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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 3 février 1998 - Vol. 35 N° 26

Audition du sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation sur le fonctionnement des tables filières agroalimentaires


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation entreprend ses travaux. Le mandat de la commission est aujourd'hui de procéder à l'étude du fonctionnement de certaines tables filières au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation cinq ans après leur mise en opération.

Alors, avant de débuter les travaux, j'aimerais peut-être, M. le secrétaire, que vous nous disiez s'il y a des remplacements d'annoncés.

Le Secrétaire: Non, M. le Président, il n'y a aucun remplacement.


Organisation des travaux

Le Président (M. Vallières): Bien. Concernant le déroulement de la séance, j'ai évidemment discuté avec les membres de la commission de part et d'autre de cette table et on pensait... c'est très difficile d'aborder nos travaux sur les tables filières avant, en présence du sous-ministre, de pouvoir faire peut-être un petit tour de piste autour de cette tempête de verglas que nous avons connue et qui est venue largement affecter le monde agricole. Alors, du consentement des membres de la commission, nous pourrions prendre 30 à 40 minutes au début de cette séance pour échanger avec M. le sous-ministre sur les impacts et sur les mesures qui sont prises, enfin échanger avec les membres de la commission et M. le sous-ministre sur cet événement, et, par la suite, nous entamerions nos discussions suite à une présentation qui serait faite d'une trentaine de minutes par M. le sous-ministre sur les différentes tables filières, et nous avons pensé, le comité directeur, aborder en priorité soit la table bovine, la table laitière, la table porcine, les tables d'horticulture ornementale, d'horticulture légumière et d'horticulture fruitière, la table de la pomme de terre et la table de la production maraîchère. Nous devrions être en travaux jusqu'à 12 h 30 et reprendre, si nécessaire, à 14 heures.

(9 h 40)

Alors, à moins que j'aie des remarques préliminaires de la part de mes collègues, nous pourrions immédiatement procéder à des échanges avec M. le sous-ministre, qui pourrait peut-être au préalable nous présenter les gens qui l'accompagnent, et procéder une quarantaine de minutes, d'abord, sur la question du verglas pour, ensuite, reporter nos travaux sur les tables filières. M. le sous-ministre.


Discussion générale


État de la situation concernant la tempête de verglas

M. Vézina (André): Alors, M. le Président, distingués membres de la commission, je veux vous dire tout le plaisir que nous avons à vous rencontrer ce matin et, pour répondre d'entrée de jeu à la demande de M. le Président, je vous présente les gens qui m'accompagnent, qui ont été choisis au regard du sujet des filières mais qui pourront me supporter aussi sur le dossier de la tempête de verglas. On devrait être en mesure sur ce sujet, bien que n'ayant pas été prévenus, de répondre à toutes vos questions, parce qu'on peut dire qu'il est – c'est le moins qu'on puisse dire, n'est-ce pas? – d'actualité et nous y sommes tous profondément engagés.

Alors, les gens qui m'accompagnent sont: d'abord, M. Marc Dion, sous-ministre adjoint aux affaires économiques; M. Jacques Landry, sous-ministre adjoint à la production et aux affaires régionales. Si on avait su qu'on allait parler de verglas, j'aurais invité Mme Jocelyne Dagenais, qui est la coordonnatrice des mesures d'urgence et sous-ministre adjointe à la qualité des aliments et à la santé animale. Et, derrière moi, pour nous supporter, Mme Noëlla Jean, directrice par intérim de la Direction de la planification; M. Jeannot Richard, de la Direction de l'analyse et de l'information économique; M. Pascal Van Nieuwenhuyse, directeur de la Direction de l'analyse et de l'information économique; et Mme Claire Filion, attachée politique de M. Julien.

Alors, pour ce qui est de la tempête de verglas, écoutez, je pense qu'on peut rapidement procéder aux questions. Je vous rappellerai simplement, d'entrée de jeu, peut-être pour mettre la table, que le ministère a eu à intervenir dans le cadre de ce triste événement sur quatre fronts, si on peut parler ainsi, en vertu des compétences qui sont les nôtres.

Le premier, c'est celui de l'approvisionnement et de la sécurité alimentaires. C'est un champ dans lequel nous sommes intervenus très tôt après les événements du 5 au 9 janvier, après cette tempête, et voire même dès le début de la tempête, pendant la tempête; j'y reviendrai. Donc, je parle de la sécurisation des approvisionnements alimentaires pour les citoyens et de la sécurité alimentaire des citoyens au niveau de la santé, c'est-à-dire de s'assurer que, dans les situations qu'on a connues, celle de la mise en place en particulier des centres d'hébergement, tout a été mis en place pour éviter qu'il y ait des problèmes d'intoxication massive. Ça n'a pas été une mince affaire, celle-là, j'y reviendrai.

Le deuxième front, si on peut parler ainsi, c'était celui du support aux agriculteurs qui consistait principalement à sécuriser les approvisionnements à la ferme. Dans la première phase, il y a d'abord eu des problèmes, vous le savez, d'approvisionnement au niveau des intrants à la ferme, les aliments du bétail en particulier, et ensuite a surgi rapidement et a perduré la difficile question de l'approvisionnement en énergie alternative, c'est-à-dire en génératrices. Alors, ça a été le deuxième champ dans lequel on est intervenus de façon quotidienne.

Le troisième champ d'intervention, ça a été celui qui est propre à l'ensemble des ministères de la fonction publique, mais en particulier au ministère qui a été très présent en région. Avant d'aborder le troisième champ, je dois vous dire, sur l'aide aux agriculteurs, qu'il nous a aussi fallu maintenir l'offre d'expertise pendant toute cette période. Alors, il y avait la sécurisation des approvisionnements à la ferme et l'offre d'expertise pour aider les agriculteurs à vivre toutes sortes de situations particulières et peu communes quant au maintien de leurs activités de production ou à la remise en production dans certains cas – dans le cas des érablières en particulier; je suis sûr qu'on y reviendra – la remise en production de leur entreprise. Le troisième champ, donc, ça a été celui qui a consisté à prêter au ministère de la Sécurité publique des personnels du ministère pour agir comme agents de liaison à la fois au niveau du monde agricole et de la sécurité alimentaire, pour agir comme agents de liaison sur le terrain. J'y reviendrai aussi au travers des questions.

Le quatrième champ d'intervention, qui est celui dans lequel on est maintenant engagé depuis quelques semaines, c'est bien sûr celui de l'aide financière apportée aux producteurs agricoles et peut-être aussi éventuellement à l'industrie alimentaire pour les aider à rétablir, finalement, leur situation financière compte tenu des coûts, des dommages et des pertes engendrés par cette tempête.

Alors, c'est sur quatre plans qu'on a travaillé et qu'on travaille toujours parce que vous n'êtes pas sans savoir que ce n'est pas totalement terminé. Alors, c'est sur ces quatre plans-là qu'on travaille, avec beaucoup moins d'acuité maintenant sur les deux premiers plans qui étaient ceux de la sécurisation et de l'approvisionnement alimentaires et de l'aide directe aux agriculteurs pris en situation difficile ou en situation d'urgence.

Alors, voilà, ça brosse un peu l'intervention ministérielle. Je pourrais vous donner beaucoup de chiffres là-dessus, je peux le faire maintenant ou... peut-être qu'il serait préférable de le faire à travers la période de questions, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Oui, je pense que c'est ça. En fait, ça met la table, comme vous disiez. C'est intéressant de voir les quatre volets auxquels vous vous êtes adressé. Je dois vous dire que, pour un, j'étais dans un centre d'hébergement quand j'ai vu arriver pour la première fois des officiers du ministère, c'était au tout début, et c'était bienvenu, question de l'alimentation, pour s'assurer que les repas étaient servis dans des conditions d'hygiène et surtout pour donner des conseils aux gens. Laissez-moi vous dire qu'ils étaient les bienvenus. En tout cas, ça s'est fait vite. En autant que, moi, j'étais concerné, dès le début de la crise on les a vus et je pense que ça a été une présence rassurante auprès des gens.

Alors, on pourra peut-être échanger. On a une demi-heure environ, alors peut-être être court dans nos questions puis également le plus concis possible dans les réponses. J'ai déjà des demandes d'intervention: le député des Îles-de-la-Madeleine, le député de Saint-Hyacinthe, etc.

M. Farrah: Je vais être très court. Peut-être juste d'entrée de jeu, à ce stade-ci, est-ce que vous pouvez nous dresser un bilan des dommages? Notamment, on parlait au niveau des acériculteurs où il y a eu beaucoup de dommages, mais dans d'autres productions aussi, puis tout ça, est-ce que vous avez un bilan sommaire? Je sais que c'est à brûle-pourpoint, ce n'était pas prévu qu'on en discuterait, mais j'aimerais... Premièrement, peut-être le nombre d'agriculteurs qui n'ont pas encore de courant, d'électricité; je ne sais pas si vous l'avez à ce stade-ci, parce qu'il y a encore des pannes évidemment, et peut-être le bilan préliminaire que vous avez des pertes dues à la tempête de verglas.

M. Vézina (André): O.K. Le bilan, je dois vous dire, est... Sur la première question, le nombre d'agriculteurs qui sont encore touchés, je n'ai pas le chiffre ce matin parce que je ne savais pas qu'on allait aborder cette question-là...

M. Farrah: Oui, on comprend.

M. Vézina (André): ...et ça évolue d'heure en heure. On sait qu'il y a deux jours il y avait encore 6 000 producteurs qui étaient privés d'électricité; on est peut-être à 3 000, 3 500, je ne peux pas vous le dire ce matin...

M. Farrah: O.K., c'est beau.

M. Vézina (André): ...parce qu'il faudrait que je donne un petit coup de fil là-dessus, ça évolue constamment.

Pour ce qui est des dommages, bien sûr on ne peut pas en faire une évaluation précise à ce moment-ci, particulièrement en raison du fait que les dommages les plus importants sont ceux causés, on le sait, aux érablières. Si on fait un portrait général, il y a des choses qu'on sait de façon précise.

Les pertes de lait, ça fait longtemps qu'on a quantifié ça, c'est connu, 3 500 000 litres, c'est relativement peu important, il faut le dire. Ça a l'air gros comme ça, mais c'est quelques traites de lait chez un petit groupe de producteurs, c'est l'équivalent d'une journée laitière du Québec, et ça n'a eu aucun impact sur l'approvisionnement laitier. Les difficultés dans le secteur laitier, on le sait, ont été davantage au niveau de l'industrie de la transformation plutôt qu'au niveau de la production, donc des pertes, somme toute, peu considérables dans le secteur laitier.

Dans le secteur des élevages, on a perdu 0,4 % du troupeau porcin de la région concernée. Ça aussi, c'est relativement peu élevé, il faut le dire, c'est à peu près ce qu'on perd l'été pendant les canicules. Pour ce qui est du troupeau avicole, je crois que c'est 0,8 % du troupeau. Ça aussi, c'est relativement peu élevé. Il y a eu donc quelques pertes de troupeaux dont, assez «surprenamment», un grand nombre... Il y a 16 troupeaux touchés au total. Ce n'est pas toujours tout l'élevage qui est disparu, c'est souvent un bâtiment sur plusieurs bâtiments. Il y a 16 producteurs agricoles qui ont perdu des animaux. Là-dessus, il faut voir qu'une partie des pertes proviennent, dans certains cas, d'incendies, qui peuvent résulter de la tempête bien sûr, de la situation particulière et, dans d'autres cas, d'effondrement des bâtiments. Alors, ce n'est pas toujours par suite d'une panne électrique qu'on a perdu des animaux. Alors, ça, c'est pour le secteur animal.

(9 h 50)

Pour le secteur des productions végétales – et je terminerai avec l'acériculture qui est le secteur le plus touché – il y a bien sûr des pertes dans le secteur serricole par suite d'effondrement de serres, ici aussi, ou, dans certains cas, de pannes électriques. Mais les cas qui nous sont rapportés jusqu'à maintenant sont principalement des cas d'effondrement total ou partiel des bâtiments sous le couvert de glace. Alors, je reviendrai peut-être s'il y a des questions là-dessus. Mais, là aussi, ce n'est pas la totalité des serres qui se sont effondrées, c'est localisé, mais on n'a pas pour l'instant un bilan détaillé de tout ça parce qu'il faut que chaque producteur nous fasse connaître sa situation surtout dans le cas des effondrements partiels.

L'autre secteur touché – là, on tombe dans le secteur arboricole – c'est tout le secteur arboricole, les cultures arboricoles, c'est celui des pépinières où là il y aurait des pertes importantes sur les grands arbres, et non pas sur les arbustes qui étaient sous le couvert de neige, ni sur les petits arbres, mais sur les plus grands arbres, donc les arbres qui ont le plus de valeur finalement. Des pépinières importantes sont touchées, de très grosses pépinières. Les plus grosses pépinières du Québec sont situées dans cette région, vous le savez.

Dans le secteur des arbres fruitiers, les dommages sont très difficiles à évaluer à ce moment-ci, les producteurs fruitiers le reconnaissent eux-mêmes. On sait que les pommiers, règle générale, n'ont pas cassé sous le poids de la glace parce qu'ils sont habitués à résister au poids des pommes. C'est des arbres robustes. Mais il y aura peut-être des dommages aux bourgeons, donc à la production de la prochaine année, et peut-être des blessures aux arbres aussi. C'est impossible à évaluer à ce moment-ci de façon sérieuse. Même les producteurs eux-mêmes ont de la difficulté à évaluer. Il faut attendre que la glace fonde, il faut attendre le printemps. Ça, c'est pour les arbres fruitiers.

Il reste l'acériculture. Une évaluation sommaire à ce moment-ci indique que, sur 80 % du territoire visé... parce qu'il faut voir que dans le territoire visé, vous le savez, il y a des situations de verglas plus ou moins considérables; au centre, il y avait 100 mm de verglas puis, quand on s'éloigne, on passe à 80 mm, 60 mm, 40 mm, 30 mm de verglas, donc dans des situations beaucoup moins dramatiques. Mais on pense que, sur 80 % du territoire visé, 30 % des arbres ont été sérieusement endommagés. Alors, ça, c'est une évaluation préliminaire.

Je terminerai avec la cueillette des dommages. Ce qui est difficile à évaluer ici, c'est ce que ça signifie en termes de perte de capital productif, de perte de production à venir, difficile pour des raisons assez faciles à comprendre. D'abord, il faut faire l'évaluation entreprise par entreprise pour avoir des chiffres sérieux. Là, on dit à peu près n'importe quoi à ce moment-ci. Il y a des gens qui ont parlé dans le 100 000 000 $ et 500 000 000 $; comme marge d'erreur, c'est assez considérable. Puis ça se comprend, il ne faut pas les en blâmer. Quand on pose une question comme celle-là à ce moment-ci, il faudra attendre un mois, un mois et demi avant de connaître véritablement l'évaluation des dommages et non pas l'évaluation des pertes de production. Il faudra attendre une saison de production pour attendre une vraie évaluation de perte de production si on veut évaluer ça sérieusement.

L'évaluation des dommages aux arbres, on est en train de le faire actuellement, ça se fait de deux manières. La première manière, c'est que les agriculteurs font connaître leurs avis des dommages. Maintenant, comme ce ne sont pas des experts en évaluation des dommages aux arbres, c'est des évaluations fort sommaires et fort peu précises. La vraie évaluation, elle est déjà commencée, et on est en train de l'organiser – M. Landry pourra vous en parler – avec l'aide des groupements forestiers, avec l'aide du ministère des Ressources naturelles, on est en train de rassembler tout ce qui existe comme experts en foresterie des arbres feuillus au Québec pour procéder à une évaluation érablière par érablière des dommages causés. Pas tellement dans le but à ce moment-ci d'évaluer les dommages, mais dans le but d'aider l'agriculteur pour qu'il prenne sa décision, à savoir: Est-ce que je dois ou non reprendre ou remettre en opération la totalité ou une partie seulement de mon érablière?

Quant à l'impact sur la production, on n'a pas fini de se perdre en conjectures là-dessus, il faut bien le réaliser, parce que, même pour un expert, ce n'est pas facile de savoir si un arbre qui a perdu le tiers de ses branches va perdre le tiers de sa production, et on sait qu'il n'y a pas de relation, alors là absolument pas. On ne peut pas penser que parce qu'il y a le tiers des branches de perdues il y a le tiers de la production de perdue, ça ne marche pas comme ça. Un érable – je pourrais vous en parler parce que j'étais antérieurement professeur de botanique – la sève est stockée dans le tronc; quand le tronc est là, ça coule encore. Elle est stockée aussi dans les branches, puis elle est stockée de façon importante dans le tronc. Alors, c'est difficile de mesurer ça maintenant, ce n'est pas des situations auxquelles on est habitués. Quand même, il y a des données là-dessus et je pense que d'ici quelques semaines on sera en mesure, d'ici deux à trois semaines, de connaître de façon beaucoup plus précise l'étendue des dommages et d'avoir une première évaluation relativement approximative de ce que ça pourrait vouloir dire en termes de perte de production pour l'année à venir.

Maintenant, il faut penser que, dans certains cas, les pertes de production vont s'étendre sur deux, trois, cinq ans et, dans le cas de la perte totale d'un arbre, sur 10, 15 ans, et voire même plus. Ça, c'est difficile à mesurer maintenant, et les experts vont se perdre, là aussi, en conjectures là-dessus. On va commencer par évaluer les pertes d'une première année, ça nous paraît plus facile, et d'extrapoler sur deux, trois ans pour les fins de... bien sûr, on va devoir le faire rapidement, dès qu'on aura fait une évaluation des dommages, pour les fins de mise en place d'éventuels programmes d'aide financière à ces producteurs-là.

Il faut bien comprendre ici cependant que, pour l'instant, ce qui compte – et c'est dans cette optique-là qu'on travaille – c'est d'abord d'aider les producteurs à prendre les décisions sur la remise en production pour l'année qui vient, de songer aux pertes pour l'année qui vient, et les pertes pour la deuxième ou la troisième année, on a le temps d'y penser en masse, le producteur ne les subit pas maintenant, il va les subir dans deux ans, dans trois ans ou dans quatre ans. Il faut d'abord regarder ce qui est plus immédiat. Alors, on en est là en ce qui concerne l'évaluation des dommages.

Actuellement, jusqu'à hier, il y avait 1 200 avis de dommages de rentrés dans nos bureaux. On sait que, dès les premières semaines de la situation, on a mis en place un réseau de cueillette des avis de dommages. Depuis maintenant trois semaines, dès la fin de la première semaine il y avait déjà un mécanisme de cueillette des avis de dommages dans nos bureaux, et les services de nos bureaux ont été maintenus en permanence sur le territoire visé. Tous nos bureaux ouverts et même ceux fermés – «fermés» en ce sens qu'il n'y avait pas personne physiquement dans le bureau – pouvaient être atteints par voie téléphonique en tout temps, nos experts ayant été relocalisés dans d'autres bureaux et les appels étant automatiquement acheminés dans d'autres bureaux. Alors, les bureaux sont toujours restés ouverts, sauf peut-être pour deux, trois jours au début, et les avis de dommages ont été cueillis dès le début.

Maintenant, il faut comprendre que les agriculteurs avaient d'autres choses à faire que d'envoyer des avis de dommages et, maintenant que la situation se rétablit, les avis de dommages commencent à rentrer. Il faut bien comprendre ici que l'opération est complexe. Il y a 17 000 entreprises agricoles sur le territoire, puis on pense qu'il y en a peut-être 10 000 là-dessus qui vont subir des dommages. Il y a bien sûr toutes les entreprises de production végétale, autre qu'arboricole, qui, somme toute, sauf celles qui avaient de l'entreposage de fruits et légumes dans certains cas et qui ont peut-être eu des absences de génératrices... il n'y a pas eu de dommages.

Alors, je m'arrête ici. C'est un peu ça, la réponse, le tour d'horizon pour ce qui est des dommages.

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, j'ai d'autres collègues qui veulent prendre la parole. Je veux simplement mentionner, M. le sous-ministre, que, dans le cas des acériculteurs, comme ils sont à la veille de la saison de production, il y a une certaine impatience qui se manifeste face à l'avenir de leur exploitation, ils veulent des conseils le plus rapidement possible, et on a de plus en plus de gens qui, en tout cas dans certains cas, prétendent que c'est des pertes totales et, vis-à-vis les mesures éventuelles d'aide, il y a aussi un gros questionnement. On sait qu'il y a des gens qui ont tout mis pour s'acheter une érablière, la mettre en exploitation et qui, dans certains cas, ne seraient plus en mesure d'assurer les revenus sur ces exploitations-là pendant plusieurs années à venir. Donc, dans certains milieux, pour certains individus, c'est un drame très important à l'intérieur de leur vie. Il y en a qui ont monté une vie complète avec ça puis ils n'ont plus aucune sécurité de revenu. Ils sont en attente, le plus vite possible, d'indications face à comment ils vont être capables de se sortir de ce contexte financier qui est catastrophique dans certains cas.

M. Vézina (André): ...

Le Président (M. Vallières): Oui, peut-être une courte réponse là-dessus puis, après ça, on passera au député de Saint-Hyacinthe.

M. Vézina (André): Je le sais que j'ai toujours de la difficulté avec la longueur des réponses. C'est bien de me rappeler à l'ordre, M. le Président. J'essaie toujours d'être le plus précis possible, par ailleurs.

(10 heures)

Il est tout à fait juste, M. le Président, que, pour un certain nombre d'acériculteurs, un nombre quand même limité, qu'on peut chiffrer à quelques centaines, j'en suis certain, ces acériculteurs-là ont à vivre une double difficulté. D'abord, dans certains cas, donc, c'est leur revenu principal et, couplé à ça, le problème que vous soulevez, à savoir qu'il y a des pertes considérables dans l'érablière, pouvant aller dans quelques rares cas – il faut le reconnaître, quand même – jusqu'à des pertes quasi totales de la production de l'érablière.

Ce qui nous préoccupe à ce moment-ci pour l'ensemble des acériculteurs... je vous le disais tantôt, ça a été d'abord de leur fournir de l'expertise, de leur dire comment se comporter au moment où c'était glacé, l'érablière, ce qu'il faut faire maintenant. Parce qu'il y a eu une panique au début. Les gens pénétraient dans les érablières avec des scies à chaîne, puis il y en avait qui étaient prêts à mettre tout ça tout de suite en bois de chauffage. Il y a eu des vents de panique. Puis il y avait un marché pour le bois de chauffage, par ailleurs, même vert. Alors, il a fallu faire d'abord des séances... On a organisé, au plus fort de l'événement, des rencontres d'expertise auxquelles les acériculteurs sont venus très nombreux. Je me souviens d'une séance, à Victoriaville, où il y avait 500 acériculteurs. On a fait des séances, on a rassemblé les experts, puis on a fait des séances pour les producteurs très, très rapidement pour leur dire ce qu'ils devaient faire maintenant. Et, après leur avoir dit de ne pas se presser pour aller bûcher, le deuxième conseil qu'on leur a donné, on leur a dit: Attendez quelques semaines; on va faire une expertise dans votre érablière pour savoir s'il vaut la peine de remettre en production ou pas, totalement ou partiellement, pas arbre par arbre, mais quasiment. Et c'est ce qui est commencé maintenant.

La première opération à faire, c'était le nettoyage. Ça, c'est déjà commencé, on le sait, la remise en place des tubulures. Il y a déjà de l'aide financière pour ça via le programme de main-d'oeuvre fédéral, qui existait déjà et qui avait été utilisé l'année dernière dans la région de Lanaudière, on s'en souviendra. Et, avec notre programme d'avances d'aide, d'assistance financière, on couvre aussi les coûts de nettoyage et de remplacement des équipements et de remise en place des tubulures qui ne seraient pas couverts par le programme de main-d'oeuvre fédéral, les coûts autres que les coûts de main-d'oeuvre et les coûts de main-d'oeuvre non couverts. Alors donc, déjà, il y a de l'assistance financière pour ce qui est de ces opérations-là, de la remise en production maintenant. Déjà, il y a de l'expertise technique qui est déployée pour aider les producteurs à prendre leur décision quant à la remise en production pour la prochaine saison.

Reste la question importante que vous soulevez de l'aide financière à venir pour les dommages subis actuels et à venir. On espère, nous, qu'au moment où les produits de l'érable seront mis en marché au Québec, au moment où, véritablement, l'agriculteur aura à subir une perte de revenus provenant de sa production, on espère qu'à ce moment-là le programme d'aide aux acériculteurs sera élaboré et connu des acériculteurs et en opération.

La chose est assez complexe, par ailleurs, et doit faire l'objet, vous le savez, d'abord de discussions à l'interne et d'échanges à l'interne, et ensuite avec le gouvernement fédéral, puisqu'il s'agit de programmes qui sont encadrés par une entente fédérale-provinciale dans le cadre d'un programme fédéral.

Le Président (M. Vallières): C'est sûr qu'on aurait, toujours sur le même sujet, des choses à ajouter, mais il faut se souvenir qu'on s'est donné de 30 à 40 minutes au total sur ce sujet-là. M. le député de Saint-Hyacinthe suivi du député de Beauce-Nord.

M. Dion (Saint-Hyacinthe): Oui, c'est sûr que j'aurais beaucoup de questions à poser, mais je vais m'en tenir, pour le moment, au sujet qui est sur la table, qui est un sujet très important. Encore hier, je visitais des producteurs agricoles dans le rang Charlotte, à Saint-Liboire, où ils n'ont pas encore l'électricité – ils vont probablement l'avoir aujourd'hui ou demain – et j'étais en mesure de mesurer combien le programme préliminaire d'avances non remboursables qui a été mis en place a été bien reçu.

Il y a deux problèmes très importants auxquels les producteurs font face actuellement. Il y a un problème de coûts et de pertes: de pertes d'argent, et de coûts, ce que va leur coûter la perte dans les érablières et autres. Il y a aussi le problème de l'épuisement: l'épuisement physique et psychologique. Il y a beaucoup de producteurs qui sont épuisés, dans le sens qu'ils pleurent à coeur de jour, ils ont peur de tout perdre. Et, pour beaucoup de producteurs agricoles, leur entreprise, c'est toute leur vie. Alors, il y a un phénomène très important. Je pense qu'il faut intervenir de façon aussi opportune que possible. Et, dans ce contexte-là, les 3 000 $, même si dans plusieurs cas ça ne règle pas leurs problèmes, ça a été quand même un élément non seulement financier, pécuniaire important, mais ça a été aussi un élément psychologique, je pense, important, significatif.

Cependant, moi, je voudrais insister un peu davantage, parce que, il y a deux semaines environ, vendredi de l'autre semaine, j'avais présenté une demande pour un programme d'intervention très rapide. Pourquoi je l'ai fait? Parce que des producteurs acéricoles sont venus me voir et m'ont dit: Ça nous prend absolument de la main-d'oeuvre, il faut se relever; dans un mois, il faut être en production, autrement on perd notre année. Et ils étaient déjà un peu paniqués. Et, pour eux, chaque journée était une journée très importante, et chaque journée qui passait était une perte qui s'accumulait. Alors, j'ai donc présenté cette demande d'intervention. Et, à un moment donné, à un certain niveau, je pense qu'il y avait une volonté d'intervenir très rapidement.

Mais c'est à ce moment-là qu'est intervenu le programme d'intervention fédéral, avec une possibilité de payer des employés pour faire le ménage dans les érablières. Je pense que c'est un bon programme, dans le sens que ça aide les producteurs. Évidemment, il y a un problème important dans ce programme d'aide, qui est le suivant. C'est qu'il était possible pour les gens d'avoir jusqu'à 400 $, 415 $ par semaine de revenus. Et le problème qu'on a, c'est que, dans les érablières, le travail de bois, vous connaissez tous ça, vous savez que c'est un travail dangereux. Quand il s'agit d'un chablis comme celui qu'on a actuellement, c'est 10 fois plus dangereux. Donc, il faut qu'une majorité, qu'une large majorité des intervenants dans le secteur soit des forestiers aguerris. Alors, avec un salaire d'environ 400 $ par semaine, c'est difficile d'avoir des forestiers aguerris, premièrement, et c'est difficile de les avoir dans la région parce que, dans la région, ils sont tous pris avec leurs propres problèmes. Donc, normalement, il faut, pour une partie importante du personnel, aller les chercher à l'extérieur. Alors, le programme fédéral est restrictif, de ce point de vue là, il rend difficile d'aller chercher des gens à l'extérieur et, ensuite de ça, il ne paie pas assez.

Donc, c'est à ce moment-là, je pense qu'il y a eu... Je ne veux pas... mais je crois savoir qu'il y a eu des discussions importantes pour essayer de voir si le programme provincial qu'on avait suggéré ne pourrait pas venir bonifier le programme fédéral de façon à en avoir rien qu'un, mais qu'il soit suffisamment généreux pour répondre aux besoins d'une façon rapide, parce que chaque journée est importante, chaque journée compte.

Évidemment, ça fait 15 jours. Il y a 15 jours, c'était urgent; aujourd'hui, vous pouvez vous imaginer ce qui se passe. Évidemment, le 3 000 $ a aidé à faire prendre patience, mais il reste que le problème est toujours entier. Et, pendant qu'on discute, fédéral-provincial et qu'on dit: Dans deux, trois semaines, un mois, on aura un programme pour les acériculteurs, le temps passe et il y a des grosses pertes. C'est sûr que les pertes ne sont pas... il faut les évaluer correctement.

Je comprends que, pour un certain nombre de producteurs, la première chose qu'il fallait faire, c'était de les convaincre de ne pas faire de coupes à blanc, et je pense que l'intervention du ministère là-dessus a été correcte, a été opportune. Et, pour ma part, j'ai lancé des appels, aussi, aux producteurs, sur les ondes, pour leur dire: Premièrement, vous n'avez pas le droit de faire des coupes à blanc dans les érablières et, deuxièmement, dans la plupart des cas, c'est une mauvaise affaire pour vous.

La deuxième chose qu'il fallait faire, c'était de déterminer si on doit produire ou pas cette année. Et, là-dessus, c'est sûr que l'intervention des spécialistes du ministère était indispensable. Et la troisième chose: si on intervient, si on fait couler les érables, si on fait une récolte cette année, il faut mettre tout de suite en branle l'opération de sortir de la glace les tubulures et de faire le ménage dans les érablières. Et, là-dessus, je pense qu'il y a des délais qui coûtent cher aux producteurs agricoles.

Alors, ma question est la suivante: Est-ce qu'il y a moyen, est-ce qu'on peut espérer que ces jours-ci, dans les jours qui viennent, on va avoir une intervention très importante du ministère pour faire en sorte que cette question-là de nettoyer les érablières et de mettre les érables en production va pouvoir se faire avec l'aide du ministère?

Le Président (M. Vallières): M. le sous-ministre.

M. Vézina (André): Oui. Le problème que vous posez ici est tout à fait juste. C'est un problème de disponibilité de main-d'oeuvre. C'est un problème qu'on ne règle pas avec des sous. C'est un problème où il faut trouver des gens qui sont capables de faire le travail. Là-dessus, je veux vous dire ceci. C'est que, dans le programme d'avances d'assistance financière, et je l'ai, je pense, souligné tout à l'heure, il est prévu que tous les coûts de main-d'oeuvre qui ne sont pas couverts par le programme fédéral, par exemple les coûts d'experts, les coûts de formation – parce qu'il faut former ces travailleurs-là – ou d'encadrement de ces travailleurs-là, les coûts de travailleurs spécialisés qui doivent monter dans des nacelles par exemple pour faire du travail – les travailleurs qu'on va embaucher dans des programmes de main-d'oeuvre fédéraux sont des travailleurs qui restent à terre, c'est des travailleurs non spécialisés qui font du nettoyage et du ramassage ou du relèvement de tubulures – les coûts de location de déchiqueteuses pour se débarrasser du matériel, etc., tous les coûts non couverts par le programme fédéral de main-d'oeuvre sont admissibles – à moins que je ne m'abuse, Jacques – au programme d'avances d'assistance financière. Donc, dès maintenant, un agriculteur, un acériculteur peut engager des dépenses là-dedans et se voir remboursé.

(10 h 10)

Et, bien sûr, dans un éventuel programme qui couvrirait l'ensemble de ces dépenses-là, ce genre de dépenses là a de très, très fortes chances d'être couvert parce que c'est déjà prévu, ça – en tout cas, suivant notre interprétation – dans le programme qui s'applique en cas de sinistre. Alors, ça ne devrait pas poser un problème financier, je dirais. Ça pose un problème, cependant, pour ce qui est du nettoyage, du relèvement des tubulures et même du travail d'experts, de trouver une nacelle pour aller couper les branches hautes, etc. ça pose un problème de disponibilité de main-d'oeuvre auquel on a sensibilisé le ministère responsable du recrutement de la main-d'oeuvre et de l'embauche de la main-d'oeuvre. Mais ce problème-là, nous, on peut difficilement y pallier. D'abord, ce n'est pas notre responsabilité.

Le Président (M. Vallières): Parce qu'il y avait, M. le sous-ministre, la question précise du député de Saint-Hyacinthe. Quand il y a embauche de personnel qui vient de l'extérieur de la région concernée, les sommes qui sont en cause sont insuffisantes. Et cette partie additionnelle, ce n'est pas...

M. Vézina (André): Je prends note du problème, et on va en discuter avec les gens de la main-d'oeuvre dès le sortir de cette rencontre et on verra comment on peut régler ça.

M. Dion (Saint-Hyacinthe): Juste une chose, pour ajouter. Quant à la disponibilité de la main-d'oeuvre, il y a beaucoup d'équipes, il y a des dizaines et des centaines d'ouvriers forestiers spécialisés de la Gaspésie, du Lac-Saint-Jean et de l'Abitibi qui sont prêts à s'en venir dans la région moyennant une rémunération qui n'est pas excessive, mais qui serait le minimum parmi les travailleurs spécialisés, quelque chose comme 12 $ l'heure. Il y a du monde en masse pour venir, sauf qu'on attend... Ce que vous avez dit est tout à fait exact, dans le sens qu'avec le programme d'aide fédéral et le 3 000 $ qui permet d'ajouter un peu au salaire, ils pourraient, dans plusieurs cas, s'arranger, les producteurs, pour faire en sorte de travailler un bon bout de temps en attendant que le programme final soit disponible. Mais, pour cela, il faudrait débloquer la question des travailleurs qui ne sont pas de la région le plus rapidement possible, si c'était possible ces jours-ci.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: Oui, M. le Président. Tout à l'heure, vous avez parlé du programme d'avances financières. Si je comprends bien, c'est 3 000 $ qui peuvent être disponibles pour l'acériculteur ou peut-être un autre producteur dans le domaine fruitier. Dans la région de Mégantic, entre autres, je crois, et au sud de la Beauce, il y a des érablières qui ont été durement touchées. Des érablières, on parle d'un producteur qui avait 8 000 érables, mais il n'avait pas une... C'était vraiment, on va dire, son gagne-pain, c'était totalement associé à sa vie personnelle, c'était vraiment son entreprise. Est-ce que 3 000 $ peut, on va dire, lui permettre de se relancer? Je ne crois pas.

Est-ce qu'actuellement au MAPAQ, on est sur le point d'évaluer ces situations-là, où vraiment l'acériculteur qui s'était créé son emploi et qui connaît les difficultés actuelles... Parce que, si son érablière est en partie dévastée, je ne crois pas que le 3 000 $ soit suffisant pour repartir. Est-ce qu'à ce moment-là on va chercher à instaurer un programme qui va lui permettre de s'adapter à ces situations-là?

Entre autres, je prends l'exemple d'une personne qui a 8 000 érables. Il m'a fait part que son érablière, c'était quasi une perte totale. Lui, c'est sa vie. Il voit, on va dire, à l'entretien de son érablière quasiment sur une base annuelle. Sa maison est impliquée dans son entreprise. Et, lorsque le verglas est passé, comme il dit: J'ai perdu ma job, puis je vois noir, parce que, là, j'ai une maison, mais je suis hypothéqué sur mon érablière. Qu'est-ce que je fais? Est-ce qu'à ce moment-là, le ministère pourra venir en aide à ces gens-là?

Il y a des producteurs, dans ces régions-là, qui ont 8 000 érables, il y en a d'autres qui ont 20 000 érables, parce qu'on a développé des entreprises dans l'acériculture. Mais 3 000 $, pour eux autres... Ça ne les affecte presque pas. C'est certain que, celui qui a 3 000 érables en tubulures et qui a connu des dommages, peut-être que le 3 000 $ va être suffisant pour repartir. Mais la personne qui vivait de l'acériculture, je ne pense pas que ce soit suffisant pour lui venir en aide. Est-ce que le MAPAQ regarde à élaborer un programme pour venir en aide à ces personnes-là ou à ces entreprises-là?

Le Président (M. Vallières): Alors, M. le sous-ministre...

M. Vézina (André): Alors, si je faisais une réponse fermée, je dirais: Oui, le MAPAQ regarde, pour une réponse très courte. Je pensais l'avoir souligné tout à l'heure, mais peut-être que je ne l'avais pas fait, oui, on regarde un programme qui ne sera pas un programme d'assistance d'urgence, mais qui sera un programme qui viendra couvrir les pertes en fonction du volume ou de l'importance des pertes. Alors, celui qui aura une grosse érablière et beaucoup de pertes aura un dédommagement beaucoup plus considérable que celui qui a une petite érablière avec peu de pertes; bien sûr, un véritable programme de compensation en fonction de l'importance et du volume des pertes. Je veux dire qu'on était conscients que le programme d'avances d'assistance financière non remboursables était un programme qui visait à compenser les dépenses immédiates et non pas les dépenses à venir.

Pour ce qui est des dépenses à venir, on travaille actuellement à la préparation – et on l'a dit, M. le ministre l'a dit publiquement – d'un programme qui viendra couvrir les pertes, un programme beaucoup plus élaboré. Je pense que les acériculteurs sont normalement au courant de ça et qu'ils savent fort bien qu'on ne va pas s'arrêter à 3 000 $, à tout le moins pour les gros acériculteurs ceux dont c'est le revenu principal de faire de l'acériculture et qui ont beaucoup d'investissements engagés là-dedans.

Je veux dire, par ailleurs, que, pour ceux qui seraient dans des situations précaires, et ça peut arriver, et qui auraient engagé des dépenses plus importantes... Maintenant, il ne faut pas oublier que 3 000 $ en main-d'oeuvre, c'est 450 heures de travail, 400 à 450 heures de travail, c'est beaucoup d'heures de travail. Mais, dans le cas des érablières, c'est des coûts de main-d'oeuvre et un peu de coûts d'équipements, dépendant des cas.

Par ailleurs, je veux dire que, pour ceux qui ont des situations plus précaires au niveau financier, avec des marges de manoeuvre bancaires moins grandes ou plus difficiles, la Société de financement agricole qui, dans la plupart des cas, est l'entreprise qui garantit les prêts, vous le savez, a déjà convenu de venir en aide à ces gens-là dans les façons habituelles, suivant les procédures habituelles, pour empêcher qu'ils se trouvent dans une situation financière irréparable. Alors, il y a de l'aide aussi de ce côté-là. Et les acériculteurs, je pense, sont au courant de ça.

Si jamais vous en rencontrez qui pensent vivre, en raison de la situation, une situation financière difficile, invitez-les rapidement à rencontrer leur conseiller en financement agricole, qui va leur apporter une aide immédiate là-dessus, pour ces cas-là qui, je pense, sont quand même des cas marginaux, compte tenu que les pertes de revenus sont à venir, dans ce cas-là, elles ne sont pas immédiates. Il n'y a personne qui vendait du sirop de l'année, actuellement. On sait que la production va débuter fin février, dans les zones les plus hâtives, et en mars surtout, et ensuite, et on espère que, d'ici là, le programme sera connu.

Le Président (M. Vallières): Bien.

M. Poulin: O.K. Ça répond en partie à ma question, que le programme soit connu à court terme. Vous faites mention qu'éventuellement on va sortir ce programme-là. Mais on se souvient que, dans Lanaudière, l'an passé, il n'y a pas eu de dédommagement. Il ne faudrait pas, on va dire – je ne sais pas, moi – chercher à prolonger les délais et, par la suite, n'arriver à aucune conclusion dans le type de programme. C'est pour ça que, je pense, c'est extrêmement important que le plus rapidement possible on puisse informer les acériculteurs de ce nouveau programme.

On parle de 3 000 $. Le 3 000 $, c'est bien beau pour celui qui peut repartir. On parle des sociétés de financement qui peuvent aider l'acériculteur; encore là, c'est bien beau pour celui qui a encore une valeur. Mais celui qui n'en a plus, de valeur, à ce moment-là, ça va prendre un programme d'aide pour le soutenir puis pour le réorganiser – est-ce que ça sera dans l'acériculture? Je ne le sais pas – mais à tout le moins pour combler une partie de ses dettes pour ne pas qu'il déclare faillite. Ça fait que c'est important, je pense, qu'il y ait une action rapide de faite pour ceux qui ont subi de lourds dommages.

Le Président (M. Vallières): Oui. Alors, pour se parler bien franchement, M. le sous-ministre, ce que vient de dire le député de Beauce-Nord, c'est très présent dans l'esprit des gens, qui disent: Quand on n'a pas de mesures immédiates dans ce genre de situation, dans trois mois, quatre mois, cinq mois, six mois, quel sera notre pouvoir de véritablement influencer les décisions qui vont prendre en compte le contexte réel qu'on a vécu, au moment où la tempête est terminée, où les choses se replacent? Alors, il y a beaucoup d'inquiétude là-dessus. Et je pense que, moi, au nom de tous les producteurs que je représente et de toutes les municipalités de mon comté, rurales et autres, qui ont été touchées, il y a une inquiétude qui se manifeste à ce niveau-là.

(10 h 20)

Je pense qu'il serait important, même si ça a été dit pendant... En tout cas, je pense qu'il y a peut-être nature à précision sur les intentions du ministère à l'endroit des gens qui ont reçu une aide qui est ponctuelle. Mais ce n'est pas très clair dans la tête des gens que c'est une aide ponctuelle et puis que le ministère évalue les dommages et qu'on reviendra éventuellement avec des mesures plus précises ou à plus long terme. Je pense que ce serait important que le ministère, à l'intérieur de son plan de communication, informe l'ensemble des producteurs de ses intentions dans le dossier.

M. Vézina (André): O.K. Alors, je vous remercie, là-dessus. Je veux à nouveau vous dire qu'on fait l'impossible pour qu'un programme soit prêt dans les plus brefs délais et dans les très brefs délais. Il restera ensuite à voir jusqu'à quel point ce programme sera considéré comme admissible dans le cadre du programme fédéral. Déjà, des discussions ont cours avec le fédéral sur le contenu de ce programme. C'est débuté, et on n'attend pas que le programme soit peaufiné, on est déjà en train de demander que différentes matières soient considérées comme admissibles dans le cadre du programme d'aide en cas de sinistre. Alors, le travail est commencé et il est très avancé. Il restera à voir jusqu'à quelle vitesse on pourra traverser les autorisations gouvernementales à la fois au niveau provincial et fédéral. Mais le travail est très, très avancé chez nous, nous concernant.

Au niveau de l'évaluation des dommages, je l'ai dit, et c'est une des difficultés à ce moment-ci, c'est qu'il nous est difficile, élaborant un programme, d'en évaluer les coûts. Et vous comprendrez que c'est un facteur important de la décision, ça. Alors, c'est ça, j'enregistre vos messages là-dessus et je les partage.

Le Président (M. Vallières): Bien. On a déjà 40 minutes de faites. Je prendrais deux interventions additionnelles, celle du député de Nicolet-Yamaska et une autre, à ma gauche, et on pourra terminer sur ce sujet.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Merci. Juste une question rapide à propos d'effondrements de bâtiments – on en avait glissé un mot tantôt – entre autres, des poulaillers puis des porcheries. Je sais très bien qu'il y a des assurances privées qui couvrent les dommages causés par l'effondrement de la bâtisse, mais les pertes animales, vous savez comme moi aussi que les assurances ne couvrent pas ou rarement à 100 % la perte ou le dégât dû au verglas ou à la pesanteur du bâtiment qui s'est effondré, c'est assez rare que ça couvre à 100 %. Supposons que c'est couvert à 80 %, 90 %. On m'a répondu au cabinet et au ministère qu'il y avait des négociations actuellement avec le fédéral là-dessus. J'aimerais vous entendre à ce niveau-là, s'il y a négociations effectivement et où c'en est rendu.

M. Vézina (André): Il y a négociations avec le fédéral. Nous n'en sommes pas, vous le savez, le ministère responsable. Pour ce qui est des animaux, dans le cas où c'est assuré, vous avez raison, il y a des franchises dans les polices d'assurance, et c'est ce dont vous parlez, et c'est vrai que les franchises doivent être normalement assumées par l'assuré. Ce n'est pas notre priorité actuellement, parce que, un assuré, il sait d'avance qu'il a une franchise, dans sa planification financière, il doit tenir compte de ça comme n'importe quel assuré. Je dois vous dire que les animaux sont couverts dans le cas de l'effondrement d'un bâtiment. C'est vrai qu'il y a le volet franchise, mais je ne pense pas que l'urgence...

Pour nous en tout cas, l'urgence n'est pas là actuellement, quand on parle de programme. L'urgence, c'est l'acériculture, c'est les pertes non assurables dans le privé ou non généralement assurées. Par exemple, on va se questionner, puis on le fait actuellement, sur ce qu'on fait avec les petites serres. C'est assurable mais non généralement assuré, pour des raisons faciles à comprendre, dans le cas des petites serres, pour des raisons économiques. Dans le cas des grandes serres, c'est assurable et généralement assuré.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Mais, quand la personne vient nous voir, on lui répond quoi? Que ce n'est pas une priorité, pour l'instant? Ou on lui répond: On s'en occupe, on va regarder ça?

M. Vézina (André): Bien, on regarde ça, bien sûr, mais il faut faire une liste de priorités, là-dedans comme dans le reste. Les pertes animales non assurées, c'est d'abord ce qui est prioritaire. Il y a des pertes animales non assurées: celles qui proviennent des pannes électriques, qui ne sont pas causées par l'effondrement, ce n'est pas assuré. Ça, c'est prioritaire, on travaille à 100 % là-dessus. Les coûts d'énergie alternative qu'ont eu à subir tous ces gens-là, c'est notre grande priorité, c'est un coût additionnel. Je vous dis, pour l'instant, je vous réponds avec toute honnêteté qu'on n'a pas l'impression que les franchises d'assurance seront incluses dans le programme, ce n'est pas dans les pratiques antérieures en cas de sinistre. Il faut se référer aux pratiques antérieures canadiennes. Et, dans le cas où les matières sont assurées, on n'a, jusqu'à maintenant, à ma connaissance, jamais couvert la franchise.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): En tout cas, à mon humble avis...

M. Vézina (André): Alors, je serais surpris que maintenant on décide... Parce qu'il faut voir les précédents, là-dedans. On n'est pas à la dernière catastrophe québécoise. On a déjà vécu le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Et, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, si je ne m'abuse, les franchises n'étaient pas couvertes. Alors, il y a une question d'équité, là-dedans.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Je vous comprends très bien, sauf qu'à mon humble avis ça serait important peut-être d'envoyer un message de ne pas créer d'attentes à ce niveau-là auprès des personnes qui ont été victimes de cette catastrophe-là. Parce qu'il y a des attentes. Vous savez comme moi que, dans des situations comme ça, à un moment donné, n'importe qui dit n'importe quoi.

Le Président (M. Vallières): O.K. Bien. M. le sous-ministre, vous avez parlé tantôt du maintien de la chaîne alimentaire, quelque peu, qu'il y avait des mesures à l'intérieur du programme. Je ne sais pas si mes collègues ont rencontré cette situation-là, mais plusieurs épiciers, des petits épiciers dans les petites municipalités qui, pour maintenir un lien avec la population et donner un minimum de services, ont encouru des frais passablement importants, dans certains cas, pour maintenir l'épicerie en type de dépanneur. Et, semble-t-il, il n'y a pas de programme, à ce jour, qui s'adresse particulièrement à ces gens-là, qui n'ont pas fait les frais du maintien des installations, parce que les gens allaient là strictement pour se dépanner, ils n'avaient pas tout ce qu'il fallait. Est-ce que vous évaluez ce contexte-là peut-être pour aider ces gens-là?

M. Vézina (André): Je vous remercie d'aborder cette question-là parce qu'elle est très pertinente. C'est une situation qui nous préoccupe beaucoup, beaucoup actuellement. Il y a 37 000 entreprises de distribution et de transformation alimentaire dans la zone sinistrée, dont – mon chiffre est imprécis – entre 28 000 et 30 000 sont de petites entreprises, dont des entreprises de distribution, donc, des petits épiciers, des dépanneurs, des petites entreprises de distribution alimentaire, des petits transformateurs. On est très inquiets de l'état de le situation concernant ce secteur-là et on est en train d'essayer de mesurer l'état de la situation.

Ça, ça a été encore plus difficile qu'en agriculture parce que ces gens-là, jusqu'à hier, étaient sinistrés. Il nous était quasi impossible de les rejoindre et, quand on les rejoignait, ils avaient d'autres chats à nous fouetter que de parler de leur situation financière. Alors, c'est à compter de maintenant... Et ils sont beaucoup plus difficiles à rejoindre aussi parce qu'ils ne sont pas regroupés. Il faut quasiment les rejoindre un par un. Il y a moins de lieux de regroupement. Les lieux sont multiples.

Mais on est en train d'évaluer l'état de la situation, et on est, comme vous, très inquiets. Et, en même temps qu'on évalue l'état de la situation et au fur et à mesure qu'on l'évalue, on regarde ce qu'on pourrait faire au niveau d'une aide particulière à l'industrie alimentaire – il n'y a, bien sûr, pas de décision de prise là-dessus – parce que ces gens-là vivent une situation fort différente du reste des secteurs industriels, en raison du fait que, dans beaucoup de cas, ils ont perdu leur inventaire – parce que l'inventaire est périssable ici – soit par le gel ou par le fait qu'il n'est pas réfrigéré, assez curieusement, dépendant des cas.

Dans ce cas-ci, toutes ces petites entreprises, même les entreprises de transformation, ont perdu leur inventaire et risquent de se retrouver dans de sérieuses difficultés quant à la capacité de renouveler l'inventaire. Parce que, non seulement, il leur faut payer pour l'inventaire perdu, mais il leur faut payer maintenant pour le remplacer, et, dans beaucoup de cas, ça risque d'être très difficile. Et il ne faut pas oublier ici les restaurateurs, qui sont exactement dans la même situation.

Alors, il y a les distributions de détail, le restaurateur et les petites entreprises de transformation, qui se sont retrouvés, dans la plupart des cas, sans génératrice et qui ont perdu leur inventaire, et c'est leur inventaire en approvisionnement et en produits transformés, dans le cas de la transformation, et en produits, dans le cas de la distribution et de la vente au détail. La situation, pour plusieurs, peut être difficile.

Le programme déjà annoncé par le ministre des Finances peut temporairement soulager les gens qui vivent des situations financières plus difficiles, mais il sera peut-être insuffisant, dans certains cas. C'est ça qu'on est en train de regarder. Mais on est à l'évaluation de la situation. Et on est en contact là-dessus avec les grandes organisations qui les représentent, bien sûr l'ADA, l'Association des restaurateurs, etc.

Le Président (M. Vallières): Nous savions que c'était un sujet pas facile à aborder en 40 minutes. On a déjà quasiment 50 minutes... Je ne sais si mes collègues veulent peut-être prolonger d'une dizaine de minutes. J'ai une demande du député de Rousseau, des députés de Gaspé, de Marie-Victorin. Alors, on peut peut-être continuer, avec votre consentement, pour 10 minutes additionnelles, ce qui nous permettrait de...

Une voix: ...

Le Président (M. Vallières): ...en essayant d'être très courts dans nos questions et plus rapides aussi dans les réponses.

M. Dion (Saint-Hyacinthe): ...

Le Président (M. Vallières): Avec le consentement du député de Rousseau, il y a la députée de Marie-Victorin qui veut prendre la parole.

M. Brien: Moi, je peux laisser ma place.

(10 h 30)

Le Président (M. Vallières): Oui.

Mme Vermette: C'est là-dessus, en fait, c'est parce que vous avez parlé des entreprises surtout de production dans le domaine alimentaire. Ce qui m'amène aussi à vous parler d'une autre sorte de production, c'est les serres, mais pour les fleurs, tous ces gens-là, dans le fond, qui, eux, sont encore pires, il n'y a aucune couverture. Je pense notamment aux serres de Drummondville; c'est des immenses serres, les roses, et tout ça. Drummond. Qu'est-ce qui va se passer dans ce cas-là? Et tous les petits fleuristes qui ont tout perdu, dans le fond, parce qu'il n'y a pas d'assurance pour ce genre de groupe là? Alors, est-ce que vous avez pensé à quelque chose pour tout le domaine de l'horticulture, en fin de compte, tout ce domaine-là qui est un domaine tout de même assez important sur le plan économique?

M. Vézina (André): Comme je le soulignais tout à l'heure, pour ce qui est des grands complexes de serres, la plupart n'ont pas subi de dommages parce qu'ils avaient de l'électricité alternative. Et, comme ils ont chauffé pendant la période de verglas, le simple fait du chauffage permettait de dégager les structures.

Les assurances sont disponibles et généralement ces gens-là sont assurés. Là où le problème se pose, c'est les petites serres. Particulièrement dans la production des fleurs annuelles, il y a beaucoup, beaucoup de petites serres, mais aussi dans la production de légumes qui, dans certains cas, étaient fermées; dans la plupart des cas, elles sont fermées à cette période-ci de l'année et, le problème, c'est l'écrasement des structures, ici. Comme ils ne chauffaient pas, ils n'ont pas perdu la production. Dans la grande majorité des cas, les petites serres ne sont pas en production au mois de janvier et, justement parce qu'elles n'étaient pas en production, la structure s'est écrasée et ces gens-là ne sont pas, très, très généralement, assurés. Et puis ils ont de bonnes raisons de ne pas être assurés, ça leur coûterait une fortune; leurs revenus sont insuffisants pour leur permettre de payer des primes d'assurance pour couvrir ce genre de dommages, parce que les risques sont toujours assez élevés dans les serres.

Alors, on regarde ça sérieusement, oui, le dédommagement pour le secteur des serres, ça fait partie des choses qu'on étudie très, très sérieusement et on envisage la possibilité de couvrir ces pertes-là qui sont, dans certains cas, des pertes de végétaux, mais plus souvent des pertes de bâtiments uniquement.

Mme Vermette: Ce qui me porte aussi à vous poser d'autres questions. Tantôt, vous parliez au niveau de la production et puis de la distribution, vous mettiez des petits dépanneurs à l'intérieur, qui ont perdu une bonne partie... ou des restaurants, etc., alors, ce qui m'amène à vous poser la question: Qu'est-ce qu'il advient des fleuristes qui, eux, ont perdu, en fin de compte, la majorité de toutes leurs fleurs qu'ils devaient vendre et qui ne le peuvent plus, qui avaient investi énormément d'argent là-dessus? Qu'est-ce qui arrive avec ceux-là?

M. Vézina (André): C'est une bonne question, on va essayer de voir si on peut les couvrir aussi. Ce n'est pas des aliments, mais c'est des produits agricoles périssables.

Mme Vermette: C'est une autre catégorie, évidemment, mais...

M. Vézina (André): C'est la même problématique. Je vous remercie de porter notre attention là-dessus, c'est exactement la même problématique qui est vécue, ici: tous les produits végétaux, animaux, périssables...

Le Président (M. Vallières): Alors, M. le sous-ministre, il y a d'autres questions. Il y aurait peut-être lieu de demander aux députés qui ont été sinistrés de peut-être vous faire part de leurs recommandations. Il y a toutes sortes de cas qui nous sont soumis. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Oui, juste au niveau de la distribution, un exemple. J'avais un de mes collègues de la région de Montréal qui me disait qu'un de ses commettants avait une poissonnerie et a perdu 9 000 livres de homard. Neuf mille livres de homard au prix du marché actuellement – peut-être que lui, au prix du gros, a payé 6 $, 7 $ la livre – c'est 63 000 $, 70 000 $, 75 000 $, juste dans ce produit-là, plus d'autres pertes. Donc, c'est la survie de l'entreprise qui est en cause.

Alors, vous avez démontré une certaine sensibilité, je pense que ce serait important que ces gens-là puissent avoir accès à un certain programme, parce qu'il y va de la survie de l'entreprise, c'est bien évident. Et on sait qu'un vivier, bien, quand tu n'as plus d'électricité... c'est bien beau, tu as 9 000 livres de homard dedans, mais c'est fini.

Moi, ma question, c'est au niveau des acériculteurs de la région de Lanaudière, suite au verglas de l'an passé. J'ai cru comprendre – je pense que j'avais vu ça dans un communiqué du ministre – qu'ils sont inclus dans la démarche actuelle d'un éventuel programme qui pourrait être mis de l'avant pour venir en aide aux acériculteurs. Deuxièmement, est-ce qu'ils sont aussi inclus dans vos négociations avec le fédéral? Parce que j'imagine qu'il y a peut-être un problème, à savoir que ce n'est pas la même année...

M. Vézina (André): Ce n'est pas le même événement.

M. Farrah: ...donc ce n'est pas le même verglas, si vous me permettez l'expression. Alors, juste pour clarifier la situation à ce stade-ci, ou, du moins, à votre niveau, est-ce qu'ils vont être touchés par un éventuel programme et est-ce qu'ils feront partie des négociation? Ça va de soi, évidemment!

M. Vézina (André): Ici, la règle de l'équité va s'appliquer. C'est-à-dire qu'ils seront touchés par le nouveau programme et tout ce qui est couvert dans la zone sinistrée actuelle sera aussi couvert dans Lanaudière. Maintenant, puisqu'on parle de Lanaudière, il faut quand même reconnaître ici que ce n'est absolument pas les mêmes niveaux de dommages dont on parle. Il y a eu quelques cas locaux dans Lanaudière, où il y a eu des dommages assez considérables, mais on n'était pas dans une situation comme celle vécue dans la Montérégie, dans une partie de la Beauce et dans l'ouest, dans une partie de l'ouest, de la région plus à l'ouest du Québec, actuellement. Il n'y a pas de pertes totales. Il n'y avait pas de pertes de 75 % puis de 60 %. Puis c'est des pertes qu'on a estimées à l'époque, dans les zones les plus endommagées – si je ne me trompe pas, je vais essayer de ne pas faire d'erreur – des pertes d'arbres, et non pas de production, de branches, de l'ordre de 20 %. Alors, on ne parle pas des mêmes niveaux de dommages du tout.

Maintenant, toutes les normes d'un éventuel programme, qui s'appliqueront dans la région sinistrée actuelle, s'appliqueront aussi dans la région de Lanaudière. Alors, ce qui veut dire que les gens de Lanaudière qui ont subi des dommages sérieux et de véritables pertes de production seront couverts par l'éventuel programme, et ça fait partie de la demande au fédéral, bien sûr.

M. Farrah: Même si ce n'est pas le même sinistre, ça ne semble pas faire problème?

M. Vézina (André): Ça fera partie de la demande aussi. On verra ce que ça donne.

Le Président (M. Vallières): Bien. M. le député de Rousseau ou le député de Gaspé. On pourrait terminer sur ce sujet-là avec l'un ou l'autre. M. le député de Rousseau.

M. Brien: Merci, M. le Président. C'est bien sûr que, quand on est le dernier à poser une question, il y a beaucoup de choses qui ont été dites. Moi, ma question porterait peut-être sur... Bon. L'an passé, bien sûr, dans Lanaudière il y avait eu un verglas d'importance. On m'expliquait au MAPAQ que, vous savez, souvent – je ne dis pas pour les gros producteurs qui en vivent et qui ont une production importante – beaucoup d'agriculteurs ont aussi une terre à bois qu'ils vont entailler, où ils vont récolter en quelque sorte, où ils vont produire du sirop d'érable et d'autres produits de l'érable.

On disait que la difficulté était souvent que ces revenus-là, parce qu'ils étaient assez modestes ou que les gens faisaient ça en complémentarité avec, je ne sais pas, une production laitière ou avec d'autres types de production, bien, ça n'apparaît pas toujours dans les livres. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

M. Vézina (André): Moi, je pensais que tous les revenus de tous les citoyens du Québec apparaissaient dans les livres.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brien: Bien, c'est souhaitable.

M. Vézina (André): Je suis peut-être un peu naïf, ici. S'il y en a qui n'apparaissent pas dans les livres, c'est à notre insu.

M. Farrah: ...noir. C'est ça que vous voulez dire?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézina (André): Je pense que s'il y avait des citoyens au noir, généralement ils ne se présentent pas aux programmes d'aide parce que, du coup, le noir devient blanc, alors...

M. Brien: Vous savez, c'est certainement difficile de... Quelqu'un va dire: Bien, moi, ça a endommagé mon érablière, ce n'est pas croyable. Puis, moi, je suis le premier à défendre mes agriculteurs. Je dis: Qu'est-ce que tu as comme production? Bien là, tu sais, des fois, il y a des gens qui aiment mieux ne pas trop en parler. Vous comprendrez que là, à ce moment-là, c'est difficile d'indemniser quelqu'un si ce n'est pas déclaré.

M. Vézina (André): S'il n'en parle pas.

M. Brien: Est-ce que vous comprenez mon point de vue?

M. Vézina (André): Oui, oui, très bien. Ça fait partie des difficultés.

Le Président (M. Vallières): Oui. Il y a bien des sujets qu'on pourrait aborder, M. le sous-ministre. Il y a entre autres tous ceux qui ont des exploitations forestières, les gens qui vivent de la forêt ou qui l'ont aménagée pendant des années et qui ont des problèmes importants dans leur boisé. Je sais qu'il y a beaucoup de questions là-dessus. Je parlais avec des gens de la région de Saint-Georges-de-Windsor, récemment, chez nous. C'est sûr qu'on ne peut pas tout vider ces questions-là ce matin. On s'était donné une demi-heure et on a pris une heure, finalement.

Alors, je pense qu'on peut vous renouveler... et vous aurez très certainement beaucoup de correspondance de la part des députés. Il y a des choses qui rentrent, qu'on découvre, des problèmes qu'on n'avait pas imaginés et qui, en bout de piste... Faute de programmes, la porte d'entrée, c'est souvent le bureau du député du comté; alors, attendez-vous à recevoir, comme ça, beaucoup de suggestions ou de problèmes qui nous sont soumis. Un peu comme le demandait le député de Nicolet tantôt, la question, c'est que les gens nous disent: Bien, vous allez faire quoi avec ça? Donc, conséquemment, sachez que, quand on vous le demande, c'est parce qu'on ne sait pas trop ce qu'on peut faire avec et qu'on se fie sur l'expertise du ministère pour, non seulement en prendre note, mais donner le suivi à ces demandes auprès souvent des individus ou des entreprises de nos comtés respectifs.

Ceci nous amènerait... M. le député de Nicolet-Yamaska.

(10 h 40)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Juste deux secondes. Il y a des affaires aussi curieuses que l'approvisionnement: on ne recueillait pas le lait. On a demandé aux agriculteurs de jeter leur lait. À certains endroits, il y a eu des plaintes à l'Environnement. Parce que, il y a une couple d'années, quand on jetait le lait...

Mme Vermette: L'Environnement puis l'Agriculture, c'est...

Une voix: Mais c'est la couleur de la neige!

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Non, mais vous voyez un peu la difficulté que nous avons, des fois, dans nos bureaux à répondre à une question aussi... bien, je pense, qui est correcte parce que, l'an passé, ou il y a deux ans, ou 10 ans, un agriculteur qui jetait son lait dans le fossé, il y avait une plainte à l'Environnement. Là, il l'a jeté, ça fait que le voisin, il a fait une plainte. Puis qu'est-ce qu'on fait avec?

Une voix: On attend la fonte des neiges!

Le Président (M. Vallières): Très bien. Alors, M. Vézina.

M. Vézina (André): Des questions comme ça, je dois vous dire qu'il s'en est soulevé pendant tout l'événement, des situations qu'on n'avait pas prévues. Et, dans le cas du lait jeté, il y avait eu entente avec le ministère de l'Environnement sur la manière de jeter le lait et les producteurs concernés avaient été avisés, par nous et par la Fédération des producteurs de lait, sur la façon la moins dommageable de le faire. Alors, tous les agriculteurs avaient été prévenus.

Le Président (M. Vallières): Ce n'était pas facile de les rejoindre, à cette époque-là, il y en a qui n'avaient pas de courant, pas de téléphone non plus. Alors, c'était une situation d'urgence.

M. Vézina (André): Dans certains cas, ils n'ont peut-être pas respecté totalement, mais...

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ma question ne se veut pas une question plate, c'est un exemple de détails, des fois, qu'on a à essayer de résoudre le mieux possible. J'imagine que, chez vous, je pense que ça doit être pire.

M. Brien: Juste un commentaire. Merci, M. le Président. Moi, je me pose comme question, puis c'est bizarre à dire: Quand on jette 3 500 000 de litres de lait, il n'y avait aucune façon de conserver ce lait-là quand on est au mois de janvier? À ce que je sache, à l'extérieur, il faisait toujours bien à peu près autour de 0°C ou un peu plus bas. Vous savez, juste à penser à nos grands-pères qui avaient une glacière avec un bloc de glace puis du brin de scie, ils conservaient le lait. Il n'y avait pas de frigo, comme on dit. Est-ce que ces litres de lait ont été jetés délibérément, dans le sens que, bon, bien, on ne sait pas quoi faire avec, on le jette, ou s'il n'y avait pas une façon intelligente, avec des systèmes, de le conserver quelques jours supplémentaires? Je sais que c'est une logistique qui n'est peut-être pas facile, mais, du lait, en hiver, il doit y avoir moyen de le conserver un certain temps.

M. Vézina (André): M. le Président, s'il y avait eu des façons, je suis sûr qu'on y aurait eu recours. Je ne veux pas entrer techniquement dans l'affaire, ça serait complexe, mais je veux juste vous dire que ce n'était pas techniquement possible, que c'était techniquement impossible compte tenu des volumes de lait et compte tenu qu'il fallait libérer l'espace pour les traites à venir. Et du lait, ça ne se stocke pas dehors, même en hiver. Je ne veux pas entrer là-dedans, mais on est là pour protéger la santé des citoyens.

M. Brien: Alors, tout a été fait pour éviter le gaspillage?

M. Vézina (André): L'impossible a été fait, je dirais, et plus que l'impossible pour trouver des lieux pour distribuer le lait. Et, dans les circonstances, ça tient quasiment du miracle, ce qu'on a réussi ici. Puis, quand je dis «on», j'exclus la personne qui parle. Il faut féliciter la Fédération des producteurs de lait, ici, qui est responsable de la distribution des produits laitiers, vous le savez. Il y a eu des ententes de faites avec les provinces voisines pour distribuer le lait, il y a eu des camions qui sont venus de l'extérieur de la province, tout a été fait. Il y a eu du lait distribué en Ontario, au Nouveau-Brunswick, partout ailleurs au Québec, avec les usines qui ont accepté de recevoir le lait pendant les quelques jours – ça a duré quelques jours seulement, ça – où ça a duré. Vraiment, l'impossible a été fait et réussi, je dirais. Somme toute, le lait a continué d'être livré, sauf pour une très, très courte période.

M. Brien: C'est bon à entendre, M. Vézina.

M. Vézina (André): Et même au niveau des gouvernements il a fallu très rapidement, en quelques heures, émettre des permis particuliers, utiliser des mesures réglementaires tout à fait particulières pour permettre la circulation des camions, le transport du lait dans des lieux où normalement il était interdit de l'expédier. Il y avait toutes sortes de règles sur lesquelles il a fallu réagir très rapidement. Tout a été fait, ici; tout a été fait.

Le Président (M. Vallières): Bien.

M. Brien: Merci.

Le Président (M. Vallières): Ceci met fin à ce bloc qu'on voulait examiner. Je m'excuse auprès du député de Gaspé. Peut-être tantôt, dans une question, vous pourrez dévier sur un autre sujet et la poser. Je connais votre adresse.

On pourrait passer, M. le sous-ministre et chers collègues, à l'autre partie de nos travaux en demandant au sous-ministre de nous faire une présentation sur le bilan d'ensemble des tables filières et on pourra ensuite, table par table ou de façon générale sur l'ensemble des tables dont on a convenu, passer aux questions des députés, aux échanges avec les membres de la commission. M. le sous-ministre, la parole est à vous.

M. Vézina (André): M. le Président, je dispose de combien de temps?

Le Président (M. Vallières): On avait parlé d'une présentation d'environ 30 minutes. Alors, c'est sûr que, si vous le faites en 20 minutes...

M. Vézina (André): Je vais essayer...

Le Président (M. Vallières): Il y a quand même un éventail assez grand à couvrir.

M. Vézina (André): Oui. Alors, je vais essayer...

Le Président (M. Vallières): Donc, vous disposez de 30 minutes.


Exposé du sous-ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation

M. André Vézina

M. Vézina (André): Merci, M. le Président. Je vais donc essayer, dans les minutes qui vont suivre, de vous permettre de mesurer et de comprendre l'évolution des filières agroalimentaires et d'en saisir aussi, dans toute la mesure du possible, tout l'impact. On va essayer par la suite, bien sûr, de répondre à toutes vos questions là-dessus. L'éventail est très large mais, s'il arrivait qu'il y ait une question précise à laquelle on n'est pas capable de répondre, soyez assurés qu'on s'engage, dans les heures qui suivent, à vous trouver la réponse parce que l'éventail, je vous le dis, est considérable; il y a 25 filières agroalimentaires en opération. Et, bien sûr, on sera heureux de recevoir, le cas échéant, toutes vos recommandations quant au développement de cette formule des filières en agroalimentaire.

Dans les minutes qui vont suivre donc, on va essayer rapidement de voir d'où on est parti avec ça. Ça origine d'où, ça, les filières? Qu'est-ce que c'est au juste? Comment ça opère? Où nous en sommes aujourd'hui? Et quelles sont les perspectives de développement autour de cette formule des filières? Et, au passage, on indiquera tout le support qui est apporté au développement des filières.

D'abord, d'où origine cette idée des filières? Très, très rapidement. Je dois vous dire que je suis bien content d'aborder cette question-là avec vous parce que je n'étais pas là au moment où c'est né, où ça a été confirmé, j'étais ailleurs, mais j'étais là pendant la période de gestation, au moment où cette idée a germé. Et la gestation de ça, ça remonte à la fin des années quatre-vingt où le ministère avait décidé de mettre en place, dans des secteurs choisis et bien ciblés, des secteurs qui étaient considérés comme des secteurs de production en développement au Québec, avait choisi de préparer ce qu'on avait appelé à l'époque des plans d'intervention intégrés avec la formule suivante – et vous allez voir que c'est très proche de ce qu'allaient devenir plus tard les filières – c'est qu'on avait décidé donc, dans des productions ciblées qui étaient les productions de l'horticulture ornementale, la production ovine, la production bovine, l'agriculture biologique, la production en serres et la production de soya, donc dans des productions dont on reconnaissait qu'elles avaient des potentiels de développement, d'asseoir autour d'une table tous les intervenants impliqués dans ces secteurs-là, par production donc, et de désigner un répondant ministériel – un coordonnateur ministériel qu'on appelait à l'époque – qui devait réunir ce monde-là et les amener à préparer un plan visant à développer ces productions-là. Et dans tous les cas il y a eu des plans de produits, il y a eu des tables de créées, mais qui n'avaient pas de caractère pérenne comme c'est le cas aujourd'hui. Il y a eu des tables de créées, des plans de produits. On a appelé ça des plans d'intervention intégrés, à l'époque, qui ont été rendus publics et qui ont conduit à des actions très nombreuses et qui ont contribué de façon importante au développement de ces productions-là au Québec.

Donc, ça, ça s'est produit... les plans d'intervention intégrés ont été élaborés en 1990-1991, et principalement en 1990. Ils ont presque tous été connus en 1990. Et c'est fort de cette expérience que, lors du Sommet de 1992, Sommet sur l'agriculture québécoise de 1992, a été consacrée cette formule-là comme devant être une bonne formule et on a davantage développé cette formule-là comme une formule prometteuse pour la réalisation du grand objectif commun que s'était donnée l'industrie agroalimentaire au Sommet de 1992, qui était celui de la conquête des marchés. Et l'approche filière a donc été privilégiée afin de concrétiser cette volonté de dialogue et de structurer la concertation pour l'ensemble de l'industrie agroalimentaire.

(10 h 50)

L'approche filière, c'est quoi? Il faut bien comprendre de quoi on parle. L'approche filière, c'est simplement une méthode de travail originale et structurée par laquelle tous les partenaires, qu'ils soient des secteurs publics ou privés, d'un secteur donné, secteur qu'il nous faut dans chaque cas identifier – au passage, on verra que ça a évolué beaucoup dans le temps, ça, cette façon de définir les secteurs – donc, une méthode de travail par laquelle tous les partenaires d'un secteur se concertent afin de tisser des liens d'affaires en vue d'augmenter leur capacité concurrentielle sur les marchés intérieurs et extérieurs. Donc, c'est dans une visée de marché, de développement des marchés, que ça existe, les tables filières. Et c'est en fait, très simplement, une structure de concertation de tous les gens concernés qui sont invités à développer des liens d'affaires pour être plus concurrentiels sur les marchés.

La table filière donne la possibilité à ses membres de se rendre compte de leur interdépendance mutuelle et des avantages que leur rapporte la concertation. Au centre des filières on retrouve, bien sûr, toujours minimalement, les trois grands maillons de la chaîne agroalimentaire, à savoir: les gens de la production, de la transformation et de la distribution. Et, très généralement – et on peut dire dans presque tous les cas maintenant – s'ajoutent aux membres de ces trois maillons les fournisseurs de produits et services, tant publics que privés, fournisseurs de produits et services à la fois à la production mais, d'autres fois, à la transformation et à la distribution aussi, tous ces gens qui fournissent des équipements et des intrants.

L'approche filière, c'est important de le souligner ici, a été et est suivie avec beaucoup d'attention dans plusieurs, dans la plupart des provinces canadiennes, surtout dans les provinces voisines, et dans plusieurs pays à travers le monde. Vous seriez surpris de constater qu'en Europe les gens préoccupés d'agroalimentaire sont au courant de l'existence de cette approche filière au Québec et nous questionnent souvent sur les retombées et l'impact de cette approche filière. Et certains pays d'Europe, vous le savez, ont eux-mêmes vécu dans des secteurs particuliers des approches similaires. Et particulièrement en 1995, lors du congrès de la FAO, on a pu saisir tout l'intérêt des pays, d'autres pays quant à cette méthode originale de concertation qui a été mise en place au Québec.

Qui participe aux tables filières? Deuxième question que je veux aborder ici. Bien, il y a maintenant plus de 500 personnes, au moment où on se parle, 520 personnes et un peu plus là, qui sont précisément inscrites dans des tables filières, qui travaillent dans des tables filières. Et ça se distribue comment la participation aux tables filières? Alors là, c'est très intéressant, on constate que c'est très équilibré: 25 % des membres des tables filières sont des producteurs et des productrices agricoles; 18 % sont des représentants de l'industrie de la transformation et du conditionnement des aliments; 20 % sont des représentants de la distribution, de la restauration et de la commercialisation, donc du troisième maillon – alors, 25 %, 18 %, 20 %, c'est quand même assez équilibré – 24 % sont des représentants des différents niveaux de gouvernement; et 13 % sont des représentants d'autres secteurs, mais, en particulier, les entreprises de services à la production ou à la transformation, des entreprises d'intrants, qu'il s'agisse d'intrants financiers, comme des gens du secteur bancaire, d'intrants au niveau des aliments, au niveau des semences, au niveau des équipements, donc tous les gens qui donnent des services aux entreprises directement impliquées. Le nombre de membres varie considérablement d'une table à l'autre. Ça va d'une quinzaine à plus d'une quarantaine, dépendant des secteurs.

Quel est le travail d'une table filière? Ça fait quoi, ça, une table filière? Essentiellement, dans le travail, les étapes suivantes sont normalement franchies. La première chose qu'elles font, c'est de prendre le temps de se connaître un peu – et déjà c'est un travail considérable et ce n'est pas facile – et d'échanger de l'information pour essayer d'identifier c'est quoi les opportunités, quelles sont les opportunités du secteur et quelles sont les barrières au développement du marché dans le secteur. Et, une fois ce premier diagnostic fait, ces gens-là sont invités à développer une vision commune du devenir de leur secteur de produits. Ils sont invités ensuite à élaborer – et c'est là le coeur et l'essence même de toute l'affaire – un plan stratégique. Ce qu'on demande aux gens en filière, c'est: Vous vous faites un plan stratégique de développement des marchés et ce plan stratégique débouche normalement sur la préparation d'un plan d'action commun. Et, une fois ce plan d'action élaboré, bien, est mise en place ensuite une structure qui permet de stimuler la synergie entre les membres de la filière pour la réalisation des projets retenus dans ces plans d'action. Alors, essentiellement, c'est ça le travail d'une filière. D'abord, on prend connaissance de ce que font les uns et les autres, quelles sont les attentes, on pose un diagnostic, on fait un plan stratégique, on fait un plan d'action et on le réalise.

Quelles sont les conditions, les règles à respecter pour que la filière existe et pour qu'elle soit supportée par le gouvernement? J'y reviendrai tout à l'heure, mais on sait que c'est une structure qui est fortement supportée par le gouvernement et par le MAPAQ, en particulier. Alors, les règles pour qu'une filière reçoive le support de l'État et qu'elle soit donc reconnue par le MAPAQ sont les règles suivantes: D'abord, une filière doit faire référence à un produit ou à une catégorie de produits qui ont des problématiques communes. On a déjà rencontré des problèmes là-dessus. Par exemple, au début, on avait regroupé les gens de l'horticulture tous ensemble. On a vite réalisé que c'était un non-sens, ça, parce qu'en horticulture les problématiques sont fort distinctes, parce que c'est des catégories de produits fort différents. Ensuite, on a divisé la filière horticole en plusieurs filières: la filière de l'horticulture ornementale, la filière de l'horticulture maraîchère, la filière des productions en serres, les légumes destinés à la transformation par rapport aux légumes frais, etc., on a divisé les tables horticoles.

Alors, d'abord donc une filière doit faire référence à un produit ou à une catégorie de produits où les problématiques sont communes. Une filière doit compter des participants engagés et démontrant une volonté d'agir pour rendre leur secteur plus concurrentiel. Si les gens ne veulent pas travailler ensemble, il n'y a pas de forcing là; ce n'est pas une affaire obligatoire, ça, une filière, c'est une affaire volontaire. Et, pour qu'on reconnaisse une filière, nous autres, il faut que les trois maillons de la chaîne y soient représentés, il faut que les producteurs soient prêts à s'asseoir avec des transformateurs et des distributeurs, et vice versa, et si possible qu'on joigne à ça des intervenants périphériques.

Une filière doit atteindre une représentation équilibrée entre tous ses maillons. On ne serait pas prêt à supporter une filière où il y aurait 10 producteurs et un transformateur et un distributeur qui vient de temps en temps. Alors, une filière, ça doit représenter tout le secteur de l'industrie. Lors des rencontres, les membres d'une filière doivent aborder des sujets ou des problèmes communs qui font appel au maillage entre eux. Ce n'est pas une table où on vient approuver des projets privés ou des projets d'un individu ou d'une entreprise quelque part, c'est des projets qui doivent faire appel aux différents intervenants et qui nécessitent un maillage. Et ça doit déboucher, le travail d'une filière, sur des projets concrets. Ceux qui se réuniraient pendant des années pour juste parler, si ça devenait une table d'information, pour nous, ce n'est pas suffisant pour qu'on continue d'apporter du support, il faut que ça débouche sur quelque chose de concret.

Si on regarde l'évolution en termes de nombres: en 1991, il y avait une filière; en 1992, il y en avait neuf lors de l'année d'officialisation de cette formule-là; et, en 1996, il y avait, et encore aujourd'hui, 25 tables filières différentes. Je ne vous les nommerai pas ici, ce serait un peu long, mais il y en a 25. Ça va du porc, d'une très grande production, jusqu'aux fourrures d'élevage et aux eaux embouteillées. Alors, il y a vraiment beaucoup de secteurs, de produits qui sont couverts.

Si on parle maintenant du soutien aux tables filières, du soutien des gouvernements et du ministère en particulier, parlons d'abord du soutien propre au ministère, c'est-à-dire le soutien administratif aux filières. Alors, le MAPAQ, vous le savez, soutient les filières et il joue trois rôles principaux. Le premier, c'est un rôle de catalyseur, c'est-à-dire que c'est un rôle qui consiste à créer un environnement favorable à la concertation pour la mise sur pied des tables filières, qui favorise l'établissement et le maintien d'un climat d'échanges entre les maillons de la filière. Des fois, on a eu du succès, d'autres fois, pas beaucoup. Mais c'est le premier rôle du ministère en support aux filières, c'est un rôle de catalyseur.

(11 heures)

Le deuxième rôle, c'est celui de rassembleur. Alors, catalyseur, si vous voulez utiliser une image, on fait de l'entremettage, on est un peu des entremetteurs. Un rôle de rassembleur, c'est-à-dire que notre rôle consiste à s'assurer la présence et la participation confiante de tous les partenaires. Une fois qu'on a démarré l'affaire, nous autres, on essaie de convaincre les gens de rester et on essaie de leur faire comprendre les avantages qu'ils ont à rester là-dedans et les gains qu'ils vont en retirer. Et finalement un rôle de facilitateur, en mettant à la disposition des membres des filières des ressources et de l'expertise.

En fait, autour des tables filières, au ministère, il y a six acteurs différents, qui sont tous impliqués dans les tables filières, dont un est un acteur à temps plein, consacré au travail en filières. Bien, il n'y en a pas une au ministère, il y a 25 tables, il y a 25 personnes qui travaillent pour supporter les filières. Donc, le premier acteur, c'est ces gens qu'on appelle jusqu'à maintenant des secrétaires coordonnateurs, c'est-à-dire une personne dont les services sont offerts aux filières pour organiser tout le travail des filières – alors, c'est le secrétariat des filières – mais aussi pour supporter les filières dans les relations entre les membres, dans la fourniture d'expertises à la table filière, etc. C'est les gens qui sont chargés, en quelque sorte, de la gestion de la table filière.

Le deuxième acteur, c'est que, pour chacune des filières, le ministère désigne un responsable gouvernemental qui est une personne qui fait généralement partie du personnel d'encadrement du ministère et qui est une personne qui est en mesure de véhiculer les positions ministérielles sur les différents programmes concernant le secteur, qui est en mesure d'expliquer et de faire comprendre quels sont les programmes ministériels existants, qui est chargée pour le ministère de prendre connaissance des besoins du secteur concerné, de ramener ça au ministère, d'acheminer au ministère et de faire comprendre au ministère les demandes du secteur concerné, donc de la table filière concernée, et qui s'assure ensuite, dans le ministère, que des suivis sont donnés aux demandes des tables filières et que le ministère va respecter ses engagements une fois qu'ils sont pris face aux tables filières.

Il y a donc deux acteurs principaux importants: le secrétaire coordonnateur, qui s'occupe, en quelque sorte, de la gestion de la table filière, et le responsable ministériel, qui est le porte-parole du ministère dans la table filière et le porte-parole de la filière dans le ministère, qui est le pont entre la filière et le ministère.

S'ajoutent à ceci, depuis deux ans maintenant, des agents de liaison marketing qui sont mis à la disposition des tables filières, des gens qui proviennent de notre Direction du développement du marché et qui fournissent une expertise-conseil dans le domaine du développement des marchés compte tenu de la finalité des tables filières. Finalement, il ne faut pas oublier que toutes les directions du ministère, sans exception, sont appelées, à travers notre secrétaire coordonnateur et notre responsable gouvernemental, à mettre à la disposition des tables filières des ressources expertes suivant les besoins de la filière. Il y a un besoin particulier, il y a un expert quelque part, on le met à la disposition de la table filière.

Le réseau des secrétaires coordonnateurs du ministère reçoit... On a mis sur pied, pour appuyer, plutôt, les secrétaires coordonnateurs du ministère, un réseau d'appui à ces secrétaires-là pour développer leur capacité d'animation, d'entremettage, d'information et de services à donner aux tables filières. On a créé au ministère un réseau d'appui pour que nos secrétaires coordonnateurs remplissent pleinement leur rôle auprès des tables filières. Il y a une personne qui coordonne notre réseau de secrétaires coordonnateurs et qui voit notamment à la publication d'un bulletin d'information sur les tables filières – vous avez reçu, dans la documentation qu'on vous a fait parvenir, un exemple de ce bulletin d'information – qui voit à la mise à jour de notre site Internet sur les tables filières parce que les 520 membres des tables filières ont accès – et les autres personnes aussi, mais en particulier nos 520 membres – via Internet, à tout ce qui se passe dans le réseau des tables filières. Et on organise les rencontres des différents acteurs concernés par les tables filières.

Les coûts pour le ministère de ce support aux tables filières, les coûts directs – je ne parle pas de toute l'intervention qu'on fait – sont de l'ordre de 850 000 $ par année, support administratif aux tables filières, c'est-à-dire le salaire des secrétaires coordonnateurs, les coûts de fonctionnement et une partie du salaire des responsables gouvernementaux.

Qui se préoccupe de suivre d'une façon particulière l'évolution des tables filières et de supporter le développement de cette formule-là? Eh bien, c'est une tâche qui est réalisée par un groupe qu'on appelle la filière agroalimentaire. C'est-à-dire qu'il y a une grande filière, en quelque sorte, qui est, elle, une table qui regroupe tous les grands représentants – j'y reviendrai – des grands secteurs de l'industrie agroalimentaire. Cette filière agroalimentaire a deux mandats. Le premier, c'est ce dont je viens de parler, elle a le mandat de travailler au suivi global des travaux des tables filières par des rencontres d'échanges avec les différentes tables filières, par la production d'un bilan périodique, d'un résultat des tables – c'est elle qui suit le développement de cette formule-là, qui essaie de mesurer l'impact de cette formule-là – et par la tenue de forums pour faire connaître les résultats de ces tables.

Alors, ça, c'est ce qu'on appelle la filière agroalimentaire, qui est issue de ce qui s'est appelé antérieurement le comité de suivi du sommet. On se rappellera que, lors du sommet de 1992, il y avait eu un comité de suivi de formé qui supervisait les travaux de plusieurs comités et qui supervisait aussi le travail des tables filières et qui voyait au développement de la formule des tables filières. Tous les comités qui avaient été formés ont terminé leurs travaux depuis un joli bout de temps maintenant et est resté le mandat de superviser le travail des tables filières. Maintenant, ce comité s'est transformé en filière agroalimentaire parce qu'il s'est donné un autre mandat, qui déborde celui de suivre les tables filières, et qui est celui de réaliser des projets communs qui concernent l'ensemble du secteur agroalimentaire. C'est donc devenu une filière pour le secteur agroalimentaire pour des projets à caractères horizontaux. Et c'est devenu, donc en mai 1996, ce qu'on a appelé la filière agroalimentaire, qui a réalisé plusieurs grands projets horizontaux et qui approuve et réalise elle-même des projets ou qui approuve des projets des membres de cette grande filière alimentaire là.

Qui sont ses membres? Alors, rapidement, sont membres de la filière agroalimentaire, avec deux représentants par organisation, l'Union des producteurs agricoles – et c'est les présidents des organisations qui sont toujours à cette table, accompagnés d'une personne qu'elles désignent – la Coopérative fédérée de Québec, l'Association des manufacturiers de produits alimentaires, le Conseil canadien de la distribution alimentaire, l'Association des détaillants en alimentation du Québec, des représentants des tables de concertation régionales et, bien sûr, le ministère de l'Agriculture, avec trois membres: le ministre, le sous-ministre et un sous-ministre adjoint, M. Dion ici présent.

À ce jour, la filière agroalimentaire a réalisé ou approuvé plusieurs projets. Je vous signalerai simplement à titre d'exemple un projet qui est peut-être mieux connu, c'est celui relativement à la promotion de l'achat des produits québécois. C'est cette table filière qui a lancé ce programme-là, qui l'a élaboré, cette grande campagne de promotion des aliments du Québec qui a eu cours et qui a toujours cours au cours de la présente année. Alors, c'est un exemple que je vous donne au passage, je pourrais donner beaucoup d'autres exemples.

Le soutien financier, maintenant, aux tables filières. Eh bien, il existe deux formules de soutien financier: une qui a complété son oeuvre maintenant et une qui a pris naissance l'année dernière. Alors, on vous a fait parvenir ce programme, qu'on appelle le Programme d'appui à la concertation en agroalimentaire, qui est un programme financier d'appui aux tables filières, qui a été annoncé en juin 1997, lors du Sommet sur l'économie et l'emploi, un programme auquel on avait consacré, en 1997-1998, donc pour l'année qui se termine, un budget de 2 000 000 $, un programme qui est en quatre volets.

Premier volet, appui à la prise en charge des tables de concertation, c'est-à-dire que, s'il y a une table de concertation ou une table filière qui veut s'embaucher du personnel pour assurer elle-même son fonctionnement, eh bien, le ministère offre une aide pouvant atteindre 70 % des dépenses, jusqu'à un maximum de 50 000 $ par année.

Deuxième volet, appui financier aux projets rassembleurs, là aussi une subvention qui peut atteindre jusqu'à 70 %, jusqu'à un maximum de 50 000 $.

Troisième volet, appui à la conclusion d'ententes de partenariat avec le MAPAQ. Il peut arriver que des filières veulent faire une entente pour utiliser par exemple des actifs du MAPAQ, pour utiliser des lieux, pour utiliser des équipements, pour utiliser des personnels, voire même, alors une aide financière complémentaire limitée à 50 000 $. Ici, l'aide n'est pas tellement financière, mais c'est toutes les fournitures de personnel et d'équipement, ou de lieux, peu importe, qui font partie de l'entente avec la table filière.

(11 h 10)

Et le quatrième volet est ce qu'on appelle le projet d'appui à la réalisation de projets majeurs, où l'aide peut atteindre jusqu'à 50 % des dépenses, pour un maximum de 250 000 $, sauf s'il s'agit d'un projet de veille commerciale ou de veille technologique, là, l'aide peut atteindre jusqu'à 70 %.

Comment est géré ce programme-là? La coordination de la gestion du programme est assurée par un comité composé des représentants de la grande filière agroalimentaire, donc de ces grands groupes dont je vous ai parlé tout à l'heure. Jusqu'à aujourd'hui, pour l'année en cours, on avait, je vous ai dit, un budget de 2 000 000 $. L'année se termine et, à date, on a 1 900 333 $ de projets en traitement et on a 1 110 000 $ d'argent déjà consenti, déjà engagé. Alors, pour une première année d'opération du programme, on est plutôt satisfait. Je pourrais vous donner plus d'informations sur les filières qui ont bénéficié, bon, peut-être pendant la période des questions, je ne veux pas être trop long ici, je ne veux pas abuser de votre temps et de votre attention.

Antérieurement à ce programme a existé, à partir de 1993, un programme dont l'enveloppe totale de 1993 à 1998, donc pour cinq ans, était de 2 500 000 $, un programme qui s'est étalé sur cinq ans, qui était un programme issu d'une entente Canada-Québec sur le développement agroalimentaire, programme qui se termine en mars. Alors, le programme dont on vient de parler ici, qui est un programme provincial, prend le relais de ce premier programme d'appui aux filières où, à l'époque, il avait été convenu, en 1992, que, via cette entente fédérale-provinciale, on accorderait un appui financier aux tables filières et que le soutien administratif, bien sûr, serait donné par le MAPAQ. Alors donc, ce programme disposait d'une enveloppe de 2 500 000 $, qui est maintenant totalement engagée, puisque le programme se termine en mars.

L'aide financière de ce projet était cependant beaucoup plus restreinte en termes de portée. Elle ne pouvait dépasser 50 000 $ par projet et devait être liée à la réalisation d'études de marchés, de projets d'amélioration de la compétitivité ainsi que des projets de développement des connaissances et de savoir-faire. C'était le type d'activités qui étaient généralement admissibles à ce programme-là. Au 31 décembre de cette année, 76 projets ont été supportés, donc au cours de ces cinq années, par ce programme en vertu de l'entente Canada-Québec. La distribution des projets est très inégale entre les filières. Ça dépendait de la maturité et de l'âge des filières. Bien sûr, la filière qui en a davantage profité, avec 15 projets pour un total de 573 000 $, c'est la filière porcine, et arrive bonne deuxième la filière veau lourd.

Après cinq ans d'existence de l'approche filière, ou presque, les membres de la filière agroalimentaire ont décidé l'année dernière d'en faire une évaluation en organisant ce qu'on a appelé Le Rendez-vous des filières – vous l'avez d'ailleurs, on vous a distribué le bilan des tables filières qui avait été déposé lors de ce Rendez-vous des filières – et ce qu'il faut retenir essentiellement, c'est trois choses, si on essaie de résumer ça, parce qu'il y a beaucoup de choses... il y a eu un sondage à ce moment-là et il y a beaucoup de choses qui ont été extraites de ça. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que, lors de ce Rendez-vous, il y avait 300 personnes présentes. Eh bien, ce qui s'est produit, c'est qu'on a réitéré de façon très forte l'appui à cette formule des tables filières.

Et, dans le cadre d'un sondage sur le niveau de satisfaction, tenu lors de cette rencontre, on a réalisé – première chose – que le taux de satisfaction s'était accru de façon importante autour des tables filières, le taux de satisfaction des participants aux tables. En 1995, ce taux était de 57 % alors que, en 1996, il était passé à 82 % – parce qu'on a fait des sondages de façon récurrente. C'est 82 % des gens qui se sont dit plutôt satisfaits ou très satisfaits de la formule, de leur participation aux tables filières. Il faut dire que les participants à cette rencontre-là étaient des membres des tables filières, ceux qui étaient invités étaient bien sûr des gens qui travaillaient dans les filières.

Et ces gens-là ont identifié que le principal facteur de réussite de l'approche filière était celui de l'engagement des participants. Ça marche si le monde s'engage là-dedans puis si les gens sont prêts – excusez l'expression... non, je ne le dirai pas, c'est trop digne ici – s'ils sont prêts à mettre toute l'information sur la table, à présenter l'information et à échanger l'information, puis à se présenter comme ils sont, soit comme distributeurs, soit comme transformateurs, soit comme fournisseurs d'intrants, soit comme producteurs. Donc, ça fonctionne quand il y a un bon engagement des participants. Et le principal facteur à améliorer, qui a été identifié, quand on a posé la question: Quel est le principal facteur à améliorer dans cette formule? ce qui a été retenu, c'est la réalisation de projets concrets. Ça commence à opérer puis à bien marcher quand on décide ensemble de faire des projets concrets.

Si on voulait mesurer la performance des filières – je vais terminer avec la performance et les niveaux d'attente – je vous dirai que, par filière en tout cas, c'est très inégal. Il y en a qui ont progressé de façon phénoménale dans leurs travaux, et c'était bien sûr, comme je l'ai dit tout à l'heure... ça se produisait en fonction de l'intérêt et des préoccupations des participants. Il y en a qui ont progressé de façon phénoménale. La filière porcine en est déjà à son deuxième plan stratégique, c'est l'exemple classique de la filière qui a bien fonctionné. Treize filières actuellement, sur 25, ont un plan de développement stratégique, ce qui est remarquable compte tenu que plusieurs filières sont très, très jeunes et que c'est tout un contrat pour ces gens-là de s'asseoir ensemble pour développer un plan stratégique. Alors, 13 ont déjà un plan stratégique, deux en sont à leur deuxième plan stratégique. Six filières travaillent actuellement à une planification stratégique qui devrait être terminée dès ce printemps. Alors, on sera à 19 filières avec plan stratégique dès ce printemps, et, bien, la différence... il y en a six autres qui cheminent de façon plus ou moins rapide. Je vous l'ai dit, ce n'est pas égal, les performances ici.

Nos attentes à nous quant aux filières – et je termine là-dessus – je vous dirai qu'elles sont de deux ordres. Notre première attente est relative aux résultats. C'est que l'approche filière continue d'être un levier de développement économique sectoriel majeur. Nos attentes sont – et on essaie de les mesurer, c'est une des grandes préoccupations de la filière agroalimentaire, de la grosse filière, actuellement, c'est d'essayer de mesurer l'amélioration, les résultats de la table filière... Ce n'est pas facile, mais nos attentes sont le renforcement de la position concurrentielle sur les marchés internes et l'accroissement de la valeur totale de nos exportations bioalimentaires. Et ce qu'on veut mesurer, c'est: Est-ce que ça donne des bons résultats? Est-ce qu'on prend plus de place sur le marché intérieur? Est-ce qu'on augmente de façon importante nos exportations par l'intervention filières?

Je vous dirai que, pour ce qui est de l'exportation, il est assez facile de mesurer l'évolution de la performance du secteur agroalimentaire québécois. On ne peut pas toujours associer ça à l'action filières, bien évidemment, les résultats ne sont pas... et là c'est impossible de mesurer véritablement. Mais, par ailleurs, pour ce qui est des marchés internes, là on s'arrache les cheveux, c'est pour des raisons techniques excessivement complexes, et on pourra peut-être en reparler, mais c'est un des projets de la filière agroalimentaire – Marc Dion pourrait vous en parler plus en détail. Mais on s'arrache les cheveux tous ensemble, les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, pour trouver des bonnes façons de mesurer notre performance sur les marchés intérieurs. Bien sûr, il faut la mesurer par secteurs, on ne peut pas le faire globalement, et c'est très complexe, mais c'est un de nos objectifs importants à la filière agroalimentaire.

(11 h 20)

Notre deuxième attente comme ministère est celle de favoriser de façon progressive l'autonomie des filières dans leur fonctionnement de manière à ce qu'on puisse consacrer davantage de ressources aux tables filières au niveau de la fourniture d'expertises: expertises au niveau commercial et au niveau technologique aussi. Notre souhait, c'est que, d'ici cinq ans, la plupart des filières deviennent autonomes dans leur gestion et, à ce titre, les filières sectorielles pourraient prendre exemple des filières régionales, qui sont un autre type de filières. J'ai parlé des filières sectorielles. Il existe aussi, vous savez, des tables de concertation régionales. C'est une approche similaire, en ce sens que c'est de la concertation, mais, en même temps, ce n'est pas de la concertation autour du développement d'une catégorie de produits, mais c'est de la concertation autour du développement de l'agroalimentaire dans la région. Ces tables régionales, elles s'autonomisent beaucoup plus rapidement dans leur gestion et leur fonctionnement et c'est pourquoi, au Programme d'appui à la concertation, on a un volet, le premier volet, qui vise le support à la prise en charge, en quelque sorte, des filières de leur fonctionnement interne: le secrétariat, l'encadrement logistique, tout ça.

Alors, je termine là-dessus, M. le Président, en espérant ne pas trop vous avoir ennuyé. C'est un portrait très rapide de l'évolution de la formule filières. C'est une formule, je vous dirais en terminant, à laquelle on croit beaucoup au ministère. Et non seulement on va maintenir notre appui aux tables filières, mais on compte le renforcer dans les années à venir dans toute la mesure du possible à la fois au plan du soutien administratif et au plan du soutien financier. Merci beaucoup.


Période de questions

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le sous-ministre. Tantôt, vous parliez d'un document qui s'appelle la Synthèse des ateliers de travail lors du Rendez-vous des filières agroalimentaires. C'est un document qui serait disponible pour les membres de la commission?

M. Vézina (André): Oui, tout à fait, et on l'a même ici, on en a des copies.

Le Président (M. Vallières): On pourrait le faire distribuer.

M. Vézina (André): Alors, si vous voulez, on peut vous le distribuer maintenant.


Table filière agroalimentaire

Le Président (M. Vallières): Il y a une table qui n'apparaît pas dans les 25, qui est la filière agroalimentaire comme telle, celle dont vous parliez, qui intervient de façon horizontale, qui chapeaute. Est-ce que celle-là, on la retrouve quelque part dans des documents ou... Je sais qu'on en liste 25, mais celle-là n'en fait pas partie, n'est-ce pas?

M. Vézina (André): Elle n'est pas citée dans les documents qui tournent autour du Rendez-vous, dans le bilan. Je pourrais cependant vous envoyer un bilan sommaire des réalisations de cette table-là, si vous voulez. On ne l'a pas ici. Mais ça tient sur deux pages, ça, sur les projets qui ont été approuvés et qui sont en cours, les projets de la filière agroalimentaire. Je peux vous en dresser un portrait excessivement succinct.

D'abord, sur le plan des marchés, il y a trois grands projets. Il y a le projet de l'information sur les marchés qui vise à appuyer le développement des marchés des filières en facilitant l'accès à de l'information stratégique sur le marché intérieur. C'est ce projet dont je vous ai parlé tout à l'heure, où on essaie de mesurer la progression de nos produits sur le marché intérieur québécois.

Le deuxième grand projet, c'est la vigilance sur le plan des règles du commerce, et ça, ça vaut peut-être la peine qu'on s'y attarde, c'est majeur. C'est que la filière agroalimentaire a récemment approuvé toute la démarche de consultation auprès des intervenants de l'industrie sur les modifications relatives à l'Accord sur le commerce intérieur, au chapitre agricole de l'OMC et à l'harmonisation des règles canadiennes en matière d'inspection des aliments. Il y a trois grands processus de consultation, donc autour des règles commerciales, qui sont lancés. Ces processus de consultation ont fait l'objet d'une approbation de la filière agroalimentaire et les résultats de cette consultation-là seront remis à la filière agroalimentaire qui donnera son avis au ministère sur les positions ministérielles à prendre concernant, donc, l'Accord sur le commerce intérieur, le chapitre agricole, les négociations du chapitre agricole de l'OMC, et l'harmonisation des règles en matière d'inspection des aliments au Canada. Alors, c'est un gros, gros projet suivi par la filière agroalimentaire compte tenu de l'impact. Quand je vous parlais de travaux horizontaux, plus horizontal que ça, c'est difficile à imaginer. Alors, c'est des très grands projets dans lesquels la filière agroalimentaire est impliquée.

Et il y a finalement le projet de l'achat des produits québécois, dont j'ai parlé tout à l'heure, et qui est une campagne de promotion des produits du Québec, qui est un projet de la filière agroalimentaire. Alors, vous ne trouverez pas ça dans la documentation, mais je pourrais vous faire parvenir une liste des projets, objectifs et déroulement des projets.

Le Président (M. Vallières): Ce serait apprécié, M. le sous-ministre. Alors, on débutera les échanges avec les membres de la commission, on débutera par la députée de Marie-Victorin.


Financement et orientations des tables filières

Mme Vermette: Alors, je vous remercie, M. le Président. Alors, c'était fort intéressant d'écouter la description que vous nous avez faite des tables filières et surtout des résultats heureux. Ce qui ressort, c'est qu'effectivement c'est une démarche qu'on devrait maintenir et favoriser. La plupart des gens qui sont membres ou qui participent semblent trouver cette formule très intéressante.

Ceci étant dit, vous avez parlé du financement, qui devrait se terminer en 1998 dans l'entente-cadre Canada-Québec. Moi, j'aimerais savoir dans un premier temps... C'est parce que j'ai une série de questions, alors je vais y aller de mes questions. Dans un premier temps, je voudrais savoir de quelle façon vous pensez, avant d'atteindre l'autonomie d'ici cinq ans, financer, en fait, les tables filières, à quel rythme et de quels montants. Et est-ce qu'elles vont continuer aussi? En fait, s'il y a un désengagement – oui ou non – du fédéral, est-ce qu'à ce moment-là elles vont continuer à subir les mêmes normes au niveau du financement? Est-ce que ça va se poursuivre de la même façon, les attributions, par rapport à ce qui se faisait antérieurement et ce qui s'en vient?

Et j'aurais aussi une autre question en ce qui concerne les orientations que devront prendre les tables filières. Bien sûr, vous avez parlé que, dans le fond, c'est pour favoriser la concertation des différents intervenants, que ce soit la transformation, que ce soit le producteur, la transformation et la commercialisation, en tout cas... le distributeur, c'est-à-dire. Donc, ce sont des gens qui doivent se regrouper pour travailler ensemble. Par contre, on sait très bien qu'il y aura prochainement un sommet, en mars. Est-ce que ce sommet-là va influencer l'orientation de ces tables filières là? Est-ce que vous attendez le sommet pour, pas redéfinir, mais réorienter les tables filières en fonction de ce qui ressortira de ce sommet-là? Est-ce qu'il y aura une façon de travailler en concertation aussi avec ce sommet-là et de faire en sorte que les grands axes qui sortiront seront pris en considération ou si on tiendra compte uniquement de ces acteurs qui se sont mis ensemble ou en situation au niveau des tables filières?

Et mon autre question est au niveau de l'agroalimentaire, une des plus grandes tables filières. Vous avez dit: Ce qui est important, en fait, et ce qui nous manque, c'est les éléments de mesure pour savoir l'impact au niveau local ou, en tout cas, intérieur du développement agroalimentaire. Moi, en tant que consommatrice, je m'aperçois que, dans nos étagères, au niveau des marchés d'alimentation, il y a de plus en plus de produits ontariens, il y a de plus en plus de produits, que ce soit légumes, fruits, etc., des États-Unis et ontariens. Donc, je me pose la question, à savoir: Les nôtres sont distribués où? À quel endroit? Ils servent à quoi? On parle qu'un des objectifs de vos tables, c'est d'être ingénieux, imaginatifs et pour répondre à nos besoins. Donc, est-ce que réellement on fait preuve de cette capacité d'ingéniosité et d'imagination pour vraiment répondre à ces défis que nous lance l'agroalimentaire actuellement pour s'adapter à de nouvelles façons de consommer, de nouvelles façons de manger, etc.?

Dans le fond, on attend beaucoup de ce sommet-là, parce qu'on dit un petit peu: L'agriculture, en tout cas... Et avec toute humilité, parce que ce n'est pas vraiment un domaine dans lequel je suis familière, mais, par contre, je me renseigne, je discute avec les gens... Et ce que je trouve un peu, c'est qu'on est un petit peu en retard dans le domaine de l'agriculture par rapport à ce qui se passe au niveau mondial. Est-ce qu'on va suivre ce rythme-là au niveau du développement, face aux nouvelles technologies, face aux nouveaux concepts et, aussi, face aux impératifs de ces marchés internationaux, notamment les règles commerciales internationales? Est-ce que, oui, effectivement, tout ça est pris en compte? Et on pourra relever les défis qu'on attend par rapport à l'agriculture, comme on sait que c'est un secteur économique important dans une économie.

Le Président (M. Vallières): M. Vézina.

M. Vézina (André): C'est tout un tour d'horizon qu'on vient de brosser ici, les défis qui attendent le secteur agroalimentaire. On pourrait quasiment demander à madame de nous aider à rédiger les documents du sommet.

Des voix: Ha, ha, ha!

(11 h 30)

M. Vézina (André): Je vais essayer de répondre. Dans votre intervention, il y a plusieurs sous-questions ou questions. Le défi des filières agroalimentaires dans les catégories de produits qui sont les leurs, il ne faut pas l'oublier – et je pense que vous l'avez bien compris – consiste justement à faire en sorte que chacun de ces secteurs-là soit plus concurrentiel sur les marchés. Plus concurrentiel, ça veut dire qu'on tire profit, pas seulement qu'on respecte, pas seulement qu'on se conforme, mais qu'on tire profit des nouvelles règles commerciales. Et, très souvent, on oublie ça. Les débats sont souvent centrés sur la nécessité de se conformer aux règles du commerce.

Mais, nous autres, ce qu'on souhaite, c'est qu'au-delà de la conformité, bien sûr, il faut se conformer minimalement, mais une fois que ceci est atteint, il faut surtout voir comment ensemble, et c'est l'invitation qui est faite aux filières et qui sera faite aux membres du sommet... de la Conférence, plutôt – parce qu'on appelle ça la Conférence sur l'agriculture et l'agroalimentaire – de voir comment on peut tirer profit des nouvelles règles commerciales, celles actuelles et celles en devenir, et comment on peut influencer celles en devenir pour qu'elles nous soient profitables, quitter un peu la défense, rester là, mais aller plus loin, être plus positif par rapport à ça.

Vous questionnez aussi tout l'ajustement aux besoins des consommateurs. Ça aussi, c'est le deuxième grand défi, quand on parle de concurrence. C'est celui de faire en sorte que, par... Encore là, chaque filière est invitée à voir quels sont les besoins des consommateurs. Et c'est un défi considérable qui n'est pas totalement relevé quand on fait l'évaluation des filières. Et c'est une des questions sous-jacentes et inévitablement qui sera sous-jacente et présente lors de la prochaine Conférence.

Trop souvent, au Québec, nous, on pense, en tout cas, au ministère on a pensé qu'il fallait penser de la terre à la table. Maintenant, on dit: On devrait peut-être davantage penser de la table à la terre, penser à l'envers et partir... Et c'est une des retombées positives des tables filières. C'est qu'on a assis les distributeurs à la table, qui sont venus dire: Si vous voulez vendre plus de produits, si vous voulez qu'on vende vos produits, voici ce qu'on nous demande dans nos restaurants et dans nos épiceries. Si vous le produisez, on va le vendre, mais c'est ça qu'on nous demande, que ce soit conformé comme ça, le produit, qu'il soit de telle et telle caractéristique. Alors, vous, les transformateurs, donnez-nous ça. Et les transformateurs se retournent vers les producteurs pour dire: Vous, les producteurs, produisez-nous quelque chose qui nous permet de donner ça aux distributeurs parce que c'est ça que le consommateur veut, à l'autre bout. Puis, si ce n'est pas nous qui le lui donnons, c'est les provinces voisines, c'est les États-Unis. Le marché, on le sait, est de plus en plus ouvert. Alors, ces questions-là que vous soulevez seront bien sûr soulevées lors de la Conférence, lors du débat de mars. C'est des grandes questions comme ça qui vont être soulevées.

Vous soulevez au passage la question de la place de nos produits sur les marchés intérieurs versus la place des produits d'autres origines. Vous avez raison de constater qu'il y a une diversité de plus en plus grande de produits extérieurs. Il y a une diversité de plus en plus grande des produits québécois. Le constat qu'on peut faire de façon certaine, ici, c'est que les produits sont de plus en plus diversifiés. Quelle que soit la catégorie de produits, quand on se retrouve devant l'étalage, dans une épicerie de taille moyenne ou grande, on est toujours surpris par la diversité des produits qui s'offrent à nous, qu'il s'agisse de légumes, de fruits, de viandes. Dans le temps, on achetait du poulet. Tu avais le choix entre une cuisse et une poitrine, puis c'était tout. Maintenant, tu peux l'avoir assaisonné de 52 façons, découpé de 52 façons. Puis, c'est vrai pour tous les produits. Les formats sont multiples, les manières de présentation sont multiples, etc. Vous savez ça. Ça, on constate ça.

Mais notre grande difficulté, et je l'ai souligné tout à l'heure, et c'est un de nos gros problèmes, à la filière agroalimentaire, je vous le disais – Marc pourra peut-être y revenir, si vous le voulez – c'est: Est-ce qu'on a plus ou moins de place? Est-ce qu'on gagne du terrain ou on en perd? Et là c'est compliqué. Là, c'est excessivement complexe. À vue de nez, on peut s'inquiéter parce qu'on voit des produits nouveaux venant des États-Unis, venant de l'Ontario, venant d'ailleurs. Mais il y a aussi beaucoup de produits nouveaux du Québec. Puis il ne faut pas oublier que, par ailleurs, en contrepartie, le Québec expédie de plus en plus de ses produits à l'extérieur. Alors, c'est la balance de tout ça qu'il faut mesurer.

Alors, on sait que notre balance commerciale avec nos voisins s'améliore, elle. Marc pourrait vous donner des chiffres là-dessus. Ça, c'est positif. Mais notre marché intérieur, c'est la chose qu'on a le plus de difficultés à mesurer dans nos épiceries, dans nos restaurants. Et on vous expliquera pourquoi. C'est parce qu'il n'y a pas de frontières. C'est très difficile. Les produits circulent, puis on n'est pas capable de les suivre de façon certaine. Et là les moyens sont très coûteux pour mesurer l'évolution de notre marché intérieur. Les moyens techniques sont excessivement coûteux et difficiles à concevoir.

Quant à l'impact qu'aura la Conférence sur le travail en filière, je ne pense pas, puis je suis même certain que ça ne conduira pas... À moins que je sois un très mauvais analyste, puis je ne peux pas présumer des résultats de la Conférence, loin de là, mais je serais très surpris que ça remette en question l'approche filière. Je suis à peu près certain que ce ne sera même pas questionné, tellement c'est l'évidence.

Mais, par ailleurs, ce qui sera issu de cette Conférence, les objectifs de développement – parce que ce qui est recherché à cette Conférence, c'est des consensus, on le sait, sur des objectifs de développement pour les années à venir – devront être appropriés ou intégrés aux travaux des filières, désormais. Elles devront se les approprier, bien évidemment, à commencer par la filière agroalimentaire. Tous les membres de la filière agroalimentaire seront à cette Conférence. Et, le jour où ils auront convenu entre eux d'objectifs de développement, il va sans dire qu'ils vont s'assurer que, dans leurs projets à eux et dans les projets des filières, de la totalité des filières, ces objectifs de développement là seront intégrés dans les plans stratégiques à venir et dans les plans d'action à venir, puisque, normalement, ces objectifs... Et ça ne devrait pas poser de gros problèmes, puisque ces objectifs de développement seront – en tout cas, c'est prévu comme ça – consensuels.

La première question que vous avez abordée est celle de l'appui financier aux tables filières. Vous connaissez déjà, de façon sommaire à tout le moins, le programme d'appui à la concertation. On entend, au fur et à mesure que les filières vont développer leurs plans stratégiques et développer des projets, accroître notre appui financier à ces tables filières. C'était 2 000 000 $, cette année, et on pense suivre la progression de la demande des filières, en quelque sorte, et accroître dès l'an prochain... Maintenant, je réserve ça pour l'étude des crédits, puis je ne peux pas présumer de tout ça, ça serait bien prétentieux de pouvoir présumer de ça maintenant, mais personnellement, nous, on demande un accroissement de l'appui aux tables filières. Et M. le ministre, je pense, et j'en suis certain, est aussi favorable à cet accroissement de l'appui financier aux tables filières, il l'a déjà indiqué à quelques reprises. Donc, on va y consacrer plus d'argent.

On procède déjà à une première évaluation de ce programme, qui a soulevé certaines petites difficultés à la marge, qui semble soulever certaines petites difficultés à la marge, ce qui veut dire que, pour la prochaine année, ce programme sera ajusté pour le rendre encore plus facilement accessible, particulièrement au niveau des tables de concertation régionales. Parce qu'il ne faut pas oublier ici que ce programme d'appui s'adresse à la fois aux tables filières traditionnelles, aux filières sectorielles et aussi aux tables de concertation régionales.

Quant au programme fédéral, il prend fin en mars prochain, et Agriculture et Agroalimentaire Canada nous a clairement annoncé depuis un bon moment maintenant son désengagement et a indiqué carrément qu'il ne comptait pas revenir avec un programme d'appui aux filières du type de celui qui existait, voire même d'un autre type. C'est un programme terminé. Donc, on prend le relais avec ce programme-ci, qui va évoluer de façon positive dans les années à venir.

Mme Vermette: Est-ce qu'on peut savoir? En fait, l'aide du fédéral était de quel ordre de grandeur?

M. Vézina (André): Elle était de 2 500 000 $ sur cinq ans.

Mme Vermette: 2 500 000 $ sur cinq ans.

M. Vézina (André): À peu près l'équivalent de 500 000 $ par année.

Mme Vermette: Qui étaient donnés au Québec? C'était pour le Québec?

M. Vézina (André): C'était une entente strictement Québec, ça.

Mme Vermette: Québécoise.

M. Vézina (André): C'était dans le cadre d'une entente plus vaste qui est l'Entente auxiliaire Canada-Québec sur le développement agro-alimentaire. Un des volets, c'était l'appui aux tables filières, et, dans ce volet-là, il y avait 2 500 000 $. C'est toute cette Entente-là qui prend fin avec tous ses volets et non-renouvellement de l'Entente.

Mme Vermette: Quelles sont les raisons du non-renouvellement de l'Entente, à l'heure actuelle, de la part du fédéral? Pourquoi ils ont manifesté le désir de ne pas reconsidérer, en fait, cette Entente-là ou de ne pas participer encore à cette Entente?

M. Vézina (André): C'est dans le cadre du budget Martin qu'on a annoncé la fin de ces ententes-là. Maintenant, je ne peux pas vous dire quels en sont les motifs, ça ne relève pas de ma compétence.

Mme Vermette: En fait, la seule chose, vous recevez une fin de non-recevoir, et ça finit là? Vous ne négociez pas? Vous n'allez pas vérifier la possibilité de recommencer?

(11 h 40)

M. Vézina (André): Bien, on travaille. Écoutez, le gouvernement fédéral a choisi de réduire sa dépense. Il a choisi d'utiliser d'autres voies aussi à la fois pour assumer le développement des marchés; il faut être honnête. Nous, on a demandé le renouvellement des ententes. Sur un certain nombre de volets, on a eu une fin de non-recevoir. On revient à la charge avec d'autres formules, sur d'autres tableaux, on verra les résultats qu'on va obtenir. Mais, là-dessus, on nous dit: C'est porte close, c'est terminé, regardez d'autres choses. Nous, on continue et on renforce l'appui à la concertation parce que c'est une formule qui va bien, on l'a vu, la réunion du Rendez-vous des filières le confirme. Et les projets sont là. On avait prévu 2 000 000 $ cette année, on réalise qu'on va le dépenser pour supporter des projets issus des filières. Alors, nous, on est là. Pour quelle raison pas ce programme-là et d'autres programmes au fédéral, ou je ne sais pas quoi? Il faut le demander aux groupes concernés.

Mme Vermette: Est-ce que vous m'avez dit de quel ordre de grandeur vous avez l'intention d'investir pour les cinq prochaines années, uniquement unilatéralement, le Québec, face aux tables filières?

M. Vézina (André): Lors de l'annonce du programme, on a dit qu'on était prêts à atteindre 15 000 000 $ sur trois ans, si la demande est là. Voyez cette année, c'est la première année, et ça a débuté lentement – c'est tout à fait naturel, le temps d'annoncer le programme et que les gens l'apprivoisent – et déjà on a 2 000 000 $. On peut prévoir que, dès l'an prochain, la demande pourrait s'accroître, compte tenu du développement des filières. Il y a de plus en plus de plans stratégiques, de plus en plus de plans d'action, de plus en plus de filières, il y en a maintenant 25 opérationnelles, on peut s'attendre que la demande soit de 1 000 000 $ ou de 2 000 000 $ – je n'en sais trop rien – plus élevée.

Mme Vermette: Oui.

M. Vézina (André): Et la troisième année, c'est exponentiel, ça. Alors, l'engagement gouvernemental avait été de 15 000 000 $ sur trois ans.


Table filière porcine

Mme Vermette: J'aurais une dernière question qui est d'un ordre plus spécifique en ce qui concerne une table filière, qui est le porc. Vous savez très bien tout ce que ça a apporté au niveau des discussions au niveau du développement de cette façon de produire, le droit de produire. Il y a toutes les nouvelles technologies. Est-ce que les tables filières se sont arrêtées à ces nouvelles technologies? Est-ce qu'elles sont avancées là-dedans? Où sont-elles rendues là-dedans? C'est ma première question.

Et ma deuxième question est à savoir que, compte tenu que l'on sait, avec les problèmes qu'il y a eus en Asie, que la dévaluation de l'argent au niveau de la bourse a un impact considérable, on m'a laissé entendre qu'actuellement la production porcine, la demande est en baisse par rapport à ce qu'on peut produire, et ça, ça touche tout le monde à l'heure actuelle.

M. Vézina (André): O.K. Alors, pour vous répondre là-dessus, je laisse la parole au responsable gouvernemental, à la filière porcine, Marc Dion.

Le Président (M. Vallières): Oui, M. le sous-ministre. Je veux simplement vous indiquer – il y a beaucoup de pertinence, je trouve, dans la question qui est posée – que, quand on a tenu nos auditions sur le projet de loi n° 23, la loi sur le droit de produire, il y a toute une série de gens qui sont venus nous dire que leur procédé était meilleur que celui du voisin, tout le monde avait une solution au traitement du lisier. Alors, il serait intéressant de voir si la table s'est adressée à ça et s'il y a des échéances. Est-ce qu'on voit la lumière au bout du tunnel face au traitement de ce célèbre lisier?

M. Dion (Marc): Il y a plusieurs volets aux questions; je vais essayer de contenir ça dans un temps raisonnable. D'une part, Mme la députée a fait référence aux difficultés qu'il y a sur les marchés présentement. Il est un fait qu'au cours des deux dernières années le secteur porcin a connu une période de très bons prix sur les marchés, une période d'expansion assez extraordinaire partout en Amérique du Nord. Les analystes prévoyaient une chute des prix pour l'année 1997, et cette chute a été retardée par des maladies qui se sont développées, notamment à Taiwan et également en Europe. Alors, ces maladies-là ont fait en sorte que des grandes parties du cheptel, à Taiwan, ont été condamnées. Et, en Europe, en plus de condamner certaines parties du cheptel, il y avait une impossibilité pour certaines régions d'entrer sur les marchés internationaux. Ces phénomènes-là ont permis au marché de rester sain jusqu'à l'automne 1997, jusqu'à novembre 1997.

À partir de novembre – vous avez indiqué clairement la question de l'effondrement des marchés financiers asiatiques – le principal problème qu'on rencontre à cet égard-là relève du fait que les grandes institutions financières japonaises ont hésité, à la fin de l'année 1997 et au début de l'année 1998, à garantir les marges de crédit des importateurs japonais. Autrement dit, lorsqu'un importateur vient acheter chez nous, il se fait garantir une marge de crédit pour ses achats. Et les banques japonaises ont été fragilisées par cette crise. Certaines s'étaient avancées, s'étaient commises. Dans plusieurs cas, il y a eu des faillites très célèbres, très, très importantes de très grandes institutions. Et elles ont redoublé de prudence, disons, pour leurs acheteurs. On espère que cette situation-là va se régulariser progressivement, mais c'est la difficulté principale qui est rencontrée.

Donc, oui, il y a eu une baisse très importante du prix du porc sur les marchés, et on a pris le creux de la vague pendant la période des fêtes. Depuis les Fêtes, il y a un petit redressement qui commence à s'exercer, mais on croit que les prix vont rester plutôt modestes, au cours de l'année 1998. Bien qu'il y ait un redressement d'ici le mois de juin, juillet, les prix vont être, à notre avis, meilleurs. En tout cas, on verra ce que ça donne.

Ceci étant dit, maintenant, au niveau du plan de développement qui a été adopté lors du dernier forum porcin québécois. En 1997, ils ont adopté un plan pour trois ans et ils adressent là la question des technologies dont vous parlez. On vit depuis trois, quatre ans un renouvellement accéléré des infrastructures d'élevage dans le secteur porcin. Ce renouvellement accéléré résulte justement de l'implantation de nouvelles technologies d'élevage, de nouvelles conditions sanitaires qui sont exigées par les éleveurs – et ces nouvelles conditions là nécessitent des investissements assez substantiels – d'une pénétration beaucoup plus grande de l'insémination porcine, de technologies alimentaires et sanitaires complètement nouvelles. Alors, ça a entraîné, ça, une vague d'investissements sans précédent dans le secteur porcin. La Société de financement agricole a reçu énormément de demandes d'emprunt, sur les marchés, pour obtenir et construire ces installations-là. Donc, ça, ça va pour la partie technologique.

Maintenant, dans le plan lui-même, si on veut référer à la question environnementale qui est adressée, on retrouve la mise sur pied d'un comité d'experts qui est chargé de revoir les normes qui sont liées aux questions des déjections animales. Mais il y a aussi un autre comité qui suit toute la question des innovations technologiques pour les questions environnementales. Alors, il y a un comité de scientifiques qui évalue, comme vous avez dit, M. le Président, tous les projets, du plus farfelu au plus intelligent, qui essaie de se faire une opinion scientifique sur les sujets et qui veut recommander au secteur porcin quelles sont les innovations les plus prometteuses et les plus adéquates, tant au plan technologique qu'au plan financier. Alors, c'est en cours, le comité est sur pied, et ça fonctionne très, très bien, pour l'instant. On est assez satisfait de l'avancement des travaux. C'est évident qu'il y a beaucoup de projets sur la table, alors c'est assez long à regarder, quand on les fouille sur une base scientifique, il y a des délais assez importants là-dedans.

Il faut peut-être ajouter aussi que le plan stratégique du secteur porcin s'est doté d'un cadre d'ensemble assez important. Et la cible principale, au-delà de la question strictement environnementale qui était sûrement la première cible, mais globalement, ce qu'on tente de faire, c'est d'avoir un système complet de gestion de la qualité, depuis la ferme jusqu'à l'entreprise de distribution du produit, et ça, c'est assez exigeant. C'est qu'on va tenter, au cours des prochaines années, de mettre en place un système de contrôle de la qualité sur la ferme, et ça touche non seulement la question environnementale, mais ça touche aussi toute la question de la qualité du produit, du type de carcasse à développer, de l'absence de résidus médicamenteux, toute une série de paramètres d'élevage, la question de l'ambiance dans la porcherie elle-même, etc., et de la pyramide génétique qu'on pourra privilégier. Donc, il y a une stratégie d'ensemble qui est en train de se construire à ce sujet-là, et c'est le Centre de développement du porc qui est responsable de cette stratégie. Je pourrais m'étendre très longtemps. Alors, je n'ose pas aller trop loin, je pourrais en parler pendant des heures. Je me retiens.

Le Président (M. Vallières): Oui. Et d'autant plus que j'ai une demande de pause. On se demandait tantôt si, par exemple, la nature de la musique qui serait utilisée dans les porcheries, ça peut aider les...

M. Dion (Marc): Ha, ha, ha! Ça fera peut-être partie du projet de gestion de la qualité totale.

Le Président (M. Vallières): Alors, avec le consentement des membres, on pourrait prendre cinq minutes de pause, mais pas plus que cinq minutes, rapidement, et revenir par la suite. On débuterait avec l'intervention du député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Vézina (André): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 50)

(Reprise à 11 h 57)

Le Président (M. Vallières): La parole est au député des Îles-de-la-Madeleine.


Difficultés de fonctionnement de certaines tables filières

M. Farrah: Oui, merci, M. le Président. Lors de votre intervention, de votre présentation, vous avez évoqué le fait qu'il y a des tables qui fonctionnent moins bien que d'autres, possiblement pour toutes sortes de raisons. Mais, compte tenu de l'expérience que vous avez vécue en suivant ces tables-là de façon très, très proche, et c'était votre rôle d'ailleurs de le faire, au cours de toutes ces années, qu'est-ce qui fait ou qu'est-ce qu'il y a qui ne marche pas dans certains cas et qui marche dans d'autres cas et sûrement qui peut faire en sorte de vous donner une certaine balise pour justement que ces choses-là ne se reproduisent pas dans l'avenir? Parce que, avec le vécu de ces tables-là, vous apprenez continuellement, de façon pratiquement régulière. Alors, qu'est-ce qui fait que des tables vont bien, puis d'autres, ça ne va pas très bien?

M. Vézina (André): Je vous répondrai en parlant de deux catégories de difficultés. Le fonctionnement difficile, je pense, dans certains cas, est lié au fait que, première catégorie de difficultés, je dirais la nature historique des rapports entre les intervenants du secteur. Si, historiquement, les gens ont eu des rapports difficiles, des rapports de non-confiance – pour qu'une filière fonctionne, un des critères de base, on l'a vu tout à l'heure, c'est l'engagement des parties puis la confiance des parties les unes dans les autres – s'il y a des rapports historiques de non-confiance ou de confiance mitigée, disons, ça rend le fonctionnement très, très difficile. On peut penser que c'est un des facteurs. Écoutez, là, on tombe dans l'analyse sociopsychologique. Mais on peut quand même penser que c'est un des facteurs de difficultés.

L'autre facteur de difficultés, c'est que, dans certains secteurs de production – puis je donnerai des exemples, il faut nommer les choses par leur nom – il existait déjà et il existe toujours beaucoup de tables relatives au marché, où les gens se rencontrent déjà et...

M. Farrah: Beaucoup de...

M. Vézina (André): De tables...

M. Farrah: De tables. O.K.

M. Vézina (André): ...relativement à la mise en marché puis au développement des marchés, où les gens se rencontrent déjà, se rencontraient déjà avant l'existence des tables filières. C'est des structures formelles. Je reviendrai avec des exemples. Prenons, dans ces deux cas-ci... Et, le troisième facteur, parce qu'il y en a un troisième, quand même, pour certaines filières, c'est, je dirais, le caractère trop nouveau et le manque d'habitude de rencontre entre les partenaires, et ça, ça se règle avec le temps. Quand on crée une filière pour la première fois, dans des secteurs de développement où, traditionnellement, les gens se sont peu parlé, il n'y a pas forcément non-confiance, il n'y a pas de difficultés au niveau des rapports historiques, il n'y en avait pas, c'est des filières où il n'y en avait pas, il n'y a pas de difficultés non plus qui proviennent du fait qu'il existait d'autres tables de concertation pour parler marché, il n'y avait rien. Et, là, on part de rien et ça rend le démarrage très difficile et excessivement lent parce que la période d'appropriation de qui vous êtes, comment vous fonctionnez est beaucoup plus longue. Alors, c'est, je dirais, la deuxième catégorie de difficultés; celle-là nous inquiète moins.

(12 heures)

La première catégorie, donc, les deux exemples classiques, vous les connaissez, c'est les grands secteurs de production, sous-gestion de l'offre, les secteurs de la volaille et du lait, où il y a beaucoup, beaucoup, il faut le reconnaître, de lieux où ces gens-là se rencontrent sur une base quasi permanente. Ils se rencontrent tellement régulièrement, producteurs et transformateurs, en particulier, qui sont deux maillons principaux de la chaîne, ils sont déjà historiquement très étroitement associés dans des discussions quasi continues sur la mise en marché à la fois au niveau canadien et au niveau québécois, dans des conventions qu'ils signent et resignent et négocient et renégocient. Et, autour de ces tables-là, ils abordent aussi toutes sortes d'autres questions qui sont celles normalement abordées par les tables filières: les difficultés technologiques, le développement de la recherche. Alors, ils ont mis en place des projets, des moyens qui font en sorte que la filière leur apparaît moins pertinente. Ils ont le sentiment d'être en filière depuis des décennies. Il faut les comprendre; quelque part, ils sont en filière aussi, peut-être pas de la manière et de la façon dont on voudrait, mais ça, c'est nos bebites à nous, en quelque sorte – excusez-moi de dire ça. Mais ils sont, en quelque sorte, dans un processus de concertation permanent, engagés là-dedans depuis fort longtemps, de telle sorte que, quand on a créé la formule des filières, ils ont regardé ça avec un certain désintéressement en disant: Bien, on a toujours fait ça, nous autres. Nous autres, on trouvait qu'ils n'avaient pas fait ça de la façon dont on voudrait que ça se fasse, mais, eux autres, ils ont le sentiment d'avoir toujours fait ça. Et, par ailleurs, il faut reconnaître qu'ils ont des rapports historiques, dans beaucoup de cas, relativement difficiles – on ne nommera personne – mais des rapports d'organisations et non pas de personnes – puis, des fois aussi, de personnes, c'est toujours existant – historiques difficiles. Alors, dans ces cas-là, c'est ces facteurs-là qui expliquent la difficulté de la mise en place des filières comme telles.

Et dans le cas des nouveaux secteurs, des secteurs en développement, c'est la méconnaissance des partenaires qui rend la performance plus lente, en quelque sorte. Je dirais que c'est un problème de rythme ici davantage que d'un problème de fonctionnement comme tel. C'est ça, les difficultés, si on fait un portrait général – peut-être que mes collègues pourraient me corriger – mais c'est ça, les difficultés majeures qu'on vit dans l'implantation de la formule filière. Mais ce qui est heureux, c'est que, pour toutes les productions nouvelles, en développement, et l'ensemble des productions, on constate que ça va bien. On peut déplorer que, dans le lait, il n'y a pas eu de filière qui porte un titre, «filière laitière», et que ça n'a jamais véritablement démarré, mais c'est peut-être parce qu'il faut faire le constat qu'à quelque part ça existe ailleurs, pas autour d'un plan stratégique global de développement des marchés – ça, c'est ce qu'on souhaiterait peut-être, nous autres, qu'ils s'assoient ensemble, qu'ils se donnent un plan de stratégie globale, parce que, eux autres, ils abordent ça sectoriellement, point par point, sur des comités canadiens et québécois de tout acabit. Alors, c'est ça, mon analyse à moi, personnelle.

Le Président (M. Vallières): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: J'en prends bonne note. L'exemple dans le domaine du lait, c'est un secteur où on sait qu'il y a une certaine difficulté d'adaptation avec l'ouverture des marchés. On le voit dans les oléobeurres, on voit le problème qui existe avec les huiles, le beurre, etc. Est-ce que vous pensez que, par exemple, dans ce secteur-là précis, au niveau de la table filière, ça fonctionnerait mieux... Parce que vous l'avez évoqué avec raison, à juste titre, il y a un problème au niveau laitier. Pensez-vous que ça serait peut-être plus facile, en tout cas pour l'industrie, de faire face à cette nouvelle concurrence due au fait que les barrières sont maintenant ouvertes?

M. Vézina (André): Vous me demandez une opinion personnelle. Je vous la donne comme étant une opinion personnelle et non pas une opinion ministérielle. Oui, je pense que, si on se décidait à préparer un plan stratégique de développement, ça pourrait aider à supporter le développement de cette industrie qui est notre industrie la plus importante et à laquelle nous croyons beaucoup. Mais c'est une opinion personnelle, si je peux me permettre une opinion personnelle ici. M. Dion, peut-être, pourrait ajouter.

M. Dion (Marc): Oui, pas juste sur cette opinion-là, mais je ne voudrais pas qu'on garde à l'esprit cependant qu'il ne se fait rien dans ce secteur-là. C'est qu'on a aussi certaines formes de collaboration étroite qui sont intéressantes. Exemple, dans le litige Canada–États-Unis sur le double prix – il y a deux prix du lait qui sont présentement en vigueur au Canada – vous savez que les Américains, et la Nouvelle-Zélande maintenant, poursuivent le Canada et sa politique laitière devant les accords de l'Organisation mondiale du commerce. On est présentement dans la période qu'on appelle «initiale», des discussions, mais on s'attend – il y a une réunion à Genève, le 13 février prochain – à ce que le «U.S. Trade Representative», Mme Charlene Barshefsky, dépose une demande de panel dans ce secteur-là. Et là on a mis sur pied un groupe de travail où sont représentés les transformateurs, où sont représentés les producteurs, et où il y a des discussions très positives sur comment on peut défendre le dossier. Donc, on essaie quand même, malgré l'absence du mécanisme formel, de rejoindre les gens et de travailler sur une série de dossiers de cette façon-là. Je pense que c'est un bel exemple, ça, où les gens s'entendent très bien.

Et on peut en donner un autre exemple aussi. En matière de recherche, les producteurs et les transformateurs ont créé la corporation qui s'appelle Novalait inc., qui investit des sommes substantielles en matière de recherche. Ils ont 1 065 000 $ d'investis en recherche. Ce n'est pas de l'argent gouvernemental du tout, c'est de l'argent privé qui sert à développer des produits, qui sert à faire toute une série de recherches dans le secteur laitier.

Il y a des exemples, donc, nombreux où il y a des collaborations très, très, très positives dans ce secteur-là, et je pense qu'il faut le dire. Oui, il y a des difficultés, on en est conscients. Il existe plusieurs comités de travail aussi, qui sont là – M. Vézina l'a mentionné, je peux en nommer plusieurs – et qui sont liés aux conventions laitières. Une des grandes préoccupations du secteur laitier dans les dernières années, ça a été de recalibrer et de réajuster les conventions laitières en vigueur parce que les accords commerciaux venaient remettre en question les processus qu'on avait déjà en place et la politique qu'on avait en place. Et ça, ça a été le grand, grand débat des dernières années, et ça ne pouvait pas se faire tellement autrement que par les interactions entre producteurs et transformateurs, parce que c'est vraiment là que les choses se passent, à ce niveau-là. Maintenant, on est rendu plus loin et on espère aller plus loin au cours des prochaines années. Je pense que ça complète l'information.

Le Président (M. Vallières): Oui.

M. Farrah: Au niveau des tables filières, vous nous avez dit qu'il y a six tables qui n'ont pas encore développé ou soumis de plan de développement stratégique. Exact?

M. Vézina (André): Oui.

M. Farrah: De planification stratégique, en fin de compte. Maintenant, j'imagine, il doit y avoir une obligation de résultat dans ces cas-là, compte tenu qu'ils ont surement été aidés par le ministère. Comment ça fonctionne? Comment vous fonctionnez pour faire en sorte que... En tout cas, je comprends que ça prend aussi la bonne volonté des gens qui sont membres de ces tables-là, mais, au-delà de ça, compte tenu qu'ils ont sûrement des demandes chez vous, comment vous réagissez face à ça?

M. Vézina (André): Alors, ces six tables-là, d'abord, je vais vous les nommer: c'est le secteur des oeufs de consommation... filière avicole, mais oeufs de consommation; filière chevaline; fruits et légumes de transformation; pommes; acériculture; et animaux à fourrure. Ces six filières-là devraient normalement, d'ici le printemps, déposer leur plan stratégique. Plusieurs d'entre elles sont des filières relativement jeunes – c'est le niveau de difficulté dont je vous parlais tantôt. Quand on parle de la filière chevaline, de la filière des animaux à fourrure, fruits et légumes de transformation, c'est des exemples, c'est des filières où les gens, pour la première fois, se sont retrouvés ensemble, et il fallait leur laisser un an, deux ans avant qu'elles débouchent sur un plan stratégique. Alors, c'est une question de temps, et je pense qu'elles vont rapidement, dans les six cas, déboucher sur un plan stratégique. Alors, c'est des secteurs où il n'y avait pas ces habitudes de concertation, contrairement à ce qui existe, si on fait exception peut-être du secteur acéricole et des pommes où il y a quand même eu des exercices de concertation dans le passé.

(12 h 10)

Puis là il y a d'autres niveaux de difficultés qui s'apparentent davantage aux difficultés dont on a parlé: sur le lait, rapports historiques, d'autres lieux de concertation dans le cas des pommes et de l'acériculture. Mais, pour les quatre autres, c'est nouveau, ça, s'asseoir ensemble, parler avec les autres maillons, c'est totalement nouveau. Il n'y avait pas de rapports historiques, il n'y a pas d'autres tables, alors c'est plus lent. Mais ça va bien. Et on nous dit que, dans tous les cas, d'ici le printemps, on attend des plans stratégiques. Alors, on continue de les supporter en conséquence.


Autonomie des tables filières

M. Farrah: Vous nous avez dit dans votre intervention que l'objectif du ministère, c'est que ces tables-là soient autonomes peut-être dans une perspective de trois à cinq ans, disons de quatre à cinq ans. C'est quoi, ça, votre définition que ces tables-là soient autonomes? «C'est-y» le retrait complet du ministère?

M. Vézina (André): Non. C'est l'appui du ministère sous une forme différente. Ce qu'on déplore actuellement – puis on a expliqué ça à la filière agroalimentaire puis dans des réunions avec les gens des filières – c'est que nos experts qu'on met à la disposition des filières, qui sont généralement des professionnels de haute compétence et de haute expertise du ministère, doivent consacrer toute une partie de leur temps au soutien logistique aux tables filières: convocations, procès-verbaux, ramassage de documents, distribution des documents, qui est une job qui doit être faite, mais ce n'est pas une job qui requiert une haute expertise de contenu. Or, nos experts qui sont mis à la disposition des filières sont des gens très forts en contenu, et on voudrait que ces personnes-là consacrent leurs énergies à faire de la veille technologique, de la veille commerciale, à produire des documents de réflexion pour les membres des filières. On voudrait qu'elles le fassent à temps plein et on leur demande déjà de le faire à temps plein, sauf qu'il y a une grosse, grosse partie de leur temps qui va au niveau organisationnel. Et ce qu'on souhaiterait, c'est que les filières deviennent autonomes au niveau organisationnel, puis on est prêts à les supporter financièrement pour ça, qu'elles se prennent en charge pour ce qui est de leur fonctionnement, du suivi de leurs projets, parce qu'elles ont des projets ensemble. Il faut suivre ces projets-là; vous savez comment ça marche, il y a tout un réseau de contacts, et tout ça. Et on souhaiterait, pour nous, maintenir notre expertise, voire même la renforcer, mais là où on est compétents puis on a les capacités, c'est-à-dire au niveau de la veille commerciale, de la veille technologique et de la réflexion sur le développement des marchés, et tout ça.

Alors, nous, on s'engage à maintenir notre expertise, mais on voudrait qu'elle se déplace du soutien logistique vers le soutien expert. Alors, on ne retire pas notre personnel; au contraire, on le laisse là, mais on voudrait que les filières s'occupent de leur organisation. On se donne cinq ans pour tout ça parce qu'il faut avoir atteint un certain niveau de maturité, il faut avoir pris conscience que c'est intéressant de faire des projets ensemble, que ces projets-là sont rentables avant de s'engager à financer, et on pense que c'est un signe de maturité. Le jour où on met un peu d'argent de ses poches, les membres des filières, pour nous supporter dans notre effort de concertation, dans l'organisation de la concertation, c'est un signe qu'on considère que c'est important. Il y a des filières qui sont presque rendues là, qui sont en démarche là-dessus, et on constate qu'au niveau régional c'est beaucoup plus facile. Au niveau régional, d'entrée de jeu, les gens veulent s'embaucher quelqu'un pour faire ce support-là, ce qui permet à nos personnels en région d'être présents sur ces tables-là autant, mais de faire le vrai travail d'expertise. Alors, c'est ça qui est recherché ici quand on parle d'autonomie des filières. Mais on ne met pas de pression. Il n'est pas question qu'on retire notre support parce qu'elles ne s'autonomisent pas. Il n'y a pas de menaces, il n'y a rien. On dit à nos gens: Essayez de les amener là sur un horizon de cinq ans.

M. Farrah: Je suis content de vous entendre le dire, je pense que c'est dans le bon sens, parce que, pour jouer le rôle de catalyseur, rassembleur ou facilitateur, ça prend aussi comme un pouvoir moral...

M. Vézina (André): Voilà.

M. Farrah: ...pour assumer un leadership. Alors, si le ministère se retire complètement, il serait peut-être malvenu à un moment donné, si ça ne marche pas, d'imposer une ligne directrice ou, en tout cas, d'essayer de rassembler les gens pour dire: Bien, écoutez, vous autres, on n'a pas affaire à vous autres, puis organisez-vous avec vos troubles, là. C'est parce que je pense qu'il y a un rôle de leadership du ministère...

M. Vézina (André): Tout à fait.

M. Farrah: ...qui doit s'appliquer de façon à faire en sorte que ça fonctionne bien de façon générale.


Développement des marchés extérieurs

Il y a un autre élément que je voulais aborder. Quand vous parlez des nouveaux défis, je pense qu'il faut regarder vers les marchés extérieurs, parce que, en quelque sorte, sur le marché intérieur, ces tables filières là sont en compétition. Écoutez, le porc augmente sa part de marché au Québec, mais, évidemment, au détriment souvent du poulet, ou du boeuf, ou du poisson. Et je pense que, dans une stratégie de croissance et de développement pour l'ensemble du secteur agroalimentaire, il faut faire en sorte d'orienter notre action sur les marchés extérieurs parce que, là, il y a de la place pour tout le monde, mais à condition qu'on soit compétitif, qu'on puisse prendre le virage technologique et qu'on ait accès à ces marchés-là de façon compétitive. Et, dans le sens d'une vision globale des choses, il faudrait, en tout cas, orienter notre stratégie vers les marchés extérieurs plutôt que le marché intérieur alors qu'on est en compétition entre nous, sur ces différentes tables-là.

M. Vézina (André): Je vais passer la parole à Marc Dion, mais d'abord, dans un premier temps, je veux vous dire que notre analyse est tout à fait identique à la vôtre. Mais il faut faire exception. Il y a certains secteurs de produits ou certaines filières qui ont peut-être davantage ou qui ont encore beaucoup de place sur le marché intérieur pour des produits très particuliers.

M. Farrah: ...de l'importation, je comprends.

M. Vézina (André): Mais, règle générale, je vous dirai que vous avez totalement raison, et on est d'accord avec vous pour dire que le vrai potentiel de développement est sur les marchés extérieurs, en faisant attention, à tout le moins, pour conserver notre marché intérieur parce qu'on est en compétition là aussi.

M. Farrah: Pas au détriment de rien.

M. Vézina (André): Il faut rester concurrentiel sur le marché intérieur. Mais le vrai potentiel, si on veut faire plus de produits, créer plus d'emplois, c'est bien évidemment vers les marchés extérieurs qu'il faut se tourner parce que la consommation, elle ne croît pas à l'intérieur, elle stagne. Elle croît à l'extérieur. Marc, est-ce que tu peux ajouter?

M. Dion (Marc): Je pense que M. Vézina a donné le bon préambule aux propos. Ce qui est important dans le travail des filières, pour la partie marché intérieur, à mon avis, c'est beaucoup la maturation du secteur, c'est-à-dire le développement des aspects plus recherchés par le marché par rapport à tout autre produit qui peut venir, par ailleurs, de l'extérieur aussi. Par exemple, le développement de produits à haute valeur ajoutée, le positionnement de ces produits-là, quand on parlait d'un système de qualité totale dans le secteur porcin, etc., c'est des facteurs qui jouent sur le marché intérieur puis qui peuvent permettre à un secteur d'être moins compétitif à certains moments par rapport à un produit qui pourrait venir de l'étranger, la surtransformation étant peut-être un des grands facteurs ici, et la qualité. Ceci étant dit pour le marché intérieur, il y a plusieurs filières qui travaillent dans ces directions-là et il faut reconnaître qu'il y a un beau travail qui se fait de ce côté-là.

L'autre aspect des choses, c'est la partie marchés extérieurs. Ce qui est intéressant de noter là-dessus, c'est que, depuis quelques années, on connaît un taux de croissance très, très intéressant sur les marchés extérieurs. Il y a 10 ans, on avait un résultat de l'ordre de 1 300 000 000 $ de ventes à l'étranger au niveau international, puis là je ne parle pas du marché canadien, je parle international hors Canada, du Québec hors Canada. Et, aujourd'hui, 10 ans plus tard, on a atteint 2 000 000 000 $, l'an passé, ce qui est une progression très, très intéressante en 10 ans. Ce qui est également intéressant là-dessus, c'est que, il y a 10 ans, on avait peut-être environ une trentaine d'entreprises qui allaient à l'exportation dans le secteur agroalimentaire. Aujourd'hui, on en a plutôt 300. Donc, on a beaucoup plus d'entreprises, et même des petites entreprises maintenant qui s'intéressent à ce marché-là. Les entrepreneurs aussi sont mieux formés pour y aller, sont mieux encadrés. On essaie de donner aux entrepreneurs des outils pour aller sur les marchés étrangers. Non seulement le nombre d'entrepreneurs, mais le nombre de produits a été en croissance et c'est également lié à une sorte de capacité d'innovation. Donc, ces créneaux-là sont en travail important.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais simplement pour vous dire qu'on est présent dans 141 pays du monde – c'est substantiel – et qu'on a atteint... alors qu'historiquement notre balance commerciale à l'étranger était nettement négative, si je me réfère au début des années quatre-vingt-dix, je vous dis ça de mémoire, c'était de l'ordre de 500 000 000 $, négative, on est rendu à zéro. On a éliminé le déficit de la balance commerciale en matière d'agriculture et d'alimentation. Et donc, je pense qu'on marque des points substantiels dans certains domaines.

Alors, c'est intéressant. Il y a beaucoup, beaucoup de travail qui se fait dans les filières dans ce cadre-là. Oui, on a parlé du porc. Oui, le porc est là. Mais des produits comme l'érable, des boissons, etc., c'est des secteurs qui sont très, très dynamiques sur les marchés extérieurs. Les fruits et les légumes, les légumes froids en particulier... alors qu'il y a 10 ans on était beaucoup moins importants, beaucoup moins présents sur les marchés extérieurs que l'Ontario, dans plusieurs produits de l'horticulture maintenant, on rejoint l'Ontario même, ce qui était à peu près inimaginable il y a 10 ans. Alors, on marque des points intéressants là-dedans.


Mise en place d'une table filière pour les pêcheries

M. Farrah: Lors du dernier Forum sur les pêches, qui avait eu lieu à Rimouski, il y avait eu une annonce d'un montant qui était alloué au secteur pêches pour faire en sorte peut-être d'améliorer la concertation, éventuellement pour se diriger vers une table filière. À ce moment-ci, est-ce que vous avez des précisions pour ce secteur-là, précisément? Quand vous disiez tantôt les raisons pour lesquelles certaines tables ne marchaient pas, ne fonctionnaient pas, quand vous parliez des difficultés et, entre autres, quand vous parliez de la nature historique des relations entre les partenaires, sûrement on peut penser, puis on souhaite se tromper, que ce ne sera pas nécessairement pas facile, quand on regarde la nature historique des partenaires, les relations de confiance entre les partenaires du secteur pêches. Depuis le Forum qui a eu lieu à Rimouski, est-ce qu'il y a évolution – peut-être un état de la situation – puis pour aboutir à quoi?

(12 h 20)

M. Vézina (André): Alors, oui, depuis le Forum de Rimouski, il y a évolution. D'abord, je veux indiquer ici que votre analyse me paraît fort pertinente et je sais que vous connaissez fort bien ce secteur-là et les difficultés qui sont vécues en ce qui concerne les rapports historiques. Oui, il y a évolution. On se rappellera que, au sortir de ce Forum de Rimouski, une quarantaine de partenaires réunis à la fin de ce Forum ont convenu de la nécessité de mettre en place une structure de concertation, donc l'équivalent de ce qu'on pourrait appeler la filière agroalimentaire – mais il faut faire attention parce que les comparables ne sont pas forcément faciles ici – donc une structure de concertation ou un réseau de concertation. Et ils ont mandaté le groupe plus restreint qui composait ce qu'on appelait le comité de suivi des forums antérieurs pour préparer une proposition quant à ce que devrait être cette structure de concertation là. Et j'ai appris que ces gens-là se sont récemment mis d'accord, se seraient mis d'accord sur ce que pourrait être cette structure de concertation, et ils entendent, avec le ministre, rencontrer à nouveau les membres du groupe élargi, là, la quarantaine de partenaires, les 40 partenaires, pour leur faire une proposition formelle de structure de concertation, je pense, quelque part vers la fin mars ou au mois d'avril.

M. Farrah: O.K. Est-ce que l'Alliance est embarquée dans le processus?

M. Vézina (André): Non, l'Alliance n'est toujours pas dans le processus. Alors, ça illustre bien ce que vous venez de nous dire et on espère toujours leur retour prochain.

M. Farrah: O.K. Deux petites questions en terminant, parce que, malheureusement, je ne serai pas ici cet après-midi, j'ai d'autres engagements. C'est fort intéressant. Donc, d'une part, si je vous comprends bien, par rapport à votre exposé de tout à l'heure, suite au Sommet ou à la Conférence agroalimentaire qui aura lieu, ce sera sûrement au partenaire qui sera présent à décider comment il voit, peut-être, l'avenir. Mais, vous autres, à votre niveau, au niveau du ministère, vous souhaitez que ces tables filières là continuent...

M. Vézina (André): Oui.

M. Farrah: ...si j'interprète bien vos propos.

M. Vézina (André): Ah oui! tout à fait.


Difficultés de fonctionnement de certaines tables filières (suite)

M. Farrah: O.K. Et, en dernier recours, c'est que tantôt, dans ma question que j'ai posée, à savoir pourquoi certaines tables fonctionnent bien puis d'autres moins bien... Est-ce qu'il y a un lien aussi avec le nombre de participants à ces tables filières là? Parce que vous disiez tantôt que le nombre de participants peut varier entre 15 et 40, 45, dépendamment des tables. Et on sait fort bien que souvent, à ces tables-là – ce n'est peut-être pas généralisé – dans ce genre de forum là, plus des fois tu es de gens, plus c'est difficile d'avoir une concertation. Il y a beaucoup d'intervenants, ce n'est pas facile de mettre tout le monde ensemble. Remarquez bien, ça n'a aucun rapport. Je ne sais pas si vous pouvez nous donner un détail là-dessus. Y «a-tu» un rapport entre le nombre de personnes assises autour de la table et le bon ou le mauvais fonctionnement de la table?

M. Vézina (André): Non, je pense qu'on peut dire qu'il n'y a pas de rapport. Puis on a quasiment démontré le contraire, parce que la filière qui est considérée comme ayant été la plus performante...

M. Farrah: Il y a plus de membres dessus?

M. Vézina (André): ...qui en est à son deuxième plan stratégique, c'est celle qui est la plus grande.

M. Farrah: La plus nombreuse.

M. Vézina (André): Il y a 40 membres à la filière porcine et, vraiment, c'est une production excessivement ramifiée, là. Il y a 40 partenaires et on en est au deuxième plan stratégique avec beaucoup, beaucoup de projets. Vous en avez eu des exemples tout à l'heure. C'est la plus grosse. Alors, je pense que le facteur vraiment déterminant, c'est la volonté des partenaires de s'engager et la compréhension qu'ils ont des gains...

M. Farrah: La confiance.

M. Vézina (André): ...la confiance, la compréhension qu'ils ont des gains qu'ils pourront faire là-dessus. Il faut voir que la production porcine était dans une situation privilégiée par rapport à ça. C'était évident, en production porcine, que l'avenir était dans les marchés extérieurs.

M. Farrah: Un niveau de maturité aussi.

M. Vézina (André): Il y avait un niveau de maturité de l'industrie, puis c'est une industrie quand même plus jeune, à développement récent.

M. Farrah: Merci beaucoup. Je dois quitter. C'est fort intéressant. Merci.

M. Vézina (André): Je vous en prie. Je comprends.

Le Président (M. Vallières): Bien. Une demande d'intervention du député de Saint-Hyacinthe.


Production porcine

M. Dion (Saint-Hyacinthe): Oui, merci, M. le Président. Je suis un peu dans le même cas que M. Farrah et j'ai une question bien importante à vous poser concernant toute la question de la production du porc. Vous en avez parlé beaucoup tout à l'heure. Vous avez parlé aussi de la question de l'exportation, et tout ça. La question que je me pose est la suivante. C'est qu'on sait que la production du Québec, évidemment, si on la compare à la production américaine, en Amérique du Nord, c'est un pourcentage relativement restreint. J'aimerais que vous me disiez exactement de quoi il s'agit. Et, étant donné cette situation-là, c'est sûr que l'augmentation de – je ne sais pas, moi – 10 % dans la production au Québec, ça n'a pas la même signification sur les marchés internationaux que 10 % dans la production américaine. Alors, compte tenu de ce facteur-là, si on tient compte uniquement des possibilités du marché, j'aimerais savoir aussi justement que possible les possibilités d'expansion dans la production du porc, sans tenir compte de la question de la disposition du lisier, qui est un problème très important. Mais, pour mieux comprendre la problématique, si on mettait de côté la problématique de la disposition du lisier, uniquement la disponibilité des marchés, qui nous permettrait d'augmenter la production du porc dans une proportion x ou y, ou soit les marchés qui sont actuellement disponibles ou susceptibles d'être développés, dans un court avenir évidemment.

M. Dion (Marc): D'accord.

M. Vézina (André): Alors, M. Dion va répondre à M. Dion.

M. Dion (Marc): Ha, ha, ha!

M. Dion (Saint-Hyacinthe): Merci.

Le Président (M. Vallières): M. Dion.

M. Dion (Marc): Alors, pour situer un peu la production porcine en Amérique du Nord, au Québec on produit présentement quelque chose qui tourne autour de 5 300 000 têtes. Il y a quatre ou cinq ans, on produisait quelque chose qui tournait plutôt autour de 4 500 000 têtes. Donc, on a eu quand même une croissance de l'ordre de 200 000 têtes par année au cours des quatre dernières années, qui a suivi une période de stagnation depuis 1981, où on tournait toujours autour de 4 500 000 à 4 700 000 têtes depuis 1981. Avant 1981, pour vous faire l'historique rapide, on a eu une croissance très rapide de la production porcine, très, très rapide à la fin des années soixante-dix. Bon. On est situé un peu dans l'histoire de nos grands mouvements à nous.

Au Canada, la production est de l'ordre de 15 000 000 de têtes. Donc, on produit, grosso modo, un tiers de la production canadienne, le Québec. Ce qui nous caractérise par rapport au Canada – et je vais venir aux États-Unis après – c'est que, nous, nous produisons la viande, nous exportons de la viande. Nous exportons un produit à valeur ajoutée, un produit transformé. Ailleurs au Canada, dans plusieurs provinces – c'est leur difficulté – ils exportent beaucoup plus des animaux vivants. Donc, le résultat économique de la valeur ajoutée, ils l'ont moins. Ils sont en train de travailler là-dessus, mais ce n'est pas encore réglé.

Aux États-Unis, par rapport à nous, c'est 100 000 000 de têtes. Ça vous donne tout de suite l'ordre de grandeur de ce que ça veut dire. Alors, il est évident que – je vais utiliser un anglicisme ici – nous sommes sur le marché des «price takers». Ce n'est pas nous qui fabriquons le prix du marché du porc en Amérique du Nord, même si on se trouve bons, même si on est excellents, même si on a des bons éleveurs, même si on a des bonnes technologies, même si on a des bonnes entreprises de transformation. Ça, c'est très, très clair. Nous sommes petits là-dedans, relativement même très petits. Donc, l'influence globale du marché, c'est vraiment les États-Unis qui créent en Amérique du Nord, et le prix à l'enchère électronique québécois est fixé sur les principaux marchés américains pour le prix de base. À tous les matins, quand on démarre l'enchère électronique, on tient compte du marché américain. Ça, c'est très, très important de comprendre ça.

Donc, l'effet prix de notre croissance, c'est minime dans l'océan nord-américain, mais la tendance mondiale étant la suivante... C'est qu'il y a présentement une phase de développement du secteur porcin, il y a une demande importante sur les marchés internationaux et la tendance a été un développement et une concentration de ce développement du secteur porcin en Amérique du Nord, si on fait le tour du monde. Évidemment, la Chine est un très, très gros producteur, le plus gros producteur dans le monde, l'Europe est également très importante là-dedans et, si on veut parler en termes concurrentiels, c'est évidemment le Danemark qui sert de tête de pont à la Communauté européenne... à l'Union européenne, c'est-à-dire, pour faire les exportations sur les marchés.

(12 h 30)

Ceci étant dit, la possibilité d'expansion, elle est très, très grande encore pour les prochaines années. On connaît un essoufflement sur les marchés au cours de l'année 1998, mais une restabilisation des marchés asiatiques, le développement de la consommation dans ces pays-là, l'ouverture des marchés comme la Corée... Le marché de la Corée qui était complètement fermé au porc il y a trois ans commence à s'ouvrir. Son potentiel d'achat est à peu près équivalent à tout le Japon. Ça vous donne une idée, là. Et ça, ne vous en faites pas, les Américains veulent y aller, ils sont déjà présents. Les Taiwanais, qui étaient des gros producteurs puis qui ont été obligés de réduire leur cheptel, viennent investir aux États-Unis. Je lisais la semaine dernière, au Texas, un projet d'investissement de 120 000 000 $ pour l'établissement de tout un réseau de porcheries intégrées avec des abattoirs, une seule compagnie taiwanaise qui investissait complètement, tout intégré. Alors, on n'est pas dans ces ligues-là, mais il y a des très gros investisseurs qui regardent l'Amérique pour développer le secteur porcin.

Il y a évidemment les problèmes environnementaux aux États-Unis aussi, il ne faut pas penser qu'ils n'en ont pas, eux autres non plus. La Caroline du Nord, au début des années quatre-vingt-dix, a connu une expansion très importante de sa production et il y a eu un événement majeur, c'est que, eux, il n'y avait pas de fosses à purin en béton comme nous, c'est des lagunes, mais des grosses lagunes, des lacs de lisier, et, à un moment donné, il y a un barrage qui a cédé à un endroit. Imaginez la catastrophe écologique que ça a causé, ils ont changé leur réglementation aussi.

Alors, oui, ils ont des problèmes aussi de concentration, et là, quand on parle de concentration, on ne parle pas de 5 000 porcs, on parle de 100 000 porcs. Le projet dont je vous parlais, c'est 100 000 porcs. Alors, quand j'entends parler, quand je lis des articles de journaux ici: «Une mégaporcherie de 2 000 porcs», ça me fait sourire. Là, c'est des complexes, ce n'est pas juste un bâtiment évidemment, on comprend que ça s'établit dans des complexes, mais concentrer 100 000 porcs dans des sites assez étroits, ça n'a rien à voir avec ce qu'on connaît chez nous.

Le Président (M. Vallières): Oui, alors simplement pour vous indiquer qu'on a déjà dépassé l'heure qui était impartie, ce qui nous amènerait à revenir cet après-midi, à 14 heures. Donc, on invite M. le sous-ministre et son équipe à être présents, de même que les députés, retour à 14 heures. La commission suspend donc ses travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 14 h 16)

Le Président (M. Vallières): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation reprend ses travaux. Nous avions convenu, en terminant, que nous allions débuter la séance par une intervention du député de Gaspé. Alors, je lui remets immédiatement la parole. M. le député de Gaspé.


Autosuffisance, exportations et balance commerciale

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Ce matin, on a fait un grand tour des tables filières, des orientations qui se dégagent, de l'état de situation de chacune d'elles. Ma collègue de Marie-Victorin a posé des questions également au niveau de la table filière agroalimentaire, qui semble être une table générique, à moins que je ne me trompe, avec plusieurs tables filières et sous-tables. On a également parlé que le Québec exportait, que la balance commerciale – à moins que je me sois trompé, et vous me corrigerez là-dessus – actuellement se situait à zéro au niveau des importations. Je n'ai pas compris si c'était uniquement avec les États-Unis ou si c'est à l'échelle internationale. Par ailleurs, il y a environ 10 ans, le Québec aurait été à environ 500 000 000 $ de déficit au niveau de sa balance commerciale.

Il y a une préoccupation que j'aie à l'égard du Québec et des régions, c'est notre autosuffisance alimentaire. Je comprends qu'au niveau de la balance commerciale on puisse dire: Oui, nous sommes à zéro, mais pas nécessairement dans tous les secteurs, je pense que c'est sur l'ensemble. Si on prend les produits de luxe qui vont générer énormément de revenus, au bout du compte, on va se retrouver, oui, à une balance équilibrée. Mais, si on exclut les produits de luxe et on s'en va, par exemple – je ne sais pas – dans les produits maraîchers qu'on importe, ou d'autres choses, il doit y avoir certainement des déficits au niveau de certaines productions. J'aimerais ça savoir si vous pourriez nous dresser un portrait de ça parce que, moi, ça m'interpelle, ça m'interroge de savoir c'est quoi, notre état de situation au Québec. Par la suite, on pourra revenir pour les suggestions.

Le Président (M. Vallières): M. le sous-ministre.

M. Vézina (André): Je vais demander à M. Dion de répondre.

M. Dion (Marc): En ce qui concerne la situation de la balance commerciale, vous avez bien compris qu'elle est à peu près ramenée au nul, alors qu'elle était très déficitaire il y a quelques années, mais c'est pour l'ensemble des pays. Si on regarde au niveau géographique comment ça se passe, avec les États-Unis, qui est notre principal partenaire commercial – écoutez, l'ordre de grandeur, c'est à peu près 66 %, les deux tiers de nos ventes se font sur le marché américain, autrement dit 66 % du 2 000 000 000 $ de ventes, c'est de loin, et de très loin, notre principal marché, comme le chiffre l'indique assez clairement – notre commerce est nettement positif. Je cherche le chiffre exact pour vous le donner, ici. Nos ventes avec les États-Unis sont à 794 500 000 $ dans la dernière année, et notre surplus est de l'ordre de 500 000 000 $ aussi. Je cherche le chiffre exact quelque part, je sais que je l'ai proche. C'est l'ordre de grandeur. En tout cas, c'est assez important.

(14 h 20)

On a un déficit avec l'Europe, et c'est là qu'est notre principal problème, si on fait l'équilibre. Mais, on ne peut pas être égal partout dans le monde. Avec l'Europe, notre déficit résulte principalement d'importations de produits surtransformés et des alcools. On boit beaucoup de bons vins, et de champagnes et de cognacs. On n'en fait pas beaucoup chez nous, alors... Du scotch, comme dit M. Vézina. Ha, ha, ha! Du whisky, on en fait, par exemple. Et il y a certains produits de haut niveau de transformation, des produits de spécialité, qui sont importés par rapport au marché européen.

Nos ventes sont plus difficiles sur le marché européen parce que le type de produits dans lesquels on est forts – exemple, le porc – sont, pour une large part, bloqués par la Politique agricole commune de l'Union Européenne. Il y a des règles dans la Politique agricole commune qui garantissent un marché intérieur européen plus fermé. Ces règles-là sont en train de changer avec les accords commerciaux. Ce n'est présentement qu'une amorce, mais on pense que, peut-être au cours de la prochaine négociation, il y aura un petit peu plus d'ouverture pour qu'on puisse entrer plus facilement sur le marché européen.

Quant aux autres marchés, nos deux grands partenaires, à part les Américains, le deuxième grand partenaire c'est le Japon. Et c'est à peu près 7 % à 8 % de nos exportations totales qu'on fait au Japon. Donc, on vendait 87 000 000 $, 88 000 000 $ en 1987, il y a 10 ans, on est rendus à 192 000 000 $ en 1996, c'est une progression phénoménale. Alors, ces augmentations-là résultent évidemment des efforts qu'on a mis avec différents produits, notamment le porc, oui, mais les produits marins aussi et les produits transformés, les produits de l'érable et toute une série de produits à valeur ajoutée. Donc, globalement, on est en équilibre, mais, n'eut été de l'Europe, on est déficitaires. Sur l'ensemble des marchés, notre position est excellente.

Par rapport à la position d'autosuffisance, maintenant. Avec la négociation des accords commerciaux, de plus en plus, on est obligés de céder ce qu'on appelle dans le langage des accords commerciaux des entrées minimales sur le marché intérieur. Autrement dit, il y a des quantités, dans certains produits, même dans le secteur laitier et même dans le secteur de la volaille, où on est obligés de concéder des accès minimaux, et c'est vrai pour l'ensemble des pays. Et les technologies, les modes de conservation des produits – vous le savez, on le fait nous-mêmes, on livre des produits frais, emballés sous vide partout dans le monde, puis, pour des viandes, avec des garanties de conservation de 20 jours sans aucun problème – ça permet de livrer à l'extérieur des produits très frais. Donc, les marchés deviennent interdépendants. Et, quand on concède de l'accès minimal sur notre marché, il faut aller chercher une part de marché plus grande sur le marché de l'autre pour arriver à tenir notre position ou à l'augmenter. Et c'est ça, l'avenir des marchés.

Donc, la notion d'autosuffisance, bien qu'importante n'est plus le critère de référence, désormais. Le critère de référence, désormais, c'est vraiment notre capacité à vendre à l'extérieur. Et il faut regarder, à ce moment-là, dans l'ensemble, nos progressions et nos volumes. Et il appert, à cet égard-là, qu'on a démontré d'excellentes performances dans les 10 dernières années, si on fait encore une analyse à moyen et à long terme, dans des secteurs comme l'horticulture, outre les secteurs que j'ai mentionnés.

Donc, on considère, nous, que globalement on est une province, si on se compare à nos voisins, qui performe très, très bien dans l'agroalimentaire à plusieurs points de vue. Mais notre balise de référence n'est plus l'autosuffisance. C'est les volumes de ventes, c'est la valeur des ventes, c'est la nature des produits vendus, leur qualité intrinsèque: Est-ce que c'est un produit transformé?

Par exemple, si on parle du secteur laitier, désormais, de plus en plus le marché se déplace: c'est qu'on ne vend plus le lait pour le lait, mais on va vendre les ingrédients qui sont issus du lait. Alors, le marché, ça va être davantage un marché d'ingrédients laitiers – de la protéine, etc. – pour arriver à fabriquer un sous-produit qui entre dans une production. Il y a même l'utilisation industrielle de ces produits-là aussi qui devient un paramètre. Dans le lait, c'est un cas, tous les neutraceutiques, qui est une nouvelle tendance de l'industrie, qui va accaparer des parts de marché.

Donc, je ne pense plus qu'on puisse s'appuyer de façon très claire sur la notion d'autosuffisance pour arriver à se donner un point de repère, d'autant plus que, comme le disait M. Vézina très clairement ce matin, notre croissance ne peut pas résulter du marché intérieur parce que notre croissance de population est relativement faible, même plutôt faible, alors que, si on veut avoir une croissance importante dans l'agroalimentaire, il faut aller là où il y a des développements nouveaux, là où la population croît plus rapidement, là où l'économie croît également rapidement. Parce qu'il y a des économies qui accusaient peut-être certains retards puis qui regagnent du terrain. À cet égard-là, par exemple, on pourrait citer l'Europe de l'Est, où on commence à faire des percées; certains pays d'Amérique latine comme le Brésil, le Chili, où on fait des percées très intéressantes, ce qu'on appelle des marchés en émergence; même à Cuba, où on a développé une base intéressante aussi. Donc, c'est sur cette base-là qu'on travaille maintenant. Voilà.

M. Lelièvre: Mais il n'y a pas un danger qui pourrait provoquer, par exemple, si la catastrophe du verglas arrivait dans une région américaine ou ailleurs, ce qui fait en sorte qu'on s'approvisionne pour des denrées de base, au niveau des légumes particulièrement, même au niveau de certains fruits, qu'on soit à la merci éventuellement d'un autre pays ou d'autres pays? C'est ça, moi, mes interrogations. Parce que je relie ça à la crise du verglas. Dans la Montérégie, c'est le jardin du Québec, quoi, et on ne connaît pas encore les conséquences. Ce matin, vous en avez parlé, M. Vézina en a parlé. Ça va être quoi, la qualité des productions? L'automne prochain, quand on va faire les bilans, ça va être quoi, les résultats nets? Et quels sont les dommages? C'est seulement l'été prochain qu'on va le savoir. Pour moi, le danger, il est là.

M. Vézina (André): Je pense qu'on peut affirmer, à moins que la catastrophe, ce soit le reste du monde, qu'il n'y a aucun danger qui nous guette, s'il y a quelque part une région ou une partie du monde qui peut momentanément ne plus nous livrer d'approvisionnement, à moins, comme je vous le dis, que ce soit tout le globe sauf le Québec. Le Québec produit les denrées essentielles en quantité abondante pour satisfaire sa population, puis il faut ajouter celles qu'on peut aller chercher ailleurs, dans les zones qui ne seraient pas sinistrées. On produit des viandes, on produit des produits laitiers, on a des produits marins. Dans le domaine maraîcher, il faut faire attention, le Québec est exportateur à l'année de produits maraîchers. Il y a des entrepôts de fruits et légumes. Vous trouvez sur le marché, actuellement, puis on est en fin de saison d'hiver, des produits maraîchers du Québec partout: des oignons, des rutabagas, des pommes de terre, de la laitue, des tomates produites en serre, des carottes, tous les légumes qui se conservent – il y a de gros entrepôts de fruits et légumes au Québec – des fruits aussi, des pommes, ce qui fait qu'on peut s'approvisionner en fruits et légumes à l'année à partir de produits du Québec. Il s'agit de choisir, comme consommateur. Puis vous pouvez fort bien vous nourrir n'importe quand en fruits et légumes du Québec. Il y a bien sûr des fruits exotiques qu'on ne pourra jamais se procurer au Québec, mais on est capables de s'en passer pendant une période de temps, de ça, et d'autres produits transformés aussi. Donc, à mon avis, il n'y a absolument rien à craindre de ce côté-là.

Et, compte tenu de la situation actuelle des marchés, la vraie mesure de l'autosuffisance, si on voulait encore parler de ça... Parce que ça réfère à d'autres choses, l'autosuffisance. L'autosuffisance, c'est: je satisfais tous mes besoins moi-même, je n'ai pas besoin de l'extérieur, mais, en contrepartie, je ne vends pas à l'extérieur. Si vous n'achetez pas, vous ne vendrez pas. Il y a du donnant, donnant, dans le domaine des marchés. Mais c'est une impossibilité, de toute façon. Ce serait impossible à réaliser aujourd'hui. C'est impensable, compte tenu de la réalité qui est celle du globe actuellement, au niveau des marchés.

(14 h 30)

Pour les raisons que vient d'expliquer M. Dion, la seule mesure de notre performance dans la production alimentaire, c'est la balance commerciale. Si je vends autant que j'achète, quelque part, je suis autosuffisant. C'est ça, l'autosuffisance. La vraie autosuffisance, elle est là. Et, il faut faire attention, peu importe le type de produit acheté et vendu, la balance commerciale, c'est la valeur des ventes et la valeur des achats. Et, quand vous vendez un produit de luxe, ce qu'on peut appeler un produit de luxe ou un produit à haute valeur ajoutée surtransformé, comme il a une valeur additionnelle, derrière ce produit-là, il n'y a pas juste une valeur, il y a plus de jobs puis plus de richesse chez nous, il ne faut pas oublier ça. Parce qu'il est surtransformé, ce produit-là, donc il y a plus de gens qui ont travaillé dessus pour le produire; même chose, quand vous achetez. De telle sorte que, quelle que soit la nature des produits et les volumes de produits échangés, la balance commerciale est la bonne mesure parce qu'elle vient mesurer votre degré de production et le travail créé chez nous par rapport au travail créé ailleurs pour les gens qui nous approvisionnent. Ça devient la seule mesure importante à surveiller, et la mesure des exportations et toutes les mesures sous-jacentes à la balance, mais là elles sont nombreuses. Ça devient la mesure intégratrice qui nous situe par rapport à notre production alimentaire versus notre dépendance. C'est ça. Ça mesure notre production alimentaire versus notre dépendance par rapport à l'extérieur, et c'est la seule mesure intégratrice.

On ne peut plus y aller par produits pour mesurer et additionner tout ça, pour mesurer ça, en se disant: Il faut être plus suffisant dans d'autres produits que... Le seul risque qui existait, à l'époque, si vous vous rappelez, pour ce qui est des risques par rapport à la dépendance par rapport à l'extérieur, c'était le sucre. Ça reste vrai, mais il y a tellement de régions du monde qui produisent du sucre qu'on a fini par réaliser que les risques sont nuls, ou à peu près nuls, ça prendrait une catastrophe partout. À l'époque, si vous vous souvenez, tous les pays du monde du Nord faisaient de la betterave à sucre pour des raisons de sécurité alimentaire, même quand ça coûtait très cher, et même le Québec l'a fait. Alors, on le faisait partout dans les pays du Nord parce qu'on se disait: Il y a une question de besoin de sucre, il y a une question de sécurité alimentaire. Or, aujourd'hui, le sucre se trouve dans une variété de produits beaucoup plus diversifiés, et on peut se le procurer à peu près partout dans le monde, de telle sorte que les pays du Nord qui faisaient de la betterave à sucre à grands frais pour des raisons de sécurité alimentaire ont abandonné cette pratique-là, et pas seulement nous. Il faudrait que tout le Sud disparaisse pour qu'on ne soit plus approvisionnés en sucre.

M. Lelièvre: Moi, j'ai un peu de difficulté à saisir certaines choses. Ce matin, vous nous disiez qu'au niveau du marché intérieur c'est difficile d'évaluer toutes les composantes. Par ailleurs, au niveau de l'exportation, on est en mesure de connaître nos exportations, on est en mesure de connaître notre balance commerciale, si elle est déficitaire ou pas. Et, en même temps, au Québec, si on regarde l'agriculture, c'est un secteur qui génère énormément d'emplois, de revenus et qui peut être aussi un secteur par lequel on va passer également pour faire du développement régional et on va cibler des régions: Telle région, on pourra faire tel type de production, on ne fera pas de la tomate en Ungava, en tout cas. Tu sais? Alors, c'est ça que, moi, j'essaie de comprendre, dans l'optique où on dit: Au Québec, on est en mesure de s'autosuffire. Oui, l'autosuffisance selon l'approvisionnement extérieur, mais, encore là, faut-il tenir compte des coûts. Il y a ça aussi.

On regarde, dans une région comme la Gaspésie, les fruits et légumes, on les paie, et on les paie passablement cher. Je serais curieux de comparer les prix avec Québec et Montréal éventuellement. Alors, c'est dans ce sens-là, je regarde, au niveau des régions, ce qui, par exemple au niveau des productions, pourrait être fait s'il y a encore de la place sur le marché de l'exportation et s'il y en a encore sur le marché intérieur. Ce matin, ma collègue disait qu'au Québec on retrouve des produits de l'extérieur. Et, effectivement, «produit des États-Unis», on le voit partout, «produit de l'Ontario» on en voit. Donc, c'est pour ça que, moi, j'aimerais avoir votre appréciation là-dessus parce que je vois, au niveau des tables filières, il y a beaucoup de monde là-dedans, il y a des nouvelles productions, c'est vrai, mais c'est de voir ce serait quoi, l'apport au développement régional de l'agriculture puis pas juste pour la région où on dit que c'est le jardin du Québec, mais les autres régions du Québec.

M. Vézina (André): Compte tenu du fait que vous êtes de la Gaspésie, on va élargir le débat ou l'échange puis on va parler du bioalimentaire, de tous les aliments produits. L'apport du bioalimentaire est important dans toutes les régions du Québec, et il y a un potentiel de développement dans toutes les régions du Québec, sans exception. Mais, pour se développer, il faut vendre son produit. Il faut donc produire dans chaque région des aliments qu'on est capable de vendre en raison de leur qualité et de leur capacité à concurrencer les autres aliments de même type au niveau des prix. C'est le consommateur qui décide. En Gaspésie, en Abitibi, en Montérégie, le consommateur, s'il trouve sur la tablette un produit régional même qualité et même prix qu'ailleurs, il va préférer son produit régional.

Mais, là encore, quand on regarde ça sur une base régionale, il est impensable qu'on réalise l'autosuffisance, c'est-à-dire que la totalité des aliments qu'il est possible de produire dans la région et de consommer dans la région provienne de la région. La même dynamique qui s'applique au niveau provincial et même au niveau national s'applique aussi au niveau régional. Il faut que chaque région produise ce qu'elle est capable de vendre sur la base de ses champs de force ou de ses opportunités, de ses avantages comparatifs, on va dire.

Et l'exemple de la Gaspésie est patent. Contrairement à ce qu'on peut penser, en alimentaire, je n'ai jamais fait le calcul, mais, si on mettait une frontière autour de la Gaspésie, c'est probablement, en termes alimentaires, la région du Québec qui a la balance commerciale la plus positive et probablement une de celles qui créent le plus d'emplois dans leur région en alimentaire. Mais là je parle d'alimentaire à cause du secteur des pêches, parce que la Gaspésie est une grande exportatrice, une très, très grande exportatrice de produits de la pêche. Et c'est ça qu'il faut faire. Il faut que la Gaspésie exporte des produits de la pêche. Si elle se contentait de s'autosuffire dans le domaine des pêches, ce serait la catastrophe, ce serait une richesse inouïe perdue en Gaspésie.

Prenez l'exemple du poisson puis appliquez-le dans la région de la Montérégie, qui est une région à haute potentialité en horticulture. Bien, dans la Montérégie, on fait de l'horticulture puis on exporte des produits horticoles pour créer de la richesse en Montérégie. Puis on ne va pas essayer de faire du poisson en Montérégie, sauf de l'aquiculture. Puis, encore là, ce n'est pas la bonne région pour l'aquiculture. Les bonnes régions, c'est l'Outaouais, c'est l'Abitibi, c'est la Mauricie, pour l'aquiculture, parce qu'il y a des avantages comparatifs, il y a beaucoup d'eau souterraine disponible de haute qualité à laquelle on peut avoir accès à moindres coûts. Alors, chaque région doit...

Quand on parle d'autosuffisance régionale, c'est un peu comme provinciale, il faut mesurer ça sur l'utilisation maximale de ses avantages comparatifs, de ses opportunités pour créer le maximum de richesses dans la région. Et ça inclut la possibilité pour toutes les régions de faire un peu d'horticulture, s'il y a quelque part sur le territoire une, deux localités qui ont un potentiel de production horticole pour des marchés locaux. Mais on ne peut pas penser que la Gaspésie va devenir un grand exportateur de produits maraîchers, sauf peut-être pour un créneau, peut-être un jour un légume froid de spécialité...

M. Lelièvre: Vous conviendrez que, lorsque vous...

M. Vézina (André): ...comme la chicouté sur la Côte-Nord.

M. Lelièvre: ...mettez les produits de la pêche en termes économiques, effectivement, le crabe, le homard, la crevette sont des apports monétaires très importants. Mais ce n'est pas nécessairement le fait de tout le monde, on les compte quasiment par quelques dizaines, ceux qui sont dans la pêche au crabe puis des crevettes également, c'est une centaine de pêcheurs. Par contre, si on regarde au niveau alimentaire, je conviens que la Gaspésie n'a jamais prétendu qu'elle s'autosuffirait, en termes bioalimentaires, excluant le poisson. Ce n'est pas sous cet angle-là que je l'apporte, mais c'est de regarder, au niveau du développement régional, ce qu'on peut faire.

Et je pense qu'il y avait une certaine orientation, une certaine volonté au niveau du ministère également. Vous n'êtes pas sans savoir que la Gaspésie a délaissé l'agriculture à cause des politiques gouvernementales d'autres ministères, au cours des années cinquante, des années soixante et même des années soixante-dix, et qu'on encourageait les gens, même quand on ne les forçait pas carrément à vendre leur équipement pour pouvoir bénéficier d'un revenu de suppléance. Donc, moi, ma question ne portait pas uniquement sur les valeurs parce que, si on regarde le problème sous l'angle uniquement des valeurs, il y a des données qui peuvent venir fausser.

Je sais que, dans mon comté, il y a des bons producteurs de boeuf, ça je le sais, au niveau de la Gaspésie. On fait des tentatives au niveau de la pomme de terre. Dans la Baie-des-Chaleurs, c'est un autre domaine, on fait de l'élevage également. Il y a des producteurs laitiers dans la Baie-des-Chaleurs également. Donc, il y a certaines choses qui se passent. Je ne dis pas qu'il n'y a rien qui se passe, mais je regarde au niveau de l'ensemble, au niveau du marché intérieur. Si le marché intérieur, dans le fond, on n'arrive pas à... il est méconnu, s'il y a certaines données qui vous échappent, j'ai un peu de difficulté, moi, à comprendre que vous pouvez avoir des... C'est sûr, au niveau de la macroanalyse, vous êtes capables d'avoir des assurances, mais au niveau de la micro, j'ai un peu de problème.

(14 h 40)

M. Vézina (André): Deux commentaires. D'abord, je viens de réaliser que je m'étais engagé, M. le Président, dans un échange d'opinions avec M. le député de la commission, ce qui n'est pas l'objet de cette commission, et je m'en excuse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézina (André): Mais, quand même, sur la question de fond qui est soulevée ici, je vais vous dire qu'au ministère oui, et vous le savez, on est très, très soucieux de développement régional. Et, puisqu'on parle des filières, je nous ramène dans le sujet. Je veux rappeler ici que, pour appuyer le développement régional, le ministère a aussi misé sur la concertation et qu'il s'est donné comme objectif de mettre en place, dans toutes, toutes les régions du Québec, absolument toutes les régions du Québec, des tables régionales de concertation, lesquelles tables sont supportées par le programme d'appui à la concertation et lesquelles tables ont justement comme objectif de développer les marchés en région – toujours l'objectif marché – donc d'identifier, de diagnostiquer dans chaque région du Québec quels sont nos avantages comparatifs, quelles sont les zones d'opportunité pour nous permettre de développer des produits qui vont être destinés à la fois au marché régional et au marché des autres régions du Québec, du Canada et du monde aussi. Et c'est pourquoi on a développé cette formule des tables régionales de concertation, qui regroupent tous les acteurs du bioalimentaire en région autour d'une même table pour voir quelles sont les opportunités de développer l'agriculture, la transformation alimentaire, la distribution alimentaire en région, de façon à créer le maximum d'emplois en région.

Ces tables-là existent maintenant, je crois, sont formellement constituées dans six régions du Québec. Alors, il Y a une table au Centre-du-Québec, il y a une table dans l'Estrie, il y a une table dans les Laurentides, il y en a une au Saguenay–Lac-Saint-Jean, il y en a une dans l'Outaouais, il y en a une dans Chaudière-Appalaches, il y en a une dans le Bas-Saint-Laurent en formation, il y en a une en Montérégie en formation. Et on espère que tout à l'heure toutes les régions auront leur propre table de concertation avec appui au fonctionnement de la table du ministère via le programme et appui aux projets des tables via le programme aussi. Alors, c'est ça, notre stratégie. C'est un des éléments dans notre stratégie de développement régional, mais un élément très, très important qui vise justement à développer, donc, l'industrie dans les régions.

M. Lelièvre: M. Vézina, dans le cadre du financement des tables filières, est-ce que l'industrie met de l'argent à part le ministère, à part les gouvernements?

M. Vézina (André): Dans les projets?

M. Lelièvre: Dans les tables filières, il y a des possibilités de financement; on va jusqu'à 50 000 $. Est-ce que l'industrie met également de l'argent là-dedans?

M. Vézina (André): Oui. Tous les projets, on l'a vu tout à l'heure, sont à 30 % au moins financés par l'industrie elle-même...

M. Lelièvre: O.K.

M. Vézina (André): Par le milieu. Dans le cas des tables régionales, on dit «le milieu» parce que ce n'est pas toujours l'industrie, ça peut être des organismes du milieu, d'autres organisations du milieu. Dans le cas des tables sectorielles, c'est généralement l'industrie, c'est l'industrie qui finance à 30 %.

Le Président (M. Vallières): Merci, M. le député de Gaspé. M. le sous-ministre, tantôt, vous parliez de balance commerciale. J'aurais peut-être, avant de passer la parole au député de Beauce-Nord, une question là-dessus. Face au travail des tables filières et au rôle joué par le MAPAQ comme catalyseur, voire même des fois comme initiateur de certaines réflexions, prenons... Je pense, par exemple, au marché européen dont on parlait tantôt. Avec la création de l'Union européenne, quelque 15 pays déjà qui en font partie et d'autres qui sont à la porte, qui ont cogné à la porte et qui veulent en faire partie, il y a création d'un bloc économique très important qui est déjà formé, mais qui présente un potentiel de développement extraordinaire. Dès que la monnaie commune sera autorisée, sera avalisée, il y a déjà plusieurs autres pays qui pourraient s'y joindre. On s'adresse à un bloc – je ne sais pas – qui a peut-être 600 000 000 de consommateurs.

On disait, ce matin, ma collègue de Marie-Victorin insistait sur le fait que les produits doivent se rapprocher du goût des consommateurs. Est-ce que, dans les différentes tables filières, peut-être certaines en particulier qui sont plus avancées que d'autres, on s'adresse à ce genre de modification des us et coutumes au niveau mondial? On a là des choses qui se produisent et avec des politiques bien particulières au plan agricole, dans ces milieux-là. Est-ce qu'on va aussi loin que de pousser notre réflexion sur: Comment on pourrait conquérir ces marchés-là? Quel type d'outils ça nous demande? Est-ce qu'on va jusqu'à dire: On va se donner une stratégie, une approche particulière face à ces marchés qui sont devant nous et qui représentent possiblement, pour des produits québécois plus particulièrement à valeur ajoutée, des possibilités qu'on n'avait pas dans le passé?

Je profite de la présence de M. Dion pour lui demander si la valeur de notre devise est favorable présentement à ce type de conquête de marchés. Ça nous aiderait à savoir s'il serait bon qu'elle demeure dans la braquette où elle est présentement. De toute façon, je ne pense pas qu'il soit prévisible que le dollar revienne à 0,90 $ rapidement. Mais est-ce que c'est de nature à favoriser ce genre de conquête de marchés qui sont très importants?

M. Vézina (André): Alors, M. le Président, avant de passer la parole à M. Dion, je vais vous dire que, oui, sur toutes les tables filières qui sont dans des produits où on est déjà sur les marchés d'exportation ou les autres où on vise déjà les marchés d'exportation, on regarde toutes ces questions-là de façon très sérieuse. Et c'est en partie pour ça qu'on fournit une expertise spécialisée aux tables filières, à chacune des tables filières, à la fois sous l'angle du développement des marchés et sous l'angle des autres niveaux d'expertise pour accéder à ces marchés-là, et M. Dion pourrait vous donner des exemples, en particulier dans le domaine porcin, c'est toujours l'exemple classique.

Par ailleurs, comme votre collègue de tout à l'heure, vous nous demandez un avis, et c'est avec plaisir que M. Dion va vous le donner. Mais, qu'on comprenne bien que ce n'est pas des positions ministérielles, quand on échange comme ça, c'est des avis de M. Dion ou de moi-même, dépendant des cas, par rapport à une problématique donnée. On s'éloigne de la reddition de comptes de notre gestion, mais on le fait avec beaucoup de plaisir, je peux vous en assurer. Alors, M. Dion.

Le Président (M. Vallières): Peut-être, juste pour vous indiquer que c'est l'objet de cette commission, hein?

M. Vézina (André): Oui, oui.

Le Président (M. Vallières): Il y a la reddition de comptes, mais aussi on peut pousser, des fois, nos éléments de réflexion un peu plus loin, comme membres d'une commission qui veut se pencher sur l'avenir, plus globalement, d'un secteur donné. Alors, on pense que ça pourrait être intéressant. Mais c'est bon que la nuance soit faite que c'est à titre personnel que M. Dion répond à la question.

M. Vézina (André): Oui. O.K. Alors, M. Dion.

M. Dion (Marc): Au départ, il y a des travaux qui s'opèrent à deux niveaux. Il y a des travaux qui se font au niveau global, pour ce type de stratégie là, pour l'ensemble de l'agroalimentaire, avec des grands groupes, puis je vais y revenir. Je vais commencer par répondre à l'aspect filière précis.

Sur l'aspect filière, lorsque les groupes préparent des plans stratégiques, d'une façon générale – mais là ça peut varier d'une filière à l'autre, dépendamment de l'intérêt qu'on peut avoir pour un marché cible particulier, par rapport à une autre filière qui, elle, voit moins de possibilité de marchés à l'extérieur, dépendamment des produits en cause – généralement, lorsqu'on prépare le plan stratégique de la filière, on fait un diagnostique de l'ensemble des conditions en identifiant les forces, les faiblesses, les menaces, les opportunités qu'on a. On essaie, à partir de ces analyses-là, de déterminer quels sont les moyens d'action qu'on peut prendre pour conquérir certains marchés cibles et puis on essaie d'identifier en bout de piste les moyens d'action qu'on voudrait mettre en oeuvre dans chacune des filières. Donc, ça, c'est l'approche qu'on en a. Donc, oui, ça se fait très, très bien dans la démarche des filières.

Il y a des exemples aussi où on s'associe avec des groupes industriels, etc., pour avoir une force de frappe plus grande. Par exemple – l'exemple du porc, M. Vézina nous en parle, c'est probablement le cas le plus classique parce que c'est la locomotive de nos exportations – on est associés avec un organisme qui s'appelle Canada Porc International. C'est avec eux qu'on développe des stratégies très intensives de conquête de nouveaux marchés. Et c'est grâce à ces efforts-là qu'on est entrés, dans les dernières années, sur des marchés nouveaux comme l'Australie. D'ailleurs, les Australiens sont très fâchés de ça. C'est grâce à ces efforts-là aussi qu'on va entrer avec beaucoup plus d'efficacité au niveau de la Corée. Et c'est également là qu'on est en train de finaliser des choses par rapport au marché européen.

Mais, dans le cas du porc – on va prendre cet exemple-là – le marché européen est très, très difficile à cause des barrières qui sont encore présentes. Les barrières, pour le porc, pour l'entrée dans le marché de l'Union européenne, sont au moins aussi fortes que les barrières que, nous, on peut avoir pour entrer ici sur le marché laitier; toutes choses étant égales par ailleurs, on pourrait donner un comparable comme ça. Donc, il y a quand même des difficultés. Donc, les stratégies se fixent vraiment dans les plans des filières.

(14 h 50)

Mais on a aussi des approches macroscopiques, quand vient le temps de discuter des accords commerciaux. Par exemple, M. Vézina vous a indiqué ce matin qu'un des travaux de la filière agroalimentaire, c'était toute la question des prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce, autrement dit une consultation et la préparation d'une conférence qu'on va tenir à l'automne 1998, probablement, sur l'ensemble des paramètres de la négociation commerciale. Et, à partir de là, on va faire une démarche – parce que les prochaines négociations débutent en 1999 – on va amorcer une démarche de réflexion avec les filières, sur: Quelles sont les opportunités qu'elles pourraient retirer d'une nouvelle négociation? Quels sont les éléments de force qu'on pourrait aller chercher de cette négociation-là? Et ça, c'est assez important également. Alors, on va faire un lien dans les désirs et les actions qu'on pourrait prendre par rapport au positionnement qu'on pourrait adopter dans les prochaines négociations commerciales multilatérales.

D'autre part, aussi, c'est peut-être important, c'est que, dans certaines filières, on est entré dans ce qu'on appelle le réseau de veille stratégique et commerciale. Alors, toutes les questions de marchés et de technologies sont en cause dans ces réseaux de veille. Donc, on retrouve ça dans des secteurs comme l'horticulture, dans des secteurs comme le porc, justement, où il y a des gens qui se spécialisent pour aller chercher des données très particulières sur ce qui se passe à peu près partout dans le monde dans ces domaines et qui ramènent à l'industrie l'information sous un format très simple et très rapide à comprendre. Autrement dit, les acteurs n'ont pas besoin de lire le Washington Post tous les matins ou de s'abonner à des revues spécialisées pour comprendre ce qui peut se passer par rapport à leur domaine. Donc, ça, c'est des outils qu'on met à la disposition de certaines filières qui le veulent et puis qui permettent d'aller plus loin dans ce domaine-là.

Enfin, la question d'opinion sur l'évolution des devises. Écoutez, la monnaie forte, présentement, dans le monde, c'est la monnaie américaine. Lorsqu'on regarde les nouvelles, à tous les jours on compare la monnaie canadienne à la monnaie américaine, et c'est normal, c'est là que les plus grands flux d'échanges commerciaux, d'affaires et personnels se font. Mais les autres monnaies, que ce soit dans les pays d'Asie ou dans les pays européens, varient également au même moment. Et, donc, s'il y a eu une dévaluation importante de notre monnaie, au cours des dernières semaines, il est également exact – puis là je ne prendrai pas seulement les dernières semaines – qu'au cours des derniers mois – au pluriel – il y a eu des dévaluations importantes des monnaies européennes et, dans certains cas, plus importantes même que celle que nous on a connue. Donc, ça ne nous favorise pas nécessairement, parce que, là, à ce moment-là, il ne faut pas se comparer à la monnaie américaine, il faut se comparer aux monnaies de l'acheteur qui est européen, si on parle de l'Europe. Il en va de même des monnaies asiatiques évidemment; vous l'avez vu avec les mouvements financiers qui ont été...

Donc, l'économie européenne dans son ensemble est une économie qui a été très, très forte, mais qui connaît plus de difficultés présentement. L'Allemagne, qui n'avait à peu près pas de chômage, il y a quelques années, il y a cinq, six ans, connaît un taux de chômage très élevé présentement, a de la difficulté à absorber le phénomène de l'intégration avec l'Allemagne de l'Est. En France, c'est un débat énorme qu'il y a sur le chômage là-bas. Donc, c'est des économies qui ont des difficultés internes de ce point de vue là, et ça a des effets sur la valeur des monnaies. Je m'arrête ici dans mon interprétation très personnelle des choses.

Le Président (M. Vallières): C'est bien. C'est personnel, mais c'est très intéressant d'avoir votre point de vue sur cette question, puisque – et je terminerai là-dessus – c'est sûr que, quand on va là-bas, on s'aperçoit que rien n'est négligé, en termes de mise en place d'une politique commune. On sent que ces gens-là ont décidé, eux autres, que communément ils s'organisaient. Et ça va devenir, en tout cas selon la perception qu'on en a, un bloc économique très fort, voire incontournable au plan mondial. Alors, c'est pour ça que je vous posais la question.

Face à ce qui s'en vient, c'est rassurant de voir que les tables filières qu'on a mises en place et la table, celle qui chapeaute finalement l'agroalimentaire, pourraient à un moment donné aller à parler de macrostratégie pour accéder à certains marchés. Donc, c'est des outils, en tout cas, qu'il y a 10 ou 15 ans on pensait peut-être mettre en place, mais ils sont maintenant en place, ici, au Québec. Donc, c'est un avantage qui peut être marqué par rapport à d'autres milieux où on n'a pas encore appris à se parler. Alors, on espère que peut-être ça pourra faire la différence à un moment donné face à la capacité qu'on peut avoir de conquérir ces marchés-là.

M. Vézina (André): Comme ministère et avec nos partenaires aussi là-dessus, nous sommes constamment à l'affût de nouveaux marchés et en particulier de ce qu'on appelle les marchés en émergence. Parce que, quand on parle de l'Europe, par exemple, et d'autres parties du monde aussi, ce qu'on regarde, c'est: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'aller sur des marchés qui ne sont pas nos marchés traditionnels? Nos marchés traditionnels, on le sait, ça a été les États-Unis, bien sûr pour ce qui est du porc, le Japon, une partie de l'Asie. Et on est à développer avec nos partenaires, à l'extérieur même mais en parallèle aux approches filières, les marchés en émergence. On a même développé un programme là-dessus pour soutenir le développement des marchés en émergence. Je peux peut-être demander à M. Dion de prendre quelques minutes pour vous expliquer de quoi il s'agit ici.

M. Dion (Marc): Le programme sur le développement des marchés en émergence est un programme qu'on applique en collaboration avec l'Association des maisons de commerce et avec le Club export agro-alimentaire du Québec, qui sont des maisons de commerce, mais, comme le dit un peu le nom, ce sont des organisations qui s'intéressent au développement du commerce comme tel, alors que le Club export agro-alimentaire réunit, regroupe les entreprises qui s'intéressent et qui sont actives sur les marchés d'exportation, les entreprises dans le secteur agroalimentaire.

Alors, ce programme-là, dans une première année, on a dégagé 200 000 $. Cette année, on vient de lancer la deuxième phase pour 300 000 $. C'est une enveloppe budgétaire qu'on rend disponible pour développer des activités pour des marchés cibles où on n'est pas capables de réaliser des activités à grand déploiement. C'est des activités à plus petit déploiement. Donc, par exemple, on peut aller sur un marché en Pologne ou on peut aller sur un marché en Amérique latine, dans des endroits où on est moins présents traditionnellement. Le bilan qu'on a des retombées de ce programme-là est tout à fait positif. Le Club export et l'Association des maisons de commerce sont enthousiastes, ne tarissent pas d'éloges vis-à-vis cette initiative-là et sont très, très impliqués dans la préparation des dossiers et des initiatives qu'on peut financer là-dessus.

C'était la première année, l'an passé, qu'on était dans le cadre de ce programme-là. Je vous le donne de mémoire, je ne voudrais pas qu'on le prenne pour un absolu, mais l'ordre de grandeur des retombées qu'on a eues, il me semble que c'est de l'ordre de 10 000 000 $ de ventes. C'est très, très intéressant. Alors, ça vous donne une idée pourquoi ces groupes-là sont également commis et heureux des résultats qu'on a.

Il faut dire ici qu'on essaie, indépendamment de ce programme-là, de développer toute une série d'activités qui sont très, très près des besoins des exportateurs, des activités de formation, j'en ai glissé quelques mots très rapidement, ce matin. Parce qu'une mission de ventes à l'étranger, c'est 90 % de préparation puis 10 % de mission, c'est à peu près cela. Alors, on essaie de bien former les personnes par rapport aux marchés où elles veulent aller, de leur donner les indications sur les lois en vigueur là-bas, sur les façons de faire des affaires, sur comment dédouaner des produits.

On fait même des tests de produits. On envoie des échantillons qu'on fait examiner par des acheteurs potentiels pour des produits puis on fait un rapport sur comment l'acheteur réagit à certains produits. Par exemple, il va dire: L'emballage ne convient pas pour ce type de marché. Il va dire: Le prix est trop élevé, le prix que vous pourriez me faire est trop élevé. Ou le nom du produit, la signification qu'on en donne dans une langue étrangère peut être compromettante, des fois. C'est arrivé, dans certains cas, où il y a des chocs culturels par rapport à un nom qu'on ne peut pas imaginer chez nous. Alors, on fait tous ces tests-là avant de se rendre sur des marchés et on essaie de regrouper les gens dans des missions.

On participe à des foires, soit dans des grandes foires, globalement, ou dans des foires qu'on fait, ce qu'on appelle «solo show» – excusez l'expression anglaise – qui sont des foires de produits québécois par des gens du Québec. On fait venir des acheteurs au Québec, aussi. Par exemple, au mois de juin prochain, on organise ce qui s'appelle Gourmet international, où il devrait y avoir au moins 80, 90 entreprises québécoises qui vont présenter des produits à des acheteurs qui vont venir de partout dans le monde à Montréal pour rencontrer ces vendeurs de chez nous. On accueille des missions d'acheteurs.

(15 heures)

Alors, on a une série, une panoplie d'activités très, très proches des besoins des entreprises, et c'est très, très apprécié, ça donne des bons résultats.

Le Président (M. Vallières): Merci. M. le député de Beauce-Nord.


L'industrie acéricole

M. Poulin: Merci, M. le Président. Ce matin, on a regardé un peu la situation qui s'était passée dans le domaine de l'acériculture. On a parlé d'un 30 % d'érables affectés dans la zone qui a été touchée par le verglas. J'aimerais savoir, moi: Est-ce que ça représente beaucoup, si on convertit ça en production? Et j'aimerais savoir ce que ça peut causer à une industrie semblable. On le sait, dans le domaine de l'érable, à un moment donné on a eu de la difficulté à établir les marchés. Je pense que c'est un domaine où actuellement on a réussi à augmenter les exportations. On a déjà connu une période de moratoire dans ça. J'aimerais savoir si tout cet impact-là, ça peut être considérable à une industrie semblable, savoir également s'il y a encore un potentiel de développement dans le domaine acéricole. Est-ce qu'il y a des érablières encore qui sont disponibles pour combler le manque que va occasionner le verglas? On parlait de banque de sirop d'érable. Est-ce que c'est épuisé? Est-ce qu'actuellement on fait face à une pénurie ou on vit encore ces problèmes-là? J'aimerais qu'on me dresse un peu le bilan puis peut-être une certaine évolution du domaine de l'acériculture, si vous le pouvez.

M. Vézina (André): Écoutez, je ne serai peut-être pas capable de répondre de façon précise à toutes vos questions là-dessus mais, s'il le faut, on reviendra. Pour ce qui est de l'impact de la tempête de verglas, la première chose que je veux dire: on parle de 30 % d'érables affectés, ça ne veut pas dire 30 % de perte de la production. Je pense qu'on le comprend bien. Je ne serais pas capable de vous le dire à ce moment-ci, je pense que même les experts ne seraient pas capables de le faire tant qu'on n'aura pas une évaluation plus précise des types de dommages. Il ne suffit pas de dire que l'érable est affecté, il suffit de voir jusqu'à quel niveau il est affecté et jusqu'à quel point ça va affecter sa production.

Donc, le premier facteur à considérer est qu'on n'est pas capable de déterminer pour l'instant quel est le pourcentage de perte de production résultant des dommages causés aux érables. Imaginons que c'est 5 %, 10 %, que 30 % de dommages aux arbres, ça donne 5 %, 10 % de dommages aux érables, ce qui n'est pas impossible. Le secteur concerné, ça représente 50 % des entailles du Québec. Mais là il faut prendre vraiment tout le secteur. Et j'ai dit ce matin que le 30 %, c'était sur 80 % de la zone sinistrée, parce que, aux limites de la zone sinistrée, il n'y a à peu près pas de dommages dans les érablières, le verglas étant moins sévère. Mais quand même, il y a 50 % des entailles du Québec qui sont situées à l'intérieur de la zone concernée, en raison particulièrement de la présence dans cette zone d'une grande partie de la Beauce, de l'Estrie et de l'Outaouais, qui sont des zones à plus forte densité de production, à plus grande densité d'érablières. Ça, c'est le premier facteur qu'il faut considérer.

L'autre facteur, par rapport au poids sur l'importance ou à l'impact sur le volume de production de l'érable et sur le marché de l'érable, sur les prix, on doit prendre en considération ici deux autres facteurs, et vous l'avez bien compris. Un facteur important, c'est: Quelle sera la production de l'année en cours et voire même des années à venir, si on veut regarder sur deux, trois ans? Et on sait que, s'il y a une production qui est fluctuante au Québec, c'est bien la production du sirop d'érable. Tout le monde entend parler des bonnes années puis des mauvaises années, pas en termes de qualité, mais de volume. Alors l'impact sera peu considérable, si on se retrouve dans une grosse, grosse année de production. Si on se retrouve dans une toute petite année de production, là où il n'y a pas eu de verglas, par ailleurs, l'impact va être plus considérable en pourcentage et en impact sur les marchés aussi. Ça, c'est l'autre facteur qui va faire en sorte que l'impact de la tempête du verglas va être plus ou moins grave. Si on tombe dans une grosse, grosse année de production, même les érables blessés vont produire peut-être autant qu'une année normale, si c'est une grosse, grosse année de production.

Alors, impossible de dire, totalement impossible de mesurer à ce moment-ci l'impact sur la production totale et sur le marché, compte tenu de ça et compte tenu que ce sont les facteurs climatiques ici, au-delà de la tempête de verglas, qui sont le plus déterminants sur le volume de production.

Ajoutez à ça, et vous l'avez bien compris – puis là je n'ai pas l'information à ce moment-ci, peut-être Marc va nous la trouver – ce qui reste en stock non vendu dans les produits de l'érable. Je sais que, l'année dernière, la banque avait été réduite de façon importante, presque à néant. Il n'y a presque plus de réserve. Alors, autrement dit, si on tombe dans une année de très faible production, par ailleurs, l'impact sera plus considérable. Si on tombe dans une année de production importante, l'impact risque d'être beaucoup moins considérable. C'est là, le facteur déterminant. Alors, on ne peut pas le dire, à ce moment-ci: impact marché, impact sur la production. Et, en plus, on ne sait pas trop quel sera l'impact véritable sur la production de l'arbre des dommages subis.

M. Poulin: Est-ce qu'il y a toujours un potentiel non exploité? Et êtes-vous...

M. Vézina (André): Ah oui! Je m'excuse, sur...

M. Poulin: Et j'aimerais que vous nous disiez aussi c'est quoi, le bilan de l'acériculture, dans le sens: C'est quoi, les montants annuels de production? Et qu'est-ce qui est voué à l'exportation? Et peut-être préciser... Je ne sais pas si c'est vrai, on entend dire des chiffres: On est à 75 % de producteurs de sirop d'érable, il se fait au Québec. Peut-être que ça serait bon de resituer ce qu'on produit dans toute la production mondiale aussi, à travers tout ça.

M. Vézina (André): Alors, sur l'importance de la production, je vais passer la parole à M. Dion. Je reviendrai sur le potentiel.

M. Dion (Marc): Je n'ai pas tous les chiffres, mais je vais vous en donner certains.

Une voix: En gros.

M. Dion (Marc): Oui. Écoutez, la production de sirop d'érable, pour la dernière année, on avait 19 000 entailles... 19 000 000 – pardon! – d'entailles. Multipliez par 1 000: 19 000 milliers.

Des voix: ...

Dion (Marc): Excusez! Mes chiffres sont en milliers, ici. Dix-neuf millions d'entailles, c'était l'année 1995, mon dernier chiffre. Je n'ai pas le chiffre de... Mais l'ordre de grandeur est excellent. Alors que le potentiel estimé, je vous le donne encore de mémoire, mais c'est à peu près 22 000 000, 23 000 000 de potentiel d'exploitation possible. D'accord?

La valeur à la ferme du sirop, pour l'année 1995, c'était 74 000 000 $, 74 800 000 $, disons 75 000 000 $ qu'on avait cette année-là. Et la valeur totale – «c'est-u» en valeur, ici? oui – des exportations, vous me demandez ce chiffre-là, je vais vous donner deux chiffres sur les exportations, l'année 1992 et l'année 1995. Alors, en 1992, les exportations étaient de 39 000 000 $ et en 1995, on était rendu à 73 000 000 $. Ça vous donne une idée du progrès très, très rapide. Et ça continue, ce n'est pas...

M. Poulin: 73 000 000 $ sur 75 000 000 $?

M. Dion (Marc): C'est 1992 sur 1995. Alors, je répète: 1992, on avait 39 000 000 $ de valeur à l'exportation, et en l'année 1995, 72 000 000 $, 73 000 000 $...

M. Poulin: À l'exportation?

M. Dion (Marc): Oui.

M. Poulin: Sur une production de quel montant?

M. Dion (Marc): Sur une production totale – c'est ça que je cherche, attendez un petit peu – de 79 000 000 $ à la ferme. Là, il faut faire attention, c'est la valeur à la ferme. C'est parce qu'il se vend du produit transformé, il faut faire attention. Alors, je vous donne la valeur à la ferme, il faut faire très attention. Alors, la valeur brute à la ferme, c'est 79 000 000 $ qu'on a.

M. Vézina (André): Et il y a toujours une petite partie de la production, vous le savez, qui n'est pas recensée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Vallières): ...c'est la question de ce matin.

M. Vézina (André): Alors, pour poursuivre, il y a quand même un potentiel important à la fois sur les terres privées et un petit peu sur les terres publiques aussi, particulièrement, je dirais, dans le Bas-Saint-Laurent et dans l'Outaouais. C'est ça, c'est les deux régions où le potentiel est encore...

M. Poulin: Il est encore de 3 000 000 d'érables...

M. Vézina (André): Oui, d'entailles. C'est ça, 3 000 000, 4 000 000.

M. Poulin: Est-ce qu'on peut dire que c'est un marché, quand même, qui est rendu... On ne peut pas beaucoup plus prendre de l'expansion dans son développement à l'exportation, si on parle de... On peut peut-être ajouter, on va dire, des produits plus raffinés pour aller chercher peut-être une plus-value sur le produit ou une transformation. Mais est-ce qu'on peut penser qu'on est en mesure encore de le développer, ce potentiel-là à l'exportation, sur le volume même de produits?

Le Président (M. Vallières): M. Dion.

M. Dion (Marc): Il faut distinguer, ici. Sur la partie volume, c'est lié à la production qu'on peut augmenter chez nous. Si on augmente le volume de production chez nous, c'est certain que, là, on a un potentiel plus grand. Mais il ne faut pas parler seulement volume, ici. On a un gros problème dans ce secteur-là, c'est qu'on vend beaucoup de produits en vrac et du produit non transformé. Autrement dit, on vend les emplois ailleurs, quand on fait ça, et ça, c'est un des graves problèmes qu'on a.

(15 h 10)

Donc, je pense que le principal progrès, au-delà des volumes qu'on peut augmenter – on a parlé un peu des potentiels – c'est la transformation et la surtransformation du produit, c'est aussi l'innovation qu'on peut faire par rapport à ce produit-là dans ses utilisations. Je pense qu'il s'est développé, dans les dernières années, beaucoup de dynamisme, beaucoup de créativité des entrepreneurs là-dessus. C'est assez intéressant de voir ce qui se passe. Mais il y a encore énormément à faire, et c'est de ce côté-là qu'il faut surtout compter travailler, à mon avis. Probablement qu'on peut faire, à ce moment-là, des gains, pas en termes de volume, mais en termes de valeur exportée. Parce que c'est sûr que, si on y ajoute la valeur ajoutée, on va avoir un gain.

Je vais revenir à un point qui est la banque de sirop d'érable, en quelques mots. On disait: Il ne reste pas beaucoup de stock. Grosso modo, c'est vrai que c'est très peu. Mais il reste quelque chose d'important qui résulte de ça, c'est 20 000 000 $. Autrement dit, la banque a, dans ses coffres, 20 000 000 $. Il y a des contestations en justice là-dessus, il faut le dire, mais il reste que ça, c'est un actif qui peut permettre de faire des choses, des choses intéressantes.

Le dossier sur lequel les gens travaillent également beaucoup, sur lequel ils sont très intéressés, c'est le dossier de la qualité du produit. Les gens s'intéressent beaucoup à réexaminer toute la question de la qualité de l'ensemble du produit. Et puis il y a encore pas mal de travaux à faire dans ce domaine-là, puis ça s'en vient.

D'autre part, présentement, la Régie des marchés agricoles a des demandes devant elle pour homologuer une convention de mise en marché. Donc, il y a eu des audiences; si je ne m'abuse, c'est la semaine dernière. Donc, il y a des décisions à venir là-dessus quant au mode de vente du produit; appelons ça des différends d'opinions entre la banque de sirop d'érable puis la Fédération des producteurs acéricoles.

M. Poulin: Une petite question que je vous avais posée: On produit quel pourcentage de la production mondiale de sirop d'érable?

M. Dion (Marc): Je ne l'ai pas ici. Je vais vous le dire de mémoire. Il me semble que c'est quelque chose comme 70 %, 75 %. Vous étiez dans le bon ordre de grandeur. Je pense que c'est 70 %, le chiffre le plus utilisé, de la production mondiale.

M. Poulin: Le pays qui probablement est le plus gros consommateur, ça doit être les États-Unis. Mais est-ce qu'on a beaucoup de bonnes percées en Europe ou au Japon? Est-ce qu'on a quand même des marchés à forte possibilité d'exportation, dans ces pays-là?

M. Dion (Marc): Vous avez raison, le marché principal, c'est le marché américain. Historiquement, on a vendu aux Américains en vrac – ils sont un peu producteurs au Vermont et un peu au Nord – très peu, quand même, ce n'est pas gros par rapport à notre volume. Mais c'est là qu'a été, historiquement, notre axe de vente. Mais, au cours des dernières années, on a fait des gains très intéressants sur le marché asiatique en particulier. J'ai envie de dire que ces gains-là, si je ne m'abuse, sont plus intéressants encore que sur le marché européen. Il y a eu des gains aussi sur le marché européen à cause des efforts de surtransformation qu'on fait en particulier.

Il est très, très difficile d'arriver avec du sirop d'érable, avec des barils de sirop d'érable en Europe ou sur le marché asiatique. Il faut avoir plus que ça parce que ce n'est pas connu et que c'est un produit de haute gamme qui se vend cher, rendu là-bas en particulier. Donc, il faut le vendre comme un produit de haute gamme. C'est les niches de marché qu'il faut continuer à exploiter. Donc, il faut continuer à faire des efforts sur cette base-là davantage.

Le Président (M. Vallières): Merci. Mme la députée de Marie-Victorin.


Table filière pomme de terre

Mme Vermette: Oui. Alors, moi, j'aimerais vous parler d'une table filière qui est petite, en fait, je pense, c'est celle de la pomme de terre. Je m'intéresse à ça parce que je pense qu'on a été déjà un producteur important de pommes de terre. Je pense qu'il n'y a personne qui n'a pas son petit lopin de terre qui n'a pas cultivé de la pomme de terre. Mais, au-delà de ça, effectivement, je veux voir: Est-ce qu'il y a un avenir pour la pomme de terre au Québec comparativement à toute la... Quand on regarde, on a de la compétition féroce autour de nous des différentes autres provinces. Est-ce qu'on est aussi avant-gardistes? Est-ce que la table filière fonctionne bien, en fait, au niveau de la pomme de terre?

M. Vézina (André): Alors, je vais demander à M. Dion de vous répondre.

M. Dion (Marc): Dans le cas de la pomme de terre, je dois vous dire que la filière fonctionne assez bien, c'est une bonne filière. Il se fait deux ou trois ordres de travaux présentement. D'une part, il y a une étude qui a été faite par un spécialiste du ministère de l'Agriculture pour, appelons ça une approche stratégique de la qualité de la pomme de terre.

Dans le dossier de la pomme de terre, et de loin, notre principal obstacle, c'est la qualité de notre produit et c'est aussi la réputation de notre produit sur le marché. C'est une des grosses difficultés qu'on a. Il y a des entreprises très, très sérieuses qui font du très, très beau travail là-dedans, mais malheureusement ça ne prend pas toujours beaucoup d'entreprises pour gâter un marché, et ça arrive. Dans le cas de la pomme de terre, c'est malheureux de le dire, c'est comme ça.

On a aussi fait un travail pour essayer de mieux situer les variétés de pomme de terre par rapport aux usages. Selon l'usage, selon la saison, selon le type de cuisson qu'on veut lui donner, si on veut faire une pomme de terre au four, si on veut faire une pomme de terre en purée, si on veut faire des frites ou si on veut faire des chips ou d'autres types de surtransformation, il y a des variétés spécifiques pour ça. Et ça, c'est peu connu, j'ai envie de dire tant de la part des producteurs que des acheteurs. Alors, il y a énormément de travail à faire, en termes de formation et d'information, tant auprès des consommateurs, d'une part, que des producteurs, de ce côté-là.

Il y a eu des travaux aussi qui ont été faits à partir de la filière. Je vais vous en citer quelques-uns, de quelques ordres. Il y a eu, entre autres, une étude sur la perception des consommateurs pour la pomme de terre. Alors, ça, c'était assez important. Je pense que c'est à l'origine de toute évolution qu'on peut faire. Alors, la filière s'est intéressée à ça. Elle a dressé un portrait de la situation actuelle quant à la perception du consommateur. Entre autres, c'est une enquête qui a été faite auprès de ménages québécois.

On est en train de définir la notoriété, les attitudes, les comportements d'achat des Québécois par rapport à la pomme de terre. Il y a des mesures de perception aussi par rapport aux produits concurrents. C'est intéressant, ça, c'est très, très important. Et, à partir de cela, on espère être en mesure d'orienter les stratégies du plan stratégique de la filière pomme de terre. Ils travaillent assez fortement là-dessus présentement. Donc, je pense que ça vous situe un peu là où ils en sont.

Nous, on est à discuter aussi avec la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec pour notre implication dans l'ensemble du dossier sur la qualité de la pomme de terre. On est en train d'évaluer certaines alternatives qui permettraient un peu de mener à terme des plans pour améliorer le contrôle et la gestion de la qualité de la pomme de terre au niveau des fermes. Alors, les discussions ne sont pas terminées, mais je pense que c'est un dossier très dynamique présentement.

Mme Vermette: Mais, quand vous parliez d'un problème de qualité, est-ce que la qualité est dans la façon dont on fait la production, à cause de nos sols, à cause de produits – je ne sais pas – des croisements? Qu'est-ce qui fait que notre qualité est reconnue comme étant plus ou moins intéressante sur le marché?

M. Dion (Marc): C'est global. La qualité, aujourd'hui, on doit en avoir une approche d'ensemble. Mais nos principaux problèmes, je vous ai parlé des variétés, d'une part, c'est d'être capables de bien choisir les bonnes variétés pour les bons usages – mais, comme je vous ai expliqué, c'est assez complexe comme situation – mais c'est aussi au niveau de la classification ou appelons ça du mode, de notre façon de faire la vente du produit, quoi, du produit qu'on livre au marché, on a certains problèmes dans certains cas. C'est la qualité intrinsèque du produit dans le sac, autrement dit.

Mme Vermette: Oui, c'est ça. Puis ça rejoint une préoccupation de mon collègue. Sans viser nécessairement l'autonomie, c'est un produit qui se cultive facilement, et on devrait facilement être capables de consommer un produit de qualité chez nous et diversifié. Donc, quand vous me dites que la table filière fonctionne bien, est-ce qu'il y a une ouverture par rapport à ce que vous mentionnez, aux problématiques que vous mentionnez? Est-ce qu'ils sont conscients qu'il faut qu'ils travaillent, des changements de mentalités? Est-ce que, ceux qui font ça, ce qui fait que la réputation est moins bonne, ils ont suffisamment de poids pour améliorer ou pour avoir sur ces groupes-là de l'influence pour qu'ils changent un peu leurs pratiques?

M. Dion (Marc): Il y a beaucoup d'intérêt pour les gens, à la filière, là-dessus. Il y a eu un colloque l'an passé sur le sujet, où ils ont vraiment déballé leur sac, comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Cinquante livres!

M. Dion (Marc): Un gros 50 livres au moins. Et, oui, ça progresse et c'est pour ça que les gens qui sont dans le secteur accordent un intérêt très, très grand à ce dossier-là. Je pense qu'on va être capables, je suis confiant que, dans les prochaines années, on va marquer des points là-dessus. C'est un travail difficile, c'est complexe parce que ça fait appel à une série de paramètres et aussi à des habitudes de commercialisation qui sont historiques. Alors, ça ne se change pas dans deux jours, tout ça.

(15 h 20)

Le Président (M. Vallières): Sur le même sujet, avant de revenir à la députée de Marie-Victorin, nous avions au Québec... Est-ce que nous avons toujours au Québec le centre de recherche sur la pomme de terre, qui était à Les Buissons, si je ne me trompe pas? On m'avait, à l'époque, sensibilisé à certains travaux qui étaient fort intéressants sur la lutte au doryphore, entre autres, il y a des études qui se faisaient. Mais plus particulièrement face aux variétés de pommes de terre, on nous indiquait que c'était – j'espère que les tables filières s'en occupent – de s'assurer que le consommateur soit suffisamment informé face à l'usage qu'on fait de la pomme de terre.

On m'expliquait, et j'ai vécu ça moi-même, à un moment donné, que, quand tu fais une salade, par exemple, aux pommes de terre, il y a des endroits où on en mange et on dit: C'est exécrable, ça n'a pas de bon sens, ça devient pâteux, ce n'est pas un beau produit. Ça détruit la perception du consommateur d'un produit qui, si on a la bonne pomme de terre pour faire une salade, est excellent, mais si on fait un mauvais choix... Mais le consommateur, en général, n'est pas au courant de ça. D'abord, à Les Buissons – c'était à Les Buissons, je pense, je ne sais dans quelle municipalité du Québec c'était – il y avait des recherches assez poussées, et on visait des niches de marché. En tout cas, ça paraissait quelque chose de très intéressant, en termes de développement et de valeur qu'on pouvait donner à ce produit-là pour le Québec.

M. Vézina (André): Alors, pour nous resituer là-dedans, sur la péninsule de Manicouagan, tout près de Baie-Comeau, dans une municipalité appelée Les Buissons, effectivement, il y a deux stations relatives à la pomme de terre qui sont situées sur la péninsule de Manicouagan. Il y a un centre de recherche qui était spécialisé principalement dans la pathologie de la pomme de terre, l'étude des maladies de la pomme de terre, et qui faisait aussi des essais de variétés, bien sûr. Mais on faisait des essais de variétés un peu partout au Québec, dans les régions productrices de pommes de terre.

Ce centre de recherche là vient d'être constitué en corporation avec des organismes du milieu de manière à étendre sa vocation. Le centre va continuer la poursuite des travaux dans le domaine de la pomme de terre, principalement sur la pathologie et le développement des variétés de pommes de terre. Mais ce centre-là, désormais, qui est un centre important, sera aussi utilisé pour le développement d'autres produits. En particulier, ils vont travailler sur la production des petits fruits sur la Côte-Nord, de la chicouté en particulier et sur d'autres matières aussi biologiques, d'autres projets de produits biologiques sur la Côte-Nord.

On vient de créer cette corporation-là avec les organismes du milieu, et, donc, la vocation du centre, qui était un centre strictement de pommes de terre, est maintenant élargie pour toute recherche sur les productions végétales sur la Côte-Nord, y compris les travaux sur la biomasse. Ça, c'est ce qui concerne le centre de Manicouagan. Ça, c'est le centre de recherche.

Le Président (M. Vallières): Oui. Est-ce que l'équipe de chercheurs qui était là est récupérée par le nouvel organisme?

M. Vézina (André): Oui, leurs services sont prêtés à la nouvelle corporation, et ils restent sur place. Le centre est aussi utilisé pour des fins de recherche sur la pomme de terre par l'Université Laval; ça fait partie de l'entente avec la nouvelle corporation qui a été crée.

Par ailleurs, à Les Buissons, toujours, se situe notre Centre de production de pommes de terre de semence, et les travaux se poursuivent là-bas de concert avec les producteurs de semences de pommes de terre du Québec et les associations de producteurs de pommes de terre de semence du Québec. C'est là que se prennent des décisions importantes au regard des variétés de pommes de terre. C'est là qu'on essaie de deviner le signal du consommateur qui chemine à travers les producteurs de semences de pommes de terre commerciales et à travers les producteurs de pommes de terre de semence. Mais les décisions qui sont prises quant aux variétés produites nous proviennent des desiderata des producteurs de semences de pommes de terre qui, eux, s'inspirent de la demande du marché, il va sans dire. Ce signal-là doit nous être donné toujours quelques années à l'avance. Parce que c'est un processus qui dure quelques années, vous savez, la production des pommes de terre de semences pour aller vers la production de la pomme de terre commerciale.

Pour poursuivre dans le sens de ce que vous indiquez, M. Dion, ce qu'il est important de bien comprendre ici, et c'est là qu'il y a de l'espoir et qu'il y a de la lumière au bout du tunnel, c'est qu'actuellement la filière, en concertation avec les partenaires et la Fédération de producteurs de pommes de terre et l'Association des emballeurs, qui sont des membres de la filière agroalimentaire, essaie de définir une convention qui vise à préciser les mécanismes de contrôle de qualité.

Alors, les principaux paramètres de la convention porteraient à la fois sur les mécanismes et les coûts de certification de la qualité, alors la mise en place d'un système de certification de la qualité des pommes de terre pour le marché frais, les normes de classification et de qualité en fonction des périodes de mise en marché, et les modalités de fixation des prix de la pomme de terre de qualité certifiée. Alors, on travaille à la fois sur la qualité et sur le prix, mais le prix étant déterminé au regard de la classification et, donc, de la qualité. Alors, ça, c'est un dossier majeur sur lequel travaillent les gens de la pomme de terre aujourd'hui. Et, quand M. Dion vous parlait d'un nouveau dynamisme dans le secteur de la pomme de terre, eh bien, ça se reflète en particulier sur cette recherche d'une convention où on va enfin mettre l'accent sur la qualité et s'assurer que, quand il y a qualité, le prix payé pour la pomme de terre est en rapport avec la qualité. Alors, ça, c'est porteur d'avenir beaucoup. Et on pense que, d'ici le début de l'été, cette convention pourrait être arrêtée.

Le Président (M. Vallières): Est-ce qu'il s'agit d'un marché presque exclusivement québécois, dans ce cas-ci?

M. Vézina (André): Oui, dans le cas de la pomme de terre.

Le Président (M. Vallières): Ça va. Mme la députée de Marie-Victorin.


Discussion générale


État de la situation concernant la tempête de verglas (suite)

Mme Vermette: Alors, écoutez, moi, j'aurais deux questions à vous poser, mais qui n'ont rien à voir avec les tables filières, si vous me permettez de vous les poser. Dans un premier temps, c'est parce que, hier, je me suis rendue à Saint-Hyacinthe pour donner un coup de main à mon collègue dans certains rangs où il n'y avait pas encore d'électricité, et je me suis aperçue que des vaches, ça peut être sensible, ça peut être stressé. On me parlait qu'à cause justement des génératrices, la charge électrique n'est pas nécessairement toujours la même, il y a des fluctuations, et, en fait, ça a une incidence sur la façon dont on trie les vaches, et la production de lait peut être changée à cause de ça. On me disait que ça peut être même à long terme avant que les vaches reviennent correctement et que ça peut avoir une incidence à long terme sur, en tout cas... Et je vais vous dire qu'ils étaient très inquiets parce qu'ils se disaient: Ce n'est pas juste maintenant, mais, même quand on va être revenus à la normale, il risque d'y avoir des conséquences sur le comportement de nos vaches.

Est-ce que vous vous êtes arrêtés à cet aspect-là, dans le fond, d'une problématique? Je sais, ça peut avoir l'air psychosomatique, mais, en tout cas, bref, il semblerait que... Moi, je ne m'y connais pas, je vous le dis honnêtement, mais je me fie, je pense, au gros bon sens des producteurs et des gens qui sont de la ferme. Ils ont un gros bon sens. Alors, est-ce que c'est quelque chose que vous avez envisagé ou, en tout cas, c'est quelque chose dont vous avez déjà entendu parler ou sur lequel vous avez eu déjà des échanges? Et qu'entendez vous faire par rapport à ça?

M. Vézina (André): Il est tout à fait clair que la situation vécue dans les vacheries de la zone sinistrée aura un impact sur la production laitière plus ou moins grand. Il est difficile de le mesurer maintenant. Ça a un impact sur la santé du pis de la vache, ça a un impact sur la santé de la vache et, en conséquence, un impact sur la production. Il est trop tôt pour mesurer le véritable impact de tout ça, c'est très difficile à ce moment-ci parce que c'est des situations qui fluctuent beaucoup d'une ferme à l'autre, dépendant de la qualité de l'énergie alternative et de la constance de l'électricité produite par les génératrices, puis s'il y a eu des pannes plus ou moins longues, pas de panne, etc. Mais ça a un impact sur la santé de la vache et, en conséquence, sur sa production à court, moyen et long terme, dans la mesure où, avec une vache, on peut parler de long terme. Tout est relatif, bien évidemment.

Le Président (M. Vallières): Ça ne pourra pas être à cause des tensions parasites, dans ce cas-ci, pour cette période de l'année.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézina (André): Un manque de tensions parasites! Mais ça illustre bien, sérieusement, le fait que les vaches sont très sensibles. Le problème des tensions parasites, c'est un problème de sensibilité des vaches à l'électricité ambiante. Je ne suis pas un spécialiste, loin de là. Mais, par ailleurs, pour l'instant, ce qu'on va faire, comme on le fait tout le temps, c'est inviter les producteurs à profiter de l'expertise des conseillers en santé animale là-dessus pour savoir comment on peut corriger les pertes de production, si tel est le cas, sur les animaux touchés et fournir toute l'expertise nécessaire à cet égard. On en est là, pour l'instant.

(15 h 30)

Mme Vermette: C'est de rassurer les agriculteurs, parce que, en tout cas, il y en avait plusieurs qui semblaient un petit peu inquiets. Est-ce que c'est dans la nature des agriculteurs d'être inquiets? Je ne les connais pas assez, je ne les côtoies pas suffisamment pour savoir ça. Mais, en tout cas, ceux que j'ai rencontrés me semblaient être inquiets sur la production et les conséquences, avec tous les quotas, les trucs au niveau de cet aspect-là. Alors, c'est pour ça que j'apporte ça à votre attention.


Transfert de la SOQUIA à la Société générale de financement

La deuxième question, en fait, est d'un autre ordre complètement, beaucoup plus administratif: Qu'est-ce que vous pensez de la possibilité et de l'éventualité que la SOQUIA pourrait être transférée à la Société générale de financement? Parce que vous nous avez habitués longtemps à des opinions personnelles, donc j'aimerais avoir une opinion personnelle. Ha, ha, ha!

M. Vézina (André): Il y a des matières sur lesquelles on n'a pas d'opinion, et c'en est une.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézina (André): Écoutez, je peux vous dire ce qu'on cherche ici. C'est ça qu'il est important de retenir, je pense, en tout cas, en ce qui nous concerne. Puis là c'est public, je pense que vous avez vu tout ce qu'on a raconté là-dessus. Il y a eu des communications publiques de M. Julien là-dessus et de M. Landry aussi à l'effet que ce qu'on recherche, la finalité qui est recherchée, c'est d'avoir une société bien capitalisée en agroalimentaire qui nous permette de supporter les projets de développement, quelle que soit la nature des développements, des grandes industries alimentaires du Québec, de transformation alimentaire du Québec.

Il y a un problème de disponibilité de capital de risque pour les grandes entreprises de transformation alimentaire au Québec qui sont en demande. Ce qu'on cherche et ce que SOQUIA cherche ici, c'est un partenaire majeur qui pourrait s'associer à SOQUIA et devenir partenaire d'entreprises qui ont besoin de capitaux de risque pour faire du développement. Ça, c'est la finalité. Avec quelle société SOQUIA en arrivera-t-elle à une entente? Moi, je ne suis pas capable de vous le dire pour l'instant. C'est une affaire qui...

Mme Vermette: Est-ce qu'il y a des informations à l'effet que le ministère de l'Agriculture, sans SOQUIA, est presque une coquille vide?

M. Vézina (André): Bien. D'abord, il est nullement question... Qu'est-ce que vous racontez là?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vézina (André): Le ministère de l'Agriculture, madame, c'est beaucoup de choses. Il y a beaucoup, beaucoup de choses dans notre coquille.

Mme Vermette: Non, mais c'est une façon importante, en fait...

M. Vézina (André): D'abord, je veux préciser quelque chose parce que je parle au nom du ministère et non pas du gouvernement ni du ministre. SOQUIA n'est pas au ministère de l'Agriculture, même actuellement, SOQUIA est une société d'État avec son conseil d'administration. Alors, le ministère de l'Agriculture est déjà sans SOQUIA, en quelque sorte, et l'a toujours été. Le ministre de l'Agriculture, lui, donne des orientations à cette société d'État, c'est une société dont il est responsable. Il y a deux ministres responsables. Au niveau des orientations de la société, c'est le ministre de l'Agriculture; au niveau des capitaux de la Société, l'actionnaire est le ministre des Finances, comme toutes les sociétés d'État. C'est une société d'État. Il n'est pas question que l'État se retire du secteur d'intervention en agroalimentaire.

Ce qui est recherché ici, c'est une nouvelle forme de partenariat, c'est d'autres partenaires, mais ce n'est pas un retrait total. Il n'a jamais été question d'un retrait total de l'État comme intervenant en transformation alimentaire au niveau de la disponibilité d'un capital de risque ou d'un partenariat d'affaires. Il n'est pas question que donc l'intervention de l'État disparaisse. Quant à la formule que ça doit prendre, je vous avouerai que ça ne relève nullement de ma compétence et que votre avis vaut bien le mien là-dessus.

Le Président (M. Vallières): Oui. Avant de passer la parole au député de Beauce-Nord, peut-être dans la continuité de la question de la députée de Marie-Victorin, il demeure que le ministre, face à son positionnement sur l'avenir de SOQUIA, prend conseil entre autres au ministère de l'Agriculture. Quand des lois concernent SOQUIA, à maintes reprises, c'est le ministre de l'Agriculture qui les parraine et on a toujours dit que SOQUIA était un levier important pour le ministre de l'Agriculture, un levier d'intervention, un levier qui permet de générer des investissements, dans le bioalimentaire, qui n'étaient pas négligeables. Donc, certainement, en tout cas, moi, comme membre de cette commission, il m'intéresse de voir le sort qu'on réserve à SOQUIA face à cette capacité qu'on pourrait avoir d'intervention surtout dans le secteur de la transformation. Donc, on pourra voir, s'il y a relais pris, par qui et dans quelles conditions ça va être fait.

Mais je rejoins la question de la députée de Marie-Victorin parce que, pour le secteur bioalimentaire, agroalimentaire, ça pourrait être perçu comme étant la perte d'un levier important, mais on aura certainement plus d'explications dans un avenir rapproché sur cette question. Ce n'était pas une question, M. le sous-ministre, c'était un commentaire. M. le député de Beauce-Nord.


Période de questions (suite)


Table filière apicole

M. Poulin: Oui. M. le Président. Dans la filière apicole, on remarque qu'il y a à peu près 25 % de la production de miel qui est faite au Québec. De quoi ça dépend? Il me semble que c'est une production, quand même, qui est accessible à bien des gens. Est-ce que, économiquement, ce n'est pas rentable? C'est nos conditions climatiques qui font qu'on ne répond pas aux besoins de consommation du Québec? Ça «s'explique-tu» par des raisons, le fait qu'on ne produit que 25 %?

M. Vézina (André): Je ne suis pas un spécialiste, et puis le secrétaire de la filière apicole n'est pas ici, mais je sais qu'il y a deux grandes raisons qui expliquent la baisse de production apicole au Québec, deux facteurs déterminants. Ce n'est pas climatique du tout. Le premier facteur, c'est une question de prix, c'est une question économique, c'est que les prix du miel ont diminué de façon importante au cours des dernières année et la compétition est excessivement féroce venant de provinces puis de régions du monde qui peuvent produire à meilleur coût que nous – jusqu'à maintenant, en tout cas. Alors, c'est une question de concurrence et de baisse des prix sur les marchés.

Le deuxième problème qu'on a eu et qu'on est voie de corriger, me dit-on, c'est un problème de santé, de maladie qui a décimé les ruchers et qui a amené beaucoup d'apiculteurs à abandonner cette production-là. Alors, c'est ces deux facteurs-là, une question de maladie et une question de prix, qui font en sorte que la production apicole a diminué de façon importante, mais on est en train d'essayer de corriger les problèmes de santé. Peut-être que tu pourrais en parler davantage, Jacques. Et, pour ce qui est des prix, bien, ça dépend de la disponibilité du miel sur le marché mondial.

M. Poulin: Est-ce qu'on a espoir qu'un jour on va augmenter considérablement notre production...

M. Vézina (André): Oui.

M. Poulin: ...ou bien si les facteurs économiques sont trop...

M. Vézina (André): Voyez-vous, c'est le défi de la filière apicole, qui est celui de voir quels sont les moyens qu'on peut prendre pour contrer les facteurs qui nous ont empêchés de nous développer et qui ont conduit finalement à une baisse de la production de façon importante. Je ne pourrais vous en dire davantage, je regrette, parce que je ne suis pas un spécialiste de l'apiculture.

M. Poulin: J'ai remarqué quand même qu'il y avait un gros potentiel là mais qu'il était non utilisé. C'est beau.

Le Président (M. Vallières): M. le député de Nicolet-Yamaska.


Table filière porcine (suite)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Une question rapide à propos de la table filière porcine. En ce qui a trait à l'environnement et à recherche et développement, j'aimerais savoir, au niveau de la recherche ou du développement, en ce qui concerne le lisier ou le contrôle des odeurs – je sais qu'il y a beaucoup de recherches qui se font dans ce domaine-là – est-ce qu'il y a un certain leadership qui est assumé par le ministère afin que les nouvelles technologies dans ce domaine-là ne soient pas multipliées par 10? C'est sûr que vous ne pouvez pas intervenir sur le fait qu'une entreprise privée puisse inventer un processus x, y ou z, mais, au niveau du contrôle et des conseils de ces nouvelles technologies, est-ce que le ministère a un peu à l'oeil le fait qu'il n'y en ait pas 10 ou 20 qui travaillent sur le même dossier?

M. Vézina (André): Le ministère suit ça de façon très près, mais encore aussi avec les partenaires. Et, comme vous nous parlez de filières, c'est un comité, comme le soulignait M. Dion ce matin, d'experts constitué par la filière porcine, donc un comité d'experts qui a été mis en place pour d'abord voir à identifier les technologies qui permettent de diminuer la pollution d'origine porcine particulièrement liée aux technologies relatives au traitement des fumiers. Ce comité d'experts donc inventorie toutes les technologies qui se développent actuellement et est chargé d'identifier, au bénéfice des membres de la filière, y compris du ministère, les technologies les plus potentiellement prometteuses à la fois au niveau du résultat du processus de traitement, du procédé, et au niveau des coûts du procédé de traitement. Alors, il y a donc un comité d'experts qui est constitué là-dessus.

Pour ce qui est du ministère, vous savez que, à travers notre actuel programme PAIA, Programme d'aide à l'investissement en agroenvironnement, il y a une aide additionnelle pour les gens qui, sur leur entreprise, consentent à utiliser des technologies nouvelles au chapitre du traitement des fumiers.

(15 h 40)

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Est-ce que, au moment où on se parle, les nouvelles technologies à la fine pointe actuellement, on pourrait avoir espoir que finalement ces nouvelles technologies pourraient quelque part, d'ici quelques années ou quelques mois, enrayer un peu le problème inhérent à la production de lisier?

M. Vézina (André): Jacques. Sur les technologies comme telles, M. Jacques Landry, qui est responsable du dossier de l'agroenvironnement au ministère comme sous-ministre adjoint.

M. Landry (Jacques): Comme on l'a mentionné, on suit ça de très près donc avec le comité de la Fédération. Tout le monde est rempli d'espoir à ce qu'on découvre assez rapidement une technologie qui soit reconnue par les scientifiques et par les organisations qui accréditent ces technologies au point de vue environnement puis au point de vue agricole. Il y a différents modes actuellement qui sont explorés autant dans le traitement mécanique, dans la déshydratation, dans la transformation. Donc, on est rempli d'espoir. On souhaite effectivement – c'est pour ça qu'un programme a été mis à la disponibilité des agriculteurs – que dès qu'une technologie, dès qu'une mécanique aura été reconnue comme étant capable de gérer adéquatement, de réduire adéquatement et qu'elle soit acceptable en matière agricole, en matière environnementale, et qu'elle soit également rentable pour le producteur, qu'elle puisse donc être transposée le plus rapidement possible auprès du producteur.

Et, dans ce sens-là, on a mis en place un volet du programme, qu'on appelle «une vitrine technologique», et on a demandé à ce comité d'experts scientifiques de nous aider à dégager cinq à six technologies plus prometteuses que d'autres qui pourraient être testées très rapidement auprès des entreprises agricoles, donc directement à l'échelle de la ferme, et qu'on soit capable, donc, assez rapidement... On souhaiterait, à l'été 1998, être en mesure déjà, dans chacune des régions, être capable de positionner quelques techniques de traitement qui pourraient être évaluées et, par la suite, qu'on pourrait donc répandre plus largement auprès de l'ensemble de la classe agricole. Donc, on a de l'espoir. On ne peut pas donner de certitude d'avance sur des technologies qui n'ont pas été testées à l'échelle de l'entreprise.

M. Morin (Nicolet-Yamaska): Ça va. Merci.

M. Vézina (André): M. le Président, si vous permettez, je voudrais peut-être rappeler aussi que notre programme d'aide à la recherche universitaire, qu'on appelle le programme CORPAQ, consacre actuellement, sur un budget annuel de 3 000 000 $, 600 000 $ à 700 000 $ au volet agroenvironnemental. Ce n'est pas juste sur le traitement des lisiers, loin de là, ce n'est pas principalement là-dessus, c'est sur tout le dossier des problèmes agroenvironnementaux et c'est une des grandes priorités du CORPAQ actuellement.

Le Président (M. Vallières): De qui relève la responsabilité du CORPAQ présentement? Est-ce que c'est de M. Landry?

M. Vézina (André): De la sous-ministre adjointe à la recherche, formation, pêche et aquiculture commerciale, Mme Hélène Tremblay.

Le Président (M. Vallières): Bien. Je vous parle de ça parce que, récemment, il y a quelqu'un de mon comté qui me soumettait un dossier en relation avec le CORPAQ. Alors, c'est intéressant de voir qu'il y a quelque chose de prévu pour les lisiers.


Table filière bovine

Moi, j'aurais une question sur la table du bovin. Je sais que le temps nous presse un peu, mais il y a des données qui nous indiquent qu'il y a un faible volume de bovins comme tel au Québec. Nos abattoirs sont plutôt de petite taille, les prix sont généralement fixés par l'extérieur, il y a peu d'acheteurs importants, les approvisionnements ne sont pas nécessairement réguliers. Je sais qu'il y a une problématique à l'intérieur de cette table-là. À la connaissance du dossier que vous en avez, quelle est la principale préoccupation de la table filière bovin?

M. Vézina (André): Là-dessus, je vais céder la parole à M. Jacques Landry, qui est répondant ministériel à la filière bovine.

M. Landry (Jacques): La table bovine s'est donnée un plan stratégique en 1994, plan stratégique qui avait cinq volets qui étaient ciblés, volets qui concernaient autant l'aspect rentabilité des entreprises qui sont dans le vache-veau ou dans l'engraissement. Il y a également des cibles qui visaient à développer des produits qui répondaient davantage aux besoins du consommateur, développer donc la production elle-même et, bien entendu, donc travailler énormément au niveau de tout l'abattage et de la situation de la mise en marché de ces produits-là.

Ce qu'on peut mentionner à ce moment-ci, il y avait une rencontre qui était prévue justement pour la table filière afin d'évaluer le chemin parcouru depuis l'adoption de ce premier plan stratégique pour être en mesure de dégager des priorités. De manière préliminaire, parce que la rencontre a dû être reportée à cause du verglas, la plupart des intervenants alentour de la table filière conviennent qu'on doit travailler davantage au niveau de la commercialisation, donc de développer des niches ou des créneaux particuliers qui permettraient effectivement donc de valoriser davantage le boeuf du Québec auprès de nos consommateurs. Donc, on a de la difficulté à maintenir une position ou une image auprès du consommateur et un prix compétitif; donc, c'est une des grandes difficultés.

Au niveau de l'entreprise, on a mis en place également tout un réseau de cueillette d'informations technicoéconomiques pour être en mesure de dégager quelles sont les caractéristiques qui font que certaines entreprises sont plus performantes – donc sont capables de se maintenir dans la production, de se développer et de répondre aux besoins de l'industrie pour la transformation du boeuf – donc de dégager ces informations techniques pour que l'ensemble des régions ou les producteurs dans le secteur puissent bénéficier de ces informations technicoéconomiques. Donc, ça, c'est un volet important et il y a tout le volet de dégager comment se repositionner au niveau des marchés; il y a une difficulté de ce côté-là. Donc, la grande priorité est au niveau de la commercialisation du produit.

Le Président (M. Vallières): Est-ce que la table a été très active à l'intérieur du délai dont on a parlé tantôt, de 1994 à maintenant?

M. Landry (Jacques): Elle a travaillé sur une base avec sept comités, dont quatre grands comités, six sous-comités; elle a été active. Depuis un an, elle a été moins active, la présidence a changé, le secrétaire a changé, et ça a été davantage au niveau des comités. Mais la préoccupation donc est de ramener auprès de la table un maillon: le maillon de la transformation et des épiceries effectivement auprès de la table pour voir comment on peut associer davantage ou établir une relation d'affaires plus intense entre les producteurs et tous les maillons de la chaîne.

Le Président (M. Vallières): Il semble difficile pour ce secteur-là de percer sur les marchés comme le porc, par exemple. Mais pour la consommation interne du Québec, est-ce qu'il n'y a pas une stratégie particulière qui pourrait être prise? On a des endroits où il y a du fourrage beaucoup. On a, il me semble, des parties de territoire au Québec qui pourraient être largement exploitées pour cette production-là si on convainquait le consommateur qu'on a un produit de qualité et qui est capable de compétitionner aussi avec le produit qui nous vient de l'extérieur. Est-ce que ce genre de défi est posé par la table filière?

M. Landry (Jacques): Oui. Vous avez raison, on a les ressources, et c'est identifié clairement comme étant une force au Québec, donc les ressources physiques, le sol, le climat, la végétation, des producteurs qui sont intéressés, et c'est davantage au niveau des besoins des chaînes d'alimentation. C'est pour ça qu'un comité de la table filière a mandaté un groupe pour être en mesure d'identifier quels sont les besoins précis des chaînes d'alimentation, quels types de produits il souhaite effectivement retrouver au Québec pour qu'on soit en mesure de les alimenter. Cette étude a été confiée, on n'en a pas encore les résultats, et ça va donc permettre à la table filière de repositionner son plan stratégique, qui était très orienté au point de vue production, mais qui va donc ramener alentour de la table les acheteurs au Québec et en même temps mieux cerner c'est quoi les besoins des consommateurs, quels produits, quelle niche on pourrait occuper auprès des consommateurs québécois dans le boeuf.

Le Président (M. Vallières): Merci. Ceci mettrait fin à nos échanges avec M. le sous-ministre et les personnes qui l'accompagnent. À moins qu'il n'y ait des remarques finales autour de la table, il me resterait à vous remercier de votre participation, c'est très intéressant. Je veux vous indiquer que les membres de la commission, on trouve de plus en plus utile de pouvoir vous rencontrer peut-être dans autre chose que des crédits, ou des engagements financiers, ou des choses qui sont peut-être plus pointues dans des domaines particuliers et de jeter un oeil sur une base un peu plus élargie de la mission du MAPAQ comme tel et des organismes qui en relèvent. Ça alimente notre réflexion et, on l'espère, aussi notre capacité comme groupe, des deux côtés de cette Chambre, d'intervenir le mieux possible en vue des politiques qui soient les plus adaptées au contexte que nous vivons. Alors, je vous remercie de votre contribution.

M. Vézina (André): Je vous retourne vos remerciements au nom de mes collègues ici présents et en mon nom personnel. Ça a été très agréable et je suis content de voir que ça vous a été utile. J'espère que ça vous sera aussi utile dans l'avenir et demeurez assurés de notre entière disponibilité pour les séances à venir. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Vallières): Merci. Alors, la commission ajourne ses travaux sine die et elle se transforme maintenant en séance de travail pour les prochaines minutes. Merci.

(Fin de la séance à 15 h 50)


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