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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 20 octobre 2005 - Vol. 38 N° 20

Consultation générale sur le projet de loi n° 113 - Loi modifiant la Loi sur les appellations réservées


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente et une minutes)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate que nous avons quorum, donc nous pouvons procéder. Je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation ouverte.

Je vous rappelle que la commission est réunie pour procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 113, intitulé Loi modifiant la Loi sur les appellations réservées.

M. le secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Vien (Bellechasse) est remplacée par M. Morin (Montmagny-L'Islet) et M. Charbonneau (Borduas) par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, vous me permettrez de vous donner la lecture de l'ordre du jour des travaux de notre journée d'aujourd'hui, qui va d'ailleurs clôturer les travaux sur la consultation relative au projet de loi n° 113: à 9 h 30, nous accueillons la Filière biologique du Québec; à 10 h 30, Les Cidriculteurs artisans du Québec; à 11 h 30, l'Association laitière de la chèvre du Québec; nous suspendrons nos travaux à 12 h 30; à 15 heures, nous reprendrons avec la Fromagerie Tournevent; à 16 heures, l'Union paysanne; à 17 heures, le Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation; et nous terminerons à 18 heures avec des remarques finales, qui pourraient se prolonger jusqu'à 18 h 30, où la commission ajournera ses travaux.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, je voudrais inviter les représentants de Filière biologique du Québec à se présenter devant la commission. Vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire et vous avez 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire, pour un total d'une heure. Je vous souhaite la bienvenue, M. Beauchemin, vous commencez à être un habitué de nos travaux, alors je vous demande de vous présenter et de présenter la personne qui vous accompagne.

Filière biologique du Québec

M. Beauchemin (Robert): Bonjour, Mme la Présidente, MM., Mmes les députés. Mon nom est Robert Beauchemin. Je suis un manufacturier de produits biologiques, je suis propriétaire de La Meunerie milanaise, une entreprise qui transforme à peu près maintenant une douzaine de mille tonnes de grains céréaliers, la majorité venant du Québec, ici, pour les marchés d'alimentation. Je suis président de la Filière biologique. Et je suis accompagné de M. Alain Rioux, qui est secrétaire général de la filière. La filière s'est incorporée il y a environ sept ou huit mois, donc on a maintenant un statut légal distinct.

Je vais ouvrir la présentation avec quelques remarques et je vais laisser M. Rioux faire la présentation de notre mémoire comme telle. Et en ouverture je voulais vous remercier de nous donner l'occasion de venir discuter du projet de loi n° 113 en question. Je pense que ça fait, quoi, huit, neuf ans qu'il y a eu l'adoption de la Loi sur les appellations et je pense que c'est la première occasion qu'on se penche spécifiquement sur les défis, et les bons coups, et les mauvais coups qu'il y a eu dans cette loi-là.

Et, à cet effet-là, dans les comptes rendus de la commission que j'ai pu consulter, on a parlé souvent d'un certain nombre d'enjeux autour des appellations. On a fait souvent référence au rapport Desjardins et autres groupes de discussion qu'il y a eu autour des appellations. et ce que je dois constater, c'est que la Filière biologique n'avait jamais été invitée spécifiquement, même si on était les seuls utilisateurs d'une appellation à participer à ces groupes de discussion et de développement. Donc, on est très contents d'être ici, ce matin.

Il y a un commentaire que j'ai lu à plusieurs reprises et qui a peut-être stimulé la présentation du projet de loi n° 113, c'est que la Loi sur les appellations, c'est bien compliqué, ce n'est pas simple, et je voudrais mettre ça dans un petit contexte historique de comment on a vécu ça autour de la Filière bio.

Ça fait à peu près 30 ans qu'il se fait de la production biologique ici, au Québec, donc ça a démarré dans les années soixante-dix, et, pendant les 10 premières années, ça a été une relation de gré à gré entre acheteurs et producteurs, les gens allant sur la ferme, connaissant le producteur un peu marginal qui produisait des produits bios. Donc, il y avait une relation de confiance directe qui s'établissait, on connaissait les gens de qui on achetait.

À partir des années quatre-vingt, le marché a commencé lentement à se développer autour de boutiques d'aliments naturels, et donc, là, on a commencé à faire intervenir une tierce partie entre le client et le producteur, et le commerçant devait agir comme l'intermédiaire entre les deux. Et c'est là qu'on a commencé à faire de la certification, donc d'avoir une tierce partie qui vient authentifier les pratiques du producteur pour que l'acheteur et le consommateur puissent être garants de cet exercice-là.

Pendant environ une dizaine d'années, à partir des années quatre-vingt-cinq, il a commencé à se faire de la certification ici, au Québec, il y a eu un certain nombre de programmes de certification. Et la Filière bio s'est développée avec beaucoup de chicanes intestines ? il faut le voir, là, c'est un groupe assez marginal en partant ? et, dans les années quatre-vingt-dix, début des années quatre-vingt-dix, on passait beaucoup de temps à se dire que «mon bio est plus bio que ton bio», et on avait l'air assez ridicules sur le marché, je dois vous le confesser, là, ça ne nous a pas aidés grandement.

Ça a quand même facilité la formation de la Filière bio, dans les années quatre-vingt-douze, quatre-vingt-treize, parce qu'à un moment donné on se rendait compte qu'on n'avançait pas sur le marché. On a donc regroupé la filière. Et, à partir de 1994, un premier plan stratégique recommandait qu'on fasse des pressions pour l'adoption d'une loi sur les appellations bios, compte tenu que la Communauté européenne venait de légiférer, en 1991, et que USDA avait introduit une loi spécifique aux produits bios à partir de son Farm Bill de 1992.

Donc, malgré les réticences au ministère... Et je peux vous dire qu'elles étaient très fortes. Le sous-ministre qui siégeait à la filière était venu nous dire, devant le constat du premier plan stratégique qu'il fallait aller avec une approche législative, a cogné son poing sur le bureau en disant: Regardez-moi bien, vous n'aurez jamais de loi sur le bio. Et, deux ans plus tard, on avait un dépôt, en 1996, sous M. Landry, qui était ministre à ce moment-là, qui avait déposé un projet de loi.

Comment je peux dire? Le deal qui a eu lieu... Parce qu'on nous avait bien dit qu'il n'y en aurait pas, de loi spécifique au bio s'il n'y avait pas comme quelque chose d'attaché qui faisait référence à d'autres appellations parce que ça ne passerait pas, une loi spécifique au bio, en 1995-1996. On a acquiescé. De toute façon, ce n'était pas à nous à dire si oui ou non. Le gouvernement a décidé de légiférer et d'adopter une loi-cadre qui englobe plusieurs types d'appellations.

À l'adoption de la loi, la mise en place du système d'accréditation, qui découlait du règlement comme tel, a pris trois ans, quatre ans. Et il faut dire aussi que l'adoption de la loi s'est faite dans un vide de soutien, suite à l'adoption comme telle, parce que c'est le gouvernement fédéral qui, assez ironiquement, a subventionné la mise en place du Conseil d'accréditation par toutes sortes de programmes, Québec n'ayant pas de ressources ou ne souhaitant pas investir dans ce développement-là. Donc, le fruit d'une loi provinciale, le Conseil d'accréditation, a été mis en place via des fonds venant du fédéral. Ce n'est qu'en 2000 que l'appellation bio a été réservée et qu'on a commencé à avancer dans un régime de contrôle, tout ça avec très peu de ressources et très peu de moyens. Mais on était des pionniers, on était habitués de se battre avec tout le monde, donc ça ne changeait pas, depuis 20 ans. On avait au moins un cadre réglementaire dans lequel on pouvait opérer.

n (9 h 40) n

La complexité qu'on laisse entendre souvent vient du fait que ça a été difficile de mettre cette structure-là au monde dû à l'absence de soutien et de ressources qui en découlent, mais ça vient aussi du fait de la nature de la Filière bio, qui était la seule utilisatrice, une filière horizontale où on parle de production de carottes, de lait de vache, de production manufacturière de tofu. Donc, tout ce qui englobe l'ensemble de l'agroalimentaire devait passer dans un cadre spécifique, et un règlement, et une norme. Vous pouvez vous imaginer, de définir tout ce qui se fait en agroalimentaire. On a réussi, dans des normes bios, à encadrer ça dans un document d'environ une quarantaine de pages, alors que USDA, dans son Farm Bill, avait réussi à concentrer ça en 950 pages. Donc, on définissait le bio à partir d'une normalisation extrêmement rigoureuse. Ici, au Québec, on l'a fait par référence à des normes internationales.

Donc, c'est ça, le fruit de la Loi sur les appellations, c'est ça qui cause une perception de complexité: on part avec un milieu de pionniers hétéroclite qui a ouvert les portes avec très peu de soutien et très peu d'appui et avec, au ministère, au niveau administratif, pas nécessairement une vision très bien développée de ce qu'on voulait faire avec le bio. Donc, le bio a toujours, à l'intérieur des murs du ministère, attiré un certain sourire, parfois grinçant. Donc, on est habitués à ça, on sait vivre avec. Mais on veut profiter de ce qu'on a pu vivre dans cette période de développement là pour s'assurer que ça se passe autrement pour le développement d'autres appellations. On croit ? et Alain pourra vous en parler tantôt ? qu'il y a, dans la Loi des appellations, présentement tous les outils nécessaires.

Ce que je veux apporter en dernier point, c'est que ce qui va soutenir et ce qui a manqué dans le secteur du bio, c'est une vision gouvernementale claire du développement. Si la Loi sur les appellations avait été appuyée d'une loi-cadre ou d'une vision politique de ce qu'on veut faire avec le bio ou maintenant de ce qu'on veut faire avec les produits d'appellation du terroir, artisanale, peu importent les appellations de spécificité qu'on utilisera... si on se donne ensemble une vision collective, la loi est un appui à la mise en marché, mais ce n'est pas ça qui ouvre les marchés.

Quand j'entends les gens dire: C'est compliqué, bien je peux vous dire qu'un producteur fromager ou un producteur de quelque produit que ce soit, arriver sur le marché, en partant, ce n'est pas simple. D'aller rencontrer des acheteurs de chaîne, d'aller rencontrer des distributeurs, de faire sa promotion, et tout ça, ce n'est pas simple. Donc, les gens qui disent: La loi est compliquée, bien je peux vous dire qu'ils vont voir, en arrivant sur le marché, qu'il y a beaucoup d'autres facteurs qui sont extrêmement complexes.

Alors, je vais céder le reste du temps à M. Rioux, qui pourra faire le point sur notre mémoire.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, M. Rioux.

M. Rioux (Alain): Merci beaucoup. Bonjour à tous. Le préambule va être rapide, dans mon cas. Je pense que ça résume bien, là, ce que les membres de la filière pensent. Premièrement, c'est une vision claire vraiment qui serait mobilisatrice pour les acteurs du secteur, on pense que cet enjeu-là devrait être doté de cette vision-là. Ensuite, établir vraiment des priorités ou des enjeux majeurs, dans notre mémoire, on en présente trois que je pourrai développer tantôt. Et puis aussi je pense que ça ne devrait pas s'arrêter là, d'avoir une détermination de moyens où le secteur est associé pour mettre tout ça en branle, pour atteindre justement ces priorités, chaque priorité, là, qui serait fixée, où les artisans seraient pleinement associés.

Ma présentation va suivre, je dirais, le cadre du sommaire qui vous a été présenté en septembre, étant donné le temps qui nous est alloué et puis dans le fait d'aller le plus rapidement possible aux points essentiels.

Je pense que Filière biologique du Québec, vous la connaissez, elle favorise la concertation entre tous les maillons de la chaîne des produits issus de l'agriculture biologique au Québec et assure la coordination des efforts des partenaires du secteur. Juste pour vous donner... la filière a pris ses racines il y a 17 ans déjà, donc il y a une table de concertation qui a été mise en place en 1988, donc travaille depuis 17 ans, travaille à la mise en oeuvre de projets collectifs visant l'amélioration de l'environnement d'affaires des entreprises, a deux plans stratégiques, un déposé en 1994, un en 2002 aussi, et, celui de 2002, une des priorités était l'encadrement réglementaire du secteur, encore. Donc, c'est bien d'actualité ce qu'on discute aujourd'hui, ici. La composition, vous la connaissez: producteurs, transformateurs, distributeurs, détaillants. On a des gens aussi en formation en recherche et développement, la certification et la consommation. Donc, c'est une filière, quand on parle d'aujourd'hui, qui est vraiment complète, où les acteurs sont tous présents.

Si on rentre maintenant dans le mémoire rapidement, notre premier constat, que vous pouvez voir au point 2, je vais le lire parce qu'il résume un petit peu la position pour l'ensemble de l'analyse sommaire du projet de loi n° 113. La Filière biologique du Québec croit que les propositions contenues dans le projet de loi n° 113, telles que libellées actuellement, ne favorisent pas nécessairement l'essor des produits régionaux et de niche sur les marchés, ce qui est l'intention première du projet de loi.

En premier lieu, la filière pense que la notion d'attestation liée au terroir, entre autres, est difficilement encadrable ? là, je vais aller rapidement pour cette partie-là parce que je vais y revenir, là, dans les enjeux, tout à l'heure. La filière a également des réserves sur le fait que le ministre renvoie, dans son plan d'action, à des modifications réglementaires à venir, ce qui a pour effet d'augmenter la difficulté de compréhension du projet de loi n° 113. On espère que la commission, ici, réussira justement, avec toutes les informations qui auront circulé, à faire un plan vraiment plus global, un plan de développement des appellations, ou appelons-le une politique de développement des appellations, donnons-lui le vocable qu'on pourra, mais d'avoir vraiment une vision d'ensemble de l'ensemble du projet. De plus, la filière constate que le projet de loi n° 113 crée beaucoup de confusion entre les différentes attestations et les conditions d'obtention de ces dernières. Ça, on va y revenir, là, à l'occasion de... on va avoir l'occasion d'y revenir plus loin.

Par ailleurs, l'intention énoncée d'introduire dans le règlement à venir la possibilité d'obtenir les mentions «fermier» et «artisanal» par simple règlement au MAPAQ pourrait provoquer une concurrence indue entre les entreprises certifiées et les autres. Cette situation pourrait nuire à la reconnaissance de l'ensemble des appellations sur les marchés. Ça aussi, on va avoir l'occasion d'y revenir dans nos trois enjeux.

Donc, comme je le disais, ces trois enjeux, qui, peu importe la vision de développement ou la vision qui sera donnée au développement des appellations au Québec, vont demeurer bons. Il y en a un qui s'adresse aux entreprises, un autre qui s'adresse vraiment aux acheteurs et consommateurs, et l'autre, le dernier enjeu, qui s'adresse plus à l'aspect concurrence entre les appellations.

La première, je vais la lire parce que tous les mots, je pense, sont importants: s'assurer que le projet de loi n° 113 offre, par le biais des appellations réservées, de véritables voies de diversification et de différentiation des produits, rentables et structurées, aux petites et moyennes entreprises de production et de transformation québécoise. J'insisterai sur l'aspect rentabilité parce que, si on contraint les gens à une certaine discipline, il faut qu'il y ait une plus-value au bout de leur travail. Le mot «structurées» a... L'expérience de la filière, particulièrement des cinq dernières années, a démontré à quel point ça devait être structuré, toute cette approche-là, pour que, d'une façon commerciale, les choses se passent bien.

La filière, à cet objet-là, croit qu'un soutien au développement des produits agroalimentaires québécois, avec une plus-value de qualité attestée à partir de normes obligatoires, contribuerait sans doute à ouvrir de nouvelles avenues sur les marchés aux entreprises du Québec. L'autre point est important, l'autre paragraphe: Cependant, si, dans un souci d'élargir le plus possible l'accès aux appellations pour les entreprises, le gouvernement du Québec devait affaiblir le processus de reconnaissance de la qualité et de la spécificité des produits, la filière croit que le secteur agricole, agroalimentaire pourrait regretter rapidement l'adoption d'une législation qui aille dans ce sens.

On continue en expliquant: en effet, une multiplication d'appellations réservées et de mentions distinctives avec des exigences très différentes, tel que proposé dans le projet de loi n° 113 et dans le règlement à venir, risque d'engendrer une concurrence entre les entreprises qui les utiliseraient. Et, dans ce contexte-là, on pense que les entreprises qui choisiraient d'utiliser les appellations ou les mentions avec des conditions moins exigeantes seraient favorisées par rapport à celles qui doivent se soumettre à des exigences plus grandes. À terme, on pense que cette situation risque de nuire au développement de l'ensemble des entreprises qui cherchent une plus-value pour leurs produits. Ça, on n'y reviendra jamais assez, c'est une question centrale actuellement, surtout si on prend les... Bon, les revenus bruts des entreprises augmentent sans cesse, mais on s'aperçoit que les revenus nets des entreprises par contre diminuent. Donc, dans un contexte comme ça, il faut s'assurer que ça amène une plus-value aux produits.

La filière estime que la façon dont le projet de loi vient restructurer les appellations réservées au Québec risque de limiter le développement des entreprises au lieu d'ouvrir des voies rentables de diversification et de différentiation de produits. Dans ce cadre-là, elle croit que, dans leur facture actuelle, les nouvelles possibilités offertes par le projet de loi n° 113 présentent davantage une menace pour l'ensemble des appellations qu'une réelle opportunité pour les entreprises agricoles et agroalimentaires. C'est notre appréciation générale qui va se préciser, là, avec les autres enjeux.

n (9 h 50) n

Le deuxième enjeu, c'est de s'assurer que le projet de loi n° 113 permettra d'offrir aux acheteurs et consommateurs des produits dont l'authenticité et la plus-value sont reconnues par un encadrement légal et réglementaire. On dit: S'il est vrai que l'engouement des consommateurs pour les produits régionaux et de niche va en croissant, il est également vrai que ces mêmes consommateurs ressentent de plus en plus le besoin d'être informés sur ces différents produits et rassurés quant à leur authenticité et leur plus-value. C'est eux autres qu'il faut convaincre, les acheteurs et les consommateurs, de nous accorder une plus-value, puis, dans le secteur biologique, on a vu que ce n'était pas une tâche de tout repos, là.

D'entrée de jeu, on peut dire que les produits pour lesquels la qualité qui les valorise réside dans le processus de production ne peuvent être assurés d'une compétition loyale que si ce processus est validé et certifié d'une façon compétente, transparente et indépendante. La nécessité de procéder aussi rigoureusement est confirmée par la politique européenne de protection des produits d'appellation. Cette approche se dessine également chez nos voisins du Sud, où l'on retrouve, dans certains secteurs d'activité... et on la retrouve dans des secteurs d'activité canadiens tels que celui des vins et spiritueux.

Et là l'autre point est majeur et central. Ainsi, la filière croit que le seul processus valable qui peut garantir au consommateur l'authenticité du produit qu'il recherche prend la forme d'une certification de produits. Par contre, on ajoute deux autres conditions qui sont vraiment majeures aussi, qui doivent également être respectées pour garantir l'intégrité de l'appellation aux acheteurs et aux consommateurs: il faut être en mesure à la fois d'assurer une surveillance de l'utilisation des appellations par les autorités compétentes pour empêcher l'utilisation frauduleuse de l'appellation et d'assurer le financement d'un programme de communication simple et adapté, à l'attention du consommateur, qu'on veut convaincre et qu'on veut bien informer.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il vous reste deux minutes, M. Rioux.

M. Rioux (Alain): O.K. En ce sens, le projet de loi n° 113 risque de venir affecter grandement la valeur de la certification des entreprises auprès des acheteurs et consommateurs. On se demande, dans ce contexte-là, combien le consommateur justement pourrait discriminer, de quelle façon... les différentes dénominations retenues représentent pour lui un gage d'une meilleure qualité. Donc, la filière croit que le projet de loi n° 113 ne propose pas l'encadrement réglementaire nécessaire pour faciliter la reconnaissance des produits pour les acheteurs et consommateurs.

L'autre enjeu, je vais me contenter de le dire: s'assurer que le projet de loi n° 113, dans sa facture, ne puisse pas nuire à la crédibilité et à la reconnaissance des appellations réservées des produits biologiques, dans un premier temps, mais surtout, de façon générale, qu'il n'induise pas une forme de concurrence déloyale entre les différents produits régionaux ou de niche. L'aspect concurrence est important.

Donc ? au troisième paragraphe ? on pense qu'un système d'enregistrement pour établir la dénomination d'autres appellations, comme cela est prévu dans le règlement à venir, ou encore par la mise en place de critères plus suggestifs et donc moins rigoureux pourrait devenir facilement une source de conflits potentiels entre les utilisateurs d'appellations réservées et de mentions de valorisation de produits.

Ce que la filière craint le plus, dans ce projet-là, c'est ? au paragraphe suivant ? qu'il n'y ait une volonté de la part du gouvernement de répondre aux désirs de certaines entreprises qui souhaitent bénéficier de la protection accordée par la réservation d'une appellation sans se soumettre aux exigences actuelles de la Loi sur les appellations.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. Rioux, je vais vous arrêter là. On aura l'occasion de revenir sur votre mémoire. Nous allons entamer les échanges: 20 minutes de chaque côté. Nous avons convenu qu'à l'intérieur... (panne de son) ...on procéderait par alternance 10 minutes-10 minutes. Je cède la parole à M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Lessard: Alors, merci, Mme la Présidente. Et bienvenue, M. Beauchemin, M. Rioux. On est contents de vous recevoir parce que finalement, la Filière biologique, vous êtes un peu les pères, ce que je comprends, de cette loi-là, qui a engendré en tout cas beaucoup de pression pour que ça arrive un jour. Je suis content aussi de voir que la commission vous permettra aussi d'être entendus sur ce volet-là. Ce que je comprenais, c'est que vous n'avez pas participé au comité Desjardins, probablement. Alors, de toute façon, on est rendus à une autre étape.

Deuxièmement, je veux aussi vous féliciter parce que vous n'avez pas seulement obtenu une appellation réservée en vertu de la loi qui existe, mais aussi vous avez réussi à mettre en production et donc aller voir les distributeurs et avoir rencontré toutes les étapes, les problématiques liées aussi à la mise en marché des produits, aller chercher sa valeur ajoutée, et faire accepter aussi par le consommateur d'en payer un prix supplémentaire.

Dans le cadre des travaux qui nous concernent aujourd'hui, donc il y avait la loi, donc c'est encadré par un plan d'action, on dit: On va changer la Loi sur les appellations réservées, on va faire des modifications principalement quant aux attestations en intégrant... là, on a intégré le mot «terroir», au niveau des attestations de région, on a toujours les attestations de modes de production et de spécificités. On essaie de rendre ça simple, O.K. ? parce que j'ai entendu le mot «complexe» ? donc pour valoriser les produits régionaux et de niche. À l'intérieur de ça donc, on a choisi de le faire de façon législative, on modifie la loi. On va dans «spécificités» puis on définit que «fermier» et «artisanal» vont être sous ce vocable-là. Puis, deuxièmement, on se sert d'un règlement pour introduire les définitions, ou en tout cas... à l'aide du guide, sur les mots «fermier» et «artisanal», et on l'accompagne aussi d'un guide sur les labels mais aussi de l'argent. La dernière affaire, c'est que ça prend de l'argent pour faire tout ça.

Alors donc, j'aimerais ça vous entendre sur... Bon, j'ai entendu toutes sortes d'affaires qui disent: Maintenant, ça ferait comme un régime à deux vitesses, ceux en vertu de la loi, ceux en vertu du règlement. Pour se retrouver, là, est-ce que vous pensez que je devrais tout réintroduire ça dans la loi et un peu durcir le fait d'obtenir une appellation?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Si je peux commenter, je pense que, dans la Loi sur les appellations, il y a suffisamment d'outils là-dedans pour aider au développement de marques. Je pense qu'il faut nuancer la compréhension, quand on arrive sur le marché, entre finalement une certification, une attestation, une appellation. C'est une marque collective. On peut y aller d'une approche individuelle, développer ma marque de commerce parce que les gens peuvent identifier une image à mon produit. On le voit, sur une pinte de lait, il y a toujours un paysage bucolique parce qu'on souhaite imprimer cette image-là que le lait vient d'un environnement incroyable. Donc, la marque de commerce a cet effectif-là.

Pour des petites entreprises, qui ont des créneaux et bien souvent des ressources plus faibles, on essaie de collectiviser la notion de marque en identifiant un cahier de charges, en identifiant un mode de production qu'on va reconnaître. Et on essaie d'éviter, dans cet exercice-là, que les gens se concurrencent directement les uns entre les autres à travers la marque. Donc, on ne se servira pas, comme je disais tantôt, de «mon bio est plus bio, donc mon fermier est plus fermier que le fermier du voisin». On veut éviter ça par une collectivisation de cet exercice-là. Mais ça ne fait pas en sorte qu'on devrait déroger du cadre de ce que c'est que d'obtenir une appellation.

Notre crainte dans ça, comme on explique dans le mémoire, c'est qu'on crée justement un système où c'est plus simple d'avoir une appellation qui devrait donner toutes les rigueurs d'encadrement que l'autre système, qui n'est pas simple, mais on ne devrait pas permettre d'avoir deux systèmes comme ça parce que ça va nuire à l'un au détriment de l'autre. L'exemple que je peux donner: dans une rencontre qu'on a eue, au ministère, où on nous a présenté la loi, je demandais: Est-ce que ma compréhension de ce qui est présenté signifierait que la protection des appellations qui est transférée dans la P-29, donc l'inspection des aliments, aurait supervision des notions d'artisanal et fermier? On m'a dit: Oui, c'est ce qu'on souhaite. Et alors les produits d'appellation prévus dans la loi A-20, est-ce qu'ils auraient le même traitement? Ils ont dit: Non, non, non, vous avez votre Conseil d'accréditation.

Donc, on peut voir que déjà on crée deux mécanismes différents, deux mécanismes de promotion. On veut faire de la promotion, on prévoit des budgets pour favoriser le développement des mentions, mais il n'y a rien qui a été prévu, dans le passé, pour tout ce qui est des appellations. Donc, le ministère, par cette approche-là, crée déjà deux voies distinctes, et deux vitesses séparées, et deux appuis distincts. Donc, on se questionne, nous autres, sur où est-ce que ça va aller. Est-ce qu'on va laisser un secteur qui a un potentiel ici, au Québec, national et international, à ses propres forces et on va donner, pour encourager, pour soutenir, parce qu'il y a des pressions dans certaines régions, on va donner un outil qui est un «fast track»?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin. M. le ministre.

M. Lessard: O.K. Merci, madame. Je vois que vous êtes aussi parlant que moi. Je vais essayer de tester quelques affaires quand même, parce que ça fait deux jours complets, puis on va essayer de faire des questions-réponses pour essayer de bonifier dans le fond notre projet de loi. Je reviens un peu sur ce que vous disiez, si c'est l'information qui vous a été véhiculée, là, sur la dualité, là, ce n'est pas le cas.

n (10 heures) n .

Je regarde la référence, on nous a tout le temps dit, la référence, c'est l'Europe... Excusez, c'est français. Est-ce que les appellations, là, si on veut se coller... Vos produits ont voyagé, là, ils ont fait le Québec, ils ont fait l'étranger. On nous dit: La référence est française. Est-ce que vous opteriez pour les appellations puis les labels rouges, là, un peu les termes valorisant l'Europe? Est-ce qu'on devrait copier ça systématique puis introduire ça dans notre législation?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Bien, écoutez, on est 7 millions, on n'est pas 55 millions. Et j'arrive de France puis je me rends compte, encore il y a quelques semaines, là, comment c'est un peuple fanatique de l'alimentation. Tu as ça à la T.V., tu as ça à la radio, tu as ça dans les journaux, ils ne parlent que d'alimentation. Tu as des nouvelles, c'est: la récolte de patates de la semaine passée va très bien. On n'a pas ça ici, au Québec. On a une culture nord-américaine de l'alimentation, est-ce qu'on a l'intérêt à développer autant de systèmes? Parce qu'on n'a pas nécessairement la tradition, on est en train de la bâtir. Moi, je suggérerais qu'on s'en tienne à un régime, et qu'on y donne les ressources, et qu'on le publicise, qu'on donne tout ce que ça prend pour développer les appellations artisanales, et, comme telles, qu'on les développe à l'intérieur d'un cadre.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le ministre.

M. Lessard: Merci. Ça va bien de même.

M. Beauchemin (Robert): Je vais essayer d'être oui ou non.

M. Lessard: C'est parfait. Non, pas tant que ça, mais... On a déposé un document d'information. «Artisanal», «fermier», avez-vous pris connaissance un peu des définitions qu'on y apportait? Êtes-vous d'accord? C'est-u limitatif? Est-ce qu'on est capable d'avancer là-dedans?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): J'ai des problèmes avec certaines définitions, mais ça, je pense que c'est encore un cadre... Je travaille dans le secteur de la boulangerie, je suis minotier. Pour moi, la notion d'une boulangerie artisanale, ça me fait toujours sourire parce que, je vois, il y a des artisans ? la notion reliée à la petitesse d'entreprise ? il y a du monde de petites entreprises qui se définissent comme boulangerie artisanale qui vont prendre un produit, un prémixte, qui mettent ça dans le pétrin, qui mettent de l'eau, qui suivent la recette, et on appelle ça artisanal, alors qu'on a des entreprises de grande envergure ici, au Québec, dans le domaine de la boulangerie artisanale, qui ont 200, 300 employés et qui s'attachent à la notion du produit, de travailler avec des levains, de travailler avec une délicatesse manuelle, et donc ceux-là seraient exclus. Donc, il y a des nuances comme ça qui, pour moi... on associe ça avec des petites entreprises plutôt qu'à la notion de la qualité du produit intrinsèque.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le ministre, il reste deux minutes à votre bloc.

M. Lessard: Merci. Dans la notion... Parce qu'on essaie de simplifier la notion. Exemple, artisanal, est-ce que, pour les gens... Bon, artisanal, un artisan, à tout le moins que l'artisan participe, que ça se fait probablement dans des conditions pas très mécanisées, mais pas avec 50 employés, est-ce que ce volet-là... Parce que dans le fond on veut aider nos producteurs, les petits produits de niche, un peu partout, à arriver dans les tablettes, de donner les moyens. Est-ce que, cette valeur-là d'artisan, on peut la traduire, vous pensez, dans la loi et ça correspond à un besoin? J'entends ça...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Je m'en remets un petit peu à ma présentation au début de comment le secteur bio, quand... Il y a un marché public qui vient d'ouvrir à Lac-Mégantic, à côté de chez moi, cet été, bon, une initiative du CLD, et tout ça, et je vois là une jeune dame qui a commencé à élever des chèvres il y a quelques années, qui fait un très bon fromage. Il y a un boulanger, il fait du pain sur place. Bien, comme consommateur, je vois l'artisan, je suis en contact direct avec lui, donc le lien de confiance s'établit de gré à gré. Quand le produit artisanal en question commence à transiter dans un réseau, il n'y a plus ce lien de confiance là de relation directe. Donc, ça prend une tierce partie qui va venir authentifier. Nous, on croit qu'il y a une méthodologie de certification, et tout ça, qui est mise au point, qui est en place dans de nombreux pays, et qui est valable, et qui n'est pas si dispendieuse que ça.

L'expérience qu'on a vue dans le secteur bio, c'est que le contrôle de qualité, ou appelons-le développement de marque collective, ça ne devrait pas coûter plus que 1 % du chiffre d'affaires. Si on a un chiffre d'affaires de 50 000 $, bien 500 $ pour développer sa marque collective, c'est un prix acceptable. C'est sûr, tant mieux si ça coûte moins, mais c'est un prix qu'il faut payer. Parce qu'il y a des entreprises dans l'agroalimentaire qui vont dépenser des 7 %, 8 %, 10 %, 12 %, 15 %, dépendant des marges qu'on a, pour développer leurs marques. Donc, je pense que c'est un coût raisonnable pour s'assujettir à un exercice contraignant.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin. Alors, je vais passer du côté de l'opposition officielle. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à M. Beauchemin, à M. Rioux à l'Assemblée nationale du Québec. Ça fait plaisir de vous revoir, je dirais, M. Beauchemin. J'ai été à même de constater la profondeur de vos implications en ce qui concerne le monde de l'agroalimentaire, et à l'époque vous étiez avec les tables de concertation agroalimentaires.

M. Beauchemin (Robert): Toujours.

M. Arseneau: Vous y êtes toujours, je n'en doute pas. Mme la Présidente, c'est intéressant, le débat, la façon dont c'est parti, ce matin, puisque, d'après les questions du ministre, il semble évident qu'il est en réflexion, je dirais, sur certaines modifications. Alors, on va attendre avec impatience, de ce côté-ci, des modifications qui pourraient venir au projet de loi.

C'est intéressant aussi, puisqu'on rencontre la Filière biologique. Et, Mme la Présidente, je voudrais mentionner immédiatement que je trouve un peu regrettable qu'on n'entende pas la Fédération de l'agriculture biologique, qui a déposé un mémoire ? et j'y reviendrai au cours de la journée ? puisque et la fédération et la filière bien sûr, vous êtes au coeur de ceux qui ont pu expérimenter la Loi sur les appellations réservées que nous avons, et donc je pense que non seulement vous parlez en connaissance de cause, mais vous avez pu expérimenter cette loi, ses lacunes, ses difficultés, ses avantages, etc.

Alors, puisque je vous connais, vous me connaissez aussi, alors je ne veux pas être tendre avec mes questions. Ce n'est pas parce que je vous en veux ou que j'en veux à nos vis-à-vis d'en face, mais la Filière biologique, c'est l'ensemble des intervenants en ce qui concerne le biologique, que ce soient les producteurs, tous les intervenants transformateurs, incluant aussi les gens du MAPAQ, que j'aime bien par ailleurs.

J'ai trouvé votre mémoire d'une extrême sévérité en regard du projet de loi n° 113. Et je vais me permettre brièvement, Mme la Présidente, d'en citer quelques extraits parce que je sais que mes collègues ont beaucoup de questions aussi à poser. Mais vous dites, là, à la page 1: La filière a également des réserves à cause du plan d'action du ministre, des modifications réglementaires à venir qui auraient «pour effet d'augmenter les difficultés de compréhension». Et le paragraphe suivant: La filière constate que 113 «crée beaucoup de confusion entre les différentes attestations. [...]les référentiels contenus dans le projet de loi seraient différents de ceux [du] règlement...» Donc, vous êtes très clairs, là. Et vous dites, à la fin de cette page-là: «Cette situation pourrait aussi nuire à la reconnaissance de l'ensemble des appellations sur les marchés.»

Mais ce n'est quand même pas aussi sévère qu'à la page 2, quand vous dites, là, le paragraphe du centre: «Cependant, si, dans un souci d'élargir le plus possible l'accès aux appellations pour les entreprises, le gouvernement du Québec devait affaiblir le processus[...], la filière croit que le secteur agricole et agroalimentaire pourrait regretter rapidement l'adoption d'une législation...» C'est fort, ça. Puis je termine en disant, à la fin de cette page-là: «...les nouvelles possibilités offertes par le projet de loi n° 113 présentent davantage une menace pour l'ensemble des appellations qu'une réelle opportunité pour les entreprises agricoles et agroalimentaires du Québec.»

Ma question est simple, M. Beauchemin: Qu'est-ce qui se passe? Comme tout le monde est assis à la filière, vous n'avez pas réussi à convaincre le ministre et les gens à l'effet que le projet de loi n° 113, tel que présenté à l'époque, n'était pas adéquat?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Vous me permettrez d'abord de répondre à votre commentaire relativement à la participation de la Fédération de l'agriculture biologique. Le secrétariat a reçu une note déclinant l'invitation pour se présenter devant la commission, et le mémoire a été déposé pour considération. Je vous cède la parole, M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): En complément de votre commentaire, la FABQ a été consultée dans la préparation de notre mémoire, et ils nous avaient indiqué aussi qu'ils avaient été partie prenante dans le développement du mémoire de l'UPA, étant donné que l'UPA s'est retournée vers la FABQ comme utilisateur d'appellation. Donc, cette question-là, je pense que c'est un petit peu plus clair.

Bon. Vous dites qu'on est durs vis-à-vis la loi. Pour avoir lu le mémoire de l'UPA, ils étaient un petit peu plus... un petit peu plus durs que nous autres: ils exigeaient. Nous, on craint. Donc, à cet effet-là, qu'est-ce qui se passe? On a déjà des signaux qui nous viennent de producteurs dans des régions qui nous disent qu'ils reçoivent des messages déjà qu'il y a un programme qui va être en vigueur, que ça va coûter moins cher de s'en aller dans un régime d'appellation que de se faire certifier bio.

Donc, il y a déjà des craintes dans le milieu. Et je ne sais pas d'où ces informations-là viennent parce que la loi n'est pas adoptée, les règlements ne sont pas en place. Mais il y a déjà des discussions dans les régions, et l'information, le tam-tam est parti comme quoi il y a peut-être des scénarios qui sont moins contraignants, moins dispendieux. Donc, on craint qu'il y ait des gens du secteur bio qui, par simple analyse coûts-bénéfices court terme, décident de laisser, délaisser leurs appellations bios pour aller vers un système d'enregistrement parce que c'est moins contraignant, c'est plus simple et l'État me garantit qu'il va appuyer les contrôles là-dessus, ce qu'on n'a pas présentement dans le bio. La surveillance est accomplie par le CAQ, mais il n'y a pas de pouvoir d'inspection, donc les mécanismes de contrôle réglementaire sont un petit peu plus complexes.

n(10 h 10)n

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Beauchemin. M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Il reste cinq minutes.

M. Arseneau: Ça signifie que, s'il n'y a pas des modifications, si le ministre ne dépose pas des amendements à 113, mais, avec ce qui est dans votre mémoire, vous nous recommandez de ne pas l'appuyer.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Rioux.

M. Rioux (Alain): Je pense que ce qui a surtout dérangé nos membres, les membres de la filière, c'est le grand éventail qu'on avait de propositions d'appellations, de mentions valorisantes, etc. Là où le constat qu'on fait, de confusion, c'est que le consommateur, si on veut lui faire comprendre puis lui faire suivre tout ce développement-là et en plus le convaincre d'acheter consciemment des produits qui vont avoir différents types de qualité et de faire reconnaître cette qualité-là sur les marchés, on pense que le projet de loi, à ce titre-là, il fait un peu du cas par cas, alors qu'on aimerait vraiment qu'il y ait... S'il y a des mentions qui sont du type appellation et une mention qui est du type mention valorisante, qu'elles soient vraiment démarqués une par rapport à l'autre de façon que ce soit clair pour le consommateur. Mais, de la façon dont ça a été présenté dans le projet de loi n° 113, on ne le voyait pas vraiment, ce côté-là. Et puis, pour ajouter peut-être à cette question-là, on a les deux mentions valorisantes, et puis les appellations qui sont là... Bon, j'ai perdu mon idée. Je m'excuse. Je ne sais pas si tu peux enchaîner là-dessus?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Ça peut arriver, M. Rioux. Le fil va revenir, le fil va revenir.

M. Beauchemin (Robert): On parle d'une mention valorisante. Moi, je suis plus proche collé du marché, moi, là, je regarde ce qui se passe sur le marché, et on a donné un exemple de la valeur ajoutée d'une appellation dans le blé, une commodité que je traite. Du blé conventionnel se transige autour de 150 $, 155 $ la tonne à Montréal, à l'élévateur propre. Un grain de santé, une nouvelle appellation qui s'est développée depuis quelques années dans la région de Saint-Hyacinthe grâce à un programme du MAPAQ, une certification sans intrant, ce grain-là se vend autour de 270 $ la tonne, et le grain bio se vend, lui, autour de 400 $ la tonne. Donc, on parle de plus-value. Il y a tout ça. Quand un produit fermier va arriver sur le marché, il a une valeur ajoutée.

Donc, pour garantir ces marchés-là à long terme, il faut s'assurer d'abord que le client final comprenne la valeur de ce label-là et que, deuxièmement, le label soit bien défendu pour éviter que, voyant que, oups!, du blé à 400 $ la tonne, tout le monde en passe en disant: Bof! il n'y a pas trop de contrôle. C'est ceux qui respectent la rigueur du programme qui vont perdre si le consommateur met en doute le moindrement l'intégrité d'une appellation. C'est l'intégrité d'un système d'enregistrement. Va-t-il avoir la même rigueur, un simple enregistrement volontaire? Moi, j'en doute.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Moins d'une minute, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Rapidement, alors, Mme la Présidente. Vous avez une recommandation à l'effet que la possibilité d'autoriser une appellation réservée sur une base individuelle soit abandonnée. À ma connaissance, vous êtes probablement dans les seuls à nous demander une telle chose. Alors, je sais que le ministre s'apprête à amener des amendements. Mais pourquoi vous nous demandez cet abandon?

M. Beauchemin (Robert): Bien, je pense que les tables agroalimentaires aussi faisaient la même recommandation d'abandonner la norme individuelle. Bien, encore là, je parlais tantôt du développement de marques collectives versus marques privées, ce que je souhaite, c'est que les ressources de l'État soient mises à aider le développement de marques collectives et donc, là, qu'il y ait une discipline collective plutôt qu'un individu.

Et l'exemple que j'ai, pour mettre ça bien clair, on l'a vu dans le bio, où, quand il n'y avait pas de norme... On parle d'une filière horizontale. Dans nos débuts, on n'avait pas de ressources. Les années quatre-vingt, le début des années quatre-vingt, un type arrivait dans la vache laitière: Moi, je veux faire de la vache laitière bio. On lui disait: Bien, développe une norme, ça va nous aider, on ne comprend pas trop ça, la production laitière. Et le type évidemment développait une norme pour s'assurer du développement de son marché mais développait la norme de façon telle que personne d'autre ne puisse produire comme lui. Donc, la notion individuelle fait en sorte que tu utilises un système public pour te développer une niche individuelle. On peut très bien dire: On va le rendre public après ça, mais on sait très bien que, dans le développement d'une norme comme telle, on va essayer d'être contraignant pour s'assurer que personne ne puisse venir sur mon marché.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Beauchemin. Alors, M. le ministre.

M. Lessard: Alors, merci, Mme la Présidente. J'écoutais tantôt le député des Îles utiliser son sens de la dramatique en disant que vous étiez extrêmement sévères. En fait, le but de la consultation, n'est-ce pas, c'est de faire émerger les meilleures pratiques pour faire en sorte que le texte corresponde non pas à la tour d'ivoire, mais bien à ceux qui sont en train de produire sur le terrain, et, si c'était si simple, on l'aurait eu probablement avant aujourd'hui. Le constat sur le terrain, c'est: il y a la Filière biologique, point, point, il n'y en a pas d'autre, là. Alors, il y a plusieurs qui travaillent à faire émerger... certains se butent à différentes problématiques souvent, et vous ne voulez pas faire subir probablement le même traitement mais tout en restant dans une certaine rigueur.

J'en reviens sur le volet unique, simplement une mesure... c'est qu'une personne peut enclencher le processus, toutefois, comme il y aura une consultation, tout le monde pourra aussi intervenir. Deuxièmement, elle sera sujet d'appropriation même lorsqu'il y aura eu la certification. Je n'aurai qu'à adhérer à l'organisme et à être membre et j'aurai donc le fruit de son travail.

Mais je reviens donc, avant de passer la parole à mon collègue de l'Abitibi et adjoint parlementaire, donc Rouyn-Noranda?Témiscamingue, sur le volet de l'inspection. C'est un volet que... Parce qu'on veut essayer de faire progresser. Qui aurait le contrôle? Quels sont ces pouvoirs-là? Quand vous les rencontrez dans les tablettes, y a-tu quelqu'un qui les enlève? Y a-tu quelqu'un qui le vérifie?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Présentement, le Conseil des appellations a un devoir de surveillance mais n'a pas un pouvoir de contrôle comme tel. Donc, ce qu'ils vous ont expliqué, c'est la réalité: une fois ou deux par année, ils font le tour des épiceries, ils prennent en note qui sont en non-conformité, ils envoient des lettres avec le plus de muscle possible pour essayer de faire modifier les pratiques. Dans 99 % des cas, les gens se mettent en conformité parce qu'habituellement c'est comme: Ah, on ne le savait pas. Mais il reste qu'il y a des irréductibles qui ont comme attitude: Viens me chercher, parce que c'est payant, ce que je fais, puis la pénalité, je vais la payer. Donc, le temps que les délais...

Donc, il n'y a pas de pouvoir de saisie, il n'y a pas aucun pouvoir, contrairement à toutes les appellations qu'on voit tant en Europe qu'aux États-Unis. Aux États-Unis, quelqu'un est en non-conformité avec la loi, c'est USDA qui s'en occupe. Et, quand USDA intervient, c'est une pénalité de 5 000 $ à 60 000 $, mais, pire que ça, c'est qu'on retire le droit d'utiliser l'appellation bio pour cinq ans à un contrevenant. Ça, ça fait mal, pas mal plus qu'une pénalité de 5 000 $.

Donc, ce qu'on constate ici, c'est que l'Inspection des aliments disait: Nous, on a un mandat de santé et salubrité, on n'a pas un mandat de vérifier la qualité, si on commence à faire ça, on va être poignés pour classer les patates puis les carottes ? et on comprend très bien ça ? ou on n'a pas les ressources et l'expertise pour faire ça. Très bien. Qui va le faire? Moi, il y a eu plusieurs recommandations, ici, qu'on donne pouvoir d'inspection et de saisie au CAQ. Ça se dit bien. Est-ce que le CAQ est habilité à recevoir ces mandats-là? C'est une autre partie légale qui s'enclenche ici.

Moi, je veux que ça se fasse, qu'il y ait des contrôles, peu importe, que, si on ne veut pas, à l'Inspection des aliments, le faire, ce soit le CAQ. Ou encore, on a vu et on a entendu ici que le gouvernement fédéral s'apprête à développer un cadre législatif pour les appellations bios. Est-ce qu'on veut le transférer à l'Agence canadienne? Il faudra juste s'assurer avec quelle loi ils vont fonctionner. Mais, nous, du milieu, on veut s'assurer qu'il y ait une loi, et que ce soit la même pour tout le monde, et que l'interprétation ne soit pas laissée au bon jeu de tout le monde.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Beauchemin. M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue.

n(10 h 20)n

M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Beauchemin. Bonjour, M. Rioux. Je vais commencer par quelques commentaires, en fait, vous faire part de mes réflexions. Un des sujets importants qu'on parle souvent quand on parle du consommateur, je me dis que, peu importe le mécanisme qu'on verra, quelle sera la loi définitive, le volet de l'information au consommateur demeure toujours la clé du succès. Parce que souvent j'ai vu des exemples qu'il y a deux catégories de consommateurs. Quand on parle de produits de niche et de terroir, entre autres, plusieurs se sont développés, ces produits-là, dans des boutiques spécialisées, c'est-à-dire souvent des consommateurs plus informés qui savent c'est quoi, une appellation réservée. Mais où que souvent l'enjeu se passe, c'est quand on veut amener ces produits-là dans les plus grandes surfaces, au travers des chaînes de distribution, qui sont différentes alors parce qu'on change de clientèle, et, à ce moment-là, l'information au consommateur pour dire: Regarde, voici une appellation réservée, voici un produit certifié versus un produit qui ne l'est pas, c'est plus difficile parce qu'il faut éduquer le consommateur. Et ça va être la clé, je pense, du succès de la loi future qui va être mise en place et qui va faire partie du plan du gouvernement, à cet égard-là, avec les gens.

Le point important, je vais revenir sur... Ça, c'était mon commentaire. Le point important. Moi, je suis de région, comme vous avez pu le voir, Rouyn-Noranda?Témiscamingue. Et tantôt vous avez parlé du «fast track» parce que c'était justement une de vos craintes. Puis, si je reviens à la page 2 de votre résumé ? puis exactement j'avais surligné les deux mêmes paragraphes que le député des Îles-de-la-Madeleine avait soulignés ? c'était votre crainte, de dire que la loi soit trop ouverte et donc qu'on pourrait regretter l'adoption d'une telle législation. Mais il y a le pendant de ça, c'est que la loi soit trop restrictive pour justement permettre à des petits producteurs d'aller chercher dans leur région ou leur communauté, etc., un signe de distinction facile à aller chercher pour leur permettre de se distinguer des produits de masse, justement.

Et, moi, la raison pourquoi je dis ça, c'est qu'actuellement la loi actuelle, si on regarde après huit ans ? puis mon ministre l'a souligné ? il n'y a qu'un seul type d'appellation actuellement qui est reconnu au Québec, et c'est le vôtre, biologique, O.K, et après huit ans. Est-ce que justement ce n'est pas parce que c'est difficile et exigeant financièrement pour des petits producteurs de se regrouper puis aller chercher d'autres types d'appellations qui fait qu'on en a très peu et parce que le mécanisme ne s'adapte pas nécessairement à leurs besoins?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Oui, ça peut être une raison. Il y a beaucoup de petits producteurs en région, mais il faut constater qu'il y a aussi beaucoup de ressources en région pour les accompagner. Il y a un réseau de 16 tables de concertation qui pourraient jouer un rôle d'accompagnateur. Ils reçoivent des fonds publics pour faire ce type de développement, d'aide à la mise en marché. Donc, c'est peut-être un acteur qui pourrait aider les gens à se regrouper, à définir... Le cadre de la loi ? je veux revenir encore à ça ? de la loi sur A-20.02 n'a peut-être jamais été bien compris par l'ensemble des partenaires.

Et, quand j'ouvrais en disant qu'on devrait peut-être se donner une vision globale pour que tout le monde soit sur la même page, au ministère, dans les CLD, chez l'ensemble des intervenants en développement qui jouent dans l'agroalimentaire et qu'on cesse de dire: Ah, ça, c'est bien compliqué! Qu'est-ce que c'est qu'on a comme commentaires? Dès qu'on parle de Loi sur les appellations, tout de suite c'est: Ah, ça, c'est compliqué, plutôt que dire: Bon, c'est un outil merveilleux, essayons de voir comment on peut l'adapter pour les besoins de notre région. Mais il faut au moins se donner les moyens et utiliser les outils puis les ressources qui sont en place. On ne l'a pas fait à date.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Il reste moins de deux minutes. M. le député de Rouyn-Noranda.

M. Bernard: Ça m'amène justement à un point, et vous en avez parlé beaucoup. Je prends un peu, par exemple, les certifications ISO. O.K.? Moi, je dis tout le temps qu'il y a un coût pour aller chercher la certification et il y a un coût de maintien. Tantôt, quand vous parliez de votre 1 %, je pense, c'était plus un coût de maintien qu'un coût d'aller chercher une certification, hein?

M. Beauchemin (Robert): Oui, mais autant en certification de conformité de type bio ou d'appellation comme en développement d'une approche HACCP, tout ce qu'on fait là-dedans, c'est d'aider les entreprises à se structurer, de savoir comment ils fonctionnent, de documenter, de s'assurer qu'il y a une traçabilité, de s'assurer qu'il y a des pratiques de salubrité et de santé qui sont conformes aux exigences minimales du ministère, donc que tout ça est documenté.

Encore là, il y a des acteurs, il y a des programmes qui ont été mis en place pour aider les petites entreprises. Mais il faut voir que les petites entreprises sont souvent là à dire: Je n'ai pas d'aide, je n'ai pas d'aide, parce que le promoteur est à la fois producteur agricole, transformateur, conjoint, père de famille, mère de famille et qu'il joue à peu près les 12 rôles et les 22 autres sous-entendus dans une petite entreprise. Donc, c'est sûr que, quand on vient rajouter la moindre exigence réglementaire, il va dire: C'en est trop. Mais, que voulez-vous, c'est la nature d'une petite entreprise, dès qu'on va mettre des exigences, qui va dire: C'en est trop.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vais donner la parole au député de Portneuf, pour moins que deux minutes. Rapidement.

M. Soucy: Alors, merci, Mme la Présidente. Je comprends de votre intervention que vous voulez qu'on nivelle par le haut, vous voulez qu'on ait des exigences et que tout le monde ne puisse pas arriver à atteindre ses fins. Comment on peut marier cet objectif-là avec l'autre objectif qu'on a aussi: de favoriser le déploiement sur l'ensemble du territoire, là, je vous dirais, d'entreprises qui auraient un caractère qui... incitatif à l'achat, qui produiraient des produits de qualité très facilement? Et en même temps est-ce que c'est possible d'avoir une législation qui soit plus ouverte, plus légère et atteindre les standards quand même? Est-ce que ça, c'est possible?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Courte, courte réponse.

M. Beauchemin (Robert): Le défi est de taille. On a des outils. Comme je disais tantôt, il y a des tables de concertation. S'il y a deux, trois producteurs dans une région qui veulent développer une appellation de spécificité comme telle, bien qu'on travaille à les faire travailler ensemble, parce que...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Merci, M. Beauchemin. Désolée. Vous pouvez continuer plus tard, en échangeant du côté de l'opposition. M. le député de Saint-Hyacinthe, il vous reste sept minutes pour l'opposition officielle. Je réserve deux minutes pour le député de Beauce-Nord. Allez-y, M. le député.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. M. Beauchemin, M. Rioux, bonjour. Ça fait plaisir de vous entendre. Et vous avez été vraiment très, je trouve, transparents dans votre exposé, au début, quand vous avez parlé de l'histoire, avec tout le mouvement de l'agriculture biologique et des produits biologiques, et vous n'avez pas caché les chicanes nombreuses qu'il y a eu tout le long du chemin. Et, moi, ça me permet de mesurer la distance entre 1973... il me semble que c'est janvier ou février 1973, quand j'ai présidé le comité qui a présidé à la fondation de la première association d'agriculture biologique au Québec, et alors il y a eu beaucoup de chemin de parcouru depuis ce temps-là. J'étais là aussi en 1996, quand on a adopté la Loi sur les appellations réservées, qui ne visait pas seulement évidemment l'agriculture biologique, mais qui visait de façon générale les produits à valeur ajoutée, les produits du terroir, les produits spécifiques.

Et, aujourd'hui, évidemment, vous avez des propos vraiment de personnes qui ont vécu beaucoup ces événements-là et qui donc voyez beaucoup, à partir de l'expérience, des difficultés de s'entendre sur ceci ou cela, voyez beaucoup les difficultés qui peuvent survenir d'une législation ou d'une réglementation qui ne serait pas adéquate. Et vous semblez particulièrement inquiets de tout ce qui touche... ce qui semble ressortir du projet de loi, je ne sais pas si j'interprète correctement, mais qui serait deux systèmes différents: un pour les appellations réservées et un pour une autre série d'appellations qui ne seraient pas considérées comme étant de la même catégorie que les premiers mais qui feraient une référence au lieu d'origine. Je pense que c'est tout ça qui est une ambiguïté et que vous craignez que ce soit, si j'interprète bien, une source de beaucoup de chicanes et de difficultés entre les gens.

Alors, la question que je me pose, c'est: Dans ce contexte-là, comment allez-vous pouvoir réussir à gérer l'ensemble du processus mais sans établir une réglementation si lourde qu'enfin les gens vont avoir de la misère à bouger là-dedans puis à trouver leur place? Parce qu'il n'y a pas eu d'autre chose que l'agriculture biologique qui a réussi à s'instaurer depuis 1996. Donc, il doit y avoir un problème là très, très grave à résoudre.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): Bien, je pense qu'il y a un problème d'effort collectif là-dedans. Encore là, je reviens encore sur les... peut-être qu'on ne s'est pas donné les outils. Même s'il y a des structures en place, on ne les a peut-être pas mandatées ou on ne les a peut-être pas suffisamment appuyées pour avancer dans tout ça. Il y a des énergies incroyables qui se déploient en région ? vous êtes, pour la plupart, des gens qui viennent de régions ? il y a des tables de concertation. L'agroalimentaire, c'est extrêmement dynamique, innovateur, et il faut voir comment on peut le mettre en valeur, tout ça. Il y a des tables de concertation, l'UPA est présente, il y a des petites unités de transformation. Bien souvent, c'est des efforts de concertation, parce que les outils sont déjà là.

n(10 h 30)n

Moi, je suis surpris quand j'entends toujours ou quand je constate qu'il y en a une seule, appellation, je ne comprends pas pourquoi, autre que le fait qu'on ne sent pas qu'il y a peut-être suffisamment d'appui gouvernemental en région, ou peut-être qu'on ne comprend pas le potentiel de ça, ou on comprend mal, ou on voit des fois que c'est une voie automatique au développement de marchés, ce que ce n'est pas, il n'y a pas de marché...

On parlait tantôt, M. le député de Rouyn-Noranda mentionnait que, bon, l'information au consommateur... quand ça passe dans une chaîne, etc. Il faut voir, les chaînes, les distributeurs, ce n'est pas leur rôle, eux autres, ou ils ne comprennent pas leur rôle comme étant de faire de l'information. On l'a vu dans tous le secteurs, eux interviennent ? et ça a été le cas du bio ? quand les autres ont développé suffisamment de masse critique pour qu'ils prennent part de ce marché-là. Regardez dans l'huile d'olive, on est rendu avec des rayon de 12 pieds d'huile d'olive, alors qu'il y a quelques années on avait juste de l'huile de canola, puis de l'huile Mazola, puis de l'huile d'arachide. Il y a eu des efforts de petits indépendants qui ont fait la promotion, la publicité, l'information de façon volontaire, et là les gros arrivent puis ils prennent ce marché-là.

On le voit et on va le voir dans les produits de spécialités. Ce n'est pas parce que tu as une appellation que le marché va s'ouvrir. C'est des outils dans lesquels il va falloir investir, il va falloir continuer à bâtir. La distribution, la grande distribution, c'est un joueur, il s'intéresse maintenant au bio parce que c'est payant. La transformation s'intéresse au bio parce que c'est payant. Et le succès du bio, c'est parce que les agriculteurs maintenant voient qu'il y a un potentiel et que c'est peut-être plus payant que ce qu'ils reçoivent dans le conventionnel. Le net s'améliore.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente. Très rapidement parce que mon collègue de la Beauce veut poser des questions, je veux laisser du temps. Mais il y a un élément qui est très important. Vous avez abordé toute la question de la lenteur, les difficultés de développement pour amener justement tous ces moyens, là, qu'il faut pour permettre le développement des appellations, et dans le secteur biologique en particulier. Je me souviens aussi qu'il n'y a pas eu vraiment... Parce qu'il y avait la loi, il y avait le Conseil d'accréditation, mais ça prenait aussi des moyens. Et, tant que les argents n'ont pas été disponibles pour permettre au Conseil d'accréditation de fonctionner et des moyens pour aider les entrepreneurs, les petites entreprises, c'est difficile.

Alors, vous demandez, vous intercédez, c'est votre dernière recommandation, que le projet de loi prévoie des clauses assurant un financement adéquat pour soutenir la sensibilisation, l'information. C'est extrêmement important. Parce qu'on sait que finalement les sommes que demande le biologique somme toute, quand on regarde l'enveloppe totale du MAPAQ, quoique c'est une des seules productions comme telle à être financée directement... Ça prendrait-u beaucoup d'argent pour faire une bonne campagne de sensibilisation puis pour aider les agriculteurs puis les tables de concertation, aider le monde?

M. Beauchemin (Robert): Je pense que, quand je voyais le budget qui était prévu, on parlait de 1 million sur trois ans, je peux vous dire que je ne suis pas convaincu qu'on aille bien loin à aider le développement des produits des régions avec une telle enveloppe. Je pense qu'une campagne d'information ? on ne parle même pas de promotion des produits mais d'information, tout ça ? avec des moyens comme ça, je ne suis pas sûr qu'on atteigne le but.

On a mis en place... Et je veux juste corriger. Tantôt, j'ai dit qu'on n'avait pas eu d'appui. Je veux souligner le fait qu'il y a un programme de développement d'appui au bio qui est en place depuis que vous êtes ministre, qui a été poursuivi, et tout ça. Je dois le souligner, c'est unique au Canada qu'une province ait son secteur bio. Et ça, il faut le souligner.

Par ailleurs, mettre de l'argent dans un programme de développement, ça n'exclut pas le rôle de développer une vision gouvernementale de qu'est-ce qu'on veut faire avec le bio, qu'est-ce qu'on veut faire avec les produits d'appellation. Est-ce que c'est un potentiel de développement économique non seulement des régions, mais pour l'agroéconomie du Québec? Il y a une réflexion là-dedans où des fois ça passe par des grands-messes où la distribution est obligée de se compromettre, la transformation est obligée de se compromettre et même l'UPA est obligée de se compromettre parce que des marchés de créneaux arrivent en collision avec des modes de mise en marché collective. Et donc, il y a des défis là-dedans qu'il faut examiner, tous, comme acteurs d'une filière mais d'une filière plus large que celle du bio. Il y a un potentiel incroyable, mais il faut se donner une vision plus globale que simplement mettre l'argent dans un programme de développement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, maintenant, je cède la parole au député de Beauce-Nord, pour deux minutes. M. le député.

M. Grondin: Merci, Mme la Présidente. Écoutez, moi, ça va aller un peu dans le même sens. Je pense que le projet de loi n° 113... Moi, je pense que, comme législateurs, on devrait faire un projet de loi pour essayer que les consommateurs soient bien informés de ce qu'ils mangent.

La filière biologique, quand on va acheter un pot de confiture biologique, on sait qu'il y a eu une certification biologique, on sait comment ça a été fait, sur le champ, qu'est-ce que les gens ont mis comme engrais ou n'importe quoi pour cultiver leurs confitures.

Si on s'en va avec les produits du terroir ? quatre, cinq noms qu'on donne ? j'aimerais, moi, que, quand on va mettre l'étiquette «produit du terroir», si on arrive à une entente, que le consommateur sache qu'est-ce qu'il y a dans le pot. On a entendu M. Pellerin, de l'UPA, qui disait: On est rendu, au Québec, qu'on met des produits du Québec... des concombres qui viennent des Indes, qui sont faits on ne sait pas comment, puis on est rendu qu'on a ça dans nos pots ici, au Québec.

On sait que, le marché étant ce qu'il est, là, les grosses compagnies ou les gens qui voient que le produit biologique a une valeur ajoutée puis que les consommateurs sont prêts à payer plus cher... Est-ce qu'on va se ramasser avec des produits du terroir, avec des produits paysans ? appelez-les comme vous voulez ? qui vont avoir l'étiquette sur le bocal, mais le produit va venir de l'Inde, ou bien de la Chine, ou de n'importe où? Moi, j'aimerais que notre projet de loi qu'on veut faire donne une sécurité alimentaire aux Québécois, de dire: Ce qu'il y a là, là, c'est réellement... ça a été fait au Québec puis ça a été fait de telle façon. Est-ce que je suis dans l'erreur ou...

M. Beauchemin (Robert): Bien, il faut comprendre qu'on est dans un marché ouvert. On veut protéger les produits du Québec d'une appellation, mais on doit aussi tenir compte qu'il vient du fromage fermier de France et qu'on doit l'appareiller à notre loi et règlement ici. Donc, il faut, quand on va déterminer des appellations ou des libellés ici, qu'on tienne compte qu'il y a des produits de l'extérieur qui vont venir concurrencer nos produits sur le marché et que le consommateur, il va être confronté à cette réalité-là que j'ai un produit fermier des Îles-de-la-Madeleine, puis j'ai un produit fermier qui vient de Provence, ou qui vient d'Allemagne, ou quoi que ce soit, est-ce que ça signfie la même... ça a la même connotation. Parce que c'est facile de le perdre.

M. Grondin: Il ne faut pas que vous parliez trop parce que je n'ai pas beaucoup de temps.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Beauchemin (Robert): O.K. Excusez.

M. Grondin: Là, je suis bien d'accord avec ça qu'on compétitionne puis qu'il y a un produit qui vient de France qui compétitionne un produit du Québec mais qui a été produit de la même façon puis que c'est la même qualité du produit. Mais, moi, ce que j'ai de la misère à comprendre, c'est qu'aujourd'hui on va sur les tablettes des marchés, on achète un pot de crème glacée qui est marqué «crème glacée» puis on sait qu'il n'y a même pas une goutte de crème dedans, c'est fait avec des toutes sortes de substituts. C'est ça que, moi... Je suis rendu que je me dis qu'on devrait mettre, à un moment donné, des lois: qu'est-ce qu'il y a dans le pot, c'est réellement les ingrédients sont là, arrêter de prendre le consommateur pour quasiment des imbéciles, là.

M. Beauchemin (Robert): Ça relève de l'Agence canadienne, ça, ces enjeux-là. C'est eux qui ont le pouvoir de déterminer des appellations, des désignations de produits. Je vois moi-même des mélanges à muffins au bleuets de Robin Hood qu'il n'y a pas un maudit bleuet là-dedans. Ça me surprend toujours. On a juste à porter plainte, quand on est... et ils interviennent.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

M. Grondin: Si on fait...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je suis désolée, M. le député, votre temps est largement écoulé. M. le ministre, il vous reste 2 min 40 s.

M. Lessard: Alors, merci. Alors, souvent, là, en commission parlementaire, ça nous permet aussi de faire le point sur des réalités. Je vous entendais tantôt parler de financement. En fait, c'est plutôt 1 million par année pour trois ans, donc c'est 3 millions de dollars. Alors donc il fallait quand même le rappeler.

Deuxièmement, aussi, lorsqu'on fait tout ce processus-là, il n'est pas aussi question de négocier à rabais l'intégrité des produits. Alors, il faut quand même le rappeler. Même s'il sera fermier, artisan, qu'il a eu ses appellations réservées, ça ne fera pas en sorte que ça va être quand même à rabais. Donc, je veux rien que quand même rassurer aussi la Filière biologique. Et donc il faut quand même le rappeler.

Parce que tout le monde me parle de l'encadrement nécessaire, d'une démarche connue tant du public, défendue, contrôlée. Ce qui m'amène en dernier lieu à vous demander: On m'a beaucoup parlé du CAAQ, est-ce que vous reconnaissez cette entité-là comme étant le chapeau, là, au-dessus de quoi ils ont acquis la notoriété, l'expérience, le développement, l'usure du temps pour superviser l'ensemble des accréditations?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le ministre. M. Beauchemin.

n(10 h 40)n

M. Beauchemin (Robert): La Filière bio a été comme instigatrice de la mise en place du CAAQ. On a vu l'évolution: de un employé pendant trois ans à maintenant une équipe qui a dû se confronter à de la reconnaissance internationale, à des compréhensions et même qui intervient maintenant auprès d'Agriculture Canada et de Santé Canada dans le cadre du développement d'une loi. Ils ont une expertise que, moi, je considérerais quasiment unique au Canada, compte tenu de leur courte histoire. Et, compte tenu des enjeux qu'ils voyaient venir, ils ont su, il y a un an ou deux, amorcer une réflexion sur comment se sortir du secteur strictement bio et devenir une entité de contrôle générique. Je pense qu'ils ont mis les ressources, ils sont allés chercher des représentations institutionnelles. Je pense que le CCDA maintenant... Il y a une représentation sectorielle qui fait en sorte que l'ensemble des maillons de la chaîne agroalimentaire donnent beaucoup d'appuis.

Je l'ai vu dans les mémoires, il y a une certaine unanimité autour... évidemment, peut-être pas du BNQ, mais l'ensemble des joueurs du secteur agroalimentaire semblent donner un appui. Et nous en sommes, là. On voit qu'ils font un bon travail avec les ressources qu'ils ont. Mais on souhaitait aussi, là, que ça reste maigre comme ressources. On ne veut pas voir grossir un éléphant parce qu'on en paie à peu près, je dirais, pas loin de 70 % du coût de maintien de ça. Donc, on veut que ça fonctionne, on veut que ça contrôle, mais on ne veut pas développer une bureaucratie qui va venir nous empoisonner tous.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Beauchemin. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, 2 min 30 s.

M. Arseneau: Mme la Présidente, très rapidement, peut-être. Je serais prêt à céder le restant, avec la collaboration de M. Beauchemin, à mon collègue de Beauce-Nord. Vous avez dit une chose extrêmement importante, vous avez dit que, depuis l'entrée en vigueur de la loi, en ce qui concerne le biologique, ça a porté des fruits. Vous avez dit que vous étiez surpris qu'il n'y ait pas plus d'appellations réservées qui soient développées. Deux, trois suggestions extrêmement importantes pour améliorer le projet de loi n° 113, en 40 secondes, pour permettre au député de Beauce-Nord...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Robert): En 40 secondes?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non. Vous avez plus que 40 secondes, vous avez plus que 40 secondes.

M. Beauchemin (Robert): Donnons-nous une vision, une politique de développement global où la Loi des appellations est un appui à cet outil de développement là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Rioux, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Rioux (Alain): Peut-être aussi un commentaire. Pour nos membres, les deux dernières recommandations du sommaire du mémoire, qui sont au niveau de l'inspection... des pouvoirs publics au niveau de l'inspection et du financement pour faire reconnaître les appellations auprès des consommateurs, si la loi A-20 sur les appellations avait été amendée avec ces deux propositions là, déjà, je pense, pour le gens de la filière, il y aurait eu un gain déjà énorme. Puis c'est ça qu'on aimerait voir retrouvé, là, comme modifications à la loi de façon prioritaire.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon, il reste 30 secondes, donc il me reste juste le temps de vous remercier, M. Beauchemin. Et, maintenant que vous êtes un habitué de nos travaux, appliquez-vous à un effort de concision, la prochaine fois, parce que c'est très intéressant, ce que vous nous amenez. Merci beaucoup, M. Beauchemin, M. Rioux, merci à tous les collègues.

Et donc j'invite les représentants du groupe Les Cidriculteurs artisans du Québec, M. François Pouliot et la personne qui l'accompagne.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'invite donc M. François Pouliot, président de Cidriculteurs artisans du Québec, à se présenter devant la commission et à nous présenter la personne qui vous accompagne. Et, M. Pouliot, vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et de chaque côté de la commission il y aura un échange de 20 minutes également.

Les Cidriculteurs artisans du Québec (CAQ)

M. Pouliot (François M.): Bonjour à tous. Je suis François Pouliot, président des Cidriculteurs artisans du Québec et aussi copropriétaire de La Face cachée de la pomme, producteur de cidre de glace assez connu. Ici, Francis Lavoie, confrère cidriculteur de Rougemont, qui m'accompagne, qui est aussi membre du conseil d'administration des Cidriculteurs artisans. Alors, merci beaucoup de nous accueillir ici, aujourd'hui. C'est moi, ma, première fois que je participe à une telle présentation, donc excusez si je ne vais peut-être pas dans un ordre qui doit y aller.

Bien, tout d'abord, on a présenté un mémoire ici parce que, bien, ça fait déjà 10 ans qu'on a, nous, développé le cidre de glace et depuis cinq ans, six ans même que je me bats et essaie de parler à tout le monde que je peux rencontrer que c'est une urgence, une importance cruciale, nationale d'avoir une appellation réservée pour le cidre de glace. Et, il y a cinq ans, j'ai appris qu'il y avait la Loi sur les appellations réservées, au Québec, et que c'est une première. Et j'étais là: Ah bien, c'est super, il y a déjà un encadrement. Mais ça fait cinq ans que je cogne à toutes les portes, et il n'y a pas personne pour répondre, pour dire: Bien, voici, c'est comme ça que ça fonctionne, il y a un organisme, voici qu'est-ce qu'il faut faire pour faire reconnaître votre appellation réservée.

Au printemps, il y a eu la présentation de cet avant-projet de loi ou de modification au projet de loi, et là on apprend que les alcools, ils sont exclus de ce projet de loi là. Alors, je ne sais pas, mais j'ai tombé en bas de ma chaise. On a tous tombé en bas de notre chaise. Et, bien, c'est là qu'on a préparé un mémoire qu'on vous a présenté. Et là, suite à la présentation de notre mémoire, bien là il y a quelqu'un qui m'a téléphoné pour me dire: Bien non, les alcools, ils sont effectivement inclus dans le projet de loi. Alors, je suis allé voir, mais je n'ai pas vu.

Donc, c'est pour ça que je suis encore ici, aujourd'hui, pour défendre notre point, qui est primordial: que les alcools artisans soient inclus dans ce projet de loi sur les appellations réservées, et non seulement qu'ils soient inclus, mais aussi qu'on ait un encadrement et quelqu'un qui peut nous aider à monter ces projets d'appellations réservées.

Ce que je voulais, c'était de peut-être passer par-dessus notre mémoire ? je ne sais pas si c'est la bonne façon de faire ? et avant, bien, juste faire un petit historique.

Le cidre de glace au Québec, c'est une invention qui a été faite ici, ça a à peine 10 ans. Donc, il y a 15 ans, ça n'existait pas. Il y a 10 ans, on était tout seuls à en produire, et maintenant on est rendus près de 25 producteurs au Québec. C'est le produit du terroir qui est le plus vendu au Québec et à la SAQ, et c'est maintenant distribué dans plus de 20 pays. Donc, c'est un produit qui est d'appel et qui est, je pense, le plus bel ambassadeur du Québec sur la planète.

Ceci dit, on a préparé un dossier, donc juste pour faire un... Les Cidriculteurs artisans, bien, on représente 38 membres, ce sont à peu près toutes des entreprises familiales, et on est tous propriétaires de vergers. Juste un petit exemple, nous, on est basés à Hemmingford; il y a quatre ans, on était deux employés, et on est rendus 16 employés présentement, en quatre ans. On est passés de 3 000 bouteilles à 200 000 bouteilles. Donc, économiquement, on fait travailler quand même pas mal de gens dans notre région de Hemmingford. Et c'est aussi vrai pour plusieurs de mes confrères cidriculteurs qui sont répartis un peu partout au Québec.

Donc, le développement des appellations réservées est un sujet qui interpelle notre organisation, Les Cidriculteurs, depuis le tout début. Il ne saurait en être autrement, puisque l'essor des appellations fait partie intégrante d'un développement misant sur une agriculture diversifiée et sur la croissance des produits à valeur ajoutée.

À la base du développement des appellations réservées se trouve le système qui en garantie la crédibilité. La loi et les règlements qui balisent la création de ces produits se doivent de répondre impérativement aux conditions suivantes: il faut que ça garantisse l'authenticité du produit; protéger le savoir-faire des entreprises et de ceux qui ont développé des produits originaux; permettre un développement à long terme, hein, développer la pérennité des entreprises, et en même temps les appellations réservées vont nous donner aussi une crédibilité au niveau international. On veut aussi pouvoir... avec cette loi-là, qu'il y ait un moyen de... Parce que, là, ce que j'entends, c'est que c'est plus sur base volontaire. Mais, sur une base volontaire, bon, bien, c'est l'fun pour ceux qui y adhèrent, mais ceux qui n'y adhèrent pas, ils ont les mêmes bénéfices que ceux qui se restreignent. Donc, il faut qu'il y ait une manière de pouvoir soit punir ou d'interdire les malfaiteurs. Donc, c'est un petit peu la base de nos revendications.

n(10 h 50)n

Les boissons alcooliques de production artisanale. Au même titre que les produits alimentaires, les boissons artisanales alcoolisées se doivent d'être incluses dans les dispositions des lois sur les appellations réservées. Ces produits, en plein développement au Québec, offrent un très grand potentiel de croissance et de rayonnement sur les marchés tant nationaux qu'étrangers. Il est du devoir gouvernemental d'appuyer les cidreries artisanales dans leur désir de se donner des cahiers des charges, de mettre en valeur la spécificité de leurs produits et de garantir aux consommateurs cette authenticité.

Parce que, là, présentement, il se retrouve toutes sortes de choses sur les tablettes. Je veux dire, la majorité, on travaille assez bien. Nous, les cidriculteurs, on s'est donné comme un code, on s'est donné un minicahier des charges, une minidéfinition, mais il n'y a absolument rien présentement qui peut garantir que les produits sont faits comme ça. Puis ceux qui n'adhèrent pas, bien, là, c'est encore... On doute pourquoi qu'ils n'adhèrent pas à notre association.

Les Cidriculteurs artisans sont avant tout des producteurs agricoles qui exploitent des vergers. Donc, on revalorise les vergers. À Hemmingford, à peu près tout le monde coupait leurs arbres, il y a 10 ans, puis maintenant, juste dans les trois dernières années, nous, on a planté 12 000 pommiers puis on est rendu à 80 acres de pommiers en culture. Donc, même mes voisins commencent à replanter des pommiers.

Nous croyons en effet possible de concilier l'inclusion de ces produits tout en respectant le rigoureux et nécessaire cadre réglementaire qui balise la fabrication des boissons alcooliques de production artisanale. Ça, ça veut dire que, oui, les boissons alcooliques sont régies par la Régie des alcools, mais avant tout on est des producteurs agricoles, donc c'est vraiment une transformation de notre production agricole, notre matière première qu'on transforme en alcool. Donc, c'est la base de notre industrie.

Le cidre de glace, un produit de niche. Le cidre de glace est un produit unique, une création québécoise. En un mot, il est l'expression du savoir-faire, des mains, du coeur et de l'expérience des hommes de notre terroir. Ça, ça veut dire que c'est le meilleur de notre culture qui est embouteillé et qui est envoyé un peu partout dans le monde. Inspiré du vin de glace, ce cidre liquoreux, très concentré en sucre, est fait avec des pommes qui ont gelé. Il faut environ 50 pommes, ça prend sept kilos de pommes pour faire un demi-litre de cidre de glace; c'est quatre fois plus de pommes que pour une bouteille de 750 ml de cidre normal. Ça fait beaucoup de pommes, ça.

Son prestige est devenu tel que les producteurs le commercialisent essentiellement en demi-bouteille de 375 ml qu'ils vendent, sans difficulté, 20 $ et plus. Et ça, ce n'est pas cher. Quelque 500 000 bouteilles de cidre de glace sont produites au Québec maintenant, annuellement, et ça va en augmentant d'année en année. Véritable locomotive, il entraîne avec lui tous les autres produits alcoolisés de la pomme, dont les cidres tranquilles et mousseux, lesquels ensemble on compte pour 67 % des ventes de boissons artisanales du Québec faites par la SAQ, de juillet 2003 à juillet 2004.

Juste une petite anecdote. Il y a six ans, quand j'ai commencé à faire des dégustations de cidre de glace, il n'y a pas personne qui voulait venir à ma table déguster parce qu'ils voyaient le mot «cidre». Les gens faisaient carrément la grimace, ils se rappelaient très bien des années soixante-dix. Et là, depuis un an ou deux, ça commence, ils ne la font plus, la grimace, parce qu'ils ont repris confiance au cidre à cause du cidre de glace.

À la SAQ, explique le directeur corporatif, gestion de la qualité et relations internationales, les cidres de glace représentent désormais 51 % des ventes de produits artisanaux à la SAQ, en l'espace de trois ans. Ils ont rapporté 3,4 millions de dollars au cours du dernier exercice financier.

Issu du génie des cidriculteurs artisans du Québec, le cidre de glace, ce produit de niche, suscite l'intérêt de producteurs ailleurs au Canada, qui essaient de l'imiter, d'où la nécessité de protéger ce savoir unique. Ça, c'est vrai parce que c'est unique au Québec. Parce que, pour faire du cidre de glace, ça prend des pommes, mais ça prend des moins 20°, moins 25°, l'hiver. Il n'y a pas grand place sur la terre qui a les deux. Pour une fois que l'hiver est vraiment de notre bord, on a vraiment un atout de ce côté-là, donc il faut l'exploiter. Je veux dire, la France, même l'Ontario, il fait moins 8°, moins 10°, il ne fait pas assez froid. Alors, on a vraiment une particularité qui est propre à nous, ici. Une commercialisation internationale du cidre de glace a déjà fait ses preuves aux États-Unis, en Europe, en Asie, au Canada. Actuellement, on déguste du cidre de glace du Québec dans plus de 20 pays. Mais en ce moment il n'est pas protégé et il pourrait être copié en Allemagne, en Suède, en Autriche et évidemment en Chine.

Le cidre de glace est une invention québécoise, un produit fort pour la cidriculture, un produit ambassadeur pour le Québec. Doit-on rappeler que les vins français ont su développer leur secteur en misant sur les appellations réservées? Pour leur part, les producteurs de vin de la vallée de Napa, en Californie, ont su savoir et mettre ce potentiel de système pour protéger leur appellation pour se développer. On connaît bien les appellations comme le champagne, le porto, le cognac, et nombreuses, qui se sont donné une valeur parce qu'ils ont une façon de faire ou une dénomination régionale spécifique qui leur est unique. C'est ça qui leur donne la valeur. Il est temps pour le Québec de mettre en place les mécanismes qui permettront aux cidriculteurs artisans de protéger et de faire reconnaître leur savoir-faire et la qualité de leurs boissons.

Qualité et crédibilité du cidre de glace. La crédibilité d'un cidre de glace repose sur ses qualités organoleptiques, sa difficulté de production, son origine et son coût de production. Nous venons d'adopter nos propres normes, et un consensus majoritaire a été obtenu sur la façon de fabriquer un cidre de glace de qualité. Un cahier des charges est en voie de rédaction, qui permettra, dans un avenir assez proche, de mettre en place un sceau de certification. Nous avons compris qu'il est primordial d'assurer la qualité et la crédibilité du cidre de glace du Québec. Les normes qualitatives encadrent la qualité analytique et organoleptique ainsi qu'une partie du coût de production. La difficulté de production réside autant dans le pressurage de pommes gelées, et cet aspect, garant de sa crédibilité, fera partie du cahier des charges.

L'enjeu, comme pour les grands vins et même la plupart des vins, est la production à la propriété. Peut-on vraiment considérer la crédibilité d'un cidre ou d'un vin élaboré en plein centre urbain, ce qui est le cas actuellement? Le consommateur qui achète un cidre de glace s'attend à un produit prestigieux, de qualité et produit dans des conditions restrictives à la propriété. Il est donc important que le cidre de glace soit protégé des amateurs et des producteurs de contrefaçons.

Au-delà du système réglementaire qui permet la création et la surveillance des appellations réservées, il importe d'assurer la notoriété de ces dernières. Quoiqu'une part de cette notoriété repose sur la rigueur et la crédibilité de l'encadrement, il est aussi acquis que la reconnaissance des appellations passe par des campagnes d'information et de promotion. À preuve, les difficultés auxquelles est confronté le secteur biologique dues à la méconnaissance par le consommateur du système encadrant l'appellation biologique. La filière biologique demande d'ailleurs une campagne de communication à cet effet. Évidemment, on demande aussi qu'il y ait des ressources pour nous aider à faire la promotion du produit.

Plus précisément, ces campagnes, à vocations différentes, s'adressent à des clientèles diverses. Les objectifs de ces outils évoluent aussi, au fil du temps, en fonction du développement des appellations et de la réponse des marchés. Nous considérons essentiel pour la réussite des appellations au Québec de réaliser des activités de communication et d'éducation afin de: bien, vulgariser auprès des entreprises le système des appellations réservées ainsi que les avantages qu'elles peuvent y trouver; sensibiliser les intervenants économiques locaux et régionaux au développement des appellations réservées; informer en continu la population québécoise sur l'encadrement des appellations réservées au Québec; informer les autres gouvernements provinciaux ainsi que les pays étrangers quant au système en place au Québec; promouvoir auprès du grand public les produits québécois, dont ceux possédant des appellations réservées.

Il est de la responsabilité gouvernementale de veiller à la réalisation et à la coordination de ces campagnes. Par souci d'efficacité et de crédibilité, le MAPAQ se doit d'utiliser les ressources du milieu. En effet, il existe, au Québec, des organisations qui, de par leur mission, leur composition, leurs interventions et leur expertise, possèdent les atouts requis pour agir comme vecteurs d'information. Parmi elles, deux nous semblent incontournables Aliments Québec et les tables de concertation agroalimentaire.

n(11 heures)n

Pour démontrer leur grande efficacité, rappelons simplement l'implication et les retombées obtenues par les tables dans l'organisation des Journées des saveurs. Pour ce qui est d'Aliments du Québec, la présentation et la crédibilité de cet organisme ne sont plus à faire. Actif au Québec depuis bientôt 10 ans, il est l'outil reconnu et privilégié par la filière agroalimentaire pour faire la promotion des produits québécois. Plus précisément, son mandat est de contribuer, par des activités d'identification, de sensibilisation et de promotion, à l'accroissement des parts de marché des produits du Québec et le marché domestique.

En conclusion, les appellations réservées sont une voie d'avenir pour les produits de la cidriculture québécoise, du savoir des producteurs artisans. Le rôle du gouvernement est de se doter d'une vision claire et structurée du développement de ces produits. Il doit par la suite mettre les ressources humaines, techniques et financières à contribution pour soutenir en ce sens les efforts des entreprises et des intervenants du milieu.

Les Cidriculteurs artisans réitère donc sa satisfaction de voir le gouvernement légiférer en ce sens. Nous sommes convaincus que les propositions contenues dans ce mémoire, et qui sont partagées par bon nombre de partenaires du milieu, sont essentielles pour bonifier le projet de loi n° 113 afin de lui permettre d'atteindre les objectifs d'un développement significatif des produits sous appellations réservées du Québec.

Ici, bien, on a en annexe un rappel de nos demandes. Les Cidriculteurs artisans sont satisfaits de constater que le gouvernement québécois confirme sa volonté de travailler au développement des appellations réservées. Les Cidriculteurs artisans s'attendent à ce que les lois et règlements en vigueur s'appliquent aux produits importés ou des autres provinces. Les Cidriculteurs artisans demandent à la CAPA que l'article 1 du projet de loi soit revu pour permettre l'inclusion des boissons alcooliques de production artisanale.

Afin de concilier le cadre réglementaire des boissons alcooliques de production artisanale avec leur inclusion dans le projet de loi n° 113, Les Cidriculteurs artisans proposent les éléments suivants: exiger, dans le Règlement sur les appellations réservées, que, pour obtenir une appellation pour ces produits, les entreprises cidricoles doivent être reconnues producteur agricole et détenir un permis artisanal de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec; créer un conseil d'accréditation spécifique pour ces appellations, qui pourrait être composé des intervenants principaux du secteur des boissons alcooliques artisanales ? cidres ? dont le MAPAQ, peut-être la Régie des alcools, la SAQ.

Afin de soutenir le développement des appellations réservées et leur notoriété, Les Cidriculteurs artisans demandent au gouvernement de réaliser, sur une période minimale de cinq ans, une stratégie de communication mettant à contribution les organismes du milieu. Les Cidriculteurs artisans demandent au MAPAQ de prévoir, dans le cadre du projet de loi n° 113 et de son plan d'action pour la mise en valeur des produits régionaux et de niche: un fort soutien technique aux entreprises pour une période minimale de cinq ans; de reconnaître l'expertise et la crédibilité des tables de concertation; d'accorder un rôle de première ligne aux tables de concertation agroalimentaires. Finalement, Les Cidriculteurs artisans demandent au MAPAQ de revoir à la hausse le budget consacré au développement des appellations réservées.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Merci beaucoup, M. Pouliot. Je voudrais aussi saisir cette occasion pour vous féliciter, féliciter votre entreprise, La Face cachée de la pomme, qui a été honorée, il y a deux semaines, lors du Gala des femmes d'affaires, à Montréal, par le biais de votre épouse et copropriétaire, Mme Stéphanie Beaudoin.

M. Pouliot (François M.): Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je cède la parole au ministre de l'Agriculture.

M. Lessard: Alors, merci, Mme la Présidente. Et je joins mes bons voeux et mes mots à ceux de la présidente en ce sens, parce que je vois votre fierté, M. Pouliot, quand vous parlez de l'entreprise du cidre de pomme, cidre de glace, et, lorsque cette fierté-là est exportée, c'est tout le Québec, là, sur lequel ça rejaillit. Et récemment, pas plus tard qu'en début de semaine, je crois, vous étiez à New York pour l'ouverture de la patinoire du Rockfeller Center, lequel les gens ont pu consommer le cidre de glace, et je sais maintenant que c'est dans 15 États américains dans lesquels vous diffusez votre produit. Alors, je veux vous en féliciter et vous rassurer aussi sur le fait qu'on va essayer de préciser quelque chose, aujourd'hui, d'assez important.

J'ai eu l'occasion de le répéter, lorsque l'UPA me l'a mentionné aussi, sur le fait que vous vous sentiez exclus par la Loi sur les appellations réservées. Puis je pourrais dire des mots que j'ai entendus tantôt. Vous posez un jugement extrêmement sévère sur la loi existante, pour laquelle une chatte n'y retrouverait pas ses chats, parce qu'il semblait que vous vous sentiez exclus par cette loi-là. Bien, je dois vous rassurer là-dessus, actuellement, la loi, sans aucune modification, permet d'aller chercher une appellation réservée. Je comprends toutefois votre confusion, qui était liée au fait qu'en vertu de la Loi sur les produits et aliments et le règlement particulièrement qui excluait spécifiquement... Mais la Loi sur les appellations réservées, telle qu'elle se trouve aujourd'hui, vous permet d'aller chercher une appellation.

Et en ce sens, comme on est dans l'engagement, je peux vous dire que le MAPAQ va vous donner son appui pour aller chercher... et pour finir vos travaux. Et je veux vous entendre un peu là-dessus. Parce qu'actuellement l'agneau de Charlevoix a obtenu son cahier de charges. Et vous en êtes rendus où? Et comment on peut vous aider? Et je voyais aussi, par rapport au consensus... Parce qu'on parle de consultation publique. Je veux tester mes produits en même temps, là; vous testez les vôtres, je veux tester les miens. Alors, vous en êtes rendus où puis comment vous entrevoyez la consultation, l'organisme de certification, etc.?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Pouliot.

M. Pouliot (François M): Oui. Bien, là, depuis cet été, on s'est dotés d'une définition, si vous voulez, un peu bonifiée, avec des normes spécifiques à suivre pour définir ce que devrait être un cidre de glace. Donc, nous, à l'association, on s'est dotés de cette définition-là qui est ici, en annexe 2. Par contre, bon, évidemment, c'est très préliminaire, là, ce n'est pas un cahier des charges hyperélaboré. Là où est-ce qu'on est comme un peu bloqués, c'est: où est-ce qu'on va à partir de là? On a appelé des gens du MAPAQ, différents organismes, et personne ne semble pouvoir nous guider, pouvoir nous donner la réponse, dire est-ce qu'il y a un formulaire à remplir, qu'est-ce qu'il faut faire.

Évidemment, oui, on exporte peut-être dans 20 pays, aujourd'hui, mais c'est encore très, très, très embryonnaire, l'industrie. Donc, on n'est pas gros comme d'autres industries pourraient l'être. Par contre, on est hyper à risque parce que c'est un produit qui pourrait être copié et fait partout dans le monde. Donc, c'est pour ça qu'on a vraiment besoin d'aide financièrement et au niveau de l'encadrement pour nous aider à partir la machine. On n'a pas les moyens de s'engager des firmes qui pourraient nous monter un cahier des charges, des avocats, des trucs comme ça, pour amener le projet plus loin. Nous, en tant qu'association, on est tous à but non lucratif, là, l'association, on n'a pas de permanence, rien, on est allés au plus loin qu'on pouvait aller. Donc, c'est un peu là qu'on est, un peu un cri à l'aide.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le ministre.

M. Lessard: Donc, on vous a entendus. On va vous donner la référence, parce qu'il existe un numéro, mais une personne aussi. Je pense que vous avez besoin d'accompagnement. S'il n'y a pas d'organisme de certification, je pense qu'on...

M. Pouliot (François M.): On a rencontré un organisme, qui est le BNQ, qui sont venus nous rencontrer, qui pourraient nous monter un cahier des charges, qui pourraient mener le projet, mais il y a des coûts assez astronomiques à ça, donc...

M. Lessard: Je comprends que ce n'est pas seulement l'accompagnateur, c'est tous les sous qui vont avec.

M. Pouliot (François M.): Exact.

M. Lessard: Nécessairement, tantôt, on a parlé de cette mesure-là. C'est sûr, il y a tout le temps un coût à aller chercher collectivement une appellation. Là-dessus, sur le collectif, comment ça va sur la définition des standards, etc., sur les définitions que vous allez proposer dans votre cahier des charges? Est-ce qu'on parle d'un consensus? Est-ce que...

M. Pouliot (François M.): C'est adopté à la grande majorité. À l'association, on a fait une assemblée générale, au mois de juin ? ce n'est pas marqué ici ? je pense c'était le 28 juin, si je ne me trompe pas, de cette année. On a rassemblé tous nos membres et on a... Parce que, bon, depuis cinq ans, au tout début, il y avait le projet de règlement sur le cidre, qui est en refonte depuis 1992. Et là, moi, quand je suis arrivé dans Les Cidriculteurs, j'ai dit: Bien, il faudrait peut-être qu'on pense à une petite définition pour le cidre de glace, hein? On était le seul producteur, mais on voyait qu'il y avait quand même un avenir. Alors, il y avait une phrase de cinq mots au départ, et là maintenant on est rendus à une page, donc ça a quand même évolué. Donc, ça, ça a été adopté par l'association, Les Cidriculteurs.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Lavoie, vous souhaitez ajouter quelque chose?

M. Lavoie (Francis): Oui. À cet effet-là, on peut dire qu'il y a un très bon consensus au niveau des producteurs artisanaux, au niveau de l'association des cidriculteurs. Le problème et la contestation viennent surtout de producteurs qui, dans notre rapport, ont été visés comme des producteurs qui s'installaient en milieu urbain pour produire du cidre de glace.

n(11 h 10)n

Quand M. Pouliot dit... Le danger, quand on fait nos exportations, à l'heure actuelle, pour ceux qui exportent, c'est de se faire copier. Bien, c'est déjà commencé, au Québec, ça. Et là on a besoin vraiment d'avoir le support du gouvernement puis du MAPAQ pour pouvoir réserver ces appellations-là vraiment aux producteurs artisanaux, vraiment à ceux qui sont en mesure de contrôler de a à z le processus.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Pouliot.

M. Pouliot (François M.): Oui. C'est que «producteurs artisanaux», je sais que l'intervenant avant nous... Un producteur artisanal, pour nous, c'est quelqu'un qui contrôle toutes les étapes de la production. Je veux dire, on est peut-être rendus à 16 employés puis on va en avoir une vingtaine en temps de «rush», mais on contrôle de la culture de la pomme à la mise en marché, on contrôle toutes nos étapes. Et, pour nous, ça, c'est primordial, je veux dire, pour faire le cidre de glace. Pour être une appellation réservée, ça, c'est hyperimportant.

Il y a des produits, il y a des boissons alcooliques, aujourd'hui, qu'il y a des fruits qui sont ramassés sur la Côte-Nord, qui sont ramenés à Montréal, qui sont embouteillés à gauche, étiquetés là-bas. Ça, pour moi, ça, ce n'est pas un produit du terroir, ce n'est pas un produit artisanal, ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Pouliot. Trois minutes, M. le ministre.

M. Lessard: Oui. Donc, cahier de charges, consultation publique, ne craignez pas ça. On cherche un organisme certificateur pour éventuellement avoir une appellation soit selon la région de production, appellation d'origine?

M. Pouliot (François M.): Oui, mais ce serait plus une appellation... Nous, la marque de certification qui est enregistrée, c'est Les Cidres de glace du Québec. Parce qu'évidemment on n'est pas... on est peut-être 25 producteurs présentement, il y en a à Québec, à l'île d'Orléans, dans les Cantons-de-l'Est, donc on ne peut pas faire une appellation par sous-région, donc il faut que ce soit le Québec au complet. C'est plus sur la méthode de production, sur le cahier des charges, qui...

M. Lessard: Un peu comme le biologique, là?

M. Pouliot (François M.): C'est ça.

M. Lessard: O.K. Je me demandais. Parce que je vois que vous avez grossi. Alors, «artisanal», quand je regarde la définition, là, qu'on a mise dans le guide pour un éventuel règlement, là, est-ce qu'«artisanal» ça vous cause un problème, à savoir que ça semble limité, il n'y a pas...

M. Pouliot (François M.): Bien, moi, je ne voudrais pas nécessairement appeler ça Cidre de glace artisanal du Québec, là. S'il y en a qui veulent mettre «production artisanale», c'est un choix. Mais je pense que c'est Cidre de glace du Québec, point à la ligne.

M. Lessard: O.K.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci. Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, M. Pouliot, M. Lavoie. C'est très intéressant de vous entendre parler d'un produit magnifique, hein, qui est actuellement sur nos tablettes et qui heureusement est à la Société des alcools, celui-là. C'est une des rares exceptions de produits vraiment artisanaux qui sont à la Société des alcools. Je me demande si ce n'est pas le seul.

M. Pouliot (François M.): Non. Il y en a plusieurs, quand même. Oui, oui.

M. Dion: Oui? Bon, tant mieux s'il y en a plusieurs. Alors, ce qui fait que, quand vous dites que vous n'êtes pas suffisamment présents à la Société des alcools, qui est... Et ça, j'ai entendu ça souvent des gens qui sont dans le vin, ou ces choses-là, se plaindre qu'ils n'ont pas accès à la Société des alcools. Il faut mettre des nuances.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Pouliot.

M. Pouliot (François M.): Oui. Oui, ça, il faut mettre des nuances. Francis est aussi vigneron, il est acériculteur et vigneron, il faut les deux. Moi, je pense qu'il a toujours été possible de vendre tous les alcools à la SAQ. C'est juste que l'alcool, c'est une business, c'est mondial, hein? Alors, nos compétiteurs, moi, ce n'est pas mon voisin, à Hemmingford, ou Francis, c'est l'Ontario, c'est la France, c'est le Chili. C'est ça, l'alcool, c'est comme ça. Le vin, c'est une business mondiale, donc il faut être capable de compétitionner sur le niveau mondial. Là, ce qui arrive, je pense qu'ici on a des coûts de production, surtout dans le vin, beaucoup plus élevés que d'autres pays par rapport à la qualité du produit. Donc, c'est sûr que, pour ça, c'est dur d'être à la SAQ. Mais je peux vous dire qu'il y a des produits qu'on est disponibles présentement dans presque toutes les succursales de la SAQ. Mais c'est sûr qu'il y a eu beaucoup de travail de fait depuis trois ans, puis il y en a encore beaucoup à faire.

Et, si on prendrait peut-être juste l'exemple de l'Ontario, le LCBO, dans leur constitution, ils sont obligés de faire la promotion des produits ontariens. Et, en 20 ans, maintenant, je pense, 40 % des produits en Ontario, c'est des produits ontariens. Mais ça, c'est parce que le LCBO, ils les ont poussés au départ et ils ont développé toute une industrie. Donc, si on pouvait avoir une aide comme ça, ici, aussi... Ça, je sais que c'est un autre dossier. Mais il y a un potentiel immense.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Lavoie.

M. Lavoie (Francis): Oui. Quand on dit: Les vins... quand on dit: Les produits artisanaux à la SAQ, personnellement, moi, je fabrique le vin et le cidre et je me débrouille quand même assez bien, notre entreprise se débrouille quand même assez bien au niveau comparatif avec les autres producteurs au niveau des choix, et on a gagné quand même des médailles sur la qualité des produits. Et, moi, je peux vous dire que mes produits sont 100 % Québec et 100 % Rougemont.

La difficulté que l'on a, la difficulté que l'on a, c'est... Moi, j'aimerais ça, mettre une étiquette «100 % Québec», mais ça veut dire quoi? Puis qui vient tester ça? Alors là, on a vraiment besoin de l'application d'une loi, d'un règlement d'appellation réservée. Et aussi ça prend aussi une certaine organisation pour venir constater et venir dire que c'est vraiment des produits 100 % québécois. Et donc on a besoin d'aide, là, pour venir se démarquer par rapport à d'autres.

Maintenant, pour ce qui est de toute la notion de commercialisation à travers la SAQ, ce n'est pas des choses faciles puis, pour une petite entreprise, ça implique beaucoup de temps et beaucoup d'argent d'arriver à faire sa marque là-bas. Il faut donc avoir une spécificité puis quelque chose qui nous caractérise pour que les gens puissent accrocher dessus puis que le consommateur ait envie de nous déguster plus que les autres produits.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Lavoie. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. Donc, j'en déduis que la question que j'ai soulevée est plus une question de marketing qu'une question de réglementation, bien qu'il peut y avoir des éléments de réglementation là-dedans. Quoi qu'il en soit, tout à l'heure, je pense, vous avez eu une bonne nouvelle quand M. le ministre s'est engagé à vous appuyer pour régler la question de l'appellation réservée pour le cidre de glace, et ces choses-là. Je pense que c'est une bonne nouvelle.

Maintenant, vous avez insisté sur le fait qu'actuellement il n'y a pas de protection pour le cidre de glace et que ça fait quand même plusieurs années qu'on en produit. Alors, est-ce que les délais peuvent vous causer un dommage considérable? Si ça prend un an, deux ans, trois ans, quatre ans avant de s'entendre sur quelque chose de définitif, est-ce que ça peut vous créer un dommage important?

M. Pouliot (François M.): C'est sûr que, si ça prend quatre ans, on tue le bébé dans l'oeuf, ça, c'est sûr, sûr, sûr. Déjà, il y a des compagnies françaises qui sont intéressées à venir s'établir au Québec. Il y a même déjà un gros domaine qui vient d'être acheté à Rougemont par des Américains. Il y a de l'intérêt, vraiment. Et là il y a des grosses multinationales aussi qui attendent juste à savoir y va-tu y avoir une réglementation ou pas, pour embarquer. Parce que ça a un potentiel planétaire, cette affaire-là. Et, si on ne le réglemente pas, bien, nous autres, on risque de se faire carrément couper l'herbe sous le pied.

Puis déjà que présentement il y a des produits qui se retrouvent, là, bon, en épicerie, dans les Métro, qui sont faits vraiment à la limite. Je veux dire, si on goûte ce qu'on trouve dans les Métro puis qu'on goûte ce que, nous, on fait, ça n'a pas de commune mesure. Si on fait une bouteille à 25 $, puis ça, c'est vendu 14,95 $ à l'épicerie, le consommateur il dit: Bien, pourquoi celle-là est 25 $? C'est sûr que, quand il va goûter aux deux, il va voir la différence. Mais, quand tu rentres dans la grande distribution, tu peux faire mal très vite.

Ça fait qu'on est encore très, très, très embryonnaires. Malgré qu'on a entendu beaucoup parler... Moi, je n'en reviens pas comment est-ce que le monde ne connaissent pas ça encore ici, juste au Québec.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci. Alors, dans ce contexte-là, je pense que le message a été entendu et que tout délai risque de vous faire un grand dommage.

M. Pouliot (François M.): Il y a urgence en la demeure.

M. Dion: Alors, maintenant, j'ai une question très précise à vous poser. Vous insistez, à la fin, à la page 13, sur le fait de créer... vous souhaitez la création d'un conseil d'accréditation spécifique, donc quelque chose de séparé pour les alcools, par rapport au CAAQ, là, qui existe déjà, hein? Bon. Et je pense que l'UPA a fait la même recommandation. Moi, j'ai un peu de misère à aller dans ce sens-là, je vous dis bien franchement. Je pense que le gouvernement aussi a un peu de misère à aller dans ce sens-là, par le fait qu'il n'est pas trop favorable à la multiplication des offices et des instances gouvernementales, pour des raisons assez évidentes.

Est-ce qu'il n'y a pas lieu plutôt d'avoir, à l'intérieur du CAAQ, une direction spécifique mais qui permettrait à cette direction spécifique de profiter de l'expérience du reste de l'organisme, pour être sûr qu'il y ait une certaine cohérence dans l'ensemble du processus des appellations réservées?

n(11 h 20)n

M. Pouliot (François M.): Oui, tout à fait, ça pourrait être ça. Je pense que ce qui est important, c'est que l'organisme de certification soit le plus crédible possible, autant au Québec qu`à l'international. Parce que, là, quand, nous, on arrive à l'international présentement, ils nous tolèrent, mais ils disent: C'est quoi, ça, du cidre de glace? C'est où? Ça n'existe pas nulle part. Ça fait que là ils le prennent, mais, à un moment donné, ça se peut qu'ils vont nous couper.

Ça veut dire que, si on arrive, on a été reconnus, le gouvernement nous reconnaît, ce n'est pas juste nous, La Face cachée de la pomme ou le Domaine Pinnacle qui arrive, qui a décidé que c'était du cidre de glace. Non. C'est reconnu. Ça va nous donner une crédibilité. Donc, c'est important que l'organisme qui nous reconnaît soit le plus crédible possible auprès des...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Pouliot. M. le ministre.

M. Lessard: Oui. Je vais plutôt vous faire un commentaire, après je vais passer la parole à mes collègues. M. Pouliot, vous n'êtes pas venus pour rien en commission parlementaire, en fait, parce qu'on n'a jamais assez de tribunes pour vanter ce qu'on fait de bien au Québec, et je pense que celle-là s'ajoute à toutes les autres.

Deuxièmement, on a rappelé l'importance que, dans la loi actuelle, vous pouvez aller chercher une appellation. Je comprends aussi que c'est jeune, dans la définition, dans la... pour monter un cahier de charges, l'adhésion à un plus grand nombre, de façon collective. Vous en êtes là.

Troisièmement, il y a un volet financement, dans le plan d'action, qui vous permettra d'aider à financer une partie du cahier de charges.

Et, quatrièmement, il y aura aussi donc une annonce pour le développement sur la productivité, donc faite pour les boissons alcooliques artisanales, là, qui va se faire bientôt...

Une voix: ...

M. Lessard: ... ? demain, oui, c'est ça ? alors donc, qui accompagne sur la productivité. Et ça, les gains de productivité sont importants pour rester compétitif. Là-dessus, Mme la Présidente, je vais céder la parole, si vous me permettez, à nos collègues.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Pouliot, bonjour, M. Lavoie. En tout premier lieu, je désire vous féliciter, l'ensemble des cidriculteurs du Québec, là, Les Cidriculteurs artisans. Je pense que le travail que vous avez fait, au cours des 10, 15 dernières années, permet graduellement, je pense, aux produits de la pomme de reprendre leur place au Québec. O.K.?

Quand on regarde, quand j'étais jeune, tout le monde va se rappeler des fameuses annonces du Grand Sec d'Orléans et l'image qui était étiquetée au cidre, et je pense que maintenant vous êtes en train de regagner, par les cidres de glace, votre place et votre noblesse. Puis ça, je vous félicite pour le travail que vous êtes en train de faire. Il y a encore beaucoup d'information, comme vous dites, de passée aux consommateurs, mais vous êtes sur la bonne voie, puis je suis convaincu que les appellations vont vous aider à atteindre vos objectifs. Alors, je tiens à vous féliciter par rapport à ça.

Je voudrais revenir ? ma question ? entre autres, au niveau de votre annexe, votre point 4, là, qu'on retrouve dans votre point... votre premier, quand vous dites d'«exiger, dans le Règlement sur les appellations réservées, que [...] les entreprises cidricoles doivent être reconnues comme producteurs agricoles et détenir un permis artisanal». O.K.? Vous avez soulevé le point. Si je me fie, par exemple, à votre définition, à l'annexe 2, qu'est-ce que vous êtes en train d'élaborer comme cahier de charges, à votre point 9, «le producteur de cidre de glace cultive ses pommes», et le point 10, les étapes doivent être faites sur le cidre, donc de facto, à ce moment-là, vous venez d'éliminer l'obligation du règlement, si votre cahier de charges est accepté comme vous voulez aller.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Pouliot.

M. Pouliot (François M.): Oui, exactement. Ça veut dire qu'on les a rappelés là, mais ça, ça va être surtout inclus dans notre cahier des charges. Mais c'est sûr qu'une production différente pourrait exiger d'autres besoins. Ça, c'est vraiment spécifique à la production du cidre du glace. Mais je comprends que la Loi sur les appellations réservées n'est pas faite juste pour cette production-là, mais... Donc on ne voudrait pas la limiter. Oui.

M. Bernard: C'est ça. Puis donc, à ce moment-là, quelqu'un qui voudrait, comme vous disiez tantôt, le transformer, l'élaborer en milieu urbain, de facto ne pourrait plus utiliser l'appellation de cidre de glace.

M. Pouliot (François M.): Exactement.

M. Bernard: Bon. Ça fait que donc ça va de soi, c'est l'élaboration du cahier. Moi, je suis content de voir, parce que je pense qu'avec qu'est-ce que vous vivez... explique beaucoup pourquoi qu'il y a eu très peu d'appellations réservées qui se sont mises en place depuis l'adoption de la loi, parce que c'était effectivement le besoin des gens de se regrouper, avoir une vision commune et également un organisme accompagnateur.

Moi, je fais le parallèle, par exemple, quand est arrivé la certification ISO, beaucoup de monde voulait devenir ISO, mais ils ne savaient pas comment le faire, et ça prenait des organismes accompagnateurs. Naturellement, il y a des coûts associés à ça. Mais la loi et le plan d'action vont accompagner les regroupements tels que le vôtre pour ça.

Un des points... Tout ça m'amène à dire: Avec qu'est-ce que vous avez vécu, quand la loi prévoit... ouvre la porte à des individus à demander des appellations, croyez-vous premièrement que c'est réaliste? Et, deuxièmement, avec qu'est-ce que vous avez vécu au niveau du cidre, est-ce que c'est correct de le faire, qu'un seul, le premier, le précurseur arriverait puis demanderait un cahier et que les autres, après ça, devraient se joindre? D'après ce que vous avez vécu, est-ce que c'est réaliste?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Pouliot.

M. Pouliot (François M.): Non. Non, je pense que les appellations réservées, c'est pour des regroupements, c'est pour la collectivité, que ce soit à la grandeur du Québec ou pour des petites régions spécifiques, mais je ne pense pas que c'est pour un produit spécifique... je veux dire unique. C'est-à-dire que ça, il y a les marques de commerce qui existent pour ça, et ça, je pense que, si quelqu'un veut développer un produit spécifique, il peut s'enregistrer une marque de commerce puis défendre son produit.

Et, si, moi, j'étais tout seul à faire du cidre de glace, bien je serais un peu marginal, tandis que, là, en ayant plusieurs producteurs, ça devient une industrie, et on a tous à y gagner.

M. Bernard: Oui. Mais il faut...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pardon, M. le député de...

M. Bernard: Oui. Excusez.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il reste très peu de temps, je voudrais céder la parole au député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. J'ai deux courtes questions. La première. Dans la définition de votre spécificité, je vois apparaître le mot «artificiel» à côté du mot «froid». Alors, je trouve ça un peu curieux d'utiliser un mot pareil dans le...

M. Pouliot (François M.): Oui. C'est... O.K. Oui?

M. Soucy: Première question. Deuxième question. Le fait d'avoir séparé en deux volets, le 9 et le 10, soit «le producteur de cidre [...] cultive ses pommes» ? ça va ? puis, dans un autre article, vous dites: «Le pressurage, l'élaboration, l'embouteillage du cidre s'effectuent à la propriété», est-ce que c'est possible que ce soit deux lieux distincts?

M. Pouliot (François M.): Oui.

M. Soucy: Qu'on puisse cultiver dans un endroit puis faire tout le reste dans un autre endroit?

M. Pouliot (François M.): Bien, ça pourrait être dans deux endroits, en autant que c'est la propriété du producteur. C'est que, là, présentement, un, on veut que le producteur produise ses pommes et, deux, qu'il transforme la pomme et qu'il élabore le produit lui-même. Ça veut dire que, là, présentement, il y en a qui peuvent acheter des pommes, même ils achètent du moût, puis ça ne vient pas juste du Québec non plus, c'est transformé à un endroit, embouteillé à un autre, entreposé à un autre et, bon, ça fait que, ça, ce n'est plus une production très crédible parce que ce n'est pas à l'image d'un produit du terroir du Québec, là.

M. Soucy: O.K. Alors, ce que vous souhaiteriez, c'est qu'il soit embouteillé sur place, là?

M. Pouliot (François M.): Pour ce qui est du cidre de glace.

M. Soucy: O.K.

M. Pouliot (François M.): Je veux dire, si on veut faire un cidre de masse, bon, ça, je n'ai pas de problème, achetez des pommes, puis... Ce n'est pas une appellation. Mais, pour ce qui est d'un produit de niche, là, il faut qu'il y ait quand même des normes restrictives. Si je veux aller faire du sauternes, bien, il va falloir que j'aille m'acheter un vignoble en Sauternes puis que je m'installe là, tu sais. Donc, qu'il y ait des grandes industries qui veulent venir faire du cidre de glace, je n'ai pas de problème; qu'elles achètent des vergers, qu'elles s'installent, qu'elles investissent, qu'elles s'associent avec des cidriculteurs ici, c'est correct, mais pas qu'elles viennent juste bénéficier de la notoriété de l'appellation mais qu'il n'y ait aucune contrainte.

M. Soucy: Le froid artificiel, là?

M. Pouliot (François M.): Bien, le froid artificiel, c'est-à-dire que...

Une voix: ...

M. Pouliot (François M.): C'est ça. C'est que ça, c'est juste une petite norme, ici. C'est qu'une fois que le cidre est fait... Et, c'est bien important, le cidre de glace, là, c'est fait de deux façons. Je ne sais pas, là, il y a de la confusion, souvent.

Une voix: ...

M. Pouliot (François M.): Non, non, je vais vous l'expliquer en 30 secondes. Le cidre de glace, c'est les pommes ? et 98 % des cidres de glace sont faits comme ça ? c'est les pommes qui sont récoltées présentement, elles sont mises de côté, elles sont mises au frigo, et on attend l'hiver. Et, quand l'hiver arrive, quand, un bon matin, en décembre, on dit: Eh, l'hiver est arrivé à matin, là, on en a pour quatre mois. C'est gelé, on sort les pommes, elles gèlent, on les presse et on laisse le moût, le jus est laissé dehors jusqu'à la fin janvier. Et c'est pour ça que ça prend des moins 20°, moins 25°, l'hiver, pour geler.

Et la raison pourquoi qu'on spécifie qu'il faut que ce soit le froid naturel, c'est que, pour que ce soit authentique du Québec, ça prend du froid naturel, parce qu'il y a juste nous qui en a. Des congélateurs, on pourrait en faire en Californie. Donc, ça ne devient plus authentique. Mais ce n'est pas juste ça, la raison, c'est qu'un congélateur, ça gèle, «that's it», tandis que, quand c'est laissé dehors pendant un mois, un mois et demi, là, ça gèle, ça dégèle, ça macère. C'est la même chose qu'un morceau de viande qui est laissé à faisander ou à mariner pendant un bout de temps; si on la fait cuire après qu'elle est sortie de la boucherie, là, ça va être dur comme bardeau. Mais, si on met le jus dans un congélateur, c'est la même chose qui se produit: il n'y a rien qui se passe, il n'y a aucun échange.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

n(11 h 30)n

M. Pouliot (François M.): Et c'est ça qui est le secret qui fait... Et, moi, je peux en goûter deux, un à côté de l'autre, puis je le vois s'il a été fait naturellement ou artificiellement. Et c'est ça, l'importance de travailler avec le froid naturel. Ici, le froid artificiel, c'est qu'une fois que le cidre est fait il y a une technique qui existe, c'est-à-dire qu'on expose le produit fini à une température de moins 2°, moins 4° pendant un certain temps pour faire des précipitations. Donc, ça, ça vient comme stabiliser le produit, au lieu de mettre des produits chimiques dedans, ça vient le stabiliser parce que, dans le transport, il y a des variations de température, il pourrait y avoir... ce n'est pas toujours, mais il peut y avoir des précipitations malignes, ça veut dire... ça fait comme des petits flocons dans la bouteille. Donc ça, ça vient comme stabiliser le produit, c'est pour ça qu'on l'a spécifié, mais c'est sur le cidre normal, sur le cidre fini, pas sur le jus avant.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il vous reste deux minutes, M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Bien, moi, je vous remercie. Je proposerais de passer la parole. La question que j'avais est posée.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Elle est posée. Très bien. M. le député de Rouyn-Noranda, deux minutes.

M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. En fait, je vais revenir sur le point de la demande individuelle. Si quelqu'un fait une demande individuelle, la loi dit... elle dirait que, bon, ça va aller en consultation, via peut-être l'organisme d'accréditation, mais également le cahier de charges deviendrait public. C'est-à-dire donc que quelqu'un pourrait arriver puis dire: Moi, je développe du cidre de glace et je fais la demande individuelle. Mais là il y aurait des consultations publiques à cet égard-là, et, à ce moment-là, d'autres personnes pourraient après ça utiliser le cahier de charges.

La seule chose que je me dis, l'objectif... la consultation ferait un débat public au lieu d'un débat en milieu restreint, comme vous avez vécu, par exemple, le regroupement, Les Cidriculteurs. C'est la différence. Et, moi, je crois personnellement que, quand un organisme... Entre autres, je suis certain que vous avez modifié en groupe des façons de faire pour bonifier votre produit, que, si un seul individu était arrivé et aurait fait une demande, il n'aurait peut-être pas donné le produit de même qualité que vous avez maintenant.

M. Pouliot (François M.): Tout à fait.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Pouliot.

M. Pouliot (François M.): Oui. Bien, si je comprends bien, ça veut dire que, si on fait une demande individuelle, puis là elle est acceptée, bien, là, après ça, elle devient accessible à la collectivité? Est-ce que c'est bien ça? Donc, dans cette optique-là, oui, je me dis, oui, si quelqu'un a développé un produit, pour l'instant il est tout seul, il veut avoir une appellation réservée, et après ça ça devient accessible, oui, ça, je serais d'accord avec ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Lavoie.

M. Lavoie (Francis): Moi, j'ai certaines restrictions par rapport à ça. C'est que, un exemple, M. Pouliot demanderait une appellation réservée cidre de glace de Hemmingford, puis il y en aurait un autre qui voudrait avoir le cidre de glace à Rougemont. Ça, ça aurait tendance à amener des multiplicités qui ne seraient pas finalement... qui ne donneraient pas avantage au produit du terroir. Ce qu'il faut...

M. Bernard: C'est là probablement qu'en consultation quelqu'un voudrait dire: Non, on ne peut pas le faire, ça, parce que ça, ça deviendrait plus une IGP, et il y aurait, là, les gens qui viendraient dire: Non, on fait un produit pour le cidre de glace du Québec.

M. Pouliot (François M.): Bien, en fait, ça, c'est un bon point. En fait, ce qu'il ne faudrait pas que ça arrive, c'est qu'il y en ait un qui n'est pas en accord avec nous autres: Bon, bien, regarde, moi, je vais aller faire mon cidre de glace de Hemmingford ou mon cidre de glace du Lac-Saint-Jean, puis je vais modifier deux affaires, puis, regarde, il n'est pas pareil. Là, ça deviendrait la tour de Babel. Non, c'est ça.

M. Lavoie (Francis): Il faut, à mon point de vue... Si jamais une appellation est reconnue pour un organisme commun, comme l'Association des vignerons ou comme pour tous les producteurs de pommes, il faut que «cidre de glace», ce soit ça qui soit le mot réservé, là.

M. Pouliot (François M.): Oui. Oui, c'est ça. Ce n'est pas... Il ne faut pas que ça se multiplie...

M. Lavoie (Francis): Voyez-vous, il ne faudrait pas arriver à multiplier ces choses-là puis qu'à un moment donné on devienne...

M. Pouliot (François M.): Le cidre de glace industriel, le cidre de glace...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Une personne à la fois, j'apprécierais. Alors, je cède à Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Robert: Merci, Mme la Présidente. Bien le bonjour. Je suis très heureuse de vous entendre sur la question du domaine de la pomme. Je viens d'une région, Deux-Montagnes, où nous avons plusieurs cidreries qui font d'ailleurs... Bien, plusieurs... en tout cas, quelques-unes où ils font du très bon cidre de glace. Vous devez d'ailleurs les connaître, ils doivent être sûrement joints à votre...

M. Pouliot (François M.): Ils sont membres de notre association.

Mme Robert: Pardon?

M. Pouliot (François M.): Ils sont membres de notre association. Il y en a au moins trois.

Mme Robert: Alors, voilà. Peut-être, en partant, pour M. le ministre, tout à l'heure, j'ai perdu... Oui, tout à l'heure, j'ai failli vous déranger quand vous parliez. C'est parce que vous avez, à partir du moment où les demandes... vis-à-vis des demandes du CAQ et des difficultés, là, pour la question de faire, de préparer une appellation... C'est-à-dire qu'ils existent, ils peuvent, à l'heure actuelle, faire une appellation, mais, comme ils l'ont expliqué, c'est très difficile, c'est très long, ça demande... Et vous avez annoncé le truc sur la question pour la productivité. Et avant ça vous avez parlé d'une autre...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. le ministre, si vous voulez éclairer.

M. Lessard: Oui. O.K. Donc, dans le plan d'action, il y avait la modification législative donc de la Loi sur les appellations, pour prévoir les modifications qu'on avait. Il y avait aussi éventuellement le règlement sur P-29, où on a défini «artisanal» et «fermier». On avait aussi un guide d'étiquetage. Mais aussi le quatrième volet, c'était... Il y a du financement, dans le dernier budget, il y avait 1 million par année d'annoncé. Justement, un des volets, c'est aider à la montée des cahiers de charges. Alors donc, ça, c'est un volet d'annoncé dans le budget. Puis on verra la répartition après ça des montants. C'est 1 million par année, pendant trois ans.

Mme Robert: Qui vont avec cette loi-là, l'étude de la quatrième partie.

M. Lessard: Oui, avec notre plan d'action, c'est ça.

Mme Robert: D'accord. Ça va, ça me revient. Je ne l'avais pas situé dans ce contexte-là. Bon, je veux revenir justement dans vos demandes 5 et 6 que vous avez, quand vous résumez: Pour soutenir les appellations réservées, «de réaliser, sur une période minimale de cinq ans, une stratégie de communication mettant à contribution les organismes du milieu» et ensuite «de prévoir, dans le cadre [...] un fort soutien technique aux entreprises pour [...] cinq ans, de reconnaître l'expertise et la crédibilité des tables de concertation, d'accorder un rôle de première ligne aux tables de concertation». Peut-être deux questions là-dessus.

D'abord, la question du soutien technique. On annonce un certain budget ou quelque chose. Est-ce que, selon vous, c'est suffisant ou etc.? Et ensuite j'aimerais que vous m'expliquiez davantage pourquoi vous demandez «de reconnaître ? et comment ça se traduit ? l'expertise et la crédibilité des tables de concertation» puis «un rôle de première ligne aux tables de concertation agroalimentaire».

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme la députée. M. Pouliot.

M. Pouliot (François M.): Bien, un, parce que c'est des organismes qui sont déjà en place, puis on est habitués de travailler avec eux; on pense qu'ils sont habilités à faire le travail. Là, peut-être qu'il y a une redondance en les spécifiant deux fois, là, j'en conviens. On demande cinq ans parce que je pense que c'est un gros minimum pour nous aider à faire décoller le projet. Là, avec les annonces qu'il va y avoir demain, sur l'aide aux alcools artisanaux, peut-être que ça va combler une partie de nos besoins. On ne sait pas, on n'a pas les détails des... Hein?

Une voix: ...

M. Pouliot (François M.): Oui, on ne le saura pas avant. Donc, peut-être. Donc, c'est pour ça qu'on le réitère, là, qu'on a besoin de soutien pour au moins cinq ans. On demande de reconnaître la table de concertation parce que c'est ça, c'est l'organisme que, nous, on a visé, avec lequel on était à l'aise de travailler avec.

Mme Robert: Je peux?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. S'il vous plaît, Mme la députée.

Mme Robert: L'organisme de concertation, à ce moment-là, quel rôle il jouerait? Parce que, tout à l'heure, pour demander... pour s'organiser pour l'appellation, monter les cahiers de charges, etc., c'est vraiment le groupe, là, par exemple, des cidreries, ici. Alors, la table de concertation là-dedans jouerait quel rôle?

M. Pouliot (François M.): Ce serait plus, au départ, après ça, pour en faire la promotion, pour nous aider à faire la promotion, vu qu'ils sont un peu partout, dans toutes les régions. Je pense que c'est plus à ce niveau-là.

Mme Robert: Au niveau de l'organisation de la promotion.

M. Pouliot (François M.): Exactement. Puis aussi avoir le consensus entre tous les intervenants.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien.

Mme Robert: Au niveau de la région.

M. Pouliot (François M.): Exactement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, Mme la Présidente. J'écoutais, tout à l'heure, les propos de M. le ministre. Ça a l'air que vos problèmes sont en partie résolus, vous allez avoir le droit de mettre votre recette de glace... Ça fait que c'est une bonne nouvelle, aujourd'hui.

M. Pouliot (François M.): Ah oui, oui, ça a l'air d'être une bonne nouvelle. De là à voir comment ça va fonctionner, ça, c'est une autre histoire.

M. Grondin: Bon, O.K., mais en tout cas on commence sur un bon pied.

M. Pouliot (François M.): Oui, oui.

M. Grondin: Je regardais vos pamphlets publicitaires. Vous venez de nous dire que vous ramassez les pommes puis vous les mettez dehors au mois de janvier, mais tous vos pamphlets sont montés... on voit les gens dans des escabeaux qui cueillent les pommes en plein hiver.

M. Pouliot (François M.): Oui, mais c'est parce que, tout à l'heure, je n'ai pas eu le temps de finir ça. 98 % des cidres de glace sont faits par cryoconcentration, c'est-à-dire que c'est le jus qui est laissé dehors à geler. Par contre, il y a 1,5 % qui est fait avec des pommes cueillies dans les arbres, mais ça, c'est une cuvée récolte d'hiver. Là, maintenant on est peut-être deux, trois cidriculteurs qui en font comme ça. On a développé des pommiers qui gardent leurs pommes jusqu'au coeur de l'hiver. Maintenant, j'ai au-dessus de 3 000 pommiers de plantés qui vont garder leurs pommes.

n(11 h 40)n

L'hiver dernier... On loue des parcelles, de Dunham à Saint-Antoine-Abbé, sur à peu près 100 km, on ramasse: un arbre, 10 arbres, cinq arbres. C'est tous des pommiers vraiment spécifiques qui gardent leurs pommes au coeur de l'hiver. Peut-être qu'éventuellement il va y en avoir beaucoup plus, mais ce n'est pas encore le gros de la production. Évidemment, c'est ce qui attire le plus d'attention. Même qu'on a créé, chez-nous, la classe-neige durant l'hiver, inviter les gens à venir cueillir les pommes, pressage de pommes, sensibiliser sur la production. C'est vraiment portes ouvertes.

M. Grondin: Vous avez parlé, au début de votre... quand vous avez exposé que vous aviez une compétition, à un moment donné, quelqu'un qui copiait. Mais de quelle manière qu'ils peuvent copier le cidre de glace? Est-ce qu'ils peuvent acheter des pommes, les mettre dans un congélateur, après ça les...

M. Pouliot (François M.): Présentement, il y en a qui achètent des pommes, il y en a qui achètent du moût de pommes ou carrément du concentré. Il y en a qui travaillent avec des congélateurs. C'est déjà comme pas mal. Et, bien, là, ils vont le faire de façon qu'ils rentrent, bon, en épicerie. Si on regarde nos normes spécifiques que, nous, on a ici, c'est-à-dire qu'il y ait un minimum de 140 g de litres par sucre... de sucre résiduel, il faut que ce soit un minimum sucré, bien, là, il y en a pour dire... bien, pour ne pas que ça coûte trop cher, bien ils le font comme quasiment léger. Bon, toutes sortes de choses comme ça, hein?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Pouliot. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste quatre minutes.

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je veux vous souhaiter la bienvenue, à mon tour, en commission parlementaire. J'ai dû m'absenter quelques instants pour aller intervenir en Chambre. Mais, d'après moi, cette question de la couverture, si vous voulez, des Cidriculteurs artisans du Québec sous le chapeau de cette loi, c'est un des débats extrêmement importants.

J'ai entendu parler de bonnes nouvelles, c'est là-dessus que je veux revenir, Mme la Présidente. Est-ce que finalement vous avez des ouvertures suffisamment importantes aujourd'hui pour penser que finalement vous pourriez être couverts par cette loi? C'est ça que je comprends? Et, à ce moment-là, ça veut dire que l'ensemble du secteur va être couvert par la Loi sur les appellations réservées. Est-ce qu'on a réglé aussi la question du Conseil d'accréditation? Puisqu'on sait qu'on avait une... C'est comme si on était en train, là, finalement d'étudier le projet de loi article par article. C'est intéressant, mais il faudra attendre...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, on a profité de votre absence pour régler tous les problèmes.

M. Arseneau: Ah, mais c'est très bien, Mme la Présidente. Si vous pouvez régler tout d'ici 12 h 30, alors je vais me retirer, Mme la Présidente. Mais dans le fond il faut être vigilant, parce qu'il faudra attendre le dépôt des amendements du ministre, et c'est là-dessus qu'on va insister. Mais est-ce que, sur la question du Conseil d'accréditation, vous partagez la proposition de l'Union des producteurs agricoles?

M. Pouliot (François M.): Qui est d'accréditer...

M. Arseneau: D'avoir un deuxième conseil d'accréditation, un spécifiquement pour les cidriculteurs, avec...

M. Pouliot (François M.): Bien, en fait, ce n'est pas un nécessairement spécifiquement pour les cidriculteurs. Ça pourrait être pour l'ensemble des boissons alcoolisées ou, comme on le suggérait, ce serait qu'il y ait un département, un volet spécifique aux alcools. Parce que les alcools, c'est quand même assez particulier, ça a beaucoup de particularités que le restant de l'industrie agroalimentaire n'a pas. Donc, je pense, on le vit beaucoup au niveau de l'export. Il y a plein d'organismes qui aident à l'export agroalimentaire. On est membres du Groupe Export. Ils font du travail merveilleux, mais, quand ça vient à l'alcool, là, c'est un autre monde.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Alors, vous voulez ajouter quelque chose, M. Lavoie?

M. Lavoie (Francis): Oui, oui. Moi, je veux profiter de la question de M. Arseneau pour dire que... Parce qu'il y a eu une question, tout à l'heure, qui était: Est-ce que la définition des artisans, du mot «artisan», dans le projet de loi, vous satisfait? Ce que j'ai vécu, ce que tous les producteurs de pommes ont vécu, il y a 10, 12 ans, puis qui est devenu, à un moment donné, un problème, il y avait une appellation qui était réservée, et c'était Qualité-Québec. Alors, quand on fait des appellations génériques, il faut faire attention que certains intervenants n'utilisent pas ça pour justement accentuer la déviation de la production. Moi, je me souviens très bien, l'appellation Qualité-Québec, qui normalement est là pour la promotion du Québec, la promotion des produits du Québec, l'appellation Qualité-Québec était apposée sur des pommes qui pouvaient venir de l'État de New York puis de la Nouvelle-Écosse, etc. Et ça, c'était superdommageable pour la production du Québec. Toute la notion de publicité et de promotion a été faite sur cette base-là.

Donc, dans votre texte de loi, il faudrait faire attention à ces appellations génériques là, de ne pas tomber dans une appellation générique qui fasse qu'à un moment donné, je ne sais pas, moi... «Artisan», est-ce qu'«artisan» est suffisamment bien défini pour que, quand on dit: Contrôler l'ensemble de la production, qu'on parle de produire la pomme du mois de... en fait du 1er janvier au 1er janvier, parce que la production de la pomme, ça n'arrête pas durant toute l'année... Alors, il faut vraiment que les appellations soient très spécifiques, à mon point de vue, au produit et non pas que ce soit générique.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Très bien. Alors, je voudrais vous remercier, M. Pouliot, M. Lavoie, représentant Les Cidriculteurs artisans du Québec, pour votre présentation devant la commission, votre mémoire et toutes les explications que vous nous avez données pour nous éclairer. Il manque juste le produit, le cidre de glace du Québec.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'invite les représentants de l'Association laitière de la chèvre du Québec, M. Nicolas Martineau, président, à se présenter devant la commission.

Alors, M. Martineau, je vous prie de nous présenter la personne qui vous accompagne. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, qui sera suivie de 20 minutes d'échange de chaque côté de la commission avec les parlementaires. Vous avez la parole.

Association laitière de la
chèvre du Québec (ALCQ)

M. Martineau (Nicolas): Merci à tous. Alors, j'étais directeur des ventes marketing à la Laiterie Tournevent, Tournevent, que vous connaissez sûrement, qui est composée de deux entreprises: la fromagerie, qui est reconnue pour son Chèvre noir, entre autres, et la laiterie, qui est reconnue pour son lait de chèvre principalement. Maintenant, ces deux entreprises-là ont été vendues. La Laiterie Tournevent a été vendue à Liberté ? c'est tout récent, c'est depuis cet été ? et la Fromagerie Tournevent a été vendue à Damafro.

La personne qui m'accompagne est Sophie Gingras. C'est la directrice générale de notre association, l'Association laitière de la chèvre. Et puis d'ailleurs, tout récemment, au mois de septembre, elle a fait partie d'une délégation qui s'est rendue en Europe pour en apprendre davantage sur toutes les appellations réservées. Donc, lorsqu'on sera rendus aux questions, elle pourra certainement bonifier nos réflexions puis apporter certaines précisions.

Donc, je ne suis pas habitué non plus, comme François, aux discours. J'ai préparé trois pages, et puis ensuite ça va me faire plaisir de répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Sentez-vous bien à l'aise.

M. Martineau (Nicolas): Merci. Donc, mesdames messieurs, au nom de l'Association laitière de la chèvre du Québec, j'aimerais tout d'abord vous remercier de nous accueillir à cette commission. L'Association laitière de la chèvre du Québec est la filière caprine québécoise. Son membership est constitué des producteurs laitiers caprins, des transformateurs laitiers industriels, des artisans et des fermiers, ainsi que des groupes du transport de lait. Également, le MAPAQ est membre de notre filière.

n(11 h 50)n

La mission de notre association vise à soutenir et dynamiser le développement de l'industrie laitière de la chèvre au Québec par la concertation au sein de l'industrie entre les divers acteurs qui la composent, soit les producteurs, transformateurs et transporteurs. L'ALCQ réalise sa mission par divers mandats, notamment par la réalisation d'un plan stratégique 2003-2007 portant sur le développement de la filière caprine au Québec. Bien que l'industrie, notre industrie, ait vécu une crise majeure de 2002 à 2004, on observe une croissance annuelle moyenne de près de 20 % dans la production laitière, de 1995 à 2004.

L'industrie laitière caprine regroupe neuf transformateurs laitiers, dont Les Fromages Saputo, Damafro et Liberté maintenant, ainsi qu'une vingtaine de producteurs fermiers et artisans fermiers. Aussi, près de 72 producteurs laitiers chevronnés du Québec approvisionnent les différents transformateurs et artisans.

Pour les membres de l'Association laitière de la chèvre, le projet de loi n° 113 mérite une attention particulière parce qu'il rejoint certaines de nos préoccupations en regard du développement des fromages québécois. D'ailleurs, l'ALCQ s'est déjà dotée de deux définitions qui permettent à ses membres de faire valoir le caractère fermier et artisanal des fromages de chèvre.

Nous sommes donc ici pour présenter les recommandations de notre filière, apporter des précisions en regard des préoccupations de nos membres et répondre à vos questions, le cas échéant. Nous espérons que notre participation à cette consultation permettra de valider ou de préciser certains points du projet de loi afin que les producteurs agroalimentaires québécois soient mieux protégés et afin surtout que les consommateurs soient mieux guidés et informés dans ces choix.

La filière laitière caprine du Québec s'est dotée donc de deux dénominations: «fermier» et «artisan fermier». Pourquoi? Bien, au cours de l'année 2004, les membres de l'Association laitière de la chèvre se sont intéressés aux définitions des termes «producteur fermier» et «producteur artisan fermier». On était déjà à l'avant-garde du projet de loi. Dans le cadre du projet promotionnel le Club marketing caprin, on a donc révisé ces deux dénominations-là. Les définitions suivantes ont été développées par nos membres afin de différencier les producteurs fermiers des produits fabriqués en industrie. L'objectif était d'informer surtout davantage les consommateurs concernant la provenance des produits laitiers de chèvre afin de miser sur la perception positive des consommateurs face aux produits fermiers.

La définition «fermier» se rapporte à ce que les producteurs fermiers transforment sur leurs exploitations l'intégralité du lait produit par leurs troupeaux, tandis que la définition «artisan fermier» se rapporte, elle, à ce que les producteurs artisans fermiers transforment le lait de leurs troupeaux complété par du lait acheté à un autre producteur. Les membres de l'Association laitière de la chèvre sont d'ailleurs conscients que ces définitions pourraient éventuellement être modifiées en regard des nouvelles dispositions de la loi qui nous est proposée.

Mentionnons également que nous mettons à la disposition des membres de notre association l'utilisation de la signature Pur Chèvre Québec qui indique au consommateur la provenance entièrement québécoise du produit, de son ingrédient de base, qui est le lait de chèvre, jusqu'à sa fabrication.

Dans le cadre du projet de loi n° 113, notre association maintenant souhaite souligner deux recommandations. D'abord, la première qui concerne l'appellation «terroir». Nous recommandons de bonifier l'appellation «terroir» proposée en ajoutant les éléments suivants: rendre plus explicite le lien de l'appellation «terroir» aux facteurs historiques et culturels de savoir et de savoir-faire traditionnels ou émergents. Cela pourrait éviter que l'appellation «terroir» ne réfère qu'à des caractéristiques géographiques.

En deuxième lieu, concernant l'usage des mots «artisan» et «fermier», nous croyons fermement que ces deux dénominations doivent être réservées exclusivement aux exploitations qui obtiendront une attestation de spécificité au sens de la Loi des appellations réservées.

Pour éviter la confusion auprès des consommateurs ? c'est très important ? et pour éviter l'usurpation et la dilution du sens des dénominations, nous recommandons de ne pas autoriser l'usage des mots «fermier» et «artisan» pour les produits qui ne feraient pas l'objet d'une attestation de spécificité, même s'ils sont précédés des mots «méthode», «type» ou «préparation». Les dénominations «fermier» et «artisan» doivent être réservées exclusivement aux exploitations qui obtiendront une attestation de spécificité au sens de la loi. Il faut quand même garder en mémoire que les appellations réservées visent d'abord et avant tout à permettre de reconnaître plus facilement la valeur ajoutée du produit mais n'entraîneront pas nécessairement une hausse importante des ventes de nos produits.

Nous espérons que notre participation à cette réflexion pourra contribuer à bonifier le projet de loi. Nous tenons aussi à vous remercier de cette initiative, qui se faisait criante pour le bénéfice de tous. Nous sommes persuadés qu'un engagement efficace du gouvernement du Québec vers le développement d'appellations pourra apporter des retombées intéressantes, surtout à long terme, pour les membres de notre filière en émergence mais également pour l'ensemble des acteurs de la filière agroalimentaire québécoise. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Merci, M. Martineau. Alors, on va débuter les échanges. M. le ministre.

M. Lessard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Martineau, Mme Gingras, bienvenue à cette commission. Et, n'en doutez pas, votre contribution est fort importante à nos travaux. D'ailleurs, vous avez vu, on a fait une avancée sur une politique, un règlement qui venait des demandes du milieu de voir que nos produits de niche, produits régionaux puissent trouver des tablettes et que le consommateur s'y retrouve.

Et je vois que vous aviez déjà fait beaucoup d'avancées là-dedans. Je regardais un peu ce qu'on avait fait sur «artisan» et sur «fermier» puis je regardais ce que vous aviez fait sur «artisan» et sur «fermier», on est quand même, je pense, à une tête de pont ensemble. La seule affaire maintenant que je vois, c'est qu'on modifie la loi. Vous utilisez déjà des produits... les appellations «artisan» et «fermier», et là vous allez vers l'avant pour aller chercher peut-être une attestation.

Qu'est-ce qui fait que maintenant... la migration vers cette attestation de spécificité? Qu'est-ce qui amène vos producteurs à aller vers un nivellement vers le haut au lieu d'un nivellement vers le bas? Est-ce que les... Je peux-tu vous entendre là-dessus? Parce qu'actuellement c'est ce qu'on propose, c'est... Oui, vous vous étiez donné certaines règles pour contrôler ce qu'était un produit fermier et artisan, deuxièmement, avec des définitions bien précises. Maintenant, vous cherchez un nivellement, donc aller chercher un cahier de charges pour aller chercher cette attestation de spécificité, «fermier» ou «artisan». J'aimerais ça, vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Martineau.

M. Martineau (Nicolas): Oui. Bien, tout d'abord, il faut comprendre que notre filière, c'est quand même une toute petite filière. Donc, la niveler vers le haut, c'est nécessaire, bien entendu, pour être entendus de tous. La filière n'avait pas nécessairement les moyens de se définir d'appellations et surtout d'informer suffisamment les gens de façon importante pour que justement la collectivité québécoise ait bien en tête les particularités de ces deux définitions. Donc, bien entendu, nous, au sein de la table, on est d'accord pour se munir de cahiers de charges bien précis et d'adapter aussi nos appellations qu'on a déjà mises en branle depuis 2004. Je ne sais pas si Sophie a aussi des choses à rajouter là-dessus.

Mme Gingras (Sophie): Bien, je pense que l'intérêt aussi des producteurs...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): C'est Mme Sophie Gingras. S'il vous plaît.

Mme Gingras (Sophie): Oui. Merci. L'intérêt aussi des fromageries qui sont intéressées à ces deux définitions-là, c'est aussi d'être reconnues par l'ensemble de la filière. Le fait d'avoir une attestation permettra une reconnaissance beaucoup plus élargie du travail de réflexion qu'ils ont fait. Puis je réitère aussi dans le même sens que Nicolas, c'est-à-dire la capacité d'informer les gens, d'éduquer le public qu'ils vont se donner en augmentant dans le fond leur... bon, en bonifiant leur cahier de charges mais en augmentant le nombre d'adhérents. Parce que ce que vous avez vu dans notre mémoire, c'est-à-dire notre intérêt d'aider nos membres à s'organiser pour déposer des attestations de spécificités, ça pourrait se faire en collaboration avec d'autres types de laits. C'est-à-dire qu'on parle de peut-être créer «fromage fermier» et «fromage artisanal». Alors, à ce moment-là, on pourrait faire un «joint» avec les laits de vache, les laits de brebis et les laits de chèvre aussi. Ça fait que ça élargit encore plus...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le ministre.

n(12 heures)n

M. Lessard: Merci. Je regarde, votre association, bon, la filière finalement qui regroupe deux types vraiment, on a les... plus industriels laitiers puis on a les petits transformateurs aussi, hein, je pense, plus d'une vingtaine, et l'objectif du... Parce qu'actuellement la Loi sur les appellations permet d'aller chercher ces réservations sans modification. On voulait faire valoir les petits produits du terroir en pensant que le terroir, ça ne se délogerait pas, que c'était quelque chose qu'on peut vendre facilement et qui reconnaît une spécificité, un produit différencié du Québec, etc. Alors donc, parlez-moi de ceux-là, là. Eux autres aussi adhèrent à cette façon-là d'aller vers un cahier de charges.

Et je vais vous demander aussi, si vous voulez, Mme Gingras, de me parler du modèle français parce qu'on me dit: La référence est française, et vous arrivez de là. Alors, parlez-moi des plus petits qui vont se retrouver dans une bonification vers le haut, c'est-à-dire augmenter le cahier de charges mais aller chercher une plus grande adhésion. Et, deuxièmement, parlez-moi du modèle français.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gingras.

Mme Gingras (Sophie): Bien, en fait, oui, dans l'intérêt des plus petits, d'abord ce qui devra être fait, ce sera, avec eux, de vérifier si c'est rentable ou non d'aller vers ça, parce qu'on sait que c'est un peu plus contraignant, ça peut être assez coûteux aussi de développer un cahier de charges. Il faut voir. Mais donc, il va y avoir à les aider à se structurer et à vérifier la rentabilité d'une telle démarche. Ça fait que ça, c'est une chose. Mais c'est sûr que, sachant que tout le développement de l'industrie fermière... bien, du volet fermier dans l'industrie fromagère au Québec, ça a permis vraiment de donner beaucoup, beaucoup de notoriété aux fromages québécois, de la valeur ajoutée à nos fromages, puis forcément, bien, ça donne le goût à certains industriels de miser sur ce type d'image là pour valoriser leurs propres produits. Alors, l'intérêt des petits, c'est de se dire qu'ils veulent vraiment, quand on parle d'un produit artisanal ou d'un produit fermier, qu'on parle tous de la même chose et qu'on parle idéalement de produits qui sont faits sur un lieu de production. Donc, ça, c'est l'intérêt des petits.

Pour ce qui est de la législation française, bien, en fait, ce qu'on a vu, c'est qu'en fait là-bas la définition d'un fromage fermier serait incluse dans la Loi des produits alimentaires, sous un décret. Mais là je n'irai pas très loin là-dedans parce que je ne veux pas... j'avoue que je n'ai pas fait une étude de la loi. Mais il reste que ce n'est pas une appellation mais vraiment un décret dans la loi, au même titre que les produits fermiers eux-mêmes. Eux autres, ils vont intégrer aussi une définition spécifique à «fromage fermier» pour permettre, entre autres, l'affinage à l'extérieur de l'exploitation. Ça fait que ça, c'est une chose.

Un autre élément important, il m'apparaît, à mentionner, c'est que, quand on a rencontré les gens de l'Institut national des appellations d'origine, on nous disait que, dans la population française, malgré qu'ils aient beaucoup d'appellations dans différents secteurs, malgré aussi qu'ils aient plusieurs années d'expérience là-dedans, là ? parce que leurs produits sont assez âgés, quand même ? il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui, selon une étude qu'ils ont réalisée, seulement 13 % des Français savent ce qu'est une appellation d'origine. Alors, c'est pour ça qu'on ne peut pas dire que c'est un outil de marketing forcément. Ça le devient peut-être éventuellement, ça peut aider à la mise en marché, mais c'est vraiment d'abord et avant tout un outil pour protéger: protéger une façon de faire, protéger un producteur, protéger une région et protéger un consommateur aussi pour éviter qu'il soit floué. Ça fait que ça...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Lessard: Alors, je reviens encore. Vous savez, j'ai un attachement particulier pour les producteurs. Parce qu'on parle beaucoup que nos produits voyagent à l'étranger, etc.. Mais je me soucie aussi pour tous ceux qui sont dans les régions du Québec, qui veulent simplement atteindre la région, atteindre le magasin principal chez eux, l'épicerie, etc. Alors, souvent, oui, on parle... on nous a souvent exposé le fait que, oui, il faut que ça voyage à l'international. Mais on essaie de donner cette valeur ajoutée là que chacun des producteurs font dans nos régions.

Je reviens sur la charge. Comme je me soucie des petits comme vous autres aussi, même si on va donc augmenter un peu leurs coûts, est-ce que c'est faisable? Est-ce que, quand ils vous en parlent, ceux qui sont préoccupés, exemple, par la mise en marché... Parce que c'est ça, c'est de se trouver une mise en marché, de développer ce rayonnement, d'arriver sur les tablettes, que le consommateur le reconnaisse.

Deuxièmement, si on contrôle «fermier» et «artisan», est-ce que vous nous demandez d'exclure ceux qui utiliseraient la même... la même utilisation? Parce que, l'autre fois, on avait un étalage de produits que l'UPA nous a amenés, sur la Belle Fermière, la fermière maison, artisan du...

Une voix: ...

M. Lessard: Jambon fait à la main, etc. Alors, du point de vue du consommateur, est-ce que vous nous parlez de valeur ajoutée, là? Les gens s'y retrouvent ou...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gingras.

Mme Gingras (Sophie): Du point de vue du consommateur, les gens peuvent se retrouver quand on a une bonne stratégie d'information et d'éducation. Maintenant, en ce qui a trait aux charges que ça peut occasionner par les producteurs, bien c'est en ce sens-là que je vous disais qu'on va devoir vérifier si c'est un investissement rentable ou non. Parce que ce qu'on souhaiterait déposer pour l'instant, c'est une attestation de spécificité pour «fromage fermier». Alors, dans ce cadre-là, il nous apparaît que, oui, l'utilisation de ce terme-là devrait être réservée exclusivement aux entreprises ou aux gens qui font partie de l'attestation de spécificité et qu'on ne devrait pas retrouver sur le marché une appellation ou plutôt, disons, une phrase marketing qui dirait: Fromage de préparation fermière. À ce moment-là, oui, à mon avis, on dilue l'information et, oui, on peut tromper le consommateur.

Donc, sachant qu'il y a également le projet d'enregistrement, là, en fonction de la Loi sur les produits alimentaires, il nous apparaît qu'il y a un danger là-dedans. Parce qu'on l'a vu juste ce matin dans la confusion de certaines présentations, que, là: Est-ce qu'on parle de définitions? Est-ce qu'il y en a, des définitions, dans la loi? Non, il n'y en a pas. Oui... En tout cas, déjà c'est confus pour nous, ça fait qu'on peut s'imaginer que, pour le consommateur, ce le sera aussi d'autant plus.

Donc, dans ce cadre-là, oui, on irait jusqu'à vraiment rendre exclusive l'utilisation des mots qui ont été réservés aux bénéficiaires des attestations ou des appellations eux-mêmes, de la même façon qu'on ne peut pas dire ici, au Québec: On fait un fromage de type reblochon ou on fait un fromage de type roquefort. On peut le dire comme ça, entre nous, là, mais il apparaît qu'on ne peut pas utiliser ça comme un outil de marketing parce que ce serait usurper la notoriété d'un autre produit et on pourrait avoir, à ce moment-là, des poursuites.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Mme Gingras. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Martineau, Mme Gingras, bienvenue à la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. C'est intéressant, ce qu'on a actuellement comme débat. Et ce qui est révélateur, Mme la Présidente, c'est le fait que les spécialistes et les gens qui sont à réfléchir, qui réfléchissent, au niveau, entre autres, de la filière... parce que votre fédération, l'Association laitière de la chèvre du Québec, c'est aussi la filière, hein, alors donc c'est l'ensemble des intervenants, puis ils viennent exprimer devant cette commission le fait que, même pour eux, c'est complexe. Alors, imaginez, pour le consommateur, pour la population en général, imaginez, même pour les législateurs parfois ça peut être assez complexe. Et ce que j'ai trouvé intéressant de votre mémoire, c'est que vous nous rappelez les efforts de réflexion que vous avez faits sur les définitions ? et on sait que très souvent c'est là qu'on achoppe, c'est là qu'on a des difficultés ? et c'est éclairant.

Alors, si on regarde le projet de loi n° 113, à l'article 1, la modification qui est apportée par le ministre, c'est à l'effet de dire... biffer... enfin, premier alinéa, on remplace les mots «de leur région de production et de leur spécificité» par les mots «de leur lien au terroir ou de leur spécificité». Alors donc, on utilise le mot «terroir» dans la loi, mais, dans les appellations réservées, le mot «réservoir», le mot...

Une voix:«Terroir».

M. Arseneau: ...le mot «terroir» justement ne sera pas encadré, ne sera pas... C'est ça, on ne va pas le toucher. Alors donc, il n'est pas question qu'on l'utilise ou qu'on balise l'utilisation du mot «terroir» parce qu'on sait que c'est extrêmement difficile à baliser, et ailleurs ils y ont renoncé. Alors donc, vous, vous nous recommandez de bonifier l'appellation «terroir» proposée en ajoutant les éléments suivants, c'est-à-dire rendre plus explicite le lien de l'appellation «terroir»... Et là vous nous mêlez un peu, là, ce n'est pas l'appellation «terroir» qu'on... c'est-à-dire, ça va être les appellations d'origine ou les indications géographiques protégées, comme le fromage des Îles-de-la-Madeleine, je ne sais pas, là, mais j'essaie de voir, là.

Mais ma question, donc, c'est de savoir comment vous voulez... à quel endroit vous voulez qu'on apporte ces précisions en ce qui concerne les éléments du terroir que vous voulez qu'on mette pour préciser les appellations. Je ne sais pas si je me fais comprendre, là. C'est dans le règlement? C'est dans la loi? Ça va être où, là, qu'on va tenir compte des facteurs historiques, culturels, savoir, savoir-faire? Parce qu'on nous a dit ça aussi. C'est ça un peu, ma question. Je ne sais pas si j'ai été clair, mais vous comprenez que c'est compliqué.

n(12 h 10)n

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Martineau.

M. Martineau (Nicolas): Je proposerais à ce que Sophie Gingras commence à répondre à cette question, mais je bonifierai par la suite.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Gingras.

Mme Gingras (Sophie): En fait, dans les propositions, comme on les avait comprises, c'est que les deux outils qui s'appellent appellation d'origine et IGP pourraient porter la mention «terroir». C'est-à-dire que, si on crée une appellation d'origine Îles-de-la-Madeleine ou «whatever», c'est-à-dire que ça pourrait s'appeler, je ne sais pas, moi, Fromage des Îles-de-la-Madeleine, produit de terroir. Alors, dans le fond, les produits qui auraient le droit d'utiliser la mention «terroir» seraient forcément des produits qui auraient soit une appellation d'origine, soit une IGP.

Et puis, nous, dans le fond, ce qu'on souhaitait dire, c'est que, oui, ça, c'est quelque chose qui nous apparaît convenable et intéressant mais qu'il faudrait s'assurer que, quand on permet l'utilisation du mot «terroir» et peut-être même quand on donne une appellation d'origine et une IGP, qu'on s'assure de rendre... enfin, de rendre plus explicite ? parce que je pense qu'il existe déjà dans la loi actuelle ? de le rendre plus formel, le lien avec le savoir-faire, la culture et l'histoire de ce territoire-là.

Parce qu'il nous apparaît que la notion de «terroir» ne doit pas être reliée seulement à des caractéristiques géographiques ou de production, mais vraiment à une histoire, à une façon de faire traditionnelle ou en émergence. C'est important parce qu'on pense que, même si on a une jeune culture agroalimentaire au Québec, si on se compare à d'autres pays, dont la France, bien il ne faut pas fermer la porte à l'innovation. Et donc c'est pour ça qu'on mentionne que ça devrait être en lien avec les savoir-faire traditionnels mais aussi les savoir-faire émergents. Ça fait qu'on n'est pas en train de... on ne va pas jusqu'à dire: Vous devriez créer une appellation «terroir» en tout cas dans le règlement sur les produits alimentaires, mais au moins, à tout le moins, de s'assurer que, quand on permet l'usage de ce mot-là, que ce soit en lien avec les appellations d'origine ou les IGP, ça devrait être fait dans un esprit qui permette de situer où est le lien avec la culture, l'histoire et l'origine du produit.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Vous voulez ajouter quelque chose, M. Martineau?

M. Martineau (Nicolas): Bien, en fait, moi, j'aimerais ajouter que... ou bien répéter que le mot «terroir», ça ne s'adresse pas seulement à une région, ce n'est pas un produit nécessairement qui est juste régional. Il faut amener les gens à s'intéresser à la culture, au savoir-faire, à la manière de faire. Les gens, ici, innovent. Bien sûr, on a une culture qui est quand même sur une période de temps très, très courte, si on fait la comparaison avec l'Europe. Mais, si on reconnaît qu'au niveau du mot «terroir» il y a derrière ça une émergence, il y a un savoir-faire, il y a une culture qui est reliée à ça en plus d'une région ou d'une localité plus précise, bien, en tout cas, nous, on croit que ça bonifierait le projet de loi et puis ça amènerait aussi les gens à se guider vers... à s'intéresser plutôt aux particularités culturelles de certaines régions, de certains endroits très, très précis. Et derrière tout ça il y a des produits qui sont créés, les produits, les artisans qui sont derrière tout ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup, M. Martineau. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais préciser, Mme la Présidente, que la réponse est très claire, la réponse que j'ai reçue est très claire.

En ce qui concerne maintenant l'usage des mots «fermier» et «artisan», dans le cas où une entreprise n'aurait pas d'attestation de spécificité, c'est-à-dire au sens, là, comme c'était proposé au niveau du règlement en fonction de l'autre loi sur les produits alimentaires, vous dites carrément, votre recommandation, là, c'est: Pour éviter la confusion, on oublie ça. Ça, c'est clair, je comprends ça. Maintenant, après ça, vous nous faites une recommandation en ce qui concerne l'usage du mot, de l'appellation «fermier» et là vous nous recommandez que la définition d'un produit fermier ne s'applique qu'aux produits dont les matières principales proviennent exclusivement de l'exploitation agricole. Donc, c'est un produit, à ce moment-là, qui viendrait uniquement de la ferme, de l'entreprise agricole. C'est très bien, on comprend ça, c'est très clair.

En ce qui concerne l'usage cependant, là, de l'appellation «artisan», vous ne nous faites pas vraiment de recommandation. Alors là, c'est que vous n'avez pas réussi à vous entendre sur une recommandation ou... Comment vous voyez ça? Parce qu'«artisan» les gens sont venus nous dire, n'est-ce pas, au niveau des régions, là: Si on réserve ça pour l'alimentaire, «artisan», on exclut bien des domaines où on pourrait identifier un produit de fabrication artisanale. Comment vous voyez ça, dans votre secteur à vous, production du fromage, lait de chèvre, comment vous voyez ça, dans votre secteur, en ce qui concerne l'appellation «artisan», là, en 2005?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Martineau.

M. Martineau (Nicolas): Bien, pour répondre tout de suite à la question, non, on ne s'entend pas sur les définitions «artisan», et je vais vous expliquer aussi pourquoi. «Artisan», il faut définir où ça se situe dans la chaîne de la transformation, de la production. Est-ce que c'est seulement relié à la production laitière? Est-ce que c'est seulement relié au niveau de la transformation, au niveau de la manipulation des produits ou au niveau plus principalement aussi du volume?

Je peux vous donner un exemple bien concret: la Fromagerie Tournevent, qui a commencé vers la fin des années soixante-dix. La Fromagerie Tournevent produisait son lait de chèvre, transformait le lait en fromage, était très, très artisane et a voulu le demeurer au fil du temps, au fur et à mesure que le volume de production augmentait. Au tout départ, au départ. Ensuite, après avoir fait la production laitière et la transformation, elle s'est départie de la production laitière et s'est concentrée sur la transformation mais a gardé les particularités du caractère artisanal, c'est-à-dire que tout n'était pas fait à la chaîne, il y avait des particularités bien précises. Et, au fur et à mesure que l'entreprise a grandi, elle a gardé en tête de toujours garder ces particularités-là pour garder le fait qu'elle est l'artisan du chèvre québécois. Il y en a d'autres, des artisans. Par contre, nous, on trouvait dommage de ne pas demeurer artisans parce qu'on a gardé des particularités propres de cette définition-là, selon nous.

Et, lorsqu'on regarde ça à l'échelle de notre filière, eh bien, il y en a d'autres également qui se retrouvent dans la même position. Oui, ils ne se rapportent pas à toutes les caractéristiques mais par contre en gardent une bonne part. Et puis ces gens-là trouveraient dommage qu'aux yeux du consommateur ce soit tranché, là, noir et blanc, que ce ne soit plus du tout un produit artisanal, alors qu'il en garde une grande partie. Je ne sais pas, peut-être qu'on pourrait aussi demander à Sophie si elle a des choses à rajouter.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Mme Gingras.

Mme Gingras (Sophie): En fait, vous avez raison. Dans la filière laitière de la chèvre, actuellement il n'y a pas de consensus sur le mot «artisan», puis, comme Nicolas l'a expliqué, c'est quelque chose qui va devenir une bonne jase, là. Mais par ailleurs il y a aussi le fait qu'on n'avait pas le temps de s'entendre sur une définition ou en tout cas d'en jaser parce que le délai, bon, entre le dépôt du projet de loi, l'annonce de... la réception des mémoires, et tout ça, et... en tout cas le délai de production était trop court pour nous pour consulter nos gens, consulter nos membres. C'est la même chose d'ailleurs pour les fromageries de lait de vache et de lait de chèvre, c'est-à-dire qu'on ne s'entend pas, actuellement. Puis c'est pour ça qu'éventuellement ça pourrait être très intéressant que l'industrie travaille ensemble à créer deux attestations de spécificité, c'est-à-dire «fromage artisanal» et «fromage fermier», pour se donner l'occasion justement ensemble de s'entendre sur ces deux définitions-là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Vous pouvez apprécier comme moi, Mme la Présidente, que non seulement les réponses sont claires, mais aussi les réponses sont franches.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui. Et courtes, parfois.

M. Arseneau: Et courtes, parfois. Mais vous n'avez pas l'impression qu'à partir du moment où un produit aura une appellation réservée de type fermier, donc à partir du moment où c'est une production à la ferme, qu'en principe, entre guillemets, ça devrait être artisanal? Parce que, si c'est sur la ferme... Vous n'avez pas peur qu'on ouvre un champ, en laissant possible l'appellation réservée de type artisanal... qui ne sera pas utilisée dans le fond, en tout cas dans votre cas, parce qu'à partir du moment où vous décidez que la production est à la ferme, d'après moi, non seulement c'est fermier, mais ça va être aussi artisanal, à moins que vous ayez les productions des mégafermes caprines.

Mme Gingras (Sophie): Pas encore. Ça viendra peut-être.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, Mme Gingras, question longue, réponse courte, s'il vous plaît.

Mme Gingras (Sophie): Bien, en fait, c'est une très bonne réflexion, puis ce sera aux membres, aux fromageries elles-mêmes de se dire quels sont les barèmes qu'elles se donneront. C'est très malaisé de se prononcer pour elles, à ce moment-ci.

n(12 h 20)n

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup. Alors, M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Je vais me permettre de continuer sur cet échange-là parce qu'effectivement vous abordez beaucoup des points que je me questionnais, dans le sens... Parce qu'à un moment donné je disais souvent: Si on veut faire, par exemple, beaucoup... On parle beaucoup d'exportation, hein, dans les produits du Québec et au niveau des appellations. Puis je me dis: À quel moment que tu deviens que tu peux rester artisanal puis commencer à faire beaucoup d'exportation pour des produits qui sont supposés être faits d'une manière... à la ferme, etc.? Je pense que, là, on aborde clairement le sujet.

Puis, si je reprends les propos de M. Beauchemin, ce matin ? je ne sais pas si vous étiez ici ? lui, c'est un meunier, puis il disait que le terme «artisanal» n'était pas restreint nécessairement à un nombre d'employés ou une méthode manuelle, mais allait plus dans le soin que tu apportes au produit. Puis il disait que tu pouvais faire un produit artisanal même si tu avais 200 employés ? essentiellement ses propos. Puis on touche vraiment à ce sujet-là, dans le sens à savoir: Est-ce que le producteur est artisan ou le transformateur pourrait être un artisan?

Alors, moi, ce que j'aime, dans vos termes, indirectement, c'est comme si, quand vous utilisez le mot «artisan fermier», vous ne venez pas d'introduire un intermédiaire, dans le sens de dire: Il y a des produits fermiers, il y a des artisans fermiers, et tu pourrais avoir peut-être des artisans qui transforment le produit, qui ne sont pas nécessairement le producteur mais le transforment d'une manière artisanale, à une autre étape. Et c'est peut-être une des clés qu'il faudrait voir. Je ne le sais pas. Je ne sais pas ce que vous en pensez ou...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Martineau ou Mme Gingras? Mme Gingras, alors.

Mme Gingras (Sophie): Bien, en fait, là, dans le cas de ces définitions-là, effectivement c'est le compromis qu'on a réussi à faire avec ces entreprises-là qui étaient de taille somme toute similaire. Parce que, malgré que les petites entreprises qui achètent le lait d'un ou deux troupeaux avoisinants transformaient plus de lait que les petites entreprises strictement fermières, ils tenaient beaucoup à dire aux consommateurs qu'eux aussi avaient leurs troupeaux, qu'ils étaient aussi producteurs agricoles, qu'ils transformaient le lait de leurs troupeaux aussi. Alors, c'est le compromis qu'on est arrivés à faire à cette époque-là, ça fait maintenant un an et demi, mais ça a été à l'arraché parce que les producteurs fermiers, eux, avaient de la difficulté à vouloir céder ça.

Maintenant, dans une optique de vouloir informer clairement le consommateur, c'est là où on aura des choix à faire qui vont peut-être être déchirants pour les fromageries parce qu'à un moment donné on ne peut pas utiliser tous les termes en pensant que le consommateur va tout comprendre d'un coup. Il faut vraiment être clairs dans ce qu'on va faire, puis c'est là tout le défi.

Puis, par rapport à l'exportation, parce que vous avez soulevé ce point-là, il m'apparaît que, l'outil qui s'appelle les appellations d'origine, l'attestation de spécificité ou n'importe, l'objectif n'est pas forcément de développer énormément notre industrie, c'est de protéger une méthode, un produit et une région. C'est-à-dire que, par exemple, une entreprise qui fabrique, par exemple, le Pied-de-Vent, aux Îles-de-la-Madeleine, bien, s'il y a une appellation d'origine qui est déposée, à quelque part ça devient comme un bien patrimonial. C'est-à-dire que, si l'entrepreneur décide que ça lui coûterait moins cher d'élever ses vaches sur la Côte-Nord, bien, là, il ne pourra pas parce qu'il ne pourra plus avoir son appellation. Alors, ça protège des territoires, ça protège des façons de faire et ça protège le consommateur.

L'exportation, c'est une autre étape, puis ça pourrait éventuellement protéger nos produits sur une scène internationale, c'est vrai, c'est-à-dire que personne ailleurs ne puisse fabriquer, par exemple, Le Chèvre noir ou encore qu'on ne retrouve pas du cidre de glace japonais. Mais l'objectif premier, à mon avis, pour les appellations, ce n'est pas ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Oui. Merci, Mme la Présidente. On n'avait pas voulu, nous autres, bien ? je dis «nous autres» ? le gouvernement n'avait pas voulu définir le mot «terroir» parce que c'était très complexe. Vous, vous arrivez avec une proposition où... là, en tout cas, moi, je pensais que le mot «terroir» était vraiment associé à la géographie, puis là, dans votre proposition, vous faites intervenir des éléments qui constituent plus des activités humaines, donc qui peuvent... qui sont mobiles. Alors, comment un produit du terroir, en fonction d'un territoire particulier géographique, peut contenir une partie de définition qui a regard, qui met en lumière, je ne sais pas, l'expertise d'une personne qui, elle, est susceptible de se déplacer avec son savoir-faire?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bonne question. M. Martineau.

M. Martineau (Nicolas): Oui, c'est une bonne question. Pour y répondre rapidement, «terroir», dans le mot «terroir», on a «terre», donc, bon, on a un lieu bien précis. Mais il faut aussi tenir compte que, dans ce lieu bien précis, les gens qui produisent, qui font des produits ont dû s'adapter. Il y a des choses qui sont spécifiques à un territoire, et les gens ont développé un savoir-faire pour faire le produit. Donc, dans le mot «terroir», on ne peut pas dissocier le caractère géographique du caractère culturel, du caractère savoir-faire qui a été développé justement en lien avec cette particularité géographique là.

M. Soucy: Bien, est-ce que je peux me permettre...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Courte, courte, courte.

M. Soucy: ...de donner un exemple? On a un fromage de chèvre qui est fait, nous, dans Portneuf, à la Ferme Tourilli. C'est quelqu'un du Lac-Saint-Jean qui est venu s'installer dans un des rangs à Saint-Raymond. Il produit du lait de chèvre. L'expertise, c'est lui qui l'a développée. Il déménagerait demain dans une autre région puis il produirait probablement, j'imagine, le même lait. Alors, avec son expertise, qu'est-ce qui ferait que le mot «terroir» pourrait être encore associé à la personne?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Martineau.

M. Martineau (Nicolas): En fait, dans ce contexte-là, dans cet exemple-là, moi, je trouve que c'est peut-être un exemple qui justement se rapporte plus à un produit régional. Il n'a pas nécessairement une spécificité terroir puis géographique.

Mais, si on prend un autre exemple, peut-être que ce serait mieux pour expliquer le caractère terroir. On peut parler, par exemple... Bon, c'est sûr que c'est un facteur en émergence, mais le caractère du cidre de glace qu'on a entendu parler tout à l'heure, c'est relié à une géographie, donc au territoire québécois dans son ensemble, le caractère de la froideur de notre contrée, et aussi c'est relié à un savoir-faire qui a été développé. Ce savoir-faire-là a été développé chez nous, à partir des pommes. On s'est rendu compte qu'on avait certains pommiers qui étaient particuliers. Les pommes tenaient dans l'arbre, certaines autres tombaient, mais on gardait les pommes et on les gardait au froid, au froid de l'hiver. Donc, ça, c'est très bien caractéristique de notre terroir. On a le facteur géographique et on a aussi, au fil du temps, même si on est une culture qui est quand même jeune, on a un savoir-faire qui a été développé en fonction de ça. Donc, pour moi, le cidre de glace, c'est un bel exemple d'un produit de terroir, terroir dans une définition «terroir», avec une culture en émergence.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Martineau. Il reste moins de deux minutes, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Il y aura caucus dans cette salle, donc on doit quitter à 12 h 30. M. le député.

M. Arseneau: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, je pense que ce serait difficile d'avoir un consentement pour poursuivre. Alors, j'aurais une petite question. En ce qui concerne votre recommandation «d'autoriser les personnes à demander, sur une base individuelle, une appellation d'origine, une identification géographique protégée», bon, est-ce que vous acceptez cependant que la propriété soit publique? Parce que beaucoup de gens nous en ont parlé, de ça. Et là il y a une question: Finalement, qui est-ce qu'on protège, là?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Martineau.

M. Martineau (Nicolas): Tout à fait, on est totalement d'accord à ce que ce soit une propriété publique. D'autant plus, aussi il faut se donner des moyens pour éduquer la population envers ces dénominations, ces appellations-là. Et ça, c'est très, très important. Au-delà de bien définir les appellations et en définir seulement quelques-unes, il faut mettre beaucoup d'efforts en termes d'éducation de la population et non seulement à court terme, mais à long terme. Et je reviens avec ce qu'on a dit tout à l'heure, l'appellation AOC qui est là depuis un certain temps, en France, et puis que les Français, 13 % seulement des Français savent très bien précisément qu'est-ce que c'est, cette appellation-là. Si on en crée quelques-unes, il va falloir mettre les moyens nécessaires et faire en sorte que les appellations que l'on définit soient simples et bien précises.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Bon. Alors donc, compte tenu de l'heure, je voulais remercier M. Martineau, Mme Gingras pour l'éclairage qu'ils nous ont apporté et l'appréciation qu'ils nous donnent du fromage de chèvre, entre autres. Donc, je remercie les collègues.

Je suspends nos travaux à cet après-midi, 15 heures. Et je vous souhaite bon appétit, peut-être avec du fromage de chèvre et du cidre de glace.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 15 h 20)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! La commission reprend ses travaux relativement à la consultation générale et les auditions publiques à l'égard du projet de loi n° 113, projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi sur les appellations réservées.

Alors, nous accueillons, cet après-midi, la Fromagerie Tournevent, dont on a parlé ce matin ? on a parlé de vous ce matin. Alors, M. Gilles Lafontaine, copropriétaire, je vous cède la parole pour 20 minutes. Ce serait assez gentil de nous présenter la personne qui vous accompagne. Et après nous allons faire un échange avec le gouvernement et l'opposition, pour 20 minutes à chaque fois. Vous avez la parole.

Fromagerie Tournevent inc.

M. Lafontaine (Gilles): Alors, bonjour ? ça marche? oui ? merci d'abord à la commission de nous accueillir pour vous exposer notre point de vue sur les projets qui sont en cours. Je veux faire peut-être un petit changement qu'il y a eu quand même à l'horaire de Fromagerie Tournevent. Alors, j'ai présenté ce document-là que j'ai préparé au cours de l'été et disons que je n'ai pas pu m'inspirer nécessairement du document d'information qui a été soumis un peu plus tard. Alors, il y a certains éléments de mon rapport qui ne tiennent pas compte de la dernière version mais qui tiennent plutôt compte de la perception que j'avais de la position du MAPAQ à cette époque, là.

Également, pour ne pas l'oublier, je vais vous présenter celui qui m'accompagne, qui est Patrice Resther, de Patrice Resther et Associés, qui est un consultant et qui agit actuellement comme directeur général par intérim pour la Société des fromages du Québec.

Je dois mentionner que la position qui est tenue ici en est une des anciens propriétaires de Tournevent, parce que le 5 septembre s'est officialisée la vente de Tournevent à l'entreprise Damafro, vous êtes probablement tous au courant. Et je viens donc ici, aujourd'hui, à titre personnel et non plus à titre de copropriétaire de Tournevent.

Il ne s'agit pas non plus de la position de la Société des fromages du Québec. Le dossier sur les appellations réservées et sur le projet d'encadrement a été discuté à la société, et on a choisi de ne pas intervenir directement, compte tenu qu'on n'avait pas le temps de faire une consultation globale et au risque d'avoir des positions divergentes. Alors, on a décidé plutôt, à la société, que nous présentions... c'est-à-dire que nous accompagnerions, s'il y a lieu, les entreprises qui le feraient. Et c'est mon cas, étant très proche de la Société des fromages du Québec, j'ai donc demandé à Patrice s'il voulait bien m'accompagner. Mais il faut comprendre qu'il ne s'agit pas de la position de la société mais bien des ex-propriétaires de Tournevent, de par l'expérience vécue.

En fait, de notre compréhension du projet qui est en cours, on a été préoccupés premièrement par la facette du mot... c'est-à-dire la définition du mot «artisan». C'est surtout là que nous avons accroché. On est quand même passablement d'accord avec la définition proposée au niveau du terme «fermier». J'ai encore un peu de difficultés à faire un lien très spécifique entre le projet d'encadrement et la loi, en fait, en ce qui a trait aux désignations spécifiques que sont «fermier» et «artisan», à savoir quel est le lien qu'on cherche à faire ou qu'on cherche à éviter la confusion. Par contre, j'ai voulu m'attarder là-dedans à exprimer plus une position qui touche une réalité d'une entreprise qui est Tournevent parce que c'est celle que j'ai vécue.

L'objectif du MAPAQ à l'intérieur de ce projet, et si ma compréhension est bonne, est celui de mettre en place un programme qui va protéger, je dirais, les petites entités, ceux qui font particulièrement des produits typiques, des produits plus spécialisés, et en même temps je sais qu'il y a des modifications qui sont proposées à la loi même. Ma compréhension des changements qui sont proposés est qu'on veut modifier ou remplacer le lien de production par le lien au terroir. Bon, évidemment, pour moi, ça se ressemble quand même un peu, mais on peut comprendre que le mot «terroir» a besoin d'être défini pour mieux en saisir le sens. On veut préciser l'attestation de spécificité qui est comprise dans la loi mais qui va être définie par le projet d'encadrement, et c'est un peu ce lien-là qu'on veut faire. Et on veut, je pense, permettre aux personnes seules ou à une entreprise individuellement de pouvoir s'inscrire dans la démarche pour pouvoir utiliser les termes «fermier» et «artisan». Alors, évidemment, je situe ça, je sais que vous êtes tous au courant de ça, mais c'est pour davantage comprendre, moi... si, moi, je comprends bien le sens de votre démarche.

Notre grand questionnement en regard du terme «artisan», c'est son orientation construite sur l'individu. On est un peu... pas chatouilleux mais un peu... on se demande tous... En fait, on pense que ça va créer des exclus qui ne le méritent pas. Si l'orientation et toute la définition est construite sur l'individu, donc on parle dans ce contexte d'un diplôme, bon, d'une attestation spécifique d'expérience, tout est relié à l'individu, on pense qu'il y a un pan important d'entreprises et de produits qui vont être exclus de pouvoir utiliser ce terme et qui mériteraient peut-être le droit d'utiliser ce terme.

Alors, il est sûr que j'utilise le modèle Tournevent pour en faire part. Nous, on pense que la priorité des priorités, ce qui est fondamental pour déterminer si un produit est artisan, ce sont les procédés de fabrication qui sont en arrière. On pense que ça devrait être mis à l'étape 1 pour déterminer une... pour définir une définition spécifique sur la notion d'artisan. Alors, dans le fond, ce qu'on propose, c'est plutôt une orientation vers le produit. On veut savoir si le produit est de nature artisanale ou pas. C'est cette référence d'ailleurs que le consommateur a, c'est lui qui est en contact avec un produit, il n'est pas nécessairement en contact avec l'individu. Je me suis même questionné à savoir: S'il y avait deux copropriétaires, est-ce que ça prendrait deux signatures? Qu'est-ce qu'on fait dans le cas d'un couple qui ont parti une petite business ensemble puis que, du jour au lendemain, ça prend une signature?

En tout cas, ma compréhension est qu'on veut que l'artisan soit le signataire du produit, on comprend tout son lien avec le produit, mais on semble trop insister sur cette facette de bâtir une définition construite sur l'individu, alors qu'à mon avis on doit construire la définition sur la notion de procédés de fabrication utilisés. C'est les procédés qui à notre avis font qu'un produit est de nature artisanale. Je sais qu'on peut discuter longtemps là-dessus, mais c'est d'abord les procédés de fabrication qui définissent la spécificité d'un produit. Et c'est ça qu'on veut reconnaître, la spécificité d'un produit passe par les procédés de fabrication, c'est là-dessus qu'on insiste.

On a été aussi un peu préoccupés par le fait que, si évidemment on enchâsse dans un règlement ou une loi le terme particulier d'«artisan», ça ne permettrait pas à l'avenir à une entreprise, ou une entité, ou, je dirais, au concepteur d'une oeuvre de pouvoir utiliser ce terme-là dans le futur. À notre avis, quelqu'un qui a créé un événement, qui a créé une oeuvre ou qui a été pionnier dans un secteur donné a un peu droit à ce terme d'«artisan». Puis, aujourd'hui, il serait comme enchâssé dans: Non, il faut que tu aies un diplôme. On est un peu...

n(15 h 30)n

J'amène cette dimension-là parce qu'écoutez Tournevent existe depuis 26 ans maintenant et, comme signature corporative, on a toujours adopté ce concept de Tournevent, L'artisan du chèvre québécois, et, du jour au lendemain, je n'aurais plus droit de faire cette allégation parce qu'on ne correspondrait pas au profil de la définition qui est présentée. On trouve qu'il devrait y avoir une exclusion en regard du concepteur ou du propriétaire d'une oeuvre ou de... En tout cas, je l'ai expliqué là-dedans. Par coeur, comment vous le définir? En fait, on l'a abordé, je vais peut-être le reprendre. Ce qu'on dit, c'est que ? ce ne sera pas long ? on dit qu'il y a deux sens qu'on peut donner à l'origine d'un produit: on peut dire de l'auteur ou du responsable d'une réalisation d'un produit ou d'un événement, d'une oeuvre d'art qu'il est l'artisan de cette réalisation, mais en même temps on peut dire qu'un artisan est un travailleur manuel utilisant des procédés avec des outils simples. Un produit artisanal est dès lors un produit de facture manuelle utilisant des procédés, outils simples. Alors, ce que je voulais apporter, c'est peut-être ce droit d'exclure cette dimension de la notion d'artisan en dehors du projet comme tel ou en dehors du projet de règlement.

Notre questionnement aussi, c'est qu'on a l'impression que cette façon d'encadrer la définition du mot «artisan» élimine une partie importante de ce qui constitue le tissu économique de nos régions. Je prends évidemment pour modèle Tournevent. Si on ne peut pas protéger une entreprise du type Tournevent, j'ai l'impression qu'on fait un peu fausse route et qu'en même temps le projet de loi ne servira pas nécessairement de levier ou en tout cas de levier économique comme celui qu'on prétend que ça devrait être.

On s'entend tous que ce projet d'encadrement et de projet de loi vise à donner une poussée à ceux qui en ont besoin. On veut que nos régions arrêtent de se dépeupler, on veut au contraire les dynamiser. On pense que cette loi-là va venir jouer ce rôle-là. Mais, pour ça, il faut s'assurer qu'on n'oublie pas un pan important d'entreprises. Et là je ramène toujours le modèle Tournevent, je m'en sers comme modèle parce que c'est l'expérience que j'ai vécue. Il m'apparaît important qu'on doit protéger ce type d'entreprise et ce type de produit là, la loi doit prévoir ça. Vous allez me dire: Tournevent n'aura qu'à faire sa propre demande à l'intérieur de la loi et probablement que... mais ce n'est pas aussi simple que ça, je pense.

Puis, d'une certaine façon, on s'intéresse actuellement à ce qui est sur la table, et ce qui est sur la table, en ce qui a trait à la définition d'artisan, il m'apparaît que Tournevent serait exclue de cette définition-là, et ça, il m'apparaît que ce n'est pas bon. Je pense qu'on oublie l'importance que peut avoir une telle entreprise pour la notion du terroir québécois. Alors, évidemment, j'ai comme l'impression que, si on devait adopter la définition telle qu'elle est présentée, basée donc sur l'individu plutôt que sur le produit et son contexte artisanal, ça causerait certains préjudices à une entreprise comme Tournevent.

Dans le document, pour illustrer un peu la problématique, j'ai présenté un bout qui tourne un peu autour du marché. On est tous conscients que la mondialisation des marchés, c'est un phénomène assez nouveau qui est quand même très déterminant. Et je dirais que, si on parle de ça aujourd'hui, c'est un peu causé par tout ce phénomène-là. Il faut se bâtir ensemble des outils pour éviter que... en fait pour faire face à la musique. Les marchés sont de plus en plus compliqués. On a de plus en plus d'importations qui rentrent chez nous et qui arrivent avec des moyens qu'on n'a pas. Puis les petits, bien, comme ils ont plus ou moins les moyens de sortir sur les autres territoires... je ne dis pas... je suis convaincu qu'ils vont devoir le faire pour survivre. Mais en même temps ce n'est pas facile, les moyens ne sont pas toujours à la portée, il y a des étapes à suivre dans l'évolution des marchés aussi, ce qui fait en sorte que, la mondialisation, il y a ces contraintes, c'est clair. Alors, j'ai l'impression que ce qu'on fait là, que ce soit par le projet d'encadrement ou la Loi sur les appellations réservées, c'est un peu un outil pour essayer de nous prémunir contre les facettes moins belles de la mondialisation. Parce qu'il en existe, c'est sûr, il ne faut pas se mettre la tête dans le sable à ce niveau-là.

Je suis convaincu en même temps qu'il y a des opportunités. La mondialisation a quand même ouvert l'esprit à un paquet de consommateurs qui voyagent et qui, aujourd'hui, demandent des produits différenciés, et je dirais que ça a cette facette-là. Ce qu'on va devoir faire tous ensemble, et j'espère que nos gouvernements sont là pour nous appuyer dans cette démarche, et évidemment je sais qu'il y a déjà des programmes qui existent, mais peut-être qu'il va falloir mieux les adapter à nos spécificités ou en tout cas à ce type de clientèle qu'on représente, qui est la petite entreprise ? évidemment je parle surtout des fromagères dans le moment, mais je peux comprendre que, dans les autres secteurs, il y a un contexte assez particulier là aussi ? bien, c'est d'aider ces entreprises-là à exporter. Parce que, qu'on ne se le cache pas, la mondialisation a fait en sorte que nos marchés sont devenus saturés assez rapidement. Il n'y a plus de place dans les tablettes, et nos entreprises qui se démarquent font des pieds et des mains, aujourd'hui, pour rester. Il faut constamment innover, il faut constamment développer des nouveaux produits. Les règles du jeu sont telles que ce n'est pas simple, et ce n'est pas simple parce que justement il y a de plus en plus de monde qui veulent la partie de la tarte qui nous appartient.

Alors, j'ai voulu apporter cette dimension-là pour exprimer que c'est important, ce qu'on fait là. C'est important parce que c'est comme une espèce de coffre d'outils qu'on se donne pour se protéger contre les contraintes reliées à la mondialisation, à mon sens. En même temps, je le vois comme une opportunité. Et il ne faut pas juste voir du noir quand on voit la mondialisation, et il faut voir qu'on est capable d'aller vendre sur les marchés extérieurs. Tournevent en est un bel exemple. 30 % des ventes de Tournevent se font à l'exportation, en particulier vers les États-Unis. Et c'est un contexte qui est très, très particulier à lui, dans le sens où, à un moment donné, Tournevent a pris la décision qu'il s'en allait sur les marchés extérieurs parce que son marché local était saturé.

Tout ça pour dire que ce n'est pas parce qu'il n'y avait pas de place dans des marchés plus de masse, mais on a confronté au maximum, je vous dirais qu'on a confronté tant qu'on a pu, sur nos marchés québécois, cette dynamique de dire: On va conserver notre créneau. Conserver notre créneau, si on veut continuer à ne faire affaire qu'avec des boutiques de spécialités ou avec des restaurants fine cuisine reconnus puis que tu as couvert ton territoire, la seule chose qu'il te reste à faire, si tu veux garder ce créneau-là, c'est d'aller sur d'autres territoires. Et c'est comme ça que tranquillement, au fil des ans, depuis 15 ans, on a su développer un marché américain. Mais, chez les marchés américains, on n'est pas sur les marchés de masse, on est sur les marchés spécialisés. On a visé les réseaux alternatifs, les clients très spécialisés que sont des boutiquiers reconnus, à l'image un peu qu'on peu avoir... pour ceux qui connaissent un peu les marchés de Montréal, Fromagerie Atwater, fromagerie Hamel. Alors, on a continué dans ces créneaux-là, ça a été notre... C'est comme ça qu'on s'est développés, en fait qu'on a pu grandir.

Et il y a un contexte aussi. C'est quoi maintenant? Est-ce que la loi est là pour protéger et valoriser seulement les très, très petits? Moi, je pense qu'elle est là pour tout le monde. Mais évidemment il faudrait qu'à un moment donné on s'entende sur ce qui est petit, puis très petit, puis trop petit ou trop grand. J'ai tendance à penser qu'une entreprise comme Tournevent n'est sûrement pas trop grande. 1,2 million de litres de lait par année, sur 3 milliards transformés au Québec, c'est très, très peu, c'est une goutte dans l'océan.

Et c'est dans cet esprit-là que je voudrais qu'on reconnaisse qu'il y a évidemment le fromager fermier qui commence puis qui a 40 chèvres ou 50 chèvres, mais il y a aussi les entreprises comme nous autres qui ont développé au fil des ans et qui ont besoin de cet esprit de protection pour pouvoir s'affirmer sur les marchés. C'est vrai pour les entreprises comme Tournevent, comme Pied-de-Vent, comme Fritz Kaiser ou l'Abbaye Saint-Benoît. Ça m'apparaît être un créneau d'entreprises qui doit absolument être protégé. Et la loi doit s'assurer qu'elle va protéger ces entreprises-là parce que c'est eux qui forment notre réel tissu économique. S'il y a 10 jobs, ou 15 jobs, ou 30 jobs de reliées à une entreprise, il faut s'assurer que... Ces entreprises-là vivent en région rurale pour la plupart, et il faut que notre loi ne vienne pas les enfarger au passage. Je parle beaucoup, je pense que je vais défoncer mon 20 minutes.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Deux petites minutes, M. Lafontaine.

n(15 h 40)n

M. Lafontaine (Gilles): Deux minutes. Bon. Essentiellement, je vais tenter de conclure en disant que le mémoire que j'ai déposé vise une différence fondamentale sur la façon de définir la notion d'artisan. Alors, je trouve extrêmement important ce qu'on entreprend là. Je souhaite que la définition porte davantage sur le produit et sa nature artisanale que sur l'individu. Je souhaite qu'on traite d'une façon plus primordiale la notion de procédé de fabrication qui est derrière le produit, c'est ça qui à mon avis est fondamental. Je sais qu'on peut voir ça comme étant un peu complexe à évaluer, mais je pense que tous nos inspecteurs sont en mesure de voir si, par exemple, Tournevent est un artisan dans l'âme ou ne l'est pas. Rien qu'à voir les procédés, il va comprendre qu'on n'est pas un industriel.

On aimerait que soit exclu de la loi l'auteur d'un produit ou d'un événement, dans le sens qu'on pourra dire que quelqu'un est artisan d'une chose ou d'un secteur, ou quelque chose. On pense qu'on va devoir construire une charte de l'artisan, et la charte, elle va être essentiellement composée des procédés qui sont acceptables ou pas. C'est un exemple que je donne. Les procédés, il peut rentrer là-dedans le type de pasteurisation, le fait qu'il n'y a pas de découpage du lait, le fait qu'il n'y ait pas d'agent artificiel, en fait des éléments spécifiques qui font qu'un produit est ce qu'il est, il est de nature artisanale.

On voudrait s'assurer qu'il y ait de la surveillance. Une fois la charte construite, on pense que la surveillance peut être faite par nos inspecteurs attitrés actuellement. Alors, si on a une charte provinciale, ce seront nos inspecteurs du MAPAQ et, si on a une charte canadienne, ce seront nos inspecteurs canadiens. On pense que c'est très réalisable par eux-mêmes de définir si l'entreprise ou le produit en question... Parce qu'il ne faut pas oublier une chose, dans nos cas, ce n'est pas l'individu ni l'entreprise qui s'inscrit... bien, c'est l'entreprise qui s'inscrit, je comprends, mais c'est le produit qui se qualifie. L'entreprise inscrit son produit. Est-ce que lui correspond à un produit de nature artisanale? Si c'est le cas, il se qualifie et tu as le droit d'apposer le sceau. C'est dans cet esprit-là. Je termine...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Je vais vous arrêter, M. Lafontaine, vous allez revenir lors de l'échange. M. le ministre, pour le premier 10 minutes.

M. Lessard: Merci, Mme la Présidente. Alors donc, M. Lafontaine, je vois qu'il y a encore beaucoup de Tournevent dans vous et, si vous avez... Donc, vous êtes en entreprise, je crois que vous avez encore à coeur l'entreprise, et c'est important. C'est de ça dans le fond qu'on veut parler dans la valorisation des produits du terroir, cet attachement, cette façon de faire, ce produit... ou cette façon de faire qu'on ne peut pas détacher du Québec. Alors, c'est du Québec partout. On avait des cidres de glace ce matin et, quand on nous en parlait... Bien, dans le fond, on fait la promotion du Québec lorsqu'on fait des produits de notre terroir ou des produits régionaux, produits de niche.

Et nécessairement, quand je vous écoute parler, votre discours est beaucoup centré sur la notion de produit artisanal ou l'artisan, nécessairement, cette dualité-là. Je pense que vous séparez les deux thématiques très fortement en disant: Écoutez, ça ne peut pas être lié à la personne. Quoique le Règlement sur les appellations réservées actuellement tient compte de l'aspect humain ? donc, on parlait, ce matin, de traditionnel ou de façons de faire ? dans son équilibre, mais nécessairement que le terroir ne pourrait pas être attaché à l'artisan qui se déplace partout, puis il y aurait des terroirs autant qu'il y a de personnes. Alors, nécessairement, il y a une pondération.

Je reviens sur la définition, le produit. Parce que le rapport Desjardins qui a pensé aussi la question parlait aussi de produit artisanal. Il fait référence... Puis je vais vous lire la description: «Produit résultant d'un mode de production non industrialisé ? donc ce volet-là ? fabriqué par une personne de métier ? il tient compte de l'exécutant aussi ? qui travaille à son compte, aidée ou non par une équipe...» On a repris une définition, vous en avez pris connaissance par la suite. Mais je veux vous entendre à savoir: Si, demain matin, on avait à mettre la question sur la table avec la Société des fromages, est-ce qu'on opterait pour produit artisanal ou fermier, oui... produit ou artisan ? excusez?

M. Lafontaine (Gilles): Bien, écoutez, je ne peux pas parler au nom de la société, comme je vous dis, je n'ai pas fait le tour de tout le monde pour savoir ce que tout le monde en pense. Le fondement de mon argumentation est qu'un produit est artisanal quand les procédés qui l'ont fait sont construits avec cette dynamique artisanale. Je ne veux pas négliger le fait qu'il y a quelqu'un en arrière, mais j'essaie de comprendre pourquoi on fait ça.

Et je me dis, je prends, chez nous, René Marceau, Lucie Chartier, il y a 26 ans, ils ont parti Fromagerie Tournevent, qui est artisan dans les deux, celui qui avait les mains dans le chaudron ou celui qui administrait l'affaire plus? Bon. Il y a eu un mélange, là, d'un petit couple entrepreneur qui avait une vision différente de faire les choses puis qui ont construit... Puis là il faudrait-u qu'ils mettent les deux signatures? Façon de parler, là, est-ce que c'est un... Puis là, avec le temps, et ce n'est pas parce qu'on est devenus industriels pour autant, mais, avec le temps, il y a une fromagère qui est rentrée chez nous, ça fait déjà 15, 16, 17 ans. Là, c'est elle qui devrait signer? Ce n'est plus l'artisan? Elle n'est pas à son compte, là, elle est embarquée dans l'entreprise puis elle est venue un peu gérer.

Là, je vais en entendre qui vont me dire: Bien oui, mais là c'est parce que vous êtes de nature plus industrielle. Non, c'est qu'on a grandi en conservant les procédés de base qui ont toujours fait la spécificité de Tournevent. Alors, peut-être que ça ne dit rien pour plusieurs, mais, je ne sais pas, moi, de la pasteurisation en «batch», je n'en connais pas un, industriel qui fait ça, c'est juste les petits qui font ça. Bien, nous autres, on l'a faite en ajoutant des bassins plutôt que de dire: On va s'acheter un pasteurisateur à haute température. Pourquoi? Parce qu'on pense réellement qu'il y a des vertus, derrière la qualité du produit, à sa façon de pasteuriser. Ça demeure de la pasteurisation, ce n'est pas du lait cru, ce n'est pas du thermisé, mais c'est une pasteurisation qui a des valeurs, qui permet davantage au produit de garder ses qualités d'origine.

Mais ça, c'est un élément. La façon de le presser, la façon de le mouler, la façon de l'emballer, c'est tous des éléments qui doivent être conséquents avec la nature artisanale des procédés. Et ça, si on détache ça trop ou si on ne le met pas en ligne de front, bien j'ai le sentiment qu'on fait fausse route puis qu'on ne reconnaît pas la spécificité qui fait que le produit est ce qu'il est. Un produit comme Le Chèvre noir de Tournevent m'apparaît être une des cartes de visite de Tournevent. C'est quelque chose d'assez spécial que Tournevent a bâti. Bien, il n'aurait pas droit à avoir cette reconnaissance artisanale, même si on peut reconnaître qu'on utilise des procédés simples pour le faire? Je trouve que c'est discriminatoire comme démarche si ça ne lui permet pas ça. Puis, bien, je dirais que c'est ce contexte-là que je trouve qui est important. Et à mon avis ça n'enlève rien à l'individu.

La fromagère, chez nous, je la trouve superbonne, là, elle a une bonne formation, mais est-ce que c'est elle, l'artisan, ou si c'est Marceau, ou si c'est Lucie Chartier? C'est qui dans le fond? Puis, pour moi, ça a plus ou moins d'importance, dans le sens que c'est le produit qu'on achète qui doit avoir cette référence. C'est le consommateur qui est en contact avec le produit. C'est lui qui doit, quand il le regarde, savoir si ce produit-là, il est artisan ou s'il ne l'est pas. C'est ça qu'on veut reconnaître. Si le consommateur ne le reconnaît pas comme artisan, il va automatiquement le reconnaître comme un produit industriel, et ça, moi, je trouve que c'est nous sacrer une jambette en passant.

On ne peut pas penser que Le Chèvre noir est construit de façon industrielle. Si c'était le cas, il faudrait qu'on change nos équipements parce qu'on n'est pas compétitifs avec les produits de masse. Et c'est pour ça qu'on charge plus cher pour le produit. Mes coûts de production sont supérieurs à un industriel pur. Et j'ai envie de vous dire que, même si Damafro vient d'acheter Tournevent, ça ne change pas cette facette-là. Si Damafro conserve la nature de base des procédés de fabrication de Tournevent, je ne vois pas pourquoi il n'aurait pas le droit d'inscrire «artisan» sur son produit. Parce qu'il l'a gardée jalousement, cette règle-là. Lui, il peut bien être industriel dans son usine, avec ses produits autres, mais il a acheté la spécificité Tournevent. D'ailleurs, s'il veut que ça ait une valeur, il faut qu'il garde ça. Je pense. Évidemment, c'est très personnel.

Et pourquoi donc il n'aurait pas droit, au même titre qu'une fromagerie fermière qui produit un produit à même le lait de son troupeau... Ça en fait un produit fermier à mon sens, elle l'a fait... Mais elle peut décider, demain matin, qu'elle achète le lait du voisin. Là, ce n'est plus son troupeau. Elle va le surveiller peut-être, parce qu'il est voisin. Mais pourquoi... Dans ce cas-là, il n'est plus fromage fermier, il est fromage artisan, et, dans ce contexte-là, il devrait y avoir le droit d'inscrire «fromage artisan». Mais là ce n'est plus... L'individu, il est où là-dedans? C'est un fermier artisan? On va écrire les deux? Je considère que c'est le produit qui doit être qualifié, et ce qui qualifie le produit, je pense que c'est les procédés.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Lafontaine. M. le ministre.

M. Lessard: Oui, merci. J'essaie de faire le lien. Si je me rends à vos arguments de reconnaître le produit au-delà de l'artisan, pourquoi je ferais la charte de l'artisan?

n(15 h 50)n

M. Lafontaine (Gilles): Parce que la charte va définir ce qui peut qualifier ou disqualifier un produit. La charte, pour moi, c'est d'abord de définir quels sont les procédés acceptables ou pas. Est-ce que, par exemple, «pasteurisation» tout court, c'est acceptable? Est-ce que «pasteuriser en batch», c'est acceptable? Est-ce que «thermiser», c'est acceptable? Qu'est-ce qui rentre dans la charte? Ça, il faut le définir.

Je comprends qu'il y a un débat à avoir sur ça, là, puis que j'imagine qu'on prend tous les secteurs ensemble, puis la pasteurisation, ça n'existe pas dans tous les secteurs, puis il y a d'autres types de technologies qui existent, ou de pratiques. Mais il m'apparaît important que la charte soit d'abord constituée d'un certain nombre de règles qui va définir: parce que tu fais ça, c'est acceptable. Et ça, il faut le bâtir. À mon avis, ça peut porter sur une page, du moins je pense. Puis la surveillance de ça, bien, je pense que nos inspecteurs sont qualifiés pour la faire. Ils sont là, ils les voient, nos installations, ils n'arrêtent pas de nous dire: Fais ci, fais ça, change ci, change ça ou améliore ci. Ils sont très, très au courant de cette facette-là. Ils sont en mesure de distinguer un produit qui est construit de façon simple puis un produit qui est mécanisé, facilement.

M. Lessard: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Courte, M. le ministre.

M. Lessard: Alors, je comprends, là, votre charte, ça ressemble beaucoup au cahier de charges. Un cahier de charges, c'est la façon dont on détermine qu'on va faire la production avec l'acceptabilité de tous les procédés, méthodes, etc. Alors, je...

M. Lafontaine (Gilles): C'est une forme de cahier de charges. Écoutez, je l'ai appelé charte, c'est un terme pour définir qu'on définit des paramètres puis quels sont les paramètres, puis, si tu ne rencontres pas les paramètres, bien tu n'y es pas. Évidemment, j'apporte cette... Je sais qu'ici on discute non seulement de la Loi sur les appellations réservées, qui contient un cahier de charges, mais on discute du projet d'encadrement, qui n'en contient pas. Alors, la notion d'artisan, est-ce qu'il faut faire le lien? Bien, moi, je dis: Juste dans la simple définition du projet d'encadrement, il faudrait qu'on tienne compte qu'il devrait y avoir une certaine charte qui détermine si tes procédés le sont ou pas. Et c'est quand même toute la différence entre ce que je propose puis l'individu, parce qu'on a déterminé... Disons que la charte de l'individu, c'est avoir un diplôme puis, bon... Il faudrait que je refasse la liste qui est écrite, là. Mais le diplôme fait partie des éléments de la charte. Alors, là, bien ce serait plutôt les procédés qui seraient tenus en ligne de compte.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup, M. Lafontaine. On va passer du côté de l'opposition officielle. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, M. Lafontaine, M. Resther, il nous fait plaisir de vous accueillir à la Commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation. Je rejoins le ministre très facilement lorsqu'il dit qu'il vous reste beaucoup de Tournevent en vous. On vous entend parler avec beaucoup de passion. Et je pense que ça prend des gens passionnés justement pour développer ces secteurs, ces créneaux particuliers. Et je ne sais pas s'il y a de la similitude entre le Pied-de-Vent, Mme la Présidente, et le Tournevent. Le Pied-de-Vent, ce sont des...

M. Lafontaine (Gilles): Si vous saviez combien de fois je me suis fait poser la question: C'est vous autres, aux Îles-de-la-Madeleine? Non, non, ça, c'est Pied-de-Vent.

M. Arseneau: Oui. Alors, c'est extrêmement intéressant. D'abord, très rapidement, j'aimerais clarifier une chose. Vous n'êtes pas d'accord pour qu'on ait, là, en fonction de la Loi sur les appellations réservées, des produits fermiers et artisans puis qu'on ait en plus, avec la réglementation, la possibilité d'avoir des produits de type fermier et de type artisan, en fonction de la réglementation. Est-ce que vous êtes d'accord avec les deux systèmes qui sont proposés, là? Rapidement.

M. Lafontaine (Gilles): Bien, je ne suis pas sûr de bien saisir. Je suis foncièrement d'accord à ce qu'il doit y avoir des règles, plus restrictives, oui, puis en même temps qui protègent. Mais en même temps, là où je suis davantage d'accord, c'est qu'on s'attaque au produit. Alors, je ne sais pas si ça répond, là.

M. Arseneau: Rapidement. C'est parce qu'on s'est fait dire plusieurs fois, hein, qu'il y aura deux façons de se faire reconnaître, soit en fonction de la Loi sur les appellations réservées, avec un cahier de charges, avec un suivi, la même chose que le biologique, puis en plus le ministre, dans son plan d'action, annonce qu'il y aura, par règlement, en fonction de la Loi sur les produits alimentaires, la possibilité d'aller chercher... Est-ce que vous êtes d'accord avec...

M. Lafontaine (Gilles): Je suis d'accord avec les deux principes. Là où je ne suis pas d'accord, c'est sur la définition apportée, au projet d'encadrement, au terme «artisan», précisément.

M. Arseneau: O.K. Alors, Mme la Présidente, j'ai trouvé ça très intéressant, ce mémoire-là parce que c'est un peu la suite de la discussion qu'on avait ce matin, quand on a rencontré l'Association laitière de la chèvre du Québec, qui est aussi la table filière pour ce qui concerne la production laitière de chèvre au Québec et les fromages, et tout, et c'est un peu la suite de la réflexion. En fait, je constate que vous êtes rendus plus loin que la filière. Eux autres, ils nous ont dit: Là, on ne peut pas trop aller là-dedans parce que c'est vrai qu'il n'y a pas unanimité, etc.

En ce qui concerne l'appellation «fermier», ça, ça ne pose pas vraiment de problème. En tout cas, sur la définition, on se rejoint, c'est produit à la ferme et puis ça va être assez facile à contrôler. En ce qui concerne «artisan», alors, là, c'est pour ça que vous faites tout un développement, parce que la réflexion, j'ai l'impression, est rendue beaucoup plus loin en ce qui concerne l'appellation, si on veut, d'artisan que les autres ou que l'ensemble du secteur.

Ma question, c'est: Ce que vous demandez, là, dans le fond, c'est qu'on reconnaisse une entreprise qui aurait été l'artisane, qui serait les artisans du développement d'un produit, si l'entreprise, même si elle grossit, continue à respecter le principe de fabrication qu'il y avait de son produit à l'origine. C'est ça? Peut-être, je ne suis pas vraiment clair, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non, non, vous êtes assez clair. Mais on va laisser M. Lafontaine répondre.

M. Lafontaine (Gilles): Oui. Bien, c'est-à-dire qu'il y a deux volets, à mon sens, dans la présentation, au terme... Il y a la définition qui est proposée, construite sur l'individu, à laquelle je dis: On devrait plutôt se diriger vers le produit de type artisanal. Et il y a la notion de l'artisan d'une oeuvre, ou d'un secteur, ou de... un peu... Bon.

La question qu'on s'est posée, nous... C'est qu'on a toujours sous notre propre signature corporative ? et là je vous montrerais tous les documents de communication qu'on crée ? et inclus avec notre logo: Tournevent, L'artisan du chèvre québécois. Moi, ce que ça a sonné à mon esprit, quand j'ai vu ça, c'est que je n'aurai plus le droit de dire ça. Ce n'est pas juste une question de le mettre sur ton produit, là, oublie ça, tu n'auras plus le droit. La question, c'est: C'est-u vrai? Pourquoi je n'ai plus le droit, si on peut considérer que finalement on a une facette d'avoir été artisan de quelque chose?

Alors, je me dis: Il faut peut-être séparer ça du projet de loi. Est-ce que ça se fait? Là, écoutez, il y a peut-être des exceptions qui peuvent se faire dans une loi, que je ne peux pas vraiment vous proposer, mais je dis: Il me semble qu'il faudrait reconnaître qu'il y a deux volets au sens «artisan», et, dans le deuxième volet, bien, là, c'est dire: Est-ce que la notion d'artisan telle que proposée est trop restrictive? Et je sais qu'on tend à la rendre restrictive pour respecter, disons... Mais en même temps, nous, on se sent un peu bafoués, j'avoue, du fait qu'on rattache ça à l'individu, alors qu'on a vraiment le sentiment d'avoir toujours construit...

La stratégie de mise en marché de Tournevent a toujours été construite sur son concept artisanal, sur la simplicité des outils qu'il utilise et tout le concept d'humain qui est en arrière. Mais ce n'est pas un, c'est plusieurs individus peut-être. Mais ça, ça s'est fait au fil des ans, ils ont commencé ils étaient juste tous les deux, puis, à un moment donné, il s'est ajouté du monde. On n'est pas si gros que ça dans notre tête. Je vous disais: Par rapport à ce qu'on voit en termes d'industrie, on est petits, on est même une goutte d'eau. Et à quelque part on se dit: Est-ce que ce fait-là, ça ne viendrait pas nuire ou porter un certain préjudice à une entreprise comme Tournevent?

Moi, j'ai le sentiment que, quand quelqu'un achète notre Chèvre noir, c'est une référence qu'il a. Cette référence-là, elle dit quelque chose, là: AÏe! ça, là, c'est un maudit bon produit. Non, mais c'est un produit... il n'est pas juste bon. Mais les gens qu'il y a en arrière puis la façon de le faire, là, c'est ça, la référence que les gens ont, c'est ce qu'il y avait comme culture, comme valeurs en arrière, et ça, je ne veux pas l'enlever au petit artisan qui a son diplôme, mais j'ai l'impression qu'on va nous empêcher d'avoir cette reconnaissance-là. Donc, ça risque un peu de nuire à notre image et m'obliger à bifurquer puis à dire: Bien, regarde, il va falloir que je m'équipe comme un industriel, puisqu'aujourd'hui je suis reconnu comme ça. Si je n'ai pas le droit d'utiliser le nom «artisan», quel nom j'utilise? On va me qualifier d'industriel, et ce n'est pas le cas, quand je me retrouve à côté des produits, sur la même tablette de produits industriels. Je fais ça de façon différente. Et on a toujours fait vivre un certain univers symbolique autour du nom Tournevent, mais c'est un peu ça qu'on fait vivre dans le terroir puis les petites entreprises qui font les choses différemment.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

n(16 heures)n

M. Arseneau: Oui. On sent que la passion vous emporte. J'ai lu avec attention votre mémoire, et c'est intéressant, la réflexion est intéressante, à savoir: Est-ce que... Peut-être, il faudrait le demander aux spécialistes du MAPAQ qui sont avec nous, à savoir si l'utilisation de la mention «artisan du fromage Tournevent» ? c'est ça? ? ...

Une voix: ...

M. Arseneau: ...«Artisan du chèvre québécois», ou quelque chose comme ça... Ça, il faudrait voir. Mais, je pense, quand on regarde même le contenu de votre mémoire, on se rend compte, par exemple, qu'il existe aussi deux sens à l'utilisation du mot «artisan» lié à l'origine d'un produit. On peut dire de l'auteur ou du responsable d'une réalisation qu'il est l'artisan de cette réalisation. Je pense que, là, ce n'est pas... à mon humble avis, là, je peux me tromper, mais je ne pense pas que ce soit le sens premier du mot «artisan». C'est un sens qu'on a donné récemment au mot «artisan».

Le mot «artisan» dans son sens premier, c'est celui que vous décrivez, là, à la page 5, le deuxième, c'est celui d'un artisan qui «est un travailleur manuel utilisant des procédés», vous le définissez vous-même. Et je pense qu'il faut remonter avant la révolution industrielle, à l'époque où c'étaient des guildes d'artisans, c'étaient nos premiers syndicats ? ils sont plutôt décriés, de ce temps-ci, mais c'était ça quand même, là ? qui protégeaient leur métier d'artisan.

Est-ce que vous voyez vraiment un danger? Est-ce que, par exemple, je ne sais pas trop, moi, si on va dans ce sens-là... Parce qu'autrement que ça ? c'est la discussion qu'on avait, ce matin ? on devra se restreindre à une appellation «fermier». Si on n'est pas capables de baliser la question du mot «artisan», on va avoir un problème. Je pense qu'il y a encore des réflexions à avoir avec tout ça. Mais est-ce que vous pensez que ça peut... D'abord, il pourrait arriver donc qu'un produit ait une appellation artisane, mais que vous puissiez indiquer que vous êtes les artisans, je ne sais pas trop, là, l'entreprise pourrait l'indiquer. Je ne sais pas trop. Mais on a encore des réflexions à faire, c'est ça que je comprends là-dedans, puis j'aimerais vous entendre.

Parce que l'ultime évolution de l'industrialisation, c'est la mondialisation. En fait, c'est elle, en grand, qui a amené ça. Mais là, aujourd'hui, ce qu'on voit comme possibilité, avec les produits de niche et du terroir, même pour des petites entreprises, de s'inscrire dans ce monde, dans cette tendance de la mondialisation... Et je pense que, là, il y a comme une contradiction. Vous le dites, hein, que la loi du marché n'est pas prévue pour protéger les petites entreprises. Je l'ai vu, là, votre phrase, à la première page de votre mémoire. C'est vrai, ce que vous dites là. Alors, il faut trouver une façon de protéger des appellations pour des petites entreprises, tout en, bien sûr, permettant aux grandes de se développer ? vous ne pensez pas? ? ou aux petites de grandir, de devenir moyennes et peut-être grandes.

M. Lafontaine (Gilles): Je ne voudrais surtout pas empêcher les très petites de se développer. L'argumentation que j'apporte, elle est construite sur une réalité d'entreprise qui a 26 ans quand même, et qui ne vient pas de commencer, et qui a fait qu'avec le temps elle a grandi. Mais, moi, j'ai vraiment le sentiment qu'on est encore petits, même si pour certains on est très gros ou trop. Par rapport à une dimension de fromager fermier, admettons, ou un très petit artisan qui travaille avec 100 chèvres, c'est clair que Tournevent peut apparaître comme un géant. Mais j'ai comme l'impression que ce n'est pas le cas. En tout cas, quand je regarde les lois du marché, ce qui existe en Europe, il y a une différence énorme entre les entreprises de calibre international là-bas puis les nôtres, là. Il se transforme ici 6 millions de litres de lait au Québec, dans le chèvre ? pour prendre le chèvre, là, comme exemple ? alors qu'en Europe c'est... je ne me souviens pas exactement, mais je pense que c'est au-delà de 200 millions. Alors, c'est quand même très gros, là. Et quelques entreprises qui possèdent tout un...

Mais je sais qu'il faut distinguer deux choses. La signature corporative, qui nous apparaît quand même être très évocatrice, dans le sens de Tournevent, L'artisan du chèvre québécois, c'est quelque chose d'important pour Tournevent, ça répond à quelque chose, que Tournevent a été... je ne veux pas dire «le» mais parmi les pionniers et a continué à bâtir cette industrie-là. Ça, à mon avis, ça ne peut pas être enchâssé dans un règlement, quelque part, là, il me semble, en tout cas. Maintenant, quand on parle de plus concret, dans le sens du marché puis qu'un produit est sur une tablette à côté d'un autre, on a une référence. Et j'ai peur que la notion, à mon sens trop restrictive, de la définition qui est proposée, puisque Tournevent n'y aurait pas droit, je pense, fait en sorte que c'est un peu discriminatoire, puisque cette référence que Tournevent a dans la tablette, elle doit être issue du même acabit que celui d'une petite entreprise du terroir sur la côte, à Saint-Paul. Tu sais, je ne pense pas avoir moins de vertu que le Pied-de-Vent des Îles-de-la-Madeleine.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): On va arrêter là, M. Lafontaine. On laissera les comparaisons à plus tard. Et je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Lessard: Alors, merci. Je sais que le député et aussi mon collègue veut...

Une voix: Non, allez-y, M. le ministre, je vous en prie.

M. Lessard: Bien, je vais faire un petit... Je vous écoute, vous invoquez plusieurs, là... C'est sûr que, vous, le Tournevent, le député des Îles, c'est le Pied-de-Vent, là on s'anime, hein?

Une voix: On est dans le vent.

M. Lessard: On est dans le vent. Vous faites appel à plusieurs concepts. Là, je vais essayer d'en ramener quelques-uns. Exemple, quand vous invoquez le fait qu'avec la définition Tournevent ne se qualifierait pas. Je regarde un peu le guide qu'on avait déposé: «Les conditions pour l'utilisation de la mention sont les suivantes: Celui qui prépare un produit artisanal, l'artisan[...]. Le produit devrait être préparé selon le savoir-faire de l'artisan et impliquer sa participation[...]. La préparation du produit nécessiterait un travail manuel entre chaque étape[...]. La préparation se ferait...» Il n'y a pas de... on ne détermine pas nécessairement un nombre de personnes, là.

Alors, vous craignez que... Parce que j'ai bien entendu, contrairement... Exemple, je vais prendre deux produits, puis dans le fromage: Oka puis Tournevent. Tournevent, vous me dites qu'actuellement, même si vous avez été achetés par Damafro, même si c'est un industriel laitier, il respecte encore la façon dont vous faites traditionnellement le produit depuis 25 ans, avec des évolutions puis la pasteurisation, etc. Ce qu'on me dit d'Oka, c'est que là c'est Agropur finalement qui le produit avec son lait, puis c'est une méthode, mais ce n'est plus vraiment ce que les pères ou les trappistes faisaient. Alors donc, c'est vraiment une... Alors, si on est capable d'encadrer ce volet-là, que la méthode est encore respectée, le lieu, etc., vous pourriez vous accrocher à ça et vous pourriez avoir une appellation réservée? Parce que vous...

Une voix: ...

M. Lessard: Vous utilisez le mot?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Lafontaine.

M. Lafontaine (Gilles): Si on pouvait encadrer cette facette de façon de faire?

M. Lessard: Oui.

M. Lafontaine (Gilles): Oui. Je pense que c'est... Écoutez, moi, je la mets sur la ligne de départ, je mets ça comme étant le critère de base principal qui définit, caractérise le produit: c'est sa façon d'être fait, c'est les procédés qu'on utilise.

Oka aurait pu continuer, Agropur aurait pu décider de poursuivre la fabrication tel que le faisaient les Pères trappistes à l'époque. Je peux comprendre que, pour une question de compétitivité puis d'élargissement de marché, ils ont décidé de ne pas le faire de la même façon puis qu'ils l'ont industrialisé. Je n'ai pas vu leurs équipements, mais je peux supposer qu'avant ils lavaient ça à la main puis, aujourd'hui, ils lavent ça avec des machines. J'ai vu des équipements de ce type-là. Puis ça, bien c'est toute la différence. Est-ce qu'on continue à le laver à la main ou si on le fait avec des équipements qui brossent le produit? Parce qu'une croûte lavée ça peut être fait mécaniquement ou manuellement. Moi, je pense que ceux qui le font manuellement utilisent le procédé simple, et ça devrait pouvoir se qualifier. Et je pense qu'il y a des vertus rattachées derrière le fait de le faire manuellement aussi.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, M. le ministre.

M. Lessard: O.K. Vous avez évoqué une autre notion: en France, l'artisan, etc. Puis il y a une loi sur l'artisan, en France. C'est très, très encadré, l'artisan, c'est très défini. On remet le prix de l'artisan, mais ce n'est pas nécessairement à «fermier», ça peut être artisan de toute autre façon de produire, outils, etc. Alors, des fois, on veut comparer ou importer des concepts européens ici, ou français, et toutefois il y a tout un développement derrière ça.

Je reviens. Donc, ce qu'on veut, ce qu'on veut dans le fond, c'est être capable, oui, les petits puis les moyens... Et le député l'a soulevé tantôt, sur la problématique: on demeure artisan jusqu'à quand? C'est que tu pars avec un produit artisan, parce que tu le fais de façon traditionnelle, avec le nombre de personnes, de façon non automatisée, et un jour tu grossis. Mais là tu l'as enregistrée, ton appellation réservée. Un jour, tu grossis. Est-ce que, là, il y aurait la perte de ce volet-là?

M. Lafontaine (Gilles): Tu pourrais perdre ton appellation, effectivement.

M. Lessard: Donc, parce qu'il y a quelqu'un qui le contrôle, parce que nécessairement il y a un cahier de charges, et donc, si tu changes les règles du cahier de charges, on pourrait donc la perdre, donc garder ce volet... perdre ce volet sensible là que sont les produits du terroir. Dernièrement... C'était plutôt un commentaire avant, parce que mes collègues vont vouloir poser des questions.

n(16 h 10)n

Je vous écoute aussi depuis le début, et vous parlez, bon, des produits, mais vous parlez aussi de votre marque de commerce, dans le fond. Vous êtes l'artisan d'une marque de commerce. Vous vendez du Tournevent. Alors donc... Et ça, ça se distingue un peu des appellations réservées, honnêtement. Parce que, vous, aussitôt qu'on mentionne Tournevent, c'est ça, vous avez réussi à vendre l'image qui va en arrière de Tournevent. Alors, ça, c'est une autre... ça se distingue un peu entre les marques de commerce et la Loi sur les appellations réservées.

M. Lafontaine (Gilles): Je comprends l'aspect collectif d'une loi sur les appellations réservées, et il m'apparaît même complexe d'importer cette loi-là ici, au Québec. Ce ne sera pas simple, avec notre culture nord-américaine qui est très axée sur les marques de commerce et moins sur le contexte collectif. J'ai toujours pensé que ce qui était le plus probable au Québec, à part que de dire: Il y a trois, quatre producteurs qui décident qu'ils vont en faire une avec eux autres, dans leur petit monde, là, ce qui est le plus probable ici, c'est un label de qualité qui pourrait éventuellement aboutir et être un peu plus inclusif.

Mais, demain matin, c'est clair que, si je devais faire une appellation réservée avec Le Chèvre noir, par exemple, je dois comprendre que je donne accès à tout le monde de pouvoir fabriquer du chèvre noir s'ils en respectent le cahier de charges. Ce n'est pas sûr qu'il y en a beaucoup qui vont embarquer là-dedans, je pense. À moins qu'on me dit: On commence, puis là, bien, nous autres, parce qu'on commence, on peut se permettre de, on n'a pas de référence.

Alors, le label de qualité est probablement ce qui est le plus probable qui pourrait arriver. Et c'est, je pense, un projet qu'on a, à La Société des fromages, d'intégrer ici même, de ce côté, peut-être, cette possibilité d'avoir un label de qualité. Et on espère, moi, j'espère que ça pourra s'inscrire à l'intérieur de la loi, que ça ne peut pas être complètement quelque chose d'à côté, parce que c'est quand même quelque chose de structurant, je pense.

Mais je sais qu'on n'est pas là pour parler de ça, mais ça demeure quand même important que la loi puisse permettre d'inclure des outils de ce type-là qui vont valoriser les produits du terroir. Puis l'objectif de labeliser est un peu d'offrir une reconnaissance, un genre de référence qui est un profil type.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Lafontaine. M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Lafontaine, M. Resther. C'est très intéressant parce que ce que vous avez soulevé, avec vos propos, ça m'a soulevé un questionnement. Le premier, entre autres, est justement l'achat d'une entreprise dite artisanale par quelqu'un d'autre qui soit un plus gros ou quelqu'un de même niveau. Puis là, à ce moment-là, je me disais: Pour garder l'accréditation artisanale, est-ce qu'il n'y aurait pas, à ce moment-là... ça n'impliquerait pas des limites? C'est-à-dire, pour garder ton critère artisanal, il faut-u que tu sois acheté par un autre artisan? O.K.? Question.

Un cas extrême, un cas extrême, puis je voudrais savoir qu'est-ce que vous en pensez. Mettons que, moi, je m'appelle... je suis Saputo puis je décide de faire un produit artisanal, c'est-à-dire que, dans un des coins de ma grande usine de production, je mets en place une unité de production manuelle pour un type de fromage. Est-ce qu'à ce moment-là tu dis que je peux faire un produit artisanal?

À ce moment-là, ça devient complètement contre le principe de dire: On veut travailler, puis des produits de région. Parce que, si je regarde la définition simple de qu'est-ce que pourrait être un artisan ou qu'est-ce que vous parlez: dans une grande entreprise, tu mets une shop dans un coin, tu fais ton procédé à la main, de manière simple et tu crées un produit artisanal. Puis est-ce qu'on ne devient pas, à ce moment-là... qu'on contredit le principe de qu'est-ce qu'on veut donner artisanal?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Lafontaine.

M. Lafontaine (Gilles): Je le dis, à un moment donné, dans mon rapport, moi, en tout cas, je suis du côté de ceux qui pensent qu'à partir du moment où tu respectes les règles tu y as droit. Alors, que tu t'appelles Saputo, Agropur ou qui tu voudras, si tu respectes les règles... La charte est importante, maintenant, il faut l'établir. Mais ce n'est pas tout le monde qui va vouloir entrer dedans. Puis j'ai envie de vous dire qu'ils n'embarqueront pas dedans justement parce qu'elle est trop restrictive, justement parce qu'elle n'est pas de nature compétitive. Ils n'embarqueront pas là-dedans. Je ne pense pas, en tout cas.

Et peut-être qu'il faudrait voir... Parce que j'essaie évidemment, dans mes réflexions, de voir comment on peut trouver une façon honnête d'assumer un compromis entre ce que vous présentez et ce que je propose, admettons. Je ne sais pas s'il peut y avoir une étape. Est-ce qu'on ne peut pas penser qu'un individu puisse obtenir une forme d'accréditation comme artisan puis qu'en même temps on puisse aussi reconnaître un produit typique?

Parce que je n'ai pas de nom à donner ailleurs, actuellement, autre qu'artisanal à un produit comme Le Chèvre noir de Tournevent. Je n'en ai pas, de nom. Des fois, chez nous, on dit qu'on est un artisans en volume. Ça n'existe pas nulle part, ça, à date, dans le vocabulaire. En tout cas, je n'en connais pas. Il y en a qui vont dire: Ça, c'est juste la frontière avant de devenir industriel ou c'est peut-être un semi-industriel. Écoutez, on n'est pas industriels parce que la façon dont on fait les choses, ce n'est pas de nature industrielle et...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien, M. Lafontaine. On va revenir. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Très, très rapidement parce que...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il vous reste sept minutes à l'opposition officielle.

M. Arseneau: Oh, sept minutes? Parce que mes collègues veulent intervenir. En tout cas, je ne sais pas comment on va faire pour me restreindre. Je vous demande de m'aider aussi, en passant. Bon.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous avez sept minutes juste pour vous.

M. Arseneau: C'est intéressant. Moi, je veux revenir. C'est parce que le débat, il est là, dans le fond, si on veut parler d'artisanal, d'artisan puis vraiment, là, avoir un cahier de charges puis... Alors, c'est un peu en contradiction avec ce que vous m'avez donné à la première réponse, où vous êtes d'accord avec les deux systèmes ou d'avoir un système où ça va être extrêmement difficile de rentrer dans le système puis d'avoir une appellation réservée où ça va être vraiment «produit fermier» ou «produit artisanal». Puis vous acceptez qu'avec une réglementation, pour d'autres, ce soit plus facile.

L'exportation, là, c'est la clé, vous l'avez mentionné tantôt. Pour le Québec, compte tenu du marché, c'est la clé. On a des avantages. Les fromages, ça n'a pas toujours existé. Notre belle Société des fromages, qui joue un rôle extrêmement important dans la promotion des fromages puis de la capacité du Québec, on en a besoin pour faire la promotion sur les marchés. Les gens de Boston, dans l'environnement de Boston, ils viennent acheter leurs fromages fins au Québec, à Montréal, ils prennent l'auto puis ils viennent. Alors, il y a la possibilité de permettre à des petites entreprises comme Tournevent peut-être de conserver des procédés. Il s'agit de bien définir, de bien placer.

Mais je crois qu'il y a comme une contradiction. Il faudra bien préciser d'abord le fait que, si on vise l'exportation, il faut enligner les normes internationales et être extrêmement sévères, extrêmement sévères. Un fromage feta, par exemple, sur le marché européen, c'est feta, personne ne peut prétendre à d'autres choses ailleurs que là où ça se fait puis c'est... C'est en Grèce, hein, Mme la Présidente? Je savais que vous le saviez.

Alors, ce que je vous demande, c'est: Est-ce que... Parce que là on peut profiter de votre expertise. Mais est-ce que vous ne pensez pas que là-dessus les travaux, la réflexion n'est pas terminée puis qu'il faudrait absolument, là, qu'on en arrive à trancher?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Lafontaine.

M. Arseneau: Rapidement, pour permettre à mes collègues de poser des questions.

M. Lafontaine (Gilles): Bien, écoutez, moi, je n'ai pas l'impression d'être contradictoire, en ce sens que mon fondement est encore construit sur les procédés et la charte qui va définir qu'est-ce qui rentre, qu'est-ce qui ne rentre pas. Et c'est dans ce contexte-là que je ne discrimine personne.

Je peux comprendre qu'un Saputo de ce monde, qui a des ambitions de profitabilité, puis de développement, puis de productivité, ça ne rentre pas tout à fait dans ce cadre-là, mais, s'il décide, demain matin, d'acheter un artisan, puis là, écoute, c'est une cellule, c'est une minicellule mais qui respecte le cahier de charges, moi, j'ai le sentiment que ce produit-là respecte les règles. Il a beau s'appeler Saputo, ça reste que derrière, là, c'est un produit de nature artisanale. Alors je n'en fais pas, de différence.

Je ne veux pas pour ça enlever les droits ou les... aux petits artisans réels, là, dans le sens de l'individu, mais j'ai comme l'impression que c'est le produit qu'on achète et c'est lui qui doit avoir... c'est lui qui définit la nature artisanale. Et, si on n'a pas cette référence-là, quelle référence qu'on a pour les produits qui sont construits de nature artisanale mais qui n'ont pas droit à l'utilisation du terme à cause de la définition? Je ne sais pas si je réponds...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Lafontaine. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je veux vous remercier d'être là. Je pense que c'est extrêmement important, quand on joue avec des concepts qui peuvent avoir tellement d'influence sur les entreprises de tous et chacun, d'avoir le point de vue de quelqu'un qui a une longue expérience dans ces choses-là.

Votre mémoire est extrêmement intéressant, mais je vous avoue que j'ai un peu de misère à le suivre. Je vais vous expliquer en deux mots ? parce qu'il y a très peu de temps ? la contradiction, la non-continuité qu'il y a entre deux parties de votre programme.

Vous avez, au début, l'objectif. À la page 2, vous exprimez que «tout le monde s'entend pour dire que, pour soutenir le développement des régions et reconnaître les efforts des producteurs, [ainsi de suite], il est impératif d'assurer la protection des créneaux de marchés à des produits de niche». Bon. Et ensuite de ça, vous dites: «Le rapport Desjardins déposé en octobre décrit bien l'importance de maintenir une activité agricole et artisanale en région.»

Mais ensuite vous passez à un autre point de vue qui me semble assez différent: «L'objectif fondamental de ce projet est donc de mettre en place un système pour protéger le vrai du faux, [donc] d'opposer l'authentique à la copie.» Ça, c'est au point de départ.

n(16 h 20)n

Mais, si on va à la page 6, vous arrivez à la conclusion que ce qu'il faut protéger, c'est le concept de procédé de fabrication. Alors, dans les hauts de Rimouski, par exemple ? prenons une hypothèse ? on développe un procédé de fabrication. Ça va bien, ça se vend, on a 50 employés. Arrive Agropur ou Saputo, achète le procédé de fabrication et des marques et s'en va fabriquer ça dans le coin de l'usine à Granby, où est le développement de la région là-bas. Est-ce qu'étant donné que l'économie mondiale favorise... est centripète, favorise la fuite vers les centres, est-ce qu'on va constamment vider les régions de ses meilleures initiatives économiques qui lui permettraient de vivre et d'être un élément dynamique dans l'économie? J'ai de la misère avec ça. Quelle est la solution?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, M. Lafontaine, il vous reste trois minutes pour clarifier votre pensée et lever les ambiguïtés.

M. Lafontaine (Gilles): Écoutez, je vais essayer d'être le plus clair possible, mais, moi, je ne sens pas de contradiction parce que je considère qu'une entreprise du niveau de Tournevent fait partie de ces produits du terroir qu'on devrait protéger. La véracité derrière la façon de faire fait en sorte que je pense qu'on ne doit pas construire des règles pour l'empêcher d'être ce que c'est.

Il faut donc s'assurer que, si on fait un règlement ou une loi, que ça ne vienne pas nécessairement... que ça ne vienne pas exclure quelqu'un qui fait les choses de façon correcte. Alors, quand je dis que c'est les procédés qui définissent la façon... qui définissent le caractère d'un produit, à mon avis, c'est la base. Et une entreprise qui décide de suivre ce cahier de charges se contraint à une façon de faire qui est typique. Je ne vois pas nécessairement de contradiction à partir du moment où on s'assoit sur le principe que c'est les procédés qui priment.

Est-ce que maintenant ça peut permettre à des entreprises d'acheter? Bien, je le sais, l'exemple Damafro qui vient d'acheter Tournevent, est-ce qu'il va transférer ça à Saint-Damase? Bien, à mon avis, s'il le fait, il fait une erreur. Puis, s'il le fait, il va enlever justement ce contexte particulier auquel appartient Tournevent. S'il conserve les procédés qui sont déjà en place, ça ne fait pas de Tournevent quelqu'un de moins vertueux; au contraire, je pense que ça continue, point, c'est quelqu'un d'autre qui l'entreprend. Et c'est ce contexte-là que je voudrais qu'on protège. Cette façon de faire a défini les particularités d'un produit qui a ses spécificités et qui est aussi...

Moi, je ne sens pas de contradiction à ce niveau-là. Je sais que ça fait frémir quand on pense à un Saputo qui pourrait acheter un tel type d'entreprise puis qu'on voudrait peut-être éliminer cet accès. Je le comprends. Mais en même temps je me dis: Si Saputo a l'intelligence de suivre le cahier de charges, il va être contraint, là, ce ne sera pas simple, là. Puis d'après moi il ne le fera pas parce que justement il va comprendre que ce n'est pas compétitif puis que ce n'est pas dans sa façon d'être. Une question de «minding», de mentalité.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. Lafontaine et M. Resther, je vous remercie de la présentation de votre mémoire et des échanges que nous avons eus. C'est très intéressant. Alors, merci de votre contribution.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'invite les représentants de l'Union paysanne, M. Maxime Laplante, président, à prendre place devant la commission. M. Laplante, vous êtes accompagné, je crois, de M. Girouard. Alors, vous...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, vous allez évidemment nous présenter la personne qui vous accompagne. Et vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire et 20 minutes d'échange avec chaque groupe parlementaire. Soyez les bienvenus.

Union paysanne (UP)

M. Laplante (Maxime): Merci beaucoup. Bonjour, Mme la Présidente, mesdames, messieurs, M. le ministre. Donc, effectivement, premièrement, je vais vous présenter mon collègue ? il y a eu changement d'horaire ? donc Charles Cartier, qui est agriculteur et également vice-président de l'Union biologique paysanne, qui est un des syndicats affiliés à l'Union paysanne qu'on a fondé il y a à peu près deux ans. Pour ma part, donc, je suis agronome. J'ai ma ferme également, très diversifiée. En tout cas, ça fait partie du partage des activités familiales, également. Bon.

Donc, d'entrée de jeu, je vous dirais, il y a des points où on ne va pas se répéter. Il y a eu beaucoup d'interventions, de mémoires précédents, et, entre autres, celui de Solidarité rurale nous touche de très près. Donc, je disais... On a un peu convenu: Laissons Solidarité rurale présenter ce qu'il a fait. Et on est d'accord essentiellement avec leur mémoire. Ce qu'on va vous présenter, c'est quelque chose donc qui ne figure pas dans ce qui a déjà été dit. On voulait éviter la répétition.

Donc, premièrement, je vous dirais, je vais vous faire lecture du mémoire puis je vais y ajouter quelques commentaires. Donc, tout d'abord, on salue évidemment l'intention du ministère d'enfin se préoccuper de la question des produits du terroir et appellations. Donc, c'est avec un immense plaisir que nous répondons à l'invitation du ministère de déposer ce mémoire, car il touche une partie importante d'action de l'Union paysanne, soit de défendre et de faire émerger la paysannerie au Québec. De plus, il touche fortement nos membres et ceux que nous défendons depuis quatre ans, malgré le fait que nous ne sommes pas encore accrédités et que nos membres agriculteurs doivent payer encore une cotisation à l'UPA en plus de celle qu'ils versent à l'Union paysanne.

Nous souhaitons souligner l'importance de la portée possible d'une telle réglementation, ce qui doit nous amener tous à la plus grande prudence. Vous vous demanderez pourquoi notre mémoire déborde du simple projet de loi et touche à des aspects périphériques. Eh bien, tout simplement parce qu'ils nous semblent indissociables. Le terroir, pour exister, a besoin d'un environnement qui est stimulant, et le Québec n'a actuellement rien pour s'en vanter.

Nous présenterons donc ce mémoire sous trois aspects: un, les zones floues; ensuite, les obstacles ? ça va être le coeur du mémoire d'ailleurs ? concernant le démarrage, la mise en marché, les plans conjoints et l'abattage; et ensuite les recommandations.

Donc, premièrement, sur les zones floues. Pour l'appellation fermière, il est stipulé qu'il doit s'agir de production non industrialisée. Effectivement, on a vu dans l'intervention précédente que c'est parfois une notion mal définie et qui devra faire l'objet d'une définition. On est d'accord avec le débat.

Ensuite, on ajoute plus loin que les conditions d'élevage pourraient respecter les normes de densité et d'espace. Ces normes sont nettement insuffisantes. Est-il possible de penser à un terroir qui n'afficherait pas une notion écologique et vouée au bien-être animal?

Il est positif d'inclure les petites fermes qui ne sont pas reconnues, comme c'est mentionné dans le projet de loi. Mais justement elles devraient être reconnues pour être ainsi valorisées et incluses dans certains programmes.

Ensuite, pour l'appellation «artisanal», le fait d'exiger un diplôme réduit grandement les possibilités, surtout pour les autodidactes et pour les créneaux ne faisant pas l'objet d'une formation reconnue. Étant donné que tout ça est en démarrage, bien il va falloir donner une flexibilité au projet.

Les obstacles, maintenant ? et c'est vraiment le coeur de l'intervention. Tout en saluant la volonté du ministre de vouloir valoriser les produits du terroir, il est évident que l'intention est de leur donner une chance de se démarquer et de se développer. L'Union paysanne pense que des obstacles majeurs sont sur la route des agriculteurs et néo-agriculteurs voulant développer notre terroir. Ces obstacles mineront ce projet de loi dans sa portée comme dans les effets espérés. Il est donc essentiel que le projet de loi actuel soit le premier d'une série de changements au régime agricole en vigueur qui étouffe l'éclosion du terroir.

Premièrement, le problème de démarrage. Et là je vous donne vraiment le point de vue d'agriculteurs, de paysans, donc les gens qui sont en production, là. Au niveau de la production agricole, nous pouvons considérer qu'il y a deux types de producteurs: les fermes qui sont déjà existantes et qui voudraient diversifier leur production ou la réorienter; et ensuite de nouvelles fermes qui veulent démarrer.

Les nouveaux arrivants n'arriveront pas à s'installer de façon satisfaisante s'il n'y a pas un assouplissement de la part de la CPTAQ, Commission de protection du territoire agricole du Québec. Actuellement, il est pratiquement impossible d'acquérir une terre ou d'y habiter, à moins d'y faire de l'agriculture son occupation principale. Or, les productions susceptibles de porter l'étiquette «fermière», «artisanale» ou «du terroir» sortent des rangs et doivent nécessairement démarrer graduellement. Il est fort probable que ces fermes soient à temps partiel, surtout lors du démarrage.

Ensuite, problème de mise en marché des plans conjoints. On s'est dit en même temps qu'une image valait quelque centaines de mots. Donc, lorsque vous avez le lapin biologique, du terroir, conventionnel et que tout ça aboutit à un système de prix unique à l'autre bout, il est difficile de valoriser une plus-value quant aux techniques de production, etc. Actuellement, le lapin, il est payé 1,60 $ la livre, point à la ligne. Que ce soit du bon lapin, du mauvais lapin, etc., c'est 1,60 $, terminé, tant pis pour les détails de production.

Donc, les actuels plans conjoints ont été conçus à l'avantage des productions à fort volume et sont un véritable frein pour une production du terroir, artisanale et même biologique. Pour plusieurs, ils ressemblent plus à des cartels qu'à des offices de producteurs. Il est prioritaire, si nous souhaitons le développement de fermes de terroir et paysannes et pour l'agriculture biologique, de réformer les plans conjoints. Donc, il ne s'agit pas d'abolir le système de gestion de l'offre, il s'agit de le nuancer, de le modifier, mais cependant en profondeur.

n(16 h 30)n

Exemple: à quoi bon produire un lapin fermier ou biologique, de meilleure qualité, si le prix est fixé, au plan conjoint, à 1,60 $ la livre, ce qui est le cas? Et c'est valable pour le lapin, c'est valable pour le lait, c'est valable pour le poulet, c'est valable pour le porc, c'est valable pour un paquet de productions.

À quoi bon élever un porc de meilleure qualité en petite quantité, pendant une plus longue durée, si le prix est le même, s'il faut passer par le babillard électronique orienté sur la Bourse de Chicago et s'il faut en faire au moins 300 pour avoir droit aux subventions de l'assurance stabilisation?

Comment démarrer un poulet artisanal en élevage extérieur si le quota se transige à 700 $ le mètre carré? Prenons, par exemple, le cas de la poule Chanteclerc, race de notre patrimoine, qui devra éventuellement se retrouver sous une appellation réservée. Cette race nécessite un travail de sélection afin de retrouver ses caractères initiaux. Il sera impossible de voir un jour éclore son élevage à grande échelle si nous devons nous limiter à 100 poulets hors quota sans même pouvoir en commercialiser un seul. Les quotas de poulets, vous n'avez pas le droit d'en vendre un seul si vous n'avez pas le quota. Et bonne chance si vous voulez avoir les moyens d'en payer un.

Comment rentabiliser un fromage fermier lorsque vous vendez votre lait au syndicat et ensuite le rachetez à un prix plus élevé et que vous devez en plus payer des prélevés pour la commercialisation du lait? Votre syndicat ne peut pas vous aider parce que vous devenez alors un producteur fromager et non pas un producteur laitier.

Voilà les exemples d'un système qui est devenu abusif, qui tue l'entrepreneurship et qui est contrôlé par une clique.

Ensuite, le problème d'abattage. Pour les fermes fonctionnant avec de petits volumes de production, l'abattage représente un obstacle immense lorsqu'il doit exclusivement se faire dans un abattoir reconnu. Leur nombre décroissant fait simplement exploser les dépenses en transport. Payer un transporteur pour livrer 100 cochons et payer le même transporteur pour en amener deux, ce n'est pas le même impact sur les coûts de production. En outre, les abattoirs ont souvent des exigences peu adaptées aux petites fermes ou aux produits de niche: taille uniforme, régularité de livraison, heures de livraison, disposition des abats, etc.

D'autre part, l'affirmation voulant que l'abattage doive se faire dans un abattoir reconnu pour être sécuritaire relève de la légende rurale. À l'échelle canadienne, il y a environ 3 millions de cas d'empoisonnement alimentaire par année, selon la moyenne établie par l'OCDE. Et pourtant tous ces aliments ont passé par le système officiel d'inspection. Aucun inspecteur n'a le temps de surveiller effectivement les cadences de l'abattage industriel. N'oublions pas que la première vache folle était mangée et digérée depuis neuf mois lorsque le diagnostic est tombé. Et, si enquête a été faite, c'est bien parce que la bête ne tenait plus debout à son arrivée.

Le bilan récent concernant la médiocrité des abattoirs québécois en ce qui a trait au traitement des animaux est assez éloquent. Le Devoir du 31 août dernier rapportait que «près d'un tiers des abattoirs du Québec sous la responsabilité du gouvernement fédéral peinent à obtenir la note de passage en matière de salubrité mais aussi de traitement sans cruauté des animaux qui transitent dans leurs installations». On y relate même un épisode, «des contaminations fécales trouvées sur [des] carcasses de bovins chez Colbex, en mars 2004», abattoir dont je crois ? on a même confirmé maintenant ? que votre gouvernement vient de financer en tout cas un prêt de 19 millions, il y a quelques jours, encore là qui va permettre de consolider un monopole déjà attribué à une association en situation de monopole.

Quelle inspection plus sévère qu'un contact direct avec le consommateur? En mise en marché direct, le consommateur veut tout savoir: techniques d'élevage, disposition du fumier, abattage, conservation, etc. En cas de problème, la traçabilité est parfaite. Il est indispensable de favoriser l'abattage et la mise en marché à la ferme, comme le font une majorité de pays européens. Et, oui, il est possible de faire l'abattage à la ferme de façon sécuritaire et salubre.

Nous éviterons d'entrer dans le dossier du lait cru ? je pense que vous avez un conseiller qui est bien placé pour le faire ? qui, s'il était permis à la ferme, permettrait probablement à de nouvelles entreprises de naître et à d'autres de survivre. Rappelons rapidement qu'au moins 50 000 personnes en boivent quotidiennement sans tomber malades.

Recommandations. La première: modifier les règles de la CPTAQ pour permettre l'achat de terres et l'établissement des projets à temps partiel ou de faible envergure. Ça va être eux autres, les nouveaux artisans, les nouveaux producteurs de produits fermiers. Sans parler d'ouvrir la zone verte à des bungalows de banlieue, il faut arrêter de confondre la spéculation en périphérie urbaine et l'occupation du territoire en milieu éloigné. Donc, encourager le démarrage de fermes et l'occupation du territoire dans les régions éloignées, ça n'a rien à voir avec essayer de limiter la spéculation foncière aux abords de Laval ou de Québec. L'agriculture à temps partiel de petite taille a une importance majeure dans l'agriculture de créneau et de qualité, et on doit l'encourager. Il en va de l'occupation de notre territoire et de la vivacité de nos régions.

Deuxième recommandation: modifier les plans conjoints de façon à permettre une mise en marché directe de petit volume. Par exemple, revoir l'attribution des quotas, soit en permettant une production sans quota ou hors quota, ou de les rendre gratuits avec des critères d'attribution, ou encore de différencier des quotas commerciaux et des quotas de mise en marché directe.

Cette situation existe d'ailleurs déjà en Belgique, où il est possible d'obtenir un quota de vente directe. Donc, vous avez, en Belgique, des quotas de lait commercial et des quotas de lait de vente à la ferme. C'est la même chose en Allemagne, vous avez le droit de vendre 5 % de votre lait directement à la ferme sans passer par le système commercial. Du côté de l'Ouest canadien, dans certains cas on applique le «farm-gate sales»? littéralement: vente à la barrière de la ferme ? qui permet aux fermiers de vendre directement à la ferme sans être embêtés.

Évidemment, pour pouvoir modifier les plans conjoints et les quotas gérés par des agriculteurs déjà en place et sélectionnés comme tels, il est indispensable de permettre l'apparition d'un autre point de vue aux offices de producteurs.

Par exemple, seuls une vingtaine d'éleveurs ont été reconnus par l'UPA et donc consultés lors de l'établissement des PPA ? c'est la nouvelle appellation pour des quotas, là ? dans le secteur du lapin. Premièrement, le nouveau vocabulaire cache en réalité ces nouveaux quotas, et seulement quelques producteurs contrôlent maintenant le secteur. Pourtant, il doit bien y avoir plusieurs centaines de fermes où on élève encore du lapin au Québec. Moi le premier, depuis 30 ans, on ne m'a jamais invité. La même situation prévaut pour les poules, le poulet, le dindon, etc.

En conséquence, il est important que d'autres associations syndicales soient reconnues et puissent apporter des nuances à l'intérieur des plans conjoints.

Par exemple, si je vous donne ma situation concrète, j'élève du poulet, du porc, du boeuf, etc., du lapin depuis une trentaine d'années ou à peu près ? j'ai payé mes études, moi, une partie, avec ça ? et comment ça se fait qu'on ne me consulte pas, comme producteur, comme agriculteur, lorsqu'on implante un plan conjoint? Il y a, quoi, il y a quelques dizaines de producteurs de poulet ou de dindon au Québec, de lapin, c'est la même chose, et ils décident de contrôler la totalité de la mise en marché de ces produits-là pour la grandeur du Québec.

Et maintenant, si, moi, je veux continuer à faire du lapin, je suis obligé d'aller quêter un quota qui m'est refusé. Et pourtant c'est fait à la ferme, avec la famille, etc. Donc, je me retrouve absolument coincé. Si j'élève du porc puis que je suis obligé d'en avoir au moins 300 pour avoir d'autres subventions de l'assurance stabilisation, bien, je me retrouve dans la même situation. Ça fait qu'avec mes 15 cochons, bien, je suis loin du 300, ça fait que je n'y aurai jamais droit. Et c'est valable pour la multitude des produits, là. Tout le système au complet...

Vous aviez, tout à l'heure, la situation de l'entreprise Tournevent, qui dit, bien... La question était d'ailleurs fantastique, j'aurais aimé l'inventer: le cas de Saputo qui décide d'avoir une petite section pour étiquetage artisanal. C'est exactement ça, le problème. Et comment on va faire? La seule façon, à mon sens, c'est de permettre à une multitude de faire un démarrage, donc de faire une concurrence à Saputo. Tout le système actuel est orienté vers un seul modèle unique de production qui pousse à la concentration, qui pousse à l'accroissement des fermes, et donc c'est une question de temps avant que Saputo trouve que ça devienne intéressant d'avoir l'étiquette artisanale ou fermière et mettre la main là-dessus.

Moi, ce que je constate également, puis c'est un commentaire peut-être personnel, c'est qu'on fait face à une situation un peu paradoxale de la part du gouvernement. Pendant l'été dernier, le gouvernement du Québec a remis à l'Union paysanne le prix Claire-Bonenfant pour la reconnaissance de ses valeurs et principes démocratiques. Donc, par la bande, on reconnaît qu'effectivement on a raison d'être et qu'il y a une valeur démocratique, en disant: Il n'y a pas de place pour un monopole normalement dans une société ouverte. Et, à côté de ça, bien, le gouvernement continue à maintenir en place une situation de monopole. Et la clé se trouve là.

Vous voulez présentement vous préoccuper du terroir, du produit bio, artisanal, fermier, appelez-le comme vous voulez, mais vous avez un système en place qui est tout à fait contre ça. Et vous allez avoir besoin d'alliés pour défendre ces points-là, pour représenter les agriculteurs sur ce dossier-là, et il va devenir essentiel d'ouvrir les tables des offices de producteurs, les plans conjoints, non pas de les abolir, d'ouvrir le syndicalisme agricole. Ce sont des dossiers qu'il va falloir absolument mettre sur la table, sinon vous allez continuer à avoir les problèmes existentiels du contrôle éventuel de Saputo, ou d'Agropur, ou quoi que ce soit sur vos étiquettes artisanales. Et vous allez avoir le problème dans la forêt privée, vous allez avoir le problème pour tous les autres secteurs de production, vous allez avoir le problème pour l'occupation du territoire et etc. Donc, tant que vous ne mettrez pas sur la table... Donc, la critique n'est pas tellement sur le contenu de votre projet de loi que sur ce qui n'y est pas, dans le projet de loi, donc les éventuels obstacles, etc.

O.K. Avant de passer aux questions, je vais laisser Charles Cartier intervenir sur la question, entre autres, du financement et de la certification.

M. Cartier (Charles): Oui. O.K., du financement, c'est ça. Présentement, c'est le CAQ qui s'occupe d'appliquer la Loi sur les appellations, sur les produits biologiques, puis son financement est toujours au minimum. Puis il faudrait quand même penser à ajouter un financement adéquat, c'est-à-dire permanent, qui ne soit pas une surcharge pour l'administration au CAQ de voir à faire appliquer et à faire respecter la loi, cette nouvelle loi.

Puis également on pourrait mentionner qu'on est très fiers d'avoir une loi pour les produits biologiques puis qu'on aimerait que cette nouvelle loi vienne renforcir déjà notre première loi et non de venir la minimiser à long terme, la banaliser face à l'industrie. Il ne faut pas oublier que l'agriculture biologique, malgré sa marginalité, c'est une agriculture de culture d'entrepreneurs, de visionnaires, qui a une influence sur les tendances du marché, de la consommation et de la qualité des produits.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): C'est beau? Vous avez fini? Merci beaucoup. Alors, on commence l'échange. M. le ministre.

M. Lessard: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Laplante, M. Cartier, bienvenue. Ça fait extrêmement plaisir d'entendre aussi votre discours sur la façon de tout ce qui entoure finalement les produits du terroir, la mise en marché, la valeur, la reconnaissance, produits de niche, produits régionaux.

n(16 h 40)n

Toutefois, je regarde, depuis que je suis dans la Loi sur les appellations réservées, quand je vais à l'épicerie, ce n'est plus pareil, je regarde ça autrement. Et je dois quand même dire qu'il y a nos producteurs agricoles, au Québec, qui font des efforts extraordinaires pour développer des façons de faire, des petites manières, des compotes à l'ancienne, des pains faits artisanal, etc. Outre la loi, quand je vais à l'épicerie, je suis obligé de dire qu'il y en a qui en mettent en marché, des produits. Honnêtement, là...

Et, indépendamment des problématiques que vous soulevez, là, sur les plans conjoints, etc., la mise en marché de votre lapin, je regarde, là, tu sais, les bleuets du Lac-Saint-Jean, tout le monde s'est développé sa propre patente, le caviar d'esturgeon jaune, je ne sais pas, de l'Abitibi, je ne sais pas, l'agneau de Charlevoix, tout le monde quand même travaille fortement à amener ces produits-là pour atteindre, un, une cible, d'aller sur la tablette, et que le consommateur reconnaisse que c'est un produit régional. C'est un fromage... un Pied-de-Vent, on le sait, ça vient d'où, tu sais?

Alors, je me dis: Oui, il y a probablement des obstacles que vous soulevez et que vous revendiquez, toutefois il y a des gens qui arrivent quand même à atterrir dans nos tablettes, à l'épicerie, puis il y a une personne qui est prête à payer même pour ça, reconnaissant la valeur ajoutée ou le goût, hein? Parce que je sais que Solidarité rurale disait... ou c'est Bis la boulange qui disait: Il y a autant de terroirs, autant qu'il y a de façons de faire, et ça appartient plutôt au consommateur... c'est lui qui détermine finalement si c'est un produit du terroir, parce qu'il est prêt à l'acheter, il est prêt à le consommer puis il est prêt à payer un prix appréciable pour ça.

Alors, on essaie de faire une loi sur les appellations réservées qui a été instaurée, qui a eu... bon, la filière biologique... on a pu, à travers les problématiques que vous soulevez, on a quand même réussi à avoir une filière biologique qui traverse la consommation intérieure mais aussi à l'international et on a trouvé une façon de faire. Est-ce que ce n'est pas un peu réducteur quand vous dites: Il n'y a rien à faire, tout est un frein, on ne peut pas mettre en marché, il faut revoir... Je vous pose la question parce que vous êtes très animés puis j'aime ça de même. On va avoir une discussion ouverte. Allez-y.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Laplante.

M. Laplante (Maxime): Merci. Donc, effectivement, dans le mémoire, je mentionne qu'il y a deux types d'agriculteurs ou deux types de candidats à la production du terroir. La première catégorie, c'est celle que vous décrivez très bien, c'est celle d'agriculteurs déjà en place ? et effectivement les efforts sont tout à fait louables puis fantastiques ? puis c'est ça, donc c'est quelqu'un qui a déjà une production de poulet, il a déjà un quota en place, il décide un jour: Bon, le produit du terroir, moi, ça m'intéresse, je convertis une partie ou la totalité de ma ferme à ça. Mais il est déjà embarqué dans le système, donc il n'a pas à débourser un demi-million ou 1 million de dollars pour convertir. Il est là, le détail.

Donc, loin de là l'intention de dire qu'il n'y a aucune initiative, ce n'est pas du tout... Désolé si c'est ça, le message qui a été perçu. Pas du tout. Cependant, moi, je pense également aux centaines ou aux milliers de personnes qui disent: Bien, moi, je voudrais bien, là. J'ai moi-même un fils qui essaie de s'installer depuis des années puis qui n'y arrive pas. Parce que, bon, c'est évident que, s'il veut commencer un créneau, bien il ne peut pas s'embarquer là-dedans à temps plein, il va vouloir commencer petit, mais il ne peut pas construire sa maison sur la ferme, puis là il ne peut pas avoir accès aux quotas.

Et actuellement le nombre de fermes au Québec, là, est en chute libre. On est rendu à peu près à 28 000 fermes, et ça continue à baisser assez rapidement. Uniquement dans le secteur laitier, on en a à peu près 8 000, et même la Coopérative fédérée nous annonce que, d'ici 10 ans, ça va être à peu près 2 000. Bon. Donc, si on veut avoir encore vraiment des artisans dans le territoire et des fermiers dignes de ce nom dans le territoire, il va falloir donner une chance à une relève. Actuellement, il n'y a pas de relève. Je ne dis pas... pas parce qu'il n'y a pas d'exceptions, là. Il n'y a quasiment pas de relève au Québec. Et c'est à ceux-là que je pense aussi, qui vont devoir se battre.

Quelqu'un qui a reçu un quota gratuitement, là, dans les années soixante-dix, dans le cas du lait, par exemple, là, et qui dit aujourd'hui: Moi, mon quota, il vaut 1,4 million ? ce qui est à peu près la valeur moyenne du quota sur une ferme laitière, au Québec ? parfait, moi, je suis en concurrence directe avec le petit nouveau qui veut débarquer, là, puis qui voudrait démarrer une production avec 20 vaches, 25 vaches ou 40 vaches, comme moi; lui, il ne l'a pas, là, le 1,5 million pour démarrer, alors que, moi, je l'ai reçu gratuitement. C'est une situation de concurrence tout à fait déloyale entre les deux. C'est ça qu'on déplore. Puis en plus, si c'est tout petit, bien, ça va être l'aide au financement qui va être réduite, puis on tourne en rond. Donc, c'est non pas le fait qu'il n'y a strictement rien à faire, au contraire.

Et d'ailleurs la structure des plans conjoints, de façon étrange, autant on peut avoir des critiques dessus, autant la structure qui a été pensée dans les années cinquante, avec la commission Héon, était flexible. Vous n'avez pas à changer grand-chose sur la structure des plans conjoints, c'est géré par un office de producteurs, et, dans l'office, on pourrait très bien avoir une diversité d'interventions. Sans même changer la loi vous pourriez dire, demain matin: Bien, dans l'office des producteurs, nous allons maintenant avoir un autre point de vue qui va être celui de la paysannerie, puis voilà.

Donc, lorsqu'on aura un plan conjoint, que ce soit sur les crevettes, sur les patates, sur les bleuets, en tout cas quelqu'un des 36 ou à peu près plans conjoints du Québec ? donc, exemple, foresterie ? bien il y aura une différenciation du plan conjoint parce qu'il y aura eu un mode de représentation d'une catégorie de producteurs ou de néoproducteurs. C'est dans ce sens-là que se voulait mon intervention.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le ministre.

M. Lessard: Merci. J'essaie aussi de me raccrocher un petit peu à mon projet de loi, là, tout en comprenant très bien votre façon de faire.

M. Laplante (Maxime): Ce n'est pas une tâche facile.

M. Lessard: Non, parce que vous parlez plus que moi. C'est correct. On définit «artisan», «fermier», êtes-vous à l'aise avec ça?

M. Laplante (Maxime): Oui.

M. Lessard: Est-ce que c'est réducteur? Est-ce que...

M. Laplante (Maxime): Non. Lorsqu'on a présenté un communiqué de presse d'ailleurs sur la question, on envisageait plus des zones floues, des zones à risque. Donc, on comprenait très bien l'essence et l'esprit du projet de loi. Dans le cas de l'appellation fermière, d'ailleurs ça semble assez bien correspondre à notre vision des choses et à l'intention. Bon.

La question est plus au niveau artisanal, et je pense qu'elle a été très bien soulevée tout à l'heure, c'était l'inquiétude face à un géant de l'industrie qui décide de s'accaparer... Et effectivement il va falloir boucher le trou, il va falloir trouver une façon de colmater la brèche ou, à tout le moins, de permettre qu'il y ait une vaste concurrence là-dedans, là.

Donc, essentiellement, je suis tout à fait à l'aise avec les deux principes, en autant, encore là, que ça ne devienne pas réducteur, comme je le mentionnais dans le mémoire, que l'appellation «artisanal» soit strictement réservée à quelqu'un qui a subi une formation ou qui a travaillé pendant deux ans auprès de. Si quelqu'un décide d'inventer une nouvelle sorte de confiture de groseilles demain matin, bien il n'y a pas nécessairement de formation rattachée à ça au Québec, il n'y a pas nécessairement une entreprise qui le fait déjà, donc il va être difficile pour quelqu'un d'avoir la formation reconnue s'il n'y a pas déjà de ferme... Vous me suivez un peu, là? Donc, en ce cas-là, entièrement d'accord avec l'esprit.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Trois minutes, M. le ministre.

M. Lessard: Merci. Depuis le début, plusieurs nous parlent qu'alors qu'on voulait faciliter l'accès, etc., sans en diminuer la qualité, on nous dit qu'on devrait plutôt regarder l'aspect du cahier de charges, qu'il y a une façon de faire, donc une portée collective au sujet de l'appropriation. Vous êtes confortables avec ça?

M. Laplante (Maxime): Oui, dans l'ensemble, oui. Encore là, comment va se faire, après ça, la surveillance? C'est qu'il va y avoir des nuances aussi, là. Je pense aux producteurs biologiques, par exemple, qui... Bon. Est-ce que la quantité de paperasse associée à ça va devenir une entrave?

Parce que, dans le cas de l'Europe, pour avoir habité en Allemagne moi-même pendant quatre ans, j'ai vu le problème assez fréquemment sur les appellations, ou sur les contrôles bios, ou sur l'octroi des subventions. C'est que la quantité de documents à remplir pour avoir droit à l'appellation ou à la subvention devient tellement immense que finalement la grande entreprise, elle, a les moyens de se payer un technicien pour remplir ces dossiers-là et la petite entreprise devient complètement débordée, que ce soit pour la traçabilité, que ce soit pour les subventions, etc.

Donc, encore là, il faut faire attention. Il faut assouplir, c'est ce qu'on dit depuis le début, il faut assouplir le système pour ne pas imposer un système uniforme et principalement axé sur la grande entreprise à tout le monde. C'est le dérapage actuel. On a une formule de plan conjoint qui est intéressante et on l'applique de façon uniforme, avec les effets désastreux que ça a. On applique un système de quotas uniforme, avec le désastre qu'on a. Et il ne faudrait pas tomber dans le même piège d'appliquer une formule uniforme puis, après ça, s'étonner que Saputo a occupé le marché. C'est un peu ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je veux vous souhaiter, M. Laplante, M. Cartier, la bienvenue à cette commission parlementaire. Je comprends que vous avez choisi justement de cibler, comme vous l'avez très bien expliqué, là, plutôt que de reprendre des choses qui ont déjà été dites, de soulever des problématiques qui entourent, là, finalement l'ensemble de ce secteur-là.

Très bref commentaire. M. Cartier, vous avez mentionné que, bon, vous reconnaissez que la loi sur les produits d'appellations réservées, en ce qui concerne le biologique, a fonctionné, vous l'avez reconnu, bon, etc. Je pense que Rome, qui est une très belle ville, ne s'est pas construite en une journée. Je pense qu'on travaille, c'est des changements qui sont assez longs. Il n'y a quand même pas si longtemps, on ne produisait pas tant de fromages que ça, de si grande renommée, au Québec, etc.

n(16 h 50)n

Je pense que c'est là l'objectif global du gouvernement, qu'il soit de ce bord-ci ou de l'autre côté ? actuellement, il est de l'autre côté ? l'objectif, c'est de faire en sorte de permettre, en ce qui concerne les produits de niche et du terroir, permettre à des régions et à des entreprises en particulier ou à des artisans, à des producteurs qui veulent transformer chez eux, d'avoir des possibilités de mise en marché, d'être reconnus pour ce qu'ils font. Et je pense que c'est ça qui est l'objectif. Puis là on veut un peu ? comment je pourrais dire? ? améliorer cette loi qui a permis au biologique de s'en sortir, etc. Bon.

Ceci étant dit, moi, j'avais comme décidé de suivre votre mémoire puis de vous questionner là-dessus, juste sur la question des zones floues. Vous avez assisté à des débats ? je pense que c'était assez intéressant quand même ? sur les définitions. Puis, on voit, il y aura... à un moment donné, quelqu'un devra trancher. Si on parle d'artisan, on parle d'artisan, hein? Bon.

Je veux juste brièvement, parce que j'ai beaucoup de questions puis je sais que mes collègues en ont aussi... Je vais essayer de me limiter aussi, là, mais... Je vais donner l'exemple. Mais en ce qui concerne l'appellation artisanale, vous dites: «Le fait d'exiger un diplôme réduit grandement les possibilités, surtout pour les autodidactes et pour les créneaux ne faisant pas l'objet d'une formation reconnue.» Je voulais juste vous entendre sur le fait que... Moi, par exemple, j'essaie de m'imaginer, à l'époque où c'étaient des artisans et où il n'y avait pas d'industrialisation, il y avait quand même une structure au niveau de l'artisanat, hein, il y avait un maître artisan, il y avait des apprentis. Par exemple, je me souviens, sur les fabricants d'armes, les premiers, les fusils, en Angleterre, il fallait être un apprenti pendant cinq ans avec un maître, etc.

Donc, il y a lieu, je pense, vraiment, vous ne croyez pas, là, de définir comme il faut ces termes-là et de s'assurer, via le mécanisme qu'on choisira pour accréditer les organismes qui vont certifier justement, sur des balises et des cahiers de charges. Vous ne croyez pas qu'avec ces paramètres-là On pourrait s'en sortir puis éviter les zones floues?

M. Laplante (Maxime): Effectivement, comme je mentionnais tout à l'heure, moi, je n'ai aucun problème avec ce qui est présentement sur le projet de loi concernant les appellations fermières et artisanales. Tout ce que je dis, pour l'avoir très bien vécu en Allemagne, le principe d'apprenti et maître, c'est le fondement de tout ce qui s'appelle travail ouvrier, travail manuel, que ce soient les boulangers, les maçons, les plâtriers, les menuisiers, etc., là. Bon. Donc, la structure est très en place. Même si le pays est industrialisé, bien il a conservé ce système de formation là et qui est drôlement efficace.

Tout ce que je dis, c'est que, si, au Québec, on n'a justement pas l'aspect historique ou séculaire de tout ça ? on a des conditions climatiques qui sont tout à fait différentes de celles de l'Europe, je ne vous ferai pas un dessin ? donc, si on veut démarrer un essor, un développement absolument incroyable ? c'est un peu ça qui est l'essence du projet ? donc, il faut s'attendre à ce qu'il y ait des nouveaux produits qui soient élaborés. Et c'est de ne pas fermer la porte à quelqu'un qui dirait: Bien, moi, justement, je veux développer un nouveau produit, je ne suis pas l'apprenti de quelqu'un, je ne suis pas l'artisan de quelqu'un, parce que, ce produit-là, il n'existe pas nulle part sur la planète, je le développe, je démarre mon entreprise. Il faudrait prévoir la reconnaissance de quelqu'un comme ça qui dit: Voilà, j'explore, j'expérimente, puis ne pas lui fermer la porte. C'est essentiellement ça, là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. M. le député de Beauce-Nord, pour deux minutes.

M. Grondin: Merci, Mme la Présidente. Bon. Écoutez, moi, je voulais... Tout à l'heure, sur le problème de démarrage, vous parlez des petites fermes qui ont des problèmes avec la CPTAQ, et ça, je pense qu'on en a parlé à maintes reprises, ça, ici, en tout cas, moi, parce que je demeure dans une petite place puis on sait que c'est le problème, parce que, pour avoir droit... La loi présentement, pour avoir droit d'exploiter ou de se construire en milieu agricole, il faut que tu gagnes ta vie avec le milieu agricole. Alors, on sait très bien qu'il y a plusieurs petites fermes que les gens ne peuvent pas gagner leur vie. Ils peuvent se dépanner, ils peuvent s'amuser, ils peuvent faire des produits du terroir, mais ils ne pourront jamais gagner leur vie avec ça. C'est sûr que, là, moi, là-dessus, je vous suis à 100 %.

Vous avez parlé aussi de la chute des fermes. On est conscients qu'à chaque année il y a beaucoup de fermes qui disparaissent de la circulation. Mais il y a une chose aussi, c'est qu'étant moi-même un ancien agriculteur les productions ne sont plus pareilles. Avant, un cultivateur pouvait avoir 10 000 lb de lait, si vous voulez, par vache; aujourd'hui, je pense que c'est 20 000, 25 000 ou c'est 100 litres, 125 litres de lait par jour. La production, elle a plus que doublé, elle a triplé. On a une baisse de fermes, mais on n'a pas un manque de production, on est toujours... même, je pense qu'on est en surplus de production dans à peu près toutes les productions.

Alors, de ce côté-là, disons que, dans les produits, là, qui sont contingentés, on a... Les produits contingentés, c'est le lait, le poulet...

M. Laplante (Maxime): Lait, poulet, les oeufs... bien, poulet... volaille, volaille de chair, les oeufs, le lapin et le sirop d'érable. Il y en a cinq.

M. Grondin: Le bois, contingenté?

M. Laplante (Maxime): Je parlais des secteurs agricoles.

M. Grondin: O.K. Mais en tout cas il faut quand même être conscient que les contingentements ont rendu des services énormes à l'agriculture dans bien des domaines, là. Je sais que, dans le lait, une chance qu'il y a eu des quotas; dans le poulet, la même affaire. Parce qu'il y a de l'argent, là, aujourd'hui, en agriculture, dans ces quotas-là, là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): On va s'arrêter là, M. le député de Beauce-Nord. Et puis vous reviendrez, M. Laplante, suite à la question qui va vous être posée par Mme la députée de Deux-Montagnes.

Mme Robert: O.K. Merci. Bien, bonjour, merci pour votre intervention à la commission. La question que je veux poser s'adresse au vice-président de la production... Comment ça s'appelle, votre... Pardon?

M. Cartier (Charles): L'Union biologique paysanne.

Mme Robert: L'union des producteurs biologiques. Vous avez mentionné tout à l'heure, on le sait, que vous avez été dans le fond les seuls, à l'heure actuelle, à utiliser la Loi sur les appellations. Bon, tout à l'heure, on a eu des gens qui sont venus des cidreries, qui la découvrent, cette loi-là, qui ne l'ont pas utilisée, même s'ils auraient pu l'utiliser, bon, faute de communication, d'aide, de soutien ou de choses comme ça.

Tout à l'heure, dans votre intervention, vous avez mentionné qu'il ne faudrait pas que la nouvelle loi, c'est-à-dire ce qui est apporté, là, pour les produits artisans, vienne banaliser la première loi. J'aimerais ça que vous expliquiez davantage c'est quoi, les dangers que vous voyez dans le fait... Est-ce que c'est du point de vue des producteurs ou du point de vue des consommateurs?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est M. Cartier?

M. Cartier (Charles): Oui. Bon, le danger qu'on peut y voir c'est que, premièrement, en agriculture biologique, c'est un choix, de produire. Il faut que quelqu'un ait la conviction d'aller vers le bio; ce n'est pas imposé à personne. Puis, pour ça, pour être en mesure de le développer, en même temps que tu es en agriculture biologique, tu peux te tourner vers des produits de niche et terroir, des produits d'appellations de niche et terroir.

Puis le point de base, dans le biologique, c'est que, nous autres, on veut grandir et non grossir. On parlait tantôt des plans conjoints, là, monsieur disait que ça a été utile, tout ça. Ça a été utile, mais en même temps ça a amené la concentration. Puis on ne veut pas tomber, en partant, dans un système qui va nous amener vers la concentration.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Cartier...

M. Cartier (Charles): Puis on voit aussi toutes les influences des produits biologiques. Ça intéresse beaucoup l'industrie, on le voit, de toute façon. Présentement, Sobeys vient d'acheter Rachelle-Béry. Dans la distribution, on voit qu'ils veulent faire une forme de mainmise sur les produits biologiques. Nous autres, on veut être en mesure de prendre notre place dans l'industrie et non être des fournisseurs de matières premières anonymes. C'est toute la différence.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

Mme Robert: Je pourrais juste...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, allez-y.

Mme Robert: C'est que dans le fond votre appréhension, ce serait que cette nouvelle partie de loi avec règlement ouvrirait la porte à la grande industrie dans le fond sous une forme déguisée de s'approprier le territoire, et ainsi de suite. C'est ça?

M. Cartier (Charles): Bien, d'une certaine façon, oui, parce que... Comment je pourrais dire? Ça m'échappe, là. Parce que, ah oui, c'est vrai que, c'est comme on disait, les produits biologiques, c'est un droit, puis la nouvelle loi, ça va amener plus un acquis qu'un... C'est un choix, de produire biologique, puis tandis que la nouvelle loi, elle va amener plus un droit acquis qu'un choix avec les produits de niche et terroir. Ça va changer la portée de l'application en fonction du produit puis en fonction du consommateur.

Mme Robert: Ils ne seront pas nécessairement biologiques?

M. Cartier (Charles): Bien, un produit de niche et terroir n'est pas nécessairement obligé d'être biologique.

Mme Robert: En ce sens-là?

M. Cartier (Charles): Oui. Tout comme que la porte est ouverte aussi pour le biologique à... des produits de niche et terroir.

n(17 heures)n

Mme Robert: ...les gens ne distingueront pas bien le produit du terroir, c'est qu'on va se servir de ça pour faire penser aux gens que le produit du terroir serait biologique, et ainsi de suite, ce qui... D'accord, je comprends bien.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Cartier (Charles): Puis en même temps on n'a pas la capacité de faire de la production de masse, en agriculture biologique. On n'a aucune institution au Québec, on n'a pratiquement pas d'aide. C'est de l'entrepreneuriat de produire biologique, au Québec.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Merci beaucoup, M. Cartier. M. le député de Saint-Hyacinthe, pour deux petites minutes.

M. Dion: Deux petites minutes. Merci, Mme la Présidente. J'aurais deux questions à poser, mais je vais en poser juste une, et la plus courte, parce qu'en deux minutes on ne peut pas faire grand-chose.

À la dernière page, vous parlez de quelque chose... En fait, ça n'a pas de relation, ce n'est pas directement la loi qu'on étudie, mais vous avez choisi de regarder le problème sous un autre angle, et je pense qu'il est amené, cet angle-là, à partir de la loi. Mais je vais me limiter à la question précise que je veux poser, qui est...

Vous dites, comme première recommandation, qu'il faudrait «modifier les règles de la CPTAQ pour permettre l'achat de terre et l'établissement des projets à temps partiel ou de faible envergure». Mais vous développez que tout ça, c'est pour permettre de distinguer les grands problèmes de concentration et d'étalement urbain dans les grandes villes par rapport à ce qui se passe en région et à améliorer l'occupation du territoire en région.

Je suis d'accord avec l'objectif que vous poursuivez. Cependant, la recommandation que vous faites, j'ai un peu plus de misère avec parce qu'actuellement la loi, tel qu'elle existe actuellement, permet tout ça. Alors, c'est pour ça que je ne vois pas qu'est-ce qu'il faudrait modifier dans la loi. Est-ce que vous savez... Avez-vous des précisions là-dessus?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Laplante.

M. Laplante (Maxime): Oui. Non. Présentement, je dirais, le cadre légal effectivement permettrait une souplesse. C'est au niveau de l'application. Pour avoir rencontré l'ancien président de la CPTAQ aussi, qui nous dit, bon: Par exemple, on décide de façon ? bien, il ne l'a pas dit comme ça évidemment ? de façon assez arbitraire que, si c'est 1 ha ou 2 ha, il n'y a aucun potentiel agricole, il n'y a pas moyen d'en vivre, etc., alors qu'on sait très bien qu'une ferme maraîchère, au Québec, on n'a pas besoin d'avoir 3 ha pour dégager un revenu intéressant, bon, et, si quelqu'un fait des vignobles ou... En tout cas, bref, il y a moyen de faire une plus-value avec la ferme. Je n'ai pas 100 ha de terre, puis il y aurait tout à fait matière à faire vivre ma famille au complet, si je n'étais pas coincé avec les plans conjoints, les quotas, etc. Donc, si je n'étais pas obligé de payer ça, je vivrais avec ma ferme sans aucune difficulté. Donc, c'est essentiellement dans l'application.

Et ça, d'ailleurs, j'avais beaucoup insisté auprès de M. Ouimet à l'époque pour essayer de comprendre: Est-ce qu'il y a vraiment une entrave légale à ça? Non. C'est dans l'application, où on a simplement décidé qu'il fallait que ce soit, par exemple, 100 ha, hein, il y a une balise de 100 ha dans l'application et l'interprétation de leur loi qui... Mais pourquoi, en bas de 100 ha, est-ce que ça aurait besoin d'autorisation? Puis là ce n'est pas sûr que ça va être viable. C'est très subjectif. En tout cas, c'est cette affirmation-là qu'on remet en question.

M. Dion: Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, on va revenir du côté du gouvernement. M. le ministre.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, d'accord, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Laplante puis M. Cartier. Premièrement, je vais commencer par une petite annonce régionale, en profiter. C'est parce que vous parlez, entre autres, dans vos obstacles, vous parlez des problèmes d'abattage. Probablement que vous savez qu'en région chez nous il y a un projet pilote d'abattoir mobile actuellement qui est très suivi, et on espère beaucoup justement que l'abattoir va être un succès, pour permettre justement aux petites productions de viande exotique, entre autres, ou autres d'atteindre le marché, premièrement, régional et par la suite... Donc, c'est un projet qui est suivi de très près. Et il devrait bientôt démarrer, là, tous les sites dans chaque région sont prêts pour démarrer. Donc, c'est une demande, puis ça correspondait effectivement à un besoin très important, vous l'avez bien souligné, et on espère que ça va aider à cet égard-là et que ça va être un réel succès.

Je vais ramener en fait, aujourd'hui, sur le projet de loi. Le projet de loi est là parce que, je vous dirais, on est victimes d'un certain succès, je pense, je dirais, au Québec. Puis je vais vous le rattacher à votre problème premier que vous avez souligné, le problème de démarrage. Si on a besoin de la loi actuellement et de resserrer les termes, c'est que les petites productions de différents produits ont connu un engouement aussi et les gens ont démarré des productions dans leur région, que ce soit fromages ou autres, etc., et les règles permettaient à quelqu'un qui voulait démarrer une nouvelle production, peu importe le type, de démarrer rapidement, sans... Mais maintenant nous sommes rendus à une étape qu'il faut mieux encadrer pour maintenant protéger, je dirais, les types de produits, les appellations, type fermier, etc. On est rendus à cette étape-là, pour justement protéger les gens qui ont développé cette expertise.

Mais, de l'autre côté, il faut maintenant baliser ça, mais la crainte qui était du gouvernement, c'est... Puis c'est pour ça qu'il avait utilisé les deux lois, la loi n° 20, celle des appellations, et celle sur les produits alimentaires, la P-29, pour permettre encore à des gens de démarrer une petite production, de type artisanal ou fermier, de la même manière, et aller chercher, par la P-29, rapidement une dénomination qui était de type fermier ou artisanal, sans passer par un cahier de charges.

Et actuellement donc, puis ce qui est un peu ma crainte, c'est que la plupart des gens qui viennent nous voir actuellement parlent pour les gens qui sont déjà producteurs, et qui veulent une restriction des règles pour ne pas que n'importe qui d'autre rentre dans le marché, et donc qui demandent que les types produits fermiers et artisanaux soient amenés dans la Loi des appellations avec un cahier de charges.

Et, si je reviens donc à votre problème de démarrage que vous soulevez... Puis, moi, je pense qu'un démarrage, de manière générale, qu'est-ce que j'ai vécu en Abitibi-Témiscamingue, ce sont des gens qui avaient le goût de la terre: un délaissait un emploi et partait la production; le second, soit l'homme ou la femme, continuait son emploi pour supporter la famille pendant que le marché se développait. Parce que, quand tu pars un nouveau produit, tu n'as pas accès au marché ? puis ce qui va être mon autre point, sur la mise en marché ? donc tu démarres tout petit et tu t'en vas.

Puis, moi, je me dis: Les gens, là, n'ont pas nécessairement les ressources au démarrage pour aller chercher une accréditation soit par la Loi des appellations ou un cahier de charges parce qu'ils n'ont pas encore les ressources financières pour le faire. Le maintenir après, c'est d'autre chose, quand tu entends certains volumes. Alors donc, c'était pour ça que, nous autres, la position du gouvernement était de permettre à ces petits producteurs là qui démarrent d'aller chercher une définition quelconque, une certification qui pourrait dire: Regardez, je fais vraiment un produit fermier ou artisanal sans aller vers le cahier de charges. Alors, vous, O.K. ? puis la plupart des gens nous ont demandé d'amener ça dans la Loi des appellations ? sur cette base-là, qu'est-ce que vous en pensez? Est-ce que, pensez-vous, pour des producteurs, des petits producteurs, l'amener dans la Loi des appellations peut être un frein et non aider au développement, à du démarrage d'entreprises?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Laplante.

M. Laplante (Maxime): Bien, moi, je considère, comme j'ai mentionné dans le mémoire, que c'est effectivement un premier pas et que ce que vous avez en place avec le projet de loi, c'est une première intention qui est placée. Il va falloir bouger d'autres choses aussi pour qu'on aboutisse vraiment. Comme vous le mentionnez très bien, pour le vivre moi-même ? parce que je suis à temps partiel depuis des décennies puis je regarde d'autres qui essaient de démarrer ? effectivement, c'est parce qu'il y a un conjoint qui continue à travailler un peu. Et d'ailleurs la situation de la ferme à temps partiel, c'est quand même 50 % des fermes au Québec qui sont à temps partiel, et le temps partiel, à l'échelle mondiale, ce n'est pas une exception, c'est la règle. C'est le Canada qui a le plus faible taux d'agriculteurs à temps partiel sur la planète. O.K. Voilà. Donc, je suis tout à fait conscient c'est quoi, une ferme à temps partiel. Et donc, qu'on veuille implanter des fermes comme ça et effectivement les protéger avec une appellation fermière, artisanale, excellent. Moi, comme j'ai mentionné tout à l'heure, la seule crainte que j'avais: n'allons pas leur mettre des obligations de bureaucratie, ou de contrôle, ou quoi que ce soit qui finalement les déboussole complètement, les décourage du système.

Après ça, je pense qu'il va falloir également essayer des choses. Moi, je suis prêt à être flexible là-dedans. Normalement, tu sais, je comprends l'esprit d'un projet de loi, c'est que, lorsqu'on le met en place, il y a une période de rodage. On essaie d'évaluer après un an, ou à peu près: Est-ce qu'on s'en va vers la bonne direction ou pas? Je serais embêté de faire les prévisions exactes, ça va ressembler à quoi dans un an, dans deux ans. Ce que j'en comprends présentement, c'est ça, c'est correct, sauf qu'il faut absolument bouger d'autres choses.

Quand vous faisiez, par exemple, allusion à l'abattoir mobile ? j'ai suivi le dossier d'assez près, merci ? ce peut être une bonne intention, mais il ne faut pas oublier qu'il y a un paquet d'abattoirs aussi déjà en place, fixes, qu'il ne faudrait peut-être pas fermer. Dans ma région, moi, il y a un abattoir qui m'offre de l'acheter, il dit: Il est à vendre, mon abattoir, pour 150 000 $. J'ai contacté un gars qui serait prêt à faire un abattoir mobile; bien, lui, c'est 1 million. Ça fait que, là, entre les deux, c'est sûr que, moi, j'aimerais mieux opérer l'abattoir fixe. Mais encore là il faut que le gouvernement donne l'aval puis dise: Oui, ça nous prend des abattoirs régionaux, là. Donc, l'un ne va pas sans l'autre. Qu'on ait un abattoir mobile dans des régions éloignées parce que, bon, il n'y a pas le marché pour un abattoir fixe, je peux comprendre, là, mais il ne faut pas fermer la porte à tous les autres abattoirs, là. Présentement, les producteurs ont un sérieux problème d'abattage, moi le premier. S'il faut faire 80 km avec un veau, bien on vient de manger le prix du veau, là. O.K. Ce n'est plus drôle.

n(17 h 10)n

Puis une dernière remarque, la question des quotas de tout à l'heure ? monsieur de Beauce, j'oublie votre nom... oui, merci ? j'ai fait le comptage de l'évolution du nombre de fermes au Québec depuis l'apparition des quotas, et précisément les fermes qui sont sous quota, ce sont celles qui ont disparu le plus vite, 80 %. 80 % de toutes les fermes sous quota, depuis les années soixante-dix, depuis l'implantation, ce sont celles-là qui ont disparu, elles ont disparu plus vite que les autres. Donc, tout ce que je dis, c'est que, comme mentionnait Charles, il faut faire attention que ça ne devienne pas un outil de concentration de fermes.

Et, pour les produits du terroir, qu'est-ce qui nous empêcherait... Là, je vous fais un scénario. On y a réfléchi, mais je veux vous lancer une idée, c'est à ce titre-là que je vous rencontre aujourd'hui. Qu'est-ce que vous diriez d'un système de gestion de l'offre où on commence à voir des quotas attribués, par exemple, sur d'autres critères? Au lieu de les donner au plus fort la poche, au lieu de les vendre à 30 000 $ la vache, ou à 550 $ le mètre carré de poulets, ou... Il va y avoir tôt ou tard un prix sur le quota de sirop d'érable aussi, O.K., il ne faut pas s'en cacher, d'accord, ou sur le lapin. Pourquoi est-ce qu'on n'envisagerait pas l'attribution de quotas sur d'autres critères? Vous voulez soutenir le bio? Donnez du quota pour des producteurs bios. Vous voulez soutenir les régions éloignées? Donnez du quota à des producteurs dans des régions éloignées ou en perte de vitesse. Vous voulez soutenir les produits du terroir? Donnez du quota à ceux qui font du terroir.

Je ne vous parle pas d'exploser le marché, de faire en sorte que le marché soit déréglé, qu'il y ait un surplus de production puis des baisses de prix, etc., ce n'est pas ça. On continue à avoir une mise en marché ordonnée, mais prenons une part du quota et donnons-le à des agriculteurs qui veulent aller dans le sens de ce que vous voulez développer et, à ce moment-là... Sauf qu'à la base il faut élargir le mode de décision. Il faut faire en sorte que l'attribution des quotas, comme, en France, c'est le cas, il y a un mode bipartite: il y a l'État qui contribue à décider c'est quoi, les critères d'attribution du quota, et il y a les producteurs, par le biais de leur représentation syndicale. Ça fait que les deux ensemble décident à qui on donne le quota, quelles conditions et etc.

Donc, c'est juste ça que je veux mettre dans l'idée. Ce n'est pas contre le système de quotas. Oui, il y a des avantages sur la stabilisation des prix à la consommation, entre autres, je suis le premier à le reconnaître. Mais il y a eu des désastres monumentaux sur la relève et sur la disparition de la concentration des fermes.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Laplante. Il reste moins de deux minutes. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Enfin, M. Laplante, vos dernières paroles, c'était un petit peu les commentaires que je voulais soulever par rapport au modèle, parce qu'on comprend que le modèle actuel... Puis, ça, on n'est pas les seuls à le penser. Puis, quand je parle de modèle, je parle de l'ensemble, je vous dirais, des activités gouvernementales. On était partis, je veux dire, avec des grands principes, puis c'est comme si on arrivait à terme d'une première phase d'évolution sur une période de 40 ans. Si on regarde, juste en agriculture, vous soulevez des points importants. La relève, il n'y en a plus. Alors, si on veut en même temps renforcer nos régions, il va falloir modifier notre façon de faire l'agriculture parce que, comme vous le disiez tantôt, avec l'effet de concentration, on est en train de se tirer dans le pied. Alors, il faut revoir le modèle. Puis en tout cas j'apprécie le genre de recommandations que vous faites.

Par contre, j'aimerais savoir, quand on parle de développement de produits du terroir puis les produits régionaux, puis là vous n'êtes pas certain si on doit être, je dirais, exigeants à l'égard des producteurs, comment on peut appareiller ces exigences un petit peu plus souples avec la volonté puis ce qu'on nous décrit comme étant la voie de salut, c'est l'excellence, même dans les produits du terroir.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. le député de Portneuf.

M. Laplante (Maxime): Je pense qu'il y a de la place pour deux choses. Il peut y avoir de la place, quelqu'un qui se lance dans une mise en marché commerciale, et donc il y a une distance entre le fermier et le consommateur. Puis c'est là qu'est une bonne partie du débat. Les gens ne veulent pas manger n'importe quoi, ne veulent pas se faire intoxiquer, etc. Bon. Donc, qu'il y ait un organisme qui se charge d'établir un cahier de charges, d'en faire le contrôle, pour dire: Ça, là, c'est une appellation qu'on a contrôlée, qui a été réservée, que ce soit fermier, artisanal. Donc, il y a un encadrement, c'est très rassurant pour tout le monde. C'est rassurant pour le consommateur et c'est également rassurant pour le fermier, qui dit: Bien, écoute, oui, je ne vais pas me faire voler mon produit par un plus gros, etc. Donc, c'est dans ce sens-là que je vois que c'est très positif.

Cependant, il va également rester, et il doit rester une vaste porte ouverte pour tous ceux qui ne sont pas rendus là. Soit qu'ils ne sont pas encore rendus là, soit qu'ils ne veulent pas se rendre là. Exemple, quelqu'un qui fait de la mise en marché directe. Il n'est pas intéressé, lui, à livrer au marché Atwater, à Montréal, là. Il a son réseau d'amis, de voisins, il y a 15 familles qui achètent ces produits-là. Puis ils n'ont pas besoin d'inspecteur. Ils viennent voir les cochons courir dans le champ, ils savent comment c'est abattu, comment c'est élevé. Ils n'ont pas besoin de tout cet encadrement-là. Donc, il faut prévoir une porte pour ces gens-là. Et ça se peut très bien qu'après un an, deux ans, trois ans ou après une génération que les enfants disent: Bon, moi, j'ai vu mon père fonctionner comme ça avec la ferme, puis maintenant, moi, j'aimerais développer un produit parce que c'est la recette familiale, et je veux aller plus loin, je veux aller sur le marché de mon village ou de la ville à côté, etc. Et il y aura ce cadre-là. Donc, encore là, c'est une question de diversité. Ce que je comprends, votre projet de loi vise encore là une partie des agriculteurs existants qui veulent se diversifier et qui visent essentiellement une mise en marché commerciale.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, M. Laplante.

M. Laplante (Maxime): Mais ne fermons pas la porte...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, désolée, on va passer du côté de l'opposition. Il vous reste 8 min 30 s, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente. Il y a quelques instants, le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue expliquait un peu comment est-ce qu'on avait évolué, il dit: Il a été un temps peut-être où c'était plus facile en ce qui concerne le démarrage, puis là il faut encadrer davantage. Je ne pense pas que ce soit vraiment la façon dont il faut voir ça. Je pense qu'il faut au contraire faciliter les conditions de démarrage des entreprises, continuer à faire en sorte que ce soit plus facile et qu'il y ait tous les moyens, et le soutien, et le support. Là, ce dont il s'agit, il s'agit de donner les moyens à des artisans, à des petits producteurs qui veulent transformer chez eux, de développer des produits de niche, des produits, des créneaux spécifiques, où finalement, avec une petite production, il est possible d'atteindre une renommée même internationale et d'exporter ces produits, alors la structure, et puis faciliter ça, et en plus les aider et les protéger, un coup qu'ils auront établi leur marque de commerce. Alors, je pense, c'est de ça dont il s'agit, là, plus que de restructurer ou de rétablir le démarrage.

Moi, j'ai beaucoup apprécié votre recommandation en ce qui concerne, entre autres, les modifications à apporter au plan conjoint, par exemple. Je pense que votre recommandation n° 2, là, elle est recevable. J'aimerais vous amener quand même là-dessus, parce que mon collègue a abordé la question de la CPTAQ, je pense que vous aviez répondu. Mais, quand on parle des plans conjoints, quand vous nous dites, par exemple: À quoi bon produire un lapin fermier biologique, bon, alors que... «si le prix est fixé par le plan conjoint à 1,60 $ la livre? À quoi bon élever un porc...»

Pourquoi justement on n'insisterait pas ? et c'est quelque chose qui est possible, avec les structures actuelles, je suis à peu près certain ? pour faire en sorte que les plans conjoints prévoient ces choses-là ou en arrivent à prévoir ces données-là et ces choses-là? Je ne sais pas, mais en tout cas il y a certainement des modifications, des améliorations à apporter. Et je pense qu'un plan conjoint, c'est conjoint, il s'agit que les gens se parlent, comme ça a été le cas dans le sirop d'érable, entre les producteurs, les transformateurs, tant qu'on ne s'est pas entendu, il n'a pas été possible de ramener les plans conjoints. Ça, j'en ai la certitude. Vous mettez ça donc comme un empêchement, là, comme étant un problème pour le démarrage, et tout ça.

Et je sais qu'on va recevoir tantôt ? je vais me faire taper sur les doigts, là, j'en suis sûr ? le CTAC, donc les transformateurs. Mais, dans vos problèmes, là, vous ne soulevez pas du tout le fait qu'il y a, dans la transformation et dans la distribution, une telle concentration des entreprises que, s'il fallait, du jour au lendemain, que toute la question de la mise en marché collective et toutes ces structures que les producteurs se sont données pour se protéger, s'il fallait enlever ça, je pense qu'on serait dans la misère, puis en pas pour rire. Je pense que vous allez reconnaître ça avec nous. Alors, vous ne voyez pas ça comme étant un danger aussi dans vos problèmes de démarrage?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. Laplante.

M. Laplante (Maxime): Oui. Donc, encore là je le répète, il n'est pas question de supprimer le système de gestion de l'offre; on demande de le nuancer. Et c'est une grosse question. On l'a clarifiée pendant longtemps, aussi. Donc, moi le premier, je suis prêt à reconnaître les bons principes, pour régulariser le marché et pour sécuriser les agriculteurs, que d'avoir un système de plans conjoints. Sauf que ? exemple concret ? les plans conjoints, actuellement ils sont gérés par une minorité, et c'est là le problème. Comment ça se fait...

Je suis tout à fait d'accord qu'il ne faut pas laisser les agriculteurs tout seuls négocier devant Loblaw, O.K., et c'est correct, là, puis je n'ai pas de problème avec ça. Sauf que pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas un plan conjoint qui dit: Il va y avoir une partie des agriculteurs qui vont faire de la mise en marché directe, et, eux autres, si ça concerne un certain volume de production, par exemple, on dit: Il y a tant de millions de litres de lait qui vont être commercialisés au Québec de cette façon-là, en mise en marché directe à la ferme, et on leur donne le quota qui va avec, et, dans l'enveloppe budgétaire ou l'enveloppe de mise en marché totale, les autres font de la mise en marché commerciale, ils vont avoir un quota commercial? C'est une piste. Donc, il ne s'agit pas d'enlever le système des plans conjoints, juste le nuancer.

n(17 h 20)n

Présentement, moi, comme producteur de poulet, là, je n'ai jamais été invité aux réunions de l'Office des producteurs, je n'ai jamais été invité à participer au plan conjoint de l'Office des producteurs de poulet, puis je n'ai pas été invité aux réunions du syndicat des lapins puis... des producteurs de lapins, pardon, je n'ai pas été invité au syndicat pour le sirop d'érable, je n'ai pas participé à aucun de ces plans conjoints là, puis pourtant je dois en faire 12 productions agricoles à la maison, là. Je fais du boeuf, du porc, du mouton, de la chèvre, du lapin, du sirop d'érable, etc. Je n'ai jamais été invité pour ces histoires-là. Donc, comment ça se fait que je n'ai pas eu mon mot à dire là-dessus?

Puis effectivement mon point de vue, ça aurait été: Faisons des plans conjoints qui donnent une force aux agriculteurs, une force de négociation. Le plan conjoint d'ailleurs, la structure prévue dans les années cinquante prévoyait, oui, un regroupement de l'offre, de un, et, de deux, un contrôle des frontières. On ne laissera pas entrer n'importe quoi parce qu'on veut protéger nos agriculteurs en place, et j'approuve tout à fait ce principe-là, mais, à ce moment-là, disons: Bien, il y aura de la place... Présentement, les plans conjoints ne laissent aucune espèce d'ouverture ni pour les producteurs bios ? à part quelques exceptions, là, O.K. ? ni pour les produits du terroir, ni pour quelque différenciation de produits. Donc, c'est uniquement de nuancer la gestion de l'offre et non pas de l'abolir.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous avez encore deux petites minutes et quelques.

M. Arseneau: Bien, en fait, c'est un petit commentaire. Moi, je vois une différence, Mme la Présidente, entre les systèmes de gestion de l'offre et les plans conjoints, parce que, là, il y a une bonne nuance. Le lait biologique, par exemple, aucun problème. Un bon prix sur le marché, hein, pour le lait biologique, en passant, puis notre collègue de Beauce-Nord pourrait en parler.

Maintenant, en ce qui concerne la question de la CPTAQ, je sais que mon collègue de Saint-Hyacinthe avait une autre question à poser en regard de cette problématique.

M. Dion: ...du temps.

M. Arseneau: Il reste deux minutes.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, oui, allez-y, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Mais ce n'est pas tellement en regard de la CPTAQ, c'est un autre aspect de la question. C'est que, tout à l'heure, avec le groupe qui vous a précédés, il y avait deux aspects, il y avait d'un côté un objectif de protéger... ou de stimuler le développement régional, l'occupation des régions, l'occupation du territoire, et, d'un autre côté, on disait: Ce qu'il faut privilégier, c'est la reconnaissance du procédé de fabrication. Moi, ce que j'ai en tête, je me dis: Est-ce qu'on ne devrait pas réunir les deux, c'est-à-dire attacher le procédé de fabrication à son lieu d'origine? Alors, là, on protégerait une marque et en même temps on protégerait le développement régional, et on irait à l'encontre de la concentration de la mise en marché.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. Laplante.

M. Laplante (Maxime): Oui, effectivement. Et d'ailleurs il y a beaucoup de plans conjoints actuellement qui visent exactement le contraire, qui visent à concentrer la production dans certaines régions, et vous êtes bien placés pour le savoir aussi. Donc, c'est pour ça qu'on dit: Le projet de loi actuel est une excellente intention, mais ensuite il va falloir absolument mettre ce dossier... Gestion de l'offre et plan conjoint, c'est un peu la même chose. Le plan conjoint, c'est le fer de lance, c'est l'outil principal de la gestion de l'offre, donc il va falloir le mettre sur la table.

En réponse précisément à votre question de tout à l'heure, M. Arseneau, vous dites: Qu'est-ce qu'il faut changer actuellement?, la seule chose à mon sens qu'il faut changer, c'est de permettre l'entrée dans l'Office des producteurs d'un point de vue différent, ce n'est que ça. Et ça passe par la reconnaissance d'autres entités ou d'autres représentations syndicales, et je ne parle pas juste au nom de l'Union paysanne mais de d'autres personnes qui vont se mêler de la discussion des plans conjoints pour dire: Un instant, il n'y a pas que la production commerciale ou industrialisée, ou quoi que ce soit, dans le système, il y a d'autres choses aussi, il va falloir en tenir compte. Donc ça, pour moi, ça m'apparaît être le levier essentiel.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. Laplante, M. Cartier, de l'Union paysanne, merci pour votre contribution aux travaux de la commission.

Et j'invite maintenant le Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation à se présenter devant la commission. Merci.

(Changement d'organisme)

La Présidente (Mme Houda-Pepin): J'invite donc Mme Sylvie Cloutier, vice-présidente, Communication et affaires publiques, du Conseil de transformation agroalimentaire et des produits de consommation, à se présenter devant la commission et à présenter les personnes qui vous accompagnent, madame.

Conseil de la transformation agroalimentaire
et des produits de consommation (CTAC)

Mme Cloutier (Sylvie): Mme la Présidente, membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier au nom du CTAC de nous accueillir et de nous donner l'occasion de présenter aujourd'hui nos recommandations et notre position sur le dossier des appellations réservées.

Je suis ici, aujourd'hui, avec ma collègue Christine Jean, qui est directeur technique au CTAC, et nous sommes accompagnées aussi de Mme Josée Fiset, qui est vice-présidente et cofondatrice de Boulangerie Première Moisson, qui est membre aussi du Conseil de la boulangerie du Québec. Alors, je vais passer la parole à ma collègue Christine Jean.

Mme Jean (Christine): Alors, bonjour à tous, à tous les membres de la commission. Tout d'abord, j'aimerais commencer en disant que le CTAC accueille favorablement la création d'une loi encadrant la production et l'utilisation de créneaux spécifiques aux produits spécialisés ou de niche. L'expansion de la demande pour ce type de produits reflète le désir des consommateurs de retrouver des aliments qui se démarquent de la masse et qui proposent des saveurs et un caractère unique à une région ou un mode de production. Sans réglementation appropriée permettant d'encadrer l'offre de ces produits, ceux qui se retrouvent actuellement sur les marchés pourraient à long terme perdre en crédibilité auprès des consommateurs et risquer de disparaître. Protéger ces produits, départager les vrais des faux est essentiel à leur survie. En ce faisant, c'est également travailler à la promotion de la richesse, de la diversité, du savoir-faire des régions et ainsi aider à leur développement.

Nous tenons à préciser que tant les modifications proposées à la Loi sur les appellations réservées que le nouveau règlement proposé en vertu de la Loi sur les produits alimentaires nous semblent justifiés. Le second projet de loi sur les produits alimentaires, P-29, si adopté, offrirait à notre avis un cheminement simplifié aux transformateurs désirant obtenir une certaine reconnaissance du type de produits qu'ils commercialisent. Pour ceux qui n'ont ni le temps ni les ressources d'entreprendre une procédure complexe de certification, cette option nous paraît tout à fait souhaitable. L'encadrement des mentions par l'entremise de la loi P-29 constitue un avancement, car il permettra dorénavant d'exercer un contrôle sur l'utilisation des termes «fermier» et «artisanal» et ainsi, on le souhaite, exclure les produits affichant des mentions trompeuses pour les consommateurs.

Toute autre direction vers des conditions d'utilisation plus exigeantes et obligatoires du terme «artisanal»? on sous-entend ici la certification ? pourrait engendrer des complexités, des lourdeurs dans les opérations des petits fabricants. Des mécanismes de vérification devraient toutefois permettre de s'assurer de la conformité du procédé même après l'enregistrement par l'entremise de la P-29. Pour illustrer ceci, j'aimerais élaborer un peu plus sur l'utilisation du terme «artisanal» par l'unique voie d'une attestation de spécificité, alors un scénario qui est hypothétique parce qu'on sait que le projet de loi comprend deux guichets, la P-29 et la loi n° 113.

Alors, je suppose ici que l'attestation de spécificité serait la seule voie retenue dans le cas qui nous préoccupe le plus, soit le secteur de la boulangerie petite ou moyenne ou celle qui s'affiche artisanale. Tout d'abord, les boulangeries qui affichent le terme «artisanal», nombreuses au Québec, et qui vendent leurs produits au comptoir ont développé une clientèle fidèle qui sait apprécier la qualité et l'authenticité des produits qu'ils achètent. Les clients servis au comptoir sont à même de constater de leurs yeux que l'établissement n'est pas une boulangerie industrielle et qu'aucune ligne de production automatisée ne se cache derrière le comptoir de vente. Quant au reste, les consommateurs sont seuls juges des caractéristiques du produit et peuvent apprécier les qualités qui les distinguent des produits industriels.

Pour ce type de produits, on questionnerait l'utilisation du terme «artisanal» par l'entremise unique d'une certification. Les produits vendus dans les comptoirs de ces boulangeries ne sont, la plupart du temps, pas étiquetés, rendant le contrôle ou l'identification des produits difficile. Et le nom de commerce, comment pourraient-elles continuer de s'afficher boulangerie artisanale si l'attestation de spécificité «pain artisanal» était réservée? Dans ce cas particulier, rien ne permet de conclure que les consommateurs et l'industrie gagneraient à modifier de façon importante les contrôles exercés dans ce type de production ? on entend toujours ici, par l'unique voie de certification.

Parlons des cahiers de charges. Les futurs cahiers de charges, qui les développera et qui en décidera pour les centaines d'artisans fabriquant un pain artisanal? Devra-t-on retourner à l'utilisation du four à bois pour qu'un pain soit artisanal, ou vers un encadrement plus souple? Qui en décidera? Toujours dans cette hypothèse, est-ce que l'aide financière promise pour le développement des appellations serait suffisante pour aider ces centaines de petites entreprises, dans un premier temps, à implanter, si nécessaire, les exigences des cahiers de charges, obtenir la certification, la maintenir et finalement assurer son renouvellement?

J'aimerais ouvrir une parenthèse afin de préciser que toute obligation ou ajout d'exigences qui impliquent des ressources importantes de la part de l'industrie affecte leur compétitivité et les défavorise vis-à-vis des entreprises similaires qui sont établies dans les autres provinces où ces exigences n'existent pas. Ce commentaire a déjà été soulevé sans succès dans le cadre de l'exercice de recouvrement des coûts du Centre québécois d'inspection, qui a eu lieu le printemps dernier et a permis de récupérer environ 1 million par l'ajout de permis ou l'augmentation des coûts de permis, dans la grande majorité des cas, chez les petits et les moyens transformateurs, coûts qui n'existent pas dans les autres provinces, rappelons-le.

n(17 h 30)n

Pour poursuivre avec la liste des questionnements et problèmes potentiels, toujours dans l'optique d'une certification, on s'interroge également sur le sort réservé aux qualificatifs suivants: d'antan, d'autrefois, fait à la main, paysan, traditionnel, pain à l'ancienne, pain campagnard, authentique, tous à peu près synonymes d'«artisanal». Devraient-ils, eux aussi, être réservés exclusivement à une démarche de certification? Verra-t-on les transformateurs abandonner le terme «artisanal» pour «traditionnel» ou «d'antan»? Le consommateur y verra-t-il une différence? Viendraient-ils plus tard porter préjudice aux produits portant la mention «artisanal» qui serait certifiée? Et, si un mode apparaît en faveur d'un autre, tel que «traditionnel», devrait-on modifier la Loi sur les appellations réservées pour inclure cette mention, «traditionnel»? Dans le cas hypothétique où l'attestation de spécificité artisanale serait la seule avenue retenue, comment se fait-il que nous n'ayons jusqu'ici obtenu qu'une seule attestation, soit le mode de production biologique? Aucun groupe n'a jusqu'ici complété la démarche de certification pour le mode de production. Pourtant, le domaine des boissons alcoolisées est pourtant si riche en potentiel.

Alors, avant de continuer, j'aimerais peut-être laisser la parole à Mme Josée Fiset, de Boulangerie Première Moisson ? parce qu'elle a déjà été un artisan, évidemment ? qui aimerait exposer son cheminement et son point de vue sur le sujet.

Mme Fiset (Josée): Alors, bonjour. Écoutez, je pense que la cause de... Une législation est nécessaire.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Fiset, hein?

Mme Fiset (Josée): Justement, j'entendais tout à l'heure: On doit empêcher les multinationales de s'approprier des termes et de mettre en marché finalement des produits à titres artisanaux, ou peu importe, où on... On n'est pas dans la réalité.

Alors, moi, je pense que d'obliger les artisans à remplir un cahier de charges, à devoir faire partie d'une accréditation pour utiliser le terme «artisan» est tout à fait irréaliste. Nous, nous sommes évidemment une grande maison, on se positionne comme étant une grande maison de qualité qui fabriquons de façon artisanale. Maintenant, à cause d'un problème de perception, j'ai souvent prôné le paradoxe de l'artisan qui a le droit d'évoluer, qui a le droit de couvrir des marchés plus grands que son petit marché local, et je me suis bien rendu compte, avec les années, que ce paradoxe-là n'était pas accepté de la part des gens, n'était pas crédible. Les gens disent: Comment pouvez-vous être un artisan et être une si grosse entreprise? Quoiqu'on n'est pas gros du tout, on est très petits, nous sommes une entreprise familiale; tous les fondateurs, nous sommes activement présents au sein de l'entreprise. Par contre, j'ai abandonné le fait de me battre pour dire que j'étais un artisan parce que la perception des consommateurs ne le prend pas, les gens ne le prennent pas, quoique nous fabriquons vraiment de façon artisanale. Alors, il y a une définition au terme «artisanal» à établir, qui est juste et équitable pour tout le monde.

Je crois que nous devons profondément protéger les petits. Je crois que l'artisan... Je veux dire, quand nous avons démarré Première Moisson, mon frère fabriquait le pain, et, moi, je le vendais. Et croyez-moi que je n'aurais pas eu le temps de comprendre qu'est-ce que je dois faire pour m'appeler artisan. Nous étions des artisans, nous mettions la main à la pâte, nous avons fait du mieux que nous pouvions. Effectivement, nos clients nous voyaient au magasin, on les saluait, on les connaissait par leur nom. Alors, c'était clair que nous étions des artisans. Et j'aurais trouvé injuste d'avoir une lourdeur administrative pour démontrer et pour garder mon titre d'artisan, alors qu'il était acquis. Et je pense qu'il faut faire attention à ne pas donner de lourdeur aux jeunes entrepreneurs qui partent en affaires.

Et je pense que vous avez tout à fait raison quand vous parlez d'un projet de loi à la P-29, que je connais très peu. Mais, à ce que j'en sais, je trouve que c'est tout à fait correct d'empêcher les grosses entreprises de profiter d'une tendance. Et on doit encadrer le terme «fabrication artisanale», on doit se pencher sur la question. C'est important, nous devons protéger nos petits et nous devons leur faciliter le travail. Dans les réflexions sur la loi aussi, il est important de ne pas les empêcher de grandir. Je pense que, pour moi, il y a des étapes dans l'évolution d'un entrepreneur, et un artisan est un entrepreneur et apprend à devenir un entrepreneur avec les années et il a le droit d'évoluer, et de grandir, et de couvrir des marchés. On parlait tout à l'heure de même couvrir des marchés internationaux. Et pourquoi pas? Et il y a des étapes, et je pense qu'on se doit de réfléchir à ces étapes-là.

Alors, la première étape, l'artisan est au fournil ou a la main à la pâte et fait de son mieux pour bâtir son entreprise. Et on sait comment une jeune entreprise peut être vulnérable à n'importe quelle grosse entreprise, à côté. Et de toute façon elles sont souvent attaquées de tout bord, tout côté. Alors, c'est important de protéger ça. Donc, la première étape, c'est l'étape artisan. L'artisan, son avantage concurrentiel, bien entendu, c'est la qualité de son produit, mais c'est aussi le fait qu'il soit artisan. Donc, laissons-le être un artisan, ne lui compliquons pas la tâche. C'est tout à fait illogique que d'agir comme ça. Je veux dire, il y a un idéal, il y a une philosophie de pensée, mais il y a aussi la réalité. La réalité, c'est que nous travaillons avec beaucoup d'artisans, nous encourageons des artisans, nous avons été artisans, et, pour moi, nous sommes encore en procédé artisanal, et la réalité, c'est que: laissons les gens être ce qu'ils sont.

Maintenant, quand l'entreprise évolue, je pense que la deuxième étape, c'est que l'entrepreneur, l'artisan qui devient un entrepreneur doit accepter de laisser les autres être des artisans et il doit peut-être accepter de se mettre sous la loi P-29 et dire: Bon, bien, maintenant, je ne peux plus avoir la main à la pâte, alors je ne peux plus répondre à la définition du dictionnaire Le petit Robert ou peu importe la définition que vous donnerez au terme «artisan», alors je vais m'identifier comme étant un producteur qui fabrique de style artisanal. Ça, c'est la deuxième étape, pour moi, de la croissance de l'artisan.

Et, si l'artisan décide de couvrir davantage de marché et, pour couvrir davantage de marché, l'artisan doit s'automatiser davantage, peu importe l'orientation que son entreprise prendra, que ce soit la qualité, que ce soit le volume ? mais à mon avis, quand on débute artisan, on continue avec les mêmes convictions, simplement on peut les rendre à grande échelle ? bien, à ce moment-là, on se retire de l'appellation de style artisan et nous devenons une grande entreprise. C'est une question de logique, c'est une question d'authenticité, c'est une question de respect de ce qui se passe dans le monde des affaires.

Alors, c'est notre position. Nous devons protéger les petits et, à partir du moment où nous ne sommes plus artisans, laissons les artisans être des artisans. Ce n'est pas à l'artisan d'avoir le fardeau de la preuve qu'il est un artisan. C'est facile à voir qu'un artisan est un artisan, on a simplement à mettre une définition sur le terme «artisan», et l'artisan y répond ou n'y répond pas, et on le laisse tranquille, on le laisse être un artisan.

Alors, je m'excuse, je sais que je dis le contraire de ce que tout le monde est venu dire avant ? et j'ai eu l'occasion d'écouter quelques interventions ? mais je suis pratico-pratique. Je viens de ce domaine-là, et croyez-moi qu'à l'époque, quand je me levais à 4 heures du matin, que je devais, pour survivre... Nous devions, à l'époque, pour survivre, vendre à l'extérieur de notre première boulangerie, à Dorion, parce qu'on n'avait pas suffisamment de clientèle. On n'avait pas les ressources pour la faire, la publicité, on n'avait pas ce qu'il fallait. Alors, je partais, je mettais mon pain dans ma voiture, je partais, j'allais livrer dans les supermarchés environnants. Est-ce que vous pensez que j'aurais pu, moi, rendu à 4, 5 heures l'après-midi, me mettre à étudier des cahiers de charges et à faire des demandes? Non. Les artisans ne le feront pas, les artisans ne le feront pas. Et finalement on va arriver à un objectif contraire de la cause de ce qu'on est tous... de ce que vous êtes en train de faire comme travail.

Alors, je crois profondément au travail qui a été fait, qui a été proposé sur une loi afin de protéger les petits et d'empêcher les industriels de profiter de tendances et de modes. Et on doit protéger l'authenticité et on doit protéger les gens qui font des vraies choses. Alors, voilà mon point de vue.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Alors, cela complète votre présentation?

Mme Jean (Christine): Non, ce n'est pas complet.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous voulez continuer?

Mme Jean (Christine): Oui, j'aimerais continuer...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): S'il vous plaît.

Mme Jean (Christine): ...dans le même ordre d'idées, avec la P-29, en parlant du document qui a été préparé par Transformation Alimentaire Québec, qui propose des conditions d'utilisation des termes «fermier» et «artisanal» qui encadrent bien ces deux mentions, même si certains points demandent quelques précisions.

Donc, à notre avis, il nous paraît essentiel, dans le cadre de cet exercice, que la mise en place d'une telle démarche soit élaborée dans l'optique de non seulement valoriser le travail des artisans et des petits producteurs qui offrent des produits distinctifs, mais également de leur permettre de favoriser leur développement. Des conditions trop restrictives auraient à notre avis un effet défavorable en ce sens.

On note à cet effet qu'une des conditions d'utilisation de la mention «artisanal» implique un travail manuel entre chaque étape de la production. À notre avis, cette condition devrait être mieux définie et évaluée afin qu'elle ne serve pas à restreindre les possibilités de croissance des artisans. Est-ce que l'utilisation d'une étiqueteuse automatique ou d'un diviseur de pâte serait considérée non conforme à l'utilisation de la mention «artisanal»? Il serait possible d'élargir la définition de «travail manuel» tout en permettant aux produits et aux procédés de conserver un caractère artisanal et authentique. L'utilisation du terme «mécanisé de façon minimale» serait plus appropriée et offrirait une plus grande flexibilité d'application.

n(17 h 40)n

À cet effet, la participation de l'artisan au processus de préparation nous semble également restrictive. Il est conséquent de penser que plus le nombre d'employés augmente, plus l'artisan transmettra son savoir-faire, pendant que celui-ci s'occupera de tâches administratives et de la gestion de son entreprise. Ainsi, la condition suivante proposée qui devrait être remplie par l'artisan implique que le produit devrait être préparé selon ce savoir-faire de l'artisan et impliquer sa participation dans le procédé de façon à ce qu'il en résulte un produit conforme aux règles de l'art du métier. Cette définition devrait être revue afin de ne pas confiner l'artisan uniquement à des tâches manuelles liées à la fabrication. Une condition spécifiant que le produit devrait être préparé selon le savoir-faire de l'artisan de façon à ce qu'il en résulte un produit conforme aux règles de l'art de son métier nous semble plus appropriée.

Autre commentaire concernant l'utilisation d'un autre type de mention. Alors, on note que les deux termes retenus dans le cadre du projet de loi... de règlement sur les produits alimentaires, soit «artisanal» et «fermier», ne laissent aucune place à une autre catégorie de produits qui offre aussi des caractéristiques de fraîcheur, de saveur et de tradition mais qui ne correspond pas à ce que proposent les mentions ci-haut. Les produits portant la mention «maison» ? confiture maison, tarte maison, pâté maison ? méritent également un encadrement qui garantirait leur authenticité. Ces types de produits sont nombreux sur les tablettes de nos épiceries et méritent d'être reconnus et à l'abri des compétiteurs qui affichent des mentions trompeuses.

Nous croyons que les conditions d'utilisation de la mention ou de l'attestation «maison» nécessiteraient, au même titre que la mention «fermière» ou «artisanale», un encadrement réglementaire en vertu de la loi P-29. Nous proposons que les conditions suivantes s'appliquent à l'utilisation du terme «maison»: produit qui serait préparé et vendu sur place ou dans une succursale de vente de la même entreprise. Le produit pourrait également être vendu de manière itinérante par le fabricant. La fabrication devrait se faire de manière non industrielle et le procédé, mécanisé de façon minimale. Les produits seraient vendus frais, et la recette proviendrait de recettes dites traditionnelles. Aucun additif ou utilisation de prémélange ne serait permis. Et autres conditions à définir.

Dernier point important qu'on aimerait amener, c'est la définition des termes et la confusion des consommateurs. Bien que pour l'instant les orientations générales concernant les attestations et mentions proposées dans le projet de loi semblent établies, nous croyons qu'il en va autrement de la mise en application et de la portée de chacune des définitions, ainsi que de la compréhension de ces attestations et mentions par le consommateur. Le plus préoccupant est l'impact réel de cette démarche chez les consommateurs. À l'ère des emballages qui multiplient les termes, les mentions et allégations sur les valeurs nutritives ou autres indications permettant de valoriser les denrées alimentaires, les consommateurs ont du mal à s'y retrouver.

Des logos distinctifs de l'origine des produits selon les différentes appellations seraient sans doute la meilleure alternative pour les consommateurs qui rechercheront cette marque distinctive. Cependant, l'interprétation ou la compréhension de ces signes d'identification par le consommateur sont loin d'être assurées. Si la présence d'une attestation de spécificité ou de région de production des produits achetés rassure le consommateur sur la légitimité de l'appellation, encore faut-il qu'il soit conscient de la valeur et de la signification réelle qu'elle représente.

De plus, les risques de confusion entre «appellation d'origine» et «indication géographique protégée», «produit artisanal» et «produit fermier» pourraient être bien réels et devront être mieux évalués. Dans des enquêtes réalisées en France, un pays qui possède une expérience centenaire dans le domaine des appellations, on cite que seuls 3 % des adultes sont capables d'identifier les logos identifiant les indications géographiques protégées, IGP, ainsi que les appellations d'origine protégée, AOP. Ces deux désignations sont très similaires à ce que nous retrouverions ici. Si on pousse la réflexion plus loin, est-ce que l'inclusion de termes «fermier» et «artisanal» ? on entend ici avec les logos ? ne serait pas un danger pour les AOP et les indications géographiques? Si le risque de confusion est réel, le niveau de reconnaissance est très différent pour ces deux derniers.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, on va arrêter à ce niveau-là, Mme Jean, et vous aurez l'occasion de revenir sur votre mémoire. M. le ministre, pour le premier tour.

M. Lessard: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mmes Cloutier, Jean et Fiset, bienvenue à cette commission extrêmement importante. Vous êtes notre dernier groupe de consultation. Mais ça m'a stimulé, Mme la Présidente, sur le fait de l'appartenance, d'être un artisan, honnêtement d'être ce travailleur, cette travailleuse-là. Et je me dis des fois: Au niveau des législateurs, est-ce qu'on s'en fait trop sur l'encadrement?

Je vous ai écoutées. Actuellement, au niveau de la Loi sur les appellations réservées, il y a «production biologique», donc par le mode de production, c'est le seul qui ait réussi à passer l'étape. Là, il s'est développé une belle filière là-dessus: produits à valeur ajoutée. Pour le reste, personne ne l'a utilisé. Ça a donné lieu à une multitude d'utilisations, de développements, de façons de faire, de produits maison, fermier, artisanal, etc. Donc, on n'a pas organisé ce volet-là, et il s'est développé à ce qu'on connaît aujourd'hui.

Je le disais tout à l'heure, je vais dans les tablettes, je regarde, il y a toutes sortes d'utilisations de mots et de produits, «local», «régional», etc. On peut y retrouver des façons de faire familiales, etc. Alors, je me dis: Actuellement, le champ est libre, aucune organisation. Vraiment, l'artisan qui se définit comme un artisan ou l'industriel qui aime la tendance artisanale, tout le monde l'utilise à tort ou à raison. Mais, bon, là, je me dis: Bon, on va essayer de protéger aussi le consommateur, qu'il puisse s'y retrouver. Alors, est-ce qu'une chatte y retrouverait ses chats, actuellement? Je ne suis pas sûr. Si on va dans les tablettes, là, je pense que c'est assez confusant.

Alors, devant tout ça, devant la volonté de donner une valeur ajoutée, un encadrement sans être trop restrictif, on a produit ce régime que je dirais à deux volets: effectivement, les appellations réservées, cahier de charge avec tout ce que ça comporte; l'autre, plus souple ? parce que vous êtes à peu près deux ou trois groupes qui nous ont dit que la souplesse, ça avait sa place, que tout le monde ne visait pas l'international, etc. ? l'encadrement mais tout en comprenant aussi que, quand on est un artisan, on travaille très fort, l'organisation, on n'a pas toutes les ressources humaines puis le développement puis les sous pour faire ça.

Je me dis: On s'en fait-u trop pour vouloir l'organiser, pour vouloir restreindre certains usages? Des fois, comme législateur, il faut se la poser, la question: Est-ce qu'on en fait trop ou... Moi, j'avais l'impression qu'on répondait à un besoin du milieu, mais vous m'avez jeté une lanterne un peu différente, à savoir: Devrait-on l'encadrer ou laisser le marché tel qu'il est?

Mme Fiset (Josée): Bien, savez-vous, c'est...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est Mme Fiset.

Mme Fiset (Josée): Pardon, oui. On est souvent obligé d'agir parce qu'il y a de l'abus. Alors, c'est évident que, si on laisse l'abus aller, ça va devenir grandiose. Moi, je pense que, oui, on doit s'impliquer, on doit légiférer mais de façon intelligente, c'est-à-dire de façon réaliste, où c'est possible, où on ne va pas finalement aller à l'encontre de l'objectif de la loi. Et c'est de la façon dont on doit réfléchir.

Alors, est-ce que vous vous en faites trop? Je ne pense pas. Je pense qu'effectivement il y a énormément d'opportunistes dans le marché et que c'est ces gens-là que l'on doit éloigner de fausses représentations, et malheureusement c'est une réalité, ça existe et c'est là. Alors, effectivement, c'est pour ça que, nous, on prône un projet de loi comme la P-29, on n'a jamais eu aucun problème avec ça. Il faut éliminer les abuseurs, il faut éliminer les opportunistes qui veulent embarquer dans des tendances sans conviction, sans authenticité, sans vérité. Alors, oui.

Par contre, il ne faut pas, surtout pas alourdir. Quand on parle de cahier de charges, écoutez, c'est d'une lourdeur pour une entreprise, même une entreprise qui a pris son envol. Même une entreprise comme pour nous, Première Moisson, qui avons pris notre envol, nous sommes rendus peut-être à l'étape n° 2 du développement que je parlais tout à l'heure, écoutez, c'est lourd. On a une entreprise à diriger, on a à faire évoluer notre entreprise, à développer constamment, et il faut aussi faciliter la tâche aux gens, il ne faut pas compliquer les opérations.

Alors, non, je ne pense pas que vous vous en faites, je pense qu'on doit encadrer, mais quand même avec une certaine souplesse, comme vous disiez. La souplesse est importante. Pour moi, un cahier de charges, c'est tout à fait irréaliste.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. M. le ministre.

M. Lessard: Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous êtes édifié, là.

n(17 h 50)n

M. Lessard: Oui. J'écoutais... Parce qu'on a rencontré différents groupes, Bis la boulange, exemple, qui est venue nous faire des représentations, Solidarité rurale et bien d'autres, mais ils nous ont vraiment remis cette souplesse-là à l'index en nous disant: Non, non, non, il ne faut pas baisser la garde, là, il faut rester vigilant pour que les produits d'appellation réservée, ce soit déterminant qu'on ne pourra pas marquer... Je pense qu'il va falloir faire encore 1 000 ans avant d'avoir un terroir, ou quelque chose qui aurait passé plusieurs traditions pour construire quelque chose. Est-ce que vous pensez qu'avec la façon de faire on peut commencer? Donc, ce serait une façon d'introduire, à notre manière québécoise, pas des marques de commerce mais des façons de procéder, donc faire un peu de ménage dans qu'est-ce qui est paysan, qu'est-ce qui est artisanal, qu'est-ce qui est fermier. Est-ce que vous pensez que c'est un bon début? Parce que c'est peut-être un peu ? excusez l'expression ? barouetté, ces deux expressions.

Mme Fiset (Josée): Bien, je pense que de faire une liste...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Fiset.

Mme Fiset (Josée): Excusez-moi, je ne sais pas trop comment ça fonctionne.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Non, il n'y a pas de problème, juste vous identifier, Mme Fiset.

Mme Fiset (Josée): D'accord. Alors, je pense que de faire une liste des termes à clarifier, c'est déjà une belle priorité. Parce que Christine en a nommé plusieurs, tout à l'heure. Et de faire des définitions de termes, c'est déjà beaucoup. C'est déjà beaucoup.

Mme Jean (Christine): Christine Jean. En considérant qu'actuellement il n'existe rien pour encadrer ces gens-là, je crois qu'au moins c'est un premier pas. Et on verra où on se dirige une fois que ce sera en place et, s'il y a moyen d'aller un peu plus vers quelque chose de beaucoup plus rigide, bien, là, on pourra y aller. Mais, de se diriger vers une certification obligatoire, là, je pense que ce n'est pas la bonne solution.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): M. le ministre.

M. Lessard: Alors donc, je vais donner encore dans cet exemple-là parce que je l'aime. Et puis mon collègue, là, ici, à l'Assemblée, de Rouyn, tient... Il y a beaucoup de produits du terroir qui se retrouvent maintenant dans les chaînes alimentaires, et ça représente des façons de faire. Honnêtement, moi, je tiens beaucoup à... Au Québec, on a été capables de développer des produits que les gens sont prêts à payer pour. Et finalement c'est la clientèle qui détermine les usages d'aujourd'hui, ce qui est à la mode, ce qu'on n'avait pas... Et je me disais: Le laisser-faire a permis quand même beaucoup de développement. Alors, dans ma crainte de tout le monde veut me faire durcir la loi... J'ai été même critiqué par le député des Îles, je pense. Je ne suis pas sûr, là, mais... Donc, de vouloir...

Une voix: ...

M. Lessard: Non, mais en disant que le volet sous P-29 était peut-être trop léger, etc. Alors, vous me rappelez... en tout cas, je garde à l'esprit ce côté de flexibilité, de souplesse, que l'artisan peut s'y retrouver, être capable d'être en affaire, la développer et par la suite devenir un entrepreneur, une entrepreneure. Je vais garder ça à l'esprit, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci. Alors, avez-vous un commentaire à faire là-dessus? Non. Moi, j'ai une petite question à vous poser rapidement. Vous avez insisté beaucoup, dans votre mémoire et votre présentation, sur le terme «maison», de «produit maison». Pourquoi est-ce que c'est si important pour vous d'identifier spécifiquement le terme «produit maison»?

Mme Jean (Christine): Parce que l'utilisation...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Jean.

Mme Jean (Christine): Christine Jean. L'utilisation du terme «maison», la question, nous, qu'on a eue quand on a vu le projet de loi, c'est: Pourquoi encadrer le terme «fermier» et pas le terme «maison»? Parce qu'à notre avis les produits qui sont maison et qui sont faits dans les régions ont autant de valeur qu'un produit qui est fait à la ferme. Alors, c'est à partir de cette réflexion-là qu'on s'est dit: Pourquoi laisser tout le monde appeler leurs produits «produit maison» et encadrer le terme «fermier»? C'est à partir de ça, tout simplement.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mmes Cloutier, Jean et Fiset, du CTAC, je veux vous souhaiter la bienvenue à cette commission parlementaire. C'est vrai que vous êtes le dernier groupe qu'on reçoit. Et c'est une partie importante, j'en ai parlé lors de nos échanges avec les gens de l'Union paysanne. Je suis assez perplexe quand même, je dois vous le dire. Peut-être, Mme la Présidente, je suis fatigué, là, au terme de cette journée, mais, je dois vous dire, je suis assez perplexe. Et je suis en général franc, alors, et, avec le CTAC, j'ai toujours été franc. Je vous rappelle cependant que c'était, je pense, la première sortie officielle que j'ai faite dans mes fonctions de ministre lorsque je suis allé vous rencontrer, la fusion avec les artisans de la boulangerie venait juste de se matérialiser pour le CTAC.

Mais je veux vous dire pourquoi je suis un peu sous le choc, avec votre mémoire. Parce que, si on prend, par exemple, à la page 2 de votre mémoire, vous nous dites: «Tant les modifications proposées à la Loi sur les appellations réservées que le nouveau règlement proposé en vertu de la Loi sur les produits alimentaires nous semblent justifiés.» Donc, vous dites: Les deux sont justifiés. Moi, à ma connaissance, tous les échanges qu'on a eus jusqu'à maintenant, la majorité... et même le ministre a dit qu'il avait été critiqué, là, mais ce n'est pas moi, ce n'est pas moi, mais beaucoup des gens qui sont venus nous voir nous ont dit: Il y a un risque là parce qu'on ne peut pas avoir deux systèmes, deux niveaux.

Mme Fiset, vous nous dites: Il faut vraiment, là, il faut baliser, il faut encadrer mais avec la souplesse. Mais là il faut faire attention, c'est parce qu'on s'apprête ? c'était ça, la proposition initiale qu'on avait ? à encadrer. Parce que le biologique, ça a marché, là, les gens nous l'ont dit, là, cet après-midi, partout, ça fonctionne, le biologique, le système d'accréditation, et tout ça. Et ce que nous décrit le ministre et ce que nous a décrit l'UPA: quand tu vas sur les tablettes, c'est un peu le capharnaüm, il faut encadrer. Vous comprenez?

Alors, vous, vous nous dites: Tout ça, là, on est d'accord, on est d'accord pour des appellations réservées au niveau de l'origine puis au niveau du terroir, aussi au niveau des appellations réservées au niveau fermier, au niveau paysan, aussi la réglementation qui va permettre une appellation de type fermier et de type paysan. Et vous dites, dans les phrases qui suivent, vous nous dites: Cependant, il faut éviter, tu sais, encore... «Mais encore faut-il que ces derniers ? les consommateurs ? puissent à la fin s'y retrouver.» Et vous dites qu'il y a des risques de confusion entre les appellations et, vous-mêmes, vous rajoutez une définition qui serait une définition de «maison». Comment on va faire, là? Comment on va faire pour encadrer de façon correcte et concrète, dans le sens du biologique, de permettre un encadrement plus flexible et de permettre au consommateur de se retrouver? Ça me laisse un petit peu perplexe, je dois vous le dire.

Mme Jean (Christine): Bon. Christine Jean.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est Mme Jean qui répond à la question.

Mme Jean (Christine): Dans le fond, ce qu'on dit ? ce n'est peut-être pas exprimé de cette façon-là dans le mémoire ? c'est que c'est un premier pas. On ne dit pas que c'est parfait, et la façon de le dire que ce n'est pas parfait, je pense qu'on l'amène en disant: Est-ce qu'on va amener une série de logos pour les consommateurs, où ils ne se retrouveront pas?

Déjà, on vous parle d'une étude qui a été faite en France où uniquement 3 % des adultes peuvent se retrouver entre deux types de logos: appellation d'origine protégée et indication géographique. Ici, on veut en avoir quatre. C'est vrai qu'on dit: Oui, on est d'accord avec ce que vous proposez, mais ce n'est peut-être pas la solution parfaite, là. On est d'accord parce que ça amène une souplesse, et ça, c'est important pour nous, mais on ne dit pas que c'est la solution.

Évidemment, si on encadrait l'utilisation du terme «fermier» et «artisanal» uniquement par la P-29, pour nous, ce serait suffisant, et, s'il y a des groupes qui veulent faire réserver le terme «artisanal» pour un type de produits particulier, un fromage artisanal, ils auront tout le loisir de le faire. Mais, pour le consommateur, ça, c'est un autre problème, là. Est-ce qu'il n'y aura pas confusion entre un logo artisanal, fermier, indication géographique?

Sans vouloir diminuer la valeur du terme «fermier» et «artisanal», moi, j'établirais ces types de certification là à un niveau différent de ce qu'on a avec une appellation d'origine, où le fabricant doit prouver hors de tout doute que son produit est unique et lié vraiment au terroir. Alors ça, ça ne se fait pas en une semaine. Alors, lorsqu'il y a un produit fermier, on peut, en l'espace d'une semaine, dire: Moi, je fabrique des confitures fermières, et là je vais chercher une certification, alors que l'appellation d'origine, ça peut prendre des années avant d'y arriver. Est-ce qu'on va donner des certifications à tous les termes comme ça?

Le biologique, je n'aime pas quand on fait la comparaison avec le biologique parce que le biologique a répondu vraiment à une demande, une obligation, parce que le consommateur ne peut pas faire la distinction entre un brocoli qui est biologique et celui qui ne l'est pas. Alors, c'était indispensable d'avoir ce type de certification. Et la preuve, c'est que ça a marché et ça continue de fonctionner. On vous parlait, tout à l'heure, Josée expliquait le terme «artisanal». Le consommateur n'a pas besoin de se faire dire que son produit est certifié artisanal quand il va l'acheter à sa boulangerie du coin, il sait que c'est un artisan qui le fabrique, alors...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci, Mme Jean. Alors, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Arseneau: Vous savez, je pense que, lorsque, par exemple, on dit: En France, c'est seulement 3 % qui... il faut savoir que c'est un système qui existe depuis très longtemps en France puis c'est un système très clair. Et, quand on regarde, par exemple, la valeur des exportations, la valeur de ces produits-là consommés en France et des exportations ailleurs, et tout ce qu'ils nous envoient... ce qu'ils nous envoyaient ? ils nous en envoient moins, d'ailleurs ? en ce qui concerne les vins, en ce qui concerne les fromages, tout ça, c'est sous des appellations contrôlées.

n(18 heures)n

Alors, vous ne craignez pas que, si on ne fait pas ça de la bonne façon, bien encadré, comme on a fait pour le biologique, au risque que ça prenne du temps à démarrer plutôt que de démarrer dans la confusion... Parce qu'on est dans la concurrence. Moi, j'ai adoré votre cri du coeur, Mme Fiset, quand vous dites, par exemple: Protégeons le petit. C'est ça que je retiens dans ce que vous dites sur les artisans, là, le terme «artisanal». Vous dites: Protégez le petit. Ça a tranché dans le débat qu'on a eu une bonne partie de l'après-midi; ça, je reconnais ça. Mais donc, vous ne pensez pas qu'on devrait bien plus tabler sur la précision, sur la concision, sur la clarté?

Et les termes ont été définis. Il y a eu un travail. Et je pense que vous étiez sur le comité de Mme Desjardins, le groupe de Mme Desjardins. Alors, vous ne croyez pas qu'on doit plus tabler sur l'encadrement, sur le soutien, sur la promotion? Parce que je vous rappelle que, par exemple, Aliments du Québec, ce petit logo, les consommateurs du Québec le reconnaissent de plus en plus. Alors, on ne devrait pas davantage tabler sur quelque chose de bien encadré, bien défini plutôt que de risquer une grande confusion qui, sur la scène internationale ou sur les marchés au niveau de l'exportation... qu'on n'a aucune chance de faire connaître? Parce que, si on ne s'y retrouve pas, nous, pensez-vous que les étrangers vont s'y retrouver?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, c'est Mme Jean qui répond à la question?

Mme Jean (Christine): Oui. J'essaie de comprendre. Quand vous parlez de confusion, est-ce que c'est entre style artisanal et certification artisanale? Est-ce que c'est ça que vous voulez dire?

M. Arseneau: Bien, c'est vous qui le dites dans votre mémoire. Vous dites: «Nous considérons qu'il est essentiel que les définitions proposées encadrant l'utilisation du terme "artisanal" soient revues et réévaluées afin de ne pas restreindre les possibilités de croissance des entreprises. À partir de quel stade [un] produit perd-il son caractère artisanal?» Ça, Mme Fiset, vous avez répondu. Mais, partout avant ça, vous parlez du risque de confusion et permettre aux consommateurs de se retrouver. Moi, je vous dis: Vous demandez deux choses en même temps, vous demandez qu'on définisse et qu'on encadre et vous demandez de la souplesse, et, dans ce secteur-là, ce n'est pas possible.

Mme Jean (Christine): Je pense que la P-29 apporte cette souplesse-là. Pourquoi ça devrait... Pourquoi l'encadrement ne serait pas suffisant? Les définitions qui ont été proposées du terme «artisanal», est-ce qu'on devrait aller vers quelque chose de plus sévère? Est-ce que c'est nécessaire? Moi, je ne crois pas, pas à mon avis.

M. Arseneau: Bien, moi, c'est Mme Fiset qui a répondu à ça tantôt. Vous pouvez reprendre votre réponse, Mme Fiset, peut-être.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Voulez-vous ajouter quelque chose, Mme Fiset?

Mme Fiset (Josée): Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y.

Mme Fiset (Josée): Écoutez, je pense qu'il ne faut pas non plus... Le biologique, il faut faire attention avec la certification biologique. La certification biologique est absolument nécessaire. Je veux dire, on vend un produit plus cher, et c'est très facile de tromper le consommateur, de faire semblant qu'on met un aliment biologique dans une transformation, alors qu'on met un aliment qui n'est pas biologique. La certification a amené un contrôle sur les lieux de production, très sévère, et nous sommes nous-mêmes certifiés, c'est très sévère, et j'en suis fière, c'est important, parce que c'est facile de tromper le consommateur avec le bio.

Maintenant, les produits du terroir, c'est une chose. Devons-nous avoir une accréditation pour les produits du terroir? Écoutez, peut-être. Moi, je viens débattre l'artisan, là. En ce qui concerne l'artisan, c'est autre chose. Je veux dire, c'est... On ne trompe pas notre client avec des produits qui sont... Ce n'est pas de la transformation comme le biologique, l'artisan, c'est autre chose que le biologique, l'artisan, et c'est là que je pense que la lourdeur va devenir trop compliquée pour l'artisan.

Maintenant, les produits du terroir, effectivement, s'il y a à mon avis à encadrer davantage, il y a probablement des secteurs là-dedans, il y a peut-être la part des choses à faire aussi, des domaines où on doit encadrer davantage que d'autres. Est-ce que ça veut dire qu'on doit encadrer et demander des certifications pour chacun des secteurs qui sont ciblés? C'est la question qu'on doit se poser.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, Mme Fiset. On vous reviendra avec d'autres questions. M. le député de Portneuf.

M. Soucy: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais revenir sur les propos que vous avez exprimés, madame... c'était Mme Fiset, à ce moment-là. Vous avez dit tantôt que vous vouliez protéger le petit puis, quitte à faire la place, lorsque le petit grandissait, à utiliser une autre appellation qui était conjointe. Vous m'avez parlé d'«artisanal», après ça de «type artisanal» en termes de croissance. Puis là je me dis: Bien, là, on vient de confondre, d'une part, le consommateur. Puis, d'autre part, votre première référence au fait de rester petit, c'était le fait que, dans le «type artisanal», l'acheteur voit le producteur, voit l'artisan, on assure la qualité de par la proximité, mais, à partir du moment où on change d'étape, là je me retrouve devant un problème de confusion d'appellations puis la garantie que j'avais à cause de la proximité, je l'ai perdue. Comment on peut rallier tout ça?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Fiset.

Mme Fiset (Josée): Oui. Écoutez, nous, ce qu'on a vécu ? je peux vous parler de mon vécu à moi, ce que, moi, j'ai vécu en tant qu'entrepreneure ? c'est que, nous, au début, c'était facile d'être un artisan, puisqu'on ne vendait que dans notre boutique, alors nous étions identifiés comme étant des artisans et nous avions en plus la main à la pâte, les fondateurs. À un moment donné, on grossit, on vend à l'extérieur, on vend dans certaines fruiteries, dans le supermarché de son village et nous sommes toujours des artisans. Évidemment, à partir du moment où l'entrepreneur met ses énergies à développer son entreprise, est-ce qu'il peut encore s'appeler «boulangerie artisanale»? Je pense que c'est un débat qu'il doit y avoir entre les boulangers ou entre les intervenants.

Dans le cas où il ne peut plus, dans le cas où je ne peux plus m'appeler «boulangerie artisanale» parce que mon frère ne panifie plus, à ce moment-là, qu'est-ce que je peux faire? Parce que je fabrique quand même de façon artisanale, j'ai des artisans qui travaillent pour moi. Alors, est-ce que je peux aller sous l'appellation «fabrication de type artisanal»? Si oui, tant mieux; si non, je suis correcte. Je veux dire, pour moi, l'essentiel, je le répète, c'est de protéger le petit, et, si je dois me retirer de l'appellation, je me retirerai avec grâce, et c'est correct. Alors, c'est une question qui doit se poser. Comme je vous dis, je n'ai pas... à un moment donné, je ne pouvais plus débattre le point de l'artisan parce que les gens ne... je n'avais pas de crédibilité parce que, pour les gens, on est gros, à Montréal, quoique...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Alors, M. le député de Portneuf, est-ce que vous avez terminé?

M. Soucy: Bien, j'avais une autre petite question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y, allez-y.

M. Soucy: Tantôt, le député des Îles a amené l'exemple d'Aliments Québec, qui était reconnu, mais encore une fois... des fois, on le reconnaît sur des produits... parce que l'étiquette est sur un produit qui ne vient pas du Québec. Alors, je ne suis pas certain que, par l'étiquetage, on arrive à nos fins, là. Mais est-ce que c'est parce que votre... Je reviens maintenant à votre démarche par rapport à la boulangerie. Est-ce que c'est parce que le pain, ce n'est pas un produit qu'il serait possible d'exporter qu'il faudrait être un petit peu plus souple avec le cahier des charges? Parce que, jusqu'à maintenant, on n'avait pas parlé spécifiquement de pain, on avait parlé de produit du terroir qui pouvait avoir des qualités exceptionnelles qui fassent en sorte que les gens de l'extérieur puissent être intéressés à l'acheter, lui donner une plus-value, par le fait même. Est-ce que c'est parce que, quand on arrive dans le pain, on ne peut pas... Est-ce qu'on peut penser que le pain n'est pas soumis aux mêmes contraintes, aux mêmes objectifs?

Mme Fiset (Josée): Josée Fiset. Moi, je donne mon exemple de boulanger, mais il y a des gens qui fabriquent des confitures. Je veux dire, moi, c'est des artisans qui font les confitures pour nous. Il y a nos chocolatiers, on a quatre chocolatiers artisans qui travaillent pour nous. Alors, je ne parle pas que de pain quand je parle d'artisan, je parle du petit. Et croyez-moi que je les côtoie. Je veux dire, quand c'est la mère, le père et le fils qui travaillent, leur demander d'aller chercher leur accréditation, c'est chose impossible. Alors, ce n'est pas par rapport au pain qui est un produit difficilement exportable quand je parle de l'artisan, je parle de la faisabilité, je parle de la réalité, comment ça se passe dans l'industrie.

M. Soucy: Merci.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Je suis très, très, très heureux d'entendre vos propos, puis je pense que vous m'avez entendu dans la présentation précédente aussi, ça rejoignait vos points, puis je vais vous dire pourquoi. Moi, j'ai fait l'avocat du diable un petit peu justement, tout le long, à tous les groupes qu'on a rencontrés, pour ramener à leur dire: Oui, mais le petit veut-il aller dans qu'est-ce que vous demandez de passer, c'est-à-dire dans les cahier de charges, etc.? Puis vous me l'avez très bien expliqué, puis je vais vous dire pourquoi je partage vos propos.

C'est que j'ai une de mes belles-soeurs qui a fait tentativement... elle a travaillé quatre ans, elle a développé des produits, des petits pâtés faits à la maison, très particuliers. Même M. Philippe Mollé, à un moment donné, a fait des articles sur elle dans La Presse. Puis, tout le long de qu'est-ce que j'ai entendu actuellement dans les propos, tous les gens me parlent... la première chose qu'ils parlent tout le temps, c'est d'exportation, d'exportation parce que tout le monde pense que le jour que tu deviens producteur, tu deviens exportateur demain matin, ce qui est faux. Moi, on m'a appris, dans les cours que j'ai faits, les formations marketing, ils m'ont dit: Quand tu veux développer ton marché, tu commences localement puis après ça tu t'agrandis. C'est la clé du succès, vous l'avez très bien vécu.

n(18 h 10)n

Donc, j'ai regardé, ma belle-soeur, c'est ça qu'elle a tentativement fait. Et c'était artisanal. Et, comme vous avez très bien dit, s'il y avait eu une surcharge en plus, administrative, de mettre pour aller chercher une certification artisanale alors qu'elle faisait un produit artisanal, tout le monde le savait, en plus s'il avait fallu aller la chercher, elle n'aurait pas passé au travers. Elle a eu des difficultés, puis, elle, quand elle... puis, s'il avait fallu lui ajouter ça, comme vous l'avez très bien exprimé, c'est trop pour un artisan. C'est trop parce que l'artisan qui commence, qui commence à développer son marché local, il veut une reconnaissance que son produit se distingue des produits des grandes surfaces proprement dits en premier lieu, il ne pense pas à exporter. Le jour qu'il va devenir... puis peut-être qu'il ne voudra jamais faire l'exportation.

Alors, de mon point de vue, ce sont deux débats complètement différents. Quand on met un petit artisan, comme vous l'avez très bien dit, qui veut faire un produit, en tant qu'on compare avec des gens qui veulent une appellation d'origine, par exemple comme les gens des cidres de glace qui font déjà des produits très avancés, à un autre niveau, on parle de deux choses complètement différentes. Et, moi, ma crainte, c'est qu'effectivement on fait un projet de loi qui soit restrictif pour les petites personnes qui commencent un produit de base, artisanal, puis atteindre tranquillement, puis grossir. Puis ma crainte sur qu'est-ce que les gens demandent, c'est qu'on vienne plus restreindre de la création d'entreprises comme la vôtre qui a atteint... Alors, c'est vraiment... Puis vous l'avez très bien exprimé, puis je pense que c'est important de le faire à la fin parce qu'il faut qu'on en tienne compte pour être certain qu'on ne nuise pas le démarrage de nouvelles entreprises.

Un point où je voudrais revenir. Tantôt, vous parliez des produits maison. Moi, je suis un peu contre parce qu'une des raisons des produits maison... Tantôt, quand on parlait de produit artisanal, ça ne voulait pas dire produit sur la ferme, c'est une méthode. Puis j'avais pris un argumentaire tantôt, à savoir: Si Saputo fait une petite fabrique de produits à la main dans le coin de sa grande usine, peut-il utiliser le mot «artisanal»? O.K.? Parce qu'il va faire un certain produit à l'intérieur et il profite de la grande force de son marché, de sa force de commercialisation pour mettre en place un produit qui vient compétitionner vraiment un petit artisan.

Et donc, moi, je me dis qu'un produit maison qui peut être... comme vous faites, par exemple, que vous êtes l'artisan, en ayant un produit artisanal fait comme vous le faites, tu n'as plus besoin de la distinction de produit maison parce que ça reflète cette notion-là. Tandis que, si on prend une grande surface qui, dans un coin de son épicerie, a les fameux produits maison, pour moi, ce n'est pas la même chose que quelqu'un qui est un artisan proprement dit, parce qu'elle utilise la force de son entreprise. Un grand Metro qui va arriver puis qui a tous ses produits sur une base, entre guillemets, de consommation, il achète en gros, en vrac, etc., et il va faire une tarte maison dans le coin de son épicerie, moi, je ne suis pas d'accord avec ça parce qu'il vient, à ce moment-là, combattre sur le marché de l'artisan. Et c'est là que, moi, je me dis: Je n'en veux pas. Je resterais à ce niveau-là. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Il reste une minute pour Mme Jean.

Mme Jean (Christine): Oui. Bien, je crois que ce qu'on propose aussi, c'est d'encadrer, là, l'utilisation du terme «maison» en disant que c'est un produit qui est vendu sur place. Et notre réflexion part du fait que, quand on va dans les régions, dans les campagnes, on voit souvent des kiosques qui vont vendre des produits qui sont des produits maison. Alors, je ne parle pas de produits qui sont vendus dans les grandes surfaces, là, je parle de produits qui sont faits sur place, qui ne sont pas nécessairement des produits artisanaux. Ça peut être une dame qui décide, un jour, de faire des tartes et de les vendre dans quelques commerces, là, de sa ville. Donc, on explique aussi que le produit devrait être vendu de façon itinérante. Alors, ce n'est pas des produits qui seraient destinés pour les grandes surfaces.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Merci beaucoup, Mme Jean. Excusez-moi...

Mme Jean (Christine): Ça pourrait être aussi artisanal. La dame, elle a décidé d'appeler ses tartes «tartes maison» parce qu'elles sont faites à la maison.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. Alors donc, je passe du côté de l'opposition officielle. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, il vous reste 9 min 45 s.

M. Arseneau: Combien, madame?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): 9 min 45 s.

M. Arseneau: Neuf minutes. C'est très inté-ressant, Mme la Présidente, d'entendre aussi le député de l'Abitibi, Rouyn-Noranda?Témiscamingue. C'est parce que c'est intéressant, c'est de ça dont on a parlé constamment. Est-ce que les modifications ou le projet de loi du ministre peut être un frein au développement d'entreprises? Bien, je doute, je doute quand même que ce soit un frein. Et ce n'est pas ça, l'intention du ministre, ça, c'est clair.

Maintenant, est-ce que maintenant on doit avoir deux niveaux de solidité de nos logos appliqués sur nos produits pour permettre plus d'exportation à un, plus d'espace sur le marché québécois à l'autre? Je trouve qu'on risque finalement d'amener plus de confusion que de soutien aux entreprises. Et je ne suis pas certain que, par exemple, ça aiderait votre dame, votre belle-soeur qui voulait produire davantage. Ce n'était quand même pas la tourtière du Lac-Saint-Jean, là, ça devait...

Une voix: ...

M. Arseneau: Bon. Ce que je veux dire par là, c'est que, si on prend, par exemple, Tournevent qui était juste... qui sont venus cet après-midi, d'après moi, ils avaient essentiellement à peu près le même discours en ce qui concerne l'appellation «artisan». C'est là, la difficulté, là, de définir ce serait quoi. Puis, moi, je vous le dis encore, Mme Fiset, j'apprécie beaucoup le fait que vous disiez: Bon, bien, là, s'il faut trancher pour protéger le petit, on va protéger le petit. Mais dans le fond il faut, je pense, en tout cas c'est mon opinion, mais je pense que c'est aussi l'opinion de la majorité des gens qui sont venus... On est presque dans les remarques de fin, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Pas encore. Pas encore.

M. Arseneau: Mais, en regard des produits maison, vous n'avez pas peur que cette appellation-là, ça porte à confusion avec ce que vient de nous apporter mon bon ami de l'Abitibi, ou encore avec certains supermarchés, ou encore des... qui annoncent des produits maison? Comme par exemple, si je vais à la boulangerie... Chez nous aussi, il y a des boulangeries. Puis, d'après moi, ce sont des artisans. Je ne sais pas s'ils pourraient s'appeler «artisans», ça dépendra comment, là, parce qu'ils exportent du pain à l'Île-du-Prince-Édouard. Mais parfois je peux trouver un petit produit qui est «cretons maison», je ne sais pas trop, là. Mais est-ce que ça voudrait dire que, par exemple, un producteur quasiment, presque semi-industriel, je ne sais pas trop, ou industrialisé, qui aurait des produits maison fabriqués par l'entreprise ne pourrait pas les vendre? Il faudrait que les produits maison soient des produits fabriqués à la maison par la madame qui fait des petites confitures aux fraises? Ça va être confus assez, vous ne trouvez pas? Je ne sais pas, j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, Mme Jean ou Mme Fiset.

Mme Fiset (Josée): Josée Fiset.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y.

Mme Fiset (Josée): Écoutez, chez nous, on utilise l'appellation «produit maison» parce qu'on ressentait le besoin que le consommateur sache que l'on fait tous nos produits, on fabrique tous les produits que l'on vend à 95 %. C'est nos chocolatiers qui sous-traitent nos chocolats et notre fermier qui sous-traite nos confitures.

M. Arseneau: Je suis certain que c'est très bon, Mme la Présidente.

Mme Fiset (Josée): Alors, pour nous, l'appellation «maison», c'est sûr que je mets «cretons maison», que je mets «sauce maison» partout où je peux le mettre pour que les gens sachent que ce n'est pas commercial, c'est nous qui le fabriquons.

Maintenant, comment peut-on protéger l'appellation «maison» dans l'industrie? C'est évident que, moi, en tant que consommateur, quand je vais chez IGA, et que je vois une sauce à spaghetti sur les tablettes, et que je vois «produit maison», et que je sais que ce n'est pas IGA qui l'a faite, que ça a été distribué, ça n'a aucune crédibilité pour moi, aucune. Parce qu'un produit maison, c'est quelque chose qui est fait sur place, là où on le vend. C'est petit, c'est artisan aussi, alors. Moi, est-ce que je peux vous poser une question?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'habitude...

M. Arseneau: Bien, en principe, c'est l'inverse, Mme Fiset.

Mme Fiset (Josée): Je n'ai pas le droit, hein? O.K.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Fiset, on vous pose les questions.

Mme Fiset (Josée): D'accord.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Vous donnez les réponses.

M. Arseneau: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, M. le député a encore une question?

Mme Fiset (Josée): ...je ne suis pas habituée à ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Allez-y donc.

M. Arseneau: Non, mais ça peut toujours s'organiser, Mme la Présidente. En fait, vous pouvez toujours poser votre question en me répondant. Puis, si Mme la Présidente veut que j'y réponde, ça va. Mais essentiellement je pense que vous avez très bien répondu quand même à ma préoccupation, en disant: Ça n'a aucune crédibilité. Alors, je pense que l'objectif du gouvernement, l'objectif du ministre, c'est de faire en sorte de faire le ménage dans toutes ces appellations, dans tout ce fouillis. On l'a fait dans le biologique. L'objectif, je crois, est d'aller plus loin, à moins que je me trompe.

Alors, je pense que votre contribution n'est pas inintéressante aujourd'hui, je pense qu'on campe les choses. Vous avez eu des questionnements très pertinents aussi. À la page 5, vous dites: «Comment le ministère s'assurera-t-il de l'authenticité des produits détenant une appellation ou portant une mention lorsqu'ils seront servis dans les restaurants ou autres services alimentaires?» C'est une préoccupation, ça, que vous nous apportez. J'aimerais vous entendre aussi là-dessus.

Mme Jean (Christine): Ça, bon, c'est une question qu'on...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Mme Jean.

n(18 h 20)n

Mme Jean (Christine): Mme Jean. C'est une question qu'on s'est posée parce qu'évidemment on s'est dit qu'à partir du moment où ? on avait en tête le veau de Charlevoix ? à partir du moment où ce produit-là allait être servi dans les restaurants, qui allait pouvoir en faire la preuve? Le consommateur, entre le consommateur et l'emballage, là... Le consommateur reçoit sa pièce de viande dans son assiette. Alors, qu'est-ce qui pourra lui prouver qu'effectivement c'est un veau de Charlevoix? C'est une problématique qu'on expose et que, comme... On parlait de la confusion avec les consommateurs. On ne prétend pas apporter la solution. On dit que, oui, ce que vous proposez est cohérent, mais ça peut apporter d'autres problèmes, comme une confusion chez le consommateur, par exemple.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Très bien. M. le député.

M. Arseneau: Bon, alors, votre recommandation de la page 6: «Nous croyons qu'il est essentiel que les organismes existants soient mis à contribution dans la mise en place du projet de loi.» Mais je suppose que... «Le Conseil d'accréditation dans son rôle d'organisme[...]. Les organismes des certifications existants accrédités par le Conseil d'accréditation...» C'est quoi? Vous proposez pour le... Parce que le projet de loi, il va être adopté. Vous voulez parler de la réglementation, ou de l'application, ou vous voulez...

Mme Jean (Christine): C'est à la page 5?

M. Arseneau: À la page 6, en fait dans ce que j'ai, moi. Aliments Québec, vous parlez de son rôle de promotion des aliments. À moins que je me trompe, Mme la Présidente, mais il s'agit de la page 6, hein?

La Présidente (Mme Houda-Pepin): La page 6.

Mme Jean (Christine): À la page 6? O.K. Alors, la section qui...

Une voix: ...

M. Arseneau: Bien, alors comment vous voyez ça? C'est parce que, là, le projet de loi... Le ministre en fait devrait très, très prochainement nous apporter des amendements substantiels à son projet de loi, je ne sais pas ce sera dans quel sens, mais après ça on va l'adopter. Mais là vous demandez que «les organismes existants soient mis à contribution dans la mise en place du projet de loi». En fait, ce que vous recommandez, c'est, comme par exemple, le Conseil d'accréditation, qu'on lui donne un rôle accru, je suppose, ou encore qu'on donne un rôle accru à Aliments Québec pour faire la promotion des produits du Québec. Ça doit être ça que vous entendez par cette recommandation-là.

Mme Jean (Christine): Je vais laisser la parole à Mme Cloutier.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors donc, c'est Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Sylvie): À titre de présidente du CTAC ou d'Aliments du Québec, d'abord je voulais vous rassurer sur les confusions qu'il peut y avoir actuellement avec le logo Aliments du Québec. Comme vous le savez sans doute, on travaille actuellement sur des déclinaisons. Donc, il y a le logo qui est Aliments du Québec qui répond à certains critères, et on travaille sur une déclinaison qui s'appelle «aliments préparés au Québec» donc qui va couvrir et répondre aux questions, là, évidemment d'intrants qui ne proviennent pas du Québec mais qui sont quand même transformés ici.

On voit effectivement un rôle à jouer pour Aliments du Québec avec la promotion et surtout au niveau de l'identification des produits, du terroir ou autres. On regarde actuellement à travailler sur des déclinaisons qui pourraient couvrir ces aspects-là, et on pense qu'Aliments du Québec a la crédibilité, est déjà reconnu auprès du consommateur et qu'il pourrait jouer un rôle important au niveau justement des logos, que ce soit «du terroir», «artisan», etc. On pense qu'Aliments du Québec peut certainement gérer cette partie-là, travailler avec vous sur la gestion de ça.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup. Alors, cela termine, pour le temps. Merci beaucoup, Mme Cloutier, Mme Jean, Mme Fiset, pour la présentation que vous nous avez faite, puis la collaboration du Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation. Merci de votre collaboration.

Des voix: Merci.

Remarques finales

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Alors, on reprend. Alors, avec la présentation du Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation, on termine la partie des auditions et on entame maintenant les remarques finales. Pour ce faire, j'ai besoin de votre consentement pour prolonger au-delà du temps alloué de 18 h 30. Est-ce que j'ai votre consentement pour terminer les remarques finales?

M. Arseneau: Est-ce qu'on peut s'entendre sur...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Oui, oui, j'arrive à ça.

M. Arseneau: D'accord.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Est-ce qu'on s'entend sur la prolongation?

M. Arseneau: Oui.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): D'accord. Deuxièmement, est-ce qu'on s'entend que les remarques finales doivent être de 10 minutes pour l'opposition officielle, 10 minutes pour le gouvernement et deux minutes pour les députés indépendants? Est-ce que j'ai votre consentement? Très bien.

Alors, je commence par vous, M. le député de Beauce-Nord, pour les remarques finales, pour 10 minutes... deux minutes, pardon, excusez-moi. Et je vais être très stricte là-dessus. Deux minutes.

M. Janvier Grondin

M. Grondin: Ça ne prendra peut-être pas deux minutes. Mais, écoutez, moi, ce projet de loi là, en écoutant tous les intervenants qui sont passés dans les trois jours, on peut remarquer que, dans le système qu'on est actuellement, on a des problèmes. Moi, j'écoutais le président de l'UPA, quand il est venu ici, qui nous a parlé de nos concombres qui étaient de l'Inde, qui sont embouteillés ici, au Québec, puis on met «Aliments du Québec» dessus. Ça met tous les clients, si vous voulez... ce n'est pas du mensonge, là, mais on met le monde en erreur. Et puis je pense que le projet de loi qu'on est en train de vouloir faire...

Là, on a parlé des mots «du terroir», «paysan». Je pense qu'on a un bout de chemin à faire là-dedans. Mais on a un ménage à faire, à l'heure actuelle, dans les produits qui sont présentement sur les tablettes, on a un gros ménage à faire. Moi, je pense que, sur le bocal, quand on dit «produit du Québec», il devrait être fait au Québec par... On devrait être très strict là-dessus. Je n'ai rien contre les importations, parce qu'on veut exporter, alors automatiquement il faut importer. Mais que nos produits ici, que nos agriculteurs qui font des produits... qu'ils soient bien identifiés pour que le consommateur ait le choix de prendre un produit du Québec.

Moi, je l'ai apporté, le but des produits du terroir, qui est très, d'après moi, à mon sens, qui serait fantastique pour l'occupation du territoire. Dans nos municipalités qui sont un peu laissées aller, il y a plusieurs petites fermes qui pourraient très bien servir à faire des produits. Peut-être que ça commencerait tranquillement, peut-être que ça resterait toujours petit, mais ça occuperait le territoire, ça occuperait nos écoles, ça occuperait nos municipalités. Et en même temps, bien, vous savez, quand le territoire est occupé, c'est beau. On a des beaux paysages, dans la Beauce, par chez nous...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci.

M. Grondin: ...et pas juste là.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup.

M. Grondin: C'est déjà fini? Bon.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci. Je suis désolée. Mais c'est très intéressant. M. le député des Îles-de-la-Madeleine et critique de l'opposition officielle en matière d'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation.

M. Arseneau: Merci beaucoup, madame...

La Présidente (Mme Houda-Pepin): 10 minutes.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vais certainement m'en tenir à l'intérieur du temps que vous m'allouez, là. Je pense que ça a été extrêmement intéressant que l'ensemble des auditions qu'on a eues avec les groupes qui sont venus devant la commission, Mme la Présidente. Et je me disais à moi-même, il y a quelques instants: Il est peut-être temps aussi que finalement ça se termine parce que j'avais l'impression que j'étais en train de défendre intégralement le projet de loi. Alors, je me suis dit: Ça suffit.

Écoutez, Mme la Présidente, je vais faire quelque chose. Je vous ai parlé du groupe, de la Fédération d'agriculture biologique du Québec, qui a fait ses recommandations à l'UPA, qui sont venus nous voir. Et on a rencontré les gens de la Filière biologique aussi, aujourd'hui, c'était extrêmement intéressant. Et j'avais lu aussi le mémoire de la Fédération d'agriculture biologique du Québec et je trouvais tellement qu'il était bien fait, simple, clair et qu'il résumait la situation que j'aurais comme le goût de l'utiliser pour résumer, je pense, ce dont on a besoin pour améliorer ce projet de loi.

Ils disent: «Créer deux systèmes différents risque d'amener encore plus de confusion auprès des consommateurs. [...]La [fédération biologique] doute également que le projet proposé pour encadrer l'appellation fermière et artisanale puisse être reconnu ailleurs, puisqu'il n'offre aucune garantie suffisante.» Ils disent aussi: «La définition des nouvelles appellations doit se faire en conformité avec les exigences internationales ? labels agricoles, certifications de conformité [...] ?  comme ce fut le cas lors de la naissance de l'appellation biologique. Le secteur biologique vit en ce moment des problèmes importants avec le fait que le système de certification volontaire proposé par le Canada a été rejeté par la Commission européenne...» Donc, on peut exporter ? comme le Tournevent ? aux États-Unis 33 % de la production, mais pas en Europe parce que le système canadien n'est pas reconnu encore sur le marché européen.

n(18 h 30)n

Alors, ils nous disent aussi, Mme la Présidente: «L'appellation biologique québécoise a reçu d'ailleurs la reconnaissance...» Bon, ils parlent du fait qu'on doit utiliser plus l'expérience et l'expertise qu'il y a, par exemple, au Conseil d'accréditation agroalimentaire du Québec. Ils recommandent aussi d'investir davantage. Donc, je trouvais que ça résumait essentiellement ce qu'on attend du ministre en regard des amendements.

Je dirai: Le gouvernement doit abandonner son règlement prévoyant la certification volontaire sans remplir les cahiers de charges. Le gouvernement doit accorder un soutien et une aide financière accrus aux producteurs pour le cheminement vers la certification. Il faut aider ceux qui ont des problèmes à cheminer dans ce système. Le Conseil d'accréditation, plutôt que le CQIASA, enfin, doit s'occuper de l'accréditation et surtout de la certification des produits, donc déployer des efforts accrus pour informer, éduquer à propos de la loi, à propos des logos d'Aliments Québec, introduire les boissons alcoolisées dans la liste des produits visés par la loi. Il faut donner davantage de dents au Conseil d'accréditation agroalimentaire du Québec. Il faudrait nous assurer d'une certaine réciprocité ou conformité entre les définitions des appellations réservées québécoises et étrangères.

Alors, Mme la Présidente, je ne serai pas beaucoup plus long que ça, en disant que je suis très heureux parce qu'on avait convenu, avec le député de Richmond, qu'on travaillerait à faire en sorte que le projet de loi aille de l'avant pour bonifier les outils à la disposition des producteurs et des agriculteurs du Québec, et je suis heureux parce que le ministre a laissé entendre que son projet de loi, il est perfectible, qu'il pourrait le bonifier. Et ce que nous lui disons, tout comme la majorité des intervenants dans les consultations publiques, c'est qu'il faut apporter des modifications substantielles au projet de loi. Et nous allons attendre le dépôt des amendements avec beaucoup de joie et beaucoup de plaisir parce que, comme l'a dit le député de Beauce-Nord, il faut aller de l'avant.

Mme la Présidente, il me reste à remercier tous les collègues, d'abord le personnel... et vous, Mme la Présidente, et le personnel de la commission, pour le soutien que vous nous apportez à chaque fois. Je veux remercier l'ensemble des collègues qui sont autour de la table, des deux côtés de cette table, mais en particulier mon collègue le député de Saint-Hyacinthe, qui porte toujours une très grande attention aux questions agricoles, de même que ma collègue la députée de Deux-Montagnes. Et je vous dis à la prochaine, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Alors, du côté du gouvernement, M. le ministre, vous avez 10 minutes pour vos remarques finales.

M. Laurent Lessard

M. Lessard: Merci, Mme la Présidente. Donc, en guise de préambule, j'aimerais saluer mon collègue et ami, Yvon Vallières, qui a présenté ce projet de loi, et lui souhaiter un prompt rétablissement. Parce qu'en fait vous comprendrez bien que je le remplace. Mais, tout au long de la démarche, Mme la Présidente, j'ai quand même respecté l'esprit qui a présidé à son élaboration.

Pendant les trois jours d'auditions devant la commission, j'ai écouté attentivement tous ceux et celles qui ont exprimé le désir de faire connaître leur position relativement au projet de loi n° 113, Loi modifiant la Loi sur les appellations réservées, ainsi que le plan d'action qui accompagne aussi et dans lequel s'inscrit... Quand même 20 mémoires que nous avons reçus reflètent bien l'intérêt du milieu pour la reconnaissance des produits régionaux et les produits de niche, plus particulièrement pour les appellations réservées. Tous les mémoires ainsi que les commentaires plus particuliers présentés en commission seront d'une grande utilité pour la suite des choses.

Au cours de cette commission parlementaire, nous avons reçu des représentants de divers maillons de la chaîne: artisans, représentants de producteurs agricoles, transformateurs, détaillants, distributeurs, ainsi que des personnes responsables de la certification, de l'accréditation. En règle générale, j'ai pu constater que le projet de loi n° 113 a été reçu avec intérêt par les divers intervenants que nous avons entendus au cours de ces jours d'auditions et je m'en réjouis. En fait, nous nous entendons tous sur la nécessité de mieux encadrer la mise en marché des produits régionaux et produits de niche de façon à stimuler le développement de ce secteur tout en garantissant aux consommateurs l'authenticité de ces produits.

Toutefois, un message clair et presque unanime touche au moins un aspect: les groupes entendus souhaitent que l'encadrement des mentions «fermier» et «artisanal» soit fait en vertu de la Loi sur les appellations réservées. Autrement dit, on ne veut pas de loi différente et de deux moyens pour encadrer ces mentions. Plusieurs intervenants craignent que cette méthode sème la confusion chez les consommateurs.

Certains souhaitent aussi voir le contrôle des appellations réservées placé sous la responsabilité d'un seul organisme constitué à partir du Conseil des appellations agroalimentaires du Québec. Selon ces derniers, cette formule aurait l'avantage de mettre à profit les ressources déjà existantes, l'expertise aussi acquise au cours des dernières années dans le secteur biologique. Qui plus est, plusieurs interventions préconisaient l'augmentation des pouvoirs d'inspection et de contrôle de ce conseil. Il a également été suggéré d'utiliser des outils mis à notre disposition par Aliments du Québec. Plusieurs questions ont été soulevées relativement aux importations et exportations ainsi qu'au financement des appellations réservées.

Vous pouvez être rassurée, Mme la Présidente, que j'ai bien pris note des demandes et des recommandations formulées au cours des auditions. Je devrai les considérer dans leur ensemble tout en évaluant leurs implications et leurs conséquences qu'elles auront par rapport à l'objectif visé, tel que le mentionnait le député des Îles. Il m'apparaît important de revenir à cet objectif, c'est-à-dire assurer aux consommateurs l'authenticité de ces produits, mais aussi donner aux entreprises des moyens de se tailler une plus grande place au sein de l'industrie agroalimentaire en obtenant la reconnaissance du caractère distinctif de leurs produits, tel que l'a martelé mon collègue de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

Je crois fermement au développement des produits régionaux et des produits de niche qui, je le rappelle, représentent un marché potentiel estimé à près de 1 milliard de dollars. Les recommandations que j'ai reçues me permettront de soumettre une nouvelle proposition en mesure de rallier le plus grand nombre d'acteurs touchés par l'encadrement des mentions «fermier» et «artisanal».

Ces auditions auront également été l'occasion de dissiper certains malentendus. En effet, nous avons éclairci les dispositions selon lesquelles la Loi sur les appellations réservées permet, Mme la Présidente, déjà la reconnaissance d'une appellation pour les boissons alcooliques, et ce, sans aucune modification législative. Ainsi, le cidre de glace ou une liqueur de spécialité pourrait se voir attribuer une appellation réservée.

Le gouvernement maintient le cap, ce qui consiste donc à offrir un cadre adéquat aux entreprises dans leurs démarches pour la reconnaissance et la valorisation de leurs produits. J'estime également qu'il est de la responsabilité du gouvernement d'offir aux consommateurs toute l'information nécessaire à propos de la reconnaissance des mentions garantissant l'authenticité des produits régionaux et des produits de niche.

J'aimerais enfin profiter de l'occasion pour remercier toutes les personnes qui ont collaboré à la préparation et à la tenue de cette commission parlementaire, tout votre personnel, celles et ceux qui ont collaboré à la préparation du plan d'action pour la mise en valeur des produits régionaux et des produits de niche, à l'intérieur duquel s'insère le projet de loi n° 113, qui sont ici.

Mme la Présidente, je vous exprime également ma gratitude, ainsi qu'aux députés du gouvernement, donc mes collègues de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, Portneuf et Montmagny, qui ont participé à cette commission et apporté une forte contribution. Les questions qu'ils ont soulevées ont permis de progresser dans la compréhension des enjeux liés à ce projet de loi.

J'adresse un merci particulier à tous les groupes, toutes les personnes qui ont pris le temps de nous apporter leur réflexion. Soyez assurés que nous en tiendrons compte au cours... que nous en tiendrons compte au cours des prochaines étapes menant à l'adoption ? ça doit être la fatique, Mme la Présidente ? par l'Assemblée nationale d'une loi sur les appellations réservées plus moderne, plus efficace, en mesure de stimuler plus adéquatement le développement des entreprises.

Ainsi, je vous remercie, Mme la Présidente. Je veux saluer mon collègue aussi, qui a apporté une bonne collaboration, il défendait même le projet de loi, avec ses modifications, le député de Saint-Hyacinthe et le député de Beauce-Nord aussi. Alors, merci beaucoup à toute l'équipe. Et on se dit à la prochaine. Et bonne fin de journée.

Mémoires déposés

La Présidente (Mme Houda-Pepin): Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, la commission a reçu trois mémoires qui n'ont pas fait l'objet des auditions, donc je vous les dépose pour les rendre publics. Il s'agit du mémoire de M. André Fouillet, le mémoire de la Fédération d'agriculture biologique du Québec et le mémoire de GarantieBio-Ecocert.

Alors, ceci termine nos travaux. Je voudrais également, en votre nom à tous, saluer notre collègue Yvon Vallières, lui souhaiter un prompt rétablissement et lui dire qu'on tient le fort et qu'on espère qu'il se rétablisse rapidement pour qu'il revienne parmi nous. Je sais que ce projet de loi lui tenait beaucoup à coeur. Et je salue le ministre qui, à pied levé, a bien défendu ce projet de loi. Je salue aussi l'esprit de collaboration qui règne dans nos travaux, des deux côtés de la Chambre. Je vous remercie infiniment.

Et donc, la commission ayant terminé ses travaux, j'ajourne sine die.

(Fin de la séance à 18 h 39)


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