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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 10 septembre 2002 - Vol. 37 N° 13

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur l'aquaculture commerciale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Dion): Je déclare ouverte la séance de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Le mandat de la commission consiste à procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques à l'égard de l'avant-projet de loi intitulé Loi sur l'aquaculture commerciale.

Est-ce qu'il y a des remplacements, M. le secrétaire?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Barbeau (Vanier) remplace Mme Robert (Deux-Montagnes).

Le Président (M. Dion): Merci beaucoup. Alors, vous avez l'ordre du jour pour cet avant-midi. Vous savez que nous avons environ une demi-heure ou maximum une demi-heure pour les remarques préliminaires. Ensuite, chacun des groupes ? il s'agit de la Société de développement de l'industrie maricole et du Regroupement des mariculteurs du Québec ? auront une heure pour présenter leur mémoire, d'une part, et le défendre, d'autre part, et l'expliquer, d'autre part, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation, et 20 minutes de questions pour le parti gouvernemental, et 20 minutes pour le parti de l'opposition.

Remarques préliminaires

Alors, nous allons procéder immédiatement aux remarques préliminaires. M. le ministre.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, membres de la commission, distingués invités, mesdames, messieurs, l'avant-projet de loi qui est devant nous, cet avant-projet de loi sur l'aquaculture commerciale, s'inscrit et est parfaitement en accord avec les priorités gouvernementales de la politique québécoise des pêches et de l'aquaculture commerciale et aussi de celle, je dirais, de la stratégie de développement des régions-ressources. Ces dernières, les régions-ressources, inscrivent le développement durable de l'aquaculture parmi leurs priorités. L'aquaculture, c'est-à-dire l'élevage et la culture d'organismes aquatiques, représente aujourd'hui 30 % de la production mondiale des produits aquatiques, alors qu'au début des années 1980, cette proportion n'était que de 10 %. C'est donc dire, M. le Président, qu'il y a une augmentation de 10 % par décennie ou encore une augmentation de 1 % par année.

Alors, compte tenu de la stagnation ? c'est le moins qu'on puisse dire ? des captures de pêche commerciale... On parle de stagnation pour ne pas parler de baisse des volumes, parce qu'il y a une augmentation de valeur des débarquements, mais, en termes de volume absolu, dans certaines espèces, il y a des déclins majeurs, il y a une stagnation, à tout le moins, dans les captures commerciales. Alors, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, prévoit qu'en 2030 l'aquaculture fournira 55 %, soit la majorité des approvisionnements mondiaux des produits aquatiques. 55 % des volumes, à ce moment-là, seront produits par l'aquaculture. Vous comprenez alors qu'avec ses milliers de kilomètres de côtes, la diversité de ses ressources aquatiques, le Québec doit se placer à l'avant-garde et demeurer, je dirais, à la hauteur des avantages que lui confèrent sa position géographique et la proximité du golfe Saint-Laurent. C'est pourquoi il est essentiel qu'il se dote des outils nécessaires afin d'encadrer le développement de l'aquaculture.

Le secteur aquacole québécois est aujourd'hui constitué de deux réalités ? on va certainement en prendre connaissance lors de la discussion sur les mémoires qui nous seront présentés: celle des piscicultures qui produisent uniquement dans des bassins d'eau douce installés sur terre, majoritairement sur des propriétés privées; et celle de la mariculture qui s'effectue en mer, dans le domaine hydrique de l'État.

La pisciculture québécoise, quant à elle, qui existe depuis près d'un siècle, répond tout autant aux besoins de la consommation humaine qu'elle s'occupe de l'ensemencement des rivières et des lacs exploités pour la pêche sportive. Et donc, je dirais, la première fonction de l'aquaculture a été, en grande partie, pour cette préoccupation.

Quant à la mariculture, qui date, elle, de moins de 20 ans, elle produit d'abord pour la table et ensuite pour l'encensement de fonds destinés à la pêche commerciale. C'est le cas, entre autres, du pétoncle aux Îles-de-la-Madeleine où on fait de la mariculture pour aller ensemencer des fonds qui sont, par la suite, pêchés par les pêcheurs. Si je suis fier de ce projet, je ne peux toutefois que constater que la mariculture a progressé moins vite au Québec, au cours des dernières années, que dans le reste du Canada atlantique, et vraiment le Québec a un rattrapage immense, énorme à faire par rapport à ses voisins et à ses concurrents.

En fait, à mes yeux, la mariculture est un vecteur privilégié de croissance de la biomasse aquatique disponible pour la transformation. Elle peut représenter une solution pour pallier aux décisions inéquitables du gouvernement fédéral en matière de gestion et d'allocation de la ressource, des décisions qui défavorisent, je ne dirais pas systématiquement, mais généralement, régulièrement, le Québec est défavorisé par ces décisions. Et, M. le Président, je vous dirais que personnellement, depuis mon implication en politique, j'ai toujours vu dans ce secteur, dans la mariculture, une bouée de sauvetage pour les emplois, pour l'industrie dans nos régions-ressources.

Alors, la loi qui régit actuellement l'aquaculture au Québec remonte à 1984, soit à une époque où le secteur marin de l'aquaculture québécoise n'était qu'embryonnaire. Bien qu'elle vise à encadrer les pratiques des établissements piscicoles et prévoie que le permis annuel ne peut être délivré que s'il y a respect des normes sur la qualité de l'environnement et sur la protection de la faune, cette loi, M. le Président, demande d'être actualisée. L'avant-projet de loi prévoit la mise en place d'une loi plus précise, plus transparente et certainement plus fonctionnelle.

n (9 h 40) n

L'aquaculture, dans le domaine des eaux navigables ou dans celles où s'exerce la pêche, est un secteur de compétence partagé entre le Canada et le Québec. Il est donc très important que des bases solides soient établies pour une coordination et une harmonisation des interventions des diverses autorités impliquées afin, bien sûr, toujours de faciliter le développement durable du secteur.

Parmi les enjeux relatifs au développement durable de l'aquaculture, soulignons que l'avant-projet de loi vise à assurer la cohabitation harmonieuse entre les mariculteurs et les autres usagers du domaine hydrique de l'État et de ses ressources, notamment les pêcheurs côtiers ? je pense qu'ils vont se présenter aussi devant nous demain ? par davantage de transparence dans la planification du développement de l'aquaculture et lors de la délivrance des permis.

Il vise aussi à assurer, à développer, à appliquer, je dirais, l'écoconditionnalité du permis, c'est-à-dire un permis conditionnel à la détention des autorisations relatives au respect de l'environnement et à la conservation de la faune, donc respect de la Loi sur la qualité de l'environnement et aussi de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.

Ce projet de loi ou cet avant-projet de loi vise à assurer la pérennité des entreprises, pour lesquelles la durée du permis passera de un à 10 ans ? on comprendra pourquoi; vise aussi à assurer l'utilisation optimale du domaine hydrique de l'État occupé à des fins d'aquaculture; vise aussi à assurer un encadrement des activités d'expérimentation et de recherche en aquaculture dans le domaine de hydrique de l'État.

M. le Président, je dirais que l'expérience québécoise ? on n'a pas parlé d'expérience depuis que je suis arrivé au MAPAQ ? m'a convaincu que l'acceptabilité sociale de l'aquaculture et des aquaculteurs est une condition essentielle au développement durable du secteur. Ainsi, la consultation qui s'annonce aujourd'hui est la seconde occasion pour les intervenants de faire valoir leur point de vue. La première fois, en 2001, les intervenants consultés avaient pu s'exprimer sur les nouvelles orientations envisagées par rapport à la loi actuelle pour une nouvelle législation. Cette fois-ci, les intervenants ont pu disposer d'un projet de texte législatif complet qui reprend aussi les éléments de la loi actuelle qu'il est proposé de conserver.

M. le Président, je me réjouis de la tenue de cette commission parlementaire qui donne la chance à tous les individus ou organismes de faire valoir leur point de vue sur cet avant-projet de loi. Je tiens à remercier d'avance les organismes, d'abord pour le temps qu'ils ont consacré à la rédaction des mémoires. L'été n'est pas loin derrière nous, je dirais qu'il n'est pas tout à fait terminé, et ils ont donc consacré beaucoup de temps à la préparation et à la rédaction de ces mémoires et, en plus, pour être présents avec nous aujourd'hui pour nous les présenter. Neuf mémoires ont été acheminés... Neuf ou 10, je crois, M. le Président, il faudrait peut-être que je vérifie, là.

Une voix: C'est 10.

M. Arseneau: C'est 10, à la commission soit par des organismes impliqués en aquaculture, aussi par des organismes ou des organisations sans but lucratif consacrés à la protection de l'environnement et de la faune, des entreprises dans les opérations voisines des sites aquacoles et de la part aussi des pêcheurs professionnels.

Alors, M. le Président, en terminant, je dirais que je suis ici avec les gens qui m'accompagnent, du ministère et des spécialistes dans l'aquaculture, pour écouter, bien sûr, tenter de répondre à certaines questions et aussi surtout poser des questions aux gens qui seront devant nous. Je souhaite donc que les échanges que nous allons avoir aujourd'hui et demain soient constructifs et nous permettent d'aller de l'avant avec un projet de loi mieux adapté à la réalité d'aujourd'hui et aux défis de demain en ce qui concerne... plus qu'avec la loi que nous avons actuellement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. Je vais donner la parole maintenant à Mme la députée de Bonaventure et critique officielle de l'opposition en matière piscicole.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: En matière de pêches, monsieur...

Le Président (M. Dion): En matière de pêches.

Mme Normandeau: Oui, oui, on ne peut pas trop être restrictif ce matin. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dion): Bon.

Mme Normandeau: M. le Président, bien vous me permettrez, d'entrée de jeu, de saluer le ministre et les collègues qui sont ici, ce matin, pour participer à ces deux jours, donc, de consultations. Également, salutations spéciales à toute l'équipe qui entoure le ministre, à tous ceux et celles qui le conseillent, donc. Et mes premiers mots, certainement, iront aussi aux organismes qui ont répondu à l'appel des membres de cette commission et qui ont livré leurs commentaires sur l'avant-projet de loi avec beaucoup de sérieux et beaucoup de rigueur. Chacun des groupes que nous aurons l'occasion d'entendre possède une expertise qui leur est propre et, j'ajouterais, M. le Président, l'expérience précieuse dans le contexte actuel qui permettra aux membres de cette commission de s'instruire et de parfaire nos connaissances dans le secteur de l'aquaculture.

Tous les intervenants que nous entendrons viendront nous dire que l'aquaculture est un secteur relativement jeune au Québec. Exception faite du secteur piscicole, qui a derrière lui une feuille de route de plus de 20 ans, il y a des secteurs tels que la mytiliculture, donc l'élevage des moules, ou encore la pectiniculture, l'élevage du pétoncle, qui sont en plein développement. Le ministre va peut-être, évidemment, dire qu'aux Îles-de-la-Madeleine on a une expérience un peu plus longue. Évidemment, je lui accorderai, mais, de façon générale, ce sont des secteurs qui sont relativement jeunes, et je pense qu'on peut prétendre sans exagérer que tout est à faire, donc, dans ces deux secteurs en particulier.

Si nous voulons prétendre, au Québec, développer une véritable industrie aquacole, il faut faire les bons choix et mettre en place des moyens qui seront susceptibles de supporter une industrie encore balbutiante. C'est déterminer, par exemple, comme le soutient la Société de développement maricole, la SODIM, un cadre financier, un cadre technique, un cadre industriel et un cadre réglementaire. Le secteur de l'aquaculture ne pourra se développer à partir d'intentions et de beaux discours. Il exige, pour se développer, des moyens concrets, adaptés aux conditions d'une industrie naissante.

À cet égard, je souhaiterais, par exemple, soulever les difficultés que rencontrent plusieurs promoteurs, notamment dans le secteur de l'élevage des moules qui est un secteur, donc, en développement. Les institutions financières, La Financière agricole du Québec et même les organismes qui sont dédiés au secteur prennent très peu de risques, prétextant le plus souvent un délai indu dans la récolte de la première production. Lorsqu'on sait qu'il peut s'écouler une période pouvant aller jusqu'à 24 mois pour constituer les stocks, on comprendra que les entreprises ont besoin d'un coup de pouce qui est déterminant pour la poursuite des activités et, conséquemment, pour la survie de l'entreprise.

Donc, face à un cadre financier qu'on pourrait qualifier d'incomplet et inadapté s'ajoutent d'autres difficultés, c'est-à-dire celles liées aux techniques d'élevage, par exemple, qui n'ont pas encore été éprouvées, et qui fait dire à la SODIM que les promoteurs procèdent souvent par essai et erreur. Donc, cette situation augmente le niveau de risque, qu'il importe de diminuer par la mise en place d'outils adaptés au secteur et qui permettra son éclosion et assurera certainement son développement.

La lecture de cet avant-projet de loi nous laisse par contre évidemment, vous vous en doutez bien, sur notre faim à bien des égards. Tout d'abord, l'article 2 du texte proposé prévoit la création d'un cadre de développement pour le secteur aquacole. Tout ce que le texte propose en fait, M. le Président, c'est l'intention du ministre. Pourtant, c'est une des pièces maîtresses de cet avant-projet de loi. En fait, j'irais même à qualifier cet aspect-là d'un des aspects les plus innovants de l'avant-projet de loi qui est déposé. C'est sa nouveauté, en fait, par rapport à l'ancienne loi qui existait auparavant. Le ministre aurait certainement pu profiter de l'occasion pour expliciter ce cadre de développement du secteur aquacole. Et, puisque le ministre souhaite favoriser une cohabitation harmonieuse entre les différents utilisateurs, il aurait pu donner une véritable couleur à son avant-projet de loi en spécifiant son intention quant à la façon, par exemple, dont il va déterminer les zones aquacoles au Québec.

Cette notion de zonage ? hein, on parle évidemment, qui fait référence, comme la loi dans le secteur agricole... on a un zonage dans le secteur agricole, la prétention du ministre, c'est d'avoir un zonage dans le secteur aquacole ? donc, est au coeur de cet avant-projet de loi, et pourtant le ministre demeure silencieux. En fait, cette intention de développement, donc, du cadre réglementaire est la pièce maîtresse, donc, comme je le disais auparavant, mais le ministre a préféré demeurer évasif sur le sujet. L'an passé ? et le ministre y a fait référence ? on a procédé à des consultations sur la révision du cadre légal en matière d'aquaculture. Alors, évidemment on aurait très bien pu s'inspirer des résultats de cette consultation pour donner plus de substance à l'intention qui est annoncée dans l'avant-projet de loi qui est déposé aujourd'hui.

Silence également total et complet sur l'adoption de ce cadre de développement pourtant, évidemment, au coeur des préoccupations des gens qui gravitent dans le secteur de l'aquaculture. Combien de temps, par exemple, devra attendre l'industrie avant d'avoir sous la main ce fameux cadre réglementaire? Qui sera, par exemple, appelé à le rédiger? Quel processus sera mis en place, donc, pour sa rédaction? Là-dessus, je pense que tous les intervenants qu'on aura l'occasion d'entendre aujourd'hui s'entendent sur la nécessité d'être impliqués de façon transparente, donc, dans le processus qui mènera à la rédaction de ce cadre de développement pour le secteur de l'aquaculture.

n (9 h 50) n

Si l'intention, M. le Président, au départ, du ministre était louable, nous constatons qu'il a accouché d'un souris, alors qu'il avait promis un éléphant. En fait, M. le Président, on ne sait pas trop où on s'en va avec l'avant-projet de loi qui est déposé. Le ministre doit nous présenter une pièce législative qui favorisera un réel développement du secteur aquacole, et la question légitime qu'on doit se poser à ce stade-ci: Pourquoi le ministre, après évidemment une première consultation, a décidé de déposer un avant-projet de loi, sachant très bien que suivra, après cet avant-projet de loi, une loi, un projet de loi, en fait? Alors, compte tenu, évidemment, de tout ce qui a été dit en 2001 dans le cadre de la consultation, on se demande si le ministre n'a pas choisi plutôt de gagner du temps plutôt que de déposer tout de suite un projet de loi. Et, évidemment, le ministre a été également silencieux dans ses remarques préliminaires sur son engagement, à titre de ministre responsable du secteur de l'aquaculture, sur le moment, évidemment, qu'il choisira pour déposer le projet de loi qui vient, bien sûr, modifier les règles au niveau de l'aquaculture.

Un autre point, M. le Président, que nous avons ressorti fait référence à l'article 42, donc, de l'avant-projet de loi qui a été déposé et tient au pouvoir discrétionnaire que s'arroge le ministre. En fait, on considère que c'est beaucoup trop de pouvoir dans le contexte actuel. C'est un élément également qui a été décrié par plusieurs organismes, donc, que nous entendrons. C'est un pouvoir discrétionnaire, en fait, qui ne procure aucune garantie aux intervenants du secteur. Alors donc, M. le Président. plusieurs ont fait des commentaires de ce côté-là, et je souhaite que le ministre en tienne compte évidemment dans le projet de loi qu'il déposera, on le souhaite, le plus rapidement possible.

Un autre élément important tient à la durée de vie ? ça, c'est un élément aussi très concret, très pragmatique qui a été soulevé par plusieurs intervenants ? un autre élément important tient à la durée de vie du permis d'exploitation, d'opération, donc, que doivent obtenir tous les promoteurs lorsqu'on souhaite se lancer dans le secteur aquacole. L'ancienne loi prévoyait donc un permis d'une durée d'un an. Le ministre, lui, nous propose 10 ans dans son avant-projet de loi. Compte tenu que le bail de location des sites est émis pour une période de 20 ans, on se demande pourquoi le ministre n'a pas profité de l'occasion pour assurer une harmonisation entre la durée de vie du permis, donc, d'exploitation, d'opération et la durée de vie, donc, du bail pour louer les sites de location. En fait, puisque l'objectif ? et tous s'entendront là-dessus ? légitime est d'attirer des investissements dans le secteur de l'aquaculture et qu'une entreprise dans le secteur de l'aquaculture prend souvent 10 ans avant de rembourser ses dettes, il serait souhaitable qu'on facilite ce travail des promoteurs en optant pour cette harmonisation. Alors, plutôt que 10 ans pour la durée du permis, tel que proposé par le ministre, M. le Président, nous proposons 20 ans, et je pense que c'est la logique même qui parle dans le contexte actuel.

Un troisième élément, M. le Président, tient à la multitude de règlements et de lois qui existent entre le MAPAQ, le ministère de l'Environnement et le ministère de la Faune et des Parcs. Là encore, c'est un autre élément, donc, qui a été décrié par plusieurs groupes que nous aurons l'occasion d'entendre. En fait, nous pensons, nous croyons sincèrement que le ministre aurait pu profiter de l'occasion pour assurer un meilleur arrimage et une meilleure harmonisation entre toutes ces lois et ces règlements en déposant, par exemple ? je dis bien, en déposant ? une espèce de loi-cadre, si je peux m'exprimer ainsi. Par exemple, le ministère de la Faune et des Parcs, avec sa loi pour la protection de la faune, a aussi ses règlements sur le zonage piscicole qui ne sont pas souvent arrimés avec les autres lois qui existent, ce qui fait en sorte que les promoteurs sont confrontés à un dédale, qu'une multitude de lois et de règlements compliquent drôlement leur vie, M. le Président.

Un autre élément, un dernier élément qui n'est pas nécessairement... qu'on ne trouve pas nécessairement dans le projet de loi, mais qu'on trouve important de soulever tient au processus d'évaluation environnementale. Comme il n'y a pas d'harmonisation entre le fédéral et le provincial sur cette question, les promoteurs, malheureusement ? je dis bien malheureusement ? seront contraints de passer à travers deux processus distincts d'évaluation environnementale ajoutés aux nombreuses législations, M. le Président, auxquelles ils doivent s'assujettir. Alors, les promoteurs verront leur travail compliqué par l'obligation de se soumettre à deux processus d'évaluation environnementale. Lorsqu'on sait qu'au fédéral le processus peut durer deux ans, alors vous comprendrez bien, M. le Président, qu'il faut avoir, comme on dit, les reins solides et être déterminé pour passer à travers, évidemment, tout le processus. Mais c'est quand même un ensemble de facteurs qui ont de quoi décourager les promoteurs également, qui ont de quoi décourager... en fait, qui ne permettront pas réellement l'éclosion, le développement d'un secteur qu'on souhaite évidemment plus prolifique pour le Québec.

M. le Président, en terminant, le sérieux avec lequel les organismes ont rédigé leurs mémoires nous apportera, bien sûr, un éclairage précieux, j'oserais dire presque salutaire, dans le contexte pour bonifier la législation à venir. De nombreux amendements, cependant, devront être déposés pour s'assurer que la loi qui sera adoptée servira les intérêts réels du secteur de l'aquaculture au Québec. Alors, nous pensons que le gouvernement a une responsabilité afin d'accompagner et de supporter les promoteurs dans plusieurs cas. Et, dans plusieurs cas, donc, on peut même parler de pionniers en parlant des promoteurs dans le secteur de l'aquaculture. J'en connais qui sont dans le comté de Bonaventure, M. le Président, et je dois vous dire que je leur lève mon chapeau. Il y a même M. Réjean Allard, qui est ici aujourd'hui, qu'on aura l'occasion d'entendre tout à l'heure. C'est des gens qui consacrent évidemment non seulement du temps et de l'énergie, mais beaucoup d'imagination dans leur entreprise.

Le gouvernement, aussi, M. le Président, a le devoir d'opter pour des orientations claires afin de conduire le Québec sur la voie de nouveaux créneaux. Si la compétition, pour le moins qu'on puisse dire, est féroce dans le secteur avec les provinces de l'Atlantique notamment, le Québec peut se tailler, doit se tailler une place que nous pourrions certainement ? et j'ose l'espérer, M. le Président ? qualifier d'enviable dans cinq ans ou dans 10 ans. En fait, pourquoi ne pas devenir les meilleurs dans le secteur, par exemple, de l'élevage des pétoncles ou des moules et qu'on reconnaisse la qualité de notre production et nos produits sur tous les marchés nord-américains?

Cependant, si le support réglementaire et financier est important, il est primordial que des efforts consacrés à la recherche et au développement soient déployés afin de développer une expertise et un savoir qui soient réellement au service de l'industrie et qui soient aussi adaptés, donc, à ses besoins.

M. le Président, je prendrai quelques secondes en terminant, donc, pour féliciter certainement tous ces hommes et ces femmes qui ont fait le choix d'évoluer dans ce secteur, donc, de l'aquaculture. Et nous souhaitons leur livrer toute... bien sûr, notre reconnaissance pour leur apport au développement de cette industrie encore toute jeune que nous espérons florissante, M. le Président, dans quelques années. Je vous remercie.

Le Président (M. Dion): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Y a-t-il d'autres remarques préliminaires? M. le député de Gaspé.

M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Quelques minutes. L'avant-projet de loi qui a été déposé par le ministre concernant l'aquaculture commerciale, je voudrais l'aborder plutôt sur un angle pratique, le côté pratique. C'est-à-dire ce qu'on devrait réussir à faire avec ce projet de loi et éventuellement la réglementation, c'est, à mon avis, d'en arriver, M. le Président, à pouvoir bien cerner les droits de ceux qui font de la production, leur durée, leur renouvellement, faire des arrimages, simplifier la bureaucratie pour faire en sorte que les producteurs n'aient pas à remplir 10 formulaires pour 10 sites, qu'on regarde aussi dans l'ensemble comment on peut gérer cette industrie naissante avec des mécanismes relativement simples, souples et adaptés à cette industrie.

Il y a également des questions fondamentales qui se posent, dans le sens toute la question du financement des droits de propriété. Vous savez qu'on est au niveau marin, donc on est dans des situations... Et je m'attarde davantage à l'élevage en mer, en eau salée, pas nécessairement en pisciculture, parce que l'aquaculture commerciale peut se faire de deux manières, dans des piscicultures et également en mer. Et ce qui me préoccupe, c'est de regarder, par exemple, à la lumière des expériences passées, comment un promoteur ou un producteur peut nantir ses biens pour faciliter son développement d'entreprise. Alors, que valent ses droits? Est-ce qu'on peut, en mettant au monde cette industrie, l'organiser de telle sorte qu'il y ait un régime juridique de propriété, de location ou de transmission de droits qui s'effectue de façon normale, comme au niveau du droit civil, par exemple, ou du droit commercial que l'on connaît, et que des transactions puissent s'effectuer avec la même rigueur et avec la même sécurité, tant au niveau du prêteur, du financier, que du promoteur? À mon avis, ce sont des aspects que nous devrons regarder dans le cadre de l'analyse de ce projet de loi qui va permettre une meilleure stabilité aussi, une meilleure stabilité de l'industrie naissante.

Toute la question aussi environnementale, bien il ne faut pas l'évacuer. Moi, je pense que l'industrie, les gens qui sont dans l'industrie sont très sensibles à la question environnementale, parce qu'il en va de leur intérêt premier et parce que, s'ils veulent produire des mollusques, par exemple, puis que la santé, la sécurité publique est affectée, c'est toute l'industrie qui en subit les contrecoups. Donc, ils ont tout intérêt à protéger l'environnement et à regarder comment on peut innover dans certains secteurs d'activité. Parce que élever une moule, élever un pétoncle ou élever une truite en eau douce et en eau salée, ce n'est pas tout à fait la même chose. On n'a pas toutes les mêmes mécaniques, puis tout ça, mais on peut avoir une répartition sur les sites, par exemple, si on est en eau salée.

n (10 heures) n

Donc, il faut aussi regarder comment on peut s'harmoniser le plus possible avec les autres intervenants qui sont législateurs dans ce domaine-là. Il y a des ministères... Oui, au Québec, on intervient, mais on a toujours le cadre fédéral qui, lui, a des mécanismes qui sont très lourds. Alors, il faudrait trouver les formules non pas pour partir une bataille avec eux, mais comment on peut arrimer la démarche et l'administration avec les fédéraux, avec le gouvernement fédéral pour en arriver à faire en sorte qu'on puisse avoir quelque chose qui est efficace, puis, au bout de la ligne, qu'on ne perde pas plus de temps à gérer de la paperasse puis à faire des démarches auprès d'un gouvernement ou d'un autre gouvernement, dans les ministères et les agences qui se contredisent ou qui ont des responsabilités, mais, en même temps, ils sont trois d'un côté à prendre des décisions puis que les décisions n'arrivent pas, parce que l'autre, ce n'est pas sa responsabilité, etc. Je pense qu'il faut simplifier la vie du monde qui veulent travailler, qui veulent produire, tout en s'assurant toujours de la sécurité du public et du respect de l'environnement.

Dans le fond, ce sont les remarques préliminaires essentielles, à mon point de vue. Je ne dis pas que les autres ne sont pas importantes, là. On pourra en discuter au fur et à mesure que nous avancerons dans le processus de la commission, et, éventuellement, lorsque nous étudierons le projet de loi en détail aussi, mais je pense qu'il y a des discussions à avoir entre parlementaires des deux côtés de cette Assemblée ? peut-être bien que maintenant on dirait «des trois aspects de cette Assemblée», maintenant. Alors... Ha, ha, ha! Mais, éventuellement, ils y seront peut-être, hein? On n'a pas le droit de souligner l'absence de collègues qui sont... à l'Assemblée, mais on doit constater qu'il y a certaines chaises qui sont vides.

Alors, M. le Président, c'est dans ce sens-là que je voudrais que nous travaillions dans un esprit constructif, positif et avec le souci qu'il faut se souvenir que les gens, les hommes et les femmes qui travaillent dans cette industrie-là... Elle est en émergence, et il faut regarder tous ces aspects.

Auditions

Le Président (M. Dion): Merci, M. le député de Gaspé. Je vais maintenant demander aux représentants de la Société de développement de l'industrie maricole de bien vouloir s'approcher pour la présentation de leur mémoire.

Alors, bonjour, messieurs. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, vous avez une heure pour la présentation de votre mémoire, c'est-à-dire 20 minutes pour la présentation, et, après, nous aurons 40 minutes pour les échanges, c'est-à-dire 20 minutes pour le parti gouvernemental et 20 minutes pour le parti de l'opposition.

Alors, je vous donne la parole et je vous prierais, M. le président ou directeur général, selon le cas, de vous présenter et de présenter vos collègues. Merci.

Société de développement
de l'industrie maricole inc. (SODIM)

M. Scantland (Gilbert): Alors, merci, M. le Président. Merci aux gens, que je connais ici, de nous accueillir: M. Arseneau, Mme Normandeau. Pour les autres, j'ai malheureusement... Guy... Guy Lelièvre. Pour les autres que je ne connais pas, eh bien, merci de nous accueillir.

Nous avons donc un mémoire à vous présenter concernant le développement de la mariculture. Je fais une différence entre l'aquaculture en eau douce et l'aquaculture en eau marine, qu'on appelle la «mariculture».

Je vais présenter mes collègues également qui m'accompagnent à la table: le directeur général de la SODIM, M. Sylvain Lafrance, et M. Réjean Allard, qui est mariculteur dans la baie de Carleton et administrateur pour la SODIM. Donc, vous avez un peu les gens qui travaillent sur le terrain, les gens qui travaillent à la SODIM et ceux qui font les représentations politiques.

Alors, d'abord, la SODIM, c'est la Société de développement de l'industrie maricole qui est une corporation sans but lucratif créée en 1997, dont la mission est de contribuer à la création et au développement d'entreprises de mariculture rentables et compétitives. À cette fin, la SODIM dispose de deux leviers financiers, soit un fonds d'investissement et un fonds de recherche et développement.

Par ce fonds d'investissement, la SODIM agit comme une société de capital de risque spécialisée en mariculture. Elle intervient sous forme de capital-actions, garantie de marge de crédit, de garantie de prêt ou de billet à terme. Le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, Développement économique Canada et les Conseils régionaux de concertation et de développement des régions maritimes sont les partenaires financiers ayant permis la constitution du fonds d'investissement de 4 millions de dollars. Actuellement, la SODIM est impliquée financièrement dans une douzaine d'entreprises maricoles des régions maritimes, et les investissements cumulés de la SODIM dans ces entreprises s'élèvent à 3 millions de dollars et ont généré à ce jour des investissements totaux de 15 millions.

Depuis quelques mois, la SODIM dispose aussi d'un fonds de recherche et développement. Celui-ci permettra à la SODIM d'initier et de gérer des projets de recherche pour le bénéfice de l'industrie aquacole des régions maritimes. La SODIM prépare en ce moment, avec la collaboration de ses partenaires institutionnels, un plan d'action scientifique dont la mise en oeuvre permettra à terme d'apporter des solutions aux problèmes de nature biotechnique vécus par les entreprises maricoles. Le fonds de R-D dont la gestion est confiée à la SODIM dispose d'une enveloppe de 9 millions de dollars qui a été octroyée par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec.

En plus d'intervenir au niveau du financement des entreprises et de la recherche et développement, la SODIM dispense aussi, au besoin, des conseils aux entreprises sur les thèmes de l'administration et des finances.

La SODIM compte actuellement une quinzaine d'employés dont une dizaine de biologistes et techniciens impliqués dans différentes activités de recherche et développement.

On va vous présenter un peu l'industrie maricole. C'est quoi, en fait, l'industrie maricole, au Québec? L'industrie maricole du Québec compte une vingtaine d'entreprises employant au total environ 150 personnes. Les productions sont diversifiées. On en retrouve dans les moules, dans les pétoncles, dans la mye, dans l'omble, dans les oursins, mais près de 95 % du volume et de la valeur desdites productions est généré par des élevages de moules et de pétoncles. Sur une production maricole totale d'environ 600 t en 2001, la part des moules ? 540 t ? s'établissait donc à 90 %.

Bien que les premières entreprises maricoles du Québec se soient établies aux Îles-de-la-Madeleine en début des années quatre-vingt, ce n'est qu'à la fin des années quatre-vingt-dix que la mariculture a pris son véritable essor. Les premières entreprises ayant vu le jour il y a près de 20 ans étaient sous-capitalisées, produisaient de faibles volumes, disposaient de peu d'expertise à l'interne comme à l'externe. L'épisode des moules toxiques en provenance de l'Île-du-Prince-Édouard en 1987 et son impact sur les marchés a eu raison de la plupart de ces entreprises pionnières. En fait, une seule entreprise myticole sur la dizaine que comptaient les Îles-de-la-Madeleine dans les années quatre-vingt a pu échapper à la fermeture et prendre la deuxième vague maricole au Québec au milieu des années quatre-vingt-dix. À ce moment, le Québec maritime prend conscience de son potentiel maricole et réfléchit aux outils à mettre en place pour en assurer le développement.

Le premier plan stratégique de développement de la mariculture est adopté en 1996, lors du Forum sur les pêches; suivra la création de la Table maricole la même année et aussi la création de la SODIM, en 1997. Au cours de chacune des années qui suivront, les promoteurs investiront en mariculture, certains avec l'ambition de produire de très gros volumes, d'autres avec des objectifs plus modestes. Les intervenants publics en mariculture, tout comme les promoteurs, étaient optimistes face à la croissance de l'industrie. On prévoyait atteindre une production de 2 000 t, tous produits confondus, pour 2003.

À l'aube de 2003, force nous est de constater que la barre était mise un peu trop haute. Néanmoins, tout près de la moitié du chemin aura été certainement parcouru d'ici la fin de 2003, ce qui, considérant le départ de 1996, représente une croissance annuelle de l'ordre de 50 %. Il y a lieu de penser qu'une croissance de 30 % pourrait être maintenue pendant encore plusieurs années si les conditions propices au développement de l'industrie sont réunies. Ces conditions touchent quatre thèmes d'importance ? et c'est ces thèmes que nous allons aborder dans le cadre du projet de loi, de l'avant-projet de loi: le cadre financier, le cadre technique, le cadre industriel et le cadre réglementaire. Plusieurs articles de l'avant-projet de loi sur l'aquaculture commerciale ont des incidences directes sur chacun de ces thèmes.

Le cadre financier. Jusqu'à récemment, peu d'organismes de financement se sont intéressés à la mariculture, cela, notamment parce qu'il s'agit d'une industrie peu connue, encore en phase d'apprentissage sous forme d'essais et erreurs et pour laquelle les risques associés aux stocks apparaissent importants. Entre le moment où le naissain de pétoncle est capté en mer jusqu'à ce que le produit soit vendu sur les marchés, il peut s'écouler jusqu'à six ans. Pour les moules, la période de constitution des stocks est plutôt courte mais elle varie tout de même de 18 à 24 mois. Durant ces périodes de croissance, les moules comme les pétoncles sont soumises aux aléas de l'environnement: prédation, occurrence de toxines dans le milieu, changements climatiques, etc. Les particularités propres à l'élevage en mer peuvent donc présenter des risques pour les institutions de financement. Pour les intéresser à notre industrie, il nous apparaît donc important... il nous appartient donc de les rassurer sur un certain nombre d'éléments, et, aussi, lorsque cela est possible, de lever les risques relatifs au fonctionnement des entreprises et aux opérations de production.

n (10 h 10) n

Dans cet esprit, les intervenants maricoles travaillent en ce moment avec l'Université Laval à la mise au point technique d'inventaires des stocks. La façon d'estimer et de présenter les stocks dans les états financiers pourrait être uniformisée. Des efforts en R & D sont aussi consentis afin de réduire les pertes sur les filières et diminuer les cycles de production, par exemple en utilisant du naissain plus performant.

De plus, pour faciliter leur intégration dans l'industrie, la SODIM peut se porter garante, en partie, des investissements d'autres sociétés de capital de risque, notamment La Financière agricole. Des sociétés comme Innovatech Régions ressources, La Financière agricole et les fonds régionaux de solidarité de la FTQ ont depuis peu commencé à investir dans les entreprises maricoles. Le secteur financier traditionnel reste cependant frileux face à la mariculture.

La SODIM est d'avis que des dispositions de nature à sécuriser les investissements en mariculture pourraient être incluses ou plus explicites dans l'avant-projet de loi soumis à son analyse. Ainsi, l'avant-projet de loi sur l'aquaculture commerciale décrit de bonne façon le droit d'exploitation consenti aux mariculteurs en vertu du permis d'aquaculture. Toutefois, le droit de propriété du détenteur de permis sur les organismes qu'il produit, en vertu dudit permis, n'est pas, selon nous, suffisamment clair.

Par ailleurs, aucune référence à la notion de droit de propriété n'apparaît également dans le présent règlement sur le domaine hydrique de l'État publié dans la Gazette officielle du Québec, le 10 juillet dernier. Ledit règlement, dont l'article 28 fait référence à l'aquaculture, introduit de nouvelles règles quant à l'octroi de droit sur le domaine hydrique ? on parle de droit d'occupation ? mais est muet, comme l'avant-projet de loi, sur le droit de propriété du détenteur de bail sur les organismes qu'il pourrait y élever. De notre point de vue, il serait opportun, à la fois dans le règlement sur le domaine hydrique de l'État et dans l'avant-projet de loi à l'étude, de distinguer le droit d'occupation, le droit d'exploitation et le droit de propriété, et, surtout, d'accorder explicitement ce dernier droit aux détenteurs du bail et du permis aquacole.

Rappelons que le financement privé est souvent mis à la disposition des promoteurs dans la mesure où les prêteurs peuvent prendre en garantie un certain nombre d'actifs. Les bateaux, les immobilisations à l'eau, les stocks en mer sont les principaux actifs des entreprises maricoles. Et on comprend qu'en absence de droit de propriété les stocks ne peuvent pas être considérés comme étant la propriété du mariculteur. Donc, la réglementation doit donc reconnaître le droit de propriété du mariculteur sur les actifs, notamment sur les stocks.

L'avant-projet de loi fait passer de un à 10 ans la validité d'un permis aquacole. Le détenteur est toutefois tenu de renouveler son permis de façon annuelle. Nous croyons que ce changement est favorable au développement de notre industrie et qu'il constitue un pas dans la bonne direction. En toute logique, il apparaissait périlleux, pour un promoteur, de démarrer une production maricole sur la base d'une autorisation d'exploitation valable seulement pour un an.

Vous comprendrez qu'en mariculture on parle d'investissements qui dépassent largement les 100 000 $ pour une très petite exploitation et peuvent aller jusqu'à 2 millions, 3 millions et plus pour des entreprises à gros volume. Donc, vous comprendrez qu'en l'absence de droit de propriété sur les mollusques produits, en l'absence de permis valables pour un certain nombre donné, il devient extrêmement périlleux, autant pour le promoteur que pour les entreprises financières, de financer le démarrage de ces entreprises-là.

Donc, bien que dans les faits le promoteur voyait la validité de son permis reconduite d'une année à l'autre, il est bien évident, comme le prévoit l'avant-projet de loi, de garantir, dès la délivrance du permis, une validité plus longue tout en maintenant en place une procédure de renouvellement annuel ? auquel on adhère. En fait, selon nous, l'avant-projet de loi devrait aller plus loin. Sous réserves des conditions liées à son exploitation et à son renouvellement annuel, la validité du permis aquacole ne devrait pas être limitée ou, à tout le moins, devrait être harmonisée avec la durée du bail aquicole, soit 20 ans.

L'article 10 de l'avant-projet de loi prévoit que le ministre peut soumettre un projet à une consultation publique afin de statuer sur une demande de délivrance, de modification ou d'autorisation de cession de permis d'aquaculture. Dans le contexte de la libre entreprise et aussi dans la mesure où le propriétaire d'une exploitation maricole respecte les conditions du permis lui ayant été délivré, il nous apparaît injustifié de prévoir le recours à une consultation publique pour la cession du permis aquicole. Parce qu'elle limite la capacité d'un propriétaire à vendre son entreprise, cette disposition est de nature à freiner l'investissement dans le secteur maricole. Donc, la même façon que je vous exprimais, tout à l'heure: plus on va lever les risques, plus les entreprises vont pouvoir se développer. Et, quelque part, dans le développement d'une entreprise, il apparaît parfois opportun de vendre son entreprise à d'autres, et on ne voudrait pas de limite si les conditions de permis ne sont pas changées.

Le cadre technique. Donc, la mariculture est une industrie relativement jeune et qui présente un fort potentiel de développement au Québec. Toutefois, les conditions dans lesquelles elle est pratiquée ici diffèrent beaucoup de celles qui prévalent dans les pays réputés pour leur expertise en mariculture. Les conditions environnementales, notamment la présence de glace et la température de l'eau, obligent les producteurs québécois à adapter les techniques maricoles importées de l'extérieur. Le cycle de production étant en général plus long sous nos latitudes, les mariculteurs doivent faire preuve d'ingéniosité pour atteindre la rentabilité. Les connaissances encore limitées sur les espèces en production obligent encore parfois les mariculteurs à progresser selon l'approche «essais et erreurs». C'est dire que l'appui technique et la recherche-développement sont et seront essentiels pour la réussite des entreprises. Le nombre d'entreprises maricoles que comptera le Québec dans cinq ou 10 ans dépendra beaucoup de notre capacité à organiser et à dispenser des services de recherche, d'appui technique et de transferts technologiques. De notre point de vue, l'avant-projet de loi devrait prendre en compte cette réalité et prévoir des dispositions facilitant la mise en oeuvre des activités de recherche.

Le texte législatif prévoit déjà une section portant sur l'autorisation à des fins de recherche et développement. On parle du chapitre 3, la section 2. Le libellé des articles 22 et 23 laisse cependant croire que la délivrance d'un permis à des fins de recherche et développement serait assujettie aux mêmes règles que celles liées à un permis commercial. Il conviendrait, selon nous, de prévoir un mécanisme accéléré d'analyse et de délivrance de permis de recherche et développement, tout en garantissant l'intérêt public. Le mécanisme actuel, qui nécessite parfois une attente de plus de 12 mois, peut être un frein au développement des connaissances en mariculture. Souvent, on va partir des projets de recherche et développement pour un aspect en particulier; donc il devient très difficile, là, d'obtenir les permis.

Au niveau du cadre industriel. Pour progresser, l'industrie maricole aura besoin d'un environnement industriel favorable. L'avant-projet de loi est à ce sujet très bref. En fait, il stipule simplement dans le chapitre 2 que le ministre établira un cadre de développement aquicole. À première vue, ce qui aurait pu constituer le coeur du projet de loi est simplement présenté comme une initiative que le ministre aura à prendre dans un avenir qui n'est pas précisé. Le développement d'un cadre de développement aquacole et son adoption par les différents usagers du domaine hydrique pose un défi important. Il nous apparaît cependant nécessaire de ne pas repousser indûment dans le temps les réflexions entourant ce cadre de développement. Dans cet esprit, la SODIM est d'avis que le projet de loi devrait, au minimum, fixer un horizon réaliste pour l'approbation du cadre de développement. Nous proposons d'introduire dans le texte législatif une disposition selon laquelle le cadre de développement devrait être approuvé par le gouvernement au plus tard 180 jours après l'adoption du projet de loi. Cette disposition sera de nature à introduire une obligation de résultat dans le projet de loi et une obligation aussi de consultation de l'ensemble des partenaires pour établir ce cadre.

Toujours à l'article 2, on invoque sommairement les thèmes qui pourraient être pris en compte dans le futur cadre de développement. L'approche à laquelle on fait allusion, soit celle d'identifier les endroits privilégiés pour le développement de l'aquaculture, présente un certain nombre d'avantages. En désignant des zones à vocation aquacole, on peut orienter le choix des futurs promoteurs vers des sites qui présentent des caractéristiques favorables à la mariculture. Il est aussi plus aisé pour l'État d'investir dans des infrastructures ou des services appropriés à l'aquaculture lorsque les zones propices à la croissance d'industries sont délimitées. On comprend que c'est des entreprises technologiques qui ont besoin de quais, qui ont besoin d'entrepôts frigorifiques, qui ont besoin de plusieurs équipements technologiques. On peut même penser à des parcs technologiques maricoles pour permettre le développement de cette industrie. Donc, en spécifiant des zones, ça peut être intéressant.

L'exercice de zonage pose cependant un certain nombre de contraintes. Il nécessite une très bonne connaissance des milieux côtiers qui sont, par nature, très dynamiques. Il suppose aussi une bonne connaissance des espaces utilisés par les autres usagers du milieu côtier. Somme toute, le zonage peut être un bon outil de développement pour la mariculture, mais, au même moment, il peut, au contraire, avoir l'effet inverse, par exemple, exclure les mariculteurs des zones à fort potentiel, limitation du développement technologique en privilégiant des pratiques et des techniques dans des zones déterminées et l'apparition de conflits d'usage si les zones et responsabilités respectives des différents usagers sont mal définies.

Il faudra se garder, lors de la préparation du cadre de développement, d'avoir la tentation de vouloir aller trop loin dans le processus de zonage et de définition des meilleures pratiques maricoles dans lesdites zones. Le bon dosage dans l'intervention gouvernementale sera garant du succès du cadre de développement.

Donc, il ne faut pas aller pousser à outrance le zonage maricole parce que ça peut avoir des limitations sur la progression de cette industrie. On peut parler... Par exemple, il y a cinq types de cordage qu'on peut utiliser pour faire de la moule. Il ne faudrait pas aller jusqu'à définir quel type de cordage il faut avoir dans tel secteur. Ça deviendrait un peu limitant pour les entreprises. Donc, je pense qu'il faut bien doser tout ça.

n (10 h 20) n

Le cadre réglementaire. L'avant-projet de loi propose un régime de permis et prévoit différentes dispositions pour leur délivrance ou leur renouvellement. Sur ces aspects, la SODIM formule deux suggestions.

Comme on le soulignait précédemment, le délai de délivrance du permis d'aquaculture est aujourd'hui d'environ 12 mois. Il s'agit, selon nous, d'un délai beaucoup trop long pour qui veut lancer une entreprise en mariculture. On se rappelle que ça prend cinq, six ans avant de rendre une entreprise maricole rentable. Donc, déjà, si on en perd 12 à juste demander les permis, monter notre plan d'affaires, ça devient difficile.

Bien que la délivrance du permis ne relève pas uniquement de l'autorité du Québec ? et on le reconnaît ? la SODIM est d'avis que le projet de loi devrait fixer des balises quant au temps requis pour l'examen d'une demande de permis. Cela aurait l'avantage de permettre aux promoteurs potentiels de planifier leurs opérations de meilleure façon en termes de montage financier, de plan de production, etc. Vous comprendrez que, si on manque la période de captage, bien, on est pour un an retardé. Des fois, un délai d'une semaine peut provoquer un an de retard. Donc, c'est important de fixer des dates, des limites en travers desquelles on pourra s'assurer que les permis peuvent être émis. À ce moment-là, l'entreprise peut commander son matériel, planifier ses opérations en conséquence, et, lorsque le permis arrive, bien, il est prêt à démarrer. Un an, c'est beaucoup dans l'élevage.

Il nous apparaît impératif que les détenteurs d'un permis aquacole mette en valeur le site qu'il a sollicité. Dans une dynamique de développement de l'industrie, la multiplication de permis non exploités serait potentiellement une source de conflit entre les détenteurs de permis eux-mêmes et aussi les autres usagers du domaine hydrique. Nous sommes d'avis que le projet de loi, à l'article 42, doit non seulement permettre au gouvernement d'adopter un règlement sur les normes de mise en valeur des sites aquicoles mais il doit aussi le contraindre à le faire. Il serait trop bête de voir notre domaine hydrique maritime accaparé par des gens ? qui ont l'espoir un jour de faire de la mariculture ? réclamer des permis sans les mettre en valeur. Vous comprendrez que ça peut causer un certain nombre de problèmes à une industrie et créer des conflits d'usage aussi dans le milieu alors que ces sites-là ne sont pas mis en valeur. Donc, je pense qu'il faut aller au-delà de la volonté, il faut vraiment le contraindre à le faire dans le permis. Il devrait y avoir à notre avis des contraintes de mise en valeur de sites aquacoles, lorsqu'on détient un permis ou un bail sur un site.

Soulignons aussi que la SODIM émet des réserves sur le pouvoir discrétionnaire qui est accordé au ministre, à l'alinéa 10 de l'article 42. Bien que la SODIM, tout comme le législateur, ne puisse savoir précisément ce sur quoi porteront les activités maricoles dans cinq ou 10 ans, il apparaît paradoxal d'adopter une loi, et, à même celle-ci, de prévoir une disposition permettant au ministre de ne pas tenir compte de ladite loi. Il faudrait, selon nous, prévoir des balises limitant le recours à cette disposition de l'avant-projet de loi.

En terminant, il nous plaît de croire que l'adoption prochaine d'un projet de loi sur l'aquaculture est de nature à donner une légitimité à la mariculture. Cette industrie figure en bonne place dans les plans stratégiques de développement des régions maritimes. Elle est en vue aussi par les organismes publics, tant du Québec que du fédéral, comme une voie de diversification économique de nos régions. En témoigne l'adoption récente par le gouvernement du Québec de la Stratégie québécoise de développement des ressources, sciences et techniques marines.

Le gouvernement du Québec, en proposant l'adoption d'un projet de loi spécifique à l'aquaculture commerciale, lance à nouveau un signal clair de sa volonté de faire de cette industrie un levier économique pour les régions de l'est du Québec. La SODIM, sous réserve des bonifications proposées dans le présent mémoire, appuie la démarche du gouvernement et est disposée à travailler avec lui à la préparation du cadre de développement aquacole évoqué dans l'avant-projet de loi.

Un autre aspect qui a peut-être été moins soulevé dans le mémoire mais sur lequel j'aimerais insister, c'est vraiment l'harmonisation des réglementations, tant provinciales que fédérales, et, actuellement, là, à peu près ? M. Allard pourra en témoigner ? mais huit demandes de permis ou d'autorisations différentes qui circulent entre les différents ministères pour finalement avoir droit à notre permis ou notre bail ou notre permission d'établir une entreprise maricole. Donc, il y aurait lieu que le projet de loi prévoie le plus possible une harmonisation de l'ensemble de ces lois-là et qu'il n'y ait qu'une porte où on doit s'adresser pour pouvoir émettre les permis.

Donc, je vous remercie infiniment, puis nos collègues sont là pour répondre aux questions des parlementaires.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. Je vais maintenant donner la parole à M. le ministre.

M. Arseneau: Merci beaucoup. Merci beaucoup. Comment on procède? Est-ce qu'on a 20 minutes ou bien on y va en échange, peut-être permettre à ma collègue de l'opposition de poser une question, puis on reviendra, de ce côté-ci? Je ne le sais pas trop, là?.

Le Président (M. Dion): D'habitude, on procède 20 minutes-20 minutes. Maintenant, je ne sais pas si ça vous convient.

Mme Normandeau: Parce que c'est moins compliqué pour eux, je pense.

Le Président (M. Dion): Préférez-vous avoir des échanges?

Mme Normandeau: Bien, c'est moins compliqué pour vous si on a chacun notre bloc de 20 minutes, hein, pour le calcul du temps?

Le Président (M. Dion): Pas de problème. On peut y aller deux fois 10 minutes?

Mme Normandeau: Bon, bien, allons-y gaiement.

Le Président (M. Dion): Ça permettra peut-être un échange plus dynamique.

Mme Normandeau: Oui.

Le Président (M. Dion): Parfait. Alors, M. le ministre.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je veux remercier les gens de la Gaspésie d'être avec nous ce matin, les gens de la SODIM qui est elle-même un outil qu'on s'est donné justement pour permettre le développement du secteur maricole et, entre autres, le financement, la capitalisation qui étaient parfois difficiles. La SODIM joue un rôle très important qu'on a d'ailleurs bonifié, je disais, en lui confiant le fonds de recherche et de développement de 9 millions. Alors, bienvenue, messieurs. Je suis bien content de votre présence et aussi de votre mémoire.

Vous savez, c'est un petit peu ça l'objectif de cet avant-projet de loi. C'est de faire en sorte que finalement, quand on regardait la situation, on s'est donné des outils parfois intéressants. Il y a un développement sensible aussi de ce secteur-là, une volonté très nette, mais il nous manquait encore, je dirais, les balises, le cadre. Alors, un des objectifs de cet avant-projet de loi et de ce projet de loi, c'est justement de faire en sorte que l'aquaculture va être un secteur en lui-même avec son cadre, avec sa réglementation. Et ça va donner une impulsion, une reconnaissance encore plus grandes de ce secteur-là.

Alors, moi, ce que je voulais demander, M. le Président, c'était... Quand on regarde dans le mémoire, vous commentez les dispositions, entre autres, relatives au cadre de développement. Bon. Vous apparentez ce cadre-là, je dirais, à un zonage, et vous semblez aussi craindre, là, les aspects qui pourraient être plus coercitifs, je dirais, de cette planification.

Je voudrais vous dire que, à nos yeux, le cadre de développement devrait plus orienter le développement de l'aquaculture et de la mariculture plutôt que de le contraindre; donc notre approche, notre vision est plus à l'envers de ce que vous craignez. Et, avec ce cadre-là, ce qu'on veut faire, c'est qu'on veut préparer le terrain, donc possiblement accélérer la délivrance des permis, vous savez, pour faire des choses qui seraient déjà, là, du défrichage qui serait fait dans le cadre.

D'un autre côté, vous comprendrez que, moi, je ne voulais pas arriver avec un cadre tout prêt, tout fait, comme l'aurait peut-être souhaité ma collègue de Bonaventure, où on aurait tout mis dedans. Là, ça n'aurait pas été, je pense, correct qu'on arrive avec tout prémâché, puis vous dire: Voilà, c'est ça le cadre. Est-ce que vous êtes d'accord? À notre avis, l'élaboration du cadre va nécessairement demander une concertation à l'échelle régionale, peut-être une consultation aussi pour l'ensemble du Québec, et, après ça, être soumis au gouvernement pour approbation. Je ne voulais pas arriver avec le travail déjà fait à l'envers, là ? comme c'est prévu à l'article 3.

Alors, ce que je veux vous demander, c'est que, compte tenu du temps qui va être nécessaire pour les consultations... Je sais que vous proposez un délai. Moi, je ne pense pas que ce soit exagéré de fixer des échéanciers au pouvoir exécutif, au gouvernement et pouvoir... bien, en tout cas, la machine gouvernementale. Parfois, on peut dire ça peut être long puis ça peut risquer de nuire. Mais, quand vous proposez un délai de 180 jours, est-ce que vous pensez à un cadre global et puis est-ce que vous trouvez que c'est assez... vous ne trouvez pas que c'est trop court, 180 jours, pour un cadre global? Parce que, nous, on pensait peut-être plus à des cadres dans les régions, on spécifie comment ce cadre-là pourrait se développer. C'est un peu, là, ma première question. Est-ce que vous trouvez que, 180 jours, c'est réaliste pour un cadre global de développement?

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Scantland (Gilbert): En fait, 180 jours est plus un objectif de résultat, je dirais. Donc, c'est plutôt... l'esprit dans lequel on veut introduire ça, c'est de fixer un moment où le ministre s'engage à déposer et que le gouvernement s'engage à déposer un cadre. Et, effectivement, le projet de loi dit qu'il y aura un cadre mais on ne connaît pas sa teneur. Donc, il devient difficile de répondre est-ce que ce sera un cadre général, un cadre particulier, un cadre par région, à la limite, par espèce, par... il y a différentes façons d'approcher ce cadre-là.

n (10 h 30) n

Effectivement, si on veut un cadre global qui va toucher tous les aspects de l'aquaculture, autant de la mariculture que de l'aquaculture continentale, ça demeure, à ce moment-là, ambitieux. Mais je pense que c'est aux législateurs à fournir les conditions ou les éléments sur lesquels ce cadre-là devrait porter et, à ce moment-là, de fixer un délai. C'est plus l'esprit avec lequel nous voulions vous soumettre ça. C'est donc d'avoir un délai raisonnable pour la mise en place d'un cadre qui permettra, à ce moment-là, de bien asseoir le projet de loi et la loi qui en découle. Je ne sais pas si mes collègues ont d'autres éléments à rajouter.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. M. le ministre?

M. Arseneau: Oui. Peut-être, M. Scantland, Sylvain ou notre mariculteur, peut-être... Comment est-ce que vous voyez le cadre? Bon. Donc, l'idée de mettre un délai, on comprend que ça pourrait être plus ou moins, ça dépend s'il y a un cadre ? c'est d'ailleurs pour ça qu'on fait un avant-projet de loi aussi ? est-ce qu'il devrait être global et régional? Qu'est-ce que vous... Comment vous le voyez, ce cadre-là? Puis, avec qui on va le faire? Est-ce qu'on va le faire, nous, ou bien est-ce qu'on le fait... Moi, je pense que ça doit être fait en concertation, comme on a toujours travaillé, mais est-ce qu'on doit mettre une durée pour le cadre? En fait, le cadre pourrait être d'une certaine durée ou... Je ne sais pas, là. Comment vous voyez ça?

Le Président (M. Dion): M. le président...

M. Arseneau: Parce que c'est important, c'est pour ça qu'il y a un espace dans l'avant-projet de loi, M. le Président.

M. Scantland (Gilbert): C'est ça. En fait, écoutez, moi, je vais y aller... On n'en a pas discuté comme tel à la SODIM, mais je vais regarder l'historique, j'y suis impliqué depuis ses tout débuts et je pense qu'il y a... D'abord, la mariculture, ce n'est pas l'aquaculture continentale. Donc, je pense qu'il y a une distinction, là, à faire. Je pense que les problèmes vécus par la mariculture ne sont pas les problèmes vécus par l'aquaculture continentale et, là-dessus, pour moi, il y aurait peut-être une distinction à réaliser déjà en partant. Donc, entre la mariculture et l'aquaculture, pour moi, il y a deux éléments déjà là.

Le cadre de développement devrait impliquer nécessairement des positions gouvernementales, des objectifs, quant à moi. Il devrait être d'abord sur des objectifs et des objectifs qui touchent tant le cadre industriel que le cadre technologique et le cadre financier et devrait donner des indications sur chacun de ces éléments-là. Donc, dans le fond, nous vous proposons de travailler sur ces trois éléments-là. Et, effectivement, il y aurait lieu, à mon avis, et je ne peux pas dénier ce que je suis aussi comme directeur d'un CRD, de régionaliser en partie une certaine partie ou du moins un certain nombre d'éléments comme le cadre industriel, parce que le cadre industriel, en Gaspésie, pourrait être largement différent de ce qu'il peut être sur la Basse-Côte-Nord ou ailleurs.

Donc, pour moi, il y aura certainement cet agencement de tout ça, nécessairement un partage, à mon avis, entre l'aquaculture continentale et l'aquaculture en eau marine, et touchant le cadre financier et le cadre industriel et technologique.

Le Président (M. Dion): M. le ministre.

M. Arseneau: C'est très intéressant, M. le Président. C'est très intéressant, on chemine en échangeant, vous voyez. Avant de laisser peut-être mes collègues poser quelques questions, j'aurais une autre question. Vous soulevez, dans votre mémoire, la question de la durée du permis. En fait, ma collègue aussi de Bonaventure a soulevé ça, elle proposerait d'aller plus à 20 ans pour être de même durée que le bail. Vous reconnaissez dans votre mémoire et dans votre intervention, très clairement, que c'est déjà un pas en avant, etc. Vous proposez vous aussi que ça aille jusqu'à un maximum de 20 ans, comme c'est prévu pour le bail. Mais, vous avez mentionné que vous vous y connaissez en financement, puis moi aussi je vous connais puis je sais que vous vous y connaissez. La durée du permis, c'est-y vraiment un facteur de risque pour les prêteurs en ce qui concerne les institutions privées? En fait, ma question, c'est: On est à un an, là, on est 10 ans, est-ce que c'est vraiment un élément, la durée, vraiment un facteur de risque pour l'investissement? J'aimerais que vous répondiez à cette question-là.

M. Scantland (Gilbert): Oui. Je vais permettre à Réjean aussi de répondre. Il va vous en parler dans son vécu. Ha, ha, ha!

M. Arseneau: Puis dites-moi qu'est-ce qu'il faut pour rassurer les investisseurs?

M. Scantland (Gilbert): Moi, je veux dire, il y a peut-être aussi d'autres éléments. Je pense qu'il faut rassurer les investisseurs par l'émission d'un permis qui est en mesure de lever les risques. Donc, ça veut dire quoi? C'est que les conditions liées au permis ne soient pas exclusivement, je dirais, des conditions contraignantes. Autrement dit, c'est que le permis doit être émis sur des conditions d'exploitation d'entreprise puis, lors de son renouvellement à toutes les années, qu'il soit réajusté en fonction de ces éléments-là, mais de ne pas lier l'émission du permis à des conditions contraignantes à chaque année. Je ne sais pas si vous comprenez la différence. C'est que le permis est émis sur la base d'une exploitation maricole qui garantit que la personne ou l'entreprise aura son permis pour un certain nombre d'années. Et même, à la limite, pourquoi en mettre, tant que l'entreprise rencontre ses conditions d'exploitation? Ça, c'est en mesure de satisfaire un financier qui dit: Bon, bien là, l'entreprise bénéficie d'un permis et tant qu'il respecte les conditions d'exploitation, son permis est valable.

Par contre, que, d'année en année, on soit à l'écoute de ce que le producteur a fait et qu'on regarde son travail, sur le terrain, s'il remplit bien les conditions de son permis, tout à fait d'accord. O.K.? Puis je pense que c'est sain pour l'industrie de se mettre ce type de conditions là. Mais le permis lui-même devrait être, à mon avis, comme on l'émet, à la limite, un permis d'usine. Le permis d'usine, c'est émis pour une usine tant qu'ils respectent les conditions d'exploitation.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. Et peut-être que Réjean... Je pense que M. Allard voudrait ajouter quelque chose du point de vue du producteur.

M. Allard (Réjean): Ça a pas mal tout été dit mais, en gros, c'est un point qui chatouille les prêteurs un petit peu parce que, si on regarde dans la réalité, on emprunte puis on investit des montants d'argent assez importants sur de l'équipement. Le bateau, ce n'est pas compliqué, il est amarré dans le quai, la caisse peut le prendre n'importe quand. Ce qu'on met en mer, les structures d'élevage qui comptent pour une grosse partie de nos investissements, si on veut être réaliste, elles sont installées sur des terrains qui ne nous appartiennent pas. On n'est pas chez nous, on n'a pas de bail, puis on a un permis d'un an. Ça chatouille les prêteurs.

Moi, ce que je pensais, pour avoir été dans la pêche pendant une quinzaine d'années, un permis de pêche, c'est... Un permis, c'est fédéral, remarquez bien. Tu as un permis de pêche à vie. Si tu ne fais rien pour aller à l'encontre des règlements, tu ne détruis pas, tu ne fais rien, tu as ton permis, tu l'as, tu as ça à vie. Tu renouvelles à chaque année mais, à ma connaissance, ce n'est pas marqué en nulle part que tu as un permis pour deux ans, cinq ans, 10 ans. Tu es pêcheur; nous, on est mariculteur. Moi, quant à moi, ce serait un permis à vie... de 20 ans, je serais bien content, surtout à l'âge où je suis rendu. Mais il reste que c'est un petit peu se mettre des limites. Ça chatouille les prêteurs parce qu'ils prêtent de l'argent pour mettre des équipements sur un terrain, un endroit qui ne nous appartient pas.

Le Président (M. Dion): Merci, M. Allard. Je donnerais une toute petite question pour...

M. Arseneau: Toute petite. Oui. C'est parce que là vous comprenez que le permis, il serait pour 10 ans, renouvelable si les conditions sont respectées, alors que les permis de pêche, ils ne sont pas émis pour 10 ans, ils sont émis pour une année. Le fédéral peut toujours... Il y a toujours possibilité, là.

Le Président (M. Dion): Merci. Ça va? Alors merci, M. le ministre. Vous voulez ajouter une précision?

M. Scantland (Gilbert): En fait, je trouverais ça important qu'on précise bien parce que, pour moi, le permis de produire, hein, si on veut faire une allusion, le droit de produire en mer, ça, c'est une chose; qu'à chaque année on vérifie si l'entreprise respecte bien les conditions de son permis, ça, c'en est une autre. Mais que le permis de produire soit octroyé... à la limite, 20 ans, ça a même, en fait, en soi, peu d'importance, mais certainement pour une longue période.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. Je donnerais maintenant la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, évidemment, à mon tour, j'aimerais saluer de façon particulière les représentants de la SODIM ce matin et saluer encore d'une façon plus particulière M. Allard, parce que M. Allard est résident du comté que je représente ici à l'Assemblée nationale.

Alors, M. le Président, en fait, j'ai plusieurs questions. Tout d'abord, je tiens à remercier bien sûr les gens de la SODIM d'avoir pris l'exercice, je vous dirais, avec, comme je le disais tout à l'heure, sérieux. De toute évidence, il y a plusieurs éléments qui nous éclairent, qui, nous le souhaitons, réussiront à convaincre le ministre notamment sur la question des permis, sur la durée de vie du permis.

J'aimerais en fait vous poser, peut-être, d'entrée de jeu, trois petites questions. La première, toujours sur le cadre de développement: Est-ce que vous seriez favorable, lors de l'élaboration du cadre de développement, à des consultations publiques? Et, si ça se trouve, il faut être bien conscient qu'on sera à notre troisième ronde de consultations lors de l'élaboration du cadre de développement. Deuxièmement, pour la question donc du délai qui est imparti pour obtenir un permis, on parle d'un délai d'un an ? vous déplorez le fait que ce soit un peu trop long ? qu'est-ce qui serait, pour vous, un délai acceptable finalement pour l'émission d'un permis?

n (10 h 40) n

Et, par la suite, j'aimerais peut-être discuter avec vous de l'harmonisation de la législation non seulement sur le plan provincial, mais également sur le fédéral et le provincial, parce que, à ma connaissance, M. le Président, on reconnaît qu'il y a deux juridictions dans le secteur de l'aquaculture, une qui est claire pour le fédéral et une autre qui est claire pour le fédéral. Le ministre, évidemment, pourra peut-être préciser sa pensée tout à l'heure. Mais, concrètement ? peut-être qu'on pourra entendre M. Allard tout à l'heure ? de ce côté-là, fédéral-provincial, et du côté provincial, concrètement, comment ça se traduit pour un promoteur comme vous, là, qui avez évidemment à demander des permis? Tout à l'heure, M. Scantland indiquait que vous devez demander huit permis, autant au provincial qu'au fédéral. Alors, j'imagine, je peux comprendre le casse-tête que ça peut provoquer.

Alors, peut-être, dans un premier temps... J'ai tendance, comme ça, à livrer des questions, un, deux, trois, la première question concernant la consultation publique entourant le cadre de développement. On comprend que vous souhaitez être associés au cadre, à l'élaboration du cadre de développement. Est-ce que vous souhaitez qu'on tienne des consultations publiques pour l'élaboration du cadre de développement?

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Scantland (Gilbert): Les consultations, il y en a eu, effectivement. Je vais risquer une réponse en disant qu'on ne fait jamais trop de consultations. Par contre, on peut consulter sur des choses concrètes, peut-être d'arriver avec une proposition de cadre. Je pense que la réflexion, tant dans les organismes gouvernementaux que paragouvernementaux qu'à la SODIM... nous serions en mesure, dans un groupe de travail ? la table maricole existe, la SODIM existe et le ministère existe, évidemment ? de travailler ensemble à l'élaboration d'un projet et, par la suite, peut-être de consulter sur ce projet. Donc, j'irais peut-être un petit peu plus vite. Je ne commencerais pas à consulter pour savoir c'est quoi qu'il va y avoir dedans, j'en mettrais un sur la table, puis on partirait de là, et à ce moment-là un délai raisonnable peut apparaître au bout du tunnel, parce que, effectivement, si on s'en va dans un grand concept... Puis, comme je le disais tout à l'heure, le problème pour la mariculture est différent, probablement, du problème pour l'aquaculture continentale. Ce serait peut-être à prévoir aussi. Les problématiques ne sont pas les mêmes, les contraintes ne sont pas les mêmes. Donc, je pense que j'irais plus sur cet aspect-là. Je ne sais pas si...

M. Lafrance (Sylvain): Oui. C'est plus dans la transparence de l'approche, l'esprit qui anime la préparation du cadre de développement, donc, qui doit être un peu inclusif; s'assurer que toutes les parties puissent être partie prenante à la préparation sans déborder sur des organismes qui n'ont pas nécessairement un lien direct avec la mariculture, mais impliquer les principaux intervenants dans la préparation du cadre et ensuite élargir à un plus grand nombre d'intervenants. Je pense que ça m'apparaît une approche raisonnable.

Mme Normandeau: Pour ce qui est du permis, M. le Président...

Le Président (M. Dion): Merci, M. Allard. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: ... ? oui, vous me permettrez ? alors, quel est le délai, selon vous, qui serait raisonnable, entre zéro et 12 mois? Vous dites que 12 mois, c'est trop. Alors, est-ce que vous vous êtes penchés là-dessus?

Le Président (M. Dion): M. Allard.

M. Allard (Réjean): Ce n'est pas de quoi qui peut se faire vite, vite. Il y a le fédéral et il y a le provincial qui sont impliqués là-dedans. Il y a une porte d'entrée, c'est le MAPAQ, mais, par après, ça va au fédéral. Ils sont de plus en plus difficiles au niveau de l'environnement. Il faut l'être, mais, en même temps, je vais vous donner un petit exemple. Il y a un jeune promoteur à Carleton qui voudrait se mettre en marche, ça fait au-dessus d'un an qu'il attend pour son permis. Il est venu me voir la semaine passée, il a reçu... Là, il faudrait qu'il fasse faire une étude environnementale. Il faudrait qu'il paie pour faire une étude environnementale pour l'implantation d'un site d'élevage de moules juste à côté du mien, qui est là depuis sept ans. On est cinq producteurs tous un à côté de l'autre, à 100 m l'un de l'autre, puis lui, aujourd'hui, ça lui prend une étude environnementale qui coûte je ne sais pas combien. Ce n'est pas compliqué, le gars, il ne partira pas.

En plus de prendre trop de temps, c'est que c'est rendu un petit peu trop... Je ne sais pas c'est quoi, la raison, parce que, moi, je n'ai pas eu besoin de faire d'étude environnementale. Je ne sais pas pourquoi ils demandent ça à lui. C'est rendu poussé loin. Il n'y a pas de problème pour une grosse compagnie qui brasse des millions, mais, pour un jeune promoteur qui veut faire du développement, gagner sa vie, lui, là, il vient de disparaître. Il y a de quoi à faire de ce côté-là.

Le Président (M. Dion): Merci. Mme la députée? M. Lafrance.

M. Lafrance (Sylvain): On souligne aussi ? juste sur ce point-là ? dans notre mémoire la question du temps de délivrance des permis pour la recherche-développement. Donc, à notre avis, on devrait avoir un mécanisme plus rapide pour la délivrance des permis de recherche pour permettre l'avancée des connaissances en mariculture, donc peut-être avoir deux voies, une pour les permis commerciaux et une pour les permis plus de recherche-développement, pour ne pas handicaper la recherche qu'il reste beaucoup à faire encore en mariculture.

Mme Normandeau: Mais, pour vous, M. Lafrance, il y aurait quand même un guichet unique pour l'émission des deux permis, c'est-à-dire le MAPAQ, d'une part. D'autre part, quel est le délai que vous souhaiteriez, encore une fois, pour le permis R & D, qui serait le plus acceptable?

M. Lafrance (Sylvain): Bien, à mon avis, un délai peut-être de deux à trois mois pour un permis de recherche et développement, ça pourrait être raisonnable.

Mme Normandeau: Parce qu'actuellement, le délai, c'est combien de temps?

M. Lafrance (Sylvain): Bien, on suit la même procédure, puis ça peut prendre 12 mois, sauf exception où ça a été un peu plus rapide dans certains cas, mais...

Mme Normandeau: M. le Président, je souhaiterais peut-être qu'on puisse revenir avec M. Allard sur la question de l'harmonisation des lois et des règlements. Peut-être... Au quotidien, là, ça représente quoi, comme défi, pour un promoteur, pour un producteur comme vous, M. Allard, là, le fait d'être obligé d'aller cogner à la porte du MAPAQ, peut-être de l'Environnement, peut-être aussi Faune et Parcs, peut-être aussi Pêches et Océans, la Garde côtière? Alors, comment on pourrait améliorer tout ça finalement?

Le Président (M. Dion): M. Allard.

M. Allard (Réjean): Le guichet unique, c'est sûrement la réponse la plus pratique. Il y a quelqu'un qui a mentionné, tout à l'heure, le paquet de paperasse qu'on était pris avec. Si tu veux être producteur aujourd'hui de moules ou de pétoncles ou de quoi que ce soit, il faut quasiment être comptable, secrétaire, mécanicien, soudeur. Il faut tout faire. En plus de ça, il faut surveiller la réglementation. Moi, je pense que, s'il y aurait une porte où on pourrait cogner, poser nos questions, puis que quelqu'un viendrait nous mener des réponses, puis ne pas marcher toujours dans l'incertitude, tu sais... J'ai-tu le droit de faire ça? Est-ce que je peux? Je ne peux pas? Ça, c'est important. Il faut savoir où on s'en va puis de quelle façon on va le faire, parce qu'il y a assez d'autres problèmes à régler sans ceux-là.

Le Président (M. Dion): Mme la députée.

Mme Normandeau: M. Lafrance, je pense, veut ajouter...

M. Lafrance (Sylvain): Oui. Bien, plusieurs avis sont requis. Je ne sais pas si ce serait possible, dans l'administration, de prévoir des délais, par exemple, lorsqu'on est à la porte d'entrée, le guichet unique, au MAPAQ, et après coup, donc, un certain nombre de jours pour l'analyse du dossier, et, une fois que c'est transféré, qu'on donne encore un certain nombre de jours à la Garde côtière. Si c'est possible d'aller vers un scénario comme ça, et, lorsqu'on est à l'Environnement, une autre période, pour arriver en tout avec une espérance de délivrance d'un permis de façon plus rapide.

Mme Normandeau: À ce moment-là, peut-être que le provincial pourrait assumer un certain leadership pour convenir de certaines ententes administratives avec le fédéral justement pour qu'on puisse concrétiser, là, l'aspect qui est invoqué au niveau du guichet unique, effectivement, tout ça pour faciliter le travail du promoteur. Enfin, suggestion, M. le Président, le ministre est très réceptif, là, on le sent, on le voit. Mais tout ça, évidemment, on comprend bien les difficultés auxquelles vous êtes confrontés, et c'est pour ça qu'il faut être drôlement courageux, M. le Président, pour se lancer dans une aventure comme celle-là, parce que c'est vraiment une aventure avec un grand A, hein. Alors, écoutez, je ne sais pas si mon temps est écoulé. Non, pas du tout?

Le Président (M. Dion): Non, vous avez du temps encore, madame.

Mme Normandeau: J'aimerais peut-être revenir sur l'aspect lié à la recherche et au développement parce que, à la page 6 de votre document, si ma mémoire m'est fidèle, oui, vous souhaitez en fait, au même moment où le gouvernement a confié à la SODIM un montant assez substantiel pour la recherche et le développement, vous souhaitez ? vous me permettrez de vous citer ? vous souhaitez «qu'on prévoie des dispositions facilitant la mise en oeuvre des activités de recherche». Alors, M. Lafrance, vous avez souligné l'aspect lié à l'émission du permis en R & D, mais en même temps peut-être me dire davantage qu'est-ce que vous... en fait, peut-être me préciser davantage votre pensée lorsque vous affirmez une chose comme celle-là, compte tenu que vous avez déjà, là, des leviers sur lesquels vous pouvez agir au niveau de la recherche et du développement.

Et d'autre part, est-ce que vous souhaiteriez que le gouvernement prenne des actions très concrètes pour assurer dans les régions maritimes une formation peut-être plus spécialisée, là, pour permettre finalement... assurer non seulement... permettre à nos collèges en fait d'avoir toute la formation adaptée qui pourrait venir en support bien sûr à toutes les activités de recherche et de développement? Comment vous voyez ça de votre côté?

M. Lafrance (Sylvain): Oui. Donc, sur cet énoncé de recherche et développement, on faisait beaucoup référence à la question du permis. Donc, lorsqu'on veut initier certaines actions de recherche, il faut s'y prendre longtemps pour demander le permis et avoir l'autorisation. Et on est toujours pris par des contraintes de climat aussi, là. Donc, les activités de recherche, c'est souvent tôt le printemps. Et donc, si on compte le dépôt des protocoles de recherche et tout ça avec l'émission des permis, donc ce qu'on souhaitait, au niveau des dispositions, c'était surtout au niveau de la délivrance du permis de recherche, que ce soit facilité.

Et après coup, bon, si je déborde du projet de loi, il y a toujours les infrastructures de recherche qui doivent être mises en place pour faciliter l'avancée des connaissances dans la mariculture. Donc, il y a déjà un certain nombre d'initiatives qui ont été prises par le gouvernement: réinvestissement dans des centres de recherche; mise à la disposition, peut-être, d'un plus grand nombre de chercheurs pour le bénéfice de la mariculture; donc des éléments de ce genre-là qu'on souhaitait, sans les voir apparaître dans le projet de loi, mais mis en place par le gouvernement pour faciliter le développement de la mariculture.

n (10 h 50) n

Mme Normandeau: En ce moment ? M. le Président, si vous me permettez ? qui émet le permis pour l'émission des activités de R & D? Est-ce que c'est le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation?

M. Lafrance (Sylvain): Oui.

Mme Normandeau: Vous ne faites pas affaire avec le Secrétariat en recherche, science et technologie? Non. D'accord. Tout relève du ministère. Parfait.

M. Scantland (Gilbert): Peut-être, Mme Normandeau, si je peux me permettre... Le gouvernement québécois s'est doté, en fait, d'une stratégie québécoise de développement des ressources, sciences et techniques marines qui prend en compte plusieurs de ces aspects, tant la formation que le développement de centres d'expertise, de créneaux d'excellence. Donc, ça s'inscrit beaucoup dans la démarche des régions-ressources pour la mise en place de créneaux d'excellence. Et je pense que la Loi sur l'aquaculture doit prendre ses racines, dans le fond, idéologiques dans cette stratégie de développement, donc doit prendre en compte tous les éléments pour permettre que cette stratégie-là soit le plus efficace possible dans nos régions, que ce soit du domaine de la recherche, que ce soit du domaine de la formation ou des centres de développement. Donc, je pense qu'il y a beaucoup d'aspects dans cette stratégie qui devraient être pris en compte dans la rédaction du projet de loi finale.

Le Président (M. Dion): Merci. Alors, on pourrait passer de l'autre côté; alors, je donnerais la parole au député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Je voudrais revenir brièvement sur un aspect, M. Allard. Quand vous parliez, tout à l'heure, des permis, le Québec émet un permis pour opérer sur un site. Le bail, vous le signez avec quel gouvernement?

M. Allard (Réjean): Actuellement, le seul bail disponible est fédéral. On a un...

M. Lelièvre: Les ministères auxquels vous vous référiez tout à l'heure... Parce que ce n'est pas clair, là. Vous avez parlé du ministère de l'Environnement; ce n'est pas le ministère de l'Environnement du Québec qui demande ces analyses-là. C'est Environnement Canada qui est là-dessus, puis Pêches et Océans?

M. Allard (Réjean): Oui. Bien, en tout cas... Ce que j'ai parlé tantôt, c'est l'Environnement, c'est au fédéral.

M. Lelièvre: O.K. Nous, actuellement, est-ce qu'on... Bon. La SODIM, on est dans le financement. Le MAPAQ vous supporte au niveau financier, j'imagine. Et toutes les autorisations proviennent du gouvernement fédéral sauf le permis.

M. Allard (Réjean): Les deux gouvernements travaillent ensemble pour l'émission du permis. On fait une demande au MAPAQ. Le MAPAQ consulte le fédéral sur différentes choses, parce qu'il y a beaucoup de ministères impliqués là-dedans. Mais le permis est provincial. Puis il y a de quoi que je ne savais pas que j'ai appris il n'y a pas tellement longtemps: la Baie-des-chaleurs est de juridiction provinciale ? qu'on m'a dit ? contrairement à toutes les autres qui sont fédérales, partout ailleurs. Mais c'est ça, on a un permis provincial...

M. Lelièvre: C'est une bonne nouvelle, ça. Ha, ha, ha!

M. Allard (Réjean): Bien, j'ai appris ça il y a à peu près deux ans.

Mme Normandeau: ...juridiction provinciale, M. le député de Gaspé, vous allez être content.

M. Lelièvre: Sauf que le gouvernement fédéral s'est mis à peu près dans tout, même s'il n'est pas chez eux.

M. Allard (Réjean): Bien, de toute façon, c'est qu'on a un permis du provincial, mais le bail devrait venir du fédéral; puis ça ne se fait pas. Tu as un permis provincial, un bail fédéral, puis apparemment que les deux ne se mettent pas ensemble. Je ne connais pas toutes les lois, mais c'est ce qu'on m'a dit.

Le Président (M. Dion): Merci, M. Allard.

M. Lelièvre: J'aimerais revenir sur le développement de l'industrie, parce que, quand même ? on en a parlé ce matin, vous en avez parlé dans la présentation de votre mémoire ? la production au niveau de la multiculture, c'est 90 % d'exploitation actuellement des productions. Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour... Là, on a une société de développement de la mariculture. On a une financière. Est-ce qu'elle embarque avec vous là-dedans? J'aimerais savoir qu'est-ce qu'il faudrait qu'on fasse, dans le fond, pour développer une industrie plus performante, plus grande, créatrice d'emplois. Est-ce qu'on a les territoires marins pour le faire? Est-ce qu'on peut aller plus loin que ça, puis c'est quoi, les horizons qu'on peut se donner?

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Scantland (Gilbert): Lorsque nous avions rédigé le premier plan stratégique de développement de la mariculture, en 1996, nous nous étions fixé des objectifs, en 2003, de 2 000 t.

M. Lelièvre: ...

M. Scantland (Gilbert): 2 000 t. Donc, 2 000 t, toutes espèces confondues, on est aujourd'hui à peu près à 1 000 t. Donc, on a à peu près atteint 50 % de notre objectif; et on prévoit l'atteindre assez rapidement. En fait, cette industrie va prendre son essor à partir du moment où un cadre financier va être facilitant pour le démarrage des entreprises. La SODIM a fait un grand bout de chemin. On est en train de s'associer d'autres partenaires, dont La Financière agricole, dont le Fonds de solidarité des travailleurs du Québec, dont la SGF, avec le nouveau concept d'accord, qui vont s'intéresser à l'aquaculture et à la mariculture. Mais ça demeure que tout le monde est encore un peu en attente par rapport à ça pour des «success stories» dans le fond. Moi, je me dis que la pierre angulaire va venir à partir du moment où on aura des «success stories» qui vont nous permettre de s'appuyer sur des entreprises qui sont performantes et qui ont développé des bonnes expertises. Actuellement, on est encore dans une phase de démarrage. C'est une industrie en démarrage et, à ce titre-là, elle devrait bénéficier de l'appui gouvernemental comme une industrie en démarrage. Et, par contre, je dois dire que parfois on ne la traite que comme une industrie non pas en démarrage, mais qui est en vitesse de croisière.

Alors, je dirais que c'est dans l'ajustement du cadre financier, du cadre technique, du cadre réglementaire et du cadre industriel qu'on va permettre de prendre en considération qu'on est dans une industrie en démarrage et on doit bénéficier des outils d'une industrie en démarrage. On parlait d'Espagne ? peut-être que mes collègues mariculteurs pourront en parler tout à l'heure ? mais l'Espagne s'est donnée un plan de développement de la mariculture. Aujourd'hui, ce sont le plus gros producteur, un des plus gros producteurs au monde. L'État a été très présent les premières années pour démarrer cette industrie et, aujourd'hui, l'État se désengage.

Donc, je pense qu'il faudra avoir le même type d'approche pour permettre un véritable démarrage de l'industrie sur des bases très solides en provoquant des «success stories». Il faut accompagner nos promoteurs qui ont pris des risques et il faut les amener à avoir des succès.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. Il reste une minute, M. le ministre. Alors, M. le ministre.

M. Arseneau: Oui. Bien, c'est ça. En fait, quand on regarde... La question de l'harmonisation, c'est essentiel. Il y a des solutions plus drastiques en ce qui concerne... plutôt que d'ententes administratives. Vous savez que mon parti propose beaucoup plus que ça qui pourrait faciliter la question de la gestion des pêches. Mais il faut comprendre qu'au niveau de l'environnement le Québec paie actuellement, parce qu'on est en retard et le frein dans les autres provinces, le frein, il est au même niveau pour tout le monde dans l'émission des permis, des autorisations de Pêches et Océans. Ils sont rendus qu'ils demandent qu'on fasse des analyses de biomasse avant de pouvoir émettre même des permis où on pourrait aller capter la ressource.

Or donc, ce que je demande, moi, aux gens... Quand vous parlez d'émission de permis, par exemple, pour la recherche et le développement, là, vous dites qu'il faudrait accélérer. Mais vous-mêmes, dans la SODIM, par exemple, avant d'émettre ou avant d'appuyer un projet, est-ce que vous avez des préoccupations de nature environnementale ou des préoccupations à savoir... quant à la faisabilité ou des préoccupations quant à... C'est ça, là.

Le Président (M. Dion): M. le ministre, je m'excuse de vous interrompre, mais il reste très peu de temps. Je pense qu'il reste une seconde pour répondre. Ha, ha, ha!

M. Arseneau: Oui. C'est mon collègue de Gaspé, là... Merci.

Le Président (M. Dion): Oui.

M. Scantland (Gilbert): C'est sûr que, dans le traitement de tout dossier de financement, nous allons prendre en considération l'ensemble de ces éléments-là, entre autres, si l'entreprise détient un permis ou si elle est en voie de l'obtenir et si elle répond aux contraintes réglementaires qui s'imposent. Et c'est sûr qu'on va regarder, sous la base d'une analyse financière, quelle est la rentabilité potentielle de cette entreprises-là. Mais, je reviens à ce que je vous disais tout à l'heure, les concepts qui priment dans le domaine maricole actuellement sont les mêmes concepts qui priment dans le développement des entreprises en général, et on ne prend pas assez, à notre avis, en considération que c'est une industrie en démarrage et non pas une industrie qui a démarré et qui est tout simplement en progression.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. Je donnerais maintenant la parole à Mme la députée de Bonaventure pour une période de sept minutes.

Mme Normandeau: Merci. Peut-être sur ce dernier aspect. Est-ce que vous avez établi, à la SODIM, le niveau de risque que vous êtes prêts à assumer dans une entreprise qui souhaite démarrer dans le secteur de la mariculture? Prenons un exemple type, là, qu'on connaît de plus en plus, le secteur de l'élevage des moules, par exemple, la mytiliculture.

Alors, est-ce que vous avez fixé des balises, là, exemple, on est prêt... sur un projet d'entreprise, on est prêt à assumer entre, je ne sais pas, moi, 10, 15, 20, 25, 30 % du risque? Est-ce que c'est possible d'avoir une réponse claire là-dessus et de nous dire concrètement, là, jusqu'où vous êtes prêts à aller là-dedans?

n (11 heures) n

M. Lafrance (Sylvain): Dans nos dispositions de financement, notre règle, c'est un peu de prendre le même risque que le promoteur. Donc, il y a des outils gouvernementaux pour financer les entreprises, selon qu'elles soient en phase pilote ou commerciale, et, ensuite, il y a la mise de fonds qui est requise par le promoteur. Bien, la SODIM va un-un avec le promoteur, donc elle partage le risque à parts égales avec les promoteurs sur la base d'une analyse financière évidemment puis d'une connaissance de l'environnement dans lequel l'entreprise évoluera, réglementaire, et l'environnement tel qu'on le connaît, là. Donc, c'est un partage 50-50 des risques avec les promoteurs. C'est notre façon d'intervenir dans les entreprises, soit par prêt, garantie de prêt ou capital-actions.

Mme Normandeau: Donc, ça veut dire qu'une entreprise qui assume, par exemple, 20 % de risques, vous assumez aussi 20 %. Jusqu'où, dans tous les dossiers que vous avez eu à approuver jusqu'à maintenant, là... Quel a été le risque maximum que vous avez pris pour un projet dans le secteur de la mariculture?

M. Scantland (Gilbert): C'est difficile à... La SODIM est la première à se commettre dans un plan de financement, mais la dernière à se soumettre. Autrement dit, on a «designé», si vous me permettez le terme, une entreprise de financement de capitaux de risque qui va être la première à se mouiller en disant: Oui, on va être partenaire avec toi dans ton projet, on va même t'aider, on va t'aider à cheminer ton projet auprès des autres institutions financières, mais on va être la dernière à clore la transaction, d'une certaine façon, pour pouvoir adapter notre intervention à la réalité du projet tel qu'il sera à ce moment-là. Donc, notre intervention peut prendre parfois du capital-actions direct dans l'entreprise avec le promoteur, assorti parfois d'une garantie en caution de marge de crédit ou encore d'un prêt à court terme sur billet pour permettre à l'entreprise de démarrer en attendant le financement de ses autres... Donc, le risque va varier dans une entreprise et a pu atteindre parfois jusqu'à 35, 40 % de l'investissement total, mais on tente de se retirer par la suite en passant le ballon à d'autres lorsque les éléments sont sécurisés. Donc, c'est ça, le rôle qu'on joue. Donc, notre objectif, ce n'est pas de demeurer dans l'entreprise en réalité, c'est, dès que le risque est suffisamment amené à un niveau acceptable pour une institution financière, ou par La Financière agricole ou par d'autres, de se faire remplacer.

Mme Normandeau: Mais, puisque justement les institutions financières et La Financière agricole du Québec sont, en fait très ? vous l'avez vous-même dit ? frileuses, compte tenu, là, des arguments, notamment, que j'ai invoqués tout à l'heure, je veux dire, dans le cas de l'élevage de moules, la production, là, puis c'est encore pire dans le cas du pétoncle... En fait, on récolte les premiers stocks, dans le cas de la moule, 24 mois, maximum; le pétoncle, c'est encore plus tard, alors... Mais est-ce que vous êtes prêts à aller plus loin dans le fait d'assumer votre part de risque? Puis, à l'heure où on se parle, on sent qu'il y a beaucoup de résistance. Vous avez dit: On commence à peine, là, à se réveiller du côté des institutions financières puis de ces organismes-là. En fait, est-ce que vous pensez que c'est suffisant? Non, il faut aller plus loin certainement, mais qu'est-ce qu'on va devoir faire pour convaincre les institutions financières, par exemple la FTQ, La Financière agricole du Québec, pour s'impliquer dans des dossiers comme ceux-là?

M. Scantland (Gilbert): C'est le rendement sur le capital, et c'est des «success stories». Je pense que si la... La SODIM, actuellement, est en train de limiter, hein, ses interventions parce que notre capital-actions est à peu près épuisé maintenant. Donc, nous avions 4 millions à investir, on est à plus de 3 millions et quelques d'investis. Avant qu'on puisse ressortir de l'argent de certaines entreprises pour pouvoir investir dans d'autres, ça va prendre encore quelques années. Donc, c'est certain qu'actuellement nous sommes en recherche de capitaux pour pouvoir nous permettre de poursuivre notre action.

C'est certain qu'on pourrait faciliter le travail du promoteur si la SODIM disposait de meilleurs outils financiers ou de plus de capacité financière pour être en mesure de l'accompagner à un plus gros niveau. O.K.? Mais on essaie toujours d'équilibrer les choses. Pourquoi remplacer l'institution financière parfois si on peut l'aider à prendre sa décision? Donc, on a amené, par exemple, des institutions financières à prendre des risques avec nous en leur garantissant l'emprunt qu'ils faisaient. Au lieu de prendre la garantie sur l'entreprise, c'était nous qui déposions des fonds dans cette banque-là, en fait, pour lui permettre de prêter cet argent-là. Nous avons donc attiré des entreprises de financement avec nous dans certains projets. Mais c'est toujours très long et très difficile, et il faut doser tout ça pour atteindre notre objectif d'impliquer les autres institutions financières, de préserver notre capital-actions aussi, de ne pas aller dans de trop gros risques. Donc, c'est de la manoeuvre comme ça qu'on est obligé de faire tout le temps.

Le Président (M. Dion): Une dernière question, madame.

Mme Normandeau: Oui, certainement. Mais ce que vous dites essentiellement, M. Scantland, c'est que, effectivement, on a fait un pas en avant avec la SODIM, mais là, compte tenu que votre capital est épuisé, là, j'imagine que vous êtes peut-être en négociation avec le gouvernement pour renouveler le fonds et vous souhaiteriez avoir évidemment une bonification du montant qui a déjà été accordé.

M. Scantland (Gilbert): C'est évident qu'on souhaiterait pouvoir avoir de nouveaux capitaux pour nous permettre de poursuivre l'action qu'on a amorcée. Je dois signaler que la SODIM, dans toutes ses activités de financement, n'a fait aucune perte à date, donc ce n'est pas si mal. Ha, ha, ha!

Mme Normandeau: Bien. Merci.

Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, messieurs. Alors, je vais demander aux représentants du Regroupement des mariculteurs du Québec de s'approcher. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Dion): Est-ce que les représentants des mariculteurs du Québec sont dans la salle?

Des voix: ...

Le Président (M. Dion): Alors, j'inviterais chacun à reprendre place pour que nous puissions continuer nos échanges.

Une voix: ...

Le Président (M. Dion): Ça va très bien. Ça va très bien. Ça va très bien, M. le ministre, tout se passe merveilleusement bien. Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants du Regroupement des mariculteurs du Québec. Je vous demanderais de vous présenter, M. le président, et de présenter les personnes qui vous accompagnent. Merci. Vous connaissez déjà les règles du jeu? Alors, c'est 20 minutes pour la présentation et 20 minutes chaque côté pour les échanges. Merci.

Regroupement des mariculteurs
du Québec (RMQ)

M. Morissette (Stéphane): Bien, bonjour à tous, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés, ainsi que les fonctionnaires. Je me présente, je m'appelle Stéphane Morissette. Je suis le directeur de deux entreprises d'élevage de moules, une dans la baie de Gaspé puis une dans la Baie-des-Chaleurs. Je suis également le président du Regroupement des mariculteurs. Avec moi, Julie Roy, qui est la directrice générale du Regroupement des mariculteurs; et Réjean, que vous connaissez déjà, qui est aussi membre du conseil d'administration du Regroupement. On est peu et on occupe plusieurs sièges souvent.

Je commencerais la présentation en parlant un peu du Regroupement des mariculteurs. Le Regroupement, c'est un organisme qui existe depuis 1999, qui rassemble l'ensemble des producteurs actifs en mariculture ? on a 17 membres présentement ? qui couvre aussi l'ensemble de la région maritime du Québec, c'est-à-dire la Côte-Nord, la Gaspésie?Bas-Saint-Laurent et les Îles-de-la-Madeleine.

Notre mémoire s'appuie, premièrement, sur un document qu'on a présenté qui est le Cadre favorable au développement durable de l'aquaculture en milieu hydrique public au Québec. Ce document-là a été déposé en décembre 2000, ainsi que les éléments administratifs qui y étaient reliés. Ces documents-là ont été rédigés, ont été réfléchis au sein de la Table maricole, donc un organisme, là, qui a été créé en 1997, qui rassemblait l'ensemble des intervenants gouvernementaux, industriels et qui étaient reliés à l'aquaculture, puis le principal fruit de cette réflexion-là, c'était de proposer un cadre favorable au développement.

Afin de mettre en place les conditions nécessaires au développement durable de l'industrie maricole, les objectifs poursuivis par le cadre réglementaire étaient les suivants: l'utilisation optimale du domaine hydrique public; la pleine exploitation du potentiel maricole; troisièmement, la clarification des droits ? donc, j'insiste sur le mot «droits», on va y revenir plus tard ? et des obligations des mariculteurs et d'autres intervenants ainsi que le rôle et responsabilités des gouvernements; la simplification et l'harmonisation de la réglementation et des processus; et la cohabitation harmonieuse des utilisateurs du milieu hydrique public.

n (11 h 10) n

Donc, afin d'y parvenir, le cadre s'appuyait sur cinq principes auxquels le Regroupement souhaitait que les législateurs adhèrent dans leur revue d'outils législatifs réglementaires et politiques.

Le premier principe, c'était la légitimité de l'aquaculture comme utilisateur du milieu hydrique public. Je tiens à préciser que l'exercice qu'on fait aujourd'hui, donc la proposition d'une loi, nous, on le voit comme étant la réponse à ce premier principe là, c'est-à-dire de dire: Oui, l'aquaculture c'est une opération... C'est légitime en milieu hydrique public. On est très content de cette initiative-là, parce que, jusqu'à maintenant, l'ensemble des mariculteurs opèrent dans des lois qui sont faites soit pour la pêche... qui sont faites pour d'autres activités et qui ne sont pas spécifiques à l'aquaculture. Donc, là je viens de lancer les fleurs. Un petit peu plus tard, on va peut-être avoir un peu de pot, là, mais on est... C'est ça. Donc, la légitimité, on le voit là-dedans.

Le deuxième principe, c'est le respect de l'environnement. Donc, le développement durable de l'aquaculture doit se réaliser par l'application de pratiques et de technologies respectueuses de l'environnement. Donc, on veut que ça soit un développement durable, on ne veut pas faire un développement abusif. On veut être là pour durer au moins aussi longtemps que notre permis.

Responsabilités des gouvernements. Donc, le gouvernement doit, de façon globale, veiller à la sécurité alimentaire du public, et l'ensemble. Le gouvernement, aussi, a la responsabilité de mettre en place un cadre stimulant et favorisant le développement commercial de l'industrie. Ça, c'est un principe sur lequel je vais revenir souvent pendant la présentation, donc c'est de mettre en place des outils ? comme la SODIM l'a présenté un peu avant ? des outils, là, qui favorisent les investissements en mariculture.

Puis la responsabilité de l'industrie comme quatrième principe. Donc, à titre d'utilisateurs du milieu hydrique public ? donc, c'est ça, un peu, qui est précis dans notre cas ? les mariculteurs, on n'est pas chez nous, on utilise le domaine hydrique public, on utilise des territoires qui ne nous appartiennent pas. Donc, l'industrie aquacole doit adopter des pratiques industrielles et commerciales lui permettant d'assurer sa part de responsabilités en matière de sécurité maritime, de qualité de l'environnement, de santé animale, de cohabitation harmonieuse avec les autres utilisateurs du milieu. À ce titre, le Regroupement des mariculteurs, lors de leur dernière assemblée générale, ont adopté un code de bonne pratique qui vise à peu près l'ensemble des pratiques maricoles environnementales, et il devrait être publié bientôt. On est en recherche de financement pour l'éditer. Donc, on reconnaît aussi que l'industrie demeure la première responsable de son développement.

Et le cinquième principe, donc le dernier, c'est l'harmonisation. Dans une perspective d'efficience de l'État, le cadre réglementaire doit viser l'harmonisation, la complémentarité et la cohérence des interventions et des initiatives gouvernementales. On l'a cité un petit peu plus tôt, on opère dans des lois qui sont faites pour d'autres activités. Donc, il y avait vraiment le principe d'harmonisation, donc de limiter le plus possible les interventions gouvernementales à un guichet unique. On parlait beaucoup de guichet unique.

Donc, quoique nous soyons très satisfaits, là, qu'un projet de loi soit sur la table, il nous a été quand même difficile de commenter la loi, puisqu'elle s'appuie fortement sur des règlements qui ne sont eux-mêmes pas encore écrits. En fait, la loi prévoit la croissance ordonnée de l'aquaculture dans un domaine hydrique public de l'État. Or, l'ensemble des dispositions que le ministre prend pour prévoir la croissance ordonnée sont des dispositions réglementaires à venir. Il nous est difficile d'évaluer cette loi sans évaluer également les règlements qui s'y rattachent.

Nous désirons ardemment participer à l'élaboration de ces règlements qui viendront compléter et appuyer la loi. Donc, on veut être une partie prenante de la rédaction de ces règlements-là. On veut que ça se fasse en concertation. Surtout qu'il y a beaucoup de ces règlements-là qui sont basés sur des standards qui ne sont pas encore vraiment établis au Québec, donc on veut participer à cette rédaction-là.

Deuxièmement ? c'est toujours dans le but de favoriser le développement et puis de créer des bonnes conditions dans l'investissement ? on remarque qu'à aucun endroit il n'est question des droits des mariculteurs dans le projet de loi. Il n'y a pas de définition des droits du permis, pas plus qu'il n'y a de référence aux droits d'accès à la ressource sauvage ou aux droits de propriété. Le droit de propriété constitue pourtant la pierre angulaire du développement de toute industrie reposant sur l'apport de capitaux privés. Ce financement privé est notamment mis à la disposition des producteurs par des prêteurs grâce à la mise en garantie de certains actifs. La réglementation doit donc reconnaître le droit de propriété de l'aquaculteur sur les organismes aquatiques qu'il exploite et qu'il produit ainsi que sur les installations qu'il utilise. Ces biens font d'ailleurs partie des actifs de l'entreprise. Aussi, à moins qu'il n'en soit fait spécifiquement mention dans les conditions du permis d'exploitation, l'aquaculteur doit être réputé propriétaire de tous les organismes aquatiques spécifiés sur ce même permis et sis sur les limites du site aquacole décrit sur ledit permis. Donc, oui, les obligations, mais aussi les droits que ça nous donne.

Pour le reste de mon intervention, je vais y aller plus systématiquement avec l'ensemble des articles du projet de loi sur lesquels on avait des commentaires. Donc, je vais passer article par article puis donner mes commentaires.

Je vais aller tout de suite au chapitre II, au Cadre de développement aquacole. C'est très intéressant de retrouver dans un projet de loi un endroit pour mettre un cadre de développement. Bon, comme on l'a discuté un petit peu plus tôt avec l'interaction avec la SODIM, bien on sait que le cadre, présentement, on n'a aucune idée de ce que c'est, c'est quoi, son étendue. M. le ministre a donné quelques précisions. Donc, une intervention ici pour dire qu'on veut participer à l'élaboration de ce cadre-là. Je pense que présentement on a quand même une très bonne collaboration, une très bonne concertation dans l'industrie entre les mariculteurs et avec les intervenants. Puis je pense que tous ont intérêt à ce que ce cadre-là, les lignes directrices soient les mêmes pour l'ensemble des intervenants.

Pour répondre à une des questions que M. le ministre a posées tout à l'heure à la SODIM, nous, on croit à ce que ce cadre-là doit avoir des bases régionales plutôt que provinciales, et ce, dans le but de mieux respecter la réalité de chacune des régions, dont les caractéristiques géographiques, physiques, climatiques sont bien différentes. Donc, la Côte-Nord, les îles-de-la-Madeleine, la Gaspésie, c'est sur un territoire tellement grand qu'on a des conditions très différentes. Sur la Côte-Nord, on peut avoir une année de plus de cycle de production qu'en Gaspésie puis, déjà aux îles, une année de moins encore. Donc, c'est des conditions spécifiques. On trouverait ça intéressant que, dans la loi, là, il y ait mention de la participation active de l'industrie dans l'élaboration de ce cadre-là.

Ensuite, je passe à l'article 5 concernant les permis d'aquaculture. Les permis d'aquaculture, je vais parler un petit peu plus tard de la durée, mais là je fais référence au nombre de permis. À la Table maricole et dans le cadre réglementaire, on parlait souvent du concept «un permis, un site, un bail». Donc, c'était dans l'idée... L'idée principale de ce principe-là, «un permis, un site, un bail», c'était d'harmoniser et de faciliter l'émission d'un permis, donc de ne pas avoir à aller chercher un bail au ministère de l'Environnement, un permis... Donc, c'était vraiment que ce soit une entité qui va délivrer l'ensemble.

n (11 h 20) n

Par contre, je pense qu'avec d'autres discussions on suggère plutôt que, pour les permis d'aquaculture, on retrouve la même précision que pour les permis des temps de pêche, c'est-à-dire qu'une entreprise qui exploite plusieurs sites dans une même région administrative... Excusez-moi, on pourrait avoir plus d'un site par permis. C'est-à-dire que, bon, souvent la réalité de la plupart des entreprises, c'est qu'une entreprise possède deux ou trois sites d'exploitation. Donc, présentement, dans tous les documents qu'on a à remplir, on doit, à la fin de l'année, faire un rapport de production pour chacun de ces sites-là, pour chacun des permis qu'on a. Donc, ça fait que, même si on possède trois sites, on les gère comme si c'en n'était qu'un. Donc, on doit tout simplement, de façon arbitraire, séparer l'information pour chacun des permis. Donc, je pense que ce serait plus simple qu'une entreprise ait un permis pour l'ensemble de ses sites dans une région administrative donnée puis, sur ce permis-là, qu'il puisse y avoir mention de plusieurs sites avec chacun leur bail. Donc, c'est ce qu'on propose ici, tout ça, dans le but, là, de réduire justement les démarches administratives. Et ça va aussi, je pense, faciliter la prise de statistiques sur l'ensemble des entreprises.

Le point 6, donc, le permis est valable pour une période de 10 ans. Cet article n'est pas en accord avec le point 4.3.2 du cadre réglementaire qu'on a déposé. Je le cite, c'est: «Les droits d'occupation et d'exploitation seraient émis sans restriction de durée.» Le Regroupement est d'avis qu'un permis maricole devrait être comme un permis de conduire. Lorsqu'on obtient son permis de conduire, on le possède jusqu'à ce qu'on commette une ou plusieurs infractions ou jusqu'à ce qu'il ne réponde plus aux exigences de la loi. De même, le permis maricole ne devrait pas faire l'objet de restriction de temps, il devrait être valide tant que la loi et les paiements sont respectés. Pour les mêmes raisons que tout à l'heure, déjà qu'on fait une exploitation sur un terrain qui ne nous appartient pas, donc c'est comme si on te demandait de construire une maison sur un terrain qui ne t'appartient pas puis que, dans 10 ans, bien peut-être que les conditions au permis vont changer. Donc, ce n'est pas évident.

Les articles 8, 9, 10 vont un petit peu dans ce sens-là, c'est qu'il est mention là-dedans que les conditions au permis, selon différents critères, selon l'article, pourraient être changées lors du renouvellement ou la cession d'un permis. On n'est pas vraiment d'accord avec ce genre d'intervention là, ce qui pourrait nuire fortement à une entreprise qui voudrait, genre, vendre son entreprise tout simplement, et, bon, l'entreprise qui acquerrait... Cette nouvelle entreprise là pourrait voir les conditions changer. Nous, on est d'accord que tant qu'il n'y a pas une modification au permis pour une exploitation il ne devrait pas y avoir de modification au permis.

Au point 9, on trouve aussi que l'article 9 est beaucoup trop large et donne beaucoup de pouvoirs au ministre. Dans le fond, il aurait le pouvoir, à toutes les actions concernant le permis, d'ajouter toute autre condition ou restriction. Nous croyons toujours que, lorsqu'il n'y a pas de modification au permis, le renouvellement ou la cession ne devrait jamais faire l'objet de nouvelles conditions et/ou restrictions.

Au point 10, on parle de la consultation publique. Je crois que, de plus en plus, une consultation publique assez large, pour tout projet d'aquaculture, doit être faite, surtout pour des raisons de transparence. Mais, à ce niveau-là, on doit retrouver une harmonisation pour les consultations publiques. On sait qu'il peut y avoir une consultation publique exigée par le MAPAQ, il peut y avoir une consultation publique exigée par la Loi sur la protection des eaux navigables... Il reste deux minutes?

Une voix: Deux minutes.

M. Morissette (Stéphane): Ah oui? Ça va vite. Donc, on est d'avis à une seule consultation publique.

Je vais passer plus rapidement. Je veux revenir à la notion aussi, à l'article 20, de mise en valeur et de rendement établis par règlement. Ça, c'est une des propositions qu'on voulait pour optimiser le domaine hydrique public. C'est qu'il y ait un moyen qu'il n'y ait pas de spéculation sur les sites, donc que les sites aquacoles soient optimisés. Par contre, il faut quand même laisser une marge de manoeuvre sur l'évaluation des rendements. Les rendements sur un site, c'est une notion quand même économique, et il faut trouver les limites acceptables, là, pour être capable de mesurer ce genre de chose.

Il y a un paquet de points là-dedans ? vous avez lu, de toute façon, le mémoire ? qui sont très pointus sur certains articles.

Je peux revenir aussi sur certains points, comme au chapitre VII sur... Pour revenir aussi sur l'article qui dit qu'on peut retirer un permis si un producteur a cessé ses opérations, on parle d'une période de 12 mois. On suggère une période de 24 mois, que c'est plus réaliste d'une production maricole. Donc, un producteur peut, pour des raisons financières, refinancer son entreprise puis arrêter pendant une période de 12 mois. Donc, «24 mois» serait plus clair.

Donc, en terminant, nous tenons tout de même de rappeler deux faits saillants de ce document. Premièrement, nous déplorons le fait que les droits des mariculteurs, plus particulièrement le droit de propriété sur les organismes en production ainsi que les installations, n'apparaissent nulle part dans cette loi. Si nous voulons que cette loi devienne un cadre favorable au développement de la mariculture, il faut y inclure non seulement des conditions que doivent remplir les producteurs, mais aussi leurs droits.

Deuxièmement, nous considérons que notre analyse est partielle, et jusqu'à ce que nous ayons pris part à l'élaboration des règlements. Nous savons que les règlements amènent de la souplesse et de la flexibilité dans une loi. Ça, je pense qu'on est d'accord, avec la jeunesse de l'industrie, à ce qu'il y ait un pouvoir réglementaire important qui permet un ajustement, mais on renouvelle le fait qu'on veut participer.

Puis, bon, je peux peut-être finir en disant... en félicitant aussi le ministre sur cet avant-projet de loi. Donc, il y a déjà des premières balises qui vont encadrer, là, l'aquaculture au Québec.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. Je vais maintenant donner la parole à M. le ministre pour une période d'environ 10 minutes.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord, je veux remercier M. Morissette, M. Allard et Mme Roy pour leur présentation. Avant d'aller directement à la question, d'abord je reçois très bien ce mémoire et les suggestions dans son contenu. Il y a quand même quelques éléments de questionnement que je vais aborder avec vous, mais, d'abord, je voudrais insister sur le fait que, en fait, vous reconnaissez que cette loi, qui va donner un cadre particulier à l'aquaculture et, entre autres, à la mariculture, c'est bien reçu en termes de légitimité et en termes d'une loi pour ce secteur-là. Je pense que c'est important en termes de reconnaissance même si c'est une industrie qui est jeune dans le cas de la mariculture. Dans le cas de la pisciculture, on dit que c'est un siècle.

Mais, dans les outils... C'est parce que là on arrive avec cet avant-projet de loi pour donner un cadre plus global, mais, dans les outils, je pense qu'on a déjà... Et, moi, j'en parle d'autant plus à l'aise que j'ai l'impression que depuis, en tout cas... Pas depuis que je m'intéresse à la mariculture, parce que c'était avant les fonctions que j'occupe maintenant et avant mes fonctions de député, mais la SODIM est dans le décor, le fonds de recherche et développement de 9 millions géré par la SODIM est aussi dans le décor, la Table maricole joue un très grand rôle de concertation entre les intervenants dans votre secteur. Nous avons investi beaucoup dans nos centres aquacoles.

Alors là nous arrivons maintenant avec une loi. Cette loi-là, elle ne se veut pas un cadre contraignant et restrictif, on veut donner encore à ces outils-là plus d'éléments, plus de possibilités pour faire en sorte d'en arriver à un développement durable de ce secteur. Le mot «durable» est très important, là. Parce que tantôt je parlais, avec M. Allard particulièrement, que ce qu'on sent comme frein, comme ralentissement pour les permis d'autorisation, entre autres, du fédéral en regard des C.A., des autorisations, c'est que, ailleurs, il y a des problématiques très importantes dans la mariculture, dans la pisciculture qui font que c'est long, ça ne va pas vite, les émissions. Et, à chaque fois qu'on a des rencontres avec nos vis-à-vis fédéraux, je vous assure que ça revient et que nous insistons, et que nous essayons de... Donc, ce qu'on veut se donner, c'est un cadre qui va nous permettre, au Québec, de rattraper ce retard, de faire en sorte qu'on peut se donner un développement durable.

n (11 h 30) n

La réglementation actuellement, vous le savez, M. Morissette, il y en a, de la réglementation, en ce qui concerne le secteur aquacole, le secteur maricole aussi, mais ce n'est pas très élaboré. C'est vrai qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, qu'on veut faire avec vous, pour développer une réglementation adéquate. Vous l'avez dit, c'est aussi des facteurs, là, de... pour... comment je pourrais dire, pour faire en sorte que ce soit plus souple, très souvent, une réglementation. Bon.

Bon, il y a deux noeuds, puis je vais laisser peut-être mes collègues aborder la question de la durée du permis. Vous savez, 10 ans, c'était un an. On comprend, là, la problématique pour les investisseurs, pour assurer, etc., mais le fait que maintenant il sera lié à un bail, il y aura déjà, là... et que le bail est pour 20 ans, il y a des... En termes de pérennité, d'assurance, nous, on monte à 10 ans maintenant. Peut-être qu'on changera d'idée, c'est pour ça qu'il y a un avant-projet et qu'il y a des discussions, mais, en général, les amortissements sur les investissements se font dans cette période-là. Il y a aussi une concordance avec le fédéral où il y a... Par exemple, la Garde côtière, ils sont à cinq ans, actuellement; il faudrait qu'ils aillent à 10 ans. Il y a ces éléments-là. Mais je vais laisser mes collègues peut-être poser d'autres questions sur ce secteur-là, pour pouvoir aborder la question ? parce que c'est très important dans votre mémoire ? de la propriété des biens.

Vous dites que les droits des mariculteurs ne sont pas assez reconnus, en particulier sur les droits de propriété des produits d'un élevage. Donc, ce qu'il y a, là, le fruit de votre travail dans le fond, c'est ça un peu, là, l'élevage des moules ou d'autres sortes. Alors, nous n'avons pas précisé ces droits dans l'avant-projet de loi. Parce que nous disons: Dans le Code civil, il est très clair que la propriété d'un droit ou d'un bien, la propriété d'un bien est automatique lorsque... à la personne. Il va à la personne qui finalement dépense, assume les dépenses pour produire ce bien. C'est inscrit là. C'est dans le Code civil, ça, là. C'est automatique. Ça confère la propriété d'un bien à celui qui assume les dépenses pour le produire.

Est-ce que vous pouvez clarifier davantage l'objet de votre demande? Pourquoi vous nous faites la demande de préciser davantage la propriété du bien que vous produisez, M. Allard, par exemple, ou M. Morissette? C'est quoi? Avez-vous rencontré des problèmes, des situations problématiques là?

Le Président (M. Dion): M. Allard.

M. Allard (Réjean): On veut les éviter.

M. Arseneau: Pardon?

M. Allard (Réjean): Peut-être qu'on veut éviter des problèmes.

M. Arseneau: Oui, mais c'est déjà reconnu dans le Code civil. J'aimerais que vous élaboriez plus, là, pourquoi on ferait ça.

M. Allard (Réjean): C'est un point, en tout cas, moi, pour ma part, que je ne connaissais pas; c'était déjà reconnu ailleurs. La raison pourquoi on en a parlé, c'est qu'on ne le voyait pas sur le document comme tel.

M. Arseneau: O.K.

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Morissette (Stéphane): Il y a des cas plus faciles à comprendre. L'élevage des moules, c'est sur un boudin; c'est assez spécifique. Mais il y a beaucoup d'élevages aussi qui sont de l'ensemencement sur le fond. On parle du pétoncle. Donc, pour eux, c'est très important d'avoir, quelque part, le droit sur l'ensemble des organismes qu'ils vont ensemencer sur le fond, dans leur site.

M. Arseneau: C'est parce qu'il y a un bail, là. C'est parce que... Ils s'entendent, par exemple, sur le fond Georges où ils vont aller ensemencer parce que la propriété du pétoncle géant qui se trouve au fond, il peut avoir le résultat de l'ensemencement mais il peut avoir des pétoncles géants naturels. C'est... Ce qui garantit son bien, c'est le bail qui garantit de venir empêcher, là-dessus... que les gens qui sont membres, comprenez-vous, ils ont un bail sur cet espace-là. Tandis que la propriété pour les moules, c'est très clair, mais, dans le cas du pétoncle géant, bien, on pourrait avoir de sérieux débats, là. Je ne sais pas mais... Donc, c'est essentiellement pour ça là, la propriété. Ce n'est pas simple là, votre question.

Le Président (M. Dion): M. le président, voulez-vous commenter?

M. Morissette (Stéphane): C'est sûr que, bon, peut-être que c'est un droit implicite par le bail. Je ne sais pas si c'est d'intérêt de le mentionner, mais, bon, ça répond un peu à nos questions. Nous, l'important pour ce genre d'industrie là, c'est au moins d'être propriétaires de quelque chose, c'est-à-dire on fait l'élevage dans un endroit qui ne nous appartient pas, mais, au moins, on est propriétaires des organismes qui y sont, et c'est pour sécuriser l'ensemble des investisseurs.

M. Arseneau: C'est ça. C'est parce que... Écoutez, on réfléchit, M. le Président.

Le Président (M. Dion): Une dernière...

M. Arseneau: C'est parce que c'est certain qu'avec le bail les gens qui sont dans Pétoncles 2000, les actionnaires qui ont un bail pour aller pêcher là, ils sont certains qu'ils vont être les seuls à aller pêcher sur ce fond-là qui est réservé mais ils ne sont pas sûrs qu'ils vont capter un pétoncle géant qui est le fruit de leurs investissements. Ça peut être un pétoncle naturel.

M. Morissette (Stéphane): C'est ça.

M. Arseneau: Peut-être mes collègues, s'ils n'ont pas d'autres questions, je peux leur en poser d'autres, moi.

Le Président (M. Dion): Alors, je pense qu'on était à tout près de 10 minutes. On pourrait peut-être donner la parole à l'opposition et on reviendra. Il restera peut-être une demi-minute de plus, de ce côté-ci. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bien, effectivement, juste pour livrer un commentaire sur l'exemple que vient de donner le ministre avec les pétoncles. En fait, même si, dans le Code civil, ça semble être assez clair quant au droit de propriété, vous avez quand même invoqué une zone grise qui peut survenir. Même si le bail qui est accordé donne l'exclusivité de la ponction sur la production à un individu x, y, z, il y a quand même peut-être des pêcheurs qui pourraient dire: Écoutez, là, il y a quand même une matière première là qui, nous, nous revient. Alors, on peut peut-être comprendre le fait de faire le pont entre ce que vous soulevez finalement et l'exemple que vous donnez.

Peut-être qu'on tire ça un petit peu par les cheveux, là, mais, si des organismes comme le Regroupement, qui est avec nous, l'ont soulevé, ce n'est pas le seul organisme qui l'a fait. J'imagine que c'est parce qu'il y a des promoteurs qui ont été confrontés à cette difficulté-là, notamment peut-être pour obtenir du financement. Alors, c'est un commentaire que je livrais, mais c'est certainement, sur le plan juridique, un beau défi pour le service du contentieux de votre ministère, M. le ministre, pour peut-être éclaircir cette situation-là.

Mais, d'entrée de jeu, bien sûr, vous me permettrez de vous saluer, madame, messieurs, alors, et vous livrer, bien sûr, notre appréciation pour la qualité du mémoire que vous avez déposé.

J'aimerais aborder plusieurs aspects notamment... Votre document est séparé en trois sections. Dans la première section, à la page 2, puisqu'on cherche à trouver des mécanismes et des moyens qui permettraient ou qui permettront d'assurer vraiment le développement de l'industrie de l'aquaculture ou du secteur de l'aquaculture, vous faites référence à la nécessité d'avoir des mécanismes pour couvrir certaines pertes dans certaines conditions. Alors, ça, c'est à la page 2 de votre... dans les espèces... les deux premières pages, là.

Vous avez donc à l'article 11... Vous faites un commentaire sur cet aspect-là, et là, je ne peux pas m'empêcher de faire le parallèle avec les mesures qui existent au niveau de l'agriculture qui permettent évidemment à certains producteurs d'avoir des compensations sur le plan financier lorsqu'il y a des conditions climatiques qui sont défavorables, et tout ça. Est-ce que c'est possible pour vous autres de nous donner davantage de précisions sur cet aspect-là qui me semble drôlement important, là, dans le contexte actuel? Parce que c'est un élément nouveau que vous apportez. On ne l'a pas encore entendu, puis je ne me souviens pas de l'avoir lu dans les autres mémoires qui ont été présentés. Alors, si c'est possible de nous livrer un peu plus de détails là-dessus.

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Morissette (Stéphane): Vous parlez de l'article 11...

Mme Normandeau: Oui. Pardon. C'est dans votre document. Vous avez... C'est la deuxième page. Alors, c'est l'article... Bien, enfin, c'est comme si vous commentiez, là, chacun des articles. À l'article 11, le premier article qui apparaît en haut de la page, vous terminez votre phrase en disant: «Nous proposons que la loi prévoie la mise en place d'un mécanisme pour couvrir certaines pertes dans certaines conditions.»

Alors, vous faites référence à quoi quand vous parlez de certaines pertes dans certaines conditions?

M. Morissette (Stéphane): Bon. Il y avait une des interventions, c'était que... J'essaie de voir la bonne phrase. On pense souvent à une assurance récolte ou quelque chose de ce genre qui...

Mme Normandeau: O.K. O.K.

M. Morissette (Stéphane): Bien, on fait de l'agriculture, hein? On ne fait pas de la pêche, on fait de l'agriculture, puis, comme l'ensemble des agriculteurs, on est soumis beaucoup à des conditions environnementales qui sont changeantes. J'entends souvent à la radio des agriculteurs qui disent qu'ils ne feraient jamais d'agriculture maintenant sans assurance, sans être assurés d'avoir un certain rendement sur leurs petits pois qu'ils ont dans leurs champs. C'est la même chose pour nous. On fait de l'élevage dans un milieu marin dont on ne contrôle absolument rien. Donc, avoir accès à une forme d'assurance revenu, on travaille sur ce dossier-là de façon importante.

Mme Normandeau: Ah! de votre côté pour le documenter?

M. Morissette (Stéphane): Oui, pour le documenter avec La Financière. Donc, on... C'est un des objectifs du Regroupement des mariculteurs cette année, là; c'est d'avancer le dossier d'une espèce d'assurance revenu, stabilisation du revenu ou quelque chose comme ça.

Mme Normandeau: Bien, c'est un point très intéressant que vous soulevez, parce que, comme je le disais... Enfin, mon attention était attirée là-dessus, parce que vous êtes le seul organisme qui avez soulevé cette questions-là. Chose certaine, est-ce que vous avez une certaine réceptivité de La Financière agricole du Québec pour investiguer davantage de ce côté-là?

n(11 h 40)n

M. Morissette (Stéphane): On est encore aux démarches de rapprochement, mais je pense qu'il y a une certaine ouverture, oui. Il y a déjà des plans qui existent pour les agriculteurs. Ce serait probablement de s'insérer dans ce genre de plan là. Ce qu'il faut déterminer chez nous, c'est la notion d'inventaire, c'est la notion de production qui n'est pas évidente, non plus. Un champ, c'est facile à inventorier parce qu'on l'a devant soi, mais une production qui est en mer, c'est plus difficile. Donc, c'est l'ensemble de ces choses-là qui reste à éclaircir.

Mme Normandeau: Mais chose certaine, là, je vous écoute parler, mon premier réflexe, puis je fais le parallèle avec les représentants de la SODIM qui étaient là avant vous, ça contribuerait certainement à diminuer le risque évidemment de l'industrie puis du secteur si le gouvernement décidait effectivement d'aller de l'avant avec l'adoption de mesures comme celles-là, et puis ça donnerait un sérieux coup de barre, parce que les promoteurs auraient une certaine garantie, finalement; donc on amoindrit le risque, à ce moment-là. C'est intéressant, très. C'est une proposition évidemment qu'on souhaite que le ministre pourra regarder de son côté.

J'aimerais peut-être profiter de l'occasion pour revenir sur un autre élément qui est important aussi ? en fait, il y en a plusieurs que vous avez soulevés ? mais l'élément, là, lié, à la page 10, je pense que c'est la deuxième partie de votre document ? sur la fusion des permis d'exploitation et d'occupation.

Encore une fois ? parce que, bon, la SODIM, qu'on a entendue tout à l'heure, vous rejoignait là-dessus ? en fait ce qu'on souhaite, c'est de faciliter un peu le processus d'émission des permis, mais vous allez plus loin en disant: Il faudrait carrément fusionner les deux. Alors, est-ce que c'est possible de nous indiquer quelle différence ça ferait concrètement pour vos membres?

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Morissette (Stéphane): Je ne suis pas sûr qu'on ait le même document.

Mme Normandeau: Oui. En fait, moi, je vous parle de la page... Parce que votre document est carrément séparé en trois, puis il y a une première partie... Moi, le document, la copie que j'ai, c'est la page 10, ici, là.

Une voix: ...annexe.

Mme Normandeau: Non, ce n'est pas l'annexe. Non.

M. Morissette (Stéphane): C'est l'article...

Mme Normandeau: Ah! il y va par article, c'est ça. En fait, c'est parce que ce n'est pas dans... Mais enfin, écoutez, vous avez retenu l'idée...

M. Morissette (Stéphane): C'est ça.

Mme Normandeau: ...de la fusion des permis d'exploitation et des baux de location ou des baux liés à l'occupation. Alors, quelle différence ça ferait si effectivement on arrivait à une fusion avec les deux?

M. Morissette (Stéphane): Je pense que c'était dans l'optique de simplification de la demande, c'est dans une optique de simplification. On parle souvent de délais dans l'émission d'un permis. Mais, un de ces délais-là, c'est qu'on fait affaire à plusieurs ministères. Présentement, le bail est émis par le ministère de l'Environnement du Québec, le permis par le MAPAQ. Donc, ce qu'on voulait, c'était que ce soit une même entité qui ait à émettre le bail et ait à émettre le permis pour faciliter, pour accélérer le processus. C'est une des réflexions qui étaient sorties de la Table maricole, puis, un des objectifs du cadre réglementaire favorable au développement de la mariculture, c'était vraiment de simplifier, d'essayer de diminuer le nombre de cases par lesquelles le permis doit passer, la demande de permis doit passer, du début à la fin, avant d'être émis. Il doit passer dans les mains d'à peu près 24 bureaux ou autorisations, surtout s'il déclenche la Loi sur l'environnement, je parle, fédérale et provinciale. Donc, c'était dans le but de limiter ça. Donc, pour un même gouvernement, un même niveau au provincial ou au fédéral, je crois que ça devrait être réduit à un seul ministère qui gérerait l'ensemble des interventions. Au fédéral, c'est la même chose, il y en a plusieurs, interventions: l'Agence canadienne, le MPO, Environnement Canada. Souvent, l'ensemble de ces gens-là ont de la misère à se communiquer puis être sur le même pied, avoir la même idée. Donc, c'était vraiment dans le but d'harmoniser l'ensemble des choses.

Mme Normandeau: Combien ça prend de temps à obtenir un permis du ministère de l'Environnement au provincial, le délai à peu près moyen?

M. Morissette (Stéphane): Ça dépend si on demande une étude d'impact ou non.

Mme Normandeau: O.K.

M. Morissette (Stéphane): Mais ça peut être long. On parle... Le minimum, c'est un an, puis un an sans accroc.

Mme Normandeau: O.K. Et le maximum, s'il y a des problèmes?

M. Morissette (Stéphane): Ah! ça peut être long. Il y a certains producteurs comme Pec-Nord, ça fait plus qu'un an et demi qu'ils sont en démarche pour avoir leur permis. Mais, en consultation publique, s'il y a beaucoup d'opposition, là, ça peut être beaucoup plus long, il faut... Donc, c'est ça, c'est très long. Donc, quelqu'un qui veut investir demain matin en aquaculture, je lui conseille d'avoir un petit emploi en attendant de pouvoir investir ses premiers sous. C'est long, le plan d'affaires... Déjà, financièrement, d'attacher un dossier complexe qui fait intervenir plusieurs... En plus, il faut attendre sur les permis. Donc, c'est...

Mme Normandeau: Mais vous soulevez un point important. Parce que, de l'extérieur, d'un côté le MAPAQ fixe des objectifs par exemple au niveau de la production ou des rendements, puis, de l'autre côté, on a le ministère de l'Environnement qui vient dire: Un instant! avec sa législation. Bien, évidemment, «Un instant!», c'est un réflexe du ministère de l'Environnement, puis on ne peut pas leur reprocher ça, mais c'est de freiner, finalement. Donc, il y a comme une espèce d'incohérence à l'intérieur même de l'appareil gouvernemental qui fait en sorte qu'on a de la difficulté à atteindre les objectifs qui sont fixés.

M. le Président, est-ce qu'il me reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Dion): Une demi-minute.

Mme Normandeau: Ah! bien là, écoutez...

Le Président (M. Dion): Préférez-vous après?

Mme Normandeau: Bien oui.

Le Président (M. Dion): On reviendra tout à l'heure. Alors, je vais donner la parole à M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. J'aimerais que vous clarifiiez parce que... En fait, je n'ai pas compris, de la dernière affirmation ou du commentaire de ma collègue de Bonaventure, à l'effet que le ministère de l'Environnement freinait.

Moi, j'essaie toujours de démêler tout ça, à savoir est-ce que c'est le Québec, est-ce que c'est Ottawa? Qui font... qui fait... qui demande des choses au niveau environnemental? Si nous sommes en eaux salées, hein... je ne parle d'aquaculture d'eau douce, là; je sais que le Québec peut avoir un rôle là-dedans. Mais je ne veux pas laisser de sous-entendu: Est-ce que c'est le gouvernement, Environnement Canada qui demande ces études-là? Est-ce que c'est Environnement Canada qui demande ces études-là au niveau environnemental lorsque vous êtes dans l'élevage de moules, dans l'élevage de pétoncles ou autres mollusques?

M. Morissette (Stéphane): Je crois que c'est le ministère... C'est en vertu... un certificat d'autorisation et la Loi sur la qualité de l'environnement qui est une loi qui est sur Environnement Québec, je crois.

M. Lelièvre: Vous allez chercher... Il y a des études environnementales qui doivent se faire là-dessus.

Mme Roy (Julie): Oui.

M. Morissette (Stéphane): Bien, il faut dire, le processus, c'est quand même un guichet unique. C'est-à-dire que, la porte d'entrée, c'est le MAPAQ. Donc, on dépose notre demande de permis à notre direction régionale qui, elle, va acheminer notre demande de permis à l'ensemble. Donc, on n'a pas de lien direct avec les autres, c'est le MAPAQ...

M. Lelièvre: Tout ça se fait par un comité de coordination au MAPAQ.

M. Morissette (Stéphane): C'est ça, qui va émettre... qui va le déposer au fédéral, aussi. Peut-être que ça irait plus vite des fois si... mais c'est très complexe. Je me rappelle d'avoir vu le diagramme du cheminement d'un permis dans un organigramme; il y a au moins 24 cases.

M. Lelièvre: Ah oui? Écoutez, j'ai regardé votre... Vous avez soumis un autre document en annexe, le cadre réglementaire. On y retrouve dans le fond tous les éléments que vous voudriez voir intégrés éventuellement, que vous avez commentés, en les intégrant dans votre mémoire, parce que c'est un cadre réglementaire qui a été préparé, ou une proposition, là. La proposition du Regroupement des mariculteurs, c'est vous. Donc, vous avez fait déjà une proposition au ministère, là-dessus.

Moi, j'aimerais, sur un domaine plus large, parce qu'on l'a abordé tout à l'heure et je ne voudrais pas laisser ça de côté avec... Lorsque nous avons abordé avec la SODIM, ils ont évoqué le cas de l'Espagne au niveau du développement de la mariculture. Est-ce que vous pourriez élaborer sur l'organisation qu'il y avait en Espagne au niveau de la mariculture et qu'est-ce que ça a donné comme résultat? Pas trop long, parce que je sais que le ministre veut peut-être garder sa réponse, une minute et demie pour la fin. Ha, ha, ha!

M. Morissette (Stéphane): Bien, rapidement, on peut dire que l'Espagne, c'est un cas... c'est le plus gros producteur occidental qui produit à peu près le quart de la production mondiale, donc 250 000 t de produits. C'est quand même un endroit... Ils font cet élevage-là dans une région très restreinte, la Galice, qui est trois baies grosses comme la baie de Gaspé, puis ça fait 50 ans environ, puis ils ont connu plusieurs... ils ont connu une évolution assez rapide. Mais, quand même, il y a, genre, 3 000 radeaux pour 2 000 producteurs. Donc, c'est quand même... c'est des petits producteurs. Il y a des gros, il y a des petits, mais ils ont connu beaucoup de problèmes voilà une dizaine d'années avec la compétitivité; l'industrie n'était pas organisée; donc, c'était laissé à eux-mêmes.

n(11 h 50)n

Depuis 10 ans, le gouvernement là-bas les a aidés fortement, les a appuyés à se regrouper, à regrouper les producteurs, les transformateurs, la commercialisation dans une agence commune, un endroit où est-ce que l'ensemble des associations a des bureaux pour pouvoir se parler.

L'ensemble de la réglementation aussi a été regroupé, l'ensemble des... Pour la santé et la sécurité des animaux et la santé humaine, ça a été regroupé dans une agence plutôt que plusieurs agences comme ça l'est, présentement. Donc, c'est un beau cas où le gouvernement a appuyé fortement puis il appuie encore fortement à plus 50 % pour les nouvelles immobilisations, malgré que c'est lui qui produit le quart de la production. Il y a beaucoup de parallèles à faire avec nous aussi, parce que la Galice, l'endroit où ça se fait, c'est la province pauvre, on peut dire, de l'Espagne. Donc, le gouvernement a vraiment appuyé cette industrie-là jusqu'à temps qu'elle puisse voler de ses propres ailes.

Le Président (M. Laprise): D'autres questions, M. le député de Gaspé?

M. Lelièvre: Est-ce qu'il nous reste beaucoup de temps, M. le Président?

Le Président (M. Laprise): Vous avez encore du temps, oui.

M. Lelièvre: Non, mais...

Le Président (M. Laprise): M. le ministre.

M. Arseneau: ...encore un peu.

Le Président (M. Laprise): Allez-y, M. le ministre, en réponse à la question du...

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Toute la question, là, de l'environnement et puis les démarches et l'harmonisation, soit entre le ministère ici, à l'échelle du Québec, ou encore l'harmonisation avec le gouvernement fédéral canadien, il y a déjà de l'harmonisation qui se fait dans la mesure du possible.

Le guichet unique, je pense que c'est déjà une approche qui est intelligente, une façon de travailler qui fait que pour nos mariculteurs, pour les aquaculteurs... Parce que la situation est différente en mariculture qu'en pisciculture, c'est-à-dire que le fédéral est beaucoup plus impliqué et concerné quand on parle de mariculture que quand on parle par exemple de pisciculture. On le verra avec les autres représentations que nous aurons.

La question des baux, est-ce qu'on pourra par exemple, au niveau québécois, faire en sorte que le ministère de l'Environnement... ou que ce soit le MAPAQ, que ce soit lié avec le permis? Encore là, ça va être assez difficile parce que la même chose est peut-être vraie à l'autre palier.

Mais il y a d'autres intervenants. Le domaine hydrique de l'État ne concerne pas seulement la mariculture ou l'aquaculture. Il y a toute la question minière puis la question des zones navigables, il y a toute la question des rivières. Alors, il y a d'autres éléments qui rentrent en ligne de compte, bien sûr. Il y a donc des discussions à faire.

Mais moi, ce que je voulais voir, vous avez abordé la question... On parle souvent d'environnement, et ma collègue de Bonaventure voit l'environnement comme un frein alors que nous essayons de fixer les objectifs du côté du MAPAQ, mais je pense qu'il faut voir le développement de la mariculture, de l'aquaculture dans son ensemble, voire un développement durable. Et je pense que, si on fait bien les choses, il sera possible d'avancer plus rapidement et de façon plus cohérente et peut-être qu'on pourra aller plus loin que dans certains exemples, parce que, quand on regarde la mariculture ailleurs, on sait qu'ils ont des problèmes très importants.

Moi, la question que je voudrais vous poser, parce que vous semblez, là, vraiment dans votre mémoire, là, vous semblez prétendre ou être contre le fait que ...«il est injuste que ce soit les aquaculteurs qui supportent les frais de nettoyage des sites lorsque les activités de production doivent cesser». Mettons pour les motifs d'intérêt public, on doit cesser, puis là, vous dites: «Ce n'est pas juste que ce soit les mariculteurs qui soient obligés de payer pour ça.»

Avez-vous réfléchi à ça? Qui va payer pour ça si ce n'est pas ceux qui... Non, mais avez-vous d'autres principes qu'on pourrait utiliser? Je sais que c'est une question embêtante, mais là, c'est que vous dites que ce n'est pas juste que ce soit... Comment vous voyez ça?

M. Allard (Réjean): Je pourrais peut-être vous poser une question. Dans le cas de... Pour l'intérêt public, quand le gouvernement décide de changer une route de place puis il tasse des maisons, c'est qui qui paie?

M. Arseneau: Il décide de quoi?

M. Allard (Réjean): De changer une route de place pour la sécurité des automobilistes puis d'empiéter sur un terrain privé, d'enlever une maison, le gouvernement va défrayer. Si, demain matin, pour je ne sais pas quelle raison, pour l'intérêt public, le ministère décide que mon site dérange quelqu'un, pourquoi est-ce que ce serait à moi à payer pour enlever ça de là en plus de m'enlever mon gagne-pain? C'est dans ce sens-là qu'on le voit, nous autres, là.

M. Arseneau: Non, mais... O.K. Ça va nous prendre des avocats, M. le Président. Si c'est une expropriation, c'est à ce moment-là, je suppose que ? je ne le sais pas, je ne suis pas un avocat ? mais, à ce moment-là, si on exproprie, c'est nous qui devons peut-être assumer. Mais, dans le cas où, par exemple des motifs d'intérêt public, on... Je ne sais pas comment vous voyez ça mais vous voyez qu'il y a un problème là, très certainement. C'est comme la propriété dont on parlait tantôt. En tout cas, on peut vérifier dans le... Je pourrais aller vous montrer tantôt, M. Allard, pour la propriété. Mais... Donc, c'est parce que vous dites: Si c'est pour des motifs où c'est l'État qui nous change de place.

M. Allard (Réjean): C'est ça.

Le Président (M. Laprise): Vous avez encore deux minutes, M. le ministre.

M. Arseneau: Oui. Alors, moi, je suis un peu surpris, M. le Président, du fait que... Parce que je pensais que, avec les mariculteurs, on essayait... ils nous voyaient, ils voyaient le ministre et le ministère comme quelqu'un qui essaie de les aider ou qui est là pour leur donner un coup de main.

Bref, vous, vous dites que le ministre ne devrait pas avoir le pouvoir d'exempter de la loi ou d'une de ses parties, en fait de ses règlements, une catégorie de personnes ou d'activités. Vous ne voyez pas que ça pourrait vous aider aussi des fois, ça, que le ministre aie un pouvoir? Parce que, si jamais c'est une situation qui n'est pas prévue ou temporaire, à ce moment-là, ça donne un pouvoir au ministre de vous donner un coup de main, non?

M. Morissette (Stéphane): Ah! effectivement. Effectivement, ça peut être à double tranchant. Dans chacun... Avoir autant de pouvoir réglementaire, ça peut être à double tranchant, si le ministre est de notre côté ou de l'autre. Ha, ha, ha!

Mais ce que je vois là-dedans, c'est surtout dans l'optique où, de façon concertée, on développe un cadre de développement de la mariculture où l'ensemble des intervenants prennent leurs responsabilités pour produire de façon ordonnée, en respect de l'environnement, et tout ça. Et, par décret ou par n'importe... un groupe de personnes pourrait ne pas avoir à respecter ces règlements-là pour une autre raison. C'est plutôt dans cet aspect-là où on a un peu de difficulté à voir, bon, si on fait tous les efforts pour faire un développement durable, pourquoi on pourrait permettre à un groupe de ne pas respecter l'ensemble de ces interventions-là? C'est vraiment dans cette optique-là où est-ce qu'on se pose des questions sur cet article-là.

M. Arseneau: M. le Président, si mon collègue a...

Le Président (M. Laprise): M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Il reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Laprise): Oui. On va revenir à... Oui, il vous reste du temps.

M. Lelièvre: Bien, écoutez, moi, j'ai pris connaissance de votre mémoire, j'ai pris connaissance du cadre réglementaire. Je conviens qu'on n'est pas tout à fait dans le droit nouveau, là, mais on aborde une nouvelle façon de faire des affaires qui est sur des territoires marins. Le territoire marin, on ne peut pas mettre les pieds dessus, on fait des ancrages.

Je comprends vos préoccupations, et toute la question par exemple si on doit, pour la navigation éventuellement où il y a des polluants qui se déplacent de façon massive, je ne sais pas, moi, dans un cours d'eau parce qu'il peut arriver une inondation majeure et que ça attaque votre site, bien, là, il faut regarder comment on pourrait faire. Mais je pense qu'il y a des situations à prévoir. Je ne sais pas si les assurances prévoient ça. Mais j'ai déjà eu dans une vie antérieure à intervenir dans un dossier où il y avait effectivement des problèmes de rentabilité. L'entreprise a fermé ses portes, le créancier a laissé des blocs de ciment, tous les ancrages dans le cours d'eau, puis, éventuellement, les boules ont parti à la flotte parce qu'on les a libérées. Alors, je comprends votre inquiétude là-dessus puis...

Moi, je pense qu'il va falloir que nous réfléchissions, comme parlementaires. C'est ça qu'on va faire avec le projet de loi, puis bien comprendre la portée de ces éléments-là. Soyez assurés que nous allons regarder ça attentivement.

Le Président (M. Laprise): M. le président, si vous avez une réponse, vous...

M. Morissette (Stéphane): Bien, effectivement, d'ores et déjà, la loi de la protection des eaux navigables, lorsqu'on signe notre permis, nous oblige à enlever toute installation qu'on fait dans notre site, si on cesse nos activités. On a déjà cette obligation-là. Je crois que c'est important que ce soit fait.

n(12 heures)n

Mais je crois aussi que le potentiel maricole doit être respecté, qu'on devrait permettre, au moins, avant d'enlever l'ensemble des ancrages, à un autre producteur de s'insérer là pour ne pas perdre des zones aquacoles importantes.

Sur le mécanisme pour pouvoir enlever des infrastructures en cas de faillite ou en cas... il peut y avoir plusieurs mécanismes. On pourrait faire un fonds avec les frais de bail et de permis. Non, mais ça peut être assez difficile à gérer.

Le Président (M. Laprise): Merci beaucoup, M. le président. C'est tout?

M. Morissette (Stéphane): Oui.

Le Président (M. Laprise): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Pour le bénéfice de mon collègue de Gaspé, en fait, ma compréhension, c'est que les lois auxquelles vous faites référence, M. Morissette, soit la Loi sur la protection des eaux navigables, qui elle-même a un règlement sur les ouvrages construits dans les eaux navigables, la Loi sur les pêches, celle qui a deux volets: aquaculture, protection de l'habitat des poissons et prévention de la pollution, ma compréhension, c'est qu'il y a des législations sur le plan fédéral qui transcendent en fait les législations sur le plan provincial, qui font en sorte que, dans ce cas-ci, par exemple, au niveau de la Loi sur la protection des eaux navigables, les gens doivent se conformer à une législation, effectivement, qui est en cours. Donc, quand mon collègue invoque la possibilité de trouver un mécanisme qui nous permet de faciliter le travail des mariculteurs, c'est bien ? c'est l'intention d'ailleurs qu'on doit poursuivre comme parlementaires ? mais, en même temps, il y a une juridiction qui est clairement énoncée, qui relève exclusivement du fédéral, bien sûr, effectivement.

M. le Président, je souhaiterais qu'on puisse revenir sur l'aspect lié... Bon. Pour bien me faire comprendre, à la page 11 de votre document, c'est la partie où vous commentez la loi comme telle, à l'article 20, vous faites référence au rendement, en fait, qui est inclus dans la loi, dans l'article 20 de l'avant-projet de loi qui est déposé, sur la possibilité donc que le ministre, que le ministère puisse établir des normes et des rendements, qui seraient établis par règlement. Vous vous objectez évidemment avec force sur cet aspect-là. Alors, évidemment, je souhaiterais peut-être que vous puissiez nous en dire davantage là-dessus et nous dire, concrètement, comment vous vous objectez. Comme vous vous objectez à cet aspect-là, j'imagine que c'est parce que vous sentez qu'il y a un danger pour les mariculteurs, et peut-être nous en dire un peu plus là-dessus.

M. Allard (Réjean): C'est qu'on s'objecte mais avec un bémol. L'idée en arrière de tout ça, c'est que, nous autres, on arrive puis on arrive dans la mer, les mariculteurs. La mer a toujours appartenu aux pêcheurs. Le terrain qu'on prend possession, quand on s'agrandit puis on se développe, les pêcheurs, pour eux autres, ils perdent du terrain. Nous, on gagne; ils perdent.

Ce qu'on essaie d'éviter, c'est que quelqu'un prenne un site... Disons qu'un site... Puis c'est là l'importance que, nous, on travaille avec vous autres sur le projet, parce qu'il y a des choses... on ne sait pas tout, mais on en sait des petits bouts. On sait, par exemple, que, sur un ordre de sites de telle profondeur à telle place ? puis ça varie d'une place à l'autre ? on peut produire tant de tonnes de moules.

Par exemple, sur mon site, à moi, si j'ai à peu près 30 m entre mes filières, ça va bien, ça travaille bien. Ça, il faut travailler avec la météo puis tout ça. Si quelqu'un arrive, s'installe dans le site au côté puis qu'il met 60 m entre ses filières, il va dire: Ah! mes boudins sont beaux. Tes boudins sont beaux, mais ton site va rapporter la moitié de ce qu'il devrait rapporter. Donc, c'est du terrain maricole qui est perdu. Mais, si le pêcheur qui passe au côté, qui cherche une place pour mettre ses trappes, il dit: Regarde, je n'ai pas le droit d'aller là, puis regarde l'espace qu'ils perdent. C'est en fonction d'éviter des conflits avec les autres utilisateurs, parce qu'il y a aussi la navigation de plaisance. Puis la rentabilité: rentabiliser la partie qu'on prend dans la mer pour la mariculture.

Mme Normandeau: Ce que vous dites, dans le fond, Réjean, c'est que... Laissons une certaine discrétion aux producteurs sur l'établissement de leurs propres techniques ou technologies, dans le fond, pour leur donner une certaine souplesse finalement. C'est ce que vous dites: Évitons... Si on adopte des rendements par règlement, ça va devenir trop contraignant pour les promoteurs, puis on ne pourra pas s'adapter aux différentes réalités du terrain. Vous l'avez dit tout à l'heure, en Gaspésie, la réalité est différente des fonds marins sur la Côte-Nord. C'est dans ce sens-là?

M. Allard (Réjean): Oui, il y a dans ce sens-là. Il ne faut pas trop restreindre, parce que, là, si tu mets trop les choses serrées, là tu enlèves la partie imagination du producteur qui va vouloir... Sans essayer de réinventer la roue, on essaie de l'améliorer; on essaie des nouvelles choses. On n'arrête pas d'essayer toutes sortes de choses. Si on serait trop limités dans ce sens-là, c'est carrément la mariculture qui arrête d'avancer. Mais, en même temps, si c'est trop libre, il va y avoir les pertes que je vous mentionnais tout à l'heure: pertes d'espace, chicanes avec les autres utilisateurs de la mer.

Mme Normandeau: Donc, c'est quoi, la solution?

M. Allard (Réjean): C'est qu'on soit tous assis ensemble pour écrire les règlements...

M. Arseneau: C'est pour ça que je n'ai pas tout mis.

Mme Normandeau: Ha, ha, ha! Ça, c'est un bon prétexte, M. le ministre, c'est une bonne échappatoire. Ha, ha, ha!

M. Allard (Réjean): ...qu'on arrive à faire quelque chose de logique, d'intelligent, puis équitable pour tout le monde. On veut prendre notre place, mais on ne veut pas enlever la place des autres.

M. Morissette (Stéphane): Mais, si je peux intervenir, une des solutions, ça peut être: sans évaluer les rendements, on peut... Moi, je crois plus à la mise en valeur, c'est-à-dire... l'investissement fait sur un site pourrait être une mesure plutôt qu'un rendement, donc être sûr que le producteur ait un plan d'affaires qui implique des investissements et que ces investissements-là soient respectés. Puis, si les rendements suivent, tant mieux, mais, éventuellement, si les rendements ne suivent pas, c'est une notion économique, il ne pourra pas survivre. Mais il y a aussi la notion de surexploitation à laquelle il faut faire attention. Donc, c'est pour ça qu'on met un bémol. Oui, les rendements, mais, quelque part ? je pense que vous avez bien exprimé un peu notre idée ? la flexibilité, ici, du producteur doit être quand même respectée.

Mme Normandeau: Mais, M. le Président, le point qu'a soulevé M. Allard tout à l'heure, c'est très important parce que, en fait, quand on dit: On veut éviter des conflits ? c'est ce que vous dites: On veut éviter des conflits avec les autres utilisateurs ? en fait, c'est l'essence même de l'avant-projet de loi qui est déposé, c'est le coeur même. Enfin, c'est notre compréhension de notre côté. Quand on parle de zonage, on fait référence à un mécanisme qui serait adopté pour, justement, minimiser les conflits qui pourraient survenir.

M. le Président, en terminant, j'aimerais peut-être aborder avec les gens du Regroupement un autre point aussi qui est nouveau, c'est le code de gestion des bonnes pratiques, si je peux dire ça comme ça. Ça, c'est à la dernière partie de votre mémoire, où vous avez une liste de propositions que vous avez formulées. Vous souhaiteriez que le ministre puisse tenir compte, en fait, des outils qui seraient développés ou qui sont développés par votre association, qu'on puisse en fait reconnaître le travail que vous faites. Ça me fait penser un peu à l'industrie du homard qui s'est autodisciplinée avec les années, notamment sur les prises. Alors, c'est intéressant que vous ayez déjà une industrie ? comment dire? ? si jeune et que vous ayez déjà cette préoccupation-là en tête, c'est très louable.

Alors, concrètement, est-ce que vous pourriez nous dire, peut-être, où est-ce que vous êtes rendus dans votre réflexion sur le code de gestion des bonnes pratiques? Et, deuxièmement, comment tout ça pourrait s'harmoniser avec les législations à venir par rapport au secteur de l'aquaculture?

M. Morissette (Stéphane): Présentement, le code de bonnes pratiques est adopté par l'ensemble des mariculteurs du Regroupement des mariculteurs; on représente quand même plus de 95 % de la production produite au Québec. C'est un code qui vise à un développement durable de la mariculture. Doit signer ce code toute entreprise qui veut être membre du Regroupement des mariculteurs. Dans le fond, on donnait jusqu'à la prochaine assemblée générale, qui va être au courant de l'hiver prochain, à l'ensemble des entreprises pour signer le code. Donc, à la prochaine assemblée générale, l'ensemble des mariculteurs devraient avoir signé ce code de bonnes pratiques là. C'est un code qui a pris quand même près de deux ans à rédiger et à se concerter pour avoir un code qui représente aussi la jeunesse de notre entreprise et de nos entreprises. Mais c'est un code qui va être évolutif et auquel on pourra adapter l'ensemble des préoccupations que l'industrie aura pour son développement durable.

Le Président (M. Laprise): C'est terminé, Mme la députée de Bonaventure?

Mme Normandeau: Bien oui, en fait, oui. On va arrêter ça là.

Le Président (M. Laprise): Alors, je remercie les participants, la qualité de votre présentation, madame et messieurs, mes collègues également. Et nous ajournons à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 10)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Dion): Alors, mesdames, messieurs, comme vous voyez, il y en a qui sont attendus comme le messie, hein? Ce n'est pas donné à tout le monde. Mais voilà que le quorum est assuré, alors nous allons pouvoir procéder immédiatement.

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association des aquaculteurs du Québec et je vais vous donner la parole pour la présentation de votre mémoire. Vous disposez donc de 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et ensuite il y aura une période d'échange de 40 minutes réparties également entre le parti ministériel et le parti de l'opposition. Alors, vous avez la parole. Je vous demanderais de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne.

Association des aquaculteurs du Québec (AAQ)

M. Roy (Normand): Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre, les membres de la commission. Mon nom, c'est Normand Roy, président de l'Association des aquaculteurs, également producteur de truites pour la Ferme piscicole des Bobines dans la région de l'Estrie, dans la belle région de l'Estrie; également, mon vice-président, M. Yves Boulanger, qui est également producteur de truites, là, dans la région, ici, Mauricie, puis dans la région de Bellechasse.

Moi, je n'avais pas l'intention de faire la lecture de la présentation du mémoire étant donné qu'il avait été déposé. La façon que j'avais pensé de fonctionner, c'est que c'était pour donner un petit historique du début de la production piscicole au Québec, là, lorsqu'il y a eu un intérêt, là, plus fervent de la part de certains investisseurs dans les années soixante-quinze.

Si on remonte au début des années soixante-quinze, la production au Québec était de l'ordre de 43 tonnes environ, 43 tonnes métriques. Cette production servait surtout au marché de l'ensemencement. Le marché de la truite de table n'était pas vraiment développé à cette période-là. C'est arrivé un petit peu plus tard, là, dans les années quatre-vingt, lorsqu'il y a eu un développement un peu plus important au niveau de la production pour le marché visé, là, soit le marché de la truite de table. Il y a eu une augmentation de la production, une augmentation marquée, là, dans les années quatre-vingt par l'implication justement... par les nouvelles politiques gouvernementales. En ce temps-là, je pense, c'était le ministre Jean Garon qui voulait, là, encourager les nouvelles productions, puis aussi, c'était l'autosuffisance au niveau du Québec. Puis, nous autres, on est devenu, en fin de compte, une production importante quand même, là, qui servait soit pour l'ensemencement puis aussi un marché visé qui était le marché de la truite de table. À ce moment-là, aussi, on a été reconnu comme producteur agricole. On avait le droit aussi, également, dans les années quatre-vingt, au financement agricole, qu'on a perdu par après et qu'on a retrouvé, là, dans les années quatre-vingt-dix-huit.

La consommation puis l'augmentation de la production sont allées, en fin de compte, de pair, mais, par contre, la production québécoise n'a pas suivi une part importante de la consommation québécoise, parce que la consommation québécoise, si on revient dans les années quatre-vingt, le produit qu'on pouvait retrouver sur le marché, sur la tablette du consommateur, c'était surtout un produit surgelé qui était de provenance soit de nos voisins du Sud, les Américains, puis également qui venait du Japon. Puis la consommation, elle a commencé à augmenter lorsque les gens ont commencé à transformer leurs truites en filets de truite. Là, c'est là qu'on a connu un engouement pour le produit. La même chose aussi pour le saumon, c'est allé toujours en augmentant.

n(14 h 10)n

Dans les années quatre-vingt-dix, on a connu une stabilité au niveau de la production même à cause des conditions qui n'étaient pas vraiment favorables au niveau des taux d'intérêt puis de l'instabilité aussi au niveau du commerce en général, là, soit canadien ou mondial. Il y a eu un petit regain en 1991-1992, avec une augmentation quand même assez importante de la production, puis il y a eu des nouveaux investisseurs qui se sont ajoutés, là, aux anciens producteurs qui étaient déjà là.

Puis, dans les années 1994-1995 puis les autres années subséquentes, là on a eu un resserrement au niveau des règles environnementales, ce qui a permis, en fin de compte, une stabilisation ou une... en fin de compte, un recul ou un arrêt de l'augmentation de la production. On n'a seulement qu'à penser, en 1993, on avait établi des objectifs de production pour le Québec, là, seulement pour le marché de truites de table, de l'ordre de 3 000 t; cet objectif-là n'a pas été atteint. Est-ce qu'il y a eu une mauvaise coordination des politiques soit gouvernementales ou au niveau des politiques de l'association du temps, ou un manque de moyens financiers, ou des efforts qui n'ont pas été concertés pour ne pas atteindre ces objectifs-là, alors que la consommation, elle a augmenté pour atteindre environ 3 500, 4 000 t juste pour la province de Québec? Ça fait que le manque à gagner de cette consommation-là, bien, nous est arrivé, là, des autres pays, soit du Chili, ou des autres provinces, des Provinces maritimes ou les provinces... surtout la province de l'Ontario.

Également, les élevages dans ces provinces-là ou dans les autres pays... Les élevages se font plus intensivement que nous. On appelle ça des élevages en cage, avec un coût qui est moindre que nous avec nos élevages terrestres. Ça fait qu'à ce moment-là, au niveau de la concurrence, on a plus de difficultés à compétitionner ces gens-là. C'est sûr qu'il faut accepter la mondialisation des produits, puis tout ça, mais la mondialisation, pour certaines choses, c'est plus difficile de rencontrer ces exigences-là alors que, nous autres, on ne peut pas contrôler les règlements qui existent dans les autres régions. C'est-à-dire que, si la réglementation au niveau environnemental est moins sévère dans les autres pays puis que, eux autres, ils nous envoient des produits ici, à ce moment-là c'est plus difficile pour nous autres de compétitionner ces gens-là. Ça fait que c'est important que le ministère s'implique pour aider le secteur.

C'est un secteur où la consommation, elle a augmenté considérablement. Si on compare à d'autres secteurs d'alimentation, je pense que c'est un des secteurs qui a augmenté le plus rapidement au niveau du consommateur. Si on regarde au niveau du saumon, il y avait eu une augmentation de... C'était 0,1 lb de consommation, puis, 10 ans après, ça avait augmenté jusqu'à 1 lb. Ça fait que je ne pense pas... Dans les autres domaines de l'alimentation, il y a eu parfois des baisses d'alimentation.

Depuis l'an 2000, l'Association est devenue un syndicat spécialisé. On s'est affilié à l'UPA pour avoir plus de représentation, plus de force. Là, présentement, je pense qu'on n'a pas atteint notre force de croisière, on n'a pas atteint les objectifs qu'on s'était visés, mais, par contre, il y a des points positifs qu'on doit regarder. C'est qu'au niveau de l'environnement on relevait du secteur industriel. Depuis le printemps, le secteur de la pisciculture ou de l'aquaculture, concernant le dossier de l'environnement, on est revenu, là, dans le secteur agricole. C'est un point positif, parce qu'on est dans une production agricole, puis je pense que les règles doivent être similaires pour chacun des groupes, tandis que le côté industriel, c'est complètement différent.

Aussi, l'autre point positif qu'on doit ajouter, c'est la mise en place d'une table filière qui implique plusieurs intervenants, là, qui touchent directement ou indirectement l'aquaculture. Puis aussi, dernièrement, il y a eu des études de marché, des études de comportement des marchés, puis, d'ici 2015 ou 2030, on prévoit une augmentation considérable de la production soit des salmonidés ou des autres productions. Puis on remarque, dans cette étude-là, que les autres productions, il va y avoir une augmentation plus marquée que dans les salmonidés. Ça fait que ça serait peut-être important, là, lorsqu'on veut encadrer une loi sur l'aquaculture... Étant donné que l'aquaculture peut couvrir les autres espèces, c'est peut-être important de travailler, là, pour élaborer un plan pour peut-être travailler à développer les autres productions ici, au Québec, aussi. Puis les autres productions, on sait que c'est surtout des espèces d'eaux chaudes, puis, avec les contraintes environnementales qu'on vit présentement, ce serait peut-être une façon de développer des méthodes d'élevage en circuit fermé puis avec l'appui du gouvernement.

Aussi, on sait que les pêches commerciales sont en diminution constante, que l'aquaculture devra prendre... éventuellement remplacer les pêches commerciales, mais aussi il faudra penser que, dans cette descente de pêche commerciale... que la pêche commerciale aussi, également, sert d'alimentation pour le poisson d'aquaculture. Il va falloir travailler fort pour le développement et la recherche au niveau... pour trouver d'autres choses qui pourraient remplacer éventuellement la farine de poisson ou améliorer... Il y a la contamination aussi des eaux qui peuvent apporter des problèmes au niveau de la production, là, aquacole. Aussi, on a les règlements sur le captage des eaux qui vont nous toucher. Ça, là-dessus, il va falloir travailler aussi, là, pour adapter les besoins des pisciculteurs à cette nouvelle réglementation là.

Tout ça pour vous dire qu'au niveau de l'avant-projet de loi... la lecture de cet avant-projet de loi là nous a permis de connaître, en fin de compte, l'ancienne loi, qu'on connaissait plus ou moins. Puis il y a des points qui vont se toucher quand même. On n'est pas contre une législation ou un encadrement, et ça prend, pour un développement, là, uniforme ou un développement viable pour les aquaculteurs... Je pense qu'il faut qu'il y ait un encadrement, tandis que l'encadrement, là, qu'on y voit avec cet avant-projet de loi là, c'est que ça donne quand même des pouvoirs importants au ministre qui existaient probablement dans l'ancienne loi, qu'on connaissait un peu moins. Puis on voudrait qu'avec cet avant-projet de loi là il y ait toujours des règlements qui s'y rattachent. Puis les règlements, bien on voudrait quand même que, étant donné qu'on est des personnes les plus concernées au niveau de l'aquaculture, avec les intervenants de la table filière, qu'on soit consulté puis qu'on participe à l'élaboration de ces règlements-là qui vont encadrer la loi.

n(14 h 20)n

Je pense qu'aujourd'hui on doit être ici dans un esprit de construction positive, dans un esprit de transparence également. Je pense que, si on croit à l'aquaculture, on ne doit pas arriver puis dire, parce qu'il y a des choses qui ne nous plaisent pas... d'arrêter puis de mettre des bâtons dans les roues pour nous empêcher d'avancer. Les choses qui nous font peur là-dedans, c'est qu'au niveau de nos entreprises, pour les piscicultures existantes, il y a des lois qui existent, il y a des règlements qui existent. Nous, on a construit nos commerces sur les lois existantes. Avec des changements de lois comme ils vont survenir prochainement, à ce moment-là, on a peur que les entreprises perdent, en fin de compte, leur viabilité et, ensuite, aussi on n'a pas d'assurance de notre pérennité au niveau de nos entreprises. S'il y a un changement de loi ou si le ministre, pour une raison ou pour une autre, décide d'aller en audiences publiques, je pense que c'est difficile pour un particulier ou un producteur d'arriver puis d'aller faire des représentations pour faire valoir ses points. Ça, c'est des choses qui nous font quand même un petit peu, là, peur. Si ces choses-là sont rattachées avec une réglementation, c'est peut-être plus viable. Et aussi il y a la façon de compenser les entreprises qui, pour une raison ou pour une autre, rencontrent toutes les exigences de la loi, mais que, s'il y a un changement au niveau de la réglementation puis que là ils ne peuvent plus rencontrer ces exigences-là, que ces gens-là soient compensés monétairement. Puis, dans le projet d'avant... de loi, là, il n'y a pas rien de prévu là-dedans.

Comme vous le savez, il y a plusieurs lois qui nous régissent, contrairement aux autres productions agricoles. On a la Loi sur les producteurs agricoles, on est régi par cette loi-là. Aussi, on est régi par la loi du zonage piscicole, la loi environnementale qui touche, en fin de compte, tous les producteurs aussi. Maintenant, il y a le règlement sur le captage des eaux, il y a la santé humaine, soit aux niveaux provincial et fédéral, il y a la Loi sur l'aquaculture, la loi sur la faune. On a plusieurs lois, en fin de compte, qui nous touchent.

Puis on voudrait aussi, pour ne pas que ce soit trop contraignant puis pour ne pas faire peur aux investisseurs, parce que dans l'avant-projet de loi il va y avoir... En fin de compte, on va être obligé de remettre... Au niveau des confidences de nos dossiers, le ministre peut avoir le pouvoir de transmettre nos dossiers à d'autres organismes. Ça, on trouve que ce pouvoir-là, il est peut-être trop étendu, là.

Je peux peut-être terminer. Je pense que j'en ai...

Le Président (M. Dion): Il vous reste trois minutes.

M. Roy (Normand): Il va y avoir des questions, puis tout ça, je pourrais peut-être juste terminer, là, avec les deux derniers paragraphes de notre mémoire, là. On dit: Le ministre tout comme les producteurs doivent être prêts à assumer leurs responsabilités et travailler avec les intervenants du milieu pour que l'aquaculture prenne la place qui devrait lui revenir dans l'économie québécoise. Puis, dans ce contexte, on demande de participer à l'établissement du cadre de développement aquacole et au développement de la réglementation entourant la future Loi de l'aquaculture commerciale. En fin de compte, c'est nos demandes. On n'est pas contre un projet de loi ou une loi, mais en autant qu'on soit consulté puis qu'on participe activement aux décisions. À ce moment-là, on est tout à fait d'accord à accepter une loi.

Le Président (M. Dion): Je vous remercie beaucoup, M. le président, pour votre présentation très éloquente. Et, maintenant, je vais donner la parole à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, je veux saluer M. Roy, M. Boulanger et les remercier pour la présentation qu'ils viennent de nous faire. C'est très intéressant, et je pense que la différence avec ce matin, c'est que là on est au niveau de la pisciculture, on est au niveau de l'aquaculture d'eau douce. Et on disait ce matin, on disait en introduction que ça existe depuis presque un siècle au Québec, et là on a une excellente présentation historique de ce secteur-là de la part de M. Roy. Et j'ai bien aimé la partie, là, en particulier depuis 1975 où il y a eu une expansion avec toute la production pour la consommation humaine. On en parlait aussi ce matin.

Ce que je voudrais poser comme question... D'abord, c'est parce que, en lisant votre mémoire, moi, j'avais l'impression que vous aviez comme une espèce de vision un peu noire de l'avenir de la pisciculture, en particulier à cause des problèmes ou des problématiques que vous avez avec l'Environnement même si là, dans votre présentation, je le sais, je le reconnais, vous avez fait mention de points, d'éléments positifs, là, qui s'étaient produits même en ce qui concerne l'Environnement où vous avez été placés dans le secteur agricole et... En fait, vous avez mentionné des éléments positifs, mais moi, c'est ? comment je pourrais dire? ? pour la meilleure compréhension de l'ensemble des membres de la commission, j'aimerais que vous nous parliez un peu des liens ou, enfin, des discussions qu'on a avec l'Environnement et de ce qui se passe. Parce que, moi, je le sais, puisqu'on a eu des rencontres, on a eu plusieurs discussions, etc., les fonctionnaires au MAPAQ nous disent que les discussions vont bon train, que le ministère de l'Environnement, sur la question de la stratégie de développement durable du secteur, qu'on devrait avoir avec les rencontres, les réunions de travail, et tout ça... qu'on devrait arriver à une solution pour régler des problématiques qui existent avec votre secteur et le ministère de l'Environnement. J'aimerais que vous me donniez l'heure juste pour les développements puis si c'est vrai que l'avenir vous paraît si sombre, pour vous, là, les gens de l'aquaculture, de la pisciculture d'eau douce.

M. Roy (Normand): Bien, l'avenir nous paraît si sombre, disons qu'aller jusqu'à la formation de la table filière, lorsqu'on a décidé de travailler en table filière avec les différents intervenants... Là, c'est encore sombre, mais on voit quand même une volonté, là, au niveau du ministère de l'Environnement, de vouloir régler des points importants au niveau de l'aquaculture. C'est certain que si on fait un recul avec les directives de 1999 puis les directives de 2001, il n'y a pas eu vraiment de consultation de la part du ministère de l'Environnement, puis ils ont écrit des directives qui n'étaient pas vraiment acceptables de notre part.

Puis, d'ailleurs, le ministère de l'Agriculture, eux non plus ne pouvaient pas accepter des directives semblables parce qu'elles sont beaucoup trop sévères pour les entreprises déjà existantes. Parce que les entreprises existantes se sont établies avec des règles, puis ces règles-là, avec les années, elles ont changé, puis on met, en fin de compte, les règles tellement sévères que les entreprises, s'il y a un petit changement à faire dans une entreprise, à ce moment-là, il est obligé d'aller devant le ministère de l'Environnement pour redemander un nouveau certificat d'autorisation. Puis le nouveau certificat d'autorisation, avec les directives de 2001, il y a à peu près 90 % des producteurs piscicoles qui ne peuvent pas atteindre les objectifs visés par l'Environnement.

Ça fait qu'en 2001, lorsque la table filière a décidé de regarder pourquoi qu'il n'y avait pas d'augmentation de production au Québec, les gens impliqués dans le milieu ont vraiment... Ce n'était pas vraiment difficile de trouver le problème. Pourquoi qu'il y avait un recul, ou une diminution, ou qu'il n'y avait pas d'investisseurs au niveau de la production, c'était que les règles étaient beaucoup trop sévères. Puis, en travaillant avec les différents intervenants ? les aquaculteurs ou les autres intervenants ? on est venu à élaborer un plan de stratégie de développement durable pour présenter au ministère de l'Environnement qui permettait, en fin de compte, aux entreprises déjà existantes de rester en production puis aussi peut-être à des nouvelles entreprises... de permettre à des nouvelles entreprises ou à des nouveaux investisseurs d'arriver puis d'investir dans l'aquaculture.

Ça fait que cette proposition de développement durable...Pour résumer, en fin de compte, cette proposition au ministère de l'Environnement, c'est qu'on propose au ministère de l'Environnement de réduire nos rejets de phosphore de 40 % annuellement. Ça, c'est avec un objectif à long terme qui... pour atteindre ces objectifs-là qui seraient sur une période de 10 ans. Le dépôt de ce projet a été présenté aux représentants du ministère de l'Environnement. On a eu une rencontre à la fin du mois d'août avec certains dirigeants du ministère de l'Environnement, puis eux ont pris le temps de regarder notre proposition. Puis on n'a pas vraiment élaboré sur les différents points, mais l'approche, en tout cas, nous semble très positive. Lors de cette rencontre-là, ce n'étaient plus les même personnes, là, on dirait. Tu sais, on dirait que c'était mieux, là. En tout cas, c'était dans un esprit positif, puis on dirait qu'ils sont prêts à collaborer pour un développement durable au niveau de l'aquaculture. Parce que c'est beau de dire: On veut protéger l'eau, on veut développer l'aquaculture au Québec, mais on n'a pas les moyens pour le faire, parce que les lois étaient trop sévères.

n(14 h 30)n

Il y a eu une autre rencontre de prévue pour le 16 septembre parce que, dans cette élaboration de cette stratégie-là, c'est important d'établir un portrait des piscicultures au Québec, de connaître vraiment c'est quoi, les piscicultures, elles sont installées de quelle façon, le captage des eaux se fait de telle façon, est-ce que c'est des eaux de surface, des eaux souterraines, est-ce que c'est des bassins en terre, des bassins en béton, des bassins circulaires, connaître un peu la régie de chacun des producteurs.

Ça fait que, là, on a établi que le 16 septembre on donnait nos attentes en tant que producteurs; eux vont donner leurs attentes en tant que responsables de l'environnement. Le ministère de l'Agriculture également va donner ses attentes. Puis on va mettre en place ce portrait-là justement pour être capable d'établir si on est capable d'atteindre notre 40 % de diminution de rejets puis de faire des ajustements tout de suite en partant, plutôt que d'attendre dans cinq ans pour dire: Bien, on ne sera pas capable de les atteindre, ces objectifs-là.

Ça fait que, en tout cas, l'attente ou l'approche du ministère de l'Environnement est très favorable, en tout cas, présentement. Puis je pense qu'on devrait privilégier les producteurs, les gens qui sont déjà en production. Puis on ne veut pas de fermetures. Ça fait que, si on peut privilégier les gens qui sont déjà là... parce qu'il faudra toujours appliquer la clause gagnant-gagnant, il faut que ce soit gagnant pour l'investisseur puis pour l'environnement. Puis, pour les nouveaux investisseurs, bien, il faut que ce soit aussi intéressant. Mais, par contre, pour eux, ce sera plus facile d'entrer dans une production en connaissant les règles, ce sera plus facile pour eux d'établir tout de suite les contraintes ou les avantages pour s'établir dans cette production-là.

Le Président (M. Dion): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Arseneau: Vous voyez, M. le Président, qu'il y a quand même des choses qui se font dans ce secteur-là et qu'il y a aussi des développements.

Mais vous comprenez aussi de la présentation qui nous a été faite que la consommation locale, nationale québécoise est à 4 000 t; on produit 2 000 t. Alors donc, il y a de la place pour augmenter. Et là on est juste au niveau de la pisciculture, juste au niveau des productions en aquaculture d'eau douce. Il faut faire de la recherche. On soutient la SORDAC. Je prends la peine... parce que, ce matin, on recevait les gens de la SODIM et les gens de la mariculture.

Mais vous avez parlé des différents ministères. Je pense que, avec le fédéral, il y a juste le ministère... je ne sais pas c'est quoi, le ministère fédéral qui a un rapport avec votre production. Vous avez parlé aussi de... J'aimerais que vous précisiez avec quels ministères fédéraux, par exemple, vous faites affaire dans votre demande de permis quelconque. Je ne pense pas qu'il y en ait tant que ça. Il n'y en a pas autant en tout cas que Pêches et Océans, que la Garde côtière canadienne, sauf les eaux navigables peut-être. Je ne sais pas si vous faites...

J'aimerais que vous nous parliez un petit peu de l'Ontario, parce que vous avez dit qu'en Ontario ils nous exportent, ils produisent en cages, alors que, nous, on ne produit pas en cages. C'est-y à cause des Grands Lacs, c'est-y à cause des superficies ou... Pourquoi on ne produit pas en cages au Québec? Ou souhaiteriez-vous qu'on puisse produire en cages au Québec, en eau douce?

Vous avez aussi, dans votre mémoire, critiqué le ministre pour le nombre de règlements puis de normes qu'il voulait élaborer, mais vous savez que ça existe dans la loi. Vous l'avez dit tantôt que, dans la loi actuelle, il y en a, puis il y a beaucoup d'éléments qui sont reconduits.

Mais donc, j'aimerais que vous nous parliez de l'Ontario, de la production qui se fait en cages, pourquoi eux ils peuvent produire de cette façon-là et qu'est-ce qui vous empêche. Je sais qu'on a une réglementation et tout ça, mais j'aimerais que vous nous expliquiez les plans d'eau, qu'est-ce qui fait que la différence est telle, puis que vous me disiez si vous êtes intéressés à participer au développement du cadre.

Ce matin, on a parlé beaucoup du cadre de développement qui n'est pas très élaboré parce qu'il faut l'élaborer bien sûr. Mais, nous, on pensait que le cadre devait porter sur le domaine hydrique de l'État, c'est-à-dire les plans d'eau où, le Québec, on a une responsabilité, alors que, vous, c'est souvent sur des terres privées, sur des lacs et tout ça. Est-ce que vous souhaitez participer à l'élaboration du cadre de développement et, si oui, souhaitez-vous qu'on élabore un cadre de développement pour la pisciculture d'eau douce, par exemple, en disant: Dans telle région, il ne faudrait pas qu'il se produise plus que telle quantité, ou des choses comme ça? J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Dion): Oui. Monsieur...

M. Roy (Normand): Avant de...

Le Président (M. Dion): M. le président, juste un moment. Pour favoriser nos échanges, ce serait intéressant si... Ça permettrait de poser plus de questions, si on essayait d'être assez bref dans nos interventions. Alors, je vous donne la parole, M. le président, et après, M. Boulanger.

M. Arseneau: La critique est pour moi, M. le Président, elle n'est pas du tout pour nos invités.

Le Président (M. Dion): Ce n'est pas du tout une critique, c'est une indication pour l'avenir.

M. Arseneau: Ah bon!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Roy (Normand): Il y avait M. Boulanger aussi qui avait peut-être une remarque.

Le Président (M. Dion): Oui. Alors, M. Boulanger en premier.

M. Boulanger (Yves): Peut-être que je peux répondre en même temps puis revenir sur la remarque que je voulais... Pour ce qui concerne l'Ontario, je pense que, historiquement, l'Ontario a été toujours agressif, a axé son plan de développement dans l'aquaculture sur la production de table, contrairement à la production québécoise qui a été bicéphale: production de table puis l'ensemencement. Ce qui fait que, présentement, à cause de ces deux éléments de production, la pisciculture au Québec a su passer à travers les différents coups durs qu'on a eu à subir. Même si on n'est pas compétiteurs au niveau de la table, bien souvent, le marché de l'ensemencement nous a permis de passer à travers. Donc, ça, c'est une première chose. Donc, l'Ontario, déjà au départ, ils se sont axés exclusivement, historiquement, vers la consommation. Donc, ils ont acquis des technologies, ils ont acquis des modes de mise en marché qui sont différents des nôtres.

Deuxième des choses: il y a une dizaine d'années, ils se sont dirigés résolument vers l'élevage en cages, parce qu'ils se sont rendu compte qu'ils pouvaient difficilement compétitionner à partir de l'élevage continental les productions de cages marines. Donc, c'est un constat qu'ils sont arrivés beaucoup plus vite que nous autres. Donc, la force qu'on avait d'avoir l'ensemencement comme produit nous a un peu... restés assis sur nos lauriers, parce qu'on dit: On a un bon coussin en arrière, ce qui fait que la cage s'est développée rapidement, puis surtout aussi que, géographiquement, ils ont accès à des mers intérieures qu'on n'a pas. Donc, ça a favorisé le développement. Mais, aujourd'hui, à l'heure actuelle, ce développement-là semble s'estomper à cause des mêmes problèmes qu'on vit. Ils les ont vécus un petit peu plus tard que nous autres, mais ils vont les vivre, peut-être pas nécessairement au niveau du phosphore, mais d'autres éléments qui sortent de la production, d'éléments de rejets aquicoles. Ils ont aussi les mêmes problèmes de partage de milieu entre les différents intervenants, que ce soit la villégiature, ainsi de suite. Donc, ils se sont développés rapidement, ils ont acquis une autorité, mais je pense qu'on se situe à l'heure actuelle au même niveau, on fait affaire à la même problématique. On a à se redéfinir, on a à trouver une façon autre de faire l'aquaculture, tant qu'à moi, à développer des nouveaux marchés niches, à consolider les marchés qui nous ont favorisés, comme l'ensemencement, pour ne pas le perdre, être capables de faire une aquaculture plus durable. Donc, on a à travailler là-dessus, je pense, puis on se dirige vers ça.

Pour revenir à la question que vous avez soumise tout à l'heure, pourquoi on voyait, dans notre rapport qu'on a remis, une période... on était si sombres... On a eu un moratoire depuis trois ans, entre guillemets, un moratoire fait par le ministère de l'Environnement pour le développement de l'aquaculture au Québec; il ne s'est rien fait dans les trois dernières années, même ils ont eu une régression de la production. Pour des investisseurs, ce n'est pas quelque chose qui est souhaitable. On avait comme allié le ministère de l'Agriculture, qui nous a soutenus à travers des bons programmes de financement qui étaient valorisants puis qui aidaient au développement.

Présentement, avec la nouvelle loi, ce n'est pas qu'elle est tellement différente de l'autre, elle s'apparente énormément; il y a des ajouts, des retraits. Le problème pour les pisciculteurs ou l'aquaculture, en tout cas au moins pour la production aquicole continentale, c'est que le ministre se donne des droits, beaucoup plus de droits qu'il n'en avait avant pour intervenir. Donc, on arrive dans un... Moi, j'ai toujours vu le ministère de l'Agriculture en support à l'industrie, non pas avec une approche interventionniste. De la façon qu'est présentée la nouvelle loi, la force qu'elle donne au ministre d'intervenir, cette loi-là devient beaucoup plus interventionniste, elle vient intervenir directement dans l'approche de la production aquicole. Au lieu de la favoriser et de venir en soutien, elle supporte l'interventionnisme gouvernemental, ce qui n'est pas nécessairement sain.

n(14 h 40)n

Deuxième des points. C'est que, déjà avec le ministère de l'Environnement, lorsqu'il a tout simplement donné un moratoire, il a imposé un moratoire, entre guillemets, il n'y avait que quatre points qui pouvaient favoriser soit la résiliation ou la cession d'un CA, il n'y avait que quatre éléments. Présentement, avec la nouvelle loi sur l'aquaculture, il y a plusieurs éléments que le ministre peut faire pour empêcher la cession, le renouvellement ou intervenir au niveau du permis de production, qui englobe aussi le CA. Donc, c'est ces points-là qui nous font peur, c'est un peu cette partie-là qu'on demande, d'avoir une approche plus positive. Ce n'est pas la loi en soi, c'est plutôt les pouvoirs qu'on se donne, qu'ils soient moins interventionnistes. On n'est pas contre la loi comme telle, c'est cette partie-là. En fait, c'est que, quand un industriel met de l'argent, même avec des programmes de subventions, il en met toujours 65 % qui vient d'investissements propres. Ce qui donne de la valeur à l'entreprise, c'est son CA, c'est ce permis. S'il n'y a plus de pérennité à nos permis ni à nos CA, notre entreprise n'a plus de valeur. C'est ces points-là qui nous font peur. On demande d'être capable de nous garantir au moins la viabilité de nos investissements. Si on s'embarque consciemment puis de bonne foi dans un développement d'une production d'une industrie, qu'on ne se fasse pas, au bout de quatre ans, dire: Écoutez, ce que vous avez fait là, il est plus ou moins valable.

Le Président (M. Dion): Alors, je vais donner la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, M. Roy, M. Boulanger, bienvenue à cette commission, merci pour votre mémoire. J'aurais peut-être une première question à vous poser d'entrée de jeu: Vous êtes en affaires depuis combien d'années, et combien votre entreprise crée d'emplois?

M. Roy (Normand): Vous adressez ça à moi?

Mme Normandeau: Oui, à vous, peut-être, M. Roy. Allez-y.

M. Roy (Normand): Oui, O.K. Moi, je suis en production depuis 1975 ? ça, c'est mon année de référence...

Mme Normandeau: O.K. Vous êtes un pionnier, ça. Oui. O.K.

M. Roy (Normand): ... ? puis je gagne ma vie à temps plein dans l'élevage de la truite depuis 1980, puis, chez nous, on donne du travail pour 12 personnes, sept à temps plein puis cinq partiel...

Mme Normandeau: Et votre production?

M. Roy (Normand): ...parce que, moi, je fais la production et la transformation, je fais les deux, moi. Ça fait que c'est pour ça que mon entreprise déborde un peu d'une entreprise familiale. Parce que l'entreprise familiale débordait à cause de la transformation, on a été obligé d'avoir une main-d'oeuvre supplémentaire. Puis la production, elle est quand même importante, c'est 10 % de la production provinciale, 200 t annuellement.

Mme Normandeau: Donc, vous êtes un gros joueur. Et votre marché, c'est quoi? Le marché américain?

M. Roy (Normand): Moi, 10 % de mes ventes sont faites pour l'ensemencement, soit pour pourvoiries, étangs de pêche, puis le 90 %, il est transformé à la ferme, puis c'est un marché québécois régional et provincial également. On couvre un petit peu les marchés canadiens, mais très peu.

Mme Normandeau: Bien. M. Boulanger.

M. Boulanger (Yves): Je suis un petit peu plus vieux que Normand, moi. On a commencé en 1972, depuis 1978 qu'on en vit. Notre entreprise, à l'heure actuelle, est responsable de 27 emplois dont quatre à temps partiel; le reste, c'est tout du temps plein. C'est un regroupement d'entreprises, on a cinq piscicultures. Donc, on produit annuellement au-delà de 300 t par année. Nos marchés sont destinés à la fois à l'ensemencement à peu près pour 30 %, le reste est pour la table, puis une faible partie du tonnage, mais qui représente une forte partie de nos revenus, c'est la production d'oeufs de reproduction qu'on vend aux niveaux canadien, américain, européen puis asiatique. Donc, on a une production d'oeufs spécialisée qui est reconnue un peu partout. Donc, ça, c'est notre marché.

Mme Normandeau: C'est intéressant, M. le Président, de poser cette question-là, parce que ça nous permet d'avoir un portrait, évidemment, de l'industrie. Au niveau de vos oeufs, vous avez du succès, oui? Ils sont reconnus?

M. Boulanger (Yves): Jusqu'à tout récemment, on avait un bon succès. Là, avec les problèmes environnementaux, ça a défait un peu notre stratégie d'affaires. Mais, quand même, la demande est en croissance, surtout à cause des problèmes sanitaires qui existent un peu partout. Donc, le Québec, à cause de sa qualité d'eau... Quand même, son isolationnisme, au point de vue territoire, fait qu'on a des qualités, au point de vue sanitaire, importantes puis on a des produits qui sont spécialisés au Québec. L'omble de fontaine, l'omble chevalier, c'est des produits qui n'existent pas, puis la qualité d'eau, la température fait qu'on est à peu près les seuls capables de produire, au niveau de reproduction, ces produits-là. Donc, il y a une forte demande dans les autres pays à cause des problèmes de maladie, des problèmes... Donc, la demande est croissante.

Mme Normandeau: Bien. Puisque vous parlez de conditions sanitaires, je vais faire le pont avec tout l'aspect lié à l'environnement, c'est un des arguments importants de votre mémoire. En fait, je vous dirais que c'est la pierre angulaire de votre mémoire, sur l'interaction qui existe entre votre industrie et les règles qu'on retrouve au ministère de l'Environnement.

Vous dressez des constats assez sévères, et tout à l'heure le ministre évidemment s'inquiétait que vous dressiez un portrait aussi sombre, mais je dois vous dire que vous savez certainement de quoi vous parlez. En fait, vous dressez des constats qui sont inquiétants, et je vous dirais que, de l'extérieur, on a l'impression que, du côté de l'environnement ? puis je fais référence peut-être à la question liée aux rejets ? on a l'impression que personne ne veut prendre ses responsabilités, que le ministère de l'Environnement a de la difficulté à établir des normes bien précises notamment au niveau des rejets de phosphore, ce qui fait en sorte que finalement personne ne veut se mouiller dans le dossier et ce qui fait que vous êtes obligés, là, de toujours nager finalement entre deux eaux, c'est le cas de le dire ici. Et votre constat évidemment est inquiétant parce que vous nous dites que, malgré les indications, les engagements qui ont été pris sur le plan gouvernemental ? notamment vous faites référence aux lignes directrices qui devaient être conçues en 1999, aux orientations qui ont été publiées en 2001 ? malgré tout ça, en fait, il n'y a rien de concret qui a été fait, il n'y a rien d'officiel qui a été adopté au niveau d'une législation qui se tienne. Et tout ça bien sûr hypothèque votre industrie. Vous faites référence à la relève. En fait, il n'y a carrément pas de relève dans votre secteur. Ça, c'est inquiétant, et vous dénoncez le fait que le secteur est trop réglementé. Moi, j'aimerais ça qu'on en parle un peu plus parce que... puis vous parlez même d'expropriation déguisée, carrément, dans le cas de certaines piscicultures qui ont dû fermer leurs portes, à la page 8 de votre mémoire.

Il me semble que là c'est la pierre angulaire de tout. Parce que ce matin, évidemment, on était dans le secteur, là, dans le secteur de la mariculture qui est une autre dynamique, mais les intervenants qui sont venus ce matin, la SODIM et le Regroupement des mariculteurs, ont dénoncé effectivement le fait qu'on a trop de législations, le manque d'harmonisation entre le fédéral et le provincial. Dans votre cas, vous semblez dire: Écoutez, le ministère de l'Environnement nous tape sur la tête puis, nous, ça nous pose des problèmes au quotidien.

Qu'est-ce qui ferait, dans un monde idéal... parce que vous dites carrément que l'industrie est freinée avec la réglementation qui existe. Alors, évidemment, pour permettre un véritable développement de votre industrie, qu'est-ce que le... Bien, ici, vous avez le ministre de l'Agriculture qui est devant vous, qui a certainement un rôle important à jouer avec son collègue de l'environnement, là, pour qu'on puisse effectivement créer des conditions facilitantes pour votre secteur. Alors, qu'est-ce que vous souhaiteriez avoir du côté du ministère de l'Environnement pour vraiment vous permettre une vitesse de croisière qui vous permettrait notamment de combler le manque, par exemple, le potentiel qui existe au niveau québécois? Le ministre y a fait référence. Il y a 2 000 t à combler, là. Donc, vous produisez chacun 300 t, 200 t. Donc, on voit qu'il y a de la place évidemment pour d'autres producteurs.

Alors, aujourd'hui, vous êtes en commission parlementaire, vous avez la chance de nous envoyer votre message puis de travailler dans un esprit constructif. Alors, qu'est-ce qu'on devrait faire, du côté du ministère de l'Environnement, pour vraiment vous permettre de vous déployer toutes grandes les ailes pour créer encore davantage d'emplois dans le secteur?

M. Roy (Normand): Qu'est-ce qu'on devrait faire sur le côté Environnement? Je pense que c'est plus à l'Environnement de dire: Là, maintenant, on travaille avec les aquaculteurs, avec un développement... Avec notre dépôt de document qui s'intitule Stratégie de développement durable, c'est ça, c'est notre approche pour vraiment... Parce qu'on travaille avec une richesse qui est infinie, mais on veut protéger cette richesse-là, nous autres, puis on veut quand même apporter un apport économique aux régions aussi pour garder les régions ouvertes, donner du travail aux gens des régions, puis on veut... En fin de compte, ce qu'on veut de l'Environnement... C'est qu'il y a eu deux accidents de parcours qui, en fin de compte, ont entaché l'image des aquaculteurs.

Mme Normandeau: Le lac Heney?

M. Roy (Normand): Comme je dis, ce n'est pas parce qu'il y a eu deux accidents de parcours qu'on doit fermer toute l'industrie parce qu'il y a eu deux accidents. S'il fallait fermer les autoroutes parce qu'il y a un accident mortel, on ne voyagerait pas sur les routes aujourd'hui, on voyagerait par les airs. Ça fait que c'est pour ça qu'on dit à l'Environnement: Laissez-nous un petit peu le temps de respirer.

Puis, pour la pisciculture, pour les gens qui sont déjà établis en pisciculture, on devrait appliquer la ligne de gagnant-gagnant. Si l'agriculteur ou le pisciculteur est prêt à investir pour améliorer les conditions de l'environnement en diminuant ses rejets de phosphore ? parce que, la stratégie, on diminue de 40 % les rejets de phosphore ? je pense qu'au niveau des industriels ou au niveau de l'industrie, en général, je pense que c'est un effort important, au niveau des pisciculteurs, qu'ils vont faire d'ici les prochaines années si l'Environnement accepte cette approche-là.

n(14 h 50)n

Puis, aussi, au niveau des directives de 2001, c'est que l'approche était beaucoup trop sévère. Au niveau des objectifs de rejet pour les piscicultures déjà existantes, c'est presque impossible d'atteindre ces objectifs-là, des objectifs de rejet au niveau... dans les cours d'eau où on est installé. Ça, on est d'accord avec ce qu'on a vécu, là; les rejets dans les lacs puis tout ça, c'est une situation qui est plus difficile à vivre.

Mais, dans les cours d'eau, c'est toujours les conditions les plus difficiles que l'Environnement va prendre pour faire ses bases de calcul, parce que, si on prendrait des bases de calcul sur une moyenne annuelle, au niveau des débits des cours d'eau, à ce moment-là, on serait peut-être 10 fois moins polluants. Mais, ça, c'est juste théorique, là. Au niveau pratique, c'est la réalité qu'on devrait vivre puis ce n'est pas le cas présentement, parce qu'on prend toujours des bases théoriques très, très rigides. Puis c'est pour ça qu'on arrive puis qu'on nous considère comme des pollueurs, alors que, si on regarde l'industrie aquacole, c'est une des industries qui pollue peut-être le moins.

Parce que l'ensemble des producteurs piscicoles au Québec polluent moins qu'une industrie qui est située sur la rive sud à Montréal. C'est parce que, nous autres, on a des rejets ponctuels; ça fait qu'à ce moment-là c'est plus difficile à contrôler, parce que, le phosphore, lorsqu'il est dissout dans l'eau, avec les débits d'eau qu'on utilise, on utilise quand même un gros potentiel hydrique, à ce moment-là, il devient dissout, puis les technologies abordables présentement font qu'on ne peut pas les appliquer en pisciculture. Ça fait que c'est pour ça que les rejets de phosphore... Le phosphore, il est plus difficilement récupérable à cause de la technologie qui n'est pas à jour ou qui est trop dispendieuse, là.

Ça fait que, l'Environnement, l'approche qu'on a eue avec eux, si eux ? nous autres, on est prêts à travailler ? sont prêts à travailler, qui semble... en tout cas, l'approche qu'on a eue dernièrement, qui semble être positive, si cette approche continue d'être positive, on va arriver à quelque chose de réaliste. Puis je pense que le développement pourra se faire au Québec. Puis il y aura un développement durable qui s'appliquera pour les piscicultures existantes, en autant que la règle du gagnant-gagnant s'applique. Puis, après ça, les nouvelles entreprises, bien, eux autres, elles auront à se conformer avec les règlements ou les politiques qui s'appliqueront pour elles, pour le démarrage, là.

Mme Normandeau: M. le Président, si vous permettez. Dans le fond, vous dénoncez l'approche matraque du ministère de l'Environnement, carrément. Mais ce qui est plus surprenant, sur la base de ce que vous avancez dans votre mémoire, c'est que vous faites référence à des études qui existent déjà. Notamment, bon, dans le mémoire, sur le rejet des phosphores et tout ça, vous dites: Ça existe, il y a des recherches qui ont été faites. Puis, pourtant, on ne s'appuie pas sur ces études-là pour, dans le fond, établir un cadre qui permettrait, comme vous le dites si bien, à tout le monde d'être gagnant-gagnant.

Mais, en même temps, vous êtes conscient que le défi, c'est de trouver l'équilibre, le meilleur équilibre pour tout le monde, finalement, autant pour vous que pour la population ou l'intérêt public lié justement à la protection de l'environnement. Alors, évidemment, à partir de ça, ce que vous dites, c'est que, dans l'état actuel des choses, si le ministère de l'Environnement ne change pas son approche, ce que vous nous dites, c'est la mort de l'industrie, carrément. Est-ce que vous êtes prêt à aller jusque-là?

M. Roy (Normand): C'est ça. J'ai toujours affirmé, moi, voilà deux ans, que, si l'approche n'est pas constructive puis l'approche ne change pas, il y a 90 % des entreprises qui sont appelées à disparaître au Québec. Ça fait qu'oublions, en fin de compte, la production aquacole. Il va falloir l'oublier. Parce qu'il ne faut pas oublier que la production, elle apporte quand même... À la ferme, ce n'est pas bien, bien important. C'est peut-être un chiffre d'affaires de 16 millions. Mais, si on regarde au niveau de l'ensemencement, par exemple, c'est plusieurs millions que ça rapporte. Puis tous ceux qui vivent à la Fédération des pourvoyeurs, eux autres, ils ont besoin de ce poisson-là, parce que ça génère beaucoup d'emplois, ça, là. C'est des emplois indirects qu'on n'a pas parlé; on a parlé de nos emplois à nous. Mais les emplois indirects, ça en crée beaucoup.

Mme Normandeau: Mais vous l'avez dit, là, pour 100 emplois directs créés, ça crée 41 emplois indirects. Mais, dites-moi... Vous, comme producteur, dites-nous donc, concrètement, ce que vous devez faire pour vous conformer aux règles environnementales. Sur votre ferme, au niveau des rejets, vous avez augmenté votre débit d'eau. Y a-t-il une technologie quelconque que vous devez utiliser, que vous êtes contraint d'utiliser justement pour minimiser les effets sur l'environnement? Racontez-nous donc comment ça se passe au quotidien chez vous, sur votre ferme. Là, vous riez, je ne sais pas si ça augure bien.

M. Roy (Normand): Dans l'approche... C'est parce que je suis un type quand même positif dans la vie, tu sais; puis, moi, il n'y a rien qui me fait peur, tu sais. C'est parce que, le problème, je vais être obligé de refaire ma pisciculture au complet. C'est ça qui est le problème chez nous. Mais je suis prêt à affronter le défi. Si on a une garantie que notre certificat d'autorisation peut être transférable, qu'on peut avoir la clause grand-père puis on peut assurer une viabilité à l'entreprise, une pérennité à l'entreprise, je suis prêt à faire les sacrifices puis à faire les changements, parce que j'y crois. On est les premières générations, nous autres, au niveau des aquaculteurs au Québec. Puis, si on veut que nos entreprises soient viables puis qu'elles soient transférables, on est prêts à faire les changements, mais on n'est pas prêts à les faire à n'importe quel prix, par exemple. On n'est pas prêts à ce qu'au bout de 10 ans les règles changent encore une autre fois puis que, là, on ne soit plus conformes. Il va falloir que ce soit établi une fois pour toutes que c'est ça qu'on veut, là, puis qu'on va de l'avant avec ces nouveaux changements-là.

Mais je pense qu'en assemblée annuelle, en assemblée spéciale, au mois de février cette année, les membres en assemblée ont accepté la stratégie du développement durable puis ils ont accepté d'essayer de diminuer les rejets de phosphore pour que justement ça devienne un développement durable. On veut que ce soit durable, mais on a besoin de l'aide des gouvernements par exemple: l'aide financière, le support. Il n'y a pas juste... Il y a les techniques aussi. Il y a plusieurs supports qu'on a besoin. Bien, ça, personnellement, je suis prêt à faire les changements pour la génération future, en fin de compte, puis pour que notre richesse perdure aussi. Ça, on est prêt à le faire, le changement.

Le Président (M. Dion): M. Boulanger, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Boulanger (Yves): Bon. Normand, je pense qu'il a...

Le Président (M. Dion): Ça va. Mme la...

M. Roy (Normand): Juste pour M. le ministre. Il avait posé, dans le cadre de développement... Avant de l'oublier, je voudrais répondre à cette question-là, si vous me le permettez.

M. Arseneau: Allez-y sur le temps de Mme Normandeau, de la députée de Bonaventure. C'est parfait.

M. Roy (Normand): Dans le cadre de développement aquacole, même si ça touche le domaine de l'État, on voudrait quand même faire partie de l'élaboration de ce cadre-là, parce que, en supposant que la production qui doit se faire... si jamais la production peut se faire en cages puis qu'ils décident de faire ça en Gaspésie, la mise en marché, notre mise en marché va être influencée par ça, à ce moment-là, c'est important. Il y a le type d'espèce de poissons qu'on va élever, il y a la santé du poisson, il y a la gestion de nos entreprises. C'est important qu'on soit là, je pense, parce qu'on représente, en fin de compte, le milieu. Même si c'est dans les eaux de l'État, là, ça peut quand même nous toucher, parce que les rivières navigables, c'est quand même proche de chez nous, des fois, puis ça peut peut-être nous toucher s'il se fait de l'élevage en cages.

Le Président (M. Dion): Oui. M. Boulanger, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Boulanger (Yves): Il y a un autre aspect ? je pense que Normand Roy l'a souligné un peu, l'a touché. S'il y a un autre aspect qui nous inquiétait, c'est que la nouvelle loi était faite aussi beaucoup pour les eaux publiques, pour contenir la réglementation au niveau des eaux publiques. On a essayé de faire une loi qui avait l'air mur à mur. Mais, les eaux privées, ce qu'on exploite présentement au niveau terrestre, continental, c'est privé. On n'a pas nécessairement... Que le ministère, que le gouvernement cherche à protéger ses biens propres, qu'il établisse des lois particulières pour son bien propre, je pense que, ça, c'est légitime. Les gens qui vont avoir des baux à signer, ils savent dans quoi ils s'embarquent, ils savent où ils s'embarquent. Mais, tandis qu'au niveau privé, ça nous appartient, on n'a peut-être pas à subir les mêmes genres de contraintes avec une loi qui semble... en tout cas, qui nous semble mur à mur.

Le Président (M. Dion): Il vous reste deux minutes, Mme la députée.

Mme Normandeau: Bien, deux minutes pour parler d'élevage en cages, parce que tout à l'heure la Fédération québécoise du saumon atlantique va venir nous dire qu'elle s'objecte formellement à ce type d'élevage là. Vous savez qu'il y a un zonage piscicole qui existe au Québec, qui exclut, par exemple, la Gaspésie. Dans le cas de Newport, là, on a eu un débat assez épique chez nous, là. Bien, ça fait déjà presque deux ans maintenant. Finalement, l'usine est virée aux bleuets. C'est pour vous dire comme quoi ça a changé. On est en train de relancer une usine à Newport.

J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que... et je vais vous dire qu'il n'y a pas unanimité au Québec, là, sur l'élevage en cages. Ce n'est pas évident, parce qu'on ne connaît pas nécessairement... Les gens disent: Il faut faire des évaluations environnementales si on décide d'aller de ce côté-là. J'aimerais peut-être vous entendre un peu plus là-dessus. Vous avez, vous-même, je pense, M. Boulanger, soulevé le fait que l'Ontario payait un peu de ses erreurs, du choix qu'elle avait fait. Tout à l'heure, c'est ce que j'ai compris au niveau de l'élevage en cages. Est-ce que l'industrie piscicole au Québec a absolument besoin qu'on se dirige vers un élevage en cages? Est-ce que c'est salutaire pour l'industrie?

n(15 heures)n

M. Boulanger (Yves): Regardez, là, je pense que j'ai de la misère à répondre pour l'ensemble des régions. Je pense qu'il y a peut-être des régions où l'élevage en cages serait propice, qu'il y aurait des potentiels importants. Pour y avoir participé, avec la SODIM, pour le développement dans la Baie-des-Chaleurs, je trouve que les études... ce qu'ils nous demandaient, c'était très contraignant. Je pense qu'il n'y a pas une société, à l'heure actuelle, que ce soit canadienne ou ailleurs dans le monde... arrivait à demander autant de contraintes pour être capable même de partir un projet-pilote, pour savoir si ça avait un impact ou non. Donc, moi, je trouve, à un moment donné, l'abus... Puis il y avait un peu d'abus. Si on veut empêcher le développement, il y a deux façons d'y arriver, mettre assez de contraintes que ça va prendre tellement de temps, quand on va arriver à des résultats, qu'on va être déjà 15, 20 ans en arrière de tout le monde... Donc, on va arriver à la conclusion que commercialement ce n'est pas développable.

Donc, je pense que, oui, il faut faire attention, c'est bénéfique au niveau des producteurs, de l'industrie d'aller voir l'impact environnemental éventuellement, puis ça donne des résultats aussi, voir si ça va avoir des impacts sanitaires sur le produit. Ça, c'est bénéfique, mais d'en mettre... d'y aller à outrance, je pense qu'il y a un équilibre à produire. Puis, à l'heure actuelle, cet équilibre-là, là, à cause d'une peur inconsidérée ? je ne sais pas quelle place qu'elle vient ? qu'on met des restrictions par-dessus des restrictions... Puis, encore là, on se fait accuser qu'il y a des cages qui flottent. Il y a juste des bouées qui flottent, puis le homard est déjà disparu, là. Donc, quand on arrive à des conclusions même, là, on peut penser qu'il y a une mauvaise volonté.

Le Président (M. Dion): Oui. Merci beaucoup. Alors, il reste deux minutes pour M. le député de Gaspé.

M. Lelièvre: Très court, M. le Président. Alors, tout à l'heure, vous nous avez mentionné que vous aviez énormément de difficultés à faire face à la mondialisation, c'est-à-dire à la production concurrentielle qui provient des autres pays parce qu'ils n'auraient pas les mêmes normes. Mais est-ce que votre Association a une veille pour savoir qu'est-ce qui se passe un peu partout dans le monde? Comment vous vous documentez sur ces sujets?

M. Roy (Normand): On a des représentants au niveau du ministère de l'Agriculture qui nous informent régulièrement. Puis, après ça aussi, étant donné que, moi, je fais affaire avec les marchés, au niveau du marché de consommation, je connais à peu près les prix, là, que le poisson arrive. Il y a eu des voyages de faits... Si je prends comme le pays, là, le Chili, il y a eu un voyage de fait, là, d'organisé par le ministère de l'Agriculture, il y a des intervenants qui sont allés à ces rencontres-là. Les salaires, dans ce pays-là, c'est 10 $ par jour, les salaires sont plus bas qu'ici. Après ça, les matières premières sont moins dispendieuses là-bas. L'élevage est plus intensif, les températures d'élevage sont plus clémentes qu'au Québec. Nous autres, on a le climat aussi qui est en notre défaveur. Ils ont tous ces avantages-là que, nous, on n'a pas. Ça fait qu'à ce moment-là... Ce qui fait que, eux autres, ils peuvent vendre à meilleur coût leurs produits ici, rendus au Canada. On a parlé de l'élevage en cage en Ontario, l'élevage en cage, le coût est moins élevé que nous. Ça fait que...

M. Lelièvre: On aura l'occasion d'en discuter avec le groupe qui va suivre, parce qu'il ne reste plus de temps, je crois?

Le Président (M. Dion): Non, c'est ça, on a épuisé le temps qui nous était consacré. C'est malheureux, parce que c'est extrêmement intéressant, mais je remercie les représentants de l'Association des aquaculteurs du Québec et j'invite les représentants de Mines Seleine à prendre place pour continuer les entrevues.

Nous allons suspendre cinq minutes pour donner le temps à chacun de faire le nécessaire.

(Suspension de la séance à 15 h 4)

 

(Reprise à 15 h 11)

Le Président (M. Dion): Alors, je demanderais à chacun de reprendre place afin que nous puissions poursuivre nos échanges et je souhaite la bienvenue aux représentants de Mines Seleine à qui je donne la parole afin que vous puissiez vous présenter et présenter les gens qui vous accompagnent. Vous connaissez déjà les règles, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, et après il y aura des échanges de 40 minutes se répartissant de façon égale pour les deux côtés. Alors, vous avez la parole.

Mines Seleine

M. Leblanc (Guy): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, bonjour. Je suis Guy Leblanc. Je suis vice-président à la production et l'administration pour La Société canadienne de sel. C'est La Société qui exploite la mine de sel aux Îles. Je suis accompagné de Mark Joncas, à ma gauche, qui est directeur de la mine aux Îles, de Me Brière et de Guy Genois, qui est directeur du transport maritime pour La Société canadienne de sel.

Je vais essayer de vous donner un peu l'historique de Mines Seleine, de situer Mines Seleine géographiquement dans le contexte de la lagune, et de l'aquaculture, et du dragage, et du chenail, etc. La construction de Mines Seleine a débuté en 1979 et s'est terminée vers 1982. La mise en production s'est faite à la fin 1982, automne 1982. De 1982 à 1988, Mines Seleine a été exploitée par SOQUEM. En 1988, SOQUEM a vendu Mines Seleine à La Société canadienne de sel. La production annuelle de Mines Seleine est aux environs de 1,2 à 1,5 million de tonnes métriques par année de sel de déglaçage. Mines Seleine procure 200 emplois directs aux Îles-de-la-Madeleine, permanents, et le transport du sel des Îles se fait par bateau via un chenail de 10,2 km qui traverse la lagune de Grande-Entrée.

À ce moment-ci, là, je vous référerais à la page 2 de notre document, de notre... C'est un plan de la lagune et de notre chenail. Le chenail a 10,2 km. Il traverse la lagune pour aller jusqu'à Grosse-Île où la mine est située. Sur un côté du chenail, il y a des exploitations. Il y a des parcs de pétoncles, un parc de moules bleues puis deux parcs des pétoncles princesses. Quand on regarde les distances, on voit que les pétoncles princesses, il y a un parc qui est situé à 600 m, un à 700 m et un parc de pétoncles princesses à 800 m du chenail. On voit aussi, sur le côté droit, un dépôt D. Le dépôt D, c'est un dépôt sous-marin qu'on utilise lorsqu'on drague le chenail.

Le chenail a été dragué initialement en 1980, 1981, 1982. Ensuite, on a fait des dragages d'entretien. Le premier dragage d'entretien a eu lieu en 1992, et, depuis ce temps-là, on a fait un dragage en 1997 et on a fait un dragage cet été, en 2002. À chaque fois qu'on fait un dragage d'entretien, on prend le matériel dragué, on apporte ça au dépôt D. Et, pour faire ça, on a deux permis: on a un permis au niveau de fédéral qui est annuel, qui nous donne la permission de déposer les rejets de dragage ou le matériel dragué sur le dépôt D; on a aussi un permis d'Environnement Québec qui a été émis en 1992 pour une période de 10 ans, qui s'échelonnait de 1992 à 2002, pour le dragage d'entretien du chenail. Ce permis-là nous a été accordé après une étude d'impact qu'on avait débutée en 1989.

La lagune de Grande-Entrée est utilisée pour de la pêche commerciale, le hareng de l'Atlantique, d'avril à septembre, et aussi un peu pour le maquereau bleu. Mais elle est utilisée pour l'aquaculture. Il y a des exploitations de moules bleues qui ont débuté en 1992 et, plus récemment, les exploitations de pétoncles qui ont débuté en 1998.

À Mines Seleine, on expédie le sel du 1er avril au 31 décembre. On expédie environ 70, 75 navires par année au Québec, dans les Maritimes et sur la côte est américaine. On est obligé, environ tous les cinq ans, de faire un dragage d'entretien pour s'assurer de la sécurité des expéditions, du transport puis aussi pour s'assurer qu'on expédie les navires avec une pleine capacité. Quand il y a de l'ensablement, le navire... on est obligé de diminuer la capacité d'expédition par navire, nos coûts augmentent.

Comme je disais, le chenail est de 10,2 km. On a deux permis, le fédéral et provincial.

À ce moment-ci, je vous demanderais de regarder la page 8 de notre document. À la page 8, la figure 2, c'est des mesures d'atténuation qui sont déterminées ou qui sont dans nos permis de dragage au fédéral ou au provincial. Sur le côté gauche, vous avez les secteurs, les secteurs à l'intérieur de la lagune, la passe et l'extérieur. Et, ensuite, vous avez les espèces que l'on retrouve dans la lagune: la plie rouge, le frai du hareng, les larves de moules bleues, la migration du homard, qui migre dans la lagune vers l'intérieur, vers l'extérieur, dispersion des larves de homards, dispersion des larves de pétoncles.

Ce calendrier-là nous donne des contraintes selon les activités biologiques qui se passent dans la lagune. On peut voir en bas, à droite, là, il y a des périodes où on ne peut pas draguer du tout, il y a des périodes où on drague avec la drague remplie à 60 % de sa capacité, il y a des périodes où le dragage est autorisé un jour sur deux, deux jours sur trois, puis il y a aussi des périodes où il n'y a pas de contraintes.

Les trois derniers dragages qu'on a faits, on a fait avec des dragues suceuses-porteuses à élindes traînantes, c'est-à-dire que c'est des dragues hydrauliques qui sucent le sable dans le navire, puis on transporte ça jusqu'à notre endroit, notre site, notre dépôt. Pourquoi on utilise cette drague-là? À cause des contraintes qu'on a, au point de vue environnemental, de réduire au maximum les matières en suspension. C'est le type de drague qui répond le mieux à ce critère-là.

n(15 h 20)n

Quand on a obtenu notre permis en 1992, les parcs de moules s'installaient à peine. Lors du premier dragage, il y avait un peu de moules. Depuis ce temps-là, depuis 1998, il y a les parcs de pétoncles. Le critère pour les matières en suspension pour les moules ? le critère qu'il ne nous fallait pas dépasser ? c'était 100 mg par litre. Avec l'arrivée des pétoncles, le critère, maintenant, est rendu de 10 mg par litre. Ça veut dire que, quand on drague, et on suce le sable, et on met ça dans la drague, il faut s'assurer que le... Parce qu'il y a de l'eau qui surverse, il faut s'assurer que, dans l'eau qui surverse, les matières en suspension qui vont atteindre les parcs de moules et de pétoncles ne soient pas plus que 10 mg par litre. Ça fait qu'au début on n'avait pas cette contrainte-là parce qu'il n'y avait pas de parcs. Quand les moules se sont installées, la contrainte a été établie à 150 mg par litre et, maintenant, cet été, lorsqu'on a fait le dragage, la contrainte était rendue à 10 mg par litre.

Pour le dragage d'entretien de 2002, les exigences d'Environnement Canada ont été grandement augmentées dû à la présence des parcs de pétoncles, et ces exigences-là portaient sur la réalisation de bioessais sur les sédiments à draguer, la mise en place d'un programme de surveillance des concentrations des matières en suspension à proximité de chacun des parcs 24 heures sur 24 ? parce que la drague, elle drague sept jours, 24 heures sur 24; ça fait que, tout le temps qu'il y avait du dragage, il fallait avoir une équipe pour surveiller le matériel en suspension ? la réalisation d'un programme d'analyse de la bioaccumulation de l'arsenic, du cadmium et du cuivre dans la chair des moules et des pétoncles puis sur la collecte d'échantillons pour l'analyse des risques à la santé humaine.

Tous ces programmes et ces études-là ont été défrayés entièrement par Mines Seleine et totalisent, pour 2002, plus de 150 000 $. Cette somme ne tient pas compte des coûts additionnels du dragage imputés aux contraintes opérationnelles qui sont imposées ? dragage deux jours sur trois, chargement de 60 % de la drague pour diminuer la surverse, donc on diminue la capacité de la drague ? ni des coûts additionnels qui sont générés pour l'obtention des permis environnementaux compte tenu d'une utilisation biologique ou commerciale accrue de la lagune de la Grande-Entrée.

C'est un peu l'histoire puis les contraintes qu'on fait face avec le dragage. Maintenant, on est rendu que notre permis est terminé au provincial. Il va sans doute falloir produire une autre étude d'impact. Cette étude d'impact là, pour les futurs dragages, va devoir tenir compte des parcs de moules et de pétoncles. C'est tout cet ensemble de contraintes là que... On voit ça de plus en plus, les exigences augmentent.

À ce moment-ci, pour discuter plus du cadre législatif, je vais laisser la parole à Me Brière.

M. Brière (Jules): Merci.

Le Président (M. Dion): Me Brière, vous avez la parole.

M. Brière (Jules): Merci. J'ajouterais peut-être, pour conclure sur les contraintes, que, si vous regardez la carte n° 1, là, qui indique les lieux géographiques, vous verrez que le dépôt D, qui est indiqué ici, requiert l'obtention d'un permis de Pêches et Océans Canada. Et la réglementation fédérale est ainsi faite que, au fond, selon le principe de la queue du chat, en réglementant le dépôt, finalement on réglemente le dragage ou la manière de faire le dragage des résidus qui y sont amenés, de sorte qu'il y a une couche de réglementation et d'exigences environnementales fédérales qui s'appliquent par ce biais-là en plus des exigences environnementales québécoises qui sont imposées par le ministère à titre de propriétaire ou de bénéficiaire de la propriété du fond qui est dragué. Alors, il y a des contraintes, si vous voulez, réglementaires qui sont nombreuses et à cause de l'implantation des établissements aquacoles dans le milieu en question, et ça, ça soulève bien, je pense... c'est un exemple excellent du problème de compatibilité des usages d'un milieu marin.

Et, comme on le sait, c'est un problème un peu éternel, il n'y a pas de forum pour discuter des divers usages ou de la priorité d'usage en milieu hydrique, et c'est une préoccupation que Mines Seleine désire faire valoir devant cette commission. Et cette préoccupation-là pourrait se traduire ou pourrait avoir une réponse dans le projet de loi qui sera rédigé à la suite des consultations faites sur cet avant-projet de loi. Il y a des instruments, ici, qui sont... qui se prêtent, en tout cas, à la possibilité pour le ministre de tenir compte des divers utilisateurs, la première étant celle du cadre de développement qui est prévu dans la loi ici. Ce cadre de développement devrait tenir compte, selon nous, de l'ensemble des utilisateurs, disons, des besoins, et des préoccupations, et des contraintes opérationnelles qui sont imposés à l'ensemble des utilisateurs.

Deuxièmement, lorsque le ministre délivre un permis, il est prévu ici que c'est un pouvoir lié et que le ministre doit... Il peut imposer des conditions, mais toute personne qui respecte les conditions qui sont déterminées soit par règlement ou soit par le ministre a droit d'obtenir le permis. Nous pensons que le ministre devrait peut-être se garder une certaine marge discrétionnaire pour évaluer un ensemble de facteurs qui devraient être pris en compte avant la délivrance d'un permis, dont l'impact sur les entreprises qui exploitent d'autres activités dans le secteur.

Et nous souhaiterions que le processus de délivrance des permis ait un caractère plus transparent. Nous ne suggérons pas qu'il y ait des audiences publiques, etc., avant l'émission d'un permis, mais lorsque le permis... par exemple, lorsqu'une demande de permis est faite, on peut imaginer très bien que le demandeur ait l'obligation d'en faire la publicité, d'annoncer qu'il a fait une demande, de sorte que les autres intéressés dans le secteur puissent faire au ministre des représentations ou attirer l'attention du ministre sur les impacts que la délivrance de ce permis-là pourrait avoir sur leurs propres activités, de sorte que le ministre puisse prendre une décision éclairée avant d'implanter une entreprise aquacole.

Nous pensons aussi que la loi devrait être plus précise quant aux conditions, ou aux critères, ou aux facteurs que le ministre devrait prendre en compte, Notamment, le pouvoir réglementaire qui est conféré au gouvernement devrait préciser dans la loi que le règlement devrait déterminer des normes d'éloignement des entreprises existantes. Avant d'implanter une entreprise aquacole, par exemple, on devrait, un peu comme en matière d'agriculture, si vous voulez... Même si on est en milieu marin, c'est une question avec laquelle vous êtes très familiers, n'est-ce pas, les normes d'éloignement, des distances séparatrices, comme on dit, en zone agricole. Mais, au fond, pour des entreprises existantes, l'implantation d'une entreprise aquacole, c'est un peu comme l'implantation d'une résidence en zone verte en milieu agricole, n'est-ce pas, ça implique des contraintes additionnelles pour les gens qui exploitent déjà. Alors, ceux qui font de la navigation, du transport maritime se voient imposer, du seul fait de l'implantation d'une entreprise aquacole à proximité de leurs opérations, des contraintes additionnelles, et ce que nous disons, c'est qu'il ne serait pas souhaitable que ces choses arrivent sans que le gouvernement ou le ministre en soit informé ou ait l'occasion, en tout cas, de prendre en compte ces impacts-là sur les entreprises existantes.

Enfin, nous pensons que les entreprises aquacoles devraient être traitées, du point de vue du respect des normes environnementales, comme les autres entreprises qui sont actives dans le secteur et qu'un certificat d'autorisation devrait être exigé du ministère de l'Environnement. À ce qu'on me dit, il n'est pas clair que l'implantation d'une entreprise en milieu marin, en tout cas dans une lagune comme celle des Îles-de-la-Madeleine, soit assujettie à l'exigence d'un certificat d'autorisation en vertu de l'article 22. Ça, je ne l'affirme pas. On m'a dit que ce n'était pas clair, je n'ai pas étudié la question de façon précise. Mais, si tel n'était pas le cas, on voudrait s'assurer que ces entreprises-là le soient. Et la raison, c'est que, pour satisfaire aux exigences du ministère de l'Environnement, des études devraient être faites afin de déterminer l'impact des déjections sur le milieu marin, et ces études-là d'ailleurs seraient accessibles ou devraient être accessibles, et ça permettrait aux autres utilisateurs ? dont ceux qui utilisent une voie navigable, un chenal de navigation ? de déterminer, si vous voulez, un peu à l'avance, de façon stable, quelles sont les règles du jeu qui s'appliquent à eux.

n(15 h 30)n

Alors, ce sont les principales conséquences législatives au fond que nous voyons à nos demandes. Comme vous voyez, c'est très constructif. Le processus de délivrance des permis; une précision dans la loi quant au cadre réglementaire sur les matières qui devraient faire l'objet d'une réglementation; et enfin, l'application sur une base équitable à tout le monde des normes environnementales.

Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, Me Brière. Je pense qu'on pourrait passer immédiatement à la période d'échange, et je donnerai la parole à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. M. le ministre.

M. Arseneau: Merci, M. le Président. D'abord, je veux saluer les gens de Mines Seleine, des gens des Îles-de-la-Madeleine, qui se déplacent... pas tous des gens des Îles-de-la-Madeleine, mais des gens d'une entreprise qui est aux Îles, 200 emplois directs aux Îles-de-la-Madeleine. Très important. Alors, bienvenue, messieurs.

Vous voyez, M. le Président, il y a quand même... Il faut que je souligne ça parce que... Avant d'en venir à une petite question courte, il faut que je souligne le fait qu'à l'époque où Mines Seleine s'est développée, c'est assez intéressant, il y a eu un débat énorme aux Îles en ce qui concerne la problématique environnementale et, en particulier, pour la biomasse dans des espèces comme le homard, parce que bien sûr il y avait des dômes de sel considérables. La question était de savoir comment on va faire pour le transporter, où est-ce qu'on va installer les infrastructures portuaires pour faire en sorte de pouvoir charger ce minerai, ce sel, sur les bateaux pour le transporter, et les gens de Grosse-Île et les gens du milieu s'opposaient avec véhémence à la construction d'un port en haute mer qui aurait permis le chargement du sel, prétextant des impacts environnementaux importants pour l'exploitation du homard, une ressource très importante. Et assez que cette dispute-là a fait en sorte que le fédéral s'est faufilé et finalement ? c'étaient ses responsabilités en ce qui concerne les infrastructures ? n'a pas mis les sous qui devaient se mettre. Et le gouvernement du Québec, à ce moment-là, avait proposé une solution. Il l'a financée lui-même en disant: On va draguer la lagune de Grande-Entrée pour permettre un port intérieur pour pouvoir faire le chargement là sans que ça nuise trop, puis on a fait des études d'impact et tout.

Alors là, actuellement, c'est un rattrapage, c'est un questionnement. C'est très intéressant, M. le Président, parce que la présentation que nous fait Mines Seleine après-midi, c'est de nous dire: Voilà, il y a vraiment d'autres utilisateurs du milieu hydrique. Il faudra absolument, par cet avant-projet là ou ce projet de loi sur le développement de l'aquaculture et de la mariculture en particulier, qu'on tienne compte des autres utilisateurs, parce que tout ça, ça a des impacts sur les entreprises, sur les utilisateurs actuels. Et si, en 1982-1983, il n'y avait pas beaucoup de mariculture aux Îles-de-la-Madeleine, enfin, ça commençait, mais là, actuellement, il y a vraiment des inquiétudes en regard des endroits dans les lagunes où on peut vraiment avoir les conditions idéales. Dans la présentation précédente, on n'a pas parlé de la pureté de l'eau qui était nécessaire dans certaines formes de développement d'aquaculture.

Alors, ma première question, ce serait: Lorsque vous dites... Et vous devez faire régulièrement du dragage pour permettre aux bateaux de se rendre au quai. Est-ce à dire que vous déposez dans la lagune de Grande-Entrée les matières qui sont draguées dans cette lagune-là ou bien si vous... Je pensais, moi, très honnêtement, que vous sortiez en haute mer, sur les hauts fonds, pour déposer ces dragages-là.

Le Président (M. Dion): M. le président, vous avez la parole.

M. Leblanc (Guy): Si on revient à la figure 1, à la page 2, le dépôt D, là, il est à l'extérieur de la lagune.

M. Arseneau: Il est à l'extérieur.

M. Leblanc (Guy): Oui. Si on regarde là, il est à la droite, en bas, là. Ça, c'est le dépôt où on dépose le matériel dragué.

M. Arseneau: Donc, il n'y a pas de dépôt qui se fait à l'intérieur.

M. Leblanc (Guy): Non. Mais, comme je disais, notre permis provincial se termine en décembre 2002. Il va falloir renouveler notre permis provincial. C'est un permis de 10 ans. Il va falloir faire une étude d'impact. Il va falloir trouver un autre dépôt, puis tout l'ensemble. Mais c'est officiel que ce ne sera pas à l'intérieur de la lagune.

Le Président (M. Dion): M. le ministre.

M. Arseneau: L'autre question, M. le Président, c'est lorsque, par exemple, vous parlez du cadre de développement et qu'on devrait ? et je pense que c'est très logique... Vous proposez des modifications à l'article 2, sur le cadre de développement aquacole, de façon à ce qu'on puisse prendre en compte les contraintes d'usage et plus spécialement la navigation maritime. Alors, je vous le dis tout de suite, il est de notre intention de procéder par concertation sur une base régionale, en consultation. Et vous savez qu'aux Îles-de-la-Madeleine, c'est le comité ZIP, et tous les comités d'environnement sont très pointus et suivent ça avec beaucoup d'attention. Donc, nous procédons en concertation, sur une base régionale, en consultation avec les divers intervenants du milieu pour établir ce cadre. Alors, comme le cadre va être soumis au gouvernement pour approbation, on considère donc que tous les intervenants vont avoir pris connaissance des éléments de contenu de ce cadre. C'est pour ça qu'il est important, là, qu'on puisse l'élaborer en concertation et en consultation.

Est-ce que, cette planification qui veut orienter le développement en mariculture, ça vous apparaît justement garant d'un bon voisinage suffisant pour l'utilisateur du milieu hydrique que vous êtes?

Le Président (M. Dion): M. Leblanc.

M. Leblanc (Guy): On prévoit... On a dragué à date, des dragages d'entretien, à tous les cinq ans. Ça fait qu'on prévoit continuer, à tous les cinq ans, à draguer. Le problème, ce n'est pas avec le dépôt. Le problème, c'est que, lorsqu'on drague puis que le matériel est mis dans la drague, il y a une surverse. Dans notre surverse, dans l'eau qui surverse, il y a des matières en suspension.

On vient de terminer un dragage, qui a duré deux semaines, et il y a une période où les matières en suspension ont dépassé le 10 mg par litre; puis il a fallu arrêter le dragage. Nous, on dit, avec les études qu'on est après compléter, que, s'ils sont à 1 km, il n'y aura pas de problème pour les parcs, puis on va pouvoir faire notre dragage sans que cela cause des problèmes. Ça fait que c'est une question de s'entendre; c'est juste...

Parce que les études... Pour vous donner une idée comment, la lagune, c'est sensible; le dragage a duré deux semaines, nous a coûté 3,5 millions. Les études environnementales, pour faire ce dragage-là qui a duré deux semaines, nous ont coûté 700 000 $. Puis on a débuté voilà trois ans nos demandes de permis pour draguer. Surtout au fédéral, et Pêches et Océans, on a débuté nos demandes il y a trois ans, puis toutes ces demandes-là ont demandé des études jusqu'aux 150 000 $ qu'on a faits pendant la période de deux semaines. Ça fait que 3,5 millions pour l'activité du dragage, 700 000 $ en études environnementales pour un dragage de deux semaines. Ça, depuis qu'on est établis aux Îles, on comprend ça que c'est sensible, la lagune. Mais, d'un autre côté, il ne faudrait pas... On trouve qu'on pourrait améliorer les choses et réduire de beaucoup nos coûts si on pourrait s'entendre sur des distances.

Le Président (M. Dion): Merci. M. le ministre.

M. Arseneau: Oui. Est-ce que vous souhaitez ? et, en fait, c'est ce que j'ai vu aussi ? que le MAPAQ réglemente pour des normes de localisation des sites aquacoles par rapport à la navigation? Mais c'est déjà prévu dans la loi fédérale. Moi, je veux bien qu'on réglemente. Mais vous ne trouvez pas que c'est redondant un peu par rapport à ce pouvoir qu'a la Garde côtière en ce qui concerne la Loi sur la protection des eaux navigables?

Le Président (M. Dion): Me Brière.

M. Brière (Jules): Oui. Mais, comme il y a un processus de délivrance de permis ici, par le ministre de l'Agriculture, au fond, il faut que le ministre... Ce que nous souhaitons, c'est que le ministre de l'Agriculture soit, dans la délivrance des permis, lié par certaines normes d'éloignement qui sont prévues dans la réglementation québécoise.

M. Arseneau: ...distance.

M. Brière (Jules): Oui, c'est ça.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. Alors, je donnerais la parole maintenant à Mme la députée de Bonaventure.

n(15 h 40)n

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue à cette commission; merci surtout pour votre contribution. Parce que ce qui est intéressant, c'est que vous nous donnez l'exemple d'un cas concret, très, très concret même. Et puis j'ai envie de dire au ministre qu'en fait le cadre réglementaire, qui est annoncé dans la pièce législative qui est déposée... En fait, ce n'est même pas une pièce législative. Je dirais que c'est un document de consultation, l'avant-projet de loi. Le cadre de développement du secteur aquacole va prendre toute sa saveur, toute sa couleur, toute son importance et sa pertinence en regard des problématiques qui sont soulevées ici. C'est-à-dire qu'il y a une question liée à une cohabitation harmonieuse entre les utilisateurs, donc d'où l'importance d'avoir un zonage. C'est votre question... c'est votre recommandation au niveau des normes de localisation des sites aquacoles, donc ça va devenir très important de déterminer concrètement des mécanismes qui vont donner de la force, finalement, au cadre de développement puis qui vont nous permettre de répondre évidemment aux problèmes que vivent des gens chez Mines Seleine.

J'aimerais savoir: Est-ce que vous vous parlez, Mines Seleine et les propriétaires des entreprises? Là, évidemment ? M. Joncas, c'est ça, qui acquiesce positivement ? vous êtes peut-être le grand médiateur en chef chez Mines Seleine. Je ne le sais pas, mais, chose certaine, je fais le parallèle avec le secteur forestier. On a beaucoup parlé de gestion intégrée au cours des dernières années, notamment avec la nouvelle Loi sur les forêts qui a été déposée. C'est un peu la même chose ici. Et je retiens aussi ? M. Brière, c'est ça? ? Me Brière, votre suggestion d'établir un forum, un peu comme on l'a fait aussi dans le transport maritime avec la nouvelle politique qui a été déposée, pour permettre aux intervenants de se parler au fur et à mesure que la législation est rédigée. Mais concrètement, là, quand vous avez un conflit comme, par exemple, lorsque votre 10 mg par litre a été dépassé, qu'est-ce qui arrive? Quel est le mécanisme qui se met en place? Est-ce que vous réussissez à vous parler? Avez-vous créé votre propre mécanisme de médiation avec les entreprises qui sont sur place, au-delà de toutes les législations auxquelles vous êtes contraints, là, comme entreprise?

Le Président (M. Dion): M. Leblanc.

M. Leblanc (Guy): Avec le permis d'Environnement Canada et de Pêches et Océans Canada, c'est qu'une fois qu'on dépassait le 10 mg il fallait arrêter de draguer pour une période de 24 heures. C'était ça qui était dans notre permis. Il n'y avait pas de discussion, rien. C'était ça, le permis. Pour éviter ça, c'est justement pourquoi on demande à ce qu'ils soient à une distance de 1 km. À ce moment-là, selon les études du panache de particules en suspension, puis des vents maximums, puis que les vents maximums soient dans la direction des parcs de moules et de pétoncles, même avec ça on ne les atteindrait pas. C'est ça qui est la conclusion, en fin de compte, de nos études puis du dragage. S'ils sont à 1 km, on devrait être... Si c'est une zone sécuritaire, il ne devrait pas y avoir de problème.

Mme Normandeau: Si on fait, M. Leblanc, un peu d'historique, là, en quelle année se sont établies les entreprises qui sont à proximité du chenal?

M. Leblanc (Guy): Je dirais, les moules en 1992 puis les pétoncles en 1998.

Mme Normandeau: Bien. Mais, à ce moment-là, j'imagine que vous vous êtes parlé, vous avez convenu de...

M. Leblanc (Guy): Non, pas vraiment.

Mme Normandeau: Non? Même pas! Même pas! O.K. D'accord. Bon.

M. Leblanc (Guy): Mais, quand les permis ont été émis, on l'a appris, là...

Mme Normandeau: Ah bon! D'accord. Ce n'était pas transparent comme mécanisme, là, mettons. C'est ce que vous êtes en train de nous dire?

M. Leblanc (Guy): Oui.

Mme Normandeau: C'est une façon de le dire. Ha, ha, ha! C'est ça.

M. Leblanc (Guy): Mais je pourrais laisser la parole à Mark Joncas qui, lui, fait partie d'un comité.

Le Président (M. Dion): M. Joncas, vous avez la parole.

M. Joncas (Mark): Il y a un comité de gestion intégrée, au niveau de la lagune, qui fonctionne quand même assez bien. Les gens sont capables de s'asseoir autour d'une table puis de discuter. Ce qu'il faut comprendre, cependant, c'est que, souvent, la problématique survient juste avant... Les gens prennent connaissance, exemple, qu'on a un dragage en 2002. Juste un mois ou deux avant le dragage, les gens prennent connaissance, et là les inquiétudes sont soulevées. On peut répondre aux inquiétudes, mais, s'il y avait un cadre législatif qui était en place qui disait, exemple: Bon, il y a des règles à respecter, et tout ça, ça éviterait d'avoir à renégocier, on pourrait dire, autour de cette table-là où la concertation est quand même bonne, d'avoir à répéter le processus à chaque fois, parce qu'il y a peut-être une nouvelle personne qui s'est assise autour de la table et qui n'était pas nécessairement consciente de ce qui l'entourait.

Donc, la concertation peut bien fonctionner, peut-être, dans certains cas où les problématiques sont nouvelles et ne sont pas connues encore. Mais, dans le cas des problématiques connues, il serait certainement plus avantageux d'avoir un cadre établi ? par exemple, la distance dont on parle, 1 km; on évite, à ce moment-là, de répéter le même problème qui n'a jamais été solutionné, en fait, une fois pour toutes. En ayant une distance adéquate, le problème est solutionné une fois pour toutes. Et à ce moment-là, quand les gens viennent pour s'installer une nouvelle activité dans la lagune, parce que la lagune est partagée par plusieurs utilisateurs, bien, les gens sont conscients que, ah, il y a quelqu'un qui est là, il faut respecter une certaine distance; puis on évite de répéter les mêmes problèmes à chaque fois qu'il y a une activité, par exemple, de dragage.

Mme Normandeau: Parce que dans ce cas-ci, là, vous suggérez 1 km par rapport au chenal. Donc, on voit que l'enjeu n'est pas très grand. Dans un cas, c'est 200 m; dans l'autre, c'est 400 m. Donc, ça ne prend pas... la distance n'est pas énorme finalement, mais ça ferait toute la différence dans votre cas.

M. Joncas (Mark): Ça fait une grosse différence, puisque, actuellement, on a des parcs qui sont situés à 600 m. Ça fait une différence parce que, par exemple, on a été obligé d'arrêter en ce moment avec une drague qui est ultraperformante. Dépendamment du type de drague qui va faire le travail, il n'est pas certain que cette drague-là soit disponible tout le temps. Ça peut avoir des impacts beaucoup plus graves.

Mme Normandeau: Dans une des vos recommandations, si vous permettez, M. le Président, vous suggérez qu'il y ait un contrôle des sédiments qui soit effectué par les entreprises aquacoles. Ma question est bien simple: Qui devrait assumer les coûts du contrôle des sédiments? Parce que, là, on comprend que, vous, vous avez toute la responsabilité, j'oserais dire, tout le fardeau de la preuve dans ce cas-ci. Alors, est-ce que vous pensez que l'entreprise aquacole devrait prendre ses responsabilités de ce côté-là, ou ça devrait être à frais partagés, ou le gouvernement devrait s'impliquer? Comment vous voyez ça?

Le Président (M. Dion): M. Leblanc.

Mme Normandeau: Un sourire qui en dit long peut-être.

M. Leblanc (Guy): J'étais pour répondre: Peu importe, du moment que ce n'est pas nous.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Leblanc (Guy): C'est ça. À date, c'est nous qui... on fait toutes les études d'environnement dans la lagune.

Mme Normandeau: Mais j'ai envie de vous dire: Si, moi, j'étais propriétaire d'une entreprise aquacole... Puis, évidemment, ce matin on a parlé abondamment des difficultés que doivent rencontrer les gens qui sont dans ce secteur-là, ça devient quand même un fardeau additionnel, là, dans tout ce que le promoteur doit surmonter. Et là je me place de l'autre côté de la clôture, évidemment, vous comprendrez bien. Alors, bien, c'est pour ça que j'essayais de voir. Vous dites: Ce n'est pas nous, puis peu importe qui assumera les frais, mais enfin en autant que ce ne soit pas nous. C'est assez clair, mais ça ne répond pas tout à fait à ma question. Maintenant, est-ce que je pourrais me contenter de votre réponse? Chose certaine, le gouvernement pourrait être interpellé, peut-être, éventuellement, de ce côté-là. Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Dion): Oui, deux, trois minutes, quatre minutes.

Mme Normandeau: Concernant la législation fédérale, vous déplorez le fait... notamment, vous faites référence à l'article 57 de la Loi sur les eaux navigables, vous dites: On voit se profiler, se dessiner un problème d'harmonisation. On l'a aussi soulevé. Mais vous allez peut-être m'éclairer ? et vous avez avec vous un juriste qui pourra certainement là-dessus préciser; la loi à laquelle vous faites référence, en fait, la Loi sur la protection des eaux navigables, article 57, a préséance, dans le fond. Parce que ce que vous dites, dans le fond: Les activités de navigation devraient avoir préséance sur les activités commerciales. En d'autres termes, ce que vous nous dites, c'est que, si je résume ça de façon un peu brusque même, c'est de dire: Notre activité est plus importante, en fait, que les activités commerciales liées à l'exploitation, aux élevages qui se font autour du chenal. Mais ce que je comprends, dans ma compréhension, c'est que la législation fédérale a préséance sur la législation provinciale. Et donc, est-ce qu'il y a réellement un problème d'harmonisation qui va se poser dans le cas précis qui nous occupe en regard de la Loi sur la protection des eaux navigables? Parce que vous demandez même au ministre d'établir, dans son cadre de développement, un ordre de priorités au niveau de la navigation versus les activités commerciales.

Le Président (M. Dion): Me Brière.

M. Brière (Jules): Non, bien, je pense qu'il y a une réalité juridique, là, de la préséance dont vous parlez. C'est certain qu'en matière de navigation une législation fédérale va avoir préséance sur une législation sur le même objet, mais ça ne signifie pas que la... les législations provinciales qui portent sur des matières du ressort des provinces continuent de s'appliquer aussi. Donc, on ne peut pas dire qu'il y a une préséance absolue de la loi fédérale. Sauf qu'il y a quand même un droit de circuler. Le droit de naviguer, si vous voulez, de circuler, lui, on peut dire qu'il a préséance sur les intérêts privés commerciaux qui exploitent les mêmes eaux. Ça, je pense qu'on peut dire qu'il y a une espèce d'ordre de préséance, ce qui n'exclut pas une espèce d'accommodement, une obligation implicite d'accommodement pour les autres utilisateurs. Donc, je ne crois pas que l'intention de Mines Seleine, c'est de réclamer une préséance absolue pour ses activités de navigation. Mais je pense que ce qui est réclamé ici, c'est qu'on tienne compte des contraintes opérationnelles que Mines Seleine a en raison de législations provinciales et fédérales dans les décisions d'implanter des exploitations aquacoles. Parce que c'est là que la principale décision se trouve: donner un permis à quel endroit. On voit que le plan de développement ou d'encadrement va déterminer, entre autres choses, les lieux à privilégier. Ce que Mines Seleine souhaiterait, c'est qu'on ne privilégie rien qui soit trop près de la voie maritime. Remarquez, c'est relativement simple et, à partir de ce moment-là, il n'y a pas d'obstacle vraiment à la navigation.

n(15 h 50)n

Mme Normandeau: Bien. Merci.

Le Président (M. Dion): Merci, Me Brière. Je donnerais maintenant la parole à M. le député de Roberval.

M. Laprise: Merci beaucoup, M. le Président. Je regarde votre carte. Si on regarde les installations qui sont faites au niveau des organisations aquicoles et la distance du grand chenal, est-ce qu'il aurait été possible de les mettre plus éloignées? Est-ce qu'il y avait de la place à les éloigner au moment où on les a implantées? Parce que je vois qu'il n'y a quand même pas beaucoup de place. Ou bien il aurait fallu les mettre de l'autre bord du grand chenail, de l'autre côté? C'est ça en fait quand vous dites, quand vous parlez de votre planification, c'est un peu ça. Quand on fait des installations comme ça, il faut que la planification soit en concordance avec ce qui existe déjà. Alors, est-ce qu'il y aurait eu de la place à les mettre là? Il ne semble pas beaucoup y avoir de place.

Le Président (M. Dion): M. Leblanc.

M. Leblanc (Guy): Bien là je ne suis pas un expert, là, je peux difficilement répondre. Il faudrait que je demande à des gens qui ont l'expertise. Parce que ça leur prend une profondeur d'eau aussi. Est-ce que les parcs pourraient être plus petits? Est-ce qu'ils ont besoin de la grandeur qu'ils ont présentement? C'est des questions que je ne peux pas répondre moi-même.

M. Laprise: Ça m'interpelle.

Le Président (M. Dion): Merci, M. Leblanc. Alors, M. le ministre.

M. Arseneau: Oui. Bien, c'est ça, la question de mon collègue de Roberval est extrêmement intéressante parce que, quand on regarde cette même carte, on s'aperçoit que, quand on entre dans le chenal naturel de Grande Entrée, à droite, il y a une île, l'île du Chenal. Ça, cette île-là, c'est une île artificielle qui a été faite avec les résidus du premier creusage, à moins que je me trompe, et l'îlot B, quand on arrive presque au quai à côté des infrastructures de Mines Seleine qui sont en vert, alors vous voyez que non seulement il y a la question d'espace, la question que pose mon collègue, mais la question aussi de la profondeur. La réponse de M. Leblanc est tout à fait exacte.

Alors, la question que je me pose, c'est: Quand vous parlez de distance qu'on devrait mettre... Ça, c'est un cas patent, c'est dans la lagune de Grande Entrée. Déjà, il y a 600 m entre pétoncles princesses et le chenal, on voit qu'il n'y a pas 600 m avec l'île principale de Grosse-île, et quand on va de l'autre côté, d'abord il y a moins de profondeur d'eau et, ensuite, on est dans une réserve écologique, à moins que je me trompe, mais je pense que c'est une réserve au sud-est de pétoncles princesses, il y a des pointillés.

Alors, comment vous voyez ça? Parce que, bon, on a un problème vraiment d'utilisateurs, de plusieurs utilisateurs, parce qu'il y a le hareng qui est là aussi, le printemps, et toutes sortes de choses. Il y a aussi d'autres espaces dans la lagune d'Havre-aux-Maisons où là il y a plus d'eau, mais il y a aussi la question d'utilisation. Et les gens qui ont des espaces veulent conserver, veulent... il y a tous ces éléments-là. Mais, sur les distances, comment on pourrait faire? Si on met 1 km, ça ne correspond pas nécessairement à des réalités. Ici, est-ce qu'on n'a peut-être pas assez d'espace? Comment on pourrait partager? Il faut vraiment qu'on assoie tous les gens autour de la table et puis qu'on leur dise: Comment on peut faire un plan de développement ou un cadre de développement qui tient compte de toutes ces choses-là? Mais on ne peut pas mettre une distance. J'aimerais vous entendre là-dessus, si on mettait une distance comme une distance séparatrice, par exemple, pour l'exemple que vous avez utilisé dans la question de la gestion des odeurs dans le secteur agricole, par exemple.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. M. Leblanc, vous avez la parole.

M. Leblanc (Guy): Le 10 mg par litre, c'est le premier dragage où on fait face au 10 mg par litre parce que, avant, il n'y avait pas les pétoncles. Et comme j'ai dit, les moules, c'est 150 mg par litre de matière en suspension. Ça fait que les moules peuvent tolérer beaucoup plus que les pétoncles.

M. Arseneau: Est-ce à dire que le fédéral a changé ses normes...

M. Leblanc (Guy): Non.

M. Arseneau: ...parce qu'il y a eu l'arrivée des pétoncles, ou bien vous faites face à un...

M. Leblanc (Guy): Oui, ils ont changé leurs normes à cause de l'arrivée des pétoncles. Les dragages précédents, c'était 150 mg par litre. Avec le type de drague qu'on a utilisée cet été, puis en mesurant le panache, en faisant des simulations, on arrive que le maximum que le nuage pouvait atteindre, ou le panache, serait 1 km, puis le maximum où on atteindrait 10 mg par litre, le maximum de distance par rapport au chenal. C'est pour ça notre demande.

Mais les parcs de pétoncles et les parcs de moules, est-ce qu'ils sont entièrement utilisés ou c'est un...

M. Arseneau: Un souhait.

M. Leblanc (Guy): Oui, c'est un souhait ou c'est une aire qui est réservée pour l'élevage mais qui en utilise le tiers, mettons.

M. Arseneau: Vous avez posé la question.

Une voix: ...

Le Président (M. Dion): Merci. Alors, est-ce que quelqu'un doit y répondre?

M. Arseneau: Effectivement, je pense qu'on doit faire en sorte que les gens, quand on va élaborer le cadre, puissent... Il faut que ce soit élaboré en concertation et que les gens en soient bien conscients.

Mais ensuite, il faudra aussi peut-être prévoir ? essayer, si c'est possible ? ce qui peut advenir dans le futur, c'est-à-dire: Que va-t-il se passer? Parce que, voilà 20 ans, on n'avait pas ces problèmes de coexistence, de cohabitation. Dans 20 ans, il y aura peut-être autre chose. Mais alors, il faut laisser la place, là.

M. Leblanc (Guy): Parce que, d'un autre côté, le fait que le chenal soit là, soit dragué à 7,3 m de profondeur sur 100 m de largeur, fait, en fait, que c'est propice aussi pour l'élevage, parce qu'il y a un échange entre la mer et la lagune...

M. Arseneau: Un échange d'eau.

M. Leblanc (Guy): ... ? excellent ? qui se fait par le chenail qui a été dragué. Ça fait que ça a un bon côté aussi qu'on ait dragué le chenail, qu'on ait un chenail de navigation dans la lagune.

M. Arseneau: Tout à fait.

Le Président (M. Dion): M. le ministre, est-ce que je peux me permettre une question?

M. Arseneau: M. le Président...

Le Président (M. Dion): À la suite de votre intervention tout à l'heure, est-ce qu'on doit comprendre que le ministère de l'Agriculture envisage sérieusement la possibilité de prendre l'initiative de cette table de concertation par rapport à l'utilisation, pour ce qui est de l'utilisation de la grande lagune?

M. Arseneau: Bien, écoutez, ce que c'est qu'il faut comprendre des échanges qu'on a eus ce matin, de là ma question à la SODIM et au Regroupement des mariculteurs, c'était que vous souhaitiez qu'on élabore davantage sur le cadre. Mais, quel cadre? Est-ce que vous voulez que j'arrive avec un cadre pour l'ensemble du Québec, qui comprend aussi la pisciculture et la mariculture ou, comme nous, ce que nous souhaitons comme approche, c'est plus des cadres en fonction des régions, qui sont élaborés en concertation avec tous les utilisateurs? Parce qu'on veut faire en sorte d'avoir une plus grande harmonisation entre les différents utilisateurs. Et ce que les gens de Mines Seleine viennent nous dire, c'est exactement ça, en inscrivant aussi dans la réglementation des préoccupations pour faire en sorte que les utilisateurs qui sont déjà là, qui ont d'énormes responsabilités, qu'on tienne compte, avant d'émettre des permis, de leur existence et des existences des autres. Alors donc, oui, en concertation.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le ministre. Je ne sais pas si vous avez d'autres commentaires à faire, M. Leblanc? Non.

n(16 heures)n

Alors, je vous remercie beaucoup, M. Leblanc, M. Joncas, Me Brière et M. Hamelin, pour votre participation à ces... et M. Genois, je crois ? oui, c'est ça, excusez-moi ? ...cette participation à ces consultations-là. Je vous remercie infiniment. Et je demanderais aux représentants de la Fédération québécoise pour le saumon atlantique de prendre place. Merci.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Dion): Alors, nous allons procéder immédiatement avec la Fédération québécoise pour le saumon atlantique. Vous connaissez déjà les règles du jeu, je crois. Alors, je vous donne la parole, M. le président. Je vous demanderais de présenter tout le monde, ceux qui vous accompagnent, et vous avez la parole.

Fédération québécoise
pour le saumon atlantique (FQSA)

M. Côté (Yvon): Alors, merci, M. le Président. M. le Président, donc, M. le ministre, Mme la députée et MM. les députés, nous vous remercions de l'accueil que vous nous réservez aujourd'hui et de l'opportunité que vous nous donnez d'intervenir, là, assez tôt dans le débat concernant cet avant-projet de loi.

Sans plus de préambule, j'aimerais vous présenter les deux personnes qui m'accompagnent: à ma droite, M. Charles Cusson, qui est le directeur pour les programmes québécois de la Fédération pour le saumon de l'Atlantique ? M. Cusson aura l'occasion, à même mon temps, là, de prendre la parole et d'expliquer un petit peu le rôle de la Fédération du saumon de l'Atlantique dans ce dossier; et, à ma gauche, Louis-Bernard Nadeau, qui est un jeune biologiste que nous avons récemment recruté à la Fédération québécoise pour le saumon de l'Atlantique dans le cadre d'un programme du gouvernement du Québec, Emploi Jeunesse, et qui nous a aidés, là, à composer le mémoire que nous vous livrons aujourd'hui. Et, en fait, il en est l'auteur principal. Et, quant à moi, je suis Yvon Côté, président de la Fédération québécoise pour le saumon de l'Atlantique.

Alors, vous avez déjà reçu le document. Je n'ai pas l'intention de le lire, on va le survoler rapidement. Au fur et à mesure que je passerai dans le texte, je vous indiquerai à quelle page je suis rendu, là, pour la suite des idées, mais on va plutôt survoler le texte et essayer de consacrer l'essentiel du temps à la discussion et aux questions.

L'aquaculture, je pense que d'autres présentateurs avant moi vous ont décrit de façon on ne peut plus explicite que c'est un domaine qui est en expansion non seulement au Québec, mais au niveau de toute la planète, et pour cause, les stocks halieutiques, donc les stocks de poissons sauvages, un peu partout, sont en perte de vitesse, et les besoins en alimentation de la population demeurent et grandissent même avec l'augmentation de la population au niveau mondial, et il nous apparaît évident et même nécessaire que l'on doive recourir à des formes alternatives comme la production en aquaculture, ou l'agriculture, ou autre chose. Donc, il nous apparaît comme une évidence qu'on ne peut échapper au phénomène de l'aquaculture, que ce soit une aquaculture en milieu terrestre, continental ou que ce soit une aquaculture qui soit faite en cage, en milieu aquatique ou en milieu marin. C'est donc un incontournable, et il nous fait plaisir de présenter des commentaires dans ce contexte-là.

Je vais d'abord vous présenter ma Fédération, et, par ce biais, vous serez à même de comprendre de quelle façon nous nous intéressons à ce dossier. La Fédération québécoise pour le saumon de l'Atlantique est un regroupement d'organismes sans but lucratif, de bénévoles, qui regroupe les 12 000 pêcheurs sportifs de saumon du Québec. Plus particulièrement, nous avons 900 membres qui acquittent annuellement leur dû et qui sont donc des membres à plein titre de notre Fédération.

Nous sommes constitués, comme tout organisme sans but lucratif, d'un conseil d'administration qui est très assidu, très intéressé par toutes les causes de nature environnementale, tous les débats de société qui sont susceptibles d'intéresser le saumon. Notre Fédération, outre les pêcheurs sportifs, regroupe également des chercheurs, le Centre interuniversitaire de recherche pour le saumon de l'Atlantique. Nous regroupons également des sociétés de gestion, des organismes sans but lucratif qui gèrent des rivières à saumons. Nous regroupons également des pourvoyeurs, des clubs privés. Et, finalement, un certain nombre de communautés autochtones font également partie de notre Fédération. Nous maintenons des liens avec la Fédération du saumon de l'Atlantique, dont mon collègue de droite est un représentant et qui pourra vous expliquer un peu la nature des liens qui nous unissent avec cette Fédération et l'action de cette Fédération au niveau canadien et au niveau mondial. Et, enfin, l'un de nos membres est également un membre de l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique nord qui est une organisation internationale qui a conclu une entente de partenariat à l'échelle mondiale pour la sauvegarde du saumon aux alentours des années quatre-vingt.

La mission de la Fédération est essentiellement dirigée vers la conservation de cette espèce-là, mais non uniquement la conservation, puisque la FQSA, c'est un organisme qui s'intéresse à la conservation, mais n'est pas un organisme de combat en termes de conservation. Nous reconnaissons que les milieux naturels doivent être utilisés et nous, les premiers, en sommes des utilisateurs à titre de pêcheurs sportifs. Donc, nous nous intéressons, d'une part, à la conservation de la ressource, mais également à la mise en valeur des milieux, notamment par la pêche sportive. Mais on comprend aussi que d'autres formes d'usages puissent coexister avec la pêche sportive.

Les différents services que nous offrons à nos membres et nos différents points d'intérêt sont la restauration des rivières à saumon, la protection de la ressource, le développement du potentiel salmonicole, l'impact économique régional relié à l'existence des rivières à saumon.

Comme attitude, nous préconisons la gestion des rivières bassin par bassin, un concept que nous avons développé et qui a été approuvé ces dernières années par le ministre de l'Environnement suite à la commission itinérante sur l'eau.

Nous publions également une revue qui s'appelle Saumons illimités. J'aurai l'occasion, en terminant ma présentation, de laisser, pour chacun des membres de cette commission, un exemplaire de notre revue qui est diffusée à 13 000 exemplaires partout en Amérique du Nord. Et, également, je vous laisserai un petit fascicule illustrant notre dernier rapport annuel.

Alors, nous nous intéressons, comme je vous le disais précédemment, à la promotion de la pêche sportive, à la gestion des rivières stock par stock. Nous sommes des partenaires reconnus par le gouvernement du Québec, notamment par la Société de la faune et des parcs, et nous prenons part à tous les débats de société, comme je le disais, qui ont pu avoir cours ces dernières années et qui ont pu avoir une incidence sur l'environnement. C'est ainsi que nous avons participé au débat de la commission sur l'eau, commission Beauchamp. Nous avons participé à la loi sur la révision du régime forestier. Nous avons également participé au débat récent sur l'industrie porcine. Nous avons également participé aux débats aux commissions parlementaires qui ont eu lieu sur le développement hydroélectrique. Donc, tous les débats de nature environnementale nous intéressent. Et, chaque fois, notre attitude a toujours été la même, c'est celle de partenaires qui veulent la concertation, l'harmonisation entre les usages et non pas l'exclusion d'un partenaire au profit des autres, et c'est encore dans cette attitude d'esprit que nous nous présentons devant vous aujourd'hui.

Je vais vous présenter également une deuxième association dont le président, malheureusement, M. Robin D'Anjou, qui n'a pas pu être ici cet après-midi, faute de conflit d'horaire... Et il m'a demandé de faire la présentation de son organisme en son nom. Et vous avez donc réalisé que notre mémoire est un mémoire tripartite qui reçoit la sanction de trois associations ou fédérations.

Alors, l'Association des gestionnaires de rivières à saumon est une association qui regroupe essentiellement des gestionnaires sans but lucratif, donc essentiellement des gestionnaires de zecs et de réserves sur le territoire gouvernemental. Une trentaine de gestionnaires font partie de cette Association. Ces gestionnaires de rivières à saumon ont un chiffre d'affaires global de 8,3 millions, et ensemble ils créent une offre d'emplois qui s'élève à 463 emplois sur une base annuelle. Alors, ce sont des emplois quand même importants, puisqu'ils se situent en région. Ce sont des emplois basés sur une industrie, la pêche sportive, qui est une industrie, je dirais entre guillemets, verte, là, puisque, en tant que telle, elle est bien gérée, les stocks sont bien gérés et elle ne crée pas, en tant que telle, d'impacts négatifs sur l'environnement. Et ce type d'emplois, je pense que de nos jours, dans la conscientisation mondiale que nous avons à l'égard de l'environnement... Je pense que ce sont emplois qu'on peut dire de qualité, puisqu'ils respectent les plus hauts standards que l'on puisse demander en termes de conservation à l'environnement.

La mission de cette Association, c'est évidemment de regrouper les gestionnaires, d'offrir des services aux gestionnaires pour que ceux-ci soient en mesure de mieux gérer leurs ressources, de mieux contribuer à l'impact économique régional, et ceci, pour le meilleur bénéfice de la société québécoise, et aussi tout en attirant... Parce que le secteur du saumon est un secteur qui, au niveau du Québec, attire une forte proportion de pêcheurs étrangers, donc qui contribue à un impact économique régional à partir de tourisme québécois, mais aussi à partir de tourisme d'origine étrangère, donc apportant au Québec des devises nouvelles.

n(16 h 10)n

Bon, je pense que ceci, pour l'instant, clôt la présentation de l'Association des gestionnaires de rivières à saumon. M. D'Anjou aurait certainement fait une présentation encore plus flamboyante de son Association, puisqu'il en est le président, mais je pense que vous êtes déjà convaincus qu'il s'agit d'une association qui est importante dans la mise en marché de l'offre faunique au Québec.

Je vais maintenant laisser la parole à M. Charles Cusson qui va vous faire une présentation sur la Fédération du saumon de l'Atlantique.

Le Président (M. Dion): M. Cusson?

M. Cusson (Charles): Oui.

Le Président (M. Dion): Vous avez la parole.

M. Cusson (Charles): M. le ministre, Mmes et MM. les députés. Merci, Yvon. Je serai bref parce que je ne veux pas enlever le temps alloué à M. Côté, qui présente de façon officielle notre mémoire, mais un court historique de la FSA qui a connu ses premiers temps en 1948 à Montréal, et, aujourd'hui, notre siège social se situe à St. Andrews, au Nouveau-Brunswick. Notre Association a une mission d'encourager la conservation et la saine gestion de nos stocks de saumon atlantique sauvage et son environnement. Notre organisation a un volet nord-américain avec des liens internationaux.

Comme je le mentionnais, notre siège social est au Nouveau-Brunswick, et puis ça nous a donné l'opportunité de voir en premier plan certains effets causés par l'industrie de l'élevage et, plus précisément, l'élevage de saumons en cages en milieu marin qui nous a permis d'entamer des projets de recherche afin d'étudier directement les effets entre les saumons d'élevage et les saumons sauvages. Et puis, dans notre publication, qui paraît quatre fois par année ? j'ai amené des exemplaires pour tous les membres de la commission ? il y a un article qui a été écrit par un scientifique norvégien qui fait un survol des 30 dernières années de leur expérience avec l'industrie de l'élevage, les problèmes qu'ils ont eu à faire face, les solutions qu'ils ont été obligés de trouver pour être capables de minimiser l'effet sur leurs stocks de saumons sauvages. Je pense qu'il y a de l'information qui est très pertinente dans les discussions qui vont avoir lieu aujourd'hui et demain et puis j'espère que vous allez avoir la chance de lire cet article. C'est tout ce que je voulais mentionner pour l'instant, M. le Président. J'aimerais recéder la parole à M. Côté.

M. Côté (Yvon): Merci, Charles.

Le Président (M. Dion): M. Côté, vous avez la parole.

M. Côté (Yvon): Bon. Je vais procéder rapidement, je vois que le temps file. Il y a des sections de notre rapport auxquelles on fait allusion à des choses, je pense, qui ont été dites antérieurement par les commentaires que j'ai pu entendre, là, puisque ça fait déjà quelques heures que je suis ici. Bon, j'en suis à la page 7 de notre plan de présentation.

Nous avons retracé évidemment l'historique de l'aquaculture. Bon, l'aquaculture, c'est une vieille histoire, ça remonte à plusieurs milliers d'années. Ça s'est accéléré dans la dernière partie du dernier siècle, depuis 1950, et aujourd'hui, comme je le disais précédemment, l'aquaculture est un inévitable. Donc, c'est tout ce qu'on va se dire, c'est une chose qu'on ne peut plus... c'est un fait qu'on ne peut plus réfuter. Ça devient un fait de la vie avec lequel il faut vivre maintenant, il faut s'en accommoder.

L'expansion. Bon, le mémoire fait état de l'expansion faramineuse de l'aquaculture, dont surtout, ces dernières années, l'aquaculture du saumon qui, en 1950... l'aquaculture du saumon de table adulte qui, en 1950, n'existait pas et qui, maintenant, doit toucher pas loin du 800 000 tonnes, et ça va sûrement dépasser le million de tonnes, là, à l'intérieur de quelques années. Et, c'est une espèce qui est produite partout maintenant, elle a été... Les initiateurs sont la Norvège, mais rapidement l'Écosse, les îles Féroé, la Nouvelle-Écosse, au Canada, le Nouveau-Brunswick, quelques essais du côté de Terre-Neuve, également en Colombie-Britannique ? la Colombie-Britannique, qui est célèbre pour ses saumons du Pacifique, est en train de devenir célèbre pour ses saumons de l'Atlantique qui sont plus nombreux maintenant de ce côté-là du continent que du côté de l'Atlantique ? et le Chili. Donc, c'est une espèce qui est... C'est l'espèce miracle, l'espèce à succès à travers le monde.

Évidemment, cette expansion vertigineuse n'a pas été sans causer un certain nombre de problèmes, et c'est peut-être un peu là-dessus que j'aimerais insister. Pas pour montrer la face noire des choses, dans le fond, pour plutôt dire: Si on a observé telle et telle difficulté ailleurs, nous, qui en sommes au commencement et qui voulons doubler, qui avons des objectifs de doubler notre production aquacole au Québec, pourquoi ne pas profiter des enseignements et des leçons qu'on a pu observer ailleurs de façon à faire mieux? Alors, c'est dans cette optique-là que nous présentons les difficultés qui ont pu exister ailleurs.

Alors, notre mémoire fait état d'un certain nombre de considérations qui ont été observées ailleurs, notamment des considérations d'ordre génétique. Le saumon d'aquaculture, comme tout poisson d'aquaculture, est développé par des manipulations génétiques directes ou par sélection génétique pour répondre à des impératifs de rentabilité économique et de production. C'est tout à fait normal. Ce faisant, évidemment, les producteurs en viennent à produire un poisson, donc, un animal qui n'a plus tout à fait les caractéristiques de son ancêtre sauvage, mais un animal qui répond bien aux conditions d'élevage dans lequel on le soumet. Alors, ça, ce n'est pas trop un problème tant que ça se passe en milieu d'élevage. C'est tant mieux, dans le fond. Les aquaculteurs ont trouvé la façon de rentabiliser leur entreprise d'un point de vue économique, et, en tant que tel, ce n'est qu'une bonne chose.

Le problème vient du fait que ces poissons, un jour, s'échappent, s'échappent soit des bassins, quand c'est élevé sur terre, bien que sur terre c'est beaucoup plus facile à contrôler, ou s'échappent des cages flottantes lorsque ces cages sont en milieu ouvert. Et ces poissons, qui ne sont plus tout à fait des saumons sauvages, en viennent à se reproduire, à se croiser avec les saumons sauvages qui, eux, ont des caractéristiques tout à fait différentes, caractéristiques qui correspondent aux besoins que ces poissons ont par rapport à leur milieu, qui sont tout à fait différentes des poissons d'origine domestique. Le croisement des deux produits: une espèce qui, elle, n'a plus les caractéristiques qu'il faut pour survivre de façon autonome, de façon sauvage et indigène dans le milieu. Alors, c'est là qu'est le problème.

Bien sûr, si on arrivait à contrôler les échappements des lieux d'élevage, il n'y en aurait plus de problème, mais, à ce jour, nous n'avons pas encore trouvé de moyens sécuritaires d'élever les saumons en milieu confiné. Encore l'hiver dernier, 100 000 saumons se sont échappés de sites d'aquaculture dans le golfe du Maine, d'une part, menaçant le saumon sauvage de ces rivières et, d'autre part, entraînant la ruine économique ou la ruine financière de l'aquaculteur qui a perdu ces saumons. Donc, c'est d'intérêt de personne de produire des saumons dans des milieux dont on ne contrôle pas la robustesse. Et il n'y a aucun intérêt financier à le faire, et il n'y a aucun intérêt environnemental à encourager de telles pratiques.

D'autres considérations qu'il nous faut prendre en compte dans l'aquaculture et, notamment, l'élevage du saumon, ce sont les interactions qui peuvent exister. Donc, il y a les interactions génétiques, la sorte de saumon, mais il y a aussi des interactions entre les poissons sauvages et les poissons domestiques dans le milieu. On s'est aperçu que les adultes d'origine de pisciculture arrivent à se reproduire en milieu naturel, et, bien souvent, ce qu'ils font, c'est qu'ils viennent se reproduire et faire des nids par-dessus les nids des saumons sauvages, donc éliminant les oeufs des saumons sauvages qui, eux, sont adaptés aux conditions données, et mettant en rivière des oeufs produits par des saumons d'origine domestique et qui produisent à leur tour une progéniture qui n'est pas en accord avec les conditions du milieu.

Fait à noter, puisque ces saumons d'origine domestique ont été sélectionnés pour leur forte capacité de croissance en peu de temps, ce qui arrive bien souvent dans une première génération, c'est que la progéniture des saumons domestiques connaît un taux de croissance plus rapide que la progéniture sauvage. Donc, la progéniture domestique élimine par compétition les petits saumoneaux sauvages. Par contre, quand ces saumoneaux s'en vont à la mer... Par contre, en mer, les saumoneaux d'origine domestique ont une moins grande survie que les saumoneaux sauvages. Donc, dans un premier temps, il semble y avoir un effet bénéfique de la part des saumons d'origine domestique, puisqu'ils survivent en grande abondance en rivière, mais, dans un temps deux, la nature reprend son cours sur les événements, puisqu'il y a une très grande mortalité de ces saumons d'origine domestique, de sorte que, au bout de cinq ou six ans, les résultats nets pour les rivières sont plutôt négatifs.

D'autres types d'interaction qui peuvent exister outre cette compétition au niveau des comportements et au niveau alimentaire, c'est l'augmentation de la prédation. Bien sûr, si des saumoneaux d'origine domestique ou des saumons adultes d'origine domestique arrivent en grand nombre dans la nature, dans les rivières, les prédateurs, qu'ils soient sous forme d'oiseaux, d'oiseaux prédateurs ou de mammifères prédateurs, détectent cette abondance instantanée de nourriture et ils augmentent leur taux de prédation sur la nourriture qui est instantanément abondante. Ce faisant, non seulement mangent-ils... font-ils la prédation sur des animaux d'origine domestique, mais, en même temps, les animaux d'origine sauvage qui restent là, ceux qui subsistent, connaissent désormais un taux de prédation plus élevé qu'en conditions naturelles. Donc, c'est un effet indirect, mais qu'il ne faut pas négliger.

n(16 h 20)n

Autre chose qui a été observée aussi au niveau d'autres pays, d'autres juridictions, c'est l'introduction de nouvelles espèces. Par exemple, dans une région où le saumon atlantique est l'espèce dominante, introduire la truite arc-en-ciel fait que cette espèce-là peut en arriver à déplacer le saumon de l'Atlantique. Alors, le saumon de l'Atlantique, qui est l'espèce vedette du Québec, du moins dans l'Est du Québec, pourrait, si on autorisait des élevages en masse de truites arc-en-ciel... voir disparaître l'image de marque du Québec. Et, je pense qu'aujourd'hui vous avez tous entendu parler de notion de biodiversité, de notion de conservation des écosystèmes à l'état naturel ou des communautés indigènes à l'état naturel, bien sûr introduire une espèce qui n'était pas présente à l'origine des temps dans un milieu donné peut endommager les stocks et les communautés naturelles.

Parasitisme et maladies. Qui dit élevage en quantité dans les lieux confinés dit également apparition de nouvelles maladies qui n'avaient pas été observées auparavant. Et lorsque les poissons... Pardon?

Le Président (M. Dion): ...un instant pour vous dire qu'il vous reste 30 secondes pour terminer la présentation.

M. Côté (Yvon): Parfait. Donc, maladies et parasitisme sont des choses qui ont été observées. La pollution des sites, bon, je pense qu'on en a parlé, d'autres en ont parlé avant moi, là, l'eutrophisation du milieu, augmentation de phosphore, augmentation de l'azote, c'est des choses qui ont été observées. Alors, nous, au Québec, ce qu'on dit: Bien, on est au début de tout ça, le Québec a une expérience côté terre et a peu d'expérience côté mer. Côté terre, les choses semblent... Malgré quelques petits problèmes, les choses semblent bien aller, et nous, ce qu'on dit, c'est: Renforçons la pisciculture côté continental. Côté mer, nous avons des restrictions énormes, puisque nous ne voyons pas le créneau commercial possible pour le Québec là-dedans. Par contre, nous voyons des risques. Donc, notre principale recommandation... Vous pourrez voir dans notre texte que nous avons fait des recommandations et des remarques article par article, mais je dirais que nous avons deux grandes recommandations. Si on avait deux choses à retenir de tout ce que j'ai dit, ce seraient deux choses. La Fédération souhaite que le zonage piscicole au Québec soit respecté. Et la Fédération souhaite que, pour l'instant et pour un avenir indéterminé, puisque nous n'avons pas la connaissance qu'il faut, le Québec s'abstienne de faire de l'élevage en cage de toute espèce de salmonidés dans l'aire de répartition du saumon au Québec et d'axer plutôt ses efforts vers la consolidation de l'industrie aquacole en milieu terrestre. Je vous remercie.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. Alors, je vais maintenant donner la parole à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Bien, je veux d'abord remercier les gens de la Fédération du saumon de l'Atlantique ? Fédération québécoise ? d'être avec nous. D'abord, je dois vous dire que la qualité du mémoire ne fait pas de doute, bien préparé et bien présenté. Et, M. Côté, vous semblez être un grand connaisseur de tout ce qui concerne la question du saumon, et les gens qui sont avec vous. Écoutez, vous avez mentionné dans votre mémoire que l'aquaculture, en fait c'est plusieurs millénaires, des milliers d'années. Alors, au Québec, en ce qui concerne la mariculture, à peine 20 ans, donc on a sans aucun doute un rattrapage à faire. Et, quand on calcule l'augmentation prévue par la FAO en ce qui concerne les besoins pour la biomasse, et enfin il y a aussi les besoins autres, là, que ceux qui sont actuellement satisfaits... Dans le fond, je dois vous dire que je suis content que vous soyez là, qu'on puisse... On n'a pas assez de temps, M. le Président. On peut travailler ce soir si la députée de Bonaventure est d'accord. On pourrait prolonger, on aurait une bonne discussion.

Moi, là, j'aurais plusieurs questions à vous poser sur, par exemple, le saumon, parce que, spécifiquement, votre organisation est vouée à la protection du saumon de l'Atlantique, et, je vous le dis tout de suite, dès le départ, pour ne pas que ça parte mal comme discussion et comme échange, je pense que c'est une richesse inestimable que nous avons au Québec de pouvoir vendre une image de marque pour les gens qui viennent pour faire la pêche au saumon dans nos merveilleuses rivières du Québec. Je vous le dis tout de suite, c'est un acquis. J'ai été aussi au Tourisme avant d'aller à l'Agriculture, aux Pêcheries et à l'Alimentation. Mais le saumon de l'Atlantique sauvage, comme nous avons dans nos rivières, à quelle place on le retrouve ailleurs dans les autres régions maritimes de l'Est? Et quel est son chemin? Autrement dit, bon, je sais que M. Cusson a dit que le siège social est au Nouveau-Brunswick, je connais bien le Nouveau-Brunswick, il y a du saumon dans la rivière Miramichi, mais, quand on va en Nouvelle-Écosse, quand on va au Cap-Breton, quand on va à Terre-Neuve, on le retrouve où? Est-ce qu'on le retrouve en aussi grande qualité et quantité qu'au Québec ailleurs dans les Maritimes?

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Côté (Yvon): Bien, je dirais qu'il y a deux caractéristiques assez spécifiques au Québec. Naturellement, le saumon de l'Atlantique, bon, il y en a partout dans l'Atlantique nord, côté est, côté ouest de l'Atlantique nord, entre grossièrement, là, le Portugal du côté européen, puis l'État du Connecticut du côté américain, et jusqu'à l'Ungava du côté du Québec, et puis jusqu'en Norvège du côté européen. Bon, c'est toute l'aire de répartition du saumon, donc c'est la région subarctique de l'océan Atlantique. Ce qui fait la caractéristique du saumon du Québec, c'est deux choses. Il y a une caractéristique qui est biologique puis une caractéristique, je dirais, qui est sociologique.

La caractéristique biologique, c'est que le Québec est le principal producteur de grands saumons, je dirais, probablement dans le monde, et ceci, avec la Norvège. Il y a deux pays, dans toute cette aire de répartition, qui produisent les plus grands saumons. Tous les autres pays ont tendance à produire des saumons qui ont un poids moyen d'environ une douzaine de livres et des saumons qui ont passé deux ans en mer. Au Québec, on produit beaucoup de saumons de deux ans de mer et beaucoup de saumons de trois ans de mer. La raison à ça, c'est une raison biologique, c'est que les aires où le saumon doit se reproduire sont très éloignées des aires où il doit s'engraisser en mer, et la longueur des trajets a une influence sur la grosseur des saumons, ce qui fait qu'on est unique un peu avec la Norvège de ce point de vue là. Et ça, ça fait une qualité et ça a, pour le pêcheur sportif, une qualité de pêche qui est difficile à équivaloir ailleurs, que ce soit à Terre-Neuve ou au Nouveau-Brunswick. Terre-Neuve produit surtout des petits saumons de un an de mer et quelques deux ans de mer. La Miramichi, qui produit probablement à elle seule probablement presque autant de saumons que tout le Québec, parce que c'est un réseau hydrographique formidable, ne produit quand même que des saumons de taille moyenne. Quand on vient au Québec, c'est parce qu'on cherche une qualité de pêche en termes de pêche, en termes de pêcheurs et de biologie.

Maintenant, ce qui est caractéristique au Québec, qui n'a été fait nulle part ailleurs, c'est le système de gestion qui est essentiellement basé sur des organismes du milieu. Au Québec, on a parlé tantôt que l'Association de M. Robin D'Anjou comporte une trentaine de gestionnaires de rivières à saumon. Ce sont des gestionnaires sans but lucratif, donc ce sont des gens du milieu qui ont décidé de se former en associations pour gérer, pour le mieux-être des régions, leurs ressources, et ça, on ne le trouve nulle part. Et, ce faisant, chacune des associations gère sa rivière sur une base rivière par rivière. Donc, il y a un fort sentiment d'appartenance des associations locales à l'égard de la rivière, et ces associations, depuis qu'elles existent, ont pratiquement enrayé le phénomène de braconnage de contestation qui existait beaucoup dans les années soixante et soixante-dix. Maintenant, je ne dis pas qu'il n'existe plus de braconnage. Il y en a, mais c'est du braconnage lourd auquel les agents de la conservation de la Faune et Parcs doivent s'adresser. Mais le braconnage de contestation parce que le système ne faisait pas l'affaire, comme à une certaine époque, ça n'existe plus grâce à la mise en place d'associations. Donc, ça, c'est un phénomène social unique au Québec.

Si on regarde ailleurs comment sont gérées les rivières, en Europe, les rivières sont tout simplement privatisées, parce que l'histoire de la colonisation d'Europe est vieille, et tous les secteurs de rivières appartiennent à des privés. Donc, ce sont essentiellement des clubs privés.

Si on regarde du côté canadien, à Terre-Neuve, les rivières sont gérées directement par le gouvernement fédéral à Terre-Neuve, et Nouvelle-Écosse, la même chose. Nouveau-Brunswick, il y a un système hybride où il y a des clubs, un petit peu d'associations, mais également le gouvernement fédéral très présent. Donc, le Québec a une gestion rivière par rivière très responsable, très scientifique qui implique les gens du milieu. Ça, c'est une caractéristique particulière chez nous. C'est ces deux choses-là qui attirent l'étranger. Quand on demande à l'étranger: Pourquoi vous venez chez nous? Pour la qualité de vos rivières, de votre environnement, pour la qualité de vos saumons, pour la facilité qu'on a à accéder, parce que votre territoire, il est ouvert aux gens, il est ouvert aux Québécois et il est ouvert aux étrangers. Alors, ça, ce sont des caractéristiques qu'on veut protéger.

Le Président (M. Dion): Merci, M. le président. M. le ministre.

M. Arseneau: Étant donné que les réponses sont très élaborées, je vais donner mes questions en rafale, parce que... en espérant avoir... Écoutez, c'est parce que vous dites, je comprends bien, là, on est à peu près comme exemplaires au Québec en ce qui concerne la gestion de notre saumon, donc ça va bien. Mais est-ce qu'on a des garanties... Parce que, moi, je suis allé, là, je vais à l'île... Campobello Island, par exemple, dans la baie de Fundy, et il y en a de l'élevage. Est-ce qu'on a des garanties, même si on continuait, si on vous donnait vos deux zonages respectés puis pas d'élevage en cage... Est-ce qu'on a des garanties, par exemple, que ce qui se fait ailleurs, chez nos voisins, qu'on ne va pas avoir des truites arc-en-ciel, par exemple, aussi grosses que des saumons qu'ils vont amener par chez nous? Quelles sont les garanties qu'on a que ce que vous nous demandez de protéger va être protégé?

n(16 h 30)n

Et, dans le fond, la question, c'est la suivante: Il n'y a pas de doute que... On n'en élève pas actuellement de saumons en cages, au Québec, on n'en élève pas. Ce n'est pas un problème. Je ne sais pas si ça va aller dans ce cadre-là dans notre cadre de développement.

Mais, un: Est-ce qu'on a des garanties que, même si on continue et qu'on n'en fait pas, on va quand même préserver cette richesse inestimable qu'on a?

Deuxièmement: Est-ce que, par exemple, pour vous de la Fédération, si on décidait de faire de l'élevage en cages de salmonidés femelles stériles, est-ce que, pour vous, ce serait suffisant ou bien est-ce qu'il y aurait encore un risque, par exemple, pour les populations sauvages de saumons du Québec?

Et une petite dernière question: Est-ce que vous pensez qu'on peut, au niveau de la mariculture et de la pisciculture d'eau douce au Québec, aller du côté d'une production pour la consommation humaine, pour des besoins alimentaires au Québec? Est-ce qu'on doit aller vers ça?

Je comprends qu'il faut protéger cette richesse inestimable qu'on a, mais est-ce que ce cadre, ce qu'on veut se donner comme outil, c'est légitime? Il y aurait comme trois questions.

Le Président (M. Dion): M. le président, alors vous avez trois questions à répondre et peu de temps. Alors, je vous donne la parole.

M. Côté (Yvon): Je vais commencer par la dernière, bon, la légitimité de satisfaire le besoin alimentaire de la population. Ça, c'est indiscutable, je pense qu'on doit reconnaître... On l'a dit plus tôt, c'est bien sûr que le Québec se doit de favoriser l'autoalimentation de sa population, c'est bien sûr, et prendre la place qu'il y a lieu de prendre de ce côté. Ça, c'est indiscutable.

Quant aux deux autres questions, la question de la garantie... La question de la garantie, il n'y en a pas de garantie dans ce système-là, c'est bien sûr. C'est ce qu'on dit dans notre mémoire. Malheureusement, les systèmes aquatiques sont des systèmes ouverts. C'est pour ça qu'on doit être prudent.

M. Arseneau: ...Norvège. Vous parliez de la Norvège tantôt, mais aussi ils font de l'élevage de saumons en cages, puis ils en pêchent dans les rivières.

M. Côté (Yvon): La Norvège actuellement a des problèmes, de très grands problèmes, au point où ils ont été obligés dans certaines occasions d'éradiquer complètement les souches de poissons de certaines rivières... empoisonner littéralement les rivières pour repartir à neuf parce qu'il y avait eu des contaminations par des parasites et autres maladies qui faisaient que ça ne pouvait plus soutenir... Donc, des problèmes, ils en ont eu.

Maintenant, la Norvège se dirige ? parce qu'ils ont une aquaculture qui est importante, puis on ne peut pas l'effacer, puis on ne peut pas effacer le passé malheureusement ? ...la Norvège se dirige maintenant vers la création de sanctuaires dans certains fjords. Il y a certains fjords sur lesquels les Norvégiens n'ont pas actuellement développé d'aquaculture et, maintenant, les Norvégiens se disent: Plutôt que de remplir un et chacun des fjords un après l'autre, il y a certains fjords où nous allons interdire dorénavant et pour toujours l'élevage du saumon dans ces coins-là.

C'est donc dire que ce que le Québec propose est de faire attention et, tant qu'on n'a pas les certitudes voulues, de ne pas utiliser le territoire québécois pour faire des expériences qui auraient des résultats malheureux. Ce n'est pas sans fondement, et on voit que ce genre d'approche là est prise ailleurs en Norvège.

Donc, de garantie, on n'en a pas. Par contre, il existe l'Organisation pour la conservation du saumon dans l'Atlantique Nord. Cette organisation a été faite d'abord pour contrôler les pêches commerciales au Groenland mais également pour s'assurer que des mesures de conservation, sur tous les aspects qui peuvent avoir un impact sur le saumon, soient prises dans chacun des pays.

Il y a une dizaine d'années, l'OCSAN s'est occupée de la question des pluies acides, a été très avant-gardiste de ce côté-là parce que les pluies acides étaient une menace en Amérique du Nord pour le saumon de l'Atlantique. Maintenant, l'OCSAN s'occupe de développer des protocoles de façon à ce que chacun des pays qui est signataire de l'OCSAN respecte les protocoles d'élevage pour le saumon de l'Atlantique.

Alors, une des mesures importantes de ces protocoles d'élevage, c'est d'avoir des périmètres de protection de part et d'autre des principales rivières à saumons. Ces périmètres de protection, ils sont en discussion actuellement. On parle de distances qui peuvent aller de 30 km jusqu'à 100 km de part et d'autre des rivières à saumons. Alors là, la discussion, elle est là, à ce point-ci. Les gens ont accepté qu'il devra y avoir des périmètres d'exclusion là où existent des rivières à saumons. Est-ce que le périmètre d'exclusion sera de 30 km, est-ce qu'il sera de 100 km? On en est là en termes de discussion. Donc, le Québec, c'est un peu cette approche-là qu'on a, puisque, si on prend la Gaspésie, de 30 km en 30 km, vous êtes d'une rivière à saumons à une autre. Alors, l'approche que nous avons, c'est essentiellement celle-là.

Sur la question des poissons stériles, j'aimerais laisser mon collègue répondre à ça.

M. Cusson (Charles): Sur ce point-là, M. le ministre, dans la plupart des pays, parmi la réglementation de l'industrie, il y a des normes qui stipulent que les gens sont censés se servir de poissons stériles. Mais, dans le moment, sur la côte du Pacifique, en Colombie-Britannique et certains des États de l'ouest des États-Unis, on commence à avoir des populations de saumons de l'Atlantique qui apparaissent dans les rivières. Ils ne sont pas tombés du ciel, ça a commencé avec des poissons d'élevage qui n'étaient pas stériles, qui se sont échappés puis qui se sont trouvés dans les rivières, qui sont en train de déplacer des espèces indigènes de cette région-là. Un autre exemple, c'est au Chili où l'industrie de l'élevage de plusieurs espèces est à un rythme incroyable. Il y a maintenant des pourvoyeurs sur certaines rivières au Chili qui offrent des forfaits de pêche au saumon de l'Atlantique. Ça, c'est au Chili. C'est juste pour vous dire qu'il y a des normes qui sont en place mais, dans certains cas, il peut y avoir certains individus en fait de poissons qui peuvent passer entre les coulisses ou ça peut dépendre aussi du genre d'éleveurs en question.

Le Président (M. Dion): Merci, M. Cusson. Alors, je vais maintenant donner la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, messieurs, bienvenue à cette commission. Merci pour votre contribution. Évidemment, je ne suis pas très surprise de votre position. Tout à l'heure, on recevait l'Association des aquaculteurs puis on a parlé justement du dossier de l'élevage en cage, et j'ai fait référence à votre position qui est assez claire. Cependant, j'aimerais peut-être me concentrer sur une de vos recommandations spécifiques, celle qui concerne l'évaluation, la réévaluation environnementale des entreprises aquacoles à tous les cinq ans, et faire le pont avec la position du Regroupement des mariculteurs, ce matin, qui nous a informés de leur démarche, de la démarche de tous les membres pour se doter d'un code de gestion des bonnes pratiques.

Et ma question est bien simple: Dans ce cas-ci, est-ce que vous pensez qu'on devrait en fait soumettre à une réévaluation environnementale, avec ce délai-là, tous les sites aquacoles qui sont exploités ou priorisés ou vous souhaiteriez qu'on puisse y aller par entreprise, d'une part, et, d'autre part, sur la base justement du travail que fait actuellement le Regroupement des mariculteurs pour s'autodiscipliner, pour se doter donc d'un code de gestion des bonnes pratiques qui est en lien avec les objectifs de développement durable? Est-ce que ça, ça pourrait vous satisfaire? Et compte tenu de toute la réglementation qui existe actuellement au niveau environnemental, est-ce que vous pensez que tout ça offre, je vous dirais, une... est-ce que c'est suffisamment sécurisant pour l'organisation que vous représentez?

Le Président (M. Dion): Merci. M. le président.

M. Côté (Yvon): Excellente question. Non, je pense que... Je n'ai malheureusement pas pu assister, ce matin, à la présentation. Ce que vous m'en dites me rassure. Nous avons mis cinq ans. Pourquoi cinq ans? Pourquoi pas neuf ans ou 10 ans, puisqu'on parle de faire des baux sur neuf ou 10 ans? Pour nous, ça a été une espèce de raison de cohérence. Quand nous sommes intervenus sur le débat sur la révision du régime forestier... Au niveau des forêts, les forestiers sont assujettis à des plans quinquennaux, et ce que nous avons défendu à ce moment-là, puisqu'il s'agit de plans quinquennaux, alors de plans quinquennaux en plans quinquennaux, s'il doit y avoir une réévaluation qui est faite de cinq ans en cinq ans pour des fins forestières, il devrait aussi y en avoir une en même temps pour des fins environnementales.

Dans le cas particulier des plans d'aquaculture, nous ne savons pas exactement sur quelle échelle de temps seront faits les plans d'aquaculture. Alors, le cinq ans est là plutôt à titre indicatif et pour être cohérents avec d'autres positions que nous avons défendues en terme environnemental. Mais, si M. le ministre établit des plans de développement de l'aquaculture qui soient, je ne sais pas, aux sept ans ou aux 10 ans, c'est bien sûr que là, à ce moment-là, on tentera de ne pas rendre la vie plus compliquée qu'il ne le faut aux aquaculteurs et de s'ajuster sur l'échelle de temps ou le pas de temps que le ministre déterminera pour ces plans de développement de l'aquaculture.

Alors, je pense qu'il ne faut pas... Le cinq ans était là à titre indicatif pour susciter le débat et pour faire bien comprendre que c'est beau d'avoir des réglementations qui protègent l'environnement, mais on ne peut pas tout suivre partout, on ne peut pas tout suivre en même temps. Quand des dissidents, par rapport à une réglementation environnementale, ont été identifiés, il faut donner une chance à ces gens-là de rentrer dans le droit chemin. Il faut peut-être donner une chance, deux chances, mais, à quelque part dans le temps, soit aux cinq ans, soit aux 10 ans, il faut faire une réévaluation de performance financière ? les banquiers vont le faire ? et environnementale. Je pense que c'est le rôle du gouvernement de faire cette partie-là. Alors, c'est plus ça qu'on voulait dire pour ça.

Le Président (M. Dion): Merci, M. Côté. Mme la députée.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Est-ce que vous pensez que votre recommandation devrait se retrouver dans le cadre de développement de l'aquaculture que va certainement rédiger le ministre un jour? Est-ce que vous pensez que ça devrait faire partie d'un futur cadre réglementaire sur l'aquaculture?

n(16 h 40)n

M. Côté (Yvon): Oui. J'imagine qu'il va y avoir des règlements qui vont découler de l'application de cette loi-là. Alors, bien sûr, je pense que ça devrait faire partie... Il y a toute une batterie de normes, en fait, qui devraient apparaître au niveau de la réglementation spécifique qui va arriver plus tard, et je pense que ça devrait en faire partie, effectivement.

Mme Normandeau: Bien. Autre question, M. le président. À la toute fin de votre document, en fait, vous souhaiteriez qu'on précise le pouvoir d'inspection des agents de la faune. Ma question est bien simple: «Préciser le rôle», est-ce que vous souhaitez qu'on en fasse des espèces de policiers de l'aquaculture pour qu'on puisse assurer une espèce de contrôle sur les activités qui sont faites? Pourquoi avoir apporté cette recommandation-là dans votre document? Je vous pose la question pour bien saisir l'esprit dans lequel vous l'avez présentée.

M. Côté (Yvon): Oui. O.K. Il y a deux endroits dans nos commentaires article par article où on a fait ce genre de remarque: on l'a fait pour le permis d'aquaculture puis on l'a fait également au niveau des inspecteurs.

Alors, le permis d'aquaculture existe déjà, mais je pense qu'on va le redimensionner, on va le recalibrer à l'occasion de cette loi-là. Et nous, on ne voudrait pas que, à l'occasion de la reconception qu'on peut faire du nouveau permis d'aquaculture, on oublie qu'il existe aussi des autorisations en vertu de l'article 22 de la Loi sur l'environnement et aussi en vertu d'un article de la Loi sur la conservation de la faune. Donc, qu'il y ait un permis de l'aquaculture, je pense que c'est dans les prérogatives du ministre qui gère ce secteur-là d'en avoir un, mais n'oublions pas qu'il en existe aussi deux autres, et il ne faudrait pas les escamoter.

De la même façon, la nouvelle loi propose la création d'un nouveau corps, un corps d'inspecteurs. Il existe probablement déjà un équivalent, mais c'est probablement une reformulation des agents d'inspection de viande ou je ne sais trop. Mais, en même temps qu'on dit ça, nous, on veut rappeler au ministre qu'il existe aussi dans la Loi de la conservation de la faune un corps de policiers de la faune qui sont les agents de conservation de la faune et qui ont des juridictions à l'égard de l'inspection des piscicultures. Alors, n'oublions pas ça. Nous, on dit: Ceci existe, et il faudra s'assurer que ces deux corps qui supervisent l'application de règlements aient des juridictions claires, qu'ils travaillent ensemble et en concertation et qu'un corps policier n'en élimine pas un autre. Je ne pense pas que c'est ça qui soit recherché par ce qui est là, mais on voulait juste s'en assurer, autant pour le permis que pour les inspecteurs ou agents de conservation.

Le Président (M. Dion): Mme la députée.

Mme Normandeau: Merci. Là-dessus, évidemment, vous n'êtes pas à des années-lumière, au contraire, vous partagez tout à fait le point des intervenants qui sont venus ce matin en priorisant une approche interministérielle, parce que le fait que vous soulevez le fait qu'il y ait des réglementations diverses qui existent, vous êtes conscient aussi qu'il faut peut-être assurer une meilleure harmonisation des interventions pour que tout ce beau monde-là, finalement, se parle, mais également qu'il y ait une concertation plus grande dans les interventions pour faciliter le travail des promoteurs ou des entreprises qui sont dans le secteur de l'aquaculture.

J'aimerais peut-être revenir sur le fait que vous privilégiez une approche prudente. Enfin, c'est intéressant, votre mémoire, parce qu'il y a un... D'ailleurs, j'imagine que le ministre, qui est historien de formation, a trouvé ça intéressant pour ça, parce que vous faites beaucoup référence à l'histoire, en fait, entre autres, et vous nous plongez souvent... vous faites des parallèles avec ce qui se passe sur le plan international ? c'est bien intéressant ? notamment avec l'approche prudente, sur la nécessité de connaître les impacts qui sont liés avant de développer un site sur le plan environnemental. Ça, j'imagine que, si vous privilégiez cette approche-là, c'est que ça a un lien avec votre recommandation de réévaluer tous les sites à tous les cinq ans. Est-ce que c'est possible de nous en dire plus? Parce que le défi qu'on a... C'est des beaux principes, tout ça ? j'essaie d'être très pragmatique, là ? puis j'adhère à ces principes-là: développement durable, protection des écosystèmes, biodiversité. Mais, dans les faits, on a des entreprises qui souhaitent créer de l'emploi et qui elles-mêmes acquiescent à tous les principes de développement durable. Mais comment on fait pour passer de la théorie à la pratique, avec une approche comme celle-là, puis faire en sorte que ce soit vivable pour tout le monde puis que tout le monde soit gagnant-gagnant dans le processus? J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, M. Côté.

Le Président (M. Dion): M. le président.

M. Côté (Yvon): L'approche prudente peut prendre différentes formes. D'abord, bien sûr, avant l'installation de tout... Je ne parle pas des anciens projets. C'est parce que j'ai entendu les propos d'un présentateur précédent à l'égard des projets déjà existants. Je pense que, évidemment, l'État a des responsabilités par rapport aux entreprises qui existent actuellement et qui ont été fondées sous des réglementations différentes. Mais, par rapport aux nouvelles entreprises ou par rapport aux expansions d'anciennes entreprises, là c'est différent, les règles du jeu sont différentes, et, depuis les derniers 30 ans, on s'est aperçu dans le fond qu'on a des... il ne faut pas avoir la tête dans le sable, on a des problèmes au niveau environnemental même au Québec. Je pense que le Québec fait bonne figure en matière d'environnement dans bien des choses, mais le Québec a quand même signé un accord de Rio sur la biodiversité et la protection des espèces vulnérables et en danger. Le Québec fait partie de toutes les tables environnementales au niveau mondial. Donc, on a des responsabilités de ce côté-là.

Toutes ces tables environnementales ou les concertations qui existent au niveau mondial préconisent l'approche prudente. L'approche prudente, c'est celle de dire: Bon, désormais... Je pense qu'on a assez d'expérience, maintenant, partout dans l'univers pour se dire qu'on ne doit plus maintenant faire une chose et on va observer après le résultat, et, si ça ne fait pas, bien, on corrigera. On sait bien que, ça, ça ne marche pas. Parce que faire une chose, impliquer des gens, des promoteurs, injecter des millions dans quelque chose, s'apercevoir par après que ce n'est pas tout à fait correct, puis devoir sérieusement revenir en arrière, ce n'est totalement pas possible. Bon.

Alors, ce que l'approche prudente dit: Désormais, basons la réalisation de nos projets sur des observations scientifiques. Et l'absence de connaissances scientifiques ne doit pas être un justificatif pour commencer à entreprendre quelque chose. L'absence de justifications ou d'observations scientifiques est une raison pour dire: Investissons désormais un peu plus dans la recherche, dans le développement avant de faire quelque chose. C'est ça, le sens de l'approche prudente. Mais l'approche prudente n'empêche rien; elle retarde un peu ? je sais bien que personne n'aime entendre ce mot-là de ce temps-ci ? elle retarde un peu les choses, mais elle n'interdit pas le développement. Au contraire, l'approche prudente va dans le sens d'un développement durable. Avec une approche prudente qui est supportée par des connaissances scientifiques adéquates, le développement devient durable. Sinon, le développement n'est pas durable. Sinon, on prend des risques avec l'environnement. C'est ce qu'on dit.

Alors, c'est un peu la philosophie que l'on défend. Ça reste encore des grands principes. Comment faire que ça se réalise? Injecter plus dans la recherche et le développement, faire des études d'impact avant de réaliser des projets, soumettre des projets. Quand on va accaparer un milieu pour une certaine destination, par exemple, si on doit implanter des cages dans un milieu marin où il y a déjà des pêcheurs commerciaux, où il y a déjà de la villégiature, où il y a déjà du nautisme, je pense que la moindre des choses voudrait qu'on discute, en audience publique, entre tous les intervenants concernés, du bien-fondé ou de l'acceptabilité sociale de ça. Ça, ça va dans le sens de l'approche prudente.

Une autre chose qui irait dans le sens de l'approche prudente, puis c'est bien pratico-pratique par rapport au projet de loi, et qui va dans le sens de ce que vous disiez... S'il y avait un comité conjoint, si, à l'occasion de cette loi-là, on faisait un comité conjoint qui, lui, ferait en sorte qu'il y aurait des gens de l'Environnement, des gens de Faune et Parcs et des gens de l'Agriculture qui verraient à approuver les projets, qui verraient à soumettre au ministre une recommandation d'approbation à l'égard d'un projet de développement, la concertation entre ministères, elle se ferait là. Et l'avantage pour l'utilisateur, c'est qu'il n'aurait pas à aller voir à trois places pour avoir son permis. Il s'adresse au comité qui, lui, fait la recommandation au ministre. Et le ministre, lui, après ça, a accès au cabinet des ministres. Et, la concertation, elle arrive a priori plutôt qu'a posteriori.

Ça, ça va aussi dans le sens d'une approche prudente, puisque les points de vue vont apparaître au plus haut niveau, dès les premiers instants de départ d'un projet plutôt qu'à la fin. Il n'y a rien de plus déplaisant pour un promoteur que de faire tous ses plans puis de voir apparaître une critique, une jambette à la dernière minute. C'est la dernière chose qu'on veut voir. On aime mieux le savoir au début qu'à la fin.

Mme Normandeau: Est-ce que j'ai encore un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Dion): Oui.

Mme Normandeau: Est-ce que votre comité conjoint s'apparente à votre suggestion, à la page 22, de créer un groupe de veille entre les ministères? Est-ce que c'est la même chose?

M. Côté (Yvon): C'est la même chose, essentiellement la même chose.

Mme Normandeau: J'ai peut-être une dernière question, M. le Président, si vous permettez. À la page 3 de votre mémoire, vous établissez comme principe que les espèces en péril doivent être considérées, dans le développement de nouvelles industries, afin d'éviter de rendre leur situation plus critique.

J'ai préparé une belle question pour vous: Dans cette perspective, si le projet de loi devait prévoir la désignation d'espèces protégées selon certaines modalités, en fait, quelles seraient les modalités pour lesquelles on devrait opter? Et, si oui, croyez-vous que le saumon atlantique devrait en faire partie? En fait, est-ce qu'on devrait reconnaître le saumon atlantique comme espèce protégée ou le désigner comme espèce protégée telle quelle?

M. Côté (Yvon): Bon. Moi, je pense qu'au Québec on n'en est pas rendu là encore. C'est bien sûr que la situation du saumon dans l'Atlantique Nord, elle est catastrophique, compte tenu des investissements qu'on fait en termes de gestion, en termes de participation sociale, en termes de développement économique de la ressource, de l'amélioration de l'habitat; les résultats ne sont tout simplement pas là ? on l'avoue. C'est catastrophique, c'est très malheureux.

n(16 h 50)n

Par contre, le Québec, avec les quelques saumons qui restent, on fait une gestion des stocks de reproducteurs qui est absolument parcimonieuse. C'est bien sûr que, si, pour les 10 prochaines années, ça continue comme ça, on a bien beau gérer notre tarte le mieux possible, bien, la tarte va fondre. Mais on n'en est pas là. On espère que, d'ici 10 ans, les choses vont se corriger. Mais c'est bien sûr que, si ça ne se corrige pas, on devra en arriver là, comme d'autres juridictions en sont arrivées. L'État du Maine vient de déclarer le saumon atlantique, dans le Maine, espèce menacée. Et, compte tenu de ça et parce que cette législation-là est une législation fédérale aux États-Unis, le Congrès a approuvé cette législation-là et désormais ? les Américains font des choses qui sont à une autre dimension comme Québécois ? ils sont prêts à investir des millions, des dizaines de millions et des centaines de millions pour sauver les quelques saumons qui restent au Maine. Et s'il faut injecter ces millions-là au Groenland pour empêcher que les Groenlandais prennent les trois saumons du Maine qui restent sur la terre, ils vont le faire, et c'est ce qu'ils ont signé. Ils ont signé un accord avec le Groenland pour protéger les quelques saumons du Maine qui peuvent rester et qui migrent au Groenland, et que, si on ne faisait pas une entente pour empêcher la pêche commerciale, bien, quelques-uns de ces saumons-là seraient capturés et auraient moins de chance de revenir demain.

Alors, les Américains sont prêts à aller très loin, et c'est un peu le sens de votre interrogation. D'une part, est-ce qu'on est rendu là? Puis si on est là, bien, ça va avoir quel impact sur tous nos autres agissements au Québec? Ça pourrait aller loin. Effectivement, ça pourrait aller loin, mais je connais...

Mme Normandeau: Donc, votre réponse, c'est non.

M. Côté (Yvon): Non, pas pour l'instant.

Mme Normandeau: C'est ça. Bien. Merci. C'est beau, M. le Président, merci.

Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, Mme la députée. Je vais maintenant donner la parole... Il reste... Mais avant de donner la parole, je voulais vous informer qu'il reste six minutes seulement, et j'ai plusieurs demandes de parole. Alors, je commence par la première. M. le député d'Iberville.

M. Bergeron: Merci, M. le Président. Si je décide d'aller acheter du saumon pour souper, qui sont les fournisseurs des poissonneries des marchés d'alimentation, ici, à Québec ou au Québec, disons?

M. Côté (Yvon): Il n'y a pas longtemps, il y avait beaucoup la Nouvelle-Écosse, mais je pense qu'on a maintenant de moins en moins de la Nouvelle-Écosse. Moi, sur le marché, je vois l'Écosse, je vois la Norvège puis je vois le Chili. On a eu... Il y a eu, il y a quelques années, la Colombie-Britannique qui en fournissait beaucoup, puis même ça a posé des problèmes au niveau canadien parce qu'à une certaine époque on devait étiqueter avec une bague blanche les saumons d'aquaculture, et il y a eu... je pense que le gouvernement fédéral a aboli cette réglementation-là pour permettre aux saumons de la Colombie-Britannique d'arriver plus facilement sur le marché de l'Ouest. Mais là je ne sais pas si on en a autant. Mais il y a une diversité selon les mois de l'année, parce que chacun de ces producteurs-là ne produit pas dans les mêmes mois. Alors, selon les mois de l'année, ça peut venir de Norvège, et puis pendant l'autre six mois de l'année, pendant qu'on va être en été dans le Sud, bien là, ça peut venir du Chili. Alors, une très grande mobilité, là, une flexibilité du marché là-dessus, hein.

M. Bergeron: Je voulais poser une question qui a été répondue. Je voulais demander si c'était une espèce en péril. Vous m'avez parlé de catastrophe. Est-ce qu'on pourrait penser que l'élevage serait une solution à cette catastrophe appréhendée?

M. Côté (Yvon): Oui et non. Oui, dans le sens que, de façon temporaire, en faisant l'élevage des souches adéquates, par exemple, en élevant, en faisant des élevages de souches sauvages, donc qui respectent la génétique, le bagage héréditaire de... bon, il y aurait moyen, et on le fait de toute façon. Il y aurait moyen, par des interventions de pisciculteur, de venir aider la nature en rivière, sauf que le Québec gère déjà très bien les stocks de saumons en rivière, et on se prive de l'exploitation par la pêche sportive ou même autrement de façon à laisser suffisamment de reproducteurs en rivière.

Le problème n'est pas nécessairement là sauf exception. Le problème est que ces saumons reproduisent en grande quantité en rivière mais ils ne reviennent pas. Le taux de mortalité... Il y a 30 ans, pour un saumon qui se reproduisait en rivière, il en revenait quatre autres cinq ans plus tard. Maintenant, là, c'est un pour un, puis des fois on est en bas de un pour un. Ça ne peut tout simplement pas continuer comme ça parce que, si ça continue comme ça, l'espèce va disparaître. Alors, c'est soit qu'on a un problème climatique engendré par l'homme ou un problème climatique cyclique qui, un jour, va revenir, mais actuellement on est sur le bord de la falaise, là.

Est-ce que ça va durer, est-ce que ça durera... il n'y a personne qui peut le prédire, parce que tout ça se passe dans l'Atlantique et c'est impossible de suivre. Il y a beaucoup de recherches qui sont faites, notamment par la Fédération du saumon de l'Atlantique, pour suivre les saumoneaux en mer pour voir quand est-ce que ça arrive. Est-ce que c'est les... On se dit: Est-ce que c'est les phoques? Il y avait 1 million de phoques il y a 30 ans, maintenant, il y en a 6, 7 millions. Est-ce que c'est les phoques qui... On dit que les phoques ne capturent pas beaucoup de saumons mais, si chaque phoque capture un saumon, bien, ça fait bien des saumons. Alors, il est possible que ce soit la population des phoques qui ait quelque chose à... L'océan Atlantique Nord s'est refroidi énormément, malgré qu'il y ait un réchauffement de la planète. Le réchauffement de la planète occasionne la fonte des glaciers dans l'Atlantique Nord, et la fonte des glaciers fait le refroidissement de l'Atlantique Nord, particulièrement au niveau du Groenland, qui est la meilleure zone d'alimentation du saumon. Alors, le saumon maintenant n'a plus accès, dans l'Atlantique Nord, aux mêmes zones d'alimentation auxquelles il avait accès il y a 30 ans. Les aires d'alimentation qui lui restent semblent moins profitables. Donc, il y a peut-être là une cause de mortalité. Il y a plusieurs choses qui s'additionnent. La cause exacte, personne n'est en mesure de la dire.

M. Bergeron: Une dernière question. Vous avez fait un parallèle entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage. J'aimerais peut-être entendre le biologiste là-dessus. Donc, au niveau de la robustesse et de beaucoup de caractéristiques, il est peut-être une proie plus facile pour le prédateur. Comment en est-on arrivé à produire un saumon qui soit plus fragile, alors qu'il me semble que, avec tout ce qu'on possède au niveau technologique, il y aurait peut-être les éléments pour produire un saumon aussi robuste?

Le Président (M. Dion): Alors, M. le président ou monsieur, vous avez une minute pour répondre à la question.

M. Nadeau (Louis-Bernard): En fait, c'est que le besoin n'est pas le même. Pour l'élevage, le besoin, c'est la chair, donc on va développer un saumon qui a du muscle. Veux veux pas, de la chair, c'est du muscle. On va développer un saumon qui a du muscle, beaucoup de muscle, mais moins de mobilité. Un phoque qui va se promener, il va le ramasser un peu plus facilement. Donc, il va avoir une difficulté au niveau de la survie, au niveau de la survie en mer en termes de prédation et aussi en termes de nourriture. Des fois, ils vont aller chercher de la nourriture qui est plus... en fait, ils vont se nourrir de poissons qui sont quand même assez rapides, donc ils vont aller chercher vraiment... bien, il va falloir qu'ils bougent un peu plus. Sauf qu'un poisson qui est plus gros va se déplacer un peu moins vite. Donc, c'est des changements au niveau génétique qui font qu'il est moins adapté à son milieu, c'est là la survie qui est un peu précaire.

Le Président (M. Dion): Alors, merci, M. Nadeau. Merci, M. le député. Merci, messieurs les représentants du saumon de l'Atlantique ou, plutôt, de la Fédération québécoise. Je vous remercie de votre collaboration.

Et je vais demander à Greenpeace de s'approcher, mais je ne sais pas si on ne devrait pas... oui, on va interrompre cinq minutes. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 57)

 

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Dion): Alors, je vais demander aux représentants de Greenpeace et à chacun des participants de prendre place, s'il vous plaît.

Alors, nous allons commencer immédiatement. Et, vous connaissez nos règles du jeu, je pense, vous êtes habitués de venir devant nous. Alors, je vous donne la parole, M. Éric Darier, représentant de Greenpeace. Vous avez la parole.

Greenpeace

M. Darier (Éric): Merci, M. le Président. Merci, MM. et Mmes de la commission pour nous avoir invités aujourd'hui.

Je voudrais avant vous signaler que j'ai soumis, ce matin, un addenda à notre mémoire. J'espère que vous en avez une copie. C'est tout simplement des références supplémentaires. J'ai fait référence à ce document. J'en ai mis également derrière moi pour les gens qui sont dans la galerie et qui souhaiteraient suivre ces documents. Je ne vais pas aller dans les détails de notre mémoire ici, vous l'avez lu. On fait des recommandations très précises, même aux termes des termes à utiliser au niveau du texte de loi. Je vais quand même faire quelques commentaires généraux, et peut-être, à travers notre conversation après, on pourra peut-être rentrer plus dans les détails techniques si vous le souhaitez.

Bon, comme vous le savez sans aucun doute, Greenpeace est une organisation environnementale qui existe depuis plus d'une trentaine d'années. Nous comptons au Québec à peu près 20 000 membres individuels, au Canada, à peu près 100, 120 000, dépendant comment on les compte, quand on les compte, et à peu près, au niveau international... à peu près deux millions et demi, 2,7 millions à travers toute la planète. Et nous sommes présents dans une quarantaine de pays et, donc, nous avons également une vision, une perspective, si vous voulez, globale et internationale de ces dossiers. La protection des océans et des espèces menacées dans les zones, disons, plus internationales sont une de nos préoccupations.

Pour ce qui est du mémoire aujourd'hui, nous avons trois objectifs ici, si vous voulez. Au niveau de ce que nous vous recommandons, c'est premièrement une référence explicite au principe de précaution et au développement durable. C'est la première recommandation. La deuxième, c'est une interdiction de l'utilisation de poissons ou d'espèces transgéniques en aquaculture. Et, troisièmement, renforcement des contrôles et des pénalités en cas de contamination génétique provenant d'espèces transgéniques.

Nous espérons vraiment et vivement que le Québec, effectivement, se dote d'une loi sur l'aquaculture commerciale qui permette d'éviter les conséquences négatives pour l'environnement liées à l'expansion de l'aquaculture, et l'inclusion explicite du principe de précaution et du développement durable dans le texte de loi serait une des conditions nécessaires pour garantir un développement de l'aquaculture qui soit non seulement durable pour les écosystèmes, mais aussi pour l'économie des régions concernées. Donc, j'étais très content, ce matin, dans ses remarques, que le ministre ait mentionné, je crois, deux ou trois fois le développement durable. Donc, je pense, ce serait une technicalité que d'introduire dans le texte de loi une référence explicite au développement durable. Je pense que ce serait important à ce niveau-là.

Il est également important de dire que le développement de l'aquaculture commerciale au Québec ne devrait pas être un substitut à une politique vigoureuse de conservation des espèces sauvages et la préservation de leurs habitats, c'est-à-dire qualité de l'eau, prévention de la pollution, la libre migration et le déplacement des poissons dans les rivières, etc. En fait, une politique de conservation efficace devrait être la priorité première, hein, la priorité du gouvernement du Québec plutôt qu'une politique de ? je cite le texte de loi: «croissance» de l'aquaculture commerciale.

Néanmoins, hein, soyons réalistes, si le Québec décidait d'encourager l'aquaculture commerciale, il serait préférable que ce soit une aquaculture de qualité plutôt, nécessairement, que de quantité, qui minimise les intrants tels que les antibiotiques ou les aliments protéinés puisés dans les réserves marines ou fluviales en péril au Québec ou ailleurs. Le développement de l'aquaculture commerciale a trop souvent mené à la destruction d'écosystèmes côtiers ou riverains importants, et c'est pour cette raison que Greenpeace est fortement opposée à l'objectif explicite de «croissance» ? je reprends le terme de l'article 2 de l'avant-projet ? même si ce terme de croissance est qualifié d'ordonné.

Nous espérons que d'autres intervenants feront des commentaires allant dans le même sens et que des membres de cette commission présenteront des amendements à ces effets. Notre mémoire ne passe pas en revue d'une manière exhaustive l'ensemble des impacts négatifs de l'aquaculture sur l'environnement. Je pense que la présentation précédente l'a très bien démontré, l'introduction d'espèces d'aquaculture dans les milieux sauvages a des conséquences très importantes.

Donc, première proposition et très précise, c'est l'introduction du développement durable et du principe de précaution dans les premiers articles du projet de loi ou de l'avant-projet. Je pense que c'est important. Le développement durable, bon, bien je pense que c'est depuis 10 ans qu'il est là, le gouvernement du Québec a une politique de reconnaissance du développement durable. Donc, je pense que ce ne serait qu'une formalité que de l'inscrire à l'intérieur de la loi pour être sûr que c'est effectivement reconnu de manière formelle.

Le principe de précaution à nouveau. Le principe de précaution, comme vous le savez, le gouvernement du Québec, lors de l'entente qui est intervenue à Montréal en l'an 2000 ? une rencontre internationale sur la biosécurité ? a été un des premiers, en fait, à dire qu'il voulait mettre en place une stratégie québécoise pour mettre en place ce protocole de biosécurité. Le protocole de biosécurité, que le gouvernement fédéral est en train de consulter de manière assez intense pour savoir s'ils vont le ratifier, inclut, dans le préambule et au moins dans deux autres articles de ce protocole, une référence à l'approche ou au principe de précaution. Donc, je pense que ce serait bien pour le gouvernement du Québec de mettre à jour, si vous voulez... d'adopter un projet de loi qui soit vraiment en concordance avec ce qui se désigne, ce qui est en train de se présenter au niveau international. Donc, le principe de précaution devrait effectivement être inclus d'une manière très explicite dans l'avant-projet de loi et dans le projet de loi éventuellement.

n(17 h 10)n

La deuxième proposition, c'est la proposition qui est... en fait, qui n'est pas dans le projet de loi, c'est l'interdiction des espèces aquacoles transgéniques en aquaculture. Donc, ça, c'est tout le problème des poissons transgéniques. Je pourrais répéter ici, en fait, tous les arguments que M. Yvon Côté a présentés avant sur les risques des poissons d'élevage ou des poissons transgéniques comme menace qui monte pour les poissons sauvages et espèces sauvages. On parle d'habitude de ce qu'on appelle le «gène de Troie», c'est-à-dire la capacité justement de ces poissons transgéniques de se reproduire plus facilement avec les espèces naturelles dans la première génération, mais éventuellement les générations subséquentes, il y a un effondrement de ces espèces après, qui sont moins aptes à survivre à l'extérieur, et donc pourrait mener, d'après les modèles informatiques, à l'extinction des poissons, des saumons transgéniques en une quarantaine de générations.

Donc, je souhaiterais, en fait, également me faire un peu l'écho des autres recommandations. Vous allez me dire: Bon, Greenpeace, c'est Greenpeace, mais est-ce qu'il y a d'autres groupes scientifiques ailleurs sur lesquels vous pourrez justifier votre interdiction des espèces transgéniques? Bien, premièrement, il y a le rapport de la Société royale du Canada, rapport indépendant de 14 experts éminents à travers du Canada, qui a fait une recommandation... en fait, qui a fait des recommandations au gouvernement fédéral à propos d'un moratoire sur l'utilisation des espèces transgéniques aquacoles en milieu ouvert. Fait assez intéressant, je pense que c'est à peu près une trentaine de pages du rapport de la Société royale qui est dévouée aux poissons transgéniques. Une trentaine de pages sur 25, c'est assez considérable. Donc, ça montre bien l'inquiétude des scientifiques indépendants.

Je pourrais également vous citer... C'est ce que je vous citais dans l'addenda. En fait, l'addenda n° 1, je vous cite également que le gouvernement britannique, la Commission sur la biotechnologie agricole et environnementale du gouvernement britannique, vient de faire un rapport, daté du 3 septembre, sur les animaux et la biotechnologie et il disait très bien que le poisson transgénique était une des espèces vraiment les plus dangereuses, à risque et, donc, était très inquiet là-dessus. Donc, c'est un des autres rapports internationaux.

Vous avez également aux États-Unis, après tout, le comité du National Research Council qui a également fait une étude sur les animaux ? vous avez cette référence n° 6 à l'addenda ? qui, également, sont très, très inquiets de ces espèces et notamment du poisson, mais pas exclusivement, au niveau des impacts sur les autres écosystèmes.

Donc, vous voyez, ici, vous avez un ensemble de rapports scientifiques qui proviennent quand même de pays assez importants au niveau économique, mais également au niveau du prestige de ces scientifiques qui concluent qu'effectivement il y a des considérations importantes et qu'on pourrait justifier facilement un moratoire ou une interdiction du poisson transgénique là-dessus.

Je voudrais également signaler un autre domaine qui a été déjà mentionné par la présentation précédente, c'est la NASCO, c'est-à-dire, en fait, l'Organisation de conservation de l'Atlantique Nord qui, à l'unanimité, très récemment, en juin 2001, a recommandé un moratoire justement sur l'introduction du poisson transgénique, du saumon transgénique en aquaculture. Et c'est important de se rappeler que ce sont tous les pays de l'Atlantique Nord qui sont membres. Donc, tous les pays, incluant le gouvernement fédéral canadien, ont accepté cette recommandation unanime de la NASCO contre l'utilisation du poisson transgénique en aquaculture. Donc, je pense que ça, c'est très important de le rappeler et de le mentionner.

Je voudrais vous rappeler également et vous mentionner également une décision en date du 29 juillet. Ceci, cette référence, est à l'addenda en n° 2, un juge du Maine a demandé... en fait, ordonné à une entreprise canadienne d'élevage de saumons de ne pas élever de saumons transgéniques dans ses enclos au Maine. Donc, vous avez, si vous voulez, un précédent légal. Et, d'après les experts juridiques aux États-Unis, cette décision va avoir un énorme impact au niveau de l'autorisation ou non du poisson transgénique aux États-Unis, car ça crée un précédent très important apparemment, cette décision.

Et donc, par conséquent, basé sur toutes ces... si vous voulez, preuves scientifiques et de ces rapports scientifiques et légaux également, nous pensons que le gouvernement du Québec pourrait effectivement refléter ce consensus international et formellement interdire le poisson transgénique en aquaculture à travers justement ce projet de loi, puisqu'il y un projet de loi à ce niveau-là.

Troisième proposition, c'est, en fait, un renforcement des contrôles et des pénalités en cas de contamination génétique. Comme il n'existe pas encore de cadre légal de responsabilité civile adapté spécifiquement à la contamination génétique causée par la dissémination d'OGM dans l'environnement, il est important et urgent pour les législateurs du Québec de renforcer les contrôles pour la prévention et prévoir le financement des mesures préventives ou d'endiguement par les pollueurs. Et, donc, nous vous faisons des recommandations très spécifiques, également, de donner des pouvoirs, si vous voulez, accrus aux inspecteurs pour justement avoir la capacité technique et scientifique de détecter des contaminations d'origine génétique à travers les espèces ou le poisson transgénique.

Nous souhaitons également inclure explicitement la responsabilité civile et le principe du pollueur-payeur, spécialement dans le cas d'une pollution génétique causée par l'introduction d'espèces sauvages. Donc, à nouveau, nous faisons des recommandations spécifiques au niveau du texte qui est là.

Je voudrais vous signaler un autre élément qui est assez intéressant, il y a actuellement un projet de loi qui est débattu au Sénat en Californie ? le projet de loi, c'est le 1525 ? qui prévoit l'interdiction explicite du poisson transgénique en Californie et prévoit en plus des amendes qui pourraient aller monter jusqu'à 50 000 $US, ce qui fait à peu près 75 000 $CAN. Donc, moi, ce que je voudrais vous suggérer et le laisser à vous en tant que législateurs, mais c'est reconsidérer toute la section sur les dispositions pénales de l'avant-projet et de regarder les montants que vous prévoyez au niveau des amendes qui, à première vue ? on parle de 3 000 à 9 000, etc., ou de 6 000 à 18 000 ? me semblent très réduites par rapport à ce que d'autres cadres, ou d'autres pays, ou d'autres... zones légales ? je m'excuse, c'est un peu tard ce soir ? prévoient déjà au niveau des amendes. Donc, je pense, ce serait un autre élément que vous devriez vous pencher là-dessus. Donc, je pense que je vais m'arrêter ici. Je n'ai peut-être pas pris toutes mes 20 minutes, mais je pense qu'on peut continuer à travers un débat plus ouvert à ce niveau-là. Merci.

Le Président (M. Dion): Très bien. Merci, M. Darier. Alors, nous allons commencer immédiatement nos échanges, et je donne la parole à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le ministre.

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président. Moi aussi, je veux remercier M. Darier, de Greenpeace, d'être avec nous pour cet échange et nos discussions sur... Dans le fond, votre mémoire, qui est axé sur trois principes... Dans le fond, il y a trois éléments importants qui ressortent: principe de précaution, puis la question des espèces transgéniques sur laquelle vous insistez beaucoup ? ça semble très important ? et la question des amendes. J'allais dire pour les aquaculteurs, chez nous, qui sont soumis à des amendes comme... Peut-être que comparé au projet aux États-Unis... C'est en Californie?

Une voix: Oui.

M. Arseneau: Mais, il n'est pas passé encore, là, c'est à l'étude?

M. Darier (Éric): Oui, c'en est rendu, je pense, en deuxième lecture au Sénat, je pense.

M. Arseneau: Écoutez, il y a dans votre mémoire des éléments... Évidemment, nous, on parle de développement durable, vous l'avez dit, de façon ordonnée. Vous avez vu, dans notre avant-projet de loi, la question d'écoconditionnalité où on fait un lien entre le respect des normes environnementales et le soutien de l'État, et on pense que, actuellement, au Québec, en ce qui concerne la mariculture, l'aquaculture de façon générale, évidemment, on a des problématiques environnementales, mais on travaille très fort. Je ne sais pas si vous étiez ici pour les exposés qu'on a eus en début d'après-midi avec l'Association des aquaculteurs du Québec, mais vous voyez qu'ils nous accusent d'être vraiment tough comme gouvernement en ce qui concerne les normes environnementales, et tout, et on pense qu'on travaille très fort pour trouver des solutions à ces problématiques environnementales, pour vraiment qu'on puisse avoir un développement durable de l'aquaculture. C'est vrai aussi pour la mariculture. Et là on a aussi des problématiques en ce qui concerne les utilisateurs divers du domaine hydrique de l'État. Donc, on est vraiment préoccupé par ça.

n(17 h 20)n

Mais vous, vous insistez vraiment sur la question de la protection. Le développement durable est énoncé comme un principe, avec vraiment un principe de précaution où finalement, avant d'avancer, on devrait être extrêmement prudent. Mais vous avez vu aussi que, par exemple au niveau de la mariculture au Québec, on s'était donné un objectif de 1 000 tonnes et puis on est à, je pense, 600 quelque chose, en 2001, tonnes. Alors, on est aux balbutiements. Mais vous avez entendu aussi nos aquaculteurs, nos mariculteurs dire: On est pris dans toute une série de normes très sévères à respecter. Nos entreprises sont fragiles. On doit faire de la recherche et du développement. Il faut parfois attendre sept ans avant d'avoir le fruit, les retombées de ce qu'on fait, par exemple, dans les pétoncles. Ce sont des investissements, là, ce sont des gens qui investissent et qui risquent. Alors, vous, vous nous dites, si je comprends bien: Le développement durable, mais pas de croissance. Comment on peut inciter des gens à investir si on dit: Ce n'est vraiment pas en fonction, là, de la croissance, mais tout axé sur le développement durable et sur la précaution? On va être pris avec les poissons qui vont venir d'ailleurs, là.

Alors, ma question, c'est celle-ci: Comment on peut encourager des investisseurs? Parce que ce n'est pas l'État, là, qui va développer l'aquaculture au Québec, l'État va soutenir, va donner des outils, va donner des règles, on va travailler en... C'est prévu dans la décision du Conseil des ministres, où je devrai travailler avec mes collègues de l'Environnement, de la FAPAQ pour assurer, là, de l'échange d'informations, même au-delà de la CAI, etc., tout ça est prévu. Mais, je vous demande, M. Darier, dites-moi comment je vais faire pour intéresser des gens, des biologistes, des scientifiques, des investisseurs à dire: Voilà, il faut développer ce secteur-là? Ça, c'est ma première question.

M. Darier (Éric): En fait, il y a beaucoup de questions dans vos commentaires, là.

M. Arseneau: Bien, il y en a une.

M. Darier (Éric): Il y en a une, mais il y a beaucoup... Au niveau du principe de précaution, je pense qu'un élément important, le principe de précaution essaie d'éviter qu'on répète les erreurs du passé. Donc, c'est vraiment essayer d'éviter d'aller tête baissée dans un développement quelconque, spécialement lorsque des scientifiques indépendants disent carrément qu'ils sont très inquiets sur ces développements. Je pense que c'est la première chose. Donc, peut-être qu'on a avantage au Québec, du fait que, peut-être pour des raisons historiques à nouveau, on n'a pas développé l'aquaculture peut-être autant qu'ailleurs, peut-être pour voir spécialement les problèmes qui se sont posés ailleurs au niveau de l'aquaculture. Donc, je pense que les commentaires qui ont été faits par la présentation avant soulignaient justement, donnaient des exemples très concrets de voir ailleurs quelles ont été les erreurs qui ont été faites ailleurs de telle manière qu'on ne les répète pas ici.

Je pense que c'est ça, l'élément important, donc, parce que, même pour les investisseurs, hein, il faut se dire aussi: Eux, ils ne veulent pas investir dans des projets qui, au bout de deux, trois ans, pour des raisons soit de maladie accrue, ou autres, détruisent complètement les industries. Je pense qu'il y a eu déjà des exemples. J'ai entendu ce matin des exemples précis où, effectivement, les premières vagues d'aquaculture ont été dévastées à cause de certaines maladies, ou autres. Donc, je pense qu'il faut vraiment apprendre les leçons du passé et ne pas les répéter. Je pense que ça, c'est important.

Au niveau des termes, je pense que les termes utilisés dans l'avant-projet de loi, «croissance ordonnée», ça peut vouloir dire beaucoup de choses et peut-être pas grand-chose. Ce n'est pas un terme tellement reconnu au niveau international, il n'y a pas de protocole qui reconnaît explicitement la croissance ordonnée.

M. Arseneau: Est-ce que le terme d'«écoconditionnalité» existe ailleurs à l'international? Est-ce qu'il a un sens?

M. Darier (Éric): Bien, disons que... Bien, je ne sais pas. Disons que c'est un terme qui est utilisé plutôt au Québec. Je sais que celui du développement durable et, disons, du principe de précaution est plus reconnu au niveau international. Donc, ce serait peut-être mieux ou, disons, moins ambigu d'essayer de l'utiliser ici et de l'appliquer plutôt que peut-être introduire d'autres termes. «Croissance ordonnée», si l'intention, si, vraiment, derrière ce terme, vous pensez développement durable, bien écrivez «développement durable». Je ne pense pas que ça soit très compliqué d'utiliser ce terme.

L'autre aspect de la réponse à votre question, c'était: Qu'est-ce qu'on doit faire ici, au Québec? Et c'est ce que je vous disais. Je ne sais pas en quelle page de notre mémoire, mais on disait: Bien, écoutez, au lieu d'aller pour la quantité, hein, au niveau de l'aquaculture, allez-y pour la qualité, développez une aquaculture où les produits de cette aquaculture à un prix plus élevé, assez élevé... qui permet de générer beaucoup de revenus tout en minimisant, hein, les quantités de ces espèces et minimisant également les risques pour les écosystèmes, pour les espèces sauvages, etc. Donc, je pense qu'il y a des créneaux, hein? Et ne suis pas un expert en aquaculture, mais il doit y avoir des créneaux très spécifiques d'espèces très demandées, hein, qui permettraient, à un prix élevé... qui permettraient justement de créer une aquaculture de qualité relativement limitée pour limiter les risques et qui permettraient également un développement régional et aider justement les régions qui en ont besoin.

Le Président (M. Dion): M. le ministre.

M. Arseneau: Oui. Alors, vous savez, au Québec, quand... Les intervenants précédents, on parlait du saumon. Au Québec, on ne fait pas l'élevage du saumon de l'Atlantique d'aucune façon, on n'en fait pas. Notre mariculture actuellement, essentiellement sur les moules, les cultures, et sur les pétoncles. Dans le cas des pétoncles, par exemple, on va capter des naissains, on les fait grandir, on leur permet de vieillir jusqu'à un stade d'adolescence ou d'enfance et on retourne ensemencer les fonds naturels. Donc, il n'y a rien, là, de transgénique ou qui n'est pas naturel. Alors, on respecte aussi la nature.

Moi, j'ai toujours pensé, M. Darier, que, dans le fond, les problèmes de pollution ou les problèmes, je dirais, de l'activité, les résultats de l'activité humaine dans ses interférences avec la nature, c'est lorsqu'ils surchargent un cycle naturel de façon à briser le cycle pour permettre... surcharger la nature. Alors, quand vous parlez, par exemple, des transgéniques, actuellement, au Québec, à ma connaissance, il ne s'en fait pas, et en Amérique du Nord non plus. Et ce que vous mentionnez pour la décision du Maine et ce qui est en marche ailleurs en Amérique du Nord, ça ne se fait pas, ce n'est pas prévu et explicite. Est-ce que ça serait prudent pour nous actuellement d'aller dans ce sens-là alors que le gouvernement de Québec n'a pas encore fait son lit en ce qui concerne toute la question des OGM et ces choses-là? Pourquoi on devrait aller si loin que ça? En fait, vous nous proposez presque, vous nous suggérez des choses qu'on n'a même pas l'intention de faire, on ne fait pas au Québec.

Alors, moi, ce que je demande, c'est comment vous... Vous souhaiteriez actuellement qu'on légifère ou qu'on mette dans la législation des choses en ce qui concerne le transgénique alors que ça ne se fait pas ni au Québec, ni au Canada, ni en Amérique. Est-ce que vous avez peur qu'on... C'est quoi, votre crainte, là, par rapport au transgénique, là? C'est ça que je ne comprends pas.

M. Darier (Éric): O.K. Au niveau du contexte officiel légal, il n'y a pas de poisson transgénique autorisé au Canada. Il y a une demande actuellement aux États-Unis pour une commercialisation du poisson transgénique. D'ailleurs, cette demande est une compagnie américaine qui opère, en fait, dans les Maritimes, hein, AFProtein, sur l'Île-du-Prince-Édouard. C'est très difficile de savoir s'ils vont obtenir une autorisation pour le saumon transgénique. S'ils obtenaient cette autorisation, ce serait la première fois que ce serait le cas. Et probablement ça va être la première, mais probablement pas la dernière non plus. Je pense que c'est ça, le cadre au niveau... Le gouvernement fédéral, à une réponse à Greenpeace, a mentionné qu'il n'y avait pas eu de demande d'autorisation de poisson transgénique au Canada, d'accord? Très bien.

Ceci étant dit...

M. Arseneau: ...ce que je veux dire, c'est...

n(17 h 30)n

M. Darier (Éric): Ceci étant dit, puisque vous êtes en train, hein... Bon. Vous savez, un projet de loi, prend... faire adopter une loi, c'est quand même quelque chose d'assez exceptionnel; on ne fait pas ça tous les jours.

Donc, nous, on vous dit: Utilisez l'occasion que vous avez aujourd'hui dans l'avant-projet de loi ? et, on espère, un projet de loi très bientôt ? pour justement refléter ce qui émerge en termes de tendance, d'accord, au niveau international. Je vous ai donné toutes les indications à ce niveau-là, et, donc, agissez en tant que leader. Puisque le Québec veut être à l'avant-garde, je pense que ce serait un moyen d'envoyer un signal très clair à la fois au gouvernement fédéral mais également aux investisseurs, c'est-à-dire que les investisseurs ici n'ont pas à s'inquiéter d'une contamination génétique, de poissons transgéniques au moins à l'intérieur des frontières du Québec ou du moins dans les compétences du gouvernement du Québec à ce niveau-là et donc réduire les risques potentiels de dommages créés par ce type de poissons transgéniques.

Donc, c'est également, si vous voulez, créer un environnement financier et économique qui serait très clair vis-à-vis des investisseurs. Mais je suis d'accord avec vous au niveau d'un besoin qu'il y a au Québec de débattre non seulement du poisson transgénique, mais des autres OGM ? organismes génétiquement modifiés ? et c'est pour cela que nous avons fait une demande formelle avec le réseau québécois contre les OGM auprès du ministre de l'Environnement pour un BAPE générique sur les OGM, parce qu'effectivement suite à la recommandation par exemple du Conseil de la science et de la technologie du Québec, suite au rapport de l'Institut national de santé publique, effectivement beaucoup d'experts et de professionnels et de scientifiques ici, au Québec, s'inquiètent de ça et qu'on devrait avoir un débat public là-dessus.

Donc, effectivement, ce serait peut-être l'endroit souhaitable d'avoir un débat plus large. Mais dans le contexte de cette loi ici aujourd'hui ? de ce projet de loi, ici aujourd'hui ? je pense que vous pourriez, en tant que MAPAQ, être innovateurs et dire très clairement que vous voulez refléter un peu ce qui se fait ou ce qui s'en vient au niveau du poisson transgénique et demander l'interdiction.

M. Arseneau: On va rester dans le domaine du transgénique, parce que, dans votre mémoire, c'est une part très importante. Bon. Est-ce que, possiblement ? parce que déjà il y a une directive du ministère de Pêches et Océans qui l'interdit ? est-ce que, si on allait dans notre réglementation... préciser qu'on l'interdisait dans la réglementation, vous seriez satisfait avec ça ou bien, s'il faut que ce soit pour donner l'exemple d'un leadership, il faudrait que ce soit dans la loi? En tout cas, peut-être que vous pourriez me répondre à ça.

Mais c'est que vous proposez ensuite le renforcement des contrôles et des pénalités en cas de contamination génétique... de l'application, en fait, du principe pollueur-payeur, si je comprends bien. Mais ce que j'aimerais... À votre connaissance, est-ce que ça existe en quelque part dans le monde, ça, des législations qui ont consacré ce principe du pollueur-payeur pour la contamination génétique? Et comment on fait, là... Ça serait quoi, les modalités d'application, là, dans un cas de contamination? En fait, comment on mesure? Est-ce qu'on a des données? Parce que, un phénomène de contamination, là, il faut essayer de trouver les coupables. On peut courir à l'international. Je ne le sais pas. J'aimerais que vous m'en parliez un petit plus, là, comment ça pourrait fonctionner, là.

M. Darier (Éric): Bien. En fait, comme vous le savez probablement, le protocole de biosécurité, une fois qu'il va entrer en force, il y aura à peu près quatre ans où la communauté internationale où les parties qui auront ratifié ce protocole devront se mettre d'accord sur un cadre de responsabilité civile au niveau international. D'accord? Donc, effectivement, il va y avoir une période où les normes internationales vont émerger.

Ce que je veux dire et ce qui est important, c'est de prévoir dès maintenant un cadre de responsabilité civile. Vous parlez d'amendes. En fait, ce n'est même pas tellement les gens de l'aquaculture que je visais plutôt ici, mais c'est un cadre de responsabilité civile bien plus large et étendre ça probablement également aux compagnies de biotechnologies elles-mêmes. Après tout, c'est elles qui ont mis un produit sur le marché et je ne vois pas pourquoi ça devrait être nécessairement les aquaculteurs ou les mariculteurs qui se retrouvent en première ligne. C'est un peu comme, si vous voulez, au niveau de l'agriculture, pourquoi ce seraient les agriculteurs qui devront payer les pots cassés lorsqu'il y aura des problèmes avec les OGM et non pas les compagnies comme Monsanto, entre guillemets, qui devraient se protéger derrière?

Donc, je pense que c'est ça. Il devrait y avoir un cadre de responsabilité civile bien plus large au niveau international, mais je pense que le Québec pourrait être innovateur à ce niveau-là. Je pense que vous avez déjà le projet de loi de la Californie qui prévoit déjà des amendes là-dessus. Et ça serait également un moyen d'envoyer un message très clair aux investisseurs, de leur dire: Vous devez, non... Vous avez des droits. On peut vous aider au niveau du développement économique, mais vous avez également des responsabilités, parce que qui c'est qui va payer les pots cassés en bout de parcours, hein? Ça va être les espèces qui vont disparaître ou qui risquent d'être menacées et puis ça va être les contribuables du Québec et ailleurs qui vont ramasser les pots cassés en bout de parcours. Donc, je pense que c'est important d'envoyer un message très clair.

Vous avez également mentionné: Est-ce que vous voulez une interdiction à travers une réglementation ou à travers le projet de loi? Ce serait plus clair si c'était dans le texte de loi, bien entendu. Mais, si vous voulez m'envoyer une lettre signée par vous comme quoi vous vous engagez à interdire ou ne pas autoriser le poisson transgénique, je serais très heureux de recevoir cette lettre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Dion): Alors, merci beaucoup, M. Darier.

M. Darier (Éric): En attendant, bien entendu, en attendant.

M. Arseneau: En attendant, bien sûr, en attendant.

Le Président (M. Dion): On va laisser M. le ministre réfléchir à ça, et je vais donner la parole à Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. M. Darier, bonjour. Vous avez l'honneur de clore nos travaux, aujourd'hui. Évidemment, c'est très intéressant. J'aimerais un peu poursuivre la discussion au niveau d'une de vos recommandations sur les espèces transgéniques.

En fait, les gens qui vous ont précédé ? la Fédération québécoise du saumon de l'Atlantique ? mettaient en lumière les difficultés de cohabitation entre les espèces indigènes et non indigènes ou pathogènes dans le saumon, mais, vous, vous allez plus loin en demandant l'interdiction des espèces transgéniques.

Vous savez qu'au Québec le gouvernement tarde à faire son nid, comme le ministre l'a si bien dit tout à l'heure, malgré le fait que le Conseil de la science et de la technologie ait émis des avis assez clairs là-dessus. Alors, ce que vous faites, en d'autres termes, vous rappelez au gouvernement et au ministre qui est ici un peu ses devoirs au niveau, là, de l'établissement d'une politique claire concernant les organismes génétiquement modifiés.

Le ministre m'a un peu devancée parce que, tout comme lui évidemment, je partageais une préoccupation de savoir si au Québec ou ailleurs on faisait ce type de manipulation, si je peux m'exprimer comme ça. Mais je peux comprendre en même temps que vous optez pour une approche prudente, pour utiliser les termes des gens qui vous ont précédés, parce qu'on a l'impression qu'on est toujours un peu dans la fiction, hein, quand on parle de... quand on fait référence en fait aux difficultés ou même aux conséquences et à la probabilité qu'on pourrait, dans le secteur de l'aquaculture au Québec, faire appel à des espèces transgéniques. Mais, en même temps, j'ai envie de vous dire: Il faut peut-être probablement user davantage de prudence que d'attendre qu'effectivement... ou de laisser un vide juridique qui laisserait une certaine latitude à certains promoteurs de se lancer dans ce secteur-là.

Mais vous avez quand même très bien répondu aux questions. C'est pour ça que je souhaiterais vous interpeller sur une autre question, celle que vous avez relevée à la page 5 de votre mémoire concernant en fait... Parce que votre mémoire, vous commentez au fur et à mesure, là, certaines sections ou articles contenus dans le projet de loi, et à la section II du projet de loi, l'article 22 ? ça, c'est dans le dernier paragraphe de la page 5 de votre mémoire ? vous faites référence en fait aux activités liées à la recherche puis aux expérimentations, à l'expérimentation, et vous souhaiteriez dans le fond... vous ajoutez un amendement à l'article qui est déposé en insistant sur la nécessité d'avoir une consultation publique. En fait, vous dites: On autoriserait des activités de recherche et d'expérimentation mais après avoir tenu des consultations publiques. Puis vous parlez même... vous allez même plus loin en exigeant une inscription obligatoire, un registre public permanent et le plus détaillé possible.

Est-ce que c'est possible de nous dire pourquoi en fait vous demandez une telle mesure de sécurité? Parce que c'est carrément ça, là; c'est un peu l'esprit dans lequel vous le déposez. Puis pourquoi un registre public permanent et le plus détaillé possible? Qu'est-ce que vous souhaiteriez voir dans le détaillé qui pourrait servir l'intérêt du public dans le contexte?

M. Darier (Éric): Merci pour cette question. En fait, c'est un point très important. Une des recommandations du comité d'experts de la Société royale du Canada portait sur la transparence, c'est-à-dire que, ce qu'ils ont identifié, c'est qu'il y a un manque ? et ça, c'est en général sur les OGM, hein, et pas seulement sur le poisson transgénique ? un manque de transparence de l'information qui circule au niveau de quel type de recherche, quel type de demande, pourquoi, etc., dans quelles conditions.

Ce type de registre dont on mentionne existe en Europe. Dans beaucoup de cas, ce sont des obligations qui sont imposées à tous les développeurs d'avoir un registre public où sont, où se situent les champs d'expérimentation par exemple pour les OGM, d'accord? Et le but de ça, ce n'est pas simplement pour donner l'adresse à Greenpeace pour aller faire des manifestations dans les champs, c'est quelque chose de bien plus...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Darier (Éric): C'est l'argument que j'ai entendu parler, hein? L'argument pour ne pas révéler ça, ça a été: Ah! c'est parce qu'on ne veut pas que des gens de Greenpeace viennent détruire les champs expérimentaux.

Mais la vraie raison pour laquelle il y a un registre public dans beaucoup de cas en Europe, c'est qu'il est important que les agriculteurs des champs voisins sachent et aient une possibilité d'accès à ces informations en cas justement de contamination, pour être sûrs que, s'il y a une contamination, la causalité soit très bien établie, d'accord, pour pas qu'il y ait une contamination, si vous voulez, à l'aveuglette, d'accord?

n(17 h 40)n

Donc, notre demande d'avoir un registre public, c'est également pour protéger, si vous voulez, les bassins d'aquaculture qui sont voisins de ces centres expérimentaux pour être sûrs qu'il n'y a pas de risque potentiel de contamination lors de ces expériences. Je pense que c'est une question de prudence, bon, et de transparence. Je pense que c'est ça, également.

Au niveau des informations les plus complètes, on parle notamment de la structure par exemple de l'ADN ou du gène qui a été transféré sur l'ADN; quelles sont les caractéristiques de ces fonctions de ce gène sur l'ADN? Quel est l'objectif? Quels sont les risques potentiels envisagés a priori, d'accord? Quelles sont les mesures envisagées en cas d'échappement de ces poissons, dans ce cas-là, dans les milieux marins ou dans les rivières, etc.? Donc, c'est ce type d'information qui devrait être rendu public.

Ce qu'on demande également, c'est que, en cas d'autorisation de ces types d'expérimentation, la réponse détaillée du gouvernement devrait être également donnée. C'est-à-dire, à nouveau, la Société royale du Canada le mentionne dans beaucoup de cas, des fois, on autorise... ce n'est pas seulement que le gouvernement fédéral autorise des OGM, mais il n'y a pas vraiment de rationalité très détaillée sur le pourquoi on a décidé que c'était sécuritaire, pourquoi on a commercialisé. Donc, je pense qu'il devrait y avoir une obligation d'explication et donc de transparence vis-à-vis du public pour à la fois être sûrs que tous les travaux de prévention et de sécurité ont été faits, mais également, bon, certainement de relations avec le public et les citoyens qui ont quand même le droit de savoir ce qui se fait en leur nom. Je pense que c'est simple. J'espère que j'ai répondu à votre question.

Mme Normandeau: Bien, c'est très clair, parce que, évidemment, M. le Président, si le ministre décidait finalement de faire sienne la proposition que vous suggérez au niveau de l'interdiction carrément des espèces transgéniques, on comprend que cette clause-là ou cet amendement-là tomberait, finalement. Parce que, là, finalement, l'acceptation du premier principe ferait en sorte que ça deviendrait caduc, votre amendement.

M. Darier (Éric): Ça dépend. Vous savez, la façon dont je l'ai dit, c'est qu'on n'est pas contre des expérimentations qui pourraient porter sur l'introduction de poissons transgéniques qui viendraient d'ailleurs sur les écosystèmes du Québec, d'accord? Donc, il y aurait peut-être, dans certains cas très limités... On ne veut pas non plus arrêter toute la recherche, hein? Parce qu'il faut quand même également être conscients que, s'il y avait une contamination génétique qui venait d'ailleurs, il faudrait peut-être effectivement faire certaines recherches pour regarder justement quels seraient les impacts de cette contamination qui viendrait de l'extérieur.

Je vous donne un exemple très concret qui est arrivé: le fameux maïs StarLink qui est illégal au Canada, qui était autorisé aux États-Unis et qui s'est retrouvé en fait dans la chaîne alimentaire et qui... Bon. On a eu au moins, enfin, deux incidents où il s'est retrouvé ici, une fois au Québec et une fois ailleurs. Il n'y a pas eu vraiment de suivi médical pour savoir quelles vont être les conséquences à long terme, etc. Donc, on serait en faveur de recherches pour faire un suivi épidémiologique, si vous voulez, sur l'impact peut-être de cette contamination.

Donc, il ne faut pas exclure non plus totalement toute recherche mais il faut que ce soit vraiment fait dans le cadre de sécurité et non pas de promotion ou de développement, recherche et développement dans des buts commerciaux, c'est tout. Donc, c'était pour ça qu'on l'avait inclus dans ce contexte-là.

Mme Normandeau: M. le Président, est-ce que je peux une dernière question?

Le Président (M. Dion): Oui, certainement.

Mme Normandeau: Parce que ça suscite une autre interrogation. Vous parliez d'exemple concret, là. Cet après-midi, on a reçu M. Boulanger, je pense, qui est lui-même promoteur au niveau de l'aquaculture, qui fournit des oeufs pour différentes entreprises situées un peu partout au Canada puis en Amérique du Nord.

Si, par exemple, un entrepreneur comme M. Boulanger souhaitait faire une manipulation génétique pour améliorer non seulement la qualité de la chair du poisson, que le poisson soit plus rapide au niveau de sa croissance, ça, ça me semble légitime. Parce que, quand on parle d'espèces transgéniques, on a l'impression d'une espèce de monstre puis que c'est épouvantable. Mais j'essaie de voir le côté plus positif de la chose. Est-ce que vous vous seriez objectés... Est-ce que vous vous objecteriez à ce type de manipulations là qui finalement ont des objectifs qui sont très louables, là? Quand il s'agit d'augmenter la croissance ou le rendement de l'espèce au niveau de sa croissance, et tout ça. Comment vous voyez ça?

M. Darier (Éric): Bien, disons qu'il y a deux réponses au moins à ça. Un, le problème, et, à nouveau, c'est tous les scientifiques indépendants crédibles. La génétique, c'est vraiment une nouvelle science, d'accord? Et on n'a aucune, vraiment, idée de quelles vont être les conséquences à long terme sur la santé humaine, sur les écosystèmes de transferts de gènes d'une espèce à l'autre et répandus d'une manière très large, d'accord? Vraiment, on ne sait pas. Probablement, dans la plupart des cas, il ne devrait pas y avoir de conséquences, mais on ne sait pas. On parle, là, de transferts de gènes d'une espèce à l'autre qui ne se sont jamais produits, donc, par les voies naturelles. D'accord? Donc, c'est important de mesurer quand même ce saut.

Deuxièmement, oui, il y a peut-être des éléments louables à augmenter la croissance et tout ça, mais il faut le prendre dans un contexte plus large également. Mais dans le cas du poisson transgénique, si ce poisson transgénique s'échappe, à nouveau, comme les présentations précédentes l'ont indiqué, ceci peut avoir des conséquences bien plus catastrophiques que les avantages économiques à court terme.

Donc, notre monsieur aquacole qui fait des oeufs de poisson, s'il y a une interdiction, il ne pourra pas le faire, mais il n'aura pas également, en cas de catastrophe... s'il a exporté ses oeufs ailleurs à l'étranger et qu'il se retrouve après ça poursuivi en justice à cause des risques potentiels, je pense que, ça, c'est aussi un avantage de rassurer les investisseurs, de dire: On ne va pas se lancer dans une expérience génétique dont les conséquences pourraient être désastreuses. Et, spécialement aux États-Unis, je pense que les recours légaux à travers les cours sont assez colossaux. Le maïs Starlink, ça a coûté à Aventis à peu près du genre 1 milliard de dollars US, hein, pour le maïs Starlink, et c'est une compagnie qui pouvait se le payer. D'accord? Donc, imaginez ce qui pourrait se produire dans des cas encore plus sérieux d'accident.

Mme Normandeau: O.K. Une petite, petite en terminant, M. le Président?

Le Président (M. Dion): Allez-y, vous avez tout le temps, Mme la députée.

Mme Normandeau: Une toute petite question concernant le principe de la croissance. Vous le questionnez beaucoup, vous dites: Bien, finalement, pourquoi ne pas utiliser l'aspect développement durable? Le ministre vous a interpellé là-dessus.

Si on parlait de... Bon, vous avez même des réticences sur le fait de qualifier la croissance d'«ordonnée». Si on parlait de gestion ordonnée ou, enfin, pour vous, c'est vraiment le mot «croissance» qui pose un problème dans le projet de loi... dans l'avant-projet de loi?

M. Darier (Éric): Croissance, c'est très ambigu, hein? Croissance, ça fait allusion, je pense, à une augmentation en quantité, non?

Mme Normandeau: En?

M. Darier (Éric): En quantité. D'accord?

Mme Normandeau: En quantité, oui, O.K.

M. Darier (Éric): Ce que je ne voudrais pas, c'est que le projet de loi soit une porte d'ouverture pour augmenter l'aquaculture d'une manière très large et de manière peut-être plus large qu'il était prévu maintenant.

J'ai fait une référence dans mon texte à un dossier assez controversé actuellement qui est actuellement au BAPE, hein? C'est celui des mégaporcheries, et je pense que ça aurait été très bien d'avoir un débat, justement, sur la taille, sur qu'est-ce qui serait souhaitable au Québec au niveau des quantités de cochons, leur intensité, les concentrations, etc.

Donc, ce qui serait souhaitable vraiment, c'est ne pas répéter peut-être ce dossier des mégaporcheries ou de la problématique des porcs dans l'aquaculture. Et donc, c'est pour cela que, ayant vu ce qui se passe au niveau des mégaporcheries, peut-être qu'il serait prudent de ne pas mentionner le terme «croissance», même ordonnée, et, dès le départ, dès maintenant, d'être très clairs: Non, on va faire une aquaculture peut-être de qualité plutôt de quantité, on va apprendre les leçons de ce qui se fait ailleurs et non pas répéter les erreurs ailleurs, etc. Donc, c'est plutôt dans ce contexte-là.

Donc, j'insiste, j'insiste assez sur enlever ce terme de «croissance» même ordonnée, et on peut le remplacer carrément par «développement durable» et le principe de précaution, je pense, ou «gestion». Je pense qu'à un moment je parle de gestion...

Mme Normandeau: Gestion ordonnée, oui.

M. Darier (Éric): ...mais dans le contexte d'un développement durable et du principe de précaution.

Mme Normandeau: On sent bien votre insistance. Merci.

M. Darier (Éric): Merci.

Le Président (M. Dion): Alors, merci, Mme la députée, M. Darier. M. le ministre, il vous resterait trois minutes, des bonnes minutes.

M. Arseneau: Trois minutes? Écoutez, oui, alors, c'est M. Darier qui m'ouvre la porte. Parce que, là, quand même, je trouve que c'est un peu... Sur la question des mégaporcheries, d'abord, il faudrait s'entendre sur c'est quoi une mégaporcherie et c'est quoi la capacité de production et d'absorption.

Alors là, écoutez, Greenpeace, c'est quand même une organisation internationale aussi, là. Il y a des réalités. Je pense que, actuellement, on est dans un avant-projet de loi sur l'aquaculture qui comprend la pisciculture en eau douce, au Québec. On a parlé des volumes en introduction ce matin, la mariculture en termes de perspective de développement et de croissance.

n(17 h 50)n

Parce que, écoutez, là, il y a quand même des réalités. Les activités humaines visent aussi à des objectifs nobles et sains: il s'agit aussi de nourrir... il s'agit de croissance et de développement. Ce sont des activités économiques, bien sûr, mais qui visent aussi à des activités nobles qui sont de nourrir les gens dans les régions maritimes du Québec qui comptent beaucoup, entre autres, sur la mariculture, qui l'ont identifiée comme étant des axes ou des vecteurs de développement importants. Il y a là des réalités.

Il ne s'agit pas toujours de lancer la pierre à des gestionnaires autres que nous. Ça peut arriver à n'importe quelle autorité ou gouvernement de faire entre autres, ou entre guillemets, des erreurs. Je ne sais pas c'est qui qui parlait de la Norvège tantôt et du saumon, mais la morue a été pêchée pendant des siècles, le poisson rouge, le sébaste, aussi. Actuellement, les gens qui vous ont précédés par exemple questionnaient le phoque pour la question du taux de remplacement du saumon de l'Atlantique. Il y a des équilibres, il y a des cycles naturels qu'il faut respecter, j'en conviens, mais de dire qu'il n'y aura pas de croissance et de développement, ces activités humaines sont des activités économiques, non? Et les régions y comptent, alors qu'est-ce qu'on dit à ces régions-là?

M. Darier (Éric): Bien, je pense que ce qui est important de se rappeler, c'est justement les erreurs du passé pour ne pas les répéter. Le développement durable, c'est également, c'est également, c'est également penser aux six prochaines générations, d'accord? C'est de se dire: Est-ce que... et je pense qu'au sujet de la surpêche ? parlons de surpêche ? je pense que ça a été ? on l'a vu dans les Maritimes ? un désastre au niveau local. La disparition des pêches, ça a été un véritable désastre. Donc, peut-être...

Mettons qu'on sait les conséquences que peuvent avoir nos actions sur l'environnement. Sachant tout ça, peut-on maintenant adopter une politique de précaution, hein? Être un peu plus prudents, de telle manière à faire en sorte que la sixième génération après nous ait encore des ressources abondantes, des ressources diverses et qu'ils puissent continuer à avoir une activité économique qui soit durable. Je pense que c'est ça.

M. Arseneau: Mais, M. Darier, la question du développement durable, c'est intrinsèque à un développement. Il doit y avoir une croissance, il doit y avoir un développement durable qui respecte l'environnement de façon à ce que les cycles naturels permettent à la nature de continuer. Bien sûr que la planète... la nature n'est pas ce qu'elle était voilà quelques centaines de milliers d'années. Mais, voilà pas si longtemps, vous savez, la population de la planète a doublé, au cours des 50 dernières années.

Ce que je vous pose comme question, c'est: Est-ce que cette notion de développement durable n'appelle pas, elle aussi, un élément ou une facette de développement, c'est-à-dire de croissance et est-ce que nos concepts... Peut-être qu'on peut changer les mots, mais moi, je crois beaucoup à l'écoconditionnalité où on va rendre... Parce que l'État veut donner un cadre à ces gens qui vont risquer, qui vont faire un développement dans le respect de la nature. Mais est-ce que l'éconditionnalité n'est-elle pas une garantie et est-ce que le développement durable n'est-il pas une notion de croissance et de développement de certaines activités dans le respect de la nature, de l'environnement?

Le Président (M. Dion): M. Darier, vous avez une minute pour répondre à la question. Je sais qu'il y aurait de quoi pour parler deux heures.

M. Darier (Éric): Au moins. Au moins.

Le Président (M. Dion): Alors, on va essayer d'être brefs, on est à la limite de notre temps. Merci.

M. Darier (Éric): Non, je pense que c'est au niveau de la croissance. Je pense que c'est important également de... On pourrait avoir un débat économique sur c'est quoi, est-ce que c'est une croissance quantitative? Je pense que c'est faire les choses de manière différente. Je pense que c'est ça, l'aspect important, et je pense que c'est pour ça que le développement durable essaie d'introduire une notion que, à la fois on doit respecter les limites, si vous voulez, des écosystèmes tout en permettant aux communautés humaines qui vivent de ces ressources de pouvoir vivre de ces ressources, mais également que les générations suivantes de ces communautés humaines puissent également avoir accès à ça. Donc, je pense que c'est ça vraiment l'aspect de développement durable.

Donc, je ne crois pas que c'est très utile d'avoir un débat très académique sur est-ce que c'est une quantité augmentée à tout prix ou pas? Mais je pense que c'est vraiment la durabilité de ce développement et également le respect de certaines limites des écosystèmes et certaines limites biologiques.

Le Président (M. Dion): Merci beaucoup, M. Darier.

Alors, la commission, ayant terminé ses travaux pour aujourd'hui et ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux à mercredi, le 11 septembre, à 14 h 30.

(Fin de la séance à 17 h 55)


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