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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 8 avril 1997 - Vol. 35 N° 17

Consultations particulières sur la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Yvon Vallières, président
M. Michel Morin
M. Robert Benoit
Mme Cécile Vermette
M. André Chenail
M. Léandre Dion
* M. Pierre Rinfret, Convention Saint-Valentin
* M. André Barrière, idem
* M. Guy Patenaude, idem
* M. Louis Beauclair, idem
* M. Pierre Gosselin, Comité de santé environnementale des DSC du Québec
* M. Benoît Gingras, Direction de la santé publique Chaudière-Appalaches
* M. Denis Lesieur, CNETE
* Mme Madeleine Tétrault, idem
* M. Claude Lamontagne, idem
* M. Alain Boisvert, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures seize minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation entreprend ses travaux. La séance d'aujourd'hui, comme vous savez, comporte un mandat, par ordre de la Chambre, de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole dans le cadre de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles .

Alors, à ce moment-ci, je demanderais à M. le secrétaire s'il y a des remplacements d'annoncés.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Brière (Rousseau) est remplacé par Mme Robert (Deux-Montagnes); Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata) est remplacée par M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine); M. Lachance (Bellechasse) est remplacé par M. Laprise (Roberval); M. Lafrenière (Gatineau) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon); et M. Paradis (Brome-Missisquoi) est remplacé par Mme Houda-Pepin (La Pinière).

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, vous me permettrez, à ce moment-ci, d'entrée de jeu, de vous indiquer que l'UMRCQ, l'Union des municipalités régionales de comté du Québec s'est désistée pour la journée d'aujourd'hui, ce qui fait que ça devrait écourter notre avant-midi, à tout le moins, par rapport aux travaux qui étaient prévus, et l'UMRCQ a été déplacée au jeudi de la présente semaine, à 15 heures.

Vous me permettrez, peut-être avant de donner la parole – on a convenu d'une période de remarques préliminaires d'environ 45 minutes – aux autres intervenants, de situer un peu les travaux de cette commission.

On se souviendra qu'en juin 1995 le ministre de l'Agriculture déposait à l'Assemblée nationale un avant-projet de loi, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection et le développement durable des activités agricoles, et que, sur ordre du leader du gouvernement, en juin 1995, cette commission devait procéder à une consultation générale à compter du 21 août.

Le 23 août, il y a eu report des auditions qui étaient prévues pour le 30 août et le 1er septembre à cause du déclenchement du référendum. En novembre, les 21 et 22 novembre, il y a eu reprise des auditions publiques. Au total, quelque 18 organismes et cinq personnes ont été entendus lors des trois jours d'auditions. En mai 1996, il y a eu présentation du projet de loi n° 23 à l'Assemblée nationale par le ministre de l'Agriculture.

Un peu plus tard, en juin, au cours de l'étude détaillée du projet de loi, le ministre de l'Environnement et de la Faune a déposé en commission ses propositions d'orientations gouvernementales relatives à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole. En juin, un peu plus tard, en 1996, au cours de l'étude détaillée du même projet de loi, le ministre de l'Environnement et de la Faune a informé la commission que son ministère tiendrait, en août 1996, des consultations sur ces propositions d'orientations.

À la demande des membres de la commission, le ministre s'est montré disposé à recevoir de bon gré une invitation de la part de la commission pour rencontrer les membres de la commission pour rendre compte du cheminement des dossiers concernant l'élaboration d'orientations gouvernementales et réglementaires en août et septembre 1996. Il avouait d'ailleurs sa préférence à ce que ce soit une commission mixte qui procède à ce mandat.

En juin 1996 toujours, comme suite à l'ouverture manifestée par le ministre de l'Environnement et de la Faune, les membres de la commission ont résolu à l'unanimité, séance tenante, le 18 juin, de former une commission mixte avec la commission de l'aménagement et des équipements afin d'étudier les propositions d'orientations qui seraient émises par le ministère de l'Environnement et de la Faune concernant les paramètres de distances relatives aux odeurs, au bruit et aux poussières en milieu agricole.

(9 h 20)

Comme on sait, la commission de l'aménagement et des équipements a refusé cette possibilité, ce qui fait qu'en septembre, à la demande du président et compte tenu de la décision de la commission du 20 août, le secrétaire de la commission, après consultation avec les cabinets des ministres concernés, procédait aux convocations des ministres pour la date du 10 octobre 1996. Le 3 octobre, dans un communiqué diffusé conjointement par les cabinets des quatre ministres et à la conférence de presse qui a suivi, les journalistes ont été informés que la commission parlementaire se tiendrait à la fin du mois de novembre plutôt que d'octobre 1996, que le mandat de la commission parlementaire serait modifié pour que soient entendus différents groupes et non plus les ministres.

Alors, je veux simplement indiquer, à ce moment-ci, que, pour la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation, il deviendra intéressant de surveiller la réforme parlementaire, compte tenu de ce qui s'est produit, en autant qu'une commission en particulier se donne un mandat et qu'elle se le voit modifier par le biais de l'Exécutif. Alors, je pense qu'on a ici un bel exemple de ce qui pourrait faire en sorte qu'au cours d'une réforme parlementaire on puisse éviter la répétition de pareilles situations où, finalement, l'Exécutif s'en vient dicter à des députés qui décident de se donner des mandats la façon de procéder. Je ne veux pas blâmer les ministres concernés mais simplement indiquer que c'est un fait. Par conséquent, il y aurait lieu qu'on clarifie, en autant que nous sommes concernés, la façon dont les commissions devraient se comporter en pareil cas, et possiblement éviter que l'Exécutif vienne empiéter finalement sur le travail du législateur comme tel.

Alors, finalement, en mars 1997, il y a eu dépôt par le ministre de l'Environnement et de la Faune de la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole et, le 26 mars, adoption à l'Assemblée nationale du mandat de consultations particulières sur la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole . Enfin, en fin mars, entente entre les parties concernant l'horaire et la convocation par le secrétaire des organismes qui sont concernés.

Alors, je voudrais vous indiquer la façon dont nous allons procéder également avec les organismes qui seront entendus après les remarques préliminaires. C'est-à-dire que chacun des organismes dispose de 20 minutes de présentation. Il y a par la suite questionnement de part et d'autre: le parti ministériel, 20 minutes, et 20 minutes à l'opposition officielle, qui auront l'occasion de questionner les groupes qui se présenteront devant nous.


Remarques préliminaires

Alors, nous avons convenu de quelques remarques préliminaires. Il y a déjà trois, quatre collègues qui ont prévu de le faire. Elles ne devront pas dépasser, on me disait, à ma droite, environ une trentaine de minutes au total, et, à ma gauche, une quinzaine de minutes au total également. Alors, je vais débuter avec le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Bienvenue à mon nouveau collègue de l'opposition, critique officiel, M. le député de Îles-de-la-Madeleine.

Alors, en ce début de commission parlementaire, j'aimerais vous rappeler qu'il s'agit d'une étape déterminante pour l'application de la loi n° 23. J'aimerais également vous faire part de ma volonté de défendre les intérêts de l'agriculture dans un contexte où le développement économique et la nécessité de mettre en place des pratiques respectueuses de l'environnement sont des enjeux majeurs. C'est pourquoi je serai présent tout au long de cet événement afin d'entendre vos points de vue et les solutions que de nombreux groupes présents à cette commission proposeront. En effet, le rôle qui m'incombe est de m'assurer que les intérêts des producteurs seront pris en considération dans l'application de la loi n° 23.

À cet égard, j'aimerais rappeler simplement les grands objectifs de la loi n° 23, qui a été adoptée le 20 juin 1996. Cette loi vise essentiellement à harmoniser les lois existantes afin de créer un encadrement à l'intérieur de la zone agricole qui va, d'une part, favoriser l'utilisation prioritaire du sol à des fins d'activités agricoles et, deuxièmement, qui va favoriser également une coexistence harmonieuse des utilisations agricoles et non agricoles.

L'entrée en vigueur de la loi n° 23 va permettre de compléter la Loi sur la protection du territoire agricole, adoptée en 1979. En plus des sols, elle va donc permettre de protéger les activités agricoles. Il est important de rappeler que cette loi porte principalement sur la gestion de trois inconvénients d'origine agricole, soit les bruits, les odeurs et les poussières. Tel que faisait référence le président de la commission, l'entente, c'était que, d'ici juin 1997, ces types de réglementation là seraient adoptés et qu'il y aurait un processus de mis en marche. C'est ce qu'on débute aujourd'hui.

Elle n'accorde donc aucune dérogation ou protection aux producteurs agricoles en matière de pollution d'origine agricole. Il est important que les différents groupes qui vont participer à la commission parlementaire tiennent compte de cette distinction. Je m'attends donc à ce que les divers groupes nous fassent des propositions quant aux paramètres de distances séparatrices qui devraient être considérés par le gouvernement. Je m'attends aussi à ce que les propositions tiennent compte des technologies disponibles pour atténuer ou éliminer les inconvénients.

C'est pourquoi, je viens de vous le dire, je serai présent tout au long de la commission parlementaire pour entendre les divers points de vue qui y seront défendus et pour m'assurer que les normes suggérées permettent la pratique d'une agriculture durable tout en favorisant une meilleure cohabitation, les entreprises agricoles sont en mesure de poursuivre leurs activités en zone agricole et de s'agrandir dans des limites raisonnables, les normes de distances suggérées soient réalistes et permettent une utilisation rationnelle des superficies disponibles pour l'épandage.

Comme vous le savez déjà, le gouvernement intervient afin de favoriser la conservation des ressources et la protection de l'environnement. Je vais donc m'assurer que les nouvelles normes qui entreront en vigueur permettront de concilier le développement des entreprises, la protection de l'environnement et la coexistence harmonieuse sur le territoire; en un mot: le bon voisinage.

En terminant, je m'engage à m'assurer que les nouvelles règles du jeu soient réalistes, car il serait inopportun que des contraintes abusives empêchent le développement du secteur agricole dans le contexte actuel. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, c'est suivi du ministre des Affaires municipales. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. En saluant également, d'entrée de jeu, nos collègues qui sont de nouveaux secteurs pour lesquels ils sont porte-parole, le député des Îles-de-la-Madeleine en agriculture, M. le député de Laurier-Dorion en environnement. Aux Affaires municipales on aura toujours le même vis-à-vis, à moins qu'il y ait des changements de dernière minute qui se produisent, on a vu ça à quelques endroits. Et, également, au niveau de l'environnement, c'est le même porte-parole que nous avions, M. le député d'Orford. C'est changé? C'est qui? Ah! C'est M. Sirros, c'est vrai, en environnement.

Alors, oui, effectivement, nous nous retrouvons ce matin, à l'ouverture de cette commission parlementaire, pour entendre différents groupes à l'égard du mandat que nous nous étions donné en quelque sorte – et vous en avez rappelé les principaux paramètres, M. le Président – au moment de l'adoption de la loi n° 23 et des éléments qu'il y avait à compléter à l'égard de l'application de cette loi. Et c'est le 5 mars dernier que le Conseil des ministres s'engageait à permettre l'entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles.

L'entrée en vigueur de cette loi, par décision du Conseil des ministres, se fera au plus tard le 20 juin prochain, c'est-à-dire conformément à l'engagement que nous avions pris d'abord, après 18 ans de discussion, d'adopter une loi sur le droit de produire et l'occupation harmonieuse du territoire et le développement du territoire agricole et, d'autre part, à l'intérieur d'une année de procéder à l'adoption des règlements, des orientations nécessaires pour l'application pleine et entière de cette loi sur la protection des activités agricoles et sur le droit de produire.

Cet engagement du gouvernement concerne également les autres mesures qui complètent cette loi, à savoir plus particulièrement, donc, le règlement sur la réduction de la pollution d'origine agricole, les paramètres de distances séparatrices relatifs aux odeurs et, enfin, les orientations gouvernementales en matière d'aménagement et de développement du milieu agricole. Ces dernières font actuellement l'objet de discussions suivies entre, d'une part, le ministère des Affaires municipales, responsable, en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, de la préparation de ces orientations, et, d'autre part, ceux de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de l'Environnement et de la Faune, et de la Santé et des Services sociaux.

Ces orientations, qui seront complétées par les paramètres de distances séparatrices retenus par le gouvernement à la suite des travaux de la présente commission, seront transmises aux municipalités régionales de comté, aux MRC, afin qu'elles puissent en tenir compte dans le cadre de la révision actuellement en cours des schémas d'aménagement des 96 MRC du Québec.

(9 h 30)

Dans ses efforts pour concilier les impératifs de l'aménagement du territoire avec ceux du développement agricole, le gouvernement a recherché et convenu avec ses partenaires d'une solution d'équilibre. Ainsi, la loi n° 23 offre aux agriculteurs des garanties face à l'exercice par les municipalités locales de leurs pouvoirs d'aménagement, notamment en matière de zonage et d'urbanisme. Mais du même coup elle confirme les pouvoirs municipaux en matière d'aménagement du territoire en zone agricole, particulièrement ceux de la MRC, tout en précisant la finalité devant en guider la mise en oeuvre.

De plus, cette loi n° 23 ajoute aux pouvoirs des municipalités locales en leur donnant la possibilité de régir l'épandage de déjections animales en conformité avec des paramètres qui seront retenus subséquemment aux travaux de cette commission parlementaire. Ce nouveau pouvoir municipal découle d'ailleurs de l'entente convenue entre le gouvernement et ses partenaires du milieu municipal et agricole, le 25 mai 1995, à l'effet d'attribuer aux municipalités la responsabilité de gérer les paramètres reliés aux odeurs, ce qu'un règlement gouvernemental n'aurait pu atteindre considérant la multiplicité des situations particulières à l'échelle locale. Mais ces pouvoirs s'accompagnent également de responsabilités, celles entre autres d'assurer la pérennité du territoire agricole et d'y favoriser à la fois l'utilisation prioritaire du sol à des fins agricoles et, dans une perspective de développement durable, la protection et le développement des activités et des entreprises agricoles.

En fait, la détermination des conditions spatiales indispensables à la pratique et au développement de l'agriculture nécessite de la part des élus municipaux une réflexion sur différentes questions. Parmi celles-ci, mentionnons entre autres: la présence de l'agriculture dans les stratégies de développement à l'échelle de la municipalité locale ou de la MRC; deuxièmement, l'extension continue, particulièrement en périphérie, des communautés en croissance d'une urbanisation se réalisant souvent au détriment des meilleures terres agricoles; troisièmement, la diffusion en zone agricole d'usages de nature urbaine favorisant ainsi la déstructuration du territoire agricole et suscitant des problèmes de cohabitation entre agriculteurs et non-agriculteurs.

La décision finale, quant à l'aménagement du territoire en zone agricole échappant aux élus locaux, ils n'étaient pas automatiquement enclins à partager les objectifs de la Loi sur la protection du territoire agricole. La loi n° 23 vient corriger cet aspect, puisque dorénavant – et c'est extrêmement important – une demande formulée en vertu de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles sera jugée irrecevable si elle n'est pas conforme à la réglementation municipale.

Par ailleurs, tous les efforts que les municipalités pourront consentir afin d'offrir à l'agriculture les conditions spatiales indispensables à son développement ne constituent pas à eux seuls une garantie absolue quant à la poursuite du développement agricole, particulièrement sous la forme que l'on a connue au cours des dernières décennies. Contrairement à l'opinion de certains, la loi n° 23 ne pave pas la voie à un développement inconsidéré au niveau agricole. Je le rappelle, puisqu'il s'agit là d'un aspect fondamental, puisqu'elle fixe une limite soit celle du développement durable, lequel questionne tous ceux qui interviennent de près ou de loin, de l'État jusqu'aux producteurs agricoles, en passant par les MRC, les municipalités locales notamment.

Nous savons tous que l'intégration des principes du développement durable à la production forestière, par exemple, conditionne déjà l'ouverture de certains marchés étrangers. Peut-on ignorer cet avertissement et croire que la production des denrées agricoles en sera épargnée? Qui dit développement durable dit bien sûr conservation des ressources, et notamment l'eau et le sol, mais aussi l'intégration des préoccupations des populations locales. Or, peut-on penser que l'agriculture puisse prospérer si le modèle de développement qu'elle propose n'est pas partagé et accepté par la population? Qui d'autres que les MRC, du fait de leurs responsabilités en matières d'aménagement et de développement concertés du territoire et des exigences que leur fait la loi n° 23 face au développement durable, sont les mieux placées pour concilier les intérêts de la population en général avec ceux des producteurs agricoles en particulier? On le constate; déjà, les élus municipaux et les représentants des producteurs agricoles peuvent et doivent dialoguer.

Certes, la campagne a changé, mais l'agriculture aussi s'est transformée. Son imbrication profonde à l'économie de marché a modifié ses techniques de production, elle s'est industrialisée. Certaines productions, autrefois réparties sur l'ensemble du territoire, se sont concentrées dans l'espace, entraînant du même coup des problèmes jusqu'alors inconnus. En même temps, les valeurs de la population se sont transformées, devenant davantage axées sur la protection de l'environnement et la qualité de vie.

Face à cette situation, il y a des responsabilités nouvelles à assumer. Parmi l'ensemble des mesures préconisées par la loi n° 23, s'inscrit la création d'un comité consultatif agricole dans chaque MRC dont le territoire comprend une zone agricole. Ce comité, formé d'élus de la MRC, de producteurs agricoles et de citoyens, peut étudier toute question relative à l'aménagement du territoire, à la pratique des activités agricoles de même qu'à leurs aspects environnementaux. Ce comité, destiné à favoriser les échanges et la compréhension mutuelle, est appelé à jouer un rôle actif dans le cadre de la révision des schémas d'aménagement.

C'est d'ailleurs dans cette optique et afin de favoriser le plus rapidement possible le rapprochement qui s'impose entre les milieux municipal et agricole que j'écrivais la semaine dernière à l'ensemble des préfets des MRC du Québec ainsi qu'aux présidents des trois communautés urbaines afin de les inviter à constituer, d'ores et déjà et dans les meilleurs délais, ces comités consultatifs agricoles, et cela, même avant l'entrée en vigueur, avant le 20 juin, de la loi n° 23.

Je suis convaincu qu'une démarche de collaboration au sein du comité consultatif agricole dans chacun des territoires de MRC et des communautés urbaines, à la lumière d'une connaissance adéquate de la problématique territoriale de la MRC sur les plans d'aménagement, de la protection de l'environnement et des exigences du développement agricole, est de nature à favoriser l'émergence d'une vision commune du modèle de développement à privilégier.

J'invite donc tous les élus municipaux et les représentants des producteurs agricoles à entreprendre sans tarder un dialogue éclairé sur l'ensemble des dimensions du développement agricole afin de faire du schéma d'aménagement un véritable contrat social permettant le développement de l'agriculture dans le respect du bien-être de la population et de la protection de l'environnement.

Voilà l'attitude que nous allons adopter tout au cours de cette commission pour en arriver à établir les derniers éléments relatifs à la mise en vigueur, après 18 ans de discussions, de la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole, et surtout les mesures pour favoriser la protection et le développement des activités agricoles au Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Alors, merci, M. ministre des Affaires municipales. À ce moment-ci, je passerai la parole au ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Je tiens à saluer les collègues de l'Assemblée nationale et saluer également la nomination d'un nouveau critique officiel de l'opposition en matière d'environnement et de la faune. J'espère qu'il sera, j'en suis sûr, aussi compétent et productif que l'ancien critique officiel en matière d'environnement et de la faune, avec lequel j'ai eu énormément d'agrément à travailler, compte tenu de son caractère studieux, de sa propension à faire de grands voyages à la grandeur du Québec pour aller entendre l'ensemble des intervenants.

Écoutez, je pense que nous allons vivre dans les jours à venir une étape assez importante et cruciale dans ce qu'il est convenu d'appeler la reconnaissance du droit de produire pour les producteurs agricoles. Cette loi n° 23, qui se nomme légalement la Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles est vraiment, je pense, une charnière pour la continuité et le développement durable des activités agricoles au Québec.

Il y a bien sûr ces nuisances dont nous allons parler dans les quelques jours qui viennent, qui sont à la fois les odeurs, les bruits et les poussières. Mais je tiens à rappeler l'importance des décisions gouvernementales qui ont été prises quant à l'adoption, d'ici le 20 juin, d'un règlement sur la réduction de la pollution agricole qui, selon nous, est un virage majeur dans la production agricole, qui est un secteur économique important au Québec, mais un secteur économique qui doit se développer comme le font les autres secteurs économiques du Québec, dans le respect de l'environnement physique et de l'environnement social.

Ce règlement sur la réduction de la pollution agricole, essentiellement il vise à faire en sorte que l'ensemble des 25 000 producteurs agricoles du Québec, dont les activités pourraient représenter une menace pour l'environnement du Québec, notamment les nappes phréatiques et les cours d'eau, que ces 25 000 producteurs agricoles du Québec se dotent de plans de fertilisation.

(9 h 40)

C'est quoi, un plan de fertilisation? C'est assez simple comme concept. C'est que chaque producteur agricole se dote d'un plan qui fasse en sorte que les fertilisants qui sont mis sur les plantes et sur les sols soient en équilibre avec les besoins des plantes et des sols, pour éviter que ces fertilisants soient subséquemment – lorsqu'ils sont épandus, ou utilisés en trop grande quantité – lessivés et se retrouvent dans les cours d'eau. Parce que, et j'ai toujours été très prudent de ne pas pointer personne du doigt, on doit remarquer, les experts de mon ministère notent que, dans certains cours d'eau où l'assainissement municipal est terminé et où l'assainissement industriel est lui aussi terminé, il y a une pollution résiduelle liée à un surplus de phosphate, nitrate ou azote. Et, lorsqu'on remonte la chaîne, malheureusement, on arrive à la conclusion que c'est souvent une mauvaise utilisation des fertilisants, souvent par mauvaise connaissance, qui fait en sorte que ces surplus sont lessivés dans les cours d'eau et sont sources de pollution.

Naturellement, il y a eu une étude économique majeure de faite par le gouvernement sur les impacts économiques de ce virage au niveau des plans de fertilisation, et, lors du discours du budget, notre collègue ministre des Finances et vice-premier ministre a indiqué les mesures budgétaires et les mesures financières dont est doté le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour aider et supporter les producteurs agricoles dans ce virage majeur.

Les autres aspects dont nous allons discuter dans les jours qui viennent portent surtout sur les nuisances. On a beaucoup parlé de ces nuisances, et je pense que le temps était venu d'encadrer correctement l'industrie agricole au Québec pour qu'elle puisse continuer à se développer. Et c'est là tout le défi de cette commission et des documents que nous produiront, les quatre ministères concernés, suite à cette commission, c'est comment déterminer là où essentiellement s'arrête, si je peux m'exprimer ainsi, le droit de produire et où commence le droit des citoyens à vivre dans un environnement sain. Et c'est ça, tout le défi de cette commission, c'est de trouver l'équilibre pour que les deux puissent être rassurés: les producteurs agricoles à la fois dans leur droit de produire, mais les citoyens également dans leur droit de vivre dans un environnement qui est sain.

Je tiens à citer, M. le Président, l'article 20 de la Loi sur la qualité de l'environnement qui est le coeur de la loi, et, lorsque les Québécois disent qu'ils sont fiers de leur Loi sur la qualité de l'environnement qui est pour eux une véritable charte, ils font référence à l'article 20, et je le cite: «Nul ne doit émettre, déposer, dégager ou rejeter ni permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l'environnement d'un contaminant [...] susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être et au confort de l'être humain». Nous sommes donc, dans cette étape importante de confirmer le droit de produire, à l'étape de déterminer les balises, de déterminer l'encadrement, de déterminer la réglementation à l'intérieur de laquelle les producteurs agricoles auront finalement la sainte paix et la grande paix pour continuer à produire au Québec une production agricole qui est importante.

C'est ça, tout le défi, parce qu'il fallait s'inquiéter, selon nous, du dérapage que nous avons quasiment vécu, en 1996, de certaines municipalités qui, selon nous, ont peut-être pensé, non pas fait, une réglementation abusive, et ces discours et ces conflits qui font la manchette des médias et qui ne sont pas sains pour notre société et ne sont pas porteurs et garants de développement durable de ce secteur économique du Québec... Je pense que, dans les derniers mois, il y a eu de tous côtés, de toutes parts, une évolution importante des mentalités. Je termine une courte tournée de certaines régions du Québec, notamment les régions du Québec où se concentre la production agricole, et je peux vous dire que l'ensemble des producteurs agricoles que j'ai rencontrés, l'ensemble des élus municipaux que j'ai rencontrés, attendent que le gouvernement du Québec aille de l'avant et fasse en sorte que la loi n° 23 puisse être mise en vigueur dans les meilleurs délais en incluant un règlement sur la réduction de la pollution agricole et en incluant une façon d'encadrer les nuisances pour la population.

J'arrive également d'une visite assez rapide des pays qui ont connu une accélération importante de la production agricole dans les dernières années au niveau du bétail, notamment la Flandre, province de Belgique, et les Pays-Bas, ou la Hollande, et tous m'ont dit que nous étions d'abord et avant tout sur la bonne voie quant à notre concept de réglementation et notre concept d'encadrement des nuisances. Mais surtout tous ont dit qu'il ne fallait pas tarder à prendre ce virage et à faire en sorte d'encadrer correctement la production agricole parce que tous m'ont dit qu'une fois que les nappes d'eau étaient contaminées, qu'une fois que les cours d'eau étaient contaminés il était très difficile de revenir en arrière et de remonter dans le temps pour assurer la pérennité des ressources.

Quelques mots sur les trois nuisances dont nous allons traiter parce que nous allons les traiter de deux façons différentes. Au niveau des bruits et des poussières, il y aura une réglementation qui, elle, va s'appliquer à l'ensemble du Québec. À la fin de cette commission, le ministère de l'Environnement et de la Faune, en collaboration avec mes trois collègues, présentera au Conseil des ministres une réglementation spécifique aux bruits et aux poussières qui, elle, sera applicable à la grandeur des régions du Québec indistinctement.

Il y aura, au niveau des odeurs – et je vais terminer là-dessus – une orientation gouvernementale qui sera envoyée aux MRC par mon collègue du ministère des Affaires municipales, et ce sera aux MRC d'intégrer, dans leurs schémas d'aménagement, ces distances.

Il y aura une distance minimale qui, croyons-nous, sera beaucoup basée sur les questions relatives à la santé humaine. Notre collègue de la Santé et des Services sociaux ne peut être présent ce matin, mais il est partie prenante à cette commission et à ce travail des quatres ministères et il participera subséquemment à la suite de la commission. Nous, au ministère de l'Environnement et de la Faune, porterons une attention particulière aux impacts eu égard à la santé humaine. Et nous espérons que les distances minimales seront celles qui s'y rapporteront.

Mais il y aura également une distance maximale; distance maximale qui, selon nous, doit être indiquée pour éviter que des municipalités exagèrent et adoptent des réglementations qui fassent en sorte que, en pratique, elles abolissent la pratique agricole et les activités agricoles des zones vertes, des zones agricoles que nous voulons protéger comme zones et industries agricoles que nous voulons également protéger. Et c'est à l'intérieur de cette fourchette – distances minimales et distance maximale – que les MRC, avec les comités consultatifs agricoles, tiendront ce débat.

Les critères décisionnels qui nous guident dans ces choix quant aux distances séparatrices sont les suivants, et je les nomme rapidement. D'abord, la gestion des odeurs passe nécessairement par l'établissement de distances d'éloignement entre les lieux de production, les lieux d'entreposage et les lieux d'épandage et les activités humaines; une distance d'éloignement qui est fonction des niveaux d'odeur émis, du niveau de protection accordé à une activité spécifique. Naturellement, les sources d'odeur vont varier dépendamment du secteur agricole, dépendamment des bâtiments d'élevage, dépendamment des techniques utilisées. C'est connu qu'une technique de canon peut causer plus de nuisances qu'une technique où on intègre les fumiers et les lisiers dans le sol. Également, s'il y a des modifications aux activités actuelles, les droits acquis doivent recevoir un traitement différent. Également, le niveau d'odeur émis par les sources agricoles varie, naturellement, selon l'exploitation, le type d'animaux et les moyens pris.

Mais le dernier critère, et qui est sans doute un des plus importants parce que c'est lui qui sera au coeur du débat que nous allons sans doute avoir à cette commission et qui sera au coeur du débat que les comités consultatifs agricoles auront, c'est ce que nous appelons dans notre jargon le «facteur d'usage». C'est-à-dire quel est le facteur multiplicateur que l'on met dans la formule qui vous est présentée et qui détermine essentiellement le facteur d'usage, soit la distance à établir dépendamment de l'usage que les humains font des secteurs limitrophes à ceux qui sont les secteurs agricoles. Et naturellement ça découle à la fois du nombre de personnes qui sont susceptibles d'être affectées, mais ça porte également sur les usages que l'on fait. On pense à des activités récréotouristiques et des activités d'autres usages qui nécessitent peut-être une plus grande protection que des zones industrielles, par exemple.

Alors, M. le Président, je termine là-dessus. C'est avec un esprit d'ouverture qu'on est ici pour entendre les gens. Je pense que le Québec est en train de vivre un virage important. J'ai noté au cours des derniers mois des évolutions importantes. Tous attendent que le gouvernement adopte cette loi; tous attendent que le gouvernement adopte ces réglementations, eu égard à la pollution de l'environnement physique, mais également la façon d'encadrer correctement l'industrie agricole pour que, également, elle se fasse dans le développement durable et le respect de l'environnement social.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre de l'Environnement. Ça correspond exactement aux 45 minutes qui avaient été allouées, ce qui nous permet, maintenant, de passer aux remarques préliminaires du député des Îles-de-la-Madeleine.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Je serai bref, parce que je suis ici davantage, peut-être, pour entendre les groupes qui vont venir nous présenter leurs mémoires. Et, dans ce sens-là, j'aimerais les saluer, dans un premier temps, et saluer aussi l'ensemble des collègues des deux côtés de la table à cette commission.

(9 h 50)

M. le Président, nous sommes devant un projet qui est très, très important pour le développement du Québec dans son ensemble, le développement économique aussi, quand on constate et on sait l'ampleur économique de l'agriculture. On parle d'au-delà de 300 000 emplois. Alors, on peut quand même voir très bien l'impact économique qu'une telle activité peut avoir sur l'ensemble du territoire du Québec.

M. le Président, étant nouveau dans le dossier, j'ai réussi depuis une semaine à lire passablement, à consulter aussi. C'est bien évident que c'est un dossier qui est relativement complexe, mais, à la lumière des commentaires et des informations qui ont découlé, depuis l'annonce du gouvernement, lors du congrès de l'UPA en décembre 1994... D'abord, il faut dire que c'était une promesse électorale, lors de la dernière campagne électorale du Parti québécois, d'instaurer, d'introduire le droit de produire au Québec.

D'autre part aussi, on a eu, suite à l'élection, le congrès de l'UPA, en 1994, où quatre ministres du gouvernement se sont présentés au congrès démontrant leur volonté et la volonté du gouvernement de faire en sorte que projets de loi et réglementations soient adoptés en juin 1995. Alors, on se retrouve pratiquement deux ans après avec encore aucune décision de prise. On nous dit que c'est pour juin. Évidemment, vous me permettrez, M. le Président, d'être un peu sceptique, compte tenu que ça fait deux ou trois fois qu'on dit qu'on va y arriver. Alors, on souhaite que ça arrive en juin 1997. Mais, évidemment, on le souhaite dans la meilleure harmonie possible et pour le bénéfice de l'ensemble des intervenants et principalement des agriculteurs qui, à mon sens, ne doivent pas être brimés à outrance par une telle réglementation.

Compte tenu, M. le Président, qu'on a tergiversé dans ce dossier depuis un aussi grand nombre de mois ou même d'années, ça fait en sorte d'antagoniser les parties, à mon point de vue. Alors, toutes sortes de commentaires et toutes sortes de positions ont été prises de part et d'autre, dépendamment si on était au niveau de l'environnement, au niveau des affaires municipales ou au niveau de l'agriculture.

Malheureusement, mon constat, c'est que ça s'est souvent fait au détriment des agriculteurs, qui jouaient un peu les gros méchants dans ce dossier, parce que l'ensemble des intervenants autres que les agriculteurs disaient que c'étaient des pollueurs, alors qu'on sait que, pour la plupart, ces gens-là veulent se conformer aux lois et aux normes mais veulent quand même produire et pouvoir opérer leur ferme de la façon la plus correcte possible mais aussi de façon relativement libre également, tout en étant conscients qu'on doit respecter l'environnement – ça, on en est bien conscients – et les règlements municipaux. Mais, aussi, on ne peut pas avoir une entrave continuelle au niveau du développement agricole au Québec.

Par conséquent, cette tergiversation ou cette inaction depuis toutes ce nombre d'années ou de mois a fait en sorte d'antagoniser les parties, malheureusement. La conciliation à laquelle le ministre fait appel s'en ressent, compte tenu que les parties se sont antagonisées.

Ceci étant dit, M. le Président, l'autre élément et mon constat également, c'est que je me demande si le gouvernement, compte tenu qu'il n'est pas capable de faire ses propres devoirs chez eux, mais ne passe pas la balle à d'autres pour que ces organismes, soit les municipalités, entre autres, fassent le travail à la place du gouvernement qui ne peut pas développer un consensus au niveau du Conseil des ministres. Oui, il faut consulter l'ensemble des intervenants pour connaître l'impact de ce projet de loi, ce projet de règlement, surtout, au niveau du milieu. Mais, compte tenu qu'on passe la balle à d'autres intervenants, à ce moment-là, s'il y a un problème, la recherche de la conciliation, la recherche qu'on attend et qu'on a de la misère à avoir depuis deux ans, si on ne l'a pas au niveau du terrain comme tel et que le gouvernement donne ses pouvoirs à d'autres, comment le gouvernement pourra-t-il faire l'arbitre en cas, justement, d'abus?

Parce que le ministre de l'Environnement nous parlait tantôt de dérapage des municipalités, dans un sens ou dans l'autre – ce n'est pas une majorité, mais c'est arrivé, des cas, avec raison il l'a mentionné – en cas de dérapage, lorsqu'on donne nos pouvoirs à d'autres organismes au niveau local, qui va arbitrer maintenant? Qui va arbitrer cela? Et c'est là le danger pour les agriculteurs d'être pris en otages un peu, en quelque sorte, sans que quelqu'un de neutre et objectif, au-dessus de la mêlée, puisse faire en sorte de trancher, pour le bénéfice de la communauté, autant les agriculteurs que l'ensemble des citoyens. Et c'est ça, notre inquiétude, M. le Président. À ma lecture du dossier, jusqu'à présent, j'espère que la commission parlementaire, ici, pourra nous éclairer justement pour faire en sorte que des événements comme celui dont je viens de parler ne se produisent pas.

D'autres éléments. On dit qu'au niveau des odeurs, au niveau de la réglementation, ça peut varier d'une municipalité à l'autre mais à l'intérieur d'une fourchette, une fourchette dont le ministre vient de parler.

L'autre question qu'on doit se poser, c'est que, compte tenu que le ministre des Affaires municipales vient de déposer une carte des fusions, et c'est une ligne directrice très claire, que le gouvernement incite – et on espère qu'il n'obligera pas, mais on se demande s'il ne le fera pas en bout de piste – les municipalités à se fusionner, alors qu'est-ce qui va arriver là, maintenant qu'on a une plus grande municipalité, dû à une fusion, avec des règlements qui peuvent être différents maintenant d'un quartier de la municipalité à l'autre? Et aussi une fusion, ça fait en sorte que la partie urbaine de la nouvelle municipalité soit davantage plus forte en termes de population. Quel impact va-t-il y avoir au niveau de l'ancienne campagne, entre guillemets, et des gens du milieu rural?

Et ça, c'est inquiétant parce que, si on ne le voit pas tout de suite, M. le Président, puis qu'on donne ces pouvoirs-là à des organismes sur lesquels on n'aura beaucoup moins de contrôle par après, à mon point de vue ça peut être très, très dangereux. C'est dans ce sens-là que je trouve que le gouvernement envoie ses pouvoirs à d'autres parce qu'il n'est pas capable, à l'intérieur du Conseil des ministres, de dégager un consensus et faire en sorte qu'il y aura toujours un arbitre objectif sur le plan national pour, justement, faire en sorte de protéger l'ensemble des clientèles.

Alors, M. le Président, c'est à peu près les seuls commentaires que j'avais en guise d'introduction. C'est bien évident que le gros défi que nous avons, c'est de concilier tous ces gens-là, mais, compte tenu des débats que nous avons eus jusqu'à présent, ça ne sera pas évident de concilier, puis, à ce moment-là, M. le président, ça va prendre quelqu'un qui va trancher. Mais celui qui doit trancher doit être celui qui est neutre et au-dessus de tout soupçon, qui normalement doit être le gouvernement. Et on sait très bien, également, M. le Président, qu'après cette commission on a bien beau faire les meilleurs discours du monde puis entendre tous les groupes voulus, mais on sait que le gouvernement va déposer, de sa propre initiative, son projet de règlement, soit en juin prochain, et, nous, en fin de compte, on n'aura pas beaucoup droit de regard là-dessus. Alors, il va falloir être très vigilants et aussi, encore là, ça va être une bataille à l'intérieur du Conseil des ministres.

On sait que le ministre de l'Agriculture, son rôle premier, c'est quoi? C'est de défendre sa clientèle que sont les agriculteurs; le ministre des Affaires municipales, c'est de défendre les municipalités qui sont ses clientèles; le ministre de l'Environnement, c'est de défendre l'environnement et les groupes qui soutiennent cette action-là, M. le Président. Mais, compte tenu aussi des déclarations notamment de l'UPA lors du congrès par rapport au ministre, alors j'espère que le ministre va comprendre le message de l'UPA, qui est là pour défendre sa clientèle que sont les agriculteurs et non pas qui est là pour défendre le ministre des Affaires municipales ou le ministre de l'Environnement. Ce n'est pas le ministre de l'Environnement qui est le ministre de l'Agriculture, M. le Président, c'est le ministre de l'Agriculture. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est une belle poignée que le ministre de l'Agriculture a en sa possession actuellement pour démontrer à ses clientèles qu'il est là pour les défendre et qu'il est là pour le bien-être de l'agriculture au Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. J'avais d'autres collègues qui voulaient participer à des remarques préliminaires, mais le bloc de 45 minutes a déjà été épuisé. Peut-être leur recommander, lors des interventions auprès des organismes, s'ils ont des commentaires à faire, de les faire à ce moment-là. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Oui. Compte tenu que le groupe de l'UMRCQ s'est désisté, ce qui nous libère une plage de temps, j'apprécierais, avec le consentement de mes collègues, de faire quelques remarques préliminaires.

Le Président (M. Vallières): Alors, je veux simplement vous indiquer que, quand une commission, avant de recommencer à siéger, prend des ententes sur les temps de parole... Il en avait été convenu entre les deux formations politiques. Alors, moi, si vous me dites que ce matin vous voulez que les remarques préliminaires durent beaucoup plus longtemps, je n'ai pas de problème avec ça. On avait convenu que, de part et d'autre, il y avait un 30 minutes suivi d'un 15 minutes. Évidemment, la commission pourrait convenir de faire autrement, mais, à tout le moins, il faudrait le baliser dans le temps parce que je ne voudrais pas qu'on puisse indéfiniment aller dans des conventions autres que celles que nous avons épousées. Mais, s'il y a consentement des membres, on pourrait convenir peut-être d'une intervention additionnelle de part et d'autre, peut-être avec un maximum de 5 minutes chacun.

Une voix: ...

(10 heures)

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, Voici,le député de Saint-Hyacinthe. Alors, je comprends que c'est M. le député de Saint-Jean qui va intervenir. Alors, M. le député de Saint-Jean, suivi du député de... Alors, vous pourrez convenir de ce côté de quel est le député qui interviendra. M. le député de Laurier-Dorion. C'est ça? Très bien.


M. Roger Paquin

M. Paquin: Alors, M. le Président, je remercie les membres de cette commission de me permettre de prendre la parole à ce moment-ci. Vous vous souviendrez que j'ai suivi les travaux de cette commission et, en particulier, sur cette législation-là, d'entrée de jeu, et que, pour moi, il s'agit d'une pièce législative importante.

J'aimerais dire trois choses. La première, c'est que vous vous souviendrez que je préconisais que ce projet de loi soit intitulé la «loi sur le développement durable en agriculture» parce que, en plus des modifications qu'il fait dans les textes des lois existantes, et notamment sur celle de la protection et du zonage agricole, il s'inscrit dans une démarche que les agriculteurs ont faite leur et que la société fait de plus en plus sienne, celle du développement durable de tous les secteurs.

Il faut rappeler ce que c'est que ce développement durable qui motive nos législations à ce moment-ci, et en particulier celle-ci. C'est de prendre en compte toutes les dimensions économiques, toutes les dimensions environnementales et toutes les dimensions sociologiques dans notre grille d'analyse, au moment de prendre des décisions qui nous permettront de faire un développement qui est supportable par le milieu, de façon à en assurer la pérennité dans le temps.

Alors, quand on a une perspective comme celle-là, je pense qu'on bâtit à long terme et on est ici aujourd'hui pour gérer l'avenir de nos milieux agricoles, de nos milieux ruraux. Et, à cet égard, il faut qu'on garde bien en vue que nos municipalités rurales, M. le Président, ce n'est pas d'abord des dortoirs, c'est avant tout des jardins et c'est des lieux de cohabitation près de la nature, proche de la terre, proche du terrain, où l'harmonie s'impose.

À cet égard, donc, c'est une responsabilité civique qui est partagée à tous les niveaux: au niveau national, au niveau, bien sûr, des fourchettes de réglementation mais également au niveau local. C'est un appel à la responsabilité civique des uns et des autres, dans la défense de l'environnement, certes, dans la cohabitation harmonieuse des différentes vocations du terrain mais avec, évidemment en territoire où les terres sont les meilleures, où les terres sont notre jardin, la responsabilité de produire les aliments pour la population. Alors, ça fait appel à la bonne volonté de tous, au réalisme des résidents non agriculteurs en milieu rural mais également à la responsabilité des agriculteurs qu'ils assument déjà depuis un bon moment, au niveau de leur responsabilité de la défense de l'environnement.

Pour ça, donc, deuxième élément que je voudrais mentionner, il nous faut avoir des normes réalistes. Vous vous souviendrez, M. le Président, que j'ai insisté beaucoup pour que notre édifice de la loi n° 23 ne soit pas une carcasse vide. Il fallait faire en sorte que la réglementation afférente soit réaliste pour qu'elle soit praticable, et praticable pour qu'elle puisse être consentie par ceux qui, sur le terrain, ont à la vivre, à la définir et à cohabiter à l'intérieur de ce qu'elle prescrit, donc des normes réalistes. C'est pour ça qu'il est important que le cadre soit opérationnel. Il est important que les différents partenaires nationaux, à ce moment-ci, puissent exprimer leur vision là-dessus. Il est important que les différents ministres concernés puissent entendre ces éléments-là.

On rappelait tantôt que, depuis 18 ans, on attendait une loi, qu'elle est venue et qu'on a pris un certain nombre de mois pour mûrir le contexte, pour mûrir la réflexion. À compter d'aujourd'hui, on va entendre les données qui vont nous permettre d'arriver à quelque chose de judicieux. Je pense que ce ne sera pas nécessairement parfait du premier coup et qu'on va les vivre un certain temps, ces normes-là, et qu'on les ajustera éventuellement parce qu'on taille dans le neuf, parce qu'on taille dans le fondamental et dans l'important.

Mais il reste qu'on peut faire un judicieux équilibre qui nous permettra de faire en sorte que, sur le terrain, quand les gens discutent pour établir des normes qui leur conviennent, elles soient respectueuses du développement durable et qu'elles fassent la promotion de l'harmonie sur le terrain de ce qu'on pourrait appeler le bon voisinage.

Le troisième et dernier point, M. le Président, que je voudrais évoquer aujourd'hui, vous vous en souviendrez, j'avais insisté pour que nous obtenions une commission mixte, de façon à ce que l'ensemble des députés qui sont les plus renseignés sur l'ensemble de ces questions puissent siéger ensemble et faire en sorte que, sous la tutelle de ce qui doit être, c'est-à-dire de la commission de l'agriculture, on puisse faire une validation de ce que nous allons entendre au niveau de normes réalistes, praticables et consenties.

Je suis très satisfait de voir qu'aujourd'hui et à compter d'aujourd'hui quatre ministres sectoriels importants, notamment et de façon prépondérante celui de la santé, bien sûr, pour la protection des citoyens, mais également le ministre de l'Agriculture, le ministre de l'Environnement, le ministre des Affaires municipales, soient présents et même que du côté de l'opposition on ait jugé – et je trouve ça très opportun – que le critique en matière d'Industrie et du Commerce soit également présent, et je veux saluer cette initiative de l'opposition.

Je pense qu'il faut se rappeler que nos entreprises agricoles, qui façonnent maintenant le milieu rural, sont des entreprises véritables et dont les chefs d'entreprises, les agriculteurs qui ont façonné la façon de faire l'agriculture d'aujourd'hui, sont des chefs d'entreprises, des gens responsables, des gens qui consentent à des règles d'un environnement bien protégé. Donc, dans cette perspective-là, M. le Président, je pense qu'aujourd'hui et à compter d'aujourd'hui notre commission doit être à l'écoute active de ce que nous allons entendre et que nous devrons continuer par la suite de veiller et d'exiger que la réglementation soit présentée dans un délai raisonnable afin qu'elle puisse prendre vigueur dès le 20 juin. Merci, M. le Président, et merci chers collègues de m'avoir permis de faire mes remarques.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Saint-Jean. Restaient à l'enveloppe de l'opposition officielle six minutes. Avec le consentement des membres de la commission – parce que le député de Laurier-Dorion n'est pas membre de la commission – le député de Laurier-Dorion pourrait prendre la parole pendant cinq à six minutes. Il serait suivi de la députée de La Pinière pour un cinq minutes équivalent à celui qu'on vient d'accorder au député de Saint-Jean. Alors, j'ai le consentement de la commission pour l'intervention du député de Laurier-Dorion. M. le député de Laurier-Dorion en cinq à six minutes.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Même pas, M. le Président, je serai très bref. D'abord, vous dire que je suis ici comme critique en matière d'environnement. C'est très récent, alors je ne peux pas dire être au parfum de ce dossier, M. le Président. Mais effectivement des fois c'est un avantage qu'on a d'être nouveau, d'arriver sans aucune arrière-pensée ou prédisposition envers une chose ou l'autre, donc c'est véritablement comme quelqu'un qui va écouter pour apprendre ici.

Le défi qu'on a, je pense que ça été résumé par plusieurs membres de la commission, c'est de trouver l'équilibre nécessaire entre la production et la protection de l'environnement sans se faire d'urticaire sur des choses qui peuvent être décidées avec un certain bon sens, M. le Président. Il y a au niveau environnemental, je pense, deux éléments dont on peut tenir compte: les dommages causés à l'environnement et la nuisance. Je ne suis pas de ceux qui vont mettre ça sur le même plan. Je pense qu'il faut effectivement essayer d'arranger les choses pour que tout le monde puisse y trouver son compte, et c'est dans ce sens-là que mon intérêt ici, pour les quelques jours qui viennent, c'est surtout d'écouter et de mieux comprendre.

Je serai aidé dans ça par mon prédécesseur, le député d'Orford, qui m'a bien avisé qu'il était toujours très intéressé par le dossier, même s'il est maintenant critique de l'Industrie et du Commerce, comme l'a mentionné le député qui m'a précédé. Et il va m'aider aussi à me dépanner concernant le problème particulier que j'aurai demain et après-demain étant donné que je préside une autre commission qui exerce un mandat de surveillance, dont je ne pourrai pas m'absenter demain et après-demain. Je ne voudrais pas que les gens prennent mon absence ici demain et après-demain comme un désintéressement. Bien au contraire, mon collègue m'a assuré qu'il va faire son possible aussi pour être présent durant ces deux journées qui vont suivre pour qu'on puisse me tenir au courant de tout ça. Alors, en remerciant les gens pour leurs mots d'accueil tantôt, c'est surtout à l'écoute que je serai durant les prochains jours, M. le Président. Merci.

(10 h 10)

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, moi aussi, je ne suis pas membre de cette commission. Et, si je me trouve ici ce matin, et j'espère pour quelques autres séances, c'est essentiellement parce que je suis une députée montérégienne, que la Montérégie est le jardin du Québec et que toutes les productions aussi bien végétales qu'animales s'y retrouvent. Et le débat qui nous concerne aujourd'hui est central aux décideurs montérégiens, d'autant plus qu'à la SMD, la Société montérégienne de développement, le bioalimentaire a été introduit comme un axe de développement régional. Donc, siégeant moi-même à la SMD, c'est un dossier qui me préoccupe et sur lequel je travaille avec les décideurs de la Montérégie. Et, comme mes collègues qui m'ont précédée, je tiens aussi à féliciter le député des Îles-de-la-Madeleine pour avoir hérité d'un dossier aussi important que celui de critique en matière d'agriculture parce qu'effectivement c'est un dossier extrêmement important et qui a un rayonnement pour l'ensemble du Québec.

J'ai également suivi, à travers la littérature de ce qui s'était publié, ce dossier depuis que le projet de loi a été introduit et voté. En lisant un peu ce qui a été publié là-dessus, on constate d'emblée qu'il y a un manque de consensus et que les points de vue sont assez partagés selon qu'on est un défenseur de l'environnement pur et dur ou si, de l'autre côté, on a également une approche beaucoup plus économique par rapport à l'agriculture.

Et je suis ici, comme mon collègue de Laurier-Dorion, sans préjugé, sans parti pris, pour écouter les groupes qui vont se présenter devant nous. Il n'en demeure pas moins que j'ai une préoccupation majeure par rapport à l'importance pour l'ensemble des intéressés dans ce dossier qu'à l'issue de cette consultation on puisse aboutir à une cohabitation harmonieuse entre les producteurs agricoles et les non-producteurs, les résidents en particulier.

Aussi, ce qui m'a frappé dans ce débat... Et j'ouvre un parenthèse pour faire l'analogie avec le problème de l'amiante en France. Ici, au Québec, on est bien renseigné sur l'amiante, sur ses risques mais aussi sur ses points positifs, mais, en France, il y a eu une levée de boucliers où le débat a été tellement tranché que toute autre opinion qui se serait exprimée pour faire entendre raison aurait été rejetée carrément. Je pense qu'il ne faut pas qu'on tombe, ici, au moment où on débat de cette question centrale, dans la même paranoïa. Je pense qu'il faudrait considérer la dimension agricole tout autant que les autres dimensions et aboutir donc à une harmonisation, pas à une confrontation. Et, au moment où l'on se parle, la confrontation a atteint un niveau assez inquiétant.

L'autre aspect aussi, c'est que, lorsqu'on parle de la production agricole, notamment la production porcine qui est au centre du débat, versus l'environnement, on a tendance à oublier que les techniques de production ont tellement évolué qu'il y a moyen d'avoir cette cohabitation sans nécessairement avoir une nuisance extrême. Je regardais un reportage à la télévision la semaine dernière, et on nous montrait un camion-citerne qui faisait de l'épandage en l'air pour envahir tout le territoire. On sait très bien qu'aujourd'hui il y a des techniques de production qui permettent de faire l'épandage de façon beaucoup plus sécuritaire, au niveau du sol. Alors, je pense qu'il faudrait tenir ça en compte et ne pas partir en peur avec les risques tous azimuts concernant l'environnement et la santé humaine. Aussi, je dois vous dire que j'ai quand même une certaine sensibilité par rapport à l'argument qui dit que le territoire agricole est un territoire agricole. Par conséquent, les gens qui y vivent, les gens qui y pratiquent une activité économique le font en connaissance de cause et dans un territoire déterminé. Alors, il faut aussi tenir ça à l'esprit.

M. le Président, puisque vous me signalez que mon temps est terminé, je voudrais signaler que c'est un dossier où il faut agir de toute urgence parce que la dimension économique est très importante. Il y a des emplois qui sont reliés à ça, et, dans le moment, tout ça est mis en suspens parce qu'on attend une réglementation qui doit venir assez rapidement. Merci, M. le Président.


Auditions

Le Président (M. Vallières): Merci, Mme la députée de La Pinière. Alors, suite à ces remarques préliminaires, nous allons passer maintenant à l'audition du premier groupe qui doit témoigner aujourd'hui. Alors, je demanderais aux représentants de la Convention Saint-Valentin de bien vouloir s'approcher, M. Rinfret et autres. En rappelant aux membres de la commission que l'organisme dispose d'une vingtaine de minutes de présentation et que nous aurons droit par la suite à 40 minutes d'échanges: 20 minutes du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'opposition.

M. Rinfret, qui agit comme président de la Fédération de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield, peut-être pourriez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent?


Convention Saint-Valentin

M. Rinfret (Pierre): M. le Président, on avait quand même un petit processus d'établi. Je ne voudrais pas le changer à ce moment-ci. Je demanderais à M. le préfet Barrière de faire la présentation et le début de la lecture.

Le Président (M. Vallières): Oui. M. le préfet.

M. Barrière (André): M. le Président, messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, ça me fait plaisir d'être ici ce matin. Je vais vous présenter les gens qui m'accompagnent: M. Pierre Rinfret, président du syndicat de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield et producteur; également, M. Louis Beauclair, directeur du Service de développement de l'UPA de Saint-Jean-Valleyfield; également, à ma gauche, M. Guy Patenaude, maire de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et producteur; mon nom est André Barrière, je suis maire de Mont-Saint-Grégoire et préfet de la MRC du Haut-Richelieu.

C'est avec satisfaction et enthousiasme que nous avons appris l'annonce de la présente commission parlementaire, laquelle, nous le souhaitons fortement, correspond à l'enclenchement du processus final devant mener à l'entrée en vigueur de la loi n° 23. Au cours des derniers mois, des événements ont perturbé les relations agricoles et urbaines dans le Haut-Richelieu et ailleurs au Québec. Ils ont secoué la quiétude des communautés et questionné la place qu'occupe, et qu'occupera dans le futur, l'agriculture locale et régionale. Ces derniers, avouons-le, sont dus, d'une part, à l'absence d'un cadre législatif et réglementaire, d'autre part, à l'intolérance des gens, à l'incapacité des autorités en place de comprendre la place de l'agriculture chez eux et à gérer la crise lorsqu'elle est présente.

Le territoire de référence de nos organismes respectifs que sont la municipalité régionale de comté du Haut-Richelieu et la Fédération de l'UPA Saint-Jean-Valleyfield se situent au coeur même de la belle région du jardin du Québec qu'est la Montérégie. La MRC du Haut-Richelieu est située de chaque côté de la rivière Richelieu, à partir de l'autoroute 10 vers les lignes américaines. On a une population de 98 000 habitants. Il y a une partie de ce territoire où c'est l'UPA de Saint-Hyacinthe et de l'autre côté, sur le côté ouest de la rivière, c'est Saint-Jean-Valleyfield.

Un potentiel de sols exceptionnel, un climat des plus favorables, une grande proximité des marchés font de ce lieu un endroit privilégié pour y faire le développement de l'industrie agricole. D'un bref survol, on y retrouve un secteur horticole, une diversification et une expansion, un secteur animal important, mais cédant, année après année, de l'espace à la grande culture. Des productions spécialisées au niveau acéricole, pommicole, viticole, viennent compléter ce bref survol de l'agriculture du milieu. Aux prises avec des problèmes majeurs, entre autres au niveau du développement de l'industrie porcine, la MRC du Haut-Richelieu et les syndicats locaux de l'UPA, au nombre de six, ont convenu de tabler et rechercher un cadre nouveau et acceptable, d'établir un consensus qui permettrait de vivre et laisser vivre... l'atteinte d'un développement agricole géré dans le respect des autres affectations et usages.

(10 h 20)

M. Rinfret (Pierre): M. le Président, M. le ministre, une cohabitation souhaitée, mais parfois difficile. Au cours de la période qui a précédé l'entrée en vigueur de la Loi sur la protection du territoire agricole, le Haut-Richelieu, à l'instar de la Montérégie, a été l'objet d'un étalement urbain des plus intensifs. Cette situation, tous le reconnaissent, perdure, s'accentue même au gré des exclusions et des autorisations du droit que se réclament les administrations publiques à la consolidation de leur infrastructure. Les villes croissent en population, en espace urbanisé et urbanisable. Nos villages ruraux de l'époque se consolident et se transforment en communautés davantage urbaines que villageoises. Nos campagnes, quant à elles, se voient envahies par des citadins à la recherche non pas de ruralité, mais de tout ce que les villes et villages ne peuvent plus leur offrir: l'espace, la tranquillité, l'air pur, les chants d'oiseaux et les fleurs des champs.

Cette situation, où de plus en plus de gens envahissent la campagne pour y retrouver ce que de façon folklorique elle pouvait leur offrir, impose aux territoires et à l'agriculture une multitude de contraintes nouvelles avec lesquelles elle a énormément de difficultés à composer. Ces contraintes, de plus, la confronte dans son projet de développement, de diversification et de valeur ajoutée. La démographie jouant contre eux, les producteurs agricoles se retrouvent de plus en plus à la merci de ce nouveau pouvoir qui s'installe, celui des ruraux qui n'en sont pas, celui des campagnards qui vivent à la campagne mais qui n'en vivent pas.

Je pense qu'ici, on fait allusion... On sait qu'on est rendu, à peu près, les producteurs agricoles, à environ 2 % de la population, peut-être même 5 % dans les paroisses rurales. Mais on a vu chez nous des référendums. Et les municipalités se sont, moi, j'appelais ça libéré la conscience en passant des référendums. Mais c'est bien sûr que, quand on passe un référendum avec un petit nombre de la population qu'on représente, moi, je pense que l'équilibre dont le ministre Cliche parlait tantôt dans sa petite entrée est difficile à atteindre. C'est un équilibre qui est biaisé au départ. Donc, je pense que ça, c'est un fait dont il faut tenir compte dans tout ce débat-là.

Ces facteurs génèrent à la campagne une vision davantage urbaine de l'avenir, où l'agriculture se voit trop souvent reléguée loin à l'arrière-plan aux limites des frontières, par laquelle elle ne pourra certes pas relever le défi de la croissance et de la concurrence qui se présente à elle.

La solution à cet imbroglio croissant passe par l'adoption d'un cadre législatif et réglementaire nouveau, lequel devra énoncer la place et les droits de chacune des affectations du territoire: le cadre promis par la loi n° 23. Ce dernier devra permettre le développement agricole du territoire tout en assurant le respect des juridictions municipales et celui des citoyens, dans une approche non pas d'exclusion ou de rejet, mais de recherche d'une cohabitation harmonieuse entre les usages.

L'expérience du Haut-Richelieu. Comme nous l'avons mentionné préalablement, le Haut-Richelieu a vécu, au cours des derniers mois, des temps difficiles, lesquels reflètent bien les difficultés et situations nouvelles auxquelles la ruralité, le milieu et l'activité agricole se voient dorénavant confrontés dans nos campagnes. Il aura en effet suffi de deux ou trois projets porcins dans une région en déficit d'élevage – vous savez, ou bien peut-être que vous ne le savez pas, mais Saint-Jean–Valleyfield est une région où il y a à peu près 40 à 60 producteurs de porcs dans une région qui est quand même très grande et très intense au niveau de production céréalière, donc la production animale est en manque, chez nous – pour semer la panique, pour que la psychose s'empare de la population et que cet important secteur de production se voit tout à coup décrié, imputé de tous les maux et que l'on décide, en totale méconnaissance des impacts, de lui imposer le zonage de production. Ça ressemble beaucoup à l'amiante en France. Mme Pépin, vous aviez une bonne comparaison.

Je peux vous dire, pour avoir entendu des entrevues téléphoniques, des entrevues à la radio, à la télévision, les affirmations qu'on a entendues dans le débat de L'Acadie, que ce n'était pas drôle à voir. Ce n'était pas drôle à entendre. C'était toujours du méga: c'était du lisier sur le perron; c'était des pluies contaminées le lendemain que la porcherie arrive. En tout cas, il y avait des aberrations, c'était épouvantable. Et le pire, c'est que, quand un le dit, les autres répètent puis c'est tout vrai. Donc, il se fait un engouement sur la démagogie. En tout cas, c'était assez attristant de voir le débat, la façon dont il se faisait.

Le monde agricole plaide depuis fort longtemps, depuis le tout début de ce débat, pour la concertation entre les parties. Pour s'en convaincre, il nous suffit de nous rappeler les multiples démarches des producteurs, de leurs syndicats et de la Fédération auprès des instances municipales. Partout, nous avons réclamé le droit à l'expression, à être reconnus, intéressés dans le débat. Si à certains endroits, tels Saint-Jean, Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Saint-Jacques-le-Mineur, Saint-Cyprien de Napierville, pour ne citer que ceux-là, une réponse positive a été donnée, à d'autres, tels L'Acadie, Saint-Blaise sur le Richelieu, les producteurs ont dû sortir massivement pour l'obtenir.

Vous avez probablement entendu parler de cette manifestation. Les producteurs, quand on leur a dit qu'on leur zonait le territoire d'une municipalité qui est à 90 % zonée vert et qu'on leur a dit: On va vous mettre une production possible de faire du porc pour 5 % de ce territoire-là, ils se sont sentis violés. Et en plus on leur a dit: Sur ce 5 %, on va réglementer plus sévèrement que les règlements qui existent déjà, venez donc jaser avec nous autres pour faire cette discussion-là. On est allés jaser à 1 000 personnes et 100 tracteurs. Et, en même temps, je pense que les producteurs voulaient démontrer le ras-le-bol et la non-acceptation de ce principe. Je pense que, suite à ça, il y a des discussions qui ont reparti dans ces municipalités et je pense que le débat se fait plus sainement maintenant.

Nous estimons que ce n'est certes pas simplement par l'affrontement entre les parties que nous pourrons instaurer une saine et confiante concertation. Nous sommes d'avis que le problème est complexe, aux ramifications et retombées multiples et surtout hors de la portée des seules autorités municipales. Le gouvernement se doit de remplir ses engagements, son mandat et se doit de prendre ses responsabilités. Le climat et les relations tendues que nous vivons actuellement le commandent. La situation vécue dans plusieurs municipalités du Haut-Richelieu et d'autres régions a amené la mise sur pied d'une table de travail regroupant des intervenants du monde municipal et agricole sous la présidence du député de Saint-Jean, M. Roger Paquin. Ce comité s'est donné comme mandat principal d'analyser les différentes problématiques du milieu et d'évaluer les opportunités de solutions.

Des nombreux et francs échanges tenus, il ressort une orientation en laquelle l'ensemble des partenaires mettent leur confiance. Il s'agit de la Convention Saint-Valentin, du nom de la municipalité qui fut la première en région à être aux prises avec ce qu'on a pu appeler la «crise porcine» mais et surtout dû au fait que le maire de Saint-Valentin, M. René Trahan, en fut le promoteur et l'instigateur. Cette Convention a d'intérêt le fait qu'elle s'arrime en grande partie sur une orientation déposée par le ministre de l'Agriculture, M. Guy Julien, lors de l'adoption de la loi n° 23 et intitulée Paramètres de distances séparatrices , relativement aux pratiques et usages agricoles.

Je pense qu'on nous a dit tantôt qu'on souhaitait lors du dépôt de mémoire avoir des suggestions sur les fameuses réglementations, les fameuses distances séparatrices. Je pense que c'est ici une affirmation assez précise qu'on a essayé, quand ce groupe de personnes – vous l'avez en annexe le nombre de personnes qui ont participé au niveau de cette Convention Saint-Valentin, plusieurs conseillers, maires, préfets et représentants de l'UPA – et avec la meilleure volonté du monde, a débuté ses travaux avec les normes du ministre Cliche déposées au mois de juin dernier... Et ils se sont vite rendu compte que c'était inapplicable, que, si on appliquait ces normes-là, ça allait à l'élimination graduelle de l'agriculture et l'empêchement d'expansion au niveau agricole du territoire. Donc, à ce moment-là, on s'est mis à travailler avec les paramètres de distances séparatrices du ministre de l'Agriculture, qui semblaient beaucoup plus faciles d'accès.

Elle a d'intérêt également le fait qu'elle représente bien la capacité qu'ont les régions et les milieux d'en venir à des consensus lorsqu'un cadre existe. De plus, cette Convention s'avère adaptée et adaptable. Elle permet l'atteinte de cohabitation souhaitable et essentielle arrimée sur la réalité des milieux auxquels elle s'applique. On a même vu que, dans le cas de cette Convention, on a tenu compte de marinas et d'autres immeubles protégés, si on peut les appelés ainsi, et qu'ensemble l'UPA, les maires, les préfets et le député Paquin, qui je pense a été d'une grande aide dans tout ce débat, on a dit que, même si les normes imposées par le ministère de l'Agriculture sont telles, on est allés au-delà de ça. On était quand même un peu plus sévères. Mais ensemble on l'a fait avec le consensus de l'agriculture, ce qui prouve notre ouverture et notre volonté de discuter, mais, à quelque part, ça nous prends des règles et qu'elles soient reconnues et applicables.

En contre-partie, il nous faut reconnaître les limites de cette approche basée uniquement sur le bon vouloir et l'ouverture des gens et des autorités locales qui l'ont décrite. En effet, cette Convention ne peut à elle seule établir les cadres nouveaux de la cohabitation rurale-urbaine. Il faut pouvoir reposer sur du législatif et du réglementaire davantage formels.

(10 h 30)

Tout en reconnaissant la sincérité des gens qui y ont participé, le fait qu'elle n'ait aucun pendant légal ni réglementaire fait qu'elle ne peut servir que de guide. À ce chapitre, quelques semaines à peine après l'énoncé de ladite Convention, plusieurs municipalités participantes se retrouvaient sur le chemin stérile du zonage de production, le tout dû aux pressions des citoyens inquiets, au fameux charriage dont on parlait tantôt.

Ceci nous apparaît être une preuve incontestable que le local, les municipalités seules ne peuvent résoudre le problème, ce dernier n'étant pas plus à leur portée, de leur juridiction exclusive. Ces faits démontrent de plus en plus, sans équivoque, qu'il tarde que le gouvernement agisse en ces matières. M. le maire.

Le Président (M. Vallières): M. Patenaude.

M. Patenaude (Guy): M. le Président, MM. les commissaires, quelle que soit la bonne volonté des autorités et des gens en place, il nous apparaît clair que seules elles ne pourront faire face à la pression et à l'incohérence d'une population lorsque l'hystérie s'en empare. Nous désirons rappeler à cette commission que les solutions existent et qu'il s'avère urgent pour le gouvernement d'agir, s'il ne veut pas que des situations comme à L'Acadie se multiplient, que les relations entre le monde rural et urbain ne s'enveniment davantage, au point où, pour défendre leurs droits, les agriculteurs doivent mener plus de bruit qu'ils ne le font actuellement ou habituellement.

De plus, les solutions devront à la fois permettre le développement de cet important secteur économique qu'est l'agriculture et, d'autre part, respecter et reconnaître les consensus établis dans et par les milieux. Ici, on fait référence aux rencontres multiples que l'on a eues avec le milieu, les gens du milieu, pour essayer de définir un certain cadre qui pourrait vous être soumis ce matin.

Les solutions, ce sont: la définition et l'adoption de réglementations environnementales s'inspirant essentiellement des orientations déposées par le ministre de l'Agriculture, M. Guy Julien, et intitulées Paramètres de distances séparatrices ; le respect des consensus locaux et régionaux en conformité avec l'esprit de la loi n° 23; les orientations gouvernementales et les réglementations environnementales; l'entrée en vigueur de la loi n° 23, assortie de la réglementation afférente, et ce, dans les meilleurs délais.

La démarche des gens, des groupes et autorités du Haut-Richelieu démontre à la fois la capacité et les limites d'action et d'intervention d'un milieu lorsqu'il est laissé seul à lui-même.

Tout en vous remerciant pour le temps alloué, nous désirons vous rappeler une dernière fois que nous comptons que le gouvernement donnera suite à ses engagements envers l'agriculture et aussi envers l'ensemble des citoyens. Tous et toutes avons besoin du cadre promis par la loi n° 23. Procédez donc à l'entrée en vigueur afin de rétablir les droits, le respect et la quiétude dans nos communautés. M. le Président, membres de la commission, nous vous remercions.

Le Président (M. Vallières): Alors, je remercie les représentants de la Convention Saint-Valentin. Vous me permettrez peut-être, d'entrée de jeu, de lancer un peu le questionnement, et ça va être fait avec tous les organismes qui viennent nous rencontrer, dans le fond. Vous décrivez bien la problématique vécue dans votre milieu. L'objet de la commission, c'est de cerner votre point de vue sur le cadre qui a été déposé, parce qu'il y a un cadre, là, qui a été déposé par le gouvernement du Québec. Il serait important pour les membres de la commission de connaître votre point de vue sur ce cadre qui a été déposé.

Vous nous indiquez qu'il serait intéressant que le gouvernement vous fournisse ce cadre pour développer ce que vous appelez une «cohabitation harmonieuse dans votre milieu». Est-ce que ce cadre qui a été déposé par le gouvernement du Québec et les ministres concernés vous permet d'atteindre cet objectif? Si oui, vous nous dites pourquoi, et, si non, vous nous dites pourquoi.

M. Rinfret (Pierre): Bon. M. le Président, concernant les documents que nous avions pour venir faire notre présentation à la commission, moi, je pense que c'étaient des grands principes qui étaient dans le document. Et les grands principes qui étaient dans le document, je pense qu'ils nous vont, sauf qu'évidemment il nous manquait des précisions concernant nos fameux barèmes de distances séparatrices, surtout la précision sur les règlements. Il y avait des données à la fin, en annexe, mais toujours relatives à 0,5 et 2,4, je crois. Donc, elles ne nous donnaient pas des précisions quant aux distances bien gros.

Au niveau des principes sous-jacents au projet, moi, je pense que ça avait bien du bon sens. Mais des principes, on sait ce que c'est, là. Je pense qu'on a dit beaucoup de choses aujourd'hui. Tout le monde s'entend sur les principes, sur de belles orientations, mais, quand on aura les règlements précis et l'interprétation de ces principes-là, espérons qu'on aura les mêmes. Mais, en tout cas, c'est peut-être le mieux que je peux faire pour répondre à... Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le Président (M. Vallières): Partiellement. Je pense que vous devriez profiter de la présence des ministres à cette table, s'il vous manque des précisions, pour les obtenir. C'est le but, c'est l'objet de la commission également.

J'ai plusieurs demandes d'intervention. Je débuterai par le ministre de l'Agriculture, suivi du député des Îles-de-la-Madeleine. Alors, M. le ministre des Affaires municipales. Non? M. le ministre de l'Agriculture. On débute par le ministre de l'Agriculture.

M. Julien: M. le président, merci de votre présentation, M. le préfet et M. le maire. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous vous êtes basés beaucoup sur le document qui avait été déposé en commission parlementaire sur les paramètres de distances et vous avez dit à quelque part, si j'ai bien compris, que vous êtes allés un peu plus loin. En deux minutes, êtes-vous capables de me dire, sans aller dans tous les détails, là, ce n'est pas ça que je veux... Je veux juste voir là-dessus vos réactions.

M. Rinfret (Pierre): Je pense que je vais demander à Louis, ici, qui est permanent à la Fédération. Il était là comme personne-ressource technique. Je pense qu'il est peut-être plus à point dans ces petits détails là. Louis.

M. Beauclair (Louis): Bon. Entre autres, les domaines dans lesquels le comité est allé passablement plus large, c'est entre autres au niveau de l'identification de certains secteurs qu'on a qualifiés de «secteurs dits patrimoniaux», entre autres la rivière Richelieu. Tout ce qui concerne la plaine inondable où des mesures relatives aux pratiques agricoles ont été convenues, bon, entre autres des périodes où on pourrait procéder à des épandages d'engrais organique, suivis d'une méthode d'enfouissement immédiat... C'est qu'on a convenu, entre autres, de ces questions-là.

Également, dû à la présence... Qui dit rivière dit bateaux dans le Haut-Richelieu. Il y a un certain nombre de marinas qui sont identifiées au niveau des schémas d'aménagement ou qui sont répertoriées puis qui ne sont pas, si on veut, selon les définitions dites conventionnelles, des immeubles protégés, mais où il y a eu reconnaissance de ces équipements-là comme étant des équipements protégés.

Il y a également certains équipements de nature récréative qui ont été identifiés par les groupes puis par rapport auxquels les gens ont convenu d'adopter un certain nombre de mesures de protection particulières pour reconnaître l'existence de ces équipements-là.

M. Julien: O.K. Merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Alors, bonjour messieurs. Je pense que votre mémoire est intéressant dans le sens qu'il décrit une situation concrète qui a été vécue dans votre région et qui pourrait se multiplier, et vous le dites bien, je pense, dans plusieurs régions du Québec. Et vous précisez que le gouvernement ne doit pas perdre de vue de prendre ses responsabilités, parce que d'arriver localement à dégager le meilleur consensus du monde il reste toujours des séquelles, et, par conséquent, il est important que le gouvernement conserve une certaine poignée pour faire, comme je disais dans mon introduction tantôt, un peu d'arbitrage au-dessus de tout ça.

(10 h 40)

Moi, j'aimerais vous entendre. J'aurais peut-être aimé davantage des choses plus précises sur les normes comme telles de bruit ou au niveau des odeurs, des poussières, etc. Êtes-vous d'accord avec la position du ministre de l'Environnement, qui dit qu'au niveau des bruits, des poussières il y aura une réglementation provinciale, une réglementation à l'ensemble du Québec, et qu'au niveau des odeurs spécifiquement, à l'intérieur d'une certaine fourchette, là, mais que ça sera laissé libre aux différentes municipalités du Québec d'avoir une réglementation selon ce qu'elles veulent bien à l'intérieur de ladite fourchette?

Le Président (M. Vallières): M. Rinfret.

M. Rinfret (Pierre): Bon, au niveau du bruit-poussières, moi, je pense que l'idée qu'il y ait une réglementation provinciale, oui, on est en accord avec ça. Le seul problème, c'est qu'on est en accord avec le principe, mais, avec les chiffres qui nous ont été soumis à date, on est en très, très, très grand désaccord. Parce qu'on parlait de 40 dB ou 45 dB – en tout cas, je fais plus que ça à parler, moi, là – donc, ça, on a des problèmes là-dessus. C'est parce qu'on voulait se comparer un peu à de l'industrie, un peu à d'autre chose – je pense que c'est une forme d'industrie, l'agriculture – à ce niveau-là on a des problèmes.

M. Farrah: Quelle serait votre suggestion, votre seuil acceptable?

M. Rinfret (Pierre): On avait parlé – en tout cas, à l'interne, chez nous – de 70 à 75 – 70 la nuit, 75 le jour – parce qu'on sait que les équipements dont on parle sont quand même saisonniers, ce ne sont pas des bruits annuels. Si on parle de séchoirs à foin et séchoirs à maïs, ils ne sont toujours que temporaires, de deux semaines à cinq semaines à peu près dans les saisons. Donc, on pense qu'on doit être quand même un peu plus permissif que les limites qui nous avaient été soumises par le ministre Cliche.

Pour ce qui est des odeurs, bon, je ne sais pas jusqu'où on a le choix. Peut-être qu'avoir le choix on aimerait autant encore une réglementation provinciale, mais on a accepté l'idée que les municipalités peuvent faire ce bout-là, avec des balises. On le dit même dans le document, que les municipalités conservent ce bout-là, sauf avec des balises. C'est ce qui nous manque actuellement. La Convention Saint-Valentin, comme on disait, je pense qu'elle s'est arrimée sur les distances séparatrices du comité d'experts du ministère de l'Agriculture. Mais, même les gens qui y ont participé, quand ils sont arrivés chez eux – parce que c'étaient des maires, des conseillers, mais ce n'étaient pas des conseils municipaux au complet – ils n'ont pas pu convaincre le conseil de la même chose. Sauf que, s'il y avait eu une réglementation...

En tout cas, les orientations qu'on s'attend d'avoir, les balises qu'on s'attend d'avoir, si elles avaient existé comme règlements, bien, au retour chez eux, ces maires, ces échevins-là n'auraient pas eu de difficulté à convaincre leur conseil parce que ç'aurait été ça, les règles. C'est là qu'on dit que ça prend absolument un corps réglementaire. On a beau faire de grandes discussions, mais, quand l'hôtel de ville se remplit, la philosophie change, on dirait, puis, quand c'est au mois de novembre, c'est encore pire. C'est qu'il faut absolument que ces règles-là soient encadrées et que, de départ, on ait des orientations, au niveau de distances séparatrices, qui soient viables, acceptables.

Puis c'est dans ce sens-là que je disais que la Convention Saint-Valentin est basée sur les distances déposées par le document du ministère de l'Agriculture, qui était le seul baromètre qu'on connaissait, en tout cas, qui était sur papier, qui semblait valable, dans une région comme la nôtre – et, je suis convaincu, ailleurs aussi au Québec – pour faire en sorte que l'agriculture puisse continuer à expansionner. Parce que, trop souvent, on pense à faire des limites ou faire des normes pour ce qui existe actuellement, mais il ne faut pas oublier qu'on est en expansion. Tu sais, si on veut que l'agriculture soit plus exportatrice, soit plus... en tout cas, soit compétitrice, on a assez souvent à expansionner, et il ne faut pas se faire limiter avec ce qui existe actuellement, il faut laisser de la place à l'expansion de l'agriculture. Selon des règles, on n'a pas de misère avec ça.

Le Président (M. Vallières): Bon, d'accord. Alors, d'autres demandes d'intervention? J'ai le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: Oui, merci, M. le Président. D'abord, saluer M. le préfet de la MRC du Haut-Richelieu, M. le maire, M. le président du secteur de l'UPA et les gens qui vous accompagnent. D'abord, une remarque générale. Nous avons insisté pour que vous puissiez être les premiers à être entendus devant cette commission, au moins de la part du ministre des Affaires municipales, d'abord pour détruire un mythe qui est en train de s'accréditer et qui a, par définition, la vie de plus en plus dure, c'est-à-dire que c'est impossible de s'entendre et d'avoir une occupation harmonieuse du territoire, au niveau des différents usages qu'on peut faire de ce territoire.

Et j'espère que votre témoignage – j'en suis convaincu maintenant – va donner le ton à l'ensemble de cette commission. Parce que, oui, depuis l'adoption de la loi sur le zonage agricole, après en avoir parlé tant d'années, il y a un gouvernement qui l'a adoptée. Maintenant, après en avoir parlé tant que ça, il y a un gouvernement qui a adopté une loi sur le droit de produire puis il y a un gouvernement qui a dit qu'il s'engageait à l'entrée en vigueur à l'intérieur d'une année, et ça va entrer en vigueur à l'intérieur d'une année. Et, pour ce faire, il y a donc différents règlements, soit au niveau national, à adopter, parce qu'on s'est entendus là-dessus. Quand je dis qu'on s'est entendus, c'est l'ensemble des intervenants concernés.

Puis, deuxièmement, il y a aussi une marge de manoeuvre qu'il faut laisser aux instances locales, aux municipalités, parce que la typologie du territoire québécois, la configuration du territoire québécois, ce n'est pas uniforme partout. On ne peut pas prendre une décision en matière de gestion des odeurs à partir de Québec en disant que ça va se gérer partout pareil, de la même façon, avec la même méthode, sans tenir compte des particularités locales.

C'est pour ça que je réponds un peu aux assertions du député des Îles-de-la-Madeleine: Mais comment ils vont faire? Pourquoi laisser aux municipalités locales? Parce que c'est là que doit s'exercer la responsabilité de l'occupation harmonieuse du territoire. Et vous en êtes la preuve ce matin, qu'on peut en arriver, lorsqu'on se parle, on s'assoit à la même table autour d'une situation, en matière d'occupation harmonieuse du territoire et de développement – pour reprendre l'expression que vous avez employée, que le député de Saint-Jean a employée – du jardin... Lorsqu'on est dans un territoire de MRC qui comprend une zone agricole, lorsqu'on est en matière de développement du jardin, il est possible de s'entendre.

Là-dessus, ce qu'on a fait, ce qu'on a posé comme geste, ça n'a pas été juste de faire du placotage, là. Ça a été d'adopter une loi avec tous les ministères et les ministres concernés au nom du gouvernement. On l'a fait. Encore une fois, là, on peut en parler longtemps ou le faire. Nous autres, on l'a fait. Deuxièmement, l'entrée en vigueur d'un certain nombre de règlements et de paramètres, ça aussi, c'est pour ça qu'on vous demande de venir ce matin et de nous indiquer quels sont les éléments sur lesquels on peut se baser pour promulguer des règlements.

Troisièmement, vous faites donc la démonstration et la compréhension de l'esprit de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Vous le dites très bien dans votre texte, et je veux le répéter pour les intervenants, à la page 3, «reflète bien les difficultés des situations nouvelles auxquelles la ruralité, le milieu et l'activité agricole – c'est trois dimensions importantes, ça – se voient dorénavant confrontés dans nos campagnes». Et, par ailleurs, au niveau de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, l'occupation harmonieuse des différents usages au niveau du territoire... Il est donc possible et le comité consultatif agricole, dans le fond, vous l'avez fait vivre avant la lettre de la loi et vous avez obtenu des résultats.

Je voudrais que vous donniez une précision sur la remarque, en conclusion, que vous faisiez, à la page 5 de votre document. Vous dites: «En contrepartie, il nous faut reconnaître les limites de cette approche basée uniquement sur le bon vouloir et l'ouverture des gens et des autorités locales qui l'ont décrite.» Et plus loin, vous indiquez: «Tout en reconnaissant la sincérité des gens qui y ont participé, le fait qu'elle n'ait aucun pendant légal ni réglementaire fait qu'elle ne peut que servir de guide.»

Est-ce que vous êtes en train de nous dire que cela ne peut pas se traduire en termes réglementaires pour application? Sinon... Je pense bien que ce n'est pas ça, votre réponse, mais j'aimerais vous l'entendre dire. Deuxièmement, est-ce que tout cela, évidemment, avec les cinq paramètres que vous avez énoncés, ça peut s'appliquer pour l'ensemble du territoire québécois en matière de gestion des distances séparatrices pour la question des odeurs ou des établissements?

M. Patenaude (Guy): M. le Président, je peux peut-être répondre à cette interrogation-là.

Le Président (M. Vallières): Oui, alors, pour le besoin du Journal des débats , il s'agit de M. Patenaude.

M. Patenaude (Guy): Exact. Je peux vous dire que, nous, lorsqu'on disait que c'était sur le bon vouloir, c'est que les gens qui se sont réunis ont bien voulu regarder une façon de procéder, se donner des critères et des marges. Mais il n'y a absolument aucun pouvoir des municipalités... Je vais vous donner un exemple. Moi, je suis maire d'une municipalité. Je me présente à ma municipalité avec un document comme celui-là. Même si ça a été discuté de bonne foi, il n'y a absolument aucun cadre supérieur qui nous oblige. Je peux avoir un conseil municipal divisé, et à ce moment-là on ne pourra jamais appliquer cette réglementation-là. S'il y avait un cadre supérieur, les municipalités auraient l'obligation d'entrer à l'intérieur d'une certaine marge, où tout ce qu'il y a à l'intérieur de ça, on pourrait aussi l'appliquer.

Et la MRC n'avait pas non plus, je pense, le pouvoir de faire une réglementation dans ce sens-là. C'est pour ça qu'on dit qu'on avait le bon vouloir de regarder des marges de recul, de négocier ensemble des façons de procéder, mais, lorsqu'on arrivait sur le côté municipal, on n'avait plus le pouvoir de dire à notre conseil municipal, si on était minoritaires: Vous devrez appliquer cette réglementation-là.

(10 h 50)

M. Trudel: En simple, si les cinq paramètres que vous nous proposez faisaient partie des orientations gouvernementales et que nous les faisions parvenir à chacune des MRC du Québec pour application à l'intérieur de la révision de leurs schémas d'aménagement et, éventuellement, des règlements de zonage et d'urbanisme des municipalités, vous dites: Avec cet encadrement de type réglementaire, cela nous permettrait de gérer le développement agricole sur notre territoire et de gérer l'occupation harmonieuse. Passez ça au niveau réglementaire et on va arriver à un bon résultat.

Je ne veux pas prendre trop de temps, M. le Président. Moi, je vous félicite. Vous êtes un exemple pour le Québec. Il faut que chacun regarde ce qui s'est passé pour réaliser la Convention Saint-Valentin. Ce n'est pas vrai qu'on ne peut pas en arriver à une occupation harmonieuse et au développement du territoire, et du territoire agricole en particulier au Québec. C'est important, la démarche que vous avez faite. Quant à nous, on va l'étudier mais extrêmement attentivement, non seulement l'ensemble des paramètres que vous proposez, mais le contenu, évidemment, de ces paramètres, et faire en sorte qu'on puisse en arriver à une application sur le territoire, sur l'ensemble du Québec: municipalités, producteurs agricoles, aménagements, occupations de type plus urbanisé, occupations plus ruralisées. C'est possible sur le territoire québécois, et on va y arriver, tous ensemble, au plus tard le 20 juin.

Le Président (M. Vallières): M. Barrière, vous vouliez ajouter?

M. Barrière (André): Oui. J'aimerais ajouter quelque chose, M. le ministre. Si on attend les changements aux schémas d'aménagement, ça va être un peu plus long que le 20 juin. Il pourrait peut-être y avoir une réglementation. Si on attend les débats qu'il y aura entre certains ministères et de s'arrimer avec le schéma d'aménagement, ça va être un peu plus long que ça. Ça peut prendre quelques années. Je ne veux pas presser le temps, mais vous savez... Non, mais les schémas, ça va être plus long. L'inclure dans un projet de schéma ou il faudrait réviser le schéma actuel et l'inclure immédiatement, mais c'est encore quelques mois après le 20 juin. Le plus tôt possible serait la meilleure solution. Je n'ai pas la réponse, mais il ne faudrait pas attendre les nouveaux schémas qui sont en voie d'être réalisés.

M. Trudel: On ne peut pas vous demander de tenir compte de ces dimensions lorsqu'elles ne sont pas émises. On fera nos devoirs rapidement, puisque c'est une indication maintenant du gouvernement au niveau du Conseil des ministres, avant le 20 juin, et dès lors on pourra se mettre rapidement au travail, au plus tard en juin, pour réaliser la révision des schémas d'aménagement. Et, si, dans certains secteurs, dans certains territoires, il y a urgence de procéder rapidement, compte tenu des projets, par exemple, qui peuvent se présenter... L'UPA rappelait la sous-capacité en termes de production dans certaines zones. Si certaines municipalités régionales de comté, certaines municipalités locales étaient confrontées à des demandes d'expansion, on pourra en arriver à réviser les règlements en question, sur proposition de la MRC, à l'intérieur des paramètres que nous aurons définis et qui seront adoptés et qui pourront à ce moment-là être utilisés par les MRC au Québec.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le ministre. J'aurais peut-être une question rapide aux intervenants devant nous. Est-ce que vous avez pris connaissance du document du 20 mars, déposé par le ministre de l'Environnement, qui s'intitule Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole , déposé par le gouvernement?

M. Rinfret (Pierre): Oui.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Est-ce que vous aviez les annexes?

M. Rinfret (Pierre): Oui.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Parce que votre mémoire fait référence, dans ce que vous proposez, au document Paramètres de distances séparatrices qui avait été rendu public, celui de janvier 1996, rendu public en juin par le ministre de l'Agriculture. Est-ce que ça veut dire qu'il y a une préférence pour celui-là, et, si c'est ça, comment expliquez-vous que votre mémoire fasse référence à un document qui précède de près d'un an celui qui est le dernier document gouvernemental? Est-ce que la commission doit interpréter ce que vous nous disiez dans votre mémoire à l'effet que, si on compare les deux, vous préférez, vous indiquez une préférence pour les propositions qui étaient faites à l'époque par le ministre de l'Agriculture?

M. Rinfret (Pierre): Oui. Je pense que c'est assez évident. J'y ai fait allusion une couple de fois dans la lecture de mon document et je suis même sorti du texte pour préciser qu'il y avait eu des tentatives pour travailler avec d'autres documents mais qu'on est revenus au document du ministère de l'Agriculture, du comité d'experts, et déposé en juin, en tout cas, on peut jouer sur les dates, mais je pense que, quand on parle du document du ministère de l'Agriculture, on se comprend que c'est évident que c'est une très, très grande préférence. C'est avec celui-là qu'on a bâti la Convention Saint-Valentin, dont je viens d'entendre le ministre des Affaires municipales vanter le travail, cet aboutissement. Mais je pense que c'est avec le document du ministère de l'Agriculture qu'on est parvenus à faire ça, et c'est très clair pour nous que c'est ce document-là avec lequel on peut travailler.

Moi, je pense que j'ai précisé qu'ensemble on était capables, dans certains cas, d'aller au-delà, de le dépasser, même, en règles qu'on s'est données, nous, de l'agriculture, mais on se les est données ensemble. Ça veut dire que le monde agricole, quand il est capable de jaser puis qu'on est capables d'avoir notre place puis pas d'avoir un référendum comme chantage au-dessus de notre tête, on est capables de jaser et de reconnaître que, parfois, il faut même dépasser ces normes-là du ministère de l'Agriculture.

Les autres documents qu'on avait, on n'a pas travaillé pour les dépasser. On travaille pour prendre notre retraite avec ça. Mais, celui-là, je pense qu'on est capables de travailler avec puis, dans certains cas, de dire: Oui, on peut aller plus sévère que ça; ensemble, on le décidera pour protéger. Parce que, dans la société, on veut vivre, nous autres, puis on veut être capables de saluer nos voisins en passant, on ne veut pas se cacher dans nos cabines de tracteurs.

Le Président (M. Vallières): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Beauclair (Louis): C'était peut-être juste pour apporter une petite précision. Au niveau du calcul des charges d'odeur, il faut réaliser ce que ça peut représenter dans un territoire qui n'est pas vide. C'est un territoire où cohabite une certaine urbanisation avec de l'agriculture. Il faut, de temps en temps, peut-être sortir son crayon de couleur puis faire ce qu'on a fait, puis prendre la carte d'une municipalité puis essayer de s'imaginer quel serait le territoire qui demeurerait accessible pour implanter un élevage porcin, à titre d'exemple, dans une région qui est en large déficit d'élevage porcin, pour se rendre compte qu'on va manquer de deux choses: un, d'espace puis, deux, d'encre, parce qu'on peinture.

L'approche des charges d'odeur où, excusez l'expression, on garroche le cochon à 1 300 m de la plus proche habitation, c'est nier le fait, je pense – puis c'est ce que les gens de la Convention Saint-Valentin ont fait puis c'est ce qu'on a fait tous ensemble – de se rendre compte qu'on alloue à quelqu'un qui a fait le libre choix d'aller demeurer à la campagne le droit d'avoir les privilèges urbains sans les passifs de rester. On condamne ce territoire-là à ne pas pouvoir se développer. Pourquoi? Parce qu'il existe un type d'établissement.

On est après négocier, juste un aparté, à L'Acadie actuellement. Il y a un type qui fait de l'élevage d'agneaux, il a demandé un permis de restauration. Bien, tantôt, il va falloir aller foutre ça en plein centre des villages. Pourquoi? Parce que, par cette approche-là, ça veut dire qu'il devient un immeuble protégé. Puis, dans un périmètre de 1 300 m, tout au pourtour, il occupe un très petit espace avec sa binerie – excusez l'expression, c'est le qualificatif qu'on nous a donné – puis il ampute l'ensemble du pourtour. Puis on se promène de même... On est dans un territoire où il existe de l'urbanisation, il n'y a pas que de l'agricole.

Le Président (M. Vallières): Alors, merci, M. Beauclair. Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. M. Rinfret, je crois que l'UPA avait fait une mission en Hollande, en 1993 ou en 1994. On sait que la Hollande est un pays qui est 50 fois plus petit que le Québec et il produit cinq fois plus de porcs, je crois, 25 000 000 de porcs contre 5 000 000 pour le Québec. Et on sait également que la densité de population en Hollande est de loin plus forte que celle du Québec, on parle de 500 personnes au kilomètre carré, alors que, chez nous, c'est deux personnes au kilomètre carré. Vous me corrigerez les chiffres.

(11 heures)

Alors, si, dans un pays comme la Hollande, qui est 50 fois plus petit que le Québec, on produit cinq fois plus de porcs que le Québec, dans des conditions d'hygiène et d'environnement qui sont totalement acceptables. Comment expliquez-vous qu'ici, au Québec – vous avez parlé dans votre mémoire d'hystérie – on est rendu à faire de l'hystérie autour de ça? Est-ce que techniquement on n'est pas aussi avancé que des pays comme la Hollande ou est-ce que le débat se situe ailleurs? J'aimerais bien vous entendre là-dessus.

M. Rinfret (Pierre): Bon, ce n'est pas facile, je n'étais pas de la mission en Hollande. Vos chiffres semblent corroborer ceux qu'on a entendus. C'est évident que ce n'est pas ce qu'on essaie de faire au Québec, de transposer le niveau de production et le volume de production de la Hollande au Québec. Moi, en tout cas, ce qui fait la différence... Je pense que, d'abord, l'évolution de la technologie, on la connaît mal. En tout cas, j'ai vu des discussions chez nous faire référence un peu à des choses que vous disiez tantôt, des épandages qui ne sont plus à la mode, des bâtiments qui ne sont plus à la mode.

Et chez nous en plus – je vais référence souvent à chez nous parce que évidemment on parle de notre région – les constructions de porcheries qu'il se fait sont de nouvelles constructions. Donc, avec la nouvelle technique, je pense que l'odeur est d'autant diminuée, avec la nouvelle technologie. Et l'application des lisiers aussi, généralement c'est des gens qui s'installent à neuf ou qui agrandissent, donc «expandent» avec de la nouvelle technologie. Donc, cette nouvelle technologie là est sous-connue. C'est sûr que le monde font référence à ce dont ils ont déjà entendu parler.

Pour le restant, c'est le charriage, auquel vous faites allusion, qui est assez affreux à entendre. On en a entendu de toutes les couleurs, et après que ça part à rouler, à dire n'importe quoi, à déblatérer contre des choses... Je pense qu'il s'est dit énormément de faussetés. Donc, c'est l'ensemble de tout ça qui fait de l'intolérance. Et le succès qu'on a vu – et pas juste chez nous, dans plusieurs parties de la province – à remplir les hôtels de ville et à faire virer la philosophie de départ fait que les gens disent: On a juste à remplir l'hôtel de ville et signer une pétition, et ça marche. Ça fait que c'est pour ça qu'on dit qu'il faut absolument une réglementation pour empêcher ça.

Nous autres, on dit: La Loi sur la protection du territoire agricole, quand elle est arrivée, en 1978, il y a des municipalités qui disaient peut-être qu'elles ne l'aimaient pas, mais, dans le fond, moi, je pense qu'elle a satisfait beaucoup d'élus municipaux et beaucoup d'agriculteurs aussi, parce que là, dans le fond, il y avait un encadrement et il n'y avait plus l'odieux à supporter de dire non. Je pense que la même chose va arriver avec cette loi-là, que les autorités municipales vont être encadrées, et ça va être bien plus facile pour eux autres de gérer la situation. Toute l'émotion des milieux aura moins de saveur, aura moins d'influence pour finir par dire que cette réglementation-là est attendue. Vos références, je pense qu'elles sont correctes. Il y a un peu de ça qui s'est passé chez nous, qui se passe encore.

Mme Houda-Pepin: J'ai le droit à une autre petite question?

Le Président (M. Vallières): Oui, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: À la page 6 de votre mémoire, vous parlez, au titre des solutions, la solution n° 2, du respect des consensus locaux et régionaux. On vient de vous entendre et vous avez dit que, dans les milieux, c'est très difficile, qu'il y a beaucoup de tension, etc. À quel consensus faites-vous référence et comment éventuellement – s'il y a un consensus qui s'est dégagé dans votre coin à vous – ce consensus peut-il s'élargir à l'ensemble du Québec?

Le Président (M. Vallières): M. Rinfret.

M. Rinfret (Pierre): Moi, je pense que la loi n° 23, quant à son application, a une méthode de consultation qui est prévue dans la loi. En attendant ça, on a fait exemple, je pense, à la Convention Saint-Valentin, que, quand de part et d'autre des gens veulent discuter, on arrive à des choses intéressantes en grande partie du temps. Donc, quand la loi va être passée, je pense que la consultation va être automatique. Elle va se faire. En attendant ça, bien là c'est plus laborieux parce que les consensus obtenus ne sont pas nécessairement toujours retenus, on l'a vu. Mais je pense qu'avant les manifestations chez nous il y a des municipalités qui ne voulaient rien savoir, ne voulaient pas discuter. Maintenant, en ayant tordu le bras, ça discute, ça avance. D'autres, on n'a pas eu besoin de la manif pour les faire avancer. Il y a eu des discussions intéressantes. On a conclu des choses intéressantes.

Mais c'est l'encadrement de tout ça qui n'est pas bon. On a beau avoir un beau papier, un beau document – M. le maire l'a dit lui-même tantôt – on arrive à notre conseil municipal et des fois on est tout seul à être d'accord avec ça, ça fait qu'on se fait renverser. Donc, ça nous prend de l'encadrement à cette consultation-là, à laquelle, nous autres, on veut participer et on est très ouvert au dialogue à tous les niveaux.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: Merci. Deux petites remarques et une question. Première petite remarque, c'est que vous avez compris qu'on m'a demandé d'accompagner la démarche, et j'agis un peu comme animateur, comme médiateur. On a commencé à travailler d'abord avec le document qui avait été déposé au mois de juin par le ministère de l'Environnement. Comme l'indiquait le député des Îles-de-la-Madeleine, on était concrets, nous autres. On prenait une vraie carte, une vraie distance, une vraie affaire qu'on voulait protéger, tout ça. On l'a essayé toute une soirée avec des choses puis ça ne marchait pas. Et là les gens m'ont demandé: Y en «a-tu» un autre, document? Et là, bien, j'ai ressorti l'ancien. Alors, ça, c'est pour la première remarque.

La deuxième remarque, c'est peut-être plus au ministre des Affaires municipales que je vais l'adresser. Si la loi n° 23 était actuellement en vigueur, le genre de comité qui était constitué par la Convention Saint-Valentin, ça aurait été le comité consultatif agricole, puis la MRC aurait adopté ça comme règlement, puis tout le monde aurait été d'accord puis aurait vécu dedans. Le problème, c'est qu'on avait un bon consensus mais pas la capacité d'en faire un règlement. C'est ça, le problème qu'on a vécu sur le terrain parce que la loi n'est pas en vigueur.

Ma question, elle portera sur le document qui est proposé, auquel vous avez fait référence, M. le Président. Je vais reprendre votre question initiale dans le fond. Entre le consensus qui s'est dégagé dans notre région et le document qui est proposé, actuellement, en discussion à cette commission – je poserai la question à quelqu'un qui peut répondre un peu sur le plan technique – est-ce que ça se ressemble un peu, beaucoup, passionnément? Est-ce qu'il y a de gros écarts? Si on devait refaire les choses, est-ce qu'on changerait des choses dans la Convention? Est-ce que ça se ressemble? Est-ce que c'est une bonne piste, en fait? Je reprends plus en détails et plus techniquement la question de la présidence.

Le Président (M. Vallières): Alors, ce sera répondu par M. Beauclair.

M. Beauclair (Louis): Sur un plan technique, moi, je les ai comparés. Ce que je suis obligé de dire, c'est: Dépendamment de l'époque. Au moment où on l'a discuté, j'ai l'impression qu'on aurait pu sauver du monde en autant qu'ils ne se seraient pas fait retirer leur CA après. Actuellement, au moment où on se parle, implanter un élevage porcin, même dans Saint-Valentin, sur la base de la Convention qu'on a négociée, c'est impossible, parce qu'il ne pourra pas obtenir son certificat d'autorisation de l'Environnement. Parce que ce qu'on a discuté, ce sont des conditions pour permettre la cohabitation. Puis je pense qu'on oppose, lorsqu'on regarde les marges, les dégagements par rapport à la notion d'odeur, ce sont des normes un peu comme si on voulait dire...

À titre d'exemple, il y a quelques mois, on disait: Un agriculteur, 3 000 porcs, d'un immeuble d'habitation voisin, c'est à 200 m. Moi, ce que je suis obligé de constater: Asteur, c'est passé, au strict minimum, à 444 m. S'il y en a quelques-uns... Pardon?

Une voix: ...

M. Beauclair (Louis): C'est dans le document, la fameuse table d'impôts. C'est clair, c'est que le normatif là-dedans, je pense, il est beaucoup plus strict. On revient un peu à la situation de départ qu'on avait lorsqu'on a essayé de réaliser la Convention. C'est qu'à ce moment-là ça devient blindé, non pas pour l'environnement, ça devient blindé pour le citadin qui va demeurer à la campagne.

M. Paquin: Je peux me permettre une deuxième question, M. le Président? Si on avait à reprendre, dans le comité, parce que ça, ça a été fait il y a maintenant plusieurs mois... Est-ce qu'il y aurait des nouvelles dispositions qu'on ajouterait, selon vous, à la Convention? Est-ce qu'il y aurait d'autres aspects qu'on n'a pas traités ou qui ne sont pas dans la Convention qu'il vous apparaîtrait opportun d'additionner?

(11 h 10)

M. Beauclair (Louis): Moi, il y en a qui m'ont été mentionnés, entre autres au niveau d'une règle que certaines municipalités exprimaient qui serait d'intérêt pour éviter de créer des situations d'élevage massif dans un milieu, puis qu'on soit un peu aux prises avec la gestion des lisiers. Puis je sais qu'il y a certaines règles que certaines municipalités estiment et où elles disent: Par rapport à certains types d'élevage, on souhaiterait avoir une règle de propriété au niveau d'une partie des superficies d'épandage.

M. Paquin: O.K. pour ne pas se retrouver avec tout l'épandage, mais il n'y a aucune propriété...

M. Beauclair (Louis): Avec toute les porcheries du comté, puis les épandages se font ailleurs. Ça, c'est une des préoccupations qui ont resurgi dans des discussions qui ont suivi l'établissement. Il est clair qu'on se disait: Il serait intéressant d'avoir un certain ratio en propriété au niveau des espaces requis pour faire de l'épandage. C'était une des préoccupations du monde municipal.

Le Président (M. Vallières): M. Barrière, vous voulez ajouter?

M. Barrière (André): À titre d'exemple, je pourrais avoir sur mon territoire 150 porcheries, sur un terrain de quatre ou cinq acres de terre par porcherie, et puis je collecte les taxes en tant que maire, parce que c'est des bâtiments qui sont élevés à 700 000 $, 800 000 $ ou 1 000 000 $, et puis le purin est transporté à l'extérieur et les autres municipalités sont obligées de subir la problématique. Est-ce que les agronomes ont évalué les sols pour savoir ce qu'ils peuvent étendre comme lisier ou purin sur ces sols-là? Est-ce que ça va polluer? Ça, c'est une problématique. Il y a des gens qui ne veulent pas ça, d'autres veulent ça. Mais, si on a un juste milieu, bien, c'est peut-être avantageux.

Quand les producteurs ou les gens arrivent à la MRC, ou le groupe de contestataires – si je les appelle ainsi, excusez – à L'Acadie, quand ils sont venus nous voir puis qu'ils ont dit: Écoutez, des mégaporcheries, on n'en veut pas, la question que j'ai posée, c'est: Qu'est-ce que c'est qu'une mégaporcherie? C'est la première question que j'ai posée. Je suis dans un milieu rural, j'ai 80 km² de territoire à Saint-Grégoire et on a environ 30 000 porcs. Sur un arpent de terre de large, 30 arpents de long, il y a huit porcheries d'environ 15 000 porcs. On vit avec ça. On s'entend avec ça et avec les propriétaires. On mange au même restaurant, puis on fête à la même table, puis on peut vivre.

Mais, dans d'autres municipalités, quand on traverse la rivière Richelieu – c'est là que la problématique a commencé – ils voient un bâtiment agricole pour 2 000 porcs, puis eux autres, c'est effrayant, ça fait peur. C'est quoi, une mégaporcherie? S'il y en a 50 000, peut-être que c'est une mégaporcherie, mais il faut faire attention parce que là il y a de la contestation chez nous. On est après adopter notre plan d'urbanisme et là ils interprètent les règlements. Si, à l'environnement, ils disent quelque chose, eux autres, ils doublent la largeur puis ils disent que la municipalité est trop sévère, mais ils ne sont pas venus à l'assemblée de consultation. Ils ont fait des assemblées peut-être de salon, chez eux, pour critiquer après.

C'est facile, mais, avec un cadre bien établi, je pense qu'on peut vivre avec ces gens-là. On vit chez nous. Mais c'est quelques protestataires qui font ça. Ce n'est pas la majorité des gens. Puis je l'ai dit déjà publiquement à la MRC, je peux vous le répéter, vous le savez. Les terres ont été vendues par des producteurs agricoles, puis c'est l'argent qui mène. Ça, je déplore ça un peu aussi.

Encore dernièrement, il y a un mois, il y a eu une demande dans une municipalité de la MRC chez nous pour dézoner des terrains pour pouvoir construire encore, puis le maire a été obligé de voter parce que c'était trois conseillers sur un côté, trois conseillers sur l'autre. Puis le maire a dit: Non, on est en zone agricole, puis on reste en zone agricole. Il va falloir protéger ça aussi. Puis, quand c'est inscrit au schéma d'aménagement, bien, que ce ne soit pas facile de le changer également.

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Patenaude voulait intervenir. Le temps imparti est déjà épuisé. Je sais que le ministre de l'Environnement veut intervenir. Il reste une minute du côté de l'opposition. Alors, on pourrait aller avec M. Patenaude, convenir d'une question du député des Îles-de-la-Madeleine et terminer avec le ministre de l'Environnement. M. Patenaude.

M. Patenaude (Guy): Oui, je voulais juste vous mentionner une chose, c'est que, nous, dans notre municipalité – moi, je suis un agriculteur puis je suis un maire, donc j'ai deux chapeaux – moi, je pense que, contrairement à ce que les gens peuvent penser, nous, du purin de porc, c'est important qu'il y en ait dans la région quelque part pour redonner une matière organique à nos terrains. Pour le faire, suite à l'intervention de Louis Beauclair tantôt, c'est que, nous, on va probablement avoir une réglementation qui va être à peu près la suivante. Toute implantation de quelque nature que ce soit devra avoir le terrain en propriété nécessaire pour l'épandage d'au moins la moitié des purins qu'elle produit. Ça, c'est un compromis entre deux.

On se dit: On ne voudrait pas, par exemple, que tous les purins s'en aillent à la municipalité voisine puis qu'ils nous en veuillent et que, nous, on ait toutes les porcheries qu'on ne voudrait pas avoir. Donc, quand quelqu'un voudra venir s'établir chez nous, s'il veut implanter une porcherie de telle grandeur qui génère tant de gallons de purin, il devra être en possession d'au moins la moitié des terrains disponibles pour pouvoir épandre ces fumiers-là.

Une autre chose qu'il faudrait peut-être regarder. Les agriculteurs, vous savez, ce sont des gens qui ont peut-être exagéré dans le passé, et c'est peut-être pour ça qu'aujourd'hui on est peut-être obligés d'arriver avec une loi. Moi, je suis un agriculteur. Je sais qu'on a peut-être exagéré.

Une suggestion que j'aurais à faire peut-être au ministre de l'Environnement, M. Cliche. J'aimerais lui suggérer quelque chose. Quand vous avez parlé tantôt de vouloir introduire l'obligation d'avoir un plan de fertilisation pour les agriculteurs, je me demande, au bout de tout ça, si ça ne serait pas préférable d'avoir des clubs d'encadrement où les agriculteurs eux-mêmes s'autodisciplineraient pour pouvoir épandre leur fumier. Parce que d'exiger d'avoir un plan de fertilisation et que l'on ne puisse pas, par après, gérer ce plan de fertilisation là ou si on le gère uniquement avec les rejets qui, à mon sens, seraient peut-être difficilement applicables... Si on avait plutôt des argents qui seraient disponibles pour que les agriculteurs eux-mêmes – parce que les agriculteurs, ce n'est pas des fous – s'autodisciplinent, encadrés plutôt avec des clubs d'encadrement, à ce moment-là je pense qu'on viendrait de régler en grande partie notre problème de pollution agricole, et ça serait les agriculteurs eux-mêmes qui se prendraient en main.

Le Président (M. Vallières): Bien. Merci, M. Patenaude. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Oui. Quelques remarques très, très brèves parce que je sais que le temps est quasiment écoulé. D'abord, une remarque à la députée de La Pinière. Il faut faire attention de dire qu'aux Pays-Bas ils produisent 17 000 000 de têtes par année sans problèmes au niveau de la pollution et sans problèmes sociaux. J'arrive d'une tournée ciblée spécifiquement sur ces questions agricoles, et je peux vous dire que les Pays-Bas font face à de sérieux problèmes de contamination de nappes, de sérieux problèmes de contamination des cours d'eau, et les problèmes sociaux que l'on vit, ils les vivent, en plus de problèmes de fièvre porcine qui ne sont pas reliés à l'environnement, mais ils ont de sérieux problèmes. Et le ministre de l'Agriculture a récemment déclaré qu'ils devaient maintenant réduire le nombre de têtes de cheptels dans leur pays parce qu'ils ne pouvaient plus épandre de fumier et ils n'ont plus de marchés d'exportation et ils en sont rendus... La décision, c'est de réduire le nombre de têtes. Alors, c'est faux de dire qu'on produit tout ce cheptel-là aux Pays-Bas sans problèmes.

Une remarque sur le plan de fertilisation. Lorsque vous dites que le ministre de l'Environnement et de la Faune a une idée au niveau des plans de fertilisation, je vous signalerais que c'est le gouvernement du Québec qui a accepté le principe du règlement sur la réduction de la pollution agricole et du plan de fertilisation. Donc, c'est une décision gouvernementale, et il nous apparaît sage que chaque producteur agricole se dote d'un plan de fertilisation préparé par un agronome ou préparé par lui-même, s'il a suivi une formation adéquate. Et je sais que l'UPA est en discussion avec l'Éducation là-dessus.

(11 h 20)

Je veux juste aller rapidement sur quelques remarques et des questions. D'abord, une remarque. Je vous félicite pour l'initiative que vous avez prise. C'est excellent. Vous signalez, à juste titre, que ça n'a pas de valeur légale. Donc, vous avez de la difficulté à appliquer ça, et c'est vrai ce que vous dites. Le ministre de l'Environnement et de la Faune, dans l'analyse de ses demandes de permis, ne peut utiliser votre règlement parce qu'il n'a pas force légale, et l'adoption de la loi et de l'encadrement va donner force légale à toute la question des distances séparatrices. Donc, ça va régler ce problème-là.

Je vous ferais cependant une remarque. Il faut être prudent lorsque vous avez le discours qui veut et qui essentiellement peut antagoniser producteurs agricoles et urbains qui viennent faire des fins de semaine à la campagne. Il faut faire attention à ça, à ce discours-là, parce que je vous signalerais, notamment dans votre région, qu'il y a des différends au niveau des odeurs et de l'implantation de porcheries entre des producteurs agricole eux-mêmes, des producteurs de vin ou autres producteurs. Donc, il faut faire attention.

Et je vous signale qu'au niveau des bruits, au niveau des poursuites qu'il y a eu au Québec eu égard aux bruits qui portaient atteinte à la qualité de vie et à l'environnement des gens, une majorité des poursuites a été faite par des producteurs agricoles eux-mêmes versus d'autres producteurs agricoles. Alors, je vous signale juste d'être prudents avec cette déclaration peut-être un peu simple: C'est à cause des urbains, puis, entre nous, producteurs agricoles, tout va bien, là. Je pense que ce n'est pas le cas, il faut juste faire attention à ça.

Là, j'ai des questions peut-être assez techniques, mais, vu qu'on est tombé dans le technique et que vous avez fait référence à ma table d'impôts, je vais faire référence à la vôtre, votre table d'impôts. Deux questions. Pourquoi vous avez modifié les distances d'épandage, eu égard aux saisons en ce qui concerne l'aéroaspersion et ne l'avez-vous pas fait pour les gicleurs? Question très technique, mais il doit y avoir une réponse à ça.

Deuxième question: Pourquoi est-ce que vous avez rejeté le concept de la marge de manoeuvre? Vous avez fait beaucoup référence à des cas: s'il y a un individu qui s'installe avec un lieu fermé, son rayon s'applique. Et, nous, notre concept, c'est de donner une marge de manoeuvre, de donner une fourchette entre une distance minimale et une distance maximale, et laisser une latitude aux municipalités d'aller chercher, compte tenu des usages et de l'utilisation du sol, à l'intérieur de cette bracket-là, de cette fourchette-là, ce qui semble le mieux correspondre aux attentes de la population. Alors, pourquoi vous avez rejeté ce concept de laisser une marge de manoeuvre aux décideurs locaux, qui sont les gens – comme l'a dit si bien mon collègue des Affaires municipales – qui sont ceux, ultimement, qui sont responsables de l'utilisation et de la gestion du territoire.

Et finalement, même si ça n'a pas force de loi, votre règlement, je lis dans votre document, là, que vous avez eu beaucoup de difficultés à l'appliquer. À la page 5, notamment, au milieu de la page 5. Est-ce qu'il y a néanmoins un endroit, un lieu dans votre MRC où vous pouvez dire: Oui, ça, on l'a appliqué, et, oui, ça a réglé le problème et ça a rétablit la paix sociale entre les producteurs et les non-producteurs? C'étaient quelques remarques, mais ces trois questions-là m'apparaissent importantes.

Le Président (M. Vallières): Bien. Alors, M. Barrière.

M. Barrière (André): Je vais commencer par la MRC. J'ai assisté à la dernière réunion du comité qui a travaillé sur ce document-là. La partie de territoire touchée, les gens participant, était environ 20 %, 25 % du territoire de la MRC et de la population. C'est sur le côté ouest seulement de la rivière. À leur dernière réunion, il y a eu quelques-uns du côté est qui se sont joints au groupe.

Maintenant, ça n'a pas été présenté à la MRC, ça n'a pas été adopté par la MRC. C'est un document qui a été pour information seulement, et je lève mon chapeau aux gens qui ont travaillé sur ce territoire-là parce qu'il y a aussi passablement de touristes de chaque côté de la rivière Richelieu. On a parlé de pistes cyclables. Il y a des cabanes à sucre. Vous en avez entendu parler, le dossier Napierville, Saint-Cyprien, il y a avait une cabane à sucre en ligne de compte. Chez nous, on en a plusieurs, on n'a pas trop de problèmes. Mais je vais laisser le côté technique, répondre, aux autres personnes.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. Patenaude.

M. Patenaude (Guy): Oui. Je veux juste répondre. À la page 17 du mémoire qu'on a déposé, concernant les gicleurs et les lance-canons, on mentionne qu'à partir du 1er janvier 1998 il vont être interdits, point.

Le Président (M. Vallières): ...de votre annexe 1, de la Convention Saint-Valentin, la page 17 de l'annexe 1.

M. Patenaude (Guy): Exact.

M. Cliche: C'est pour ça que vous n'avez pas mis de différences entre les saisons, parce que vous le...

M. Patenaude (Guy): Exactement, il vont être interdits.

M. Cliche: Et les producteurs agricoles sont d'accord avec ça?

M. Patenaude (Guy): Oui. À partir du 1er janvier 1998.

M. Cliche: O.K. Ça répond à ma question.

Le Président (M. Vallières): Bien. On passe maintenant à...

M. Cliche: Et l'autre aspect, sur la marge de manoeuvre, là, sur les distances séparatrices.

Le Président (M. Vallières): M. Beauclair.

M. Beauclair (Louis): Je vais juste l'aborder sur le plan technique. Je vais laisser aux politiques faire la politique.

Sur un plan technique, il faut en être bien conscient, ces questions-là, c'est ici, je pense, qu'elles vont trouver une solution; c'est dans le champ qu'elles vont se régler. Puis il faut être bien conscient, d'accord, que la fameuse bracket, là, le problème, c'est que ce sera toujours la norme maximale qui sera appliquée. Ça, il ne faut pas se leurrer. C'est un peu comme au niveau de la directive lorsqu'on nous parlait de distances par rapport à une route, par rapport à une habitation. On s'est vite rendu compte que, même s'il n'y avait pas des habitations partout, on appliquait la norme habitation justement pour essayer de se garder l'espace, éventuellement, pour en mettre une.

Ça fait que je pense que ce serait être un peu dupe que de croire qu'un éventail entre la norme minimale et la norme maximale pourra permettre d'établir des conventions qui seront davantage adaptées, puis tout ça. On sait fort bien que, lorsque ça se discute, généralement, ces questions-là – puis ça, je pense qu'il ne faut pas se leurrer non plus – c'est parce qu'il y a déjà un petit peu de conflits qui commencent à s'établir dans le milieu; c'est parce qu'il y a déjà quelqu'un qui a pensé à intoxiquer sa partie de la planète avec ses 300, 400, 500 porcs, puis c'est déjà perçu comme étant un acte criminel. Puis ça, on envoie ça le plus loin possible de tout le monde. C'est de cette façon-là que ça se «drive».

On l'a vécu, puis on le vit encore dans plusieurs municipalités. On a réussi, je pense, avec tout l'ensemble du normatif qu'on a déposé sur le dos du porc au Québec. J'ai déjà fait une farce, puis j'avais peur que ça ne soit pas une farce. J'ai dit: On pourrait déplacer Tchernobyl à L'Acadie, mais on va avoir bien de la misère à acheter trois «studs» pour partir la porcherie.

Mais c'est ça, la réalité. C'est qu'on a créé un mouvement où les gens, je pense, auraient de la misère, à certains endroits, à faire la différence entre un chat puis un chien, ou entre un porc puis un chat. Mais on s'oppose aux porcs. On n'en veut plus. On n'en veut pas. C'est ça, la situation. Ça fait que, lorsqu'on est en situation où, à défaut de pouvoir intervenir, on a une bracket entre la norme minimale et la maximale, je vous le donne en mille pour savoir ce qu'on va choisir. Ce qui veut dire d'accepter de considérer ou d'aller vers une norme, quand même, qu'on considère excessive.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, le temps...

Mme Houda-Pepin: M. le Président...

Le Président (M. Vallières): Oui, un instant. Le temps est écoulé.

Mme Houda-Pepin: C'est parce que je voudrais juste corriger...

Le Président (M. Vallières): C'est parce que j'ai une demande d'intervention du député des Îles-de-la-Madeleine.

Mme Houda-Pepin: O.K.

Le Président (M. Vallières): Mais, si on va tous se remettre à intervenir, on va devoir convenir d'aller plus loin. Mais il vous reste une minute de votre côté.

M. Farrah: Je voulais conclure pour, au nom de notre formation politique, remercier le groupe de s'être présenté devant nous. Mais, peut-être pour clarifier les choses, là, c'est que la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières qui a été soumise le 20 mars dernier – proposition sur laquelle on doit discuter ici et qui a fait l'objet d'une entente entre les quatre ministères – pour vous autres, celle-là est inacceptable. Juste pour mettre ça clair, là. Pour faire en sorte que, vous autres, la proposition qui serait davantage applicable, c'est celle du ministère de l'Agriculture, du MAPAQ, de janvier 1996?

Une voix: C'est celle qui a été déposée lors de la commission parlementaire de juin 1996.

M. Rinfret (Pierre): Juin 1996, oui.

M. Farrah: Juin 1996. Et, par ailleurs, juste en terminant, par rapport au commentaire du député de Saint-Jean tantôt, c'est que la Convention de Saint-Valentin, si le projet de loi avait été adopté, vous dites qu'elle pourrait s'appliquer. Mais il faut faire attention aussi c'est en fonction de quel règlement qui va sous-tendre ce projet de loi là. C'est ça qui est toute la question. C'est bien beau d'avoir un projet de loi, mais les règlements, c'est le coeur du projet de loi parce que c'est ça qui prévoit l'application sur le terrain. Ça fait que ce n'est pas vrai de dire que la Convention de Saint-Valentin s'appliquerait automatiquement si le projet de loi n° 23 était adopté. C'est dépendamment des règlements qui vont y être inclus, c'est bien évident.

Alors, juste en terminant en termes de propositions, celle qui est discutée versus celle de juin 1996 du MAPAQ, c'est celle-là de juin 1996 que vous privilégiez. Donc, celle-là est inacceptable pour vous. Je vous comprends bien?

Le Président (M. Vallières): M. Rinfret.

M Rinfret (Pierre): Oui, exactement. Je pense que je tenais à prendre quelques minutes en finissant pour bien préciser ça. Pour nous, la Convention de Saint-Valentin, qui semble être acceptée comme étant un beau modèle ici, est valable; elle pourra s'appliquer en autant que des règlements dont on a tenu compte pour la faire s'appliqueront. Et puis on ne s'est pas basé sur des choses, on n'a pas discuté comment... On a pris un document qui existait déjà, avec des experts qui l'avaient faite, cette analyse-là. On n'est pas parti de rien.

(11 h 30)

Donc, c'est évident que la Convention est applicable en autant que les règlements qui vont finir de compléter la loi n° 23 seront en rapport avec le document d'experts du ministère de l'Agriculture.

Et, si vous me permettez, M. le Président, juste pour compléter au cas où je n'aurais pas la chance, au niveau formation, je pense que M. le maire Patenaude a fait allusion à la formation des producteurs concernant le PGFI, un plan de gestion de fertilisation. Je peux vous dire qu'il y a un effort énorme qui est fait. Chez nous, dans la Fédération régionale, on est en train d'investir quasiment 200 000 $ pour faire des cours pour former nos producteurs, pour s'assurer que les producteurs connaissent réellement l'apport agronomique des lisiers et de tout le processus au niveau de l'agriculture des sols, du comportement des sols. Et il semble y avoir un engouement de la part des producteurs à suivre ces cours-là, donc à mieux connaître toutes les applications de fertilisation qu'ils auront à faire dans les années à venir.

Moi, je pense que, on l'a souvent dit, les producteurs, on est beaucoup mieux d'y aller par la formation que par des moyens coercitifs. Quand les producteurs vont comprendre pourquoi ils ont des choses à faire, on n'aura pas à craindre qu'ils ne le fassent pas, ils vont le faire. Et c'est cet alignement que, nous, on prend, là, comme Fédération régionale de l'UPA et Confédération. Je pense qu'on a l'appui. C'est un peu général et, évidemment, les aides de clubs d'encadrement et d'autres clubs-conseils existants, je pense, qui pourraient venir de la part de l'État seraient bien, pour encadrer ce processus-là.

Le Président (M. Vallières): Deux très courtes interventions. Mme la députée de La Pinière, suivie du ministre de l'Agriculture. Très rapidement.

Mme Houda-Pepin: De façon courte, M. le Président, je voulais seulement corriger les propos du ministre de l'Environnement, qui disait qu'il comprenait mal les propos que j'ai tenus. Je n'ai jamais dit que la Hollande n'avait pas de problèmes au niveau de la production. J'ai dit que, comparativement au Québec, ici, on a une hystérie – j'ai repris le terme qui a été utilisé dans le mémoire du groupe qui vient nous visiter – et que, en Hollande, où la production est beaucoup plus grande par rapport à la densité de population, on ne rencontre pas cette paranoïa. C'était important de souligner ça à l'attention du ministre.

Le Président (M. Vallières): M. ministre de l'Agriculture.

M. Julien: Juste avant de remercier les participants à cette table, je veux juste préciser à mon collègue des Îles-de-la-Madeleine que ce qui a été déposé le 24 mars, au nom du gouvernement, par le ministre de l'Environnement, c'est un cadre de référence de principes sur lesquels ont tablerait pour élaborer les normes. Et c'est pour ça qu'il y a une commission parlementaire. Le document auquel M. Rinfret fait référence, c'est... Lors de l'adoption de la loi n° 23, il y a eu deux documents de déposés, un par mon collègue de l'Environnement et un déposé par chez nous, et c'est ce document-là auquel M. Rinfret fait référence. Alors, il faut bien séparer les deux.

Le Président (M. Vallières): Là, c'est parce qu'il faut être sûr, là. C'est bien à ce qui vient d'être décrit que vous faisiez allusion? C'est important, ce n'est pas le même document.

M. Julien: Oui. C'est parce que c'est important de bien préciser...

M. Trudel: On ne peut pas comparer deux documents qui sont totalement différents.

Le Président (M. Vallières): C'est ça. Alors, cette précision étant faite, M. ministre de l'Agriculture.

M. Julien: Alors, pour conclure, M. le Président, M. le préfet, d'abord, ce que je constate, c'est que la viabilité d'un comité agricole... Je comprends qu'il va falloir arriver à le cadrer pour permettre la marge de manoeuvre puis ce qu'il faut pour prendre des décisions. Parce que, ce que je constate – puis c'est important que les gens des commissions le saisissent – c'est qu'à travers le Québec actuellement on est en train d'en mettre sur pied un peu partout. Donc, il y a déjà un mouvement qui est fait dans ce sens-là pour la question de la cohabitation harmonieuse entre le monde municipal et le monde rural. Premier élément.

Puis, le deuxième élément important – puis il va falloir que ça ressorte aussi – c'est les plans agroenvironnementaux, que ce soit par la Fédération des producteurs de porcs se sont dotés ou par la Fédération des producteurs de bovins... Alors, quand vous parlez – et je revient à ça, à la notion d'imputabilité – des clubs d'encadrement qu'on prévoit, nous, dans nos programmes de financement, de financer ces clubs d'encadrement là avec des spécialistes pour aider des gens à le faire, c'est dans ce sens-là. Et mon objectif, je vous le dis, c'est: un, qu'on le règle, le droit de produire, mais, deux, qu'on le fasse sous forme d'imputabilité. Je pense que le gouvernement ne peut plus jouer le rôle du père de famille qui réglait tout. Maintenant, ça se fait en partenariat et avec une question d'imputabilité. Et, dans ce sens-là, on va être là.

Le Président (M. Vallières): Alors, on veut vous remercier de votre présence parmi nous aujourd'hui et de vos propos éclairants. Et, avant de suspendre nos travaux, j'aurais besoin du consentement de la commission, puisqu'un nouveau groupe a demandé à être auditionné. Il s'agit du Comité de restauration de la rivière Etchemin. Les deux formations politiques se seraient mises d'accord pour les rencontrer cet après-midi, à 17 heures. Alors, avec le consentement...

Une voix: Est-ce que ça a été discuté?

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le député des Îles-de-la-Madeleine?

M. Farrah: Je n'ai rien contre le groupe, tout au contraire, sauf qu'à 17 heures, compte tenu qu'on n'avait rien, moi, j'avais prévu quelque chose d'autre. Je voudrais en discuter avec mes collègues et vous revenir en après-midi avec ça. Ce n'est pas la mauvaise volonté; c'est la disponibilité.

Le Président (M. Vallières): Très bien, alors, le groupe ne pourra pas être entendu cet après-midi, à 17 heures.

Ceci étant dit, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, après les affaires courantes.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux qui devraient se poursuivre pour les deux prochaines heures. Nous entendrons d'abord le Comité de santé environnementale du Québec et la Direction de la santé publique Chaudière-Appalaches. Alors, je demanderais aux intervenants de bien vouloir intervenir. Vous disposez de 20 minutes de présentation et de 40 minutes d'échanges avec les membres de la commission.


Comité de santé environnementale des DSC du Québec et Direction de la santé publique Chaudière-Appalaches

M. Gosselin (Pierre): Merci beaucoup, M. le Président. MM. les députés, bonjour. D'abord, nous présenter: mon nom est Pierre Gosselin, je suis président du Comité de santé environnementale du Québec, et, à ma gauche, Benoît Gingras, de la Direction de la santé publique Chaudière-Appalaches. Tous deux, nous sommes médecins formés en santé publique. Le Comité de santé environnementale, pour vous préciser, c'est un comité qui regroupe l'ensemble des directions de santé publique du Québec au sein des régies régionales, et nous travaillons sur tous les dossiers en rapport avec l'environnement et la santé publique. Nous avons aussi des mandats du ministère de la Santé.

D'abord, vous préciser que, comme Direction de la santé publique à travers tout le Québec et comme Comité de santé environnementale, nous travaillons avec le monde agricole depuis longtemps. Le Dr Gingras, à ma gauche, est en relation avec les fédérations régionales de l'UPA, les agriculteurs et la Confédération de l'UPA depuis une quinzaine d'années. Il a fait sa thèse de maîtrise sur le sujet. Moi-même, j'ai environ cinq à six ans d'expérience et de projets conjoints avec que ce soit la Confédération ou la Fédération régionale de Québec.

On pense, dans le réseau de la santé publique, qu'il y a certains effets sur la santé qui peuvent être reliés au sujet de la commission cet après-midi, c'est-à-dire: Qu'est-ce qu'on fait en termes de contrôle des odeurs, bruit et poussières qui originent d'activités agricoles? Ces effets-là peuvent être directs et peuvent être indirects. Les effets indirects sont reliés beaucoup aux conflits sociaux qui, en milieu rural, on le voit ces derniers mois, ces dernières années, surgissent à l'occasion en raison de cette contamination. Nous avons tenu compte de certaines considérations de divers ordres avant d'établir quelle position nous voulions proposer ici, à la commission. Il y a de ces considérations-là qui sont d'ordre social et économique.

D'abord, vous dire que nous reconnaissons d'emblée que l'agriculture est très importante au point de vue économique, au point de vue social et qu'elle est primordiale en zone agricole. Nous pensons que c'est aussi important que cette primauté en zone agricole s'accompagne de certains devoirs vis-à-vis des écosystèmes – alors on parle de l'air, de l'eau, du sol, des espèces vivantes – et vis-à-vis de la société où tout ça se déroule.

Ces écosystèmes-là ont des limites bien précises qu'il faut respecter pour pouvoir y poursuivre des activités économiques. Il est important de rappeler aussi que nous ne sommes plus, au Québec, face à la ferme familiale traditionnelle. Ce n'est plus le modèle de production dominant. Il y a une industrialisation rapide de l'agriculture depuis une trentaine d'années. Et, pour ce qui est du débat sur les odeurs, il faut souligner la contribution importante de la production porcine.

Nous avons dans notre mémoire, à la page 5, un tableau qui je pense vous intéressera, qui vient d'une compilation qui a été effectuée par certains services gouvernementaux à partir de données déjà existantes soit du MAPAQ soit de l'Organisation de coopération et de développement économique, qui situe un peu la production de certains pays et qui donne un rang. Alors, les rangs sont connus. Quand on regarde la production par hectare de terre arable et en culture: les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, le Danemark sont importants. Le Canada arrive en 14e place. Mais, si on prenait le Québec et qu'on le comparait aux pays de l'OCDE, le Québec est en sixième place. Et, si on faisait la même chose pour les bassins de Chaudière, l'Assomption, Yamaska, dans ces trois bassins-là, on arriverait en troisième place au niveau mondial en termes d'intensité de production.

La production est importante aussi quand on la regarde par million d'habitants. Encore une fois, le Québec se classerait, s'il était comparé aux pays de l'OCDE, au quatrième rang. Ces chiffres doivent être pris bien sûr avec une certaine circonspection, mais ils visent uniquement à préciser que l'industrie porcine au Québec est très importante. C'est une industrie de niveau mondial et d'une importance mondiale.

Pour ce qui est de la santé, il y a des choses que nous tenons à préciser à l'effet qu'on dit souvent que les problèmes reliés aux odeurs, au bruit et aux poussières sont du fait des citadins qui vont s'installer à la campagne. Il y a un sondage qui a été réalisé par la compagnie SOM pour le compte de l'UPA, que nous citons et qui montre finalement que les agriculteurs sont tout autant sinon plus incommodés par les odeurs, les bruits et les poussières que ne l'est la population générale du Québec.

(15 h 20)

Il y a 14 %, dans le sondage de l'UPA, de la population du Québec qui dit qu'elle est incommodée très souvent ou assez souvent par les odeurs d'épandage; on n'a pas parlé des bâtiments. On pourra dire que ce n'est pas beaucoup, mais c'est quand même 1 000 000 de personnes. Il y a 21 % des agriculteurs qui sont incommodés, dans le même sondage de l'UPA. 24 % de la population croit qu'il y a beaucoup d'impact sur la santé ou assez d'impact sur la santé, les deux combinés. Les agriculteurs le pensent dans 16 % des cas aussi.

Au point de vue technique, vous connaissez sûrement – puisque vous êtes dans ce dossier – le fait que beaucoup de producteurs porcins et beaucoup de producteurs avicoles, qui sont les deux types de fumiers qui sont les plus souvent cités pour les odeurs déplaisantes, donc 65 % des producteurs porcins et 80 % des producteurs avicoles sont des producteurs sans sol, ce qui représente environ 90 % de la production totale d'oeufs et de porcs au Québec. Et ils sont, ces producteurs, en surplus, concentrés dans cinq bassins.

Donc, on n'a pas de solution simple à ça, sinon, éventuellement, de tenir compte du fait qu'ils ont dépassé les limites des écosystèmes, qu'il y a du monde qui vit alentour et qu'il y a des solutions à implanter de nature technologique. Les distances, ce n'est pas la meilleure solution pour nous, mais nous voulons le proposer comme des incitatifs à passer à des systèmes de production au point de vue technologique plus avancés et qui produisent moins d'odeurs.

Et on pense que c'est important qu'il y ait des normes parce qu'il y a seulement les normes, nous disent les études... et les études pas de nous, les études de firmes de consultants comme KPGM ou d'autres. Il y a seulement les règlements et les normes qui poussent les entreprises à changer. C'est le facteur principal de motivation. La bonne volonté, ça ne marche pas fort; mais les règlements, ça marche encore pour 95 % des entreprises.

Un autre élément d'ordre politique, je pense, qui est important à citer, toujours du sondage de l'UPA: même après la campagne d'opposition aux propositions réglementaires du MEF de juin dernier, le sondage de l'UPA fait en octobre 1996, donc après leur campagne, montre qu'il y avait seulement 54 % des agriculteurs qui connaissaient l'existence d'un projet de règlement, et 45 % d'entre eux étaient tout à fait d'accord ou plutôt d'accord avec le règlement.

Je pense qu'on ne peut pas dire qu'il y a unanimité en la demeure vis-à-vis des propositions qui sont sur la table. Ce qui ne nous surprend pas, étant donné que les agriculteurs sont aussi affectés, sinon plus, que l'ensemble de la population qui vit en milieu rural. D'ailleurs, les agriculteurs se font surtout confiance à eux, dans le même sondage, pour protéger l'environnement, à 43 %; à 39 % au ministre de l'Environnement; et pour 9 % d'entre eux à l'UPA. Il est important donc d'imposer des règles, d'après nous, et d'imposer des règles différentes selon que l'agriculture est de type familial ou est de type industriel. Je vais céder la parole au Dr Gingras pour la suite.

Le Président (M. Vallières): Dr Gingras.

M. Gingras (Benoît): Merci, M. le Président. Alors, en ce qui concerne la question des odeurs spécifiquement, bon, le nombre d'études sur les questions de santé reliées à l'exposition à des odeurs est relativement restreint. Mais, lorsqu'on consulte celles qui ont été faites, on constate que des odeurs désagréables peuvent représenter des effets à la santé pour les personnes exposées.

Bien sûr, on considère d'abord que les odeurs, c'est normal, c'est relié à la production animale. Et on considère qu'à la campagne il y a des senteurs de campagne. Maintenant, en fonction de l'intensité de ces odeurs-là et lorsqu'on consulte les études qui ont été faites là-dessus, on est en mesure de conclure qu'en fonction de l'importance de l'exposition à des odeurs considérées comme désagréables il en découle progressivement des effets à la santé des gens. Donc, on considère que ce problème-là ne devrait pas être abordé uniquement sous l'angle de l'inconvénient pour quelques nez sensibles.

Ces impacts sur la santé peuvent être de nature physiologique – atteindre, donc, il semble bien, le fonctionnement de certains organes et systèmes – mais probablement surtout d'ordre psychologique. Il s'agit évidemment de problèmes de santé mentale, et les problèmes de santé mentale sont clairement et réellement des problèmes de santé publique lorsque c'est relié à une exposition environnementale.

On peut constater, à la page 9, que le tableau démontre bien l'augmentation importante de la charge d'odeur dans l'air depuis une trentaine d'années, et c'est, on le voit, principalement relié à l'augmentation importante de la production porcine.

Le mécanisme de production des odeurs est principalement dû à des phénomènes de fermentation en milieu anaérobique, c'est-à-dire sans oxygène, ce qui explique principalement que c'est dans le lisier. Donc, lorsqu'on entrepose et on manipule ou manutentionne le fumier sous forme lisier, c'est dans cet état-là que la manipulation, l'agitation, etc., va dégager les charges d'odeur les plus importantes.

Les études sur les problèmes de santé reliés aux opérations de production animale. Si celles qui concernent les problèmes de santé dus aux odeurs ne sont pas très abondantes, celles qui concernent spécifiquement les odeurs provenant de production animale, bien sûr, sont encore moins fréquentes. Il y en a quand même quelques-unes qui arrivent à des résultats à peu près semblables dans tous les cas.

D'une part, la majorité des gens qui sont exposés à des odeurs principalement provenant de bâtiments d'élevage porcin considèrent cette odeur-là d'abord comme désagréable, et les études qui ont été faites en fonction des odeurs provenant d'installations porcines de grandes dimensions – et je vais lire un extrait qui est à la page 10 – sont quand même assez préoccupantes.

Et, bon, souvent on dit: Voici, ce sont des études qui ont été faites dans des États américains où l'importance des installations d'élevage est très, très grande et absolument pas comparable à ici. Il est possible que les installations comme telles ne soient pas comparables, mais les concentrations de charges d'odeur dans certaines régions du Québec, actuellement, pourraient être comparables à ces situations-là.

Donc, je cite: «Les résultats indiquent, selon les auteurs, que les personnes vivant près d'une installation porcine et soumises aux odeurs qui s'en dégagent souffrent plus d'anxiété et de dépression, ressentent plus de colère et de fatigue, manifestent plus de confusion, ont moins de vigueur et présentent des troubles de l'humeur de façon plus manifeste que l'ensemble de la population.»

Les études ont été faites même chez une population rurale, là, et même travaillant en milieu agricole. Donc, on ne peut pas prétendre que c'est uniquement parce que les gens ne sont pas habitués aux odeurs qu'ils manifestent ces réactions-là.

Il y a une étude récente faite à partir de données de l'enquête de Santé Québec qui a été faite en 1992-1993, qui peut montrer des résultats intéressants. Peut-être, Pierre, pourrais-tu en dire quelques mots, s'il vous plaît?

M. Gosselin (Pierre): Oui. Tout simplement, c'est qu'on avait eu le commentaire, souvent, de la part de producteurs agricoles à l'effet que les études étaient tout le temps faites aux États-Unis. Alors, on s'est forcé et on a trouvé une possibilité d'analyse d'une enquête déjà existante, celle qui a été rendue publique hier, finalement, qui nous dit... L'enquête a été faite pour faire un portrait général de la santé et de la population du Québec.

(15 h 30)

Alors, les 22 000 personnes qui ont répondu, on ne peut pas dire qu'elles savaient que c'était relié, ce questionnaire-là, aux odeurs d'aucune façon, et nous avons croisé ça en fonction de l'intensité de la production de porc annuelle dans les différentes municipalités. Et on se retrouve, donc, à comparer l'indice de détresse psychologique, qui est un indice général qui nous dit finalement comment les gens se sentent – ça ressemble au questionnaire que vous ferait passer un médecin ou un psychologue pour savoir dans quel état d'esprit vous êtes – et on montre finalement que c'est à peu près stable partout au Québec, peu importe la taille de la ville, peu importe si vous êtes à la campagne, en ville, dans une petite ville, dans une grande ville.

Ça ne change pas non plus selon les saisons, sauf à un endroit qui est les municipalités. Ce sont toutes des municipalités rurales de petites tailles, de quelques centaines à quelques milliers de personnes qui sont dans cet échantillon-là.

Alors, les gens, dans cet endroit-là, à l'automne-hiver, ils ont 20 % de détresse psychologique élevée, et, au printemps-été, ils sont à 34 %. Alors, ça a surpris tout le monde, y compris nous, parce que ce n'est pas des genres d'enquêtes qui sont habituellement très sensibles pour détecter des phénomènes comme ça.

Et donc, ça nous donne un élément au dossier qui vient du Québec, qui est une étude qui est la moins biaisée possible parce que personne ne savait que ça portait sur les odeurs, ça a été fait avant la controverse. Et, pour nous, ça indique que c'est cohérent avec tous le reste qu'on vous a dit avant. Il semble y avoir un problème là, et je pense qu'il faut l'investiguer davantage.

De notre côté, c'est ce qu'on va faire et on aimerait que ce soit tenu en compte dans votre prise de décision aussi, étant donné que les groupes de citoyens, à travers tout le Québec, qui se plaignent et qui luttent depuis plusieurs années ne peuvent pas se tromper tous en même temps. Il doit y avoir quelque chose qui les irrite, qui les rend de mauvaise humeur et qui les rend un peu, finalement, intempestifs dans leur approche vis-à-vis de cette production. Voilà.

M. Gingras (Benoît): Alors, en conclusion et en fonction des propositions, notre approche en est une de santé publique en milieu rural. En milieu rural, ça inclut autant la communauté agricole que celle qui ne vit pas d'activité agricole. Et on tient compte aussi des conflits que principalement peut-être les projets de grande envergure peuvent occasionner dans certains milieux. Donc, on pense que les gens doivent avoir le sentiment quand même d'être protégés face à ces situations-là.

Donc, la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs , on adopte cette proposition-là. Et, en ce qui concerne les distances pour les installations d'élevage, bon, je pense que tout le monde a pu étudier la méthode proposée. En ce qui concerne les facteurs d'usage, on considère que le facteur d'usage de 0,5 à 1, c'est-à-dire, 1, c'est la distance de base; 0,5, on la diminue en deux, où localement, avec l'aide des comités consultatifs agricoles, là il y aura des décisions de prises, on pense que c'est acceptable à la fois pour les maisons isolées et pour les zones de villégiature ou les milieux à protéger davantage avec un facteur d'usage de 0,5 jusqu'à 2. Quand on compare aux distances proposées par le groupe d'experts du ministère de l'Agriculture, en janvier 1996, les distances sont grossièrement comparables, dans certains cas à quelques mètres près, là, si on veut.

Et pourquoi dans certains cas un facteur d'usage jusqu'à 2? Pour permettre, dans des situations particulières, des microclimats, si on veut, où il y a des inversions, enfin, où il peut y avoir plus de charges d'odeur, ou dans des secteurs où il y a concentration d'élevage... À ce moment-là, le milieu pourrait, là, permettre des distances un petit peu plus grandes à cause de ce phénomène-là.

Pour ce qui est des distances d'épandage, le tableau présente une proposition et on pense que, dans la majorité des situations, avec l'amélioration de certaines techniques d'épandage, la proposition gouvernementale, dans ce cas-là, permettrait l'épandage jusqu'à la limite des champs, dans la grande majorité des cas. Pour ce qui est du bovin, même avec l'épandeur conventionnel, c'est le cas actuellement, 10 m, c'est en principe la limite des champs.

En ce qui concerne – bon, peut-être pour finir, on me dit que le temps est à peu près écoulé – la gestion du bruit, on sait que le bruit communautaire, que ce soit relié à des activités agricoles ou industrielles, peut occasionner aussi des problèmes de santé. La proposition est: Pour les nouvelles installations, les nouvelles sources fixes de bruit, de limiter le bruit à l'extérieur, le jour, à 45 dB, et, la nuit, à 40 dB, dans un but principalement de protection du sommeil, pour ce qui est de la nuit. Pour les sources fixes existantes, bien, à ce moment-là, les propositions sont moins sévères, compte tenu aussi du fait qu'il semble bien que les technologies pour diminuer les émissions de bruit des installations qui en sont responsables sont relativement accessibles.

Et, en ce qui concerne la gestion des poussières, encore là, sans aller dans les détails, on sait que les poussières agricoles peuvent contenir des éléments nocifs à la santé. Lorsqu'on étudie la santé des agriculteurs – et c'est très, très bien documenté, particulièrement en production porcine, d'ailleurs – on sait qu'il y a des problèmes respiratoires, de façon importante, reliés à ça. C'est sûr que les poussières environnementales auxquelles peuvent être exposés des citoyens ne sont pas aussi importantes, bien sûr, que celles auxquelles sont exposés les agriculteurs. Mais certains des éléments nocifs peuvent affecter des personnes particulièrement sensibles, et c'est dans ce but-là, de protection de santé publique, qu'on propose aussi certaines limites.

Enfin, la Proposition de principes généraux propose des limites: le caractère visible des poussières, etc. On n'a pas d'éléments scientifiques pour juger de l'importance de la protection. C'est pour ça que, dans ce cas-là, nous pensons qu'il serait approprié de prévoir une levée de l'immunité en présence d'un avis de santé publique émis par le directeur de santé publique. Ça veut dire, par exemple, que, si on faisait un examen médical chez une personne et on considérait que cette personne-là est nettement affectée par les présences – ou un groupe de personnes – de poussières, qu'à ce moment-là on pourrait souhaiter, en tout cas, qu'il y ait des mesures pour diminuer les émissions de poussières. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci, monsieur. Alors, quelques demandes d'intervention. Je débuterai par le ministre de l'Agriculture.

M. Julien: Alors, M. le Président, Dr Gosselin, Dr Gingras, bienvenue à la commission. Je tiens à vous remercier pour le mémoire que vous nous avez préparé. Je trouve intéressant que vous souleviez l'aspect important du niveau économique de l'activité porcine au Québec. Je pense que ça, c'est une valeur importante. Je trouve intéressant aussi le fait que vous souligniez l'importance de l'approche au niveau des nouvelles technologies. Ça, c'est un facteur que je trouve intéressant. Je trouve important aussi le fait que vous souligniez, entre autres, ce que la Fédération des producteurs de porcs a mis d'avance, à savoir un plan agroenvironnemental pour définir... puis se prendre en main pour régler ce problème-là.

J'aurais cependant quelques questions. Évidemment, n'étant pas un médecin spécialiste, bien, je vais me référer à ce que... de voir un peu certains éléments. À la page 10, dans le dernier paragraphe, vous dites: «Les résultats indiquent, selon les auteurs, que les personnes vivant près d'une installation porcine et soumises aux odeurs qui s'en dégagent souffrent plus d'anxiété et de dépression, ressentent plus de colère et de fatigue, manifestent plus de confusion...» À la page 11, vous mentionnez, dans le deuxième paragraphe: «On note une augmentation substantielle de la détresse psychologique élevée (de l'ordre de 65 %) dans les municipalités où l'on produit plus de 20 000 porcs/an, uniquement à la période printemps-été par rapport à la période automne-hiver.» Et, quand je vais à la dernière page de votre mémoire, vous me dites: «On doit donc rester prudent face à ces résultats. Comme nous l'avons signalé plus haut, ces résultats ne nous permettent pas d'établir de relation de cause à effet entre l'activité porcine et la détresse psychologique.» J'aimerais ça que vous me commentiez ça, un peu.

(15 h 40)

M. Gosselin (Pierre): Oui. En fait, c'est parce que, tout simplement, il y a une différence entre faire une relation de cause à effet, au point de vue scientifique, et prendre une mesure préventive de santé publique ou de protection de la santé publique. Alors, pour vous donner l'exemple classique, c'est que l'épidémie de choléra de Londres, il y a quelques siècles, on s'est rendu compte que c'était l'eau et on a bloqué les pompes qui approvisionnaient la ville de Londres, et l'épidémie de choléra s'est arrêtée. Et, 200 ans plus tard, on a découvert qu'il y avait des bactéries dans l'eau. Alors, il y a moyen d'agir, donc, avant de savoir exactement la relation de cause à effet, et c'est ça qu'on veut dire, ici.

La cigarette, par exemple. On fête le 50e anniversaire, cette année, de la première étude scientifique reliant la cigarette et le cancer du poumon, et on fête aussi le fait que la première compagnie de cigarettes a admis qu'il y avait un lien entre le cancer du poumon et la cigarette la semaine passée, aux États-Unis. Alors, ça a pris 50 ans pour que le producteur industriel, dans ce cas-là, admette la relation de cause à effet, même si, dans le monde scientifique, c'était fait depuis à peu près une trentaine d'années. Même, dans le monde scientifique, ça a pris 20 ans pour admettre qu'il y avait une relation de cause à effet entre la cigarette et le cancer du poumon.

Alors, c'est ça qu'on veut dire, tout simplement, que ça fait à peu près cinq ans qu'il y a des études sur le sujet, que ça va prendre encore probablement une dizaine d'années d'études pour être sûr de la relation et de ce qui, exactement, cause, dans l'odeur porcine ou dans ces émanations-là... et c'est qui les gens les plus susceptibles, parce que ce n'est pas tout le monde qui va être sensible à ça.

Mais ça ne nous empêche pas, je pense, et c'est même notre devoir, de prendre des précautions avant que ça empire. On a vu, dans le graphique qu'on vous présente, que la charge d'odeur, au Québec, a augmenté de l'ordre de cinq fois depuis 30 ans. Il y a cinq fois plus d'odeurs dans l'air qui circulent depuis 30 ans. Ça s'est surtout fait depuis 15 ans, finalement, et c'est surtout à cause du porc, semble-t-il. Alors, ça ne nous empêche pas, compte tenu qu'on sait ça, je pense, de se dire: Il est peut-être temps de faire un temps d'arrêt. Et, devant 1 000 000 de personnes qui nous disent que ça les dérange et devant des dizaines de comités de citoyens un peu partout au Québec qui nous disent que ça les dérange très fort, de se dire peut-être qu'il n'y a pas juste les promoteurs porcins qui ont raison, et c'est ça, notre message.

M. Julien: Donc, si je comprends bien, pour l'instant on ne peut pas établir de cause à effet. On peut penser que, mais, pour l'instant, on ne peut pas le démontrer. C'est ce que je comprends.

M. Gosselin (Pierre): Avec les nuances que j'y ai apportées auparavant, M. le ministre.

M. Julien: Un autre élément que je voulais soulever, aussi, c'est qu'effectivement vous soulignez, par exemple, qu'il pourrait y avoir des problèmes psychologiques ou de la crainte. Il y a des groupes de pression et autres. Je me demandais, moi, si, quand on parle des effets de l'odeur sur la santé – je fais un lien entre, par exemple, tous les mouvements de pression et l'information qui circule; je dirais, si on me permet un anglicisme, le «build-up» qui se fait depuis à peu près 15 mois – si ça, ça n'a pas un impact, aussi, sur le comportement social, organisationnel, dans des milieux en développement dans le monde rural. Ça «peut-u» avoir un lien?

M. Gosselin (Pierre): Tout à fait. Cependant, l'analyse que nous avons faite des données de Santé Québec, je vous le rappelle, c'est une enquête qui a été faite il y a cinq ans. Alors, ça, j'y accorderais une importance, une solidité beaucoup plus grande en raison de ça. L'autre chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que le sondage de l'UPA nous montre que les agriculteurs sont autant et plus affectés par ces choses-là que l'ensemble des personnes qui répondent au sondage. Alors, ce n'est pas nous qui avons mené ce sondage-là; c'est le sondage de l'UPA qui est public et qu'ils m'ont envoyé. Alors, je l'ai lu. Cependant, ces choses-là n'étaient pas sorties dans les journaux, ces choses-là n'étaient pas sorties dans les communiqués de presse de l'UPA, mais, moi, je pensais que c'était important de vous en saisir aujourd'hui.

M. Julien: Je veux vous dire, docteur, que je l'apprécie, je pense que c'est important, aussi, qu'on s'informe pour bien saisir cette dynamique-là. Parce qu'à un moment donné vous parlez de bruit et poussières, et effectivement il y a un problématique. Mais, si je me situe en plein centre urbain, j'espère qu'à un moment donné, dans vos analyses, vous allez faire aussi ce qui est comparatif par rapport à l'impact que ça peut avoir sur les individus. Parce que, si je me retrouve sur la rue Sherbrooke à l'année longue, par rapport à une batteuse qui va fonctionner une semaine ou deux, à quelque part, j'imagine que vous allez en tenir compte dans votre analyse. C'est un petit commentaire que je voulais faire.

Puis l'autre élément, quand vous parlez de santé... Je ne veux pas badiner avec ça parce que je pense que c'est important, la question de santé. Mon père était médecin, ça fait que je ne badinerai pas avec ça, puis mon beau-père était producteur. C'est drôle, moi, quand vous me parlez du fait que ça peut avoir des effets, un impact important sur la santé, moi, je pense aux producteurs, je m'interroge, en tout cas. Peut-être qu'autour il y a des citoyens qui sont plus allergiques que d'autres, mais je regarde les producteurs, puis, à date, je n'en ai pas vu qui ont eu des gros problèmes de santé à cause de ce type d'activité là.

Le Président (M. Vallières): M. Gosselin.

M. Julien: Je ne veux pas charrier, mais je suis sérieux dans ma question.

M. Gosselin (Pierre): Bien, c'est ça. Je pense qu'il y a deux raisons à ça. Il y a que les études sur les agriculteurs ne sont pas très connues, mais c'est à peu près l'une des professions les plus dangereuses avec travailleurs forestiers et mines. C'est surtout des accidents qu'ils ont, mais ils ont beaucoup de problèmes allergiques eux-mêmes. Ils ont beaucoup de problèmes respiratoires. Ça, c'est bien connu. Souvent, ils quittent la profession à cause de ces problèmes-là. Ça, c'est moins connu, mais ça existe aussi.

C'est bien sûr qu'on entend à la radio, à chaque fois qu'on cite ces études-là... Nous aussi on les entend, les réactions de l'agriculteur ou du représentant de l'UPA qui dit: Moi, j'ai été là-dedans toute ma vie et je n'ai jamais rien eu. C'est sûr. Même pour la cigarette et le cancer du poumon, il y a une personne sur six qui va faire le cancer du poumon, pas six sur six. Mais là on ne vous dit pas que tout le monde va être malade. On dit qu'il y a du monde qui vont être malades. Il y a du monde qui vont être incommodés de façon importante, qui vont avoir des problèmes de santé.

Dans certains cas, on est plus ou moins sûr, mais est-ce qu'on va attendre d'avoir l'épidémie? Est-ce qu'on va attendre d'avoir le problème tellement pourri pour agir? C'est ça, la différence, je pense. Nous, on dit: Il est important d'intervenir dès maintenant. Nous avons assez d'éléments en main pour bloquer la pompe qui cause l'épidémie, donc agir avant que ce soit trop pourri, comme situation.

Et le conflit social, le «build-up», comme vous disiez, il n'a pas été encouragé par personne. C'est venu de la base. C'est des groupes de citoyens. Moi, les gens qui m'appelaient, je ne les connaissais pas. C'était la première fois qu'ils m'appelaient. On ne peut pas dire que c'est les groupes environnementaux à la base. C'est des gens qui, pour la première fois, parce que ça arrivait dans leur cour, se sont réunis et ont commencé à intervenir. Vous en avez dans votre comté, M. Julien. Vous le savez, ce n'est pas uniquement des extrémistes qui sont là-dedans, et même je dirais que c'est en majorité M. Tout-le-Monde, Mme Tout-le-Monde.

M. Julien: Alors, M. le Président, je veux juste vous remercier. En tout cas, je reviendrai par la suite, mais je termine en disant que ce que je trouve intéressant, c'est que vous dites: Les paramètres, on s'en passerait, mais, en tout cas, vous mettez l'importance, ce que je trouve intéressant, sur le développement de nouvelles technologies et autres. Autrement dit, si on n'a pas le choix, il faut mettre des paramètres, en autant que ça ne nuit pas au développement, c'est ce que je comprends, mais, si on pouvait aller sur des nouvelles technologies, de nouveaux types d'équipements, c'est des pistes que vous trouvez intéressantes. Merci beaucoup.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Je vous remercie, M. le Président. Alors, à mon tour, au nom de ma formation politique, de vous remercier d'être venus présenter ce mémoire en commission, Dr Gingras, Dr Gosselin. Moi, mes commentaires, c'est qu'effectivement on ne peut pas nier que la production porcine amène des odeurs qui sont très importantes et qu'il faut réfléchir à cette situation-là, notamment en termes de réglementation et de nouvelles technologies.

Ce que je constate, au niveau de la présentation de votre mémoire et de la présentation médiatique, j'ai l'impression qu'il y a eu un peu de sensation, beaucoup de sensationnalisme de fait autour de ça. Et, lorsqu'on est à la recherche d'un consensus ou de concilier toutes les parties au niveau du dossier, une telle présentation souvent n'aide pas au consensus, et je vous le dis très honnêtement. Je suis convaincu que ce n'était pas ça, le but visé par vous autres, mais je me demande si ça ne met pas un peu d'huile sur le feu, compte tenu que c'est bien indiqué que cette nouvelle étude n'établit pas de relation de cause à effet entre les odeurs du lisier de porc et la détresse des gens. Il faut faire attention quand on utilise ces statistiques, etc. Alors, par conséquent, je pense qu'il y a une certaine prudence. Oui, la santé publique, c'est très important – vous l'avez noté – puis il faut en tenir compte d'une façon très, très importante. Mais il faut faire attention.

Moi, quand je vois des titres comme Les cochons provoquent la détresse , c'est dangereux. Dans ce débat-là, je pense que c'est dangereux, compte tenu qu'on n'a pas encore toutes les indications. Mais, ceci étant dit, il faut être très vigilant et il faut faire en sorte d'en arriver à un consensus, d'en arriver aussi à une entente au niveau d'un règlement qui pourrait satisfaire les parties, autant les agriculteurs eux-mêmes que les gens qui demeurent au niveau des terrains adjacents à la production agricole. Parce que, au niveau des odeurs, j'aurais aimé, moi, vous entendre sur un comparatif par rapport à d'autres types de pollution, exemple au niveau des pâtes et papiers.

(15 h 50)

Moi, quand je vais à Trois-Rivières, dans le comté du ministre, puis que l'usine fonctionne ou les vents sont dans ma direction, compte tenu que, moi, je ne vis pas là, bien, c'est quelque chose qui m'incommode. Ça, c'est bien évident qu'au niveau des citoyens, par rapport à la production porcine, moi, je peux comprendre également que, quand ça sent mauvais alentour de chez vous, ce n'est pas agréable et qu'il peut y avoir un stress qui se développe et de l'impatience. Ça, je comprends bien ça.

Mais j'imagine que ça doit se faire dans d'autres industries. Parce que là on vise uniquement ça, et c'est comme si les producteurs de porcs, c'est des gros méchants. Et je ne leur donne pas non plus l'absolution, comme on dit, mais on vise, on focusse davantage sur un secteur précis et on ne parle pas d'autres. Alors, j'aurais aimé vous entendre... Comme quelqu'un qui vit au niveau d'une usine, d'un autre type de production, dans un autre secteur d'activité, vos forestiers et le reste, ces gens-là doivent vivre des stress aussi, j'imagine?

Et l'autre élément aussi sur lequel j'aimerais vous entendre: Est-ce qu'il y a un lien, au niveau de la pollution, au niveau des odeurs, avec le fait que ça soit temporaire? Alors, il y a des périodes où ça sent plus, ça sent moins, on revient, et d'une année à l'autre, c'est cyclique, ces choses-là. Tandis que quelqu'un qui vit dans un milieu où il y a encore une pollution, où ça sent très fort mais où c'est constant à l'année, est-ce que le système s'habitue et que tout le monde est heureux à vivre là-dedans? Est-ce qu'il y a un lien à faire à ce niveau-là, le fait que c'est cyclique au niveau de la production porcine? Moi, je ne suis pas un expert, je vous pose la question. C'est juste pour démystifier tout ça aussi et qu'on puisse comparer aussi avec d'autres types de productions qui sont aussi polluants que le porc.

Le Président (M. Vallières): M. Gosselin.

M. Gosselin (Pierre): Oui, je vais répondre à la première partie de votre question. Vous savez, pour être en politique et pour bien connaître les journalistes, que ce n'est pas nous qui déterminons les titres des journaux, alors le titre de notre communiqué de presse était Production porcine et détresse psychologique , ce qui est assez neutre, merci. Moi, je pensais important, et c'est pour ça qu'on l'a rendu public lundi, étant donné qu'il y a une commission parlementaire ici aujourd'hui, que l'ensemble de la population du Québec ou une grande partie soit au courant de ça. C'est un élément nouveau. C'est une première mondiale, comme étude, il ne s'en est pas fait beaucoup comme ça dans le monde, et on l'a eue la semaine passée. Alors, c'est un choix. On peut le regretter et je pense qu'il était important que ça soit rendu public et diffusé.

Et ce n'est pas un problème qui date d'hier. La page couverture de notre mémoire, j'ai sorti deux titres, par exemple, un qui date de 1981 et l'autre qui date de 1985, pour vous dire que le monde ne se plaint pas depuis 15 mois; ça fait longtemps que ça dure. Chaudière-Appalaches, ce n'est pas un problème qui date d'hier, L'Assomption et Yamaska non plus. Les gens se plaignent des odeurs depuis un bout de temps. Dans le sondage de l'UPA, les gens, dans Chaudière-Appalaches, ils sont 22 % de la population à se plaindre des odeurs. C'est beaucoup. Alors, moi, je vous dirais que c'est ça, finalement.

Comparer à d'autres industries, oui, je veux bien comparer. Les odeurs de souffre que vous citiez des papetières, ça a diminué de 90 % depuis une vingtaine d'années. La charge d'odeur, elle, a été multipliée par cinq depuis une vingtaine d'années. Ça va dans le sens contraire du reste de l'industrie au Québec, au Canada et dans le monde. C'est pour ça qu'on s'en occupe, ici, aujourd'hui, de l'odeur. Moi, je vous dirais que ce n'est pas le problème de santé publique le plus important, vous avez raison, la contamination de l'eau est plus importante et nous préoccupe davantage que ça. Mais le législateur a décidé de séparer odeurs, bruit et poussières du reste, alors on respecte sa décision et on vient vous parler aujourd'hui de l'odeur là-dedans. Alors, ce que je résume, c'est qu'en milieu agricole la pollution augmente, alors que dans le milieu industriel elle diminue. Alors, je pense que ça vous donne un point de comparaison assez important.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. Gingras.

M. Gingras (Benoît): Alors, pour compléter la réponse. Vous posiez des questions sur les problèmes reliés à des odeurs désagréables provenant d'autres sources. La majorité des études qui sont faites sur les effets sur la santé reliés aux odeurs ne proviennent pas des problèmes reliés aux activités agricoles. Ça provient d'activités industrielles, d'activités municipales et aussi agricoles. Mais ce qu'on constate, c'est que les effets ne sont pas spécifiques au fait que ça soit: industriel c'est pire ou moins pire, ou agricole pire ou moins pire. L'effet semble relié au caractère désagréable des odeurs.

Vous avez raison que, actuellement encore, même s'il y a eu une baisse des émissions, il y a certains endroits en milieu urbain où les odeurs sont peut-être, dans certains cas, inacceptables, et il s'agit aussi d'un problème de santé publique. J'habite, moi personnellement, si je me permets de le mentionner, depuis 20 ans en milieu agricole, et purement agricole, et je peux vous dire qu'il y a plusieurs municipalités où je n'habiterais pas.

Maintenant, ce sur quoi il s'agit d'insister, c'est sur le caractère progressif. Et, comme actuellement le milieu agricole semble en plein développement, notre approche est à caractère préventif. Même, nos propositions ne visent pas à diminuer, actuellement, le nombre de personnes – on le souhaiterait mais... – exposées actuellement à des odeurs désagréables en milieu agricole mais visent à éviter que le problème augmente.

Vous posez une question en ce qui concerne le caractère temporaire par rapport à permanent. Sans doute que l'exposition permanente, c'est-à-dire chronique, à des odeurs a un impact sur la santé plus important qu'une odeur intense de courte durée. Mais là il y a aussi beaucoup de facteurs qui jouent: le facteur de non-contrôle sur les émissions d'odeurs... Enfin, il y a plusieurs facteurs qui rentrent en ligne de compte, mais c'est sûr que, par exemple, lors de l'épandage, même si on pense qu'il y a peut-être, en ce qui concerne la santé des gens, moins de personnes affectées de façon importante, l'intensité et, dans certaines régions, la durée – parce que l'épandage peut s'étendre sur une période assez longue – peut être un facteur quand même important, et on pense qu'il y a lieu d'apporter des balises à la charge d'odeur environnementale.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska. À moins que... M. le député des Îles-de-la-Madeleine, avez-vous terminé?

M. Farrah: Peut-être une dernière question, si vous permettez.

Le Président (M. Vallières): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: À la page 13, deuxième paragraphe, vous indiquez: «Pour les zones de villégiature, immeubles protégés et les périmètres d'urbanisation, l'épandage sera interdit à 50 m ou moins. Dans la zone située entre 50 m et 700 m – là, je lis vite – les municipalités, après avoir pris en considération l'avis du comité consultatif agricole auront toute la marge de manoeuvre pour interdire l'épandage, obliger l'utilisation de certains équipements ou techniques d'épandage, limiter les périodes d'épandage», etc.

Donc, à ce moment-là, est-ce que vous parlez... Ça, c'est en zone verte...

M. Gingras (Benoît): Oui, oui, bien sûr.

M. Farrah: ...que les municipalités pourraient interdire?

M. Gingras (Benoît): Oui, oui. Comparativement aux périmètres d'urbanisation.

M. Farrah: C'est tout. Ça va, merci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Oui, merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu votre mémoire et avec beaucoup d'attention aussi que je vous ai écoutés dans votre présentation parce que c'est des statistiques intéressantes.

Comme vous le disiez très bien tantôt, c'est des statistiques qui sont nouvelles, puis on n'a pas un historique non plus, je pense, à ce niveau-là, très, très long. On n'a pas d'expertises non plus qui viennent nous éclairer. Puis je ne veux pas répéter tout ce qu'on a dit tantôt, mais en même temps, des fois, quand on répète, ça peut être intéressant parce que, pour un pédagogue comme moi... Quand j'enseignais, il me semblait des fois qu'à force de répéter mes étudiants ou mes étudiantes comprenaient mieux.

(16 heures)

Moi, je ferais appel un peu à votre sens des responsabilités et à votre prudence vis-à-vis de la présentation d'un dossier comme celui-là parce que vous avez dit tantôt que les titres des journaux, vous ne les aviez pas contrôlés, entre autres. Je comprends ça, mais que vous disiez que le titre est neutre quand vous dites Production porcine et détresse psychologique , je trouve ça neutre juste un peu, là. Il me semble que ça fait appel à un peu de sensationnalisme. Je trouve que c'est dangereux d'être alarmiste dans une situation comme ça, d'autant plus que... Je n'ai pas l'expertise nécessaire non plus, au niveau médical comme vous autres, pour discuter d'un problème aussi pointu que celui-là, mais, avec les nouvelles données puis les données que vous avez...

C'est vrai que vous avez des études, je pense, qui sont assez intéressantes, mais souvenez-vous du problème ou du dossier du fluor au Québec, il y a un certain nombre d'années. On avait fait des gorges chaudes avec ça, puis on disait... Moi, je me souviens d'avoir entendu dire par certains politiciens ici, dans un élan politique, que le fluor ramollissait le cerveau. Mais je ne voudrais pas que, dans une question comme celle-là, on fasse...

Puis je ne vous blâme pas du tout puis en même temps je ferais appel à votre prudence pour ne pas que ça soit trop alarmiste parce que c'est facile de faire du sensationnalisme avec des questions comme celle-là, d'autant plus qu'on n'a pas toutes les données, non plus, nécessaires pour arriver à des conclusions qui pourraient, dans une période x, à travers l'histoire, mettons à travers 10 ans, 20 ans, 30 ans...

Puis je trouve ça intéressant, la question du député des Îles-de-la-Madeleine tantôt, au niveau des pâtes et papiers entre autres. C'est difficile d'arriver à des conclusions, là. Mais, comme je vous dis, c'est intéressant, mais il faut traiter ça, je pense, avec parcimonie. Puis mon rôle ici n'est pas de vous dire que vous n'avez pas une étude qui est intéressante, c'est que je fais appel à votre prudence. C'est plus une recommandation, là, qu'une question. Mais je vous permettrais de me resituer dans le chemin droit, si ça va ou si ça ne va pas.

M. Gosselin (Pierre): Non, j'apprécie votre commentaire. Je veux juste vous dire tout simplement que nous avons, en septembre, octobre dernier, publié... Le Dr Gingras a fait une revue des études existantes à travers le monde sur les odeurs et la santé. Parce que la question nous était posée depuis un an comme il faut: «Y a-tu» des problèmes? Et puis, quand c'est un dossier relativement nouveau, il faut chercher un petit peu. Alors, on a sorti ça, et la réaction immédiate du président de l'Union des producteurs agricoles a été – je ne me souviens pas des termes exacts – que c'était de la foutaise, grosso modo.

Alors, on a accepté son commentaire et puis on a continué à travailler de notre côté. On a commandé cette étude-là et on l'a rendue publique aujourd'hui. Vous pouvez ne pas trouver que le titre qu'on proposait, Détresse psychologique et production porcine , est adéquat, mais finalement il faut en trouver un. Et on regardait le rapport entre la production porcine et cette détresse-là chez les résidents du Québec. C'est le terme utilisé dans l'enquête de Santé Québec. C'est le terme admis. Alors, ça peut ne pas correspondre à ce que vous auriez aimé entendre ou à ce que l'UPA aurait aimé entendre, on le regrette infiniment. Mais le but était tout simplement de rendre publique une étude faite au Québec. On a un élément, là, ce n'est pas tout le temps le cas, mais c'est une étude faite ici.

Alors, c'est à peu près ça. On est, je pense, très conscients de nos devoirs en termes de santé publique quand on parle à la population. Je pense que vous faites bien de resouligner ça, toujours.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mon dernier commentaire, M. le Président, n'est pas de vous blâmer. Juste pour me répéter, c'est sensible, des questions au niveau de l'alimentation, au niveau de la santé. On a une expertise, au Canada ou dans d'autres pays, on a des expériences aussi. Le thon, les moules et la vache folle, c'est des choses qui sont sensibles, puis les gens... Quand on n'a pas des statistiques très révélatrices – je ne dis pas que vous n'en avez pas des solides – je pense qu'il faut être prudent. Merci.

Le Président (M. Vallières): Oui, peut-être ajouter que ce matin, entre autres, on faisait des références avec le dossier de l'amiante, où carrément on a assisté au développement d'une psychose ailleurs au Québec et où aujourd'hui on en est rendu à bannir certains produits et carrément bannir tout produit à base d'amiante ailleurs dans le monde. Alors, on se dit... En tout cas, vous comprendrez que, comme parlementaires, on veuille s'assurer que le débat se fasse de façon adéquate face à une production qui est très importante ici, au Québec – plusieurs productions – et qui pourrait sinon contrôler, faire en sorte que des produits bien de chez nous soient considérés éventuellement parce que...

Je prends l'exemple de l'amiante, j'en ai, chez nous. En France, c'est devenu du poison. Une simple exposition à une fibre d'amiante et tu es empoisonné. Alors, vous comprendrez qu'on aimerait bien que le dossier soit vu avec beaucoup de prudence et beaucoup de responsabilité dans tous les sens du terme. Vous-mêmes nous indiquez que vous n'avez pas de contrôle sur la façon dont les documents que vous préparez et qui sont techniques, des fois... qui devraient être présentés avec un caractère pédagogique important. Ce n'est pas tout le monde qui peut en faire un usage de la même façon.

En fait, le message que je sentais de mon collègue et que je veux peut-être amplifier, c'est de vous dire que, sachant l'usage qu'on peut en faire, il y a peut-être une façon également de le présenter ou de l'expliquer ou même de l'écrire pour s'assurer que ça ne débouchera pas sur la stimulation peut-être d'antagonismes encore accentués dans les régions du Québec et un peu partout sur le territoire et que finalement on trouve les meilleures solutions, les solutions les plus adéquates à ce qui est considéré comme étant un problème. Mais il y a des milieux où le débat est très mal engagé. On le disait ce matin.

Très bien. Non, je n'ai pas besoin de... C'était plutôt un commentaire. J'ai une autre demande d'intervention du député d'Orford. Non, je n'ai oublié personne. Il y a plusieurs demandes d'intervention. Alors, on va alterner.

M. Benoit: Bien. D'abord, je ne suis pas sûr que je suis d'accord avec tout ce qui s'est dit ici. Messieurs de la santé, contrairement à à peu près tout le monde ici, je pense que vous êtes des précurseurs. Vous avez été dans les premiers, les gens de la santé, au Québec – j'ai eu l'occasion de vous rencontrer à Rivière-du-Loup puis un peu partout – souvent à dire: Attention, je pense qu'il y a un problème, et le temps vous a donné raison.

Le plus bel exemple, c'est sur la cigarette, où, bien avant tout le monde, les gens de la santé ont dit: Il y a un problème. Fallait-il attendre qu'il y ait des cigarettes dans toutes les écoles, que tous les jeunes du monde... qu'on s'aperçoive que les grandes campagnes de publicité des compagnies de cigarettes allaient chercher une clientèle bien précise, qui était celle des gens... Puis là, comme vous l'avez si bien dit, les compagnies admettent maintenant que, oui, ça a été leur stratégie, que, oui, il y a du cancer chez... on commence très jeune, que, oui, il y a un effet d'être «addict» dans le cas de la cigarette.

Alors, vous avez été dans les premiers, et oui à la prudence. Je pense qu'on ne peut pas inviter les gens à aller se battre dans le milieu de la rue pour tout et rien, mais, d'autre part, je pense qu'on a une responsabilité et c'est ce que vous avez fait ici aujourd'hui. Moi, je vous en félicite.

On n'a pas besoin d'être divin, là, quand on pense... Le ministre de l'Agriculture nous dit qu'il a été élevé à Trois-Rivières. Moi, j'ai été élevé à Saint-Hyacinthe. Bien, la rivière Yamaska est plus sale que quand j'étais élevé, à l'âge de 7, 8 ans, à Saint-Hyacinthe. Et Dieu sait qu'on a mis 1 000 000 000 $ entre le mont Sutton et puis Sorel sur la rivière Yamaska, et elle n'a jamais été si polluée. Il doit y avoir un problème.

La rivière L'Assomption. J'ai toujours conté la même histoire. Quand j'ai fait ma tournée de l'environnement, je devais aller rencontrer des groupes là. Je n'ai pas pu y aller. On a fini trop tard ici, à Québec. Quand j'ai appelé les groupes pour leur dire: Écoutez, je ne pourrai pas vous rencontrer ce soir, ils ont dit: Il n'y a pas de problème, M. Benoit. Quand vous allez passer au-dessus de l'autoroute, là, vous avez juste à ouvrir votre fenêtre puis à sentir. Vous n'avez pas besoin de venir nous voir. Faites juste sentir la rivière L'Assomption en passant, puis vous allez savoir qu'elle a un problème. Voulez-vous que je continue? Je peux vous en donner comme ça, moi.

Alors, il y en a, des problèmes. Vous les avez soulignés. Et je voudrais juste, en guise de conclusion, vous poser la question. Vous avez dit tantôt: Le législateur décide d'aller vers le bruit, d'aller vers les odeurs, mais il a décidé de ne pas toucher à l'eau. J'aimerais ça vous entendre là-dessus parce qu'effectivement est-ce que l'un des grands problèmes de la production porcine ou de la production agricole, ce n'est pas l'eau, finalement?

Le Président (M. Vallières): M. Pierre Gosselin.

M. Gosselin (Pierre): Oui. Vous avez tout à fait raison. Il nous semble que les problèmes reliés à la contamination de l'eau, que ce soit par les contaminants chimiques ou microbiologiques, sont probablement les plus importants reliés à l'élevage animal toutes catégories confondues; pas seulement le porc, là, mais on s'entend sur un ensemble de production animale. Ça, c'est un point. Et ce qui est peut-être intéressant, c'est de voir que finalement de changer un système de production pour qu'il soit moins polluant, il va l'être moins probablement pour tout. Il va l'être moins pour l'érosion du sol, il va l'être moins pour...

(16 h 10)

D'après ce qu'on a appris dans les nombreuses journées de négociations et de travail avec nos amis des ministères et de l'UPA, c'est que, si on prend un virage environnemental, comme semble vouloir le faire la Fédération des producteurs de porcs, on va réussir à réduire à la fois la pollution de l'eau, celle de l'air et celle du sol et diminuer l'érosion du sol. Alors, je pense que vous avez tout à fait raison de dire que la priorité doit être la réduction de la pollution et que les odeurs en font partie, bien sûr. Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. Simplement pour les indications à la commission, il reste quatre minutes du côté ministériel, environ quatre minutes également du côté de l'opposition. Alors, j'ai des demandes d'intervention de la députée de Marie-Victorin, du ministre de l'Environnement et de la Faune, du député de Saint-Hyacinthe. Alors, il y a quelqu'un qui devra faire des choix. Si on y va dans l'ordre, M. le ministre, je ne pense pas que vous aurez l'occasion de vous exprimer. M. la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Je pense que c'est important aussi d'entendre le ministre, mais je vais tout simplement être très succincte en disant que, pour avoir enseigné en santé et sécurité du travail, je me souviens très bien qu'à ce moment-là on parlait beaucoup... J'ai fait beaucoup d'expériences dans les usines, dans les fonderies, et je me souviens très bien à quel point le problème était majeur parce que, quand vous faites fondre le plomb, c'est des émanations épouvantables. Et je me souviens que, quand je suis arrivée là-dedans, je me disais: Bon sens, ça ne se peut pas que du monde travaille là!

Et, à force d'en parler, c'est qu'on est arrivé à l'élimination à la source. En fait on se disait: Dans le fond, ce qui important, ce n'est pas d'empêcher la production, mais c'est de trouver le moyen qui fait qu'on va éliminer à la source le problème. Et, plus les gens en ont parlé, en fin de compte, on n'a pas cherché à trouver des moyens alarmistes, mais, effectivement, il y avait un problème de santé qui était important, mais c'était de travailler de concert à trouver la solution qui favorisait autant l'environnement du travail que la production, aussi.

Alors, j'espère qu'effectivement nous allons pouvoir travailler à trouver des solutions. Il semblerait, en tout cas, dernièrement, ce que j'ai entendu avec les nouvelles technologies, qu'il y avait en tout cas des orientations qui étaient en train de se dessiner qui favorisent énormément une meilleure qualité de l'environnement.

Et, en ce qui concerne aussi le développement du cerveau, ce que j'ai entendu dire, c'est que le cerveau, ce qu'il capte le plus, c'est les odeurs. Et ça, ce n'est pas juste dans le domaine de l'agriculture, mais c'est à peu près dans tous les domaines de notre vie. C'est comme ça. En fait, on a un côté animal, et c'est ce qui fait en sorte que c'est comme ça qu'on se retrouve dans la vie, par ça, cet aspect-là aussi dans notre caractéristique. C'est récent, les analyses du cerveau par rapport à tout ça, aussi.

M. Gosselin (Pierre): Mais c'est une activité de plusieurs milliards par année que celle des compagnies de parfum à travers le monde, depuis longtemps. Sur le côté des bonnes odeurs... pas toujours réussi.

Le Président (M. Vallières): Merci de l'intervention. Mme la députée La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui, M. le Président. Alors, je vous remercie pour votre mémoire et votre présentation. Je voudrais être sûre que j'ai bien compris qu'il s'agit d'une étude scientifique, n'est-ce pas, qui repose sur des données vérifiées et vérifiables. À la page, enfin, un peu vers la fin, dans votre projet, là, à la page 1, vous dites: «Au total, 22 867 répondants ont été répartis, dont 6 022 (soit 26,2 %) affichaient un niveau élevé de détresse psychologique.» La détresse psychologique étant mesurée comment scientifiquement parlant?

M. Gosselin (Pierre): Oui, c'est un questionnaire, madame, qu'on passe. Il y a deux méthodes dans cette enquête de Santé Québec. L'enquête sociale et de santé du Québec est menée par le ministère de la Santé en collaboration avec différents organismes de recherche et différentes firmes de sondage. C'est une enquête qui est de très haute qualité. Elle en est à sa troisième édition actuellement cette année. Et ce genre d'enquête là est mené par les gouvernements en Amérique du Nord et en Europe depuis une vingtaine d'années environ. On a beaucoup d'expérience là-dedans. Alors, c'est des questionnaires auxquels les gens répondent, et un sous-échantillon de ces 22 000 là sont rencontrés par des interviewers pour des enquêtes plus approfondies. Alors, c'est comme ça que ça se passe.

Mme Houda-Pepin: Ce que je veux savoir exactement: Est-ce qu'il y a, hors de tout doute, une relation de cause à effet entre les émanations des odeurs de lisier de porc, par exemple, et la détresse psychologique? Parce qu'on peut avoir une détresse psychologique dans d'autres contextes. Comment est-ce qu'on peut mesurer qu'il y a détresse due aux odeurs liées au lisier de porc?

M. Gosselin (Pierre): En fait, pour répondre à votre question exacte, il faudrait faire d'autres types d'études qu'on est en train de préparer mais qui coûtent plus cher, là. Celle-ci pouvait être faite rapidement et à très faibles coûts étant donné que les données existaient déjà. Alors, on ne peut pas, donc, faire de relation directe de cause à effet.

Ce qu'on a fait, c'est qu'on a regardé dans diverses situations et on a essayé d'éliminer les choses qui font bouger la détresse psychologique. On sait que ça varie selon l'âge, alors on a ajusté pour tenir compte de l'âge. On sait que ça varie selon le sexe, on a fait de même. On sait que ça varie selon le revenu des gens, alors on a ajusté aussi. Et là on a trouvé même que, contrairement à ce à quoi on s'attendait, ça va à l'inverse de ce à quoi on s'attendait, selon le revenu. Autrement dit l'augmentation, si on n'avait pas corrigé pour le revenu, serait encore plus grande que le 65 % que vous avez vu là.

On a tenu compte du fait que c'est uniquement des résidents permanents. Alors, on aurait pu pensé que c'est des touristes ou des vacanciers, des gens qui vont à leur chalet l'été qui font changer ça. Ça n'est pas le cas. C'est uniquement des résidents à l'année qui répondent. Alors, on a tenu compte de tout ça. On a ajusté pour la taille de la municipalité pour ne pas comparer des grosses, des petites et des moyennes.

Alors, on a tenu compte de tout ça. Et, quand on a ajusté pour tout ça, à travers le Québec, il n'y a aucune différence nulle part entre le printemps, l'été, et l'automne, l'hiver, sauf dans les municipalités – et il y en a 30, 35 peut-être, de mémoire – qui produisent 20 000 porcs et plus par année, selon les données du ministère de l'Agriculture pour la période 1992-1993 qui est la même période pendant laquelle l'enquête a été menée. Alors, c'est ça.

C'est une déduction, comme on dit, par élimination, ce qui fait que c'est l'équivalent d'une preuve circonstancielle en cour, si vous voulez.

Mme Houda-Pepin: D'accord. Donc, ce n'est pas vraiment un lien de cause à effet, ce qu'exige la science pour vraiment établir que l'étude est vérifiée.

M. Gosselin (Pierre): Non.

Mme Houda-Pepin: Mais c'est une corrélation d'un ensemble de variables qui vous amène par déduction, comme vous l'avez si bien dit vous-même, à faire un lien entre les odeurs et la détresse psychologique.

M. Gosselin (Pierre): Oui, mais...

Mme Houda-Pepin: Alors donc, je terminerai là-dessus, étant donné qu'on n'a pas beaucoup de temps...

M. Gosselin (Pierre): D'accord.

Mme Houda-Pepin: Je voulais juste terminer en vous posant une question. La production du porc n'est pas quelque chose de nouveau au Québec, c'est-à-dire que c'est là depuis des générations. Comment expliquez-vous que maintenant, et seulement maintenant, on a un projet de loi à l'étude, et tout ça, que ce débat surgit et qu'on découvre tout d'un coup qu'il y a une dimension extrêmement importante du point de vue de la santé? Est-ce que c'est parce qu'on ne le savait pas avant? Est-ce que les recherches n'étaient pas très poussées? Ou parce qu'il y a peut-être des enjeux qui se révèlent uniquement maintenant parce qu'il y a un projet de loi sur la protection des territoires agricoles?

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Gosselin.

M. Gosselin (Pierre): Oui, bien, il y a sûrement des enjeux que je ne connais pas. Ce que je sais, c'est que la production porcine a beaucoup augmenté au Québec depuis une vingtaine d'années. Alors, ça a changé. Ça préoccupe la population depuis longtemps, et la preuve en est que le gouvernement du Québec avait fait un moratoire dès 1981 sur les bassins de la Chaudière, de la Yamaska et de L'Assomption pour stopper le développement de la production porcine. Peut-être ailleurs, je ne me souviens plus. Alors, ce n'est pas d'hier qu'il y a des problèmes et que le monde se plaint.

Il y a sans doute un regain à l'heure actuelle. Il est dû à quoi exactement? Je ne saurais trop dire, peut-être la taille des entreprises a-t-elle changé, peut-être qu'il y a d'autres éléments. C'est impossible pour moi de répondre.

Je voudrais juste commenter un petit peu. Vous dites «la relation de cause à effet qui est exigée au point de vue scientifique». Ça, je m'inscris en faux contre votre affirmation parce que partout à travers le monde on n'attend pas d'avoir la preuve finale pour agir. C'est inscrit dans les principes d'action de l'Organisation mondiale de la santé. C'est inscrit dans les principes d'action de la Commission mixte internationale Grands Lacs Canada–États-Unis. Le ministère de l'Environnement du Québec vient de signer un projet d'entente d'harmonisation avec les autres provinces canadiennes et le fédéral, qui dit justement qu'on n'attend pas d'avoir toute la preuve finale pour agir. Si on le faisait, on ne ferait pas grand-chose sur l'effet de serre, la couche d'ozone, et tout, et tout. Ce sont des problèmes pour lesquels on n'a pas de preuve définitive, et, quand on a une preuve définitive, il est généralement trop tard.

(16 h 20)

Alors, je voulais juste vous souligner cet aspect de la prise de décision et de l'action en santé publique. On ne fait pas de la recherche fondamentale universitaire, on utilise les études existantes pour conseiller, pour la prise de décisions.

Le Président (M. Vallières): Ça serait très intéressant de pouvoir continuer sur le sujet. C'est parce que je veux terminer avec deux interventions, une très courte du député des Îles-de-la-Madeleine, mais je passerai d'abord la parole au ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Merci, M. le Président. Vous oeuvrez dans une science qui est très difficile, dans la mesure où vous avez à évaluer une série de critères ou d'intrants, si je peux m'exprimer ainsi, qui relèvent de l'écosystème au complet ou de l'environnement au complet, et sur des cobayes qui, eux, varient en âge, revenus, localisation, etc. Et j'aimerais un peu vous faire élaborer sur ce que vous venez de dire, suite aux questions du député d'Orford et de la députée de La Pinière.

C'est la notion à l'effet que, lorsque vous avez essentiellement établi un croisement, tout simplement, entre des données eu égard à la détresse psychologique et des données relatives à la production porcine, selon votre bon jugement... Et je pense que personne dans cette salle ne peut nier que vous êtes des experts en santé communautaire au Québec, quoiqu'on semble vous reprocher que vous ayez trouvé des façons d'accrocher l'opinion publique sur des études scientifiques qui, la plupart du temps, passent totalement inconnues et finissent sur des tablettes. Mais vous avez su accrocher, je pense, l'opinion publique sur les conclusions scientifiques de votre étude. Selon votre bon jugement, sur la base qu'en termes de santé communautaire la prévention doit devancer la conclusion scientifique ultime de cause à effet, est-ce qu'il y a des parallèles avec d'autres causes?

Vous avez parlé de la cigarette, vous avez parlé d'autres choses. Est-ce que, selon votre bon jugement, un tel croisement, au niveau scientifique, et selon votre bon jugement professionnel – je fais appel à votre sens professionnel – est suffisant, selon vous, pour amener les gens à confirmer que l'on doit agir par voie législative, par voie réglementaire, sur la question des odeurs? Ça, c'est ma première question, et je fais appel à votre sens professionnel reconnu dans notre société.

Deuxième question, c'est la notion de détresse psychologique. Est-ce qu'il y a des coûts sociaux de reliés à quelqu'un qui est en détresse psychologique? Je ne suis pas un expert en la matière, mais est-ce qu'il y a des coûts reliés à l'absentéisme, visites chez le médecin? Qu'est-ce que ça fait à la société, une société qui est, à 40 % ou 50 %, en détresse psychologique, autre, j'imagine, qu'avoir des bonnes engueulades au souper ou de battre le chien, ou je ne le sais pas, là? Est-ce qu'il y a des coûts à ça? Je m'excuse d'y aller en forme de questions, mais c'est parce que c'est rare qu'on a l'avantage d'avoir à discuter avec des gens comme vous.

Au niveau des bruits et de l'odeur, est-ce qu'il y a un seuil d'odeur et un seuil de bruit, au niveau de vos recherches, au niveau de l'Organisation mondiale de la santé? À partir de quel seuil il y a des impacts physiques, style réveiller, faire brailler les bébés l'après-midi? Je ne le sais pas, je ne suis pas un expert là-dedans, mais est-ce qu'il y a un seuil d'odeur qui réveille le monde, comme c'est maintenant prouvé qu'il y a un seuil de bruit, par exemple, qui réveille le monde la nuit ou qui réveille les enfants l'après-midi dans leur sieste ou qui dérange les gens dans leurs activités quotidiennes? Et là pas besoin d'être des savants comme vous pour savoir que, si on ne dort pas la nuit, bien, éventuellement, ça dégénère en problèmes de santé physique, là.

Alors, vous voyez le sens de mes interventions, c'est que vous voguez dans un domaine scientifique où vous faites appel à des notions qui ne sont pas de cause à effet directement, qui sont plutôt des croisements. Vous avez à porter des jugements essentiellement sur une série de facteurs, d'intrants, sur un cobaye, un sujet qui est beaucoup plus complexe qu'une souris dans une cage.

Et, une fois que je vous aurai entendu là-dessus, est-ce qu'au-delà de ça il y a des seuils reconnus à partir desquels on peut dire, dans une maison ou près d'une couchette de monde: Si on va au-delà de telle unité-odeur équivalente, ça va réveiller le patient? Est-ce qu'il y a un niveau de bruit au-delà duquel ça va réveiller le monde?

Le Président (M. Vallières): Alors, M. Gosselin.

M. Gosselin (Pierre): Oui. La réponse pour les coûts est relativement facile, en ce sens qu'il y a des études de faites au Québec sur l'indice de détresse psychologique et la consommation des services – médicaux, psychologiques – et la consommation de médicaments. Et, oui, quand on a un indice élevé, d'après les données québécoises, on consulte plus son médecin, son psychologue et on consomme plus de médicaments, de façon générale. Alors, ça, c'est les coûts directs.

Les coûts indirects reliés à l'absentéisme, il y en a sûrement, parce que, généralement, on dit qu'ils sont de l'ordre de deux fois plus élevés que les coûts directs, dans ce genre d'études là. Cependant, ça varie selon, encore une fois, l'âge, le sexe, le lieu de résidence, le type de travail, etc. Alors, je ne pourrais vous dire autre chose que: D'avoir une détresse psychologique élevée, ça augmente les coûts. Pour être plus précis, il faudrait faire une étude spécifique.

Votre autre question est plus délicate, en ce sens que est-ce que nous en savons assez pour agir sur les odeurs, à l'heure actuelle? Je pense que tout le monde, ici, est conscient de l'importance de la décision à prendre et de la façon de le faire; nous le sommes aussi. Précisons que l'étude que nous avons rendue publique hier soulève une hypothèse que nous considérons comme sérieuse pour le Québec, que nous allons fouiller, mais que, en soi, isolément, ça ne serait pas suffisant. Cependant, le fait que nous arrivions à ces résultats-là, compte tenu de toutes les études scientifiques existantes sur la relation entre les odeurs et la santé faites ailleurs dans le monde, ça nous fait pencher en faveur d'une intervention préventive, à l'heure actuelle.

Et on peut le voir de l'autre côté, aussi. Je disais tout à l'heure à la blague: On dépense des milliards sur les parfums. Mais, de façon beaucoup plus précise, les entreprises dépensent des centaines de millions pour mettre des bonnes odeurs dans leurs magasins parce qu'ils savent que ça rend les gens plus joyeux et ils achètent plus dans leurs magasins. C'est un marché, déjà, à l'heure actuelle, très bien monté un peu partout, aux États-Unis et en Europe. Alors, il y a un effet réel connu des odeurs sur le comportement humain. Ce n'est pas nouveau. On le connaît mieux sur l'aspect positif parce que ça permet de rapporter de l'argent à certaines compagnies; on le connaît moins sous l'aspect négatif, mais, de notre côté, nous pensons qu'il est réel.

Comment intervenir, maintenant? Je pense qu'il est important de situer ça dans tout le changement de réduction de la pollution du monde agricole, qui est nécessaire, et donc que l'intervention se fasse dans le contexte de réduire la pollution de façon générale, qui est une intervention qui se fait déjà, qui est commencée. Et je pense que réduire les odeurs ne va être qu'une partie de cet ensemble-là. Alors, on vous dira: Oui, dans l'ensemble de l'opération de réduction de la pollution agricole, d'agir sur les odeurs, on a assez d'éléments, à l'heure actuelle, pour l'inclure dès maintenant. Sur l'autre aspect, le Dr Gingras va répondre.

Le Président (M. Vallières): Oui, en essayant le plus rapidement possible, puisqu'on excède largement le temps qui nous était alloué. Oui, Dr Gingras.

M. Gingras (Benoît): Oui, ça va être rapide, M. le Président. M. le ministre, en ce qui concerne les études scientifiques concernant les odeurs, c'est en plein développement. C'est un domaine qui est encore à ses débuts, même si ça fait quelques années qu'on y travaille. Et il y a beaucoup d'analogies, effectivement, qu'on est en mesure de faire avec l'exposition aux bruits communautaires, mais actuellement les études sur le bruit sont nettement plus avancées.

Les études qu'on a consultées – on en a consulté quand même pas mal – n'arrivaient pas à déterminer un seuil d'odeurs qui pouvait, par exemple, éveiller les gens, auxquelles, par exemple, la majorité des gens étaient sensibles pour augmenter leur détresse psychologique, etc. Comme c'est un domaine scientifique en plein développement... Par exemple, les olfactomètres, même, il y a des études, actuellement, sur des nez artificiels, etc. qui permettraient de mesurer les charges d'odeur. Et, encore là, quand on parle d'odeur, ça dépend de l'origine de l'odeur. C'est différent du bruit, alors que le bruit, on le calcule de façon précise, en décibels. Les charges d'odeur, ça peut être aussi mesuré, mais l'effet sur la santé, sur les gens va varier en fonction de l'origine des odeurs.

Enfin, tout ça est en développement. Donc, actuellement, nous, on n'a pas vu de niveau ou de seuil ou de chiffre précis déterminé qu'on recommande, par exemple, à l'instar du bruit communautaire, pour ce qui est des odeurs pour éviter des problèmes de santé chez les gens.

(16 h 30)

Le Président (M. Vallières): Merci. Rapidement, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, très rapidement. Vous avez pris connaissance de la Proposition de principes généraux , juste en terminant, parce que c'est l'objet quand même de la commission?

M. Gingras (Benoît): Ça été à la base de nos propositions, M. le député.

M. Farrah: O.K. Donc, elle vous satisfait en entier?

M. Gingras (Benoît): De façon générale, on considère l'approche de la Proposition de principes logique et on l'a adoptée finalement pour élaborer notre avis.

M. Farrah: Alors, je vous remercie infiniment de votre présentation et ça nous a éclairés. Merci.

M. Gingras (Benoît): Merci.

Le Président (M. Vallières): Peut-être, M. le ministre de l'Agriculture.

M. Julien: Je vous remercie beaucoup, et on se quitte sur une bonne note parce qu'à la page 9 de votre tableau on s'aperçoit que l'évolution de la charge d'odeur reliée à l'élevage s'en va en diminuant.

Le Président (M. Vallières): Bien, alors, nous vous remercions de vos témoignages.

J'inviterais maintenant le groupe suivant à se présenter. Il s'agit du Centre national en électrochimie et en technologies environnementales.

La commission va suspendre ses travaux pendant quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 32)

(Reprise à 16 h 36)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Nous en étions à entendre le Centre national en électrochimie et en technologies environnementales. Alors, je crois que M. Lesieur est avec nous. Il pourrait nous présenter les gens qui l'accompagnent. Vous disposez d'une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire, et il y a un échange d'une quarantaine de minutes également avec les membres de la commission.


Centre national en électrochimie et en technologies environnementales inc. (CNETE)

M. Lesieur (Denis): M. le Président, Mmes et MM. les ministres et députés, membres de cette Assemblée. Je veux d'abord vous remercier de nous avoir donné aujourd'hui l'opportunité d'exprimer notre point de vue devant la commission parlementaire sur la loi n° 23 concernant la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole afin de favoriser la protection des activités agricoles.

Notre intervention dans le cadre de cette commission parlementaire concerne la prise en compte d'un nouveau procédé de traitement du lisier de porc. Le Centre national en électrochimie et en technologies environnementales inc., plus communément connu sous l'acronyme CNETE, représenté aujourd'hui par moi-même, directeur par intérim du CNETE, et par Mme Madeleine Tétrault, ingénieure-chimiste et chercheur pour le CNETE, travaille au développement d'un système de traitement à la ferme du lisier de porc. Ce projet de recherche est financé par des promoteurs privés, ici présents, qui oeuvrent dans le domaine agricole au Québec.

Dans le cadre de la présentation du mémoire que nous déposons à cette commission, voici les différents thèmes que nous désirons aborder: d'abord, une présentation du CNETE; ensuite les résultats et conclusions de l'analyse des technologies existantes en matière de traitement du lisier de porc effectuée par le CNETE; les impacts d'un nouveau traitement de lisier de porc à la ferme; et finalement les retombées socioéconomiques de ce nouveau procédé sur l'industrie porcine.

Le CNETE est un organisme à but non lucratif oeuvrant principalement dans le domaine environnemental. Il est aussi un des 20 centres de transfert de technologie créés par le gouvernement du Québec. Sa mise sur pied fait suite aux recommandations d'un sommet économique tenu dans la région 04 en 1989. Grâce au support du ministère de l'Éducation du Québec, le CNETE a commencé ses opérations à l'automne 1989 et il a finalement été reconnu comme centre de transfert de technologie en mars 1993. Depuis juin 1993, le CNETE est incorporé et il constitue ainsi une entité administrative indépendante du collège de Shawinigan.

Le démarrage du CNETE a été grandement facilité par l'étroite collaboration entre le collège de Shawinigan et le LTEE d'Hydro-Québec à Shawinigan. Ce maillage permet au CNETE, qui se spécialise dans les technologies membranaires, de disposer de bancs d'essai à l'échelle laboratoire et pilotes qu'on ne retrouve nulle part au Québec. Cet équipement est utilisé pour divers projets de recherche afin d'améliorer des procédés industriels ou pour le traitement de rejets en environnement. Le CNETE collabore également avec d'importants fabricants de membranes en réalisant des essais dans le but d'améliorer leur produit.

Le CNETE a également effectué d'importantes percées au niveau international. En effet, il est impliqué dans des recherches avec le Centre national de recherche scientifique de Montpellier, en France, et il est encore impliqué actuellement dans un projet de recherche avec l'Université catholique de Louvain, en Belgique. De plus, le CNETE fait partie d'un consortium canadien qui réalise diverses activités dans le cadre d'un important projet de recherche de coopération dans le domaine environnemental avec le Brésil. Il s'agit d'un projet financé par l'Agence canadienne de développement international, ACDI.

Les travaux du CNETE sont menés par un personnel des plus qualifiés. L'équipe est constituée de 25 personnes parmi lesquelles se retrouvent des chimistes, des ingénieurs-chimistes et des techniciens spécialisés dans le domaine de la chimie et de la biologie. En plus des services de recherche, le CNETE offre aussi son support au niveau de l'aide technique, de la formation sur mesure afin d'aider les entreprises à solutionner leurs problèmes environnementaux. Dois-je avouer que ce qu'on a discuté tantôt, les problèmes environnementaux, pour nous deviennent une opportunité de développement très intéressante.

(16 h 40)

La séparation par membrane est une technologie qui a connu un essor considérable au cours des 10 dernières années. L'application de cette technologie dans l'industrie et pour le traitement des eaux s'accroît constamment et occupe une part de marché de plus en plus importante. Le CNETE représente donc un pôle d'expertise précieux afin de permettre le développement et la commercialisation de cette technologie.

Je vais maintenant laisser la parole à Mme Madeleine Tétrault qui va vous expliquer davantage ce que le CNETE a réalisé.

Le Président (M. Vallières): Oui, alors, Mme Tétrault.

Mme Tétrault (Madeleine): Moi, je veux vous présenter les résultats et conclusions de l'analyse des technologies existantes en matière de traitement du lisier de porc qui a été effectuée par le CNETE. D'abord, je vais vous faire un rappel de la problématique actuelle. L'industrie de la production porcine connaît actuellement des problèmes importants concernant la gestion des lisiers.

L'entreposage du lisier de porc sur de longues périodes entraîne des conséquences importantes sur le plan du risque environnemental, du risque sur la santé – comme on en a entendu parler tantôt – et sur la qualité de vie des populations environnantes. D'abord, le purin est entreposé dans des fosses. Dans certains cas, il s'agit de lagunes. Ces quantités gigantesques de lisier de porc représentent un risque écologique présent à tout instant en cas de déversement à l'environnement causé par des fissures ou des bris des fosses à purin. En ce qui concerne les lagunes, le risque est similaire, car, s'il y a passage du lisier à travers la couche d'argile qui imperméabilise le fond de la lagune, les nappes phréatiques et les cours d'eau environnants peuvent être touchés.

De plus, l'entreposage de lisier de porc pendant de longues périodes sans agitation ni aération provoque des conditions d'anaérobie, c'est-à-dire des conditions en absence d'oxygène qui sont propices à la production de composés malodorants, tels le sulfure d'hydrogène, l'ammoniaque, les acides garovolatiles, le méthane, etc. En plus des odeurs nauséabondes dont ils sont responsables, ces composés peuvent être nocifs et même mortels lorsqu'ils s'accumulent. À titre d'exemple, une exposition au sulfure d'hydrogène en concentration de l'ordre 800 à 1 000 ppm sur une période de 30 minutes peut être fatale. Et là nous ne tenons pas compte des risques importants d'incendie en présence d'une source de chaleur lorsque les concentrations de ces gaz sont considérables, compte tenu de leur propriété combustible.

Finalement, l'épandage traditionnel du lisier de porc liquide génère beaucoup d'odeurs, car les composés malodorants, cités précédemment, produits lors de l'entreposage en conditions anaérobie sont libérés dans l'atmosphère. Ce phénomène se produit aussi à chaque fois qu'il y a agitation des fosses ou lagunes, soit lors de la vidange des préfosses de la porcherie ou lors du remplissage des camions-citernes pour l'épandage.

Voici donc les résultats de l'étude qui a été réalisée par le CNETE. Le CNETE s'est chargé de faire une recherche bibliographique complète concernant la problématique du lisier de porc. Ce que nous avons constaté, c'est qu'il existe plusieurs technologies qui ont été développées dans le but d'apporter une solution à cette situation. Certaines d'entres elles s'attardent uniquement à solutionner les problèmes d'odeur, alors que d'autres agissent directement sur la gestion des lisiers. Je vais donc vous présenter une description sommaire des résultats et conclusions de l'étude que nous avons faite.

Les technologies qui s'attardent uniquement aux odeurs. Il y a deux principales stratégies, soit le camouflage ou encore le traitement par transformation chimique des composés malodorants. Le camouflage consiste à ajouter un produit odorant, un parfum, au lisier dans le but de suppléer ou d'atténuer les odeurs désagréables. Ce parfum est généralement plus volatile que les composés responsables des odeurs désagréables, et ceci explique pourquoi son odeur est perçue de façon prédominante. Le camouflage ne règle en rien les risques de déversement accidentel, et la problématique de la gestion du lisier liquide demeure la même.

D'autres techniques permettent, par contre, de s'attaquer directement aux composés responsables des odeurs ou encore d'en prévenir la formation. Parmi ces technologies, on retrouve les traitements aérobie, c'est-à-dire en présence d'oxygène, et tous les processus qui sont basés sur une oxydation des composés organiques présents dans le lisier de porc.

Il existe aussi un autre groupe de technologies que nous avons identifiées qui agissent directement sur la gestion des lisiers sous la forme de liquides. Ils permettent ainsi de résoudre les problèmes d'odeur et les risques qui sont reliés à l'entreposage d'importants volumes de lisier de porc. Ces technologies s'appuient sur la séparation des phases solide et liquide qui sont présentes dans le purin. Parmi les technologies que nous avons retrouvées, il y a la décantation, la floculo-décantation, l'évaporation thermique, l'essorage et la filtration.

La décantation, c'est une technologie qui consiste à laisser déposer le solide par gravité au fond d'un réservoir. La concentration en solide qui est obtenue par cette technique peut atteindre jusqu'à 10 % environ en matière solide. À titre indicatif, la concentration en solide du lisier brut, tel qu'on le retrouve dans les fosses à purin, se situe environ de 4 % à 6 % de matière solide. Ainsi, le taux d'enlèvement du solide est relativement faible grâce à cette technologie, et la phase liquide qui est obtenue doit subir un traitement ultérieur afin d'être rejetée à l'environnement. De plus, je dois ajouter qu'afin d'être considéré comme un fumier solide le lisier de porc doit atteindre une concentration en matière solide d'au moins 15 %. Ainsi, le solide qui est obtenu par cette technologie demeure un fumier qui est jugé liquide.

Ce qu'on appelle la floculo-décantation, c'est une version améliorée de la décantation parce qu'on y ajoute un agent floculant qui est un polymère. Grâce à cet ajout, on peut atteindre un pourcentage de matière solide entre 15 % et 25 %. Ainsi, on se retrouve avec un fumier qui est jugé solide.

L'évaporation thermique consiste à retirer l'eau du solide par chauffage. Le solide obtenu est peu odorant, l'eau évaporée est peu contaminée. Cette technologie constitue donc une avenue intéressante. Cependant, les coûts énergétiques associés à cette technologie sont relativement élevés, et on se retrouve en face d'un problème potentiel de pollution atmosphérique qui pourrait être engendrée par le procédé de chauffage utilisé.

Il y a une autre technique qui s'appelle l'essorage. Cette technique permet la séparation des matières solide et liquide contenues dans le lisier de porc, et la concentration du fumier solide obtenu est supérieure à 30 % en matière solide. À cette concentration, le fumier dégage peu d'odeur et les opérations de manutention sont grandement facilitées. Toutefois, la fraction liquide qui a été retirée du lisier brut obtenu par cette technologie est encore contaminée et elle doit subir un traitement supplémentaire avant d'être rejetée à l'environnement ou encore être réutilisée pour des usages agricoles.

Le dernier groupe de technologies, c'est la filtration, et la filtration inclut les technologies de séparation par membrane. Le principe de base de cette technologie consiste à séparer les particules solides en fonction de leur taille sur une surface poreuse. Ces technologies permettent d'obtenir une concentration en solide qui est variable selon la technologie utilisée. Et, dans certains cas, quand on utilise le principe du tamisage, on peut atteindre des concentrations qui sont supérieures à 20 %. Ces technologies peuvent permettre de traiter la fraction liquide par contre qui a été retirée par une autre technique, et on peut obtenir une eau qui est décontaminée et qui pourra être rejetée à l'environnement.

Donc, les conclusions de l'étude. À partir de l'ensemble des technologies que nous avons évaluées, on a dégagé les conclusions suivantes qui sont que le lisier a une valeur fertilisante importante qui doit être préservée le plus possible. Il est primordial d'éliminer l'entreposage de volumes importants de lisier liquide dans des fosses, sur de longues périodes. Le fumier de porc liquide devrait subir un traitement afin de permettre le rejet d'une eau décontaminée à l'environnement ou la réutilisation de cette eau pour des fins agricoles. La gestion de lisier solide permettrait de réduire considérablement les odeurs, faciliterait la manutention et éliminerait les risques environnementaux.

Donc, à partir de ces conclusions, nous avons déterminé les critères pour retenir des technologies parmi celles que je vous ai nommées. Il faut que ce soit des technologies qui puissent permettre un traitement du lisier de porc sur une base régulière ou quotidienne afin d'éliminer l'entreposage à long terme, c'est-à-dire les fosses à purin, que ce soit des technologies qui puissent procurer un fumier solide afin d'éliminer l'épandage de lisier liquide, et des technologies qui puissent permettre le traitement du liquide retiré du lisier de porc afin d'obtenir une eau décontaminée.

(16 h 50)

À partir de ces critères de sélection, on a retenu deux groupes de technologies qui sont la séparation solide-liquide et la séparation par membrane. Je vais donc vous expliquer brièvement le procédé de traitement que nous avons développé, au CNETE.

Le procédé de traitement se déroule en deux étapes. La première étape permet de séparer le solide du liquide présent dans le lisier brut. Afin d'y parvenir, on a sélectionné jusqu'à maintenant quelques technologies qui présentent des performances intéressantes et elles sont encore en évaluation. La seconde étape du traitement consiste à acheminer le liquide qui a été retiré du lisier brut vers ce qu'on appelle une technologie de séparation par membrane. Cette technologie-là va permettre de retirer les contaminants résiduels qui sont encore présents dans le liquide.

Le principe de fonctionnement de la technologie repose sur l'action d'une vitesse d'écoulement et d'une pression hydraulique sur un médium filtrant qui est nommé «membrane». Ces membranes appartiennent à la famille des techniques de filtration par membrane de haute pression qui sont la nanofiltration et l'osmose inverse. L'eau rejetée à l'environnement par un traitement à la ferme du lisier de porc doit rencontrer les normes de rejet concernant les eaux qui peuvent être rejetées aux réseaux d'égouts pluviaux des municipalités.

À ce sujet, nous avons rencontré, le 27 mars dernier, les responsables du suivi des politiques environnementales dans le domaine agricole au ministère de l'Environnement et de la Faune. Cette rencontre nous a permis de leur présenter notre nouveau procédé de traitement et nous a aussi permis de confirmer quelles étaient les normes à rencontrer pour l'eau que l'on voulait rejeter à l'environnement. Ces normes sont très sévères quant à la qualité de l'eau rejetée, mais elles peuvent être rencontrées si on utilise les technologies de séparation par membrane.

L'ensemble du système est relativement compact. Il peut être aménagé à l'intérieur même des bâtiments de la porcherie. Il peut être situé à proximité d'une préfosse avec un minimum de modifications. Le fumier solide qui est obtenu peut être utilisé pour l'épandage agricole, ou encore il peut être acheminé vers un site de compostage. Il est aussi possible, si on le désire, de composter le fumier solide directement à la ferme. Il y a différentes options qui s'offrent aux éleveurs afin de disposer d'un fumier solide.

Quels sont les impacts de ce nouveau procédé de traitement du lisier de porc à la ferme? D'abord, le premier impact majeur que l'on peut ressortir d'un procédé comme ça, c'est l'élimination complète des fosses à purin. Ce que ça permet, c'est donc d'éliminer un risque environnemental sévère de même que les odeurs qui sont engendrées par l'entreposage sur de longues périodes de lisier de porc et aussi par l'épandage de lisier liquide.

Le deuxième impact majeur, c'est un effet à la baisse de la charge d'odeur comptabilisable. Un changement de cet ordre sur la gestion du lisier de porc touche directement la charge d'odeur totale comptabilisable qui tient compte des facteurs suivants, c'est-à-dire le nombre d'animaux, la charge d'odeur par animal, un facteur d'atténuation et aussi un facteur d'élevage. La charge d'odeur comptabilisable est déterminée pour un type d'animal donné. Le calcul est basé sur des résultats d'observations olfactométriques recueillis dans un grand nombre d'exploitations.

Ces travaux ont permis de définir la distance de base au-delà de laquelle l'odeur émise par une source donnée, soit un établissement d'élevage de porcs, tombe en moyenne sous le seuil de la perception après s'être dispersée dans l'air ambiant. Ce paramètre permet donc de déterminer à quelle distance un établissement d'élevage doit se situer des habitations voisines afin de limiter les incommodations qui peuvent être engendrées par les odeurs.

Un traitement à la ferme du lisier de porc sur une base quotidienne va intervenir sur deux des facteurs que je vous ai mentionnés tantôt: d'abord, sur le facteur d'atténuation, parce qu'on élimine les structures d'entreposage du lisier de porc, et, ensuite, sur la charge d'odeur par animal, parce qu'on va permettre une gestion sur fumier solide et il est prouvé qu'un fumier solide dégage moins d'odeurs qu'un fumier liquide.

Le troisième impact majeur, c'est de permettre une nouvelle approche de la gestion des fermes porcines. Le fait d'instaurer un procédé de traitement du lisier de porc à la ferme sur une base régulière ou quotidienne va amener un changement majeur dans l'industrie porcine. Le risque environnemental qui est relié à l'entreposage du purin est éliminé. Fini les cauchemars d'une catastrophe écologique engendrée par le bris d'une fosse ou d'une lagune; fini les cours d'eau contaminés par la présence de fissures sur des fosses à purin situées à proximité. Le compostage de même que la déshydratation complète deviennent des solutions intéressantes pour disposer des volumes excédentaires.

Le quatrième impact majeur, c'est que l'industrie porcine devient une industrie socialement acceptable. D'industrie malodorante et polluante telle que nous la connaissons actuellement, l'industrie porcine dotée d'un nouveau procédé de traitement du lisier de porc, comme celui que nous avons développé au CNETE, devient une industrie qui est acceptable. On se rapproche considérablement du cochon vert tant souhaité par l'opinion publique.

En conclusion, les retombées socioéconomiques de ce nouveau procédé sur l'industrie porcine. Grâce à l'installation d'un procédé de traitement du purin de porc à la ferme, on peut envisager plusieurs avantages pour l'industrie porcine. D'abord, une économie directe pour les éleveurs de porcs, compte tenu que l'équipement traditionnel requis pour l'épandage du purin, tels les réservoirs, les camions citernes, ne sera plus nécessaire.

De plus, les odeurs qui proviennent de l'entreposage et de l'épandage du lisier liquide seront éliminées. Les risques de déversement accidentel ne sont plus à craindre lorsqu'une gestion efficace et régulière du lisier de porc est appliquée.

La cohabitation entre l'industrie d'élevage du porc et les populations environnantes pourrait être améliorée grâce à un traitement quotidien ou régulier du purin. La qualité de vie est un droit élémentaire pour tous les individus, et c'est dans cette optique que le CNETE s'est penché sur la problématique du lisier de porc dans un contexte de développement durable.

En terminant, M. le Président, il est important de rappeler que l'industrie porcine est actuellement en pleine croissance économique. Les exportations sont à la hausse, et la demande internationale de viande de porc permet d'envisager une augmentation de la production pour les prochaines années.

Par l'application d'un procédé de traitement comme celui que je viens de vous présenter, il sera possible de permettre à l'industrie porcine du Québec d'améliorer son image environnementale et de demeurer une source d'emploi importante pour la population québécoise.

Je vous remercie. Nous sommes disposés à répondre à vos questions. M. Lesieur peut répondre au point de vue de l'organisation du CNETE. Je me charge de répondre aux questions qui concernent le procédé comme tel, et les promoteurs ici présents, M. Claude Lamontagne et M. Alain Boisvert, se chargeront de répondre au niveau de la commercialisation et aussi des questions qui concernent l'industrie porcine.

Le Président (M. Vallières): Je vous remercie de votre présentation. Évidemment, c'est un mémoire à nous faire rêver.

Mme Tétrault (Madeleine): J'espère.

Le Président (M. Vallières): Il y a évidemment de nombreuses questions qui vont vous être adressées comme suite à votre présentation. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Julien: Alors, M. Lesieur, je vous remercie de votre présentation avec Mme Tétrault. Je vous connais, je connais votre réputation, comme centre à Shawinigan, par rapport à votre expertise au niveau de l'environnement.

Évidemment, comme le président vient de dire, ça fait rêver. Puis, moi, j'ai certaines questions parce qu'effectivement je pense que c'est une des orientations qu'on doit avoir, à savoir le développement de nouvelles technologies. Mais des technologies adaptables et à un coût accessible aussi aux producteurs, ça, je pense aussi que c'est important.

En fait, j'ai deux, trois questions. Je vais vous les poser dans son ensemble. Peut-être M. Lamontagne, parce qu'on va parler de commercialisation, et de coût, Mme Tétrault.

Un, j'aimerais savoir s'il y a eu de l'expérimentation qui a été faite sur ce procédé-là? Deux, si oui, est-ce que vous avez évalué le coût, pour un producteur, sur un établissement déjà en opération, parce qu'il y a déjà des équipements et autres, et l'autre, c'est le coût d'un nouvel établissement?

Le Président (M. Vallières): Très bien, question adressée?

Mme Tétrault (Madeleine): Moi, je peux répondre pour le...

Le Président (M. Vallières): Alors, Mme Tétrault.

Mme Tétrault (Madeleine): Oui. Je peux répondre pour la question concernant l'expérimentation. Oui, il y a eu de l'expérimentation de faite. Actuellement, on travaille en pilotage sur un site, sur une porcherie. Les résultats sont très intéressants, et je peux répondre au niveau de la qualité de l'eau. À partir des analyses qu'on a effectuées, on rencontre les normes telles que demandées par le ministère de l'environnement et de la faune.

(17 heures)

M. Julien: O.K. Et la question sous-jacente, évidemment. Quand on fait l'expérimentation, on teste le procédé. Ça, ça va. Mais est-ce que vous avez évalué les coûts pour un producteur? Mettons une unité animale normale. Là, évidemment, ça peut dépendre du nombre d'unités qui est déjà en opération. Donc, il peut amener à modifier son système déjà ou quelqu'un qui veut s'établir?

M. Lamontagne (Claude): En fait, au niveau des coûts, il est difficile de vous donner un chiffre exact actuellement. Toutefois, on connaît un ordre de grandeur compte tenu des composantes qui vont faire partie du système. Maintenant, le reste va être évalué au fur et à mesure de la progression des conclusions qui vont être optimisées dans les prochaines semaines, qui vont être faites par le CNETE. Ce qu'on vise principalement, c'est des coûts qui puissent être acceptables au niveau des producteurs évidemment et des coûts qui se rapprochent des coûts des fosses au niveau des coûts d'immobilisation et des coûts d'épandage comme tels qu'il y avait déjà dans le passé. Donc, ça été l'objectif de départ pour retenir, finalement, ce type de technologie là pour être capable de rentrer dans ça, et on croit toujours, au moment où on en est, être capable de faire face à un coût qui puisse être acceptable définitivement pour les producteurs.

M. Julien: Vos délais, c'est?

M. Lamontagne (Claude): On pense avoir un prototype qui va être alentour de juin pour le rôder comme tel. À ce stade-ci, quand on parle de coût, encore là, on parle de coût unitaire. On ne parle pas de coûts à la grande échelle. Donc, quand on parle d'un volume... Parce que déjà on a des approches sur le plan international, actuellement il y a des gens qui sont intéressés à ce procédé-là. Quand on parle de milliers d'unités dans une production éventuellement, les coûts deviennent à un autre niveau. Donc c'est pour ça que c'est des choses qui vont être extrêmement intéressantes éventuellement sur une échelle. Donc, on est très conscient que ça devrait rentrer dans les objectifs qu'on s'était fixés au départ.

M. Julien: Juste en conclusion, M. le Président, si j'ai bien compris la présentation de la technologie, si on l'appliquait dans les établissements, ça voudrait dire que les paramètres, d'après vous autres, on en aurait besoin encore?

M. Lamontagne (Claude): Je ne comprends pas votre question, moi.

M. Julien: Ce que je veux savoir, c'est qu'on parle beaucoup de paramètres des distances, cette technologie-là, si elle est appliquée, on en «parle-tu» encore?

M. Boisvert (Alain): Justement, pour ce qui est des paramètres, le projet, tel qu'on l'a lu, fait état des agrandissements et des modifications. Donc, ce qu'on comprend de ça, c'est que les gens qui pourraient utiliser une nouvelle technologie qui réduirait de beaucoup les odeurs, évidemment, n'auront pas beaucoup d'impact au niveau social parce que les anciens établissements vont continuer à polluer autant au niveau des odeurs. C'est ce que je comprends du projet qui est en place.

Si je réfère à ce que le Dr Gosselin disait précédemment, les niveaux d'odeurs au Québec dans les régions concentrées demeureraient les mêmes pour un bon nombre d'années. Parce que tous les producteurs qui sont déjà en place vont continuer à bénéficier de ce que je pourrais appeler un droit acquis de polluer au niveau des odeurs, parce qu'il n'y a pas de restriction actuellement dans le projet qui est véhiculé.

Donc, un établissement qui serait muni d'une nouvelle technologie évidemment va avoir un degré d'odeur tellement réduit par rapport à son environnement immédiat que je pense qu'il faudrait que le ministère tienne compte justement de ces nouvelles technologies là, parce que ça peut évidemment être difficile à implanter au niveau économique pour certains agriculteurs qui vont savoir que leur production est moins dommageable au niveau écologique au niveau des odeurs, alors que leur voisin immédiat continue de polluer de la même façon.

M. Julien: Et, si on l'applique?

M. Boisvert (Alain): Vous savez, ils disent: L'argent n'a pas d'odeur, mais, quand c'est une question de coûts, c'est fort différent. D'ailleurs, c'est une belle image pour dire que tout est relatif au niveau des odeurs.

Le Président (M. Vallières): Oui, merci. Vous avez des contenants avec du liquide dedans. Est-ce qu'on peut savoir ce que ça contient?

M. Lamontagne (Claude): Madeleine Tétrault peut vous commenter. Je vais vous laisser l'experte, elle connaît très bien ce qu'il y a dedans.

Mme Tétrault (Madeleine): Il s'agit d'échantillons qui proviennent justement d'expérimentations. On a du solide qui a été épaissi. En fait, il y a deux étapes, comme je l'ai mentionné tantôt. Une première étape qui consiste à enlever le solide. Donc, on épaissit le fumier et on en fait un fumier qui est à peu près à 20 %, 25 % ou jusqu'à 30 %, 35 % solide, dépendamment des technologies. De cette première séparation, comme je l'ai expliqué tantôt, il y a un liquide qui est présent dans le purin parce que le purin est liquide, donc on le retire et ensuite on le traite par séparation par membrane. Donc, ça, c'est le liquide qu'on traite par les membranes. Ce qu'on obtient par les membranes, c'est un liquide concentré et un perméat, qu'on appelle, qui est un liquide purifié et qui rencontre les normes, comme je l'ai dit tantôt, d'eau pouvant être rejetée à l'égout pluvial.

Le Président (M. Vallières): Merci, oui, ça va. M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Chenail: D'abord, je vous félicite, vous avez trouvé toutes les solutions au problème. C'est merveilleux. Est-ce que l'UPA a participé à vos démarches et est-ce qu'ils sont au courant de ce que vous faites, ou les gens de l'industrie porcine?

M. Lamontagne (Claude): Non, il va y avoir une présentation, là. On a fait des communications avec à la fois l'UPA et la Fédération des producteurs de porcs, et on doit les rencontrer, là, dans les jours qui suivent, sauf que là ils sont particulièrement occupés par les débats qui ont cours actuellement, ces jours-ci. Donc, dès qu'ils vont avoir une disponibilité, on nous a dit qu'ils seraient extrêmement intéressés de faire notre rencontre et ça va nous faire plaisir.

M. Chenail: Et depuis combien de temps travaillez-vous sur le projet?

M. Lamontagne (Claude): C'est depuis l'automne dernier, en fin de compte, là, qu'on y travaille activement.

M. Chenail: Et vous nous dites que l'UPA n'a pas eu le temps de vous rencontrer, c'est ça.

M. Lamontagne (Claude): Non, je ne dis pas qu'on n'a pas eu le temps, là, c'est qu'on a voulu les rencontrer à un moment donné où on avait un nombre d'informations qui étaient concluantes pour les rencontrer. C'est tout simplement ça.

M. Chenail: Vous nous dites, dans votre document, économie directe pour les éleveurs de porcs, et en même temps vous nous disiez, il y a trois minutes à peu près: Vous savez, l'argent n'a pas d'odeur, il y en a qui vont continuer comme ils font là, d'autres vont peut-être embarquer. C'est un peu de la contradiction, non, par rapport à votre rapport?

M. Boisvert (Alain): Non, ce que je mentionnais tout à l'heure, c'est qu'actuellement le projet, tel que présenté là, quelqu'un qui respecte les normes actuelles, je pense qu'il pourra continuer à produire, sauf peut-être en amendant son moyen d'épandage, par exemple, où il y a certaines choses qui peuvent être appelées à changer, mais il pourra conserver sa fosse et conserver son élevage tel qu'il existe actuellement.

Évidemment, quelqu'un qui veut établir un nouveau projet ou élargir sa production devra être soumis à des normes qui vont être, si je comprends bien aussi, déléguées aux municipalités au niveau réglementaire. Ce que je veux dire, c'est que les gens qui vont s'embarquer dans un nouveau projet ou un projet d'agrandissement vont être tous deux confrontés à un problème économique. Donc, à ce niveau-là, on prétend qu'il y aura une certaine économie pour les gens qui vont opter pour les nouvelles technologies. Si on prend en compte l'ensemble des coûts réels d'épandage, par exemple, et puis dans le cas d'une installation nouvelle, en principe, l'immobilisation devrait être du même ordre, au niveau des coûts, que la construction d'une fosse et des procédés nécessaires à son remplissage.

M. Chenail: Compte tenu des subventions qui sont données pour les fosses, le ministre va peut-être pouvoir penser à subventionner les petites usines d'épuration, si on peut appeler ça comme ça.

M. Boisvert (Alain): Je pense que c'est pertinent. Le problème, c'est – on parlait de stress tout à l'heure – je pense, qu'il y a beaucoup de producteurs qui, lorsque leur fosse est pleine à moitié, en partie l'hiver quand ce n'est pas le temps, peuvent souffrir d'un stress assez grand, souvent parce qu'ils se retrouvent avec 1 000 000 gal de purin dans leur propre cour, alors que ces procédés-là vont éviter l'accumulation de grands volumes.

Je pense que les ministères devraient plutôt, aujourd'hui, si les technologies le permettent, aller dans ce sens-là, de tenter de minimiser l'accumulation de contaminants, qui sont, par exemple, dans la région de L'Assomption, Yamaska. On se retrouve, à certaines périodes de l'année, avec des quantités astronomiques de purin qui, lorsque traité journalièrement, pourrait être éliminé en bonne partie. Donc, lorsqu'il y aurait un problème technique par exemple – parce qu'on nous a posé la question – sur un équipement quelconque, il y aurait toujours un petit volume à traiter et non pas un grand volume de purin, ce qui pourrait réduire beaucoup l'impact écologique, évidemment.

M. Chenail: Dans quelle région est-ce qu'on peut visiter ce que vous faites?

M. Boisvert (Alain): Actuellement, c'est dans la région de Shawinigan, les fermes sélectionnées, la ferme qui a pu être utilisée, mais sauf qu'on entend mettre un prototype au point au cours de prochaines semaines et inviter, à ce moment-là, les intervenants.

M. Chenail: Donc, ce que vous nous écrivez, c'est ce que vous prétendez devenir dans quelques semaines.

M. Boisvert (Alain): Non, non, il y a des test qui ont été effectués, déjà, avec divers types de séparateurs et avec la technologie développée par le CNETE.

M. Chenail: Et vous ne pouvez pas, aujourd'hui, nous dire le coût réel de ce que ça peut coûter pour une ferme de, je ne sais pas, moi, 2 000 porcs, mettons.

(17 h 10)

M. Boisvert (Alain): Bien, c'est ça, actuellement, on essaie de trouver un équipement qui pourrait être assez standardisé. D'ailleurs, les buts des rencontres avec l'UPA et aussi la Fédération des producteurs de porcs vont être de déterminer, là, plusieurs éléments qui vont permettre d'établir un coût unitaire d'un appareil le plus standard possible, parce qu'on ne veut pas nécessairement créer un équipement qui va être adapté pour des grands centres de traitement. Ça devrait être un équipement qui serait abordable et à la portée de petits producteurs et de plus gros producteurs aussi, mais avec un équipement le plus standardisé possible.

M. Chenail: Y «a-tu» d'autre groupes qui sont en train d'élaborer des systèmes qui vont faire en sorte que ça va devenir ce que vous pensez?

M. Boisvert (Alain): D'autres systèmes identiques, vous voulez dire? Vous parlez d'autres systèmes identiques ou de systèmes...

M. Chenail: Bien des systèmes semblables ou identiques.

Une voix: Qui améliorent la situation.

M. Boisvert (Alain): Actuellement, le système, tel qu'il est là, est breveté.

M. Chenail: Parce que je pense que, dans le comté de Saint-Jean, il y a quelqu'un aussi qui est en train de faire la même chose.

M. Boisvert (Alain): Il y a d'autres procédés qui sont différents.

M. Chenail: D'autres procédés qui sont différents.

M. Boisvert (Alain): Tous les procédés ont été analysés par les représentants du CNETE actuellement, mais sauf que les procédés ne sont pas tous de la même nature. Ce qu'on recherche, c'est un procédé qui est de petite envergure, c'est-à-dire adaptable à la ferme et non pas un procédé qui serait un centre de traitement régional par exemple.

M. Chenail: Dans le fond, c'est des mini... On pourrait appeler ça...

M. Boisvert (Alain): Usines d'épuration.

M. Chenail: C'est ça, usines d'épuration. C'est le même principe.

M. Boisvert (Alain): Ce qui nécessiterait en fait une certaine capacité de rétention de quelques jours pour permettre justement aux producteurs de pouvoir, s'il y avait un problème technique, être capables d'avoir un temps de réaction et d'éviter... Mais, encore là, ce serait toujours des petits volumes de lisier qui pourraient être remis en question et non pas des quantités astronomiques.

M. Chenail: O.K. Merci.

M. Boisvert (Alain): Parce qu'il faut être conscient d'une chose – il ne faut pas se le cacher – il y a des producteurs qui ont des gestions excellentes au Québec, qu'ils soient petits, moyens ou grands. Il y en a d'autres qui peuvent avoir des gestions qui laissent à désirer. C'est ce qui a créé dans plusieurs régions des problèmes assez importants. Mais je pense que la gestion des fermes se veut de plus en plus saine puis je pense qu'avec des systèmes technologiques adaptés on pourra corriger une bonne partie du problème qui sévit actuellement, sauf au niveau des odeurs, puisque les odeurs vont perdurer pendant un bon nombre d'années en bonne partie, si les fosses existantes bénéficient d'un droit acquis.

M. Chenail: Puis, avec la partie solide, vous voulez faire des engrais, vous voulez faire du «peat moss» ou...

M. Boisvert (Alain): Ce que le CNETE a tenu pour compte, puis je pense que l'UPA ou les producteurs savent ça, c'est que le fumier demeure un des très bons moyens d'amendement des sols. Il faut le préserver. Il faut permettre aussi son transport à des coûts modiques parce qu'il y a des zones où il y a des surplus. Je pense que le fumier asséché a un volume tellement réduit et un poids aussi tellement réduit qu'il y a là une question économique, à ce niveau-là. Les fumiers solides pourront être redirigés à des endroits différents, être récupérés par de tierces personnes qui peuvent en faire des composts servant à amender des sols autres que le sol même du producteur.

Actuellement, on transporte des quantités astronomiques de lisier sur les routes publiques au moyen de systèmes qui sont plus ou moins adéquats, et puis c'est ce qui crée certains problèmes dans des régions. Sauf que le fumier asséché pourra conserver en bonne partie ses valeurs et puis être utilisé à des coûts moindres.

M. Chenail: Merci.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: M. le Président, la plupart des questions que j'avais à poser ont été posées par mes prédécesseurs, en particulier le député de Beauharnois-Huntingdon. Alors, j'ai profité des réponses et je pense que c'est intéressant, votre contribution à toute cette question-là. C'est depuis des années qu'on cherche du côté de la technologie pour essayer de régler en partie ce problème-là parce que, aussi longtemps qu'on ne trouvera pas une solution raisonnable, bien, ce sera très difficile pour les producteurs de produire dans le respect de l'environnement et d'une économie durable.

À votre page 4, cependant, j'ai été un peu surpris de voir une affirmation comme celle-là: «Nous ne tenons pas compte des risques importants d'incendie». Tout le monde connaît les granges qui ont brûlé parce que le foin a chauffé, mais est-ce qu'on connaît des cas où il y a eu des incendies reliés au fait qu'il y avait des évaporations de gaz dans les citernes d'entreposage?

M. Boisvert (Alain): Peut-être que Madeleine pourrait commenter.

Mme Tétrault (Madeleine): En fait, l'accent que je voulais mettre, c'est sur les propriétés combustibles de ces gaz-là. Admettons qu'on mettra un toit sur la fosse pour essayer de prévenir les odeurs. Les gaz peuvent s'accumuler. Il s'agit juste qu'il y ait une étincelle ou qu'il y ait une source de chaleur et c'est des gaz qui peuvent entrer en explosion. C'est là-dessus que je voulais mettre l'accent. Ce n'est peut-être pas clair dans le texte, mais c'est ce que je voulais exprimer.

M. Boisvert (Alain): Le mémoire retient certains procédés qui d'ailleurs sont mis de l'avant par le projet. On aura un facteur d'atténuation par les toits, sauf que le toit crée une autre problématique. Donc, ça prend des systèmes soit d'aération... Il n'y a pas de système parfait et la création de certains gaz peut être considérée comme un risque accru, tout dépendant de la solution qui pourrait être retenue.

La composition du gaz, en tant que tel, là, on la soutient ou on la mentionne dans le cadre des autres procédés et non pas dans celui du traitement au moyen de nouvelles technologies. La technologie, en fait, physiquement, ce qui se produit, c'est que les fumiers sont récupérés journalièrement dans leur état usuel. Ils sont séparés pour retirer le liquide, et ce liquide-là est traité pour être en plus grande partie, là, rejeté dans l'environnement. Même, il pourrait y avoir d'autres utilisations, là, mais on n'en est pas au point de le recommander, loin de là.

M. Dion: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): D'autres demandes d'intervention? Oui, j'en ai, de ce côté-ci. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Oui, j'aurais quelques commentaires et des questions. D'abord, un premier commentaire. C'est que, même si votre technique était à point à ce jour, là, et à pleine grandeur, il y a une chose qui demeure incontournable, c'est l'utilisation des fertilisants qui sont concentrés, quelle que soit la technique de concentration d'assèchement des fertilisants. Ça, je comprends qu'on les concentre. Je comprends qu'ils deviennent moins lourds à transporter, mais, si on n'a pas de sols pour les épandre ou il y a des sols en surplus, le problème demeure entier au niveau des plans de fertilisation, au niveau de l'utilisation des fertilisants en équilibre par rapport aux besoins des plantes et des sols. Ça, c'est une chose.

L'autre chose, également, c'est le fait qu'il n'y ait pas encore de technologie à grande échelle au Québec. Il y a votre projet. Il y en a un autre qui a été développé par le CRIQ à l'île d'Orléans, Biosor, sur, je pense, 200 porcs, là, ou 150 porcs, quelque chose comme ça.

Et là j'ai un commentaire et deux questions. Des expériences européennes qui ont été faites et qui ont été faites à grande échelle ont toutes conclu qu'il y a des coûts supplémentaires à traiter de façon non conventionnelle un lisier de porc; la façon conventionnelle étant de l'épandre dans des sols au pourtour des lieux d'élevage, qui est toujours la méthode la plus économique. Il y a toujours des coûts supplémentaires au mètre cube. Si ma mémoire est bonne, un porc, dans sa courte vie de porc, je pense que c'est 1 m³ que ça fait, quelque chose comme ça. Et il y a un coût, là, à chaque fois au dollar, au mètre cube pour traiter... Il y a un coût, là. Et, quand on connaît la marge de profit des producteurs de porcs – c'est quelques dollars la tête – les expériences européennes, enfin celles que j'ai vues, les spécialistes que j'ai rencontrés là-bas disent: Oui, mais, quand on arrive à grande échelle, souvent la mise en place à grande échelle de la technique bouffe finalement la marge de profit du producteur.

Alors, mes questions sont les suivantes: Quand pensez-vous, dans le meilleur des mondes, allez-vous avoir un projet à grande échelle, là? On peut parler, je ne sais pas, moi, de 400, 500, 600 unités animales. Et, quand aurez-vous l'indication des coûts qui incluent naturellement les coûts de transport des lisiers qui sont produits parce que, lorsqu'on fait de telles usines, les expériences ailleurs dans le monde amènent une concentration de la production. On amène une concentration de la production ou on arrive à une concentration de la production des fertilisants. Donc, oui, on diminue le volume et la charge et la masse à voyager, mais on augmente le volume parce que tout le monde se concentre à la même place. Il faut l'envoyer plus loin. Alors, quand allez-vous avoir les réponses à ces deux question, selon vous?

M. Boisvert (Alain): M. le ministre, si vous me permettez, actuellement on a des producteurs à travers certains secteurs du Québec qui, en principe, bénéficient tous d'un certificat d'autorisation qui a été émis selon les normes. Par contre, on a une concentration de purin dans les rivières et on a des problèmes de pollution qui sont relativement importants. À moins que vous n'en conveniez pas, je pense que c'est la situation actuelle.

(17 h 20)

Donc, il a été une période où il n'y avait pas de fosses. Puis il y a une période où il y en a eu, des fosses. À un certain moment donné, le fumier liquide a dû être contenu dans des fosses. Point. Donc, les gens doivent, pour faire une production, avoir des fosses pour retenir le lisier liquide tant de jours par année, puis ainsi de suite. Le ministère a instauré des normes fermes, et là aujourd'hui les gens ont des fosses. Évidemment, actuellement, quand vous dites: Sur combien de temps on pourra instaurer un système de traitement à travers le Québec? Tout est relatif parce que, si les producteurs bénéficiant de droits acquis peuvent continuer à faire ce qu'ils font là, ce ne sera pas nécessaire pour eux d'avoir des systèmes comme ça.

Donc, on peut viser des nouvelles productions à court terme, surtout, et les producteurs qui ont des moyens financiers suffisants pour régénérer leur production actuelle. Évidemment, si quelqu'un veut tout simplement tenter de minimiser sa production de fumier liquide en fin d'année, il pourra peut-être investir dans un système comme celui-là, sauf que, sans des normes strictes et précises, évidemment, tout va aller avec le remplacement et les nouveaux projets. Je ne pense pas que les gens qui sont installés actuellement avec les anciens systèmes et les anciennes normes vont se lancer à pieds joints dans les nouvelles technologies, pas actuellement.

M. Cliche: Mais, dans les nouveaux projets, là, quand aurez-vous à l'échelle réelle, selon vous, un projet qui fonctionnera?

M. Boisvert (Alain): On vise, comme on vous l'a dit, un prototype pour la période de juin-juillet, pour le courant de l'été.

M. Cliche: Ça, c'est un prototype. Là, vous êtes à l'échelle de la recherche. Vous allez avoir un prototype, et après ça, ça va être l'étape à l'échelle, là.

M. Boisvert (Alain): Sauf qu'entre le prototype et la production de l'équipement le délai est relativement court. Ce n'est pas...

M. Cliche: En mois? En années?

M. Boisvert (Alain): En mois.

M. Cliche: En mois. Puis vous n'avez aucune idée en ce moment des coûts supplémentaires de traitement?

M. Boisvert (Alain): C'est parce que, d'ailleurs, on a attiré notre attention là-dessus. Les gens du ministère, on en a discuté. Les coûts réels d'épandage, encore là, c'est relatif, là. Si les producteurs tiennent pour compte tous les coûts réels rattachés à leur épandage, ils vont s'apercevoir que les coûts sont relativement élevés. Ça fait que quelqu'un qui fait un nouveau projet sur une nouvelle ferme, par exemple, n'aura peut-être pas à acheter des citernes et, en tout cas, à investir dans plein d'équipements comme il a dû le faire dans le passé. Donc, le coût réel d'épandage est très, très relatif. On a certains guides, actuellement, qui nous sont indiqués au niveau des coûts d'épandage. On essaie de s'en tenir à ça. Évidemment, ça va être relativement difficile de venir avec un coût en deçà du coût moyen d'épandage, actuellement, du Québec. Ça, c'est certain.

M. Cliche: Je veux juste comprendre votre système. Il va néanmoins y avoir un coût d'épandage. Il va y avoir un équipement d'entreposage à volume moindre, mais il va falloir qu'il épande ces fertilisants qui vont être plus concentrés que le lisier.

M. Boisvert (Alain): Oui, ces fertilisants. Exactement.

M. Cliche: Donc, il va y avoir un coût d'épandage.

M. Boisvert (Alain): Il y a un coût d'épandage.

M. Cliche: Il va avoir besoin de sols pour les épandre eu égard à ses plans de fertilisation. Ça, ça va demeurer.

M. Boisvert (Alain): Exactement, ou il pourra opter, ce qu'on prétend, le producteur pourra opter pour du compostage en dehors de sa ferme.

M. Cliche: Oui, mais, encore là, le compost, il faut qu'il soit étendu sur des sols.

M. Boisvert (Alain): Sur des sols, évidemment, sauf que, comme on l'a dit tantôt, j'écoutais le Dr Gosselin, concentrer, faire converger les productions porcines au Québec dans trois, quatre régions, on a une grande partie de territoire qui n'est pas utilisée, et des moyens d'amendement de sols peuvent toujours être relocalisés ailleurs. D'ailleurs, dans les projets de règlement actuels, il est possible de prendre une fosse, puis aller la loger plus loin et de transporter des fumiers liquides sur des grandes distances.

M. Cliche: Oui. Mais, si on pousse le raisonnement, on amène une concentration, on accélère la concentration de la production animale à un endroit parce que les gens se disent: Je peux concentrer le fumier.

M. Boisvert (Alain): Ou on pourrait peut-être tenter de la favoriser ailleurs.

M. Cliche: Oui, mais, en tout cas.

M. Boisvert (Alain): C'est parce que c'est une question de philosophie. On ne peut pas reprendre toute la philosophie du monde rural à travers un système technologique, sauf qu'on peut favoriser aussi l'implantation hors territoire des zones concentrées qu'on connaît actuellement.

M. Cliche: Oui, jusqu'à ce qu'on ait atteint, comme dans certains États ou même certains bassins versants ici, le point d'équilibre, en tout cas, ce que les sols peuvent absorber et qu'ils soient plus ou moins concentrés. À un certain moment donné, t'arrives à un point d'équilibre que tu dépasses.

M. Boisvert (Alain): C'est un point important. L'équilibre agronomique des sols va devoir toujours être respecté, évidemment.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. Chenail: En fait, c'est juste pour confirmer un peu ce que M. le ministre dit. C'est automatique. Il n'y aura pas tellement de différences de coûts d'étendage parce qu'au lieu d'étendre un fumier liquide il va falloir que t'étendes un engrais dur, comme on étend normalement dans un plan de fertilisation, puis à ce moment-là il faut tout que ce soit un nouvel équipement, et ainsi de suite. Donc, il n'y aura pas d'économies de coûts de ce côté-là.

M. Boisvert (Alain): Ce qu'on recherche, c'est d'avoir une opération globale qui ne soit pas plus coûteuse que le coût d'épandage actuel, en tenant pour compte les équipements, la vidange des fosses, la location de certains équipements pour les producteurs qui n'ont pas les équipements requis. Si on prend le coût moyen d'une ferme de 2 000 porcs, au niveau de l'épandage, de la disposition, on va plutôt parler de disposition des fumiers, on cherche à avoir un moyen technologique qui va permettre d'avoir un coût de disposition des fumiers à peu près équivalent au niveau du coût mais qui va éviter, par contre, d'avoir une accumulation majeure de liquide sur la ferme.

M. Chenail: C'est sûr que votre projet, si on parle d'une nouvelle ferme avec des nouveaux équipements qui embarquent dans cette production-là, bien là c'est évident que ça peut se comparer, mais, si la personne a le moindrement un équipement et est organisée, bien, elle remplace un équipement par un autre, puis on sait très bien que, quand tu remplaces un équipement puis que le voisin ne veut pas l'acheter, ça s'en va à la ferraille, et à ce moment-là tes coûts montent automatiquement.

M. Boisvert (Alain): Par contre, une grande partie des fosses ont été construites... On remonte à près de 20 ans aujourd'hui, en 1977, 1978, les années quatre-vingt. La longévité des fosses, en moyenne, était d'à peu près 20 ans. Il y a plusieurs équipements qui, selon nous, devront être remplacés au cours des prochaines années. Je pense que c'est dans cette optique que les anciennes installations devront être renouvelées avec des moyens technologiques d'appoint.

M. Chenail: Oui, mais, vous savez, avec l'augmentation de la production, avec tout ce qu'on sait de la façon dont ça fonctionne sur une ferme, tu ne peux pas te permettre de ne pas avoir une fosse s'il arrive une «bad luck» ou quoi que ce soit ou que ta petite industrie d'épuration, l'usine d'épuration arrête de fonctionner. S'il y a un bris ou n'importe quoi, le petit cochon, tu ne peux pas lui mettre une... C'est peut-être facile d'écrire ça dans les livres, mais, en pratique, c'est différent.

M. Boisvert (Alain): Oui, mais le système proposé vise à éviter l'accumulation de purin, sur les fermes, en grande quantité. Le purin serait traité tous les jours, et, en évitant l'accumulation, à ce moment-là ça prend des systèmes de rétention comme, par exemple, les préfosses actuelles qui ont une capacité de rétention qui pourrait être raisonnable et qui permettrait à un producteur qui a une saine gestion de prendre les moyens nécessaires pour pallier un problème technique. D'après moi, ça pourrait facilement être réglé au niveau commercial.

M. Chenail: Moi, je pense que, vu qu'on en parle, on pourrait voir ça comme un équipement qui est un ajout à la ferme porcine mais qui ne pourrait pas remplacer nécessairement les équipements qui sont déjà en place. Si on prend une ferme qui a 3 000 porcs, il ne faut pas arrêter longtemps pour que la fosse se remplisse.

M. Boisvert (Alain): C'est parce que le virage technologique doit être épousé dans son ensemble, quant à nous. Si on décide de conserver les fosses actuelles et, en plus, permettre la nouvelle technologie, je pense que la nouvelle technologie n'est pas nécessaire. Ce qu'on pense, c'est que cette nouvelle technologie mise en place et assistée d'une bonne gestion par le producteur évite la nécessité d'avoir un système qui contient 1 000 000 gal de purin à proximité de la rivière L'Assomption. C'est ce qu'on vise. Lorsqu'il y en a une, ça va bien; lorsqu'il y en a trois, c'est une autre affaire; et, lorsqu'il y en a 50, c'en est une autre. Ce qu'on vise, c'est d'éliminer ce problème environnemental potentiel. Le problème des odeurs est créé lorsque tous les producteurs brassent leurs fosses à peu près à la même période de l'année et les épandent à peu près en même temps. Sauf que, si on éliminait, en bonne partie, tout le liquide contenu dans ces fosses, le problème serait tout autre. C'est le but recherché.

M. Chenail: Quant à moi, je vous félicite. Je vous invite à continuer vos recherches et je suis certain que, dans un avenir rapproché, ça va ramener un équipement de plus pour le monde agricole. À la longue, on va pouvoir se rendre compte des changements graduellement.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. Lamontagne.

M. Lamontagne (Claude): Je voudrais juste ajouter, pour la compréhension de ça, que, dans la mesure où il y a un bris technique ou quoi que ce soit, tout a été pensé en fonction de ça, éventuellement. C'est-à-dire qu'on peut pallier dans des brefs délais pour remplacer le système avec des unités mobiles ou des moyens qui peuvent répondre, en fait, sur une base quotidienne ou régulière, de sorte qu'il n'y a pas d'accumulation. Les préfosses contiennent en moyenne à peu près pour cinq à sept jours.

M. Chenail: Vous savez, le monde agricole, c'est sept jours par semaine. Vous savez que, quand tu téléphones à une compagnie le dimanche au matin parce que tu as un bris, ce n'est pas évident qu'il va venir, ni le samedi ni le soir.

M. Lamontagne (Claude): Les gens qui sont déjà dans le milieu et qui sont prévus pour faire ces installations-là et pour, justement, faire le contrôle de ces systèmes, ce sont des gens qui sont extrêmement sérieux. Ce sont des gens qui sont dans le domaine depuis plus de 15 ans. Ils ont fait leurs preuves. Je peux vous dire une chose, c'est qu'ils sont là les fins de semaine, s'il y a une nécessité.

M. Chenail: Avez-vous une ferme?

M. Lamontagne (Claude): Non. Je n'ai pas de ferme.

M. Chenail: J'en ai une, moi, et je peux vous dire les complications qu'on a des fois.

M. Boisvert (Alain): Si vous me permettez une précision. C'est qu'on estime que le problème technique auquel vous pouvez référer n'est pas nécessairement plus apparent ou plus grand que la fissure d'une fosse qui est chez votre voisin, par exemple, ou la fissure d'une autre fosse qui est ailleurs, les fosses qui sont âgées. Il y a toutes sortes de formes de problèmes environnementaux actuellement qui peuvent être causés par le système de gestion actuel et qui ne seront sûrement pas accentués par la technologie, mais de beaucoup diminués.

(17 h 30)

M. Chenail: À vous écouter parler, vous prétendez quasiment que les agriculteurs ont des fosses qui sont brisées, qui polluent, qui font ci, qui font ça et que là vous allez arriver avec une recette miracle qui va régler tous les problèmes. On va continuer à avoir des fosses qui vont peut-être avoir une craque un jour ou ci ou ça. Ça ne changera pas, là. C'est juste que vous allez aider à améliorer, mais ça ne changera pas la nature des choses.

M. Boisvert (Alain): Ce que ça change, c'est qu'on n'a pas une accumulation, par exemple, de 1 000 000 gal de purin liquide dans une fosse en plein milieu du mois de février ou, encore pire, en plein milieu du mois de janvier, alors qu'elle ne devrait pas être rendue à pleine capacité. Ça, c'est des problèmes qui existent. Je ne vous dis pas que c'est majeur.

M. Chenail: Je ne le sais pas, moi, je n'ai pas entendu de catastrophe par rapport aux fosses au Québec à date, depuis 20 ans.

M. Boisvert (Alain): J'en conviens.

M. Chenail: Merci.

Le Président (M. Vallières): Bien. J'ai d'autres demandes d'intervention. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Merci, M. le Président. Alors, effectivement, je considère que vous arrivez dans un bon moment, puisque vous nous dites que les fosses, pour une bonne partie d'entre elles, devront être à renouveler parce qu'elles ont 20 ans d'usure et que ça arrive dans une période de renouvellement ou de changement, ou presque, finalement.

Moi, j'aimerais savoir comment tout ça fonctionne dans le concret, sur une ferme, votre installation. J'arrive à vos résultats, c'est bien beau, mais, dans la vie de tous les jours, pour justement le cultivateur, ce sera quoi, en fin de compte, les gestes qu'il aura à poser pour obtenir ce résultat-là d'une façon quotidienne?

Le Président (M. Vallières): Mme Tétrault.

Mme Tétrault (Madeleine): Comme on l'a dit tantôt, il y a plusieurs technologies qui sont en évaluation pour l'étape de séparation solide-liquide et qui ont différents modes de fonctionnement. La façon dont on peut imaginer le fonctionnement d'un système sur une ferme serait... En fait, ce qu'on va essayer de faire, c'est d'avoir un système complètement automatisé, que l'éleveur a juste à appuyer sur «on», puis le système, il part, ou que, quand le niveau de la préfosse est rendu à une certaine hauteur, le système part automatiquement pour vidanger un certain volume, et ça peut se faire à tous les jours, ça.

Mme Vermette: Donc, ce n'est pas une charge additionnelle qui est très encombrante pour le cultivateur ou qui donne une accumulation de travail. Donc, il économise en temps par rapport à ce qu'il avait traditionnellement. Non?

Mme Tétrault (Madeleine): Bien, oui. Vu de cette façon-là, oui.

Mme Vermette: Il pèse sur un piton puis c'est tout, mais il fallait qu'il décharge, puis tout ça. Il en charrie moins, c'est ça. Non, mais c'est un des éléments. En fait, un autre des problèmes, c'est que vous êtes à l'état d'essayer de concrétiser. Maintenant, au niveau d'une production qui pourrait répondre à l'ensemble du Québec... Je veux dire, ça va prendre un certain temps avant de pouvoir répondre à l'ensemble des besoins des fermes québécoises, avant qu'on puisse rêver que toutes les fermes du Québec soient dotées d'un tel système.

M. Boisvert (Alain): Sauf que la réglementation prévue pour nous ne crée pas cette problématique-là immédiatement parce que, comme on a discuté tout à l'heure, les producteurs qui sont en place ont un certain droit acquis, dans le sens qu'ils ne changeront pas leur production demain matin. Ils vont tout simplement bénéficier de leurs installations. Il y a des gens qui se sont installés il y a peut-être une année ou deux à peine, ils ont des installations toute neuves et réglementaires et réglementées. Je ne pense pas que ces gens-là vont être tentés de s'adapter.

Sauf que, pour les nouveaux projets, par exemple, évidemment ce qu'on va tenter de faire, c'est d'intéresser très sérieusement les nouveaux producteurs ou les producteurs qui veulent changer ou améliorer leurs installations. Mais on ne pourra pas, je ne pense pas, espérer que le Québec soit doté de systèmes technologiques de traitement dans son ensemble dans une brève échéance.

Mme Vermette: C'est un objectif à atteindre.

M. Boisvert (Alain): Oui. Et ce sont des sujets, d'ailleurs, qu'on va sûrement discuter, on l'espère, avec les représentants tant de la Fédération que de l'UPA, leur vision de l'ensemble de la problématique.

Mme Vermette: J'aurais une dernière question à vous poser, en ce qui concerne... À la page 10 de votre mémoire, sur la charge d'odeur, vous faites un genre de calcul qui dit: «Ce calcul est basé sur les résultats [...]. Ces travaux ont permis de définir la distance de base au-delà de laquelle l'odeur émise par une source donnée, soit un établissement d'élevage de porcs, tombe en moyenne sous le seuil de perception afin d'être dans l'air ambiant.» C'est quoi, d'après vous, en fin de compte, ces distances-là? De définir ces distances-là, c'est quoi les...

M. Boisvert (Alain): C'est tiré, je pense, ce passage-là, de la présentation du projet de réglementation qui lui-même s'inspire d'études venant de l'étranger, plus particulièrement des études faites par des Allemands. Dans le projet qu'on nous a remis, on soulève ça, ces systèmes d'évaluation olfactive là qui ont permis d'établir des normes au niveau des distances.

Ce que le CNETE fait dans le mémoire, c'est qu'on réfère à ces fameuses normes là, sauf qu'on comprend de l'ensemble de la législation qui est proposée, que, par exemple, on pourrait avoir 10 nouvelles productions qui sont évaluées individuellement, qui bénéficient d'un nouveau certificat et qui polluent autant qu'un seul établissement qui est voisin, par exemple. Le ministère pourrait, avec la nouvelle réglementation, permettre à 10 producteurs de s'établir dans la norme, et puis ces 10 producteurs là produiraient beaucoup moins qu'un seul producteur qui est à proximité et qui a bénéficié de sa fosse depuis deux, trois ans, par exemple. Ça fait qu'il y a certains problèmes d'implantation de cette réglementation-là, surtout du fait que ce sont les municipalités, finalement, qui vont peut-être administrer plus précisément les dossiers au niveau des distances.

Mme Vermette: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Bien. Il faut que j'arrête ici parce que là notre temps est largement dépassé, et il reste quelque trois minutes du côté de l'opposition officielle. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Très brièvement, M. le Président. Comme vous avez constaté, j'ai laissé la parole à mon collègue de Beauharnois-Huntingdon qui est lui-même agriculteur et, donc, connaît ces questions techniques là très, très bien. Mais, moi, juste en guise de conclusion, compte tenu qu'on discute aussi de la Proposition de principes généraux relatifs à la gestion , vos commentaires là-dessus. Parce que, O.K., vous êtes en train de travailler sur une technologie qui est sûrement intéressante mais qui, pour nous, en termes d'échéancier, on ne sait pas quand ça va aboutir, même si on pense que ça peut être assez rapidement. Mais, au-delà de ça, quels sont vos commentaires relatifs au document qu'on a devant nous?

M. Boisvert (Alain): Les commentaires pourraient être de l'ordre suivant. Évidemment, il y a un besoin de discussion à survenir entre nous, les représentants concernés de l'UPA et la Fédération, sauf qu'on comprend de la réglementation que les dossiers de nouvelle technologie seraient admissibles à la pièce, donc sans vraiment de normes, finalement, précises au niveau des distances. Si, par exemple, on prétend qu'un système élimine les odeurs, à ce moment-là, qu'est-ce qui va advenir dans le cadre de la nouvelle réglementation, qui va décider qu'il y a moins ou plus d'odeurs? C'est une problématique qu'on voit à travers la réglementation qui est proposée.

Par exemple, le rejet d'eau dont on parle, on a des échantillons ici. Après un traitement au filtre au charbon, on se retrouve avec pratiquement aucune odeur au niveau du liquide rejeté, et le fumier solide qui a été asséché a une odeur très, très peu perceptible. Donc, ça vient fausser les données des grands Allemands qui vous ont acheminé leurs chiffres au niveau des odeurs. Et la notion d'odeur, quant à nous, est très relative, hein, c'est...

M. Farrah: Alors, ce que vous suggérez, c'est que, dans la mesure où quelqu'un a un système technologique avancé qui va faire en sorte de diminuer les odeurs, la pollution de l'eau, etc., des sols, vous revendiqueriez qu'il y ait des normes différentes, puis, à ce moment-là, ça pourrait devenir un incitatif pour les agriculteurs d'acquérir ces nouveaux équipements là?

M. Boisvert (Alain): Exactement. Mais, encore là, la norme n'est pas facile à établir, sauf que, je pense, il y a certains volets à être analysés de ce côté-là. Si on veut favoriser l'implantation d'une nouvelle technologie, il faut évidemment que la législation force la main. Si on prend l'exemple des fosses, le législateur a été relativement catégorique. D'ailleurs, le besoin de subventions, et ainsi de suite, a été créé.

M. Farrah: Vous êtes conscient que ce n'est pas facile à évaluer, là, hein?

M. Boisvert (Alain): Ça demeurera toujours pas facile à évaluer...

M. Farrah: Oui.

M. Boisvert (Alain): ...surtout du fait que certains producteurs vont continuer à bénéficier des systèmes existants au niveau de l'odeur.

M. Farrah: Je vous remercie.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, ça complète les échanges que nous devions avoir avec votre groupe. Nous vous remercions de vos témoignages.

Quant aux membres de la commission, je voudrais indiquer que, pour nos travaux de demain, nous allons changer d'endroit, nous serons à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine. Nos travaux seront présidés par la députée de Marie-Victorin, toute la journée de demain, et on débute les travaux à 9 heures. Puis, je pense, M. le ministre, que vous aviez une proposition à nous faire avant qu'on termine.

(17 h 40)

M. Cliche: Oui, M. le Président. Il y a un groupe, qui se nomme le Comité de restauration du bassin de la rivière Etchemin, qui aimerait se faire entendre. Je pense que les bureaux des deux leaders s'en sont parlé, et, si ça va pour les membres de cette commission, ils pourraient être entendus le mercredi 9 avril, de 11 heures à midi. Il semblerait que l'espace de temps soit disponible.

Le Président (M. Vallières): Oui, alors, ça a été convenu. Si les membres de la commission sont d'accord, on procéderait comme ça. Par conséquent, la commission ajourne ses travaux à demain, 9 heures.

(Fin de la séance à 17 h 41)


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