agricoles du Bas-Saint-Laurent, ies deux syndicats des producteurs de lait, celui du Bas-Saint-Laurent et celui de la Gaspésie, le MAPAQ, région 01, ainsi que Purdel, coopérative agro-alimentaire.

Alors, ce document de concertation, qui a été produit à l'automne 1988 - il y a à peu près un an et demi, donc - résume la situation qui se produit dans la production et la transformation laitières dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. On constate qu'effectivement les règles du jeu ont été modifiées depuis 1985, ce qui fait que la situation n'est plus du tout la même. Il y a beaucoup de lait qui part de la région du Bas-Saint-Laurent et ça implique une problématique tout à fait spéciale qu'on ne connaissait pas auparavant, avant l'apparition de la convention de mise en marché.

Mais, malgré tout ça, les intervenants, les signataires de ce document de concertation signalent qu'il y a un certain nombre de contraintes et d'obligations qui sont assumées ou imposées aux entreprises en région, entre guillemets, périphérique, c'est-à-dire, entre autres, le rôle régulateur joué par les coopératives laitières québécoises, en général, et par Purdel, en particulier, sur le marché canadien, et ce, via la production et la commercialisation du beurre, la nécessité socio-économique de maintenir des unités de transformation dans les régions périphériques délaissées par les entreprises non coopératives, ce à quoi M. Théberge faisait référence, ce matin, lorsqu'il était avec le Conseil de la coopération laitière; le maintien d'une capacité de transformation suffisante pour accueillir les pics de production qui constituent une proportion importante des coûts fixes et, finalement, non le moindre, le droit des producteurs agricoles d'exercer leur profession et les obligations de dispenser des services aux producteurs agricoles où qu'ils soient sur leur territoire.

Finalement, les partenaires dans ce document de concertation en arrivaient à la conclusion que l'avenir de l'agriculture, dans la région du Bas-Saint-Laurent - puisqu'on traite de celle-ci plus particulièrement - comme des régions périphériques est lié étroitement à l'avenir de la production laitière ou de ses infrastructures de transformation. À cet égard, les parties convenaient qu'un réexamen de la mise en marché du lait touchant les régions périphériques s'imposait. Il faut établir des conditions permettant la consolidation de la production et de la transformation laitières en région pour maintenir l'économie régionale dont la production laitière est une, sinon la principale composante. Alors, c'est l'intervention que je voulais faire au niveau de l'annexe qui est jointe au mémoire.

Le Président (M. Richard): Merci. Maintenant, je laisserais la parole à M. le ministre délégué à l'Agriculture, M. Middlemiss, député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier les gens de Purdel pour leur présentation aujourd'hui et aussi leur dire que nous les supportons en ce qui concerne l'importance des coopératives dans le développement des régions. C'est très important que les coopératives, en région surtout, puissent continuer d'être présentes. Je pense, comme on le dit toujours, que le passé est garant de l'avenir et que, dans le passé, vous avez démontré que votre présence a permis le développement des régions et vous y tenez encore dans le futur.

Vous avez fait preuve de beaucoup d'initiatives et d'efforts de diversification, dans le passé, et nous sommes confiants que vous allez continuer à le faire dans le futur. On devrait aussi, peut-être, dans un premier temps, vous féliciter de votre nouvelle association avec vos partenaires chez Agropur dans Natrel. Il semble que ça va certainement solutionner un des problèmes qui semblait exister entre Purdel et Agropur dans la mise en marché du lait nature.

Agropur nous indiquait, tout à l'heure, les raisons pour lesquelles elle voulait qu'on change l'article 2; c'est une crainte que les sociétaires ne soient pas obligés de toujours livrer leur lait aux usines de transformation des coopératives et que, depuis 1985, les changements qui ont été apportés ont eu comme effet une perte de quantité de lait, de volume de lait de transformation. Est-ce que, dans votre cas, ç'a été la même chose? Est-ce que vous avez eu une perte de volume dans le domaine de la transformation? Je présume que la transformation, dans votre cas, est faite en région aussi. (18 h 15)

M. Trépanier: Oui, à ce sujet-là, au niveau du lait de transformation en région, si on parle strictement de la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, il est sorti de la région, avant 1985, aux alentours de 2 000 000 de litres de lait par année, selon des ententes spéciales, en période de rareté, avec la Commission canadienne du lait, entre autres. Depuis 1985, les réquisitions pour les classes 3 et 4 ont fait en sorte que, la première année, ç'a été 7 000 000 de litres qui sont sortis et, la dernière année que l'on a connue, ç'a été 31 600 000 litres de lait qui sont sortis de la région.

M. Middlemiss: Donc, vous attribuez ça seulement depuis 1985. Avant 1985, est-ce que la plupart se...

M. Trépanier: C'était pratiquement nul.

M. Middlemiss: D'accord Est ce que le fait, maintenant... C'est vrai que votre association,

maintenant, avec Agropur, c'est seulement dans le lait de transformation.

M. Trépanier: Consommation.

M. Middlemiss: Excusez, le lait nature et non pas le lait de transformation. Est-ce que vous avez des indications que vos membres, vos sociétaires voudraient éliminer, disons, les plans conjoints et qu'ils seraient prêts à dire: Regardez, comme membres sociétaires de notre coopérative, on serait satisfaits d'avoir seulement ça et ça serait notre façon de faire la mise en marché? Est-ce que vous avez une indication de ça ou du contraire?

M. Cassista (Denis): Je pense, M. le ministre, que ce qu'il faut bien distinguer, dans le cadre de votre question et dans le cadre des observations au point de vue des revendications que fait Purdel au nom de la région de l'Est, c'est la dimension suivante. D'abord, je pense qu'il a été réitéré à maintes occasions aujourd'hui que la coopération, notamment la coopérative Purdel, n'est pas contre le plan conjoint, absolument pas. Deuxièmement, je pense qu'il faut bien distinguer qu'en région périphérique la présence d'un nombre important d'industries de transformation n'y est pas et que les coopératives ont pris la place, ont joué le rôle d'industrie de transformation, comme le mentionnait le président, de lien entre le producteur et le transformateur. Donc, dans ce rôle, quand le plan conjoint établit un prix de base reconnu pour tout le monde, la coopérative vient en complément. Donc, protection, défense des droits et intérêts de la profession agricole, d'une certaine façon, en passant par le véhicule économique aussi, d'une part. Et ce que l'on dit, c'est qu'il y a lieu de se préoccuper de la dimension des régions. Là-dessus, je pense qu'on a eu l'occasion d'entendre des commentaires du ministre de l'Agriculture disant qu'on ne déménagerait pas les vaches en ville. Ça nous faisait sourire et ça nous réjouissait à la fois, mais il faut peut-être mettre en place, justement, ce mécanisme, pour faire en sorte que ces instruments qui sont là - et le jour où ils disparaîtront, l'industrie laitière disparaîtra avec, on en a d'autres exemples, dans d'autres secteurs de production agricole - soient en mesure de concurrencer avec d'autres établissements qui se situent dans le marché. La dimension, quand le lait part du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie et qu'il s'en va vers Montréal, transport payé, en produit liquide, crée un déséquilibre économique que les entreprises, en région périphérique - on parle du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, parce qu'on est là pour parler des nôtres, mais on peut parler d'autres - ne sont plus capables de concurrencer. Alors, lorsqu'on a a payer les coûts de transport sur les intrants, les produits énergétiques, etc., lorsqu'on a à assurer, également, la facture pour le produit fini vers le marché de Montréal, évidemment, on tombe en déséquilibre.

Ce mémoire dont on parlait tout à l'heure de concertation régionale reconnaissait facilement un écart d'environ 1,50 $ l'hectolitre de lait. Alors, cet équilibre étant rompu, on dit: On n'est plus en mesure de le faire. Quand on parte de spécificité, on reconnaît également qu'il est probablement moins facile, en région périphérique, de produire des produits de très haute spécialité qui doivent être dirigés dans le marché à la caisse ou aux dix caisses, à la palette ou peu importe, mais on pense également que, dans le modèle de l'industrie laitière québécoise, il y a de la place pour des industries de transformation qui pourraient manufacturer des produits qui sont des biens de consommation, également, à plus haut régime, comme le beurre, le fromage cheddard, les Brick, les Colby, etc., qu'elles pourraient acheminer vers les marchés avec des coûts de transport réduits, puisqu'on peut les acheminer à plein cargo. Mais ce qu'on veut vraiment faire ressortir, c'est le déséquilibre économique qui existe actuellement qui fait que les régions périphériques ne pourront pas s'en sortir autrement, à moins que ça ne soit rétabli. Par contre, c'est ce qui semble, actuellement, selon les dernières annonces, avoir été accepté au niveau de la fédération, etc., et qui pourrait prendre place éventuellement, nous dit-on.

M. Middlemiss: En terminant, tout ce que je pourrais dire, c'est qu'on appuie certainement vos efforts de concentration et de regroupement. On appuie vos efforts et on espère que, dans un avenir assez rapproché, on pourra régler ces différends et que les efforts et les énergies pourront être dépensés à se préparer à faire face à la concurrence qu'on va avoir de l'extérieur. Sur ce, je vous dis merci beaucoup.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Oui, M. le Président, il me fait plaisir de saluer les représentants de Purdel. Je ne voudrais pas être en conflit d'intérêts, mais je voudrais saluer mes directeurs, mes administrateurs...

Une voix: Change de place. Ha, ha, ha!

M. Houde: II faudrait demander au député d'Arthabaska s'il voit une certaine objection à...

M. Baril: Je n'ai aucune objection. M. Houde: Parfait, d'accord.

M. Baril: De toute façon, le cas de l'entreprise Purdel et la situation géographique aussi des usines de Purdel, avec ceux qui sont passés avant nous, je pense qu'il n'est pas tout à fait

le même. Je ne dirais pas que ce sont des cas particuliers, mais Purdel est beaucoup plus en région éloignée, si on peut dire, et Agropur est plutôt centrée. C'est sur cet aspect-là que je vais plutôt élaborer. Je pense que vous me permettrez de ne pas rediscuter de l'article 2; vous étiez présents tout à l'heure, alors vous connaissez mon point de vue. Je pense qu'on n'a peut-être pas vidé le sujet, mais y revenir serait de la redondance. Je vais plutôt parler de la situation géographique des usines de Purdel. tout te monde reconnaît l'importance - je lisais votre mémoire, à la fin, je lisais rapidement - pour les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, de l'industrie laitière en région et les coûts engendrés, même s'il y a des indemnisations qui sont payées pour transporter un gros pourcentage d'eau, on peut dire, parce que, dans du lait transporté à l'état brut, il y a un gros pourcentage d'eau et ça ne donne pas grand-chose de transporter ça plus loin. Comment expliquez-vous le fait que, quand les conventions de vente ont été signées, il y ait eu des ententes à savoir que, lorsqu'une laiterie serait obligée de diriger du lait à une autre, il y aurait une indemnisation qui lui serait remboursée? Cette année, je pense que - mes chiffres ne sont plus à date - c'était 3,80 $ ou 4 $ l'hectolitre, 3,15 $.4,15 $...

Une voix: 4,15 $.

M. Baril: 4,15 $, en tout cas, je n'étais pas loin. actuellement, elle est à 4,15 $. cette indemnisation était censée être utilisée pour essayer d'améliorer ou de moderniser l'entreprise pour être capable de diversifier sa transformation. est-ce bien ça ou si on m'a induit en erreur là-dessus?

M. Cassista: Je ne pense pas que les 4,15 $ qui ont pris place soient une indemnisation pour compenser ou pour permettre de mettre en place des outils pour faire autre chose. Je pense qu'ils ont été mis là, à ce moment-là, parce qu'on disait - et là on avait mis des chiffres qui étaient relativement bas - qu'avec 50 000 000 de litres de lait on en aurait suffisamment pour compenser les demandes, etc. C'était pour tenir compte, justement... Lorsqu'on a atteint, dans l'industrie, le point mort de rentabilité, les hectolitres ou d'autres produits manufacturiers, les unités qu'on produit en sus de ça sont vraiment plus payantes. Donc, c'était pour compenser la perte, si vous voulez, manufacturière ou le manque à gagner qui était subi par l'une ou l'autre des entreprises à ce stade-là. Mais le volume a été tel que... Et, avec, justement, le déséquilibre économique, les régions périphériques peuvent difficilement réinvestir pour faire la transformation de base qu'elles faisaient et développer de nouveaux produits pour arriver sur un marché concurrentiel, là où il y a des grandes concentrations de marchés, donc de consommateurs, avec des outils en place parce que la matière première est rendue dans ces grands marchés au même prix qu'elle coûte en Gaspésie ou ailleurs.

M. Baril: Mais la raison exacte qui fait que les régions se voient vidées de leur lait, on dit que c'est parce que les usines, en région, sont concentrées sur la fabrication de beurre et de poudre, entre autres, tout en reconnaissant qu'il faut qu'il s'en produise quelque part, du beurre et de la poudre. Mais si, d'ailleurs, vous en faites mention, à la fin de votre mémoire - ce n'est pas le mémoire, là, je ne sais pas comment vous appelez ça, des ajouts...

M. Théberge: Des annexes...

M. Baril: ...des annexes - il y avait des politiques d'aide aux entreprises éloignées pour les aider à moderniser leur équipement pour être capables de s'adapter au marché d'aujourd'hui, si on prend ça en considération, là, est-ce que - il y a le marché d'aujourd'hui qui nous parie - tout en tenant compte de la situation géographique, ces laiteries-là, il y a de la place pour eux autres, pour modifier, changer, transformer d'autres produits que ceux qu'elles font actuellement, pour être capables de l'atteindre, le marché? Y a-t-il des possibilités, là?

M. Cassista: Définitivement. Il y a définitivement de la place, sauf qu'il faut quand même se référer au volume produit dans ces régions-là. Si on regarde, par exemple, le dernier producteur qu'on va chercher en Gaspésie, versus le dernier qu'on va chercher à l'ouest, dans le Témiscouata, il existe quand même 350 kilomètres de distance entre les deux. Alors, il faut quand même, je pense, maintenir aussi une infrastructure pour répondre à ces besoins-là et vous avez un volume qui se situe à plus ou moins 150 000 000, 160 000 000 de litres. Donc, vous avez vos infrastructures actuelles à supporter et, si vous investissez pour développer de nouveaux produits et que vous partez avec un déséquilibre de 1 $ ou 1,50 $ l'hectolitre de lait, en termes de mise en marché, c'est là qu'on dit que le déséquilibre économique est rompu.

Avant 1985, on n'a pas entendu trop souvent les industries en périphérie se lamenter. Je pense qu'on était en mesure de concurrencer et c'est un peu rêver en couleur aussi de croire que les industries en périphérie pourraient ou pourront avoir une gamme de produits manufacturés qui soient vraiment dans la ligne, si vous voulez, de ce qu'on appelle la très haute spécialisation, des produits qui sont livrés en petite quantité, etc., etc., vers les marchés, parce qu'avoir une infrastructure industrielle dans la région du Bas-Saint-Laurent, avoir une infrastructure de vente, de support, de distribution

dans les centres de consommation et faire voyager un produit frais tous les jours par, comme on dit dans les termes du langage du transport, palette ou ces choses-là à 15 $ le cent kilos, versus un produit en vanne complète à 1,25 $ ou 1,50 $, évidemment, on est en déséquilibre économique. Alors, il y a une situation particulière et ce qui est revendiqué, c'est que, fondamentalement, on puisse maintenir une industrie et qu'on essaie de découvrir ses caractéristiques, ce qu'on a appelé la spécificité, de façon qu'il reste un outil industriel pour faire en sorte que véritablement la production laitière en région soit protégée et qu'effectivement on économise aussi des frais de transport, des frais de distribution.

On admet, je pense, sans réserve - en tout cas, même s'il y a quelques embûches - que le modèle organisationnel traditionnel ne peut plus exister, qu'il y a une mutation et qu'il doit se modifier. Je pense que c'est reconnu, à l'heure actuelle. Ce modèle se modifiant vers une structure d'une plus grande concentration, à l'exemple de ce dont on parle actuellement, les regroupements, va justement faire en sorte qu'on va pouvoir donner, d'une certaine façon, entre guillemets, à une région un rôle, une responsabilité qui va lui permettre d'être manufacturière d'un produit à très haut rendement sur un pied d'égalité avec une entreprise qui serait plus près des marchés, qui ferait des produits frais. Et, quand on regarde la formule coopérative d'un homme, un vote, un investissement, sur la base de ce dont on parlait, effectivement, on arriverait justement à aller chercher cette contribution additionnelle que le producteur québécois peut aller chercher, étant propriétaire d'outils qui sont des outils de propriété coopérative.

Donc, il y a, je pense, la reconnaissance et la valeur de ces outils comme intérêt économique pour défendre les droits du producteur. Le système qui est mis en place permet justement d'aller maximiser ou d'aller chercher au maximum les gains d'efficacité qui pourraient être gagnés dans le regroupement. Comme on le dit encore, la formule traditionnelle, avec ce que l'on vit - on est à l'ère de l'an 2000, on appelle ça le libre-échange, on appelle ça le GATT, on appelle ça des entreprises à milliards, on appelle ça des "majors", en tout cas, peu importent les termes - je pense que c'est reconnu aujourd'hui, c'est admis... Que ce soit reconnu dans la loi, je pense que c'est important aussi pour sécuriser, d'une certaine façon, ces entreprises ou ces producteurs qui sont en région. (18 h 30)

M. Baril: Sur le territoire du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, êtes-vous les seules, je vais dire, coopératives? Est-ce qu'il y a des entreprises laitières privées?

M. Cassista: C'est la seule. La seule entre- prise laitière qui existe actuellement, c'est la propriété de Purdel, Purdel ou, évidemment, vous avez maintenant Natrel, parce qu'il y a une laiterie de lait de consommation.

M. Baril: Un nouveau-né. M. Cassista: Oui.

M. Baril: Oui. Vous n'abordez pas la question dans votre mémoire, mais j'aimerais ça connaître votre opinion, à vous, sur le droit d'appel. Dans le projet de loi actuellement, on enlève le droit d'appel au Conseil des ministres et on ne parle pas d'autres droits d'appel. Êtes-vous d'accord avec ça ou bien si...

M. Cassista: Quand on regarde, en fait, je ne veux pas lever de longs débats là-dessus, mais on trouve ça un peu difficile que le processus s'arrête immédiatement après la Régie qui souvent est, en fait, juge et partie dans un bon nombre de décisions. Elle agit pour la détermination du prix au producteur, du prix au consommateur et elle arbitre. S'il en est décidé ainsi, évidemment, j'imagine qu'il va y avoir des possibilités, si une entreprise, des entreprises ou un groupe de personnes se trouvent vraiment lésées, préjudiciées, d'aller ailleurs dans le processus, c'est-à-dire devant les tribunaux civils, mais on pense, en tout cas, qu'il y a peut-être lieu d'avoir une autre autorité qui, vraiment, pourrait venir trancher sur une base définitive si, vraiment, il y a un litige sérieux.

On parle, évidemment et historiquement, depuis 1985, de toutes les tergiversations qui ont pris place mais, évidemment, on est dans une situation non admise. Je pense que c'est important de comprendre cette dimension-là. Depuis 1985, au niveau des coopératives, on est dans une situation non admise dans tout le processus de négociation. On a eu bien plus de documents visant à s'entendre pour s'entendre, pour essayer justement de voir si, dans tout le processus, si, avec tous les échanges, si, avec toutes les discussions, les tractations, on ne réussirait pas, par le mécanisme de la négociation, à trouver une formule qui satisferait les préoccupations, les exigences fondées, les demandes fondées des producteurs-sociétaires propriétaires des coopératives. Ça, ça n'a jamais, malheureusement, jusqu'à maintenant, trouvé réponse parce que... Vous regardez les décisions, vous avez des mémoires, comme je le dis, visant à s'entendre pour s'entendre. Les décisions ont été imposées plutôt que signées, etc. Donc, il y a un malaise qui perdure depuis ce temps-là. Alors, c'est peut-être important, à un moment donné, que, de façon que ça ne perdure pas ad vitam aeternam, il y ait une possibilité qu'on liquide une situation à un moment donné.

M. Baril: Si vous aviez un choix à faire

entre un droit d'appel au ministre, comme ce qu'on connaît présentement dans la Loi sur la mise en marché, et un droit d'appel face à un, je vais l'appeler, tribunal d'appel, comme on voit dans d'autres régies - lorsqu'une régie rend une décision, tu peux aller en appel au tribunal d'appel - lequel préféreriez-vous?

M. Cassista: Si vous me posiez des questions d'ordre administratif, comptable, sur la production, etc., je me sentirais assez habile. Quant à celle-là, évidemment, ma formation juridique m'oblige à décliner, si vous voulez, la réponse à votre question. Je ne me sens vraiment pas habilité, disons, à savoir exactement, là, quel devrait être le véhicule idéal pour disposer de cette question.

Le Président (M. Richard): Mais parmi vos collègues...

M. Cassista: Les deux.

M. Baril: Vos collègues ont droit de parole aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Richard): Parmi vos collègues, qui ne sont pas tous avocats, je ne dirais pas heureusement mais pas nécessairement...

M. Baril: Non, écoutez, je ne vais pas... Je ne forcerai pas plus, hein!

Pour ce qui est de moi, je vais vous remercier, encore une fois, d'avoir présenté votre mémoire. Il était très simple, mais très clair en même temps. De ma part, en tout cas, je vais vous encourager du mieux possible à continuer en région et j'inviterais le ministre à porter une attention spéciale aux dernières pages de votre document où on mentionne que, si, possiblement, il y avait une aide gouvernementale pour aider les entreprises en région à se moderniser, à transformer leur production, ce serait sans doute bénéfique. Moi, j'endosse ça à 100 % à cause de la spécificité des régions. Je pense que, si on veut garder un Québec prospère un peu partout, garder notre monde dans les régions pour les faire travailler où ils sont, c'est capital pour l'avenir. Ça ne donne rien, on l'a vu dans le passé d'ailleurs, ça ne donne rien de fermer les régions et emmener le monde en ville qui ne sait pas quoi faire. Quelqu'un qui est venu au monde dans son coin, qui a développé son coin, c'est ça qui a fait la force et qui fera, j'espère, la force de l'économie du Québec dans le futur.

Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre pour un commentaire final.

M. Middlemiss: Juste un commentaire. On semblait indiquer que la Régie était juge et partie et je ne sais pas si on faisait référence dans le domaine du prix du lait nature. Si c'est ça le cas, ce n'est pas la même loi. Dans cette loi-ci, la Régie n'est pas, n'est jamais juge et partie dans ces choses-là.

M. Cassista: Si vous me permettez, M. le ministre, je voudrais... Je vais prendre un exemple, si vous avez une décision qui est rendue par la Régie et qu'elle ne satisfait pas l'une ou l'autre des parties, ou la majorité des parties, qu'on revient devant la Régie, c'est peut-être difficile pour elle de revenir sur sa position, si elle a donné un jugement, alors que, dans un premier temps, elle s'est prononcée d'une façon. Alors est-ce qu'elle se trouverait dans une situation pour se faire dire: Bien, elle joue de la girouette ou effectivement... C'est un peu ça, je pense, qu'on voulait faire ressortir. Et dans le cas du lait nature c'est peut-être un petit peu plus vrai.

M. Middlemiss: Dans le sens d'avoir un tribunal d'appel dans le cas d'une décision.

M. Cassista: C'est ça.

M. Middlemiss: O. K. d'accord. En tout cas en terminant je vous remercie. Espérons que les choses vont toutes se régler et que, avec la nouvelle loi, on va continuer à développer les régions et que les sociétaires des coopératives vont être heureux de leur coopérative et aussi de leur plan de mise en marché de leur produit. Bonjour.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. Nous demandons à l'Association des transporteurs de lait du Québec de se présenter à la table.

Alors, mesdames, messieurs, si vous le permettez, nous recevons l'Association des transporteurs de lait du Québec. M. Lemire, je pense que vous vous présentez et qui vous présentez vos collègues. Alors, vous avez la parole.

Association des transporteurs de lait du Québec

M. Lemire (Clovis): Oui. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, mon nom est Clovis Lemire; je suis président de l'Association des transporteurs de lait du Québec. À ma gauche, Gérald Pelletier, vice-président de l'Association; à ma droite, Marcel Beaudry, directeur général de l'Association, et Karl Delwaide, conseiller juridique.

Le Président (M. Richard): Vous avez la parole, M. Lemire.

M. Lemire (Clovis): Avant de vous faire

connaître les améliorations souhaitées par notre Association au projet de loi 15 sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires, j'aimerais vous entretenir brièvement sur l'organisme dont je suis le président. L'Association des transporteurs de lait du Québec est constituée en corporation selon la Loi sur les syndicats professionnels depuis 1950. Notre objectif est de regrouper toutes les entreprises et les personnes qui effectuent le transport du lait et des produits laitiers, particulièrement entre les fermes des producteurs de lait de la province et les établissements laitiers auxquels le lait est destiné, et d'agir à tous égards comme leur représentant. Notre Association est accréditée par la Régie des marchés agricoles du Québec pour représenter, à peu d'exceptions près, tous les transporteurs de lait assurant le transport du lait des fermes des producteurs de lait aux établissements laitiers partout au Québec, et dont 94 % ont adhéré volontairement comme membres actifs de l'Association. Les 181 transporteurs, représentés par l'Association, utilisent 437 des 486 camions et citernes requis pour le transport, dont la valeur de remplacement excède 61 000 000 $. Environ 630 personnes sont employées pour effectuer ce transport qui doit avoir lieu quotidiennement, sept jours par semaine, partout au Québec.

Pour continuer, j'inviterais notre directeur général, M. Marcel Beaudry, à vous faire connaître nos revendications sur le projet de loi à l'étude. Merci.

Le Président (M. Richard): Merci, M. Lemire. M. Beaudry.

M. Beaudry (Marcel): M. le Président, mesdames, messieurs, j'aimerais pour commencer remercier la commission de nous permettre la possibilité de vous faire part de nos revendications. J'aimerais ajouter aux propos qui ont été tenus par notre président que nous oeuvrons dans le cadre des plans conjoints depuis la mise en vigueur du premier plan conjoint relatif à l'industrie laitière dans les années soixante pour la région de Montréal, et que nous croyons avoir fait la preuve du sérieux de notre approche et de la qualité des services que nos membres rendent aux producteurs. Aussi, je me permets d'indiquer à la commission que nous endossons le système des plans conjoints tel que conçu et appliqué dans la mise en marché du lait en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

Lorsqu'on fait référence aux intervenants dans l'industrie laitière, il ne faudrait pas oublier l'Association des transporteurs de lait. Après tout, ce sont nos membres qui transportent le lait des producteurs aux établissements laitiers, que ce soit du lait de sociétaires de coopératives ou du lait de non-sociétaires. Ce qui nous importe, c'est la protection de nos membres.

Ainsi, le but recherché par nos représentations devant vous est l'amélioration des mécanismes de représentation et l'amélioration des mécanismes de négociation collective reconnus et mis en place dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles.

Premièrement, on a la portée d'une accréditation accordée par la Régie. Ici, on fait référence à l'article 77 du projet de loi. Le texte proposé de cet article 77 semble plutôt restreint; notamment dans la façon dont le troisième alinéa est rédigé, il semble ne pas tenir compte du rôle véritablement plus large joué par les associations accréditées suite à l'obtention d'une accréditation. Les activités d'une association accréditée englobent non seulement les cas de négociations avec l'office et de conciliation ou d'arbitrage découlant de ces négociations, mais aussi toutes les activités de représentation devant la Régie et ce, sur toutes les questions intéressant l'Association, soit les règlements de l'office, les règlements que la Régie peut établir ou les conventions entre l'office et des tiers. Dans les faits, l'Association est toujours intervenue devant la Régie sur ces questions et il a toujours été possible, pour elle, de faire ses représentations. D'ailleurs, on vous le précisera plus loin lorsque nous traiterons de l'article 81 du projet de loi. Il importerait donc de consacrer cet état de fait dans le texte législatif, de façon à éviter une interprétation restrictive du fait de l'adoption d'une nouvelle loi. C'est pourquoi nous vous demandons de modifier le dernier alinéa de l'article 77 de la façon qui vous est indiquée dans le mémoire qu'on vous a présenté, à la page 2, en disant: "Cette association ou ce regroupement représente alors tous les intéressés pour les fins de négociation et d'entente avec l'office ou, selon le cas, de conciliation ou d'arbitrage, et pour toutes autres fins du plan conjoint ou de la présente loi."

Le deuxième point que nous voulons faire ressortir est l'importance de consacrer l'obligation de négocier avec l'office et de prévoir la possibilité de négociations multipartrr.es. L'article 81 du projet de loi tel que libellé donne discrétion à l'office de déterminer quelles personnes ou sociétés engagées dans la mise en marché d'un produit auront l'obligation de négocier avec lui les conditions de mise en marché. L'article 28 de la loi actuelle ne comporte pas cet élément discrétionnaire et impose à toute personne l'obligation de négocier avec l'office. La situation actuelle des négociations obligatoires avec l'office est préférable à celle proposée dans le projet de loi. L'article 28 de la loi actuelle a le mérite d'imposer à tous les intéressés des obligations claires. La discrétion absolue conférée par le projet de loi à l'office nous semble source de confusion en plus d'être incompatible avec les pouvoirs délégués que le législateur confie à l'office en la matière. (18 h 45)

L'Association suggère donc, dans un premier temps, que la discrétion que l'on propose d'accorder a l'office soit retranchée et qu'on en revienne à imposer d'une façon claire et nette l'obligation de négocier avec l'office. C'est, d'ailleurs, ce que nous suggérons au premier paragraphe de l'article 81 que vous trouvez dans notre mémoire à la page 3 et qui se lirait comme suit: Toute personne ou société engagée dans la mise en marché d'un produit visé par un plan est tenue de négocier avec l'office ou avec son agent de négociation toutes conditions et modalités de production et de mise en marché de ce produit."

Pour ce qui est du deuxième paragraphe que nous vous suggérons, on dit que, pour assurer une uniformité et une efficacité plus grande dans la mise en marché d'un produit agricole, il importerait que l'article 81 consacre la possibilité de négociations multipartites. En l'absence de cette possibilité de négociations multipartites, l'office doit négocier séparément avec chacun des intervenants du milieu et doit tenter d'obtenir avec l'un et l'autre des conditions semblables de mise en marché, ce qui amène quelquefois des conditions différentes de mise en marché selon la convention conclue par l'office avec l'un ou l'autre des intervenants. Afin d'éviter cet imbroglio, 9 importerait de reconnaître à l'office le droit d'exiger que des négociations relatives à la mise en marché d'un produit s'effectuent à une table centrale où toute personne engagée dans la mise en marché d'un produit aurait l'obligation de négocier. On pourrait ainsi uniformiser les conditions de mise en marché à une même table en présence de tous les intervenants.

On a d'ailleurs procédé de cette façon lors du protocole d'entente intervenu en juin 1987 entre la Fédération des producteurs de lait, la Coopérative fédérée de Québec, le Syndicat des producteurs de lait et l'Association. On a tenté par cette entente d'assainir et de rationaliser le transport du lait au Québec. Même s'il n'y a pas eu de règlement par la suite, ce mode de négociation a tout de même permis de s'entendre sur plusieurs points sauf sur ceux qui sont source de litige depuis plusieurs années et qui ont trait au contrôle du lait.

C'est pourquoi l'on vous suggère le deuxième paragraphe de l'article 81, qui est également à la page 3 du mémoire et qui se lirait: "À la demande de l'office, toute personne ou société engagée dans la mise en marché d'un produit visé par un plan, ou le regroupement coopératif ou l'association accrédité qui la représente, est tenue de négocier avec l'office et tout autre regroupement ou association accrédité ou toute personne ou société engagée dans la mise en marché du produit visé par le plan, toutes les conditions ou modalités de production et de mise en marché de ce produit."

Quant à l'article 79, qui était un autre des articles auxquels on a fait référence dans le mémoire, on va être assez brefs sur ce sujet, étant donné qu'autant l'Association des manufacturiers de produits alimentaires que le Conseil de l'industrie laitière vous ont indiqué que le financement des associations accréditées ne devait pas être limité seulement aux associations faisant partie d'une chambre de coordination et de développement. Il ne faut pas laisser le financement des associations à la merci des autres intervenants qui refuseraient de participer à une chambre de coordination. L'étendue du plan conjoint et des problèmes complexes auxquels on doit faire face devraient vous convaincre de retenir notre recommandation et de rayer cette disposition de l'article 79 qui a trait a la spécification concernant le fait de faire partie d'une chambre de coordination et de développement.

Nous espérons que ces remarques, qui viennent de vous être soumises au nom de l'Association, pourront vous aider à mieux comprendre notre perception des améliorations souhaitées et nous vous remercions de l'opportunité que vous nous avez donnée de les faire.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. M. le ministre.

M. Middlemiss: M. le président Lemire et vos collègues, on vous remercie des aspects positifs de votre présentation. Nous sommes heureux de voir qu'on travaille dans le sens de vouloir régler et améliorer la situation. Pour revenir plus spécifiquement à l'article 77, il semble que l'accréditation pour des fins de négociation et d'arbitrage vous semble suffisante. Toutefois, vous trouvez que, pour d'autres fins, il serait préférable d'élargir ou de trouver une autre façon d'accorder l'accréditation. Est-ce que vous ne trouvez pas un peu dangereux d'étendre de telle façon l'accréditation de l'association? Plus exactement, quelle serait la fin de cette demande?

M. Beaudry: Comme on vous l'a expliqué tantôt, c'est qu'avec les années la Régie nous a permis de faire des représentations au nom des transporteurs, autant sur des règlements que la Régie pouvait donner, autant également sur des questions de permis ou de convention de mise en marché. On a déjà fait des représentations et, si on modifie tout le texte de la loi, on peut se demander si le législateur a voulu garder ou faire disparaître cette possibilité-là. C'est dans ce contexte-là. Si on fait une refonte de la loi au complet, on demanderait que ce droit-là de l'association, qui a été reconnu depuis plusieurs années, soit éclairci dans ce contexte-là.

M. Middlemiss: Mais, présentement, il n'est pas nécessaire pour une association d'avoir une accréditation pour faire des représentations à la

Régie? Présentement?

M. Beaudry: C'est parce que, depuis nombre d'années, dans le contexte de la loi actuelle, ça a toujours été autorisé par la Régie.

M. Middlemiss: Est-ce que l'accréditation n'est pas surtout utile pour lier les personnes visées, pour établir des conditions de mise en marché? C'est ça que le projet de loi prévoit.

M. Beaudry: le projet de loi prévoit que l'association peut faire des représentations au niveau de la régie concernant seulement des ententes avec l'office, la conciliation et l'arbitrage.

M. Middlemiss: concernant l'article 79, maintenant, le ministre de l'agriculture, m. pagé, c déjà annoncé la semaine dernière qu'il était prêt à considérer d'amender le projet de loi pour donner suite à une demande similaire venant d'autres associations afin qu'elles puissent percevoir des contributions obligatoires des entreprises visées par l'accréditation. donc, " ça répond un peu; la semaine dernière, c'était à l'étude, dans le sens qu'il pourrait y apporter des changements pour couvrir la situation que vous évoquez.

M. Pagé: Pour mon bénéfice... Je m'excuse, M. le Président. Mon collègue a dû amorcer l'analyse du dossier, comme il l'a fait de façon tout à fait pertinente tantôt avec Purdel, parce que j'étais au caucus des députés comme leader du gouvernement. Vous me permettrez cependant une seule question: Est-ce que vous avez des problèmes à ce niveau-là?

M. Beaudry: Comme on l'a dit tantôt, c'est qu'actuellement la Régie nous permet de faire ces représentations-là, dans le contexte de la loi actuelle. On se dit, nous: Si on fait une refonte complète de la loi, est-ce que ça va être la même perception des autres parties? Si c'était clair pour nous, ça nous rassurerait.

M. Pagé: Sauf que l'accréditation réfère au droit de prélever des cotisations et tout ça aussi?

M. Beaudry: Est-ce que vous parlez, à ce moment-là, M. le ministre, de l'article 77 ou 79?

M. Pagé: L'article 77. La demande de la semaine dernière, c'était ça. Est-ce que le commentaire que vous nous formulez aujourd'hui, la requête que vous nous déposez se réfère au problème de membership, comme ça a été le cas dans d'autres groupes? Exemple concret: le Conseil de l'industrie laitière représente l'industrie privée au Québec et il y a des gens qui ne paient pas leur contribution au Conseil de l'industrie laitière. Ils sont dans la "waguine" en arrière; ils ne paient rien, eux autres, et ils en bénéficient. Moi, je suis d'accord avec le fait que ces gens-là, parce qu'ils assument une représentation auprès de ces clientèles, payent et que tout le monde paie sa cotisation. Est-ce que c'est ça le problème auquel vous vous référez? Je m'excuse.

M. Beaudry: Ça c'est une partie du problème.

M. Pagé: Bon. L'autre partie. Sur celle-là, vous connaissez notre position. L'autre partie maintenant.

M. Beaudry: L'autre partie, c'est qu'on veut éviter, comme on vous l'a souligné tantôt, vu que c'est dans un contexte où il y a une refonte complète de la loi, que les autres parties ne puissent dire: Vous le faisiez auparavant, c'était peut-être permis; maintenant, on change la loi, le législateur n'en tient plus compte, donc ça va être restrictif. Si vous pensez que ça ne sera pas restrictif, à ce moment-là...

M. Pagé: On peut vous sécuriser. Ce n'est pas du tout ça l'intention du législateur.

M. Beaudry: Je peux peut-être laisser parler M. Delwaide.

M. Delwaide (Karl): Uniquement une précision pour vous signaler que, si les tribunaux partagent la conviction du législateur, ça ne pose pas de problème pour nous. La demande que nous faisons quant à l'article 77, c'est pour éviter que les tribunaux ou la Régie ne partagent pas cette intention que nous souhaitons voir tout simplement confirmer. En fait...

M. Pagé: Vous comprenez avec moi que n'importe quel groupe, entité, association ou personne physique même peut faire des représentations auprès de la Régie. On n'a pas besoin d'être accrédité à cet égard. Vous demandez, vous, une accréditation. C'est ça?

M. Delwaide: Non, non.

M. Beaudry: Ce qu'on veut dire, M. le ministre, c'est que, avec l'accréditation, on a le droit de représenter les transporteurs à tous égards, en vertu du plan conjoint, avec l'office, et de faire des représentations à la Régie, non pas au nom de chaque individu, mais au nom du groupement, lorsqu'il y aura soit des règlements, soit des conventions de mise en marché. On est déjà intervenu et on veut avoir le droit de le faire à l'avenir aussi.

M. Pagé: II ne vous est pas enlevé par le projet de loi.

M. Beaudry: Si c'est votre interprétation que ce n'est pas restrictif, à ce moment-là, il n'y a pas de problème.

M. Pagé: On va voir ça. On note vos commentaires. Nous, notre intention, autour de cette table, pour l'ensemble des députés, c'est que le texte reflète bien ce qu'on veut, premièrement, et, deuxièmement, qu'on ait le moins d'ambiguïté susceptible de naître comme suite de la lecture de ce texte-là, une fois adopté. On va regarder ça avec nos conseillers ici et on va voir si on peut vous sécuriser à cet égard-là. On ne demande pas mieux. Il y en assez qui sont insécurisés dans le monde du lait qu'il faudrait que les transporteurs soient sécurisés. Ça vous va?

M. Beaudry: Ça me va. Dans ce sens-là, O. K. Mais il y a quand même la possibilité, au niveau de l'article 81, d'inclure des négociations multipartites. D'après nous, c'est une notion qui est importante.

Le Président (M. Richard): M. le député d'Art habaska.

M. Baril: Oui, une question uniquement informelle. À la page 1 de votre mémoire, vous faites mention que votre Association représente, "à peu d'exceptions près, tous les transporteurs de lait". Ce sont lesquels qu'elle représente? Quel est le plus court à dire, ceux qu'elle ne représente pas ou ceux qu'elle représente?

M. Beaudry: Ceux que l'Association ne représente pas, ce sont les coopératives laitières ou filiales d'entreprises laitières qui effectuent elles-mêmes leur transport, avec leurs employés. Dans les faits, les entreprises laitières qui effectuent le transport avec leurs propres employés, incluant le syndicat de Québec qui est une autre exception, ça peut représenter à peu près sept transporteurs.

M. Baril: Sept transporteurs? M. Beaudry: Oui.

M. Baril: Quand on dit que les coopératives, des fois, font affaire avec un transporteur privé, lui, il se trouve à être membre de votre Association?

M. Beaudry: C'est-à-dire que les transporteurs qui vont livrer du lait aux coopératives, ce sont des transporteurs qui détiennent, selon un autre règlement, un permis qu'on qualifie de forfaitaire. Même ces transporteurs sont membres chez nous. On représente actuellement 94 % des transporteurs qui font du ramassage de lait, qu'on peut représenter. Là-dessus, ça inclut évidemment tous les transporteurs qui sont dans des coopératives.

M. Baril: C'est bien. Je pense que le reste du mémoire est assez clair. De l'autre côté de la table, on a posé les questions qu'il fallait, je pense. Je vous remercie d'être venus nous présenter votre opinion sur le projet de loi de la mise en marché.

Le Président (M. Richard): Merci, M. le député d'Arthabaska. M. le ministre, vous avez un commentaire final?

M. Pagé: Je voudrais remercier les représentants des transporteurs. Merci beaucoup. Votre mémoire est reçu, il a été lu et on va tenter de donner suite à vos inquiétudes, non pas pour les entretenir, mais pour les écarter. Continuez à bien faire ça.

Le Président (M. Richard): Merci, messieurs. Avant l'ajournement de nos travaux, j'aimerais préciser que demain, salle Lafontaine, nous avons trois groupes à recevoir. À 11 heures, nous rencontrons la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec, à midi, l'Alliance des pêcheurs commerciaux du Québec et, après les affaires courantes, vers 16 h 15, l'Association québécoise de l'industrie de la pêche.

Sur ce, merci, bonne fin de journée.

M. Pagé: m. le président, on commence à 11 heures, on ajourne à midi.

Le Président (M. Richard): À midi et nous recommençons après les affaires courantes.

M. Pagé: À 15 heures.

Le Président (M. Richard): À 16 heure effectivement, parce que demain, c'est de 15 heures à 16 heures.

M. Pagé: On a un seul mémoire demain matin, on ne passera pas...

Une voix: Deux. M. Pagé: Deux.

Le Président (M. Richard): Nous avons deux mémoires demain matin.

M. Pagé: O. K. il va en rester un après, de 16 heures à 17 heures. je vais pouvoir aller au conseil des ministres.

Le Président (M. Richard): C'est exact. Sur ce, merci et nous ajournons les travaux.

(Fin de la séance à 19 h 2)

Document(s) associé(s) à la séance